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1 Le jeudi 20 mai 2004
2 [Conférence de mise en état]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 07.
6 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Bonjour, mesdames et
7 messieurs. Nous sommes réunis ici pour encore une Conférence de mise en
8 état dans l'affaire de M. Martic.
9 Madame la Greffière d'audience, est-ce que pourriez citer le numéro de
10 l'affaire, s'il vous plaît.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-95-11-PT, le
12 Procureur contre Milan Martic.
13 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Les parties peuvent-elles se
14 présenter.
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Le
16 Procureur est représenté par Marc McKeon et moi, Hildegard Uertz-Retzlaff.
17 Nous avons nous, également, Mme Lakshmie Walpita.
18 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci beaucoup. Je reçois
19 l'interprétation en français. Il serait plus facile pour moi de la recevoir
20 en anglais.
21 La Défense.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis
23 Predrag Milovancevic. Je représente Milan Martic avec mon co-conseil de la
24 Défense, l'avocat de Belgrade, M. Vuk Sekulic.
25 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci.
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1 Monsieur Martic, s'il vous plaît, comprenez-vous ce qui est dit dans ce
2 prétoire dans une langue que vous comprenez entièrement ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Très bien, veuillez vous asseoir,
5 s'il vous plaît.
6 Mesdames et messieurs, nous avons à traiter d'un certain nombre de
7 problèmes aujourd'hui ici. Tout d'abord, puisque le bureau du Procureur a
8 déjà soumis son mémoire préalable au procès le 7 mai, nous allons
9 maintenant fixer le moment où la Défense devra présenter son mémoire
10 préalable au procès. Maître Milovancevic, je suppose que vous avez déjà
11 reçu le message qui vous a été transmis, et que votre mémoire préalable au
12 procès sera prêt le moment venu, le moment voulu. J'ajouterais qu'il ne
13 faudrait pas que ceci soit présenté plus tard que trois semaines après le
14 mémoire préalable.
15 En principe, je souhaite savoir si votre mémoire préalable au procès sera
16 prêt pour la première moitié du mois de septembre. J'ai pris note du fait
17 que vous avez rencontré un certain nombre de problèmes lorsque vous avez
18 souhaité obtenir quelques documents de la part du gouvernement croate et
19 d'autres sources. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la
20 situation en ce qui concerne ces faits, s'il vous plaît ?
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai compris votre question, Monsieur le
22 Président. Je vais vous répondre au plus vite. L'attitude de la Défense, en
23 ce qui concerne son aptitude de répondre au mémoire préalable au procès du
24 Procureur soumis conformément à
25 l'Article 65 ter est définie dans le Règlement de procédure et de preuve et
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1 le statut. La réponse de la Défense en ce qui concerne le respect des
2 délais, concerne trois moments importants que je vais vous présenter
3 brièvement avec votre permission, Monsieur le Président.
4 Tout d'abord, nous avons l'application de l'Article 21 du statut, qui
5 prévoit un certain nombre de garanties minimes concernant les délais et les
6 moyens lui permettant à se préparer à sa défense. Compte tenu des raisons
7 que j'ai déjà mentionnées dans le cadre de la Conférence de mise en état en
8 janvier, que je vais répéter rapidement maintenant, le Greffe ne cesse
9 d'insister en ce qui concerne l'affaire Martic, de la maintenir au deuxième
10 niveau.
11 M. Martic est accusé de sa participation à l'entreprise criminelle commune.
12 Le Procureur, lui-même, affirme qu'il a joué un rôle-clé dans cela pendant
13 cinq ans. Dans l'acte d'accusation, il est dit qu'il a agi sur le
14 territoire de deux états; la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, donc les
15 anciennes républiques de l'ex-RSFY. Egalement, compte tenu de l'affirmation
16 contenue dans l'acte d'accusation selon laquelle M. Martic agissait avec un
17 grand nombre d'autres participants à cette dite entreprise criminelle
18 commune, y compris M. Milosevic dans l'affaire, a une ampleur qui est
19 connue de la part de cette Chambre. Egalement compte tenu du fait que M.
20 Martic est accusé de la participation à l'entreprise criminelle commune
21 avec au moins 11 autres personnes accusées devant ce Tribunal. Compte tenu
22 tous ces faits, la Défense n'arrive pas à comprendre les raisons évoquées
23 par le Greffe qui dit qu'il s'agit là du niveau 2 de la complexité de cette
24 affaire. La conséquence directe de cela, est que le Greffe a informé la
25 Défense qu'à partir du mois de février, les assistants et les enquêteurs ne
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1 disposaient plus de moyens de travail, et qu'en ce qui concerne le conseil
2 principal et le co-conseil, ils n'allaient plus avoir de moyens à partir du
3 mois de mars de cette année. La première question qui se pose en ce qui
4 concerne la préparation de la réponse au mémoire préalable du Procureur, en
5 ce qui concerne le reste de l'enquête qui a été menée par l'équipe de la
6 Défense de M. Martic, dans le cadre de tout cela, il faut tout d'abord
7 prendre une décision en ce qui concerne le niveau de l'affaire.
8 Compte tenu du fait que l'équipe de la Défense a déployé tous les efforts
9 et a eu recours à tous les remèdes possibles en s'adressant au Greffe, la
10 Défense a soumis une requête urgente à la Chambre de première instance, le
11 29 avril, pour que ceci soit résolu. Une affaire aussi importante et aussi
12 complexe devrait bénéficier du niveau 3. Les faits sont tels que je viens
13 de les énoncer, Monsieur le Président. C'est la première chose. La Défense
14 s'attend à ce que la Chambre de première instance comprenne le besoin qu'a
15 M. Martic pour pouvoir continuer à travailler, à se préparer. La Défense
16 espère que la Chambre de première instance lui permettra de poursuivre ses
17 travaux en enjoignant le Greffe d'attribuer le
18 niveau 3 à cette affaire qui est le seul niveau approprié.
19 Cela dit, toute cette situation concerne une circonstance qui est bien
20 connue de la part de la Chambre de première instance et de la part de vous-
21 même, Monsieur le Juge, à savoir que la Défense a accepté de faire un gros
22 travail à la place du Procureur en traitant les documents non sélectionnés
23 qu'elle a passé dix mois à faire cela, et qu'elle a ainsi économisé
24 énormément de temps au bureau du Procureur qui aurait eu besoin, selon ses
25 propres dires, de deux, trois ans afin de faire cela. Il n'est pas du tout
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1 possible de dire que la Défense n'a pas utilisé ses ressources de manière
2 rationnelle, mais qu'elle a fait état du gaspillage. Au contraire, la
3 Défense s'attend à ce que, compte tenu de tout cela, même la Chambre de
4 première instance attribuera à cette affaire le niveau approprié qui est le
5 niveau 3.
6 Deuxièmement, en ce qui concerne le délai dont a besoin la Défense pour
7 répondre au mémoire préalable au procès, je souhaite dire que l'ensemble de
8 ce mémoire, la Défense l'a reçu le 14 mai de cette année. Ce mémoire
9 contient 47 pages de texte et trois annexes : L'Annexe A qui concerne les
10 questions qui ne sont pas contestées parmi les deux parties. Cette annexe
11 contient trois pages. L'Annexe B qui contient la liste des témoins qui
12 seront entendus par le bureau du Procureur. Cette annexe contient au total,
13 122 pages. L'Annexe C qui contient la liste des éléments de preuve
14 conformément à
15 l'Article 65 ter; éléments de preuve qui seront soumis par le bureau du
16 Procureur au cours du procès. Cette annexe contient au total
17 219 pages. Au fond, Monsieur le Président, le mémoire du Procureur contient
18 391 pages sans compter la liste des sources en annexe du mémoire préalable
19 au procès du Procureur qui contient 13 pages.
20 Je souhaite souligner un autre point avec son mémoire préalable au procès,
21 le Procureur nous a présenté un grand nombre de CD contenant des documents
22 que le Procureur souhaite présenter lors du procès. De ce point de vue-là,
23 nous pouvons dire que le mémoire préalable au procès du Procureur, dans son
24 intégralité contient
25 1 640 pages entièrement nouvelles conformément à
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1 l'Article 66(A)(ii). Là, il s'agit des documents absolument nouveaux.
2 S'agissant des documents absolument nouveaux, nous avons
3 12 335 pages de documents qui seront présentés par le Procureur par écrit.
4 Il s'agit au total de 13 900 pages de documents qui n'ont pas encore été
5 communiqués à la Défense, que la Défense n'a pas encore lus et concernant
6 lesquels la Défense a l'obligation et le pouvoir d'être au courant pour
7 pouvoir répondre conformément à
8 l'Article 65 ter. Car en vertu de cet article, il est stipulé que la
9 Défense doit répondre à tous ces documents contenus dans le mémoire
10 préalable au procès du Procureur.
11 Il faut ajouter que dans sa forme définitive, le mémoire préalable au
12 procès contient également 13 CD vidéo avec des vidéos séquences que la
13 Défense doit visionner également. Rien que pour se familiariser avec tous
14 ces nouveaux documents, selon les calculs permis par le Greffe, il est
15 nécessaire de bénéficier de 1 300 heures si l'on part de la base qu'il faut
16 une heure pour analyser 60 documents.
17 Le point suivant devrait nous aider à définir le temps nécessaire pour la
18 Défense afin de préparer son mémoire préalable au procès. Ceci est lié à la
19 communication de la part du gouvernement croate. Nous avons déjà parlé de
20 cela en janvier lors de notre Conférence de mise en état, et nous en avons
21 parlé avec le juriste de la Chambre et le Procureur en avril de cette
22 année. La Défense a accepté le conseil de vous, Monsieur le Juge, indiquant
23 qu'il faudrait donner un délai supplémentaire au gouvernement nouvellement
24 élu croate pour qu'il puisse se préparer. A la mi-février de cette année,
25 la Défense a envoyé au gouvernement croate une quatrième lettre dans
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1 laquelle elle a averti le gouvernement de l'obligation qu'il a de
2 communiquer à la Défense les documents requis. Dans cette lettre, la
3 Défense a rappelé quels étaient les documents qui avaient déjà fait l'objet
4 d'autres demandes, et les documents supplémentaires qui lui était
5 nécessaire. A ce jour, Monsieur le Juge, nous n'avons reçu aucune réponse.
6 Je souhaite également ajouter qu'en ce qui concerne ce genre d'allégation
7 et ce niveau d'affaire, il s'agit de l'acte d'accusation pour participation
8 à ladite entreprise criminelle commune. La Défense ne peut même pas
9 préparer cela sans avoir les documents qu'elle a requis auprès du
10 gouvernement croate. C'est tout ce que je souhaite dire pour le moment
11 concernant cette question-là.
12 Le troisième point important qui pourrait nous aider à déterminer dans quel
13 délai la Défense pourrait remplir ses obligations, est lié à la
14 communication en vertu de l'Article 68 de la part du Procureur. En ce qui
15 concerne cette communication-là, le Procureur l'a fait et continue de le
16 faire selon les critères qu'il a établis lui-même dans l'affaire Milosevic,
17 c'est-à-dire, il y a un an.
18 Monsieur le Président, nous vous avons informé du fait que le Procureur
19 nous a remis un grand nombre de documents concernant ces critères-là. Il
20 s'agit de plus de 400 000 pages. Cela dit, ces pages-là n'étaient pas
21 triées. La Défense a procédé elle-même au tri de ces documents; c'est ce
22 que nous avons déjà dit. Cette communication de la part du Procureur se
23 fait de manière continue jusqu'à ce jour. Afin de comprendre la position de
24 la Défense, ce que je vais dire maintenant est très important, Monsieur le
25 Président, à savoir qu'après le tri de ces documents que le Procureur nous
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1 a communiqués en vertu de l'Article 68, et après que la Défense a établi
2 quels étaient les éléments importants pour nous dans ces documents, la
3 Défense a suivi le rythme auquel elle recevait les documents. Elle a
4 procédé au triage de ces mêmes documents. Par la suite, elle transmettait
5 des requêtes au gouvernement croate concernant les documents que nous
6 n'avons pas reçus de la part du Procureur en vertu de l'Article 68. Ces
7 documents correspondent aux documents qui doivent être communiqués à la
8 Défense selon les critères fixés par le Procureur lui-même dans cette même
9 lettre que je vous ai mentionnée du mois de mai de l'année dernière.
10 La Défense, à quatre reprises jusqu'à présent, en août de l'année dernière,
11 le 20 août le 8 octobre, le 27 décembre et en février s'est adressé au
12 gouvernement croate afin d'obtenir ces documents importants, mais nous
13 n'avons pas reçu de réponse. Cependant, sur la base des contacts que nous
14 avons eus entre-temps, afin de faire en sorte que le Procureur nous aide à
15 obtenir ces documents, il s'agissait de la réunion en vertu de l'Article 65
16 ter qui a eu lieu en avril de cette année, la Défense a constaté que le
17 Procureur possède un certain nombre de ces documents qui sont d'une
18 importance cruciale pour nous, et que ces documents-là ne pouvaient pas
19 nous être communiqués soit parce qu'elle considérait que ces documents-là
20 n'étaient pas pertinents pour nous, ou parce qu'elle considérait qu'un
21 certain nombre de ces documents étaient de nature confidentielle, ou parce
22 que des enquêtes concernant un certain nombre de ces documents étaient en
23 cours. Selon le Procureur, ceci risquait de porter préjudice à la suite de
24 ces enquêtes.
25 La dernière raison évoquée par le Procureur pour expliquer les raisons pour
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1 lesquelles ils n'ont pas communiqué ces documents, est contenue dans les
2 documents du Procureur expliquant qu'il s'agit d'un grand nombre de
3 documents éparpillés dans plusieurs séries de documents possédés par le
4 Procureur, et que le Procureur aurait besoin d'énormément de temps pour
5 effectuer cela. Aucune de ces raisons évoquées par le Procureur dans sa
6 lettre du 27 avril de cette année, ne représente une raison reconnue par le
7 règlement pour permettre au Procureur de ne pas s'acquitter de son devoir
8 en vertu de l'Article 68. Certains de ces documents sont peut-être plus
9 importants pour le travail du Procureur que les autres et le Procureur peut
10 s'adresser à la Chambre de première instance afin de poser une question
11 concernant le respect des règles du règlement.
12 De toute façon, je souhaite soulever un autre point. En janvier, la Défense
13 a informé le Procureur que toutes les pièces jointes, dans cette affaire,
14 dans l'affaire concernant les généraux Gotovina, Markac et Cermak, qui sont
15 accusés de participation à l'entreprise criminelle commune du côté croate,
16 qui a visé à expulser la population serbe de la Krajina, conformément à
17 l'acte d'accusation, en expulsant les centaines de milliers de Serbes, sont
18 pertinents. Toutes les pièces jointes à cet acte d'accusation, compte tenu
19 du fait qu'elles concernent le territoire de la Croatie et les zones, les
20 régions dans lesquelles, selon le Procureur, M. Martic était actif, compte
21 tenu du fait qu'il concerne la même période au cours de laquelle M. Martic
22 était actif, sont les éléments à décharge, selon la Défense, en vertu de
23 l'Article 68, sans aucun doute.
24 Le Procureur, dans le paragraphe 2 de l'acte d'accusation contre les
25 généraux Gotovina, Markac et Cermak, indique qu'il s'agit là d'une
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1 entreprise criminelle commune à laquelle a participé également le président
2 de la République de Croatie, M. Tudjman. Il parle non seulement de
3 l'opération Tempête, qui a eu lieu du 4 août jusqu'à la mi-novembre, selon
4 le Procureur, mais dans les paragraphes 50, 51, 52 du même acte
5 d'accusation, il dit que les leaders croates ont planifié cela bien avant
6 1992 puisqu' avant 1992, les zones contrôlées par l'UNPA et les zones
7 roses, liées au plan Vance-Owen, devaient être conquises par le biais des
8 opérations armées. Ceci est énoncé dans l'acte d'accusation par le
9 Procureur qui indique que ceci a été fait au plateau de Miljevatcki en
10 1992, ensuite en janvier 1993, à Maslenica, ensuite à Medacki Dzep en
11 septembre 1993, avec l'opération Eclair en mai 1995, qui est directement
12 liée à notre acte d'accusation, l'opération Eclair.
13 Le Procureur a également dressé l'acte d'accusation contre Jadranko Prlic
14 et Janko Bobetko et un autre membre de leader croate qui ont participé avec
15 M. le président, Franjo Tudjman dans le but de créer la Grande Croatie. Ces
16 activités se sont déroulées à partir du 18 novembre 1991 jusqu'en avril
17 1994, et peut-être même plus tard.
18 Malgré tous les efforts déployés afin de comprendre le point de vue du
19 Procureur concernant ces documents qui ne semblent pas pertinents pour la
20 Défense en vertu de l'Article 68, et avec tout le respect pour l'attitude
21 des collègues de l'accusé, la Défense considère que ce qui s'est déroulé
22 sur le territoire de la Croatie et de la Bosnie, au cours de la même
23 période, avec d'autres participants, les activités qui se sont déroulées au
24 cours de cette même période, qui concernent M. Martic, constituent les
25 éléments à décharge en vertu de l'Article 68. Ceci pourrait d'ailleurs
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1 aider la Défense à rejeter l'affirmation du Procureur qu'il s'agit de
2 l'entreprise criminelle commune.
3 C'est la raison pour laquelle la Défense estime que la communication de ces
4 pièces est une obligation à laquelle doit se conformer l'Accusation. Elle
5 ne peut pas ne pas le faire et qu'en ne communiquant pas ces pièces,
6 l'Accusation a violé ses non droits.
7 La Défense estime que la Chambre doit ordonner à l'Accusation de
8 communiquer l'ensemble des documents pertinents, et en particulier, les
9 documents à décharge qui sont particulièrement pertinents pour Prlic et
10 pour les trois généraux croates, à savoir, Gotovina, Cermak et Markac,
11 puisque Monsieur le Président, il ne s'agit plus des documents qui
12 n'auraient pas été triés, qui n'auraient pas été vus et examinés. Il s'agit
13 de pièces à l'appui de l'acte d'accusation suite à l'enquête menée par
14 l'Accusation.
15 Une seule phrase pour terminer. Pour le moment, j'en aurai terminé.
16 L'Accusation a précisé que les enquêtes à l'encontre de M. Tudjman et
17 Izetbegovic ont été terminées et elles figurent parmi les critères
18 possibles pour la communication des pièces à décharge sur la liste qui a
19 été proposée à la Défense par l'Accusation elle-même. Or, nous n'avons reçu
20 aucun élément de ces documents. C'est la raison pour laquelle je vous
21 demande, Monsieur le Président, d'accepter mes excuses. Je sais que j'ai
22 été long pendant cette prise préliminaire de parole, mais il m'a fallu du
23 temps puisque la Défense tenait à informer la Chambre des problèmes qu'elle
24 rencontre.
25 La réponse de la Défense au mémoire préalable au procès final sera formulée
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1 au moment, Monsieur le Juge, où neuf mois après que l'acte d'accusation a
2 été dressé à l'encontre de M. Martic pour le pilonnage de Zagreb, et un an
3 et demi après l'acte d'accusation modifié pour sa participation à
4 l'entreprise criminelle commune, au moment où l'Accusation fournit,
5 finalement, conformément à l'Article 65 ter (E), sa mouture définitive de
6 son mémoire préalable. Si la Défense n'a pas, en sa possession, les
7 documents que j'ai évoqués et elle ne les a pas, la question qui se pose
8 est de savoir à quel moment, dans quel délai ces documents nous seront
9 communiqués, et nous nous attendons à ce que la Chambre délivre une
10 ordonnance à cet effet. Nous serons en mesure, à partir de ce moment-là, de
11 vous dire quel est le temps qui nous est nécessaire pour vous répondre,
12 conformément au règlement, conformément à ce qui est prévu dans nos règles
13 et pour respecter ce qui est nécessaire afin de se préparer au procès. Si
14 l'Accusation a besoin de tant de temps pour se préparer, il ne fait aucun
15 doute que, compte tenu des ressources qui sont celles de la Défense, la
16 Défense se trouve placée dans une situation très difficile. Elle ne peut
17 pas s'acquitter de sa tâche. Elle n'en est pas responsable, elle-même. Ceci
18 est dû aux circonstances que nous venons d'évoquer.
19 Je vous remercie.
20 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je vous remercie, Maître
21 Milovancevic. Vous avez présenté beaucoup de problèmes. Vous avez impliqué
22 l'Accusation d'une manière très sérieuse. Essayons de suivre l'exposé de
23 vos arguments. Procédons dans l'ordre. Pour le moment, laissons de côté le
24 problème du procès. Nous l'aborderons en temps voulu. Mais pour le moment,
25 le problème essentiel que nous devons résoudre, est de savoir à quel moment
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1 vous serez prêt pour présenter votre mémoire préalable.
2 Vous avez évoqué de nombreux aspects, vous aimeriez entendre le Procureur
3 se prononcer là-dessus. J'aimerais que le Procureur prenne la parole là-
4 dessus. Je dois insister sur un point. Il m'appartient de faire en sorte
5 que cette affaire soit la plus prompte, la plus expéditive possible. Il
6 nous faut respecter l'équité, mais il faut trouver des solutions rapides.
7 Le fait d'assurer un procès rapide fait partie aussi des éléments qui
8 garantissent l'équité à l'égard de l'accusé qui a droit à être jugé dans
9 les meilleurs délais possibles.
10 Avant de proposer une solution, et si on veut entendre l'avis de
11 l'Accusation, mais je tiens à vous dire que vous que l'Accusation ne vous a
12 peut-être pas fourni tous les documents, mais ces documents n'ont peut-être
13 pas été, ne vous ont pas été communiqués par les autorités croates, peut-
14 être que vous n'avez pas besoin de vous adresser aux autorités croates,
15 puisque il s'agit de document que l'Accusation peut fournir.
16 Je vous rappelle aussi la disposition de l'Article 67(C), l'article qui
17 avant, demandait la communication réciproque, vous obligeait aussi à
18 communiquer l'ensemble des documents qui relevaient de ces dispositions à
19 l'Accusation. Mais ceci n'est plus en vigueur. N'hésitez pas à vous
20 adresser à l'Accusation, lorsque vous avez besoin de documents et n'essayez
21 pas d'insister. Il n'est pas nécessaire, il n'est pas absolument nécessaire
22 d'obtenir ces documents de la part des autorités croates, du gouvernement
23 croate.
24 Je voulais préciser cela pour commencer. Je me prononcerai sur ce point
25 après avoir entendu l'avis de l'Accusation, ce n'était que quelques propos
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1 liminaires.
2 Je donne la parole à l'Accusation. Que pensez-vous de cette suggestion et
3 de cette opinion que nous avons entendues au sujet du temps qui est
4 nécessaire pour présenter le mémoire préalable par la Défense ?
5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, pour répondre
6 à la question que vous venez de me poser, tout simplement, je voudrais me
7 référer à ce à quoi on s'attend de la part de la Défense. A ce stade, la
8 Défense est tenue de présenter son mémoire préalable où elle doit préciser,
9 uniquement de manière générale, quelle sera la nature de sa thèse et
10 quelles sont les questions qu'elle contestera par rapport au mémoire
11 préalable de l'Accusation, et aussi elle doit préciser les raisons pour
12 lesquelles elle les contestera. Pour le moment, on ne s'attend pas, de la
13 part de la Défense, à connaître tous les détails de tous les éléments de
14 preuve qui seront peut-être présentés pendant le procès. Il n'est pas
15 nécessaire que la Défense examine en détail ces éléments de preuve. Il
16 n'est pas nécessairement, non plus, qu'elle discute tous les événements qui
17 se sont produits. Dans l'ensemble, on s'attend à ce que la Défense nous
18 présente une idée générale des caractéristiques principales ou la nature de
19 sa défense. Je pense, comme vous venez de le proposer, ceci peut être fait
20 d'ici à la première moitié du mois de septembre.
21 Entendu, la Défense doit avoir à sa disposition les moyens qui lui
22 permettent de s'occuper de tous les documents qui leur ont été communiqués,
23 au moins d'en prendre connaissance, de les examiner, afin de formuler sa
24 position.
25 Ceci est un premier point.
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1 Je voulais aborder un deuxième point. La Défense me dit : "Nous ne pouvons
2 absolument pas rédiger notre mémoire préalable tant que nous n'avons pas
3 reçu tous ces documents additionnels qui concernent les actions menées par
4 les forces opposées," à savoir, les forces croates, et les forces des
5 Croates de Bosnie.
6 L'Accusation a expliqué par écrit sa position en disant que ceci n'était
7 pas pertinent. Ce qui est pertinent, c'est de savoir ce qui est réellement
8 reproché, quels sont les chefs d'accusation, quels sont les chefs reprochés
9 aux accusés, et non pas ce qu'ont fait les Croates. Cela, c'est l'affaire à
10 l'encontre de M. Gotovina. C'est l'affaire à l'encontre des autres, ce que
11 mon éminent collègue de la Défense a mentionnée. C'est une erreur
12 fondamentale de la part de la Défense, d'avoir l'impression que le fait que
13 des forces croates aient commis des crimes par ailleurs et à d'autres
14 moments, que c'est quelque chose qui porterait à décharge pour les actions
15 qu'il a commises. On lui a reproché le nettoyage ethnique sur certains
16 territoires, à certains moments, et lui il nous dit : "Je ne peux me
17 défendre que si j'ai les documents qui concernent les actions menées par
18 les forces croates en 1993, 1995," mais ceci n'a rien à voir avec les
19 charges qui sont portées à son encontre des l'acte d'accusation. C'est sur
20 quoi nous essayons d'insister. Nous nous sommes penchés sur les documents.
21 Nous nous sommes aussi penchés sur les affaires annexes, et nous avons
22 communiqué des documents en application de l'Article 68, d'une manière
23 limitée parce que nous ne pensons pas, et ce n'est pas notre position, que
24 quoique ce soit qui ait été commis par ces autres auteurs pendant
25 l'opération Tempête, pendant l'opération Eclair, que ceci porte à décharge
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1 vis-à-vis de cet accusé. Nous n'avons pas besoin, nous ne sommes pas tenu
2 de faire des recherches pour ce qui est des documents qui manquent de
3 pertinence.
4 Mon collègue, M. McKeon, prendra peut-être la parole pour ajouter quelques
5 éléments.
6 En fait, ce sont les deux points que je voulais faire. Pour ce qui est des
7 moyens qui sont à la disposition de la Défense et de son équipe, cela,
8 c'est une autre question. Je n'en parlerai qu'en temps voulu.
9 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Est-ce que vous voulez
10 prendre la parole ?
11 M. McKEON : [interprétation] Oui. Je voudrais parler de communication des
12 documents de la part du gouvernement croate.
13 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je pense que c'est le bon
14 moment de le faire.
15 M. McKEON : [interprétation] Un autre point. Je souhaite enchaîner sur ce
16 qui vient d'être dit par Mme Uertz-Retzlaff, à savoir que la Défense a sa
17 disposition, à présent, toute une série de documents accessibles sur
18 support informatique. C'est un grand volume de documents. D'ici la fin
19 d'année, il y aura encore plus de documents là-dedans. Elle peut
20 rechercher, dans ces documents, par la voie de l'Internet, ceci est tout à
21 fait accessible au conseil de la Défense. En plus, pour l'ensemble des
22 documents qui ont été communiqués par l'Accusation à la Défense, ils
23 peuvent aussi être ajoutés dans ce jeu de documents figurant dans ce
24 système. Ils peuvent, parfaitement, procéder à des recherches afin de
25 repérer les documents qui, à leur avis, ont de la pertinence. Elles peuvent
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1 le faire eux-mêmes, maintenant, grâce à ce système informatique.
2 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] S'il vous plaît, si je vous
3 ai bien compris, si j'ai bien compris le conseil de la Défense, il laisse
4 entendre que vous ne vous êtes pas acquittés de votre obligation eu égard
5 aux communications. Est-ce que c'est exact ? Est-ce que vous n'avez
6 toujours pas communiqué tout ce qui était attendu de votre part ?
7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] A en juger d'après nos archives, nous
8 avons, effectivement, respecté toutes nos obligations. Nous avons procédé à
9 des recherches en application de l'Article 68, et nous avons produit un
10 certain nombre de documents.
11 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Oui.
12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais il y a un désaccord entre les
13 parties parce que la Défense a l'impression que tout ce que les Croates ont
14 fait où que ce soit, à quelque moment que ce soit, est quelque chose qui
15 est pertinent pour eux. A notre avis, il s'agit d'un corpus de documents
16 extrêmement grand et qui n'est pas pertinent. Le fait est que nous
17 reprochons l'existence de l'entreprise criminelle commune du côté croate à
18 certains moments, mais cela n'a rien à voir avec cet accusé. C'est une
19 affaire qui est intéressante dans une autre affaire, mais pas ici.
20 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je vous remercie. Je vous en
21 prie, la Défense.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Pour ce qui est
23 de ce que vient mon éminente collègue de l'Accusation, Mme Uertz-Retzlaff,
24 quant à ce qui constitue la Défense de la réponse en mémoire préalable de
25 l'Accusation, là, il n'y a pas de désaccord, nous sommes tout à fait
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1 d'accord. D'après l'Article 65 ter (F), il est tout à fait clair quelles
2 sont les obligations de la Défense à ce stade. Mais, ce qui est important,
3 c'est qu'il y a un désaccord entre les deux parties sur un point.
4 L'Accusation estime que c'est une erreur fondamentale commise par la
5 Défense, à savoir, la Défense pense que tout ce que la partie croate ou
6 quelque partie que ce soit a fait, eu égard à ce crime, que ceci est de
7 nature à disculper M. Martic.
8 La Défense n'a jamais pris cette position, Monsieur le Juge. Il s'agit de
9 tout à fait autre chose.
10 L'Accusation, dans son mémoire préalable, précise expressément que les
11 incidents, et c'est dit de manière explicite dans leur mémoire préalable
12 que : "Les incidents qui sont reprochés à M. Martic, Skabrnja, Lipovaca,
13 Bacin et d'autres localités, que ces incidents ne font pas partie de
14 l'ensemble des incidents reprochés à M. Martic, que ce ne sont que des
15 exemples-type, que ce n'est qu'un échantillon d'incidents. Monsieur le
16 Juge, l'Accusation ne reproche pas à M. Martic la commission directe d'un
17 crime, du moins, de crimes. L'accusation est formulée comme participation à
18 l'entreprise criminelle commune de la part de mon client. Afin de pouvoir
19 établir et vérifier si cette entreprise a existé ou non, il me faut bien
20 procéder à des vérifications, à des recherches, pour savoir ce qui s'est
21 produit, que ce soit en Croatie ou en Bosnie pendant ces années de guerre.
22 Les actes d'accusation à l'encontre du général Gotovina et à l'encontre des
23 généraux Markac et Cermak et à l'encontre d'autres individus, à savoir,
24 Jadranko Prlic et d'autres d'Herceg-Bosnie, mais que cela concerne
25 uniquement l'année 1995, ce n'est pas ce que nous sommes en train de dire.
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1 Ce qui est important, c'est que pendant cette même année, qui est couverte
2 par l'acte d'accusation pour M. Martic, dans une grande partie de la
3 Croatie et aussi de grands secteurs en Bosnie-Herzégovine pour cette même
4 période, disais-je, qui est reprochée à M. Martic, il est invoqué d'autres
5 actions avec d'autres objectifs qui ont eu, pour conséquences, des crimes.
6 Je ne parle pas de crimes. Je parle de l'affirmation de l'Accusation qui
7 ressort de ces autres actes d'accusation, qu'il s'agit "d'une entreprise
8 criminelle commune croate," donc, une autre entreprise criminelle commune.
9 Je représente, ici, M. Martic et je n'accepte pas l'affirmation de
10 l'Accusation, tout au contraire, j'essaierai de la réfuter. J'essaierai de
11 prouver qu'il s'agit d'une entreprise criminelle commune à laquelle n'a pas
12 participé M. Martic.
13 Afin de pouvoir savoir ce qui s'est produit sur un territoire donné, à un
14 moment donné, Monsieur le Juge, il nous faut recueillir l'ensemble des
15 données. Je vous remercie.
16 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Monsieur Milovancevic,
17 d'emblée, je tiens à vous dire quelque chose, à savoir, nous ne sommes pas
18 en train de dresser un constat judiciaire, c'est ce que nous ferons, peut-
19 être, à un moment ultérieur. Le moment viendra pour cela. Tout ce que vous
20 venez de dire maintenant deviendra, peut-être, pertinent à un moment donné.
21 Pour le moment, vous devez seulement répondre et dire quels sont les points
22 qui seront abordés par la Défense en réponse à l'Accusation. C'est votre
23 mémoire préalable qui nous permettra, à nous, de tenir une conférence
24 préalable au procès afin de pouvoir lancer le procès. C'est à ce moment-là
25 que vous aurez besoin de l'ensemble de ces informations. J'ai l'impression
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1 que, ce sur quoi vous insistez maintenant, à savoir, la participation à
2 l'entreprise criminelle commune que vous contestez, c'est quelque chose que
3 vous ne devez pas prouver vous-même. Il appartient à l'Accusation de le
4 prouver. Si ceci aura été prouvé au-delà de tout doute raisonnable par
5 l'Accusation, vous réagirez, sinon, ne perdez pas votre temps là-dessus.
6 Essayons de relever quels sont les aspects qui sont les plus importants
7 pour garantir un procès rapide.
8 Tout d'abord, vous soulignez qu'il vous est très important de demander aux
9 autorités croates un grand nombre de documents. Mais, permettez-moi de vous
10 dire que ceci ne vous sera pas utile, il serait peut-être mieux que vous
11 vous adressiez à d'autres sources. On vous a déjà évoqué une autre source,
12 à savoir, le bureau du Procureur peut vous communiquer un certain nombre de
13 ces documents que vous recherchez, pour lesquels vous vous adressez au
14 gouvernement croate. Cela, c'est un point.
15 Essayez de vous polariser sur ce qui est absolument nécessaire pour la
16 Défense, pour bien défendre votre client, et limitez vous à cela. N'essayez
17 pas de vous encombrer avec plus de travail que nécessaire parce que vous
18 aurez trop de documents et de nombreux documents, parmi cela, ne vous sont
19 pas indispensables. Ils ne sont pas pertinents pour vous. La Chambre ne
20 pourra pas vraiment les prendre en considération à ce qu'elle devra
21 trancher. Cela est un point important.
22 Un deuxième point. J'ai l'impression que l'Accusation s'est acquittée de sa
23 tâche eu égard à la communication des documents. S'il y a de nouveaux
24 documents qui émergent, vous en serez informé. Ne compliquez pas les
25 choses. Essayez plutôt de nous faciliter le travail. Ceci nous facilitera
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1 le travail à tous, à vous et à la Chambre.
2 Un autre point que je tiens à remarquer, à savoir, c'est l'accord sur les
3 faits entre les parties. Vous avez répondu sur un certain nombre de faits,
4 les faits qui vous ont été communiqués ou proposés par l'Accusation. Je
5 vois que vous n'êtes pas d'accord avec certains d'entre eux et j'aimerais
6 savoir pourquoi ? Par exemple, au point 10 de la proposition des points
7 d'accord, qui date d'il y a déjà un an, qui a été faite le 5 mai de l'année
8 passée par l'Accusation.
9 Il y a un exemple, le 21 décembre 1990, les Serbes de Knin ont annoncé la
10 création de la région autonome serbe de Krajina et leur indépendance par
11 rapport à la Croatie. Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord avec cela ? Ceci ne
12 devrait pas poser vraiment problème. Vous devriez pouvoir accepter cela.
13 Cela, c'est un exemple des choses sur lesquelles vous pourriez réduire
14 votre tâche, le fardeau que représente le travail que avez à faire parce
15 que sinon, si vous ne procédez pas de cette façon-là, votre travail
16 deviendra complètement infaisable. Je vous prie, limitez vous à ce qui est
17 le plus important. Je ne veux pas, bien entendu, réduire la marge de votre
18 liberté d'agir mais essayez d'être plus concis. Ceci vous permettra de nous
19 présenter votre mémoire préalable durant les quatre mois qui viennent. Vous
20 dites que vous avez très tardivement reçu le mémoire préalable de
21 l'Accusation. C'était uniquement le 14 mai. Essayons de fixer les délais à
22 quatre mois d'ici. Fournissez-nous votre mémoire préalable au procès au
23 plus tard le 15 septembre.
24 Je pense que si vous procédez de cette manière-là, si vous adoptez cette
25 méthodologie, ceci réduira considérablement votre charge de travail et vous
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1 serez en mesure de respecter ce délai.
2 Un autre point que vous avez mentionné, c'est la requête de la Défense en
3 demandant de catégoriser autrement cette affaire. Nous sommes en train de
4 recueillir des informations là-dessus, et tout ce que je peux vous dire,
5 c'est que pour le moment c'est que la réponse ne tardera pas. Très
6 probablement, je pense qu'on fera droit à votre requête. Je me félicite du
7 fait que vous considérez que c'est une affaire complexe, elle ne l'est pas
8 suffisamment pour être re-classifiée au niveau trois. Mais laissez-nous un
9 petit peu de temps pour vous donner la réponse.
10 J'insiste encore une fois sur ce que je viens de vous dire, et essayons
11 d'utiliser tous les moyens de la manière la plus efficace pour que votre
12 mémoire préalable au procès puisse être prêt à la date que j'ai évoquée, et
13 que je suis en train de fixer. Vous voyez que l'Accusation a pris beaucoup
14 moins de temps pour présenter son mémoire préalable, et je vous prie de
15 vous conformer à ce que nous venons de vous demander. Il m'appartient de
16 m'assurer que les deux parties, à la fois l'Accusation et la Défense,
17 soient économiques avec le temps, nous permettent de réduire les délais.
18 Qui plus est, je suis toujours accessible, vous pouvez toujours me
19 contacter si vous avez un nouveau problème qui se présente, mais je pense
20 que vous devriez pouvoir accepter ce délai que je suis en train de fixer,
21 un délai de quatre mois pour vous, pour présenter votre mémoire préalable
22 au procès.
23 Est-ce que vous souhaitez soulever d'autres points à ce stade avant la
24 suite de nos travaux ?
25 MME UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Juge, selon le programme,
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1 je vois que nous devrions répondre à la requête de la Défense visant à re-
2 classifier l'affaire.
3 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] D'accord.
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il ne revient pas à nous mais à la
5 Chambre de première instance et au Greffe de décider du classement de
6 l'affaire. Nous sommes d'accord pour dire qu'il s'agit d'une affaire
7 complexe pendant une période prolongée en Bosnie et en Croatie. Ceci ne
8 couvre pas l'ensemble de la guerre, et un territoire bien limité nous
9 concerne ici. Néanmoins, il s'agit là d'une affaire complexe avec des
10 questions juridiques compliquées liées à la responsabilité du supérieur
11 hiérarchique, et la culpabilité pour les actions d'autres membres de
12 l'entreprise criminelle commune. Nous pourrions dire qu'effectivement, il
13 s'agit d'une affaire complexe qui nécessite beaucoup du travail.
14 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Vous souhaitez dire que ceci
15 pourrait être re-classifié au niveau trois.
16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il ne revient pas à nous de dire ce
17 qui doit faire partie du niveau deux. Nous ne savons pas très exactement
18 quelle est la distinction entre le niveau deux et trois. Il revient au
19 Greffe de s'exprimer au sujet de cela. Je peux simplement dire qu'il s'agit
20 là d'une affaire complexe. Elle n'est pas aussi complexe que l'affaire
21 Milosevic, mais il s'agit certainement d'une affaire qui est aussi complexe
22 que les autres affaires concernant les généraux et d'autres leaders locaux.
23 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci beaucoup pour votre
24 assistance.
25 Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose, Maître Milovancevic ? Est-
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1 ce que vous souhaitez soulever un autre point, ou poser une autre question
2 à ce stade ?
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai bien compris votre suggestion,
4 Monsieur le Juge, en ce qui concerne ma position du procédure. A ce stade,
5 j'ai compris que nous ne pouvions pas parler du fond de l'affaire à ce
6 stade. Je suis conscient de cela à tout moment et je continuerai à en être
7 conscient à l'avenir. Je souhaite simplement dire quelque chose afin
8 d'éviter que l'on laisse une mauvaise impression concernant la coopération
9 entre les parties concernant les points d'accord.
10 Vous avez mentionné, Monsieur le Président, un point proposé par le
11 Procureur, le point 10, et vous me demandez pourquoi nous ne pouvions pas
12 accepter cette proposition du Procureur. Je vais vous répondre que nous
13 avons soumis une réponse qui se fondait absolument sur le statut et la
14 disposition du statut qui concernait cela. Contrairement au Procureur, je
15 ne souhaite pas faire un commentaire sur l'acte en question, mais nous,
16 nous avons fait, nous avons présenté la citation absolument conforme à
17 l'original du texte par le biais duquel, l'autonomie serbe, au sein de la
18 Croatie a été proclamée. A mon avis, il s'agit de quelque chose de tout à
19 fait différent par rapport à une proclamation de l'indépendance. On
20 discutera de la signification de cela au cours du procès. Cela dit, nous
21 avons essayé d'être aussi conforme à l'original que possible.
22 Nous avons considéré qu'il était possible de trouver un accord concernant
23 certains points, par exemple, en ce qui concerne l'opération Tempête et le
24 plan Vance Owen, mais le Procureur les a refusés. Or, nous avons une
25 approche différente à un certain nombre de points de fait et de droit.
Page 148
1 Monsieur le Juge, nous souhaiterions simplement que vous teniez compte du
2 fait que nous considérons que tous ces points de fait et de droit sont
3 extrêmement importants parce que justement ces points-là définissent
4 l'existence ou la non existence d'une notion à laquelle le Procureur fait
5 référence que nous nions. C'est pour cela que nous avons essayé à chaque
6 fois dans nos documents de fournir la citation exacte des actes évoqués par
7 le Procureur. Contrairement au Procureur, nous avons proposé des citations
8 entre guillemets, le texte entre guillemets mais le Procureur n'a pas
9 accepté cela, il les a même biffées en indiquant qu'il ne s'agissait pas là
10 de points concernant lesquels il était possible de trouver un accord entre
11 nous.
12 Je souhaite simplement dire cela brièvement afin d'éviter d'avoir une
13 mauvaise impression concernant l'attitude de la Défense envers ce travail.
14 Nous essayons d'aider à la fois l'accusé et la Chambre de première instance
15 et nos collègues de l'Accusation.
16 Vous m'avez demandé également si j'avais quelque chose à ajouter. Je
17 souhaite simplement dire que je suis reconnaissant à mes collègues de
18 l'Accusation. J'ai compris qu'ils ont soutenu la requête de la Défense
19 visant à trouver une réponse favorable à notre demande. Je suis
20 reconnaissant à l'Accusation et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il
21 s'agit là d'une affaire très complexe qui se manifeste par ailleurs par le
22 fait qu'en janvier, le jour de la conférence de mise en état, la Défense a
23 reçu 21 000 nouvelles pages de documents. Avec ce mémoire préalable de
24 procès, que nous devons présenter le 14 septembre, nous devons encore
25 parcourir 14 000 nouvelles pages.
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1 Il s'agit d'une affaire tellement complexe que ceci nous pousse simplement
2 à informer la Chambre de première instance de nos problèmes et de nos
3 efforts visant à aider l'accusé de la manière que nous considérons la
4 meilleure.
5 Avec votre permission, j'ajouterais seulement une phrase. Le Procureur a
6 dit qu'en ce qui concerne l'étendu de l'acte d'accusation, il n'était même
7 pas nécessaire à la Défense de procéder à des recherches, alors que je
8 souligne et je répète, je pense que c'est important pour la Défense. Il
9 existe un grand nombre de documents qui justement, compte tenu de la nature
10 des charges, il s'agit là de documents qui ont une importance cruciale pour
11 la position de la Défense. C'est pour cela que nous avons insisté de les
12 obtenir, et non pas afin de rejeter la culpabilité sur le bureau du
13 Procureur, ou afin d'éviter de remplir nos obligations et de bloquer le
14 travail de ce Tribunal. Bien au contraire, la Défense va utiliser les
15 ressources qui lui seront attribuées, et elle va essayer de s'acquitter de
16 sa tâche, la tâche à laquelle la Chambre de première instance s'attend
17 auprès de la Défense. Encore une fois, j'espère que la Chambre de première
18 instance prendra note du fait que la question de la communication des
19 pièces constitue une question-clé dans le contexte de la préparation de la
20 Défense. Merci.
21 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci encore une fois, Maître
22 Milovancevic. Je suis très content que vous ayez dit cela, que vous faites
23 preuve de la bonne foi. C'est très important. Vous pouvez croire également,
24 que du côté du Procureur, il n'y aura pas de mauvaise foi vis-à-vis de vous
25 ni vis-à-vis de votre client. Je suis très heureux d'avoir entendu cela, et
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1 je vous fais confiance. Je suis sûr qu'effectivement vous faites preuve de
2 la bonne foi dans cette affaire. Essayez, s'il vous plaît, de respecter les
3 délais que nous vous proposons, et n'hésitez pas à nous contacter si vous
4 avez besoin de notre assistance. Je serai à votre disposition pour ce faire
5 si nécessaire.
6 Si aucune partie ne souhaite soulever d'autre point, je m'adresse
7 maintenant à Monsieur Martic pour savoir comment il se sent. Est-ce que
8 vous avez des problèmes à l'égard de --. M. Martic c'est à vous qu'on
9 parle. Est-ce que vous avez rencontré des problèmes de santé qu'il s'agisse
10 de la santé mentale ou physique ? Est-ce que vous souhaitez les présenter
11 ici devant ce Tribunal.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, je me sens bien. En ce
13 qui concerne les conditions de ma détention, je n'ai pas de reproche. Je
14 souhaite simplement dire deux phrases concernant la Défense. Je souhaite
15 dire que je suis très satisfait du travail de mon conseil, mais je souhaite
16 également faire appel à vous en tant que partie neutre pour que vous
17 m'assuriez dans la mesure du possible l'égalité des armes dans la Défense
18 par rapport au bureau du Procureur, parce que je peux remarquer beaucoup de
19 points incorrects. Parfois, j'ai l'impression que le Procureur représente
20 la Croatie et non pas le bureau du Procureur de ce Tribunal. Je ne sais pas
21 quoi dire, mais simplement veuillez vous assurer que mon conseil de la
22 Défense pourra me représenter de manière tout à fait satisfaisante. Même la
23 dernière fois, j'ai dit que le conseiller juridique n'a pas pu venir me
24 voir, et la même chose s'est reproduite. Il est ici depuis deux jours, et
25 il n'a pas pu me voir alors qu'il aurait pu entendre des choses qui
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1 pourraient lui être utiles. C'est un exemple banal. En ce qui me concerne,
2 croyez-moi, j'ai hâte d'être traîné devant la justice. Je me sens innocent,
3 mais permettez-moi de me défendre avec qualité.
4 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Soyez assuré du fait que
5 cette Chambre de première instance est neutre, et qu'elle va s'assurer que
6 vos moyens dans le cadre de la Défense seront égaux aux moyens du bureau du
7 Procureur.
8 Cela dit, je souhaite vous poser une question. Est-ce que vous avez des
9 problèmes lorsque vous souhaitez rencontrer vos conseils, ou est-ce que
10 vous pourrez disposer de tous les moments dont vous avez besoin pour
11 préparer votre défense de manière appropriée ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens de vous parlez d'un exemple concret.
13 Là aussi, nous avons demandé d'avoir plus de temps afin de travailler
14 ensemble; ce qui serait très important. Bien sûr, mon conseil n'a pas pu
15 obtenir suffisamment d'heures pour travailler ici, alors que le conseiller
16 juridique n'a pas reçu la permission de venir me voir. Je ne vois où est le
17 problème.
18 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Vous voulez dire qu'il n'a
19 pas pu vous consulter dans la mesure dans laquelle vous considérez que ceci
20 est nécessaire. Je veux dire, dans le Quartier pénitentiaire, vous n'avez
21 pas reçu suffisamment de temps afin d'avoir des consultations avec votre
22 conseil de la Défense.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que le problème est le fait que nous
24 sommes nombreux. Il n'y a pas suffisamment de locaux où nous pourrions
25 travailler. Nous souhaiterions travailler plus longtemps, mais nos
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1 rencontres sont raccourcies tout simplement, parce qu'il n'y a pas
2 suffisamment de locaux où l'on pourrait travailler.
3 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Est-ce que vous avez déjà
4 demandé d'avoir plus de temps auprès du Quartier pénitentiaire, ou est-ce
5 que vous n'avez pas fait cette demande ? Qu'est-ce que vous souhaitez que
6 je fasse à cet égard ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, le tout commence à se compliquer.
8 Mon avocat a souhaité d'avoir plus de temps pour travailler avec moi. Il
9 n'a pas pu obtenir cela, parce que nous sommes trop nombreux, il y a trop
10 de visites et nous ne pouvons pas obtenir le lieu où nous pourrions
11 travailler. C'est la raison. Je ne souhaite pas compliquer cela plus que
12 nécessaire.
13 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Oui. Je comprends que vous
14 êtes très nombreux au Quartier pénitentiaire. Je suppose que parfois il est
15 difficile d'avoir des consultations entre les avocats et les accusés. Vous
16 devez demander d'avoir plus de temps. Je suis sûr que vous pourrez
17 l'obtenir. Je vais essayer de voir ce que je peux faire, parce
18 qu'effectivement vous avez besoin de cela et vous méritez cela. Je suis en
19 train de parler d'un comportement normal. Je vous fais confiance concernant
20 cela.
21 Je pense que nous aurons une autre Conférence de mise en état d'ici moins
22 de 120 jours, c'est-à-dire, approximativement, au moment où je m'attends à
23 recevoir le mémoire préalable au procès.
24 Veuillez vous asseoir M. Martic. Si personne ne souhaite ajouter quoique ce
25 soit d'autre, nous pouvons lever la séance.
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1 Non. Monsieur Milovancevic, dites ce que vous voulez.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, en
3 ce qui concerne l'observation faite par M. Martic au sujet du temps dont
4 nous bénéficions pour les visites au Quartier pénitentiaire, effectivement,
5 il y a des problèmes techniques, puisqu'il y a beaucoup d'accusés. Il n'y a
6 pas suffisamment de locaux permettant aux avocats de travailler avec les
7 accusés. Ce n'est pas cela le reproche que je souhaite faire. Concernant le
8 mémoire préalable au procès du Procureur, compte tenu du fait que ce
9 mémoire contient plus de 390 pages alors que nous pouvons passer deux,
10 trois, maximum quatre heures dans le Quartier pénitentiaire, je souhaite
11 que le Greffe nous transmette au plus vite la traduction de ce document
12 pour pouvoir le transmettre à l'accusé pour qu'il puisse lire dès que
13 possible quels sont les détails des faits reprochés par le Procureur et les
14 éléments de preuve qui seront présentés. Car il faudrait énormément de
15 temps pour que moi, en tant qu'avocat de la Défense, lui traduise le
16 document. D'ailleurs, je ne souhaite pas que son interprétation et sa
17 compréhension des choses dépendent de mon interprétation, de ma traduction,
18 car il s'agit là d'un travail qui doit être fait de manière
19 professionnelle.
20 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Nous allons voir ce que nous
21 pouvons faire. Merci de m'avoir informé de ce problème.
22 Nous levons la séance.
23 --- La Conférence de mise en état est levée à 16 heures 18.
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