Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 25 avril 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant de commencer à travailler

6 dans ce prétoire, vous allez pouvoir d'abord que le Président Moloto n'est

7 pas dans la salle d'audience aujourd'hui. Il est absent; il est en Afrique

8 du sud car sa mère est décédée au courant de Pâques. Compte tenu des

9 circonstances, le Juge Hoepfel et moi-même avons décidé de continuer à

10 travailler conformément à l'article 15 bis dans l'intérêt de la justice

11 pour assurer la continuation de la procédure. Malheureusement, nous devons

12 travailler en l'absence du Président Moloto.

13 Avant de continuer, il faut soulever une question d'intendance qu'il faut

14 discuter. Il s'agit de deux pièces à conviction de la Défense, la pièce à

15 conviction 111 et la pièce à conviction 112. Le 3 février 1996 [comme

16 interprétée], le Procureur a soulevé une objection et les parties se sont

17 mis d'accord sur le fait que le titre de la pièce à conviction 111 : "Les

18 Croates sur leur chemin et les Nations Unies en fuite," que cela ne soit

19 pas versé au dossier. Les parties se sont de plus mis d'accord que,

20 conformément à l'article 1.2, la pièce à conviction 112 : "Le moral des

21 troupes," ne soit pas versée au dossier. La Chambre devrait voir que

22 l'ordonnance -- les ordonnances respectives soient corrigées pour expurger

23 les pièces à conviction 111 et 112 et la Chambre demande que la version

24 corrigée soit communiquée avant vendredi, c'est-à-dire, le 28 avril 2006.

25 Est-ce que cela peut être fait, Maître Milovancevic et Monsieur Whiting ?

26 M. WHITING : [interprétation] Bien sûr, Madame le Juge. Compte tenu du fait

27 qu'il s'agit des pièces à conviction de la Défense, je ne sais pas si Me

28 Milovancevic voudrait apporter ces corrections ou ce sera le Procureur.

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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous allons le faire parce que ce sont

3 nos pièces à conviction et nous nous sommes mis d'accord sur le fait que

4 les titres ne faisaient pas partie des documents originaux.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting.

6 M. WHITING : [interprétation] Oui, je suis d'accord que le Procureur est

7 d'accord avec cela.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez

9 continuer, Monsieur Whiting.

10 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Juge.

11 D'abord, au nom de l'Accusation, j'aimerais exprimer mes condoléances

12 au Président Moloto. Bien sûr, nous allons le refaire à son retour et nous

13 sommes avec lui en ce moment difficile dans sa vie.

14 Avant de convoquer le témoin suivant - et c'est l'ambassadeur Peter

15 Galbraith - nous avons une question de procédure à soulever par rapport à

16 son témoignage. Comme la Chambre est déjà au courant, le 13 janvier 2006,

17 une ordonnance a été rendue concernant ce témoin par rapport à des mesures

18 particulières, comme la Chambre est déjà au courant, ce témoin a témoigné

19 sur les points qu'il avait entendus et qu'il avait vus en tant

20 qu'ambassadeur des Etats-Unis en Croatie. Son témoignage sera le témoignage

21 conformément à l'article 70 qui concerne les réserves émises par le

22 gouvernement des Etats-Unis. Le contre-interrogatoire devait limiter

23 seulement aux points soulevés lors de l'interrogatoire principal et

24 concernant l'interrogatoire principal le gouvernement des Etats-Unis a très

25 spécifiquement parlé de cela; et pour être précis, je vais dire que le

26 gouvernement des Etats-Unis a permis que M. Galbraith témoigne et a énuméré

27 les sujets sur lesquels le témoin a à témoigner. Cela concerne

28 l'interrogatoire principal ainsi que le contre-interrogatoire.

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1 La deuxième condition pour ce témoignage est qu'une représentante des

2 Etats-Unis -- du gouvernement des Etats-Unis soit présente et c'est Mme

3 Heather Schildge et elle est adjointe ou conseillère juridique auprès de

4 l'ambassade des Etats-Unis et elle est ici, bien sûr, en tant que

5 représentante du gouvernement et elle ne fait pas partie du bureau du

6 Procureur -- de l'équipe du Procureur.

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez dit qu'elle est adjointe

8 ou conseillère juridique ?

9 M. WHITING : [interprétation] Oui. Je voudrais soulever encore une chose.

10 Comme le programme a changé, je voudrais dire à la Chambre qu'au cours de

11 cette semaine, nous allons avoir deux témoins, ce témoin de ce matin et un

12 autre témoin. Je peux anticiper que ces deux témoins ne finiront pas leur

13 témoignage jusqu'à la fin de cette semaine. Je pense que la Chambre

14 comprendra cela.

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui.

16 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant, je voudrais

17 qu'on fasse entrer M. l'Ambassadeur Peter Galbraith dans la salle

18 d'audience.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 LE TÉMOIN: PETER GALBRAITH [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

27 Vous pouvez vous asseoir.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

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1 Interrogatoire principal par M. Whiting :

2 Q. [interprétation] Bonjour. Est-ce que vous pouvez m'entendre clairement,

3 distinctement ?

4 R. Oui, je peux vous entendre même sans écouteur.

5 Q. Je pense que ce serait plus facile d'utiliser les écouteurs.

6 R. Oui.

7 Q. Pouvez-vous décliner votre identité, s'il vous plaît ?

8 R. Je m'appelle Peter Woodward Galbraith.

9 Q. Avant de parler de votre parcours, j'aimerais soulever quelques

10 questions concernant la procédure. Compte tenu du fait que nous parlons la

11 même langue et pour que les interprètes puissent nous suivre, et

12 interpréter correctement, s'il vous plaît, parlez lentement. Deuxièmement,

13 ce qui est peut-être encore plus important, il faut qu'on ménage des pauses

14 entre mes questions et vos réponses. S'il vous plaît, ménagez une pause de

15 deux secondes et je vais faire la même chose.

16 R. Très bien.

17 Q. D'abord, nous allons parler de vous. Vous êtes né le 31 décembre 1950.

18 Vous avez le diplôme de l'université de Harvard aux Etats-Unis, ensuite

19 vous avez eu le diplôme du troisième cycle à l'université d'Oxford et vous

20 avez fait votre thèse de doctorat à la Faculté de droit à l'université de

21 Georgetown aux Etats-Unis. De 1979 jusqu'à 1993, vous étiez conseiller

22 supérieur au Sénat aux Etats-Unis. Du 24 juin 1993 jusqu'au 3 janvier 1998,

23 vous étiez l'ambassadeur des Etats-Unis en Croatie et vous êtes toujours

24 l'ambassadeur, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Je vous remercie. Maintenant, je vais vous poser des questions

27 concernant l'époque pour vous où vous étiez ambassadeur des Etats-Unis en

28 Croatie. Tout d'abord, je vais me concentrer sur vos réunions avec des

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1 différentes personnes à l'époque. Tout d'abord, dites-nous où vous étiez en

2 tant qu'ambassadeur des États-Unis ?

3 R. C'était à Zagreb, dans le capital de la Croatie, dans la rue Andrija

4 Hebranga, cela se trouve au centre-ville.

5 Q. Pendant que vous étiez ambassadeur des Etats-Unis, dites-nous à peu

6 près à quelle fréquence vous aviez des réunions avec le président Tudjman ?

7 R. Durant les deux premières années de mon mandat, pendant que j'étais

8 ambassadeur là-bas, c'est-à-dire, à partir de l'année 1993 jusqu'à la fin

9 de l'année 1995, je le rencontrais très souvent -- plusieurs fois par

10 semaine et parfois plusieurs fois par jour. Après l'année 1995, alors, nos

11 relations sont devenues quelque peu tendues et à partir de ce moment-là je

12 ne le voyais plus aussi souvent.

13 Q. Pendant que vous étiez ambassadeur des Etats-Unis, pouvez-vous nous

14 dire à quelle fréquence vous rencontriez les représentants de soi-disant

15 républicains sur -- ou comme nous allons l'appelé aujourd'hui RSK ?

16 R. Moins souvent. Mais, pendant la période allant de mars 1994 jusqu'au

17 mois d'août 1995, j'ai participé au processus de paix où on a essayé de

18 trouver des solutions pour régler les relations entre la RSK et la Croatie,

19 donc, j'avais des réunions une fois par mois avec ces représentants. Au

20 mois de septembre et au mois d'octobre 1995, j'ai participé dans la soi-

21 disant "shuttle" diplomatie entre Zagreb et des autorités locales en

22 Slavonie orientale. A l'époque, il ne s'appelait plus SRK et, pendant cette

23 période, je les ai rencontrés assez souvent.

24 Q. Pouvez-vous nous dire maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, pourquoi le

25 SRK est appelé "soi-disant RSK" ?

26 R. Parce que il s'agissait de la république autoproclamée, la Republika

27 Srpska. Cette république n'a pas été reconnue par personne dans le monde et

28 tous les pays reconnaissaient ce territoire comme faisant partie de la

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1 République de Croatie.

2 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous nous dire quand, pour la première

3 fois, vous avez rencontré Milan Martic ?

4 R. En avril 1994, je suis allé à Knin et je l'ai rencontré là-bas.

5 Q. Quel poste occupait-il à l'époque ou quelle fonction exerçait-il ?

6 R. A l'époque, il se considérait, lui-même, comme étant président de la

7 Republika Srpska.

8 Q. Pouvez-vous nous dire à peu près combien de fois vous l'avez rencontré

9 par la suite, après cette première rencontre avec Milan Martic ?

10 R. Cinq ou six fois.

11 Q. C'était où ces réunions ?

12 R. A Knin.

13 Q. Comment êtes-vous allé à Knin ?

14 R. La première fois, je suis allé à Knin en voiture et, après cela, à bord

15 d'un hélicoptère. C'est un hélicoptère qui a été, qui appartenait à la

16 FORPRONU.

17 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous avez eu la première réunion avec

18 Milan Babic ?

19 R. C'était le 23 janvier 1995.

20 Q. Quelle fonction avait-il à l'époque, au moment où vous l'avez

21 rencontré ?

22 R. Il était ministre des Affaires extérieures -- étrangères, de la

23 Republika Srpska.

24 Q. Maintenant, je voudrais vous poser des questions sur le processus de

25 paix, comme vous l'avez appelé et dans lequel vous avez été impliqué; est-

26 ce que cela porte un autre nom ?

27 R. Le nom de ce processus ou qui a été lié à ce processus était le Zagreb

28 4 -- processus Zagreb 4 et, après cela, a été raccourci à Z-4 -- processus

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1 Z-4. Peut-être devrais-je expliquer :

2 Z-4 englobait les Etats-Unis, l'Union européenne, la Fédération russe et

3 les Nations Unies. J'étais le représentant des Etats-Unis dans ce

4 processus. Ce processus a commencé par les négociations sur la cessation

5 des hostilités à l'ambassade russe avec Tali Vitali Churkin en 1994, qui à

6 l'époque était adjoint au ministre des Affaires étrangères de la Fédération

7 russe. Ces négociations sont -- ont pris fin avec succès, le 30 mars 1994,

8 et nous étions -- nous avons sponsorisé ces négociations, nous nous

9 appelions Z-4 et nous considérions que nous devrions continuer avec ce

10 processus. La première phase était la cessation des hostilités, la

11 deuxième, renforcer la confiance entre Knin et Zagreb et la Coopération

12 économique et, la phase finale, un projet politique ou plan politique qui

13 allait assurer la réintégration pacifique de la Krajina et de la Slavonie,

14 en Croatie. Dans de telles circonstances, ces régions qui étaient peuplées

15 principalement par les Serbes, allaient bénéficier d'une large autonomie.

16 Ce processus s'appelait Z-4 concernant cette dernière phase, c'est-à-dire,

17 la solution politique de la situation.

18 Q. Maintenant, je vous remercie de cette explication, et par rapport à la

19 première phase, la cessation des hostilités pour laquelle, ou le cesser le

20 feu, vous avez dit que cela s'est terminé avec succès, le 30 mars 1994,

21 cette phase des négociations. Dites-nous : quelles étaient les positions

22 des différentes parties, par rapport à ce cesser le feu ?

23 R. Il y avait un accord, un accord entre les autorités croates et les

24 autorités de Knin par rapport à ce cesser le feu, et il pensait que le

25 cesser le feu devrait être établi et les modalités par rapport à cela, les

26 zones de séparation, par exemple, quelles sortes d'implications les

27 policiers devraient avoir et porter et, ensuite, la question politique par

28 rapport à laquelle les autorités croates voulaient que cela soit reconnu en

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1 tant qu'un accord qui englobait tout, et comme -- donc, les deux parties,

2 ils voulaient établir un cessez-le-feu. Nous étions capables de s'occuper

3 de -- de nous occuper de cela.

4 Q. Quelles étaient ces régions dans lesquelles les Serbes étaient en

5 majorité ?

6 R. C'étaient les secteurs du sud et du nord, qui étaient en fait les zones

7 protégées des Nations Unies. C'était la plupart de ces zones, à savoir,

8 Knin, Petrinja et d'autres régions. Mais cela n'englobait pas la Slavonie

9 orientale et la Slavonie occidentale. Dans ces deux régions, les Serbes

10 n'étaient pas en majorité selon le recensement de la population de 1991, et

11 lorsque nous avons parlé de la région à la majorité serbe, nous avons opéré

12 en se basant sur le recensement d'avant la guerre, et manifestement ces

13 régions étaient presque dans leur intégralité peuplés par les Serbes parce

14 qu'il y avait le nettoyage ethnique qui a pris place en 1991.

15 Q. Nous avons dit -- vous avez dit que le cessez-le-feu a été signé, le 30

16 mars 1994, et vous avez dit qu'après cette première phase, la deuxième et

17 la troisième phase devaient suivre. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est

18 passé après que le cessez-le-feu ait été signé le 30 mars 1994 ?

19 R. Cela était très, très difficile. En fait, ce processus qui a suit les

20 négociations devait reprendre deux semaines après cela, à savoir à la mi-

21 avril 1994. Les Serbes, c'est-à-dire, les autorités dans la Republika

22 Srpska Krajina, ont commencé à jouer toute sorte de jeux. Les raisons pour

23 lesquelles ils ne voulaient pas en fait -- ils ne voulaient pas participer

24 aux négociations sérieuses. Pour illustrer cela, je vous dis qu'il y avait

25 deux parties de négociations pour établir le cessez-le-feu, le 19 mars et

26 le 29 mars. Le 19 mars, dans l'ambassade de la Fédération russe, les Russes

27 ont demandé de faire venir les journalistes pour qu'ils assistent à la

28 deuxième partie des négociations, et les Croates soient mis d'accord avec

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1 eux. Ils ont fait venir deux journalistes, et au moment où au mois d'avril,

2 on devait avoir la deuxième phase des négociations, et c'était à Plitvice,

3 qui se trouvait sur le territoire occupé par les Serbes, les Croates

4 voulaient faire venir cinq journalistes qui -- et en fait, ils -- c'était

5 le moindre nombre de journalistes qui pouvaient venir. C'était les

6 journalistes pour -- qui travaillaient pour la presse, pour la radio et la

7 télévision, et cetera. Les Serbes ont refusé parce que, quand c'était la

8 première phase des négociations, les Serbes ont pu faire seulement deux

9 journalistes. Cela entraînait l'annulation de cette phase des négociations,

10 et c'est pour cela que je suis allé à Knin pour -- au -- le 11 avril 1994

11 pour pouvoir persuader les Serbes que la réunion se tienne. Je n'ai pas eu

12 de succès. Il s'agissait de mesures économiques et des mesures destinées à

13 renforcer la confiance à partir d'avril 1994 jusqu'au décembre 1994 où

14 l'accord a été finalement conclu, mais les Croates ont perdu patience lors

15 de ce processus de paix.

16 Q. Quand, pour la première fois, vous êtes allé à Knin, c'est là où vous

17 avez rencontré pour la première fois Milan Martic, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la position de Milan Martic par

20 rapport au processus Z-4 à l'époque qu'on -- plus particulièrement quand il

21 s'agit des mesures économiques et des mesures destinées à rétablir la

22 confiance ?

23 R. A mon avis, il ne supportait pas ce processus, ne soutenait pas ce

24 processus.

25 Q. Pourquoi, à votre avis, il ne soutenait pas ce processus ?

26 R. Il a été opposé à des relations entre -- à toute sorte de relations

27 entre Knin et la Croatie. Il s'est imaginé que la Republika Srpska Krajina

28 pouvait être un Etat indépendant, et peut-être un jour faire partie de la

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1 Grande-Serbie. Mais je pense que -- et que c'était vrai qu'à mon avis, il a

2 perdu la tête. Il ne comprenait -- il ne comprenait rien aux relations

3 internationales, politiques, négociations, et cetera. Il a réagi comme

4 quelqu'un, par exemple, du peuple réagi -- aurait réagi dans de telles

5 circonstances. Il a refusé tout.

6 Q. Qu'est-ce que vous lui avez dit par rapport au processus

7 Z-4 et par rapport à les positions qu'il a prises dans ce processus ?

8 R. Je l'ai averti à plusieurs reprises que cela n'est pas bien --

9 n'étaient pas bien pour les Serbes de Krajina, et je l'ai dit qu'il y avait

10 une opportunité par rapport à ces négociations pour atteindre un accord de

11 paix avec la Croatie, qui allait établir une autonomie politique en Krajina

12 pour que la Krajina ne soit pas sous les sanctions, et que la communauté

13 internationale allait aider vers la reconstruction de la région, et s'il

14 refusait, que cela -- que la guerre éclaterait, et que probablement 180 000

15 personnes qui étaient dans cette région très pauvre, qu'ils allaient perdre

16 tout.

17 Q. Est-ce que vous avez par rapport à -- est-ce que vous avez cru au fait

18 que la Republika Srpska Krajina allait devenir un Etat indépendant, et

19 faire partie de la Grande-Serbie ?

20 R. Je lui ai dit que cela n'arriverait jamais, et que l'Union européenne

21 soutienne l'intégrité de la Croatie. Les Russes, pour lesquels on pensait

22 qu'ils étaient au côté serbe, soutenaient quand même l'intégrité

23 territoriale de la Croatie. Ensuite, la même position était la position des

24 Etats-Unis, ainsi que des Nations Unies.

25 Q. Vous avez dit avant que vous vous avez rencontré Milan Babic pour la

26 première fois le 23 janvier 1995, est-ce que vous avez eu l'occasion

27 d'apprendre en 1994 quelle était la position de Milan Babic par rapport au

28 processus Z-4, et plus particulièrement, par rapport aux mesures

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1 économiques et aux mesures destinées à rétablir la confiance ?

2 R. Oui. J'ai essayé de rencontrer Milan Babic en 1994, mais il ne voulait

3 pas me voir -- me rencontrer. Il était contre ces mesures économiques et

4 mesures destinées à établir la confiance. Je pense que son opposition à ces

5 mesures n'était pas liée à l'essence des négociations, à l'essence de

6 l'accord, mais plutôt parce qu'il était un opposant politique de Milan

7 Martic. Je pense qu'il pensait que Martic lui a volé la victoire aux

8 élections en 1993-1994, aux élections présidentielles. Il était déterminé à

9 s'opposer sur le plan politique à Martic.

10 Q. Est-ce que la position de Milan Babic par rapport au processus Z-4 a

11 changé à un moment donné ?

12 R. Complètement, et pas forcément, s'agissant des mesures économiques, des

13 mesures destinées à promouvoir la confiance avec accord le 2 décembre 1994.

14 Mais, en janvier 1995, le 23 janvier, je l'ai rencontré pour la première

15 fois, et je lui ai expliqué qu'elle était l'essence même du plan politique

16 Z-4, à savoir, un plan qui aurait réintégré la Krajina au sein de la

17 Croatie, et qui aurait donné aux zones à majorité serbe une grande

18 autonomie, cela a beaucoup intéressé ce plan.

19 Ultérieurement, je l'ai rencontré en mars 1995. Il a accepté le plan.

20 Il l'a pris en main, enfin, je ne peux pas dire qu'il en a accepté

21 l'essence, la teneur même. Il a accepté de l'examiner et puis je l'ai

22 rencontré à nouveau le 2 août 1995 et il a accepté la teneur du plan,

23 c'est-à-dire qu'il a accepté l'idée de la réintégration au sein de la

24 Croatie. Mais, le 2 août 1995, il avait sans doute -- il avait compris

25 qu'il y aurait moins d'autonomie que cela n'avait été indiqué dans le plan

26 Z-4.

27 Q. Le 23 janvier 1995, vous avez rencontré M. Milan Babic; est-ce qu'à ce

28 moment-là, vous lui avez remis un exemplaire du plan, ou est-ce que vous

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1 lui avez simplement indiqué de quoi il s'agissait ?

2 R. Non, je ne lui en ai simplement parlé. Je lui ai donné les grandes

3 lignes. Nous avons attendu le 30 janvier pour le présenter officiellement

4 ce plan aussi bien aux Croates qu'aux Serbes. Il s'agissait pour moi d'une

5 rencontre de préparation; c'était en préparation à cette présentation

6 officielle.

7 Q. Cette réunion elle a eu lieu à Knin ?

8 R. Oui.

9 Q. Après avoir rencontré Milan Babic, est-ce que vous étiez censé

10 rencontrer quelqu'un d'autre ?

11 R. Oui. J'étais censé rencontrer Milan Martic.

12 Q. Que s'est-il passé ?

13 R. Il m'a fait savoir qu'il avait décidé d'annuler cette réunion parce que

14 j'avais enfreint le protocole en rencontrant le ministre des Affaires

15 étrangères avant de rencontrer le président.

16 Q. Est-ce que ce jour-là vous l'avez rencontré ?

17 R. Non. Je ne l'ai pas rencontré ce jour-là.

18 Q. Que s'est-il produit le 30 janvier ?

19 R. Le 30 janvier au matin, les pays Z-4, c'est-à-dire, l'ambassadeur

20 russe, moi-même, plusieurs ambassadeurs de l'Union européenne, le

21 représentant des Nations Unies, donc, ce groupe que nous constituons s'est

22 rendu tout d'abord au palais présidentiel de Zagreb pour voir le président

23 Tudjman. Nous avons exposé le plan; nous lui avons présenté ce plan; nous

24 lui avons remis en main propre ce plan et je peux vous dire que cela ne lui

25 plaisait pas du tout ce plan. Mais il a fait ce que nous lui avions demandé

26 de faire, c'est-à-dire qu'il a accepté de négocier sur la base de ce plan.

27 Ce plan cela n'a jamais été une proposition qui était à prendre ou à

28 laisser, pas du tout. Il a toujours -- il s'agit d'un document qui devait

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1 servir de fondement de base à des négociations. Ensuite, nous avons pris

2 l'avion pour Knin et, en fin d'après-midi et en début de soirée, nous avons

3 rencontré des dirigeants de la RSK au château de Knin, c'était leur

4 quartier général. Nous leur avons fait un exposé sur ce plan Z-4.

5 L'ambassadeur russe a alors tenté de remettre ce plan à Milan Martic, mais

6 il a refusé de l'accepter. Il a refusé de toucher le document.

7 Q. Pouvez-vous me dire qui d'autre était présent lors de cette réunion du

8 côté de la RSK ?

9 R. Il y avait Milan Babic et il y avait également le premier ministre

10 Nikolic, entre autres.

11 Q. Est-ce que Milan Martic a expliqué pourquoi il refusait d'accepter ce

12 plan ?

13 R. Oui. Il a dit que les Croates au début janvier avaient annoncé qu'ils

14 ne prorogeraient pas le mandat de la FORPRONU au-delà de sa date

15 d'expiration qui était je crois la fin mars 1995. Il a dit qu'il n'y aurait

16 pas de négociations tant que les Croates n'auraient pas accepté de proroger

17 la durée du mandat de la FORPRONU.

18 Q. Est-ce qu'à un moment donné il y a eu prorogation de ce mandat de la

19 FORPRONU ?

20 R. Oui.

21 Q. A quel moment ?

22 R. En mars 1995. C'était le résultat des efforts diplomatiques de la --

23 des Américains avec Richard Holbrooke, qui était l'adjoint du chef de la

24 diplomatie américaine. Il est venu à Zagreb et il a obtenu l'accord de

25 principe des Croates sur ce point, sur la prorogation du mandat des Nations

26 Unies avec quelques légères modifications. On a rebaptisé la FORPRONU d'un

27 autre nom, la NUCRO, c'est-à-dire, Nations Unies en Croatie. Mais CRO, cela

28 correspondait également à coopération, reconstruction et puis j'ai oublié

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1 le reste. Mais disons que la mandat a été prorogé jusqu'au

2 1er décembre 1995 et cet accord a été conclu lors d'une réunion au sommet

3 social de Copenhague où le vice-président Gore a rencontré le président

4 Tudjman; Holbrooke et moi-même étions présents.

5 Q. Ceci c'était en mars 1995 ?

6 R. Exact.

7 Q. Après cela, est-ce que Milan Martic a accepté le plan Z-4 et a accepté

8 de participer au processus de négociations Z-4 ?

9 R. Non.

10 Q. Revenons à la réunion du 30 janvier 1995, lorsque Milan Martic a refusé

11 de toucher le document, de l'accepter physiquement. Quelle a été votre

12 réaction à ce moment-là ?

13 R. Nous avons passé deux heures à tenter de persuader les Serbes de

14 revenir sur leur décision. Nous leur avons expliqué qu'ils -- en acceptant

15 ce document il ne s'agissait pas pour eux d'un engagement sur les termes

16 même du document. Nous avons tenté de leur expliquer que s'ils refusaient

17 de participer au processus de paix, cela aurait pour conséquence de

18 grandement augmenter les possibilités de voir le conflit empiré. J'ai

19 essayé de leur expliquer que la patience de la communauté internationale

20 avait des limites, qu'ils avaient devant eux quand même les pays les plus

21 puissants du monde dans les Balkans en tout cas et que c'était une occasion

22 qu'il leur était offerte et que cette occasion ne serait pas éternelle.

23 J'ai présenté ces arguments; l'ambassadeur russe a présenté ses arguments

24 ainsi que les représentants de l'Union européenne, mais cela n'a eu

25 absolument aucun résultat.

26 Q. Quelle a été la fin de cette réunion ? Comment cela s'est présenté ?

27 R. A la fin de la réunion, le premier ministre Nikolic, qui était assis à

28 côté de Martic, a tourné son regard vers nous et nous a dit : vous croyez

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1 être des diplomates professionnels, mais vous venez de commettre une erreur

2 gigantesque.

3 Q. Est-ce que vous avez dit quelque chose ? Si oui, quoi ?

4 R. Je me suis tourné vers lui et j'ai regardé également Martic et j'ai dit

5 : une erreur gigantesque monumentale vient d'être commise, mais on va bien

6 voir qui a commis cette erreur.

7 Q. Est-ce que Milan Babic a dit quoi que ce soit, à ce moment-là, à la fin

8 de la réunion ?

9 R. Au moment où on partait, au moment où on s'est serré la main, il est

10 venu vers moi et il m'a dit en anglais : je suis désolé.

11 Q. Pour vous, qu'est-ce que cela signifiait ?

12 R. Pour moi, cela signifiait qu'il a compris, qu'il a reconnu qu'il

13 s'agissait d'une erreur monumentale de la part des dirigeants de la RSK et

14 qu'on venait de perdre une occasion importante de progresser.

15 Q. Est-ce que vous avez essayé de présenter ce plan à Slobodan Milosevic ?

16 R. Ce qui avait été prévu c'est qu'on présenterait le plan à Tudjman, aux

17 dirigeants de la RSK ainsi qu'à Milosevic. Milosevic a déclaré qu'il

18 refusait d'accepter le plan et qu'il se refusait à recevoir la délégation

19 Z-4.

20 Q. Savez-vous pour quelle raison Slobodan Milosevic s'était opposé à ce

21 plan -- ce processus ?

22 R. Milosevic était en faveur d'une partie simplement du processus, à

23 savoir, les accords de cessez-le-feu, ainsi que les mesures destinées à

24 promouvoir la croissance économique et la confiance. Je peux vous donner

25 mon opinion motivée, qui explique pourquoi il refusait ce plan. Il avait

26 peur que le niveau d'autonomie que l'on promettait aux Serbes en Krajina

27 aux termes de ce plan constitue un précédent que le Kosovo, et il ne

28 voulait surtout pas que cela se produise. D'autre part, j'estime qu'en

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1 janvier 1995, et même déjà en 1994, à ce moment-là il avait déjà décidé

2 qu'il abandonnerait la Krajina, et il voulait faire un échange aussi, il

3 voulait -- entre la Krajina contre d'autres territoires, peut-être la

4 Slavonie orientale, et des territoires en Bosnie également, si bien que

5 cela n'intéressait pas particulièrement de voir conclure un accord de paix

6 entre Zagreb et les Serbes de la Krajina.

7 Q. Vous nous dites qu'il avait déjà décidé à ce moment-là en janvier 1995

8 ou en 1994 qu'il allait abandonner la Krajina. Est-ce que cela traduisait à

9 un changement dans ses positions ?

10 R. Oui. Quand ont commencé les diverses guerres en Yougoslavie en 1991, il

11 avait un rêve, le rêve de voir se constituer une Grande-Serbie qui incluait

12 la Krajina, la Slavonie orientale, et qui incluait également Dubrovnik et

13 la région environnante.

14 Q. Savez-vous pour quelle raison sa position a évolué entre 1991 et le

15 moment dont vous avez parlé dans votre réponse précédente, à savoir janvier

16 1995 ?

17 R. Là, je ne peux vous donner qu'une opinion -- une opinion sur la base de

18 ce que je sais. Ce qui s'est passé entre-temps, c'est qu'il y a eu

19 reconnaissance de la Croatie par la communauté internationale, et

20 reconnaissance également de la Bosnie. On a vu augmenter l'efficacité des

21 mesures de sanction prises contre la Serbie également, et Milosevic s'est

22 rendu compte qu'il n'était impossible que le monde entier accepte les

23 modifications des frontières, si bien que le rêve de la Grande-Serbie était

24 en train de se -- de disparaître. Tout ce qu'il pouvait finalement être

25 espéré, c'était des accords mineurs -- des modifications mineures des

26 territoires avec accords avec la Croatie. Donc, il s'est dit qu'il pourrait

27 peut-être obtenir la Slavonie orientale, et David Owen, l'un des médiateurs

28 internationaux, l'a encouragé dans ce sens -- l'a encouragé à penser qu'il

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1 pourrait, effectivement, obtenir certains territoires croates.

2 Q. Si on se penche sur le plan Z-4 que vous avez présenté aux différentes

3 parties en présence le 30 janvier, j'aimerais donc vous poser un certain

4 nombre de questions, et j'aimerais qu'on vous remette la pièce 65 ter,

5 portant cote 351. On va l'afficher à l'écran. Monsieur l'Ambassadeur, est-

6 ce que vous avez la pièce à l'écran ?

7 R. Oui.

8 Q. De quoi s'agit-il ? On va baisse -- on va descendre un petit peu pour

9 voir ce qui est en bas de cette page.

10 R. Nous avons ici un message chiffré qui vient de Thorvald Stoltenberg,

11 représentant des Nations Unies dans ce processus, et à ce message, il joint

12 un exemplaire du plan Z-4 avec certaines modifications qui ont été

13 apportées suite à une réunion dans ma résidence à Zagreb.

14 Q. Est-ce qu'il s'agit là du plan qui a été présenté le 30 janvier 1995

15 aux parties concernées ?

16 R. Oui, il s'agit de ce plan, ou il s'agit d'un document très semblable.

17 Il est possible qu'après cette date, il y a encore eu quelques légères

18 modifications qui ont été apportées.

19 Q. J'aimerais que nous examinions certaines dispositions de ce plan, et ce

20 faisant, surtout si vous revienne certaines modifications qui ont pu

21 surgir, qui ont pu survenir, n'hésitez pas de nous en faire part. Nous

22 avons déjà examiné la page 9 de ce document.

23 Article 1.3 : "Emblèmes et drapeaux." Donc, aux termes de cette

24 proposition, la Krajina aurait pu adopter son propre emblème et son propre

25 drapeau.

26 R. Oui, c'est exact. Cela, c'était quelque chose d'extrêmement important

27 pour les Serbes, qui voulaient avoir leurs propres symboles, c'est-à-dire

28 le drapeau serbe, et ceci était autorisé par le plan.

Page 3768

1 Q. Examinons maintenant la page suivante. Article 1.4, qui se trouve en

2 haut, on voit qu'il s'agit de l'utilisation de la langue serbe et de

3 l'alphabet cyrillique. C'est également prévu, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Passons maintenant à la page suivante du document. En bas de la page,

6 nous avons le point 2, qui énumère un certain nombre de compétences qui

7 seraient attribués au gouvernement de la Krajina.

8 R. Effectivement.

9 Q. Enseignement, culture, logement, services publics. Passons, je vous

10 prie, à la page suivante, puisque la liste s'y poursuit. Donc, je ne vais

11 pas donner lecture de tout ce qui figure ici -- activités économiques, et

12 cetera, organisations caritatives en bref. Passons maintenant à la page

13 suivante, et un peu plus bas sur cette même page, on voit l'article 3.1. Il

14 s'agit de la législature de la Krajina, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Passons maintenant à la page suivante. L'article 3.2 au président --

17 aux diverses compétences du président de la Krajina; donc, cela s'était

18 prévu également dans ce plan ?

19 R. C'est exact.

20 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que le document soit versé au

21 dossier, Madame le Juge.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

23 Est-ce qu'on peut lui donner une cote, je vous prie ?

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 381, Madame le

25 Juge.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

27 M. WHITING : [interprétation]

28 Q. Monsieur l'Ambassadeur, dans certaines de vos réponses, vous avez

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1 abordé ce que je vais aborder maintenant directement de manière indirecte.

2 On a parlé donc des relations de Slobodan Milosevic avec les dirigeants de

3 cette RSK. Vous avez parlé des élections présidentielles qui se sont tenues

4 en RSK à la fin 1993, début 1994. En premier lieu, pourriez-vous nous dire

5 en quelques mots ce qui s'est produit au cours de ces élections à votre

6 connaissance, et deuxièmement veuillez nous dire si vous avez eu

7 connaissance du rôle éventuel joué par Slobodan Milosevic dans ces

8 élections ?

9 R. Les élections se sont déroulées en deux étapes. Le premier tour a eu

10 lieu en décembre 1993 avec un deuxième tour en -- un premier tour en

11 décembre 1993, et deuxième tour en janvier. En décembre, Babic a obtenu 49

12 % des voix, et Martic une vingtaine de pour cent. Au deuxième tour, Martic

13 a obtenu 53 % des voix, et Babic 47 %. Je ne crois pas que, si on examine

14 l'histoire des élections démocratiques partout dans le monde, on n'ait

15 jamais trouvé d'exemple d'un candidat qui soit arrivé si loin du premier au

16 premier tout, puis ensuite au deuxième dépassait celui qui, au premier

17 tour, avait obtenu la -- presque la majorité. La force, la puissance de

18 Babic sur ce point a été confirmée par le fait que son parti a gagné les

19 élections parlementaires au sein de la RSK. Sur la base d'informations

20 venant d'un certain de source, nous estimons que ces élections ont été

21 truquées avec participation active des autorités serbes. On peut penser que

22 cela s'est fait sur consigne de Milosevic. Milosevic n'aimait pas Babic.

23 Lui, son candidat c'était Nikolic, mais Nikolic n'avait pas de beaucoup de

24 soutien au sein de la population de la Krajina. Donc, comme Babic ne lui

25 plaisait pas, il a soutenu Martic. Quand j'ai vu Babic le 23 janvier 1995,

26 il m'a dit que c'était Milosevic qui était responsable du trucage de ces

27 élections.

28 Q. Pendant cette période que vous avez passé au poste d'ambassadeur des

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1 Etats-Unis en Croatie, pendant l'existence de cette RSK, est-ce que vous

2 savez si cette RSK comme on l'appelle recevait un soutien financier de la

3 part de la Serbie ?

4 R. Oui, un soutien financier très important.

5 Q. De quel type ?

6 R. Le gouvernement serbe se chargeait de payer l'armée -- de payer les

7 soldes des soldats de l'armée de la Republika Srpska Krajina. J'imagine

8 qu'il payait également les salaires des policiers, il fournissait également

9 du carburant, ainsi que d'autres biens de première nécessité à cette

10 entité. La Krajina était une région extrêmement défavorisée, bénéficiait de

11 très peu de ressources naturelles, si bien qu'elle dépendait complètement,

12 pratiquement complètement de tout ce qui lui venait de la Serbie, et de

13 l'aide de la Serbie.

14 Q. Dans les divers contacts que vous avez eus avec la RSK et ses

15 dirigeants, est-ce que vous pouvez nous dire s'il y avait de leur part

16 consultation avec Slobodan Milosevic ?

17 R. J'étais convaincu que rien ne se faisait d'important sans qu'il y ait

18 avant consultation avec Milosevic. Babic me l'a dit d'ailleurs. C'est

19 devenu très clair surtout quand j'ai négocié sur ce qui est devenu ensuite

20 l'accord d'Erdut au sujet de la Slavonie orientale. C'est un processus qui

21 a commencé en septembre 1995 pour se terminer avec succès, le 12 novembre

22 1995. Le négociateur serbe, Milan Milanovic, est allé à Belgrade recevoir

23 des instructions après chaque séance de négociation. Il le lisait

24 d'ailleurs et, d'ailleurs, on était réuni dans une pièce où trônait un

25 portait immense de Milosevic, alors que c'était le président d'un autre

26 pays.

27 Q. Après le pilonnage de Zagreb, les 2 et 3 mai 1995, est-ce qu'il y a eu

28 des changements au sein de l'armée de la RSK ?

Page 3771

1 R. Oui. Le chef de l'armée a été remplacés sur instruction de Milosevic

2 parce que Milosevic ne voulait pas se trouver confronter à un nouvel

3 incident de ce type, un pilonnage de Zagreb. Au cours de l'opération

4 Tempête, en août 1995, d'ailleurs, Zagreb n'a pas été pilonné.

5 Q. Savez-vous quel chef militaire a été démis de ses fonctions et remplacé

6 par qui ?

7 R. Mrksic a remplacé Selekovic [phon].

8 Q. J'aimerais qu'on parle maintenant du 24 octobre 1994. Est-ce que, ce

9 jour-là, vous avez rencontré Milan Martic ?

10 R. Oui, effectivement. Je suis allé à Knin, je l'ai rencontré au château

11 de Knin. Ensuite, nous avons dîné dans un restaurant dans l'enceinte du

12 château.

13 Q. Quel était l'objectif de cette réunion et de quoi avez-vous parlé ?

14 R. La situation militaire se dégradait. A l'époque, les Serbes de Bosnie

15 avaient lancé une offensive avec l'appui des Serbes de Croates sur Bihac.

16 C'est très semblable à ce qui s'était passé en janvier 1995. Donc on voyait

17 que les forces du gouvernement bosnien à Bihac ne soient vaincues. Il y

18 avait risque d'intervention croate. Les Croates s'impatientaient de ces

19 petits jeux qui étaient en cours, de toutes ces tactiques au cours des

20 négociations concernant les mesures économiques et les mesures destinées à

21 augmenter la confiance. Donc, je suis allé voir là-bas pour que Martic

22 mette un terme à ces activités à Bihac et participe activement et

23 sérieusement aux négociations de paix parce que l'horloge tournait. C'est

24 ce que je lui ai dit, je lui ai dit que bientôt, l'heure aurait sonné,

25 qu'il serait trop tard s'il ne participait pas au processus de paix, tout

26 cela débouchait sur une guerre.

27 Q. Quelle a été la réaction de Milan Martic ?

28 R. Il a déclaré que la RSK avait les moyens de se défendre, qu'elle avait

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1 la possibilité de causer des dégâts ou même de raser ou de détruire Zagreb.

2 Q. A quoi faisait-il référence quand il a dit cela ?

3 R. Je savais parfaitement à quoi il faisait référence, c'est-à-dire qu'ils

4 avaient des roquettes qui pourraient toucher, qui pouvaient atteindre

5 Zagreb.

6 Q. Est-ce que vous avez eu d'autres entretiens sur ce point avec lui ?

7 R. Lors du dîner qui s'est fait dans une ambiance tout à fait sympathique,

8 on discutait. Il m'a dit : "Vous êtes jeune, je suis jeune. Je vous trouve

9 sympathique. Je veux surtout que rien ne vous arrive. Avec Tudjman, je ne

10 peux rien faire. Donc, s'il se passait quelque chose, il faut que vous

11 preniez contact avec moi et je vous dirais à quel moment il faudra quitter

12 Zagreb."

13 Q. Est-ce qu'il savait où vous habitiez à Zagreb, où était l'ambassade ?

14 R. Il a demandé où elle se trouvait.

15 Q. Que vous lui avez dit ?

16 R. Je lui ai dit où elle se trouvait au centre-ville de Zagreb.

17 Q. Quand il vous a dit : "Je vous dirais à quel moment il faut partir de

18 Zagreb," que lui avez-vous dit ?

19 R. Je lui ai dit que je ne pourrai de toute façon pas abandonner

20 l'ambassade, que je ne quitterai pas Zagreb et je lui ai expliqué qu'une

21 attaque contre Zagreb à la roquette cela constituerait un crime.

22 Q. Pourquoi lui avez-vous dit cela ?

23 R. Parce qu'il était manifeste qu'il était en train de menacer, d'attaquer

24 Zagreb à la roquette si la situation empirait.

25 Q. Quand vous lui avez dit cela, quand vous lui avez dit qu'une attaque à

26 la roquette contre Zagreb serait criminelle; est-ce que vous pensez qu'il

27 vous a bien entendu, qu'il vous a bien compris ?

28 R. J'en suis sûr.

Page 3773

1 Q. Est-ce qu'il vous a répondu ?

2 R. Non, d'après ce que je me souviens il ne m'a rien répondu.

3 Q. Passons maintenant au 2 mai 1995, pouvez-vous nous dire où vous vous

4 trouviez à ce moment-là ?

5 R. J'étais dans mon bureau. Je passais en revue des documents et des

6 photographies qui m'avaient été envoyés. C'était après 10 heures du matin.

7 Q. Que s'est-il passé ?

8 R. Il y a eu des explosions. Comme c'était juste après les opérations

9 blitz des Croates, je me souvenais très bien quelles avaient été les

10 menaces de Martic en octobre précédent. Je me suis tout de suite dit que

11 ces explosions étaient des attaques de roquette sur Zagreb.

12 Q. Vous avez parlé de l'opération croate blitz; est-ce que c'est cette

13 opération qui s'appelait aussi opération Flash ?

14 R. Oui.

15 Q. Quand vous avez entendu l'explosion, qu'avez-vous fait ?

16 R. J'ai demandé aux équipes de l'ambassade de sonner l'opération -- il

17 s'agit -- ce n'est pas l'opération Flash.

18 J'ai demandé aux équipes de l'ambassade de faire sonner l'alarme dans

19 l'ambassade, de se mettre à l'abri qui était dans le sous-sol de

20 l'ambassade, et c'est là que nous sommes tous allés.

21 Q. Vous souvenez-vous combien de temps vous êtes restés dans l'abri ?

22 R. Plusieurs heures.

23 Q. Qu'avez-vous fait après avoir quitté l'abri ?

24 R. A la fin de l'après-midi, je suis sorti et j'ai regardé ce qui se

25 passait dehors et là où les rockets avaient frappées.

26 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez vu ?

27 R. Bien sûr.

28 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que vous avez vu ?

Page 3774

1 R. Sur la rue Vlaska, qui est juste à côté de la place principale, le

2 Trigonométrique Jelacic. Il y avait une voiture qui était garée sur le côté

3 de la rue et il y avait un trou dans le pare-brise et il y avait un petit

4 mot qui avait été laissé sur le pare-brise et c'était : "Je reviens dans 20

5 minutes". Mais la personne avait été tuée dans sa voiture par la roquette,

6 donc, bien entendu, il n'est jamais revenu.

7 Q. Quoi d'autres avez-vous vu ?

8 R. Je suis allé à l'école, une école qui avait été frappée. L'école qui

9 était, là où allaient les enfants du premier ministre, du ministre des

10 Affaires étrangères Granic, et il y avait dans la cours de récréation et

11 sur le côté de l'école on voyait des marques d'impact là où les roquettes

12 avaient frappé. Les dirigeants de l'école m'ont dit que l'attaque avait eu

13 lieu à peu près cinq minutes après la récréation du matin, après la fin de

14 la récréation du matin. Il y avait un certain nombre d'enfants qui ont été

15 blessés, mais que si l'attaque avait eu lieu cinq minutes plus tôt, cela

16 aurait été un massacre.

17 Q. Quel était l'âge des enfants de cette école de manière approximative ?

18 R. Autant que je m'en souvienne, il s'agissait d'une école primaire où les

19 enfants sont d'âge primaire. Mais je ne suis pas sûr exactement.

20 Q. Vous avez pu aussi --

21 R. Je suis allé voir aussi, j'ai vu également, ce sont les premières

22 explosions qui ont attiré mon attention, je suis allé voir, juste en face

23 de mon bâtiment, là où les roquettes avaient -- étaient tombées, et avaient

24 créé un incendie.

25 Q. Avez-vous été en mesure de savoir quelle avait été la réaction des gens

26 dans la rue après ces attaques ?

27 R. Les gens étaient en état de choc. Ils avaient peur, ils étaient

28 terrorisés même. C'était une très belle journée de mai, personne ne

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1 s'attendait à voir la mort tomber du ciel.

2 Q. Cela me ramène à ma question suivante, vous avez très certainement

3 donné la réponse, mais y avait-il un avertissement que cette attaque allait

4 arriver, en plus de l'avertissement vague que vous avez reçu ?

5 R. Non, il n'y avait aucune avertissement c'était absolument inattendu.

6 Q. Que s'est-il passé le jour suivant, le 3 mai 1995 ?

7 R. Il y a eu un autre attaque à la roquette sur Zagreb.

8 Q. Quand étiez-vous quand cela a eu lieu ?

9 R. J'étais dans mon bureau à nouveau.

10 Q. Est-ce que vous avez pu voir les résultats des attaques ?

11 R. Nous sommes allés à l'abri lorsque le ministre des Affaires étrangères

12 Granic m'a appelé, m'a demandé si je pouvais aller voir un hôpital pour

13 enfants qui avait été frappée par une roquette. Il y a eu opposition de ma

14 sécurité, j'y suis allé quand même. Je suis allé dans la voiture de Granic

15 à l'hôpital. Nous sommes rentrés dans l'hôpital et nous avons vu où les

16 roquettes avaient atterries, c'était un hôpital pour enfants, comme je l'ai

17 déjà dit. Ce qui était le pire pour moi, c'était pas tellement de voir les

18 roquettes là où les roquettes avaient frappé, mais c'était de voir les

19 enfants, c'était des enfants avaient été mis à l'abri à la cave. C'était

20 des enfants, par exemple, qui avaient un cancer et les enfants étaient

21 absolument terrorisés.

22 Q. Y a-t-il une réponse officielle des Etats-Unis à cette attaque ?

23 R. Il y a -- j'ai reçu des instructions, j'ai envoyé un mémo assez bref à

24 Martic, Mikulic et Babic dans lequel je faisais remarquer que ces attaques

25 avaient eu lieu proche dans un endroit proche de l'ambassade des Etats-Unis

26 et que, de manière historique, historiquement, les dirigeants américains

27 avaient estimé que des attaques sur les citoyens américains étaient

28 considérées comme étant des attaques sur les Etats-Unis eux-mêmes.

Page 3776

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez de quand cette lettre ou ce mémo a été

2 envoyé ?

3 R. Je l'ai envoyé le 4 mai.

4 Q. Autant que vous le sachiez, y avait-il des raisons, une justification

5 militaire à ces attaques que vous venez de décrire ?

6 R. Il s'agissait d'attaques pour faire peur, pour semer la terreur. Il n'y

7 avait pas de justification militaire derrière ces attaques, absolument pas.

8 Q. Je vais vous demander de regarder un plan du centre de Zagreb. Il

9 s'agit du document ERN 0469-9051.

10 M. WHITING : [interprétation] Est-il possible de le tourner de façon à ce

11 qu'il ne soit pas sur le côté ? Est-ce que vous pouvez le déplacer vers la

12 droite, s'il vous plaît ? Voilà.

13 Q. Ambassadeur --

14 M. WHITING : [interprétation] L'Huissier peut-il aider témoin pour faire

15 une marque électronique sur ce plan ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

17 M. WHITING : [interprétation]

18 Q. On va vous donner un stylo spécial pour se faire. C'est assez difficile

19 à voir, il va falloir que vous le montriez sur l'écran qui est situé à

20 votre gauche, en fait -- ou est-ce que je me trompe ?

21 R. Oui je crois que je vais y arriver, c'est un peu difficile pour ma

22 mauvaise vue, mais je crois que je vais y arriver.

23 Q. Alors, est-ce que vous pouvez nous montrer -- faire une marque à

24 l'endroit où était situé l'ambassade américaine sur ce plan ?

25 R. C'était juste là.

26 [Le témoin s'exécute]

27 Q. Est-ce que vous pouvez mettre le chiffre 1, juste à côté, donc, il

28 s'agira de l'endroit où était situé l'ambassade américaine.

Page 3777

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Bon, cela ressemble plus ou moins à un 1.

3 Q. De façon à ce que le compte rendu d'audience soit clair et qu'il n'y

4 ait pas de doute, c'est juste en dessous du D de Donji Grad ?

5 R. D'accord.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, la Chambre n'est

7 pas en mesure de voir où le témoin est en train de faire des marques sur le

8 plan.

9 M. WHITING : [interprétation] Bien.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-il possible que nous le

11 voyions nous aussi ?

12 M. WHITING : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Je le vois sur

13 mon écran, mais je ne sais pas si vous le voyez vous aussi. Est-ce que

14 l'Huissier pourrait aider Mme le Juge ?

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci. Je le vois maintenant.

16 Peut-être que les interprètes souhaiteraient aussi l'avoir dans les

17 cabines.

18 Je vous remercie, Monsieur Whiting.

19 M. WHITING : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

20 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je ne sais pas si cela va être possible, mais

21 pourriez-vous noter, sur ce plan, les autres endroits où vous êtes allé ?

22 R. Oui, je peux. Si je fais un 2, c'est à peu près à l'endroit où a

23 atterri la roquette qui était de l'autre côté du parc par rapport à

24 l'ambassade.

25 Ici, le point numéro 3, c'est Vlaska, à côté sur de la rue où la voiture

26 était située, où cet homme avait laissé ce mot sur son pare-brise en disant

27 : "Je reviendrai dans 20 minutes." Je ne crois pas que je suis -- être en

28 mesure de trouver l'école. Je n'en ai pas parlé mais au point numéro 4 vous

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1 avez le Théâtre national croate qui avait également été touché.

2 Q. Donc, vous avez mis le chiffre numéro 4 à cet endroit ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. L'hôpital pour les enfants -- ou l'école, c'était là à l'est -- et

5 l'hôpital pour enfants, lui, était à l'ouest ?

6 R. A l'est et à l'ouest de quoi ?

7 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

8 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que cette pièce soit versée au

9 dossier.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Cette pièce, peut-elle être versée

11 au dossier ? Un numéro, peut-elle lui être attribuée ?

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce numéro 382.

13 M. WHITING : [interprétation] Merci. J'ai fini avec le plan.

14 Q. Maintenant, je vais vous montrer le passage d'une vidéo. Il s'agit de

15 l'article 65 ter -- pièce 1816. Il s'agit du document Z0000449 [comme

16 interprété]. Je ne crois -- nous n'avons pas besoin de le passer sur le

17 système de prétoire électronique, mais nous allons le placer sur le système

18 Sanction.

19 Monsieur l'Ambassadeur, pouvez-vous regarder ce passage et me dire si vous

20 reconnaissez quoi que ce soit ?

21 M. WHITING : [aucune interprétation]

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pouvez-nous demander à la cabine

23 technique de passer au logiciel Sanction, s'il vous plaît ?

24 M. WHITING : [interprétation] Réessayons.

25 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

26 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais si quelqu'un le voit. Non,

27 personne ne le voit. Je crois que c'est le bon moment, puisque c'est juste

28 avant la pause. Donc, c'est le moment. Nous devrions peut-être faire une

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1 pause et revenir après.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Effectivement, c'est un bon moment

3 pour faire la pause. Je crois que nous en avons besoin. Merci, Monsieur

4 Whiting.

5 M. WHITING : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous allons donc faire une pause

7 jusqu'au 11 heures moins quart. Je vous remercie.

8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 14.

9 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.

10 M. WHITING : [interprétation] Puis-je continuer ?

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, je vous en prie.

12 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie. Nous avons réglé le

13 problème technologique.

14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je vais vous montrer ce passage vidéo et vous

15 allez me dire si vous le reconnaissez. Ce sera sur l'écran des pièces

16 électroniques, il s'agit du bouton en haut à droite. Il devrait y avoir une

17 image.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, je crois que cela marche

19 maintenant.

20 [Diffusion de la cassette vidéo]

21 M. WHITING : [interprétation]

22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pour le compte rendu d'audience, cette vidéo

23 montrait une voiture en feu et les pompiers qui arrivent. Est-ce que vous

24 pouvez nous dire de quel endroit il s'agit ?

25 R. Oui, je peux.

26 Q. Où est cet endroit ?

27 R. C'est là où la roquette a atterri en face du parc Zrinjevac de l'autre

28 côté de l'ambassade.

Page 3780

1 Q. A quelle distance approximativement cela est-il situé par rapport à

2 l'ambassade ?

3 R. C'était très près, environ 100 mètres.

4 M. WHITING : [interprétation] Je demande que la vidéo soit versée au

5 dossier ?

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] La pièce est versée au dossier. Je

7 demande qu'un numéro lui soit attribué.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce numéro 383.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que nous continuions, ce

10 passage vidéo, s'agit-il du 2 ou du 3 mai ?

11 M. WHITING : [interprétation]

12 Q. Monsieur l'Ambassadeur, de quelle date, de quel jour s'agit-il ?

13 R. C'est le 2 mai et c'est possible que ce soit la première explosion que

14 j'ai entendue de mon bureau qui m'a donné l'impression que c'était très

15 proche.

16 Q. Merci.

17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que cela a eu lieu

18 simultanément ou après ? Est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre,

19 donner un peu plus d'informations ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas bien compris la question.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez dit qu'il s'agissait du

22 2 mai et que c'était peut-être la première explosion que vous avez entendue

23 de votre bureau qui vous a semblé très proche, donc vous nous parlez de ce

24 qui a dans le clip, n'est-ce pas ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ce que je vous demande c'est que

27 ce que l'on voit dans la vidéo, c'est ce qui s'est passé juste après ou

28 simultanément, est-ce que vous pouvez l'expliquer à la Chambre ?

Page 3781

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu une explosion que j'ai entendue

2 lorsque j'étais dans mon bureau. Il y a eu d'autres explosions par la

3 suite. Nous sommes rapidement allés au sous-sol de l'ambassade. Puis, je

4 suis allé voir ce qui s'était passé à cet endroit-là, plus tard dans

5 l'après-midi une fois que le feu avait été éteint.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Combien de temps après ? Vous

7 aviez dit que vous avez passé plusieurs heures dans le sous-sol.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que j'y suis allé aux alentours de 16

9 heures et les premiers missiles ont frappé à 10 heures 23 ou 10 heures 27.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, je n'ai pas

11 d'autres questions.

12 M. WHITING : [interprétation]

13 Q. Pour être clair, dans ce clip, vous avez reconnu l'endroit, mais vous

14 n'avez vu l'incendie ?

15 R. Non, je n'ai pas vu l'incendie. Il avait été éteint le temps que

16 j'arrive.

17 Q. Je vais maintenant vous montrer des photos et je vais vous demander si

18 vous les reconnaissez.

19 M. WHITING : [interprétation] Je vais demander que l'on vous présente la

20 pièce 65 ter 1652, je crois qu'il faut que nous passions au logiciel

21 Sanction.

22 Q. Je vais passer les pages en revue. Il s'agit de la première page de

23 cette pièce. Reconnaissez-vous ce que cette photo montre. M. WHITING :

24 [interprétation] Est-ce que vous pouvez la descendre. J'aimerais passer en

25 revue plusieurs pages, je vais vous demander de passer à la page suivante.

26 Page suivante, s'il vous plaît, et la page suivante, s'il vous plaît. Est-

27 ce qu'on peut baisser l'image, parce que je voudrais avoir le numéro ERN.

28 Il s'agit de la pièce 0031-2230.

Page 3782

1 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous reconnaissez cette photo ?

2 R. Oui, je la reconnais. C'est l'école qui a été touchée le 2 mai.

3 Q. Qu'est-ce que vous voyez là sur le mur, sur la photo du bas sur cette

4 page ?

5 R. C'est les marques qui ont été laissées par les projectiles de la

6 roquette, les projectiles qui étaient dans la roquette.

7 Q. S'agit-il de la cour de récréation de l'école ?

8 R. C'est la cour de récréation de l'école. Vous pouvez imaginer ce qui

9 aurait pu se passer si elle avait été pleine d'enfants à ce moment-là.

10 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que vous pouvez faire remonter vers

11 l'image du haut ? Là, on voit la cour de récréation. Pouvez-vous passer à

12 la page suivante ? Il s'agit de la pièce ERN 2231.

13 Q. Est-ce que vous reconnaissez ces photos ?

14 R. Oui, il s'agit de la salle de récréation. Là, de nouveau vous voyez sur

15 le sol les traces qui ont été laissées par les projectiles qui étaient dans

16 la roquette.

17 M. WHITING : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je voudrais

18 signaler que cette photo est sur la photo du bas de la page.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que vous continuez,

20 j'aimerais savoir si vous pouvez nous donner une indication, si vous pouvez

21 nous montrer les marques qui ont été laissées par le projectile ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] C'est pour le compte rendu

24 d'audience.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais faire des cercles autour des marques.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, je crois que cela pourra être

27 utile.

28 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

Page 3783

1 [interprétation] Il y en a certainement d'autres, mais sur cette

2 photo c'est difficile de dire les endroits où il y a un trou dans

3 l'asphalte et puis les endroits où c'est des débris, là où il y a eu des

4 trous qui ont été faits.

5 M. WHITING : [interprétation] Je souhaitais verser cette pièce au dossier

6 en entier tout ensemble, mais en fait je pense qu'il faut maintenant

7 attribuer une cote séparée à cette pièce, parce qu'autrement nous allons

8 perdre les signes qui ont été indiqués par le témoin.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 384, la photo qui

11 a été marquée par le témoin.

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Pièce 384, la photo où

13 le témoin a fait des cercles.

14 M. WHITING : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante du

15 document, s'il vous plaît ? J'aimerais que l'on fasse défiler l'image vers

16 la photo du bas. Il s'agit de pièce 0031-2233.

17 Q. Est-ce que vous reconnaissez ceci, Monsieur l'Ambassadeur ?

18 R. Si on part du principe que c'est au même endroit que tout à l'heure, je

19 pense que c'est une des traces qui a été laissée à l'école.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir vu ce type de marque, ce type de

21 trace dans la cour de récréation ?

22 R. Oui, tout à fait.

23 Q. Bien. Alors, nous allons maintenant passer à la page suivante qui est

24 2234. Non, excusez-moi, je me suis trompé. Je ne souhaitais pas voir cette

25 page en réalité.

26 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser cette série de

27 photos au dossier ?

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] L'ensemble des photos ?

Page 3784

1 M. WHITING : [interprétation] Oui, celles que nous avons regardées, celles

2 sur lesquelles le témoin n'a pas fait de marque, n'a pas annoté quoique ce

3 soit.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Je demande que la série

5 de photos soit versée au dossier et qu'un numéro lui soit assigné.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce 385.

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

8 M. WHITING : [interprétation] Merci. Pouvons-nous passer maintenant à la

9 pièce 65 ter 1644, s'il vous plaît ? Je voudrais que l'on regarde la page

10 30. Est-ce qu'on pourrait regarder le bas de la photo pour pouvoir lire le

11 numéro ERN de la page en question, pièce à conviction 0030-2336, et après,

12 je prie qu'on passe à la page suivante, c'est la page 2337.

13 Q. Monsieur l'Ambassadeur, reconnaissez-vous quoi que ce soit sur ces

14 photographies, sur ces pages ?

15 R. Oui, je reconnais la voiture dans la rue Vlaska, c'est où la roquette

16 était tombée et passée par le pare-brise et où l'homme a été tué.

17 Q. Pour être clair, sur les photographies -- avant cette photographie-là

18 nous avons vu le corps près de la voiture. Est-ce que vous avez vu le

19 corps ?

20 R. Non. Parce que le corps a été levé quelque temps avant que je ne soit

21 arrivé.

22 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que cette pièce à conviction peut être

23 versée au dossier ?

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui. Est-ce qu'on peut accorder

25 une cote à cette pièce à conviction ?

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction portant la

27 cote 386.

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation]

Page 3785

1 M. WHITING : [interprétation] Madame le Juge, maintenant, est-ce qu'on peut

2 voir la pièce à conviction conformément à l'article 65 ter qui porte le

3 numéro 1655 ? Est-ce qu'on peut faire défiler la série de photographies

4 vers le bas ? Le numéro ERN de la première page est 0031-2466. Je prie

5 qu'on parcourt les photographies sur les premières -- pages étant donné que

6 ceci c'est la première page. Maintenant, passons à la deuxième.

7 Q. Monsieur l'Ambassadeur, connaissez-vous cet endroit ?

8 R. Oui. Il s'agit de l'hôpital pour enfants.

9 Q. C'est l'hôpital que vous avez visité le 3 mai 1995 ?

10 R. Avec le ministre des Affaires extérieures -- étrangères,

11 M. Granic, ainsi que le vice premier ministre Kostovic dont la fille était

12 l'une des victimes durant cette attaque.

13 M. WHITING : [interprétation] Maintenant, je prie qu'on regarde la page

14 numéro 3 et les photographies qui s'y trouvent. Est-ce qu'on peut regarder

15 jusqu'au bout et regardons maintenant à la page suivante, s'il vous plaît ?

16 C'est la quatrième page. Aux fins du compte rendu, il faut dire qu'il

17 s'agit du numéro 0031-2469.

18 Q. Est-ce que cette sorte de débris -- est-ce que vous les avez vus à

19 l'hôpital ?

20 R. Oui.

21 Q. Pourrions-nous maintenant passer à la page suivante et regardons le bas

22 de la page.

23 Q. Avez-vous cela ?

24 R. Oui.

25 M. WHITING : [interprétation] Passons à la page suivante, s'il vous plaît.

26 Il s'agit du numéro 0031-2471. Passons à la page suivante maintenant s'il

27 vous plaît. Finalement, passons à la dernière page qui porte le numéro

28 2473.

Page 3786

1 Q. Est-ce que vous avez vu ce qui figure sur les photographies que vous

2 venez de regarder ?

3 R. Oui. C'est ce qui a été endommagé par l'attaque à la roquette dans

4 l'hôpital et si vous regardez la photo à la page 0031-2473, je peux vous

5 dire que je me souviens très bien de ce couloir et de ces fenêtres qui ont

6 explosées.

7 Q. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur.

8 M. WHITING : [interprétation] Messieurs et Madame les Juges, est-ce que

9 cette pièce à conviction pourrait être versée au dossier ?

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] La pièce à conviction est versée

11 au dossier et est-ce qu'une cote pourrait être attribuée à cette pièce ?

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera 387.

13 M. WHITING : [interprétation] J'en ai fini avec cette pièce.

14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que -- le premier jour du pilonnage,

15 est-ce que Milan Martic, à vos connaissances, a fait des déclarations aux

16 médias par rapport à ce pilonnage de Zagreb ?

17 R. Oui, il a dit que c'était eux qui ont fait cela.

18 M. WHITING : [interprétation] Maintenant, je vais vous montrer un

19 enregistrement d'une -- enfin, un extrait d'une émission télévisée. Il

20 s'agit de la pièce à conviction 2262, le numéro ERN c'est V000-0448 et cela

21 va être montré grâce à logiciel Sanction et nous avons des sous-titres.

22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, regardez cela et dites-nous si vous connaissez

23 cela ?

24 [Diffusion de la cassette vidéo]

25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

26 "Milan Martic : Mes chers frères et sœurs, votre éminence, je voudrais vous

27 dire quelque chose par rapport à la situation actuelle et par rapport au

28 projet de résoudre cela. D'abord, il faut que je vous dise que je suis avez

Page 3787

1 vous, je sympathise avec vous et j'aimerais voir la situation meilleure et

2 j'aimerais voir ici les noces en Slavonie orientale au lieu de vous voir en

3 train de souffrir. Au lieu de vous expliquer comment trouver la solution de

4 cette situation pour que vous ne soyez pas perdus et pour retenir notre

5 territoire. Nous avons eu des réunions avec les autorités civiles, les

6 autorités militaires et avec -- vous savez ce que la Croatie nous a fait.

7 Il s'agit d'un crime évidemment d'un crime soutenu par les Etats-Unis et

8 par l'Allemagne. Il ne s'agit pas d'une trahison. Il s'agit du fait que

9 notre ennemi avait plus de force que nous et qu'il a réussi à prendre

10 l'autoroute et à la contrôler. Mais je vous dis qu'une bataille perdue ne

11 veut pas dire que la guerre est perdue. Ce que Tudjman vous a fait

12 aujourd'hui, nous avons pilonné Karlovac, Sisak et, à plusieurs reprises,

13 Zagreb aussi, et hier et aujourd'hui. Nous l'avons fait pour vous, mais il

14 faut que je vous informe du fait que l'attaque des forces de Tudjman

15 n'était pas faite uniquement contre la Slavonie orientale. Lika et Dalmatie

16 ont été attaquées et Lika a été défendue et, du mont de Nizara, leurs

17 forces étaient parties. S'ils continuent à nous attaquer nos forces

18 encerclées, nous allons continuer à détruire leurs villes, Zagreb

19 également. Ils nous ont demandé de cesser de pilonner Zagreb parce que, si

20 cela est fait, nos hommes seront libérés. C'est ce qui vous intéresse le

21 plus je crois."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, ce que vous venez de dire à cette émission, cet

25 extrait d'une émission télévisée, est-ce que cela reflétait ce que les

26 médias diffusaient par rapport à ce qui s'est passé le 2 et le 3 mai 199 ?

27 R. Oui, complètement.

28 M. WHITING : [interprétation] Madame le Juge, est-ce que cette vidéo ainsi

Page 3788

1 que la transcription de la vidéo peuvent être versées au dossier ?

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, cela est versé au dossier.

3 Est-ce qu'une cote peut être accordée à cette pièce à conviction ?

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera 388.

5 M. WHITING : [interprétation] Maintenant, j'aimerais qu'on entende une

6 émission radio pour pouvoir entendre des voix. Il s'agit de la pièce à

7 conviction 1473 conformément à l'article 65 ter et la transmission -- le

8 numéro de la transmission était 000-0250 et on va utiliser le logiciel

9 Sanction.

10 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pouvez-vous suivre cela ? Dites-nous si cela

11 reflète ce que les médias ont dit là-dessus ?

12 [Diffusion de la cassette audio]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Pour répondre à Franjo Tudjman et à ses fonctionnaires par rapport à

15 l'ordre qu'il a donné pour attaquer la Slavonie orientale, je veux dire

16 qu'il a commis le crime contre la population civile en Slavonie orientale

17 et mon ordre pour pilonner Zagreb était pour les faire arrêter dans cette

18 agression. A ce moment-là, l'agression a été arrêtée et, maintenant, nous

19 sommes en train de négocier avec la FORPRONU. Comme vous le savez, un

20 accord a été signé pour que nos civils et nos soldats puissent être --

21 [Fin de la diffusion de cassette audio]

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que cette émission radio reflète ce que

24 les médias ont diffusé à l'époque ?

25 R. Oui, c'était conforme à -- aux reportages qu'on a pu entendre dans les

26 médias, à savoir que Martic a ordonné ces attaques -- la requête contre

27 Zagreb ?

28 M. WHITING : [interprétation] Madame la Juge, est-ce que cette émission

Page 3789

1 radio et la transcription aussi peut être versées au dossier ?

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] L'émission radio et sa

3 transcription correspondante soient versées au dossier, et une cote sera

4 attribuée à ces pièces.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera 389.

6 M. WHITING : [interprétation] Maintenant, je voudrais qu'on montre

7 l'article de -- c'est la pièce à conviction 1822 selon l'article --

8 conformément à l'article 65 ter. Nous allons voir cet article grâce au

9 prétoire électronique.

10 Je ne vois pas l'article sur mon écran, mais je vois que les autres n'ont

11 plus parce qu'ils hochent la tête. Est-ce que l'on peut voir l'article en

12 utilisant le logiciel Sanction, et en l'appliquant au prétoire

13 électronique ?

14 Oui, maintenant nous pouvons voir l'article. Je vous prie qu'on montre le

15 haut de la page. Il s'agit de l'article du Herald-Tribune, datée du 16 mai

16 1995, à savoir, d'à peu près deux semaines après cela; est-ce que vous

17 étiez au courant de cet article paru dans le Herald-Tribune, à l'époque ?

18 R. Oui, certainement. J'étais au courant de cela.

19 Q. Est-ce qu'on peut maintenant faire défiler l'écran vers le bas ? Dans

20 l'article, il y a un entretien avec Milan Martic, et dans la colonne à

21 droite, on peut voir que dans l'entretien de Milan Martic, il a dit, je

22 cite : "Je suis désolé parce que les cibles civils ont été frappés. Notre

23 objectif n'était que des cibles militaires." C'est ce qu'il a dit dans

24 l'entretien; est-ce que vous vous souvenez de l'avoir entendu dire quelque

25 chose comme cela dans

26 -- par rapport à ce qui s'est passé ?

27 R. Je suis sûr avoir lu cet article, peut-être dans l'édition

28 internationale du Herald-Tribune, ou dans l'original. Est-ce que --

Page 3790

1 Q. Est-ce que vous avez des commentaires ou des réactions par rapport à

2 cela ?

3 R. Oui, M. Martic a -- longuement disait qu'il prenait cela comme une

4 option, la possibilité d'attaquer Zagreb et de l'endommager, de détruire la

5 ville. C'est ce qu'il m'a dit le 24 octobre. Il s'agit des mêmes

6 déclarations qu'il avait été faite à la radio et à la télévision, ce qu'on

7 a pu voir dans les vidéos, dans les extraits vidéo. Il m'a dit en effet que

8 les attaques contre les cibles civils à Zagreb -- les attaques contre la

9 ville même représentait une façon de laquelle la RSK pouvait répondre à une

10 attaque où à la pression croate contre la RSK, ce qui a été confirmé dans

11 les extraits vidéo, les émissions télévisées et les émissions radios. Mais

12 deux semaines après l'événement, il a changé son opinion, et que par

13 rapport à ce qui s'est passé le 24 est vrai, qu'il s'agissait d'un crime de

14 guerre, et qu'il aurait pu se considérer comme responsable. Il a dit qu'il

15 voulait, en fait, endommager les cibles militaires au centre de Zagreb,

16 mais dans ce quartier de Zagreb, il n'y avait pas de cibles militaires,

17 d'objectifs militaires. Les roquettes sont tombées sur l'hôpital pour

18 enfants, le théâtre national croate, et à l'école.

19 Q. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, et je prie que cette pièce à

20 conviction soit versée au dossier.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] La pièce à conviction est versée

22 au dossier. Je prie qu'une cote soit accordée à ce document.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote 390.

24 M. WHITING : [interprétation] J'en ai fini avec cette pièce à conviction,

25 et je voudrais parler maintenant des mois de juillet et août 1995.

26 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez appris que la Croatie était en

27 train de planifier une action militaire contre la Krajina ?

28 R. Oui.

Page 3791

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand c'était ?

2 R. C'était à peu près le -- autour du 21 juillet 1995.

3 Q. Est-ce que vous avez appris pourquoi ils ont -- ils étaient en train de

4 planifier cette action militaire ?

5 R. Oui.

6 Q. Pouvez-vous nous dire maintenant pourquoi ?

7 R. Oui. Ce qui s'est passé au mois de juillet 1995 était une série

8 d'événements qui se sont succédés.

9 Q. Je m'excuse de vous avoir interrompu. Continuez.

10 R. Très bien.

11 Q. J'ai mal compris ce que vous venez de dire. Continuez.

12 R. Je vais recommencer. Au mois de juillet 1995, l'armée des Serbes de

13 Bosnie a pris Srebrenica, a massacré à peu près 7 000 hommes et garçons,

14 ainsi qu'une autre région zone protégée, Zepa, et la RSK a -- était en

15 train d'attaquer Bihac, les forces de la RSK et ils auraient pu l'emporter.

16 La Croatie ne pouvait pas tolérer cela. Le gouvernement de la Croatie ne

17 pouvait pas tolérer cela, les Etats-Unis d'Amérique non plus. Les Croates

18 avaient peur que si Bihac était pris, qu'un autre massacre de serait

19 produit, et que les survivants seraient venus en Croatie, qui avait déjà à

20 peu près 2 millions de réfugiés qui étaient passés par le pays à partir de

21 l'année 1991, et que cela aurait pu créer ou faire entraîner la création

22 d'une entité des Serbes dans la partie occidentale de la RSK, et que -- que

23 le territoire de Bosnie de Serbes aurait été intégré, et que cela aurait pu

24 représenter un avantage stratégique pour les négociations par rapport au --

25 à une solution pacifique -- et ce qui s'est passé -- ce qui s'était en

26 train de se passer à Bihac, qui s'est déjà passé à Srebrenica et Zepa -- à

27 Zepa, leur ont donné une occasion de lancer l'action militaire qui devait

28 lever le siège de Bihac et reprendre la Krajina. Comme cela, le problème

Page 3792

1 des -- par rapport à la région qui devait partir de la Croatie aurait été

2 résolu. C'est comme cela ils sont partis vers la fin du mois de juillet.

3 Q. Pouvez-vous dire où est Bihac ?

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Mais avant cela, à la page 42 à la

5 ligne 30, où il y a une phrase où il est dit qu'au mois de juillet 1995,

6 l'armée de la Bosnie de Serbes -- de Republika Srpska ont massacré les

7 hommes et les garçons ainsi que d'autres zones protégées; est-ce que l'on

8 peut clarifier cela ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une faute qui s'était glissée au

10 compte rendu d'audience. J'ai dit que ils ont massacré quelque 7 000 hommes

11 et garçons. L'armée des Serbes de Bosnie, qui a pris très bon état et qui

12 ont pris une autre zone protégée, c'était la zone protégée de Zepa, qui

13 était une zone protégée des Nations Unies.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. WHITING : [interprétation]

16 Q. Pouvez-vous nous dire où se trouve Bihac ?

17 R. Bihac se trouve en Bosnie du nord-ouest et cette zone a été protégée

18 également par les Nations Unies et, par rapport à Bihac, au nord et à

19 l'ouest de Bihac se trouvaient les territoires de la RSK, c'était la

20 République de Croatie et vers le sud et l'est se trouvait le territoire

21 tenu par les Serbes de Bosnie, c'était en Bosnie. C'était complètement

22 encerclé.

23 Q. Dans une réponse antérieure, vous avez dit que l'attaque, menée contre

24 Bihac, menée par les forces des Serbes de Bosnie, par les forces de la RSK,

25 n'a pas été tolérée par la Croatie et par les Etats-Unis d'Amérique;

26 pourquoi, pouvez-vous expliquer cela ?

27 R. D'abord, permettez-moi de diviser cette question en plusieurs parties.

28 Pour ce qui est des Etats-Unis d'Amérique, on ne peut pas tolérer cela

Page 3793

1 parce qu'il s'agissait d'une zone protégée des Nations Unies et, en fait,

2 n'a pas été protégée et nous avons pensé que, si Ratko Mladic avait pris

3 Bihac, il aurait fait la même chose qu'il avait déjà fait à Srebrenica,

4 c'est-à-dire, massacrer les hommes et les garçons, et la population de

5 Bihac, elle était peut-être cinq ou six fois plus grande que la population

6 de Srebrenica. Donc, il aurait été peut-être à peu près 40 000 personnes

7 hommes et garçons qui auraient pu être en danger de mort pour les Croates.

8 Pour ce qui est des Croates, il ne voulait pas voir les survivants venir en

9 Croatie parce qu'en Croatie, il y avait beaucoup de réfugiés, et cela

10 aurait pu mettre la Croatie dans une situation défavorable du point de vue

11 stratégique. Bihac, les Serbes de Bosnie et les Serbes de la RSK avaient

12 ses lignes internes, ses lignes de front à défendre tout près de Bihac,

13 parce qu'il y avait le 5e Corps de l'armée de Bosnie. Ils auraient pu

14 participer dans les attaques contre la Fédération croate ou musulmane en

15 Bosnie.

16 Q. Est-ce que la participation des forces de la RSK dans l'attaque contre

17 Bihac comprenait également la traverse des frontières internationales ?

18 R. Oui. Ils ont passé les frontières internationales parce que, du point

19 de vue juridique, la Croatie était responsable pour maintenir ces

20 frontières internationales et ce que vous aviez c'était l'attaque provenant

21 du territoire croate vers les territoires des autres Etats pour lesquels le

22 gouvernement croate était réellement responsable. Elle aurait dû les

23 prévenir de l'attaque. Martic a ordonné de mener contre Bihac et, en fait,

24 a permis à la Croatie d'avoir un prétexte légal pour lancer l'opération

25 Tempête.

26 Q. Quelle était la position du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique par

27 rapport à cette action militaire anticipée par la Croatie et dont vous avez

28 entendu parler le 21 juillet 1995 ?

Page 3794

1 R. Nous n'avons pas eu de position par rapport à cette action, et par

2 rapport au fait s'il fallait mener ou pas cette action. J'ai averti

3 Tudjman, en suivant les instructions que j'ai reçues, que si une action

4 militaire était lancée, que son obligation aurait été de protéger les

5 villes et les propriétés des civils serbes de la région de Krajina ainsi

6 que de protéger les fonctionnaires des Nations Unies qui s'occupaient du

7 processus de paix dans cette région.

8 Q. Après avoir appris cette action, le 21 juillet 1995, est-ce que vous

9 avez des réunions avec les fonctionnaires de la RSK ?

10 R. Oui, j'ai rencontré Milan Babic à Belgrade le 2 août.

11 Q. Pouvez-vous nous dire comment cela s'est passé ?

12 R. Oui. Il était clair que la Croatie avait l'intention de lancer cette

13 action militaire. Les Etats-Unis d'Amérique ne pensaient pas pouvoir dire

14 aux Croates de ne pas le faire parce que il y avait le danger par rapport à

15 l'offensive des forces de la RSK et des Serbes de Bosnie de prendre Bihac.

16 Notre décision était la suivante, nous ne voulions pas donner le feu vert,

17 ni le feu rouge pour ce qui est de cette offensive militaire croate;

18 néanmoins, les Etats-Unis d'Amérique voulaient trouver une solution

19 pacifique du côté en Croatie, si c'était possible. Lorsque j'étais à la

20 réunion en Brioni, la réunion avec Tudjman, le 1er août, je lui ai dit que

21 j'avais pris contact avec Babic et que Babic a proposé une réunion avec lui

22 à Belgrade le jour suivant. Mon idée première a été de rencontrer Babic à

23 Knin. Mais Babic a dit non, il a dit que je ne pouvais pas venir et Martic

24 ne voulait pas cela. C'est comme cela que, dans la matinée du 2, je suis

25 parti de Zagreb à bord d'un avion des Nations Unies et j'ai atterri à

26 Belgrade et, ce soir même, j'ai parlé avec l'ambassadeur des Etats-Unis

27 d'Amérique, avec Babic, dans l'ambassade des Etats-Unis et je lui ai dit --

28 je l'ai averti qu'une offensive du côté croate serait lancée, que la RSK ne

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1 bénéficiait d'aucun support et qu'à ce stade, s'il voulait éviter la

2 guerre, il ne devait pas accepter les conditions de Tudjman pour la

3 réintégration pacifique de la Krajina et Croatie.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez, généralement, de parler de quelles

5 étaient les conditions ? Est-ce que vous avez parlé de ces conditions à

6 Milan Babic lors de cette réunion ?

7 R. Oui, je me souviens de cela. Je lui ai communiqué cinq points. C'était

8 les points suivants : d'abord, le retrait immédiat de toutes forces de la

9 RSK de Bihac et la cessation des offensives à Bihac; ensuite, il fallait

10 rouvrir immédiatement l'oléoduc qui passait par le secteur nord ainsi que

11 l'engagement à rouvrir le chemin de fer qui liait Zagreb et Knin et,

12 ensuite, un accord pour déclancher les négociations dans un délai de 48

13 heures pour ce qui est de la route qui passe par Knin ainsi qu'un accord

14 sur une solution politique par rapport à la Krajina, qui devait être

15 réintégrée en Croatie.

16 Q. Quelle était la réponse de Milan Babic par rapport à cela ?

17 R. Il était très très sérieux et il a commencé à me -- il m'a dit qu'il

18 comprenait tout à fait pourquoi la Croatie était en train de se préparer à

19 attaquer la Krajina et qu'il ne pouvait pas comprendre pourquoi le

20 gouvernement de la Croatie était en train -- pourquoi son gouvernement à

21 lui avait attaqué Bihac.

22 Q. Est-ce qu'il a parlé de la réunion que vous avez eu avec lui et Milan

23 Martic, le 30 janvier 1995 ?

24 R. Oui, il a dit qu'il ne pouvait pas comprendre comment ils se sont

25 comportés de cette façon-là, que Martic se comportait de cette façon-là par

26 rapport au plan de paix qui a été présenté à toutes les puissances du

27 monde, et il s'est excusé pour cela.

28 Q. Est-ce qu'il a répondu par rapport aux conditions et aux demandes

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1 faites par Tudjman et que vous avez communiqué -- vous lui avez communiqué

2 ?

3 R. Il a accepté les quatre premiers points, mais, par rapport au cinquième

4 point, qui avait trait à la réintégration pacifique de la Krajina, de la

5 région de Krajina en Croatie, il a demandé que de tels impacts sur la

6 Slavonie orientale, si la Slavonie orientale bénéficierait d'un statut

7 d'autonomie. J'ai dit que, non, qu'aux termes du plan Z-4, il y aurait une

8 période de transition jusqu'au contrôle plein et entier par la Croatie,

9 mais qu'il n'y aurait pas d'autonomie parce que ce n'était pas une zone à

10 majorité serbe aux termes du recensement de 1991. Pour lui, cela

11 constituait un problème, mais, en fait, je lui ai dit : "Ecoutez, je vais

12 vous proposer la chose suivante : pourquoi ne dites-vous pas que vous avez

13 accepté le plan Z-4 comme point de départ pour des négociations ? Mais il

14 faut que vous sachiez très bien que vous n'obtiendrez jamais autant

15 d'autonomie que cela figure dans le plan Z-4. Cela aurait pu être le cas si

16 vous aviez accepté le plan en janvier 1995, mais, maintenant, c'est plus

17 possible, et il faut que je puisse dire à Tudjman que vous comprenez bien

18 que la situation ou la solution définitive cela rassemblera beaucoup plus à

19 ce qui est prévu par le droit constitutionnel croate que parce qu'il figure

20 dans le plan Z-4. Il a répondu qu'il comprenait bien. Il a dit qu'il allait

21 dire publiquement accepter le plan Z-4, mais il a dit que je pouvais faire

22 passer le message en privé à Tudjman.

23 Q. Est-ce que Babic a dit quoi que ce soit au sujet de Martic et de sa

24 position ?

25 R. Bien, je lui ai demandé, je lui ai dit : bon, vous avez accepté, mais

26 Martic est-ce qu'il va accepter ? Sur quoi Babic a répondu qu'il suffit

27 d'une phrase prononcée par Milosevic et il acceptera.

28 Q. Est-ce que Milan Babic a ajouté quoi que ce soit au sujet de Milosevic

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1 et de la position qui était la sienne ?

2 R. Il a dit qu'il avait essayé de voir -- de rencontrer Milosevic, mais

3 que celui-ci refusait de le voir.

4 Q. Que s'est-il passé après cette réunion ?

5 R. J'ai envoyé un rapport au sujet de cette réunion au ministère des

6 Affaires étrangères américain et j'ai reçu des instructions ainsi,

7 d'ailleurs, que le chargé d'affaires à Belgrade, Rudi Perina. Il fallait

8 que nous allions, moi, voir Tudjman et Perina devait aller voir Milosevic

9 et leur demander d'apporter leurs soutiens au plan et à l'accord Galbraith-

10 Babic. Babic devait faire le lendemain, le 3 août, une conférence de presse

11 dans laquelle il annoncerait son acceptation des quatre premiers points et

12 du plan

13 Z-4. Je lui ai parlé ce même matin. Il a confirmé que c'est bien ce qu'il

14 ferait. Ensuite, j'ai pris l'avion pour Zagreb. J'ai informé certains des

15 ambassadeurs les plus importants, ensuite, je suis allé voir Tudjman à 17

16 heures 45, je lui ai expliqué ce qui s'était passé à Belgrade, ce qu'avait

17 dit Babic, et je l'ai engagé à repousser toute action militaire de quelque

18 jour. Il a fait montre d'un grand scepticisme au sujet de la sincérité de

19 Babic et aussi sur sa capacité à convaincre Martic et les autres Serbes de

20 la Krajina. Je lui ai répondu que je comprenais bien son point de vue, vu

21 l'expérience qui était la sienne avec ses hommes, mais je lui ai demandé

22 d'attendre quelques jours. Je lui ai expliqué qu'aux termes de cet accord,

23 ces hommes avaient à faire un certain nombre de choses tout de suite et

24 que, si c'était effectivement le cas, on pourrait être convaincu de leur

25 sincérité et que, sinon, ils restaient toujours l'option militaire. Mais,

26 très franchement, à ce stade, c'était déjà trop tard, il ne croyait tout

27 simplement pas que les Serbes de la Krajina avec Martic, en particulier,

28 accepteraient ce plan et la guerre s'était déjà trop annoncée, et à 17

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1 heures 45, il a rassemblé le Conseil de sécurité national et ils ont pris

2 la décision de faire la guerre, et les opérations ont commencé dès la nuit.

3 Q. Est-ce que Milan Babic a tenu une conférence de presse ? Est-ce qu'il a

4 fait une déclaration publique ? Est-ce que cela correspondait à ce qu'il

5 vous avait dit ?

6 R. Oui, effectivement. J'aurais aimé qu'il se prononce de manière un peu

7 plus catégorique mais cela correspond à ce qu'il avait dit.

8 Q. Vous nous dites que le chargé d'affaires à Belgrade a eu avoir --

9 Milosevic. Pourquoi est-ce qu'on lui a demandé de faire cela ?

10 R. On n'avait pas de relation diplomatique avec la République fédérale. Le

11 chargé d'affaires c'était le premier, le diplomate américain numéro 1 sur

12 place, et c'était lui qui était en contact avec Milosevic.

13 Q. Savez-vous s'il a pu rencontrer Milosevic ?

14 R. Non, il n'a pas pu le rencontrer.

15 Q. Pourquoi ? Le savez-vous ?

16 R. D'après ce que j'ai compris à l'époque, Milosevic a refusé de le

17 rencontrer parce qu'il n'était pas en faveur de ce plan. Ultérieurement,

18 les témoignages que nous avons entendus au tribunal et dans l'affaire

19 Milosevic nous apprennent que Milosevic lui-même a déclaré qu'il était en

20 vacances à l'époque.

21 M. WHITING : [interprétation] Nous allons maintenant examiner la pièce 294,

22 une pièce 65 ter.

23 Q. Je vais vous demander si vous reconnaissez ce document. Est-ce que vous

24 reconnaissez ce document ?

25 R. Oui.

26 Q. De quoi s'agit-il ?

27 R. Il s'agit d'un télégramme qui vient de Gavin Hewitt, ambassadeur

28 britannique à Zagreb, au bureau du commonwealth, et il s'agit d'un

Page 3799

1 télégramme dans lequel il reprend les informations que je lui ai données à

2 lui ainsi qu'à d'autres ambassadeurs étrangers après la réunion que j'ai

3 eue à Belgrade.

4 Q. Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de lire ce document ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce qu'il correspond à la réalité ?

7 R. Oui. Oui, parce que c'est un diplomate très professionnel. Donc, c'est

8 tout à fait véridique et conforme à la réalité.

9 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que nous passions à l'autre page,

10 la page suivante, et au point 2 -- au point 8.

11 Q. Ici à peu près au milieu du paragraphe on peut lire, je cite :

12 "Milosevic a été informé par l'ambassade américaine à Belgrade;" qu'est-ce

13 que cela signifie ?

14 R. A l'époque, quand j'ai fait cette réunion j'ai communiqué les

15 informations dont je disposais aux principaux ambassadeurs qui se

16 trouvaient à un poste à Zagreb. Je pensais que Perina allait être en mesure

17 de rencontrer Milosevic et qu'il pourrait l'informer de l'accord que

18 j'avais conclus avec Babic et pour obtenir son soutien. A ce moment-là

19 j'ignorais que Perina n'avait pas été en mesure de rencontrer Milosevic.

20 M. WHITING : [interprétation] Le document peut-il être versé au dossier ?

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, une cote, s'il vous plaît.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 391.

23 M. WHITING : [interprétation] Merci.

24 Q. Enfin, Monsieur l'Ambassadeur, vous nous avez parlé de vos contacts

25 avec divers représentants de la RSK au sujet des événements de Zagreb et du

26 pilonnage de Zagreb, puis, au sujet de la réunion du 2 août 1995 avec Milan

27 Babic. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre évaluation de la

28 situation sur la base de votre expérience et des contacts que vous avez eus

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1 avec les dirigeants de la RSK. Je voudrais commencer par Babic. Est-ce que

2 vous pourriez nous dire quelle est votre opinion, votre évaluation de cet

3 homme ?

4 R. Je pense que c'était le seul dirigeant qui sincèrement avait à cœur

5 l'intérêt du peuple de la M. Krajina et de ceux qui vivaient dans cette

6 région. A la fin, quand il a fallu choisir entre la conclusion d'un accord

7 qui aurait pu permettre à la population de la Krajina de rester et, d'autre

8 part, la position beaucoup plus dure, lui, il a choisi l'intérêt de la

9 population et il a choisi de conclure cet accord. Il était facilement -- il

10 s'est facilement laissé intimider par Milosevic et Martic. J'aurais aimé

11 qu'il montre plus de courage, mais je dirais qu'il avait à cœur l'intérêt

12 du peuple -- l'intérêt de la population.

13 Q. Vous avez fait référence à sa position beaucoup plus dure. Est-ce que

14 vous le décririez en le qualifiant de nationaliste ?

15 R. Oui.

16 Q. Maintenant, veuillez nous faire part de l'évaluation qui est la vôtre

17 de M. Milan Martic ?

18 R. J'estimais qu'il s'agissait d'un homme qui avait des compétences et une

19 intelligence très limitée, un homme qui était complètement dépassé par la

20 situation en tant que dirigeant des Serbes de la Krajina. Je ne pense pas

21 qu'il avait à cœur les intérêts de Serbes de la Krajina. Il était préoccupé

22 par ses propres intérêts, par la défense de sa propre position et, face à

23 ce que tout le monde dans le monde entier a pu voir et a pu interpréter

24 comme des forces qui allaient détruire les Serbes de la Krajina, quand tout

25 le monde a vu que Milosevic n'allait pas les soutenir, quand tout le monde

26 a vu que les Serbes de Bosnie n'allaient pas le soutenir, bien, malgré tout

27 cela, il a toujours refusé de négocier. Il a continué à refuser un accord

28 qui non seulement aurait pu permettre aux gens de rester sur place, mais

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1 leur aurait donné un très haut niveau d'autonomie. Ils auraient pu avoir

2 leur propre drapeau, leur propre monnaie. Ils ne voulaient pas le kuna, la

3 monnaie croate, parce qu'ils disaient que c'était la monnaie des fascistes.

4 Mais ce plan Z-4 aurait pu leur permettre d'avoir leur propre biais, tout

5 comme les Ecossais ont leur propre livre, les livres écossaises. Ils

6 auraient pu se gérer eux-mêmes à un tel point que quand j'ai rencontré

7 Babic, il m'a dit : "Mais c'est beaucoup trop d'autonomie. On ne veut pas

8 avoir à financer nos propres retraits. Est-ce que Zagreb ne peut pas s'en

9 occuper de cela ?"

10 Donc, il a non seulement refusé le plan, mais il a refusé même d'en

11 parler. Dans ce sens, Milan Martic c'était le meilleur ami et l'allié de

12 Franjo Tudjman ce faisant. Il a donné à Franjo Tudjman le prétexte dont

13 celui-ci avait besoin pour entamer des actions militaires contre la

14 Krajina, une action qui a eu le résultat recherché par Tudjman à savoir

15 qu'il ne restait plus beaucoup de Serbes dans cette zone de la Krajina.

16 Q. Merci beaucoup, Monsieur l'Ambassadeur. Je n'ai plus de questions à

17 vous poser.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

20 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :

21 Q. [interprétation] Monsieur Galbraith, je suis le défenseur de M. Martic

22 et je m'appelle Predrag Milovancevic. Nous allons maintenant passer à ce

23 qui s'appelle ici le contre-interrogatoire et nous allons évoquer un

24 certain nombre de sujets qui peuvent s'avérer importants pour la Défense de

25 l'accusé. Je vous demanderais d'avoir la bienveillance d'attendre quelques

26 instants avant de répondre à mes questions afin de faciliter le travail des

27 interprètes.

28 Dans les informations que vous nous avez fournies, les informations

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1 relatives à votre parcours personnel, Monsieur l'Ambassadeur, et dans les

2 réponses que vous avez faites au Procureur, vous avez expliqué que vous

3 étiez diplômé en droit; est-ce que j'ai bien compris ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez également expliqué que de 1993 au début 1998, vous avez été

6 ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en Croatie et que vous étiez en poste

7 à Zagreb; est-ce bien exact, Monsieur Galbraith ?

8 R. Oui.

9 Q. Etant donné qu'avant que vous n'occupiez le poste d'ambassadeur, vous

10 étiez un diplomate. Je voudrais savoir si vous aviez connaissance de la

11 situation en ex-Yougoslavie ou en Yougoslavie avant votre arrivée sur

12 place. J'inclus dans ce terme la République serbe de la Krajina, ainsi que

13 le territoire de la République de Croatie ?

14 R. Oui.

15 Q. Au moment où vous avez été nommé ambassadeur des Etats-Unis en

16 République de Croatie, est-ce que, dans certains secteurs du territoire de

17 la Croatie, il y avait des soldats des Nations Unies qui étaient déployés

18 et que ces zones portaient le nom de zones de protection des Nations

19 Unies ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Est-ce que je me tromperais si je disais que la République serbe de la

22 Krajina - mais peut-être est-ce que je devrais utilisé les termes de ce

23 qu'on appelait la République serbe de la Krajina ou la République serbe de

24 la Krajina de l'époque - je parle de la zone au sens politique, au sens

25 géographique - donc, est-ce que je me tromperais si je disais que la zone

26 de la Republika Srpska Krajina correspond à la zone qui, aux termes du plan

27 Vance-Owen et de la résolution des Nations Unies, était une zone où

28 devaient se déployées les forces des Nations Unies ?

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1 R. Oui. Sauf que dans le secteur ouest, la zone de protection des Nations

2 Unies comptait également des territoires contrôlés par la République de

3 Croatie.

4 Q. Merci, Monsieur. Vous avez déclaré que dès que vous avez pris les

5 fonctions d'ambassadeur, vous avez eu des contacts fréquents avec le

6 président de la république et les représentants des autorités de l'Etat ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez, d'autre part, expliqué que pendant la période où l'on

9 recherchait une solution de paix, donc, 1993 et surtout 1994 et 1995, vous

10 avez eu des contacts très réguliers, pratiquement quotidiens, avec le

11 président Tudjman, des contacts parfois même encore plus fréquents; est-ce

12 bien exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous diriez que c'était la pratique habituelle d'un

15 ambassadeur d'aller rendre visite aussi fréquemment au président de la

16 république vu la -- pratique de la diplomatie dans le monde entier; est-ce

17 que c'était quelque chose d'habituel ?

18 R. Bien, tout dépend du pays dans lequel on est posté en tant

19 qu'ambassadeur tout dépend des circonstances et de ce qui se passe dans le

20 pays en question.

21 Q. Est-ce que vous diriez puisque vous avez expliqué -- vous disiez qu'à

22 partir de septembre 1994, a été lancé un processus de négociation, un

23 processus de restauration de la paix afin d'essayer de trouver une solution

24 pacifique pour la situation qui était celle de la Croatie à l'époque et de

25 l'ex-Yougoslavie; est-ce bien exact ?

26 R. J'ai déclaré qu'il y avait un processus de paix, un processus qui a

27 débuté le 19 mars 1993, un processus -- non, excusez-moi, 19 mars 1994. Ce

28 processus, il s'est poursuivi jusqu'au 3 août 1995. L'objectif étant de

Page 3804

1 rechercher une solution pacifique au conflit en Croatie, conflit opposant

2 la région ou les régions de la Krajina et Zagreb. Le volet politique de ce

3 processus, du processus qui a débouché sur ce qu'on a appelé le plan Z-4,

4 le volet politique lui s'est ouvert en septembre avec des réunions avec les

5 diplomates qui soutenaient ce processus. Moi-même, l'ambassadeur russe, les

6 représentants de l'Union européenne, Gert Arends [phon], ainsi que le

7 représentant des Nations Unies, Kai Eide. Ceci a continué avec la

8 présentation du plan en janvier, sans parler, bien entendu, des efforts

9 dont j'ai parlé, des efforts entrepris pour donner un dernier souffle de

10 vie à cet accord avant la guerre. Il y a eu des efforts qui ont été

11 entrepris dans la sphère diplomatique, de manière séparée. Les Etats-Unis y

12 ont participé, cela a précédé le conflit en Bosnie. Il y a eu des efforts

13 diplomatiques auxquels j'ai participé pour -- dans le cadre de la guerre

14 entre les Bosniens et les Croates. Des efforts qui avaient pour objectif de

15 trouver une solution pacifique à la guerre en Bosnie.

16 Q. Quand vous avez parlé de l'initiative impliquant la République de

17 Croatie, vous étiez l'ambassadeur des Etats-Unis à l'époque. Vous avez

18 évoqué trois étapes, et s'agissant de la première étape, de la première

19 phase, vous avez dit qu'à ce moment-là, il était question de l'accord de

20 cessez-le-feu, ce qu'on a appelé l'accord de Zagreb. Vous avez déclaré que

21 cet accord était en date du 30 mars 1994. J'imagine que nous parlons tout

22 deux du même accord, l'accord de cessez-le-feu de Zagreb, en fait, qui a

23 été conclu en 1994.

24 R. Oui, c'est exact. L'accord porte la date du 29 mars 1994, mais en

25 réalité il a été conclu le 30 mars à 3 heures du matin à peu près.

26 Q. Merci de cette précision, Monsieur l'Ambassadeur. Cet accord, conclu à

27 Zagreb entre le 29 et le 30 mars 1994, un accord de cessez-le-feu, peut-on

28 le qualifier d'accord international, vu les parties impliquées et qui ont

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1 contribué à la conclusion de cet accord ? Est-ce qu'on peut utiliser ces

2 termes-là ?

3 R. Je dirais qu'il s'agit d'un accord entre deux parties au sein de la

4 Croatie. Un accord qui a vu l'intervention de médiateurs internationaux,

5 mais ces médiateurs n'étaient pas partis à l'accord.

6 Q. Est-ce que j'aurais raison, Monsieur l'Ambassadeur, de dire qu'il y

7 avait deux parties en présence, d'une part, les représentants des autorités

8 croates, et d'autre part, les représentants de ce qui était, alors, la

9 République serbe de la Krajina, des parties qui ont conclu un accord

10 portant sur un cessez-le-feu avec des dispositions précises sur la manière

11 de séparer les parties belligérantes. Donc, il s'agissait d'un accord qui a

12 été conclu par les deux parties que j'ai mentionnées avec médiation assurée

13 par la communauté internationale ?

14 R. Oui, je pense que c'est une façon tout à fait exacte de présenter cet

15 accord.

16 Q. Cet accord a été conclu il y a assez longtemps. Je voudrais savoir si

17 vous vous souvenez des détails de cet accord ? Vu l'existence des lignes de

18 séparation, les parties belligérantes devaient être séparées, donc, il

19 s'agissait également de déplacer les pièces d'armement afin qu'elles soient

20 éloignées d'un kilomètre environ. Les mortiers devaient être éloignés d'une

21 distance de 10 kilomètres. S'agissant des chars et des pièces d'artillerie,

22 il fallait qu'ils se situent à une distance de 20 kilomètres; est-ce que

23 cela a effectivement été, sur ce quoi a porté cet accord ?

24 R. Il y a bien longtemps que je n'ai pas relu cet accord. Je ne pourrai

25 donc pas vous dire avec précision quels en sont les détails, mais je crois

26 que ce - vous venez de nous dire - me parait exact. En tout cas, je me

27 rappelle qu'il y avait une zone d'un kilomètre où il était interdit que se

28 trouvent des forces armées. C'était, en fait, une zone qui correspondait à

Page 3806

1 une zone, une ligne ou un ruban de un kilomètre des deux côtés. Donc, cela

2 faisait deux kilomètres. Mais s'agissant des autres détails, je ne m'en

3 souviens pas aujourd'hui.

4 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Vous avez donc répondu à ma question.

5 Vous vous souvenez que cet accord portait sur la séparation des parties

6 belligérantes, voilà. La question que je voudrais vous poser maintenant est

7 la suivante : est-ce que vous savez que la République de la Krajina serbe

8 avait mis en place des commissions qui étaient chargées de ces lignes de

9 séparation. Il s'agissait de commissions qui étaient chargées de discuter

10 de toutes ces questions, de voir la manière dont on pouvait séparer les

11 parties belligérantes. Il s'agissait de discussions avec les autres

12 parties, avec la partie l'autre partie signataire de l'accord; est-ce que

13 vous avez connaissance de ce fait ?

14 R. Très franchement, je ne me souviens pas des détails, mais je crois,

15 effectivement, qu'il existait des commissions mixtes, des commissions qui

16 étaient censées prendre des dispositions pratiques sur ces points

17 justement.

18 Q. Encore, une brève question avant la pause. Monsieur l'Ambassadeur,

19 peut-on dire que cet accord de cessez-le-feu, avec toutes les dispositions

20 pratiques auxquelles nous avons fait référence, est-ce qu'on peut dire que

21 cet accord a été mis en œuvre à partir de la fin mars 1994, à partir de sa

22 signature jusqu'en mai 1995, jusqu'au 1er mai 1995 au moment du lancement de

23 l'opération Éclair ? Est-ce qu'on peut dire que, pendant cette période, on

24 n'a pas enregistré d'activité constituant des violations flagrantes de cet

25 accord, d'une violation importante de cet accord ? Je parle ici aussi bien

26 de la partie croate que de la partie serbe ?

27 R. Autant que je m'en souviens, il n'y a pas eu de violation très

28 importante de cet accord pendant la période que vous venez de mentionner,

Page 3807

1 mais je m'en souviens en revanche qu'il y a eu de nombreuses plaintes qui

2 ont été émises d'un côté comme de l'autre au sujet de violation de

3 l'accord. Cela s'explique par une ambiguïté dans cet accord au sujet de la

4 police en Slavonie orientale.

5 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

6 M. M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, je pense que le

7 moment pourrait être bien choisi pour faire une pause.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous allons donc faire une pause

9 et nous reprendrons à 12 h 30.

10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

11 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic.

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Président.Q. Monsieur

14 Galbraith, avant la pause, nous avons parlé de l'accord de Zagreb sur le

15 cessez-le-feu de fin mars 1994. Le sujet suivant que j'aimerais aborder

16 concerne l'accord sur la coopération économique entre la République serbe

17 de Krajina de l'époque et la Croatie. Vous avez parlé de la deuxième phase

18 de négociations, dont le but était de chercher un règlement pacifique de la

19 crise. Vous souvenez-vous à quel moment de l'année, si c'était pendant le

20 deuxième semestre de 1994, mais vous souvenez-vous à quel mois cet accord

21 sur la coopération économique entre la République serbe de Krajina et la

22 Croatie a-t-il été conclu ?

23 R. Il a été signé autant que je m'en souvienne le 2 décembre 1994.

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic, est-ce que

25 vous pouvez ralentir un petit peu pour les interprètes, s'il vous plaît ?

26 Merci.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Je vais tenter

28 d'y prêter attention.

Page 3808

1 Q. L'accord économique a été conclu après l'accord concernant le cessez-

2 le-feu et envisageait des mesures aux fins d'établir des liens économiques

3 concernant le gazoduc dans d'autres régions ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Etes-vous au courant du fait que le gouvernement de la République serbe

6 de Krajina pendant sa réunion du 30 novembre 1994 a adopté une série de

7 dispositions concernant les liens économiques avec la Croatie qui étaient

8 proposées par M. Mikulic ? Vous souvenez-vous du fait que le gouvernement

9 de la RSK ait pris une telle décision ?

10 R. Oui.

11 Q. Je vais vous poser une question supplémentaire de façon à éviter qu'il

12 y ait des malentendus dans le compte rendu. A la question du procureur,

13 vous avez mentionné la présence en plus de

14 M. Martic, M. Babic et M. Nikolic, mais cela devrait être peut-être M.

15 Mikulic, n'est-ce pas ? Le premier ministre Mikulic ?

16 R. Oui. Je suis sûr que j'ai dit Mikulic, et non pas Nikolic.

17 Q. Merci. En plus des décisions qui ont été prises par le gouvernement,

18 êtes-vous au courant du fait que l'assemblée de la RSK a également adopté

19 un texte concernant l'accord de coopération mutuelle et de relations entre

20 la RSK et la Croatie. C'était à la fin de 1994.

21 R. Oui, je crois que c'était exact.

22 Q. Merci. Dans votre déposition jusqu'à maintenant, vous avez expliqué

23 qu'en janvier 1995, ce qui était appelé le plan Z-4 avait été mis au point.

24 Cela voulait dire Z-4, et vous avez expliqué qui était les quatre parties.

25 Il s'agissait d'une proposition pour une solution pacifique à la crise

26 entre la RSK et la Croatie, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez également expliqué que vous avez d'abord proposé l'accord aux

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1 dirigeants de la RSK à Knin, et qu'ensuite, vous vous êtes adressé au

2 président de la République de Croatie, Tudjman, plus tard; cela est-il bien

3 exact ?

4 R. Oui, c'est exact. Il a été proposé au président Tudjman au matin du 30

5 janvier 1995, ensuite, aux dirigeants de ce qui était appelé la RSK à le

6 soir de ce même jour.

7 Q. Peut-être que je vous ai mal compris. Je vous prie de bien vouloir

8 n'excuser. Vous avez proposé le texte aux deux parties, et vous nous avez

9 expliqué, cela est-il bien exact que ce n'est pas une offre à prendre ou à

10 laisser, mais une offre pour négociations politiques, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est cela. La proposition avait pour but d'être la base des

12 négociations. L'idée derrière ce plan, c'était d'étudier le texte et de

13 voir quelles étaient les points qui pouvaient être acceptés et en plus ils

14 pouvaient dire nous souhaitons voir des modifications à certains endroits.

15 Nous voulions d'abord avoir l'avis du côté croate, ensuite avoir la

16 réaction du côté serbe, et puis continuer de cette manière jusqu'à ce qu'on

17 atteigne un texte qui convienne aux deux parties et continuer ce processus

18 jusqu'à ce qu'un accord puisse être conclu.

19 Q. Vous avez expliqué que les dirigeants de la RSK n'ont pas voulu

20 accepter le plan et même physiquement, ils avaient refusé de le prendre

21 entre leurs mains, n'est-ce pas ?

22 M. WHITING : [interprétation] Madame le Juge, si je puis me permettre, j'ai

23 une objection à formuler. J'aimerais amener l'attention de la Chambre sur

24 son ordonnance du 13 avril, qui porte la date de 2004 mais je crois que

25 c'est 2006, en réalité, qui concerne la conduite de l'audience et en

26 particulier à l'annexe A.3. L'ordonnance dit que les parties doivent

27 s'abstenir de paraphraser et d'interpréter ce qu'un témoin a déjà dit et,

28 ensuite, les raisons de cela en sont expliquées. Je comprends que, par

Page 3810

1 moment, cela soit nécessaire de reciter quelque chose qui a été dit lors

2 d'un contre-interrogatoire. Toutefois, j'aimerais dite que chaque question

3 pour l'instant a été une paraphrase de ce qu'a dit le témoin. En tous les

4 cas dans cette dernière paraphrase, elle n'est pas exacte, elle n'est pas

5 précise. Je pense qu'elle est inexacte parce que le témoignage n'est pas

6 que les dirigeants de la RSK n'ont pas souhaité recevoir le plan, tel que

7 je me souviens du témoignage, c'est que Milan Martic a refusé. Donc

8 j'aimerais objecter sur ce fondement au fait que le conseil de la Défense

9 ne respecte pas l'ordonnance de la Cour, son ordonnance la plus récente et

10 que cette paraphrase en particulier est une déformation de la déposition du

11 témoin.

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic, est-ce que

13 vous avez quelque chose à dire concernant l'objection soulevée par M.

14 Whiting ?

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis au courant de l'ordonnance de la

16 Chambre et j'ai essayé, parce que nous sommes en train de parler d'un sujet

17 politique sur lequel l'ambassadeur dépose, d'arriver à la substance de la

18 discussion qui a eu lieu à ce moment-là et j'essaie de lui poser des

19 questions précises. Si le Procureur a quelque chose à redire à mes

20 questions, je peux les reposer, mais mon intention n'était pas de faire

21 répéter au témoin ce qu'il a déjà dit.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il semblerait qu'il s'agisse d'une

23 erreur de bonne foi lorsque vous avez parlé des dirigeants de la RSK au

24 lieu de parler de M. Milan Babic que nous acceptons. Mais à l'avenir, je

25 vous demanderais de ne pas paraphraser, de respecter les dispositions de

26 l'ordonnance qui a été rendue par cette Chambre. Je me rends comte, je

27 comprends que c'est parfois difficile mais je vous demanderais de bien

28 vouloir vous brider dans la mesure où c'est possible et de respecter les

Page 3811

1 indications qui vous ont été données.

2 M. WHITING : [interprétation] Madame le Juge, si je peux préciser, je

3 déteste avoir l'air d'être un peu pinailleur mais je crois que vous vous

4 êtes trompée.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez raison. C'était Martic

6 et non pas Babic. Vous avez tout à fait raison Monsieur Whiting. Vous avez

7 entendu ce que j'avais dit, Monsieur Milovancevic, il s'agissait de M.

8 Martic.

9 Vous pouvez continuer. Merci, Monsieur Whiting.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

11 Q. Pouvez-vous nous dire, Monsieur Galbraith, si le président de la

12 Croatie, M. Franjo Tudjman ou le gouvernement croate a, à un moment ou à un

13 autre, accepté le plan, c'est-à-dire, le plan Z-4 ?

14 R. Le président Tudjman a accepté de négocier sur la base du plan. On ne

15 lui a pas demandé d'accepter le plan et d'ailleurs il ne l'aurait pas

16 accepté dans la forme dans laquelle il était. Nous le savions déjà.

17 Q. Lorsque vous avez expliqué les raisons pour lesquelles

18 M. Milan Martic, en tant que président de la RSK, a refusé ce plan, vous

19 avez dit plus ou moins qu'il avait parlé du problème de l'extension du

20 mandat de la FORPRONU en Croatie et que ce problème n'avait été résolu

21 qu'en mars 1995; cela est-il exact, Monsieur Galbraith ?

22 R. Il a donné comme explication que les dirigeants de la RSK refuseraient

23 de prendre livraison du plan Z-4 ou même de négocier à ce sujet tant que la

24 Croatie n'aurait pas prolongé le mandat de la FORPRONU.

25 Q. Après que le mandat de la FORPRONU ait été prolongé, avez-vous refait

26 la proposition aux dirigeants de la RSK ?

27 R. J'ai vu M. Babic et je lui ai donné un exemplaire du plan en mars.

28 Q. Pouvez-vous nous dire où vous l'avez vu et si vous lui avez donné le

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1 plan en entier ou simplement une version résumée, ou simplement un projet ?

2 Vous avez dit auparavant qu'il s'agissait simplement d'un projet de

3 proposition qui lui avait été présenté.

4 R. En mars, je lui ai donné le plan entier. Lorsque je l'ai vu le 23

5 janvier 1995, je lui ai résumé le plan parce qu'il n'avait pas encore été

6 présenté de manière formelle, donc, il y avait une certaine procédure à

7 suivre et nous ne pouvions pas donner le plan officiellement à une partie

8 ou à l'autre tant que nous n'avions pas fait de présentation formelle

9 d'abord au président de la Croatie dans la mesure où il s'agissait d'un

10 plan qui avait trait à la Croatie et ensuite aux dirigeants des Serbes de

11 Krajina.

12 Q. En mars 1995, lorsque vous avez donné le plan à M. Babic, vous avez

13 présenté juste avant ou après au président Tudjman le même plan, quelle a

14 été sa réaction et a-t-elle été la même qu'en janvier ?

15 R. Nous avions déjà présenté le plan au président Tudjman le 30 janvier,

16 donc il n'y avait pas besoin de lui représenter en mars.

17 Q. En ce qui concerne la réaction de M. Babic, lorsque vous l'avez

18 rencontré à Knin en janvier 1995, vous nous avez également donné des

19 détails concernant M. Babic disant qu'il était désolé parce que vous

20 partiez. Puis, il a dit : "Je suis désolé." C'est-à-dire que vous avez cité

21 ses propos. Lors de votre témoignage dans l'affaire Milosevic, lorsque M.

22 Tapuskovic, l'amicus curiae, l'ami de la Cour, vous a montré un document de

23 la Communauté européenne daté du 31 janvier 1995, qui disait la chose

24 suivante, je cite : "La proposition de Babic était de placer la Krajina

25 sous la souveraineté de la Croatie, le fait de faire cela serait quelque

26 chose qui serait décidé par la population de Krajina;" êtes-vous au courant

27 de cela ?

28 R. Il est possible que Babic, lors de déclarations publiques, ait tenu des

Page 3813

1 propos reflétant cette position. Mais le témoignage que j'ai fait, la

2 déposition que j'ai faite, c'était que lors d'une réunion privée, sa

3 réaction à une proposition qui aurait donné à la région croate de Krajina,

4 qui lui aurait donné pratiquement la possibilité de se gouverner seule, et

5 il pensait que c'était une proposition très intéressante. Il avait une

6 attitude très positive à cet égard parce qu'il pensait que cela permettrait

7 d'atteindre ce que la plupart des Serbes de Krajina souhaitaient, ce dont

8 ils avaient besoin. Cela permettrait d'éviter une guerre également.

9 Q. En réponse à mon éminent collègue -- confrère, concernant le contenu du

10 plan Z-4 et l'autonomie qui était proposée aux Serbes de Croatie, vous avez

11 expliqué que, concernant la région de la Slovanie orientale et la Slovanie

12 occidentale et qu'en fonction du plan Z-4, ces régions, qui pourraient

13 avoir une autonomie à la suite du recensement de 1991 et le nombre de

14 Serbes qui vivaient dans ces deux zones, n'étaient pas -- la Slavonie

15 occidentale et la Slavonie orientale n'étaient pas les zones qui pourraient

16 avoir cette autonomie, n'est-ce pas Monsieur Galbraith ?

17 R. En fait, il s'agit d'un autre niveau d'autonomie. La zone à majorité

18 serbe de Krajina, dont je parle en les appelant le secteur nord et le

19 secteur sud, ils avaient déjà un niveau de gouvernement indépendant, d'un

20 taux de gouvernement assez élevé. Il y aurait lieu des régions, tout

21 particulièrement importantes, qui auraient été démilitarisées et c'est-à-

22 dire que l'armée croate n'aurait pas pu aller dans ces régions-là. Cela

23 n'aurait pas représenté l'ensemble des secteurs nord et sud parce qu'il y

24 avait des villes à l'intérieur de ces régions comme Slunj, qui avait une

25 majorité croate. Donc, la ville entière de Slunj n'aurait pas pu être

26 incluse dans ces zones.

27 En ce qui concerne le secteur oriental, la Slavonie orientale, elle

28 n'aurait pas eu le même niveau d'autonomie que la région de Krajina parce

Page 3814

1 qu'il y avait des dispositions concernant l'autonomie culturelle et

2 d'autres droits pour la communauté serbe de cette zone-là. Il y avait

3 également une période de transition de cinq ans pour permettre le retour

4 d'une souveraineté Croate entière.

5 Q. Lorsque vous parlez d'une autonomie importante qui aurait été donné aux

6 Serbes, selon le plan, vous nous avez également dit que cela ne concernait

7 pas la zone entière de la RSK, mais simplement certaines zones des secteurs

8 sud et nord. Pouvez-vous nous donner plus de détails et nous donner quelles

9 municipalités étaient concernées, quelles municipalités devaient recevoir

10 ce type d'autonomie dans les secteurs sud et nord ?

11 R. La plupart des municipalités des secteurs nord et sud auraient eu ce

12 type d'autonomie. En fait, il s'agit de toutes les municipalités qui

13 avaient une majorité serbe, selon le recensement de 1991. Il y avait, en

14 fait, une carte, qui accompagnait le plan Z-4 sur lequel nous avons

15 travaillé. Nous avons beaucoup passé de temps sur cette carte, mais nous

16 n'avons jamais présenté cette carte parce que nous nous sommes rendus

17 compte que cela pourrait soulever une énorme pollinique et nous avons

18 préféré que les parties réfléchissent d'abord au niveau d'autonomie avant

19 de rentrer dans les détails de savoir quelles zones seraient incluses ou

20 pas. Mais l'idée de base était que les municipalités qui avaient une

21 majorité serbe en 1991, selon le recensement, auraient un plus haut niveau

22 d'autonomie selon le plan Z-4 -- au titre du plan Z-4, et si vous me

23 montriez une carte, je pourrais vous montrer les groupes ethniques selon le

24 recensement de 1991. Je pourrais vous faire une liste des municipalités.

25 Q. Nous reviendrons à l'autonomie plus tard, mais je voudrais vous poser

26 la question suivante à présent. Nous avons parlé de la position de M.

27 Martic concernant le plan Z-4, vous avez également parlé de l'attitude de

28 Babic, en janvier et en mars 1995. Vous avez également expliqué à la

Page 3815

1 Chambre que le 21 juillet 1995 ou à peu près à cette date, vous en êtes

2 arrivé à la conclusion que la Croatie préparait une opération militaire

3 d'envergure; cela est-il exact ?

4 R. Oui.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic, vous êtes à

6 nouveau en train de paraphraser et de répéter ce qui a déjà été dit par le

7 témoin, sans vraiment poser une autre question. Je vous demanderais de

8 tenter de respecter les règles que la Chambre a posées. Je vous en

9 remercie.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Une fois que tout cela a eu lieu, une

11 fois que le plan a été présenté, nous arrivons donc à la date du 1er mai

12 1995. Il y a eu l'opération Éclair et il y a eu l'opération du 1er mai 1995;

13 ces deux opérations ont-elles quelque chose à voir avec le plan Z-4 ?

14 R. Non, non pas directement.

15 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par "non, non pas

16 directement," de façon à éviter que je tire moi-même des conclusions de

17 votre réponse ? Pouvez-vous, donc, Monsieur Galbraith, nous expliquer ce

18 que vous entendez par votre réponse par "non, pas directement" ?

19 R. Ce qui s'est passé, en fait, c'est qu'une partie de l'accord sur les

20 mesures économiques et de renforcement de la confiance, c'est-à-dire,

21 l'accord du 2 décembre 1994 qui permettait d'ouvrir l'autoroute qui

22 traversait le secteur ouest, et il y a eu un incident ou il y a eu un

23 échange de tires sur une des zones de repos de l'autoroute, juste à

24 l'extérieur du secteur ouest. Je crois qu'un Serbe a été tué là-bas et,

25 pour se venger, les autorités locales ont tiré sur un automobiliste à

26 l'intérieur du secteur ouest. Les autorités serbes, M. Martic, en fait, ont

27 fermé l'autoroute et les Croates ont profité du fait qu'il avait fermé

28 l'autoroute pour lancer une action militaire dont le but évident était de

Page 3816

1 rouvrir l'autoroute. Le but en apparence tout au moins, mais, en fait, le

2 but de cette opération était vraiment de reprendre tout le secteur ouest.

3 Peut-être qu'il faudrait que je continue à répondre pour bien répondre à

4 votre question. Rien de tout cela n'était directement lié au plan Z-4, qui

5 était un plan politique, mais cela représentait une escalade supplémentaire

6 importante des tensions et cela rendait très difficile de reprendre un

7 processus politique. Comme vous avez entendu M. Martic l'expliquer dans

8 l'un des documents radio ou télévision -- non, plutôt je me trompe. Il

9 s'agit de l'entretien qu'il a donné à John Pomfritt du Washington Post. Il

10 parlait de l'opération Eclair pour prouver qu'en fait, il était inutile de

11 tenter de négocier avec les Croates, que cela ne servait à rien.

12 Q. En ce qui concerne la situation que vous venez de décrire, les

13 événements qui ont eu lieu sur l'autoroute. D'abord, le fait qu'un homme

14 ait été tué, la vengeance, le fait que l'autoroute ait été fermée, quand

15 cela a-t-il eu lieu, à quel moment d'avril 1995, vous en souvenez-vous ?

16 R. A la fin, la toute fin du mois d'avril, si je m'en souviens bien.

17 Q. Est-ce que vous savez quelle explication a été donnée par les autorités

18 serbes ou M. Martic pour ce fait, c'est-à-dire que la route a été fermée ?

19 R. Je suis sûr que j'étais au courant de cela à l'époque, mais aujourd'hui

20 je ne peux pas m'en souvenir.

21 Q. Ai-je raison de dire que cette autoroute ouverte à Okucani et qui

22 traversait la Slavonie était la réalisation de l'accord économique du 2

23 décembre 1994 ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc, est-ce qu'on peut dire que les Serbes -- les autorités de la

26 Krajina serbe ont respecté cet accord, que l'autoroute a été rouverte, mais

27 qu'après l'incident au mois d'avril, l'autoroute à un moment donné a été

28 refermée ?

Page 3817

1 M. WHITING : [interprétation] Je pense que je devrais formuler une

2 objection par rapport à cette question, parce que je pense que le témoin a

3 répondu, c'est-à-dire, a expliqué cela. Plus précisément, il a dit qu'il ne

4 pouvait pas se souvenir à l'époque que M. Martic a dit pourquoi l'autoroute

5 a été fermée, et je devrais dire que nous sommes, maintenant, tout près du

6 domaine qui n'entre pas dans le cadre du contre-interrogatoire, et je

7 rappelle encore une fois l'ordonnance de la Chambre du 13 avril 2006, qui -

8 - dans lequel il est dit que le contre-interrogatoire devait ne pas

9 dépasser la portée des questions posées au cours de l'interrogatoire

10 principal ? Je pense que là, nous ne sommes pas très loin de cela.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que

12 vous avez quelque chose à dire par rapport à l'objection formulée par M.

13 Whiting ?

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, la première partie de ma

15 -- de l'objection, oui. Par rapport à cela, je vais retirer la question

16 concernant la fermeture de l'autoroute, et par rapport à la deuxième partie

17 de l'objection, ce que l'ambassadeur a expliqué -- cette opération était

18 une sorte de préparatif à l'opération Eclair, et maintenant je vous -- je

19 voudrais voir dans quel contexte en fait cette opération a été préparée.

20 C'est juste pour cela que j'ai posé ces questions, et non pas de -- mon

21 intention n'était pas du tout de sortir du cadre posé au cours de

22 l'interrogatoire principal.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, vous êtes de

24 nouveau debout. Vous avez dit qu'il se rapproche du point où il pourrait

25 sortir de ce cadre de l'interrogatoire principal.

26 M. WHITING : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Bien sûr qu'on a --

27 l'opération Eclair a été mentionnée, parce que l'opération Eclair a précédé

28 le pilonnage de Zagreb, et cela était mentionné comme étant l'une des

Page 3818

1 raisons pour que -- pour le pilonnage de Zagreb. Pourtant, je ne pense pas

2 que par là on peut procéder à une

3 -- on peut commencer à poser des questions pour voir quelles étaient toutes

4 les circonstances de l'opération Eclair. Il s'agissait du pilonnage de

5 Zagreb, et c'était dans l'interrogatoire principal, les questions les plus

6 principales qui ont été posées. Mais, par rapport à l'opération Eclair, je

7 dis que cela sort du cadre de l'interrogatoire principal.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je pense que

9 Me Milovancevic accepte cela.

10 Maître Milovancevic, permettez-vous de vous poser la question suivante :

11 quelle était votre objectif par rapport aux questions posées et ayant trait

12 à l'opération Eclair, et par rapport à ce que M. Whiting vient de dire par

13 rapport à sa façon de poser des questions dans le cadre de l'interrogatoire

14 principal ?

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le Juge -- Madame le Juge, M. Whiting a

16 posé des questions au témoin, à l'ambassadeur Galbraith, sur ce qu'il a

17 vécu pendant le pilonnage de Zagreb. Il l'a demandé d'expliquer si le

18 pilonnage était justifié par des objectifs militaires, et est-ce que cela a

19 représenté un acte légitime où a permis selon la législation en vigueur.

20 Mais je -- j'aimerais que le contexte dans lequel cette opération était

21 menée soit éclairé. La Défense donc pose des questions par rapport aux

22 sujets que M. Whiting a mentionnés. Dans l'acte d'accusation, il a été dit

23 que le pilonnage n'a pas été justifié du point de vue militaire, et M.

24 Whiting a demandé à M. l'Ambassadeur d'expliquer cela, et nous aimerions

25 savoir pourquoi M. Whiting a posé cette question. Pour la Défense, c'est la

26 question essentielle.

27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la

28 parole.

Page 3819

1 M. WHITING : [interprétation] Madame le Juge, tout d'abord, je n'ai pas

2 demandé si cela représentait un acte illégal ou illégitime. Je demandais si

3 cela était justifié du point de vue militaire. C'est le premier point. Le

4 second, c'est que je ne comprends pas comment les questions posées par

5 rapport à l'opération Eclair parlaient du fait que si c'était justifié du

6 point de vue militaire ou pas. Je pense que la Défense -- la position de la

7 Défense est telle que l'opération Eclair aurait représenté une sorte de

8 justification pour pilonner Zagreb. Je ne vois pas quel est le lien entre

9 mes questions et les questions ayant trait à l'opération Eclair et tout ce

10 qui s'est passé pendant cette opération.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui. Je vous prie d'être patient,

12 s'il vous plaît, parce que je dois consulter mon collègue.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, si l'objectif

15 de votre question est de trouver la réponse à la question si l'attaque

16 contre Zagreb était justifiée, alors, vous pouvez poser les questions

17 concernant l'opération Tempête, mais il faut comprendre que cela est

18 strictement limité à ce fait, et pas à d'autres faites. Donc, il ne faut

19 pas que vous dépassiez ce cadre. Il ne faut pas que vous vous occupiez

20 d'autres sujets. C'est la décision des Juges.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je m'excuse, il s'agit de

23 l'opération Eclair, et non pas de l'opération Tempête. Je me suis corrigée,

24 et je vous prie de rester dans ce cadre-là.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

26 Q. Monsieur Galbraith, est-ce que vous connaissez quel était le sujet de

27 la réunion entre le président de la Croatie, le Dr Franjo Tudjman, et les

28 militaires les plus haut gradés de la Croatie le 30 avril 1995, lors de

Page 3820

1 laquelle la décision de mener l'opération Eclair a été rendue à la date du

2 1er mai, et de monter un incident sur l'autoroute, ce qui était la

3 proposition de M. Tudjman, pour que cela serve de prétexte à l'opération

4 militaire Eclair; est-ce que vous étiez au courant de cette réunion et de

5 la ten --

6 M. WHITING : [interprétation] Madame la Juge, je formule une objection par

7 rapport à cette question parce qu'il ne me semble pas que l'ordonnance

8 rendue par la Chambre soit respectée par rapport à la portée des questions

9 dans le cadre du contre-interrogatoire. Je ne vois pas qu'elle est le lien

10 de cette question à la justification militaire ?

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Quel est le lien avec cela, Maître

12 Milovancevic ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je crois que M. Whiting estime que la

14 Défense essaie de justifier le pilonnage de Zagreb, ce qui est absolument

15 incorrect et il n'a aucun sens juridique. Il s'agit des raisons qui

16 existaient pour entreprendre une action militaire. Les raisons qui peuvent

17 être justifiées ou pas et j'essaie d'établir si M. l'Ambassadeur

18 connaissait, compte tenu du fait qu'il était à Zagreb au moment où

19 l'opération Eclair a commencé, je lui ai posé seulement quelques questions

20 là-dessus. J'aimerais savoir s'il savait comment cette opération a été

21 entreprise pour pouvoir savoir-- ou pour arriver à cet objectif, nous

22 devons comprendre les réponses de M. Galbraith. Nous devons en comprendre

23 quel était le comportement de la partie qui a mené cette opération. Nous

24 essayons d'obtenir la réponse à la question s'il y avait un lien causal

25 entre ces deux événements parce qu'auparavant nous avons pu entendre le

26 témoin dire qu'il n'y avait pas de justification militaire. Cela nous

27 devons vérifier, nous devons tirer cela au clair pour cette réponse du

28 témoin.

Page 3821

1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il semble que, maintenant, vous

2 essayez d'arriver au but en contournant -- en utilisant un autre moyen qui

3 contourne l'essentiel, mais vous ne pouvez pas faire cela et ne pas

4 respecter les règles -- qui s'appliquent à cette procédure. Au moins que

5 vous ne soyez direct et posiez des questions qui ont une raison pour être

6 posées au témoin.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais poursuivre le contre-

8 interrogatoire en suivant vos instructions.

9 Q. Monsieur Galbraith, vous nous avez dit que le 2 mai vous étiez à Zagreb

10 dans votre bureau à l'ambassade et que vous avez entendu une explosion.

11 Vous avez également -- que ceci c'était à nouveau produit le 3 mai 2005 --

12 ou plutôt 1995. Bon, à l'époque, les 1er, 2, 3 et 4 mai, est-ce que vous

13 aviez des informations sur ce qui se passait en Slavonie orientale dans les

14 régions -- zones protégées par les Nations Unies ?

15 R. Oui. Je disposais de certaines informations sur ce qui se passait en

16 Slavonie occidentale.

17 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement en quoi consistaient ces

18 informations ?

19 M. WHITING : [interprétation] C'est tout simplement une autre manière de

20 faire fi des instructions données par la Chambre. Je dois m'y opposer. La

21 question qui se pose c'est de savoir quelle est la cause des pilonnages de

22 Zagreb pour reprendre les termes du conseil de la Défense. Mais le conseil

23 de la Défense a également dit qu'il n'essaie nullement de justifier le

24 pilonnage de Zagreb. Dans ces conditions, je ne comprends pas quelle est la

25 pertinence de la cause du pilonnage. Mais le témoin nous en a déjà parlé.

26 Il a déjà dit ce qu'il en était et nous avons bon nombre d'éléments de

27 preuve sur les raisons de cette opération Eclair et sur les raisons du

28 pilonnage. Donc voici encore un effort entrepris pour parler de l'opération

Page 3822

1 Eclair, de ce qui s'y est passé et tout ceci sort complètement du champ de

2 l'interrogatoire principal, et d'autre part, cela n'a pas de pertinence. Ce

3 qui s'est passé lors de l'opération Eclair n'a aucun intérêt pour le procès

4 en l'espèce.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic ?

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, en tant que conseil de

7 la Défense, j'ai du mal à poser des questions qui n'ont aucun sens et des

8 questions sans intérêt. Bon, si c'était ce qu'exigeait le Procureur, je

9 pourrais le faire, mais le témoin nous a dit qu'il était ambassadeur des

10 Etats-Unis en Croatie, le 2 et le 3 mai; l'attaque a eu lieu ce jour-là et

11 ce n'était pas justifié nous a-t-il dit militairement parlant. Toutes les

12 questions que je lui ai posées c'était de savoir pourquoi il en était

13 arrivé à des conclusions que cette attaque n'avait pas de justification

14 militaire. Alors, si je n'ai pas le droit de poser ces questions-là au

15 témoin, bien, il va tout simplement falloir que j'interrompre mon contre-

16 interrogatoire.

17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de

18 nous dire que l'attaque avait une justification militaire ? Est-ce que

19 c'est la position de l'équipe de la Défense ? D'autre part, est-ce que vous

20 avez donné une raison à cette justification militaire ? Veuillez me

21 répondre, Maître Milovancevic.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, la Défense n'en ait pas

23 au stade où elle peut mener des interrogatoires principaux. Elle est

24 simplement en train de contre-interroger un témoin, ceci afin d'examiner

25 plus -- avant ce qu'a dit le témoin à charge. Nous avons un témoin qui

26 n'est certes pas un expert militaire mais qui a joué un rôle clé pendant

27 cette période en Croatie. Je crois que ces informations, que peut nous

28 communiquer le témoin, sur l'existence d'une justification militaire ou pas

Page 3823

1 peut être intéressant aussi bien pour l'Accusation que la Défense, nous

2 avons entendu des témoins à charge parler de mai 1995, M. Dzakula, d'autres

3 encore. Je me contente simplement de poser au témoin des questions dont

4 nous estimons qu'elles sont pertinentes. Nous essayons de fouiller --

5 d'aller plus avant dans ce qui a été dit par le témoin. Il ne s'agit pas

6 ici de présenter notre thèse.

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Mais cela n'a rien à voir avec

8 votre thèse, avec votre plaidoirie. Cela a à voir aux droits de la Défense

9 de procéder à un contre-interrogatoire dans -- sur tel ou tel domaine.

10 Alors, il s'agit de thèmes qui doivent avoir été évoqués lors de

11 l'interrogatoire principal. Il y a des règles qui s'appliquent, des règles

12 qu'il faut respecter. Si vous n'interrogez pas le témoin pour contester ce

13 qu'il a dit au sujet de la justification militaire et la nature de cette

14 justification militaire, à ce moment-là, je ne vois pas comment vous pouvez

15 aller plus loin. Vous pouvez poser ces questions au témoin.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

17 Q. Monsieur Galbraith, vous étiez à l'ambassade des Etats-Unis à Zagreb le

18 matin du 2 et le matin du 3 mai, quand s'est produit exactement la même

19 chose, c'est-à-dire, vous avez entendu des explosions. Pourriez-vous nous

20 dire ce qui vous permet de dire que les explosions qui ont eu lieu à Zagreb

21 et que tous les événements qui les entouraient n'avaient pas de

22 justification militaire ? Sur quoi vous fondez vous pour en arriver à une

23 telle conclusion ?

24 R. Il s'agissait d'offensive menée contre une ville, contre des cibles

25 civiles. Il n'y avait pas aux alentours de cibles à caractère militaire.

26 L'hôpital des enfants, une école, le théâtre national, une rue, et cetera

27 ont été touchés lors de cette offensive. Il n'y avait pas de justification

28 militaire à ce fait, à ce fait de frapper, de battre des cibles civiles,

Page 3824

1 bien qu'il y ait eu conflit entre les forces croates et celles de ce qu'on

2 appelait la RSK. Selon moi, ces attaques avaient pour objectif de semer la

3 terreur, et cela était effectivement le cas. En outre, l'accusé m'avait

4 précédemment fait savoir qu'il lancerait des attaques afin de causer des

5 dégâts à Zagreb, de détruire Zagreb, et l'objectif, c'était de terroriser

6 la population, et ce n'était pas un objectif à caractère militaire.

7 Q. Vous avez parlé de votre réunion avec M. Martic au cours de laquelle il

8 vous a mis en garde. Il vous a dit que si les autorités croates dirigées

9 par Franjo Tudjman attaquaient la RSK, il s'en suivrait des opérations

10 contre les villes croates. Mais pouvez-vous nous dire pourquoi, dans ces

11 conditions, il aurait visé les villes croates ? Pourquoi mener une telle

12 opération ?

13 R. Les discussions se déroulaient dans le contexte suivant. Je lui avais -

14 - je l'avais mis en garde. J'avais dis que les opérations menées par la

15 RSK, en particulier à Bihac, et le fait qu'aucune négociation n'était

16 menée, tout ceci donc rendait fort probable une intervention militaire de

17 la part de la Croatie. Je l'ai également mis en garde. Je lui ai dit que,

18 selon moi, la RSK ne survivrait pas à une action militaire. D'ailleurs,

19 ceci a été confirmé tout à fait parce qu'il s'est passé ensuite en 1995. Il

20 a répondu à ce que je lui disais en me disant que j'avais tort, que la RSK

21 était en mesure d'assurer sa défense, et qu'elle était en mesure de lancer

22 une attaque contre Zagreb. Donc, voilà exactement le contexte dans lequel

23 il m'a lancé cette mise en garde. En fait, ce qu'il disait par là, c'est :

24 "Nous pouvons dissuader une attaque croate," ou "nous pouvons en rendre les

25 conséquences si désagréables, si -- puisque nous pouvons arriver, nous

26 pouvons toucher, nous pouvons attaquer leur capitale que -- de ce fait, les

27 Croates ne nous attaqueront pas."

28 Q. Est-ce qu'en tant que juriste, vous avez déjà entendu parler du terme

Page 3825

1 de représailles ?

2 R. D'abord. Certes, je suis diplômé en droit, mais je n'ai jamais été

3 avocat, je n'ai jamais plaidé. Deuxièmement, oui, j'ai déjà entendu parler

4 de ce terme de représailles. Je ne pense pas qu'il s'agit là d'un -- d'une

5 pratique morale ou légale, la pratique donc qui consiste à mener des

6 représailles contre des cibles civiles.

7 Q. Nous avons parlé pour l'instant de l'accord du cessez-le-feu de Zagreb

8 en date de la fin mars 1994. Nous avons également évoqué l'accord

9 économique, et vous avez dit que le territoire du RSK faisait partie des

10 zones de protection des Nations Unies. Est-ce que cet accord de Zagreb, qui

11 est signé à la fin du mois de mars 1994, et qui prévoyait un cessez-le-feu

12 en mai 1995, est-ce qu'il était appliqué à ce moment-là ?

13 R. Oui.

14 Q. En Slavonie occidentale, là où a eu lieu l'opération Tempête, est-ce

15 qu'il y avait des forces des Nations Unies, des forces de la FORPRONU à la

16 fin avril ou au début mai 1995 ?

17 R. Non.

18 M. WHITING : [interprétation] Je crois qu'il y a eu une erreur, soit

19 d'interprétation, soit un lapsus de la part du Défense au cours de la

20 question précédente, puisque le -- nous avons entendu parler de l'opération

21 Tempête, alors qu'en fait, sans doute, l'avocat souhaitait-il faire

22 référence à l'opération Eclair.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui. Qu'en est-il, Maître ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, excusez-moi. C'est un lapsus de ma

25 part, je voulais parler de l'opération Eclair du 1er mai 1995.

26 R. La réponse est oui.

27 Q. Savez-vous combien de jours l'opération Flash a duré, et ce qui est

28 arrivé à la population serbe dans cette zone pendant cette période ?

Page 3826

1 M. WHITING : [interprétation] Objection, Madame le Juge.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] Cela va -- sort du champ d'un interrogatoire

4 direct, de l'interrogatoire principal, et de plus, cela n'est pas pertinent

5 pour toutes les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, et parce que cela

6 dépasse les dispositions qui ont été prises par la Chambre, tel que je les

7 ai compris en tant -- en concernant le fait de limiter les contre-

8 interrogatoires à la justification militaire, je ne vois pas où est la

9 question.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, Monsieur Milovancevic.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mon intention était de vérifier si le

12 témoin, qui était l'ambassadeur des Etats-Unis à l'époque, qui est -- était

13 à l'ambassade le 2 et le 3 mai, l'ambassade étant en dehors de la zone où

14 l'opération a eu lieu, est-ce que le but était de vérifier s'il était

15 capable d'évaluer la justification militaire des événements ? Mon éminent

16 confrère a demandé au témoin quel poste il occupait à l'époque, dans quelle

17 situation il était, de façon à répondre à la question de si cela était

18 justifiée ou non. Ma question était simplement un suivi de cette question -

19 - une suite à cette question.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que vous dites que

21 l'opération Flash constituait la substance de la justification militaire ?

22 S'agit-il de votre position ?

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge --

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous demande de répondre

25 directement.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'essaie d'établir un lien causal entre

27 le pilonnage de Zagreb et l'opération Eclair. J'essaie

28 -- je tente d'établir un lien causal direct, c'est la base, le fondement de

Page 3827

1 ma question.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pouvez-vous dire quel est le lien

3 causal, disons, je vais vous aider à poser votre question. Quel est le lien

4 de causalité directe, Maître Milovancevic ?

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le lien direct, le lien de causalité

6 vient du fait que le premier témoin de l'Accusation qui a déposé dans le

7 cadre de cette affaire a dit : "Que l'opération a duré le 2 et le 3 mai" et

8 même continué après. Le deuxième témoin qui a déposé ici a dit qu'il

9 s'agissait du mois de mai. D'après des informations officielles et qu'il y

10 avait eu 180 victimes dans la zone où l'opération a eu lieu, et qu'il y en

11 avait eu 8 à Zagreb. Donc, j'essaie simplement d'établir -- j'essaie

12 simplement de savoir si le témoin était mesure de conclure si cela était

13 justifié d'un point de vue militaire ou pas.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que l'un de ces témoins a

15 dit que le fait -- que cela était donc justifié de manière militaire, que

16 cette intervention militaire -- que le pilonnage de Zagreb était --

17 constituait la justification de cela.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai pas -- je n'ai jamais dit si

19 c'est à la Chambre de décider cela. La seule chose que j'essaie de faire --

20 que je tente de faire, c'est d'aider à la Chambre à établir des faits qui

21 sont de savoir si le témoin est en mesure de témoigner à ce sujet. Le

22 témoin, en répondant à une question qui a été posée par le procureur, n'a

23 pas été en mesure de répondre à la question parce que cela allait au-delà

24 de ses compétences, parce qu'il n'était pas si bien informé de la situation

25 sur le terrain. Donc, j'essayais simplement d'arriver aux fondements des

26 raisons par lesquelles il pensait qu'il était en mesure de répondre à cette

27 question.

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, ces témoins

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1 n'ont pas à tirer de conclusion. Je ne vois pas comment vous pouvez poser

2 cette question au témoin de cette manière. Je répète et je pense que j'ai

3 été très patiente, que la Chambre a été très patiente, vous pouvez, si vous

4 avez une question à poser au témoin vous pouvez lui poser, mais vous pouvez

5 lui poser la question de cette manière mais je ne pense pas que cela soit

6 nécessaire. Je pense nous pouvons passer à autre chose parce que, si vous

7 ne faites pas les choses telles que je vous les explique, cela ne sert à

8 rien de continuer. Jusqu'à maintenant, la Chambre a été patiente et elle

9 vous demande et elle tiendra bon quant à ce qu'elle vient de vous dire.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

11 Q. Monsieur Galbraith, en répondant à ma question, vous avez dit que les

12 autorités croates ont saisi l'occasion qu'ils leur ont été donnée par

13 l'incident sur l'autoroute pour reprendre, pour prendre la Slavonie

14 occidentale. Ont-ils réussi à prendre le contrôle de Slavonie occidentale

15 par l'intermédiaire de l'opération Eclair ?

16 R. Oui.

17 Q. Savez-vous si cette prise d'une zone protégée de l'ONU, à la suite

18 d'une opération militaire, a été prise par la force ?

19 M. WHITING : [interprétation] Je vais faire une objection. La Défense -- le

20 conseil de la Défense en revient toujours à la même question sous une forme

21 ou sous une autre. J'estime que, ce faisant, le conseil de la Défense ne

22 respecte pas les règles qui ont été posées par cette Chambre à ce sujet.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, je vous

24 demande de respecter les règles.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais le faire.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]

27 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que c'est inaudible pour les interprètes.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

Page 3829

1 Q. Monsieur le Témoin, on vous a montré un film ou M. Martic parle de

2 l'opération lorsque Zagreb a été attaqué le 2 et le 3 mai; vous en

3 souvenez-vous ?

4 R. Oui.

5 Q. Lorsque vous avez répondu à la question du Procureur, vous avez dit que

6 M. Martic a dit quelque chose, que vous aviez déjà entendu, que vous avez

7 reconnu la raison ou plus exactement la façon qu'il avait d'expliquer

8 comment les choses se sont passées, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Ai-je donc raison de dire que vous avez confirmé que

11 M. Martic avait expliqué que le pilonnage de Zagreb par rockets avait

12 empêché des opérations militaires supplémentaires et plus de souffrance

13 pour la population ?

14 R. Non. Ce que j'ai voulu dire, ce qu'il a expliqué dans le film, le

15 morceau de film que nous avons vu c'est que le bombardement -- l'attaque à

16 la roquette de Zagreb était des représailles contre l'opération militaire

17 des Croates. C'est cela que nous avons compris, d'après toutes les sources

18 que nous avions et, franchement, d'après ce que j'ai compris dans les

19 conversations que j'ai eues avec lui, c'était qu'il s'agissait d'un acte de

20 représailles, de vengeance qui ciblaient la ville de Zagreb en réponse à

21 une opération militaire croate. C'est ce qu'il dit dans ce film et je

22 confirme comme étant ce que j'avais compris de son explication. En ce qui

23 concerne les conséquences, je pense pas que les représailles, que le

24 bombardement de Zagreb, d'une manière ou d'une autre, était la raison pour

25 laquelle les Croates ont arrêté leurs opérations militaires, qu'ils ont

26 arrêté leurs opérations dans la montagne, qu'ils avaient conquis l'ensemble

27 de la Slavonie occidentale. Il n'y avait pas de raison d'avoir -- de mener

28 des opérations militaires supplémentaires.

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1 Q. Ce que vous venez dire, c'est votre compréhension de ce Martic avait

2 expliqué, n'est-ce pas ?

3 R. J'ai compris que Martic, dans le film, disait qu'il avait ordonné que

4 des roquettes soient lancées contre Zagreb et qu'il le faisait en

5 représailles aux attaques croates, en représailles aux actions militaires,

6 aux opérations militaires croates, dans le cadre de l'opération Flash.

7 Q. Une question supplémentaire concernant les représailles dans cette

8 situation. Vous avez dit que la Croatie avait arrêté ses opérations parce

9 qu'elle avait capturé toute la zone; savez-vous quand cela a eu lieu ?

10 R. Cela s'est fait très rapidement, il y a peut-être eu des opérations de

11 nettoyage qui ont continué quelques jours après l'opération militaire de

12 départ, mais, au bout de trois ou quatre jours, ou peut-être une semaine,

13 ils avaient le contrôle total de la zone.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez par

15 "des opérations de nettoyage" ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont fait descendre l'autoroute à leurs

17 troupes. Ils ont pris l'autoroute, et ensuite, il y a des forces serbes qui

18 sont placées; c'est au nord de la position des Croates. Ils les ont

19 capturés et peut-être qu'il y a eu d'autres échauffourées, mais l'opération

20 s'est terminée très rapidement.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Votre opinion qu'il n'y avait pas de

23 justification militaire à -- cette position dans le rapport de l'envoyé

24 spécial des Nations Unies concernant ce qui s'est passé au moment de

25 l'opération "Flash"; cela faisait-il partie de votre position ?

26 M. WHITING : [interprétation] Je vais formuler la même objection pour les

27 mêmes raisons.

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

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1 M. WHITING : [interprétation] Je pense que le témoin a répondu à la

2 question concernant l'opération "Flash", concernant le fait qu'il n'y pas

3 de justification militaire. Le conseil de la Défense a refusé à plusieurs

4 reprises de répondre à la question de la Chambre de savoir s'il adopte la

5 position que l'opération "Eclair" était -- constituait une justification

6 militaire pour le pilonnage de Zagreb. Il continue de lui poser ces

7 questions-là.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic.

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, concernant l'objection,

10 concernant les questions dans -- que j'ai posées concernant M. Akashi, je

11 voulais savoir si la position qui était adoptée par le témoin était la

12 sienne ou celle de ses gouvernements, ou celle des Nations Unies. C'est la

13 raison pour laquelle je lui ai posé cette question.

14 En ce qui concerne la deuxième partie de cette objection qui concerne

15 la position de la Défense de savoir s'il y a une justification -- s'il

16 s'agit d'une justification ou pas, je ne dis pas que l'opération Tempête

17 était une justification pour Zagreb. En fait, ce que je dis c'est que ces

18 événements ont eu lieu simultanément et qu'ils ont très certainement un

19 lien de causalité entre eux. En ce qui concerne la chronologie des faits,

20 c'est au témoin de nous répondre.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais vous demander de lui

22 poser directement la question et une bonne fois pour toute -- de lui poser

23 la question, Maître Milovancevic.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

25 Q. Monsieur Galbraith, pour répondre à la question du Procureur

26 concernant le fait qu'il n'y avait pas de justification militaire, vous

27 avez pris position -- vous avez exprimé une opinion qui vient et qui est

28 celle d'un ancien ambassadeur des Etats-Unis en Croatie. S'agit-il de votre

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1 position personnelle et la position de votre gouvernement, la position à

2 laquelle vous en êtes arrivé après avoir -- concertation avec les

3 représentants des Nations Unies ou d'autres représentants de la communauté

4 internationale ?

5 R. Il s'agissait de la position des Etats-Unis, c'est-à-dire mon

6 gouvernement qu'il n'y avait pas de justification militaire. Il n'y avait

7 pas de justification juridique et qu'il n'y avait pas de justification du

8 tout pour le -- au pilonnage de Zagreb. C'était également une position que

9 je partageais moi personnellement. Je pense qu'il s'agit également de la

10 position des Nations Unies. Pour répondre à votre question qui était plus -

11 - sur un plan plus général, il s'agit de ma position et il s'agissait de la

12 position du gouvernement -- de mon gouvernement qui était que lorsqu'il y a

13 infractions, atteinte aux droits de l'homme, qui sont commises par le

14 gouvernement de la Croatie, nous en étions les critiques les plus fervents

15 du gouvernement de Croatie concernant ces atteintes aux droits de l'homme.

16 En particulier, en ce qui concerne les Serbes de Krajina qui pour nous cela

17 en rien ne justifiait le fait de tuer de manière intentionnelle des civils

18 innocents dans une grande ville croate.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Cela avait un lien direct avec

20 l'opération Eclair ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est lié à l'opération.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Qui a eu lieu -- que s'est-il

23 passé pendant le conflit ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, tout ce qui s'est passé pendant

25 l'opération Eclair et, pendant l'opération Tempête et dans d'autres

26 circonstances, c'est qu'il y a eu des atteintes graves aux droits de

27 l'homme contre la population serbe locale en Croatie et dans la partie de

28 la Croatie qui n'était pas comprise dans ce qui était appelé la RSK. Tout

Page 3833

1 cela a eu lieu. Nous y avons émis des objections à cet égard, mais nous ne

2 pensions pas que cela justifiait d'une manière ou d'une autre une épuration

3 ethnique ou une attaque de roquettes sur Zagreb, ou tout autre type

4 d'actions qui étaient considérées comme étant des crimes.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci. Je pense que cela répond à

6 votre question, Maître Milovancevic. Je pense que maintenant le moment --

7 l'heure est venue de lever la séance, donc, nous pourrons reprendre ce

8 sujet demain lorsque nous reprendrons la séance.

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci. La Défense en a terminé avec ce

10 sujet.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bien nous pouvons lever la séance

12 et nous reprendrons demain à 9 heures.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 26 avril

14 2006, à 9 heures 00.

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