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1 Le mardi 13 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.
6 M. WHITING : [interprétation] Bonjour.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour.
8 M. WHITING : [interprétation] Je me demande si je peux soulever deux points
9 brièvement avant l'entrée du témoin. Tout d'abord, concernant le
10 calendrier. Je préfère soulever ce point dès à présent.
11 Ce témoin -- avant de commencer aujourd'hui, j'ai demandé au conseil de la
12 Défense, comme je le fais souvent, combien de temps encore le contre-
13 interrogatoire va probablement durer, car nous avons besoin de cette
14 information pour le témoin suivant. J'ai été assez étonné, je dois dire,
15 lorsque l'on m'a répondu qu'ils pensaient qu'ils avaient besoin de
16 l'ensemble de la journée pour finir le contre-interrogatoire de ce témoin.
17 Je soulève cela aujourd'hui, en ce moment, car à notre avis, ceci est
18 exagéré, compte tenu du contenu de la déposition du témoin.
19 Je sais que ce témoin a soumis un rapport d'expert. Donc, la durée de
20 l'interrogatoire principal ne doit pas limiter le témoin. Le rapport
21 d'expert ne contient que 18 pages, et il porte surtout sur les victimes,
22 sur certaines informations portant sur l'échelle des événements.
23 L'interrogatoire principal a duré 39 minutes, alors que le contre-
24 interrogatoire a déjà duré 126 minutes [comme interprété]. Je pense que si
25 l'on consacre l'ensemble de la journée aujourd'hui au contre-interrogatoire
26 de ce témoin, ce serait beaucoup trop exagéré par rapport à ce qui serait
27 approprié pour ce type de témoin, compte tenu de là où nous sommes déjà.
28 Je souhaite demander que l'on donne les instructions à la Défense de
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1 terminer son contre-interrogatoire au plus tard à la fin de la deuxième
2 séance. C'est ainsi que nous pourrons citer à la barre les autres témoins.
3 Puis, je tiens compte aussi du fait que la Chambre nous a imposé des
4 limites concernant les témoins pour mener à bien ce procès.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous ai donné une journée de plus,
6 le 19. Vous avez dit que devez terminer le 20.
7 M. WHITING : [interprétation] Oui. Même si à chaque fois que l'on reçoit
8 une date de plus ou demandons une date de plus, une journée de plus, nous
9 sommes très attentifs dans nos estimations.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous le savons.
11 M. WHITING : [interprétation] De toute façon, je pense qu'en ce qui
12 concerne ce point en particulier, que l'ensemble de la journée serait
13 exagéré, surtout si on tient compte du fait que le contre-interrogatoire a
14 déjà duré une heure 26 minutes.
15 Puis, pour soulever l'autre point, j'ai besoin que l'on passe à huis
16 clos partiel. Je ne sais pas si la Chambre souhaite que l'on termine la
17 discussion au sujet du premier point d'abord.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, effectivement,
20 mon éminent collègue m'a demandé combien de temps le contre-interrogatoire
21 allait durer. Je lui ai dit quelle était mon estimation.
22 Bien sûr, nous avons commencé hier le contre-interrogatoire, mais
23 nous savons également que le compte rendu d'audience de la déposition de ce
24 témoin dans l'affaire Babic fait partie du dossier également. Dans cette
25 autre procédure, il a été soumis à un contre-interrogatoire détaillé --
26 pardon, j'ai fait un lapsus. Il n'a pas été soumis à un contre-
27 interrogatoire détaillé dans cette autre affaire. Dans l'affaire ici, il
28 n'a pas été interrogé en détail au sujet de son rapport d'expert ici, mais
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1 ceci était le cas, et très dans le détail, dans l'autre affaire, alors que
2 le compte rendu d'audience a été versé au dossier. C'est la raison pour
3 laquelle peut-être le contre-interrogatoire risque de durer un peu plus
4 longtemps. De toute façon, la Défense fera de son mieux pour agir de
5 manière efficace pour poser des questions brèves et pour traiter des
6 questions essentielles. Plus tôt on termine, plus facile ce sera pour nous.
7 Le Procureur propose que l'on termine avant la fin de la deuxième séance.
8 Nous ferons de notre mieux pour le terminer dès que possible, mais je ne
9 pourrais pas vous dire plus à ce stade si je veux être honnête à l'égard de
10 vous et à l'égard de moi-même.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
12 Je souhaite faire deux petites observations. Tout d'abord, ce témoin en
13 particulier ne peut pas être comparé aux autres témoins, justement en
14 raison du fait qu'il dépose en vertu de l'article 92 bis. Tout ce que
15 l'Accusation avait à faire était de présenter une espèce d'introduction qui
16 a duré seulement 39 minutes. Je pense qu'il ne serait pas équitable vis-à-
17 vis de la Défense de les limiter par rapport à cette durée-là, car ils
18 doivent traiter des questions de fond qui ont été soulevées par le témoin
19 ailleurs. J'accepte ce qui a été dit par Me Milovancevic, à savoir que le
20 témoin a été soumis à un contre-interrogatoire détaillé dans l'affaire
21 Babic, et il est normal de lui poser des questions à ce sujet.
22 D'autre part, je dois dire - et cela c'est un deuxième point - que je
23 vous félicite d'avoir dit que vous alliez poursuivre en étant efficace et
24 en posant des questions pertinentes. Cela, c'est très important. La Chambre
25 vous demande de poursuivre tout en posant des questions pertinentes. Vous
26 pouvez poursuivre.
27 Excusez-moi, Maître Milovancevic.
28 Monsieur Whiting souhaite-t-il soulever un autre point ou vous
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1 souhaitez passer à huis clos partiel ?
2 M. WHITING : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel,
4 s'il vous plaît.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
27 Maître Milovancevic, vous pouvez faire entrer le témoin.
28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
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1 LE TÉMOIN: MLADEN LONCAR [Reprise]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Docteur, je sais que vous avez déjà
4 déposé devant ce Tribunal, et vous savez ce que je vais vous dire, c'est-à-
5 dire qu'il est de mon devoir de vous rappeler que vous êtes encore tenu par
6 la déclaration solennelle que vous avez faite hier, à savoir, de dire la
7 vérité et rien que la vérité.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Merci beaucoup. Maître
10 Milovancevic.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
13 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic : [Suite]
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Loncar. Aujourd'hui, nous allons
15 poursuivre le contre-interrogatoire. Je vais vous demander la même chose
16 que je vous ai demandée hier au début du contre-interrogatoire, à savoir
17 que l'on fasse une petite pause entre mes questions et vos réponses pour
18 permettre aux interprètes de vous suivre.
19 Hier, nous avons terminé un sujet, qui concernait votre séjour à Begejci en
20 1991. Quant à la question de savoir si c'était un camp de concentration ou
21 pas, vous avez dit ce que vous en pensiez. Je vais simplement vous poser
22 une autre question. Il était possible de voir sur chaque chaîne de
23 télévision, la CNN, la BBC et d'autres chaînes internationales, la prison
24 de Guantanamo qui est entourée par des barbelés, qui a des postes
25 d'observation, qui a des gardes avec des chiens. Est-ce que c'est la raison
26 pour laquelle vous considérez qu'il s'agit là d'un camp de concentration,
27 simplement compte tenu de l'aspect de cette prison ?
28 R. Monsieur le Président, est-ce que je peux faire un commentaire en
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1 disant que ceci ne fait pas l'objet de ma déposition de témoin.
2 Q. Je suis d'accord avec vous, Monsieur Loncar, ce n'est pas le cas. Je
3 souhaitais simplement faire une comparaison par rapport à ce que vous avez
4 fourni comme description du camp de Begejci, et c'est la raison pour
5 laquelle je souhaite savoir si vous avez des préjugés dans ce sens. Puis-je
6 vous poser une autre question ?
7 Est-ce que vous avez écrit au sujet de votre séjour à Begejci, à
8 plusieurs reprises, est-ce que vous disiez que c'était un camp ou un centre
9 de rassemblement serbe ou un camp de concentration serbe ?
10 R. Camp de concentration, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
11 Juges.
12 Q. Au sujet de votre parcours professionnel, votre CV, sur plusieurs
13 pages, vous avez présenté en détail les différentes interventions que vous
14 avez faites, les différents séminaires, et cetera et vous avez fourni la
15 liste de vos publications. Entre autres, en 1992, le premier point qui
16 figure, page 2, pour ce qui est de vos participations à différents
17 séminaires et colloques, vous évoquez le sujet purification ethnique et
18 violation des droits de l'homme en Vojvodine et d'après ce que je vois ici,
19 c'est quelque chose qui a été publié à Berlin, en Allemagne.
20 En votre qualité de psychiatre, est-ce que vous estimez que vous êtes
21 compétent d'entrer dans le domaine de la purification ethnique et de la
22 violation des droits de l'homme ?
23 Mme VALABHJI : [interprétation] Mon éminent confrère pourrait-il préciser
24 quelle est la partie du CV de ce témoin qu'il est en train d'évoquer.
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je m'excuse si je n'ai pas été
26 suffisamment précis. Il s'agit du CV de M. Loncar et j'ai cité la page 2.
27 Le titre est : "Participations aux séminaires." Nous avons comme première
28 entrée l'année 1992, un travail présenté par M. Loncar, "Nettoyage ethnique
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1 et violation des droits de l'homme en Vojvodine." J'aimerais savoir si
2 c'est lui qui est l'auteur de cela, et si ses connaissances lui permettent
3 de s'aventurer dans ce domaine.
4 R. Comme je l'ai déjà dit, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
5 Juges --
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant. Nous allons donner la
7 parole à l'Accusation.
8 Mme VALABHJI : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais il me
9 semblait avoir entendu le terme "Chetnik" dans la question de mon confrère,
10 mais ni dans le B/C/S, ni dans la version anglaise de ce titre de 1992 ne
11 semblent reprendre ce terme. L'entrée pour 1992, Berlin, Allemagne.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, votre consoeur
13 dit que le terme "Chetnik" n'y apparaît pas.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Si j'ai souris c'est parce que personne
15 n'a évoqué ce terme. Il est question de nettoyage ethnique. Dans ma
16 question, telle que je l'ai formulée, ce terme n'apparaît pas.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous dire comment est reprise
18 votre question. "Au sujet de votre CV, il semblerait qu'entre autres
19 choses, en 1991, vous avez parlé des Chetniks et du nettoyage ethnique en
20 Vojvodine, c'est un texte qui a été publié à Berlin en Allemagne et c'est
21 la page 2 de votre CV."
22 Autrement dit, le terme "Chetnik" figure dans le compte rendu
23 d'audience, je ne sais pas pour quelle raison.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'en serai gré à ma consoeur d'avoir
25 relevé cela dans le compte rendu d'audience. Je n'avais pas prêté attention
26 pendant que je posais ma question. Encore une fois, je me suis contenté de
27 citer littéralement le titre de son travail de 1992, et comme je suppose,
28 il s'agit là de deux termes qui se ressemblent, quelqu'un a dû faire une
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1 erreur en faisant la traduction, mais je n'ai jamais employé le terme
2 "Chetnik" dans ma question.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'interprète a utilisé le terme
4 "Chetnik" et aussi le terme ethnique. Au bénéfice du doute, nous allons
5 accepter que vous n'avez pas prononcé ce mot et que vous n'aviez pas
6 l'intention de le prononcer.
7 Est-ce que ceci vous satisfait ?
8 Mme VALABHJI : [interprétation] C'est bon, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 Vous avez la parole, Maître Milovancevic.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Avec une observation, si vous m'y
12 autorisez, Monsieur le Président. Je n'avais absolument pas l'intention de
13 le faire et je n'ai pas utilisé ce terme non plus, parce qu'il n'y avait
14 pas de contexte dans lequel j'aurais pu utiliser ce terme. De toute
15 évidence, il s'agit là d'une erreur d'interprétation et je voudrais que ce
16 soit tout à fait clair, autrement on aurait pu comprendre cela comme une
17 provocation que je lançais à l'adresse de M. Loncar et je ne vois pas
18 pourquoi l'aurais-je fais.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Vous
20 pouvez poursuivre.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
22 Q. Monsieur Loncar, êtes-vous l'auteur de ce travail ?
23 R. Oui.
24 Q. Merci. On lit sous l'année 1992, page 2 de votre CV, on lit l'année
25 1993 et vous auriez pris la parole lors d'un séminaire ou d'une conférence,
26 vous aviez présenté le thème consacré au "Viol massif des femmes pendant la
27 guerre contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine." C'est en 1993, à
28 Opatija, en Croatie, que vous auriez présenté ce travail. Est-ce que vous
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1 en êtes l'auteur ?
2 R. Oui, Monsieur le Président.
3 Q. Dans votre CV, sous l'année 1994, c'est la quatrième date sous le
4 titre, vous parlez de "Violence sexuelle commise contre les hommes pendant
5 la guerre," et vous avez présenté ce sujet à Dresden en Allemagne, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Oui.
8 Q. En 1998, page 3 de votre CV, la cinquième date, à commencer du début,
9 concerne la présentation de votre travail dédié aux violations du droit
10 international humanitaire pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine. C'est en
11 Italie, 1998, que vous auriez présenté ce travail; est-ce exact ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pourriez peut-être admettre,
14 Maître Milovancevic, que tout ce qui est cité ici constitue le travail de
15 ce témoin. C'est la raison pour laquelle il cite tout cela dans son CV.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai
17 évoqué en particulier ces publications-là parce que je les ai repérées dans
18 la masse des publications, car il m'a semblé que là, cet expert s'est
19 consacré à un domaine qui sort du domaine de ses compétences.
20 Q. J'aimerais savoir si vous êtes un expert dans le domaine du droit
21 international, est-ce que vous avez une formation juridique ? Est-ce que
22 vous estimez que vous êtes habilités à vous pencher sur la question des
23 violations des conventions internationales, des sujets de nature
24 juridique ?
25 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, permettez-moi de
26 répondre de la manière suivante : dans mes travaux, je ne me suis pas
27 intéressé à des sujets de nature juridique. Je n'ai pas discuté des normes
28 juridiques. Cela c'est un premier point. Un deuxième point, l'Organisation
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1 mondiale de la Santé a publié un livre où il est question des violations
2 des droits de l'homme et des problèmes de santé. Cela dans le contexte des
3 activités de l'Organisation mondiale de la Santé, c'est elle qui a publié
4 le livre en question, et je pense que ceci montre que les médecins peuvent
5 s'intéresser aux droits de l'homme, ainsi que tous ceux qui travaillent à
6 l'amélioration de la condition humaine et du respect des droits de l'homme.
7 Tout un chacun qui travaille dans ce domaine peut apporter sa contribution.
8 Q. Page 2 dans la liste des publications dont vous êtes l'auteur dans
9 votre CV, pour l'année 1993, votre deuxième publication, vous dites : viol
10 massif de femmes pendant la guerre contre la Croatie et la Bosnie-
11 Herzégovine. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, qui a mené cette
12 guerre contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que c'était
13 quelque chose qui s'est déroulé simultanément ? Qui est l'auteur de ces
14 viols ?
15 R. Qui en est l'auteur ? Dans le cadre de mes recherches, j'ai pu
16 démontrer, et il s'agit là d'un travail qui a été publié dans une revue
17 médicale où l'aval pour la publication de ce travail a été donné par deux
18 experts indépendants qui ont permis que ce travail soit publié, j'y
19 présente le fruit de mes recherches menées jusqu'à ce moment-là dans le
20 domaine des viols qu'ont subis les femmes pendant la guerre.
21 Q. Si je vous pose cette question, Monsieur Loncar, c'est parce que
22 j'estime personnellement que sans aucun doute vous deviez vous intéresser à
23 ce type de sujet, par exemple, le statut des victimes des viols en
24 situation de guerre. Ce qui m'intéresse, c'est le titre que vous avez donné
25 à ce sujet. Je comprends que vous puissiez vous entretenir avec des
26 victimes, mais l'acte de viol, vous l'avez qualifié de partie intégrante de
27 la guerre menée contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que
28 c'est cela que vous vouliez montrer ?
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1 R. Oui. Les viols massifs ont été utilisés comme un instrument pendant la
2 guerre.
3 Q. Ces viols ont été utilisés comme un instrument contre les parties
4 croates et bosniennes ? Vous ai-je bien compris ?
5 R. On pourrait le dire ainsi, de manière simplifiée.
6 Q. A ce sujet, je voudrais parler de votre rapport d'expert où en page 1
7 on lit le titre : "Centre médical des droits de l'homme." Puis ensuite
8 pages 2 et 3, avec le chiffre II, on lit le titre : "La méthodologie du
9 travail avec les victimes de la guerre." Et pages 2 et 3 en version
10 anglaise, on trouve un passage qui m'intéresse, suite à la dernière réponse
11 que vous avez apportée, à savoir, le titre qui se lit comme suit : La
12 méthode elle-même de recueil de déclarations compte plusieurs objectifs
13 dont les principaux sont -- Je pense que les Juges de la Chambre ont pu
14 identifier ce passage.
15 Vous dites qu'en tant que psychiatre, lorsque vous recueillez les
16 déclarations des victimes, vous avez plusieurs objectifs à l'esprit lorsque
17 vous le faites. Vous citez ces objectifs dans ce texte en B/C/S en page
18 dont les trois derniers chiffres en haut à droit sont 656. Le premier
19 objectif est, dites-vous, le fait de rechercher les violations des
20 conventions internationales des droits de l'homme, où la déclaration
21 recueillie est formulée comme un document juridique.
22 Au sujet de ce premier objectif, j'aimerais savoir la chose suivante
23 : en tant que psychiatre, vous vous entreteniez avec le patient dans le but
24 de formuler cette déclaration sous forme juridique.
25 R. Monsieur le Président, permettez-moi de fournir quelques mots
26 d'explication suite à la question de Me Milovancevic. A la page précédente,
27 du moins dans le document que j'ai sous les yeux, l'on voit aussi
28 l'historique de cette déclaration et la manière de recueillir les
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1 informations. Je peux encore une fois présenter la méthode de recueil des
2 déclarations si cela est utile. Si la Chambre m'y autorise, je vais
3 l'expliquer, cela, brièvement.
4 La méthode de recueil de déclarations date des années 1970. C'est en
5 Chili pendant la dictature qu'on a commencé à appliquer cette méthode suite
6 à des études menées sur des expériences traumatiques vécues par les
7 patients. On s'est rendu compte que le recueil lui-même de déclarations a
8 un effet positif.
9 Cette méthode a été publiée dans des revues spécialisées. Il s'agit
10 de quelque chose qui a été utilisée aux Etats-Unis par des experts
11 américains pour travailler sur un groupe de réfugiées. C'est une référence
12 qui est citée dans des publications scientifiques et médicales.
13 Un deuxième point, Monsieur le Président. S'il le faut, je peux dire quels
14 sont ces aspects psychothérapeutiques de la méthode qui est présentée ici,
15 rapidement.
16 On m'a demandé pourquoi le format de ce document qui est réalisé est
17 juridique. L'histoire médicale d'un patient ne prend-elle pas également la
18 forme d'un document juridique, Monsieur le Président ? Quelle est la
19 différence entre le recueil d'une déposition d'un témoin et le recueil
20 d'informations de la part d'un patient ? Lorsque le patient arrive à
21 l'hôpital, on commence à lui demander immédiatement des informations. On
22 lui demande depuis quand il a des problèmes, comment a évolué son état, et
23 cetera. Ici, la seule différence est que nous n'avons pas affaire à un
24 patient mais à une victime. L'objectif est le même, à savoir, d'entamer un
25 récit ensemble avec la victime à partir du début de son expérience
26 traumatisante jusqu'au moment présent. Si je dis que c'est sous forme
27 juridique qu'on formule le document, c'est parce qu'à partir de ce moment-
28 là, c'est un document qui relève du secret médical. Nous ne sommes pas en
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1 train de jouer un jeu quel qu'il soit et de se prendre pour des procureurs
2 ou des juges ou des enquêteurs. C'est simplement une occasion qui permet à
3 la victime de verbaliser ses expériences dans un contexte où la victime se
4 sent en sécurité.
5 Ce que je peux vous dire, Monsieur le Président, c'est que je suis
6 fier des résultats obtenus grâce à ces entretiens. Il n'y a pas eu d'excès
7 remarqués de sentiment de vengeance ou de rage. Nous avons tenté de les
8 resocialiser et de les réintégrer dans la société en tant que citoyens à
9 part entière, pour qu'ils ne se sentent pas comme des victimes humiliées ou
10 honteuses, mais pour que psychologiquement, elles prennent conscience du
11 fait qu'elles ont été témoins de quelque chose et qu'il n'a pas lieu de se
12 sentir coupables ou honteux pour avoir vécu cela. En particulier, il s'agit
13 là des victimes de viol qui se sentent honteuses. Donc, cela a été un des
14 premiers succès de cette méthode.
15 En reprenant l'évolution de l'expérience traumatisante, nous avons pu
16 voir de quelle intensité il s'agit là, d'expériences traumatisantes, donc
17 quelle ampleur de soin est nécessaire à l'avenir sur le plan médical.
18 Q. Vous avez décrit en détail hier la substance de cette déclaration
19 recueillie de la part des victimes. Au sujet de l'explication que vous
20 fournissez, page 1, puis cela continue page 2 du texte anglais, on lit le
21 titre "Déclaration". C'est dans le chapitre qui est dédié à la méthodologie
22 du travail avec les victimes de la guerre.
23 Vous avez dit parmi vos objectifs que vous recueilliez les
24 déclarations des victimes. Dites-moi, ai-je raison lorsque je vous cite en
25 disant que : "Le rappel historique de la méthode du recueil des
26 déclarations montre que c'est au Chili qu'on a commencé à développer la
27 méthode, lors des travaux secrets dans l'objectif de fournir une
28 thérapie ?"
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1 R. Oui, précisément. La substance de cette méthode, c'est la thérapie.
2 Cela, c'est la priorité, l'effet thérapeutique.
3 Q. Si l'effet thérapeutique est la priorité, pourquoi dites-vous, page
4 suivante que : "La méthode du recueil des déclarations avait pour principal
5 objectif l'étude des violations des conventions internationales sur les
6 droits de l'homme, et que c'est la raison pour laquelle la déclaration est
7 formulée sous forme juridique ?"
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre consoeur est debout.
9 Mme VALABHJI : [interprétation] Il me semble que c'est la deuxième fois où
10 mon confrère présente le premier point qui figure ici parmi les objectifs
11 cités comme étant l'objectif principal. En fait, il est présenté uniquement
12 comme l'un des principaux objectifs, tel que le texte est formulé. Merci.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'accepte la remarque formulée par ma
15 consoeur.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie de la respecter.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
18 Q. Vous dites que lorsqu'on recueille la déclaration de la victime, qu'on
19 obtient des effets thérapeutiques. Cela, je le comprends. C'est la suite
20 qui m'intéresse. Vous dites : "Lorsqu'on recueille la déclaration d'une
21 victime, la victime devient témoin, et c'est un pas vers sa réintégration
22 dans la société." Est-ce que l'objectif n'est pas de libérer la victime du
23 fardeau qu'elle porte lorsqu'elle s'adresse au médecin ?
24 R. Ce que j'entendais par là, c'était le changement psychologique de la
25 victime. Ce n'est pas au point de juridique qu'il y a changement, mais d'un
26 point de vue psychologique. En faisant cette déclaration, en traversant
27 cette procédure thérapeutique, à partir du moment où la victime a raconté
28 son récit à quelqu'un, elle n'est plus, d'un point de psychologique, la
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1 victime; elle devient, par là, un témoin. Et d'un point de vue
2 psychologique, c'est considérablement meilleur pour la victime. Vous savez
3 parfaitement, en tant que juriste, que personne ne se félicite de son
4 statut de victime. C'est un statut très difficile, c'est un état très
5 difficile.
6 Q. A ce sujet, au point 3, parmi les objectifs, les objectifs principaux,
7 vous dites qu'il s'agit de recueillir des données afin de pouvoir procéder
8 à la réalisation des études statistiques, et que ces études ont apporté de
9 nouvelles connaissances dans le domaine de l'application des tortures en
10 tant qu'instrument dans la guerre en révélant cela.
11 R. Oui.
12 Q. Puis, au point 3, vous dites que la torture en tant qu'arme dans une
13 guerre, et qu'en fait, que ces études ont montré le lien de cause à effet
14 entre les méthodes de torture et la stratégie de purification ethnique.
15 R. Je cite : "On voit le lien de cause à effet entre les méthodes telles
16 qu'appliquées, de torture et la stratégie du nettoyage ethnique." Ceci
17 montre un lien de cause à effet entre les méthodes de torture appliquées et
18 la stratégie de nettoyage ethnique.
19 Q. Le nettoyage ethnique est quelque chose qui doit être établi devant ce
20 Tribunal ou l'autre juridiction. Est-ce que vous prenez plutôt ceci comme
21 une question de fait ou est-ce quelque chose que vous avez établi vous-
22 même ?
23 R. Je répète que je cite le texte. On a fait remarqué la cause et l'effet,
24 disons, le lien de cause entre les méthodes appliquées pour les tortures et
25 la stratégie du nettoyage ethnique.
26 Q. Au point 4, vous indiquez que la méthode consistant à recueillir les
27 déclaration a plusieurs objectifs, et notamment, l'objectif qui est point
28 4, qui est la classification des types de torture, en insistant plus
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1 particulièrement sur les sévices sexuels, à la fois en ce qui concerne
2 particulièrement les femmes et éventuellement les sévices sexuels contre
3 les hommes. Est-ce que vous pensez aussi que les sévices sexuels ont aussi
4 été un instrument de guerre pour favoriser la stratégie de nettoyage
5 ethnique ?
6 R. Comme je l'ai dit dans mon rapport, j'ai dit que j'avais établi un lien
7 de cause à effet entre les méthodes appliquées, y compris les sévices
8 sexuels et le nettoyage ethnique.
9 Q. La méthode pour recueillir des déclarations concernant ces différents
10 objectifs que vous avez énumérés, est-ce que cela s'appliquait dans le
11 territoire de la SAO Krajina ou de la RSK, bien que cette région se soit
12 trouvée sous la protection des Nations Unies, des forces des Nations Unies,
13 ou comme on les appelait, les UNPA ?
14 R. Je vous répondrai en disant que nous travaillions avec les victimes,
15 que nous avons pu contacter les victimes qui se sont mises en rapport avec
16 nous.
17 Q. Les victimes qui appartenaient à quelle région ?
18 R. Elles appartenaient au territoire de la République de Croatie. Ces
19 personnes avaient été déplacées, parce qu'elles avaient été chassées, et il
20 y avait des personnes de Bosnie-Herzégovine qui étaient des réfugiés et qui
21 avaient fui la région.
22 Q. Puisque maintenant vous êtes en train de présenter votre témoignage
23 d'expert dans l'affaire Martic, est-ce que ces quatre objectifs ou les
24 renseignements que vous nous avez donnés, ont-ils un lien ou est-ce qu'ils
25 s'appliquent aux régions qui sont énumérées dans l'acte d'accusation ?
26 R. Ce rapport s'applique à la zone de l'UNPA, c'est-à-dire, des zones qui
27 se trouvaient sous le contrôle des forces serbes. Les personnes concernées
28 étaient les personnes qui avaient été expulsées de la région, avec
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1 lesquelles nous avons pu avoir des contacts, avec qui nous avons pu nous
2 entretenir.
3 Q. Pour préciser les choses et clarifier totalement, la question sur la
4 base de vos entretiens avec des personnes de ces régions, vous êtes arrivé
5 à la conclusion, dans ce rapport d'expert que vous avez rédigé, que la
6 torture ou les méthodes de torture appliquées au cours de la guerre étaient
7 directement liées à la stratégie du nettoyage ethnique qui était mis en
8 œuvre sur place. Vous avez tout particulièrement insisté sur les sévices
9 sexuels à la fois contre des femmes et des hommes, comme stratégie ou comme
10 arme de guerre faisant partie de cette stratégie d'un nettoyage ethnique;
11 c'est bien ceci ? J'ai bien compris ?
12 R. Oui.
13 Q. Je vous remercie. Pourrions-nous, s'il vous plaît, maintenant voir le
14 document de l'Accusation de la liste 65 ter, qui porte le numéro 327.
15 Pourrait-on le voir à l'écran. Il s'agit du rapport de la FORPRONU pour le
16 secteur sud.
17 Avant que l'on voie ce document à l'écran, ce document 327 de la liste 65
18 ter, il s'agit d'un document de l'ONU, qui contient un résumé de --
19 l'UNCIVPOL de l'ONU, contenant un résumé concernant les crimes commis dans
20 le secteur Sud contre la communauté croate sur une période longue. Je
21 voudrais que vous regardiez une partie du document que je vais vous citer.
22 Je crois que nous voyons bien le texte du document à l'écran. Oui, c'est
23 bien cela. C'est bien ce document-ci.
24 Monsieur Loncar, vous avez devant vous un document de la FORPRONU des
25 Nations Unies, qui a été envoyé par John McElligott à
26 M. Thornberry, John McElligott à M. Thornberry. Non, excusez-moi. Ce
27 document est daté du 27 juillet 1993. L'objet, c'est "Les crimes commis
28 contre des Croates dans le secteur sud." Pourriez-vous regarder la page 3
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1 du document, s'il vous plaît. Oui, pourrions-nous voir l'ensemble du
2 tableau un peu agrandi, s'il vous plaît.
3 Oui, Monsieur Loncar, vous voyez ici une liste de crimes qui a été
4 constaté, enregistré par la FORPRONU sur une longue période. Nous avons,
5 par exemple, le mois d'août 1992 et mai 1993. Cela, c'est à une des
6 périodes.
7 Puis à l'entrée 29, une liste -- ou, disons, la deuxième colonne
8 montre toutes sortes de crimes et délits, incendies, attaques, tout ceci
9 jusqu'au meurtres. On en a déjà parlé. Regardez maintenant à l'entrée
10 numéro 20 où il est question des "viols". Vous voyez que tout au long de la
11 période qui va du mois d'août 1992 et mai 1993, la population qui rendait
12 compte qu'il y avait des incendies, il y avait différents types de crimes,
13 pas un seul n'a rendu compte de viol comme décrits. En tous les cas, cela
14 n'a pas été enregistré par la FORPRONU. Est-ce que vous voyez cela à
15 l'écran maintenant ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, l'Accusation, Madame
18 Valabhji.
19 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, je lève des
20 objections à cette question. Le témoin a dit dans sa déposition qu'il y
21 avait des victimes de la Croatie et qu'il y en avait d'autres de Bosnie-
22 Herzégovine. Ce sont des territoires auxquels il s'est référé.
23 Maintenant, ce rapport concerne le secteur sud. C'est quelque chose
24 de tout à fait différent du point de vue géographique, de la portée
25 géographique, en ce qui concerne les territoires décrits par le témoin. Je
26 dois dire que je suis en désaccord avec ce type de question, Monsieur le
27 Président.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en répondant à
2 mes questions, c'est M. Loncar qui a dit que les sévices sexuels, en tant
3 qu'armes de guerre, s'appliquaient aussi aux UNPA. Alors, je lui montre
4 maintenant un rapport qui couvre l'une de ces régions très vastes, dans
5 laquelle quelque 20 crimes, des délits ont été rapportés. Je ne vois pas
6 pourquoi ma consoeur objecte à cela. C'est une question tout à fait
7 pertinente. Entre le mois d'août d'une année et le mois de mai de l'année
8 suivante, pas un seul incident de viol n'est rapporté.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Docteur, est-ce que vous avez fait des
10 recherches dans le secteur qui est présenté à l'écran ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Avec votre
12 permission, je vais essayer de répondre à la question posée en vous
13 indiquant un certain nombre de faits.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voulais simplement savoir si vous
15 avez procédé à des recherches en ces lieux, et si vous avez fait votre
16 recherche en collaboration avec des personnes qui ont établi ce rapport que
17 l'on voit à l'écran. Est-ce que vous avez travaillé main dans la main avec
18 eux ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour le secteur sud, ceci couvre la zone de
20 Knin, si je ne me trompe pas.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous travaillé --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je sais, à cause du travail que j'ai
23 fait avec des victimes, il y a eu des sévices sexuels précisément dans les
24 camps de Knin. Je ne suis pas surpris que l'UNCIVPOL de l'ONU n'ait pas été
25 en mesure de se procurer ce type de renseignement. Parce que je soupçonne
26 que les victimes de tels crimes n'étaient pas accessibles au UNCIVPOL.
27 Cela, c'est la première partie de ma réponse.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Avant que vous ne
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1 commenciez à donner la deuxième partie, pouvez-vous répondre à ma question
2 par un simple oui ou non : avez-vous travaillé avec des personnes qui --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Dans ce cas, la
5 question devient dépourvue de pertinence, excusez-moi. Je la rejette,
6 Maître Milovancevic. Pour dire les choses de cette manière, l'objection est
7 retenue.
8 Vous pouvez poursuivre, Maître Milovancevic.
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Pourrions nous
10 regarder maintenant la page suivante du document ? Pourrait-on agrandir le
11 texte un peu ?
12 Q. Monsieur Loncar, nous avons regardé la page précédente pour laquelle je
13 n'ai pas été autorisé à vous poser une question. Nous avons vu que ce
14 rapport traitait de Vrlika, Drnis, Bratiskovci, Smokovic, Medak,
15 Teslingard, Zaluznica, Knin, Kistanja, Benkovac, Obrovac, Gracac, Donji
16 Lapac et Korenica, pas seulement Knin. Avez-vous travaillé avec des
17 victimes de ces régions ?
18 R. Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, quand j'ai
19 parlé de Knin, j'ai voulu dire, c'est ce que nous appelons normalement la
20 UNPA sud. Sur la base du document que j'ai vu il y a un moment, en plus des
21 nombreuses personnes qui ont rendu compte de ces crimes ou délits, je
22 répète que je ne suis pas surpris qu'il n'y ait pas de rapport sur des
23 sévices sexuels, et je dis ceci pour les raisons suivantes : comme nous le
24 savons, sur la base des statistiques médicales, ce n'est que des cas un sur
25 cinq ou un sur six des cas de viols qui sont déjà signalés en temps de
26 paix. On peut bien s'attendre à ce qu'en temps de guerre, et
27 particulièrement dans les circonstances dans lesquelles ces personnes se
28 trouvent en prison ou dans des camps, le nombre d'incidents dont il est
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1 rendu compte doit être beaucoup plus bas.
2 Je voudrais terminer en disant que le chiffre que M. Milovancevic nous a
3 signalé à l'entrée numéro 20, où il n'y a pas de cas de viol signalé, c'est
4 quelque chose qui ne me surprend pas.
5 Q. C'est pour moi une surprise que la FORPRONU, qui enregistrait tous les
6 crimes et délits depuis des vols à des crimes beaucoup plus graves, n'ait
7 pas rendu compte de ceci. Mais ici il y a un témoin, une dame qui a
8 témoigné devant le Tribunal, et dont le mari et le père avaient été tués.
9 En répondant à la question posée par la Défense sur la question de savoir
10 si elle avait entendu parler de viols dans son secteur, elle a répondu -- à
11 Saborsko, elle a dit : "Il y avait toutes sortes de crimes, mais pas de
12 viols."
13 Avez-vous des renseignements en ce sens ?
14 R. Je n'ai pas entendu quoi que ce soit de ce genre.
15 Q. Je vous remercie. Ceci suffit.
16 Nous allons passer à un autre sujet. Répondant à la question du
17 Procureur, vous dites que vous avez été arrêté en 1993, et qu'en fait, on
18 vous a amené au poste de police sous le prétexte que vous deviez changer
19 votre carte d'identité. Qui vous a arrêté ? C'étaient les autorités de quel
20 Etat ?
21 R. Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à cette question. On m'a amené
22 pour interrogatoire.
23 Q. Et qui donc vous a amené ?
24 R. C'était la police croate.
25 Q. La police croate vous a amené pour un interrogatoire ? Vous avez
26 expliqué que ceci était probablement parce que votre pièce d'identité
27 n'était pas en ordre, mais la question de fait était la nature de votre
28 travail, c'est-à-dire, vos recherches concernant les crimes et délits. Vous
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1 parliez uniquement des crimes commis contre des Croates. Pourquoi est-ce
2 que les autorités croates vous auraient fait venir ? Pourquoi auraient-
3 elles été préoccupées par cela ?
4 R. Je ne peux que supposer ce qui les ennuyait, c'est qu'à l'époque je
5 faisais ce que je faisais, ce dont je suis en train de parler maintenant.
6 Comme vous-même, vous me l'avez demandé, vous avez allégué que mon travail
7 était une sorte de quasi-accusation. Je suppose qu'en fait, je ne peux que
8 supposer que c'était par ignorance. Enfin, je ne sais pas quels doutes les
9 autorités croates pouvaient avoir concernant mon travail, tout comme vous
10 d'ailleurs.
11 Quant aux victimes proprement dites, j'ai travaillé avec les unes ou les
12 autres indépendamment de leur religion ou leur origine ethnique, parce que
13 j'estimais que le fait d'être victime, c'est une caractéristique
14 universelle.
15 Je pense aussi que les auteurs de crimes doivent être punis indépendamment
16 de leur origine religieuse ou ethnique, et que ces personnes doivent être
17 nommées.
18 Q. Dans la version anglaise de votre rapport d'expert, à la page 1, au
19 point II, nous avons le titre suivant : "Méthodologie de travail avec les
20 victimes de guerre." En B/C/S, il s'agit de la page 655. Est-ce que vous
21 avez réussi à trouver cette partie du texte ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous expliquez dans cette partie, au premier paragraphe, que le centre
24 pour les droits de l'homme dans son travail avec les victimes d'agression
25 contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine avait utilisé différentes
26 méthodes pour recueillir des données. En ce qui concerne ce terme,
27 "agression contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine," pourriez-vous nous
28 dire qui était l'agresseur ? De quelle période s'agit-il ?
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1 R. Je l'ai fait entre 1991 et 1995, lorsque j'ai utilisé ce terme
2 "d'agression." Il s'agit de cette période que j'avais à l'esprit.
3 Q. Par rapport à cette qualification, le travail avec des victimes
4 d'agression contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, vous présentez la
5 Croatie et la Bosnie-Herzégovine comme étant celles qui ont subi
6 l'agression. Qui était à votre avis l'agresseur ?
7 R. Monsieur le Président, lorsque nous parlons de l'agression et de
8 l'agresseur, c'est un fait de notoriété publique. Si je dis que quelqu'un a
9 attaqué la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, il faut bien que ce soit
10 quelqu'un de l'extérieur et c'est un fait bien connu, on le sait qui a
11 attaqué ces deux pays.
12 Q. Je serais curieux d'entendre de votre bouche, qui, selon vous, c'était.
13 Si c'était un fait notoire, je voudrais l'entendre de vous.
14 R. Monsieur le Président, ceci va au-delà du domaine de mon rapport
15 d'expert concernant les victimes de guerre. J'ai mon opinion personnelle
16 que je peux vous communiquer, si c'est nécessaire.
17 Q. Monsieur Loncar, vous avez fourni un rapport d'expert qui a été versé
18 comme élément de preuve au dossier dans une autre affaire et sur la base de
19 votre avis, une sentence valable a été adoptée et ici, il y a une autre
20 personne qui est en train d'être jugée sur la base de votre rapport
21 d'expert et dans lequel vous utilisez, vous nous dites qu'il y a eu une
22 méthode de travail avec les victimes de guerre qui était basée sur le
23 recueil de données de victimes de guerre, victimes d'une agression contre
24 la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Si vous avez écrit ceci dans votre
25 rapport, je suppose que vous n'allez pas éviter de me fournir une réponse ?
26 R. Je peux vous donner des réponses en ce qui concerne les victimes.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ceci
28 serait peut-être un bon moment pour suspendre la séance pour la première
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1 fois.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic. Nous allons
3 suspendre brièvement la séance qui reprendra à 16 heures.
4 La séance est suspendue.
5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.
6 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur Loncar, le Procureur nous a communiqué la déclaration que vous
10 avez fournie au bureau du Procureur. Nous avons également reçu un jeu de
11 photographies en couleur qui accompagnaient cette déclaration. Je ne l'ai
12 que sous la forme que j'ai là. Je vais demander à M. le Greffier de nous
13 présenter ces photographies, de nous les afficher à l'écran. Ceci a à voir
14 avec les événements que nous avons examinés à l'instant. Je voudrais que
15 l'on parle des événements sur le terrain et de vos appréciations.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si cela est
17 possible, je voudrais que l'on affiche quelques photographies à l'écran.
18 Vous pouvez les montrer une à une, s'il vous plaît ?
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant d'afficher les
20 photographies, je voudrais entendre l'Accusation.
21 Mme VALABHJI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me
22 demande quelle est la pertinence de ceci ? Mon confrère a abordé très
23 brièvement hier la question de ces déclarations du mois d'octobre 2005 et
24 il est question là des domaines qui tout simplement n'ont aucune
25 pertinence. Eu égard à cet acte d'accusation. Je pense que ces zones se
26 situent en Bosnie-Herzégovine. Ce serait ma première objection, à savoir,
27 manque de pertinence.
28 Une deuxième objection, je pense que vous sortez du domaine de la
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1 déposition de cet expert dans l'espèce.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Naturellement, la Chambre ne sait pas
3 de quelles photographies il s'agit.
4 Maître Milovancevic, vous avez entendu l'objection.
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'intention de la
6 Défense est de présenter cette photographie de témoins qui sont connus du
7 témoin afin de vérifier l'objectivité et l'impartialité du témoin. Nous
8 souhaitons vérifier ses affirmations consistant à dire au chapitre II,
9 Méthodologie du travail avec les victimes de la guerre, qu'il s'est
10 effectivement entretenu avec les victimes de l'agression contre la Croatie
11 et la Bosnie-Herzégovine. L'expert est parti d'un parti pris en estimant
12 que la situation de fait était d'une certaine nature, mais nous souhaitons
13 contester cette thèse. Nous souhaitons aussi démontrer que, qui plus est,
14 cet expert le sait pertinemment. De cette manière-là, nous souhaitons
15 remettre en question la crédibilité de ce témoin expert.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les photographies ont-elles à voir
17 avec le rapport qui a été rédigé par le témoin en espèce ? S'agit-il là de
18 victimes au sujet desquelles il dit qu'il a mené des entretiens avec
19 celles-là et eu égard à l'espèce ?
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il s'agit de photographies de victimes
21 de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Ces photographies concernent les
22 victimes qui sont directement connues du témoin expert. C'est dans une
23 autre affaire qu'il en a parlé au bureau du Procureur, mais ces
24 photographies nous ont été communiquées dans le cadre des communications
25 faites par l'Accusation en accompagnant sa déclaration.
26 Nous souhaitons vérifier, sur la base de ces photographies, quelle
27 est l'approche, quelle est la méthode appliquée par le témoin expert dans
28 l'étude des questions sur lesquelles il se penche.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que ce sont des documents qui
2 vous ont été communiqués à l'appui dans cette affaire ou dans une autre
3 affaire ?
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Si c'est à moi que s'adresse votre
5 question, ce sont les documents dans leur ensemble qui nous ont été
6 communiqués par le Procureur eu égard à la déposition de ce témoin expert
7 dans notre affaire. Tous les éléments qui nous ont été communiqués au sujet
8 de ce témoin sont pertinents, à notre avis, puisqu'ils nous ont été
9 communiqués par la partie adverse. Il s'agit là des documents qui
10 concernent les victimes, des victimes de Croatie et de Bosnie.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
12 Oui, Madame Valabhji.
13 Mme VALABHJI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Je pense qu'il y a un malentendu de la part de mon confrère pour ce
15 qui est de la communication au sujet de cette déclaration du témoin en
16 application de l'article 66 du Règlement. Les déclarations des témoins qui
17 sont venus déposer ici doivent faire l'objet de communication et je pense
18 que c'est au terme de cet article-là précisément que nous l'avons fait. Je
19 ne suis pas tout à fait certaine de la nature de ces documents à l'appui
20 qui ont été communiqués en plus du rapport d'expert, mais je pense qu'il
21 s'agissait simplement de communication en application du 66.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans la présente affaire ?
23 Mme VALABHJI : [interprétation] C'est exact.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
25 L'objection est rejetée. Vous pouvez poursuivre, Maître Milovancevic.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Est-ce que vous pouvez placer la première photographie dans l'ordre dans
28 lequel elle se présente chez vous.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que nous
2 devons passer à huis clos partiel ou est-ce que nous pouvons l'aborder en
3 audience publique ?
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il n'y a pas lieu de passer à huis clos
5 partiel. Il n'y a aucun risque lié à l'identification.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
8 Q. Reconnaissez-vous cette photographie, Monsieur Loncar ?
9 R. Je ne vois toujours pas la photographie à l'écran.
10 Q. Nous l'avons à l'écran. Vous devriez pour pouvoir la voir. Vous l'avez
11 à côté de vous.
12 R. Oui, je reconnais la photographie.
13 Q. Pourriez-vous nous dire d'où elle vient, ce qu'elle représente ?
14 R. Cela représente les victimes de Doljani, de 1993.
15 Q. La victime, c'est qui ?
16 R. Ce sont des victimes de nationalité croate.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, nous ne voyons pas la
18 photographie à l'écran.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,
20 c'était affiché à l'écran devant moi, mais maintenant, je ne le vois plus.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant, nous
22 l'avons.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
24 Q. La localité de Doljani se situe en Bosnie-Herzégovine. Nous avons ici
25 une victime qui est d'appartenance croate, de nationalité croate et qui est
26 victime des forces musulmanes; c'est bien cela ?
27 R. Oui.
28 Q. La photographie suivante, s'il vous plaît. Peut-on nous montrer la
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1 photographie suivante, s'il vous plaît ? L'on y voit le camion à bord
2 duquel on a transporté ces victimes. Ce sont des victimes croates, n'est-ce
3 pas ?
4 R. Oui.
5 Q. La photographie suivante, s'il vous plaît.
6 L'on voit ici plusieurs victimes. On voit des gens s'affairer autour
7 de ces victimes. Je suppose qu'ils sont en train de les identifier; ai-je
8 raison ?
9 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'est un médecin de la FORPRONU, si
10 je l'identifie bien.
11 Q. Ici aussi, s'agit-il de victimes croates, suite à des actes commis par
12 les forces musulmanes en Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que l'on peut voir la photographie suivante, s'il vous plaît.
15 Qu'est-ce qui est caractéristique de la victime que nous voyons à
16 l'image ? Est-ce que vous reconnaissez quelque chose ?
17 R. Non, c'est difficile. Je ne vois pas pourquoi.
18 Q. Est-ce qu'il y a des brûlures ?
19 R. Oui. On dirait, mais je ne m'en souviens plus.
20 Q. C'est également une victime de nationalité croate ?
21 R. Pour autant que je le sache, oui.
22 Q. Merci. La photographie suivante, s'il vous plaît.
23 Qu'est en train de montrer la main gantée qui porte ce gant blanc ?
24 Je pense que la main est en train de montrer les blessures au niveau du
25 thorax ?
26 R. Oui. Je pense que c'est ce que vous dites, mais je ne suis pas certain.
27 Q. Très bien. Est-ce que nous pouvons voir la photographie suivante ?
28 Nous voyons ici, me semble-t-il, une victime en civil. Toutes ces
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1 victimes concernent le même endroit ?
2 R. Pour autant que je le sache, c'est le village de Doljani.
3 Q. C'est le village où il y a eu des victimes croates parmi les habitants
4 croates dues à des actes commis par des membres des forces musulmanes ?
5 R. Oui, c'est cela.
6 Q. Est-ce que l'on peut voir la photographie suivante, s'il vous plaît.
7 Là encore, nous avons une des victimes qui a été retrouvée, n'est-ce
8 pas, Monsieur Loncar ?
9 R. Oui.
10 Q. La photographie suivante, s'il vous plaît.
11 Là encore, nous revoyons une des victimes du village de Doljani ?
12 R. Oui.
13 Q. Merci. Continuons.
14 Qu'en est-il de la partie supérieure du corps de cette victime ? Est-
15 ce que l'on peut le voir à l'écran ?
16 R. De la première victime ?
17 Q. Oui, de la première victime qui est en gros plan.
18 R. Celle-ci ?
19 Q. Oui.
20 R. Je dois dire que j'ai du mal à distinguer.
21 Q. Est-ce que l'on peut distinguer sur cette photographie si la victime a
22 une tête ou non ?
23 R. Oui, ce n'est pas facile de distinguer.
24 Q. Très bien. La photographie suivante, s'il vous plaît.
25 Sur cette photographie, l'on voit au premier plan les jambes de la
26 victime; c'est bien cela ?
27 R. Oui.
28 Q. C'est encore l'une des victimes de Doljani ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-elle en uniforme ou en civil ? Parvenez-vous à le voir ?
3 R. Il me semble qu'elle est en uniforme.
4 Q. Merci. Est-ce qu'on peut voir la photographie suivante ? Ici
5 aussi, nous voyons l'une des victimes de Doljani ?
6 R. Oui, Monsieur le Président.
7 Q. Je vous remercie. La photographie suivante, s'il vous plaît.
8 Nous voyons ici le camion à bord duquel on a apporté les victimes à
9 l'endroit de l'examen; c'est bien cela ?
10 R. Oui.
11 Q. La photographie suivante, s'il vous plaît.
12 C'est encore le même camion ?
13 R. Oui.
14 Q. C'est juste un autre angle de prise de vue, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Merci. La photographie suivante, s'il vous plaît.
17 Cette victime a des blessures sur la tête ?
18 R. Oui. D'après ce que l'on voit ici, oui.
19 Q. Merci. La photographie suivante, s'il vous plaît.
20 La suivante, puisque l'on ne distingue pas bien ce qui se passe. Il
21 montre l'homme qui est en train de s'occuper des victimes.
22 Ici, nous voyons comment on décharge les victimes du camion ?
23 R. Oui, pour autant que je m'en souvienne.
24 Q. La photographie suivante, s'il vous plaît.
25 C'est la pièce ou le hangar où ont été apportées ces victimes à bord
26 des camions ?
27 R. Oui.
28 Q. La photographie suivante.
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1 On a enlevé les vêtements sur le corps de ces victimes, ce qui révèle
2 les blessures au niveau du buste. Egalement, on voit des blessures sur la
3 tête ?
4 R. Oui.
5 Q. Que peut-on dire de la nature de ces blessures ? A quoi sont-elles
6 dues ?
7 R. Je pense qu'il est très probable, qu'il est vraisemblable que ces
8 blessures soient dues à des armes à feu, d'après ce que je vois.
9 Q. Merci. Il ne nous reste plus que quelques photographies. La suivante.
10 Ce sont toutes ces victimes qui figurent sur une même photo commune,
11 si l'on peut dire ?
12 R. Oui, pour autant que je me souvienne.
13 Q. Je pense qu'on en a terminé avec les photographies. Je remercie M.
14 l'Huissier.
15 Je vous ai présenté ces photographies, Monsieur Loncar, pour vous
16 poser la question suivante : sur le territoire de Bosnie-Herzégovine en
17 1993, d'après ces photographies, y avait-il un conflit armé dans le cadre
18 duquel les forces musulmanes ont provoqué des victimes de cette nature et
19 dans ce nombre du côté croate ?
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Mme Valabhji.
21 Mme VALABHJI : [interprétation] Je présente mes excuses, Monsieur le
22 Président. Quel est l'objectif de ces questions ?
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette
24 série de questions, Maître Milovancevic ?
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La pertinence, Monsieur le Président,
26 c'est précisément ce qui figure dans la première phrase du deuxième
27 chapitre du rapport d'expert, page 1 dans la version anglaise, à savoir,
28 "La méthodologie du travail avec les victimes de guerre." L'hypothèse de
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1 départ de ce témoin expert est qu'il s'agit là des victimes de l'agression
2 sur la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Or, il ressort de ces
3 photographies, que là concrètement, il s'agit d'une attaque armée menée par
4 les forces musulmanes contre la population civile croate et les membres des
5 forces armées croates. L'affirmation qui découle de cette première phrase
6 est que ce sont les victimes de l'agression menée par les Serbes. D'après
7 moi, ceci décrédibilise la méthode de travail et l'approche de cet expert.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez encore une fois
9 relire cette phrase sur laquelle vous dites que se fonde la pertinence ? Je
10 ne vous ai pas entendu dire le mot "Serbe" lorsque vous avez lu la phrase.
11 Vous avez dit : "Le point de départ de ce témoin expert est que les
12 photographies montrées dans l'espèce montre des victimes de l'agression
13 contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine." C'est là que vous avez mis un
14 point. Vous n'avez pas mentionné les Serbes. En montrant ces photographies
15 au témoin, vous avez dit au témoin quelle était l'appartenance ethnique de
16 ces gens et d'où ils étaient originaires, qu'ils étaient de Doljani. Je
17 voudrais poser des questions au témoin au sujet de ces questions que vous
18 lui avez demandées.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Dans son rapport, le témoin parle de
20 l'agression menée contre la Croatie, la population croate, contre la Bosnie
21 et la population musulmane de Bosnie par une partie tierce ou de
22 l'extérieur. D'après ces documents, l'on voit qu'en Bosnie, où vivaient à
23 la fois les Serbes, les Croates et les Musulmans, là, en l'occurrence, les
24 forces musulmanes ont massacré la population civile et les militaires
25 croates.
26 Je vais demander à l'expert ici de nous expliquer qui est la victime
27 et de quoi il s'agit ici. Car cette hypothèse de base de départ du témoin
28 expert est quelque chose que je souhaite vérifier.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, ce témoin dit-il
2 dans son rapport qui est l'agresseur ? Voyez-vous, ces photographies que
3 vous nous avez montrées, je ne sais pas quelle est la période qui est
4 concernée, je ne sais pas comment le témoin détermine l'appartenance
5 ethnique de ces gens simplement en regardant ces photographies et comment
6 il sait d'où ils sont originaires. C'est vous qui le lui avez dit, et il a
7 simplement accepté ce que vous lui avez soumis. Si cette première phrase
8 est quelque chose qui devrait nous inciter à réfléchir davantage là-dessus,
9 il est dit ici que c'était une agression commise sur la Croatie et la
10 Bosnie-Herzégovine, sur leur population. Ce témoin, il est venu ici pour
11 donner des opinions d'expert et non pas de fournir des faits. Il doit
12 parler des effets des expériences traumatisantes. Vous voulez qu'il soit un
13 témoin oculaire.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. L'expert, en
15 répondant à ma question directe, à savoir qui avait effectué l'agression,
16 avait dit que cela fait partie des connaissances générales. Puisque cela ne
17 fait pas partie de mes connaissances générales, je dois me fonder sur les
18 documents qu'il avait présentés au bureau du Procureur lorsqu'il a parlé
19 des victimes croates qui ont péri en raison des actions menées par les
20 forces armées musulmanes.
21 L'ensemble de ce rapport d'expert, Monsieur le Président, le chapitre
22 suivant, concerne les liens de cause à effet, la torture et la stratégie de
23 nettoyage ethnique. L'ensemble du rapport porte sur l'entreprise commune
24 criminelle des Serbes. Le Procureur essaie d'établir cela à partir de ce
25 rapport. J'essaie de voir si le témoin ait un minimum d'objectivité et
26 d'impartialité lorsqu'il établi les faits et lorsqu'il tire les
27 conclusions.
28 Si dans la première phrase du rapport il dit qu'il s'agit d'une
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1 agression contre la Croatie et contre la Bosnie-Herzégovine, et lorsqu'il
2 refuse de répondre à ma question de savoir qui avait commis cet acte
3 d'agression, et à la place de cela il répond en disant : "Oui, il s'agit là
4 des connaissances généralisées," je dois le référer à un cas en particulier
5 et lui poser des questions particulières.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Afin qu'il puisse vous
7 répondre par oui ou non à cette question, il doit nous dire s'il était le
8 témoin de l'agression perpétrée sur ces personnes que l'on voit sur la
9 photo, non pas en tant qu'expert, mais en tant que témoin oculaire. Il doit
10 être en mesure de nous dire qu'il avait vu cela lorsque ceci se déroulait.
11 Sinon, il ne peut pas nous dire qui avait perpétré l'agression sur ces
12 personnes, n'est-ce pas ? La phrase de son rapport à laquelle vous avez
13 fait référence ne mentionne pas d'agresseur.
14 Donc, vous devez dire à la Chambre quel est le lien que vous établissez
15 entre le rapport et les photographies.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, jusqu'à
17 maintenant nous parlions de l'objection de l'Accusation portant sur la
18 pertinence de mes questions posées à ce témoin. Nous n'étions pas encore
19 arrivés aux réponses aux questions que vous avez mentionnées. J'allais
20 justement commencer à poser ces questions, car ce débat est allé, j'ai
21 l'impression, un peu loin par rapport à ce que je souhaitais demander à ce
22 témoin, au moins d'après la manière dont j'ai compris les choses. Sinon --
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être vous êtes allé un peu
24 trop loin vous-même, si vous avez montré ces photos avant de jeter les
25 bases de cela. Vous pouvez établir le fondement et dire que ceci vous a été
26 communiqué par le bureau du Procureur, mais vous ne l'aviez pas fait. Vous
27 n'aviez pas établi les bases avant de lui montrer les photographies au
28 moins. Nous n'avons pas compris cela, et nous ne comprenons toujours pas où
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1 voulez-vous en venir. Il s'agit d'une règle de base, à savoir, vous devez
2 établir le fondement de chacune de vos questions. Si vous souhaitez nous
3 présenter les pièces à conviction sans aucun fondement, bien sûr, que nous
4 ne pouvons pas accepter cela jusqu'au moment - à moins que vous
5 n'établissiez les bases. Vous ne pouvez pas dire à la Chambre de première
6 instance qu'elle est allée trop loin, car c'est vous qui contrôlez la
7 procédure à ce stade de la procédure.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis tout à
9 fait d'accord avec ce que vous avez dit. Je retire ce que j'ai dit car je
10 faisais surtout référence à moi-même.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Si vous souhaitez
12 poser des questions au sujet de ces photographies à ce témoin, veuillez
13 établir le fondement, car pour le moment nous ne comprenons pas d'où
14 viennent ces photographies et quel est le fondement sur lequel vous vous
15 basez pour les présenter.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le
17 Président, c'est justement ce que je vais faire, brièvement.
18 Q. Monsieur Loncar, est-ce que le 25 et le 26 octobre --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je
20 souhaite indiquer que l'objection est acceptée dans ce contexte.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Loncar, avez-vous fait une déclaration auprès du bureau du
23 Procureur les 25 et 26 octobre 2005 au sujet des victimes que l'on voit
24 dans ces photographies ?
25 R. Je dois dire que j'ai été en contact avec le bureau du Procureur
26 plusieurs fois. Je ne me souviens pas des dates. Nous avons parlé de
27 plusieurs sujets différents, je ne me souviens pas concrètement parlant de
28 ce document. Je suppose que le bureau du Procureur peut le dire.
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1 Q. Le bureau du Procureur a distribué votre déclaration faite le 25 et le
2 26 octobre 2005, qui contient 28 paragraphes dans lesquels vous parlez du
3 massacre qui a eu lieu à l'encontre de la population croate à Doljani en
4 1993. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que tel était effectivement
5 le cas ?
6 R. Il m'est très difficile de vous répondre au sujet de ce document, je ne
7 l'ai pas devant moi. Je ne sais pas de quoi vous parlez.
8 Q. Vous avez parlé du travail du centre que je vous ai mentionné, du
9 centre médical chargé des droits de l'homme. Au paragraphe 12 de votre
10 déclaration, vous dites que toutes les enquêtes sont bien documentées dans
11 les archives de votre centre. Ensuite vous parlez des cadavres qui ont été
12 apportés de Doljani et vous dites qu'avec votre collègue, Marko Rados et un
13 médecin britannique du contingent britannique de la FORPRONU, vous aviez
14 examiné les cadavres, car apparemment il s'agissait d'un cas de crimes de
15 guerre. C'est la raison pour laquelle la FORPRONU y a participé. C'est le
16 paragraphe 18.
17 Ensuite, au paragraphe 20, vous dites : "Je suis en train de rendre
18 le rapport intitulé 'Le rapport sur le massacre à Doljani près de
19 Jablanica,' en date du 4 août 1993 à Medjugorje."
20 Vous dites au paragraphe 20 que vous êtes en train de communiquer un
21 rapport intitulé "Le rapport sur le massacre de Doljani près de Jablanica,"
22 en date du 4 août 1993, et un autre rapport intitulé "Le rapport sur les
23 crimes musulmans dans le village de Doljani, municipalité de Jablanica."
24 Ensuite, vous expliquez les photographies que je viens de vous montrer, les
25 photographies qui font partie de votre déclaration de témoin et sur
26 lesquelles mes questions portaient.
27 Est-ce que vous vous souvenez du contenu de votre déclaration, des
28 photographies et de l'événement ?
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1 R. Je me souviens que j'ai fait un rapport sur le massacre avec mes
2 collègues, mais encore une fois, il m'est difficile de parler concrètement
3 de ce document puisque je ne l'ai pas sous les yeux. Quant à la question de
4 savoir si le document est un seul rapport du centre ou un témoignage --
5 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Loncar. L'essentiel de ma
6 question n'était pas l'idée de vous forcer de vous rappeler le document
7 sans vous le montrer. Je vous avoue que c'est difficile. Ma question était
8 de savoir qui, dans l'affaire présente, était l'agresseur en ce qui
9 concerne ces victimes croates ?
10 R. Comme vous venez de dire --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette question a été rejetée puisque
12 vous n'avez pas établi les bases. Veuillez d'abord établir les bases. Vous
13 aviez dit que vous allez le faire dans cinq minutes ou dans peu de temps.
14 Je vous ai dit que ce témoin n'est pas un témoin oculaire. La partie
15 du rapport que vous avez citée au témoin, vous dites que vous êtes en train
16 de vous appuyer là-dessus pour dire qu'une partie tierce avait attaqué ces
17 personnes. Ici on ne mentionne pas le nom de l'agresseur. Il est simplement
18 dit qu'il s'agissait d'une agression sur les Croates et sur les Bosniaques.
19 On ne dit pas qui est l'agresseur et lui, il n'est pas un témoin oculaire.
20 Il n'était pas le témoin du massacre. Il traitait des situations de stress
21 post-traumatique, je suppose.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je tenais compte du fait que
25 l'Accusation nous avait donné la déclaration du témoin qui disait qu'il
26 était sur place lorsque les victimes ont été apportées, qu'il avait examiné
27 les cadavres avec la FORPRONU et que les forces musulmanes avaient commis
28 ces crimes contre ces victimes. Tout ce que je souhaitais savoir de la
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1 bouche du témoin était s'il pouvait nous confirmer cela. Bien sûr, je ne
2 souhaite pas impliquer qu'il était le témoin oculaire du massacre, mais
3 simplement, il avait entendu parler de cela, et je voulais qu'il nous le
4 confirme.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends pas, Maître
6 Milovancevic, pourquoi n'essayez-vous pas d'obtenir cela avec d'autres
7 témoins ? Ce témoin nous a dit ce qu'il nous a dit dans ce rapport. Si vous
8 pouvez me dire à quel endroit de son rapport il dit que ces victimes
9 avaient été attaquées par une partie tierce, vous pouvez poser votre
10 question et votre question aurait été redondante, car la réponse existerait
11 dans la déclaration écrite.
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais terminer
13 pour ce qui est de ce sujet. Afin de clarifier ce point, je tenais compte
14 du document de l'Accusation qui est la déclaration de Mladen Loncar, qui
15 est le témoin ici présent, déclaration faite au bureau du Procureur les 25
16 et 26 octobre 2005 où, au paragraphe 20, ce témoin dit mot à mot : "Je vous
17 communique un rapport," il le dit à l'Accusation, "intitulé Rapport sur la
18 massacre commis à Doljani, près de Jablanica," rédigé le 4 août 1993, de
19 même qu'un rapport ultérieur, rapport d'enquête intitulé 'Rapport sur les
20 crimes musulmans commis dans le village de Doljani, municipalité de
21 Jablanica.'" Ce sont les mots prononcés par ce témoin et contenus dans
22 cette déclaration. Je lui demande tout simplement si ces photographies
23 concernaient ce rapport aussi.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de lire ce que vous
25 venez de citer, s'il vous plaît. Vous y dites : "Je vous communique" et
26 dit au bureau du Procureur, "un rapport intitulé 'Le rapport sur la
27 massacre de Doljani près de Jablanica en date du 4 août 1993, à
28 Medjugorje,' tout comme un rapport d'enquête ultérieur intitulé 'Rapport
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1 sur les crimes musulmans dans le village.'"
2 Les criminels ici sont les Musulmans. Il vous a fourni la réponse
3 ici. Il s'agit des crimes musulmans. Je vous cite ce que vous venez de nous
4 citer. C'était dans le village de Doljani. Apparemment les criminels
5 mentionnés dans cette partie du rapport étaient les Musulmans.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Justement, je souhaitais qu'il me
7 confirme cela en tant que témoin, qu'il avait dit cela dans ce rapport.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, maintenant vous avez trouvé
9 cela vous-même dans le rapport.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
11 Q. Est-ce que le témoin est au courant du fait qu'un procès est en cours à
12 l'encontre des six personnes de la Bosnie-Herzégovine, de la direction
13 croate de la Bosnie-Herzégovine. Jadranko Prlic est ici. C'est un procès
14 qui a lieu devant ce Tribunal, pour que ces personnes soient jugées devant
15 ce Tribunal pour les crimes commis par les forces armées de la Croatie,
16 contre la population musulmane. Est-ce que vous le savez ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la pertinence de cela ?
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La pertinence est dans le fait que le
19 témoin n'arrête pas de parler de l'agression serbe et en Croatie et en
20 Bosnie-Herzégovine. L'essentiel de son rapport d'expert, que nous avons
21 sous les yeux, est que les Serbes avaient commis une agression et qu'ils
22 avaient commis tous les crimes en Croatie.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Encore une fois, vous n'avez pas à
24 référer cette Chambre de première instance aux allégations faites par le
25 témoin contre les Serbes, et vous êtes en train de dire qu'il fait des
26 allégations contre les Serbes, alors que nous venons d'établir, grâce à vos
27 efforts, qu'il dit qu'il y avait des crimes commis par les Musulmans à
28 Doljani, si je ne me trompe du nom de l'endroit. Je ne comprends pas
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1 pourquoi vous êtes en train de poser votre question. Je ne vois quelle est
2 la pertinence de cette question, si vous lui demandez s'il sait que ces
3 personnes-là sont jugées devant ce Tribunal.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si le fait que
5 les forces musulmanes avaient commis les crimes de Doljani contre les
6 Croates, c'est ce qui a été dit par le témoin dans une autre affaire. Dans
7 une autre affaire, qui fait l'objet d'un procès, il a été dit que les
8 Croates avaient commis des crimes contre les Musulmans, le témoin le sait.
9 Ce qui me rend perplexe dans ce rapport est qu'il parle seulement de
10 l'agression serbe et c'est son point de départ. C'est sa condition sine qua
11 none et j'essaie tout d'abord d'établir cela pour me lancer dans les
12 détails. C'est la raison pour laquelle j'essaie de vérifier cela avec le
13 témoin.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez poser toutes les questions
15 que vous voulez si la question est pertinente. Mais si la question n'est
16 pas pertinente, la Chambre ne peut pas la permettre et vous n'avez pas à
17 établir la pertinence de la question. Lorsque vous demandez s'il est au
18 courant du fait que certaines autres personnes sont jugées devant ce
19 Tribunal, ceci ne concerne nullement son rapport de témoin et cette
20 question ne sera pas permise à moins que vous n'établissiez le fondement et
21 ne montriez sa pertinence.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci à vous.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur Loncar, vous étiez témoin expert dans le procès à l'encontre
26 de Milan Babic; est-ce exact ?
27 R. Oui.
28 Q. Le bureau du Procureur vous a posé des questions détaillées dans le
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1 cadre de l'interrogatoire principal, justement au sujet du rapport que nous
2 avons devant nous; est-ce exact ?
3 R. Oui. C'est exact.
4 Q. Au cours de cette procédure à l'encontre de M. Milan Babic, la Défense
5 ne vous a pas contre-interrogé, la Défense de M. Babic. Ils n'avaient
6 aucune question pour vous, n'est-ce pas ?
7 R. Si mes souvenirs sont bons, ils avaient quelques questions.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je souhaite demander à l'Huissier de
9 distribuer aux parties le compte rendu d'audience de l'affaire Babic. Nous
10 avons suffisamment d'exemplaires pour tous les participants au procès, de
11 même que pour les interprètes.
12 Q. Vous avez devant vous, Monsieur Loncar, et d'ailleurs tout le monde l'a
13 dans ce prétoire, le compte rendu d'audience de l'affaire Babic, en date du
14 1er avril 2004.
15 Si vous examinez la page 70 du compte rendu d'audience, le compte rendu
16 d'audience commence à la page 66, on peut voir que M. Whiting commence ses
17 propos liminaires à la page 70. M. Whiting dit qu'il va procéder aux propos
18 liminaires et qu'il a un seul témoin, à savoir, vous, Monsieur Loncar. On a
19 mal indiqué votre nom, il est écrit Mladic Loncar au lieu de Mladen Loncar.
20 Etes-vous d'accord avec cela ? C'est à la page sur laquelle en haut à
21 droite figure le numéro 70.
22 C'est au début du texte --
23 R. Oui.
24 Q. Visiblement, il s'agissait d'une erreur, d'une faute de frappe
25 concernant votre nom.
26 Aux pages 71, 72 et 73, M. Whiting parle du contenu de l'accord passé
27 avec M. Babic, et à la page 74, M. Whiting fait référence à la déclaration
28 du premier témoin en tant que pièce à conviction. C'est à la page 74, en
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1 bas de la page, cela commence dans la ligne 21, et dans cette partie du
2 compte rendu d'audience, M. Whiting dit à la Chambre de première instance
3 qu'un témoin de Dubica décrit combien de Croates avaient quitté son village
4 pendant le conflit et que le 20 octobre 1991, 53 civils avaient été tués.
5 Avant cela, ils avaient été installés dans la caserne des pompiers qui
6 était placée sous le contrôle de la JNA à l'époque.
7 S'agit-il d'une donnée que vous aviez trouvée lorsque vous rédigiez
8 votre rapport d'expert ?
9 R. Il serait nécessaire de comparer les données pour savoir si elles
10 correspondent les unes au autres.
11 Veuillez répéter la question, s'il vous plaît ? J'ai tout trouvé dans
12 mon rapport.
13 Q. Merci, Monsieur Loncar. Il est très difficile de retrouver les
14 différents éléments dans le compte rendu.
15 A la page 74, ligne 21, M. Whiting parle d'un témoin de Dubica, qui
16 décrit combien de Croates ont fui le village de Dubica au cours du conflit,
17 et en particulier, le fait que le 28 octobre, 53 civils ont été hébergés
18 dans la caserne de pompiers ou au poste de pompiers, où ils ont été gardés
19 par des Serbes du cru et par la JNA.
20 Est-ce que c'est bien ce que vous avez trouvé ?
21 R. Oui. Cinquante-trois civils au village de Dubica qui ont été détenus au
22 poste d'incendie local. C'est cela que j'ai retrouvé.
23 Q. Je vous remercie. A la page 76 du compte rendu, à la ligne 8 de ce
24 compte rendu, M. Whiting cite un deuxième témoin. A la page 76, ligne - si
25 vous pouvez retrouver ceci pour moi - il dit ici qu'un deuxième témoin
26 fournit des éléments concernant l'attaque par les forces serbes de
27 Skabrnja. Un deuxième témoin fournit des éléments de preuve concernant
28 l'attaque par les forces serbes contre Skabrnja le 18 novembre 1991.
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1 M. Whiting poursuit en disant que ce témoin a dit comment les soldats
2 serbes, y compris des soldats de la JNA et des soldats de la SAO Krajina,
3 intentionnellement, ont délibérément exécuté des civils au cours de
4 l'attaque, y compris des personnes âgées et des femmes.
5 Est-ce que ces renseignements sont compatibles avec ce que je vous
6 dites dans votre rapport d'expert sur la base de vos recherches ?
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que dit-il dans son rapport d'expert,
8 que déclare-t-il ? Maître Milovancevic, que dit-il dans son rapport
9 d'expert pour savoir s'il pense que c'est compatible avec ce que vous venez
10 de dire ? Vous êtes en train de dire au témoin ce que M. Whiting lui a dit.
11 Vous ne lui dites pas ce que lui-même, le témoin, a dit. Vous voyez, vous
12 êtes en train d'essayer d'obtenir une confirmation par le truchement de ce
13 témoin de choses que le témoin oculaire - bon, ce sont des éléments de
14 preuve, des faits. Ce témoin-ci est un expert, Maître Milovancevic. Il est
15 venu ici pour donner son témoignage en tant qu'expert. Voudriez-vous, s'il
16 vous plaît, rester aussi pertinent que possible et rester dans le cadre et
17 dans l'objectif de la déposition de ce témoin.
18 Vous êtes en train d'essayer d'obtenir de ce témoin une confirmation
19 d'une déclaration qui a été faite par un membre de l'Accusation à
20 l'audience. Cette déclaration d'un substitut est une pure allégation. Le
21 Procureur doit encore demander à un témoin de déposer sur ces allégations.
22 Ce témoin-ci, le nôtre, n'était pas témoin oculaire dans ce procès-là non
23 plus.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans le rapport
25 du témoin, à la page 68 -- page 668 de la version B/C/S et à la page 12 à
26 la version en anglais, ce témoin parle de l'attaque lancée contre Skabrnja.
27 Il décrit ce qu'il a établi sur la base d'éléments de preuve d'une
28 déposition des survivants. Je suis simplement en train de lui demander s'il
Page 5524
1 est d'accord avec ce que le substitut, M. Whiting, a dit au procès Babic.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. C'est la raison pour
3 laquelle je vous ai posé ma propre question. Est-ce que ceci est compatible
4 avec ce que vous avez dit où, quoi ? Faites-lui une citation exacte pour
5 qu'il puisse dire s'il sait exactement où il veut regarder. Il sera à ce
6 moment-là peut-être en mesure de répondre à votre question pour dire s'il
7 est d'accord ou pas ou s'il n'est pas d'accord. S'il dit simplement qu'il
8 est d'accord ou qu'il n'est pas d'accord, il faut que vous voyiez, que vous
9 lisiez ce qu'il a écrit, ce témoin-ci, et ce que dit le substitut à
10 l'audience, tout ceci n'est pas très utile, ne nous aide pas beaucoup.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie Monsieur le Président.
12 Q. A la page 12 de la version anglaise et à la page 668 de la version
13 B/C/S, au dernier paragraphe, vous parlez de Skabrnja et Nadin. Vous dites
14 que : "Il a été révélé que des membres de la JNA et des forces
15 paramilitaires serbes avaient pris au hasard des habitants du village, le
16 seul critère étant la découverte" - j'accélère, les interprètes ont des
17 difficultés, mais - "on a découvert ceci après être entrés dans les
18 villages, que la JNA, les forces de la JNA et des forces paramilitaires
19 serbes ont pris au hasard des habitants du village, leur seul critère étant
20 leur nationalité, et les ont tués."
21 La question que je vais vous poser est de savoir si cette déclaration que
22 vous faites s'adapte et est compatible avec ce que M. Whiting a dit au
23 procès de Babic ? Est-ce que c'est bien le cas, Monsieur Loncar ?
24 R. Je dois admettre, Monsieur le Président, qu'il est très difficile pour
25 moi de suivre les deux idées en même temps. Il est très difficile pour moi
26 de dire ou de voir qui a dit quoi. Je voudrais tout d'abord regarder mon
27 propre rapport.
28 Q. Ce que je vous demande, c'est de savoir si cette partie de votre
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1 déclaration ou si c'est bien une partie de votre déclaration qui est
2 relative Skabrnja ?
3 R. Ceci, effectivement, a trait à Skabrnja.
4 Q. Oui. Donc, ceci est Skabrnja. Pour l'anglais, c'est la
5 page 12.
6 R. Je lis le texte B/C/S.
7 Q. M. Whiting a parlé de cela. On retrouve ceci à la page 76 du compte
8 rendu du procès Babic. A la page 76 du compte rendu. Avez-vous retrouvé ?
9 R. Je ne vois nulle part le nom de Skabrnja.
10 Q. Il s'agit de la page 76, ligne 9. Un deuxième témoin fournit des
11 éléments de preuve concernant l'attaque par des forces serbes contre
12 Skabrnja le 18 novembre.
13 R. Oui, oui.
14 Q. "Des soldats serbes, y compris des soldats de la JNA et des soldats de
15 la SAO Krajina, ont volontairement, intentionnellement exécuté des civils
16 au cours de l'attaque, y compris des personnes âgées et des femmes."
17 Ceci, c'est exactement la même information que celle que vous
18 fournissez dans votre rapport; n'est-ce pas vrai ?
19 R. J'ai mes renseignements tels que je les ai obtenus des victimes.
20 Q. Je vous remercie. A la même page, page 76 du compte rendu, M. Whiting,
21 aux lignes 13 et 14, parle du crime commis à Bruska, et parle de la Krajina
22 milicija, ceux qui sont venus au village de Bruska le 21 décembre 1991 et
23 qui ont massacré dix civils.
24 A la page 669 de la version B/C/S - je crois que c'est à la page 12
25 dans la version anglaise - vous parlez aussi de Bruska et vous parlez de
26 personnes qui sont venues à la porte, qui se sont présentées comme étant
27 des membres de la milicija de Martic et qui ont tué des personnes qui s'y
28 trouvaient. Est-ce que c'est bien ce qui est dit dans votre rapport ?
Page 5526
1 R. Monsieur le Président, si j'ai pu m'y retrouver entre un document et
2 l'autre, ce qui est évidemment assez troublant, Monsieur le Président - si
3 vous voulez bien me donner un instant. Voyons voir. Le village, oui. Oui.
4 Ceci, c'est le pli d'une déclaration de survivants, de témoins oculaires du
5 crime.
6 Q. Finissons-en avec la page 76 avant la suspension de séance.
7 Excusez-moi, nous avons encore un quart d'heure.
8 Le deuxième témoin qui est cité sur cette page par M. Whiting,
9 substitut de l'Accusation, parle de Poljanak et de la façon dont des civils
10 ont été exécutés à cet endroit.
11 Et enfin, aux lignes 21 et 22, l'Accusation parle d'un témoin qui a
12 fourni des éléments de preuve concernant l'arrestation par la milice de
13 Martic et sa détention dans l'ancien hôpital à Knin.
14 Est-ce que vous aviez eu connaissance de ces événements ? Est-ce que vous
15 en avez entendu parler par des victimes ?
16 R. Oui. Je dois présenter mes excuses à la Chambre de première instance
17 parce que je trouve très difficile de m'y retrouver. Si je peux vous poser
18 une question en vous demandant d'éclaircir ou de préciser votre question
19 avant que j'essaie d'y répondre.
20 Q. Est-ce que ce que déclare M. Whiting ici dans l'affaire, le procès
21 contre Milan Babic est le même type d'élément ou de déposition que vous
22 avez entendue ou recueillie en travaillant avec des témoins ?
23 R. En me basant sur un simple coup d'œil rapide de ce texte, je trouve
24 très difficile de passer d'un document à l'autre.
25 Q. Je vous remercie de votre réponse. Je suis d'accord avec vous que c'est
26 un peu difficile à suivre.
27 A la page 77 du compte rendu qui remonte à 2004, M. Whiting dit que
28 l'Accusation et la Défense ont conjointement invité un témoin, les deux, où
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1 le nom est Mladen Loncar est mentionné - c'est à la page 77, lignes 13 et
2 14 - il s'agit d'un psychiatre qui a des connaissances spécialisées
3 d'expert pour ce qui est des victimes de guerre et des crimes de guerre, et
4 qui déposera sur les effets pour les victimes des crimes commis en Croatie,
5 qui ont été commis en la présente affaire. Est-ce que c'est là la mission
6 qui vous a été confiée en donnant votre avis d'expert dans l'affaire
7 Babic ?
8 R. C'est ce que je vous dis tout le temps, Monsieur le Président. Ma tâche
9 était de parler des impacts, des incidences sur la santé des victimes de
10 ces crimes.
11 Q. Est-ce que --
12 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que l'on répète les références. Si Me
13 Milovancevic pourrait répéter les numéros des pages.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, on vous demande
15 de répéter la référence au numéro de page, parce que les interprètes ne
16 l'ont pas entendu.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Il s'agit de la page 79 du compte rendu, lignes 14 et 15.
19 Q. M. Whiting décrit votre rôle comme étant celui de témoin expert de la
20 manière suivante : "M. Mladen Loncar déposera non seulement sur les effets
21 des crimes par rapport aux victimes, mais également au sujet des effets
22 positifs du plaidoyer de culpabilité de l'accusé et de sa reconnaissance de
23 responsabilité."
24 Est-ce que c'était aussi votre tâche, Monsieur Loncar ?
25 R. Ma tâche était de dire quel pouvait être l'effet du plaidoyer de
26 culpabilité de M. Babic sur les deux côtés, sur les deux groupes ethniques.
27 Q. Je vous remercie. Nous venons d'établir quelle était votre tâche pour
28 ce qui était de rédiger ce rapport d'expert.
Page 5528
1 Pouvons-nous regarder maintenant la page 116 du compte rendu ? Tout
2 en haut de la page 116, le substitut achève son contre-interrogatoire.
3 Monsieur Loncar, vous avez bien la numération de la page là, le numéro ?
4 R. Il semblerait que j'ai plusieurs exemplaires de la même page. C'est
5 pour cela que je ne m'y retrouve pas. Vous avez dit la page 116 ?
6 Q. Oui. Lignes 5 et 6. En réponse à la question posée par le Juge
7 Président de la Chambre, c'est le point de savoir s'il était nécessaire que
8 la Défense procède au contre-interrogatoire du
9 Dr Loncar, le conseil de la Défense de M. Babic a répondu qu'il n'y avait
10 pas de questions du côté de la Défense. Par conséquent,
11 M. Mueller ne vous a posé de questions; c'est bien cela ?
12 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, il y a eu une question. C'est
13 la raison pour laquelle j'ai dit que je crois avoir été interrogé par M.
14 Mueller. C'était une question très brève, cela dit.
15 Q. Mais d'une façon, en principe, il n'y a pas eu de
16 contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?
17 R. Je dois admettre que je ne peux pas vraiment juger du point de savoir
18 jusqu'où il faut être interrogé pour être considéré comme faisant l'objet
19 d'un contre-interrogatoire.
20 Q. Est-ce que vous voulez révoquer en doute le texte que vous avez lu
21 devant vous là à la page 111, lignes 5 et 6, où M. Mueller dit qu'il n'y a
22 pas d'autres questions de la Défense ?
23 R. Non. C'est tout simplement que je ne m'en souviens plus. On a discuté.
24 Je ne sais pas si c'était une véritable discussion ou des questions et
25 réponses comme situation, cela, je ne le sais pas.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour aider le témoin, est-il possible
27 que vous référiez à la question qui vous a été posée par le Juge ? Parce
28 que je vois que conformément au compte rendu, le Juge El Mahdi a posé la
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1 question suivante, je cite : "Docteur, nous voudrions vous demander - pour
2 commencer, le Juge Orie a dit : "Le Juge El Mahdi a une question de plus à
3 vous poser. C'est cette question unique qui a été posée par le Juge El
4 Mahdi.
5 Est-ce que vous n'êtes pas en train de confondre la question du Juge
6 El Mahdi comme étant une question de la Défense ?
7 Est-ce que vous avez entendu ma question, Docteur ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je vous
9 présente mes excuses. Je croyais que la question était posée au conseil de
10 la Défense.
11 Oui, c'est tout à fait possible, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voyez cela, Monsieur
13 Milovancevic, -- que le Docteur -- excusez-moi, le Juge a demandé à poser
14 une question au témoin ? Je ne sais pas si c'était à cette question
15 particulière qu'il voulait faire allusion lorsqu'il a dit il avait été
16 contre-interrogé par le fait qu'on lui ait posé une question. Mais, votre
17 homologue a demandé la parole.
18 Oui, Madame Valabhji.
19 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, si on regarde un peu
20 plus loin dans le compte rendu, je ne sais pas si mon confrère avait
21 l'intention d'aller jusque-là, mais à la page 123, il y a une question qui
22 est posée par M. Fogelnest.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] qui est M. Fogelnest ?
24 Mme VALABHJI : [interprétation] C'est le conseil de la Défense chargé de la
25 Défense de M. Babic, Monsieur le Président.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux être
27 utile, ceci faisait partie des questions supplémentaires en dépit du fait
28 que la Défense avait dit ne plus avoir de questions à poser lors du contre-
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1 interrogatoire. Ensuite, il y a eu les questions posées par les membres de
2 la Chambre, puis le conseil de la Défense a demandé à pouvoir poser des
3 questions supplémentaires, mais ceci ne saurait être considéré comme un
4 contre-interrogatoire. Peut-être que c'est à cela que voulait faire penser
5 le témoin.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est vrai, mais ce témoin ne
7 connaît peut-être pas la distinction entre tous ces éléments.
8 Oui, Madame Valabhji.
9 Mme VALABHJI : [interprétation] J'allais justement dire cela, Monsieur le
10 Président.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voyez tout ce dont il va se
12 souvenir c'est qu'un juriste ou un conseil, un avocat, s'est levé de
13 l'autre côté et a posé des questions, a posé des questions. Quant à savoir
14 à quel stade du procès, cela il se peut qu'il ne soit pas en mesure de nous
15 le dire.
16 Quelle que soit la situation, je pense que tout le monde ici accepte
17 qu'il n'y a pas eu de contre-interrogatoire et que ces questions ont été
18 posées à la suite des questions posées par les membres de la Chambre.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Nous en avons terminé avec ce compte rendu.
21 Q. Je voudrais maintenant vous poser certaines questions qui ont trait à
22 votre rapport d'expert. Nous avons déjà dit pour ce qui est des pages 2 et
23 3, que l'on peut trouver des passages, à certaines lignes, où il est
24 question de la méthode suivie pour recueillir des déclarations qui avaient
25 plusieurs objectifs. Puis ensuite, nous avons à la page 656, le chapitre
26 suivant intitulé "Les victimes d'une incarcération" qui dans sa version
27 anglaise se trouve à la page 3.
28 Est-ce que vous avez retrouvé cette page ?
Page 5531
1 R. Oui.
2 Q. Je vous remercie. Dans l'introduction proprement dite, vous dites que :
3 "D'un point de vue moral et du point de vue humain, certains aspects des
4 camps ont toujours été d'humilier, d'abaisser la population qui s'y
5 trouvait et qu'ils faisaient l'objet d'humiliation systématique par rapport
6 à un code moral."
7 Ce qui m'intéresse est ceci : est-ce que ceci est votre position vis-
8 à-vis des victimes qui étaient détenus dans les camps indépendamment de
9 leur origine ethnique et indépendamment de l'endroit où se trouvaient ces
10 camps ? Est-ce que ceci est une caractéristique universelle subie par
11 toutes les victimes ?
12 R. Monsieur le Président, ce que j'ai dit ici, cela ne veut pas dire que
13 toutes les victimes soient les mêmes quelle que soit leur origine ethnique.
14 Q. Je vous remercie. A la page suivante, dans la version B/C/S page 657,
15 et dans la version anglaise page 3, je veux parler du deuxième paragraphe à
16 partir du bas où vous dites : "Entre 650 et 700 non-Serbes ont été
17 incarcérés dans les camps de Knin."
18 Avez-vous retrouvé ce passage ?
19 R. Oui.
20 Q. Au paragraphe 39 de l'acte d'accusation contre M. Martic, les
21 allégations du bureau du Procureur comportent notamment ceci, les
22 installations ou les lieux suivants, et je vais maintenant citer les
23 allégations qui figurent dans l'acte d'accusation. Des installations de
24 détention à court terme et à long terme sont mentionnées. C'est au
25 paragraphe 39 de l'acte d'accusation. Ces centres de détention inclus la
26 prison de Knin qui est dirigée par la JNA, et qui comportait 150 détenus
27 environ. C'est au point (a). Puis au point (b), le vieille hôpital de Knin,
28 qui comme l'acte d'accusation l'allègue était dirigée par la police de
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1 Martic et comportait environ 120 détenus. A la lettre (c) du paragraphe 39
2 de l'acte d'accusation, le poste de police de Titova Korenica avait 10
3 détenus. Au point (d) du même paragraphe, le poste de police de Bosanka
4 Kostajnica est censé avoir eu de huit à 10 détenus. Et au point (e), le
5 poste de police de Bosanski Novi, 50 détenus. Enfin, pour finir, en ce qui
6 concerne la lettre (f), l'usine de chaussure de Sloga à Prnjavor avait 108
7 détenus.
8 Je vous présente ceci de façon à démontrer un fait. Lorsque vous
9 additionnez tous ces chiffres de l'acte de l'accusation, vous arrivez en
10 tout à environ 500 personnes. Dans votre rapport d'expert, vous donnez un
11 chiffre qui est de 650 à 700 personnes dans le camp de Knin. Quelle était
12 la base de ce chiffre que vous donnez ?
13 R. Comme je l'ai dit hier, pendant cette période où j'avais des contacts
14 avec les personnes qui se trouvaient dans le secteur, la période qui va de
15 1991 à 1995, d'après les conversations que j'ai eues avec ces personnes, je
16 suis arrivé à ce chiffre approximatif de 650 à 700 personnes.
17 Une autre explication de ce chiffre est que les victimes elles-mêmes
18 ont déclaré que les victimes comportaient non seulement des citoyens
19 croates mais également des citoyens de Bosnie-Herzégovine de la zone de
20 Bihac. Je n'ai pas dit tous ces détails ici, mais je vais expliquer comment
21 je suis parvenu à ce chiffre qui est là.
22 Une partie des victimes auraient été échangées pour Kupres. C'est ce
23 que j'ai entendu dire par ceux qui se trouvaient dans ces installations.
24 Q. Mais ce chiffre, il n'est pas compatible avec ce qu'allègue
25 l'Accusation, mais je pense que nous allons traiter ceci après la
26 suspension.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président,
28 qu'il serait peut-être le temps maintenant.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons en traiter, mais je
2 pense que nous allons réfléchir pendant la suspension de séance pour voir
3 si cette question sera pertinente. Maître Milovancevic, ce témoin est un
4 témoin expert. Les chiffres qu'il donne sont des estimations et non rien à
5 voir avec l'affaire. Ce sont des effets des traumatismes. Pensez-y.
6 La séance est suspendue, et nous reprendrons à moins le quart.
7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.
8 --- L'audience est reprise à 17 heures 47.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur Loncar, avant la pause, nous avons parlé du troisième chapitre
12 concernant les victimes au sein de la population civile, puis l'on a parlé
13 des caractéristiques générales et de la manière dont la détention frappe
14 les gens.
15 Dans votre rapport d'expert, à la page 659 en B/C/S, ce qui
16 correspond à la page 4 en anglais, vous avez traité déformations
17 psychologiques les plus fréquentes, et ailleurs, vous avez parlé des
18 lésions de type d'anxiété. Puis ensuite, il y a la troisième catégorie, les
19 réactions dépressives. Je n'ai pas de questions à ce sujet, car je suppose
20 qu'il s'agit là de l'image générale concernant toutes les personnes qui
21 étaient dans les institutions mentionnées ici; est-ce exact ?
22 R. C'est exact, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge.
23 Q. A la page 6 en anglais de votre rapport d'expert, et en B/C/S il s'agit
24 de la page qui termine en 660 en haut à droite, il est question des
25 victimes d'expulsion et des victimes de ceux dont les maisons ont été
26 détruites et qui ont tout perdu. Vous dites également qu'il s'agit là des
27 personnes déplacées et réfugiés qui ont été victimes de ce que vous appelez
28 le stress de délogement, qui est l'un des stress les plus graves subi par
Page 5534
1 un être humain. C'est une situation très difficile pour chaque humain; est-
2 ce exact ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Etes-vous au courant du rapport du secrétaire général des Nations
5 Unies, selon lequel, à la fin de l'année 1991, sur le territoire de
6 l'ancienne Yougoslavie, il y avait environ 500 000 réfugiés et personnes
7 déplacées ? Etes-vous au courant de cela ?
8 R. Je suis au courant du fait qu'à un moment donné, c'était peut-être le
9 cas sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, mais je ne sais pas exactement.
10 En même temps, je sais que sur le territoire de la Croatie, seul, à un
11 moment donné, il y avait entre 400 et 500 000 réfugiés et personnes
12 déplacées. Je pense que c'est encore plus que ce que vous avez dit dans
13 votre information.
14 Q. Peu importe, les chiffres, les conclusions que vous avancez dans votre
15 rapport à l'égard du stress lié au délogement s'applique à toutes ces
16 personnes, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, en principe.
18 Q. A la page 661 de votre rapport qui correspond à la page 6 de la version
19 en anglais, paragraphe 3, vous dites que du territoire de la SAO Krajina,
20 il y avait - excusez-moi, je n'avais pas mon micro au début.
21 Donc, vous dites à la page 6 de la version en anglais de votre
22 rapport d'expert et page 661 du rapport en B/C/S vous dites que du
23 territoire de la SAO Krajina, il y avait des dizaines de milliers de
24 Croates et des non-Serbes qui ont été expulsés ou réfugiés. Il s'agissait
25 pratiquement de l'ensemble de la population non-serbe qui a été déporté,
26 expulsé ou tué. L'on détruisait de manière délibérée les maisons, les biens
27 privés, les établissements publics et culturels, les monuments de la
28 culture et sacrés et objets à titre religieux et sacrés appartenant à la
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1 population croate et non serbe, notamment Dubica, Cerovljani, Bacin,
2 Saborsko, Poljanak, Lipovaca et les hameaux de Vaganac, Skabrnja, Nadin et
3 Bruska sur le territoire de la SAO Krajina.
4 Avez-vous remarqué que cette citation qui figure dans votre rapport
5 d'expert est pratiquement identique, ou presque, à la réécriture du
6 paragraphe 23(j) de l'acte d'accusation contre
7 M. Martic ? S'agit-il de votre conclusion ou s'agit-il de quelque chose que
8 vous aviez recopié de l'acte d'accusation ?
9 R. Il s'agit de ma conclusion authentique que j'ai rédigée afin de décrire
10 l'expérience dramatique subie par ce groupe, qui a pris des proportions
11 épidémiques.
12 Q. Sur la base de vos entretiens avec un certain nombre de victimes, vous
13 avez constaté qu'il y avait plusieurs dizaines de milliers de Croates et de
14 non-Serbes, pratiquement l'ensemble de la population non serbe, qui avait
15 été déporté de manière forcée ou expulsé ou tué. Leurs biens ont été
16 délibérément détruits. C'est ce que vous avez constaté sur la base des
17 conversations que vous avez eues avec les victimes.
18 R. Si je peux répéter, il s'agissait des déportations, des déplacements
19 forcés ou de meurtres. C'est la formulation exacte contenue de mon rapport.
20 Q. Je vais vous lire le paragraphe 23 de l'acte d'accusation, où au
21 paragraphe (i) il est dit : "Déportation ou -- où il est dit au point (e) :
22 "Déportations ou déplacements forcés de dizaines de milliers de Croates et
23 d'autres civils non-Serbes," et au point (j), il est dit - et c'est ce que
24 vous dites dans votre paragraphe également que : "Il s'agissait là de la
25 destruction délibérée de maisons, d'autres biens publics et privés,
26 d'établissements culturels, de monuments historiques et de lieux de culte
27 de la population croate, musulmane et d'autres civils non-Serbes, notamment
28 à Dubica, Cerovljani, Bacin, Saborsko, et cetera." Je ne vais pas répéter
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1 les noms des villages.
2 Est-ce que c'est le texte que vous avez repris de l'acte d'accusation
3 ou est-ce que c'est M. Whiting qui a repris votre texte ?
4 R. Je n'ai repris rien de personne. D'ailleurs, ce n'était pas exactement
5 la même chose, d'après ce que vous avez lu.
6 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agissait pratiquement de deux
7 textes qui sont identiques presque à 100 %.
8 R. Non.
9 Q. A votre avis, ils ne sont pas identiques ?
10 R. Non.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, excusez-moi
12 de vous interrompre, mais quelle est la valeur probante des réponses, mis à
13 part ce qui figure déjà dans le rapport ? Est-ce que ces points que vous
14 essayez de souligner par le biais de la comparaison des deux documents,
15 alors que vous pourrez attirer l'attention de la Chambre de première
16 instance sur ce sujet ultérieurement ? Est-ce que c'est vraiment approprié
17 dans le cadre d'un contre-interrogatoire ?
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Je suis tout à
19 fait d'accord avec ce que vous venez de dire.
20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
22 Q. A la même page, qui correspond aux pages 6 et 7 de la version en
23 anglais, vous expliquez quelles sont les phases que traversent les
24 personnes déplacées en matière de stress. Puisque vous en avez parlé en
25 détail dans le rapport, je ne vais pas vous poser de questions à ce sujet.
26 Ce qui m'intéresse, c'est l'affirmation faite à la page 7, ou plutôt
27 6 de la version en B/C/S, et page 7 en anglais, où vous dites que la
28 plupart des personnes déplacées avaient quitté leurs maisons pendant le
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1 conflit armé, et que de nombreuses personnes avaient été forcées à quitter
2 leurs foyers en raison d'abus physiques ou des menaces directes à
3 l'encontre de leurs vies.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel est le paragraphe en question ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais vous le dire immédiatement,
6 Monsieur le Président. C'est le dernier paragraphe au dessous des point 1,
7 3 et 4, et le dernier paragraphe à la page 7.
8 Q. Il s'agit d'une donnée qui découle d'une de vos conversations avec une
9 victime; est-ce exact ?
10 R. Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
11 Q. A la page 7 et 8 de la version en anglais et 663 de la version en
12 B/C/S, vous parlez de ces symptômes subis par les personnes déplacées.
13 R. Oui.
14 Q. Vous dites, que d'après la classification internationale, ils sont dans
15 la catégorie 10, et qu'ils souffrent des conséquences du stress aigu ou
16 d'un traumatisme, ce qui est une caractéristique générale de toutes les
17 personnes qui ont subi une telle expérience; est-ce exact, Monsieur
18 Loncar ?
19 R. Oui. Dans l'échantillon sur lequel je me suis penché, c'était
20 certainement le cas.
21 Q. A la page 664 en B/C/S - il s'agit de la page 9 en anglais - vous
22 parlez de la municipalité de Hrvatska Dubica, et vous expliquez de quels
23 villages elle est constituée : Dubica, Bacin, Slavinja, Zivaja et
24 Cerovljani. Slavinja et Zivaja sont des villages serbes, des villages à
25 majorité serbe. Le savez-vous ?
26 R. Oui.
27 Q. Lorsque vous avez parlé des effets des expulsions, je suppose que vous
28 avez tenu compte aussi de leur sort, du sort de ces villages que vous avez
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1 mentionnés ?
2 R. J'ai simplement indiqué géographiquement quels étaient les villages de
3 la municipalité. Je ne souhaitais pas me pencher sur les villages eux-
4 mêmes, mais surtout sur les personnes traumatisées, puis après, dans le
5 contexte, voir ce qui s'était passé dans ce groupe de personnes. Là, je
6 parle du groupe des personnes avec lesquelles j'étais en contact au cours
7 de la guerre. Puis, sur la base de cela, voir également ce qui s'est passé
8 au début et ce qui avait provoqué leurs problèmes éventuels de santé. C'est
9 pour cette raison que j'ai présenté cette petite introduction afin qu'elle
10 serve d'illustration.
11 Q. Merci. Lorsque vous mentionnez les villages de Bacin et de Cerovljani,
12 Pregore d'ailleurs aussi, dans le même paragraphe, vous parlez des
13 conséquences subies par ces personnes. Ce qui m'intéresse, c'est si vous
14 les traitez comme victimes d'expulsion, dans ce paragraphe, ou des victimes
15 d'autre chose.
16 R. Dans cette partie-là, toute cette partie-là, tout ce paragraphe - et
17 encore une fois, je reviens à la page 660, ou plutôt 0332660, section IV -
18 là, je parle des victimes de déportation dont les maisons ont été
19 détruites. C'est dans ce contexte que je parle des personnes déplacées dont
20 les maisons avaient été détruites.
21 Q. Puisque vous mentionnez ici les villages de Bacin et de Dubica, est-ce
22 que vous savez que nous avons eu hier, par exemple, un témoin qui a dit que
23 les citoyens de ces villages n'ont pas été expulsés, mais qu'ils sont
24 partis suite à l'instruction donnée par le HDZ, ou plutôt par l'état-major.
25 Ceci s'est fait les 13 et
26 14 décembre 1991. Et ce qui s'est passé à Bacin concernant le cimetière,
27 cela s'est passé en octobre 1991. Le savez-vous ?
28 R. Si j'ai bien compris, le HDZ les avait envoyés, évacués. Je ne dispose
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1 pas de telles informations.
2 Q. Monsieur Loncar, nous avons entendu ici d'autres témoins qui parlaient
3 d'un certain Matilja de Kostajnica, qui était le chef de l'état-major de
4 crise, et qui a réalisé l'ordre donné par Tudjman, selon lequel l'ensemble
5 de la population devait être évacué. Avez-vous entendu parler de cela ?
6 R. Non.
7 Q. Merci. Deux paragraphes plus loin par rapport à celui dont on vient de
8 parler, vous mentionnez le village de Cerovljani. Vous dites qu'environ 180
9 Croates ont été expulsés. S'agissant de ce village-là, encore une fois, un
10 témoin de l'Accusation nous a dit que la population avait quitté le village
11 avant le conflit, au cours de la première moitié du mois de septembre. Sur
12 la base de cette déclaration, est-ce que vous diriez qu'il ne peut pas y
13 être question d'expulsion, de persécution ?
14 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, lorsque j'ai parlé
15 des faits généraux, je n'avais pas du tout l'intention de qualifier de
16 manière juridique leur position. Car en tant que médecin qui travaillait
17 avec ce groupe de réfugiés, ce qui était pertinent pour moi, c'était de
18 savoir qu'ils ne pouvaient pas rentrer chez eux, c'était de savoir que ceci
19 leur posait un certain nombre de problèmes, et que, pour la plupart, ses
20 maisons avaient été détruites. Ce qui m'intéressait, c'était de décrire les
21 problèmes de santé que ce groupe de personnes rencontrait de manière
22 prédominante.
23 Q. Merci. Monsieur le Témoin, lorsque vous mentionnez les villages de
24 Bacin, Dubica et Cerovljani, à la page suivante - en anglais, il s'agit de
25 la page 10 - il est dit - et en B/C/S, il s'agit de la page dont le numéro
26 se termine en 665 - vous dites dans l'avant-dernier paragraphe, qu'environ
27 95 % des personnes déplacées et réfugiés sont rentrés. Est-ce que vous
28 savez ce qui est arrivé aux Serbes de la région ? Est-ce qu'ils sont
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1 rentrés eux aussi ?
2 R. Il s'agit là d'une donnée qui n'a pas été présentée suivant les
3 appartenances ethniques.
4 Q. A la page, en B/C/S, 6666 - c'est le numéro qui figure en haut à
5 droite, et en anglais il s'agit de la page 10 - nous arrivons au cinquième
6 chapitre. Les victimes, cousins des personnes tuées. Ici, dans le premier
7 paragraphe - l'avez-vous trouvé ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous parlez de ce que subissaient les victimes, ou plutôt les cousins
10 des personnes qui ont péri, et vous parlez de cela en tant qu'expérience
11 générale et concrète.
12 R. Oui.
13 Q. Puis, à la page suivante, en B/C/S, qui porte le numéro qui se termine
14 en 667 - et anglais, il s'agit de la page 11, l'avant-dernier paragraphe -
15 vous dites - l'avez-vous trouvé ?
16 R. 667 ? Oui.
17 Q. Oui. Le dernier paragraphe. "A partir du début août 1991 jusqu'à la fin
18 février 1992, sur le territoire de ladite SAO Krajina ou de la RSK, les
19 forces serbes qui constituaient les unités de la JNA, les unités de la TO
20 locale serbe et de la TO de la
21 Serbie-et-Monténégro, de même que les unités de police locale et de police
22 du MUP de Serbie, de même que les unités paramilitaires serbes, attaquaient
23 et prenaient le contrôle du pouvoir dans les villages et les villes. Après
24 la prise du pouvoir, ils établissaient le pouvoir qui persécutait de
25 manière délibérée la population croate et non serbe afin de les expulser de
26 ce territoire."
27 Savez-vous que ce texte est identique au paragraphe 22 de l'acte
28 d'accusation et au paragraphe 23 de l'acte d'accusation ?
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1 R. Non.
2 Q. Vous voulez dire par là que l'existence d'un texte identique est le
3 résultat de votre travail et non pas de l'utilisation de l'acte
4 d'accusation dressé par le bureau du Procureur ?
5 R. Excusez-moi, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, est-ce
6 que la Défense pourrait répéter la question ? Qu'est-ce qui est identique ?
7 Q. J'ai devant moi le texte de l'acte d'accusation. Ce que vous avez
8 décrit dans ce paragraphe comme événement à partir du début août 1991, et
9 par la suite --
10 R. Oui.
11 Q. -- c'est le texte qui figure dans l'acte d'accusation, absolument
12 identique.
13 R. Plus concrètement, est-ce que je peux savoir en quoi consiste la
14 question, Monsieur le Président ?
15 Q. Je voudrais savoir comment vous expliquez ce fait, que ce que l'on
16 trouve dans votre rapport est un texte identique à celui qui figure dans
17 l'acte d'accusation ?
18 R. Je vais essayer de répondre en deux points à votre question.
19 Premièrement, pour autant que je le sache, il n'est pas identique, ou
20 plutôt ces deux textes ne sont pas identiques. Deuxièmement, en rédigeant
21 des textes consacrés à des difficultés, des problèmes de santé, dans
22 l'introduction, je tenais toujours à fournir des informations pertinentes
23 avant d'aborder plus concrètement les questions de santé.
24 Q. Si je comprends bien, ceci ne constitue pas un élément important pour
25 vous, à savoir que le contexte généralisé de persécution qui, paraît-il,
26 existe dans toute la région qui vous intéresse, que c'est quelque chose que
27 vous copiez de l'acte d'accusation, et après, dans ce contexte emprunté,
28 vous situez vos victimes. Est-ce que ceci, cette approche, ne peut pas
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1 avoir une influence sur votre réflexion, Monsieur Loncar ?
2 R. Non. Puisque ce contexte découle des récits des victimes qui se sont
3 senties persécutées sur des bases religieuses, ethniques ou autres. Donc,
4 il s'agit de quelque chose qui se fonde sur des récits de centaines de
5 victimes. Je ne suis absolument pas rentré dans les aspects juridiques.
6 Q. Je n'ai même pas vu une dizaine de tels rapports, et encore moins des
7 milliers, comme vous le dites ici, des dizaines de milliers de personnes de
8 toute une population. C'est une conclusion que vous avez tirée en vous
9 basant sur des récits d'une centaine de personnes que vous avez entendues.
10 R. Il y en a eu un peu plus, Maître Milovancevic.
11 Q. Ce n'est pas parce que vous avez recopié le texte de l'acte
12 d'accusation.
13 R. A l'acte d'accusation, on ne parle pas d'état de santé des gens. Donc,
14 je n'ai pas pu copier l'acte d'accusation. Encore une fois, les victimes
15 ont vécu des troubles psychologiques. Les victimes ont une perception
16 psychologique de la situation. D'un point de vue médical, les victimes ont
17 droit à leur perception subjective de la situation.
18 Q. Dans la suite, après le paragraphe que nous avons cité, on trouve le
19 paragraphe page 668 en B/C/S. En langue anglaise, c'est un texte qui
20 commence page 11 et qui se poursuit page 12. Vous dites
21 ici : Ainsi, des crimes ont été commis comme suit : en octobre 1991, dans
22 le territoire de la municipalité de la Kostajnica croate, les forces serbes
23 composées de la JNA, de la TO serbe, du cru et de la police de Martic, ont
24 attrapé 53 civils dans le village de Dubica et les ont détenus dans la
25 caserne des pompiers du village. Le
26 21 octobre 1991, les membres des forces serbes ont amené 43 Croates détenus
27 à proximité du village de Bacin, où ils ont amené 13 autres civils non-
28 Serbes de Bacin et de Cerovljani. A cet endroit, ils ont tué 56 personnes.
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1 Les forces serbes, dans ce même temps, ont emmené à un endroit inconnu 30
2 autres civils du village de Bacin, ainsi que
3 24 civils du village de Dubica et de Cerovljani et les ont tués à cet
4 endroit.
5 C'est ce que vous avez écrit dans votre rapport.
6 R. Oui.
7 Q. Je viens de citer votre rapport. Ce que je trouve assez
8 caractéristique, c'est que ce texte est identique à celui qu'on trouve au
9 paragraphe 26 de l'acte d'accusation. Est-ce que c'est encore une fois
10 quelque chose qui découle des récits des patients, des victimes ?
11 R. Oui, les chiffres proviennent des récits des victimes. Comme vous venez
12 de le lire, la manière dont ces victimes ont été détenues et placées à la
13 caserne des pompiers, ce texte est la traduction fidèle de leurs récits, de
14 la manière dont ils ont raconté ce qui leur ait arrivé.
15 Q. Deux paragraphes plus loin, la même page - et en version anglaise,
16 c'est la page 12 --
17 R. Oui.
18 Q. -- vous parlez de Saborsko. Ensuite, vous parlez de Lipovaca et de
19 Vukovici. Ce que je trouve intéressant, c'est que ce texte qui concerne
20 Saborsko, Lipovaca et Vukovici est identique à celui que l'on trouve au
21 paragraphe 30 pour Saborsko de l'acte d'accusation, et au paragraphe 28 et
22 29 pour Vukovici et Lipovaca. Est-ce que vous trouvez que c'est un hasard ?
23 C'est quelque chose que vous avez établi vous-même ?
24 R. Les données sur lesquelles je me fonde sont les données que j'ai reçues
25 de la part des victimes. Il n'est pas difficile de vérifier cela. Si vous
26 pensez que je suis partial, ces victimes peuvent venir déposer également.
27 Q. Vous parlez d'au moins 31 personnes tuées à Saborsko. A l'acte
28 d'accusation, il est question de 20 personnes. Ensuite, vous parlez de sept
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1 civils tués à Lipovaca. A l'acte d'accusation, on en trouve huit, et vous
2 dites que 11 ont été tuées à Vukovici, mais à l'acte d'accusation, on cite
3 le chiffre de 9. Ce sont les seules différences. Est-ce que c'est toujours
4 le résultat de votre travail ?
5 R. Oui. Ce sont les chiffres qui proviennent des victimes, et c'était
6 juste une introduction à la question de leur état de santé.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
9 Q. Si je vous pose cette question, Monsieur Loncar, c'est en tant que
10 Défenseur. Je trouve cela intéressant que vous ayez utilisé le texte
11 identique à celui de l'acte d'accusation pour illustrer la situation sur le
12 terrain.
13 La dernière phrase dans le dernier paragraphe, page 668 - dans la version
14 anglaise page 12 - vous dites : Au cours du mois de novembre 1991, les
15 forces serbes sont entrées à Skabrnja. En se déplaçant de maison en maison,
16 ils ont tué 38 civils non-Serbes dans leurs foyers et dans les rues. Et
17 pendant la période qui va du
18 18 novembre 1991 jusqu'au mois de février 1992, ils ont tué 56 civils
19 croates, vieux et impuissants, impotents à Skabrnja.
20 Alors, ce qui m'intéresse dans ce passage, c'est que c'est verbatim, que ce
21 texte semble reprendre le paragraphe 31 de l'acte d'accusation. Vous ne
22 trouvez pas qu'il y est cette similarité ?
23 R. Je ne suis pas au courant du fait que c'est semblable à ce point.
24 Monsieur les Juges, permettez-moi d'expliquer un petit peu la situation. Je
25 suis allé à Skabrnja, comme cela se trouve, il y a à peu près un mois et
26 demi. Ces chiffres sont pertinents, parce qu'il s'agit là de chiffres que
27 l'on lit sur le monument qu'on trouve à Skabrnja. Donc, je ne vois pas ce
28 qu'on conteste ici. Hélas, cela a été gravé dans le marbre, ces chiffres-
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1 là.
2 Q. A la fin de cette phrase que je viens de vous citer, vous dites que 56
3 civils croates vieux et impuissants de Skabrnja ont été tués. Or, le
4 Procureur parle de 26. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre ?
5 R. C'est toujours la même méthodologie qui m'a permis d'arriver à ce
6 chiffre. Ce sont les données qui proviennent des victimes. Les victimes qui
7 nous ont fait part de leurs récits, et nous avons calculé le chiffre à
8 partir de cela. Encore une fois, cela figure à l'introduction à
9 l'expérience traumatisante. Je ne suis pas un enquêteur pour vérifier les
10 chiffres, pour établir les chiffres exacts. Ce qui m'importe, c'est
11 d'établir quelles ont été les conséquences pour un groupe donné.
12 Q. Vous devenez un témoin de seconde main, témoin des faits. Car dans
13 votre rapport, vous évoquez toute une série de faits, n'est-ce pas ?
14 R. Je n'ai pas la même impression que vous au sujet de ces faits. Pour
15 moi, je m'en sers de prétexte, d'exemple pour établir un lien, une
16 introduction pour montrer pourquoi tel ou tel groupe souffre de tels
17 problèmes.
18 Q. Page 14 dans la version anglaise - en B/C/S' c'est la
19 page 671, vous le verrez en haut de la feuille.
20 R. Oui.
21 Q. Il est question ici du chapitre 6 : "Les victimes, les proches des
22 personnes portées disparues."
23 R. Oui.
24 Q. Vous dites que le plus grand nombre des personnes sont portées
25 disparues pendant une certaine période.
26 R. Oui.
27 Q. Et vous dites que le deuil, suite à une disparition des proches, a un
28 impact sur ceux qui ignorent le sort de leurs proches. C'est une
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1 caractéristique généralisée pour l'être humain dans ce type de situation de
2 stress, n'est-ce pas, Monsieur ?
3 R. Oui. En principe, oui. Mais je ne peux donner des données concrètes que
4 pour le groupe avec lequel j'ai travaillé. Je n'ai pas pu établir de
5 quelles conséquences il s'agirait au sein d'un autre groupe. Parce que d'un
6 point de vue culturel, il se peut que les conséquences divergent. Mais je
7 suis d'accord avec vous pour dire que la souffrance est universelle.
8 Q. Page 671, version anglaise page 16, troisième paragraphe, Monsieur le
9 Président, vous dites que lorsqu'un membre d'une famille est disparu, que
10 la famille ne peut plus se rendre à l'endroit où cette personne est
11 disparue, et que ceci crée des traumatismes. Vous arrivez à la conclusion
12 en disant que cet état crée la méfiance face aux membres du groupe ethnique
13 serbe, et que ceci rend difficile la réconciliation. Quels membres du
14 groupe serbe vous avez à l'esprit lorsque vous dites cela ?
15 R. Je pense aux régions où la sécurité n'est pas assurée aux personnes qui
16 souhaitent rechercher un de leurs proches qui est porté disparu. C'est à
17 l'extérieur des frontières de la République de Croatie. Ces victimes ont
18 parfois entendu dire, qu'éventuellement, l'un de leurs proches pourrait se
19 trouver à tel ou tel endroit.
20 Q. Plus loin, vous dites que cette méfiance des victimes de nationalité
21 croate s'exprime face à des membre du groupe national serbe sur un
22 territoire donné, là où ils ont perdu un membre, que cela se manifeste,
23 parce les victimes sont convaincus que les membres du groupe ethnique serbe
24 qui ont passé la guerre là où des proches ont été vus pour la dernière
25 fois, savent ce qui est advenu d'eux mais ne souhaite pas le révéler. C'est
26 ce que les victimes vous ont dit; c'est cela ?
27 R. Oui. C'est la perception qu'ont les victimes de la situation.
28 Q. Je vous remercie. Dans vos conclusions, chapitre 7, page 17 en version
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1 anglaise, en B/C/S, page 674, vous parlez de la reconnaissance de la
2 culpabilité et de l'impact que ceci a sur les victimes. A la fin de ce
3 chapitre -- à la fin du deuxième paragraphe, page 17 dans la version
4 anglaise, page 675 en version B/C/S, vous dites, l'aveu de M. Babic envoie
5 un message aux victimes, disant qu'il ne convient pas de haïr une personne,
6 mais qu'il convient de haïr les péchés que cette personne a commis. Ainsi,
7 son aveu transmet la vérité que tant de victimes ont criée dans le silence
8 depuis tant d'années. L'aveu de Milan Babic que derrière tout crime, il
9 convient de chercher un individu, et que ce n'est pas une nation qui est
10 coupable, que c'est toujours une personne qui agit au nom du nation ou
11 d'une idéologie, que ceci facilite aux victimes la perception des choses.
12 Est-ce que cela concerne, d'après vous, uniquement Milan Babic ou
13 tout autre cas de figure ?
14 R. Maître Milovancevic, que vouliez-vous dire, s'il vous plaît ? Vous me
15 posez la question au sujet de l'aveu de M. Babic ou - quoi, plus
16 précisément ? Pourriez-vous me poser la question plus brièvement ?
17 Q. Lorsque vous dites que l'aveu de M. Babic disant que derrière tout
18 crime il convient de chercher un individu et non pas une nation, et qu'il
19 faut toujours chercher à individualiser le crime, est-ce que cette opinion
20 que vous avez exprimée ici fait part de votre conviction, que tout crime
21 cache un auteur du crime avec un nom et un prénom précis ?
22 R. Oui. C'est ce que j'ai déjà dit dans ma déposition.
23 Q. Au paragraphe suivant, vous parlez de l'impact de l'aveu sur la
24 population croate, l'impact de l'aveu de Babic, et par la suite, de
25 l'impact de son aveu sur la population serbe. Vous expliquez que seul
26 l'aveu de la culpabilité prononcé par l'auteur des crimes permet de lever
27 la responsabilité de toute une nation, et vous dites que lorsque c'est le
28 numéro 1, le leader qui le fait, ceci peut constituer un soulagement pour
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1 les subalternes qui ont exécuté les ordres. Parce qu'ils peuvent désormais
2 assumer leurs responsabilités individuelles, et ils peuvent permette au
3 peuple serbe de se tourner vers l'avenir.
4 Quels sont ces subalternes auxquels vous pensez, les subordonnés ?
5 R. Lorsqu'on parle de subordonnés, on évoque une situation hiérarchique.
6 Là, il convient d'opérer deux différences. Quel que soit le groupe ethnique
7 dont nous parlons, on a tendance à identifier chez nous les dirigeants avec
8 l'appartenance ethnique. Donc, j'ai dit qu'il convient de faire une
9 distinction d'abord entre un groupe ethnique et l'auteur d'un crime ou
10 délit, même si les auteurs des crimes, souvent, invoquent un intérêt
11 supérieur ou l'intérêt national. Dans la réalité, ceci n'est pas vrai. Ceci
12 n'est jamais vrai. Pour cette raison-là, l'aveu facilite qu'on dissipe les
13 préjugés, que l'on imagine que le crime a des caractéristiques nationales
14 ou d'appartenance nationale. Les victimes le perçoivent comme étant un
15 crime commis par une nation contre une autre nation. C'est précisément
16 notre tâche de faire cette distinction, d'individualiser le crime, donc
17 d'identifier les groupes ou les individus qui, peut-être, appartiennent à
18 la même nation, mais qui, au sens juridique du terme ne peuvent pas être
19 identifiés.
20 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Dans la suite de
21 votre phrase, vous dites que lorsque des individus auront assumé la
22 responsabilité pour des actes commis, que ceci permettra au peuple serbe de
23 se tourner vers l'avenir, d'arriver à la compassion, et que ceci permettra
24 que leurs crimes soient pardonnés.
25 Qui doit pardonner les crimes au peuple serbe pour que la cohabitation soit
26 possible ?
27 R. Précisément, Monsieur l'Avocat, là, il s'agit de catégories
28 psychologies et non de catégories juridiques. Que se passe-t-il dans la
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1 psyché des groupes ethniques ? Comme nous le savons tous les deux, souvent,
2 au sein d'un peuple, par manque de prudence ou pour d'autres raisons,
3 lorsque l'auteur d'un crime est de nationalité serbe, on a tendance à
4 identifier ce crime à la nation serbe. Cela ne devrait pas avoir lieu. Pour
5 éviter cela, si le vrai, le véritable auteur est identifié, cette dimension
6 psychologique qui plane un petit peu, qui est omniprésente dans le contexte
7 de l'ex-Yougoslavie, elle disparaît.
8 Ceci facilite la tâche à un peuple, lui permet de se tourner vers
9 l'avenir et de ne plus vivre sous le poids des actes commis par certains
10 individus.
11 Q. Lorsque vous avez parlé de l'aveu de M. Babic, est-ce que vous avez
12 jamais eu l'occasion de parler à M. Babic au sujet des circonstances de son
13 aveu ? Est-ce que vous avez étudié un petit peu sa personnalité ?
14 R. Non.
15 Q. Sur la base de ce rapport d'expert que vous avez fait et sur la base
16 des propos du Procureur que je vous ai déjà cités,
17 M. Babic a été condamné à 13 ans de prison au lieu de 11, ce qui faisait
18 l'objet de l'accord avec le Procureur. En tant qu'accusé, on l'a fait venir
19 d'une maison particulière, il n'était pas amené ici de l'Unité de
20 Détention. Mais c'est une question que nous devons poser à mon confrère
21 Whiting ou à Mme Uertz-Retzlaff.
22 L'annonce du suicide de M. Babic, suite à tout cela, était-ce dû à
23 ses espoirs trahis, à ses attentes trahies ou était-ce dû à autre chose ?
24 Qu'en savez-vous ?
25 R. J'ai dit déjà la même chose pendant le procès Babic, je n'en sais rien
26 de son état de santé.
27 Q. Lorsqu'il y a eu enquête sur les causes de sa mort, on a appris que son
28 médecin a dit qu'il avait l'impression que le Procureur profitait de lui.
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1 C'est à ce moment précisément, qu'il était question de régulariser les
2 questions du séjour des membres de sa famille, là où elle devait se rendre.
3 Est-ce que les préoccupations de M. Babic au sujet de ses proches, d'après-
4 vous, est-ce que c'est quelque chose qui aurait pu lui faire dire ou penser
5 que le Procureur tirait profit de lui ?
6 Mme VALABHJI : [interprétation] Objection.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
8 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, le bureau du
9 Procureur n'était pas en train de s'occuper de sa famille; c'est le Greffe
10 qui s'en occupait. C'était son domaine. C'est cela son domaine. Donc, la
11 déclaration que vient d'avancer mon éminent confrère n'est pas exacte.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, souhaitez-vous
13 répondre ?
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Dans le rapport de la soi-disant
15 commission de Parker, il est dit que M. Babic se trouvait exposé à un
16 stress très grave, parce que pendant les jours où a eu lieu sa déposition,
17 on allait régler la question du statut des membres de sa famille et du lieu
18 où il allait purgé sa peine. Ceci faisait partie de son accord avec
19 l'Accusation au moment où l'accord a été passé.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, pourriez-vous,
21 s'il vous plaît, vous concentrer sur des points pertinents. L'objection
22 consiste à dire tout simplement que ce n'est pas le bureau du Procureur qui
23 s'occupait des membres de la famille de M. Babic, que c'est du domaine des
24 activités du Greffe. Est-ce que vous contestez cela ? Répondez à cela,
25 c'est tout. Ne vous étendez pas. C'est un petit point de détail qui a été
26 soulevé.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec cela, Monsieur le
28 Président, tout à fait.
Page 5552
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes toujours d'accord
2 après avoir revu l'ensemble ? Bien. Maintenant, traitez du point précis qui
3 a été évoqué. Est-ce que c'était quelque chose qui était du domaine du
4 Greffe ou est-ce que c'était du domaine du bureau du Procureur ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis d'accord
6 que ceci est une question différente. Mais ma question était que --
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Ne reprenez pas votre
8 question.
9 Maître Milovancevic, répondez simplement à l'objection qui a été
10 élevée. Est-ce qu'il s'agissait du domaine du Greffe ou est-ce qu'il
11 s'agissait du domaine du bureau du Procureur ? Je ne veux pas que l'on
12 contourne les choses et que vous puissiez répéter votre question avant que
13 vous n'ayez répondu à l'objection soulevée. Commençons par régler la
14 question de l'objection et voir si on peut la surmonter, et à ce moment-là,
15 vous pourrez poser votre question.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je trouve que c'est tout à fait
17 pertinent, Monsieur le Président, parce que ceci se passait au moment où le
18 bureau du Procureur était en train d'examiner les affaires Babic et Martic,
19 et il s'est plaint à sa famille qu'il se sentait victime d'abus. Il se
20 trouve, peut-être par coïncidence, que statut de sa famille était en train
21 d'être examiné, et tout ceci était comme une épée de Damoclès au-dessus de
22 sa tête. Juste par pur accident, cet homme a mis fin à ses jours à ce
23 moment-là. Je demande au psychiatre si une telle situation pourrait avoir
24 un impact sur ce point.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je rejette
26 l'ensemble de la déclaration que vous venez de faire maintenant. Vous
27 n'avez pas répondu à ma question, et la question que je vous pose est la
28 suivante : est-ce que sa famille, est-ce que la question concernant sa
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1 famille était traitée par le bureau du Procureur ou est-ce qu'elle était
2 traitée par le Greffe ? Essayez, si vous voulez, essayez de ne pas
3 contourner l'objection.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Je comprends, je comprends. Je lis le texte de ce qu'on a appelé la
6 commission Parker, tel que je l'avais compris et --
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous n'êtes pas
8 en train de répondre à ma question. Je vous prie de ne plus vous exprimer
9 sur ce point.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je comprends. Enfin, je comprends tout à
11 fait que c'était le bureau du Procureur qui traitait de cette question. Je
12 vous remercie, et je vous présente mes excuses.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous croyez ou est-ce que
14 vous avez des faits qui vous permettent d'énoncer cela ? Si c'est une
15 croyance - et nous avons une déclaration qui a été faite par le bureau du
16 Procureur - dites-le clairement et dites qu'ils n'ont pas eu à traiter de
17 sa famille. Maintenant, allez vérifier vos croyances et quand vous les
18 aurez vérifiées, vous pourrez nous les présenter. Pour le moment, la
19 Chambre vous interdit de poser des questions sur ce point, et l'objection
20 est reçue.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
22 Q. Monsieur Loncar, nous en sommes arrivés à peu près à la fin du contre-
23 interrogatoire. Dans votre rapport d'expert, tout à fait à la fin de ce
24 rapport - excusez-moi, donnez-moi un instant, s'il vous plaît afin que je
25 puisse vous donner une indication précise concernant la page. Lorsque vous
26 parlez - ceci est à la page 675 pour la version B/C/S et à la page 18 de
27 la version anglaise, lorsque vous parlez de l'effet de l'aveu à l'égard de
28 la population serbe, vous êtes en train de citer le témoignage d'une petite
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1 fille de 11 ans sur la façon dont elle a perçu un peu la situation. Vous
2 continuez de dire que tel et tel cas, et vous dites qu'il s'agissait d'une
3 affaire dans laquelle, bon, un enfant de Skabrnja dont les parents et
4 grands-parents avaient été tués. Elle écrit dans une rédaction pour son
5 école : "Tout s'est passé très vite. Des oiseaux noirs, de proie, sont
6 passés devant le soleil, et ont éteint le soleil. Et en un seul jour, j'ai
7 perdu mon père, ma grand-mère et mes deux grands-pères."
8 A la fin de cette citation, vous poursuivez et vous dites : "Qui a
9 versé la couleur noire du malheur sur mon enfance, et comment se fait-il
10 que ceci soit arrivé ?"
11 Ceci est la déclaration de cette enfant de Skabrnja. Pouvez-vous confirmer
12 cela ?
13 R. Oui, c'est une rédaction d'école. Cette enfant l'a écrite à l'école.
14 Q. Est-ce que pensez que cette peinture, cette peinture noire du malheur
15 qui recouvrait toute son enfance, toute l'enfance ainsi que celle d'autres
16 enfants, a été versée par la personne qui a donné un ordre de former un
17 bataillon de Skabrnja qui attaquerait les forces régulières de la JNA dans
18 ce secteur, et qui avait transformé ce village en forteresse ?
19 R. Monsieur le Président, il s'agit là d'une sorte de court poème ou de
20 rédaction écrite par un enfant, que j'ai citée, parce que ceci contient
21 l'expression d'une souffrance des personnes que cette enfant a perdu, de
22 l'expérience de cette perte, et à cause également de la façon dont ce texte
23 se termine. J'étais très ému ou en faveur de cette fin du texte où elle dit
24 -- que l'enfant dit que le monde est sans pitié. Dans son imagination, dans
25 ce conte, comme un conte de fée, elle voudrait que tout soit meilleur, que
26 tout soit bon partout, qu'il y ait toujours le bien qui triomphe du mal.
27 C'est la raison pour laquelle j'ai inclus cela dans mon rapport.
28 Il y a là un point de vue universel. Que le bien triomphe toujours
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1 sur le mal. Nous avons un proverbe ou une façon de dire dans ma langue, qui
2 dit, qu'après la pluie vient le soleil, après la pluie vient le beau temps.
3 Je préfère ce qu'elle dit. C'est la raison pour laquelle j'ai inclus cette
4 citation, après avoir rencontré cette enfant. Lorsque j'ai lu cette
5 rédaction, je me suis rendu compte que cette enfant avait des problèmes, et
6 qu'elle adressait un message à l'univers, que ce message avait une valeur
7 universelle.
8 Q. Est-ce que ce type de question peut également être adressé au président
9 de la Croatie, M. Tudjman qui, en 1991, a déclaré qu'il n'y aurait pas eu
10 de guerre si la Croatie n'avait pas voulu ? Et est-ce que c'était en 1992
11 l'anniversaire de la sécession de la Croatie ? Est-ce que c'est le genre de
12 question qui devrait également lui être adressée ?
13 R. Je n'ai pas recherché les causes de ces événements. Je me suis borné à
14 en regarder les conséquences. Je répète que j'ai choisi ce passage à cause
15 du message universel qu'il contenait, à savoir que le bien devrait toujours
16 triompher du mal.
17 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. J'en ai fini mon contre-
18 interrogatoire, je vous remercie.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
20 Oui, Madame Valabhji.
21 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande un
22 instant, s'il vous plaît, de consultation.
23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
24 Mme VALABHJI : [interprétation] Il n'y a pas d'autres questions de la part
25 de l'Accusation pour ce témoin, Monsieur le Président. Je vous remercie.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame
27 Valabhji.
28 Questions de la Cour :
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce qu'il y a des souffrances
2 post-traumatiques ou des souffrances aiguës, qui aient un caractère
3 permanent et des conditions permanentes en ce qui concerne les victimes ?
4 R. Madame le Juge, voici comment se présente la situation : les réactions
5 de stress aigu, les réactions aiguës au stress en cas de torture, c'est
6 quelque chose qui - cela est démontré - dure de
7 6 mois à un an tout au plus. Il s'agit d'un désordre de maux aigus qui sont
8 limités dans leur durée, qu'il s'agisse de problèmes postérieurs au stress
9 du traumatisme avec tous les symptômes inhérents à ce traumatisme, mais il
10 peut y avoir un stade aigu qui est normalement très bref, et qui rentre
11 dans ce cadre temporel d'environ 6 mois à un an pendant lesquels vous
12 pouvez constater ces symptômes.
13 Toutefois, pour les effets permanents, ils peuvent durer à vie pour
14 certaines victimes, et dans d'autres, ils peuvent disparaître. Ceci dépend
15 des dispositions de la personne en question, en quelque sorte, des
16 prédispositions. Ceci dépend de la force de caractère de la personne. Cela
17 dépend aussi des éléments sociaux, économiques et autres conditions, du
18 type d'appui que cette personne recevra. S'il n'y a pas de nouveaux
19 traumatismes, de retraumatisation auprès de cette personne, alors, il y a
20 une probabilité que ces maux et ces symptômes disparaîtront.
21 Je voudrais également dire que les désordres dus au stress après un
22 traumatisme peuvent avoir des formes plus atténuées, des formes modérées,
23 et ceci, selon toute une échelle qui va du grave au très grave. C'est
24 également quelque chose qui peut avoir une incidence sur le pronostic de
25 ces problèmes et leur durée.
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Les victimes qui sont l'objet de
27 votre rapport, est-ce que vous avez encore des contacts avec elles sur le
28 plan clinique ?
Page 5557
1 R. Oui, je continue de m'occuper beaucoup de victimes.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je parle des victimes qui forment
3 la matière de votre rapport, et que vous avez interrogées pour obtenir les
4 éléments nécessaires à la rédaction de votre rapport.
5 R. Oui, je suis en rapport avec ces victimes.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pourriez-vous parler d'un
7 pourcentage de guérison ou de guérison complète ? Est-ce possible ?
8 R. Ce que nous disons fréquemment en psychiatrie, c'est que dans le cas de
9 ces désordres dus à un stress post-traumatique, il s'agit d'un type de
10 guérison -- enfin, le type de critère que nous utilisons pour établir s'il
11 y a eu guérison, c'est avant tout un critère dit A selon la DSM-IV, qui est
12 l'autre classification
13 MKB-10, à savoir, cette exigence, cette condition, que la personne qui a
14 subi un traumatisme extrême, a vu sa vie mise en danger ou que ceci a
15 impliqué une telle quantité de crainte d'une telle intensité, que ceci
16 pouvait constituer une menace pour la vie de la personne en question. De
17 telles réactions demeurent enregistrées normalement dans nos tableaux,
18 c'est-à-dire, en ce qui concerne les personnes qui ont traversé ces
19 épreuves, cette expérience. Toutefois, s'ils éprouvent des symptômes de la
20 troisième, de la quatrième ou de la cinquième catégorie, alors, nous
21 pouvons facilement leur faire bénéficier de la procédure de traitement qui
22 a trait à leur souvenir, flash-back, les re-traumatisations [phon] et ainsi
23 de suite.
24 Le deuxième groupe de symptômes c'est l'hypersensibilité, le manque
25 de sommeil, l'insomnie, des actes de réactions, et un manque de contrôle
26 sur les émotions ou une expression exagérée des émotions.
27 Le troisième groupe de symptômes inclut ce qu'on appelle les
28 symptômes d'évasion par rapport à ce que la personne éprouve ou qui
Page 5558
1 pourrait rappeler à la personne les traumatismes. Ceux-ci, normalement,
2 peuvent être facilement contrôlés soit par une thérapie psychiatrique, soit
3 par des médicaments. Nous ne traitons pas des questions de mémoires
4 permanentes ou de cicatrices permanentes, mais nous pouvons traiter tous
5 ces groupes, tous ces symptômes que j'ai mentionnés.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bien, maintenant on vous a posé un
7 certain nombre de questions, un grand nombre de questions au cours du
8 contre-interrogatoire concernant le contenu de votre rapport par rapport à
9 certaines portions de l'acte d'accusation. Aviez-vous déjà vu l'acte
10 d'accusation à l'époque où vous avez préparé votre rapport ? Est-ce que
11 vous l'aviez parcouru, est-ce que vous l'aviez lu ?
12 R. Oui, je l'avais sur internet. Toutefois, je regardais l'acte
13 d'accusation concernant M. Babic. Je n'étais pas au courant de l'acte
14 d'accusation contre M. Babic -- je veux dire Martic. Je ne crois pas
15 l'avoir parcouru ou l'avoir étudié.
16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'étais en train de parler de
17 l'acte d'accusation concernant la présente affaire, dans cette affaire-ci
18 concernant l'accusé Milan Martic.
19 R. Non, je sais que l'on peut trouver cet acte d'accusation sur internet,
20 mais je ne l'ai pas lu. Je l'ai vu, mais je ne l'ai pas lu. Je ne suis pas
21 au courant des détails. Par conséquent, en vérité je ne l'ai pas lu. Parce
22 qu'on m'a dit de m'occuper des questions de condition de santé et ainsi de
23 suite. Je n'ai donc pas estimé nécessaire d'examiner cela.
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avez-vous discuté avec le bureau
27 du Procureur de la teneur de l'acte d'accusation avant ou au moment où vous
28 étiez en train de rédiger votre rapport ?
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1 R. Madame le Juge, voulez-vous parler de l'acte d'accusation contre M.
2 Martic ?
3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] L'acte d'accusation contre M.
4 Martic que je comprends être l'acte d'accusation auquel le conseil de la
5 Défense se réfère ou s'est référé lorsqu'il a procédé à votre contre-
6 interrogatoire.
7 R. Non. Je n'ai pas discuté ou parlé de quoi que ce soit en particulier de
8 ce genre avec l'Accusation ou le bureau du Procureur si ce n'est les
9 questions pour lesquelles on m'a demandé de venir ici.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Dans le contenu complet de votre
11 rapport, dans la mesure où il a trait à certains aspects de l'acte
12 d'accusation auxquels le conseil vous a rappelé qu'il fallait que ce soit
13 basé sur votre expérience clinique des victimes, est-ce bien le cas que
14 c'était basé sur l'expérience clinique des victimes ? Est-ce un fait ou
15 non ?
16 R. Si l'on parle de l'impact sur la santé des victimes, ce sont les
17 conclusions que j'ai fondées sur mes travaux avec les victimes. Je peux
18 expliquer au point de vue des faits que je n'ai pas inclus dans mon rapport
19 tous les renseignements relatifs à la santé de ces victimes. Si la Chambre
20 est intéressée à la savoir, je peux vous dire de quoi il s'agit. Je l'ai
21 déjà mentionné. Je les ai décrits rapidement, mais je n'ai pas estimé qu'il
22 fût nécessaire d'entrer dans les détails puisqu'on m'a demandé de présenter
23 un rapport de 15 à 20 pages.
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame le Juge.
26 Docteur, je voudrais vous poser la question suivante. Etes-vous en mesure
27 de nous expliquer comment vous êtes entré en contact avec les personnes que
28 vous avez interrogées ou interviewés aux fins de rédiger ce rapport ?
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1 R. Les renseignements concernant les conditions de santé de ces victimes,
2 comme je l'ai expliqué dans l'introduction de mon rapport, il y a eu
3 quelques confusions à ce sujet dans ma déposition, j'y suis arrivé sur la
4 base de la méthode que j'ai utilisée aussi pour rédiger mon rapport. J'ai
5 déclaré que j'avais recueilli ces informations auprès de victimes dont j'ai
6 entendu les déclarations, les témoignages.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais essayer de reformuler ma
8 question. Comment initialement à l'origine êtes-vous entré en contact avec
9 chacune des victimes que vous avez interrogées ou interviewées ?
10 R. Monsieur le Président, il y avait deux façons essentielles par
11 lesquelles ces personnes ont été contactées. Le plus souvent, nous allions
12 dans des centres de réfugiés ou les centres où se trouvaient les personnes
13 déplacées où nous voulions d'abord savoir comment nous pourrions les aider.
14 La deuxième façon c'était de se mettre en rapport avec des
15 prisonniers de camp, d'anciens prisonniers dans les camps. Nous nous
16 mettions en rapport avec eux dans les centres où ils avaient été hébergés
17 après avoir été échangés. Nous avons également parlé avec ces personnes des
18 manières dont nous pourrions les aider. Nous avons également recueilli
19 différents renseignements auprès de réfugiés et de personnes déplacées,
20 ainsi que d'anciens détenus, et sur la base de ces renseignements, nous
21 nous sommes mis en rapport avec leurs familles. Nous avons essayé de les
22 aider de toutes les façons dont nous pouvions.
23 Nous nous sommes également mis en rapport avec elles de la façon suivante :
24 dans le cas de victimes de sévices sexuels, par exemple, des femmes qui
25 s'étaient mises en rapport avec des institutions sociales sous les soins
26 desquelles étaient placées ces femmes, c'était une des voie qui nous
27 permettait de nous mettre en rapport avec elles et de leur parler.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je comprends que vous nous
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1 dites que les victimes de sévices sexuels vous les avez recherchées ?
2 R. Dans certains cas, oui. Pour certaines d'entre elles, mais il y a un
3 nombre peut-être moins élevé qui se sont mis en rapport avec nous pour
4 obtenir de l'aide.
5 Pour ce qui est des victimes de sévices ou d'abus sexuels, si vous me
6 permettez de poursuivre, Monsieur le Président, j'aurais encore quelques
7 remarques à faire. Le point le plus important c'était d'obtenir leur
8 confiance, de gagner leur confiance et d'avoir plus d'un contact avec ces
9 victimes de façon à ce que nous puissions nous rapprocher de la personne,
10 donc gagner sa confiance, et en parlant à ces personnes, nous finissions
11 par avoir une idée plus précise de leurs traumatismes. On allait ensuite
12 traiter les victimes en question du mieux que nous pouvions.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En d'autres termes, ces personnes ne
14 sont pas venues volontairement, directement -- je vais reformuler. Elles ne
15 sont pas venues volontairement faire état des abus sexuels dont elles
16 avaient été victimes, il fallait d'abord que vous gagniez leur confiance
17 avant qu'elles ne soient prêtes à donner ces renseignements.
18 R. Oui, c'est précisément cela, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est après-midi, l'on vous avait
20 montré des photos sur le rétroprojecteur. Je souhaite savoir simplement
21 comment reconnaissez-vous, comment déterminez-vous l'appartenance ethnique
22 d'une personne, puisqu'on vous a posé des questions à ce sujet, en vous
23 penchant sur une photo sur le rétroprojecteur ? Puis vous pourriez me dire
24 également peut-être comment vous avez déterminé d'où vient la personne
25 également ?
26 R. Monsieur le Président, vous avez raison. Lorsque j'ai dit aujourd'hui,
27 et soi-disant "reconnu", c'est que je le supposais car ces victimes avaient
28 été amenées du village de Doljani, et les photos ont été prises par un ami,
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1 un de mes amis, un médecin lui aussi, et c'est la raison pour laquelle je
2 l'ai dit aujourd'hui.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les personnes dont vous avez vu les
4 photos aujourd'hui étaient-elles vivantes ? Est-ce que vous les aviez vues
5 lorsqu'elles étaient vivantes ou lorsque vous les avez vues, si vous les
6 avez vues vous-mêmes, est-ce qu'elles étaient déjà mortes ?
7 R. Non, Monsieur le Président, elles étaient déjà mortes au moment où j'ai
8 vu les photos. D'après les photos, les paysans qui s'étaient réfugiés les
9 reconnaissaient, et par la suite, par le biais de l'identification assistée
10 par la FORPRONU.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, en réalité, les personnes que
12 nous avons vues cet après-midi, leurs photos, n'ont jamais fait l'objet de
13 votre rapport ou de vos entretiens. Vous n'avez pas parlé avec eux. C'était
14 des cadavres déjà lorsque vous les avez vues.
15 R. Non, non.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Racontez-nous ce qui s'est passé.
17 R. Non je ne les ai jamais vues pendant qu'elles étaient vivantes, ces
18 personnes-là.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, merci. Vous avez vu ces
20 photos avant la journée d'aujourd'hui, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. Comme je l'ai dit, un de mes collègues a pris ces photos, donc je
22 les ai vues même si c'était il y a longtemps. C'est pour cela que j'ai pu
23 les reconnaître.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Autrement dit, lorsque vous les
25 caractérisez du point de vue de leur appartenance ethnique et de leur lieu
26 de résidence, vous le faite sur la base de ce que vous avez appris de la
27 part d'autres personnes ? Vous n'aviez pas de connaissances indépendantes à
28 ce sujet -- ou je vais reformuler. Il ne s'agissait pas là d'une
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1 information que vous aviez obtenue en interviewant ces personnes ?
2 R. Non, effectivement, Monsieur le Président. Les informations venaient de
3 deuxième main, pour ainsi dire, de la part des personnes qui ont survécues.
4 Encore une fois, s'agissant des personnes dont on a vu les photos
5 aujourd'hui, j'en ai parlé, je n'ai jamais parlé avec eux de leur vivant.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Excusez-
7 moi, je ne trouve pas ce que je cherchais. La numérotation était
8 différente.
9 Je vous remercie, ceci marque la fin -- excusez-moi, je pense que le Juge
10 Nosworthy a encore une question.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Docteur, vous êtes dans une
12 situation particulière puisque vous avez été victime de certaines
13 expériences et vous êtes ici en tant qu'expert aussi, qui a élaboré un
14 rapport et avancé ses conclusions. Pourriez-vous dire à la Chambre de
15 première instance si votre expérience personnelle a eu un quelconque impact
16 sur l'élaboration de votre rapport, dans le cadre de quelque processus que
17 ce soit à l'égard de votre rapport et, si oui, comment avez-vous pu faire
18 la distinction entre vous, personnellement, et vous, professionnellement,
19 s'agissant de vos expériences afin de rédiger et élaborer votre rapport ?
20 R. Madame la Juge, je vais essayer de répondre à ces quelques questions
21 que vous m'avez posées. Je vais vous donner une illustration pour
22 commencer.
23 Dans ce cas-là, je n'ai pas traité tout ce qui n'est pas pertinent, car
24 c'était conforme à la tâche qui m'avait été confiée et j'ai traité de
25 manière égale toutes les victimes. Dans un livre publié en Croatie, à
26 Zagreb, nous avons parlé de toutes les victimes, quelle que soit leur
27 appartenance ethnique et quels que soient les auteurs de crimes. Donc, dans
28 ma vie, ce que j'ai accepté.
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1 Là, j'essaie de répondre directement à votre question, Madame la
2 Juge. C'est mon expérience que j'ai vécue et je peux déjà vous dire que
3 j'ai fait les études de médecine, ce qui implique une certaine éthique et
4 une certaine morale, et le fait d'aider les êtres humains et ceci sous-
5 entend l'universalité des victimes qui ne peuvent pas être réparties selon
6 leur appartenance ethnique, et je savais aussi qu'aucun criminel ne peut se
7 cacher derrière son appartenance ethnique, c'est ce qui m'a renforcé dans
8 mes convictions. C'est pour cette raison que je considère que je n'ai pas
9 eu ce genre de problèmes.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le Juge Hoepfel a encore une question
12 pour vous, et j'ai trouvé ce qui m'intéressait.
13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Docteur Loncar, mis à part ce que
14 vous venez d'expliquer à la Juge Nosworthy, est-ce que vous pouvez établir
15 un lien temporel entre la période pendant laquelle vous avez vécu votre
16 expérience personnel et la période lors de laquelle vous avez rédigé votre
17 rapport ? En termes généraux.
18 R. Ces deux expériences sur le plan temporel concordent de telle manière
19 que de fait, ce que j'ai vécu m'a aidé à comprendre quelles étaient les
20 causes, et lorsque j'ai reçu ma formation en matière de médecine et de
21 psychiatrie, cela m'a permis de mieux comprendre cela. C'est dans ce
22 contexte qu'il faut comprendre ce rapport. D'un côté, il y a l'histoire,
23 puis il y a là les conséquences qui, comme je l'ai dit, ont été décrites
24 par moi dans ce rapport, alors que mon expérience personnel m'a aidé, car
25 les victimes faisaient plus facilement et plus vite confiance par rapport
26 aux autres, et ils devaient ressentir quelque chose. Ils devaient sentir
27 que je les comprenais mieux que les autres.
28 Cela d'ailleurs est un phénomène fréquent, il ne s'agit pas seulement
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1 de mon cas, c'est-à-dire, les victimes perçoivent avec plus de sympathie
2 les experts qu'ils trouvent plus empathiques pour leurs souffrances, au
3 moins du point de vue de la victime, ce qui ne veut pas dire nécessairement
4 que les autres sont moins compétents ou qualifiés pour les traiter.
5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner
6 une structure du temps, une idée du temps par rapport à votre expérience
7 personnel, et la préparation de votre rapport ? Peut-être vous l'avez dit,
8 mais peut-être ma mémoire est si faible, donc est-ce que vous pourriez nous
9 clarifier cela ? A-t-on suffisamment de temps ? Est-ce que vous pouvez nous
10 dire à quel moment cela s'est produit ? Quand avez-vous rédigé votre
11 rapport ?
12 R. Il s'agit là d'une différence d'environ 13, 14 ans. Donc, entre 1991 et
13 ce qui s'est passé il y a deux ans, ce rapport. Donc, 13, 14 ans,
14 approximativement de distance au niveau du temps.
15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Juge.
17 Si tout le monde peut avoir de la compréhension pour moi, je vous
18 demanderais d'entendre la question que j'allais poser.
19 Un moment donné aujourd'hui vous avez dit que 53 civils du village de
20 Dubica, qui étaient détenus dans la caserne de pompiers locale que vous
21 avez mentionné, et ensuite, vous avez dit : "Voici ce que j'ai trouvé." Je
22 suppose que vous voulez dire que vous avez trouvé ces 53 civils, mais où
23 les avez-vous trouvé ?
24 R. Oui.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où les avez-vous trouvé ?
26 R. Monsieur le Président, je souhaite clarifier ce point. Lorsque l'on
27 travaille de cette manière-là, par le biais des entretiens avec les
28 victimes, et hier on posait des questions sur les statistiques, mais il ne
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1 s'agit pas vraiment des statistiques scientifiques dans ce travail. Je ne
2 suis pas un enquêteur, mais les victimes ont souvent besoin de tout me
3 dire, et je dois écouter tout ce qu'ils souhaitent dire. Parfois, il y a
4 des situations où la victime avance le chiffre elle-même, puis une autre
5 victime parle d'une différence d'une ou deux personnes. Puisque je ne suis
6 pas un enquêteur, mais j'ai parlé avec les victimes qui étaient des
7 témoins, qui avaient vécu cela, j'ai utilisé les chiffres comme une
8 illustration, comme le point de départ pour expliquer l'expérience
9 traumatisante.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous interrompre.
11 Probablement, je me suis mal exprimé. Ma question est simple. Où les avez-
12 vous trouvés ? Est-ce que vous les avez trouvés dans la caserne des
13 pompiers ou ailleurs ? Je ne vous pose pas de questions au sujet des
14 chiffres. Je comprends que vous n'êtes pas un enquêteur, mais seulement un
15 médecin. Je ne veux pas dire seulement un médecin, mais vous êtes un
16 médecin. Cela, je comprends. Mais je souhaite savoir simplement où
17 physiquement les avez-vous trouvés lorsque vous les avez contactés pour la
18 première fois ?
19 R. Cela, c'était pendant qu'ils étaient réfugiés. Donc, c'était les
20 réfugiés qui parlaient des victimes tuées, si vous parlez de cela, si j'ai
21 bien compris votre question, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois. Vous n'avez pas parlé avec
23 les 53 civils qui avaient été dans la caserne des pompiers, mais avec ceux
24 qui les connaissaient.
25 R. Tout à fait.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Ceci n'était pas
27 clair. C'est ainsi que se terminent mes questions.
28 Je souhaite savoir simplement si les parties ont des questions qui
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1 découlent des questions des Juges.
2 Mme VALABHJI : [interprétation] Je n'ai pas de questions, mais je souhaite
3 simplement dire que par rapport à la question posée par le Juge Nosworthy,
4 que la pièce à conviction Babic est la pièce 173 dans cette affaire, et je
5 pense qu'il y a eu beaucoup de chevauchement avec l'acte d'accusation dans
6 cette affaire.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame Valabhji.
8 Maître Milovancevic, avez-vous des questions qui découlent de mes
9 questions ? Je sais que nous avons déjà prolongé les délais. Mais est-ce
10 que vous avez des questions ?
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Juste une demi-minute. Une question
12 brève.
13 Q. Est-ce que le témoin sait que Babic et Martic ont été accusés par le
14 bureau de Procureur pour les mêmes crimes, et pour la même base de crime ?
15 Est-ce qu'il le sait ? Dans le même territoire ?
16 R. Je sais que dans l'acte d'accusation de M. Babic, on mentionne M.
17 Martic. Cela, je le sais.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Excusez-
21 moi de vous avoir retenu pendant longtemps, mais je souhaitais terminer
22 avec ce témoin aujourd'hui.
23 Docteur, c'est la fin de votre déposition. Nous n'aurons plus besoin de
24 vous, mais je souhaite vous remercier d'être venu déposer. Vous pouvez
25 disposer. Merci.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
28 [Le témoin se retire]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'audience est levée jusqu'à demain à
2 2 heures et quart de l'après-midi.
3 Oui, Madame Valabhji.
4 Mme VALABHJI : [interprétation] Je me suis levée trop tôt. Je m'excuse.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, j'ai
6 l'impression que vous vous étiez levé aussi.
7 Dans ce cas-là, l'audience est levée jusqu'à demain à 2 heures et quart.
8 --- L'audience est levée à 19 heures 20 et reprendra le mercredi 14
9 juin 2006, à 14 heures 15.
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