Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 6 juin 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

6 M. WHITING : [interprétation] C'est M. Black qui s'occupera du témoin

7 suivant.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

9 Monsieur Black.

10 M. BLACK : [interprétation] Bonjour. A moins que vous ne souhaitiez aborder

11 des questions particulières, je cite le témoin suivant, le lieutenant-

12 colonel Jozef Poje.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin veut-il bien prononcer la

16 déclaration solennelle ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN: JOZEF POJE [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez prendre

22 place.

23 Monsieur Black, allez-y.

24 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par M. Black :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous m'entendez bien ?

27 R. Bonjour. Oui, je vous entends bien.

28 Q. Si à quelque moment que ce soit vous ne comprenez pas l'une de mes

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1 questions, dites-le-moi et j'essaierai de la reformuler de manière à être

2 plus précis.

3 R. Très bien.

4 Q. Si vous avez des problèmes avec les écouteurs, faites-le-nous savoir et

5 l'huissier vous portera assistance.

6 Est-ce que vous pourriez décliner votre identité aux fins du compte

7 rendu d'audience, s'il vous plaît ?

8 R. Je m'appelle Jozef Poje.

9 Q. Je vous poserai quelques questions au sujet de votre parcours avant

10 d'aborder la teneur de votre rapport d'expert. Vous êtes né en 1948 en

11 Slovénie, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. Je suis né le 4 mars 1948, à Ptuj, en République de Slovénie.

13 Q. Est-ce que vous avez déménagé avec votre famille en Croatie pendant

14 votre enfance ?

15 R. En 1961, j'ai quitté Ptuj pour m'installer à Pula en République de

16 Croatie.

17 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle est votre expérience

18 au sein de la JNA jusqu'à l'année 1991 ? Pourriez-vous dire aux Juges

19 quelles fonctions vous avez exercées et où vous étiez basé ?

20 R. J'ai suivi mes études secondaires et j'ai obtenu mon diplôme en 1967.

21 Cette même année, je suis allé à l'académie militaire de Belgrade et j'ai

22 obtenu mon diplôme de l'académie militaire à Zadar en 1971. J'étais sous-

23 lieutenant d'artillerie. A partir de 1971 et jusqu'en 1975, je commandais

24 une batterie de mortiers de 120 millimètres à Idovcina; c'était au sein de

25 la 253e Section d'infanterie, ou plutôt du régiment. Ensuite, j'ai été muté

26 à la batterie antichar et j'ai été commandant de cette batterie à Ptuj. En

27 1978, j'ai été muté au centre d'enseignement de Zadar où j'ai enseigné la

28 théorie du tir. J'ai travaillé pendant 13 ans en tant qu'enseignant à Zadar

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1 et j'ai également enseigné pendant une année à l'école des officiers de

2 réserve. Pendant dix ans, j'ai travaillé au service d'artillerie de

3 l'académie militaire, puis j'ai passé deux années en tant qu'enseignant.

4 J'ai enseigné la théorie du tir et j'ai commandé diverses divisions.

5 Le 2 août 1991, j'ai décidé de quitter les rangs de l'armée populaire

6 yougoslave.

7 Q. Où êtes-vous allé ?

8 R. J'ai quitté Zadar pour me rendre en Slovénie, et j'ai été employé au

9 ministère de la Défense de la République de Slovénie. Pendant un an, j'ai

10 travaillé au service du développement de l'éducation et de la formation, et

11 de 1992 jusqu'à ce jour, je travaille au centre d'enseignement qui fait

12 partie de l'école militaire. Ce centre est appelé le commandement pour la

13 doctrine, le développement, la formation et l'éducation des troupes.

14 Q. Vous avez été membre actif des forces armées slovènes, n'est-ce pas ?

15 R. Oui. Je suis toujours membre actif des forces armées de la République

16 de Slovanie, comme je l'ai déjà dit, je travaille au commandement chargé de

17 la doctrine, du développement, de la formation et de l'éducation; je suis

18 chef du service d'artillerie.

19 Q. Quel est votre grade ?

20 R. Je suis lieutenant-colonel.

21 Q. Dans l'une de vos réponses, vous avez dit que vous enseigniez la

22 théorie et les règles du tir. Est-ce qu'il s'agit là de l'artillerie ?

23 R. J'étais commandant d'artillerie et je me suis intéressé à l'artillerie

24 en tant qu'enseignant également. J'ai enseigné la théorie et la pratique du

25 tir.

26 Q. Est-ce que votre enseignement a toujours été purement théorique ou est-

27 ce que vous avez également participé à des exercices pratiques en matière

28 d'artillerie ?

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1 R. Pendant les cours de formation, en plus de la théorie, nous avons

2 également fait des exercices pratiques, des tirs d'artillerie. A Zadar,

3 j'ai tiré environ 15 000 projectiles différents de calibre 20 millimètres à

4 155 millimètres.

5 Q. Pour en terminer avec votre parcours, est-ce que vous avez déposé en

6 tant que témoin expert dans le cadre de l'affaire Strugar portée devant ce

7 Tribunal en 2004 ? Est-ce que vous avez témoigné à cette occasion en tant

8 qu'expert en artillerie ?

9 R. En 2004, j'ai témoigné en tant que témoin expert devant ce Tribunal.

10 J'ai témoigné au sujet de questions relatives à l'artillerie dans le cadre

11 de l'affaire Strugar.

12 Q. Merci. Nous allons maintenant parler de l'affaire qui nous intéresse,

13 le Procureur contre Milan Martic. Le bureau du Procureur en l'espèce vous

14 a-t-il demandé de préparer un rapport concernant cette affaire ?

15 R. Oui, c'est exact. On m'a demandé de rédiger un rapport.

16 Q. Est-ce que vous l'avez fait ?

17 R. Oui. J'ai rédigé ce rapport qui comporte 80 pages.

18 M. BLACK : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche à l'écran la

19 pièce à conviction numéro 7, s'il vous plaît.

20 Q. Sur l'un des écrans que vous avez sous les yeux, vous allez voir

21 apparaître un document. S'agit-il là du rapport que vous avez préparé pour

22 cette affaire ?

23 R. Oui. Il s'agit bien là du rapport que j'ai préparé.

24 Q. J'ai remarqué que vous avez un document devant vous, est-ce qu'il

25 s'agit de ce même rapport ?

26 R. Oui, effectivement.

27 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, ce rapport a été versé

28 au dossier en application de la décision rendue par la Chambre le 13

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1 janvier 2006. Il s'agit de la pièce à conviction numéro 7. Ce que je

2 propose de faire, c'est de vous remettre une version papier de ce rapport.

3 Le témoin en a une. Nous allons examiner plusieurs documents, donc on ne

4 peut pas avoir en même temps le rapport et les documents à l'écran. Je

5 pense qu'il serait plus pratique de procéder de cette manière. J'ai un

6 exemplaire en B/C/S également, mais je pense que la Défense a déjà un

7 exemplaire.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Black.

9 M. BLACK : [interprétation] Il y a encore quelque chose. Pendant la séance

10 de récolement, nous avons remarqué quelque chose. Je souhaiterais apporter

11 une correction. Il y a un problème de traduction à la page 33 dans la

12 version anglaise. Les chiffres ne sont pas exacts. Par contre, la version

13 en B/C/S est exacte. Nous avons omis de corriger la version finale du

14 rapport en anglais.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Black.

16 M. BLACK : [interprétation]

17 Q. Monsieur Poje, que vous a-t-on demandé de traiter dans votre rapport ?

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je présente mes

19 excuses à mon confrère, je ne voulais pas l'interrompre, mais pourrait-on

20 remettre à l'accusé un exemplaire de ce rapport dans sa langue maternelle ?

21 Il n'en a pas pour le moment.

22 M. BLACK : [interprétation] J'ai un exemplaire supplémentaire. Nous pouvons

23 le remettre à l'accusé.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.

26 M. BLACK : [interprétation]

27 Q. Monsieur Poje, excusez-nous de cette interruption. Il s'agissait d'une

28 question de procédure.

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1 Je vous demandais sur quoi portait votre rapport d'expert. De quoi vous a-

2 t-on demandé de traiter dans ce rapport ?

3 R. On m'a demandé de donner mon rapport d'expert. Dans ce rapport, on m'a

4 demandé de donner mon avis d'expert concernant l'utilisation du lance-

5 roquettes multiples automoteur M87 Orkan et les conséquences de son

6 utilisation sur la ville de Zagreb les 2 et 3 mai 1995.

7 Q. On vous a demandé de fournir votre avis concernant la légalité du

8 pilonnage de Zagreb ?

9 R. Non, on ne m'a pas demandé de donner mon avis en tant que juriste, mais

10 en tant qu'expert en artillerie. Il s'agissait pour moi de fournir des

11 renseignements concernant les conséquences de l'utilisation du lance-

12 roquettes Orkan en tant qu'arme, du point de vue technique, donc j'ai dû

13 communiquer des renseignements d'ordre technique concernant l'utilisation

14 du lance-roquettes Orkan et ses effets.

15 Q. Merci. Est-ce que l'on vous a demandé d'analyser de quelque manière que

16 ce soit les activités des forces armées croates ?

17 R. Non. On ne m'a pas demandé de m'intéresser aux activités des forces

18 armées croates. Dans mon rapport, je n'en parle absolument pas. Je ne parle

19 pas du tout des forces armées croates dans mon rapport.

20 Q. Quelles sources avez-vous utilisées pour préparer votre rapport

21 d'expert ?

22 R. Lorsque j'ai préparé mon rapport, je me suis servi des documents

23 militaires existants, c'est-à-dire des documents utilisés par l'armée

24 populaire yougoslave. D'autre part, je me suis servi de rapports et de

25 documents qui m'ont été communiqués par l'Accusation pour préparer mon

26 rapport. Je me suis également servi d'autres sources, sur internet surtout.

27 Q. Très bien. Revenons-en à la teneur de votre rapport. Dans votre rapport

28 vous faites état de nombreuses informations pertinentes, mais je vais

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1 m'intéresser aux aspects les plus importants de votre rapport. Je vous

2 invite à examiner la section 3.8.1 page 45 en B/C/S, page 37 en anglais.

3 Dans cette partie de votre rapport, vous décrivez les

4 caractéristiques du lance-roquettes multiples automoteur Orkan. Avant

5 d'entrer dans les détails, je vous poserais une question brève concernant

6 les sources. A la note de bas de page 18, vous mentionnez un site internet.

7 Est-ce que vous avez consulté d'autres sources concernant les

8 caractéristiques du lance-roquettes multiples Orkan

9 M87 ?

10 R. Dans mon rapport, j'ai indiqué les sources utilisées dans mes notes de

11 bas de page. J'ai toutefois omis de mentionner cela. J'étudiais les

12 tactiques de tir pour le lance-roquettes Orkan, j'ai trouvé d'autres

13 sources sur internet à cet égard. En tout état de cause, j'ai décidé de

14 laisser cela dans le rapport, car les informations trouvées sur ce site

15 étaient les plus complètes et les plus détaillées. Même si je me suis servi

16 d'autres sources, j'ai comparé les renseignements trouvés ici avec les

17 tables de tirs. J'ai fait une étude comparative avec d'autres sites

18 internet. Il n'y a pas de différence majeure pour ce qui est des

19 caractéristiques de l'utilisation du lance-roquettes multiples Orkan. Il

20 n'y avait pas de différence entre les informations trouvées sur ce site et

21 sur d'autres sites.

22 Q. Sur la base des autres renseignements que vous avez examinés, pouvez-

23 vous nous dire quelle est l'utilisation principale d'un lance-roquettes

24 multiples Orkan pendant les combats ? A quoi sert-il ce lance-roquettes ?

25 R. Le lance-roquettes multiples automoteur M87 Orkan est conçu pour être

26 utilisé dans le cadre d'actions menées contre des troupes et du matériel.

27 Sa puissance de destruction est très importante.

28 Q. Lorsque vous parlez de troupes et de matériel, est-ce que vous pourriez

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1 nous préciser, à nous qui sommes néophytes, ce que vous entendez par là, de

2 quel type d'objectifs s'agit-il ?

3 R. Le lance-roquettes multiples est censé fournir un appui feu aux unités.

4 Il peut neutraliser tous types de force, je veux parler notamment des

5 troupes qui sont prises pour cible. Il peut également être utilisé contre

6 les véhicules blindés.

7 Q. Cela vous paraît peut-être évident, mais lorsque vous parlez des unités

8 elles-mêmes, est-ce que vous voulez parler des soldats ou d'autre chose.

9 Est-ce que vous pourriez préciser votre réponse de façon à ce que les

10 choses soient bien claires, s'il vous plaît ?

11 R. Je voulais parler avant tout des soldats. Nous savons en effet que les

12 unités se composent de soldats et d'équipements techniques. Le lance-

13 roquettes Orkan était censé être utilisé contre les unités militaires,

14 qu'il s'agisse des soldats qui la composent ou de l'équipement technique.

15 Q. Est-ce que le lance-roquettes multiples M87 était conçu pour être

16 utilisé contre des zones peuplées comme les villes ?

17 R. Vu sa haute capacité de dispersion le lance-roquettes Orkan n'est pas

18 adapté pour être utilisé contre des zones fortement peuplées, mais pour des

19 zones qui ne sont pas trop densément peuplées. Même s'il y a des objectifs

20 militaires qui peuvent se trouver dans des zones peuplées, il est très

21 probable que les roquettes, en se dispersant, touchent la population

22 civile, notamment lorsque cette population n'a pas été évacuée à temps ou

23 n'a pas eu le temps de trouver un abri. Je tiens à répéter que le lance-

24 roquettes Orkan n'est pas adapté pour être utilisé contre des zones

25 densément peuplées.

26 Q. Nous allons revenir sur ce sujet un peu plus tard. D'après votre

27 rapport, le lance-roquettes multiples Orkan comprend plusieurs parties; un

28 véhicule, des roquettes, et cetera. Je souhaiterais vous poser quelques

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1 questions au sujet des parties qui composent ce lance-roquettes. Je vous

2 invite à examiner de nouveau le début de la partie 3.8.1. Page 35 [comme

3 interprété] en B/C/S, page 37 en anglais. Que voit-on sur la photographie

4 qui se trouve sur cette page ?

5 R. Est-ce que vous pourriez me donner une fois de plus le numéro de la

6 page ?

7 Q. Je pense qu'il doit s'agir de la page 45. Cette photographie apparaît

8 sur l'écran que vous avez sous les yeux également.

9 R. Oui, je la vois. Nous voyons ici un lance-roquettes multiples Orkan

10 M87. Nous voyons le véhicule qui le transporte et le lance-roquettes lui-

11 même.

12 Q. Vous en parlez en détail dans votre rapport, mais pourriez-vous nous

13 décrire, en termes généraux, les caractéristiques de ce lance-roquettes et

14 du véhicule sur lequel il est monté ?

15 R. Comme vous le voyez sur cette photographie, il s'agit d'un véhicule sur

16 lequel est monté un lance-roquettes. Il s'agit d'un lance-roquettes

17 multiples à 12 canons. Il est monté sur un véhicule de type FAP. Il s'agit

18 d'un véhicule qui peut facilement être manœuvré. Il s'agit d'un véhicule de

19 15 tonnes. Lorsque le lance-roquettes est chargé, la masse totale du lance-

20 roquettes est de 32 tonnes environ.

21 Q. Combien de temps faut-il au lance-roquettes Orkan M87 pour être

22 opérationnel, prêt à tirer lorsqu'il arrive sur une position ?

23 R. La durée de la préparation au tir du lance-roquettes Orkan est de deux

24 à trois minutes.

25 Q. L'Orkan M87 lance-t-il toutes ses roquettes en même temps ou les lance-

26 t-il les unes après les autres ?

27 R. Il est possible de tirer à l'aide du lance-roquettes Orkan par

28 roquettes lancées séparément ou par tir impliquant l'ensemble des

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1 roquettes; à savoir que l'on peut tirer pendant deux, quatre ou six

2 secondes, on peut mettre en action deux canons et ensuite les canons qui

3 suivent, mais à des intervalles de temps bien déterminés qui sont de deux

4 secondes, quatre secondes et six secondes.

5 Q. Quelle est la portée approximative du tir d'un M87 Orkan ?

6 R. Dans la littérature technique que j'ai étudiée, la portée maximale de

7 tir pour cette arme est un peu supérieure à 50 kilomètres. Dans les

8 tableaux de tir américains, 50 kilomètres et dans les tableaux de tir

9 américains en particulier, la portée qui est citée est de 51 093 mètres. En

10 tout cas, et maintenant, je me corrige en disant cela, ma réponse

11 consistera à vous dire qu'elle est, dans tous les cas, supérieure à 50

12 kilomètres, légèrement supérieure.

13 Q. Parlons maintenant de ces roquettes, quel genre de roquettes est tiré

14 par un M87 Orkan ?

15 R. Le M87 Orkan tire deux types de roquettes qui ont deux ogives de types

16 différents. Les ogives peuvent être de deux types différents pour cette

17 arme dont le calibre est de 262 millimètres. Il peut y avoir une ogive avec

18 bouclier et une ogive sans bouclier.

19 Q. Avant d'en venir à cela, j'aurais d'autres questions à vous poser. Est-

20 ce que la roquette de 262 millimètres est une roquette guidée ?

21 R. Comme c'est le cas pour la plupart des lance-roquettes multiples, les

22 roquettes tirées par le M87 Orkan ne sont pas guidées. Autrement dit, elles

23 volent comme le font tous les projectiles classiques, sans système de

24 guidage.

25 Q. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail quant à ce que vous

26 entendez par les termes de projectiles classiques sans système de guidage ?

27 R. Cela veut dire que le projectile a un vol libre qui dépend de

28 l'élévation décidée et de la cadence de tir décidé à l'avance, avant le

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1 tir, donc de la vitesse que la roquette a acquise à sa sortie du canon et

2 de la variation de cette vitesse entre ce moment et le moment où la

3 roquette atteint sa cible. Il s'agit d'un vol libre qu'il est impossible de

4 corriger entre le moment où il a commencé et le moment où il s'achève et

5 qui dépend exclusivement des paramètres que nous avons fixés au préalable,

6 c'est-à-dire au moment où l'on détermine les diverses données techniques du

7 tir; à savoir la cadence initiale et la hauteur et l'angle de tir qui sont

8 les deux paramètres à prendre en cause pour déterminer le trajet que va

9 suivre la roquette pendant son vol.

10 Là, il y a un point que j'aimerais souligner et que je répète encore

11 une fois, il nous est impossible d'avoir une influence sur le trajet de la

12 roquette pendant son vol, lorsque celle-ci a commencé.

13 Q. Merci pour ces explications. Parlons des ogives que vous venez

14 d'évoquer et vous avez dit qu'elles étaient de deux types différents. Les

15 ogives à fragmentation utilisent, n'est-ce pas, de petites balles

16 nombreuses qui se trouvent à l'intérieur de l'ogive ?

17 R. Nous avons dit que le M87 Orkan utilisait deux types différents

18 d'ogives. Une ogive qui contient une charge de petites balles à

19 fragmentation et une ogive à charge creuse.

20 Lorsqu'il est question d'ogives à fragmentation, le nombre de petites

21 balles contenues à l'intérieur de l'ogive est de 420. Ces petites balles à

22 partir du moment où elles sont libérées à une distance de 800 mètres à 1

23 000 mètres du point de départ se dispersent un peu partout. Au centre de

24 l'ogive, il y a un stabilisateur de vol qui est également utilisé pour

25 armer le détonateur, c'est-à-dire permettre au détonateur, au moment où les

26 petites balles touchent le point d'impact, qui permet à ces petites balles,

27 à ces petites bombes d'exploser. Ces petites bombes sont elles-mêmes

28 composées de 288 petites sphères qui représentent des sortes de grains qui

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1 explosent au moment de l'impact et qui peuvent s'étendre sur un périmètre

2 de 10 mètres environ de chaque côté du point d'impact. C'est ainsi que l'on

3 obtient une puissance cumulée de la roquette qui peut traverser un blindage

4 de 60 millimètres d'épaisseur, à savoir que cette arme peut être utilisée

5 pour frapper n'importe quel char depuis le haut, notamment.

6 Q. Merci de vos explications. Lorsque vous dites que la puissance

7 destructrice couvre un périmètre de quelque 10 mètres, est-ce bien la

8 distance qui concerne chacun des 288 petites bombes ?

9 R. Oui, je parle bien des petites bombes qui chacune contient 420 grains

10 et puisque nous avons 288 petites bombes dans une ogive, cela signifie

11 qu'il faut multiplier 288 par 420 pour obtenir la puissance totale. L'effet

12 de ces petites bombes peut être ressenti sur un périmètre de 10 mètres, en

13 effet. Par conséquent, cela signifie que chacune des petites bombes couvre,

14 à l'aide des grains qu'elle contient, une dizaine de mètres autour de son

15 centre. Dix mètres, c'est la valeur qui est prise en compte comme valeur

16 moyenne pour déterminer la puissance destructrice.

17 Q. Quelle est la surface que ces 288 petites bombes, contenues dans une

18 roquette, peuvent couvrir ?

19 R. Cette surface qui peut être atteinte par les 288 petites bombes d'une

20 roquette est de deux hectares, environ.

21 M. WHITING : [interprétation] Avec l'aide de Mme la Greffière, je voudrais

22 que l'on soumette au témoin la pièce 21, des pièces à conviction, au titre

23 de l'article 65 ter du Règlement.

24 Q. Lieutenant-colonel, pouvez-vous nous dire ce que l'on voit sur ce

25 schéma qui figure actuellement à l'écran et que vous voyez devant vous ?

26 R. Sur ce schéma, nous voyons le lieu de lancement de la roquette

27 puisqu'il s'agit d'un lance-roquettes. Nous voyons un certain nombre de

28 projectiles sur la trajectoire du vol, l'endroit où l'ogive s'ouvre et nous

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1 voyons également la chute des petites bombes au niveau de cette ellipse qui

2 est dessinée, à droite. Vous voyez cette ellipse qui, dans la référence

3 dont j'ai disposé pour préparer mon rapport, était évaluée à une superficie

4 d'environ deux hectares. Il s'agit de la surface où les 288 petites bombes

5 dont je parlais tout à l'heure, qui sont contenues dans une ogive, dans une

6 ogive d'une telle roquette, peuvent se disperser -- la surface qu'elles

7 touchent.

8 Q. Merci.

9 M. BLACK : [interprétation] Je demanderais que l'on donne une cote à ce

10 document dont je demande le versement au dossier, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est admis en tant que

12 pièce à conviction. Je demande que l'on lui octroie une cote.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il

14 s'agira de la pièce 771.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

16 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. J'aimerais maintenant que nous examinions un autre document qui

18 constitue une série de photographies dont le numéro ERN est 06004077.

19 Lieutenant-colonel, pourriez-vous nous dire ce que l'on voit sur ces trois

20 photographies qui sont à l'écran actuellement ?

21 R. Sur ces trois photographies on voit une petite bombe issue de l'ogive

22 d'un lance-roquettes Orkan.

23 Q. Est-ce bien le genre de petites bombes que vous venez de décrire à

24 notre attention ?

25 R. Oui, c'est cela. Ce sont effectivement les petites bombes que j'ai

26 décrites. Je le dis parce que je vois la surface de cette petite bombe où

27 on voit très bien les grains et l'élément stabilisateur du vol qui en même

28 temps, sert à activer le détonateur.

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1 Q. Avec l'aide de M. l'Huissier, je vous demanderais, Lieutenant-colonel,

2 d'inscrire un certain nombre de signes distinctifs à côté des éléments que

3 vous venez d'évoquer sur ces photographies. Pourriez-vous pour commencer

4 inscrire une flèche au niveau de l'élément textile qui permet de stabiliser

5 le vol, comme vous l'avez indiqué ?

6 R. Oui. Cela se trouve ici.

7 Q. Merci. Vous avez dit également que vous pouviez voir les grains. Alors

8 pourriez-vous, sur l'une de ces photos, inscrire le numéro 2 à l'endroit où

9 vous voyez ces grains ?

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Merci beaucoup.

12 M. BLACK : [interprétation] Je demanderais à présent, le témoin ayant

13 inscrit un 1 à côté de la première flèche et un 2 à côté de la deuxième,

14 demander le versement au dossier de cette photographie.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La version comportant les

16 annotations ?

17 M. BLACK : [interprétation] Oui, la version comportant les annotations,

18 Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La version comportant les annotations

20 est versée au dossier. Je demanderais qu'on lui octroie une cote. Mais

21 avant cela, Monsieur Black, j'aurais une question à vous poser. Au niveau

22 de l'annotation numéro 2, vous avez demandé au témoin de nous montrer les

23 grains; or, pour ma part, je n'en vois qu'un seul. Je ne vois pas ce qui

24 justifie le pluriel.

25 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que tout

26 deviendra clair dans un instant. La pièce suivante, je l'espère, permettra

27 d'apporter une clarification. Sinon, je reviendrai sur votre question.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

2 pièce 772.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

4 M. BLACK : [interprétation] Je remarque que le témoin vient d'inscrire une

5 annotation supplémentaire sur une autre photographie, alors peut-être

6 pourrions-nous la conserver également, la verser au dossier en tant que

7 pièce à conviction. Je vous remercie. Est-ce que l'on peut octroyer la cote

8 suivante à cette photographie ?

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La photographie suivante est admise en

10 tant que pièce à conviction. Je demande une cote.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 773, Monsieur le

12 Président.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

14 M. BLACK : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique que

15 ce que le témoin vient de faire, c'est d'inscrire sur une autre

16 photographie une flèche à côté de laquelle il a inscrit le chiffre 2.

17 J'aimerais maintenant que l'on soumette au témoin la pièce numéro 13 des

18 pièces au titre de l'article 65 ter du Règlement, qui n'est pas un

19 document, en fait. C'est une des petites bombes du lance-roquettes Orkan

20 désactivée, Monsieur le Président. Je vous l'indique : aucun danger. Mais

21 le conseil de la Défense devrait voir cette petite bombe avant qu'elle ne

22 soit remise au témoin.

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire, Monsieur le

24 Président. Je vous remercie.

25 M. BLACK : [interprétation] Merci.

26 Q. Lieutenant-colonel Poje, qu'est-ce que vous avez en ce moment dans

27 votre main ?

28 R. Je tiens dans ma main une des petites bombes provenant de la charge à

Page 5072

1 fragmentation de l'ogive d'un lance-roquettes Orkan.

2 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous montrer cette bande en tissu dont

3 vous avez parlé tout à l'heure, lorsque vous expliquiez la façon dont ces

4 petites bombes fonctionnent ?

5 R. Vous voyez, la petite bombe tombe dans le sens que j'indique

6 actuellement et la petite bande en textile permet une stabilisation de la

7 chute de la petite bombe, c'est-à-dire lui imprime un mouvement vertical

8 empêchant qu'elle ne dérive à droite ou à gauche ou en cercle sur la droite

9 ou sur la gauche. En même temps, c'est cette petite bande textile qui

10 permet d'activer le détonateur causant ensuite, dans un deuxième temps,

11 l'explosion de la petite bombe. Lorsque cette explosion se produit, les

12 grains sont libérés. Comme vous le voyez, ils sortent par ici et il se crée

13 un cône dont j'ai expliqué tout à l'heure, que la puissance explosive

14 cumulée à l'aide de chacun des grains que contient une petite balle de ce

15 genre permet de traverser un blindage de plus de 60 millimètres

16 d'épaisseur. Au moment de l'explosion de cette petite bombe, les grains

17 libérés frappent les êtres humains, c'est-à-dire les soldats présents sur

18 un site, présents à cet endroit, et ce, sur un périmètre de dix mètres.

19 Q. Je vous remercie, Lieutenant-colonel. J'aimerais que cette petite bombe

20 soit maintenant remise aux Juges de la Chambre.

21 M. BLACK : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que vous

22 verrez, lorsque vous l'aurez entre les mains, que vous verrez assez

23 facilement les petits grains dont il a été question et la façon dont se

24 compose cette petite bombe.

25 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je pense que nous avons un peu de mal

26 à comprendre le fonctionnement de ces grains. Pourriez-vous nous

27 l'expliquer un peu plus en détail, Lieutenant-colonel ? Où se trouvent ces

28 petits grains et comment explosent-ils ? Est-ce que vous pourriez nous

Page 5073

1 l'expliquer plus en détail ?

2 M. BLACK : [interprétation]

3 Q. Lieutenant-colonel --

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Où se trouvent-elles, où se trouvent

5 ces petits grains et comment sont-ils libérés, et cetera ?

6 M. BLACK : [interprétation]

7 Q. Lieutenant-colonel Poje, pour répondre à la question de M. le Juge

8 Hoepfel, est-ce que vous pourriez apporter quelques explications

9 complémentaires au sujet du fonctionnement de cette petite bombe et de la

10 façon dont elle libère ses grains au moment d'un impact avec un objet ou

11 avec un être humain ?

12 R. Ce que nous venons de voir de près, c'est une petite bombe qui n'a pas

13 explosé. D'après la littérature technique, 10 % de ces petites bombes, une

14 fois tirées, n'explosent pas. Ici, vous avez un exemplaire d'une telle

15 bombe qui n'a pas explosé. Comme vous le voyez, cette petite bombe se

16 présente sous la forme d'un cylindre dans lequel se trouvent les grains. Au

17 moment où la petite bombe en question frappe le point d'impact, une

18 explosion se produit avec libération des grains dans un plan qui est un

19 plan circulaire, donc l'explosion libère les grains qui, chacun d'entre eux

20 ou simultanément, vont toucher les soldats.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi, mais nous ne voyons

22 pas les grains, alors où se trouvent-ils ? Est-ce que, selon ce que vous

23 dites, ils se trouvent à l'intérieur de la partie que l'on voit ici ? Est-

24 ce que la petite bombe que j'ai dans ma main a été utilisée déjà ou n'a pas

25 été utilisée ? Parce que vous dites qu'on peut voir les grains, et je ne

26 les vois pas personnellement.

27 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

28 Juges, je ne sais pas si c'est un problème de vocabulaire. Peut-être puis-

Page 5074

1 je poser une nouvelle question au témoin ?

2 Q. Lieutenant-colonel, le mot "palettes" en anglais, "grains" en français,

3 concerne-t-il finalement des éléments matériels de très petite taille,

4 n'est-ce pas, des petites sphères de très petite taille ?

5 R. Oui. Ce sont des sphères de très petite taille, et c'est de là que

6 vient la portée assez réduite, du point de vue de la distance, la portée

7 donc assez réduite de chacun de ces grains, parce que dix mètres, ce n'est

8 pas très important. Mais cela vient du fait que le petit grain est vraiment

9 de très petite taille.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci, je crois avoir compris le

11 principe.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis un peu lent, semble-t-il.

13 M. BLACK : [interprétation] Pas du tout, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois des espèces de petites boules

15 qui semblent tenir ensemble à la surface du cylindre à l'aide d'un morceau

16 de scotch, semble-t-il. Puis, effectivement, je vois aussi, un peu plus

17 haut sur le corps du cylindre, des espèces de petits points qui entourent

18 toute la surface arrondie de ce cylindre, des espèces de petites boules.

19 Est-ce qu'il s'agit bien de ces grains qui se dispersent au moment de

20 l'explosion ?

21 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être serait-il

22 préférable que le témoin réponde en personne à votre question pour

23 s'expliquer sur ce point. En tout cas, cet objet a été utilisé dans un

24 procès qui remonte à 1996, si je ne m'abuse, dans une affaire jugée par ce

25 Tribunal, et elle a servi au même genre d'explication à l'époque.

26 Q. Lieutenant-colonel Poje, pourriez-vous répondre à la question du Juge,

27 s'il vous plaît ?

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Croyez-moi, nous ne connaissons rien

Page 5075

1 aux choses militaires.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces trois petits grains qui sont collés à

3 l'aide d'une bande de scotch ont été isolés des autres pour servir

4 d'exemple pour montrer à quoi ressemblent ces petits grains, mais cela a

5 été fait délibérément pour illustrer une explication. Sinon, les petits

6 grains, ils sont tous amalgamés et fixés sur la surface du cylindre, comme

7 vous le voyez. Au moment où la petite balle est lancée, il y a un certain

8 moment au cours du vol, au moment de l'impact avec la cible, une explosion

9 qui libère les petits grains contenus et solidement fixés sur le cylindre

10 de cette petite balle. Ces grains sont en nombre très importants. Si on

11 pouvait les compter séparément, leur nombre total atteindrait au moins 240.

12 C'est la puissance cumulée de chacun de ces grains au moment de

13 l'explosion qui donne à cette petite bombe la puissance destructrice

14 importante qui est la sienne, à savoir, une puissance qui lui permet de

15 traverser des blindages d'une épaisseur assez importante, et bien sûr, de

16 toucher des êtres vivants.

17 J'espère que j'ai été suffisamment clair dans mon explication. J'ai

18 essayé de simplifier les choses au maximum.

19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] J'aurais une nouvelle question à vous

20 poser. Vous venez de citer le nombre 240, mais est-ce qu'il ne devrait pas

21 s'agir plutôt de 420, puisque vous avez parlé de 420, avant ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux m'expliquer sur ce point. Dans le

23 rapport, c'est le chiffre 240 qui figure. J'ai interverti le chiffre 4 et

24 le chiffre 2. Nous pouvons vérifier dans les tableaux de tirs et nous

25 verrons qu'il est bien confirmé par les tableaux de tirs que l'objet que je

26 tiens actuellement à la main, c'est-à-dire cette petite bombe, contient en

27 réalité 420 grains.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] C'est effectivement le nombre que

Page 5076

1 vous aviez cité précédemment. La surface du cylindre n'abrite pas les

2 grains; les grains se trouvent à l'intérieur de ce cylindre, n'est-ce pas ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, ce que vous voyez ici, ce sont les

4 grains à la surface même du cylindre. Ces grains sont encastrés dans la

5 surface du cylindre.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

8 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Monsieur

9 le Juge.

10 Q. Dernière question sur ce point, Lieutenant-colonel Poje, avant que je

11 ne passe à un autre sujet. Les petits grains dont il vient d'être question,

12 les trois objets arrondis que l'on trouve sous la bande de scotch sur la

13 petite balle dont nous parlons sont bien des exemplaires de ces petits

14 grains, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc, ce que l'on voit en dessous de cette bande de papier collant ou

17 de plastique collant, c'est bien des exemplaires de ces grains, n'est-ce

18 pas ? J'ai bien compris de quoi il s'agit ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Merci beaucoup.

21 M. BLACK : [interprétation] A moins que les Juges de la Chambre n'aient

22 d'autres questions, je demanderais que cet objet devienne une pièce à

23 conviction.

24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Mais Monsieur Black, c'est sur cela

25 que portait ma question. Ma question avait un lien avec la dernière réponse

26 du témoin. Je posais la question de savoir si les grains que l'on voit sur

27 le cylindre et qui sont maintenus grâce à la bande de papier collant, si

28 ces grains ne se trouvent pas normalement à l'intérieur de cette petite

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1 bombe, et pas à la surface. Donc, je demande une nouvelle fois si c'est

2 bien le cas.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ces trois-là, oui, c'est le cas. Les

4 grains, normalement, ne sont pas collés avec le papier collant sur la

5 surface de la petite bombe, ils sont intégrés à la surface du cylindre.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

7 M. BLACK : [interprétation] Merci.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais que l'on revienne à la

9 partie du compte rendu d'audience où ma question se trouvait consignée, la

10 question que j'ai posée tout à l'heure. Le témoin a dit que ces grains

11 pouvaient frapper des entres vivants, donc des soldats, et je crois me

12 rappeler qu'il a dit également qu'il y avait une espèce de cylindre en

13 grappe au bout de cette petite bombe, qui avait la capacité de transpercer

14 des blindages, en tout cas, de l'acier. Est-ce que c'est bien l'extrémité

15 de cette petite bombe qui joue ce rôle ?

16 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Lieutenant-colonel, pouvez-vous, je vous prie, expliquer selon quelles

18 modalités, un projectile comme celui-ci peut percer un blindage ?

19 R. Dans cette petite bombe, il y a une charge explosive, trotyle [phon],

20 d'habitude. La forme de la munition est en cône. La forme étant comme un

21 cône ou un entonnoir. Quand il y a explosion, à l'impact, quand la bombette

22 ou la petite bombe fait impact sur l'obstacle, la charge explosive est

23 amorcée et activée, et suite à la forme de cette charge, il y a une espèce

24 de faisceau, une espèce de dispersion qui se crée et qui se concentre sur

25 l'obstacle. La force de ce faisceau cumulé se concentre, donc c'est très

26 fort, puisque c'est en forme d'entonnoir. Tout est dirigé vers un point de

27 concentration et, de ce fait, au point de concentration à l'obstacle, le

28 faisceau est très fort et peut perforer le blindage et peut perforer une

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1 plaque d'acier d'au moins 60 millimètres. Je vais vous expliquer.

2 Quand la petite bombe heurte l'obstacle, il y a explosion. Tous les

3 petits grains se dispersent dans un cercle. Normalement, ils sont là pour

4 blesser les êtres humains. Ils ne sont pas très puissants en tant que tels.

5 Il y a un faisceau aussi qui se cumule et qui se concentre sur un seul

6 point et qui peut là, perforer un blindage.

7 Si on regarde à l'intérieur d'ailleurs, on verra bien qu'il y a une

8 forme à l'intérieur en cône et, de ce fait, c'est le point de contact qu'on

9 appelle le point de concentration, le point d'impact. Le point de

10 concentration, c'est là où se concentre toute la puissance de la charge

11 explosive et qui fait que toute cette concentration et cette force, on peut

12 perforer le blindage ou la plaque de métal.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. J'ai, tout à fait, compris.

14 M. BLACK : [interprétation] Merci. Si on pouvait donner maintenant une cote

15 à cette pièce.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La petite bombe, la bombette, on va

17 l'appeler la bombette donc.

18 M. BLACK : [interprétation] Tout à fait, on peut l'appeler la bombette.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette bombette va être versée au

20 dossier. Il faudrait lui donner une cote.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la cote 774.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Black. M. BLACK :

23 [interprétation] Maintenant, le document suivant. C'est un document du

24 résumé 65 ter. Il s'agit du document 2276. Si on pouvait le voir à l'écran.

25 Voir la page 5.

26 Q. Lieutenant-colonel Poje, quel est l'objectif de ce document que

27 nous voyons maintenant à l'écran ?

28 R. Il s'agit d'un document qui contient la description de la roquette

Page 5080

1 Orkan que l'on a trouvée à Zagreb. Il s'agit d'un dossier qui contient des

2 photographies, des photographies des morceaux de roquettes retrouvées à

3 Zagreb.

4 Q. Bien. Nous allons regarder les pages une par une. Commençons par celle

5 qui est identifiée par le ERN du prétoire électronique 00312115.

6 Pouvez-vous nous montrer exactement ce que l'on voit sur ces deux

7 photographies ?

8 R. Ici, on voit une partie de la roquette. En haut sur la photo numéro 1,

9 on voit même le marquage de la roquette. On voit que c'est une roquette de

10 262 millimètres, une M87. Cela signifie bien qu'il s'agit d'une roquette de

11 M87. Ce sont toutes les données génériques de la roquette.

12 Sur la deuxième photographie, il s'agit à nouveau d'un morceau de cette

13 roquette.

14 Q. Très bien. Passons maintenant au 00312116 qui se trouve deux pages plus

15 loin dans une nouvelle série de photographies.

16 Ici, pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ? Il semblerait que ce

17 soit des photographies de ces fameuses bombettes que nous avons évoquées

18 précédemment.

19 R. Tout à fait. Il s'agit bien de bombettes. Exactement les mêmes que

20 celles que nous avons eues entre nos mains, il y a quelques secondes.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais savoir s'il s'agit

22 exactement de pièces qui ont été retrouvées sur le terrain à Zagreb, c'est

23 bien cela ? Ce sont des photos de ces pièces ?

24 M. BLACK : [interprétation] C'est ce que dit le document en tout cas. Je ne

25 sais pas si le témoin en a la moindre connaissance. Peut-être, pourrait-il

26 nous le dire ?

27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pourriez-vous nous dire si ce sont

28 exactement les mêmes bombettes que celles qui sont tombées à Zagreb ou ce

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1 sont des bombes non explosées qu'on a retrouvées sur Zagreb ou ce sont des

2 illustrations du type ?

3 M. BLACK : [interprétation] Je pense que le témoin ne peut pas répondre pas

4 à votre question.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pas de problème.

6 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait que ce document reçoive une cote.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document que nous avons à l'écran ?

8 M. BLACK : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Qu'en est-il des pages

10 précédentes ?

11 M. BLACK : [interprétation] En fait, ce sont les mêmes pages. Ce sont

12 différentes pages d'un même document.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons admettre le

14 document en liasse. Il faut lui donner une cote.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce 775.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

17 M. BLACK : [interprétation] Parfait.

18 Q. Maintenant, on ne va pas passer trop de temps. Il faudrait maintenant

19 que nous parlions un petit peu des deux composantes du système M87, c'est-

20 à-dire le système de contrôle de tir et le système du véhicule de

21 transport. Tout d'abord, faut-il prendre en compte les conditions

22 météorologiques lors du tir ? Première question.

23 R. Pour déterminer tous les éléments de tir au départ, le système Orkan

24 possède un ordinateur séparé qui permet de calculer les coordonnées de tir.

25 Les éléments initiaux nécessaires au tir sont déterminés en principe à

26 l'aide d'un ordinateur et le système Orkan possède cet ordinateur. Il

27 s'agit de déterminer les coordonnées des positions de tir, des positions, à

28 la fois, du tir et les positions de la cible. Deuxièmement, il faut

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1 connaître aussi quelles sont les conditions balistiques exactes du tir.

2 Troisièmement, il faut connaître aussi les données météorologiques exactes.

3 Pour ce qui est des coordonnées des positions de tir et les

4 coordonnées de la cible, ceci se détermine par des moyens géographiques ou

5 topographiques avec l'aide de cartes et de préparations. Pour ce qui est

6 maintenant des données balistiques, on mesure la position de tir et on

7 utilise aussi des documents. Les informations météo en principe sont

8 obtenues à partir des stations météo. Il s'agit du bulletin météo qui donne

9 les conditions prévalentes.

10 Toutes ces informations sont entrées dans l'ordinateur du système

11 Orkan. Il y a un algorithme spécial à l'intérieur de l'ordinateur qui va

12 calculer tous les éléments de tir nécessaires. L'azimut, la portée, la

13 hausse, leur retardateur pour ce qui est du système d'amorçage. Tout ceci

14 est calculé et tout va être réglé selon la roquette ou la pièce

15 d'artillerie que l'on utilise. C'est en utilisant ces informations que l'on

16 va pouvoir lancer la roquette pour qu'elle vise la cible et qu'elle

17 atteigne la cible, bien sûr.

18 Q. Merci. Vous nous donnez à la fin de votre rapport une table de

19 différentes caractéristiques tactiques de ce lance-roquettes multiples

20 Orkan. S'agit-il de chiffres exacts ou de chiffres plutôt moyennés, c'est

21 une approximation ou un peu des deux ?

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle page parlez-vous ?

23 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la page 46 de la version anglaise.

24 Nous avons les données caractéristiques, tactiques et techniques. Il s'agit

25 aussi de la page 55 en B/C/S.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] A la fin de la description des

27 caractéristiques techniques Orkan, vous avez ce tableau des

28 caractéristiques tactiques et techniques à la page 46. Là, il s'agit de

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1 chiffres moyens, ce sont les moyennes. Il y a d'autres documents qui nous

2 montrent des chiffres beaucoup plus exacts. Mais cela ce sont les chiffres

3 de base. Par exemple, on voit que la portée c'est de cinq à 50 kilomètres,

4 alors que dans les tables de tirs, on voit que la distance maximum va au-

5 delà des 50 kilomètres. Ici, ce tableau à la page 46 ne donne pas des

6 chiffres vraiment exacts.

7 C'est un ordre de grandeur qu'on vous donne à peu près 50 kilomètres;

8 alors que les tableaux numériques vous donnent la portée maximum qui n'est

9 jamais été enregistrée et qui est de 51 093 mètres.

10 Le tableau que nous avons en page 46 ne donne que des moyennes, des

11 principes, des chiffres de base qui vous donnent une bonne référence pour

12 ce qui est des capacités techniques du système Orkan. Parfois, certains de

13 ces chiffres sont absolument corrects à 100 %, d'autres sont plutôt des

14 moyennes.

15 M. BLACK : [interprétation]

16 Q. Parlons maintenant justement des chiffres de dispersion, portée de la

17 dispersion et dispersion en ligne à la portée maximum. S'agit-il ici de

18 données qui sont moyennées ou de données maximum ?

19 R. Ici, pour ce qui est de la dispersion en portée, à la portée maximum,

20 dispersion en ligne à la portée maximum encore, c'est Vd ou Vp, c'est ainsi

21 qu'on trouve l'abréviation. Donc c'est Vd et Vp. Ici, il s'agit de chiffres

22 moyens. Cela vous donne une bonne idée de la dispersion que vous allez

23 obtenir, alors que les données exactes se trouvent dans les tables de tirs.

24 C'est dans les tables de tirs qu'on a les données tout à fait précises.

25 Ici, cela donne juste un ordre d'idée pour savoir un peu à quoi on peut

26 s'attendre, mais il ne s'agit pas de chiffres bien précis pour une portée

27 bien précise. Le but de ce tableau n'est pas de donner les chiffres exacts

28 pour ce qui est, par exemple, de Vd ou de Vp, donc dispersion à portée ou

Page 5084

1 dispersion en ligne. Il s'agit juste des grands principes pour vous donner

2 un ordre d'idée.

3 Si vous voulez exactement savoir ce qui va se passer, par exemple, si

4 vous tirez à 47 kilomètres et 200 mètres, là on regarde la table de tirs et

5 on aura le chiffre de dispersion qui sera exact, en se basant sur les

6 ellipses Vd et les ellipses Vp qui sont bien spécifiques à cette portée.

7 Q. Encore une question et après nous prendrons la pause. Quand vous avez

8 fait vos calculs dans votre rapport, avez-vous utilisé les valeurs que vous

9 trouvez ici sur cette table qui est une table de référence assez peu

10 précise ou est-ce que vous avez utilisé les tables de tirs qui, elles, sont

11 extrêmement précises ?

12 R. Tous les calculs que j'ai faits pour vous donner des idées sur la

13 dispersion, j'ai utilisé les tables de tirs qui étaient très précises. Je

14 n'ai pas utilisé ce tableau ici, ce tableau qui donne les caractéristiques

15 tactiques et techniques du système, mais j'ai utilisé les données que l'on

16 trouve dans les tables de tirs qui sont extrêmement précises. Mis à part la

17 colonne 1 qui donne la distance, la portée -- enfin, la distance et la

18 portée ont été utilisées, ensuite les colonnes 11 et 12 qui vous donnent

19 les ellipses individuelles pour les valeurs Vd ou Vp qui vous donnent les

20 dispersions en portée pour une portée maximum et les dispersions en ligne

21 pour la portée maximum. Donc les valeurs Vd et Vp. Là, pour calculer les

22 valeurs Vd et Vp dans le rapport, j'ai utilisé des tables de tirs très

23 précises.

24 M. BLACK : [interprétation] Merci. Je pense qu'il serait maintenant

25 opportun de faire une pause.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, Monsieur Black. Nous allons

27 prendre une pause et nous reprendrons à 11 heures moins le quart. Merci.

28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.

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1 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez reprendre.

3 M. BLACK : [interprétation] Très bien.

4 Q. Maintenant, nous allons passer à autre chose dans le rapport et passer

5 à la section 6.2, page 64 de la version anglaise et page 76 de la version

6 en B/C/S ou peut-être 75. Mais voici ma question : quelle est la dispersion

7 des impacts ? Pouvez-vous nous expliquer un petit peu ce concept de

8 dispersion des impacts ?

9 R. Bien, la dispersion des impacts, il s'agit là de quelque chose qui

10 appartient au groupe des erreurs accidentelles. Si on tire deux projectiles

11 à peu près dans les mêmes conditions, lorsqu'on estime être les mêmes

12 conditions, ces deux projectiles vont passer sur la même trajectoire, ils

13 vont suivre deux trajectoires bien différentes, ce qui signifie donc qu'on

14 aura deux tirs, deux impacts.

15 Suite aux conditions différentes, quand on tire les projectiles, ils

16 auront tous leur propre trajectoire lors du tir. C'est cela que l'on

17 reprend par ce concept de dispersions des impacts.

18 Q. Ces dispersions des impacts, comment est-ce que c'est déterminé ou

19 comment est-ce que c'est calculé, quand on doit tirer à partir d'une

20 certaine distance avec une certaine pièce d'artillerie ?

21 Comment est-ce que c'est est pris en compte ?

22 R. Bien comme je vous ai dit, étant donné qu'il y a toujours des

23 différences de conditions de tir, il y a toujours une dispersion pour ce

24 qui est des impacts. Si on prend le centre du schéma de dispersion, en

25 théorie, la dispersion, c'est un cercle infini. Mais en fait, ce n'est pas

26 infini en réalité. En théorie, ce serait infini, mais en théorie, c'est

27 quand même un cercle qui est fini, donc il s'agit de plus ou moins 4 Vd et

28 plus ou moins de Vp. Donc, il s'agit et il y a bel et bien des chiffres qui

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1 vous donnent exactement la dispersion des impacts avec une formule.

2 Q. Vous avez parlé d'une formule qui se trouve sur la page 65 de la

3 version anglaise, donc comment est-ce qu'on arrive à trouver cette formule,

4 s'il vous plaît, cette formule qui reprend les Vd et les Vp, donc plus ou

5 moins 4 Vd multipliés par plus ou moins Vp ?

6 R. Si on tire plusieurs projectiles, enfin, beaucoup de projectiles à

7 partir d'un fût, d'un canon, on aura un faisceau de trajectoires. Si on

8 découpe le faisceau de trajectoires pour avoir uniquement un plan vertical,

9 on aura ainsi une ellipse qui reprendra toutes les différentes

10 trajectoires, et cela, c'est une ellipse. Alors sur un point horizontal de

11 cette ellipse, on aura tous les impacts qui eux aussi reprennent une

12 ellipse, et cette dispersion en ellipse se déplace selon les portées. A

13 partir de la cible moyenne sur la droite et la gauche, plus ou moins 4 Vd

14 plus ou moins Vp, et plus ou moins donc Vd et Vp, c'est-à-dire la portée et

15 la distance. On retrouve ainsi l'ellipse, et c'est une ellipse qui

16 détermine exactement où -- enfin, en moyenne, où vont tomber les

17 projectiles qui ont été tirés depuis un certain fût, à une certaine portée,

18 bien sûr.

19 Q. Pour vous interrompre, j'aimerais savoir, ce calcul, est-ce que c'est

20 basé sur des calculs mathématiques, sur une pratique ? Comment est-ce qu'on

21 arrive à obtenir cette formule que vous nous avez décrite, ce sont des

22 probabilités ?

23 R. Bien, cette dispersion des impacts peut être dérivée soit par calcul

24 avec l'aide d'un modèle balistique ou cela peut aussi être tiré de la

25 pratique avec le moyennage [phon] de ce qui se fait en pratique.

26 Aujourd'hui, on a tendance à plutôt passer par la simulation et par le

27 calcul pour arriver à déterminer cette dispersion des impacts. La taille de

28 la dispersion pour ce qui est de la distance et la direction, c'est Vd et

Page 5087

1 Vp, et cela se trouve dans les tables de tirs, donc on lit la table de

2 tirs, on utilise la table de tirs pour arriver à en déterminer ces

3 dispersions d'impacts, des impacts. On peut ainsi déterminer la dispersion

4 des impacts pour toutes les portées.

5 Dans les tables de tirs, il y a des demi-axes, il y a Vp et Vd, donc

6 ces coordonnées, et pour obtenir le schéma des dispersions en se basant sur

7 la probabilité et la loi de Gauss, on arrive plus ou moins 4 Vp multipliés

8 par plus ou moins 4 Vd, ce qui signifie que l'axe du schéma de dispersion

9 est égal à 8 Vp que multiplie 8 Vd, ce qui se trouve à la page 65.

10 Q. Merci ce ces explications, mais j'aimerais quand même vous reposer une

11 petite question. Vous nous avez parlé de ces fameuses tables de tirs. Est-

12 ce qu'elles existent pour toutes les pièces d'artillerie ? Vous n'avez pas

13 besoin de tirer quoi que ce soit de votre mallette, je pense qu'il vous

14 suffit de nous donner une réponse simple.

15 R. Bien, chaque pièce d'artillerie en effet possède ses propres tables de

16 tirs, chaque arme a sa propre caractéristique, donc les tables de tirs pour

17 un obusier de 105 millimètres ne correspondraient pas du tout aux tables

18 pour un obusier de 155 millimètres d'un autre calibre. Donc, chaque arme

19 possède sa table de tirs bien spécifique.

20 M. BLACK : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on mette le

21 document 2275, qui est un document du 65 ter. Il faudrait le mettre à

22 l'écran. Il me semble qu'il s'agit de la page 19 du système e-court.

23 Q. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, la teneur de ce document ?

24 Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est ce document ?

25 R. Il s'agit d'un document -- enfin, il s'agit en fait tout simplement des

26 tables de tirs, donc c'est la page de garde de la table de tirs pour les

27 systèmes lance-roquettes multiples, l'Orkan M87.

28 Q. Il s'agit des tables de tirs que vous avez utilisées lors de la

Page 5088

1 préparation de ce rapport ?

2 R. Oui, tout à fait. Il s'agit de tables de tirs que j'ai utilisées pour

3 calculer le schéma de dispersion des impacts.

4 Q. Très bien.

5 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait peut-être verser ces documents au

6 dossier, ces tables, et leur donner une cote.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Il faudrait leur donner une cote.

8 Il est versé au dossier.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 776.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

11 M. BLACK : [interprétation]

12 Q. Maintenant, à la page 64 de ce rapport, donc à la page 76 en B/C/S,

13 vous avez, n'est-ce pas, copié, si je puis dire, certaines portions,

14 certains passages des tables de tirs ?

15 R. Oui. Les deux tables qui sont en page 64 comprennent des données qui

16 sont tirées des tables de tirs. En haut, il s'agit des tables de tirs de

17 l'obusier 155 millimètres, le M-65, et en bas, cela vient des tables de

18 tirs de l'Orkan. Pour les distances de deux, quatre, six, huit, donc pour

19 l'obusier de 155, pour ce qui est de l'Orkan, c'est des distances qui vont

20 de 16 à 50 kilomètres, et à la première colonne, on a le Vp, donc la

21 dispersion en ligne, et en Vd, deuxième colonne, on a la dispersion en

22 portée.

23 Q. Qu'est exactement ce Vp, s'il vous plaît ?

24 R. Vp, c'est la déviation probable des impacts, donc c'est la dispersion

25 en ligne, alors que Vd, c'est dispersion en portée avec les déviations

26 probables, enfin, les écarts probables que l'on peut trouver. Donc, ce sont

27 les valeurs Vp et Vd, avec en plus la distance sur la portée qui est en

28 première colonne.

Page 5089

1 Q. Soyons clairs. Quand vous parlez de dispersion en ligne, cela veut dire

2 exactement la dispersion par rapport à l'objectif sur la droite ou sur la

3 gauche; c'est cela, le Vp ? C'est donc l'écart possible sur une ligne

4 imaginaire par rapport à l'objectif qui serait vers la droite ou vers la

5 gauche ?

6 R. Imaginons qu'un projectile va atteindre la cible en plein cœur, mais

7 l'impact sera possible à droite ou à gauche, à 4 Vp à gauche ou 4 Vp à

8 droite. Donc, voilà la dispersion, 4 Vp à droite, 4 Vp à gauche; cela va

9 être le point d'impact moyen.

10 Q. Bien. Pour Vd, maintenant ? Si j'ai bien compris, cela c'est le tir en

11 trop long ou le tir trop court, c'est cela, en fait ? Donc, c'est la

12 dispersion en portée, donc trop long ou trop court ?

13 R. On reprend, donc. A nouveau, on a le point d'impact moyen qui se trouve

14 au centre, et voilà ce qui peut arriver; soit plus 4 Vd, soit moins 4 Vd,

15 trop court ou trop long.

16 Q. Je souhaiterais comprendre ce que signifie l'abréviation Vd ? Est-ce

17 que cela signifie que le tir de la roquette peut être trop court ou trop

18 long; est-ce bien ce que le sigle Vd signifie ?

19 R. Là encore, nous avons le point d'impact moyen. A partir de ce point

20 d'impact moyen, en fait, le projectile suivant peut atterrir plus loin que

21 le point d'impact moyen : plus 4 Vd et le projectile suivant peut atterrir

22 4 Vd avant le point d'impact moyen du projectile précédent.

23 Q. Merci de cette explication. Dans cette même partie de votre rapport,

24 vous donnez un tableau qui reprend plusieurs probabilités d'impact. Est-ce

25 que vous pourriez nous expliquer de quoi il s'agit dans ce tableau ?

26 Cela figure à la page 65 de la version anglaise.

27 R. La dispersion des impacts n'est pas homogène. Si on se rapproche du

28 centre de la zone de dispersion, la probabilité est plus grande que

Page 5090

1 l'impact suivant soit plus précis. Plus on s'éloigne du centre, plus la

2 probabilité diminue, plus ou moins 4 Vd ou 4 Vp. Au-delà de ces limites, la

3 cible n'a pas été atteinte, car la probabilité d'atteindre la cible au-delà

4 des limites de l'ellipse est négligeable. Nous avons des pourcentages dans

5 ce tableau. Ces pourcentages indiquent que la probabilité d'atteindre la

6 cible dans certaines zones figurant dans l'ellipse de la zone de

7 dispersion. SRP en B/C/S signifie point d'impact moyen. Nous avons parlé de

8 cela --

9 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Il y a peut-être un malentendu dû à la

10 traduction. Vous parlez de la probabilité d'atteindre la cible autour de

11 cette ellipse. Est-ce qu'il s'agit de la probabilité de l'impact ou de la

12 probabilité d'atteindre la cible ? Est-ce que vous pourriez expliquer cela

13 plus précisément, de façon à ce que tout soit bien clair ?

14 R. Dans ce tableau, nous voyons la probabilité de dispersion des impacts.

15 S'il y a plusieurs projectiles à l'intérieur de cette zone de plus ou moins

16 4 Vd, nous avons tous les impacts. Mais il est plus probable d'atteindre la

17 cible au milieu de l'ellipse, au centre. Plus on s'éloigne du centre, plus

18 la probabilité diminue.

19 Q. Je comprends ce que vous dites sauf lorsque vous parlez "de probabilité

20 plus grande d'atteindre la cible". Qu'entendez-vous par là ?

21 R. Je veux parler du fait que le projectile tombe dans les limites de plus

22 ou moins 1 Vd. Il s'agit de 50 % de probabilité. La moitié des impacts se

23 situe entre plus et moins 1 Vd. Pour ce qui est des 82 % de chances

24 d'impact, elles se situent à plus ou moins 2 Vd. Nous pouvons aller jusqu'à

25 4 Vd. Normalement, tous les impacts se situent plus ou moins 4 Vd.

26 Q. Merci beaucoup. Dans ce tableau, il est question de Vd, mais est-ce que

27 la situation est la même pour ce qui est de Vp, c'est-à-dire, la dispersion

28 en ligne ?

Page 5091

1 R. Les valeurs en matière de dispersion en portée et de dispersion en

2 ligne sont différentes. Toutefois, la probabilité d'impact est la même. On

3 peut avoir des plus et des moins pour ce qui est de Vp et de Vd. On peut

4 avoir également un impact sur la droite ou sur la gauche. S'agissant des

5 lance-roquettes multiples, en queue de trajectoire, la valeur du Vp est

6 toujours plus importante que la valeur du Vd.

7 Q. Je vais vous poser une question s'agissant des valeurs de Vp et de Vd.

8 Vous avez expliqué qu'il y avait une probabilité de 50 % que l'impact se

9 situe à plus ou moins 1 Vd, est-ce qu'il y a une probabilité de 50 % que

10 l'impact se situe à plus ou moins 1 Vp ? Est-ce que le principe est le même

11 ou non ?

12 R. Les mêmes règles s'appliquent pour la dispersion en portée et la

13 dispersion en ligne, donc la probabilité est la même.

14 Q. Je vais vous poser une autre question à ce sujet, ensuite je vous

15 demanderai des exemples précis. De façon générale, les trois colonnes de la

16 table de tirs que vous avez reproduites dans votre rapport indiquent que la

17 dispersion en portée et la dispersion en ligne augmentent du haut vers le

18 bas.

19 R. En examinant ce tableau, nous voyons qu'au fur et à mesure que la

20 portée augmente, la dispersion en portée et la dispersion en ligne

21 augmentent également. Nous voyons qu'à une distance de 20 kilomètres, la

22 dispersion en ligne est de 71 mètres et la dispersion en portée est de 51

23 mètres. Pour ce qui est d'une portée de 40 kilomètres, on peut voir Vp, 173

24 mètres; Vd, 159 mètres.

25 Plus on augmente la distance, plus le schéma de dispersion est vaste.

26 Q. Nous allons illustrer vos propos par un exemple précis. Si nous nous

27 reportons à la page 78 de votre rapport. En B/C/S page 65, en anglais, page

28 66. Vous donnez un exemple d'un lance-roquettes Orkan M87 utilisé à une

Page 5092

1 distance de 40 kilomètres de sa cible, vous montrez un tableau et vous

2 indiquez la probabilité des impacts. Est-ce que vous pourriez nous

3 expliquer ce qui est indiqué dans ce tableau ? Si vous souhaitez dessiner

4 quoi que ce soit ou nous montrer quelque chose, j'ai des feuilles de papier

5 que je peux vous remettre ?

6 R. J'ai indiqué l'exemple d'un tir effectué à 40 kilomètres de la cible.

7 J'ai cela sous les yeux. Peut-être qu'il me serait plus facile d'expliquer

8 les choses en me servant de cela plutôt qu'en me servant des tableaux qui

9 figurent dans le rapport. En fait, le principe est le même. Là, il s'agit

10 d'un exemple qui permet d'expliquer les choses avec plus de précision.

11 Q. Allez-y.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin ne pourrait pas

13 se servir du rétroprojecteur ?

14 M. BLACK : [interprétation] Oui, peut-être. Je n'avais pas bien compris.

15 Q. Lieutenant-colonel Poje, pendant que nous mettons en place le

16 rétroprojecteur, est-ce que vous pourriez nous dire si vous allez vous

17 servir d'une partie de votre rapport ou d'autre chose ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons parler d'un exemple de tir

19 à 40 kilomètres de distance.

20 M. BLACK : [interprétation]

21 Q. Il ne s'agit pas des calculs qui figurent dans le rapport. Il s'agit

22 d'autre chose, n'est-ce pas ?

23 R. Non. Il s'agit des mêmes calculs que ceux utilisés dans le rapport,

24 mais présentés de façon différente.

25 Q. Allez-y.

26 R. Dans le rapport, j'ai mentionné la manière dont on pouvait déterminer

27 le chemin de dispersion à une distance de 40 kilomètres. Dans les tables de

28 tirs, pour ce qui est d'une distance de 40 kilomètres, j'ai indiqué les

Page 5093

1 chiffres correspondant à la dispersion en portée Vd et la dispersion en

2 ligne Vp. Donc Vp 173 et Vd 159 mètres. Je vais me servir de cela pour

3 expliquer la dispersion en portée. Je me servirai uniquement de la valeur

4 Vd.

5 Si le point d'impact moyen se trouve au centre des coordonnées et que

6 le schéma de dispersion en portée est de plus ou moins 4 Vd, donc nous

7 avons plus 1, plus 2, plus 3, plus 4 Vd et moins 4, moins 3, moins 2, moins

8 1 Vd. Comme nous l'avons déjà dit, la valeur Vd pour une distance de 40

9 kilomètres est de 159 mètres. Ce qui signifie que la distance entre le

10 point d'impact moyen jusqu'à entre moins 1 Vd et plus 1 Vd est de 159

11 mètres plus ou moins. La distance entre le point d'impact moyen est moins 1

12 Vd est également de 159 mètres. Donc la probabilité d'un impact dans ces

13 limites est de 50 %. Donc 50 % de probabilité pour moins 1 Vd, 50 % de

14 probabilité pour plus 1 Vd -- ou plutôt 25 % pour plus 1 Vd et 25 % pour

15 moins 1 Vd.

16 Le schéma de dispersion en portée est de plus ou moins 4 Vd, ce qui

17 signifie que 4 Vd correspondrait à quatre fois 159 mètres, soit 636 mètres.

18 Il en va de même pour les valeurs minimales indiquées dans ce

19 tableau, donc moins quatre Vd correspond à 636 mètres donc pour ces valeurs

20 négatives entre plus 632 ou 638 mètres et moins 638 mètres voilà l'impact

21 par rapport au point d'impact moyen. Ce qui signifie que l'axe de la

22 dispersion en portée est de 1 272 mètres, plus ou moins 4 Vd, au total 8

23 Vd. Les limites extérieures de l'ellipse pour la dispersion correspondent à

24 1 272 mètres.

25 Il en va de même pour la dispersion en ligne ou en direction vers la

26 gauche ou vers la droite plus ou moins 4 Vp. La valeur Vp est de 173 mètres

27 d'après les tables de tirs. Cela signifie qu'à partir du centre, l'axe

28 externe de dispersion est de 692 mètres. Vers la gauche, les probabilités

Page 5094

1 sont les mêmes, 4 Vp soit 692 mètres. Ce qui signifie que l'axe du schéma

2 de dispersion en ligne ou en direction est plus ou moins 4 Vp -- ou plutôt

3 8 Vp soit 1 384 mètres.

4 Cela signifie que leur donnée du schéma de dispersion correspond à

5 632 mètres. Nous devons prendre en considération l'axe du schéma de

6 dispersion, 1 384 mètres fois 1 272 mètres.

7 Nous pouvons nous servir d'une ellipse pour illustrer cela.

8 Q. Excusez-moi un instant. Avant d'en finir avec ce document, je constate

9 que le chiffre de 632 mètres apparaît à plusieurs reprises, alors que dans

10 le document on voit 636 mètres. Est-ce que vous pourriez tirer cela au

11 clair ce chiffre mentionné sur le document dont nous venons de parler ? Je

12 demanderais qu'il soit replacé sur le rétroprojecteur.

13 R. En fait, ce chiffre est exact. Il doit s'agir de 636 mètres en réalité.

14 Q. Veuillez poursuivre votre explication, s'il vous plaît.

15 R. Très bien. Oui, 636 mètres, c'est leur donnée du schéma de dispersion.

16 Nous pouvons montrer ici ce qui correspond au même schéma de

17 dispersion pour une distance de 40 kilomètres. L'axe du schéma de

18 dispersion en portée et en ligne. L'ellipse couvre une zone légèrement

19 inférieure à 1,4 kilomètres carrés.

20 M. BLACK : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ces deux

21 documents et je souhaiterais qu'ils reçoivent une cote séparée.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier.

23 Ils recevront une cote séparée.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

25 777.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une cote ou de

27 deux cotes ?

28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit d'une seule cote.

Page 5095

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seule cote.

2 M. BLACK : [interprétation]

3 Q. Nous reviendrons dans quelques instants sur ces calculs. Dans

4 l'intervalle, nous pouvons laisser le rétroprojecteur là où il est, car

5 nous en aurons de nouveau besoin sou peu. Si nous nous penchons sur la

6 partie suivante de votre rapport, 6.2.2, vous parlez de la dispersion des

7 impacts lors de l'attaque menée contre Zagreb les 2 et 3 mai 1995. A la

8 page 80 de votre rapport, page 67 en anglais, vous faites référence à un

9 document qui est versé au dossier de l'espèce, numéro 94, et sur la base de

10 ce document, vous concluez "que la position de tir du lance-roquettes

11 multiples Orkan M87 se trouvait dans le secteur nord du village de Slavsko

12 Polje." Ma question est la suivante : si je vous montrais une carte du

13 secteur, est-ce que vous seriez en mesure de retrouver cet endroit ?

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où se trouve ce passage dont vous

15 venez de donner lecture ?

16 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la première phrase du paragraphe

17 6.2.2.

18 Q. Lieutenant-colonel, est-ce que vous seriez en mesure de retrouver

19 Slavsko Polje sur une carte, si je vous montrais une carte ?

20 R. Oui, je pense que oui.

21 M. BLACK : [interprétation] Je souhaiterais montrer une carte agrandie qui

22 porte le numéro ERN 06002902. Cette carte se trouve dans le système de

23 prétoire électronique. Je demanderais au témoin de mesurer quelque chose,

24 et par conséquent, je pense qu'il serait plus facile de se servir d'une

25 version papier. Je note qu'il s'agit de la page 20 de l'atlas, soit la

26 pièce correction 23, et je demanderais que l'on agrandisse l'image pour

27 faciliter les choses. Je souhaiterais que l'on remette ceci au témoin. On

28 pourrait placer la carte en question sur le rétroprojecteur.

Page 5096

1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que vous avez les

2 coordonnées ?

3 M. BLACK : [interprétation] Cela figure dans la partie supérieure du carré

4 3B.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

6 M. BLACK : [interprétation] Pourrait-on -- en fait, il s'agit d'un endroit

7 situé près du secteur de Vrgin Most, près de la ville de Vrgin Most.

8 Q. Lieutenant-colonel, est-ce que vous pourriez retrouver Slavsko Polje

9 sur la carte et souligner le nom du village ?

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Est-ce que vous pourriez apposer une croix suivie du chiffre 1 au nord

12 de l'endroit approximatif où se trouvait le lance-roquettes Orkan M87,

13 l'endroit à partir duquel ce lance-roquettes a été utilisé les 2 et 3 mai

14 1995 ?

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 1 à côté de cette croix,

17 s'il vous plaît ?

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Donc vers le nord, vous voyez l'agglomération de Zagreb; est-ce que

20 vous pourriez apposer le chiffre 2 près du centre de Zagreb, l'endroit qui

21 correspond grosso modo au centre de la ville ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 M. BLACK : [interprétation] Je demanderais à l'huissier de bien vouloir

24 vous remettre une règle.

25 Q. Est-ce que vous pourriez tracer une ligne droite entre ces deux croix

26 portant les chiffres 1 et 2 ?

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Lieutenant-colonel Poje, vous voyez qu'au bas de cette page, on voit

Page 5097

1 l'échelle. En fait, cette échelle se présente de deux manières.

2 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir sur le

3 rétroprojecteur le bas de la carte, s'il vous plaît ? Est-ce que l'on

4 pourrait basculer l'image ou est-ce que l'huissier pourrait présenter

5 différemment la carte de façon à ce que l'on voie le bas de la carte ?

6 Q. Lieutenant-colonel, vous voyez l'échelle présentée de deux manières

7 différentes, donc 1/200 millièmes, et nous avons agrandi la carte. Il y a

8 une échelle graphique, également. Est-ce que cela signifie que l'échelle

9 est la même, même si nous avons agrandi la carte ?

10 R. Oui. L'échelle est la même, la distance en centimètre est la même, car

11 si on agrandit la carte, les rapports sont les mêmes. Oui, nous pourrons

12 nous servir de cette carte.

13 Q. Donc, en se servant de cette échelle graphique et de la règle que vous

14 avez reçue, je souhaiterais que vous traciez une ligne, que vous calculiez

15 à l'aide de cette règle la distance qui sépare le point 1 et le point 2.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai l'impression qu'on est au-delà du

17 point qui nous intéresse, à hauteur de 2 Vd.

18 M. BLACK : [interprétation]

19 Q. Je ne sais pas si vous avez entendu la remarque qui vient d'être faite

20 par le Président de la Chambre; est-ce que vous pourriez mesurer une fois

21 de plus cette distance pour être tout à fait précis ?

22 M. BLACK : [interprétation] Je remarque le zéro ne correspond pas à

23 l'extrémité de la règle.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Quarante-neuf kilomètres environ.

26 M. BLACK : [interprétation]

27 Q. Est-ce que vous pourriez noter cette distance à côté de la ligne que

28 vous avez tracée sur la carte ? Je veux parler de la ligne qui relie le

Page 5098

1 point 1 et le point 2.

2 R. [Le témoin s'exécute]

3 Q. Je vois que vous avez noté quelque chose avant le chiffre 49. Il s'agit

4 donc d'un chiffre approximatif, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, il s'agit d'une mesure approximative, car nous ne savons pas

6 exactement d'où on a procédé au tir ni à quel endroit la cible se trouvait.

7 Nous savons quels projectiles ont atterri, mais nous ne savons pas quel est

8 le point central de l'impact.

9 Q. Dans votre rapport --

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je remarque qu'il y a une

11 différence dans la manière dont est orthographié le lieu en question. Donc,

12 il y a une différence entre le carré B3 et ce qui est mentionné dans le

13 rapport à 6.2.2. Est-ce que vous pouvez confirmer cela ?

14 M. BLACK : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

15 Q. Donc, Lieutenant-colonel Poje, le nom exact de ce village est Slavsko

16 Polje ou autre chose ? Pourriez-vous nous dire exactement ce que c'est ?

17 R. C'est Slavko avec un L. Il y a une erreur dans le rapport à la page 67.

18 Ce n'est pas Savsko, mais Slavsko.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

20 M. BLACK : [interprétation] Merci.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous en prie.

22 M. BLACK : [interprétation] Maintenant, s'il vous plaît, pourrions-nous

23 verser cette pièce au dossier, donc cette carte qui a été annotée par le

24 témoin ?

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Il faudrait lui donner une cote.

26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 778.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 M. BLACK : [interprétation]

Page 5099

1 Q. Lieutenant-colonel Poje, dans votre rapport, dans cette section, la

2 6.2.2, à la page 67 en anglais, vous avez estimé que la distance était

3 entre 47 et 51 kilomètres. Cela, c'est la distance du tir. Est-ce que cela

4 correspond au calcul que vous venez d'effectuer sous nos yeux ?

5 R. Oui, tout à fait. Bon, on ne connaît pas exactement les coordonnées et

6 la position de tir de la position de base. On ne connaît pas non plus

7 exactement les coordonnées de la cible qui était visée. Tout ce qu'on sait,

8 c'est sur la base des documents, l'endroit approximatif où on a vu l'Orkan.

9 On sait aussi où sont tombés les projectiles. Donc, on peut en déduire que

10 la portée était de 49, 50 kilomètres à peu près, entre 49 ou 50 kilomètres.

11 Q. Maintenant, j'aimerais que vous fassiez exactement le même calcul pour

12 ce qui est de la dispersion des impacts, mais en utilisant maintenant la

13 valeur que l'on trouve dans les tables de tirs pour une portée de 49

14 kilomètres. On va refaire exactement les mêmes calculs. Donc, si vous

15 pouviez à nouveau regarder le document 2275 de la liste 65 ter qui a été

16 maintenant versé au dossier sous la cote 776, si on pouvait donc mettre la

17 page 98 de ce document à l'écran.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Il ne s'agit que d'un document

19 en B/C/S, n'est-ce pas ?

20 M. BLACK : [interprétation] Tout à fait. J'allais vous le dire, mais c'est

21 parce qu'il ne s'agit que de tables, des tableaux qui reprennent des

22 chiffres principalement, donc on n'a pas eu besoin de les traduire en

23 anglais.

24 Q. Donc, si on regarde cette page des tables de tirs que nous avons

25 maintenant à l'écran, pourriez-vous nous dire quelles sont les valeurs que

26 l'on devrait utiliser pour Vp et Vd afin de calculer la dispersion des

27 impacts si on tire d'une distance de 49 kilomètres ?

28 R. Si on prend une portée de 49 kilomètres, donc en première colonne, on

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1 arrive 49 000 mètres, colonnes 11 et 12. On va vous donner les Vd et les

2 Vp, donc pour 49 kilomètres, pour la colonne 11, on a Vd qui correspond à

3 243 mètres.

4 Maintenant, si on passe à la colonne 12, là, on le Vp, et cela nous

5 donne 258 mètres. Donc, voici les paramètres essentiels qui vont permettre

6 de calculer les demi-ordonnées et demi-abscisses de l'ellipse de dispersion

7 des impacts. Donc, c'est comme vous vous souvenez, c'est 4 fois Vd, donc 4

8 fois 243.

9 R. Ce qui nous donne --

10 Q. Je vais vous donner un peu de papier vierge afin que vous nous montriez

11 un petit peu quels sont les calculs.

12 R. Nous avions bien dit que la portée, la distance de tir était 49

13 kilomètres, voire 4 900 mètres. Dans les tables de tirs, nous avons trouvé

14 les valeurs pour Vd et Vp; Vd, de 49 kilomètres, se trouve à la colonne 11

15 et c'est 243 mètres. Vp, à la colonne 12, est 258 mètres. Donc cela, ce

16 sont les chiffres avec lesquels on va travailler pour calculer l'impact, la

17 dispersion des impacts et l'ellipse.

18 Donc là, je vais vous faire un petit croquis. Donc, on a l'ordonnée

19 et l'abscisse pour cette ellipse, avec un point d'impact moyen -- bien sûr,

20 cela, c'est le point zéro où on a l'intersection entre l'abscisse et

21 l'ordonnée.

22 Alors, pour ce qui est de la portée, la dispersion des impacts est

23 plus ou moins 4 Vd et en négatif -- du côté positif, on a plus 4 Vd, et du

24 côté négatif, on a moins 4 Vd. Donc, la demi-abscisse, le demi-axe sera 4

25 fois Vd, donc 4 fois 243 mètres, ce qui nous donne 972 mètres. Donc ici, on

26 a 272 mètres, et on a bien sûr la même chose de l'autre côté. Cela

27 s'applique pour ce qui est négatif et pour ce qui est positif. Là, on a

28 l'axe de l'ellipse de cette dispersion des impacts, donc c'est plus ou

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1 moins Vd.

2 Même chose maintenant pour la dispersion en ligne pour le Vp, mais là, on

3 utilise -- il y a quatre sections, donc plus ou moins 4 Vp, donc plus 4 Vp

4 d'un côté, moins 4 Vp de l'autre, Vp étant 258 mètres. Donc, le demi-axe,

5 pour ce qui est de la dispersion en ligne, sera donc égal à 4 Vp, donc 258

6 mètres fois 4, ce qui donne 1 032 mètres. Cela donne 1 032 mètres. Pour ce

7 qui est de la direction négative, c'est exactement la même chose, 1 032

8 mètres.

9 Ce qui signifie que les deux axes sont d'un côté en abscisse

10 2 fois 972 mètres et en ordonnée 2 fois 1 032 mètres, ce qui donne une zone

11 très grande, ici nous avons le plan de dispersion est très étendu. La

12 surface, c'est 972 fois 1 032. Cela vous donne la superficie de l'ellipse.

13 Vos avez l'ellipse qui ressemblera à peu près à ce que j'ai mis sur le

14 rétroprojecteur. Un petit déformé certes parce que le rapport entre

15 dispersion en portée et la dispersion en distance n'est pas tout à fait

16 identique. Mais il s'agit d'une ellipse où la dispersion en ligne est plus

17 grande que la dispersion en portée. C'est pour cela que l'ellipse est un

18 peu écrasée.

19 Q. Merci. Essayons d'expliquer cela simplement. Cette ellipse que vous

20 avez dessinée, cela représente la surface ou la zone probable des impacts.

21 C'est cela. Tous les impacts ne peuvent tomber que dans cette zone; c'est

22 bien cela ?

23 R. Oui, c'est cela. C'est l'ellipse qui reprend absolument toutes les

24 probabilités d'impacts des projectiles.

25 Q. Quand on tire le M87, l'Orkan M87 de 49 mètres, quelles sont les

26 probabilités que l'on tombe plus à gauche ou plus à droite de la cible, du

27 centre de l'ellipse ?

28 R. Imaginons que la roquette s'est bel et bien ouverte, cette ogive à

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1 fragmentation s'est bel et bien ouverte et qu'elle s'est ouverte mettons à

2 l'extrémité de l'ellipse, sur le bord de l'ellipse. Il faut bien se

3 rappeler qu'on a dit que la zone de dispersion pour ces petites ogives à

4 fragmentation, une fois qu'elles s'ouvrent, on a dit que les petites

5 bombes, les bombettes, tombent sur une superficie d'environ deux hectares.

6 On peut imaginer que le projectile va peut-être tomber en dehors de cette

7 ellipse, en dehors de l'ellipse qui reprend les dispersions d'impacts dans

8 ce que j'ai colorié en noir. Les petites bombettes peuvent éventuellement

9 arroser cette zone qui est en dehors de l'ellipse et que j'ai dessinée en

10 noir.

11 Q. Oui, je vous comprends, mais vous n'avez pas répondu à ma question, je

12 crois. Vous allez trop vite. J'aimerais comprendre ces chiffres; ces

13 chiffres en anglais ou en français normal.

14 En se basant sur les calculs que vous venez de faire, si on tire de

15 49 kilomètres, quelle est la probabilité que l'on tombe à droite ou à

16 gauche de la cible visée qui était au milieu de l'ellipse ? La probabilité

17 et la distance, si vous pouviez nous donner la distance ?

18 R. A partir des calculs, au point central, on peut dévier, soit à droite,

19 soit à gauche, et comme on l'a déjà calculé 1 032 mètres pour ce qui est de

20 la direction. Pour ce qui est de la portée, on peut dévier de 972 mètres,

21 trop court ou trop loin. Ce qui signifie qu'on peut atteindre un point qui

22 se trouvera au pire à

23 1 032 mètres de l'objectif sur la gauche, 1 032 mètres à la droite de

24 l'objectif, et en portée tirer trop loin de 972 mètres ou tirer trop court

25 de 972 mètres. Tous les projectiles vont tomber dans cette surface qui est

26 couverte par cette ellipse.

27 Q. Très bien. Merci. Quand vous nous avez expliqué, quand vous avez

28 dessiné le petit cercle qui se trouvait au périmètre de l'ellipse, cela

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1 c'est pour chaque petite bombette, c'est cela sur les 288 petites bombettes

2 qui se trouvent dans chaque ogive, dans chaque roquette ? Pouvez-vous nous

3 répéter, vous en avez déjà parlé, mais vous avez été un peu trop rapide.

4 R. Imaginons que cette bombe à fragmentation s'est ouverte exactement à la

5 limite même de l'ellipse qui reprend tous les impacts possibles, et vous

6 savez que quand une bombette tombe elle va arroser deux hectares, donc une

7 partie de la bombette peut quand même arroser un endroit qui est en dehors

8 de l'ellipse. Puisqu'il faut quand même se rappeler qu'il y a cette

9 dispersion des bombettes elles-mêmes. Ce n'est que de 100 mètres, ce n'est

10 pas grand-chose, mais certaines de ces petites bombes, bombettes peuvent

11 tomber quand même à l'extérieur de l'ellipse.

12 Q. Merci de cette explication.

13 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait maintenant donner une cote et

14 verser ce calcul ainsi que le graphique au dossier ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Le graphique va être versé au

16 dossier.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 579 [comme

18 interprété].

19 M. BLACK : [interprétation]

20 Q. Maintenant en principe, Monsieur Poje, est-ce que l'on peut faire ces

21 mêmes calculs pour n'importe quelle distance, 47 kilomètres, 47,5

22 kilomètres. On peut faire ces calculs pour toutes les distances, toutes ces

23 distances qui correspondent aux distances à partir desquelles ces roquettes

24 ont été tirées les 2 et 3 mai 1995 ?

25 R. Une fois qu'on connaît la distance de tir, on utilise les tableaux de

26 tirs pour trouver les valeurs de Vd et Vp. Comme on l'a vu à l'issue du

27 calcul effectué tout à l'heure, on peut, pour chaque distance, calculer la

28 surface ou le plan de projection des projectiles.

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1 Q. Merci beaucoup. J'aimerais maintenant que nous parlions d'un sujet un

2 peu différent de celui-ci. Jusqu'à présent, nous avons parlé de la

3 dispersion des projectiles, je vais maintenant vous interroger au sujet du

4 chapitre 5 de votre rapport qui traite du recours à l'artillerie dans des

5 zones habitées.

6 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

7 Juges, cela se trouve en page 60 du rapport.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

9 M. BLACK : [interprétation]

10 Q. Lieutenant-colonel, vous avez trouvé ce passage, ce chapitre ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que c'est bien en page 71 pour vous ?

13 R. Oui.

14 Q. Quelles sont les considérations qui permettent de déterminer si l'on

15 peut utiliser une pièce d'artillerie dans une zone habitée et si oui dans

16 quelles conditions on peut le faire ? Quels sont les critères à prendre en

17 compte ?

18 R. J'ai d'abord essayé de traiter de cette question, à savoir, le recours

19 à des armes d'artillerie dans des zones habitées en me fondant sur les

20 manuels et sur les éléments théoriques qui régissent cette question. Un

21 grand nombre de critères influent sur l'usage de pièces d'artillerie dans

22 des zones habitées. La ville est une cible de grande taille qu'il est très

23 difficile de viser précisément parce que cette ville abrite un grand nombre

24 de bâtiments de haute taille ou de taille inférieure. La visibilité n'est

25 pas toujours la même dans tous les lieux de la ville et les positions de

26 tir n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques. Par ailleurs, les

27 possibilités de communiquer sont assez limitées, c'est la raison pour

28 laquelle on part du principe en général qu'une zone habitée ne peut faire

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1 l'objet que de tirs indirects puisque la détermination des cibles de façon

2 très précise est pratiquement impossible, mais un tir direct est beaucoup

3 plus précis.

4 Q. J'aimerais vous poser une question subsidiaire à celle que je viens de

5 vous poser et qui découle de votre réponse. Quel est le tir plus précis, le

6 tir direct ou le tir indirect ?

7 R. Le tir indirect est moins précis qu'un tir direct. Pourquoi ? Parce que

8 dans un tir direct, on voit la cible à partir de l'endroit d'où on tire et

9 l'on peut donc avoir une influence directe sur les conditions et sur les

10 critères du tir. Alors que dans un tir indirect la cible n'est pas vue à

11 partir de la position de tir. On se sert d'aides au tir, un collimateur,

12 par exemple, ou un point de visée auxiliaire. Le résultat du tir est

13 observé à partir d'un point d'observation déterminée, ou encore il arrive

14 parfois que l'on n'observe pas du tout le résultat du tir non plus.

15 Voilà les différences principales entre le tir direct et le tir

16 indirect. Tir direct, je suis sur la position de tir, je vois la cible et

17 je vise la cible en réglant le tir de la batterie avec une vision de la

18 cible. Alors que dans un tir indirect, je ne vois pas la cible, je tire à

19 l'aide d'éléments auxiliaires qui m'aident à déterminer les éléments du tir

20 et j'observe les résultats du tir à partir d'un poste d'observation, mais

21 il arrive également parfois que je ne les observe et que je ne les vois pas

22 du tout.

23 Q. Quel genre de tirs a été effectué les 2 et 3 mai 1995 ? S'agissait-il

24 de tirs directs ou indirects ?

25 R. Les 2 et 3 mai 1995, il s'est agi de tirs indirects.

26 Q. Vous avez déjà fourni des explications au sujet des caractéristiques

27 d'une attaque d'artillerie contre une zone habitée. Dans de telles

28 circonstances où va la préférence, au tir direct ou au tir indirect ?

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1 R. Lorsqu'il s'agit d'une attaque sur une zone habitée et, si la chose est

2 possible, on a recours à des tirs indirects.

3 Q. A des tirs directs, dès lors que le recours à une pièce d'artillerie

4 contre une zone habitée est possible, doit faire l'objet d'une décision,

5 est-ce que le choix de l'arme que l'on va utiliser influe sur cette

6 décision ? Est-ce que c'est un élément en prendre en compte ?

7 R. Au moment de déterminer quelle arme on va utiliser et à quel type de

8 tirs on va recourir il convient de se demander quelle sera l'arme qui aura

9 la dispersion la plus limitée, c'est-à-dire quelle est l'arme qui sera la

10 plus précise ? C'est pour cela que le plus souvent si cela est possible, on

11 va, pour tirer sur une ville, utiliser le tir direct parce qu'il est

12 beaucoup plus précis. Le tir est plus précis, la dispersion est moins

13 étendue, il y a moins de risque que les projectiles tombent en dehors de la

14 zone déterminée par la cible qui est visée.

15 Q. Au chapitre 5.2 de votre rapport, page 61 de la version anglaise, vous

16 dites que les lance-roquettes multiples "sont en général peu adaptés pour

17 tirer sur des cibles situées dans des zones habitées." Là, je citais une

18 ligne de votre rapport. Pourquoi donc ?

19 R. La dispersion des projectiles lorsqu'on utilise un lance-roquettes

20 multiples, pas seulement un Orkan mais tous les lance-roquettes multiples,

21 la surface de dispersion des projectiles est importante. Je vous ai donné

22 deux exemples tout à l'heure. On a vu que cette surface se chiffre en

23 plusieurs kilomètres, à une distance de 49 kilomètres du point de tir. Ce

24 qui signifie que la probabilité est assez grande qu'un certain nombre,

25 sinon un grand nombre, de ces projectiles tombe en dehors de la zone visée.

26 Lorsque j'étais à l'académie militaire, j'ai effectué plusieurs

27 démonstrations de tirs à l'aide de lance-roquettes multiples dans le cadre

28 de manœuvres. Lors de ces manœuvres, j'ai pu démontrer, j'ai pu vérifier

Page 5108

1 que la zone de dispersion avec l'utilisation de telles armes était

2 réellement très grande. Ce qui, je le répète, signifie que lorsqu'on

3 utilise un lance-roquettes multiples le risque est important de voir les

4 projectiles tombés en dehors de la zone visée. C'est la raison pour

5 laquelle en général lorsqu'on tire sur une ville, on renonce à utiliser un

6 lance-roquettes multiples. Par ailleurs, dès lors que l'on procède à un

7 tir, il faut également veiller au problème de sécurité du tir de façon à ne

8 frapper en aucun cas un de ses propres hommes.

9 C'est également un des facteurs qui est pris en compte pour

10 déterminer que le lance-roquettes multiples n'est pas l'arme la plus

11 adaptée pour des tirs sur une ville compte tenu de l'absence de sécurité de

12 tirs qu'implique l'usage d'une telle arme.

13 Q. Lieutenant-colonel, sur la base de tous les renseignements que vous

14 nous avez donnés aujourd'hui et si nous tenons compte de votre expérience

15 militaire et notamment de votre connaissance de l'artillerie, connaissance

16 spécialisée, je vous demande si vous avez un avis quant au caractère adapté

17 de l'utilisation d'un Orkan M87 lors du tir sur Zagreb les 2 et 3 mai

18 1995 ?

19 R. Voilà ce que je dirais : bien qu'à Zagreb aient existé des cibles

20 militaires, et bien que l'intention des agresseurs aient consisté à frapper

21 ces cibles, je ne pense pas que la volonté de frapper ces cibles aient dû

22 être à l'origine d'une décision d'utilisation d'une telle arme. En effet,

23 lorsqu'on décide d'utiliser ou pas un Orkan et lorsque cette décision a été

24 prise avant l'attaque de Zagreb qui est une zone habitée, relativement

25 densément peuplée d'ailleurs, c'était un moment où les habitants avaient

26 une vie normale à Zagreb, on aurait dû se rendre compte que les risques

27 étaient très importants compte tenu de la dispersion très importante et il

28 aurait fallu renoncer à utiliser l'Orkan contre la ville de Zagreb.

Page 5109

1 Q. Encore une question avant la pause suivante. Peut-être la réponse est-

2 elle évidente, mais je tiens beaucoup à ce que tout soit clair ? Quel était

3 le risque, le risque exact ? Pourquoi est-ce qu'il n'était pas opportun

4 d'utiliser un lance-roquettes multiples tel que l'Orkan contre la ville de

5 Zagreb ?

6 R. Comme je l'ai déjà dit, si la cible visée était une cible militaire,

7 étant donné l'importance de la surface de dispersion, il n'était pas

8 opportun de choisir cette arme pour viser cette cible militaire. Je vous le

9 dis, je peux le faire, mais n'importe quel expert, n'importe quel

10 spécialiste de l'artillerie peut calculer de façon très précise la zone de

11 dispersion. Dans le cas dont nous parlons, la zone de dispersion est

12 particulièrement importante, donc le risque de voir le projectile tomber

13 hors de la zone où se trouve la cible militaire est très important

14 également.

15 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

16 de la pause est arrivé.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Black. Nous

18 allons faire la deuxième pause, et nous reprendrons à midi et demi.

19 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

20 --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous pouvez reprendre.

22 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Lieutenant-colonel Poje, je vous demanderais à présent de vous pencher

24 sur le chapitre 6.1 de votre rapport.

25 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, ce chapitre commence au

26 bas de la page 61 et se poursuit à la page 62 de la version anglaise. Je

27 crois que cela correspond à peu près à la page 73 de la version en B/C/S.

28 Q. Lieutenant-colonel, dans ce chapitre de votre rapport, vous parlez d'un

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1 certain nombre de documents dont j'aimerais vous soumettre certains ici. Le

2 premier, c'est le document 1887, au titre des documents relevant de

3 l'article 65 ter du Règlement.

4 Lieutenant-colonel, reconnaissez-vous ce document ?

5 R. Oui, c'est un document que j'ai utilisé et sur lequel je me suis appuyé

6 pour la rédaction de mon rapport.

7 Q. En fait, vous en avez reproduit certains extraits, n'est-ce pas, dans

8 votre rapport ?

9 R. Oui. Les passages qui concernent le lance-roquettes multiples Orkan, je

10 les ai recopiés dans mon rapport.

11 Q. Page 13 de la version B/C/S, selon le système e-court, même si en haut

12 de la page, on lit le chiffre 12, il s'agit, en fait, de la page 13 de la

13 version anglaise. J'aimerais que nous nous penchions sur cette page.

14 Q. Lieutenant-colonel, je vous demanderais de vous pencher sur le chapitre

15 5.8, sous-paragraphe 2, est-ce qu'on peut descendre un peu sur l'écran ?

16 Bien. Je ne vous demanderai pas de lire à haute voix un quelconque passage

17 de cette page à l'instant, mais je vous demande d'abord si ce passage est

18 bien celui que vous avez introduit dans votre rapport ?

19 R. Oui. J'ai pratiquement recopié mot pour mot le document initial.

20 Q. Que nous dit ce document au sujet du commandement et du contrôle sur

21 une arme telle que le lance-roquettes multiples Orkan M87 ?

22 R. Cela nous indique que l'Orkan et, ici, il est écrit AG VBR fait partie

23 des armes de l'état-major.

24 Q. Pour que tout soit clair, je vous demande de quel état-major vous êtes

25 en train de parler ?

26 R. Je parle du Grand quartier général de l'armée serbe de Krajina.

27 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

28 au dossier de ce document et qu'on lui affecte une cote.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est admis en tant que

2 pièce à conviction. Je demande qu'on lui affecte une cote.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

4 780, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

6 M. BLACK : [interprétation]

7 Q. Document suivant, il s'agit du document 1888. Parmi les documents

8 relevant de l'article 65 ter.

9 M. BLACK : [interprétation] Je demande qu'on le montre à l'écran, s'il vous

10 plaît. Peut-on afficher la page 11 du système tribunal électronique e-

11 court, page 6 de la version électronique en B/C/S. Je vois encore une fois

12 qu'en haut de la page, on lit le numéro 4.

13 Monsieur le Président, je crois que cela mérite une explication. Certains

14 des documents relevant de l'article 65 ter présentent des tableaux. C'st la

15 raison pour laquelle les numéros ne correspondent pas toujours.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la page de la version

17 anglaise à laquelle il convient que nous nous rendions ? Il s'agit de la

18 page 6 ?

19 M. BLACK : [interprétation] Page 11, Monsieur le Président.

20 Q. Lieutenant-colonel Poje, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce le deuxième document dont il est fait mention dans votre

23 rapport ? Je demande que l'on remonte un peu le texte sur l'écran, en

24 B/C/S.

25 R. Oui.

26 M. BLACK : [interprétation] Ensuite, on voit, chapitre 4 et sous-chapitre

27 2. Voilà. Très bien. On peut s'arrêter là. Merci beaucoup.

28 Q. Lieutenant-colonel, je ne vous demande pas de lire à haute voix un

Page 5112

1 passage de cette page, mais j'aimerais que vous expliquiez ce que démontre

2 ce document au sujet du commandement et du contrôle de l'Orkan ?

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez du chapitre 4, sous-

4 chapitre 2 ? Est-ce que cela figure bien à la page 11 ?

5 M. BLACK : [interprétation] Oui. Je crois que cela se trouve tout en

6 haut de la page. Oui, d'accord. Chapitre 4, on ne voit pas cette mention

7 sur la page 11, mais la partie qui nous intéresse constitue le premier

8 paragraphe de la page 11, en anglais néanmoins.

9 Q. Lieutenant-colonel, que nous montre ce document au sujet du

10 commandement et du contrôle de l'arme Orkan ?

11 R. Ce document nous apprend que les unités qui utilisent l'Orkan font

12 partie du 7e Régiment d'artillerie mixte et que cette arme ne peut être

13 utilisée qu'après approbation, après autorisation du commandant du Grand

14 quartier général de l'armée serbe de Krajina.

15 M. BLACK : [interprétation] Je demanderais que l'on affecte une cote à ce

16 document et j'en demande le versement au dossier, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est admis en tant que

18 pièce à conviction. Je demande qu'on lui affecte une cote.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 781, Monsieur

20 le Président.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Monsieur Black, c'est

22 à vous.

23 M. BLACK : [interprétation] Enfin, dernier document si je ne me trompe, il

24 s'agit de la pièce 92. Nous nous intéressons à la première page, aussi bien

25 que dans la version B/C/S que dans la version anglais de ce document.

26 Q. Lieutenant-colonel Poje, reconnaissez-vous ce document qui est

27 actuellement affiché à l'écran ?

28 R. Oui, je le reconnais.

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1 Q. Est-ce que vous voyez la date inscrite sur ce document ? Pourriez-vous

2 la lire à haute voix ?

3 R. Le 1er mai 1995.

4 Q. Merci. Alors, veuillez vous penchez sur le paragraphe 1. Que nous dit

5 ce paragraphe au sujet du commandement et du contrôle sur l'Orkan ?

6 R. Au paragraphe 1 de cet ordre, il est dit: "Que l'unité chargée de

7 l'Orkan ainsi que l'unité de la police militaire et l'unité S-1 du 7e Corps

8 d'armée doivent être prêtes à agir sur mon ordre." Ici, je lis

9 textuellement les mots "sur mon ordre."

10 Q. Qui est à l'origine de cet ordre ? Je demande qu'on affiche le bas de

11 la page.

12 R. Le lieutenant-colonel Celeketic, commandant de l'unité.

13 Q. Connaissez-vous quelles étaient les fonctions du général Celeketic, à

14 l'époque, en mai 1995 ?

15 R. Je pense qu'il était à la tête du Grand quartier général de l'armée

16 serbe de Krajina.

17 Q. Merci. Ce document est déjà une pièce à conviction, Monsieur le

18 Président. Nous n'en avons plus besoin pour le moment. Il n'est pas donc

19 pas nécessaire de lui affecter une cote.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

21 M. BLACK : [interprétation]

22 Q. Lieutenant-colonel, sur la base des documents que vous venez de revoir,

23 ainsi que compte tenu de votre expérience militaire et de votre

24 connaissance spécialisée de l'artillerie, je vous demande quelle conclusion

25 vous avez tiré quant à l'identité du commandant, de celui qui exerçait le

26 contrôle sur les Orkan M87, au sein de l'armée serbe de Krajina lors de ces

27 tirs sur Zagreb, les 2 et 3 mai 1995 ?

28 R. Dans tous les documents dont nous venons de parler, il est stipulé que

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1 les Orkan ne peuvent utilisés que sur autorisation du Grand quartier

2 général et exclusivement sur autorisation du Grand quartier général.

3 Q. Est-il fait mention d'une personne en particulier, au sein du Grand

4 quartier général, ou seuls les mots Grand quartier général sont-ils

5 utilisés ?

6 R. De façon générale, il est stipulé que le recours à l'unité chargée des

7 Orkan et les missions confiées aux Orkan sont déterminées par le chef du

8 Grand quartier général ou encore, à défaut, par le colonel Djilas.

9 Q. Connaissez-vous les fonctions du colonel Djilas à l'époque, et si vous

10 ne les connaissez pas, dites-nous simplement que vous ne les connaissez

11 pas ?

12 R. Je crois ne pas les connaître.

13 Q. Lieutenant-colonel, vous avez servi dans l'armée pendant plus de 30

14 ans. Vous êtes spécialiste de l'artillerie et je crois vous avoir entendu

15 dire à un certain moment dans votre déposition que vous avez commandé des

16 formations d'artillerie. A votre avis, est-ce que les hommes qui ont

17 ordonné l'utilisation de l'Orkan M87, les 2 et 3 mai 1995, étaient

18 conscients du risque que l'utilisation de cette arme créait pour les

19 populations civiles que vous avez évoquées antérieurement ?

20 R. Nous sommes contraints de partir de l'hypothèse qu'il est probable que

21 tous ne connaissaient pas les risques spécifiques de l'utilisation d'un

22 Orkan y compris éventuellement ceux qui ont pris la décision de l'utiliser.

23 Ces hommes qui ont décidé que l'Orkan devait être utilisé, s'ils ne

24 connaissaient pas les caractéristiques spéciales de cette arme, je pense

25 qu'ils auraient dû se renseigner, car au Grand quartier général il est

26 certain qu'il existe une section d'artillerie, en tout cas des personnes

27 qui sont spécialisées en artillerie et qui auraient tout à fait été

28 capables de dire ce qui risquait de survenir si un Orkan devait être

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1 utilisé contre Zagreb, par exemple. Bien entendu, personne n'a pour devoir

2 fondamental de tout savoir et on ne peut pas demander à quelqu'un de tout

3 savoir. Mais si on ne sait pas quelque chose, on est tout de même dans

4 l'obligation de se renseigner avant de rendre une décision aussi

5 importante.

6 Q. Dans la pratique militaire courante, les commandants se renseignent-ils

7 avant de prendre des décisions de ce genre ?

8 R. En principe, oui. Le commandant se voit proposer entre autres

9 possibilités le recours à diverses unités y compris à l'unité d'artillerie.

10 Mais le commandant doit aussi penser aux conséquences de l'intervention des

11 armes dont il décide l'utilisation. Cela, c'est la méthode habituelle et il

12 y est fait exception uniquement lorsque l'urgence est telle ou lorsque la

13 situation est telle qu'on se trouve dans l'impossibilité de se procurer les

14 renseignements permettant de se prononcer.

15 Q. Merci beaucoup.

16 M. BLACK : [interprétation] Ceci met fin à mon interrogatoire principal,

17 Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Black.

19 Maître Milovancevic, à vous.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Poje. Lieutenant-colonel, je

23 m'appelle Predrag Milovancevic. Je suis le conseil de la Défense de

24 l'accusé Milan Martic. C'est a moi maintenant de vous poser des questions.

25 Vous avez déjà vécu ce genre de situation, donc je suppose que vous la

26 connaissez. Je vous rappelle simplement que comme nous parlons la même

27 langue vous et moi, il importe au plus haut point que vous, comme moi

28 d'ailleurs, c'est tout aussi valable pour moi, ménagions une pause de

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1 quelques instants entre la fin des questions et le début des réponses, ou

2 la fin des réponses et le début des questions.

3 Je vois, Lieutenant-colonel, que vous avez terminé votre formation à

4 l'académie militaire en 1971, quand vous dites académie militaire, vous

5 pensez à l'académie militaire de Belgrade, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vois également dans votre curriculum que de 1981 à 1985, vous avez

8 commandé une batterie de mortiers. Quel était votre grade à l'époque ?

9 R. Sous-lieutenant et lieutenant.

10 Q. Merci. De 1985 à 1988, il est écrit dans votre curriculum vitae que

11 vous avez commandé une batterie antichar de calibre 100 millimètres. Quel

12 était votre grade à cette époque-là ?

13 R. Je crois me rappeler que j'étais capitaine suite à une promotion.

14 Q. Nous lisons ici les mots batterie de canons, pouvez-vous nous dire ce

15 qu'est une batterie de canons ?

16 R. Une batterie de canonnier est une unité qui au nombre des armes qu'elle

17 utilise dispose entre autres de six canons de 100 millimètres T12 qui sont

18 des canons antichars.

19 Q. De 1978 à 1980 -- ou plutôt en 1991, vous dites que vous avez enseigné

20 au centre pédagogique de l'armée à Zadar. Je suppose qu'il s'agit d'un

21 enseignement dans le système d'éducation militaire de la JNA, n'est-ce pas

22 ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez enseigné la théorie du tir et les règles du tir d'artillerie

25 pendant un an à cette école destinée aux officiers réservistes et vous avez

26 enseigné pendant deux ans à des cadets de l'académie militaire, deux ans

27 également à des commandants d'un bataillon d'artillerie. Quel était votre

28 grade à la fin de cette série de missions d'enseignement ?

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1 R. J'ai enseigné dix ans à l'académie et deux ans aux commandants des

2 bataillons d'artillerie. Lorsque j'ai terminé cette activité, j'avais le

3 rang de lieutenant-colonel.

4 Q. De la JNA ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vois également écrit dans votre curriculum vitae qu'en 1984, vous

7 avez terminé vos études à l'académie militaire. Votre formation au

8 commandement, n'est-ce pas, en tant qu'étudiant de 4e classe ? Ceci est une

9 école éminente, n'est-ce pas ? C'est une école qui a un rang supérieur à

10 celui de l'académie militaire dont vous aviez été diplômé précédemment;

11 c'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Lorsque vous avez quitté la JNA en 1991, à votre demande, vous avez été

14 engagé par le centre de l'école militaire et vous avez enseigné la

15 topographie militaire, les règles du tir d'artillerie, le support

16 topographique et géodésique aux unités d'artillerie. Aujourd'hui, vous êtes

17 le directeur de ce centre d'éducation militaire, n'est-ce pas ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Vous êtes toujours lieutenant-colonel. Combien de temps serez-vous

20 encore lieutenant-colonel, Monsieur Poje ?

21 R. Cette question, vous pourriez peut-être la poser à quelqu'un d'autre

22 que moi.

23 Q. Suis-je en droit de dire que vous êtes lieutenant-colonel depuis 1991 ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Au cours de votre longue carrière dans l'artillerie, vous dites que

26 vous avez participé à des manœuvres de tirs d'artillerie et à d'autres

27 exercices impliquant l'emploi de 16 000 projectiles environ. Je vois la

28 liste des calibres utilisés et j'en déduis que vous avez surtout travaillé

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1 avec un calibre de 150 millimètres ce qui signifie que vous n'avez pas

2 utilisé un Orkan ?

3 R. Non, en effet.

4 Q. Suis-je en droit d'interpréter votre réponse en disant, oui ou non, que

5 du point de vue pratique vous n'avez pas d'expérience pratique de cette

6 arme ?

7 R. Au centre où j'enseigne nous n'avons pas utilisé une seule fois un

8 Orkan.

9 Q. Merci, colonel. Compte tenu de votre éducation militaire et compte tenu

10 de vos diplômes notamment dans le domaine de l'artillerie, je rappelle que

11 vous êtes un officier supérieur de haut rang, j'ai un certain nombre de

12 questions à vous poser qui se concentreront sur le sujet de l'artillerie.

13 Ce seront des questions qui auront trait au temps de tirs et aux

14 circonstances dans lesquelles on utilise tel ou tel type de pièces

15 d'artillerie. Nous allons entrer dans le détail du sujet déjà abordé par le

16 Procureur précédemment.

17 Au chapitre 3 de votre rapport, vous évoquez les aspects techniques liés à

18 l'artillerie. Vous parlez de l'appui au feu, de l'appui à des tirs

19 d'artillerie et vous dites que cet appui existe face à l'ennemi dans le but

20 d'aider ses propres forces qui participent au combat. Vous dites également

21 que cet appui comportait des tirs directs et indirects ?

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, pourriez-

23 vous, je vous prie, nous donner une indication de la page que vous êtes en

24 train de lire pour nous aider à suivre votre contre-interrogatoire ?

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Il s'agit du

26 début du rapport en version B/C/S en page 7, le chapitre qui suit le

27 chapitre intitulé "Eléments personnels". Donc, en version anglaise du

28 rapport, ceci figure au chapitre 3, page 6. Après le chapitre 2, nous

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1 trouvons le chapitre 3 intitulé "Appui au feu." Voilà, Madame le Juge.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

4 Q. Lieutenant-colonel, si une branche des forces armées, par exemple

5 l'artillerie, peut apporter son appui à un combat, elle peut le faire,

6 dites-vous, directement ou indirectement ? Ceci mérite quelques

7 explications. Le recours à un Orkan, par exemple, constitue quoi

8 exactement ? Est-ce que cela constitue un appui direct ou indirect aux

9 forces de l'armée serbe de Krajina ?

10 R. Oui, probablement.

11 Q. Par conséquent, la réponse est oui. Excusez-moi, vous aviez la main

12 devant la bouche, je n'ai pas entendu très bien votre réponse. Vous dites

13 que le recours à l'artillerie peut donc impliquer des tirs directs

14 d'artillerie en appui à un combat et vous dites également que l'appui au

15 feu peut avoir un caractère indirect tout en impliquant le recours à des

16 pièces d'artillerie qui auront un effet tout à fait déterminé d'aide aux

17 troupes impliquées dans le combat considéré.

18 Est-ce que cela signifie que le recours à une arme comme l'Orkan peut

19 être considéré comme un appui au combat de la part d'une pièce

20 d'artillerie ?

21 R. Oui.

22 Q. Par conséquent, suis-je en droit de dire que l'appui au feu peut avoir

23 un effet général sur l'action des forces armées de l'armée serbe de Krajina

24 dans le cas qui nous intéresse ?

25 R. Oui.

26 Q. Merci. Nous avons parlé de la nature de l'appui au feu qui implique le

27 recours à l'artillerie, et à cet égard, nous avons également parlé du

28 système de roquettes Orkan. Au chapitre 3.1 de votre rapport, dans la

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1 dernière phrase de ce chapitre, vous expliquez que des groupes différents,

2 des groupes divers sont en cause, et que parmi ces groupes, on peut trouver

3 des bataillons très précis qui sont des bataillons d'artillerie, bataillons

4 d'artillerie qui utilisent des lance-roquetttes multiples.

5 Est-ce que cela signifie que le lance-roquettes multiples Orkan fait

6 partie de ces armes qui peuvent être utilisées au titre d'appui au feu sous

7 forme d'artillerie ?

8 R. Oui.

9 Q. Compte tenu du sujet dont nous venons de parler, il semble tout à fait

10 logique d'aborder le sujet que vous abordez dans votre rapport, Lieutenant-

11 colonel, à savoir, la classification des diverses pièces d'artillerie. Vous

12 dites que l'artillerie est évidemment une branche de l'armée qui a une

13 grande puissance.

14 En page suivante de votre rapport, chapitre 3.2, vous dites que

15 l'artillerie se subdivise de façon assez commune, courante entre artillerie

16 classique et artillerie impliquant l'usage de roquettes. Là, nous sommes à

17 la page suivante de votre rapport.

18 Alors, dans le cadre de cette distinction, est-il exact de dire que

19 les canons, les obusiers et les canons obusiers ainsi que les mortiers font

20 partie des pièces d'artillerie classique, alors que les lance-roquettes

21 multiples entrent dans la catégorie des roquettes d'artillerie; est-ce que

22 c'est bien cela ?

23 R. Oui, comme je l'ai déjà dit.

24 Q. Puis ensuite, vous abordez la question du calibre des pièces

25 d'artillerie, c'est-à-dire que vous évoquez les différents calibres

26 possibles dans l'artillerie classique où, dites-vous, ces calibres se

27 divisent en petit calibre, moyen calibre et grand calibre, et ensuite, vous

28 abordez les roquettes d'artillerie. Alors moi, ce qui m'intéresse plus

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1 précisément maintenant, ce sont les calibres des roquettes d'artillerie qui

2 font partie de la deuxième catégorie, n'est-ce pas, et pas des armes

3 d'artillerie classique. Vous dites que pour les roquettes, il existe trois

4 portées de ces roquettes, que l'élément déterminant de la distinction de la

5 segmentation de la classification de ces roquettes, c'est la portée, et

6 qu'il existe donc des roquettes de courte portée, moyenne portée et longue

7 portée; c'est bien cela ?

8 R. Dans la réalité, il s'agit d'une classification qui établit une

9 distinction en matière de qualité d'appui au feu selon la portée, qui peut

10 être faible ou plus importante. Dans les faibles portées, il s'agit tout de

11 même d'une distance égale à 50 kilomètres. Ensuite, on arrive dans les

12 moyennes portées et les grandes portées.

13 Q. J'aimerais que nous remettions les choses dans leur contexte. Quand

14 vous parlez de la portée des roquettes d'artillerie, vous parlez de pièces

15 d'artillerie à courte portée dans lesquelles se situent les lance-roquettes

16 multiples qui vont jusqu'à, tout de même, 200 kilomètres de portée.

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Ralentissez, parce qu'il y a un

18 petit problème au niveau des chiffres qui ont été cités. Veuillez ralentir,

19 car il y a quelques petits problèmes de chiffres à l'instant. On parlait de

20 courte portée jusqu'à 50 kilomètres, de moyenne portée en 50 et 200

21 kilomètres et de longue portée au-delà de 200 kilomètres, n'est-ce pas ?

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Poje, je vous ai donné des instructions, mais c'est moi qui

24 parle trop vite.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de m'avoir

26 rappelé cela.

27 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit tout à fait clair, les lance-

28 roquettes multiples de courte portée ont une portée jusqu'à 50 kilomètres ?

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1 R. Oui.

2 Q. Portée moyenne, entre 50 et 200 kilomètres ?

3 R. Oui.

4 Q. Pour ce qui est de la troisième catégorie des longues portées, c'est

5 plus de 200 kilomètres, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. En fait, cela n'inclut pas non seulement les lance-roquettes

7 multiples, mais les roquettes en général, y compris les missiles sol-sol.

8 Donc, les lance-roquettes multiples font partie de cette catégorie; je veux

9 parler du type de munitions utilisées par les lance-roquettes multiples.

10 Q. Dans ce chapitre 3.2, lorsque vous parlez des différents types

11 d'artillerie, juste en dessous du passage concernant l'usage de roquettes,

12 vous faites une distinction entre les canons, les obusiers et les canons

13 obusiers, pour ce qui est de l'artillerie classique. Vous faites une

14 différence entre l'artillerie classique et l'artillerie impliquant l'usage

15 de roquettes, parce que vous parlez de l'artillerie impliquant l'usage de

16 roquettes et vous voulez parler des lance-roquettes multiples Orkan, n'est-

17 ce pas ?

18 R. Oui. Je me suis également intéressé au système de lance-roquettes

19 multiples. Je ne me suis pas intéressé au système sol-sol.

20 Q. Dans le paragraphe suivant, avant de venir au point 3.3, donc juste

21 avant, vous dites que les lance-roquettes multiples se divisent en deux

22 catégories, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est ce qui ressort de la littérature spécialisée en la matière.

24 Vous avez d'une part les lance-roquettes et, d'autre part, les lance-

25 roquettes multiples.

26 Q. Combien de canons y a-t-il dans un lance-roquettes multiples ?

27 R. Douze.

28 Q. Peut-être pourrions-nous traiter de la question suivante qui nous

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1 parait intéressante. Pourquoi fait-on une différence entre l'artillerie

2 classique et les lance-roquettes multiples ?

3 R. Si l'on examine le système de lance-roquettes multiples Orkan qui

4 comprend 12 cannons, 12 tubes, on voit que ce type de système peut

5 remplacer 12 armes classiques, car il y a 12 canons, 12 tubes, ce qui

6 correspond en réalité à deux batteries.

7 Q. Est-ce que vous voulez dire par là que l'effet est le même que 12

8 canons de même calibre ?

9 R. Oui.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait nous

11 dire à quelles fins le lance-roquettes multiples a été conçu ? C'est une

12 question qui a été posée par le conseil de la Défense, mais je n'ai pas

13 l'impression que le témoin y ait véritablement répondu.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

15 Q. Lieutenant-colonel, vous avez entendu la question qui vient d'être

16 posée par Mme le Juge Nosworthy. Pourquoi le lance-roquettes multiples a-t-

17 il été conçu, à quelles fins ? Est-ce que vous pourriez nous donner une

18 réponse précise et pouvez-vous nous dire quand il a vu le jour ? Est-ce

19 qu'il s'agissait d'une nouvelle arme ? Est-ce que l'Orkan était le premier

20 lance-roquettes de ce type ? A quelles fins a-t-il été créé ?

21 R. Les lance-roquettes multiples ont été conçus afin de fournir un appui

22 aux unités. Il s'agissait d'armes très puissantes et très efficaces.

23 L'armée populaire yougoslave, avant la création du lance-roquettes Orkan,

24 disposait de deux types de lance-roquettes multiples. On les appelait

25 Plamen et Oganj. Donc, il s'agissait d'un lance-roquettes de 128

26 millimètres équipé de 30 canons ou tubes.

27 Q. Ai-je raison de dire qu'un lance-roquettes multiples, en tant que pièce

28 d'artillerie, présente l'avantage d'une arme classique, car une bouche à

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1 feu permet d'obtenir une puissance de feu très grande, très efficace qui

2 correspond à celle d'une ou de plusieurs batteries ? Cela présente un

3 avantage certain, car en fait, il n'y a qu'un seul véhicule qui est

4 impliqué, sinon on aurait besoin de plusieurs unités d'artillerie pour

5 obtenir le même effet, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, tout à fait. Il s'agit d'un seul et unique système qui permet de

7 remplacer un certain nombre d'armes classiques ou de pièces d'artillerie

8 classique.

9 Q. Vu les munitions utilisées, donc les ogives, les charges, il ne s'agit

10 pas de charges nucléaires, il s'agit de munitions classiques, n'est-ce pas

11 ?

12 R. Oui, cela fait partie de l'artillerie classique. Ce n'est pas une arme

13 nucléaire.

14 Q. Oui, c'est ce que je voulais dire. Donc, il s'agit d'une arme

15 classique, conventionnelle ?

16 R. Oui.

17 Q. Merci. Penchons-nous maintenant sur le chapitre 3.3 intitulé

18 "Définition et types de tir d'artillerie". Etant donné qu'il s'agit d'une

19 arme d'artillerie, vous parlez de deux types de tir d'artillerie, donc tir

20 direct ou tendu contre une cible visible et tir indirect contre une cible

21 invisible. Vous parlez également de tir semi-direct, mais je m'intéresserai

22 aux deux premières catégories. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce

23 que vous entendez par tir direct ou tendu ?

24 R. Je pense que j'ai déjà répondu à cette question. Un tir direct ou tendu

25 est un tir lancé contre une cible visible depuis la pièce d'artillerie

26 utilisée. Donc, on peut viser directement et on peut observer directement

27 depuis la position de tir des résultats du tir.

28 Lorsqu'il est question de tir indirect, la cible n'est pas visible

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1 depuis l'endroit où se trouve la pièce d'artillerie. On ne peut pas

2 observer les résultats du tir.

3 Q. Vous nous avez décrit cette notion de tir direct ou tendu. Est-ce qu'il

4 est question de canons ? Est-ce qu'on se sert de canons pour effectuer des

5 tirs directs ?

6 R. Oui, des canons et des obusiers.

7 Q. Merci. Compte tenu de tout ce que vous venez de nous dire, outre les

8 tirs directs en se servant de pièce d'artillerie classique, donc canons,

9 mortiers, obusiers, est-ce que l'on peut se servir également des armes

10 classiques pour effectuer des tirs indirects ?

11 R. Oui.

12 Q. Donc, on procède à des tirs indirects lorsque la cible n'est pas

13 visible; c'est ce que vous avez dit. Il faut viser indirectement en se

14 servant d'accessoires. On peut observer les résultats à partir d'un poste

15 d'observation. Vous avez dit qu'on pouvait se servir également d'un canon

16 pour effectuer des tirs indirects.

17 Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit, à savoir que les

18 lance-roquettes multiples sont des pièces d'artillerie utilisées

19 exclusivement pour effectuer des tirs indirects ?

20 R. Oui, il s'agit toujours de tirs indirects.

21 Q. Est-il donc exact de dire que les lance-roquettes multiples

22 n'effectuent pas de tirs directs, mais en raison de leurs caractéristiques,

23 ils visent de manière indirecte des cibles situées à longue distance ? Il

24 s'agit donc de tirs indirects, de longues portées ?

25 R. Oui. Tous les lance-roquettes multiples, et pas seulement l'Orkan, il y

26 en a d'autres dont la portée est inférieure à 8 kilomètres, mais tout cela

27 est effectué, donc il s'agit exclusivement de tirs indirects pour ce type

28 d'arme.

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1 Q. Merci. Dans ce même paragraphe, même chapitre, à la page 12 de la

2 version en B/C/S, vous décrivez le type de tir et vous décrivez les

3 différents types de projectiles d'artillerie utilisés, également. Vous

4 parlez des méthodes de mise en place du tir, donc tir d'impact, tir à

5 ricochet, tir différé; est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il en est

6 de l'Orkan ?

7 R. L'Orkan se sert d'un système de tir différé, car l'ogive explose avant

8 l'impact.

9 Q. Tout cela est très intéressant, donc il faut éviter tout malentendu.

10 Nous allons être très précis.

11 Le lance-roquettes multiples Orkan dont nous parlons maintenant, a-t-

12 il été conçu de manière à atteindre la cible de toute sa masse ?

13 R. En principe non, car l'explosion se fait en plein vol et les bombettes

14 sont éjectées en cours de trajectoire, en cours de vol avant l'impact,

15 avant d'atteindre la cible.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Peut-on afficher à l'écran la pièce à

17 conviction 771, s'il vous plaît ?

18 Q. En attendant que ce document s'affiche à l'écran, je précise qu'il

19 s'agit du croquis relatif à la dispersion des projectiles utilisés par le

20 lance-roquettes multiples Orkan à 800 000 mètres au-dessus du sol. Vous

21 vous souviendrez sans doute de ce croquis. Nous voyons ici la trajectoire

22 du projectile qui, à une hauteur donnée, s'ouvre et éjecte les bombettes.

23 Vous avez parlé du tir différé et vous avez évoqué une altitude de

24 800 à 1 000 mètres au-dessus du sol. C'est à ce moment-là que l'explosion

25 se produit, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Examinons ce diagramme. A ce moment donné, l'ogive s'ouvre et les

28 bombettes sont éjectées. Est-ce qu'elles explosent ?

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1 R. Non, lorsque l'ogive s'ouvre, les bombettes se dispersent et tombent

2 vers la cible.

3 Q. Pourriez-vous nous rappeler combien il y avait de bombettes dans une

4 arme de type Orkan ?

5 R. Un nombre de 288 bombettes.

6 Q. Sur ce croquis qui apparaît à l'écran, nous voyons la roquette en vol

7 et nous voyons le procédé selon lequel l'ogive s'ouvre et les bombettes

8 sont dispersées. Donc, d'après ce que vous nous avez dit, ces bombettes

9 n'explosent pas à ce moment-là, pas au moment où elles se dispersent.

10 Donc, à cet égard, je souhaiterais vous demander quand ces bombettes

11 explosent.

12 R. Lorsque ces bombettes tombent, elles sont stabilisées en vol grâce à un

13 ruban en tissu. Ce sont ces rubans en tissu qui déclenchent la mise à feu

14 des bombettes et ces bombettes explosent à l'impact, lorsqu'elles

15 atteignent un obstacle, la cible visée.

16 Q. Par rapport à ce que ce que vous venez de nous dire, nous voyons sur ce

17 croquis un système qui permet à ces bombettes de se disperser sur une zone

18 assez vaste ?

19 R. Oui. Nous différons la mise à feu, l'explosion, en fonction de la

20 portée des tirs.

21 Q. Merci.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour enchaîner sur ce que vous venez

23 de dire, qu'entendez-vous par le terme "bombettes" ? Est-ce que vous voulez

24 parler de ces petites bombes que nous avons vues sur une pièce précédente ?

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci d'avoir posé cette question, elle

26 est tout à fait logique. Avec votre autorisation, je souhaiterais poser une

27 question par laquelle le témoin sera en mesure de répondre à la question

28 que vous venez de poser.

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1 Pourrait-on montrer au témoin, s'il vous plaît, la pièce à conviction 774 ?

2 Il s'agit de la bombette.

3 Q. Lieutenant-colonel, la raison pour laquelle j'ai demandé que l'on vous

4 remette cette bombette, c'est la suivante. A l'écran, est-il exact de dire

5 que nous voyons le moment où, le tir ayant été différé, enfin, l'explosion

6 ayant été différée, l'ogive s'ouvre et 288 bombettes de ce type se

7 dispersent ?

8 R. C'est bien cela.

9 Q. Merci, donc nous sommes là, à une altitude de 800 à 1 000 mètres au-

10 dessus du sol. Il y a ces 288 bombettes de ce type munies de rubans en

11 tissu, qui tombent en principe de façon verticale en direction du sol,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Il est également exact de dire qu'aucune de ces bombettes n'explose

15 avant d'avoir atteint la cible ?

16 R. En principe, les bombettes explosent au moment où elles atteignent la

17 cible.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi, je parle trop vite. Le

19 témoin et moi, nous nous exprimons dans la même langue. Nous nous

20 comprenons, et donc nous nous chevauchons.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, vous avez dit que cette bombette

22 explosait à l'impact. Est-ce que c'est au moment de l'explosion que les

23 petits grains sont dispersés et provoquent des blessés, ou à quel moment et

24 de quelle manière ces grains sont-ils expulsés ? Je veux parler des petits

25 grains qui sont enveloppés dans de la cellophane.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai l'impression que le témoin attend

27 que je lui pose une question, mais vous lui avez posé directement une

28 question. Je ne sais pas intervenir.

Page 5130

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit aujourd'hui, lorsque

3 l'ogive s'ouvre, 288 bombettes de ce type sont éjectées et sont donc

4 larguées en direction de la cible. Elles sont stabilisées par ce ruban en

5 tissu qui permet d'éviter que la bombette ne dérive. Donc, cela déclenche

6 un système de mise à feu qui amorce la bombe, et au moment où cette

7 bombette atteint la cible, le produit explosif qu'elle contient sert en

8 partie à disperser les petits grains en cercle, ce qui peut causer des

9 pertes humaines.

10 Ce n'est pas très efficace. Ces petits grains ne sont pas très

11 efficaces et ils ne sont pas très dangereux, et les gaz provoqués par cette

12 explosion se concentrent sur un point et l'obstacle est perforé, enfin, la

13 cible est perforée.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Merci,

15 Monsieur le Témoin.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur Poje, nous avons parlé de l'activation de la bombette.

18 Est-il exact de dire qu'à une hauteur de 800 à 1 000 mètres,

19 l'enveloppe de la roquette s'ouvre de manière à libérer les bombettes qui

20 ainsi se dispersent avant d'atteindre le sol ?

21 R. Oui.

22 Q. S'agissant de cette bombette, vous avez dit qu'il s'agissait en quelque

23 sorte d'une bombette à fragmentation contenant une charge à fragmentation

24 creuse ?

25 R. Oui.

26 Q. Et cumulative. Vous avez également dit que le ruban servait de

27 stabilisateur et de système d'amorçage en même temps. Est-il exact de dire

28 que la bombette explose à l'impact au moment où elle atteint sa cible ?

Page 5131

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pourriez nous rappeler une fois de plus combien de

3 bombettes se trouvent dans une roquette ?

4 R. Une ogive contient 288 bombettes de ce type.

5 Q. Vous avez dit que le ruban servait de système d'amorçage. Est-ce que

6 cela signifie que les 288 bombettes sont munies de ruban permettant de les

7 stabiliser en vol et d'amorcer la charge explosive ?

8 R. Toutes ces bombettes sont équipées d'un tel ruban.

9 Q. Est-il possible qu'une telle bombette - vous allez nous dire quelle est

10 sa masse - explose donc sans amorce ?

11 R. Sans amorce, c'est impossible.

12 Q. L'explosion se produit au moment de l'impact, n'est-ce pas ?

13 R. La bombette contient une amorce donc cette amorce déclenche l'explosion

14 dans la charge initiale, qui a son tour déclenche l'explosion de la charge

15 contenue dans la bombette.

16 Q. Donc, chaque bombette est munie d'une amorce, et pour ce qui est de la

17 mise à feu de cette bombette, c'est l'amorce qui permet l'explosion. Il

18 s'agit d'une charge explosive de petite quantité qui se déclenche et qui

19 ensuite déclenche l'explosion de toute la charge explosive; c'est bien cela

20 ?

21 R. Oui. Dans cette amorce, il y a une poudre qui est très sensible au

22 mouvement ou à l'impact. Cette charge explose; il s'agit d'une petite

23 explosion qui déclenche une explosion plus importante de l'ensemble de la

24 charge contenue dans la bombette.

25 Q. Après l'ouverture de l'ogive à une hauteur d'environ 1 000 mètres, les

26 bombettes sont éjectées, tombent en direction de la cible. Elles atteignent

27 une surface, l'amorce se déclenche et toutes les bombettes explosent.

28 R. Oui.

Page 5132

1 Q. Nous allons passer maintenant à d'autres caractéristiques de ces

2 bombettes.

3 Lorsque vous avez mentionné les types de charge utilisés dans ces

4 projectiles d'artillerie, vous avez parlé de charge à fragmentation, à

5 dispersion d'impact, et en l'occurrence, vous avez parlé de charge à

6 fragmentation cumulative.

7 R. Tout à fait.

8 Q. Est-ce que cela signifie que les roquettes utilisées lors de l'attaque

9 contre Zagreb étaient équipées de bombettes contenant des charges à

10 fragmentation et cumulatives, comme vous venez de le dire ?

11 R. D'après toutes les sources, y compris les tables de tirs, l'ogive à

12 dispersion contient en fait deux types de charge. Donc, il y a une charge à

13 fragmentation cumulative, celle-ci, et une charge antichar.

14 Q. Nous venons de décrire donc les différents types d'ogive. Revenons à ce

15 qui nous intéresse plus précisément. La bombette que vous tenez dans vos

16 mains est l'une des bombettes qui a ainsi été dispersée à une hauteur de

17 800 à 1 000 mètres. Cette bombette tombe, entre en contact avec une

18 surface, ce qui déclenche la mise à feu et l'explosion. En fait,

19 l'explosion qui se produit de cette manière peut perforer des blindés.

20 R. Oui. Les charges explosives dispersent les grains, et les gaz ainsi

21 créés par l'explosion créent cet effet cumulatif.

22 Q. Chacune de ces bombettes contient non pas de la poudre, mais une charge

23 explosive ?

24 R. Oui.

25 Q. Au moment où cette amorce se déclenche, la charge explosive explose, ce

26 qui crée un champ de pression sur une grande surface ou sur une surface

27 très concentrée. Il y a un effet ensuite cumulatif. Est-ce qu'il se produit

28 lors de l'explosion ?

Page 5133

1 R. La bombette explose. Il y a un effet cumulatif dans l'explosion de la

2 bombette, car c'est ainsi qu'elle a été conçue. Donc, tous les gaz et

3 toutes les fumées créées et toute la pression qui résulte de l'explosion se

4 concentrent à un point très concentré. Donc, c'est dans cet objectif que la

5 bombette a été créée, donc de façon à concentrer autant que possible les

6 effets de l'explosion sur un point, sur la cible elle-même.

7 Q. Nous parlons ici de la charge cumulative et des effets produits par

8 l'explosion de la bombe. Il y a un autre point que vous avez mentionné. Ai-

9 je raison de dire qu'une partie de la charge explosive contenue dans

10 chacune des bombettes en plus de l'effet cumulatif a également un effet de

11 fragmentation, donc l'enveloppe est détruite, les grains sont dispersés sur

12 une surface d'environ dix mètres, ce qui peut causer des pertes humaines ?

13 R. Oui. L'effet cumulatif touche à la surface, alors que l'effet de

14 fragmentation tient à la dispersion de 420 grains sur une surface d'environ

15 dix mètres ou plus.

16 Q. Etant donné que nous parlons des caractéristiques techniques de

17 l'Orkan, nous avons parlé jusqu'à présent de l'ogive de la roquette qui

18 provoque un effet cumulatif et un effet de fragmentation, cette ogive

19 contenant des bombettes telles que celle que vous avez entre vos mains.

20 R. Oui.

21 Q. L'autre type de roquette Orkan contient une charge différente, donc

22 pour être plus précis, est-il exact de dire que la roquette Orkan a deux

23 types d'ogive : une ogive à effet cumulatif, comme celle-ci, et une ogive

24 permettant de perforer des blindés, des obus antichars, en d'autres

25 termes ?

26 R. Oui. Un type d'ogive a un effet de fragmentation et l'autre peut

27 perforer des obus antichars.

28 Q. Au cours de votre interrogatoire principal, on a pu comprendre que vous

Page 5134

1 nous parliez d'un obus à fragmentation, donc les deux, l'Orkan M87 a deux

2 types d'ogive et tous les deux sont bel et bien des ogives ?

3 R. Oui, comme je vous l'ai dit plusieurs fois, il y a deux types d'ogive

4 qui sont utilisées par l'Orkan M87, un qui a ces bombettes à fragmentation

5 et à effet cumulatif et l'autre type d'ogive est une ogive où il y a des

6 obus antichars. Il y a 24 obus antichars. A ma connaissance je pense que

7 l'Orkan n'utilise que ce type de munitions en grappe, à cluster. Je crois

8 qu'à un moment on a envisagé qu'il y ait d'autres ogives qui soient

9 chargées dans le lance-roquettes, mais je crois que cela n'a jamais vu le

10 jour. De toute façon, je n'ai pas abordé cela lors de ce rapport.

11 Q. Bien. Mais pour continuer un peu. Là, nous sommes vraiment dans la

12 technique et il est vrai que les avocats ont rarement l'habitude de se

13 pencher sur ce genre de sujets, mais cette ogive avec cette charge à

14 fragmentation, à double effets fragmentation et cumulatif. Non, je

15 reprends.

16 Si on avait utilisé en revanche l'ogive avec la charge antichars,

17 est-ce que l'effet sur le terrain aurait été le même qu'avec ces

18 bombettes ? Est-ce que cela aurait marché de la même façon avec une ogive

19 qui s'ouvre et qui disperse des bombettes à un millimètre, et cetera ?

20 R. Non. Ce n'est pas la même chose qui équipe les ogives. Dans l'une il y

21 a ces bombettes, ces bombettes à fragmentation et à effet cumulatif. Cela

22 c'est pour, par exemple, viser des gens et des chars, ou des transports de

23 troupes, et cetera. Alors que l'autre type d'ogive contient 24 obus qui

24 sont antichars. Cela s'est utilisé pour les feux de barrages ou des feux

25 préventifs quand on essaie d'arrêter des blindés. Quand il y a des blindés

26 en face de soi, c'est un peu pour essayer de créer comme un champ de mines

27 pour bloquer l'avancée des chars.

28 Q. Pour ce qui est de cette réponse, est-ce que cela signifie que

Page 5135

1 l'utilisation de ce type d'ogives contre Zagreb aurait demandé que l'on

2 disperse des obus antichars sur cette zone ?

3 R. Oui, au lieu d'avoir les bombettes avec l'ogive à la bombette, on

4 aurait utilisé plutôt des obus antichars.

5 Q. Ces deux types de charge sont des charges à cluster, des charges en

6 grappe ?

7 R. Oui.

8 Q. Pour ce qui est des caractéristiques tactiques et techniques de ces

9 bombettes, vous dites que cela peut perforer des blindages allant jusqu'à

10 60 millimètres. Six centimètres quand même, cela peut perforer six

11 centimètres d'acier. C'est cela ce type de chose, je crois qu'on appelle

12 cela une bombette. Nous on en a parlé en tant que petites bombes,

13 bombettes, mais cela peut perforer un blindage type ?

14 R. Oui, la référence dit que c'est une bombette, mais c'est vrai qu'on

15 pourrait l'appeler d'un nom un peu plus digne.

16 Q. Y a-t-il une différence entre l'acier renforcé et l'acier normal ?

17 R. Oui.

18 Q. Quel est le rapport pour ce qui est des épaisseurs ? Si on nous dit six

19 centimètres d'acier renforcé, cela fait combien de centimètres en acier

20 normal ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Mais si je vous dis que cela fait une plaque d'acier d'au moins 12

23 centimètres en acier normal; c'est cela ?

24 R. Je n'en sais rien. On a fait quelques comparaisons par le passé, mais

25 moi, pour l'instant, je ne peux faire que des spéculations assez

26 hasardeuses. Je crois que j'ai entendu parfois ce type d'informations. Ce

27 n'est pas très précis dans ma mémoire.

28 Q. Bien. Nous n'allons pas nous attarder sur ce sujet dans ce cas. J'ai

Page 5136

1 quand même une autre question pour vous. Etant donné que la bombette peut

2 perforer ces plaques d'acier blindé à l'impact, et uniquement à l'impact,

3 quel serait l'équivalent de l'effet sur, par exemple, un mur, un arbre,

4 voire de la terre ? Quelle serait l'épaisseur du mur qui correspondrait à

5 un blindage de six centimètres, blindage d'acier de six centimètres ?

6 R. Je n'en sais rien.

7 Q. Si je vous dis qu'on a, par exemple, un mur de briques de 15 à 20

8 centimètres ou à peu près 30 centimètres de bois ou encore plus d'épaisseur

9 de terre, pourriez-vous nous dire quelle serait la puissance de perforation

10 de ce projectile par rapport - vous nous avez dit pour l'acier - mais pour

11 ce qui est des autres types de matériaux ?

12 R. Je ne peux pas vous répondre. Je n'ai pas les chiffres en tête.

13 Q. Mais puisque cette bombette peut perforer la tourelle d'un char très

14 moderne, cela peut aussi certainement détruire un bâtiment, par exemple,

15 détruire le ministère de la Défense, cela peut être utilisé aussi contre

16 d'autres types de matériaux avec des effets extrêmement destructeurs ?

17 R. Oui.

18 Q. Ce type de roquettes a quand même été conçu exactement pour cela. C'est

19 pour cela que c'est utilisé, c'est pour cela que cela a été appelé une

20 roquette à fragmentation et à effet cumulatif. Quel était son but au

21 départ ?

22 R. Le but était d'être utilisé contre, à la fois, des êtres humains et des

23 équipements, y compris des chars, des véhicules transporteurs de troupes ou

24 des bâtiments au cas nécessaire, enfin cela peut être utilisé, par exemple,

25 contre des bâtiments militaires.

26 Q. Oui. Pour ce qui est de ces autres types de cibles, on va bientôt y

27 revenir.

28 Aux chapitres 3 et 4, vous avez parlé des définitions et des types de

Page 5137

1 cibles, n'est-ce pas ? Il s'agit de la page 13 en B/C/S et de la page 11 en

2 anglais. C'est ce qui suit exactement "Les types de tirs."

3 Ici, vous nous dites que : "Une cible d'artillerie est absolument

4 tout ce qui fait partie de la formation de combat de l'ennemi, (que ce soit

5 un équipement ou que ce soit une structure fixe) soit attaqué efficacement

6 avec de l'artillerie," n'est-ce pas ?

7 Voici ma question : n'importe quel équipement ou structure qui puisse

8 être attaqué de façon efficace avec l'artillerie devient une cible

9 d'artillerie; c'est bien cela ?

10 R. Oui, c'est ce qui est écrit. Une cible d'artillerie que ce soit une

11 cible visée par un canon, par un Orkan ou par une roquette sol-sol, c'est

12 de cela qu'on parle.

13 Q. Bien. Vous avez passé beaucoup d'années à l'artillerie et ici dans la

14 note de pied de page numéro 4, vous faites référence aux règles de tir de

15 l'artillerie. Vous nous dites qu'il s'agit des règles de tir d'artillerie

16 pour ce qui est des tirs directs qui nous viennent des forces armées de

17 l'ex-Yougoslavie, c'est-à-dire ce sont les règles qui s'appliquent à la

18 JNA; c'est cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Selon ces règlements, chaque cible d'artillerie et n'importe quel

21 élément de la formation de combat de l'ennemi qui serait efficace et

22 pratique d'attaquer avec de l'artillerie; c'est bien cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Pour poursuivre, parlons de la cible en matière d'artillerie. Vous

25 expliquez qu'il s'agit, par exemple, d'un rectangle qui est défini par des

26 coordonnées. Maintenant, je vais vous poser une question à nouveau : toutes

27 les cibles ont-elles la même importance, ou y a-t-il des cibles tactiques,

28 des cibles opérationnelles et des cibles stratégiques ?

Page 5138

1 R. Les cibles sont divisées en effet en trois catégories : stratégiques,

2 tactiques et opérationnelles. Tout dépend de leur importance et c'est ainsi

3 qu'elles trouvent leur catégorisation.

4 Q. Pour ce qui est de l'importance stratégique ou l'importance

5 opérationnelle, est-ce que, par exemple, une cible de ce type pourrait être

6 le siège de l'état-major, le ministère de la Défense, par exemple, d'où

7 sont établis les plans d'attaque ?

8 R. Oui. Cela pourrait être, tout à fait, l'un de ces bâtiments.

9 Q. Très bien. Ensuite, dans votre rapport, vous nous dites que pour viser

10 la cible, on se base d'abord sur la portée, la portée de l'arme avec

11 laquelle on va tirer sur la cible. Ici, nous allons passer à la page 14 du

12 B/C/S, au 3.4. Page 11 en anglais. On peut tirer sur une cible si, bien

13 sûr, elle est dans la portée possible de la pièce d'artillerie. Ce qui

14 paraît assez évident. On ne va pas tirer avec quelque chose qui est hors de

15 portée. Cela paraît évident. Bien donc, on ne peut pas -- pour ce qui est

16 de l'Orkan, il convient de connaître la portée de cette pièce

17 d'artillerie ?

18 R. Oui.

19 Q. Pour ce qui est des cibles, vous avez divisé les cibles selon leurs

20 structures. Vous les avez divisées, soit en cible individuelle ou

21 élémentaire, soit ce sont des cibles individuelles, comme, par exemple, un

22 char, de l'artillerie lourde, un bunker et cetera, ou alors, il y a aussi

23 des cibles groupées. Voici ma question maintenant : les caractéristiques

24 techniques et tactiques de l'Orkan sont-elles telles qu'elles puissent

25 efficacement atteindre des cibles groupées ?

26 R. Etant donné, suite à l'impact de dispersion des impacts, il est vrai

27 que l'Orkan a été conçu pour atteindre de grandes cibles groupées.

28 Q. Ensuite, à la page suivante -- enfin, non, chapitre suivant de ce

Page 5139

1 rapport au point 3.5, munitions d'artillerie, page 13 de l'anglais. Nous

2 allons maintenant nous pencher sur ce nouveau sujet. Vous parlez donc des

3 munitions d'artillerie et vous parlez surtout des munitions de l'Orkan, de

4 ce lance-roquettes multiples. On en a déjà parlé, je crois, avant d'avoir

5 parlé des cibles. On en a parlé très longuement d'ailleurs.

6 Dans ce chapitre, pour ce qui est des munitions d'artillerie, vous

7 dites qu'il y a un projectile qui doit être lancé d'une certaine distance

8 pour réaliser la mission, c'est bien cela ? C'est le principe qui est

9 appliqué aussi aux lance-roquettes multiples Orkan, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, tout à fait. Mais, il y a une différence, parce que dans un

11 système de roquettes, il y a un moteur. Ici, on a un système qui est

12 autopropulsé, alors que dans une artillerie plus classique, le projectile

13 est juste éjecté du canon.

14 Q. Merci.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je pense que nous pouvons peut-être,

16 lever la séance. Je pense que nous sommes arrivés à un moment tout à fait

17 propice pour cela.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait. Nous reprendrons demain

19 matin.

20 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, s'il vous plaît.

22 M. WHITING : [interprétation] J'ai un point à soulever pour ce qui est de

23 l'audience de demain.

24 Le témoin prochain qui était prévu était M. Slobodan Lazarevic. Nous

25 avons décidé de ne pas l'entendre en tant que témoin et de passer plutôt au

26 suivant qui est le témoin MM-80. Ce n'est pas basé sur ce quoi que ce soit

27 qu'on ait appris aujourd'hui, mais sur trois choses en revanche. Tout

28 d'abord, ce témoin a été toujours un témoin de contexte. En fait, pour peu

Page 5140

1 de choses. Ce qu'il nous a appris a été admis au titre du 92 bis, mais il

2 n'a pas eu un interrogatoire principal très long, il était là

3 principalement pour le contre-interrogatoire.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

5 Lazarevic, le témoin --

6 M. WHITING : [interprétation] Pour ce qui est de ce témoin, il ne se

7 souviens pas de grand-chose en fait. Il ne se rappelle de rien. C'est pour

8 cela que nous avons décidé de ne pas le citer.

9 Son témoignage et les pièces à conviction sont déjà rentrés au

10 dossier pour ce qui est de la liste 92 bis. Nous ne sommes pas opposés à ce

11 qu'on les retire du 92 bis parce que, de toute façon, vu qu'il ne va pas

12 témoigner, qu'il ne va pas être contre-interrogé, il ne sert plus à rien de

13 l'avoir au titre du 92 bis.

14 Je voulais juste vous en informer et en informer aussi le conseil de

15 la Défense. Demain, il aurait sans doute été prévu pour demain et, comme je

16 pense que le contre-interrogatoire de ce témoin sera terminé demain, il

17 faudrait se préparer à passer à quelqu'un d'autre plutôt que le témoin qui

18 était prévu.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Mais vous nous avez dit que

20 le témoin suivant qui était après celui qui ne viendra pas sera bien là

21 demain ?

22 M. WHITING : [interprétation] Non, ce n'est pas certain. Ce n'est pas

23 certain. J'ai bien peur que si le contre-interrogatoire de ce témoin se

24 termine un peu tôt demain, le prochain témoin ne sera pas encore là.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après vous, Monsieur Milovancevic,

26 combien vous faut-il encore ?

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il faudrait au moins deux sessions, pour

28 ce qui est du témoin qui ne va pas être entendu, le "Great Gatsby" comme

Page 5141

1 on dit, nous sommes tout à fait d'accord pour qu'il ne témoigne pas, mais

2 il faudrait dans ce cas que la déposition qui était au dossier soit

3 retirée.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait.

5 Mais quand vous nous dites deux sessions, cela signifie qu'il faut

6 encore deux sessions à partir de maintenant, c'est cela ? Vous voulez

7 encore passer deux sessions pour le contre-interrogatoire du témoin que

8 nous avons en ce moment dans le box ?

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui. Oui, c'est mon évaluation. Bien que

10 nous allions beaucoup plus vite que je ne le prévoyais. Je veux rester

11 prudent. Juste par prudence, je préfèrerais demander deux sessions pour ne

12 pas être pressé par le temps. Il me semble qu'il me faudra encore deux

13 sessions. Cela devrait suffire. Tout dépend, bien sûr, des réponses que

14 nous obtenons. Peut-être que nous irons encore plus vite que cela. Nous

15 allons essayer d'être expéditifs.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien merci.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, Monsieur Milovancevic,

19 merci. Monsieur Whiting, nous traiterons le problème que vous avez soulevé

20 dans un petit moment, au début de la session suivante, quant à savoir si on

21 retire, une bonne fois pour toutes, le témoin prévu ainsi que sa

22 déposition.

23 M. WHITING : [interprétation] Très bien, certes. Mais je ne vous ai pas

24 très bien compris. J'aimerais bien comprendre ce que vous nous dites. On

25 peut les laisser tomber complètement ou quoi ?

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, il y a quand même un problème, il

27 faut que l'on étudie.

28 M. WHITING : [interprétation] Mais est-ce qu'on pourrait y répondre

Page 5142

1 maintenant peut-être, parce qu'il faut quand même qu'on lui dise s'il doit

2 rentrer ou non chez lui. Il faudrait qu'il le sache tout de suite.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le Juge Nosworthy qui a un

4 problème.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il y a un problème parce que

6 j'avais cru comprendre qu'au titre du 92 bis, la déposition est déjà

7 rentrée au dossier. Si on retire cette déposition, je ne vois pas comment

8 on va faire ? Il faudrait peut-être plutôt le garder au dossier, les garder

9 au dossier au titre du 92 bis et faire en sorte que le témoin puisse être

10 contre-interrogé par la Défense si la Défense en convient. C'est un point

11 de vue de procédure. J'aimerais donc que vous nous disiez exactement ce que

12 vous voulez que nous fassions du point de vue de la procédure.

13 M. WHITING : [interprétation] J'ai bien compris, maintenant. La déposition

14 a été versée et admise au titre du 92 bis à condition que le témoin se

15 soumette à un contre-interrogatoire. Quand le témoin va comparaître, à ce

16 moment-là normalement, c'est là que ce qu'il a écrit au titre de son 92 bis

17 va être versé au dossier, et on peut ainsi ensuite contre-interroger le

18 témoin.

19 Nous avons été très efficaces et nous avons été un peu trop rapides

20 parce que nous avons fourni la déposition plus rapidement que prévu, c'est

21 pour cela qu'il y a déjà une cote, et cetera. Mais cela dit, le témoin,

22 bon, pourrait bien sûr comparaître au bureau du Procureur. Nous l'avons

23 sous la main et nous pouvons très bien le faire comparaître, mais je pense

24 que c'est encore au Procureur de décider si oui ou non nous voulons qu'il

25 comparaisse. Or, nous pensons, nous faisons valoir qu'il serait quand même

26 -- que nous sommes encore en position de le retirer de la liste des

27 témoins.

28 Cela dit, si vous comprenez les choses différemment de nous, pas de

Page 5143

1 problème, et nous voudrions dans ce cas-là, retirer. Il faudrait voir un

2 petit peu ce qu'en dit la Défense pour savoir si nous sommes d'accord pour

3 que ce témoin se retire.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, mais c'est ce que je voulais

5 exactement vous entendre dire, Monsieur Whiting. Maintenant, j'ai bien

6 compris que vous -- j'étais un peu inquiète parce que je voulais -- j'avais

7 un peu l'impression que vous vouliez couper l'herbe sous le pied de la

8 Défense et de leur empêcher de contre-interroger ce témoin. Mais j'ai bien

9 compris maintenant quel est le problème et je ne suis plus inquiète du

10 tout.

11 M. WHITING : [interprétation] Dans ce cas-là, Madame le Juge, si vous nous

12 le permettez, nous n'allons pas citer ce témoin. Il sera retiré de la

13 liste.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Si la Défense est d'accord, cela

15 ne posera aucun problème.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que la Défense est d'accord,

17 n'est-ce pas ?

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, nous sommes tout à fait d'accord

19 avec ce qu'a dit notre éminent confrère de l'Accusation. Je tenais juste à

20 clarifier le problème de la déposition. Maintenant, nous avons bien compris

21 que l'Accusation retire tout témoin de la déposition, et cetera. Donc, tout

22 va bien.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, dans ce cas-là, c'est parfait.

24 Donc, vous n'avez pas besoin d'une ordonnance. Je pense qu'il vous suffit

25 juste de retirer le tout.

26 M. WHITING : [interprétation] En effet.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 Bien, la séance est levée, et nous nous reverrons demain à 9 heures.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le mardi 7 juin 2006,

2 à 9 heures 00.

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