Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 17 février 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 LE TÉMOIN: MILAN BABIC [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Babic, je vous rappelle à

9 nouveau que vous êtes toujours lié par la déclaration solennelle que vous

10 avez prononcée.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, c'est à vous.

13 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Interrogatoire principal par M. Whiting : [Suite]

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Babic.

16 R. Bonjour.

17 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, si à quelque moment que ce soit vous avez

18 du mal à comprendre une des questions que je vous pose.

19 R. Oui.

20 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je me

21 suis interrompu, car j'ai remarqué que le compte rendu d'audience ne

22 s'inscrivait pas sur les écrans, ce qui peut être un problème.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Sur nos écrans ?

24 M. WHITING : En effet. Le compte rendu n'apparaît pas, ce qui par la suite

25 peut constituer un problème.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec

27 vous.

28 M. WHITING : [interprétation] Nous pouvons continuer tout de même, le texte

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1 s'inscrira automatiquement plus tard ?

2 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous venons d'être informés que

4 quelqu'un va venir, un technicien, pour essayer de régler le problème, mais

5 nous ne savons pas combien de temps il faudra pour qu'il soit là. Alors

6 Monsieur Whiting, vous avez bien dit, n'est-ce pas, qu'il risquait d'y

7 avoir des problèmes si nous travaillons sans transcription en temps réel ?

8 M. WHITING : [interprétation] Je pense que je peux continuer. Je vais

9 simplement suivre le compte rendu sur un écran et les pièces à conviction

10 sur un autre écran, ce qui peut être un petit peu gênant, mais enfin, nous

11 pouvons continuer. Je ne voudrais pas interrompre les débats.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais que se passera-t-il s'il n'y a

13 pas d'enregistrement vidéo ? Si vous voulez montrer une pièce sur l'écran,

14 vous n'aurez pas le compte rendu d'audience en même temps.

15 M. WHITING : [interprétation] C'est pas grave, cela ira. J'y arriverai,

16 Monsieur le Président. Je passerai d'un écran à l'autre, simplement.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous pouvons donc

18 poursuivre.

19 M. WHITING : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, absolument.

21 M. WHITING : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Monsieur Babic, à la fin de l'audience hier, nous avons écouté deux

25 enregistrements de conversations radiotéléphoniques. J'aimerais maintenant

26 que nous nous penchions sur une nouvelle écoute, qui porte le numéro 93 et

27 qui est la troisième dans la série des écoutes transcrites dans vos

28 documents. Vous l'avez trouvé, Monsieur Babic, le numéro 93 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans la déclaration signée par vous, vous identifiez les voix que l'on

3 entend dans cette écoute comme étant celles de Radovan Karadzic et de

4 Slobodan Milosevic. Vous nous avez déjà parlé de vos contacts avec Radovan

5 Karadzic et, dans une certaine mesure, avec Slobodan Milosevic également,

6 mais j'aimerais que vous nous rappeliez simplement aujourd'hui combien de

7 fois à peu près vous avez rencontré Slobodan Milosevic ?

8 R. Plus de 20 fois, une vingtaine de fois en tout cas jusqu'à la fin de

9 1992, et ensuite quelques petites fois supplémentaires, peut-être cinq fois

10 de plus, cinq ou six fois, jusqu'à 1995.

11 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de lui parler au téléphone ?

12 R. Oui, à plusieurs reprises.

13 Q. Avez-vous également eu l'occasion d'entendre sa voix retransmise par

14 les médias ?

15 R. Oui.

16 Q. J'aimerais que nous consacrions quelques minutes à l'audition de cette

17 conversation enregistrée, et je vous demanderais si vous voyez de quoi il

18 est question dans cette conversation.

19 R. Il est question des événements survenus après la proclamation faite par

20 le Parlement de Croatie et par la République de Slovénie au sujet de

21 l'indépendance de ces deux Etats, suite au référendum, suite à l'immixtion

22 de l'Union européenne dans ce différend. A partir du moment où l'Union

23 européenne s'est activement engagée dans la recherche d'une solution, le

24 problème qui s'est posé dans l'ex-Yougoslave a donc été traité d'une

25 nouvelle façon, et la suite de la conversation porte sur une rencontre

26 entre Milosevic et Mikelis [phon]. C'est sur ces sujets que porte la

27 conversation enregistrée en question.

28 Q. Je vais maintenant essayer de diffuser une séquence. J'espère que tout

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1 ira bien, que tout fonctionnera. Nous avons testé les équipements hier, ils

2 fonctionnaient bien; nous verrons si c'est toujours le cas aujourd'hui dans

3 le prétoire. La séquence que je souhaite diffuser commence au bas de la

4 page 1, de la version anglaise de cette écoute, à l'endroit où Radovan

5 Karadzic dit : "Oui, oui." C'est en page 2 de la version B/C/S, Monsieur

6 Babic, au tiers de la page en version B/C/. Vous voyez que M. Radovan

7 Karadzic dit : "Oui, oui, et qu'est-ce qui pourrait poser d'autres

8 problèmes ?" Vous avez trouvé ce passage ?

9 R. Oui.

10 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas si la régie ne devrait pas

11 commuter sur le système audiovisuel de façon à ce que nous entendions le

12 son.

13 [Diffusion de cassette audio]

14 M. WHITING : [interprétation]

15 Q. Monsieur Babic, dans cette séquence, Slobodan Milosevic dit, entre

16 autres, je cite : "C'est clair. Il faudrait qu'il leur soit permis de faire

17 scission." Et un peu plus loin, il dit : "Maintenant, il ne reste qu'une

18 seule question, à savoir que la désintégration se fasse selon nos

19 inclinations." Quand vous entendez ces mots, que comprenez-vous

20 exactement ?

21 R. J'ai déjà dit que la Croatie et la Slovénie ont pris la décision de

22 faire scission. Dans ce cas particulier, la discussion porte sur la

23 Croatie. L'Union européenne a proposé que la sécession, ou en tout cas, la

24 décision relative à la sécession, soit ajournée de trois mois, et ceci a

25 été accepté. La conversation porte donc sur cette période de trois mois qui

26 doit commencer à courir, et à ce moment de la conversation, il est question

27 des solutions avancées par Izetbegovic et Gligorov au sujet du règlement de

28 la crise -- question de solutions de compromis. Quant à l'attitude de

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1 Milosevic, à savoir, son avis qu'il faut les autoriser à faire scission,

2 cela signifie qu'il estime que la Croatie doit être autorisée à accéder à

3 l'indépendance, donc à faire sécession, et il est dit un peu plus loin que

4 cette sécession doit se faire selon des modalités qui doivent nous

5 convenir. Ce qu'il veut dire par là, c'est que la sécession peut avoir lieu

6 selon lui, mais qu'il ne faut pas qu'il y ait annexion des territoires que

7 lui-même considère, et les Serbes en général considèrent, comme devant

8 demeurer au sein d'un Etat dans lequel résideraient les Serbes.

9 Donc fondamentalement, cela signifie que les Etats en question ne doivent

10 pas être autorisés à s'emparer de la Krajina, et que la SAO de Krajina et

11 d'autres régions du territoire croate doivent demeurer hors de la Croatie,

12 distinctes de la Croatie.

13 Q. Vous venez de parler de M. Izetbegovic et de M. Gligorov. Pourriez-vous

14 nous dire qui étaient ces deux hommes à l'époque ?

15 R. Izetbegovic était le président de la présidence de la Bosnie-

16 Herzégovine, et Gligorov, le président de la présidence de Macédoine.

17 Q. A la lecture du compte rendu d'audience, et après avoir entendu cette

18 séquence, Monsieur Babic, ce que vous avez entendu correspond-il, selon ce

19 que vous savez, à ce que pensaient M. Karadzic et M. Milosevic à l'époque ?

20 R. Oui.

21 Q. Sur la base de ce que vous savez et de ce que vous avez pu comprendre

22 des événements à l'époque, y a-t-il quelque chose qui pourrait vous pousser

23 à remettre en cause l'authenticité de cette écoute téléphonique ?

24 R. Non.

25 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce

26 document 93 soit enregistré à des fins d'identification.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce bien un document relevant de

28 l'article 65 ter du Règlement ?

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1 M. WHITING : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Oui.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document 65 ter numéro 93 est admis

3 au dossier, et je demande qu'une cote lui soit affectée.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document sera enregistré pour

5 identification en tant que numéro 202, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous fermions le

8 dossier des écoutes téléphoniques. Je ne l'utiliserai que plus tard. Je

9 tiens à signaler avec plaisir que l'enregistrement en temps réel du compte

10 rendu d'audience fonctionne désormais.

11 Q. Monsieur Babic, j'aimerais maintenant aborder un nouveau sujet avec

12 vous. J'aimerais que nous parlions de la JNA et de qui contrôlait la JNA.

13 Qui commandait la JNA en 1991 ?

14 R. Le commandement était civil. Il était entre les mains de la présidence

15 de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, et dès lors qu'un

16 danger de guerre imminent ou un état de guerre existait, ce commandement

17 passait aux mains du Grand quartier général, du Grand état-major des forces

18 armées yougoslaves et du secrétariat fédéral à la Défense. Quant au

19 contrôle effectif, pour autant que je le sache, depuis le mois de juillet,

20 le contrôle effectif était exercé par Slobodan Milosevic sur la JNA.

21 Q. Juillet de quelle année ?

22 R. 1991.

23 Q. Comment contrôlait-il la JNA ? Comment Slobodan Milosevic contrôlait-il

24 la JNA à partir de juillet 1991 ?

25 R. A mon avis, de deux façons. D'abord, il exerçait son contrôle sur une

26 partie de la présidence du pays, ce que l'on a eu coutume d'appeler la

27 présidence Croupion de la RSFY, qui, auparavant, représentait le

28 commandement Suprême. Puis, il exerçait une influence directe sur le Grand

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1 quartier général, c'est-à-dire sur les généraux qui le constituait, ainsi

2 que sur le secrétaire fédéral, c'est-à-dire sur Veljko Kadijevic et Blagoje

3 Adzic.

4 Q. D'accord. J'aimerais que nous prenions ces questions dans l'ordre et

5 que nous avancions pas à pas. Certaines des questions que je vais vous

6 poser pourront vous sembler très simplistes, mais elles sont d'une grande

7 utilité pour nous. La présidence de la RSFY se composait de qui ?

8 R. Toutes les républiques et régions autonomes de toutes les républiques

9 et régions autonomes de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

10 Il y avait un membre élu au sein de la présidence fédérale, donc un siège

11 pour chacune des républiques et des régions autonomes. Chacun des membres

12 de la présidence exerçait la présidence pendant un an, dans un ordre

13 prédéterminé. Donc, il y avait rotation annuelle avec, chaque année, un

14 nouveau président à la tête de la présidence de la Yougoslavie.

15 Q. Suis-je en droit de dire que puisqu'il y avait six républiques et deux

16 régions autonomes, la présidence comptait huit postes ? C'est bien cela ?

17 R. Oui.

18 Q. En 1990 et 1991, qui présidait la présidence ?

19 R. Depuis mai 1990 jusqu'à décembre -- ou plutôt, jusqu'au 12 mai 1991,

20 c'était Borisav Jovic, membre de la présidence, représentant de la Serbie.

21 De mai 1991 à octobre, c'est-à-dire au 3 octobre 1991, officiellement le

22 président devait être Stipe Mesic, mais en fait, il n'a pas effectivement

23 rempli ces fonctions. Il l'a fait uniquement pendant un bref laps de temps.

24 En fait, il a été président de crise. A partir d'octobre 1991 et jusqu'à la

25 création de la République fédérale de Serbie en avril 1992, c'est ce qu'il

26 est convenu d'appeler la présidence Croupion qui a fonctionné. Elle se

27 composait de quatre membres et était présidée par le vice-président

28 M. Kostic, représentant du Monténégro.

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1 Q. Un peu plus tôt dans votre réponse à l'une de mes questions, vous avez

2 dit que Slobodan Milosevic exerçait son contrôle sur une partie de la

3 présidence. Sur quelle partie de la présidence également ?

4 R. Le président de la Serbie, Jovic; le président du Monténégro, Branko

5 Kostic; Sejdo Bajramovic, le président de la Région autonome du Kosovo;

6 ainsi que le représentant de Vojvodine dont le nom ne me revient pas à

7 l'instant. Cette situation a existé à partir du printemps. Je dirais à

8 partir de mai 1991, car au cours de ce printemps-là, certains changements

9 de poste ont eu lieu.

10 Q. La présidence Croupion dont vous parlez, se composait-elle des quatre

11 représentants dont vous venez de donner les noms ?

12 R. Oui, exactement. Jugoslav Kostic était le représentant de Vojvodina.

13 Q. Merci. Qu'est-il advenu des quatre autres membres de la présidence ?

14 R. A partir du mois d'octobre, ils n'ont plus joué aucun rôle au sein de

15 la présidence. Stipe Mesic a déclaré que la Yougoslavie n'existait plus et

16 qu'il n'en faisait donc plus partie. Je crois que le représentant de

17 Macédoine, Vasedoj Totukovski [phon] a encore participé à une réunion,

18 après quoi il a cessé de participer aux réunions. Quant aux autres, ils

19 n'ont plus participé aux réunions de la présidence, les représentants des

20 deux autres républiques.

21 Q. Vous avez également dit en déclarant que Milosevic contrôlait la JNA,

22 qu'il exerçait également un contrôle, ou en tout cas, une certaine

23 influence sur des généraux. Pourriez-vous vous expliquer sur ce point de

24 façon plus approfondie ?

25 R. Il s'en vantait lui-même. Au début du mois de juillet, il a déclaré

26 qu'il avait la JNA sous son contrôle, et au début du mois de juillet

27 également, j'ai personnellement reconnu Kadijevic et Adzic, deux généraux

28 dans son bureau, deux généraux qui étaient venus le voir pour discuter avec

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1 lui.

2 Q. Juillet de quelle année ?

3 R. 1991.

4 Q. Pourriez-vous nous dire, je vous prie, en quels termes il s'est vanté

5 au début du mois de juillet d'avoir la JNA sous son contrôle ?

6 R. J'ai été convoqué dans son cabinet pour une discussion et j'y ai trouvé

7 Radovan Karadzic également. Nous devions essayer de régler le problème

8 survenu suite à la déclaration de l'unification de la SAO de Krajina et de

9 la Krajina bosniaque. A la fin de cet entretien, à notre départ, Milosevic

10 a dit : Attendez un instant. Il est allé dans une autre pièce, ensuite il

11 est revenu avec une feuille de papier à la main et il ne nous a pas dit

12 exactement de quoi il s'agissait, mais dans l'embrasure de la porte, donc à

13 une certaine distance de nous, il nous a jeté un regard pas très sûr de lui

14 et a dit : "Où est-ce que je dois déployer les forces armées ?" Ensuite, il

15 m'a regardé en disant : "Le long des frontières de la Krajina." Puis, il a

16 lancé un regard à Karadzic et a dit : "Le long des frontières de la

17 Croatie. De cette façon, je règlerai les problèmes qui risquent de se poser

18 à eux par la suite." Et cela a scellé la fin de l'entretien. Ensuite, il a

19 hoché du chef. Il n'a plus rien dit. Il a simplement hoché du chef, et

20 c'est ainsi qu'il nous a dit au revoir. Je pense qu'il souhaitait que nous

21 nous rendions compte qu'il exerçait son contrôle sur les forces armées et

22 que nous ne le faisions pas, que c'était lui qui décidait où déployer

23 l'armée, et je suppose qu'à l'époque il avait déjà ses propres plans.

24 Immédiatement après, ou en tout cas à l'entretien suivant, nous avons

25 également retrouvé les généraux dans son cabinet.

26 Q. Parlez-nous de cela, je vous prie.

27 R. Milosevic m'a convoqué à Belgrade dans son cabinet et sa secrétaire m'a

28 dit : "Le président est en train de rencontrer les généraux. Il ne pourra

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1 pas vous voir. Attendez ici." Cela se passait dans la pièce qui jouxtait

2 son bureau. La secrétaire a ouvert la porte, et le président Milosevic est

3 sorti et m'a dit qu'il était en train de participer à une réunion avec les

4 généraux. D'ailleurs, j'ai vu ces deux généraux à l'intérieur de la pièce.

5 Je les connaissais par les médias, donc j'ai reconnu leurs visages. Il m'a

6 dit qu'il ne pourrait pas me rencontrer dans ces conditions, donc je suis

7 rentré chez moi.

8 Q. De quels généraux s'agissait-il ?

9 R. Kadijevic et Adzic.

10 Q. Dites-nous encore une fois quels étaient leurs postes à l'époque.

11 R. Kadijevic était secrétaire fédéral à la Défense populaire. Quant au

12 général Blagoje Adzic, il était chef d'état-major du Grand quartier général

13 des forces armées de la République fédérative socialiste de Yougoslavie.

14 Puisqu'il y avait danger imminent de guerre ou risque d'état de guerre, il

15 était le commandant suprême du Grand quartier général des forces armées de

16 la RSFY. C'étaient les deux militaires les plus importants du pays.

17 Q. Merci. Vous nous avez dit un peu plus tôt dans votre déposition que

18 vous rencontriez souvent M. Milosevic et qu'il vous parlait de ce que

19 l'armée allait faire pour défendre les Serbes. Pourriez-vous nous rappelez

20 ce qu'ils disaient lors de ces rencontres ?

21 R. Il disait : "Ne vous inquiétez pas, la JNA va vous défendre." C'était

22 son mot d'ordre, il ne cessait de le répéter à l'époque, sauf pendant un

23 bref laps de temps en mars et avril 1991. C'est à ce moment-là que les

24 événements ont pris un tour différent. Mais pendant tout le reste du temps,

25 depuis que j'ai commencé à le rencontrer jusqu'en juillet ou même encore

26 plus tard, il ne cessait d'essayer de nous persuader, nous les Serbes de

27 Croatie, que la JNA allait nous protéger. Comme je venais de la SAO de

28 Krajina, cela nous concernait également. Il disait que la JNA allait nous

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1 protéger en Croatie.

2 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions des événements survenus au

3 cours du printemps et de l'été 1991. Y a-t-il eu des affrontements armés

4 entre la police de la SAO de Krajina et la police croate ?

5 R. Les affrontements ont commencé le 31 mars 1991 à Plitvice. Il s'est agi

6 d'affrontements très violents et ils se sont poursuivis pour dégénérer en

7 guerre ouverte au mois d'août, ou plutôt la guerre a commencé au mois de

8 juin déjà, à la fin du mois de juin.

9 Q. La JNA a-t-elle réagi à ces affrontements ?

10 R. Selon les plans existants, selon ce qui était prévu dans de telles

11 situations, la JNA s'est déployée entre les factions belligérantes. Elle a

12 pris position dans ce qu'il est convenu d'appeler la zone tampon, entre les

13 parties belligérantes de Krajina d'une part et Croatie d'autre part, à

14 cette époque, c'est-à-dire au mois d'avril ou même peut-être dès le mois de

15 mars, si je me souviens bien. Je ne suis pas au courant de tous les détails

16 de ce qui s'est passé à ce moment-là, mais en tout cas cela a eu lieu entre

17 le mois d'avril et le mois d'août 1991. Dans cette période, la JNA était

18 responsable de ce qu'il est convenu d'appeler la zone tampon entre les deux

19 groupes belligérants.

20 Q. Vous dites que ceci s'est passé comme prévu. Que voulez-vous dire par

21 là exactement ?

22 R. Selon ce qui était prévu tout simplement. Je ne dis pas qu'il y avait

23 un plan bien défini régissant le déploiement de la JNA, mais la JNA se

24 déployait toujours selon les mêmes modalités en cas d'incidents ou de

25 provocations. Chaque fois qu'il y avait, par exemple, un incident

26 impliquant la police de Krajina, la JNA arrivait, ou plutôt c'était d'abord

27 la police croate qui réagissait, puis arrivait la JNA, qui prenait position

28 dans la zone tampon, comme cela était le cas dans la région de Plitvice et

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1 jusqu'à Zadar, et même jusqu'à Vukovar pour autant que j'en ai été informé,

2 c'est-à-dire sur la totalité du territoire croate, chaque fois que des

3 affrontements avaient lieu.

4 Q. Monsieur Babic, j'aimerais que nous soyons clairs sur ce que vous êtes

5 en train de décrire. Des provocations étaient mises en œuvre par la police

6 de Krajina, la police croate réagissait et ensuite la JNA se déployait dans

7 la zone tampon. C'est bien ce que vous dites qu'était le schéma d'action à

8 cette époque-là ?

9 R. Oui, oui, c'était un véritable schéma.

10 Q. Vous avez déjà parlé de quelque chose qui s'est passé à Plitvice le 31

11 mars 1991, et pour informer les Juges de la Chambre, j'indique que l'on

12 trouve la localité de Plitvice à la page 19 de l'atlas sur la droite de la

13 page, au deux tiers de la page à peu près à partir du haut. Avant de parler

14 en détail de cet événement, j'aimerais vous soumettre un document, document

15 65 ter numéro 244, portant précisément le numéro ERN 02170646. En effet, le

16 document 244 se compose de plusieurs sous-documents. Nous avons

17 actuellement à l'écran la feuille qui se termine par le numéro ERN 0644. Je

18 demande la page qui se termine par 0646, s'il vous plaît.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous essayons toujours de trouver

20 Plitvice sur la carte.

21 M. WHITING : [interprétation] Cela se trouve au niveau E3 sur la carte,

22 juste au-dessus de E3.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'est la même chose que

24 Plitvice Jezera ? Très bien. C'est juste au-dessus, d'accord.

25 M. WHITING : [interprétation] Oui, c'est exact. Apparemment, ils ont

26 quelques problèmes à afficher la version B/C/S. Je suis toujours préparé et

27 par conséquent j'ai une copie papier de ce document. Est-ce que la version

28 anglaise a été affichée ?

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oubliez la version anglaise. De toute

2 façon, nous n'avons absolument rien sur notre écran principal. Voilà

3 quelque chose.

4 M. WHITING : [interprétation] Voilà, nous l'avons.

5 Q. Monsieur Babic, est-ce que vous voyez ce document ? Je sais que tout

6 cela est un peu petit. Est-ce que vous êtes en mesure de lire le document ?

7 R. Oui. Peut-être qu'il faudrait faire défiler cela vers le haut un peu.

8 M. WHITING : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait dans un premier temps

9 agrandir le document pour le témoin ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, maintenant je peux le voir.

11 M. WHITING : [interprétation]

12 Q. Quelle est la date de ce document ?

13 R. Le 15 février 1991.

14 Q. De qui est-ce que ce document émane ?

15 R. Du secrétariat de l'Intérieur de Knin, le District autonome serbe de

16 Krajina. Cela est adressé à la présidence de la RSFY à Belgrade, au

17 secrétariat de l'Intérieur à Belgrade, au secrétariat fédéral de la Défense

18 à Belgrade, au ministère de l'Intérieur de la République de Croatie à

19 Zagreb, ainsi qu'au secrétariat de la République de l'Intérieur de la

20 République socialiste de Serbie à Belgrade.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai l'impression que nous avons un

22 document tout à fait différent qui porte la date du 3 mars 1991 et qui

23 n'est pas adressé à toutes ces personnes.

24 M. WHITING : [interprétation] Pour ce qui est de la version B/C/S, c'est

25 bien le document en question, mais je pense qu'ils ont affiché la

26 traduction erronée.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Parce que pendant qu'il

28 parlait, nous ne comprenons pas le B/C/S, donc nous essayons de vérifier ce

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1 qu'il dit en regardant la version anglaise. Si on nous a affiché la version

2 anglaise erronée, nous ne sommes pas du tout en mesure de suivre.

3 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que la traduction qui correspond au

4 document 0646 pourrait être affichée, la traduction anglaise j'entends.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. WHITING : [interprétation] Voilà, c'est bien maintenant.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, maintenant nous

8 l'avons.

9 M. WHITING : [interprétation]

10 Q. Monsieur Babic, vous nous avez dit que cela avait été émis par le

11 secrétariat de l'Intérieur à Knin. Pour être bien précis, de qui

12 s'agissait-il ?

13 R. C'était un organe du District autonome serbe de la Krajina. Il

14 s'agissait de la police dirigée par M. Martic.

15 Q. Oui. Je voulais savoir qui dirigeait cela, c'est tout.

16 Est-ce que vous savez quelle est la teneur de ce document ? Est-ce que vous

17 comprenez ce document ?

18 R. Oui. Je me souviens de cet incident, et cet incident est décrit dans le

19 document.

20 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce dont il s'agit ?

21 R. Il y a une description précise dans le document. Dans la zone des lacs

22 de Plitvice dans la municipalité de Plitvice, il y avait une unité spéciale

23 du MUP de la Croatie de quelque 150 hommes.

24 Q. Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de cette unité spéciale ?

25 Est-ce qu'elle est restée à Plitvice, cette unité ?

26 R. Ils se sont retirés après un certain temps.

27 Q. Vous avez déjà fait référence à un événement qui s'est passé le 31 mars

28 1991. Est-ce qu'ils se sont retirés avant la date du 31 mars 1991 ?

Page 1512

1 R. Avant, oui.

2 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au

3 dossier, je vous prie ? Je m'excuse, ce document a déjà été versé au

4 dossier. C'est ce qu'on vient de me dire. Il s'agit de la pièce à

5 conviction 105.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. WHITING : [interprétation]

8 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est passé le 31 mars à

9 Plitvice ?

10 R. Ce fut le premier affrontement armé important entre la police de la

11 Krajina et la police de la Croatie. Cela s'est soldé par des morts

12 d'hommes.

13 Q. Comment est-ce que cela s'est passé ? Est-ce que vous vous souvenez de

14 ce qui s'est passé, de ce qui a déclenché cela ? Est-ce que vous pourriez

15 nous le relater de façon détaillée ?

16 R. Avant cela, le gouvernement de la Croatie avait annoncé que dans la

17 région des lacs de Plitvice, une municipalité séparée spéciale serait

18 organisée. Il s'agissait de couper les lacs de Plitvice de la municipalité

19 de Titova Korenica qui se trouvait dans la SAO de la Krajina. Alors nous,

20 la SAO de la Krajina, y avons réfléchi et nous nous sommes dits que la

21 meilleure méthode consisterait à montrer la présence officielle de la SAO

22 de la Krajina dans la région des lacs de Plitvice, pour démontrer que les

23 lacs de Plitvice faisaient partie de la SAO de la Krajina. Donc, nous avons

24 ouvert un poste de police dans la région des lacs de Plitvice pour

25 maintenir l'ordre public. J'en avais parlé avec M. Martic, avec M. Dusan

26 Orlovic qui était adjoint responsable de la Sûreté d'Etat, et je les avais

27 informés du point de vue de la direction politique de la Krajina. Ils vous

28 ont promis qu'ils ouvriraient un poste de police là. Toutefois, cela ne

Page 1513

1 s'est pas passé. Au lieu de cela, la police de la Krajina y a été envoyée.

2 Ils ont été déployés en position de combat face au territoire de la

3 Croatie, donc le long du pont et en face des bois, près de Slunj. Le

4 gouvernement de la Croatie a réagi en envoyant des unités de police

5 spéciales dont la tâche était d'occuper par la force la région de Plitvice.

6 C'est justement ce qui s'est passé. Il y a eu des escarmouches entre la

7 police de la Krajina et la police spéciale croate. Il y a eu beaucoup de

8 perturbations, de remous, de panique. Les volontaires ont commencé à se

9 rassembler. Il y a eu une certaine panique qui a commencé à régner parmi

10 les Serbes, parce qu'on avait l'impression que la Croatie lançait une

11 offensive importante pour s'emparer du territoire de la Krajina. Cinq

12 heures après le début de cette échauffourée, vers 17 heures -- donc,

13 c'était un peu plus que cinq heures plus tard, en fait, dans la zone du

14 village de Plitvice et des lacs de Plitvice, il y a une unité mécanisée

15 blindée de la JNA qui est apparue. Je pense en fait qu'ils venaient de leur

16 camp d'entraînement de Slunj, parce qu'au départ, ils appartenaient au

17 district militaire de Zagreb. Ils se sont déployés là, à ce niveau-là. Lors

18 des jours qui ont suivi, la direction politique de la Krajina a réagi par

19 le biais de provocations politiques ciblées vers la Serbie et Milosevic.

20 Ils demandaient en fait que soit protégée la population de la Krajina.

21 Cette provocation, en fait, ou ce type de provocation, s'est soldée par une

22 décision de la direction politique de la Krajina, qui a décidé

23 officiellement de se rallier à la Serbie, et qui a demandé assistance à la

24 Serbie.

25 Q. Monsieur Babic, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de la

26 dernière partie de votre réponse. Dans un premier temps, j'aimerais vous

27 poser une question à propos de ce que vous avez dit un peu plus tôt. Vous

28 nous avez dit que des hommes avaient été tués lors de cet événement. Savez-

Page 1514

1 vous combien d'hommes ont été tués ?

2 R. Il y a eu deux morts, un policier croate et un policier serbe. En fait,

3 ce qui a été dit, c'est que le Serbe était civil. Je n'en suis pas sûr. Je

4 sais qu'il y a eu un mort dans chaque camp. Toutefois, les rapports de

5 Korenica ont fait état d'un grand nombre de morts, de personnes capturées,

6 de blessés, ce qui a donc suscité un certain sentiment de panique.

7 Q. Donc ces rapports de Korenica qui faisaient état d'un grand nombre de

8 morts, de personnes capturées et de blessés, est-ce que ces rapports

9 n'étaient pas exacts ?

10 R. Ils étaient inexacts.

11 Q. Vous avez dit que la JNA était intervenue. Est-ce que la JNA a fait

12 office de tampon, après ?

13 R. Oui, à partir du 31 mars jusqu'à la fin du mois d'août ou peut-être

14 jusqu'au début du mois de septembre. Je n'en suis pas sûr. La JNA a fait

15 office de force de séparation en quelque sorte, de tampon.

16 Q. Que s'est-il passé à la fin du mois d'août, au début du mois de

17 septembre ? Est-ce que quelque chose a changé ?

18 R. Oui. La JNA a lancé une offensive contre le camp croate.

19 Q. Quel fut le résultat de cette offensive, si tant est que vous le

20 sachiez ? Quel en fut le résultat à Plitvice ?

21 R. Ils ont assuré le contrôle autour de la zone des lacs de Plitvice, ce

22 qui a engendré l'expulsion ou la fuite de la population croate. C'était une

23 prise militaire, en quelque sorte, de cette région, et son annexion à la

24 Krajina.

25 Q. Monsieur Babic, est-ce qu'un événement s'est déroulé à Pakrac lors du

26 printemps de l'année 1991 ?

27 R. L'événement à Pakrac s'est déroulé aux environs du 31 mars 1991. A

28 l'époque, je me trouvais à Belgrade. Je venais juste de revenir d'une

Page 1515

1 conférence internationale qui s'était déroulée à Genève. J'étais dans une

2 conférence de presse, et j'ai dû rester à Belgrade un certain temps. J'ai

3 entendu parler de cet incident. Il y a eu des rapports. La presse en a

4 parlé. Slobodan Milosevic également y a fait référence.

5 Q. Quelle était la date de cet événement, je vous prie ?

6 R. Cela s'est passé aux alentours du 1er mars 1991.

7 Q. Donc environ un mois avant Plitvice ?

8 R. Oui.

9 Q. A votre connaissance, que s'est-il passé à Pakrac ?

10 R. D'après ce que je sais, les unités armées serbes se sont emparées de

11 l'assemblée municipale par la force, et se sont emparées de toute la ville

12 de Pakrac et des environs de Pakrac. Je ne sais pas quelle fut l'ampleur de

13 cela. Il y a eu une réaction de la part des autorités et de la police

14 croate. La presse avait fait état d'un grand nombre de morts, de blessés.

15 Dans la presse de Belgrade, à la télévision de Belgrade, dans les médias,

16 les rapports étaient particulièrement éloquents sur la question. L'armée

17 populaire yougoslave s'est immiscée dans ces événements. Ils se sont

18 déployés dans la zone de Pakrac. Je ne sais pas, en fait, quelles positions

19 ils avaient investies. Après avoir entendu parler de cela, j'ai appelé par

20 téléphone Milosevic. Je lui ai demandé ce qui se passait. Je lui ai dit que

21 j'étais contrarié. Il m'a dit : "Ne t'en fais pas, tout va bien. Tu peux

22 aller à Knin." Plus tard, j'ai entendu que la presse avait exagéré. J'ai

23 entendu dire -- ou plutôt, je me souviens que la presse avait dit que Savo

24 Bosanac s'était trouvé là, que c'était l'une des personnalités importantes.

25 Plus tard, j'ai appris que cela n'était pas vrai.

26 Q. Est-ce que vous avez appris ultérieurement si des personnes avaient été

27 tuées ?

28 R. Non.

Page 1516

1 Q. Non, vous ne l'avez pas appris, ou non, personne n'a été tué ?

2 R. Je suppose que personne n'a été tué.

3 Q. Vous le supposez ? Pourquoi est-ce que vous le supposez ?

4 R. Je n'ai pas obtenu d'information corroborée à propos du fait que des

5 personnes auraient été tuées. En fait, je ne connais pas véritablement les

6 détails précis de cette affaire.

7 Q. Pour revenir sur les événements qui se sont déroulés à la fin du mois

8 de mars --

9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je m'excuse. Vous parliez, Monsieur,

10 de la presse et des rapports de la presse à Krajina ou en Serbie. A quoi

11 faites-vous référence ? Est-ce que vous pourriez développer un peu cette

12 information, je vous prie ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] La presse écrite de Belgrade ainsi que la

14 télévision. Parce qu'il n'y avait pas de presse en Krajina. A l'époque, je

15 me trouvais à Belgrade et je lisais la presse de Belgrade.

16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

18 Q. Monsieur Babic, je souhaiterais revenir sur les événements du 31 mars à

19 Plitvice. Vous nous avez dit lors de votre description, en fait, que cela

20 avait suscité en fait une provocation politique avec la Serbie. Vous avez

21 décrit la décision prise pour annexer la Krajina à la Serbie, et nous avons

22 des éléments de preuve à ce sujet.

23 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais, en fait, que l'on puisse regarder

24 la pièce 57, il s'agit d'un document 65 ter.

25 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

26 R. Oui. C'est le document que nous avons envoyé aux destinataires dont les

27 noms sont mentionnés en haut du document : la présidence de la RSFY,

28 l'état-major du commandement de la JNA, le secrétariat fédéral de

Page 1517

1 l'Intérieur ainsi que d'autres autorités fédérales.

2 Q. Pourquoi est-ce que vous avez envoyé ce document ?

3 R. Bien, il s'agissait des événements de Plitvice, et ce document se

4 fondait sur les informations dont je disposais à ce sujet.

5 Q. Au paragraphe premier, il est dit que vous demandez instamment aux

6 destinataires du document de mettre en vigueur de façon urgente la décision

7 de la présidence de la Yougoslavie, afin de terminer le retrait des forces

8 terroristes du MUP de ce qu'on appelle la République de la Croatie, qui

9 doivent se retirer du territoire de la SAO de Krajina. A quelle décision

10 faites-vous référence dans le document ?

11 R. Il y avait une décision préalable qui avait été prise par la

12 présidence, je ne sais plus s'il s'agissait d'une décision de la présidence

13 ou d'une décision du président de la présidence, il s'agissait en fait de

14 demander aux parties belligérantes de se retirer.

15 Q. Au moment où vous avez envoyé ce document, est-ce que la JNA était déjà

16 déployée à Plitvice ?

17 R. Oui. Elle l'avait fait le jour antérieur.

18 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au

19 dossier ?

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document 203.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Monsieur Babic, après les événements de Plitvice, pendant les mois

25 d'avril, mai et juin, et même d'ailleurs pendant le mois de juillet 1991,

26 est-ce qu'il y a eu des affrontements armés entre la police de la SAO de la

27 Krajina et la police de la Croatie ?

28 R. Oui. Il y avait constamment des affrontements, des incidents au niveau

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1 des lignes de contact.

2 Q. Est-ce qu'en fait ces incidents suivaient en quelque sorte le schéma

3 que vous nous avez décrit un peu plus tôt ?

4 R. D'après ce que je sais, oui. La police et les unités armées de la

5 Krajina provoquaient les postes de police de la Croatie et avaient

6 également des actes de provocation, en fait, dans les zones habitées par la

7 population croate. Il y avait ces escarmouches. Des policiers ont été

8 arrêtés. Il y a eu intensification des conflits, des affrontements, et

9 ensuite, la JNA intervenait pour séparer les parties. Cela s'est passé dans

10 la région de la Krajina et sur le territoire de la Croatie également.

11 Q. Monsieur Babic, hier vous avez dit que pendant le printemps de l'année

12 1991, M. Martic a fait dans les médias un certain nombre de déclarations à

13 propos de la situation qui prévalait pour ce qui est de la sûreté et de la

14 sécurité dans la SAO de la Krajina et à propos d'arrestations. J'aimerais

15 en fait vous montrer quelques documents, et je vous demanderais de

16 présenter des observations à ce sujet. Je souhaiterais que M. l'Huissier

17 mette le document en question sous le rétroprojecteur.

18 Le premier article émane de la BBC. Il s'agit d'un récapitulatif de

19 la BBC en date du 4 avril 1991. Je vais vous lire un extrait de cela. A la

20 deuxième ligne, il est dit : "D'après lui," Milan Martic, "la police de la

21 Krajina a arrêté six policiers croates. Quatre ont été arrêtés le 31 mars

22 près de Plaski, municipalité d'Otocac, et deux le 1er et le 2 avril près de

23 Civljane." Ensuite, à la fin de l'article, il est dit : "Martic a également

24 dit que les citoyens amenaient déjà au poste de police à Knin la liste des

25 personnes capables ou aptes à porter des armes, et que 10 000 personnes de

26 la Krajina se trouvaient sur ces listes jusqu'à présent et que d'autres

27 listes arrivaient. Lors du rassemblement de protestation à Knin le 1er

28 avril, Martic a dit que le président de la Serbie avait promis qu'il

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1 enverrait des armes à la Krajina."

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Whiting,

3 qu'est-ce que vous êtes en train de lire ? Parce que ce que nous avons sur

4 l'écran est intitulé par la BBC, vous voyez, "récapitulatif BBC des

5 radiodiffusions mondiales." Nous ne voyons pas ce que vous avez lu.

6 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. J'ai lu

7 la deuxième ligne du texte et les deux dernières lignes du texte.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La deuxième ligne du texte --

9 M. WHITING : [interprétation] Oui, cela commence par "D'après lui" --

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vois.

11 M. WHITING : [interprétation] Puis ensuite, les deux dernières lignes. Je

12 m'excuse si je n'ai pas été assez clair.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les deux dernières lignes en bas du

14 document, est-ce que nous pourrions faire défiler cela pour que nous

15 puissions voir les deux dernières lignes ?

16 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier pourrait faire

17 remonter le document sous le rétroprojecteur ? Il s'agit véritablement des

18 deux dernières lignes du document.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois maintenant, et je vous en

20 remercie.

21 M. WHITING : [interprétation]

22 Q. Monsieur Babic, avez-vous entendu ce que je viens de vous lire à voix

23 haute, cet article ?

24 R. Oui.

25 Q. Ceci fait référence à des policiers qui ont été arrêtés près de Plaski,

26 et deux près de Civljane. Pourriez-vous nous dire où se trouvent ces deux

27 endroits, s'il vous plaît ?

28 R. Plaski se trouve à Lika, entre Lika et Kordun, alors que Civljane est

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1 un endroit qui se trouve dans la municipalité de Knin.

2 Q. Cet article correspond-il au reportage des médias, les déclarations de

3 M. Martic que vous avez entendues à l'époque et que vous avez décrites un

4 peu plus tôt dans votre témoignage ?

5 R. Oui. C'étaient les communiqués que nous avons entendus lors des

6 conférences de presse données par M. Martic.

7 M. WHITING : [interprétation] Pourrions-nous verser au dossier ce document,

8 s'il vous plaît ?

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

10 Pouvons-nous avoir un numéro de cote, s'il vous plaît.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce numéro 204, Madame, Messieurs les

12 Juges.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

14 M. WHITING : [interprétation] J'ai un autre article à vous montrer, avec

15 l'aide de l'Huissier, s'il vous plaît. Le numéro ERN de cet article est le

16 R 0297428 à 7429. C'est un article qui est extrait de Tanjug de Belgrade et

17 qui est daté du 26 juillet 1991.

18 Q. Tout d'abord, Monsieur Babic, pourriez-vous nous dire ce qu'est

19 Tanjug ?

20 R. C'était l'agence de presse de la Yougoslavie, l'agence de presse de

21 l'Etat.

22 Q. Au niveau du troisième paragraphe de ce texte, je vais vous le lire, on

23 peut lire : "Le chef de la police dans la Région autonome serbe de la

24 Krajina, Milan Martic, a dit aujourd'hui à Knin que sa milice ne se

25 retirerait pas de la région de Sibenik." Ensuite, deux paragraphes suivants

26 : "Martic a dit : 'On s'attendait à des conflits violents ces prochains

27 jours.' Ensuite, dans les batailles de Glina, trois hommes de la milice de

28 la Krajina ont été légèrement blessés, et 'd'autres policiers au nombre de

Page 1521

1 20 policiers croates ont été arrêtés dans la Banija et dans la région de

2 Kordun.'"

3 Tout d'abord, pourriez-vous nous dire où se trouve Sibenik ?

4 R. Sibenik est une municipalité voisine de la municipalité de Knin, le

5 long de la cote.

6 Q. Cet article correspond-t-il au reportage et déclarations de M. Martic

7 que vous avez décrits dans votre déposition ?

8 R. Oui, ceci correspond à ses déclarations et aux événements qui se sont

9 déroulés.

10 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir un numéro pour

11 cette pièce ?

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un numéro ?

13 M. WHITING : [interprétation] Est-ce qu'il peut-être être versé au dossier,

14 s'il vous plaît ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Ce document est versé

16 au dossier. Pouvons-nous avons un numéro de cote, s'il vous plaît.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Numéro 205, Madame, Messieurs les Juges.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

19 M. WHITING : [interprétation] Pourrions-nous regarder le document 65 ter

20 pièce 109, s'il vous plaît. Ce document porte la cote 31. C'est une pièce

21 qui a été versée au dossier. Pardonnez-moi, cette pièce a reçu la cote

22 numéro 38.

23 Q. Monsieur Babic, est-ce que vous avez un document sous les yeux ? Car

24 nous n'avons rien sur notre écran.

25 R. Je vois l'en-tête ici ou le titre.

26 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire défiler ce

27 document. Je souhaite voir le haut de ce document. Le faire monter vers le

28 haut, s'il vous plaît.

Page 1522

1 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ou est-ce que vous avez besoin

2 de voir davantage ce document ?

3 R. Oui. Il s'agit d'un rapport envoyé par l'état-major de la TO. Ceci est

4 envoyé au commandant suprême de la SAO de la Krajina, de la TO, du

5 secrétaire de la SAO du SUP, du département des services de Sûreté de la

6 DB, du commandant de la TO et de Frenki. C'est daté du 5 et du 6 août 1991.

7 Q. Avez-vous reçu ce rapport à l'époque ?

8 R. Oui.

9 Q. Si nous pouvons faire défiler ce texte de façon à pouvoir voir le

10 deuxième paragraphe où on peut lire : "Il y avait un affrontement armé

11 entre nos forces et les Oustachi dans le village de Lovinac à Gracac.

12 Certains chars ont quitté Gospic pour se rendre à Gracac afin de mettre en

13 place une zone tampon. Au cours de la matinée, nos forces ont tiré sur les

14 positions oustachi à Otocac, à Saborsko et à Sinac, et d'après les éléments

15 d'informations dont nous avons disposé, nous avons infligé des pertes

16 importantes à l'ennemi."

17 Un peu plus loin, il est précisé : "D'après les éléments dont les

18 dispositions de la DB, 11 personnes ont été tuées et 25 blessées au cours

19 des combats dans la région de Velika Glava et Bratiskovci, et plusieurs

20 bâtiments ont été détruits. Vous souvenez-vous avoir entendu parler de ces

21 événements ?

22 R. Oui.

23 Q. On fait référence ici à la DB. De quelle DB s'agit-il, si vous le

24 savez ?

25 R. Il s'agit des services de Sûreté de l'Etat qui fait partie du ministère

26 de l'Intérieur de la SAO de la Krajina, à savoir la DB unifiée. Ceci

27 comprend la DB de la Serbie.

28 Q. Si nous pouvons revoir le haut du document. Au niveau du premier

Page 1523

1 paragraphe, on peut lire sous la date 5, 6 août 1991 : "A cause de la

2 visite du vice-président de la RSFY, Branko Kostic, et de la délégation de

3 la paix, Milan Martic a donné l'ordre d'un cessez-le-feu, exception faite

4 d'une attaque directe." Pourquoi Milan Martic donne-t-il un ordre de

5 cessez-le-feu à cette époque ?

6 R. Tout d'abord, c'est lui qui commandait les forces armées, ou

7 l'appellation donnée par l'opinion publique serbe, c'était la résistance

8 armée du peuple serbe contre les nouvelles autorités croates fascistes. La

9 délégation des autorités fédérales était censée remettre de l'ordre et

10 mettre en place une sorte de trêve. Cette délégation était dirigée par un

11 membre de la présidence, M. Branko Kostic.

12 M. WHITING : [interprétation] Ceci a déjà été versé au dossier, donc je ne

13 vais pas redemander le versement. On peut enlever ce document de l'écran

14 maintenant, s'il vous plaît.

15 Q. Cela étant dit, le document, un des destinataires de ce document était

16 Frenki. D'après vous, qui était-ce ? Qui était Frenki?

17 R. Franko Simatovic, alias Frenki, qui travaillait pour les services de

18 Sûreté de l'Etat de la Serbie, de la DB. J'en ai parlé hier.

19 Q. Que s'est-il passé ? Le fait que cette délégation soit venue dans la

20 SAO de la Krajina, comment ceci s'est-il terminé ? Y a-t-il effectivement

21 eu une trêve ?

22 R. Pendant un cours laps de temps, je crois que oui. Peut-être jusqu'au 18

23 -- pardonnez-moi, pendant deux ou trois semaines au mois d'août jusqu'au 25

24 ou 26 août. Je ne suis pas tout à fait sûr à propos de la région de Knin,

25 ni d'autres régions non plus.

26 Q. Très bien. Vous avez, dans votre déposition hier et avant-hier, parlé

27 des structures parallèles, et vous avez parlé des relations entre Milan

28 Martic et le ministre de l'Intérieur dans la SAO de la Krajina et le

Page 1524

1 ministère de l'Intérieur de la Serbie. Vous avez également parlé de Jovica

2 Stanisic et vous nous avez dit quelle fonction il occupait. Avez-vous vu

3 Jovica Stanisic dans la SAO de la Krajina ?

4 R. Oui, à plusieurs reprises.

5 Q. A quelle occasion ?

6 R. La première fois, je l'ai vu au mois d'août 1990.

7 Q. Où l'avez-vous vu ?

8 R. Dans un restaurant qui s'appelait Vrelo. C'est à l'entrée du village de

9 Golubic. Il était là, accompagné de M. Martic, ou pour être plus précis, M.

10 Martic m'a demandé de venir rencontrer quelqu'un du SUP de Serbie. A cette

11 époque-là, les barrages avaient été mis en place par les hommes qui se

12 trouvaient à Golubic.

13 Q. Est-ce qu'il vous a dit pourquoi il souhaitait que vous rencontriez

14 quelqu'un du SUP de Serbie ?

15 R. Il m'a dit quelque chose comme si c'était un ami ou quelqu'un qui

16 pouvait nous aider. J'étais un petit peu surpris. Au début, je ne lui

17 faisais pas entièrement confiance et je suis resté sur mes gardes un petit

18 peu. J'ai rapidement oublié cet événement, jusqu'au mois de janvier 1991 où

19 Stanisic me l'a rappelé à Belgrade. C'est lui qui m'a rappelé que je

20 l'avais rencontré au mois d'août avec Martic dans ce restaurant Vrelo.

21 Q. Comment avez-vous rencontré M. Stanisic à Belgrade au mois de janvier

22 1991 ? Comment ceci s'est-il passé ?

23 R. Avant cela, j'avais reçu des informations comme quoi un coup militaire

24 se préparait en Croatie et qu'il fallait que les dirigeants politiques

25 croates soient démis de leurs fonctions et qu'il fallait mettre en place un

26 régime militaire. Après quoi, Milosevic, m'a dit qu'il allait arrêter

27 Martin Spegelj et d'autres ministres croates à Zagreb et que j'étais menacé

28 à Knin et qu'il fallait que je reste à Belgrade, que je puisse bénéficier

Page 1525

1 de leur protection et de leur contrôle. Il m'a demandé d'aller voir le

2 ministre, ou plutôt le secrétaire de l'Intérieur, M. Radmilo Bogdanovic,

3 que je devais me placer sous sa protection et que je devais rester à

4 Belgrade.

5 Après avoir être allé rencontrer M. Radmilo Bogdanovic, je me suis rendu au

6 ministère de l'Intérieur de la Serbie. Il m'a demandé où j'habitais et je

7 lui ai dit que je pouvais habiter chez mon cousin. Il m'a dit d'aller

8 rencontrer Jovica Stanisic qui travaillait pour les services de Sûreté de

9 l'Etat dans l'ancien bâtiment qui jouxtait le bâtiment du ministère. J'ai

10 traversé quelques couloirs qu'il y avait entre ces deux bâtiments et j'ai

11 finalement rencontré Jovica Stanisic qui m'a dit qu'il me fournirait une

12 escorte fournie par les services de Sûreté de l'Etat. Je suis resté 15

13 jours à Belgrade, protégé par les services de Sûreté de l'Etat de la

14 Serbie. A un moment donné, j'ai décidé de partir parce que des rumeurs

15 circulaient à Knin en vertu de quoi j'avais fui. Spegelj, pour finir, n'a

16 pas été arrêté. Rien n'a été fait. Bogdanovic m'a dit : "C'est mieux si tu

17 retournes chez les tiens." C'est comme cela que j'ai terminé mon séjour à

18 Belgrade.

19 Q. Monsieur Babic, après la pause, je vais vous poser des questions à

20 propos d'autres réunions que vous avez eues avec Jovica Stanisic dans la

21 SAO de la Krajina et à Belgrade. Mais nous sommes arrivés au moment de la

22 pause.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons faire une

24 pause et revenir à 10 heures 45. L'audience est levée.

25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 16.

26 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.

28 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 1526

1 Q. Monsieur Babic, avant la pause, nous avons parlé des différentes

2 occasions où vous avez vu Jovica Stanisic. Je souhaite d'abord parler des

3 occasions où vous l'avez vu dans la SAO de la Krajina. Vous nous avez dit

4 que la première fois, vous l'avez vu au mois d'août 1990. Quand l'avez-vous

5 vu après cela, dans la SAO de la Krajina, la fois suivante ?

6 R. Au mois d'avril 1991.

7 Q. Et où l'avez-vous vu ?

8 R. Dans mon appartement à Knin.

9 Q. Que s'est-il passé ? Pourriez-vous nous décrire cette réunion ?

10 R. Il est arrivé accompagné d'une autre personne qu'il m'a présentée comme

11 étant Frenki. Il a dit que Frenki était un expert en matière électronique

12 ou quelque chose de la sorte, et il m'a dit qu'ils étaient là pour vérifier

13 mon appartement, pour voir si on avait mis des systèmes d'écoute, et si

14 l'armée avait disposé ce genre de choses dans mon appartement. Voilà ce qui

15 s'est passé. Après cela, Frenki est arrivé accompagné d'un certain nombre

16 de personnes et ils ont fouillé l'appartement.

17 Q. Il s'agit de Frenki Simatovic ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourquoi votre appartement aurait-il été mis sur écoute par l'armée ?

20 R. Je suppose que c'était une des tâches qu'ils accomplissaient de façon

21 routinière. Le KOS, le service des contre-renseignements, s'occupait de ce

22 genre de chose, et j'aurais pu les intéresser.

23 Q. Avez-vous vu Jovica Stanisic à d'autres occasions dans la SAO de la

24 Krajina ?

25 R. Dans la SAO de la Krajina, je l'ai vu deux fois encore, au début du

26 mois d'août 1991. Pour autant que je m'en souvienne, c'était la deuxième

27 fois que je l'ai vu à Knin.

28 Q. Lorsque vous l'avez rencontré à ce moment-là, c'était à quelle

Page 1527

1 occasion ?

2 R. La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était par hasard,

3 le 1er ou le 2 août, c'est-à-dire tout de suite après la proposition que

4 j'avais faite et après que le gouvernement de la SAO de la Krajina avait

5 démembré le service de Sûreté de l'Etat. La fois suivante, c'était après le

6 départ du capitaine Dragan, donc c'était peut-être deux jours après cela.

7 Quoi qu'il en soit, les deux événements étaient assez rapprochés. La

8 réunion s'est tenue dans le même café, Vrelo, à Golubic, où nous nous

9 sommes rencontrés la première fois, et, hormis lui-même, il y avait

10 également Dusan Orlovic.

11 Q. [aucune interprétation]

12 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Et M. Martic également.

13 M. WHITING : [interprétation]

14 Q. Pardonnez-moi, qui était là ? C'était M. Orlovic, M. Martic, ou les

15 deux ?

16 R. Les deux.

17 Q. Ont-ils assisté à la deuxième réunion du mois d'août ?

18 R. Oui, c'était la deuxième et seule réunion du mois d'août. La première

19 réunion n'était pas une réunion. Je l'ai rencontré par hasard, je l'ai

20 rencontré dans la rue et il était tout seul.

21 Q. Vous nous avez parlé plus tôt, dans votre déposition, d'une

22 conversation que vous avez eue avec Jovica Stanisic à propos de votre

23 décision rendue le 1 août 1991, aux fins de démembrer la DB dans la SAO de

24 la Krajina. Est-ce que cette conversation a eu lieu par hasard dans la rue,

25 ou est-ce que cette conversation s'est déroulée dans le café ?

26 R. Nous nous sommes rencontrés par hasard dans la rue, en tout cas, c'est

27 l'impression que j'avais. Peut-être qu'il m'attendait, peut-être qu'il

28 souhaitait me rencontrer, mais nous n'avons pas évoqué cela au café.

Page 1528

1 Q. Vous nous avez décrit -- tout d'abord, je vais vous poser cette

2 question-ci : savez-vous quelle relation existait entre M. Stanisic et M.

3 Martic ? Quel genre de rapports avaient-ils ?

4 R. C'étaient des rapports assez amicaux. Ils travaillaient étroitement

5 ensemble, et Martic écoutait attentivement ce que Stanisic avait à dire. Ce

6 n'était pas des liens de subordination officiels; je crois qu'il s'agissait

7 plutôt de recueillir les conseils d'un collègue qui avait plus

8 d'expérience. Il n'y avait aucune sorte d'obéissance.

9 Q. Et quel type de relation existait entre M. Stanisic et M. Milosevic ?

10 R. C'était son subordonné.

11 Q. Maintenant, vous nous avez parlé d'une réunion qui a eu lieu en

12 présence de M. Stanisic, au mois de janvier 1991. Avez-vous eu l'occasion

13 de revoir M. Stanisic à Belgrade dans le courant de l'année, par la suite ?

14 R. Oui. Je l'ai vu au mois de mars 1991.

15 Q. Pourriez-vous nous décrire dans quelles circonstances cette réunion

16 s'est déroulée ? Que s'est-il passé à ce moment-là ? Pourquoi étiez-vous à

17 Belgrade ? Que se passait-il à ce moment-là ?

18 R. C'était la fin du mois de mars 1991, et avant cela, il y avait eu la

19 crise avec la présidence yougoslave. Ils n'ont pas adopté la décision sur

20 la prise des mesures d'urgences et le déploiement de la JNA. Borisav Jovic

21 a donné sa démission provisoirement de la présidence et ensuite, il a été

22 réinstauré à ce poste ou réhabilité. Ensuite, lorsque les choses sont

23 apparues plus clairement, qu'il s'agissait d'une crise sérieuse et que cela

24 touchait au fonctionnement des organes de l'Etat et de la JNA, M. David

25 Rastovic est venu me voir. Il était président, à ce moment-là, de la

26 municipalité Lapac, et il m'a dit qu'il fallait de toute urgence que nous

27 allions rencontrer M. Milosevic pour lui demander quel était son point de

28 vue sur les questions de protection dans ce cas-là, et quelles étaient les

Page 1529

1 raisons pour lesquelles nous voulions le rencontrer. Il a accepté de nous

2 recevoir. Il nous a reçus à Belgrade dans son bureau, et nous lui avons

3 demandé : Que devons-nous faire ? Nous ne nous sentons pas en sécurité.

4 Q. Qu'a-t-il dit ?

5 R. Il nous a dit que la première fois, il n'a pas parlé de la protection

6 de la JNA. Ensuite, il a dit : "J'ai acheté 20 000 pièces d'armes." Il nous

7 a regardés et il nous a dit : "Je ne sais pas de quoi vous parlez."

8 Ensuite, ce David Rastovic a quitté la pièce pour aller chercher quelqu'un

9 d'autre, je ne me souviens pas du nom de la personne, c'était un retraité

10 qui vivait à Belgrade, mais qui venait de Krajina. C'était un civil qui

11 occupait une fonction, je ne sais pas laquelle, je ne me souviens pas. Nous

12 lui avons demandé s'il savait quelque chose à propos de Moric [phon], pour

13 savoir s'il avait un rôle à jouer dans l'achat de ces armes. Il est

14 également venu voir Milosevic dans son bureau et il a dit que rien n'avait

15 été fait. Ensuite, Milosevic s'est exprimé avec force et a dit qu'il

16 l'avait floué. Il a quitté la pièce et peu de temps après, Radmilo

17 Bogdanovic est venu le voir dans son bureau. Il était sur le point de

18 démissionner de son poste ministériel et M. Jovica Stanisic de la DB. C'est

19 à cette réunion que j'ai rencontré Stanisic encore une fois à Belgrade.

20 Q. Que s'est-il passé lorsqu'ils sont arrivés à cette réunion-là ?

21 R. Milosevic lui a demandé ce qu'il était advenu des armes. Et Radmilo

22 Bogdanovic a dit qu'ils avaient envoyé 500 pièces d'armes à Banija. J'ai

23 répondu que je n'avais aucune connaissance de ce fait, et ensuite,

24 Bogdanovic a dit : "Vous n'êtes pas censé tout savoir." Après quoi, je me

25 suis tourné vers Milosevic et je lui ai dit qu'il y avait des problèmes au

26 niveau du fonctionnement du SUP, qu'il n'y avait pas suffisamment de gens

27 qualifiés et qu'il n'y avait pas suffisamment de gens capables d'organiser

28 les affaires internes de la Krajina, qu'il n'y avait pas de secrétariat

Page 1530

1 compétent, qu'il nous fallait des représentants de la police scientifique

2 et des avocats, des gens qui connaissaient les affaires internes bien et

3 que nous devrions pouvoir mettre en place ceci, que le secrétariat de

4 l'Intérieur devait fonctionner de façon correcte. Il a promis qu'il allait

5 nous aider au cours de cette réunion.

6 Q. Nous allons revenir sur la remarque que vous venez de faire dans votre

7 déposition, mais je souhaite vous poser d'autres questions à propos des

8 armes dont vous avez pris connaissance à cette réunion-là. Après cette

9 réunion, avez-vous appris autre chose à propos de ces armes ?

10 R. J'ai appris que ces armes n'étaient pas venues de Hongrie du tout, mais

11 d'un dépôt de la TO, et que ces dernières avaient été transportées en

12 Krajina sous l'égide de Kertes et le ministre de l'Intérieur de la Krajina,

13 ainsi que d'autres personnes qui se trouvaient en Bosnie.

14 Q. Vous dites que ceci provenait d'un dépôt de la TO. De quelle TO ?

15 R. De la TO serbe.

16 Q. Comment avez-vous pris connaissance de cela, de ces éléments

17 d'information ?

18 R. Je crois que c'était au mois de mai ou au mois de juin 1991. Le

19 commandant de la police à l'époque, le commandant de la police de Knin, qui

20 était un adjoint de Martic, et une autre personne qui venait du poste de

21 police de Knin, je ne me souviens pas de son nom, quoi qu'il en soit, ils

22 m'ont emmené dans le village de Radujcic. Milenko Zelenbaba était le nom de

23 l'autre personne, c'était le commandant du poste de police. Et Jovo -- je

24 ne me souviens pas de son nom de famille. Ils m'ont emmené à Raducic, près

25 de Knin, et ils m'ont montré un cache d'armes. Il y avait des fusils, des

26 mortiers, et ils m'ont dit que ces armes venaient de Serbie et que Braco

27 s'était ainsi frayé un chemin dans les dépôts de la TO. Lorsqu'il a dit

28 "Braco," je crois qu'il pensait à Kertes. Plus tard j'ai entendu de Grbic,

Page 1531

1 originaire de Bosanski Novi, que des armes étaient transportées en

2 provenance de Serbie à travers la rivière Una jusqu'à la Banija, et je

3 suppose que ces armes provenaient du même endroit.

4 Q. Très bien. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions au sujet

5 de ce que vous nous avez dit à l'instant. D'abord, Milenko Zelenbaba

6 commandait le poste de police de quelle localité ?

7 R. De Knin.

8 Q. Etait-il un subordonné de Milan Martic dans ces conditions ?

9 R. Oui. C'était également un de ses amis.

10 Q. Vous avez également prononcé le nom de Kertez. Qui était cet homme ?

11 R. Mihalj Kertes, tel était son nom. Jusqu'en 1990 et jusqu'aux élections

12 présidentielles en Serbie, il était membre de la présidence de la

13 République de Serbie. En 1991, je ne me souviens plus exactement quelles

14 ont été ses nouvelles fonctions, mais en tout cas c'était un ami très

15 proche et un collaborateur de Jovica Stanisic et de Milosevic. Son bureau

16 se trouvait dans le bâtiment de la présidence de Serbie, au-dessus du

17 bureau de Milosevic.

18 Q. Vous avez parlé d'un certain Mile Grbic. Qu'est-ce qu'il vous a dit.

19 Pouvez-vous le répéter ?

20 R. Mile Grbic, je le connaissais déjà depuis 1990. En 1990, accompagné de

21 Spomen Parsamarica [phon], il a fourni des armes à Martic, au moment des

22 barrages en 1990. C'est à ce moment-là que j'ai fait sa connaissance. Plus

23 tard, je l'ai rencontré à Bosanski Novi.

24 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Comment savez-vous qu'il a fait cela

25 en 1990 ?

26 R. Il me l'a dit. Il est arrivé à Knin, et sur le chemin du retour il est

27 venu me voir. Il était accompagné d'un autre homme. Ils étaient deux et ils

28 souhaitaient faire ma connaissance. Il s'agissait de Mile Grbic et de Zika

Page 1532

1 Rakic. Ils m'ont dit qu'ils étaient venus à Knin et que les armes qui se

2 trouvaient dans le musée, dans le mémorial de Samarica, ils allaient les

3 remettre à Martic, et que puisqu'ils étaient venus dans ce but à Knin, ils

4 saisissaient l'occasion pour me rencontrer également.

5 Q. Où se trouve ce mémorial de Samarica et de quoi s'agit-il exactement ?

6 R. Il se trouve au carrefour entre Petrijna et Kostajnica, de l'autre côté

7 de la rivière Una quand on vient de Bosanski Novi et qu'on se dirige vers

8 Grbic, au carrefour entre les trois municipalités.

9 Q. Est-ce que vous avez des détails au sujet de la nature des armes en

10 question ?

11 R. Non. Je sais simplement que ces armes provenaient du musée de Samarica

12 et qu'elles dataient de la Seconde Guerre mondiale.

13 Q. Je vois. Avançons un peu et parlons de 1991. Est-ce que vous avez

14 appris quelque chose d'autre de la bouche de Mile Grbic en 1991 au sujet

15 des armes ?

16 R. Ecoutez, nous étions devenus pratiquement des amis. Il avait des

17 relations d'amitié à mon égard et c'est ainsi que c'est à moi qu'il a fait

18 connaître en premier les renseignements qu'il a obtenus de l'armée croate,

19 à savoir que la Croatie s'apprêtait à arrêter Spegelj et qu'il se préparait

20 certains événements en Croatie. Il m'a dit que je ferais bien de m'enquérir

21 ou d'essayer d'apprendre de quoi il s'agissait. Tout cela se passait à la

22 fin décembre, début janvier 1991, et c'est le premier qui m'a parlé de tout

23 cela. Il tenait un café à Bosanski Novi et lors de mes déplacements,

24 j'avais l'habitude de m'arrêter dans son café pour me reposer un petit peu.

25 En 1991, au mois d'août je crois, ou peut-être en juillet, il m'a dit que

26 des armes arrivaient de Serbie avec l'aide de Jovica Stanisic. Je lui ai

27 demandé quel trajet suivaient ces armes, et il m'a dit qu'elles arrivaient

28 par la grande route, la magistrale. Cette magistrale traverse toute la

Page 1533

1 Croatie. Je me demandais un petit peu comment ils avaient réussi à faire

2 voyager ces armes de cette façon et s'ils avaient éventuellement un trajet

3 de secours pour les armes, mais il n'a pas voulu me révéler ce deuxième

4 itinéraire.

5 Q. Est-ce que vous savez où allaient les armes en question ?

6 R. Elles traversaient la Una pour aller en Banija et à Kordun.

7 Q. Quelle était leur destination finale ? Qui était censé recevoir ces

8 armes dans la Banija et Kordun ?

9 R. Il ne me l'a pas dit, mais à l'époque il y avait ce qu'on appelait des

10 unités de volontaires, la 7e Division de Banija et d'autres groupes de

11 volontaires existaient déjà.

12 Q. Nous parlerons de ces groupes de volontaires plus tard.

13 Au cours de votre déposition hier, vous avez prononcé le nom de Dusan

14 Smiljanic en parlant de l'arrestation de Milan Martic, ou en tout cas de ce

15 moment en septembre 1991 quand il a été retenu quelque temps. Connaissiez-

16 vous le nom de Dusan Smiljanic avant ces événements de septembre 1991 ?

17 R. Oui.

18 Q. Comment avez-vous appris ce nom ?

19 R. J'ai rencontré cet homme à la fin de juillet ou au début du mois d'août

20 1991.

21 Q. De qui s'agissait-il ?

22 R. Il était chef de la sécurité au sein du 10e Corps de Zagreb et il est

23 venu à Korenica avec le commandant du corps, Nikola Uzelac. C'est à ce

24 moment-là que je l'ai rencontré.

25 Q. Quand vous l'avez rencontré, avez-vous appris quelque chose de

26 particulier au sujet de ce qu'il faisait ?

27 R. Il nous a dit que nous pouvions nous adresser à lui si nous avions

28 besoin d'armes, à ce moment-là.

Page 1534

1 Q. Qu'a-t-il dit exactement ?

2 R. Ce que je viens de vous rapporter. Il a dit : Si tu as besoin d'armes,

3 tu peux t'adresser à moi et tu les obtiendras.

4 Q. Savez-vous s'il a fourni des armes aux Serbes de Krajina,

5 effectivement ?

6 R. Oui.

7 Q. Comment le savez-vous ?

8 R. C'est moi qui lui ai adressé certaines personnes à Zelava [phon]. C'est

9 une localité qui se trouve non loin de l'aéroport de Bihac et qui est à

10 cheval sur le territoire de la Croatie et sur le territoire de la Bosnie-

11 Herzégovine.

12 Q. Dans quel but lui avez-vous adressé ces personnes, dans le but

13 d'obtenir des armes ?

14 R. Oui. Ils étaient venus me dire qu'ils n'avaient pas d'armes, que tous

15 les autres en avaient et qu'eux n'en avaient pas. Il m'a demandé si je

16 pouvais les aider. Je me suis souvenu à ce moment-là que je pouvais les

17 envoyer à Korenica, ce que j'ai fait.

18 Q. Qui étaient ces personnes que vous avez envoyées là-bas ?

19 R. C'étaient des gens de la municipalité de Knin, des présidents de

20 communautés locales de la municipalité de Knin.

21 Q. Ont-ils obtenu des armes auprès de Dusan Smiljanic ?

22 R. Oui.

23 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que nous examinions le document 65

24 ter numéro 1452.

25 Q. Ceci semble être un document émanant d'un certain Dusan Smiljanic,

26 colonel de son grade. Je vous demande s'il s'agit bien du Dusan Smiljanic

27 dont vous venez de parler ?

28 R. Oui.

Page 1535

1 Q. Ce document est adressé au général Ratko Mladic et il daté du 15

2 octobre 1994. J'aimerais que nous examinions de plus près un paragraphe en

3 particulier. Je vous demande de vous rendre en page 2 de la version B/C/S.

4 Cela se trouve également en page 2 de la version anglaise, en haut de la

5 page. Je crois que pour les interprètes il sera plus facile que je donne

6 lecture de ce paragraphe. Je cite : "J'ai créé des liens illégaux avec des

7 personnalités importantes du SDS dans la Lika, la Banija, à Kordun et à

8 Banja Luka, avec un groupe d'OB," organe de sécurité, "et de VP," police

9 militaire, "à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai, j'ai

10 commencé à distribuer illégalement des armes au peuple serbe, armes en

11 provenance de nos dépôts d'armes qui aujourd'hui sont des dépôts oustachi."

12 Ensuite, on a la liste d'un certain nombre de localités. "J'ai recruté des

13 manutentionnaires serbes dans ces dépôts. Cette action s'est poursuivie

14 jusqu'au début du mois de juin 1991, date à laquelle environ 15 000 armes

15 d'infanterie, mortiers, armes antiaériennes de calibre 20 millimètres et un

16 grand nombre de munitions avaient été distribués, ce que nous considérions

17 décisif pour la défense de Lika, de Kordun et de la Banija, compte tenu de

18 la situation des unités opérationnelles qui se trouvaient dans la Lika, à

19 Kordun et dans la Banija."

20 Ceci correspond t-il avec ce que vous venez de nous dire au sujet du rôle

21 de Dusan Smiljanic dans la fourniture d'armes ?

22 R. Oui.

23 Q. Passons maintenant à la page 3, aussi bien dans la version anglaise que

24 dans la version B/C/S de ce texte, à peu près au milieu de la page de la

25 version anglaise et au tiers de la page de la version B/C/S. Je vais donner

26 lecture de ce passage. Je cite : "Compte tenu de la grande opposition et

27 des problèmes que posait la création d'une brigade, notamment dans la

28 région de la Lika et dans une partie de la région de la Banija en septembre

Page 1536

1 1991, j'ai organisé des rencontres entre les officiers de réserve de plus

2 haut rang et ceux qui étaient à cette époque-là les représentants des

3 autorités de Gracac et de Vrhovine, réunions auxquelles le président de

4 l'époque de la RSK, Milan Martic, a assisté. A l'issue de ces réunions,

5 une brigade a été créée à Gracac, Udpina [phon], Vrhovine et Plaski. Dans

6 l'après-midi du même jour, je me suis rendu à Novi Grad accompagné de Milan

7 Martic dans l'intention de résoudre certaines questions qui avaient surgi à

8 l'occasion de la prise de Kostajnica. A mon retour de Novi Grad, nous avons

9 été arrêtés dans le village d'Otaka, comme vous le savez."

10 D'après vous, de quoi est-il question dans ce paragraphe ?

11 R. Il est question, pour l'essentiel, de deux choses. D'abord, des

12 problèmes liés à la mobilisation des hommes qui faisaient partie de ce

13 qu'il est convenu d'appeler les Unités de Partisans et qu'on appelait à

14 l'époque les brigades, en septembre 1991. En deuxième lieu, il est question

15 de son départ de la zone de Kostajnica et de Novi Grad et de son

16 arrestation, ainsi que de l'arrestation de Martic à Otaka en septembre

17 1991.

18 Q. Est-ce que vous savez quelle était la nature des problèmes qui se

19 posaient eu égard à la mobilisation en septembre 1991 ?

20 R. Ces problèmes étaient de deux sortes. D'abord, je vous rappelle que les

21 unités de la JNA qu'on appelait Brigades de Partisans étaient des unités

22 d'infanterie légère. Le premier problème, c'était que les Croates n'ont pas

23 répondu à l'appel de mobilisation et n'ont donc pas été intégrés à ces

24 brigades. Pour une raison très simple, c'est que les Serbes employaient le

25 terme de partisans pour qualifier ces unités. Or, le terme de partisans

26 date de la Seconde Guerre mondiale, et les Serbes n'ont donc pas accepté de

27 répondre à l'appel de mobilisation. Des actions politiques ont été

28 organisées dans les municipalités parmi la population pour tenter de faire

Page 1537

1 accepter et de faire appliquer cette mobilisation. Il dit que ce travail se

2 mène en collaboration avec M. Martic dans cette région.

3 M. WHITING : [interprétation] Ce document, pourrait-il recevoir une cote ?

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est admis en tant que

5 pièce à conviction. Je demande qu'une cote lui soit affectée.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 206,

7 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

9 M. WHITING : [interprétation] Avec l'aide de l'Huissier, j'aimerais

10 soumettre deux articles de presse au témoin. Je demande que la traduction

11 en anglais soit placée sous le rétroprojecteur et que l'original soit remis

12 au témoin.

13 Q. Cet article que nous avons sous les yeux date du 3 avril 1991 et il

14 émane de Tanjug. Vous nous direz ce qu'est Tanjug exactement. D'abord, je

15 donne lecture de cet article. Vous pouvez suivre dans la traduction que

16 vous-même avez sous les yeux. Je cite un passage : "Martic a exprimé sa

17 conviction que Slobodan Milosevic allait armer les Serbes de Croatie.

18 Compte tenu du fait que l'Etat de Croatie a armé les Croates, il est normal

19 que l'Etat serbe arme son propre peuple pour créer un équilibre, a dit

20 Martic, ajoutant que 10 000 personnes de la Krajina s'étaient portées

21 volontaires pour défendre la Krajina et la région de Knin."

22 Monsieur Babic, est-ce que ceci correspond à ce que vous avez lu dans

23 la presse à l'époque ?

24 R. Oui.

25 Q. Pour le compte rendu d'audience, j'indique que le numéro ERN de

26 cet article est R0293885 et je demande que ce document reçoive une cote en

27 tant que pièce à conviction.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au

Page 1538

1 dossier. Je demande qu'une cote lui soit affectée.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

3 207, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

5 M. WHITING : [interprétation] Avec l'aide de l'Huissier, j'aimerais

6 qu'un autre article soit soumis au témoin. Je ne dispose pas de traduction

7 pour cet article, mais on peut placer l'original sur le rétroprojecteur. Un

8 peu plus haut, s'il vous plaît. Très bien.

9 Q. C'est un article tiré du Toronto Star du 11 mai 1991, numéro ERN

10 04675487. Je commence la lecture au milieu de la page. Je cite : "Les chefs

11 de la minorité rebelle serbe de Croatie ont bien accueilli cet accord.

12 L'accord a été discuté à ce moment-là, mais le chef de la police, Milan

13 Martic, a dit que les Serbes rebelles n'allaient pas obtempérer à cet ordre

14 de la présidence de remettre leurs armes tant que les Croates ne l'auraient

15 pas fait également."

16 D'après vous, que veux dire ce passage, Monsieur Babic ?

17 R. Je n'entends pas l'interprétation, je suis désolé.

18 Maintenant, j'entends de nouveau l'interprète, mais il faudrait que

19 vous relisiez le passage, car je ne l'ai pas entendu dans ma langue.

20 Q. Oui, très bien. Donc c'est un article qui date du 11 mai 1991,

21 qui est tiré du Toronto Star, et qui fait référence à un accord de paix

22 conclu à ce moment-là. Le passage qui m'intéresse se lit comme suit, je

23 cite : "Les dirigeants de la minorité serbe rebelle de Croatie ont

24 également bien accueilli cet accord, mais le chef de la police Milan Martic

25 a déclaré que les Serbes rebelles n'allaient pas obtempérer à l'ordre de la

26 présidence de remettre leurs armes tant que les Croates ne l'auraient pas

27 fait également."

28 D'après vous, que veut dire ce passage ?

Page 1539

1 R. Oui. Là, nous sommes au moment qui a suivi l'escalade des tensions à

2 partir du 2 mai, à partir du début du mois de mai 1991 de façon générale,

3 suite à des incidents et affrontements importants, ainsi qu'à des effusions

4 de sang dans la région de Borovo Selo, c'est-à-dire dans les environs de

5 Knin, dans la zone de Zadar également, c'est-à-dire dans toute la région de

6 la Krajina. Il y avait eu intervention de la présidence yougoslave pour

7 tenter d'obtenir un cessez-le-feu et commencer à mettre en place un

8 dialogue politique. C'est à cette période précise que fait référence cet

9 article, ainsi qu'à la réaction de l'entourage de M. Martic et de M. Martic

10 à ces événements.

11 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que ce document soit versé au

12 dossier.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est accepté en tant que

14 pièce à conviction. Je demande qu'une cote lui soit affectée.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 208,

16 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

18 M. WHITING : [interprétation]

19 Q. Monsieur Babic, vous avez parlé à plusieurs reprises au cours de votre

20 déposition d'un campement créé à Golubic en mars, avril 1991. Vous avez

21 également parlé dans votre déposition de votre rencontre en mars 1991 avec

22 M. Milosevic, rencontre au cours de laquelle vous avez demandé l'aide du

23 secrétariat à l'Intérieur, comme on l'appelait à l'époque, aide destinée à

24 la SAO de Krajina. Vous avez déclaré qu'il vous avait promis cet aide.

25 Suite à cette rencontre, quelle est la nature exacte de l'aide que vous

26 avez éventuellement obtenue ?

27 R. Nous avons obtenu l'aide à laquelle je m'attendais, c'est-à-dire une

28 aide du secrétariat à l'Intérieur, qui a permis que des gens arrivent chez

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1 nous et qui, pour l'essentiel, ont continué à militariser la police de

2 Krajina. Voilà quelle a été la nature de l'aide fournie par Milosevic.

3 Q. Que voulez-vous dire lorsque vous parlez de la militarisation de la

4 police de Krajina ?

5 R. La police est devenue une force paramilitaire, une organisation semi-

6 militaire, suite à cela.

7 M. WHITING : [interprétation] Pourrions-nous examiner le document 65 ter

8 numéro 56, qui est déjà une pièce à conviction ? Il s'agit de la pièce à

9 conviction 29.

10 Q. Monsieur Babic, reconnaissez-vous ce document ?

11 R. Oui. C'est le décret du Conseil exécutif de la Région autonome serbe de

12 Krajina du 1er avril 1991, adopté sur mon initiative.

13 Q. Ce jour-là est-il bien le lendemain des événements de Plitvice ?

14 R. Oui.

15 Q. Ce document se divise en deux parties. On voit d'abord un décret et

16 ensuite, des demandes. Le décret porte sur la mobilisation de la Défense

17 territoriale de la SAO de Krajina. Pourquoi avez-vous adopté ce décret, et

18 a-t-il eu le moindre effet ?

19 R. C'était la réaction aux événements de Plitvice, parce qu'il existait le

20 sentiment en Krajina que les forces armées croates étaient en train

21 d'essayer d'occuper la Krajina. Cela a donné lieu à une espèce de

22 soulèvement, plutôt qu'à une mobilisation en bonne et due forme, car nous

23 n'étions pas dans les conditions nécessaires pour procéder à une réelle

24 mobilisation.

25 Q. Est-ce que ceci a eu le moindre effet ? Est-ce que ceci a eu des

26 résultats ?

27 R. Non.

28 Q. La deuxième partie de ce document se compose de demandes adressées au

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1 gouvernement de Serbie, demandes destinées à ce que le ministère de

2 l'Intérieur de la République de Serbie apporte un appui technique et une

3 aide en personnel au SUP de la SAO de Krajina. Pourquoi est-ce que vous

4 avez fait ces demandes ?

5 R. Pour que soient respectés les termes de l'accord conclu avec Milosevic,

6 pour lui permettre de remplir ses promesses.

7 Q. Est-ce que vous parlez des promesses qu'il vous avait faites en mars

8 1991 ?

9 R. Oui, c'est à ces promesses que je pense.

10 Q. Vous nous avez dit, il y a quelques instants, ce qui s'était passé

11 après ces demandes d'aide. Vous avez dit que la police de Krajina avait en

12 fait été militarisée. Pouvez-vous nous dire concrètement de quelle façon

13 cela s'est passé ?

14 R. Au mois d'avril, un camp d'entraînement destiné à entraîner les membres

15 des unités spéciales de la police a été créé. Il a fonctionné tout le

16 printemps et tout l'été de 1991. C'est là que les hommes des unités

17 spéciales de la police de Krajina ont été entraînés avant d'aller sur le

18 terrain, dans les diverses municipalités de la Krajina. Il y avait un

19 campement à Golubic et plus tard, un autre à Benkovac. Il y avait quelque

20 chose qui ressemblait beaucoup à cela également à Samarica, mais je n'ai

21 pas de détails à ce sujet. Les effectifs se sont développés.

22 Q. Pour information, j'indique aux Juges de la Chambre que l'on trouve la

23 localité de Golubic en page 25 de l'atlas. Je crois que le témoin a déjà

24 dit dans sa déposition que Golubic était à quelques kilomètres à peine de

25 Knin, vers le nord.

26 Monsieur Babic, j'aimerais que nous parlions maintenant du camp de Golubic.

27 Qui a créé ce camp, si vous le savez ?

28 R. Ce camp a été créé par le secrétaire du secrétariat de l'Intérieur de

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1 la Krajina, donc Martic, avec l'aide de la Sûreté d'Etat de la Serbie, du

2 capitaine Dragan, et de Frenki Simatovic.

3 Q. Comment est-ce que vous savez cela ?

4 R. J'étais là. Ils me l'ont dit. En fait, je me suis rendu dans ce camp et

5 ils m'ont présenté des rapports à cette fin.

6 Q. Combien de fois êtes-vous allé dans le camp de Golubic ?

7 R. Deux fois.

8 Q. Est-ce que vous pourriez nous raconter qui vous avez vu, la première

9 fois que vous vous êtes rendu dans ce camp ? Quand est-ce que cela s'est

10 passé ?

11 R. Ma première visite s'est passée en avril 1991, ou peut-être au milieu

12 de l'année 1991. Je ne connais pas la date exacte. En fait, je me rendais à

13 Belgrade, et quelqu'un du poste de police m'a dit de m'arrêter à Golubic et

14 --

15 Q. Je vais vous interrompre parce que là, je pense qu'il y a un petit

16 problème de traduction. Quand est-ce que cette visite s'est passée ?

17 R. Pendant la première quinzaine du mois d'avril, peut-être à la mi-avril,

18 mais pas plus tard, à la mi-avril 1991.

19 Q. Je m'excuse de vous interrompre, mais quelqu'un du poste de police vous

20 a dit de vous arrêter à Golubic, et que s'est-il passé alors ?

21 R. Donc je m'y suis arrêté et je suis allé là-bas, dans ce qu'on appelait

22 en fait, c'était une petite hutte, c'était là où se trouvait le commandant,

23 parce qu'en fait c'était là où le commandant était logé. J'ai rencontré la

24 personne qui, à l'époque, était le secrétaire du SUP de la Région autonome

25 serbe de la Krajina, et des hommes que je ne connaissais pas qui étaient

26 avec lui. C'est là que Martic m'a dit que l'homme qui se trouvait près de

27 lui était le capitaine Dragan, qu'il était venu l'aider à entraîner les

28 forces spéciales de la police, et il m'a raconté une longue histoire pour

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1 m'expliquer qui était le capitaine Dragan, comment il était arrivé là.

2 D'ailleurs, c'était une histoire qui était tellement étrange que je ne l'ai

3 pas tellement comprise. J'ai compris qu'il était arrivé de l'étranger,

4 Martic mentionnait Obrovac, il a mentionné des partis politiques, ce

5 n'était pas une histoire qui se tenait, en fait. En fait, fondamentalement

6 ce qui était important, c'est que c'était un spécialiste en la matière et

7 qu'il allait participer à la formation et à l'entraînement, et que

8 l'entraînement allait avoir lieu dans ce centre spécial réservé à

9 l'entraînement. Je dois dire que je n'ai pas été particulièrement

10 impressionné par tout cela. Il y avait juste quelques personnes assises

11 autour d'une table dans cette petite cabane.

12 Q. A cette occasion, est-ce que vous avez vu des exercices

13 d'entraînement ? Est-ce que quelqu'un était justement entraîné ?

14 R. Non. Il n'y avait rien qui se passait. Ils étaient seuls à être là,

15 assis dans cette cabane.

16 Q. Est-ce que vous avez appris à cette occasion, en fait, par exemple,

17 quel était l'objectif de l'entraînement ? Qui allaient être entraînés là-

18 bas ?

19 R. Ils m'ont dit que les unités spéciales de la police allaient être

20 formées, allaient être entraînées là-bas. Il les appelait des spécialistes,

21 en fait.

22 Q. Quand est-ce que vous vous êtes rendu pour la deuxième fois à Golubic ?

23 Quand est-ce que cela s'est passé ?

24 R. La deuxième fois, cela s'est passé en mai 1991.

25 Q. Que s'est-il passé à cette occasion ?

26 R. Je suis arrivé là-bas, dans cette petite maison où se trouvait le QG du

27 camp. J'y ai trouvé Franko Simatovic, Nikola Amanovic et d'autres hommes.

28 Nikola Amanovic était l'assistant de Martic au secrétariat responsable des

Page 1544

1 affaires intérieures. Sur le terrain d'entraînement qui se trouvait un peu

2 plus loin que cette petite maison, il y avait des hommes qui participaient

3 à des exercices d'entraînement. Il y avait des policiers, des hommes qui

4 portaient des treillis de camouflage, et qui se livraient à des exercices

5 d'entraînement. Ils m'ont expliqué en quoi consistait cet entraînement, et

6 ils m'ont expliqué qui faisaient l'objet de cet entraînement.

7 Q. Pourquoi est-ce qu'ils vous ont relaté tout cela ? Pourquoi est-ce

8 qu'ils vous ont parlé de l'entraînement et des personnes qui faisaient

9 l'objet de cet entraînement ?

10 R. Nikola Amanovic m'a dit que des groupes arrivaient en provenance de

11 toutes les municipalités, qu'il y avait un certain nombre de personnes pour

12 chaque municipalité et que ces personnes appartenaient soit aux forces de

13 police ou n'y appartenaient pas, et que ces personnes avaient, depuis un

14 certain temps, reçu un entraînement, qu'ils avaient acquis certaines

15 compétences militaires, qu'ils avaient obtenu des armes et qu'ils faisaient

16 l'objet également d'une formation idéologique ou d'un entraînement

17 idéologique, et qu'ensuite, ils rentraient dans leurs différentes localités

18 dans la Krajina. Ils m'ont montré un système de fichiers qui contenait les

19 listes des personnes pour toutes les municipalités, les dossiers de toutes

20 les personnes recevant un entraînement là-bas. Puisque j'étais le président

21 de la municipalité de Knin, j'ai dit : "Au fait, est-ce qu'il y a des gens

22 de Knin, ici ?" Il m'a dit : "Oui, nous avons certains hommes de Knin." Il

23 a ouvert le fichier de Knin et il m'a d'ailleurs montré certains noms.

24 C'est des noms que je ne connaissais pas, d'ailleurs je ne m'en souviens

25 pas. Voilà ce que j'ai appris dans ce bureau, à propos du terrain

26 d'entraînement. Sur le terrain d'entraînement, il y avait le capitaine

27 Dragan ou l'un de ses assistants, d'ailleurs, peut-être. Je ne voyais pas

28 très bien. Puis, il y avait des hommes qui faisaient l'objet de cet

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1 entraînement.

2 Q. J'aimerais vous interrompre un petit moment. Est-ce qu'il s'agit de

3 Nikola Manovic ou de Nikola Omanovic ?

4 R. En fait, il s'agit de Nikola Amanovic, avec un A.

5 Q. Vous avez dit qu'une partie de l'entraînement, de la formation, était

6 idéologique. Est-ce que vous savez en quoi cela consistait ? Qu'entendez-

7 vous par cela ?

8 R. Ils enseignaient aux gens de ne pas être trop attachés à des partis

9 politiques, parce qu'ils allaient travailler pour l'Etat et pour la

10 défense, et que leur loyauté première devait porter sur l'Etat. En fait, il

11 s'agissait d'un entraînement de police militaire. Je ne sais pas tellement

12 comment l'appeler.

13 Q. Est-ce que vous avez compris quel allait être le rôle du capitaine

14 Dragan dans ce camp ?

15 R. C'était un instructeur, un formateur, et il était expert en matière

16 d'exercices, d'entraînement, en matière de formation d'unités. Il a même

17 formé une unité permanente qu'il commandait lui-même. Il s'agit de l'unité

18 que l'on appelle les Knindzas, dont nous avons déjà parlé. A l'époque, il

19 en était le commandant.

20 Q. Vous nous avez parlé des Knindzas hier, lors de votre déposition. Quel

21 était d'après vous le rôle de Frenki Simatovic au camp ?

22 R. Il faisait office d'hôte, c'était peut-être un superviseur.

23 Q. Comment avez-vous compris le rôle de Milan Martic au camp, si tant est

24 qu'il ait eu un rôle ?

25 R. C'était le secrétaire pour le secrétariat des affaires intérieures,

26 c'était sa fonction, et il dirigeait l'administration du camp, ou plutôt

27 son assistant s'occupait de l'administration du camp. Il supervisait en

28 fait l'ensemble du camp.

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1 Q. Savez-vous ce qu'il advenait des personnes ? Lorsqu'elles avaient

2 terminé cet entraînement, qu'advenait-il de ces personnes ?

3 R. Ils repartaient dans leur municipalité pour former des unités spéciales

4 de la police.

5 Q. Comment le savez-vous ?

6 R. Bien, on m'en informait, et j'ai assisté à une inspection d'une unité

7 qui s'est passée près de Vrhovine. C'est Martic qui a mené à bien

8 l'inspection de cette unité. Cela s'est passé en juillet de l'année 1991.

9 Q. Vous nous parliez donc de votre deuxième visite à Golubic. Que s'est-il

10 passé lorsque vous avez quitté le camp ? Est-ce que vous vous êtes rendu

11 quelque part ?

12 R. Frenki m'a pris avec lui pour me montrer l'endroit où il s'entraînait

13 au tir, dans le creux entre Udalic [phon] -- en fait, il y avait une espèce

14 de creux là. Ils s'entraînaient au tir, et il m'a montré les cibles.

15 Q. J'aimerais vous demander de ralentir un peu votre rythme parce que les

16 interprètes ont du mal à suivre votre rythme. Où est-ce que se situait cet

17 endroit où ils s'entraînaient au tir ?

18 R. Sur la droite de la route entre Golubic et le village de Strmica.

19 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit de la route entre Golubic et

20 Strmica et c'est une route que l'on trouve à la page 25 de l'atlas. Je le

21 dis à l'intention de la Chambre de première instance.

22 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu dans cet endroit où ils s'entraînaient

23 au tir avec Frenki Simatovic ?

24 R. Oui. Vers la fin de cette vallée, il y avait des cibles qui étaient

25 debout, et vers le milieu de cette prairie, de cette clairière, il y avait

26 des fusils antiaériens. Il n'y avait pas d'hommes qui s'entraînaient à ce

27 moment-là. Frenki m'a juste montré le fusil antiaérien, qui avait deux ou

28 trois canons d'ailleurs. Il était à canons multiples. Il m'a dit que ses

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1 hommes avaient utilisé ce fusil pour tirer sur les policiers croates le 2

2 mai à Borovo Selo. Plus tard, il avait été placé sur ce véhicule blindé que

3 Frenki avait fabriqué à Strmica. Cela avait été monté et placé sur ce train

4 blindé.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce train blindé ?

6 R. Il s'agissait d'un petit train qui était composé d'une locomotive

7 diesel et de plusieurs wagons. Il y en avait peut-être deux ou trois. Il

8 avait été renforcé avec des plaques métalliques et avec d'autres types de

9 matériaux de renforcement, avec des sacs de sables, par exemple. Il y avait

10 également un fusil antiaérien sur ce train et il était utilisé comme arme

11 de combat sur la voie ferroviaire entre Drnis et Knin et vers Zadar.

12 C'était un train blindé pour le combat. Il n'avait pas été construit de

13 façon parfaite. Ce n'était pas un engin très sophistiqué, pas le genre de

14 chose que l'on voit dans les films.

15 Q. Comment est-ce que vous savez que c'est Frenki qui avait fabriqué ce

16 train ?

17 R. Il m'avait montré qu'ils le faisaient. D'ailleurs, il m'avait demandé

18 d'écrire une lettre à l'usine qui fabriquait des vis à Knin pour lui

19 permettre justement d'obtenir des plaques en métal ainsi que des matériaux

20 pour construire ce train.

21 C'est la même usine que Milosevic avait sauvé de la faillite un peu

22 plus tôt et qu'il avait financé, donc ils avaient une dette envers lui et

23 il fallait bien qu'ils, en quelque sorte, s'acquittent de cette dette.

24 Q. Est-ce que vous savez qui finançait les camps à Golubic ?

25 R. Jovica Stanisic.

26 Q. Comment est-ce que vous le savez ?

27 R. Il me l'a dit lui-même en août 1991, à Belgrade.

28 Q. Je pense que vous en avez déjà parlé, mais est-ce que vous pourriez

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1 peut-être nous rappeler cette conversation ?

2 R. J'avais parlé à Stanisic à Belgrade après que le capitaine Dragan et

3 Frenki s'étaient retirés de Knin. Il m'a invité à boire un café avec lui

4 dans un restaurant. Peut-être qu'il voulait se justifier, arranger un peu

5 les choses. Je n'en sais rien. Il était même accompagné de sa femme. Elle

6 était originaire de Knin. Je suppose qu'il voulait ainsi créer une

7 atmosphère un peu plus amicale, conviviale. Nous nous sommes rencontrés

8 dans ce restaurant de Belgrade qui s'appelle Seher, et à cette occasion, il

9 n'a pas tari de critiques à l'égard du capitaine Dragan. Il n'a même pas

10 mentionné Frenki, donc je pensais qu'il voulait que le capitaine Dragan

11 devienne le bouc émissaire à cause de toute la résistance qu'il m'avait

12 opposée auparavant. Il m'a dit qu'ils avaient donné une grande somme

13 d'argent au capitaine Dragan pour le financement du camp de Golubic.

14 Toutefois, après qu'on lui a demandé de se retirer du camp, il avait pris

15 l'argent avec lui, et à partir de ce moment-là ils avaient été à sa

16 poursuite.

17 Q. Pendant combien de temps a duré le camp de Golubic ? Vous nous avez dit

18 qu'il avait été établi en avril 1991. Pendant combien de temps est-ce que

19 ce camp a existé ?

20 R. D'après ce que je sais, jusqu'au mois d'août 1991. Je ne connais pas la

21 date exacte, mais en août 1991, il n'y avait plus d'entraînement, il n'y

22 avait que des dépôts. Peut-être qu'il y avait encore un entraînement, mais

23 dans une moindre mesure.

24 Q. Vous avez également parlé d'autres camps. Savez-vous où ils se

25 trouvent ?

26 R. L'un de ces camps se trouvaient dans le village de Brgud à la

27 périphérie de Benkovac.

28 Q. Est-ce que vous connaissez d'autres camps ?

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1 R. J'ai entendu parler d'un autre centre d'entraînement sur les collines

2 de Samarica, mais je ne connaissais pas sa structure. Je ne sais pas

3 d'ailleurs comment il fonctionnait. Plus tard, il est devenu un poste de

4 commandement pour différentes unités, ou peut-être que c'était déjà un

5 poste de commandement à l'époque. Samarica se trouve à Banija.

6 Q. Pour ce qui est du camp d'entraînement à Benkovac, est-ce que vous en

7 avez juste entendu parler ou est-ce que vous vous y êtes rendu ? Que savez-

8 vous à ce sujet ?

9 R. Une fois, je suis passé par la et je me suis arrêté à Benkovac. C'était

10 peut-être en juillet 1991. Le capitaine Dragan était responsable de

11 l'entraînement là. C'était un camp assez semblable à celui de Golubic près

12 de Knin. Il y avait certaines installations, un terrain d'entraînement dans

13 les bois, en surplomb par rapport au village. Je ne sais pas exactement où

14 ils se trouvaient, mais ils se trouvaient à la périphérie de Benkovac.

15 Peut-être que le nom du village est Bukovic.

16 Q. Monsieur Babic, hier ou avant-hier, vous avez dit lors de votre

17 déposition que vous aviez promu Milan Martic au poste de ministre de la

18 Défense en mai 1991 parce qu'il négligeait certains tâches et devoirs

19 fondamentaux du secrétaire, notamment le maintien et la protection de

20 l'ordre public. J'aimerais vous montrer un autre article et je souhaiterais

21 vous demander vos observations à ce sujet. Je souhaiterais que M.

22 l'Huissier place cet article sur le rétroprojecteur.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que nous ne fassions cela, il y

24 a un document à l'écran, du conseil exécutif de la Région autonome serbe

25 d'avril 1991. Est-ce que ce document a déjà été versé au dossier ?

26 M. WHITING : [interprétation] Oui. Il s'agit de la pièce numéro 29.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais que M. l'Huissier fasse

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1 monter un peu le document. Voilà. Est-ce que nous pourrions quand même voir

2 la date. Est-ce que vous pouvez rabaisser le document. Voilà, c'est très

3 bien.

4 Q. Il s'agit d'un article de la BBC et la source est l'agence de presse

5 yougoslave. Vous voyez que la date qui figure en haut est la date du 10

6 avril 1991, alors que le rapport semble dater du 8 avril 1991.

7 L'article a trait à une attaque à la bombe contre un restaurant dans

8 le village de Vrelo Koleniko [phon], un restaurant qui appartient à un

9 couple croate. Il est question d'une déclaration qui a été faite par Milan

10 Martic au journaliste de Tanjug, et au deuxième paragraphe, vous voyez

11 qu'il est dit que M. Martic, et l'on cite M. Martic qui a dit : "La force

12 de police de Knin est tellement occupée par la défense des frontières de la

13 Krajina et par la protection du peuple serbe du ministère croate des

14 Affaires intérieures qu'elle ne peut tout simplement pas consacrer plus de

15 temps à résoudre ce genre d'activité criminel. Mais elle y travaille et des

16 révélations seront présentées prochainement."

17 Est-ce que cela correspond à ce que vous nous avez dit préalablement lors

18 de votre déposition, à savoir que M. Martic omettait et négligeait certains

19 de ses devoirs qui lui incombaient en tant que secrétaire de l'Intérieur ?

20 R. Oui, c'est justement ce dont je parlais.

21 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au

22 dossier, je vous prie, Monsieur le Président ?

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Je

24 souhaiterais que l'on attribue une cote à ce document.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document numéro 209, Monsieur

26 le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

28 Q. Monsieur Babic, hier vous avez déclaré qu'à partir du printemps 1991,

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1 lorsque Martic a été promu et a commencé à faire des déclarations à la

2 presse, qu'il parlait notamment des prisonniers qui étaient pris, et je

3 pense que vous avez dit que la police croate faisait des prisonniers. Est-

4 ce que vous savez où étaient détenus ces prisonniers ?

5 R. Oui, je le sais. Ces policiers ont dans un premier temps été détenus au

6 poste de police de Knin, et plus tard dans le bâtiment de l'ancien hôpital

7 à Knin.

8 Q. J'aimerais demander l'aide de M. l'Huissier. Je vais vous montrer ainsi

9 deux autres articles. Je dirais, aux fins du compte rendu d'audience, qu'il

10 s'agit du document qui a le numéro ERN 04675490 à 5491. Il s'agit d'un

11 article du Toronto Star, 26 juin 1991. Je souhaiterais que l'on montre la

12 deuxième page de cet article, je vous prie. Je vais vous donner lecture du

13 deuxième et du troisième paragraphe de cette page : "Les Serbes militants à

14 Knin, capitale de la région de la Krajina, détiennent 120 autres officiers

15 de police en détention en tant qu'otages. Ils souhaitent que le

16 gouvernement à Zagreb libère les Serbes qui ont été détenus en mars après

17 des manifestations et des problèmes dans un parc national. Milan Martic,

18 chef serbe de la police de Knin, a dit que d'autres Croates seraient

19 enlevés. Il a dit, et je cite : 'Nous allons agrandir la prison pour de

20 futurs habitants.'"

21 Monsieur Babic, est-ce que vous vous souvenez de ces déclarations qui ont

22 été faites par M. Martic à l'intention des médias à l'époque ?

23 R. Oui.

24 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pourrions verser ce document

25 au dossier, je vous prie ?

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

27 Est-ce qu'on peut lui attribuer une cote.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document numéro 210.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

2 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais monter un autre document grâce à

3 l'aide de M. l'Huissier. Il s'agit du document ERN 04675492. Il s'agit d'un

4 article qui porte la date du 5 juillet 1991, rapport de la BBC. Vous voyez

5 que le titre est comme suit : Radio Belgrade indique que Martic avance que

6 30 personnes ont été tuées à Ljubovo. Je vais vous donner lecture des deux

7 dernières phrases de cet article : "D'après Milan Martic, huit policiers

8 croates ont été capturés à Dvor Na Uni et ont été envoyés à la prison de

9 Knin. La prison détient maintenant 42 membres du MUP de la Croatie."

10 Est-ce que cela est conforme aux rapports que vous aviez entendus à

11 l'époque ?

12 R. Oui. J'avais entendu parler de ces policiers capturés. Je ne me

13 souviens pas de leur nombre exact, mais oui, je me souviens de cela.

14 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document

15 au dossier ?

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera versé au dossier. Je

17 souhaiterais avoir une cote pour ce document.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document numéro 211.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

20 M. WHITING : [interprétation] Je suis sûr le point d'aborder un nouveau

21 sujet, l'attaque menée contre Kijevo le 26 août 1991. Peut-être que ce

22 serait le moment opportun de faire une pause.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie de ces quelques

24 minutes supplémentaires que vous nous avez accordées. Nous allons lever

25 l'audience et nous reviendrons à 12 heures 30.

26 --- L'audience est suspendue à 11 heures 58.

27 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que vous ne commenciez, Monsieur

Page 1553

1 Whiting, les Juges de la Chambre souhaitent simplement signaler qu'ils ont

2 reçu la réponse de la Défense à la requête de l'Accusation portant sur le

3 contre-interrogatoire hier. Nous savons que nous nous rapprochons

4 rapidement du contre-interrogatoire de ce témoin et néanmoins,

5 malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de rendre notre décision

6 maintenant, aujourd'hui. Nous rendrons cette décision à la première heure,

7 lundi matin. Est-ce que ceci vous convient ?

8 M. WHITING : [interprétation] C'est très bien, Monsieur le Président.

9 J'avais prévu que nous déposions une requête, très courte requête, une

10 réponse à la réponse de la Défense avec la permission de la Chambre. Nous

11 allons faire cela aujourd'hui, ceci ne comportera pas plus d'une page, mais

12 lundi va très bien.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pouvons retirer nos excuses, car

14 vous allez encore déposer une réponse.

15 M. WHITING : [interprétation] C'est exact.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, beaucoup.

17 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Babic, comme je vous l'ai signalé avant la pause, je souhaite

19 vous poser quelques questions à propos de Kijevo. Vous nous avez dit, un

20 peu plus tôt dans votre témoignage, qu'il y a eu une attaque lancée contre

21 Kijevo le 26 août 1991, et que ceci a marqué un changement de stratégie de

22 la part de la JNA. Avant d'aborder cela, j'aimerais repartir un petit peu

23 en arrière et parler d'événements qui se sont déroulés à Kijevo un peu plus

24 tôt.

25 M. WHITING : [interprétation] Je souhaite que nous regardions le document

26 65 ter, 244., et en particulier, le numéro 020 -- pardonnez-moi, 02170644.

27 Est-ce que vous pouvez faire défiler le texte un petit peu plus, s'il vous

28 plaît ?

Page 1554

1 Q. Monsieur Babic, voyez-vous ce document ?

2 R. Oui.

3 Q. Ce document semble être un document daté du 3 mars 1991, venant de

4 Milan Martic et adressé à la présidence de la RSFY et aux forces fédérales

5 MUP de Zagreb. On y évoque des événements de Kijevo. Plus particulièrement,

6 ce document fait référence à un blocus, ou plutôt à un barrage, qui a été

7 mis en place par des habitants armés, des civils qui venaient du même

8 village. C'est un événement ou quelque chose qui s'est déroulé au niveau de

9 ces barrages. Pourriez-vous nous dire quelque chose à propos de ce qui est

10 dit dans ce document ?

11 R. Oui. Je suis au courant de cet événement.

12 Q. Avant de vous poser une question à ce propos -- pour les Juges de la

13 Chambre, ce village de Kijevo se trouve à la page 25 de l'atlas, au sud de

14 Knin.

15 Que se passait-il à ce moment-là ? De quoi parle-t-on dans ce

16 document ?

17 R. C'était une réaction des habitants du village de Kijevo par rapport aux

18 événements survenus dans les environs, déjà, durant l'année 1990. Depuis le

19 mois d'août 1990, puisque Kijevo est un village croate de la municipalité

20 de Knin, des barrages ont été dressés pour séparer Kijevo du reste de la

21 région. Et il était difficile aux habitants de la région de Kijevo de se

22 déplacer, d'aller ailleurs. A un certain moment, les routes ont été

23 barrées, et ces événements résultent directement d'événements antérieurs à

24 cette date.

25 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

26 dossier, s'il vous plaît ?

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Est-

28 ce qu'on peut lui donner un numéro de cote, s'il vous plaît ?

Page 1555

1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On vient de me dire que ce document a

3 déjà été versé au dossier. Son numéro de cote est 105. La question qui se

4 pose, souhaitez-vous que la version anglaise soit versée --

5 M. WHITING : [interprétation] Ceci est un peu confus, car il y a trois

6 documents sous ce numéro. Il semblerait que ces trois documents aient été

7 versés au dossier sous le numéro 105. Je ne sais pas si cela suffit. Si les

8 trois en font partie, je ne sais pas si j'ai besoin d'insister là-dessus.

9 Cela a déjà été versé au dossier.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. WHITING : [interprétation] Le document suivant est également un document

12 65 ter numéro 244, le numéro ERN est le 02170645. Ceci fait également

13 partie de la pièce numéro 105. Je suis sûr que quelqu'un va acquiescer, si

14 c'est le cas.

15 Q. Monsieur Babic --

16 M. WHITING : [interprétation] Nous allons devoir faire défiler le texte.

17 Q. Il s'agit d'un communiqué de presse de Milan Martic daté du 25 avril

18 1991. Ceci a déjà été versé au dossier, je souhaite simplement lire le

19 début de ce communiqué. "Après que la Bataillon de chapeaux du MUP RH, sur

20 ordre de dirigeants, avait essayé, avait tenté de lancer une agression

21 armée contre Plitvice, le MUP de la République de Croatie a insisté pour

22 que des situations soient rendues difficiles en créant des incidents dans

23 les villages habités par le peuple croate et dans la région de la SAO de la

24 Krajina. Ceci a été fait afin de convaincre les Yougoslaves et les citoyens

25 de la communauté internationale que la police et les actions répressives

26 sont en réalité justifiées si l'on veut pacifier le peuple croate et le

27 territoire ethnique serbe de la Krajina."

28 Q. Monsieur Babic, savez-vous si les autorités croates ont provoqué ce

Page 1556

1 conflit, à l'époque ?

2 R. Non. Après les événements évoqués dans le document précédent, la

3 Croatie a créé un poste de police dans le village de Kijevo. Il n'y avait

4 aucun bataillon qui aurait subi une défaite à Plitvice, ou quoi que ce soit

5 de ce genre. Là, il y a dramatisation de la situation dans les mots, mais

6 en fait ce qui est dit sur le fond, c'est que le problème vient de la

7 création d'un poste de police à Kijevo.

8 Q. Vous nous avez dit que Kijevo était un village croate, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Avançons un petit peu dans le temps et passons au mois d'août 1991.

11 Avant l'attaque de Kijevo, y a-t-il eu un ultimatum ?

12 R. Oui. Un ultimatum avait été adressé par M. Martic à la police, ainsi

13 qu'aux habitants de la communauté locale auxquels il était demandé de

14 s'éloigner, car dans le cas contraire, ils risquaient de souffrir.

15 M. WHITING : [interprétation] Pourrions-nous regarder un document 65 ter

16 numéro 115 ?

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit que ceci avait déjà été

18 versé au dossier ?

19 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cela fait partie

20 de la pièce numéro 105.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Monsieur Babic, reconnaissez-vous ce document ?

24 R. Oui.

25 Q. De quoi s'agit-il ?

26 R. Ce document est une déclaration dont j'ai eu pour la première fois

27 connaissance le 18 août 1991, par le biais des médias de Knin. C'est

28 l'ultimatum adressé par M. Martic, au poste de police de Split, au poste de

Page 1557

1 police de Kijevo et à la communauté locale de Kijevo.

2 Q. Si nous pouvons faire défiler le texte, s'il vous plaît, un petit peu,

3 ici, arrêtez-vous là. C'est l'endroit qui m'intéresse. Je vais lire à

4 partir du milieu de la page. Dans le texte anglais, c'est le milieu de la

5 page. C'est le milieu de la page pour le texte B/C/S également. L'ultimatum

6 se lit comme suit : "Vous avez un poste de police dans le village de

7 Kijevo, dans la municipalité de Knin. Cet ultimatum est destiné à vous

8 avertir que nos forces vont attaquer ce poste de police au moment que nous

9 jugerons opportun, si vos forces de police ne se retirent pas de ce village

10 en l'espace de 48 heures à partir des réceptions de cet ultimatum." Le

11 texte poursuit en disant : "Nous souhaitons également avertir la population

12 de Kijevo de trouver des abris sûrs, de façon à ce qu'il n'y ait pas de

13 pertes parmi ces gens-là."

14 Qu'avez-vous compris ? Que signifiait cet ultimatum ?

15 R. J'ai compris qu'il s'agissait d'un avertissement très sérieux lancé aux

16 habitants de Kijevo, leur demandant de partir en même temps que les

17 policiers, car les observations que l'on trouve dans ce communiqué sont des

18 observations qui, manifestement, ont pour but d'accroître les tensions

19 entre les Serbes et les Croates. Au début de ce communiqué, M. Martic

20 déclare que les rapports entre les Serbes et les Croates en sont arrivés à

21 un point où il devient impossible pour ces deux populations de cohabiter

22 sur le même territoire de la SAO de Krajina. Par conséquent, c'est un

23 ultimatum qui était adressé au poste de police, mais aussi aux habitants de

24 Kijevo. C'est ainsi que j'ai compris le sens de ce communiqué auquel j'ai

25 réagi publiquement.

26 Q. Comment avez-vous réagi publiquement ? Qu'avez-vous fait ?

27 R. Par le biais des médias, j'ai déclaré que les forces armées de Krajina

28 n'allaient pas rompre la trêve qui était en vigueur à ce moment-là, et ceci

Page 1558

1 a été accepté.

2 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que ce document

3 peut être versé au dossier, s'il vous plaît ?

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Est-

5 ce qu'on peut lui donner un numéro de cote, s'il vous plaît ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci portera le numéro 212, Madame,

7 Messieurs les Juges.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Simplement un point de clarification.

9 Puis-je poser deux questions à propos de ce document ?

10 Vous avez dit, Monsieur Babic, que le village de Kijevo était un village

11 croate; est-ce exact ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Y avait-il des Serbes qui vivaient

14 dans le village de Kijevo, d'après vous ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'il n'y avait même pas une seule

16 famille serbe ou peut-être une, au maximum. Non. En fait, non. Non, il n'y

17 avait pas de Serbes à Kijevo.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur

19 Babic.

20 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Monsieur Babic, comment pour la première fois avez-vous entendu

22 parler de l'attaque de Kijevo ?

23 R. J'en ai entendu parler pour la première fois de la bouche d'un

24 chauffeur ou, en tout cas, de quelqu'un qui faisait partie de mon entourage

25 à Belgrade, l'après-midi du jour où l'attaque a eu lieu.

26 Q. Avant de prendre connaissance de cette attaque, avez-vous eu une

27 réunion avec Slobodan Milosevic ?

28 R. Oui. Ce jour-là précisément, après l'attaque.

Page 1559

1 Q. Que s'est-il passé au cours de cette réunion ?

2 R. J'avais été convoqué à Belgrade par Slobodan Milosevic. J'y suis donc

3 allé. A cette réunion, il a dit que Frenki devait revenir à Belgrade, parce

4 que c'était un homme bien, et comme je l'ai déjà dit, c'est ce jour-là que

5 j'ai appris de sa bouche que Frenki Simatovic était chef de la deuxième

6 direction de la Sécurité d'Etat. Si vous voulez, je peux vous redire une

7 nouvelle fois tout ce qui a été dit lors de cette rencontre.

8 Q. La conversation a-t-elle, d'une manière ou d'une autre, porté sur cette

9 attaque de Kijevo ?

10 R. Après cette partie de l'entretien, j'ai posé une question au sujet de

11 la défense du village d'Otisic, qui se trouve entre Vrlika et Sinj. C'était

12 un village serbe qui avait subi des provocations, en tout cas, c'était ce

13 que racontaient les Serbes, provocations de la part de la police croate qui

14 venait fouiller des maisons serbes à la recherche d'armes, chez les

15 habitants serbes de ces villages. Ce problème était une source d'émoi parmi

16 les Serbes, à ce moment-là. J'en ai donc parlé à Milosevic en lui demandant

17 de prendre des mesures pour protéger cette population. En tout cas, je

18 supposais que cette protection était possible dans les mêmes conditions que

19 celles qui avaient été pratiquées jusque-là, c'est-à-dire que la JNA

20 pouvait être déployée dans une zone tampon entre les Serbes et les Croates

21 d'Otisic et de Sinj. Après les explications que j'ai apportées sur ce

22 point, Milosevic a dit : "Mais est-ce que le problème n'a pas déjà été

23 résolu ?" J'ai dit que je n'en savais rien. C'est sur ces mots que s'est

24 terminée la discussion de cette question. Quand je suis parti, quelqu'un

25 m'a dit que, plus tôt ce matin-là, l'armée avait attaqué Kijevo.

26 Q. Après avoir appris que l'armée avait attaqué Kijevo, est-ce que ceci

27 vous a permis de mieux comprendre la remarque faite par M. Milosevic ?

28 R. Le lendemain, je suis retourné à Knin et je suis passé par cette zone.

Page 1560

1 C'est là qu'il y avait la maison dans laquelle habitaient mes parents, mes

2 grands-parents, mon épouse. Je suis passé par là pour voir ce qui se

3 passait. C'était le lendemain de l'attaque. Je suis allé à Vrlika et j'ai

4 traversé Kijevo.

5 Q. Vous n'avez peut-être pas bien compris ma question. Après avoir appris

6 que cette attaque avait été lancée sur Kijevo par l'armée, ceci vous a-t-il

7 permis de mieux comprendre ce qui avait été dit par M. Milosevic dans cette

8 réunion que vous avez eue avec lui, autrement dit, "Qu'on s'est occupé du

9 problème ? Ou est-ce que maintenant on s'en est occupé ?"

10 R. Non, c'était autre chose, parce que le problème avait été résolu d'une

11 façon différente de celle qui avait été utilisée jusqu'à ce moment-là.

12 Quand il a dit que le problème avait été réglé, j'ai compris qu'il était

13 censé avoir été réglé d'une autre façon que celle qui a effectivement été

14 utilisée.

15 Q. Vous nous avez dit que votre famille vivait dans la région. Pourriez-

16 vous nous dire plus précisément à quel endroit ?

17 R. Ma mère et ma grand-mère vivaient dans le village où je suis né, à

18 Kukar, près de Vrlika, et les parents de mon épouse vivaient à Vrlika.

19 C'est entre Civljane et Otisic sur le territoire de la municipalité de

20 Sinj, un territoire qui était à l'époque sous le contrôle du gouvernement

21 croate.

22 Q. Savez-vous qui a pris part à l'attaque de Kijevo le 26 août ?

23 R. Les unités du 9e Corps d'armée de Knin de l'armée populaire yougoslave,

24 la police de la Krajina et la Défense territoriale locale y ont participé.

25 Q. Pour qu'il n'y ait aucune confusion au niveau du compte rendu

26 d'audience, je crois que je peux apporter une clarification au niveau de la

27 réponse ici. Le 9e Corps de Knin, il s'agit bien d'unités de la JNA, n'est-

28 ce pas ?

Page 1561

1 R. Oui.

2 Q. Donc, l'attaque a été lancée par le 9e Corps de Knin, la police de la

3 Krajina et la TO locale. Est-ce que j'ai bien compris votre réponse ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez dit que vous avez traversé Kijevo le lendemain. Qu'avez-vous

6 vu ?

7 R. J'ai vu un village dévasté et les unités du Corps de Knin le long de la

8 route. Depuis Kijevo jusqu'à Vrlika, on voyait les unités du bataillon de

9 la police et du Corps de Knin de la JNA, et à Civljane, il y avait une

10 colonne de blindés de la JNA.

11 Q. Vous dites que le village a été détruit. Pourriez-vous être plus

12 précis, s'il vous plaît ?

13 R. On voyait des maisons endommagées par des obus, des obus tirés par des

14 chars, par des pièces d'artillerie.

15 Q. Pouvait-on comparer les dommages au niveau des maisons par rapport aux

16 dommages infligés au poste de police de Kijevo ?

17 R. Il me semble qu'il y avait plus de dégâts sur les maisons voisines,

18 plus que sur le poste de police en tant que tel.

19 Q. Savez-vous si les maisons de Kijevo ont été touchées après l'attaque ?

20 R. Les maisons ont été pillées et incendiées.

21 Q. Qui a fait cela, si vous le savez ?

22 R. Les habitants des villages voisins, des hommes en uniforme. Le village

23 n'était pas protégé, donc le premier venu procédait à des pillages.

24 Q. Lorsque vous avez parlé des habitants des villages voisins et de

25 personnes en uniforme, pourriez-vous nous dire à quelle appartenance

26 ethnique étaient ces gens qui se livraient au pillage ?

27 R. Serbe.

28 Q. Quelque chose est-il arrivé --

Page 1562

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je interrompre, s'il vous plaît.

2 Lorsque vous dites "personnes en uniforme," qu'entendez-vous par là,

3 Monsieur Babic ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des réservistes des unités de la JNA

5 ou de la Défense territoriale.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Pardonnez-moi si je

7 vous ai interrompu.

8 M. WHITING : [interprétation]

9 Q. Qu'en est-il de la police ? Savez-vous si la police s'est livrée à ces

10 activités-là également ?

11 R. Quelles activités ?

12 Q. Vous dites que les personnes en uniforme se sont livrées au pillage. Le

13 Président, M. le Juge Moloto, a dit : Quelles personnes en uniforme ? Et

14 vous avez répondu en disant qu'il s'agissait de réservistes de la JNA, des

15 unités de la TO, et ma question est celle-ci : qu'en est-il de la police ?

16 Savez-vous si la police se livrait à ce pillage également ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Quelque chose est-il arrivé à votre maison et à votre famille à ce

19 moment-là ?

20 R. Les représentants de la police croate et de l'armée croate ont reçu

21 l'ordre de tuer toute ma famille. Ils ont donc mis le feu à ma maison

22 natale. Ma mère et ma grand-mère ont pris la fuite, et ils ont tué le père

23 de mon épouse dans sa maison à Vrlika. Ma belle-mère a réussi à fuir.

24 Q. Monsieur Babic, comment savez-vous que cet ordre avait été donné ?

25 R. C'est ce que m'a dit l'officier de la JNA qui se trouvait à Civljane,

26 qui faisait partie de l'unité de la JNA. Il m'a dit qu'ils avaient

27 intercepté une communication radio des transmissions croates, une

28 conversation entre des membres de la Garde nationale croate et de la police

Page 1563

1 croate, et qu'il y était question d'un ordre visant l'assassinat de tous

2 les membres de ma famille.

3 Q. Si vous le savez, pourquoi un tel ordre aurait-il était donné ayant

4 trait ainsi à votre famille ?

5 R. Je suppose qu'il s'agissait d'une vengeance personnelle dirigée contre

6 moi. J'étais un représentant politique très connu en Krajina, et ma famille

7 habitait dans le territoire croate, dans une partie du territoire qui était

8 sous le contrôle du gouvernement croate. Il est donc probable qu'ils aient

9 tiré parti du début de la guerre pour se venger de moi.

10 Q. Savez-vous pourquoi la JNA, la TO et les forces de police ont attaqué

11 Kijevo ? Quelles raisons ont été données pour cette attaque ?

12 R. En ce moment-là, ce qu'il est convenu d'appeler l'opération de lever du

13 siège des casernes en Croatie avait déjà commencé. Les casernes avaient été

14 assiégées par les forces croates sur ordre du gouvernement croate, et cet

15 ordre concernait tous les bâtiments militaires de la Croatie à cette

16 époque-là.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaite reprendre quelque chose

18 ici. Est-ce que vous dites, Monsieur Babic, qu'il n'y a aucun lien entre

19 cette attaque et cet avertissement envoyé au poste de police de Kijevo,

20 l'administration policière de Split et la commune locale de Kijevo ? Cette

21 attaque, n'était-elle pas à la suite de cet avertissement ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce que je voudrais dire en réponse à

23 votre question, c'est que cet ultimatum et la provocation qui en a suivi de

24 la part de la police et de la Défense territoriale locale a servi de

25 justification officielle pour justifier le début de l'intervention de la

26 JNA. Donc, c'était une opération convenue qui a permis de justifier le

27 début des actions offensives de l'armée populaire yougoslave.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

Page 1564

1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'ai quelque chose sur lequel

2 j'aimerais faire la clarté aussi. Monsieur Babic, vous avez dit, un peu

3 plus tôt, qu'il n'y avait pas une seule famille serbe dans Kijevo; est-ce

4 exact ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Mais votre famille vivait à

7 Kijevo.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je me suis donc trompée. Merci

10 beaucoup.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] A dix kilomètres de Kijevo, dans une autre

12 localité. Il y avait deux autres villages entre Kijevo et le village où

13 habitait ma famille.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup.

15 M. WHITING : [interprétation]

16 Q. Monsieur Babic, vous nous avez dit que le lien entre l'ultimatum et

17 l'attaque de Kijevo, vous avez parlé de cela, mais en réponse à la question

18 que je vous ai posée, pourquoi était-il intéressant d'attaquer Kijevo, quel

19 était l'objectif de cette attaque, vous avez répondu -- j'ai perdu votre

20 réponse sur mon écran, mais je vais la retrouver. Vous avez parlé de la

21 levée du siège et je ne suis pas tout à fait sûr de votre réponse. Je ne

22 sais pas ce que vous avez essayé de dire. Vous avez parlé d'une levée de

23 siège, du siège de la caserne. Quel lien y a-t-il ici avec cela et Kijevo ?

24 R. Après l'attaque de Kijevo.

25 Q. C'est quelque chose qui a suivi l'attaque de Kijevo, autrement dit la

26 levée du siège ?

27 R. C'est ce qui explique pourquoi l'armée populaire yougoslave s'est

28 lancée dans des opérations offensives ensuite.

Page 1565

1 Q. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ? Quelle était cette

2 levée de siège ?

3 R. Le gouvernement croate a ordonné pendant l'été 1991 le siège de tous

4 les bâtiments militaires de Croatie. Etait visée l'armée populaire

5 yougoslave sur le territoire de Croatie, et c'était destiné à l'empêcher de

6 se mêler des conflits qui avaient éclaté sur le territoire yougoslave,

7 puisque la Croatie avait proclamé son indépendance et attendait la fin d'un

8 délai de trois mois pour l'entrée en vigueur de cette proclamation

9 d'indépendance. Elle voulait empêcher l'armée populaire yougoslave de gêner

10 l'application de cette proclamation, et donc le gouvernement Croate a

11 ordonné à l'époque le siège de tous les bâtiments militaires du territoire

12 croate. Ce siège a été le fait d'habitants, des forces armées, comment

13 elles s'appelaient déjà, le Corps de la Garde nationale, des forces

14 policières, et cetera. Je ne suis pas au courant de la structure détaillée

15 des responsables de ces sièges, mais ont été assiégés les casernes, les

16 dépôts d'armes et tous les bâtiments militaires qui se trouvaient sur le

17 territoire de la Croatie.

18 Q. Après l'attaque de Kijevo, la JNA a-t-elle déployé des efforts pour

19 essayer de lever le siège de ces casernes ?

20 R. Oui. Par la suite, des actions importantes de la JNA ont été menées

21 dans diverses directions pour obtenir la levée du siège des casernes, dans

22 la direction de Sinj, de Sibenik, de Zadar, dans la direction de certains

23 dépôts d'armes, dans les environs de la garnison de Petrinja, comme on me

24 l'a dit, dans la Banija. Voilà les endroits de la Krajina qui étaient

25 concernés, d'après ce que je sais.

26 Q. Je vais revenir sur Kijevo. Savez-vous si Milan Martic a pris part à

27 l'attaque de Kijevo ?

28 R. Oui. J'ai entendu dire qu'il y avait participé et j'ai vu des images à

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1 la télévision qui montraient qu'il était présent là-bas.

2 Q. Qu'avez-vous vu à la télévision ?

3 R. Après la prise de Kijevo, je l'ai vu en compagnie du chef de la police

4 de Knin, Milenko Zelenbaba. Il est allé là-bas pour arracher le drapeau

5 croate, qu'il a piétiné, et prendre possession du poste de police de

6 Kijevo.

7 Q. Avez-vous vu --

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'interviens que parce que je n'ai

9 pas réussi encore à récupérer des informations qui ne sont plus à l'écran.

10 J'aimerais comprendre ce que M. Babic dit lorsqu'il parle d'une

11 "action à grande échelle lancée par la JNA." Il a dit, en guise de réponse

12 : "Après l'attaque de Kijevo, la JNA a-t-elle déployé ses efforts pour

13 tenter de faire lever le siège de ces casernes ?" Réponse : "Oui. Et après

14 cela, une action à grande échelle a été organisée par la JNA à différents

15 endroits, Sinj, Sibenik, Zadar et d'autres dépôts."

16 Je ne comprends pas cette réponse. Qu'est-ce que M. Babic entend par

17 là ?

18 M. WHITING : [interprétation]

19 Q. Si vous avez entendu la question du Président, pourriez-vous expliquer

20 ce que vous entendiez par là lorsque vous parlez d'action à grande

21 échelle ?

22 R. Oui. Ce que je voulais dire, c'est qu'elle s'est étendue sur un

23 territoire plus important et que la levée de ces sièges s'est faite par le

24 biais du déploiement d'unités de la JNA dans diverses directions et par

25 l'engagement d'un grand nombre de moyens.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, cette action porte sur la levée

27 du siège; c'est cela ? C'est ce que vous voulez dire ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Brisez le siège, tel était l'objectif.

Page 1567

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

2 M. WHITING : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

3 Q. Pour revenir à Kijevo, vous venez de nous dire que vous avez vu un

4 extrait à la télévision montrant Milan Martic et Milenko Zelenbaba. Avez-

5 vous eu d'autres reportages de la part des médias sur l'attaque de Kijevo ?

6 R. Je me souviens qu'il a été question d'un entretien d'un réserviste, un

7 officier de la JNA, avec un habitant croate de Kijevo qui était resté dans

8 le village.

9 Q. Vous souvenez-vous de cet entretien ?

10 R. Je me souviens que ce soldat a demandé au vieillard qui était resté à

11 Kijevo : "Est-ce que c'est toi qui a tué mon grand-père en 1941 ?" Le

12 vieillard s'est défendu en disant : "Non, non, non, ce n'était pas moi."

13 Voilà, c'était à peu près cela le sens de la conversation qu'ils ont eue.

14 Q. Est-ce que vous avez réagi par rapport à cela ? Est-ce que cela a eu un

15 effet sur vous de voir cela ?

16 R. C'était horriblement triste. C'était affreux. Personnellement, cela m'a

17 donné la chair de poule. C'est la pire façon possible de lier les

18 événements négatifs du passé à ceux d'aujourd'hui.

19 Q. Vous avez parlé d'un habitant croate qui est resté. Qu'avez-vous

20 remarqué lorsque vous vous êtes rendu à Kijevo, le lendemain de l'attaque ?

21 Qu'avez-vous remarqué au niveau des Croates ? Qu'est-il advenu de la

22 population croate de Kijevo ?

23 R. Le village était désert. Il n'y avait personne dans le village ou dans

24 les environs. Les soldats qui se trouvaient là, je leur ai posé des

25 questions, et ils m'ont dit : Tout le monde a pris la fuite. Ils m'ont

26 montré deux directions, l'une passant par Kozjac, et l'autre, par les monts

27 Dinara. La population a fui en passant par les montagnes, pour essayer de

28 rejoindre des zones qui étaient sous le contrôle croate.

Page 1568

1 Q. Ne sont-ils jamais revenus à Kijevo ?

2 R. Non, pas aussi longtemps que la Krajina a existé. Jusqu'en août 1995,

3 ils ne sont pas revenus.

4 Q. Vous avez parlé d'habitants croates qui sont restés. Qu'est-il advenu

5 de ces gens-là ?

6 R. Certains sont partis dans les années suivantes. Il y a eu aussi

7 quelques assassinats dans ce village, dont les auteurs n'ont jamais été

8 identifiés. On n'a jamais découvert qui avaient commis ces meurtres. Il

9 n'en est resté que très peu d'ailleurs, à peine quelques vieillards.

10 Q. Monsieur Babic, le jour où vous avez traversé Kijevo, le lendemain que

11 vous avez déjà évoqué, avez-vous vu des commandants ?

12 R. Ce jour-là, j'ai vu le commandant de la Brigade du 9e Corps d'armée,

13 colonel ou lieutenant-colonel à l'époque, je ne sais plus, Djukic, qui

14 exerçait son commandement au sein d'une unité mécanisée mixte. Il m'a

15 fourni une ambulance pour me permettre d'aller chercher le cadavre de mon

16 beau-père, pour le sortir de là-bas. Il m'a dit que le colonel Mladic était

17 parti à l'avant avec une unité, qu'il avait traversé Vrlika pour se diriger

18 vers Sinj, c'est-à-dire qu'il était parti dans la direction opposée.

19 Q. Etes-vous retourné à Kijevo ou dans la région dans les jours qui ont

20 suivi ?

21 R. Oui, parce que ce jour-là, je suis allé uniquement dans la maison de

22 mon beau-père décédé, et le lendemain, je suis allé voir la maison de ma

23 mère et de ma grand-mère, qui se trouve en périphérie du village de Vrlika.

24 Ce jour-là, en route, j'ai rencontré le colonel Mladic qui conduisait un

25 groupe d'observateurs. Je crois qu'il y avait d'ailleurs un représentant du

26 Parlement croate. C'était une délégation des Croates de Sinj, et il voulait

27 leur montrer ce qu'on pouvoir à Vrlika, après que Vrlika ait été prise par

28 la JNA.

Page 1569

1 Q. Et Vrlika, était-ce un village serbe, un village croate ou un village

2 mixte ?

3 R. Mixte.

4 Q. Monsieur Babic, après ces événements de Kijevo, et vous avez déjà, dans

5 votre déposition, parlé du changement que ceci a occasionné, l'approche

6 différente de la JNA qui s'en est suivie, et vous avez commencé à parler

7 des événements qui se sont déroulés après. J'aimerais vous poser des

8 questions à propos de la chaîne de commandement des groupes armés -- des

9 groupes armés serbes en Croatie, en Krajina. Nous avons entendu parler de

10 différents groupes, la JNA, la police, la TO. Après le mois d'août 1991,

11 pourriez-vous nous dire quelle était la structure du commandement ? Comment

12 fonctionnaient ces groupes ?

13 R. Il existait deux chaînes de commandement qui s'exerçaient sur les

14 forces armées présentes sur le territoire de la Krajina. Une chaîne de

15 commandement allait du Grand état-major de la JNA, donc de l'armée à

16 Belgrade, en passant par les unités de la JNA, et en se terminant sur la

17 Défense territoriale. Cela, c'était une chaîne de commandement. La deuxième

18 chaîne de commandement concernait les structures parallèles, comme je les

19 appelais, c'est-à-dire la police de Krajina. Elle passait par le service de

20 Sûreté d'Etat de la Serbie, donc du MUP de Serbie, passait par les forces

21 de police de la Krajina, par les unités de volontaires, par les unités de

22 la DB, et c'était la deuxième chaîne de commandement. C'était Slobodan

23 Milosevic que l'on trouvait au sommet de ces deux chaînes de commandement.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En dessous de Slobodan Milosevic, du

25 côté de la police, qui y avait-il directement sous lui ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Jovica Stanisic.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En dessous de lui ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] En dessous, il avait Milan Martic, pour la

Page 1570

1 Krajina.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

3 M. WHITING : [interprétation]

4 Q. Quel rapport y avait-il entre les forces de police serbes sur le

5 terrain dans la SAO de la Krajina et la JNA ?

6 R. ElleS coopéraiENt au cours des combats.

7 Q. D'après vous, la police avait-elle été resubordonnée à la JNA pendant

8 les combats, après le mois d'août 1991 et ce, jusqu'à l'automne ?

9 R. Non, elle n'avait pas été rattachée à la JNA.

10 Q. Sur quoi vous basez-vous pour dire cela ?

11 R. Sur ce que je savais. La police n'a jamais été placée sous les ordres

12 ni de la JNA, ni de l'armée de Krajina.

13 Q. Qu'en est-il de la TO et de JNA ? Quel lien y avait-il entre la TO et

14 la JNA ?

15 R. Il y avait pour la Défense territoriale un Grand quartier général et

16 une série de quartiers généraux plus petits au niveau des municipalités et

17 au niveau des unités mêmes. Le Grand quartier général de la Défense

18 territoriale était chargé de la Dalmatie septentrionale et de la Lika, et

19 il était sous le commandement du 9e Corps d'armée. Quant au quartier

20 général régional de Kordun et de la Banija, il était sous les ordres du 2e

21 Groupe de la JNA à Samarica.

22 Q. Simplement pour que votre réponse soit tout à fait claire et que je la

23 comprenne bien, la TO -- je vais vous poser davantage de questions là-

24 dessus dans quelques instants. Elle était organisée comment ? La TO dans la

25 SAO de la Krajina était subordonnée à la JNA ?

26 R. Oui.

27 Q. Je souhaite, avec l'aide de l'Huissier, vous montrer trois autres

28 articles encore.

Page 1571

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous en avons terminé avec

2 ce document, le document qui est daté du 18 août 1991 ?

3 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois l'avoir

4 versé au dossier, mais peut-être, si je ne l'ai pas fait --

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous l'avez versé ?

6 M. WHITING : [interprétation] Oui, je l'ai versé.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

8 M. WHITING : [interprétation] J'ai une traduction de ce document. Si vous

9 voulez bien placer la version anglaise sur le rétroprojecteur, s'il vous

10 plaît, et remettez la traduction au témoin, s'il vous plaît.

11 Q. Hier, dans votre déposition, vous avez dit que Milan Martic a parlé à

12 la presse de l'aide qu'il recevait de la JNA. Il s'agit d'un article daté

13 du 7 juillet 1991. C'est un article Tanjug. Je vais vous lire simplement le

14 quatrième paragraphe : "En ce qui concerne l'aide fournie à la police de la

15 Krajina, Martic a dit : 'L'aide la plus importante est venue du

16 gouvernement de la Serbie sous toutes ses formes,' et que les liens avec

17 l'armée populaire yougoslave étaient 'très corrects,' et que la

18 coordination avec cette dernière 'existait déjà. ' Il s'est avéré 'L'armée

19 populaire yougoslave et nous avons un ennemi commun,' a-t-il insisté."

20 Et un peu plus loin, quelques paragraphes plus loin, on peut lire :

21 "Milan Martic, le commandant de la police de la Krajina, a dit lors d'une

22 autre interview à Titograd, un autre quotidien, que le groupe armé placé

23 sous son commandement ainsi que l'armée 's'aident l'un, l'autre.'"

24 Et un peu plus loin, il dit : "Le matériel et l'équipement de l'armée

25 et de la police de la Krajina sont communs à un moment donné, car nous

26 savons qui est l'ennemi commun," a dit Martic. "Martic a montré du doigt

27 les autorités croates actuelles en indiquant qu'il s'agissait de l'ennemi

28 commun, les a décrit comme étant un 'Etat oustachi' qui 'ne nous souhaite

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1 pas de bien et ne souhaite pas de bien non plus à l'armée yougoslave.'"

2 Pour que les choses soient claires, car nous utilisons différents

3 termes, ici. Est-ce que l'armée populaire yougoslave, c'est bien la JNA ?

4 R. Oui, la JNA, c'est le signe qui signifie "armée populaire yougoslave."

5 Q. Merci. Les déclarations faites dans cet article correspondent-elles à

6 ce que vous avez entendu dans les médias, à l'époque ?

7 R. Oui.

8 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

9 dossier s'il vous plaît ?

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Est-

11 ce qu'on peut donner un numéro de cote, s'il vous plaît ?

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce numéro 213, Madame,

13 Messieurs les Juges.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

15 M. WHITING : [interprétation] Puis-je avoir l'aide de l'Huissier encore une

16 nouvelle fois, s'il vous plaît ? Vous voulez bien le placer sur le

17 rétroprojecteur, s'il vous plaît ? Il s'agit d'un article qui est daté du

18 14 juillet 1991, extrait du Los Angeles Times. Si vous voulez bien placer

19 la troisième page sur le rétroprojecteur, de façon à ce que l'on puisse la

20 voir. Au milieu de la page -- est-ce que les Juges peuvent voir cette

21 page ?

22 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

23 M. WHITING : [aucune interprétation]

24 Q. Au milieu d la page -- je pense qu'il faut appuyer de nouveau sur le

25 bouton, et cela va finir par s'afficher, mais je vois en fait qu'à chaque

26 fois cela disparaît.

27 Il est dit dans un entretien : "Le chef de la police de Knin, Milan Martic,

28 a dit que la Krajina avait 7 000 policiers, une force de réserve de 20 000

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1 policiers armés avec des fusils et une artillerie, et ce qu'il a appelé des

2 relations parfaites avec l'armée fédérale, là-bas. 'Nous avons un ennemi

3 commun en les forces croates fascistes,' a dit Martic. 'Il y a déjà eu de

4 nombreuses batailles.'"

5 Est-ce que cela correspond aux déclarations que vous avez entendues,

6 à l'époque, dans les médias ? Martic a également dit : "Il y a déjà eu des

7 nombreuses batailles."

8 R. Oui.

9 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être versé au

10 dossier, je vous prie ?

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Est-

12 ce que nous pouvons lui attribuer une cote, je vous prie ?

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote numéro 214.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais encore montrer un autre document,

16 avec l'aide de M. l'huissier, je vous prie.

17 Q. Il s'agit d'un article qui porte la date du 19 août 1991, article

18 publié par Tanjug. On ne peut vraiment pas dépendre de la technologie. Vous

19 voyez qu'au premier paragraphe, il est dit -- c'est une citation : "'Nous

20 allons également mettre sous notre contrôle Petrinja, Karlovac et Zadar,

21 parce que nous ainsi que l'armée, partageons apparemment les mêmes

22 intérêts. Nous avons besoin d'un port important,' ministre de la Défense de

23 la Région autonome serbe de la Krajina Milan Martic a indiqué cela à Borba,

24 dans une interview exclusive." Puis à la fin du deuxième paragraphe, donc

25 un peu plus loin, il est dit, "Martic dit que 'les attaques de l'année

26 dernière de la part de la population contre les dépôts d'armes qui

27 appartenaient à la police n'avaient pas été planifiées.' Il pense que la

28 trêve n'aura aucune chance d'exister, 'parce que nous allons effectuer des

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1 regroupements et nous allons recevoir de nouveaux approvisionnements

2 d'armes, et ce, afin de réagir à leurs mouvements. Nous avons également de

3 l'artillerie, notre force aérienne, et une armée qui est de notre côté, et

4 nous n'avons pas à cacher ce fait.' Martic dit également qu'il n'a jamais

5 rêvé pouvoir avoir à sa disposition cette force et puissance militaire."

6 Il est question d'une trêve. Est-ce que c'est la trêve à laquelle

7 vous avez fait référence vous-même, trêve qui a eu lieu en août 1991 ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Est-ce que ces déclarations sont conformes à ce que vous entendiez dans

10 les médias, à l'époque ?

11 R. Oui.

12 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais que ce document soit versé au

13 dossier.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document sera versé au dossier. Je

15 souhaiterais que l'on attribue au document une cote.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la document 215, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. WHITING : [interprétation]

20 Q. Monsieur Babic, vous avez dit lors de votre déposition, à plusieurs

21 reprises, vous avez parlé d'un schéma qui s'est reproduit en 1990, et plus

22 particulièrement en 1991. Vous avez fait état de provocation et du fait que

23 l'on essayait en fait d'attirer la JNA dans le conflit. Je souhaiterais

24 parler maintenant d'événements qui se sont déroulés après le mois d'août

25 1991. Après le mois d'août 1991, est-ce qu'il y a eu des attaques de la

26 part des forces serbes contre des villages croates dans la Région autonome

27 serbe de la Krajina ou autour de cette région ?

28 R. Oui.

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1 Q. Avez-vous remarqué que ces attaques suivaient toujours, en quelque

2 sorte, le même schéma ou le même plan ?

3 R. Les forces de la police provoquaient la population dans les zones qui

4 étaient habitées par les Croates ou contre les forces de police de l'autre

5 camp. Le camp croate réagissait, après quoi les unités de la JNA

6 commençaient à utiliser leur artillerie. Ils se lançaient dans une

7 offensive et dans des percées contre les zones où habitaient les Croates,

8 et ce, pour parvenir à certaines positions.

9 Q. Quel était le résultat de ces attaques ? Qu'advenait-il de ces

10 villages ?

11 R. Bien, c'est un peu la même chose qui s'est passée à Kijevo. Les

12 résidents du village fuyaient ou étaient expulsés. Les maisons étaient

13 endommagées lors des combats et par la suite, elles étaient pillées et

14 incendiées.

15 Q. Est-ce qu'il y avait des Croates qui restaient, et le cas échéant, que

16 leur arrivait-il ?

17 R. Il y a peu de civils croates qui sont restés pour vivre là-bas. Il y

18 avait, avant tout, une incertitude qui régnait. Les gens étaient tués. Les

19 meurtres ne faisaient pas l'objet d'enquêtes. Les civils étaient contraints

20 de quitter leurs foyers pour se rendre en territoire croate. Il y avait des

21 expulsions massives de la population dans certaines régions, telle que

22 Kostajnica.

23 Q. Après les attaques, savez-vous quels étaient les rôles des différentes

24 forces, toujours en fonction de ce schéma ?

25 R. J'ai déjà essayé d'écrire cela. Les forces de police, ou les structures

26 parallèles comme nous les appelions, faisaient de la provocation, la JNA

27 arrivait avec son artillerie, lançait une attaque et avançait. Ils étaient

28 suivis par les milices de la Défense territoriale, par des unités de

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1 volontaires, qui ensuite se livraient à des activités de pillage et qui

2 incendiaient.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qui incendiaient quoi ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Les maisons croates.

5 M. WHITING : [interprétation]

6 Q. Où est-ce que cela s'est passé ? Où avez-vous vu ce genre de schéma se

7 passer ?

8 R. Cela s'est passé dans l'ensemble de la Krajina. Je pouvais continuer à

9 voir les conséquences pendant des mois après. Peu de temps après les

10 incidents à Kijevo, un mois plus tard ou peut-être deux mois plus tard,

11 j'ai pu voir les conséquences de cela dans toute la Krajina.

12 Q. Monsieur Babic, lors de votre réponse, vous avez évoqué les

13 volontaires. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que faisaient les

14 volontaires dans ce contexte ? Comment est-ce que les volontaires étaient

15 organisés et quels étaient leurs liens avec les autres unités ?

16 R. Il y avait deux types de volontaires. Premièrement, il y avait ce qu'on

17 appelait les groupes ou les unités de volontaires qui avaient été formés

18 par les résidents serbes de la Krajina, ou ils formaient une structure

19 parallèle à partir de la DB, des services de Sûreté d'Etat à Banija et à

20 Kordun. L'unité la plus célèbre était la 7e Division de Banija. En août et

21 en septembre 1991, ces unités se sont réorganisées en unités de la Défense

22 territoriale. Puis, il y avait un autre type de volontaires, des

23 volontaires individuels ou des unités de volontaires qui venaient de

24 Serbie. Les volontaires individuels se ralliaient aux unités de la JNA, et

25 les unités de volontaires agissaient de façon indépendante, bien que je

26 doive ajouter qu'il n'y en avait qu'une dans la SAO de Krajina, alors que

27 dans d'autres territoires, tel que la Slavonie orientale, ces unités

28 existaient également et elles existaient en tant qu'unités.

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1 Q. L'unité de volontaires qui agissait de façon indépendante et qui

2 existait en Région autonome serbe de Krajina, où est-ce qu'elle

3 fonctionnait et qu'elle était son nom, si vous le savez ? Où opérait-elle ?

4 R. C'est l'unité la plus importante et la plus connue. C'était la 7e

5 Division de Banija. C'est comme cela qu'on l'appelait. Elle était active à

6 Banija, à Dvor Na Uni, à Kostajnica, à Samarica et à Petrinja. Il s'agit de

7 la région où les armes ont, dans un premier temps, été amenées par Radmilo

8 Bogdanovic, où ces armes sont arrivées par Bosanski Novi. Cette unité a

9 résisté pendant longtemps aux efforts qui étaient déployés pour faire en

10 sorte qu'ils intègrent la Défense territoriale. Une fois qu'elle a été

11 formée dans la région de Banja, cette unité a refusé pendant longtemps à se

12 subordonner à cet état-major. Sa transformation en la Défense territoriale

13 de Dvor et de Kostajnica s'est produite finalement lorsque M. Martic a

14 commencé à exercer son autorité sur la Défense territoriale. Ce qui fait

15 que cette unité a fini par former une partie de la Défense territoriale à

16 la fin du mois de septembre 1991.

17 Q. Très bien. Mais vous avez également dit, d'après ce que j'ai

18 compris, qu'il y avait des volontaires individuels et des unités de

19 volontaires qui venaient de Serbie. Vous avez dit, c'est ainsi que j'ai

20 compris ce que vous avez dit, et corrigez-moi si je ne m'abuse, parce qu'il

21 me semble qu'ils sont différents de la 7e Division de Banija, vous avez dit

22 que "des volontaires individuels se ralliaient aux unités de la JNA et que

23 des unités de volontaires agissaient de façon indépendante, bien que je

24 doive dire qu'il n'y en avait qu'une dans la SAO de Krajina, alors que dans

25 d'autres territoires, tel que la Slavonie orientale, il existait également

26 d'autres unités, en tant qu'unités."

27 A quoi avez-vous fait référence lorsque vous parliez d'une de ces unités

28 en SAO de la Krajina ?

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1 R. Dans la SAO de la Krajina, c'était une unité qui avait été établie par

2 un parti politique en Serbie, le Mouvement du Renouveau serbe, et elle

3 était active près de Gospic à Lika. Cela a duré un certain temps en

4 septembre 1991. Alors qu'en Slavonie orientale, il y avait également une

5 unité de volontaires qui s'appelait la Garde volontaire serbe passée sous

6 le commandement d'Arkan, Zeljko Raznjatovic. Alors sa structure était assez

7 différente de l'autre unité.

8 Q. Pour ce qui est du Mouvement du Renouveau serbe, vous nous avez dit de

9 cette unité qu'elle était active dans la zone autour de Gospic et à Lika.

10 Est-ce que vous savez si cette unité a participé à des combats ?

11 R. Elle a participé à des combats autour de Gospic.

12 Q. Savez-vous quand ?

13 R. Je pense en septembre 1991, ou peut-être en octobre. Je ne peux pas

14 vous le dire avec certitude maintenant.

15 Q. Outre cette unité, l'unité du Mouvement du Renouveau serbe, est-ce que

16 tous les autres volontaires que vous avez décrits ont été subordonnés d'une

17 façon ou d'une autre à la JNA en septembre 1991 ?

18 R. Oui. Les autres volontaires, les autres volontaires individuels

19 faisaient partie des unités de la JNA.

20 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

21 Juges, je sais que j'ai quelques minutes d'avance, mais j'étais sur le

22 point d'aborder un autre thème, donc c'est peut-être le moment, s'il en

23 fut, de lever l'audience.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous allez aborder un

25 nouveau thème ?

26 M. WHITING : [interprétation] Oui, je vais aborder un nouveau thème.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pensez-vous que le moment est venu de

28 lever l'audience ?

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1 M. WHITING : [interprétation] Je pense que ce serait en effet un moment

2 opportun. De toute façon, nous serons à nouveau, lundi matin à 9 heures,

3 dans le prétoire numéro I.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ainsi que j'avais cru comprendre

5 les choses. C'est bien ainsi que vous comprenez les choses, Maître

6 Milovancevic ? Lundi à 9 heures, dans le prétoire numéro I ?

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. L'audience

9 est levée, et nous nous retrouverons lundi matin à 9 heures dans la salle

10 d'audience numéro I.

11 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le lundi 20 février

12 2006, à 9 heures 00.

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