Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 21 mars 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin dépose par vidéoconférence]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, j'aimerais que vous

7 me rappeliez --

8 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, comme vous vous en

9 rendez compte sans doute, on entend le B/C/S sur le canal anglais.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'en suis rendu compte.

11 M. WHITING : [interprétation] Cela va mieux maintenant.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il nous faut passer à huis

13 clos partiel ?

14 M. WHITING : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Des mesures de protection peut-être ?

16 Non.

17 M. WHITING : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

19 Je demande au témoin de prononcer les mots suivants après moi. Est-ce que

20 quelqu'un pourrait interpréter la formule au témoin pour que le témoin

21 prononce la déclaration solennelle : Je déclare que je dirai la vérité,

22 toute la vérité et rien que la vérité. Je ne vois pas le témoin parler. Je

23 ne suis pas sûr que le témoin ait prononcé cette déclaration solennelle.

24 M. WHITING : [interprétation] Je crois voir que le témoin n'avait pas ses

25 écouteurs.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est pourquoi elle n'a pas entendu.

27 Très bien. Recommençons. Je demande au témoin de prononcer les mots

28 suivants après moi : Je déclare solennellement que je dirai la vérité --

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1 Peut-être la connexion n'est pas établie. Peut-on établir la liaison avec

2 le témoin.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela va.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je demande au témoin de

5 prononcer les mots suivants : Je déclare que je dirai la vérité --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- toute la vérité et rien que la

8 vérité.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je ferai.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Le témoin vient de

11 prononcer la déclaration solennelle.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 LE TÉMOIN: ANA KESIC [Assermentée]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 [Le témoin dépose par vidéoconférence]

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

17 Monsieur Whiting.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

19 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Interrogatoire principal par M. Whiting :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kesic.

22 R. Oui, bonjour.

23 Q. Avant de commencer, une petite question pratique. Ce témoin n'est ici

24 que pour subir le contre-interrogatoire. J'aimerais que le document versé

25 au titre de l'article 92 bis obtienne une cote. Ce document se divise en

26 deux parties qui comportent les numéros 01062734 pour le premier, et

27 04656552 pour le second. J'aimerais que ces deux documents se voient

28 octroyer une cote.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on donner une cote à ces deux

2 documents.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agira

4 de la pièce à conviction 258.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La cote 258. Très bien, merci.

6 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide de

7 l'Huissier, j'aimerais également distribuer à chacun dans le prétoire un

8 exemplaire papier de la déclaration préalable du témoin. Je pense qu'il

9 sera plus pratique pour les parties de se référer à un document papier

10 plutôt qu'à un document électronique fourni par le système e-court.

11 Q. Madame Kesic, m'entendez-vous et me comprenez-vous dans une langue

12 parlée par vous ?

13 R. J'entends, j'entends.

14 Q. Comme vous le savez, la déclaration écrite émanant de vous, que vous

15 avez signée et confirmée, a été versée au dossier. Je n'aurai donc pas à

16 vous redemander de relater votre histoire, car celle-ci figure dans le

17 document versé au dossier qui constitue une pièce à conviction.

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. Dans l'intérêt de chacun ici, de façon à ce que nous puissions tous

20 suivre votre déposition, je vais maintenant donner lecture du résumé de

21 votre déclaration écrite. Je vous demanderais, pendant ce temps, d'écouter

22 cette lecture, qui est surtout destinée aux personnes dans le prétoire.

23 R. Très bien.

24 Q. Quand j'aurai terminé la lecture du résumé de votre déclaration

25 préalable, je vous poserai simplement quelques petites questions destinées

26 à tirer certains points au clair, après quoi vous entendrez des questions

27 émanant des Juges. Tout est clair pour vous, Madame ?

28 R. Oui.

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1 Q. Je vais lire le résumé, et vous n'avez qu'à écouter cette lecture,

2 après quoi je vous poserai quelques brèves questions.

3 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est un résumé de

4 la déclaration écrite du témoin dont je donne lecture à l'intention des

5 Juges, des personnes dans le prétoire et du public.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

7 M. WHITING : [interprétation] Ana Kesic est née le 21 avril 1920 à Hrvatska

8 Dubica, et elle est croate. Elle a vécu à Dubica toute sa vie, hormis la

9 période allant de 1993 à 1995 pendant laquelle son village était occupé par

10 les forces de la SAO de Krajina; pendant cette période, elle a résidé à

11 Sisak.

12 Pour la Chambre, j'indique que le village de Dubica se trouve à la page 21

13 de l'atlas, pièce à conviction 23, dans le carré D3.

14 Les relations de la population à Hrvatska Dubica étaient pacifiques jusqu'à

15 leur dégradation en 1991. Un peu avant septembre 1991, des Serbes de

16 Hrvatska Dubica ont quitté le village pour se rendre à Bosanska Dubica.

17 Puis, en septembre 1991, les Croates résidents du village l'ont quitté, et

18 ne sont restées dans le village que des personnes âgées. Le témoin pense

19 que les Croates ont quitté le village parce qu'ils n'ont pas eu le temps de

20 se mobiliser pour opposer une résistance aux forces de la SAO de Krajina.

21 Ils ont donc quitté le village au moment où ils ont estimé que toute

22 résistance était trop difficile.

23 Aux environs du 28 octobre 1991, trois personnes sont arrivées dans la

24 maison du témoin : Velja Radunovic; Radovan Sosa, ceci est un surnom; et

25 Janjeta, qui est également un surnom. Ces hommes conduisaient un camion et

26 ont demandé au témoin et à la belle-sœur du témoin, dont le prénom est

27 Katarina, de venir assister à une réunion. Le témoin pense que c'était

28 Velja qui conduisait le camion, et Velja portait un uniforme, mais le

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1 témoin ne se souvient pas du type d'uniforme que portait cet homme. Le

2 témoin et sa belle-sœur sont montées à bord du camion.

3 Neuf autres personnes ont été regroupées à partir des maisons voisines. Il

4 s'agit de Danica Krizmanic, de Vera Stankovic, d'un certain Pavle, d'un

5 certain Bara, de Slavko Kucuk, de Ruza Dikulic, de Sofija Dikulic et de

6 Nikola Loncar. Toutes les personnes à bord du camion ont été emmenées à la

7 caserne de pompiers de Dubica où elles ont été enfermées à l'intérieur du

8 bâtiment.

9 Quelques minutes plus tard, un garde portant un uniforme de couleur verte

10 est venu demander que les personnes portant le patronyme Kesic se fassent

11 connaître. Le témoin et sa belle-sœur Katarina ont fait un pas en avant et

12 les gardes leur ont dit de rentrer chez elles. Au moment où elles

13 quittaient le bâtiment, elles ont vu un autobus rempli de nombreuses

14 personnes qui arrivaient à la caserne de pompiers. Les personnes à bord de

15 cet autobus venaient d'un autre quartier de Hrvatska Dubica. En raison de

16 la pluie qui tombait à ce moment-là, le témoin n'a pas pu reconnaître les

17 personnes à l'intérieur de l'autobus. Lorsque le témoin et sa belle-sœur

18 sont rentrées à leur domicile, elles ont appris que des voisins serbes,

19 faisant partie de la famille Obrenovic, avaient envoyé un membre de la

20 famille pour les faire sortir de la caserne de pompiers. Le témoin déclare

21 avoir été libérée de la caserne de pompiers parce qu'un des membres de sa

22 famille, Zdravko Vujic, était alors sous-lieutenant dans les rangs de la

23 marine de la JNA à Split. Vujic est un nom de famille serbe, donc les

24 gardiens ont pensé que ce Vujic était serbe, et c'est la raison pour

25 laquelle elle-même et sa belle-sœur ont été libérées. Elle déclare que si

26 les Serbes avaient su qu'elles étaient croates, elles n'auraient pas été

27 libérées.

28 Une fois que le témoin est rentrée à son domicile, un voisin serbe lui a

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1 dit qu'elle était dans l'obligation de demeurer à l'intérieur de sa maison,

2 ce qu'elle a fait. Le témoin et sa belle-sœur ont passé cette période dans

3 la cave de leur maison. Elles ont vu des soldats et des policiers serbes

4 qui avaient pris position sur les collines et qui faisaient usage de leurs

5 armes. Le témoin et sa belle-sœur avaient peur, ce qui les a empêché de

6 dormir. Elles ont vu également des soldats et des policiers serbes qui

7 chantaient des chants de la Krajina, et déclarent qu'ils étaient la plupart

8 du temps en état d'ébriété.

9 Un jour, le témoin a appris, de la bouche d'un membre de sa famille, Milan

10 Sestic, que trois de ses voisins avaient été tués. Il s'agit de Batinovic,

11 Krnic et Stef Uska. Plus tard, Milan Sestic a disparu également et il est

12 encore porté disparu aujourd'hui. Le témoin a demandé à ses voisins serbes

13 ce qu'il était advenu des Croates portés disparus dans le village et on lui

14 a dit qu'ils avaient été envoyés à Knin et à Glina pour subir un échange de

15 prisonniers.

16 Le 3 août 1993, le témoin a parvenu à quitter Dubica pour se rendre à

17 Sisak. C'est à ce moment-là qu'elle a appris pour la première fois que

18 toutes les personnes qui avaient été détenues à la caserne de Dubica

19 avaient été tuées. Cette nouvelle a été vraiment terrible pour le témoin.

20 Après 1995, le témoin est rentrée dans son village. Deux mines ont été

21 découvertes dans sa maison. Deux maisons de sa rue étaient totalement

22 calcinées et de nombreuses maisons dans d'autres quartiers du village

23 étaient également soit détruites par le feu, soit endommagées. La plupart

24 des maisons appartenant à des Musulmans avaient été pillées, et les Serbes

25 avaient emporté tous les objets de valeur hors de ces maisons. L'exhumation

26 des cadavres a eu lieu à Bacin en 1997. Le témoin a assisté aux funérailles

27 des personnes décédées.

28 Q. Alors, Madame Kesic, j'aimerais à présent vous poser quelques petites

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1 questions au sujet de cette déclaration préalable, de façon à ce que tout

2 soit clair. Dans votre déclaration écrite, vous parlez de voisins de Milan

3 Sestic qui ont été tués et vous mentionnez les noms de Batinovic, Luka --

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. -- Krnic et d'une autre personne, Stef Uska. Est-ce que ces personnes

6 étaient serbes ou croates ?

7 R. Croates, croates.

8 Q. Milan Sestic, était-il serbe ou croate ?

9 R. Croate.

10 Q. Quand vous êtes revenue de la caserne de pompiers, vous dites dans

11 votre déclaration écrite que vous êtes restée dans votre maison jusqu'en

12 1993, moment où vous êtes partie pour Sisak. Pourriez-vous, je vous prie,

13 nous dire comment vous vous sentiez --

14 R. [aucune interprétation]

15 Q. -- dans cette période allant d'octobre 1991 à 1993, période que vous

16 avez passée dans votre maison ? Quels étaient vos sentiments par rapport à

17 la situation en vigueur à l'époque ?

18 R. Ecoutez, ce n'était pas idéal. Nous étions dans une situation un peu

19 difficile, mais nous ne manquions de rien. Nous recevions de l'aide de la

20 Croix-Rouge, donc nous n'avons pas subi la faim, et cela n'allait pas trop

21 mal, voyez-vous. Par ailleurs, nous ne sortions pas. Nous n'allions nulle

22 part. Nous ne travaillions pas, rien du tout.

23 Q. Dans votre déclaration écrite, vous dites que lorsque vous êtes allée à

24 Sisak en 1993, c'est là que vous avez appris que les personnes qui avaient

25 été détenues à la caserne de pompiers avaient été tuées. Pourriez-vous, en

26 quelques mots, nous dire comment vous avez appris cette nouvelle ? Qui vous

27 a communiqué cette nouvelle ?

28 R. Oui. C'est ce qu'on m'a raconté quand je suis arrivée à Sisak. Voyez-

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1 vous, j'ai dû me faire connaître officiellement là-bas pour dire que je

2 venais de Dubica et que j'allais vivre chez ma nièce à Sisak. Cette femme à

3 qui j'ai dit que je venais de Dubica m'a interrogée. Elle m'a dit : Comment

4 se fait-il que vous soyez restée en vie ? A ce moment-là, je lui ai dit :

5 Bien, on nous a laissées partir. Vous venez de dire ce que j'ai entendu

6 dire à ce moment-là, c'est-à-dire que toutes ces personnes devaient subir

7 un échange de prisonniers. Mais cette femme m'a dit à ce moment-là : Mais

8 comment pouvez-vous parler d'échange de prisonniers alors que toutes ces

9 personnes sont mortes ? Elles ont été tuées vers Bacin, voyez-vous. Toutes

10 ces personnes ont été tuées. C'est ce qu'elle m'a dit, qu'à partir de la

11 Bosnie on pouvait les voir hurler et pousser des cris. Voilà, ce qui s'est

12 passé alors. J'ai vraiment eu mal au cœur quand elle m'a dit cela. Voilà ce

13 que j'ai vécu et comment cela s'est passé.

14 Ensuite, cette femme a mis tout cela par écrit. Elle a enregistré mon

15 arrivée à Sisak --

16 Q. Madame Kesic --

17 R. Oui, je crois que c'est tout.

18 Q. Merci. Qui est cette femme avec qui vous parliez à ce moment-là ?

19 R. Merci.

20 Q. Qui était cette femme avec qui vous avez parlé de tout cela, qui vous a

21 annoncé cette nouvelle ? Pouvez-vous nous la décrire, nous dire quel était

22 son poste, quelles étaient ses fonctions ?

23 R. C'était une employée de bureau. Elle recevait les gens qui devaient se

24 faire connaître et elle écrivait des choses sur un papier. Quand je suis

25 arrivée, je suis allée la voir et elle a écrit tout cela.

26 Q. Merci.

27 R. [aucune interprétation]

28 Q. Savez-vous pour quelle raison les personnes qui étaient dans la caserne

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1 de pompiers ont été tuées ?

2 R. Cela, je ne vois pas comment je pourrais le savoir. Je ne sais pas. Je

3 ne sais pas pourquoi ils ont fait cela.

4 Q. Les gens qui ont été tués et qui avaient été détenus à la caserne de

5 pompiers, savez-vous s'il s'agissait de Croates ou de Serbes ?

6 R. Uniquement des Croates.

7 Q. Vous dites qu'après votre retour à votre domicile en 1995, vous avez vu

8 des maisons qui avaient été pillées et détruites dans votre rue ainsi que

9 dans d'autres quartiers du village. Ces maisons, appartenaient-elles avant

10 à des Serbes ou à des Croates ?

11 R. Les propriétaires de ces maisons étaient des Croates, et quand les

12 autres y sont entrés, ils les ont pillées, oui.

13 Q. Quelque chose est-il arrivé à l'église catholique de Dubica ?

14 R. Oui. Trois ont été détruites.

15 Q. Qui les a détruites ?

16 R. Ceux qui les ont détruites sont ceux qui voulaient le faire.

17 Q. Madame Kesic, nous n'avons pas bien entendu votre réponse. Pourriez-

18 vous la répéter. Qui a détruit les églises ?

19 R. Ceux qui les ont détruites sont les mêmes que ceux qui ont assassiné

20 les Croates.

21 Q. Quelle était leur identité ?

22 R. Cela, je ne le sais pas.

23 Q. Etaient-ce des Serbes ou des Croates ?

24 R. Des Serbes.

25 Q. Est-il arrivé quelque chose à l'église orthodoxe serbe ?

26 R. Cette fois-là, rien.

27 Q. Quand vous dites "cette fois-là," voulez-vous parler du moment où vous

28 étiez encore à Dubica ?

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1 R. Oui, oui, oui. J'ai compris.

2 Q. Je crois que j'ai compris aussi. Est-il advenu quelque chose de

3 particulier à l'église orthodoxe serbe par la suite ?

4 R. Non. Elle est restée entière.

5 Q. Merci, Madame Kesic. Je n'ai plus de questions à vous poser. A présent,

6 vous entendrez les questions du conseil de la Défense. Je vous remercie.

7 R. Je vous en prie.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

9 Maître Milovancevic, la Chambre tient à vous rappeler que les

10 questions du contre-interrogatoire devront se limiter à des questions

11 portant sur la police ou les autres forces de la SAO, en vertu de la

12 décision rendue suite au dépôt d'une requête de l'Accusation demandant

13 l'admission de la déposition écrite du témoin en application de l'article

14 92 bis du Règlement en date du 16 juillet 2006. Bien entendu, la Défense

15 est autorisée à poser des questions qui découlent des questions posées à

16 l'instant par l'Accusation cet après-midi même si elles vont au-delà des

17 limites décrites dans la décision en question. Je vous remercie de

18 respecter cette décision, Maître Milovancevic.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kesic.

22 R. Bonjour.

23 Q. Je suis l'avocat Predrag Milovancevic, conseil de la Défense de Milan

24 Martic. Je vais à présent vous poser quelques questions qui portent sur les

25 questions dont vous avez parlé dans votre déclaration écrite, et je vous

26 demande si vous m'entendez bien et si vous me comprenez.

27 R. Je vous entends.

28 Q. Merci.

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1 R. Je vous en prie.

2 Q. Dans votre déposition écrite, vous dites qu'à part la période allant de

3 1993 à 1995, vous avez vécu toute votre vie à Hrvatska Dubica, n'est-ce pas

4 ?

5 R. A part ces trois années-là, j'ai vécu à Dubica. Et pendant ces années-

6 là, j'étais à Sisak.

7 Q. Mais en dehors de cette période, vous avez bien passé toute votre vie à

8 Dubica ?

9 R. Oui, en dehors de ces trois années-là, je vivais à Dubica, en effet.

10 Q. Merci. Vous avez déclaré que les relations entre les Serbes et les

11 Croates de Dubica ont été bonnes jusqu'en 1991, date à laquelle elles se

12 sont dégradées. Je vous demande si la population de Dubica était bien

13 mixte, c'est-à-dire que les habitants de Dubica étaient serbes et croates ?

14 R. Dubica s'appelait Hrvatska Dubica, "Dubica croate."

15 Q. Savez-vous pour quelle raison les rapports entre les Serbes et les

16 Croates du village se sont détériorés ?

17 R. Je ne sais pas. Je n'ai trahi personne, voyez-vous. Alors, je ne sais

18 pas d'où cela vient.

19 Q. L'Accusation a donné lecture de votre déposition écrite où il est dit

20 qu'à un certain moment, la population serbe de Hrvatska Dubica a quitté le

21 village et que dans une période ultérieure, les Croates l'ont quitté

22 également. Vous rappelez-vous à quel moment les Serbes ont quitté le

23 village ?

24 R. C'était avant tous ces problèmes, si on peut dire. Ils sont partis pour

25 la Bosnie, voyez-vous, pour Bosanska Dubica. Mais je ne sais pas pourquoi

26 ils ont traversé la rivière, pourquoi ils sont partis. Je ne sais pas s'ils

27 avaient à l'esprit quelque chose d'autre que ce que nous avons dit. Je ne

28 sais pas. Je ne sais pas pourquoi ils sont partis.

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1 Q. Vous avez déclaré qu'après le départ de la population serbe du village

2 qui est partie pour Bosanska Dubica, d'autres habitants croates de Hrvatska

3 Dubica sont également partis au mois de septembre. Mais qui exactement est

4 parti ? Quand je dis qui, je parle des tranches d'âge. Est-ce que tout le

5 monde est parti ou simplement les jeunes, ou les personnes âgées, ou

6 simplement les hommes, ou les femmes, ou les enfants ou tout le monde ?

7 R. Les jeunes sont partis. Ils sont tous partis, les gens qui n'étaient

8 pas trop âgés et qui avaient un véhicule motorisé. Il n'y a que les vieux

9 qui sont restés, seulement les vieux.

10 Q. Merci, Madame Kesic.

11 R. Je vous en prie.

12 Q. Etes-vous au courant du fait qu'au moment où la population croate de

13 Dubica a quitté le village, le pont surplombant la rivière a été

14 plastiqué ? Est-ce que vous êtes au courant de cela ? Est-ce que vous vous

15 en souvenez ?

16 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ?

17 Q. Au moment où la population croate du village a quitté Dubica, est-ce

18 que vous savez que le pont qu'il y avait dans le village a été plastiqué,

19 dynamité, le pont qui séparait Hrvatska Dubica de Bosanska Dubica ? Est-ce

20 que vous pouvez nous en parler ?

21 R. Tout était tranquille sur le pont. Il y avait des gardes qui le

22 gardaient, des gardes serbes.

23 Q. Mais est-ce que le pont a été démoli ? Est-ce qu'il a été détruit ?

24 C'est cela la question que je vous pose.

25 R. Oui, oui, il a été détruit. Il a été détruit.

26 Q. Vous dites que les gens qui n'étaient pas trop âgés sont partis et tous

27 ceux qui pouvaient partir.

28 R. Tous ceux qui avaient la possibilité de partir sont partis.

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1 Q. Vous dites que les Croates avaient estimé qu'ils n'avaient pas le temps

2 de se préparer à résister. De quels Croates parlez-vous dans cette phrase ?

3 Parlez-vous des Croates de la localité ou d'autres ?

4 R. Pourriez-vous répéter votre question, je vous prie ?

5 Q. Avez-vous bien dit aux représentants de l'Accusation qu'au moment où

6 les Croates ont quitté Dubica --

7 R. Oui.

8 Q. -- ils avaient estimé qu'ils n'avaient pas le temps de se préparer à

9 résister et qu'il leur était impossible de poser la moindre résistance ?

10 Est-ce bien ce que vous dites dans votre déposition ?

11 R. Cela, je n'étais pas au courant. Je ne savais rien d'une quelconque

12 résistance. Il y avait simplement des gardes qui étaient serbes, et les

13 nôtres, les Croates, ne montaient pas la garde. C'étaient les autres qui

14 faisaient tout cela.

15 Q. Avez-vous entendu parler de l'assassinat de trois Serbes à Dubica,

16 Stevo Djurcic, Petar Kojic et un certain Vlatkovic ?

17 R. Non, je ne suis pas au courant de cela. Non, non, je ne sais pas cela.

18 Q. Savez-vous si parmi les habitants de Dubica, qu'ils soient serbes ou

19 croates, il y en avait qui d'un côté ou de l'autre étaient armés ?

20 R. Les Croates n'étaient pas armés; les Serbes étaient les seuls qui

21 étaient armés. A Dubica, il n'y en avait pas au départ. Il y avait des

22 policiers à Dubica, et quand les gens sont partis, la police n'est pas

23 restée non plus.

24 Q. Vous parlez de la police en rapport avec l'exode. Est-ce que la police

25 de Dubica était croate ?

26 R. Elle était moitié-moitié. Les Croates sont les seuls qui sont partis.

27 Q. Madame Kesic, avez-vous entendu parler à cette époque de la Garde

28 nationale, la ZNG comme on l'appelait ?

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1 R. Cela je ne connais pas.

2 Q. Vous n'avez aucune information à ce sujet ?

3 R. Uh-uh.

4 Q. Je vous remercie. Nous allons parler maintenant des événements liés à

5 la caserne de pompiers. J'ai quelques questions à vous poser à ce sujet.

6 Vous avez dit dans votre déposition écrite que le 28 octobre 1991, trois

7 hommes sont arrivés à bord d'un camion devant votre maison --

8 R. Oui.

9 Q. -- et qu'ils vous ont demandé de les accompagner pour assister à une

10 espèce de réunion. C'est bien cela, Madame Kesic ?

11 R. Oui, c'est cela.

12 Q. Vous avez dit dans votre déposition écrite que ces trois hommes étaient

13 Velja Radunovic, dit Radovan Sosa, et un certain Jajneta ?

14 R. Oui, oui, c'est vrai.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, on vous demande

16 de parler un peu plus lentement.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

18 Q. Vous avez déclaré également qu'à votre avis, c'était Velja qui était au

19 volant du camion. Vous rappelez-vous lequel de ces trois hommes vous a

20 adressé la parole au moment où ils sont arrivés devant chez vous ? Qui vous

21 a invitée à monter à bord du camion ?

22 R. C'était celui qui s'appelait Janjeta et celui qui était avec lui. C'est

23 ce qu'ils m'ont dit. Ces hommes je ne les connaissais pas. C'est une

24 certaine Danica Krizmanic qui m'a dit cela. C'est elle qui m'a dit que

25 Janjeta et Radunovic venaient des collines. Mais je n'avais aucun rapport

26 avec eux. Ce sont eux qui m'ont dit d'aller à cette réunion.

27 Q. Madame Kesic --

28 R. Je vous en prie.

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1 Q. -- vous avez déclaré que vous pensiez que Velja portait un uniforme et

2 vous avez parlé d'un uniforme de couleur verte. Est-ce que cet uniforme

3 était un uniforme de forestier, un uniforme de soldats ou un autre

4 uniforme ? Parce que vous avez simplement parlé de la couleur verte de cet

5 uniforme.

6 R. C'était un uniforme verdâtre avec des tâches, mais je n'étais pas

7 experte en uniformes. Je ne savais pas ce que représentait exactement cet

8 uniforme.

9 Q. Ce matin-là, quand ces hommes sont venus vous emmener en camion, vous

10 rappelez-vous un détail; est-ce qu'il pleuvait ?

11 R. Oui, il pleuvait, et comment il pleuvait.

12 Q. Ces trois hommes qui sont arrivés dans leur camion, est-ce

13 qu'éventuellement ils portaient une espèce d'imperméable ? Est-ce que vous

14 vous rappelez de cela ?

15 R. J'ai l'impression qu'ils n'en portaient pas. Ils avaient ces espèces de

16 bonnets, vous savez.

17 Q. Vous dites que vous-même et votre belle-sœur avez obéi à ce que ces

18 hommes vous ont dit, que vous êtes montées à bord du camion, et que dans le

19 camion vous avez trouvé neuf voisins de votre quartier; c'est bien cela,

20 Madame Kesic ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. Vous avez cité le nom de Slavko Kucuk comme étant l'un de vos voisins ?

23 R. Oui.

24 Q. Cet homme se trouvait-il dans le camion à ce moment-là ?

25 R. Il est allé avec nous jusque là-haut, jusqu'à la caserne, mais je ne

26 l'ai pas vu entrer dans le bâtiment. Il a dû rester à l'extérieur devant la

27 caserne.

28 Q. Merci.

Page 2391

1 R. Je vous en prie.

2 Q. Un autre point qui m'intéresse, s'il vous plaît. Certains témoins ont

3 affirmé que ce que vous nous relatez s'est produit le 20 et non pas le 28

4 octobre 1991. Je parle bien du mois d'octobre. Vous souvenez-vous de la

5 date ou c'est un peu au hasard que vous parlez ? Cela fait longtemps.

6 R. C'était en octobre. Nous n'employons le même terme que vous pour

7 désigner le mois. C'était le dixième mois de l'année -- ou le huitième.

8 Q. Merci.

9 R. Je vous en prie.

10 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que vous-même et votre belle-sœur

11 avez entendu vos noms prononcés, que c'était un garde qui portait un

12 uniforme vert qui l'a dit, et qu'il vous a dit que vous pouviez partir ?

13 R. Oui, c'était Kesic. Il a dit : Ceux qui portent le nom Kesic doivent se

14 présenter; ils peuvent venir par ici. Il m'a dit de faire venir ma belle-

15 sœur, et ensuite il a dit : Vous deux, vous allez sortir et vous allez

16 rentrer chez vous. C'est ainsi que nous sommes parties chez nous.

17 Q. Vous avez dit, dans votre déclaration, que par la suite, vous-même et

18 votre belle-sœur Katarina êtes parties vers votre maison et que vous avez

19 vu passer à côté de vous un autobus ou un autocar, qu'il y avait plein de

20 monde à bord de cet autobus et qu'il s'est arrêté devant la caserne des

21 pompiers; c'est exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous étiez à quelle distance de la caserne des pompiers quand le bus

24 s'est arrêté ?

25 R. On était déjà près de notre rue. On allait s'engager dans notre rue. On

26 était loin.

27 Q. Dans votre déclaration donnée au bureau du Procureur, vous avez dit

28 qu'à bord de cet autocar qui est passé à côté de vous, les rideaux étaient

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1 tirés et qu'il pleuvait, et que c'est la raison --

2 R. Oui.

3 Q. -- pour laquelle on ne pouvait pas voir les passagers à bord de cet

4 autocar. Est-ce bien cela, Madame Kesic ?

5 R. Oui, c'est cela.

6 Q. Pourriez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, une chose. Qu'est-ce qui

7 vous permet alors de dire qu'il y avait plein de personnes de Donjani à

8 bord de cet autocar si vous ne pouviez pas, à cause de la pluie, voir les

9 passagers à l'intérieur ?

10 R. Je ne pouvais pas les voir.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Maître Milovancevic, le

12 témoin n'a-t-elle pas dit, dans sa déclaration, qu'elle n'avait pas la

13 possibilité de voir qui étaient ces gens ? Je crois que lorsque vous avez

14 posé la question à l'instant, vous avez dit qu'elle a dit qu'elle ne

15 pouvait pas voir qui était à l'intérieur. Elle a déclaré qu'elle ne pouvait

16 pas voir qui était à l'intérieur. Elle ne pouvait pas les identifier.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'avant-

18 dernier paragraphe dans la version en B/C/S de cette déclaration, 364, les

19 trois derniers chiffres de la page, elle dit : "Puisque les rideaux étaient

20 tirés aux vitres de l'autocar et puisqu'il pleuvait, on n'était pas en

21 mesure de voir qui étaient les personnes à l'intérieur de l'autocar."

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] "On ne pouvait pas voir qui étaient

23 les personnes à l'intérieur de l'autocar. Je sais qu'il y a des personnes à

24 l'intérieur, mais je ne sais pas qui elles sont."

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

26 C'est ce qui m'a incité à poser la question que j'ai posée. De quelle

27 manière Mme le Témoin pouvait savoir que c'étaient des habitants de

28 Donjani. Elle a vu des gens, mais maintenant, dans la suite de la

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1 déclaration, elle dit que ce sont des habitants de Donjani. C'était cela,

2 la substance de ma question. Peut-elle nous expliquer ce point-là ?

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est tout à fait une autre

4 question, lorsque vous la posez au sujet de Donjani, tout à fait, lorsque

5 vous ajoutez Donjani. Allez-y.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

7 Q. Madame Kesic, cet autocar est passé à côté de vous, et vous dites que

8 vous n'étiez pas en mesure de distinguer les gens parce que les rideaux

9 étaient tirés et qu'il pleuvait. Comment saviez-vous qui c'étaient des

10 habitants de Donjani ? L'avez-vous vu ou c'est quelque chose que vous avez

11 entendu par la suite ?

12 R. C'est une localité un peu en contrebas par rapport à notre maison. Cet

13 endroit, on l'appelle Donjani, voyez-vous.

14 Q. Madame Kesic, pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a permis de

15 savoir que c'était précisément les gens de Donjani qui étaient dans cet

16 autocar ? Est-ce que vous l'avez su au moment où vous avez vu passer

17 l'autocar ou est-ce quelque chose que vous avez appris par la suite ?

18 R. L'autocar est passé, et nous avons pu voir qu'il y avait des gens à

19 l'intérieur, mais on ne pouvait pas les distinguer. On voyait qu'il y avait

20 des gens, et les rideaux étaient tirés. Il pleuvait.

21 Q. Je vous remercie.

22 R. Je vous en prie.

23 Q. Dans la déclaration donnée au Procureur, vous avez dit que, pour ce qui

24 est de vous-même et de Katarina, quand vous êtes rentrées chez vous, vos

25 voisins, et notamment la famille Obrenovic et deux autres femmes, Milka et

26 Rosa dont vous ne vous souvenez pas du nom de famille, vous ont dit qu'ils

27 avaient envoyé Glisa Obrenovic pour qu'il vous sorte, vous deux, de la

28 caserne des pompiers; c'est bien cela ?

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1 R. Oui. Ils nous ont dit : On a envoyé Glisa pour qu'il vous sorte de là,

2 pour que vous puissiez rentrer chez vous.

3 Q. Quand vous êtes arrivée chez vous, Glisa, est-il venu ensuite chez vous

4 pour vous dire qu'il ne faudrait pas que vous sortiez de chez vous ? Et

5 s'il vous a dit cela, dans quel sens a-t-il parlé de cela ? Pourquoi il

6 vous a dit qu'il ne fallait pas sortir ?

7 R. Ecoutez, c'est ce qu'ils nous ont dit. Ils nous ont dit : Ne sortez pas

8 et rien de vous arrivera. Ne sortez pas de chez vous. Il ne faut pas non

9 plus que vous receviez qui que ce soit à la maison, car il y avait des

10 coups de feu dans ce secteur.

11 Q. Je vous remercie.

12 R. Je vous en prie.

13 Q. Dans votre déclaration, vous avez parlé du moment où vous avez été

14 libérée et vous avez dit que c'était parce qu'à Split, dans la marine

15 yougoslave, vous aviez un parent qui était lieutenant-colonel et qu'ils ont

16 pensé que vous étiez serbe, et que c'est la raison pour laquelle ils vous

17 ont laissé partir.

18 R. Son nom de famille est Vujic. Chez nous, il y a beaucoup d'Orthodoxes

19 du nom de Vujic. Est-ce que c'est cela qu'ils ont eu à l'esprit ou est-ce

20 parce que nous étions vraiment des gens très gentils, ce qui est vrai, je

21 ne sais pas.

22 Q. Je vous remercie. Ce garde qui portait un uniforme vert et qui a cité

23 votre nom lorsque vous étiez à la caserne des pompiers, qui a prononcé le

24 nom Kesic, et alors vous êtes sorties, vous et votre belle-sœur, le

25 connaissiez-vous ? Lui-même, vous connaissait-il ?

26 R. Non, non, non.

27 Q. Cet homme, au moment où il vous a laissé partir, est-ce qu'il a

28 mentionné votre parent qui est officier dans la marine yougoslave ?

Page 2395

1 R. Non.

2 Q. Une fois sortie de la caserne, avez-vous croisé un autre garde ?

3 Auriez-vous eu une conversation avec qui que ce soit d'autre au sujet de

4 votre parent qui servait dans la marine yougoslave ?

5 R. Non. On n'a plus parlé à personne. Eux, ils étaient au courant. Ils

6 savaient qui il était. On était très proche; tous en bons termes. D'après

7 le nom de famille, ils savaient que c'étaient des Orthodoxes, des Serbes,

8 ceux qui portaient ce nom de famille.

9 Q. Si je vous ai posé toutes ces questions, c'est parce que vous avez

10 parlé dans votre déclaration de cet entretien que vous avez eu avec vos

11 voisins, les Obrenovic. Vous avez dit qu'ils ont envoyé Glisa pour qu'il

12 vous sorte de là, et ensuite vous tirez la conclusion disant : Ils nous ont

13 laissé partir parce que c'est par erreur qu'ils ont cru qu'on était des

14 Serbes et qu'on n'était pas des Croates --

15 M. WHITING : [interprétation] Objection. Ce n'est pas ce qui figure dans la

16 déclaration.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils pensaient qu'on était des Serbes.

18 M. WHITING : [interprétation] Ce qu'on lit dans la déclaration, c'est

19 qu'ils pensaient que son parent était un Serbe. Elle ne dit rien au sujet

20 de ce qu'ils pensaient à son sujet à elle.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne veux plus insister sur cette

22 question, Monsieur le Président. Je la retire pour ne pas compliquer

23 l'interrogatoire avec ce témoin, avec votre autorisation, bien entendu.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic,

25 et pendant que nous y sommes, permettez-moi de vous rappeler les limites de

26 votre contre-interrogatoire, les limites prévues, le cadre que vous ne

27 devriez pas dépasser. Je dois dire qu'il me semble que vous êtes sorti bien

28 loin du cadre des questions posées par l'Accusation.

Page 2396

1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai posé mes

2 questions au témoin qu'au sujet des sujets qui ont été soulevés par le

3 Procureur. C'est uniquement au sujet des points relevés dans la déclaration

4 : les hommes à Martic, la police de Martic et des sujets connexes. Il

5 s'agit d'un contexte, et Mme le Témoin a vécu ce qui se situe dans un

6 contexte. Je n'ai plus que quelques questions à poser avant d'en terminer.

7 Mme le Témoin parle d'une expérience personnelle tragique, comme elle

8 l'est.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

10 Vous avez la parole.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

12 Q. Madame Kesic, il ne me reste plus que quelques questions à vous poser.

13 Vous avez dit que vous êtes restée dans la localité jusqu'en 1993. Votre

14 belle-sœur Katarina est décédée à ce moment-là, et par la suite vous êtes

15 partie à Sisak. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, c'est cela.

17 Q. Vous avez dit que Katarina est décédée au mois de juillet 1993 et elle

18 a été enterrée au cimetière du village. Pouvez-vous nous dire qui a

19 organisé ou qui vous a aidée à enterrer Katarina ?

20 R. C'était un Serbe. Il était le numéro un dans la municipalité, et il y

21 avait aussi des soldats étrangers qui ont aidé. Un officier a donné l'ordre

22 d'apporter son corps à Dubica, elle était à Kostajnica, et de l'apporter à

23 Dubica à un autre cimetière. Nous étions là, moi et les voisines, et on l'a

24 enterrée.

25 Q. Vos voisins, c'étaient des Serbes ? C'était la famille Obrenovic que

26 vous avez mentionnée ?

27 R. Oui, oui, c'est mon voisin.

28 Q. Est-ce qu'ils ont passé tout ce temps avec vous ? Quelle a été leur

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1 attitude à votre égard ?

2 R. On était en très bons termes. Ils étaient vraiment très gentils avec

3 moi.

4 Q. Enfin, le Procureur vous a posé des questions au sujet de l'Eglise

5 catholique de Dubica et il vous a demandé qui l'a détruite.

6 R. Mais cela, je ne le sais pas.

7 Q. Il vous a aussi interrogé au sujet de l'Eglise orthodoxe, et vous avez

8 répondu en disant qu'il ne lui est rien arrivé à cette occasion-là. Mais

9 quand est-ce qu'il est arrivé quelque chose à l'Eglise orthodoxe ?

10 R. Mais non, pas cette fois-ci.

11 Q. Viviez-vous à Dubica en 1941 pendant la Seconde guerre mondiale ?

12 R. Oui.

13 Q. A ce moment-là, l'Eglise orthodoxe de Dubica a-t-elle été détruite ?

14 R. A ce moment-là, si.

15 Q. Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à vous poser. Excusez-moi

16 s'il a fallu que j'éveille vos souvenirs des moments difficiles, mais c'est

17 bien mon devoir ici.

18 R. Je vous en prie.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

20 Madame Kesic, j'ai quelques questions à vous poser.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous écoute.

22 Questions de la Cour:

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans les environs de Dubica, y a-t-il

24 des villages que vous connaissez ?

25 R. Pouvez-vous parler un peu plus fort, s'il vous plaît ?

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Y a-t-il des villages dans les

27 environs de Dubica, pour autant que vous le sachiez ?

28 R. Il y en a.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Savez-vous si, dans l'un quelconque de

2 ces villages, d'autres personnes sont venues à la caserne de pompiers au

3 moment où vous-même, vous avez été placée dans la caserne des pompiers, ou

4 à peu près à ce moment-là ?

5 R. Maintenant il m'est difficile de vous le dire. Je n'étais pas là. Je ne

6 sais pas qui est venu, qui n'est pas venu.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame Kesic.

8 R. Je vous remercie aussi.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il y a des questions

10 supplémentaires ?

11 M. WHITING : [interprétation] Non, je vous remercie.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic ?

13 Madame Kesic, encore une fois, je vous remercie d'avoir répondu à nos

14 questions et je m'associe à ce qui a été dit par Me Milovancevic, le

15 Défenseur, nous nous excusons d'avoir eu à rafraîchir votre mémoire sur des

16 moments difficiles que vous souhaitiez oublier. Mais c'est notre devoir, et

17 je vous remercie d'être venue. Vous pouvez disposer.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

19 [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, je suppose que vous

21 n'avez pas d'autres témoins pour aujourd'hui ?

22 M. WHITING : [interprétation] Non, nous n'en n'avons pas. Je m'excuse pour

23 ces moments creux. Je vous présente nos excuses, mais c'est une question

24 logistique.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas de problème, Monsieur

26 Whiting. Peut-être pourrions-nous utiliser les minutes qui sont devant nous

27 pour traiter des questions pratiques, s'il y en a.

28 M. WHITING : [interprétation] Le seul point que je souhaite soulever -- ou

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1 plutôt deux points, c'est le planning pour demain. D'après ce que j'ai

2 compris, il ne serait pas possible de travailler demain matin, donc pour

3 faire en sorte qu'on en ait terminé demain, il faudrait peut-être

4 raccourcir les pauses. Je pense que nous devrons peut-être dépasser

5 légèrement l'heure, mais même pas, on devrait pouvoir terminer notre

6 interrogatoire demain. Pour ma part, je vais certainement faire tout ce qui

7 est en mon pouvoir pour avancer rapidement avec l'interrogatoire principal.

8 Ceci prendra un peu moins de la moitié de la journée.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez

10 éventuellement nous suggérer la longueur des pauses. Quel serait

11 éventuellement le temps supplémentaire, demain, qui nous serait

12 nécessaire ?

13 M. WHITING : [interprétation] Je pense que si nos pauses n'étaient que de

14 20 minutes au lieu de 30 minutes, ceci serait utile. Je ne pense pas qu'il

15 nous faudrait plus de 30 minutes de temps supplémentaire. Même ces 30

16 minutes ne seront probablement pas nécessaires, mais il est toujours

17 difficile de s'aventurer dans ces évaluations.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends.

19 M. WHITING : [interprétation] Mais ce serait le pire cas de figure.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le pire cas de figure.

21 Je m'adresse à ceux qui ont besoin d'une pause de 30 minutes. Les 20

22 minutes, suffiraient-elles demain pour faire tout ce qui est nécessaire,

23 les corrections des traductions et autres choses ?

24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes dans la cabine anglaise signalent que ceci

25 suffirait.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je ne suis pas

27 certain s'il ne faudrait pas poser la question à la régie également, au

28 sujet du travail qu'ils ont à mener pendant les pauses. L'INTERPRÈTE : Nous

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1 ne pouvons parler qu'au nom des interprètes.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Oui, on vient de me

3 dire que ceci ne pose pas problème. Merci.

4 Monsieur Whiting.

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25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Alors, on s'attend à

26 recevoir votre rapport dans une semaine à peu près.

27 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je viens de me faire gronder. Nous

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1 allons devoir expurger cette portion, et ceci pour des raisons de sécurité.

2 M. WHITING : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Je n'étais pas

3 au courant de cela.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

5 Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui et nous allons

6 reprendre demain à 14 heures dans ce même prétoire.

7 --- L'audience est levée à 15 heures 23 et reprendra le mercredi 22 mars

8 2006, à 14 heures 15.

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