Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 14 août 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, à toutes et à tous. Je

6 souhaite souhaiter la bienvenue à tout le monde en ce jour de rentrée.

7 J'espère que tout le monde est bien reposé et prêt à poursuivre le travail

8 dans cette affaire sans aucun retard.

9 Avant d'entamer nos débats, il convient que je fasse un certain nombre

10 d'observations.

11 Et pour ce faire, c'est essentiellement à l'équipe de la Défense, à Me

12 Milovancevic, que je vais m'adresser. Veuillez donc m'écouter avec beaucoup

13 d'attention, Maître.

14 Lorsque nous nous sommes quittés, Maître Milovancevic, la Défense s'était

15 engagée à déposer des documents au plus tard le lundi 17 juillet. Or, ces

16 documents n'ont été déposés que le 19 juillet à 13 heures, sans qu'aucun

17 motif soit donné pour expliquer ce retard. Cela c'est une chose que je

18 souhaiterais vous dire, une protestation que je souhaiterais vous

19 communiquer. Et apparemment, la liste qui a été communiquée ce jour-là ne

20 comportait que huit témoins au lieu des dix prévus, et la majorité de ces

21 témoins ne figurait pas dans les documents qui avaient été fournis à

22 l'Accusation et ne figurait pas parmi les dix qui étaient prévus

23 initialement dans le cadre de la présentation des moyens à décharge.

24 Pourriez-vous expliquer à la Chambre ce qu'il en est désormais, quelle est

25 la situation actuelle ?

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce que vous avez dit, Monsieur le

27 Président, est exact. Après avoir quitté le Tribunal pour Belgrade,

28 l'équipe de la Défense a pris contact avec les témoins. Les modifications

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1 des noms des témoins qui figurent sur la liste s'expliquent par

2 l'impossibilité concrète qui a été la nôtre de prendre contact avec des

3 témoins qui étaient en vacances. Cela a constitué un véritable écueil pour

4 l'équipe de la Défense. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir

5 pour contacter les témoins que nous pouvions contacter, ceci afin que le

6 procès puisse se poursuivre. Bien entendu, cette situation nous paraissait

7 très regrettable, mais il fallait que nous fassions face à la situation qui

8 était celle qui se présentait à nous. Nous n'avons pas été en mesure de

9 prendre contact avec les témoins que nous voulions entendre en premier.

10 Voilà la raison qui explique ce qui s'est passé. Nous avons plutôt informé

11 la Chambre de la crainte qui était la nôtre que ceci ne se produise.

12 Cependant, nous ne pensions pas que les problèmes seraient aussi graves

13 qu'ils l'ont été.

14 Cependant, maintenant nous sommes prêts à poursuivre. Quant au retard

15 au fait que les documents aient été déposés le 19 plutôt que le 17 juillet,

16 cela s'explique par le fait que lorsque nous sommes arrivés à Belgrade,

17 nous devions respecter un certain nombre de dates butoir et nous avons fait

18 de notre mieux. Le retard s'explique par des circonstances qui sont

19 indépendantes de notre volonté. Nous avons fait de notre mieux pour

20 respecter les délais, mais nous avons déposé ces documents en retard. Nous

21 avons expliqué à nos confrères de l'Accusation que ceci s'expliquait par

22 des raisons objectives. J'espère que la Chambre en tiendra compte.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Certes. Le problème, c'est que vous

24 n'avez même pas eu la courtoisie de donner une explication à la Chambre au

25 moment de déposer ces documents tardivement. Si bien que la Chambre ne

26 savait pas si vous étiez en contravention flagrante de l'ordonnance de la

27 Chambre ou ce qui se passait ? Nous donner une explication maintenant,

28 après coup, n'est pas tout à fait ce qu'il aurait dû être fait. Il aurait

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1 fallu donner ces explications au moment du dépôt tardif des documents ou

2 même avant, en expliquant que vous n'étiez pas en mesure de respecter les

3 délais.

4 En tout cas, merci de votre explication.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais ajouter quelque

6 chose, Monsieur le Président ? J'accepte vos critiques, Monsieur le

7 Président. Je sais que nous avons fait une erreur. Nous avons fait de notre

8 mieux pour respecter les délais. Je sais que ce n'est pas une

9 justification, une explication, mais voilà ce qui s'est passé.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

11 M. WHITING: [interprétation] En fait, la situation est bien pire que telle

12 qu'elle n'est présentée par la Chambre. Je pense que ceci doit figurer au

13 compte rendu d'audience. Vous avez raison, Monsieur le Président. Le 19

14 juillet, on nous a donné une liste de dix témoins. Une liste de dix témoins

15 ce 19 juillet, la liste qui devait être fournie le 14 juillet. Si bien que

16 le retard s'élève à cinq jours.

17 Ceci aurait été tout à fait acceptable. Nous avons commencé à nous

18 préparer. Nous étions déjà préparés d'ailleurs pour commencer à travailler

19 sur ces témoins. Cependant, il y a une semaine, le 7 août, nous avons reçu

20 une nouvelle liste. Je crois que c'est celle que vous avez mentionnée, avec

21 huit témoins. Si ces huit témoins avaient figuré dans la première liste,

22 cela n'aurait pas créé de problème. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

23 Parce que sur ces huit témoins, il n'y en a que trois qu'on trouve dans la

24 liste de départ, la liste de dix témoins. Par l'intermédiaire de la

25 Chambre, nous avons essayé de voir si la liste pouvait être réorganisée.

26 Malheureusement, ce n'est pas possible. Donc, les trois témoins qui sont

27 prévus pour cette semaine, ce sont des témoins dont nous avons été informés

28 de la comparution pour la première fois il y a une semaine. Si bien que

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1 nous nous trouvons dans une situation fort défavorable. Il nous a été très

2 difficile de nous préparer correctement au contre-interrogatoire des dix

3 témoins.

4 Je trouve vraiment qu'il est difficile d'accepter et de croire qu'il

5 n'y a qu'une semaine que la Défense a appris que ces gens seraient les

6 témoins qui figureraient sur la liste, et qu'ils ne savaient pas, entre le

7 19 juillet et le 7 août, que la liste allait être modifiée. Ils auraient

8 dû, ils auraient pu nous prévenir au fur et à mesure.

9 Je ne vois là qu'une explication. Il s'agit de placer l'Accusation

10 dans une position défavorable. Je ne vois pas d'autre explication. Ils

11 devaient bien savoir avant lundi dernier que la liste des dix témoins ne

12 serait pas la liste où on trouverait les premiers témoins. Conséquence de

13 cela, nous avons envisagé la semaine dernière de demander un report de la

14 réouverture du procès. Nous savons cependant que le temps nous est compté.

15 Donc, nous avons décidé de ne pas choisir cette solution. Cependant, je

16 vois deux conséquences à ce qui s'est passé. Premièrement, il est possible

17 qu'il y ait des pièces que nous souhaitions utiliser au cours du contre-

18 interrogatoire, qui n'auront pas été traduites, parce que nous n'avons pas

19 eu le temps de trouver toutes ces pièces et de les faire traduire.

20 En deuxième lieu, il est possible que nous demandions après la

21 déposition d'un des témoins cette semaine, un report des audiences d'une

22 journée, pas plus d'une journée, en tout cas. Nous allons essayer d'éviter

23 cela mais il est très difficile pour nous de nous préparer correctement vu

24 le caractère tardif de la notification des noms des témoins. Je voulais

25 simplement que la Chambre en ait connaissance.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting. Je voudrais

27 savoir juste une chose. Vous parlez de pièces à conviction qui ne seront

28 peut-être pas traduites. Est-ce qu'il s'agit de pièces en B/C/S que vous

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1 aviez la responsabilité de faire traduire ou est-ce que ce sont des pièces

2 que doit vous traduire la Défense ?

3 M. WHITING : [interprétation] Non, il ne s'agit pas de pièces que la

4 Défense va utiliser; ce sont des pièces que nous avons trouvées dans nos

5 propres dossiers. Nous estimons qu'elles pourraient être pertinentes

6 pendant le contre-interrogatoire des témoins. Ces pièces, pour l'instant,

7 ne sont disponibles qu'en B/C/S, et nous essayons de faire de notre mieux

8 pour qu'elles soient traduites. Il est fort probable que certaines pièces

9 ne seront pas complètement traduites, et qu'il faudra les utiliser dans la

10 version originale en prétoire. Cela est possible. Pratiquement parlant, on

11 peut demander au témoin de lire les passages concernés à haute voix afin

12 qu'ils soient traduits, mais cela prend du temps. Ce n'est pas la solution

13 optimale pour les parties ni pour la Chambre de cette utilisation de pièces

14 qui n'ont pas été traduites.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

16 J'imagine, Maître Milovancevic, que vous avez dit ce que vous aviez à dire

17 à moins que vous ne souhaitiez répondre à ce qui vient d'être dit par M.

18 Whiting. Si ce n'est pas le cas, je voudrais qu'on passe à autre chose. Je

19 ne veux pas que nous perdions du temps en questions de procédure.

20 J'aimerais qu'on passe à l'audition du témoin le plus vite possible.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous pouvons procéder à l'audition du

22 témoin.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.

24 Auparavant, une chose suite à ce qui s'est passé ces dernières

25 semaines, la Chambre sera très réticente face à toute demande de

26 prorogation de délais demandés par la Défense à moins que ces décisions ou

27 ces demandes de prorogation des délais ne soient présentés en conformité

28 avec le Règlement et sur présentation de motifs valables.

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1 Maître Milovancevic, vous pouvez appeler votre témoin.

2 Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, je voulais encore ajouter

4 quelque chose. Il y a encore des obligations que la Défense n'a pas

5 remplies. Premièrement, le 7 juillet, la Défense a déclaré que M. Martic

6 allait déposer, et qu'elle allait fournir une déclaration 65 ter le

7 concernant ainsi que les autres témoins le

8 14 juillet au plus tard. Comme nous venons d'en parler, il a fallu attendre

9 le 19 juillet pour que ces résumés soient fournis, et parmi ces résumés, on

10 ne trouvait pas celui de M. Martic. A ce jour, nous ne l'avons pas reçu. Le

11 retard s'élève maintenant à quatre ou cinq semaines. Je pense que nous

12 sommes en droit de recevoir ce résumé.

13 Deuxième chose, sur les 53 témoins pour lesquels on nous a remis des

14 résumés 65 ter, il y en a sept pour lesquels nous n'avons pas reçu de

15 résumés 65 ter. Nous avons fourni la liste à la Défense, nous avons demandé

16 les résumés. La Défense nous a dit qu'elle avait éliminé ces témoins de sa

17 liste. Or, j'estime que c'est quelque chose dont on devrait être informés

18 dans les plus brefs délais quand cela se passe.

19 Ce qui m'amène à la question suivante : le 14 juillet, la Défense

20 nous a fait savoir qu'au plus tard une semaine avant le procès, ils

21 fourniraient une liste révisée des témoins indiquant quels témoins seraient

22 abandonnés, et quels témoins déposeraient en vertu de l'article 92 bis.

23 Ceci non plus n'a pas été fait. Il ne s'agissait pas de quelque chose qui

24 était demandé par la Chambre, mais la Défense avait dit qu'elle le

25 fournirait, ce document.

26 Dernière chose, ou plutôt -- non, pas encore. Point suivant, donc. La

27 Défense, à plusieurs reprises, suite à nos demandes et suite à ordonnance

28 de la Chambre, nous a dit qu'elle fournirait toutes les pièces à conviction

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1 qui avaient été mentionnées dans la déclaration liminaire mais qui ne

2 figuraient pas dans la liste des pièces à conviction. Le 14 juillet, la

3 Défense nous a indiqué qu'elle pensait, qu'en vérité, ces pièces se

4 trouvaient sur la liste des pièces à conviction parce que c'était des

5 pièces qui se trouvaient englobées dans d'autres pièces. La Chambre a

6 ordonné à la Défense de dire à l'Accusation, le 17 juillet au plus tard, de

7 quelles pièces il s'agissait, et si ces pièces n'étaient pas contenues dans

8 d'autres pièces, de les fournir à l'Accusation.

9 Ceci non plus n'a pas été fait.

10 D'autre part, nous étions censés recevoir les traductions de pièces qui se

11 trouvaient sur la liste des pièces à conviction. Nous avons reçu

12 aujourd'hui des traductions. Il y a aussi un mémo qui nous indique qu'un

13 certain nombre de pièces ont été abandonnées dans la liste, mais nous ne

14 savons pas desquelles il s'agit.

15 Je pense que cela aussi cela aurait dû nous être communiqué.

16 Enfin, pour finir, cette liste des obligations qui n'ont pas été respectées

17 par la Défense, la Défense a reçu l'ordre, le

18 11 juillet, de fournir les rapports d'experts traduits aujourd'hui au plus

19 tard. Je ne sais pas si la Défense est prête à s'exécuter, mais pour

20 l'instant, nous n'avons pas reçu ces documents.

21 Dernière chose, puisque je suis debout, vendredi, nous avons reçu une

22 requête aux fins de mesures de protection pour certains témoins. Je suis

23 prêt à répondre oralement, si cela convient aux Juges de la Chambre, à

24 ladite requête. Bien entendu, il faudra que je m'exprime à huis clos

25 partiel.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous reviendrons sur ce dernier

27 point plus tard. Revenons sur les sept premiers points que vous venez de

28 développer pour nous.

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1 Maître Milovancevic, reprenons ensemble toutes ces questions qui ont

2 été évoquées par l'Accusation. Premièrement, est-ce que

3 M. Martic va déposer ? Et s'il va déposer, quand pouvons-nous espérer

4 recevoir le résumé 65 ter de ses propos ?

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fait

6 savoir à la Chambre que M. Martic allait déposer. Dans l'intervalle, nous

7 étions à Belgrade. Nous étions encore à Belgrade il y a deux jours, ceci

8 afin de préparer les témoins à déposer dans le procès. Si bien que nous

9 n'avons pas été, pendant toute cette période, en contact avec M. Martic.

10 Tout ceci rend notre travail encore plus difficile. Et dans la semaine qui

11 vient, nous allons expliquer à la Chambre ce qu'il en est.

12 Deuxièmement, j'ai l'impression, vu ce qui a été dit par l'Accusation,

13 qu'il a le sentiment que nous essayons d'entraver le travail du bureau du

14 Procureur. Ceci n'est pas absolument le cas. Il existe des difficultés

15 objectives auxquelles nous sommes confrontés. L'Accusation, elle aussi, a

16 manqué à ses obligations en matière de délais. Elle devait fournir un

17 document le 25 décembre 2005, et a eu sept jours de retard. Ce document n'a

18 été fourni qu'en 2006. Dans l'intervalle, un de nos témoins est décédé,

19 d'autres ne sont pas disponibles. Certains n'ont pas de passeport, d'autres

20 sont des réfugiés. Il est très difficile de les faire venir ici, parce

21 qu'il faut que nous obtenions des passeports pour eux, et ces passeports ne

22 sont valables que pour une semaine. Voilà donc les difficultés auxquelles

23 nous avons été confrontés.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, je vous interromps, Maître

25 Milovancevic. Je parlais de la déposition de M. Martic. Parlons uniquement

26 de cela, et ne nous parlez pas des autres difficultés que vous rencontrez

27 avec les témoins.

28 Vous avez dit à la Chambre que M. Martic allait déposer; c'est vrai.

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1 Mais vous vous êtes engagé vous-même, et c'est là que se trouve le

2 problème. Vous prenez un engagement mais vous ne respectez pas cet

3 engagement. Vous vous êtes engagé à fournir le résumé 65 ter concernant M.

4 Martic avec les autres résumés 65 ter. Au moment où vous avez pris cet

5 engagement, vous saviez parfaitement que vous seriez à Belgrade pendant les

6 vacances judiciaires. Ce n'est pas comme s'il s'agissait là de quelque

7 chose de complètement inattendu. Vous deviez prendre des dispositions pour

8 que quelqu'un interroge M. Martic pendant que vous êtes à Belgrade pour

9 préparer son résumé 65 ter. De toute façon, il est même inutile que vous

10 lui parliez. Il vous a donné des instructions, et d'après ce qu'il vous a

11 dit, vous pouvez préparer un résumé 65 ter. Vous n'avez pas vraiment besoin

12 de le rencontrer. C'est vous qui allez lui poser des questions.

13 Vous savez quelles questions vous allez lui poser, et vous pouvez

14 résumer ce qu'il va répondre sur la base de ses instructions. Quelles que

15 soient les difficultés que vous rencontrez, vous, le problème qui est celui

16 de la Chambre, c'est que vous vous êtes engagé vous-même. La Chambre a été

17 fort indulgente à votre encontre à plusieurs reprises. Le document 65 ter

18 que nous avons évoqué avec les témoins aurait dû être déposé le 5 juillet.

19 On en a reparlé le 14 juillet.

20 Je ne veux pas que vous nous répondiez que dans les semaines à venir vous

21 allez nous remettre le résumé 65 ter de M. Martic; je veux que vous nous

22 donniez une date précise. Quand pouvons-nous recevoir ce document ?

23 Demain ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne crois pas que cela sera possible,

25 Monsieur le Président. Aujourd'hui, nous siégeons dans l'après-midi, et

26 demain, nous siégerons le matin. Donc, demain, ce ne serait pas réaliste.

27 M. Martic nous a demandé d'aller lui parler au sujet de ce résumé.

28 Aujourd'hui, nous sommes lundi, et nous allons vous fournir des

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1 informations sur ce point d'ici la fin de la semaine. Si M. Martic dépose,

2 cela se passera tout à la fin de la présentation des moyens à décharge. Si

3 bien que l'Accusation aura suffisamment de temps pour examiner sa

4 déclaration et pour préparer le contre-interrogatoire. Nous sommes tout à

5 fait conscients des engagements que nous prenons.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Mais la Chambre ne saurait se

7 contenter d'une déclaration selon laquelle nous allons être informés de

8 tout ce qui se passe d'ici la fin de la semaine. Non. Cela ne veut rien

9 dire. Il faut que vous me disiez quand vous allez nous fournir la

10 déclaration 65 ter de M. Martic. Donnez-moi une date précise. Soyez précis.

11 Ne nous dites pas que vous allez nous informer au sujet de tout. Non. J'ai

12 une question qui est très précise à vous poser qui est de savoir quand nous

13 pouvons espérer recevoir la déclaration 65 ter de M. Martic ?

14 [Le conseil de la Défense se concerte]

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous donner jusqu'à

16 mercredi prochain ? A ce moment-là, nous vous fournirons le résumé 65 ter

17 mercredi prochain.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, souhaitez-vous

19 répondre ?

20 M. WHITING : [interprétation] Cela me paraît vraiment un délai extrêmement

21 long. Il ne s'agit pas simplement pour nous de nous préparer au contre-

22 interrogatoire de M. Martic; il faut que nous sachions quelle est

23 véritablement la thèse de la Défense parce que cela se rapporte à tous les

24 témoins. Enfin, ceci étant dit, je sais que si on fixe une date, une autre

25 date, une date précédant celle-là, on ne recevra de toute façon pas le

26 document.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Mercredi prochain, c'est quel

28 jour ?

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je crois que c'est le 23 août.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'ici mercredi prochain 23 août, la

3 Défense devra, c'est l'ordonnance de la Chambre, produire le résumé 65 ter

4 de M. Martic.

5 Pour ce qui est du point suivant vous avez évoqué, Monsieur Whiting, je

6 n'essaie pas ici de prendre la défense de la Défense, mais il me semble

7 qu'ils nous ont indiqué que certains des témoins manquants ce sont des

8 témoins qu'ils vont peut-être abandonner. Est-ce que ce sont là les sept

9 témoins auxquels fait référence M. Whiting ? Il nous a expliqué, M.

10 Whiting, que sur les 53 témoins que vous souhaitez voir comparaître, il y

11 en a sept pour lesquels il n'y a pas de résumés 65 ter. Est-ce que ce sont

12 là les témoins que vous n'ayez pas pu contacter, les témoins que vous

13 souhaitez éliminer de la liste ?

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit des

15 témoins avec lesquels nous n'avons pas pu entrer en contact. Donc, il est

16 très possible que nous allons éliminer de notre liste au moins quatre de

17 ces témoins. Mais j'aimerais que la Chambre ainsi que l'Accusation aient

18 toujours à l'esprit le fait que notre travail a été fort perturbé du fait

19 que l'un de nos principaux témoins est décédé. C'est l'une des raisons pour

20 lesquelles nous nous trouvons dans la situation qui est la nôtre

21 aujourd'hui. Cependant, nous informerons le bureau du Procureur en temps

22 utile au sujet de ces sept témoins.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je vous

24 demanderais, s'il vous plaît, quand on évoque une question donnée de ne pas

25 vous lancer dans des digressions. Le décès de ce témoin n'a rien à voir

26 avec le fait que vous n'ayez pas pu entrer en contact avec sept autres

27 témoins. Cela n'a rien à voir. Donc, ne mélangez pas tout. Ne mélangez pas

28 des choses qui n'ont strictement rien à voir les unes avec les autres.

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1 Bien entendu, la Chambre comprend la situation de la Défense, dont un

2 des témoins est décédé, mais cela n'a rien à voir avec le fait que nous

3 sommes en train de parler des sept témoins pour lesquels nous n'avons pas

4 reçu de résumés 65 ter. Je voudrais savoir d'ici quand vous serez en mesure

5 de nous faire savoir si vous avez décidé de ne plus faire comparaître ces

6 témoins, Maître Milovancevic ? Et si vous allez finalement décider de ne

7 pas citer quatre de ces témoins, de quels témoins s'agit-il ? Quels sont

8 ces quatre témoins ?

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons une

10 fois encore tenter de prendre contact avec ces témoins d'ici la fin de la

11 semaine. Mercredi prochain le 23, nous fournirons également ces

12 informations, car à ce moment-là nous aurons résolu cette question.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Milovancevic.

14 Je pense que cela répond à la question que vous avez évoquée, la

15 troisième question que vous avez évoquée, Monsieur Whiting, à savoir que la

16 Défense s'était engagée à fournir une liste des témoins qu'elle ne

17 souhaitait plus voir comparaître une semaine avant le procès.

18 Maître Milovancevic, est-ce que la Défense a pris une décision quant aux

19 témoins qui déposeront en application de l'article 92 bis du Règlement ?

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Pas encore, Monsieur le Président. Nous

21 avons pris connaissance des suggestions que vous avez faites au sujet du

22 calendrier, mais nous souhaiterions répondre d'ici le 23 août, parce que

23 tout ceci est en rapport avec toute la problématique des témoins.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais rappelez-vous que les

25 suggestions relatives au calendrier que vous avez vues, elles sont en

26 rapport avec une décision, et cette décision nous indique que ce n'est pas

27 à la Chambre de présenter vos moyens. C'est à vous de le faire. Bien

28 entendu, il s'agissait de point de vue de la Chambre qui déterminait qui

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1 pouvait ou non déposer en vertu de l'article 92 bis, mais la Défense a le

2 droit de décider elle-même qui va déposer de cette manière.

3 Je prends note de ce que vous dites, cela indique que vous tenez

4 compte de ce qui figure dans la décision de la Chambre, et j'espère que

5 cela va effectivement être le cas, dans le cas de la préparation de votre

6 liste 92 bis.

7 Est-ce que j'ai bien compris, est-ce que le 23 août, vous serez en

8 mesure d'avoir trouvé une réponse à cette question des témoins 92 bis ?

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'agissant des pièces dont vous avez

11 fait allusion lors de la déclaration liminaire et qui ne se trouvent pas

12 sur la liste des pièces à conviction, vous nous avez dit avant les vacances

13 judiciaires que vous alliez fournir les exemplaires à l'Accusation. Quelle

14 est votre position concernant cela ? Que pouvez-vous nous dire ?

15 [Le conseil de la Défense se concerte]

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, voilà. Nous avons

17 justement un problème concernant ces pièces à conviction, et le problème

18 est que nous ne les avons pas sur nos listes des pièces à conviction. Si

19 nous décidons de nous en servir, nous allons demander un changement de

20 liste, et nous allons informer l'Accusation de cette nouvelle liste et nous

21 allons, bien sûr, traduire tous les éléments comme il est habituel. La

22 raison pour laquelle nous nous trouvons dans la position dans laquelle nous

23 sommes, c'est que nous avons eu toute une mer d'obligations que nous avions

24 dû devoir résoudre. Nous avons essayé de faire de notre mieux, et voilà.

25 Nous nous en sommes là. S'agissant des pièces à conviction qu'a mentionnées

26 M. Whiting, si ces pièces ne se trouvent pas sur notre liste, et si nous

27 avons l'intention de nous servir de ces listes, nous avons demandé

28 d'élargir la liste 65 ter, nous allons demander la décision de la Chambre

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1 et à ce moment-là, cette nouvelle liste serait certainement communiquée à

2 l'Accusation ainsi que cette décision.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il me semble qu'il y a un malentendu,

4 Maître Milovancevic, ici.

5 M. Whiting, dans sa déclaration, a fait allusion très précisément aux

6 pièces auxquelles vous vous êtes référé lors de votre déclaration

7 liminaire. A moins de les retirer, à moins de dire je ne vais pas me servir

8 de ces pièces, ce sont des pièces que vous nous avez avisés que vous alliez

9 utiliser, et M. Whiting dit qu'il aimerait voir ces pièces, il ne s'agit

10 pas de savoir si au cours du procès vous décidez de vous servir de ces

11 pièces. Ce n'est qu'à ce moment-là que vous les fournirez des copies de ces

12 pièces. Il s'agit d'autre chose. Vous avez donné notification de

13 l'intention de vous servir de ces pièces. Donc, nous vous posons la

14 question suivante : où sont ces pièces ? Comprenez-vous ce que je vous

15 dis ? Voilà une distinction très claire qu'il faut faire.Donc, il nous dit

16 : "Nous ne pouvons pas attendre que vous vous décidiez au cours du procès

17 si vous allez vous décider de vous servir de ces pièces alors que vous avez

18 déjà donné notification, lors de la déclaration liminaire, que vous allez

19 vous servir de cette pièce." Alors ce que M. Whiting dit : "Où sont ces

20 pièces, nous devrions recevoir ces pièces et comme cela nous allons pouvoir

21 les étudier. Si la Défense décide de les présenter à ce moment-là, nous

22 saurons de quoi il s'agit." La seule façon de réagir maintenant serait de

23 retirer ces pièces. C'est-à-dire, vous pouvez formellement enregistrer pour

24 le compte rendu d'audience que : Vous ne souhaitez pas du tout utiliser ces

25 pièces. Vous pouvez retirer la notification d'utiliser ces pièces et ce

26 n'est qu'à ce moment-là qu'il ne vous sera plus nécessaire de communiquer

27 ces pièces à l'Accusation." La réponse que vous nous avez donnée n'est pas

28 vraiment une vraie réponse à la question posée.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une

2 série d'éléments de preuve et nous voulions que les témoins, lors de leurs

3 dépositions, en parlent. Il y a un très grand nombre de documents, et c'est

4 la raison pour laquelle la Défense a mentionné ces documents lors de la

5 déclaration liminaire. Il s'agit d'une obligation assez complexe. C'est

6 donc la raison pour laquelle nous avons besoin de quelque peu de temps.

7 Dans la période qui nous est impartie, nous n'avons pas pu nous préparer de

8 la meilleure façon que possible. Il est, bien sûr, dans notre intérêt de

9 nous plier aux Règlements, mais je dois dire que nous avions simplement eu

10 toute une série d'autres obligations et qui ont pris énormément de temps.

11 Je crois qu'il serait dommage de renoncer à ces éléments de preuve

12 qui sont mentionnés dans la déclaration liminaire. Je crois qu'il ne serait

13 pas utile de retirer ces documents. Je crois que l'Accusation sera

14 certainement en mesure de prendre connaissance de tous les documents, par

15 écrit, que nous allons pouvoir leur communiquer, nous tenterons de leur

16 communiquer tous les documents que nous pouvons.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre ne vous demandait pas de

18 renoncer à quelque élément de preuve que ce soit, mais la Chambre souhaite

19 vous informer que selon les Règlements, vous devez soit nous dire que si

20 vous décidez de ne pas vous servir d'un certain nombre de documents, vous

21 allez devoir les retirer, et si oui, à ce moment-là, il faut les

22 communiquer. Maître Milovancevic, j'aimerais savoir si la Chambre peut

23 s'attendre à ce qu'avant le 23 août, vous ayez également résolu ce

24 problème ? Est-ce que nous pouvons nous attendre à ce que ce problème ne

25 soit également résolu ? Je ne sais pas quand est-ce que vous allez pouvoir

26 régler ce problème ?

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons

28 certainement faire de notre mieux pour qu'en date du 23 tout soit réglé et

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1 que cette question soit également réglée, le problème.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

3 Maintenant, s'agissant de la traduction des pièces à conviction se trouvant

4 sur la liste, certaines de ces pièces n'ont pas été particulièrement

5 identifiées. Nous ne savons pas quelles sont les pièces auxquelles on a

6 renoncé, auxquelles on n'a pas renoncé. Donc, de quoi s'agit-il ?

7 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, si la Défense sait que

8 des pièces seront retirées de la liste et que c'est la raison pour laquelle

9 ces documents n'ont pas été traduits, à ce moment-là, il serait fort utile

10 que la Défense nous le dise. Nous le saurons à ce moment-là car ils sont en

11 train de nous informer également que les pièces sont en train d'être

12 traduites. Nous ne savons pas quelles sont les pièces qui sont en train

13 d'être traduites et qui ne sont pas encore traduites, mais dont ils

14 souhaitent se servir ou quelles sont les pièces qui ont été retirées.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous comprenez quelle est la requête

16 formulée par votre conseil de l'Accusation ? S'il y a des pièces que vous

17 souhaitez retirer, Maître Milovancevic, le plus tôt que vous pourrez

18 informer votre collègue de l'Accusation, le meilleur il sera, enfin pour

19 lui, c'est-à-dire qu'il comprendra à ce moment-là de quoi il s'agit

20 exactement.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est exactement cela, Monsieur le

22 Président. Oui, c'est justement cela. C'est-à-dire que certaines pièces

23 sont en cours de traduction, certaines pièces vont être laissées au

24 dossier, d'autres pièces seront retirées, mais nous allons certainement

25 informer nos collègues de l'Accusation dès que nous le saurons.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

27 Le prochain point a trait aux rapports d'expert qui étaient censés

28 être fournis aujourd'hui, qui ne sont pas devant nous. Toutefois, est-ce

Page 6358

1 que vous avez quelque chose à nous dire là-dessus ?

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons remis

3 à la section de traduction du Greffe le rapport d'expert militaire qui est

4 composé d'un très grand nombre de pages, 250 pages. Nous remettrons ce

5 document dès qu'il sera traduit. Nous pourrions toutefois remettre la pièce

6 dans la langue originale, à l'Accusation, afin qu'ils puissent la

7 visionner, s'agissant d'un des rapports d'experts.

8 Et s'agissant de l'autre rapport d'expert, nous ne l'avons pas

9 communiqué eu égard à un problème lié à la communication avec le Greffe,

10 c'est-à-dire que le témoin expert n'a pas encore été nommé. Même si nous

11 avons fait une demande, nous allons devoir reformuler notre demande. Ce

12 rapport d'expert a été rédigé, mais nous n'avons pas encore le nom de

13 l'expert, c'est-à-dire que nous nous nous attendons que ce témoin sera

14 nommé sous peu et ce deuxième rapport d'expert est beaucoup plus court. Je

15 suis tout à fait persuadé que l'on pourra procéder à sa traduction plus

16 rapidement.

17 Pour qu'il n'y ait pas de confusion, le deuxième rapport d'expert a trait

18 sur les circonstances en 1991, 1992, concernant le droit international et

19 la situation qui est couverte par l'acte d'accusation, la situation sur le

20 terrain.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour ce qui est de ma propre

22 identification, Maître Milovancevic, que voulez-vous dire lorsque vous

23 dites : votre deuxième rapport d'expert n'a pas encore été désigné par le

24 Greffe ? Je ne comprends pas tout à fait ce que vous vouliez dire par là.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour qu'un témoin

26 expert puisse déposer devant le Tribunal, il est nécessaire que la Défense

27 fournisse une demande au Greffe avec un document demandant que telle et

28 telle personne, en donnant ses coordonnées personnelles, soit nommée en

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1 tant que témoin expert. S'agissant de notre deuxième témoin expert, nous

2 avons fait cette demande, une demande écrite, bien sûr. Nous l'avons remise

3 dans une boîte aux lettres prévue à cet effet; lorsque nous avons vérifié,

4 peu de temps avant notre départ, vers le 10, nous avions compris, car nous

5 n'avions pas encore reçu de décision, nous avions compris que le Greffe

6 n'avait pas encore reçu notre demande et il nous a fallu donc, renouveler

7 notre demande afin que cette question soit résolue dans les entrefaites.

8 Avant que le Greffe ne procède à la nomination de témoin expert, le témoin

9 expert ne peut pas rédiger un rapport d'expert de façon formelle et nous ne

10 pouvons donc pas, en tant que conseil de la Défense, remettre ce rapport

11 d'expert ni à l'Accusation ni au Greffe. Il s'agit d'une question technique

12 et nous espérons que cette question technique, ce petit problème technique

13 soit résolu dans les plus brefs délais, le problème.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A quel moment est-ce que vous avez

15 fourni la demande pour le première rapport d'expert ?

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je crois que c'était la semaine

17 dernière. Il s'agissait de quelque chose de très sérieux. Je ne voudrais

18 pas vous donner une fausse réponse, je n'ai pas la date exactement. Nous

19 allons pouvoir vous renseigner de la date de façon plus précise après la

20 première pause. Je ne voudrais pas vous donner de fausse date. Nous avions

21 envoyé ce document au service de traduction et nous espérons que la

22 traduction sera faite sous peu.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et vous vous attendez à ce que la

24 traduction soit faite au début du mois de septembre ?

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui. Justement, c'est l'information que

26 nous avions reçue du Greffe, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je présume que vous ne pouvez

28 absolument rien faire là.

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1 M. WHITING : [interprétation] Non, Monsieur le Président, absolument pas

2 puisque, encore une fois, la Défense a fourni ce document le 11 juillet et

3 a espéré que ce document ait été prêt pour aujourd'hui. Je crois que si je

4 n'avais pas posé la question, la date butoir aurait été tout autre. C'était

5 une préoccupation. Nous ne pouvons rien faire. Pour ce qui concerne ceci,

6 nous allons demander un délai de 30 jours après la réception du rapport

7 pour pouvoir l'étudier et pour pouvoir fournir des réponses. J'espère que

8 cela n'engendrera pas de délai pour ce qui est du procès.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Trente jours.

10 M. WHITING : [interprétation] Oui. En fait, 30 jours à partir de la date à

11 laquelle nous recevons ce document, et nous recevrons ce document sans

12 doute en septembre.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je demanderais à ce que

14 l'on passe à huis clos partiel, je vous prie.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

16 le Président.

17 [Audience à huis clos partiel]

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21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, faites entrer

23 votre témoin.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Oui, Maître

26 Milovancevic.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

28 Je vous demanderais de faire entrer dans le prétoire notre premier témoin

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1 qui s'appelle Ratko Licina.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [Hors micro]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demanderais que le témoin fasse une

5 déclaration solennelle.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

7 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

8 LE TÉMOIN: RATKO LICINA [Assermenté]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

11 vous asseoir.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

13 Interrogatoire principal par M. Milovancevic :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

15 R. Bonjour.

16 Q. Pour le compte rendu d'audience, veuillez, je vous prie, décliner votre

17 identité.

18 R. Je m'appelle Ratko Licina.

19 Q. Pourriez-vous nous donner votre date de naissance et votre lieu de

20 naissance, je vous prie ?

21 R. Je suis né le 24 décembre 1964 à Gracac.

22 Q. Vous êtes Serbe de nationalité ?

23 R. Oui, je suis Serbe par ma nationalité.

24 Q. Nous allons maintenant commencer votre déposition. Au tout début et

25 avant de ce faire, eu égard au fait que nous parlons la même langue, je

26 vous demanderais de ménager des pauses entre les questions et les réponses,

27 car tout ce que vous dites est interprété et l'on prend également un

28 transcript de ce qui est dit ici dans le prétoire.

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1 Je tenterai de faire attention à cela, et je vous demanderais de

2 faire la même chose. Je vous en remercie par avance. Merci.

3 Vous nous avez dit que vous êtes né à Gracac. Il s'agit d'une localité qui

4 se trouve sur le territoire de l'ex-République socialiste de Croatie ?

5 R. Oui. Il s'agit d'une localité qui se trouve dans l'ex-RSFY et dans

6 l'ex-République de Croatie.

7 Q. Est-ce que vous avez fait vos études élémentaires et secondaires dans

8 la même localité où vous êtes né ?

9 R. Oui. J'ai terminé mes études primaires et secondaires à Gracac, et

10 après la fin des études secondaires, je suis allé faire mon service

11 militaire à Bjeline, et ensuite, je suis parti faire des études à Zagreb,

12 des études en économie. En 1986, j'ai commencé à travailler dans le journal

13 national de Zagreb. C'est là que j'ai terminé les études supérieures en

14 économie. J'ai séjourné à Zagreb donc entre 1984 à 1990.

15 Q. Bien. Vous avez fait des études en économie ? Vous avez un diplôme en

16 étude économique ?

17 R. Oui.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] A la page 25 de notre dossier, sur la

19 carte, vous pouvez apercevoir l'endroit où Gracac se trouve, et c'est là

20 qu'est né le témoin.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

22 Il y a un tout petit problème. Le témoin a dit qu'il a commencé à

23 travailler dans un journal entre 19 -- ici, au compte rendu d'audience, on

24 montre 1994 à 1990 à Zagreb. Est-ce qu'il serait possible de corriger cela,

25 je vous prie, au compte rendu d'audience.

26 L'INTERPRÈTE : On devrait dire 1984.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je expliquer ? Je suis allé faire mes

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1 études à Zagreb en 1984, j'ai fait mes études là-bas, et j'ai vécu à Zagreb

2 donc entre 1984 et 1990.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

4 Q. Pour être tout à fait clair, vous parlez de la période entre 1984 et

5 1990 ?

6 R. C'est tout à fait juste.

7 Q. Pourrait-on faire un survol rapide de la période -- enfin, de votre

8 vie. Vous nous avez dit que jusqu'en 1990, vous avez séjourné à Zagreb. Où

9 avez-vous vécu après 1990 ?

10 R. Jusqu'en 1984, j'ai vécu à Gracac, donc dans la ville dans laquelle je

11 suis né. Ensuite, comme je l'ai dit un peu plus tôt, en 1983, à 1984, j'ai

12 passé un an à faire mon service militaire. Et entre 1984 et 1990, j'ai vécu

13 à Zagreb. S'agissant de Zagreb, je l'ai quittée en 1990, et ce, en date du

14 17 août 1990, et je n'ai plus séjourné à Zagreb. Je suis retourné dans ma

15 ville natale de Gracac. J'y ai séjourné jusqu'à l'opération Tempête, qui a

16 débuté le

17 5 août 1991, ensuite, j'ai fait partie de la colonne de réfugiés qui est

18 partie en Serbie. J'ai passé deux années à Zrenjanin, et ensuite, j'ai

19 passé deux ans à Novi Sad. Et de 1999 jusqu'à maintenant, je vis à

20 Belgrade, et pour être plus précis, dans la localité de Sdemium.

21 Q. S'agissant des fonctions que vous avez accomplies, pouvez-vous nous

22 dire si vous avez réalisé des contacts avec le SDS ou si vous avez eu quoi

23 que ce soit à voir avec la création du parti du SDS ?

24 R. J'ai fait partie de ce comité d'initiative pour la création d'un parti

25 serbe qui n'a pas encore été défini pour ce qui est de l'appellation de ce

26 parti.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vous arrêter ?

28 Je vois des signes de la cabine d'interprètes, qui essaient de nous faire

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1 savoir quelque chose.

2 L'INTERPRÈTE : Nous voulons juste --

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Il paraît que c'est la deuxième

4 micro du témoin qui devrait être branché. Merci beaucoup. Vous pouvez

5 continuer, Maître Milovancevic.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

7 Q. Désolé de vous avoir interrompu.

8 R. Je vais reprendre. Jusqu'au 27 janvier 1990, j'étais à Donji Lapac.

9 C'est là que s'est tenue cette réunion du conseil d'initiative pour la

10 création d'un parti serbe. Cette assemblée s'est tenue au bord d'une fosse

11 qui n'a pas été marquée et qui date de la Deuxième Guerre mondiale, qui

12 s'appelait Kuk. Par la suite, on s'est réunis au motel Kamensko de Donji

13 Lapac. C'est là que se sont rencontrés les gens qui faisaient partie de ce

14 comité d'initiative chargé de la création de ce parti démocratique serbe.

15 Q. Vous avez parlé de la création du parti entier. Avez-vous eu quoi que

16 ce soit à voir pour ce qui est de la création d'un parti à Gracac ?

17 R. Oui, en effet. S'agissant de Gracac, j'ai tout le temps été président

18 de ce conseil municipal et l'un des fondateurs. J'ai été candidat en 1990 à

19 l'occasion des premières élections en Croatie pour ce qui est du Sabor en

20 Croatie, et ultérieurement, j'ai effectivement été élu. C'est ce que je

21 pourrais vous dire s'agissant de ce qui a constitué mes activités à Gracac.

22 Q. Est-ce que vous avez eu des fonctions à Gracac ?

23 R. J'ai été membre du comité principal ainsi que du conseil exécutif.

24 Q. Quand je vous ai posé la question de savoir si vous avez réalisé des

25 fonctions, j'imagine que votre réponse s'est rapportée au conseil exécutif

26 et au comité principal du SDS ?

27 R. Oui, du SDS, en effet.

28 Q. Pour ce qui est de ces élections pluripartites en 1991, les premières

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1 en date à avoir été pluripartites, vous avez donc été délégué au parlement

2 croate appelé le Sabor. Avez-vous joué également un rôle pour ce qui est de

3 la tenue de ce rassemblement populaire à Srb, et si oui, lequel ?

4 R. Oui, c'est le parti qui a lancé l'initiative de la tenue de ce

5 rassemblement populaire, mais il n'y a pas eu que celui-là. A Srb, il y a

6 eu une initiative portant sur la création d'un certain nombre de

7 communautés municipales. Peut-être pourrions-nous en parler.

8 Q. S'agissant de ce rassemblement à Srb, qui s'est tenu le 25 juillet

9 1990, avez-vous eu à ce moment-là des fonctions au sujet de ce

10 rassemblement et de la création de ses organes ?

11 R. Le 25 juillet 1990, il s'est tenu ce rassemblement serbe de Srb et il a

12 été élu un Conseil national serbe dont j'ai été membre.

13 M. BLACK : [interprétation] Je m'excuse pour cette interruption, Monsieur

14 le Président, mais il me semble qu'il y a constamment une erreur de

15 traduction, et on fait référence à 1991, le 25 juillet 1991. Or, je ne

16 pense pas qu'il ait été fait référence à 1991. Je crois que c'est plutôt à

17 l'année 1990 que le témoin s'était référé et j'aimerais que la chose soit

18 tirée au clair. Merci.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, s'agissait-il de 1990 ou de

20 1991 ?

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je remercie M. le Procureur d'avoir

22 remarqué la chose. Nous sommes tout le temps en train de parler de 1990 et

23 non pas de 1991.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je vous remercie de nous avoir

25 fait savoir la chose. Comme vous êtes le seul à intervenir, c'était à vous

26 de le rectifier. Je vous remercie, Monsieur Whiting. Merci, Monsieur Black.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 Q. S'agissant de la position qui était la vôtre au sein de ce Conseil

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1 national serbe dont vous avez fait partie à l'assemblée de Srb, avez-vous

2 eu des fonctions autres au sein du gouvernement de la SAO de la Krajina ?

3 R. Oui. J'ai été délégué, tant au niveau de l'assemblée de la Krajina et

4 membre du gouvernement, ultérieurement en 1993. Je ne l'ai pas mentionné

5 parce que l'assemblée de la Krajina n'a existé qu'à partir du mois de

6 décembre 1990.

7 Q. Si j'ai bien compris votre réponse, vous avez également été député au

8 sein de l'assemblée de la SAO de la Krajina, puis vous avez été député au

9 niveau de l'assemblée serbe de la Krajina et en fin 1993, vous avez été

10 réélu à des fonctions de député ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous êtes devenu

13 député pour ce qui est de l'assemblée élue en 1993 ?

14 R. S'agissant de cette assemblée, j'en suis membre de nos jours encore

15 étant donné que cette assemblée n'a pas cessé ses activités. Elle a repris

16 ses activités le 26 février de l'an passé. Elle a choisi un gouvernement en

17 exil et je suis l'un des ministres de ce gouvernement en exil.

18 Q. Vous dites que vous êtes l'un des ministres du gouvernement en exil; de

19 quel gouvernement parlez-vous ?

20 R. Du gouvernement de la République de la Krajina serbe en exil.

21 Q. Si vous êtes ministre faisant partie d'un gouvernement en exil, pouvez-

22 vous nous donner le secteur d'activités qu'est le vôtre ?

23 R. Nous n'avons pas de ressorts de distribués, mais je suis le seul à être

24 chargé du secteur de l'information.

25 Q. Merci. Partant de cet aperçu assez bref des activités et fonctions qui

26 ont été les vôtres, je crois que l'on peut voir que s'agissant de la vie

27 politique en 1990, vous y avez pris part à l'époque de la tenue des

28 premières élections pluripartites en Croatie. Pouvez-vous nous dire de quel

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1 mois vous avez parlé ? Quand est-ce que ces élections ont-elles eu lieu ?

2 R. Les élections pour l'assemblée de la République de Croatie, d'après mes

3 souvenirs, se sont tenues dans la deuxième quinzaine du mois d'avril. Je ne

4 me souviens plus de la date exacte. Je crois que le deuxième tour des

5 élections s'est tenu le 6 mai.

6 Q. S'agissant de ces élections, ce qui est caractéristique c'est qu'on les

7 qualifie de premières élections pluripartites. Alors, est-ce que vous

8 sauriez nous dire qui est-ce qui a pris part à ces élections ?

9 R. Certainement. Il a été créé à ce moment-là bon nombre de partis.

10 C'étaient pour la plupart des partis croates. Je vais en citer quelques-uns

11 qui avaient plus d'importance que d'autres. Le HDZ, qui était présidé par

12 Franjo Tudjman; puis il y a eu le Parti socio-libéral croate avec Dragan

13 Budisa à sa tête; puis le Parti populaire croate avec Savka Dabcevic Kucar

14 à sa tête; le Parti paysan croate avec Zvonimir Cicak [phon] à sa tête.

15 Puis, il a été réformé plusieurs partis déjà existants ou organisations

16 politiques, à savoir, la Ligue des Communistes de la Croatie a été

17 réorganisée pour être appelée la Ligue des Communistes ou plutôt l'Alliance

18 chargée des changements, et l'Alliance socialiste du peuple travailleur de

19 Croatie a été nommée Parti socialiste de Croatie. Ces deux derniers partis

20 ont eu pour caractéristiques le fait qu'ils se sont présentés ensemble aux

21 élections et je crois qu'ils s'appelaient le bloc de gauche. Et à la tête

22 de ce bloc, il y avait Ivica Racan. S'agissant des partis serbes, le seul

23 parti à avoir participé à ces élections ou plutôt, il y en a eu encore un

24 tout petit de ces partis, un Parti yougoslave des changements

25 démocratiques, qui a rapidement disparu et le Parti démocratique serbe dont

26 j'ai fait partie moi-même.

27 Q. Merci. Vous avez mentionné un nombre assez important de partis qui,

28 dans leur appellation, avaient un qualificatif qui était celui de croate et

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1 ainsi qu'un seul parti avec un qualificatif serbe. Savez-vous nous dire

2 quand est-ce que le Parti démocratique serbe a été créé sur le territoire

3 de la Croatie ?

4 R. Les partis croates ont été créés dès 1989 alors que le Parti

5 démocratique serbe a été créé assez tard. Je crois que le comité

6 d'initiative s'était réuni le 27 janvier 1990, et la création officielle de

7 ce Parti démocratique serbe date du 17 février 1990 à Knin. La raison en

8 est les obstacles à l'organisation politique des Serbes jusque-là. On sait

9 également que les associations culturelles ont eu des difficultés à être

10 créées. Nous avons eu, par exemple, des difficultés pour ce qui est de

11 créer une association culturelle serbe à Knin. On a essayé en juillet et on

12 a fini par la créer effectivement cette association en juillet.

13 Q. Juste avant la pause qui devrait se produire dans quelques minutes, je

14 me propose de vous poser encore une question. Serait-il possible de citer

15 une caractéristique conjointe s'agissant des partis qui, dans leur

16 appellation, avaient ce qualificatif de "croate" ? Y avait-il un objectif

17 politique commun à tous ces partis lorsqu'ils ont fait leur apparition en

18 1989 ?

19 R. La caractéristique conjointe de tous les partis politiques croates

20 avait été le croato-centrisme et la serbo-phobie. Le croatro-centrisme se

21 traduisait par le fait que la République socialiste de Croatie et tous ces

22 partis avaient pour mission de redéfinir la République de Croatie, étant

23 donné que celle-ci, constitutionnellement, avait été définie comme étant

24 l'Etat de deux peuples, le peuple croate et le peuple serbe. Tous ces

25 partis croates s'employaient en faveur de la suppression de la

26 constitutivité [phon] du peuple serbe dans cette République de Croatie.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le

28 moment serait opportun pour procéder à une pause.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Milovancevic.

2 Nous allons faire cette pause et revenir ici à 16 heures. La séance est

3 levée.

4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.

5 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic. A vous.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Avant de continuer, Monsieur le Témoin, je vous demanderais si possible

9 de parler un peu plus lentement, afin que les interprètes puissent arriver

10 à tous traduire.

11 R. Sans problème.

12 Q. Juste avant la pause, nous avons discuté de la nature des partis

13 nouvellement créés en République de Croatie, et vous avez dit que

14 s'agissant des partis croates, vous avez parlé de partis croato-centriques

15 et serbo-phobiques. Vous en souvenez-vous ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous entendez par "parti

18 croato-centrique" ?

19 R. Sous cette notion de croato-centrisme, j'entends et je vais répéter la

20 chose une fois de plus, que jusque-là la Croatie, d'après sa constitution,

21 était définie comme étant l'Etat de deux peuples constitutifs, à savoir, le

22 peuple croate et le peuple serbe. Tous ces partis politiques croates se

23 sont employés en faveur de la suppression de ce droit des Serbes, et en

24 faveur de la suppression de tous les autres droits dont nous allons parler

25 ultérieurement.

26 Q. La serbo-phobie dont vous avez parlé, découle-t-elle de ce premier

27 qualificatif de croato-centrisme, et que cela signifie-t-il ? Comment cela

28 s'est-il manifesté ?

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1 R. La serbo-phobie s'est extériorisée sous forme de haine ou de peur de

2 l'expansion de la Serbie vis-à-vis de la Croatie, et cela s'est traduit par

3 une haine d'une manière générale vis-à-vis des Serbes.

4 Q. Où, comment ? Quand avez-vous relevé ce type de phénomène ? Sous quelle

5 forme ?

6 R. Comme je vous l'ai dit, au tout début de mon témoignage, pendant cette

7 période courant de 1984 à 1990, j'ai résidé à Zagreb. Les partis politiques

8 croates ont été créés en 1989 et 1990. J'ai connu l'ambiance qui prévalait

9 en Croatie, dans les médias, au niveau des rassemblements politiques, au

10 niveau des présentations des différents partis, et c'est là qu'on a pu voir

11 quelle a été l'attitude vis-à-vis des Serbes. Je citerai quelques exemples.

12 L'un des cas, c'est les explosifs qu'on a posés au sein de la maison de

13 représentation d'une entreprise de Belgrade qui s'appelait Progres [phon].

14 Il me semble que c'était dans la rue Maksimirska, fin 1989. Suite à cela,

15 l'homme qui était chef de cette mission de représentation a eu une crise

16 cardiaque et en est mort. Cela a été une sorte de victime à l'époque déjà.

17 Le deuxième exemple, c'est dans les rues de Zagreb, à l'époque, qu'on

18 pouvait acheter des conserves métalliques du style cannette de bière de

19 couleur blanche, où l'on voyait le damier et où l'on avait inscrit "air

20 purement croate," ce qui voulait dire que c'était un air nettoyé de toute

21 présence des Serbes.

22 Q. A l'époque en cette première moitié de 1990, avril, mai, vous avez

23 parlé des premières élections pluripartites. Sauriez-vous nous parler de

24 cette campagne électorale conduite par les partis à l'époque ? Est-ce que

25 vous avez suivi des rassemblements électoraux ? Est-ce que les médias ont

26 informé à ce sujet ?

27 R. Oui. A l'occasion de la campagne électorale, les messages des partis

28 politiques croates étaient très préjudiciables aux Serbes. Il y avait des

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1 messages du type : il faut pendre les Serbes, il faut les chasser, les

2 expulser. C'est notoirement connu. Je vais citer certains cas qui en ont

3 découlé. A l'époque de la création du parti de la Communauté démocratique

4 croate, à savoir, à l'occasion de la tenue de la convention relative à la

5 création de ce parti dans la salle Vatroslav Lisinski, le président Tudjman

6 a déclaré que l'Etat indépendant croate, cette création quisling fasciste

7 datant de la Deuxième Guerre mondiale, n'avait pas constitué une création

8 fasciste pure et simple, mais que cela avait également constitué

9 l'expression des aspirations millénaires du peuple croate.

10 La deuxième déclaration, c'est celle de Stjepan Mesic, qui a dit que

11 tous les Serbes, une fois qu'ils accompliraient leur mission politique,

12 pourraient tenir sous un seul parapluie. La troisième déclaration également

13 de Stjepan Mesic et je crois que les deux ont eu lieu dans le secteur de

14 Lika, une à Gospic et l'autre de Brinj. Cette deuxième déclaration avait

15 été celle de dire que les Serbes pourraient rapporter chez eux autant de

16 terre ou de boue que leurs chaussures pourraient emporter lors du départ,

17 la chaussure indiquée étant l'opanak.

18 Q. Alors, "opanak," c'est quoi ?

19 R. Opanak, c'est la chaussure traditionnelle du Serbe.

20 Q. Ces déclarations que vous avez qualifiées de caractéristiques ont été

21 faites à l'occasion de rassemblements électoraux, à savoir, à ces

22 rassemblements qui ont précédé les élections pluripartites, les premières

23 en date des élections pluripartites; exact ?

24 R. Exact.

25 Q. Pouvez-vous nous dire quelle a été la position des partis croates à

26 l'époque ?

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. Monsieur

28 Milovancevic, est-ce qu'on peut entendre le témoignage du témoin et non pas

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1 celui du conseil de la Défense depuis son pupitre à lui ? La dernière des

2 déclarations que vous avez mentionnée est celle qui est restée dans votre

3 mémoire pour ce qui est de ce que vous avez gardé en mémoire au niveau de

4 ces rassemblements qui ont précédé aux premières élections multipartites,

5 n'est-ce pas ? C'est bien ce que vous avez dit, ce dont vous êtes en train

6 de témoigner, et vous lui donnez juste de quoi donner une réponse à ce que

7 vous dites.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous ai bien compris, Monsieur le

9 Président.

10 Q. Monsieur le Témoin, vous avez mentionné des déclarations. Pouvez-vous

11 nous dire de quand ces déclarations datent-elles et où ont-elles été

12 faites ?

13 R. J'ai dit que c'était des déclarations de représentants de l'Union

14 démocratique croate qui sont devenus des officiels par la suite, à savoir,

15 M. Stjepan Mesic et M. Franjo Tudjman. Ces déclarations ont été faites dans

16 le cadre d'une campagne électorale battant son plein en 1990. Je vous ai

17 déjà dit dans quelle localité cela s'est produit, dans la salle Vatroslav

18 Lisinski à l'occasion de la convention de création de ce parti de l'Union

19 démocratique croate. Les autres déclarations sont celles de Stjepan Mesic,

20 qui sont faites à l'occasion de rassemblements à Brinj et à Gospic.

21 Q. Vous venez de mentionner M. Mesic. Il s'agit bien de Stjepan Mesic, qui

22 était un homme politique en Croatie à l'époque ? Quelle est la fonction

23 qu'il exerce aujourd'hui ?

24 R. J'étais en train de parler de Stjepan Mesic, un membre de cette

25 communauté démocratique croate, qui était le premier ministre du

26 gouvernement croate. Il est ensuite devenu membre de la présidence de la

27 République socialiste fédérative de Yougoslavie en provenance de la

28 Croatie. Par la suite, en revenant en Croatie, il a été pendant un certain

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1 temps président du parlement de la Croatie, et pour autant que je le sache,

2 c'est actuellement le président de la République de Croatie, à l'heure

3 actuelle.

4 Q. Pour ce qui est des programmes politiques de ces partis politiques

5 croates, pouvez-vous nous dire quelle était l'attitude adoptée par ces

6 partis vis-à-vis de l'Etat fédéral de Yougoslavie ?

7 R. A l'occasion de la campagne électorale, tous ces partis croates, mis à

8 part le Parti réformiste, donc je parle de la communauté démocratique

9 croate et le Parti paysan croate, le Parti du droit croate, tous ces

10 partis-là se sont employés à l'occasion de la campagne électorale en

11 faveur, soit d'une Yougoslavie confédéralement [phon] réformée ou en faveur

12 d'un démantèlement. Les seuls partis croates à s'employer à l'occasion de

13 cette campagne électorale en faveur d'un Etat fédéral, c'était les partis

14 appartenant au bloc gauche, à savoir, le Parti des changements

15 démocratiques et le Parti socialiste, chapeautés tous les deux par M. Ivica

16 Racan.

17 Q. Vis-à-vis du moment de la création de tous ces partis en Croatie que

18 vous venez de mentionner, pouvez-vous nous dire quand est-ce que le Parti

19 démocratique serbe a été créé, avant ou après la création de ces partis ?

20 R. Le Parti démocratique serbe a été créé après tous ces partis croates.

21 Je répéterai une fois plus qu'officiellement, c'est le 18 février 1990 que

22 ce parti-là a été créé. Pour que les Juges de la Chambre aient mieux les

23 choses en vue pour ce qui est de l'image générale, je dirais que les

24 élections se sont tenues pendant la deuxième moitié du mois d'avril 1990.

25 C'était donc à deux mois avant les élections qu'il s'agissait de procéder à

26 toutes ces activités électorales, création de listes, et tout le reste. A

27 mon avis, ce Parti démocratique serbe a été créé très, très tardivement.

28 Q. J'aimerais que sur le moniteur l'on nous fasse voir la pièce à

Page 6378

1 conviction numéro 138. Il s'agit d'un document datant du

2 6 mars 1990. En attendant l'apparition de cette pièce sur le moniteur, je

3 propose d'expliquer de quel type de pièce il s'agit. Il s'agit d'un acte

4 émanant du secrétariat de la République chargé de la justice et de

5 l'administration, qui porte la date du mois

6 d'octobre 1990.

7 Est-ce que vous avez sur le moniteur un texte qui reprend la teneur de ce

8 document ?

9 R. Oui.

10 Q. Au coin gauche du haut, est-ce qu'on peut voir de quel document il

11 s'agit ? J'aimerais que l'on soulève un peu le document pour qu'on puisse

12 voir le texte.

13 R. Comme le dit ce document, cela émane du secrétariat de la République

14 chargé de la justice et de l'administration. Il s'agit d'une décision

15 portant approbation de l'enregistrement des partis démocratiques serbes. Il

16 s'agit donc de l'enregistrement de huit partis auprès des instances

17 compétentes de la République de Croatie.

18 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous que le Parti démocratique serbe a été

19 effectivement créé à cette date-là, suivant la procédure prévue à cet effet

20 et explicitée dans le document ci-contre ?

21 R. Oui.

22 Q. J'aimerais que l'on se penche maintenant sur le

23 paragraphe 2 de ce document. On voit dans ce point ou paragraphe 2 quels

24 sont les objectifs et devoirs du Parti démocratique serbe. Est-ce que vous

25 pouvez nous en donner lecture ?

26 R. Les objectifs et devoirs du Parti démocratique serbe visent à la

27 suppression d'un état de parti en faveur de la liberté d'association des

28 partis politiques; la création des conditions pour la confirmation de

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1 l'identité spirituelle et culturelle de tout peuple yougoslave à titre

2 individuel, indépendamment de son appartenance à telle ou telle autre unité

3 fédérale; assurer la possibilité constitutionnelle de créer des autonomies

4 territoriales dans le cadre des unités fédérales au cas où la population de

5 ces territoires avec une composition ethnique particulière le déciderait;

6 détermination d'une propriété privée en sa qualité d'élément de

7 l'entreprise privée et de promotion économique avec développement des

8 établissements liés à l'économie de marché; soins permanents à prendre

9 concernant la situation, la position et le statut de tous les

10 ressortissants du peuple serbe en Yougoslavie, notamment en Croatie.

11 Q. Merci, Monsieur le Témoin. J'aimerais que l'on voie maintenant quelle

12 est l'argumentation qui justifie la décision telle qu'adoptée ci-contre, et

13 je voudrais que nous nous référions à la page 2. J'aimerais que la page

14 soit relevée afin que l'on puisse voir l'intitulé, Justification ou Enoncé

15 des motifs. Pouvez-vous nous montrer la page 2, je vous prie ? Voilà.

16 Alors, en page 2, on voit une inscription disant que la demande est

17 justifiée. Est-ce que vous pouvez donner lecture du texte qui se trouve en-

18 dessous et qui explique les raisons pour lesquelles cette demande se

19 trouvait à être justifiée.

20 R. A l'occasion de la procédure réalisée, il a été constaté ce qui suit :

21 premièrement, à savoir, le 17 février 1990, il s'est tenu une assemblée

22 constitutive où il a été créé, constitué, un Parti démocratique serbe.

23 Deuxièmement, deuxième alinéa, le statut du Parti démocratique serbe adopté

24 à l'assemblée qui s'est tenue le

25 17 février 1990, conformément aux dispositions de la loi portant création

26 d'organisations sociales et associations de citoyens. Et troisième alinéa,

27 il est répondu à toutes les conditions prévues par la loi pour ce qui est

28 de l'enregistrement du Parti démocratique serbe au registre des

Page 6380

1 organisations sociales.

2 Q. Merci. Est-ce qu'on pourrait examiner la partie inférieure du

3 document ? En bas, à droite, on voit un cachet et on voit également qui a

4 signé ladite décision.

5 R. Oui.

6 Q. Qui a émis ce document ?

7 R. Bien, le signataire du document, c'est le secrétaire de la République,

8 M. Ivan Fumic, et le cachet que l'on voit, c'est celui de la République

9 socialiste de Croatie, secrétariat de la République chargé de la justice et

10 de l'administration à Zagreb.

11 Q. A gauche, on voit les destinataires de la décision. Pouvez-vous nous

12 donner lecture des points 1 à 4 ?

13 R. Un, Parti démocratique serbe Knin, rue Jovimir [phon] Dragovico, 22.

14 Deuxièmement, secrétariat de la République chargé des Affaires intérieures

15 pour information.

16 Q. Merci. Vu ce document, est-ce qu'il s'agit là des procédures

17 habituelles d'enregistrement d'un parti politique, y compris celui-là ?

18 R. Oui. A l'époque, c'était la pratique usuelle lorsqu'il s'agissait

19 d'enregistrer un parti politique en Croatie.

20 Q. Merci beaucoup. On peut retirer le document de l'écran. Ce document a

21 déjà été versé au dossier. Etant donné que vous étiez l'un des membres

22 fondateurs du Parti démocratique serbe, dans le statut dans le programme du

23 parti, je voudrais savoir si on trouvait quoi que ce soit qui était en

24 contravention avec les principes démocratiques et les principes acceptés

25 dans la société de l'époque en République de Croatie ?

26 R. Non. Ce n'était pas le cas; cela aurait été impossible. Parce que

27 sinon, on n'aurait pas pu enregistrer, immatriculer le parti. Comme on le

28 voit dans ce document, le parti a été dûment enregistré, ce qui veut dire

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1 qu'il respectait toutes les règles.

2 Q. La raison de ma question, c'est que nous avons entendu ici des témoins

3 déclarer qu'il s'agissait d'un parti nationaliste. Dans le cadre de vos

4 activités au sein du parti de 1990 à 1995, avez-vous pu constater quoi que

5 ce soit qui pourrait être qualifié de nationaliste dans les activités du

6 parti ?

7 R. Non. Le Parti démocratique serbe ne peut pas être qualifié de parti

8 nationaliste. Il s'agissait d'un parti national des Serbes en Croatie. En

9 tout cas, c'était indéniablement un parti qui n'était pas nationaliste.

10 Q. Etant donné que vous êtes l'un des membres fondateurs du parti, pouvez-

11 vous nous dire ce qui explique la mise en place de ce parti ? Quelle est la

12 cause immédiate de sa création ?

13 R. La cause directe, c'était la nécessité d'organiser politiquement le

14 peuple serbe de Croatie. Parce que jusqu'à ce moment-là, les Serbes, pour

15 la majorité d'entre eux, étaient organisés du point de vue politique au

16 sein de la Ligue des Communistes, mais celle-ci a été transformée. Comme on

17 pourra le voir plus tard, elle a renié ses propres principes et les

18 engagements qu'elle avait pris au cours de la campagne électorale. Il s'est

19 donc avéré urgent de mettre en place un Parti politique serbe pour les

20 Serbes de Croatie.

21 Q. S'agissant du moment où le parti a été créé, nous savons que c'est en

22 avril et mai 1990 qu'ont eu lieu les premières élections multipartites.

23 Pouvez-vous nous dire quel parti a gagné les élections, et quels ont été

24 les résultats engrangés par le parti dont vous étiez membre ?

25 R. Les élections ont eu lieu en Croatie au niveau de la république et au

26 niveau local. Ce sont des élections qui obéissaient à la règle de la

27 majorité. Le parti qui a gagné une nette victoire, c'est l'Union

28 démocratique croate parce que c'est elle qui a obtenu la majorité au sein

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1 des trois conseils du parlement croate. A l'époque, le parlement croate

2 était constitué de trois conseils : le conseil sociopolitique, le conseil

3 des municipalités et le conseil du travail associé. Le HDZ, si je m'en

4 souviens bien, avait une majorité des deux tiers dans deux de ces conseils.

5 Le seul conseil où il n'avait pas la majorité des deux tiers, c'était celui

6 du travail associé. Comme je l'ai dit, le Parti démocratique serbe, il a

7 été établi de manière tardive, c'est-à-dire, seulement deux mois avant les

8 élections, le 17 février 1990. Et dans beaucoup de villages ou de villes

9 serbes, le parti n'avait pas eu le temps de se mettre en place, de mettre

10 en place des comités. Là où c'était le cas, nous avons gagné. Le SDS

11 n'existait que dans les municipalités du sud de la Lika et du nord de la

12 Dalmatie. Il a remporté cinq sièges au parlement croate. Il y en a trois

13 qui représentaient la municipalité de Knin, il y avait un représentant de

14 Donji Lapac, et moi, je venais de Gracac. Pour ce qui est des élections au

15 parlement local, le SDS a remporté la majorité absolue dans les

16 municipalités de Knin, Donji Lapac et Gracac. Il était au pouvoir avec les

17 membres de son assemblée à Korenica, Glina, Benkovac, Vojnic, je crois

18 aussi, ainsi qu'Obrovac.

19 Q. Merci. Vous venez de nous répondre de manière très circonstanciée à

20 cette question. Peut-être que pour mieux comprendre la situation qui

21 régnait au sein du parlement croate à l'époque, peut-être que ce serait une

22 bonne idée que de nous dire combien il y avait de députés à l'époque au

23 parlement croate. Vous avez dit que le SDS avait remporté cinq sièges.

24 Comment ont voté les électeurs serbes en Croatie, si vous avez des

25 informations à ce sujet ?

26 R. Oui. Autant que je m'en souvienne, le parlement croate comptait 350

27 sièges. Sur ces 350 sièges, il y avait 40 ou 45 Serbes. Nous étions cinq

28 représentants du SDS, et les 40 restants appartenaient à ce qu'on appelait

Page 6383

1 le bloc de gauche, c'est-à-dire, le parti d'Ivica Racan, la Ligue des

2 Communistes qui s'était transformée en Parti du changement démocratique

3 ainsi que le Parti socialiste. Je crois que Madzar, c'était le nom de son

4 président. Lors des élections, ils ont déclaré qu'ils étaient en faveur de

5 la survie d'un état co-fédératif. La majorité des Serbes, en particulier à

6 Kordun, Banija, au nord de la Lika en Slavonie occidentale et orientale

7 ainsi qu'en Baranja, n'avaient pas de candidats. Là où nous n'avions pas de

8 candidat plutôt, les Serbes ont voté pour ces autres Serbes, ces

9 représentants-là. Plus tard, il est apparu que le bloc de gauche avait

10 renié ses promesses électorales, et ils ont rejoint Franjo Tudjman. Ils ont

11 rejoint son HDZ dans la mise en œuvre de l'indépendance croate. Ils ont

12 donc trahi les voies qui leur avaient été données par les électeurs serbes.

13 Q. Nous allons essayer d'éviter toute confusion au niveau du compte rendu

14 d'audience. Quand vous parlez de Serbes au parlement, vous parlez de

15 députés, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, je parle des membres du parlement, des députés.

17 Q. Votre réponse a été assez longue. Je vais vous demander de répéter ce

18 que vous aviez dit au sujet du Parti démocratique serbe. Combien de députés

19 aviez-vous ?

20 R. Cinq. Nous avions cinq sièges au parlement.

21 Q. Le Parti du changement démocratique, l'ex-Ligue des Communistes de

22 Croatie sous la direction d'Ivica Racan, combien de sièges avait-il ?

23 R. Je ne saurais répondre avec une absolue précision, mais je pense qu'ils

24 en avaient une quarantaine. C'est une approximation à un ou deux près.

25 Voilà quel était le chiffre approximatif.

26 Q. Ces 45 députés, ce sont des députés qui avaient été élus par les

27 électeurs serbes, n'est-ce pas ? C'est pour eux qu'ils avaient voté. C'est

28 ce que vous avez dit il y a quelques instants ?

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1 R. Effectivement.

2 Q. Etant donné que l'Union démocratique croate a remporté la majorité lors

3 des élections au parlement, et étant donné que les élections se sont

4 terminées au début mai, je voudrais savoir ce qui a suivi sur la scène

5 politique, quelle a été l'évolution de la vie politique à ce moment-là.

6 J'aimerais que vous essayiez de faire comprendre aux Juges comment on peut

7 comprendre la situation dans la perspective des Serbes en Croatie ?

8 R. La situation des Serbes en Croatie n'a cessé de se détériorer. On a

9 assisté à des manœuvres de nettoyage ethnique de la part de toutes les

10 institutions de l'état, commencé par la police, les organes de l'état ainsi

11 que les sociétés publiques, les sociétés, les entreprises fondées par

12 l'état ou par des administrations municipales. A titre d'exemple, je vous

13 dirais qu'au cours du mois de mai, pendant le match de l'Etoile rouge

14 contre le Dynamo, on a vu un grand nombre de Serbes qui avaient auparavant

15 été policiers, ils ont perdu, ils ont été licenciés. En fait, on s'est

16 rendu compte que cela avait été monté de toutes pièces. Ces gens ont été

17 licenciés parce qu'il y a eu un incident au cours de ce match de football.

18 Q. Je pense que votre réponse est un petit peu difficile à comprendre pour

19 les Juges de la Chambre. Vous dites qu'il y a eu un match opposant deux

20 équipes de football. De quelles équipes s'agissait-il ? Vous avez parlé

21 d'un incident. Qui a été rendu responsable de cet incident ?

22 R. Il s'agissait d'un match entre l'Etoile rouge de Belgrade et le Dynamo

23 de Zagreb. Or, la plupart des Serbes de la Krajina soutenaient le club de

24 l'Etoile rouge de Belgrade. Il y a eu un incident et le match a été

25 interrompu. Etant donné qu'il y avait des Serbes qui travaillaient dans la

26 police, à l'issue du match de football, la plupart d'entre eux ont été

27 remplacés à cause de cet incident.

28 Q. Nous reviendrons à la situation dans les entreprises un peu plus tard.

Page 6385

1 Mais est-ce que vous savez ce qu'il en est des changements politiques

2 constitutionnels après ces élections ?

3 R. Oui. On a assisté à des changements considérables du point de vue

4 politique après cette victoire écrasante. Le HDZ, le Parti démocratique

5 croate, a entrepris de modifier la constitution. Les amendements à la

6 constitution ont été adoptés au cours du mois de juillet 1990. Déjà à

7 l'époque, on a pu voir des indications. Tout ceci montrait qu'on allait

8 bientôt adopter une nouvelle constitution croate et que la Croatie serait

9 définie comme l'Etat des seuls Croates. Or, les Serbes n'étaient pas prêts

10 à l'accepter. Les Serbes, en ce qui les concernaient, ont commencé à

11 s'organiser. Ils en avaient le droit du point de vue juridique, et dans les

12 municipalités que j'ai énumérées où le SDS occupait le pouvoir, ils ont

13 décidé de constituer une association des municipalités de la Lika et du

14 nord de la Dalmatie. Plus tard, cette association a été renforcée par

15 l'arrivée d'autres municipalités. L'assemblée croate essayait d'éviter de

16 suivre les procédures légales pour modifier la constitution. Elle a refusé

17 de constituer une commission chargée de l'égalité entre les peuples, entre

18 les nations. Cela existait précédemment au sein du parlement croate, et

19 tous les sujets qui étaient en rapport avec l'égalité entre les nations et

20 les groupes ethniques devaient normalement être évoqués et débattus par

21 cette commission. Or, cette commission, il a fallu attendre la fin de

22 l'année 1990 pour la voir élue, si bien qu'un nombre de changements

23 juridiques, de modifications de la constitution ont été adoptés, y compris

24 d'ailleurs qu'une nouvelle constitution croate en décembre 1990. Rien de

25 tout ceci n'a pu être soumis à ladite commission.

26 Q. Vous dites que les nouvelles autorités croates ont entrepris de définir

27 la Croatie comme l'Etat des seuls Croates. Pouvez-vous nous dire pourquoi

28 cela était si important pour les Serbes de Croatie, pourquoi il était

Page 6386

1 essentiel pour eux d'empêcher que cela n'ait lieu et comment ils ont

2 réagi ?

3 R. Je ne vais pas revenir sur le contexte historique, mais il faut savoir

4 que dans toutes les constitutions de 1945 à 1990, les Serbes étaient une

5 nation constituante, et ils souhaitaient que cela continue à être le cas.

6 Imaginez qu'une chose semblable se passe dans un autre pays européen, en

7 Suisse, en Belgique ou dans un autre pays européen composé de plusieurs

8 groupes ethniques. Imaginez que l'un d'entre eux veuille voir une de ces

9 nations éliminée de la constitution.

10 Q. Est-ce que les représentants serbes, des Serbes en Croatie ont réagi à

11 ces propositions de modifications de la constitution ? Est-ce qu'ils ont

12 fait des contre-propositions ? Si c'est le cas, de quelle nature ?

13 R. Moi-même, j'étais membre du parlement croate. Je peux vous dire

14 qu'aucune proposition du Parti démocratique serbe ou d'un autre député

15 serbe n'a été acceptée. Cette mécanique de vote n'a cessé de nous mettre en

16 minorité. Or, ils n'avaient pas le droit de le faire, parce que nous

17 n'étions pas une minorité. Nous étions une nation.

18 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il était si important pour les

19 Serbes en Croatie de préserver leur statut de nation lorsqu'il s'agissait

20 de questions qui avaient un caractère décisif pour l'avenir de la nation et

21 de son peuple ?

22 R. Dans le siècle qui avait précédé, les Serbes de Croatie avaient été

23 victimes de deux pogroms qui se ressemblent beaucoup. La première fois,

24 cela s'est passé en 1941, de 1941 à 1945, au cours de l'Etat indépendant

25 croate. Les Serbes ont été mis hors la loi. La deuxième fois que cela s'est

26 produit, c'était plus récemment, de 1991 à 1995. Il était logique, il était

27 essentiel pour nous que nous préservions le statut de nation qui était le

28 nôtre, parce que si nous manquions de le faire, nous pensions qu'à ce

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1 moment-là la chasse serait ouverte contre nous, et c'est effectivement ce

2 qui s'est produit au bout du compte.

3 Q. Les amendements proposés de la constitution de Croatie prévoyaient que

4 les Serbes bénéficieraient du statut de minorité. Au terme d'une

5 constitution, est-ce qu'une minorité peut prendre des décisions quant au

6 statut d'un Etat ou est-ce que ce droit revient uniquement à une nation,

7 d'une des nations constituantes ?

8 R. Non, une minorité ne saurait agir de la sorte. Selon la constitution,

9 seule une nation peut avoir un statut de nation constitutive. Ce n'est pas

10 le cas d'une minorité. Si les Serbes avaient perdu le statut de nation, à

11 ce moment ils auraient perdu la capacité de décider dans quel Etat ils

12 souhaitaient vivre.

13 Q. Vous avez déclaré que toutes les propositions faites par les députés

14 serbes au parlement croate ont été systématiquement rejetées. Au cours de

15 ce mois de juillet, quelles ont été les activités des Serbes au sein du

16 parlement ? Est-ce qu'il y a quelque chose d'important que nous devrions

17 avoir à l'esprit ?

18 R. Parmi les événements les plus importants de juillet 1990, on peut

19 compter l'assemblée de Srb le 25 juillet. A ce moment-là, on a vu la mise

20 en place du Conseil national serbe, et il y a la déclaration de

21 souveraineté et d'autonomie du peuple serbe qui a été adoptée.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'aimerais qu'à l'écran on puisse

23 afficher la pièce 141. Mais avant que nous l'examinions à l'écran, je

24 précise qu'il s'agit d'une déclaration portant sur la souveraineté et

25 l'autonomie du peuple serbe, déclaration qui a été adoptée à l'occasion de

26 la réunion de l'assemblée serbe de Srb, le 25 juillet 1990.

27 Q. Dans la partie introductive de cette déclaration, dans sa deuxième

28 partie, il est indiqué que le peuple serbe vivant sur les territoires

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1 historiques, unifiés par les frontières actuelles de la République

2 socialiste de Croatie, adopte et proclame lors de la présente assemblée

3 serbe de Srb le 25 juillet 1990, la déclaration suivante. Est-ce que vous

4 pourriez nous donner lecture du paragraphe 1 de ladite déclaration ?

5 R. "Au sein des frontières de la République socialiste de Croatie, qui est

6 également l'Etat du peuple serbe vivant en République socialiste de

7 Croatie, le peuple serbe, étant donné ses caractéristiques géographiques,

8 historiques et autres, est un Etat souverain, qui est doté de tous les

9 droits inhérents à une nation souveraine. Le peuple serbe est doté de tous

10 les droits lui permettant de choisir un Etat confédéré ou un Etat fédéral

11 en association avec le peuple croate ou de manière indépendante lorsque

12 seront établies de nouvelles relations en Yougoslavie."

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez de cette réunion ?

14 R. Oui, j'étais présent en ce 25 juillet.

15 Q. Au paragraphe 1 de cette déclaration, on voit qu'il est fait référence

16 à la souveraineté du peuple serbe vivant à l'époque en République de

17 Croatie et à son droit d'opter pour une confédération ou une fédération. On

18 insiste sur ce point dans la déclaration. Je voudrais savoir si c'est là

19 une des raisons essentielles qui explique pourquoi la population serbe en

20 Croatie ainsi que ses représentants ont insisté pour bénéficier de cette

21 souveraineté ?

22 R. Oui, tout à fait. Les Serbes se devaient d'agir de la sorte parce

23 qu'ils savaient bien ce qu'il risquait de leur arriver. Je souhaitais

24 simplement informer brièvement d'une chose les Juges de la Chambre de

25 première instance. Dans l'Etat de Croatie qui existait avant la Première

26 Guerre mondiale, la banovina de Croatie qui recouvrait à peu près le

27 territoire actuel de la Croatie, avec également un territoire peuplé par

28 les Croates en Herzégovine occidentale, on comptait 37 % de Serbes. Mais

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1 après le génocide de la Deuxième Guerre mondiale et après la fuite des

2 réfugiés, la population des Serbes a été réduite à 12 %. En tout cas, c'est

3 le chiffre qui est reconnu aujourd'hui. Voilà la raison pour laquelle les

4 Serbes ne souhaitaient pas être mis en minorité dans certaines instances au

5 moyen de la règle du vote à la majorité.

6 Q. Au paragraphe 2 de cette déclaration portant sur la souveraineté et

7 l'autonomie, il est question du droit à l'autonomie. Est-ce que vous

8 pourriez nous donner lecture de ce paragraphe ?

9 R. "Sur la base de sa souveraineté, le peuple serbe en Croatie est en

10 droit de bénéficier de l'autonomie. L'essence même de cette autonomie va

11 dépendre de la mise en place de la Yougoslavie sur une base confédérative

12 ou fédérative."

13 Q. Quelles sont les dispositions politiques qui ont été envisagées pour

14 chacune de ces options ?

15 R. Etant donné que j'étais un des membres du parti qui était à l'origine

16 de ce document, je peux vous confirmer que notre position était la suivante

17 : nous estimions que si la Croatie se maintenait au sein de la Fédération

18 de la Yougoslavie, si la Yougoslavie restait une fédération, les Serbes

19 étaient en faveur à ce moment-là de l'autonomie culturelle. Mais au cas où

20 la Yougoslavie constitue une confédération, à ce moment-là, les Serbes

21 décidaient de revendiquer une autonomie territoriale et, en tout état de

22 cause, les Serbes auraient le droit de s'exprimer, d'exprimer leurs

23 volontés s'agissant de l'Etat où ils vivraient.

24 Q. Pour avoir cette possibilité de s'exprimer, qu'était-il nécessaire de

25 préserver pour le peuple serbe, quelle était la capacité qu'ils devaient

26 conserver ?

27 R. Il était essentiel que nous préservions ce statut de nation.

28 Q. Cette déclaration, elle a été mentionnée à de très nombreuses reprises,

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1 et elle est fort intéressante, même curieuse, si l'on regarde certains de

2 ces éléments. Regardons, par exemple, le paragraphe numéro 2, qui envisage

3 un statut autonome. Dans les deux cas de figures envisagés, soit la

4 fédération, soit la confédération, est-ce que le peuple serbe allait

5 demander plus que l'autonomie ?

6 R. Non, d'après ces principes, nous demanderions l'autonomie culturelle,

7 avec notre propre langue, pour une fédération. Mais en cas de

8 confédération, nous allions réclamer l'autonomie territoriale, mais nous

9 n'avons pris aucune disposition pour procéder à une sécession avant ce qui

10 est arrivé en Croatie.

11 Q. Au point 3, il est mentionné que le Conseil serbe doit être constitué

12 et que l'organe exécutif de ce conseil serbe était le Conseil national

13 serbe. Est-ce que vous étiez membre de ce dernier ?

14 R. Oui, j'étais membre du Conseil national serbe. Il était composé de

15 représentants serbes au sein du conseil. Ensuite, il y avait les présidents

16 des municipalités dans lesquelles les Serbes étaient majoritaires. Il y

17 avait également le président du Parti démocratique serbe ainsi que le

18 représentant de l'Eglise orthodoxe serbe.

19 Q. Pourriez-vous nous donner lecture du point 4 de cette déclaration ?

20 Qu'est-ce qui est prévu comme étant le droit au Conseil national serbe ?

21 R. Le point 4 se lit comme suit : "Le Conseil national serbe a le droit

22 d'organiser le plébiscite du peuple serbe pour toutes les questions

23 concernant leur position en Serbie et en Yougoslavie ainsi que d'autres

24 questions qui ont trait à la réalisation de la souveraineté serbe et à

25 l'autonomie serbe."

26 Q. Merci. Cette déclaration, est-ce qu'elle englobait également le rapport

27 qui existait entre les représentants serbes envers le changement de la

28 constitution croate ? Est-ce que vous pouvez nous donner lecture du point

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1 6, je vous prie ?

2 R. Point 6 : "Selon l'assemblée serbe et la session serbe du 25 juillet

3 1994, elle déclare nulle et non avenue la constitution légale serbe et tous

4 les amendements de la souveraineté de la nation en tant qu'autonomie."

5 Q. Est-ce que vous pensez, est-ce que cela comprenait également le fait

6 d'expulser d'autres nations du territoire serbe simplement parce qu'ils ne

7 sont pas Croates ?

8 R. Non, nous ne voyons pas cela dans les points de cette déclaration.

9 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture du point 7, le dernier

10 point de cette déclaration ?

11 R. "Le peuple serbe en Croatie ne demande rien d'autre que les droits d'un

12 peuple souverain, droits que les autres peuples contemporains de l'Europe

13 ont."

14 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire, je vous prie, si cette déclaration

15 reflète votre position politique et votre position envers le statut de la

16 nation serbe en Croatie et face à la crise yougoslave ?

17 R. Oui, absolument.

18 Q. Je vous remercie.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous pouvons maintenant enlever ce

20 document du rétroprojecteur. Je vous remercie.

21 Q. Maintenant, concernant les dispositions de cette déclaration, c'est-à-

22 dire, le droit du Conseil national serbe de permettre au peuple serbe de

23 s'exprimer par voie de plébiscite concernant sa position en Croatie et en

24 Yougoslavie, est-ce que vous pourriez nous dire si le Conseil national

25 serbe avait bel et bien adopté une telle décision ?

26 R. Oui. C'est-à-dire que le conseil ou la session du conseil a eu lieu le

27 21 juillet, quelques jours avant - je ne me souviens pas de la date exacte

28 - mais quelques jours avant cette session, le Conseil national serbe avait

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1 tenu sa première session à Knin, et la première décision qui avait été

2 adoptée était la décision relative à la déclaration des Serbes sur

3 l'autonomie, qui a été prévue pour le 19 août. C'était une fête orthodoxe.

4 Q. A maintes reprises, dans vos réponses, Monsieur Licina, vous avez

5 évoqué l'autonomie. Le terme d'autonomie représente quoi selon vous ? Cela

6 veut dire qu'un territoire appartient à un état ou fait partie d'un état ou

7 que cela voudrait-il dire qu'un territoire se sépare ?

8 R. Selon moi, l'autonomie, une partie qui est autonome fait partie

9 intégrante d'un état mais avec ses droits ou avec ses droits politiques

10 particuliers.

11 Q. Est-ce que c'est justement ce que les représentants du peuple serbe en

12 Croatie demandaient ?

13 R. Oui. Les Serbes prenaient cette idée, c'est-à-dire, le droit de

14 l'autonomie. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, il s'agissait d'une

15 autonomie à plusieurs niveaux, c'est-à-dire, une autonomie culturelle,

16 territoriale, et cetera, dépendamment de l'état obtenu face à l'état

17 fédéral.

18 Q. Je demanderais que l'on prenne le document qui porte la cote 431. Il

19 s'agit d'un document 65 ter. Avant de ce faire, avant que ce document ne

20 soit placé sur le rétroprojecteur, je voudrais dire, ou je voudrais

21 expliquer aux Juges de la Chambre qu'il s'agit d'un extrait d'une coupure

22 de journal de cette période. Il s'agit du 31 juillet 1991. Il s'agit de

23 Tanjug, une agence nationale yougoslave, et il s'agit d'un rapport qui

24 avait été rédigé à

25 17 heures 39. Cet extrait est relatif à la décision qui a été prise par le

26 Conseil national serbe. Lorsque le document apparaîtra sur le

27 rétroprojecteur, je vous demanderais de nous faire quelques commentaires

28 concernant ce document.

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1 Je ne sais pas si j'ai été suffisamment précis. Pour venir en aide au

2 représentant du Greffe, il s'agit du document 65 ter de l'Accusation

3 portant la cote 431. C'est ce que j'ai sous les yeux.

4 Voici.Le document est maintenant sur l'écran. Voici ce document. Il

5 s'agit d'un extrait d'un journal. Est-ce que vous pourriez, s'il vous

6 plaît, nous donner lecture, Monsieur, des deux premiers paragraphes de ce

7 document ?

8 R. "Conformément à la décision prise" - je crois que c'est mal écrit ici -

9 "mais prise lors d'un rassemblement de Serbes, le Conseil national serbe a

10 rendu une décision sur l'appellation d'un référendum lors duquel les Serbes

11 en Croatie pourraient s'exprimer sur l'autonomie. Le président du Parti

12 démocratique serbe, Jovan Raskovic, a insisté pour dire qu'il s'agirait

13 d'une réponse aux représentants croates qui affirment qu'un très petit

14 nombre de population orthodoxe souhaite une autonomie serbe au sein de la

15 république."

16 Q. Est-ce que cet extrait de journal reflétait adéquatement la teneur de

17 cette session qui a eu lieu lors de cette session ? Est-ce que vous avez

18 également pris part à la prise de cette décision ?

19 R. Oui, c'est tout à fait juste.

20 Q. Dans cet extrait de journal, on fait état d'une déclaration de M.

21 Raskovic. M. Raskovic faisait allusion à quoi exactement lorsqu'il parle

22 des raisons pour un référendum ?

23 R. Les autorités croates à l'époque ont tenté d'établir un contact avec le

24 SDS. Par contre, le SDS n'a pas pu accepter le fait que la Croatie procède

25 à une redéfinition constitutionnelle. Après cela, ils ont essayé de

26 représenter le SDS en tant qu'une minorité puisque le SDS, formellement,

27 était une minorité. Par contre, il s'agissait d'une question de procédure,

28 comme je l'ai expliqué un peu plus tôt. Pourquoi ? Parce que nous n'avons

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1 pas été créés à temps. C'était l'occasion parfaite de démontrer quelle

2 était la volonté politique du peuple serbe en Croatie. Bien sûr, quelques

3 mois après les élections, il était intéressant de voir comment le peuple

4 serbe en Croatie réagissait face à ces demandes.

5 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture des

6 deux paragraphes suivants ?

7 R. "Le référendum aura lieu en Croatie entre le 19 août et le

8 2 septembre de cette année. Le Conseil national serbe a, lors de la session

9 d'aujourd'hui, rejeté toutes les modifications et les ajouts de la

10 constitution de la République croate adoptés par le Conseil national

11 croate. On a également rejeté l'utilisation des symboles nationaux croates

12 en tant que l'emblème dans les régions, surtout celles peuplées

13 principalement par les Serbes."

14 Q. Merci. La dernière phrase de ce rapport qui dit que le président du

15 Conseil national de Knin, Milan Babic, a été élu en tant que président du

16 conseil, est-ce que cette phrase qui figure dans le rapport est exacte ?

17 R. Non. Formellement, ce n'est pas du tout juste, puisqu'il aurait fallu

18 voir le président de l'assemblée municipale de Knin. Tout comme en haut, on

19 peut lire, au paragraphe précédent, on voit, la République croate. Il

20 faudrait lire, de la part de -- il faudrait l'appeler le conseil croate au

21 lieu de rassemblement croate. En fait, il y a quelques appellations qui ne

22 sont pas tout à fait justes, mais l'essence même de ce document reflète la

23 vérité.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, je demanderais que ce document qui est un document 65 ter soit versé

26 au dossier en tant qu'élément de preuve et en tant que pièce de la Défense.

27 M. BLACK : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Black. Ce

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1 document, pourrait-il être versé au dossier en tant qu'élément de preuve ?

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

3 deviendra maintenant une pièce à conviction portant la

4 cote 871.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

6 Maître Milovancevic, c'est à vous. Je vous écoute.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur le Témoin, un peu plus tôt, vous avez exprimé votre position.

9 Vous nous avez dit quelles étaient les raisons qui, selon vous, M. Jovan

10 Raskovic, qui était professeur académicien, créateur également du Parti

11 démocratique serbe, avait affirmé que la raison de ce référendum était la

12 suivante : c'est que la minorité du peuple serbe souhaitait obtenir

13 l'autonomie. Concernant justement ceci, revenons aux résultats de la

14 première constitution pluripartite. Que se passe-t-il avec les députés que

15 l'entité serbe avait choisis lors des élections ? Vous avez parlé de

16 Raskovic. Est-ce que pourriez nous en parler un peu plus ? Vous avez

17 commencé à aborder ce sujet. Mais pour comprendre la situation sur le

18 territoire de la République croate de l'époque, il faudrait avoir votre

19 opinion là-dessus.

20 R. Le Parti démocratique croate, à la tête duquel se trouvait Ivica

21 Raskovic, lors des élections préélectorales, c'était lui qui se trouvait à

22 la tête, donc. Il était pour une fédération, une fédération yougoslave. Les

23 Serbes avaient accepté ses positions, et en tant que tel, le Parti des

24 changements démocratiques était devenu le deuxième parti qui était entré au

25 sein du Conseil national. Ce parti, plus tard, a quitté, ou s'est dissocié.

26 Les membres croates ont abandonné ce programme politique et se sont

27 annexés à la politique de la Croatie, c'est-à-dire, la politique des

28 Croates à laquelle se trouvait Franjo Tudjman. Ceci se reflète plus tard,

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1 lorsque l'on a procédé à la création de l'unité nationale dans laquelle, en

2 tant que vice-président, on a choisi Zdenko Tomac. C'était un haut

3 fonctionnaire du Parti démocratique du changement, alors qu'en tant que

4 ministre de la Défense, c'était le général Spegelj, également représentant

5 du parti en question. Les Serbes se sont sentis trahis par ce parti. La

6 plus grande majorité -- la majorité des membres se sont annexés au SDS, et

7 c'est ainsi qu'on a vu, après les élections, une complètement nouvelle

8 image en Croatie, après donc les élections. La scène politique en Croatie

9 avait complètement changé.

10 Q. Concernant ce changement politique que vous avez évoqué, s'agissant de

11 la façon dont le Parti du changement démocratique avait réagi, pour lequel

12 la plupart des Serbes avaient voté, est-ce que vous pourriez nous dire,

13 très brièvement, en une phrase, en quoi consistait ce changement avant la

14 déclaration, leurs programmes électoraux étaient lesquels, et qu'est-ce qui

15 en était après ?

16 R. Avant les élections, ce parti prônait une fédération, c'est-à-dire

17 qu'un état devait être un état fédéral. Après les élections, ce parti a

18 complètement changé de programme politique et a adopté les programmes du

19 HDZ, c'est-à-dire, une confédération. Plus tard, ils ont demandé une

20 sécession, ce qui se voit très clairement dans la participation de leurs

21 membres dans cet état conjoint.

22 Q. Il s'agit d'un revirement politique, et vous nous dites que les députés

23 qui se trouvaient sur la liste de ce Parti du changement démocratique pour

24 laquelle avaient voté la plupart des Serbes se sont annexés ou rejoint les

25 rangs du Parti démocratique serbe; est-ce que c'est exact ?

26 R. Oui, tout à fait.

27 Q. Un peu plus tard, nous allons parler du plébiscite et du référendum du

28 19 août 1990 jusqu'au 2 septembre, donc déclaration sur l'autonomie serbe.

Page 6397

1 Maintenant, ce qui serait intéressant de savoir est de nous dire de

2 quelle façon est-ce que la population serbe avait réagi concernant

3 l'autonomie serbe, comment ont-ils voté ?

4 R. Ils ont voté pour l'autonomie serbe. Je crois que le pourcentage était

5 au-dessus de 97 %, je crois. Je n'ai pas les données exactes, mais je crois

6 qu'il serait facile de trouver dans les documents le nombre exact.

7 Q. Lorsque le Conseil national serbe, en date du

8 31 juillet 1990, a voulu organiser un plébiscite concernant une déclaration

9 sur la position politique de la population, est-ce que c'était

10 inconstitutionnel ? Est-ce que c'était illégal à l'époque ?

11 R. Non. Il ne s'agissait pas de quelque chose d'illégal. Le plébiscite,

12 selon moi, est la forme la plus démocratique de déclaration. Je ne vois

13 absolument rien d'illégal là-dedans, rien de défendu non plus. Quand

14 quelque chose est fait par force, c'est à moment-là que c'est illégal. Mais

15 ici, rien n'avait été fait par la force. C'était simplement une façon

16 d'avoir l'opinion du peuple de façon légale.

17 Q. Alors qu'il s'agissait, en fait, d'une déclaration concernant

18 l'autonomie du peuple serbe au sein de la Croatie; est-ce que c'est exact ?

19 R. Oui, tout à fait. Cette expression de la volonté du peuple serbe ne

20 parlait pas de l'autonomie, mais simplement concernant l'autonomie du

21 peuple serbe et la souveraineté du peuple serbe au sein de l'Etat croate.

22 Q. Vous avez expliqué un peu plus tôt qu'il n'y avait pas de résultats

23 s'agissant des tentatives d'obtenir un résultat par voie politique, par

24 voie pacifique. Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon les

25 autorités croates avaient réagi face à la décision du Conseil national

26 serbe du 31 juin 1990, lorsqu'ils ont pris la décision de tenir un

27 référendum qui avait lieu du 19 août jusqu'au

28 2 septembre 1990 ?

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1 R. Le pouvoir croate à l'époque avait essayé d'empêcher le déroulement de

2 ce référendum par la force. Cela se reflète très clairement, lorsque le 17

3 août, il a engagé tous les blindés transport de troupes et les

4 hélicoptères. Ils se sont dirigés en direction de Benkovac, Gracac et Knin,

5 donc envers toutes ces localités serbes pour les empêcher de se prononcer

6 de façon démocratique.

7 Q. Nous avons déjà, au cours de ce procès, entendu d'autres explications

8 concernant ces événements dont vous faites état. Ce qui m'intéresse,

9 Monsieur Licina, c'est de savoir sur quoi vous basez-vous lorsque vous

10 affirmez que les autorités croates ont essayé par la force d'empêcher une

11 telle expression de la volonté du peuple ?

12 R. Oui, je peux vous expliquer cela très facilement car j'en ai une

13 expérience personnelle. En date du 17 août - en fait, c'était la dernière

14 journée de mon séjour à Zagreb - c'était la dernière journée de mon travail

15 à l'entreprise dans laquelle je travaillais.

16 Q. Excusez-moi, je suis désolé de vous interrompre. Pourriez-vous nous

17 répéter l'année ?

18 R. Oui, c'était le 17 août 1990.

19 Je n'oublierai jamais cette journée. C'était un vendredi, le week-end

20 approchait. Après mon travail, je me suis dirigé vers la région de Gracac,

21 la maison de ma mère. Puis comme le référendum avait été prévu pour le

22 dimanche qui suivait, je m'étais donc dirigé vers ma maison. J'avais pris

23 un autocar de Zagreb à Gracac. Il s'agit d'une distance de 220 kilomètres.

24 Sur la route entre Gracac et Zagreb, 70 kilomètres de Gracac, une localité

25 se trouve, qui s'appelle Korenica. C'est là que j'ai vu personnellement des

26 blindés transport de troupes croates, la population qui était sortie dans

27 la rue et qui s'opposait à cela. Donc, il y avait des blindés croates.

28 L'autobus s'était immobilisé, et avec quelques personnes, j'ai parlé de ce

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1 qui s'était passé en regardant par la fenêtre. Ces personnes m'ont expliqué

2 qu'il y avait des barricades tout près de Gracac, qui étaient érigées, et

3 que ces unités se préparaient à entrer, à faire irruption dans Gracac.

4 C'est à ce moment-là, qu'étant donné que l'autobus avait tourné,

5 avait pris un virage de cette route principale - donc, nous parlons de la

6 route Zagreb-Zadar - puisque l'autobus avait pris le virage de Lubovi-

7 Gospic [phon], je suis sorti à Gospic. Je suis donc descendu de l'autocar à

8 Gospic. Puisque l'autobus continuait à Karlovac et Knin, je suis sorti à

9 Gospic, et j'ai continué mon chemin de Gospic par train à Gracac. Donc, je

10 suis rentré à la maison dans la soirée à Gracac.

11 Q. Merci, Monsieur Licina. Avant de poursuivre votre récit, avant de vous

12 poser d'autres questions sur ces événements afin de pouvoir orienter les

13 Juges de la Chambre, à la page 25 de l'atlas, dans la section D1, nous

14 pouvons apercevoir, vers le milieu, un endroit qui s'appelle Titova

15 Korenica. C'est bien l'endroit dont parle le témoin lorsqu'il décrit son

16 périple entre Zagreb et Gracac. Gracac est un endroit qui se trouve sur la

17 même page, dans la section D2.

18 Vous me dites que vous êtes entré dans Titova Korenica, et vous avez vu un

19 blindé. Que voulez-vous dire par blindé ? Pourriez-vous nous décrire un

20 blindé ?

21 R. Bien, blindé, voilà, chez nous, on appelle blindé tout véhicule de

22 police de combat. Ce ne sont pas des roues à chenilles mais des roues

23 normales.

24 Q. Est-ce que c'est un véhicule de transport ?

25 R. Non, c'est un véhicule militaire. Je crois que sur le dessus, il y a

26 une tourelle avec une arme. Je ne peux pas vous décrire de quel type d'arme

27 il s'agit exactement. Je crois que c'est une mitraillette.

28 Q. Très bien. Tous ces événements se sont déroulés le

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1 17 août ?

2 R. Oui, dans l'après-midi.

3 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui se passait dans d'autres

4 parties de la Krajina, de la République de Croatie ce jour-là ? Est-ce que

5 vous avez appris ce qui se passait ailleurs ?

6 R. Oui. Parallèlement à ceci, il est arrivé autre chose. Dans les

7 municipalités dans lesquelles les Serbes étaient majoritaires, les

8 autorités croates dans des parties de la municipalité où l'on trouvait une

9 population croate, ils ont procédé à la formation de nouveaux postes de

10 police, et je sais que dans Gracac, on a formé également de nouveaux postes

11 de police. Dans la municipalité d'Obrovac, il y avait également un nouveau

12 poste de police qui avait été formé près de Krusevo, et dans la

13 municipalité de Knin, il y avait également un autre poste de police qui

14 avait été formé à cet endroit-là, à Kijevo. Et concernant la municipalité

15 de Titova Korenica, je crois qu'il y avait un autre poste de police formé à

16 Podlapaca. Et à Glina, j crois qu'il y avait également un poste à

17 Vidusevac.

18 En même temps, il y avait des postes de police régulières qui se trouvaient

19 dans les localités municipales que j'avais déjà énumérées un peu plus tôt,

20 Graca, Obrovac, Benkovac, Knin, Korenica. S'agissant de ces municipalités-

21 là, on a donc pris les armements de la police, de réserve de la police, et

22 en même temps on a commencé à l'armement de nouvelles unités de police dans

23 les municipalités juste là où il n'y avait pas de poste de police jusqu'à

24 ce jour.

25 Q. Quelle a été la réaction de la population serbe face à ces événements ?

26 Vous avez déjà parlé de Gracac. Vous nous avez déjà fait état de cette

27 municipalité. Est-ce que vous avez des informations concernant d'autres

28 endroits ?

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1 R. Je peux vous parler de Gracac, puisque je passais mes week-ends à

2 Gracac, et plus tard je vivais à Gracac. La population était très agitée.

3 Il est tout à fait normal de voir que la population était agitée. On

4 entendait des dires. On entendait dire que pendant la nuit, les commandants

5 de ces postes de police faisaient sortir les armes, et on a presque procédé

6 à la charge de ces personnes.

7 Q. Est-ce que vous avez entendu parler des barricades érigées ? Et si oui,

8 dites-nous de quoi il s'agit exactement, et quand avez-vous entendu parler

9 de ces barricades ?

10 R. Justement, c'est ce jour-là pour la première fois que j'avais entendu

11 parler de barricades érigées, le jour du 17 août. Comme je l'ai déjà dit,

12 la Croatie avait commencé à organiser de nouveaux postes de police dans les

13 localités que j'ai énumérées, et pendant la nuit, les armes se faisaient

14 sortir des municipalités serbes. Il était tout à fait normal que la

15 population était agitée.

16 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir des barricades ? Qui

17 érigeait ces barricades ? De quoi étaient-elles composées ? Y avait-il des

18 hommes armés qui gardaient ces barricades ?

19 R. Les barricades étaient typiquement érigées là où le peuple s'était

20 auto-organisé. Par exemple, il y avait une barricade faite par des arbres

21 où on avait mis des poches de sable, et cetera, et ils montaient la garde

22 avec leurs propres fusils de chasse pour empêcher quiconque de pénétrer à

23 l'intérieur de leurs municipalités. Pourquoi ? Parce que les Serbes se sont

24 souvenus de ce qui s'était passé 50 ans auparavant. Un très grand nombre de

25 Serbes avaient été égorgés. On avait diminué leurs nombres. Il était tout à

26 fait logique que les gens se sentent menacés et effrayés.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Le 17

28 août de quelle année, Monsieur ?

Page 6402

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 17 août 1990, Monsieur le Président. Tous

2 les événements dont je vous fais état on trait à l'année 1990.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

4 Q. Je vous remercie, Monsieur le Président. Je ne sais pas si le moment

5 est opportun pour prendre la pause.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Bien. Nous prendrons

7 une pause, et nous nous retrouverons ici sous peu à 17 heures 45.

8 --- L'audience est suspendue à 17 heures 16.

9 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, à vous.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Avant la pause, Monsieur Licina, nous avons parlé de l'apparition des

13 barrages routiers et le terme utilisé est celui de la "révolution des

14 troncs d'arbres". Avez-vous entendu parler de cela ?

15 R. Oui, j'ai entendu parler de ce terme-là, de la "révolution des troncs

16 d'arbres." C'était une façon péjorative de désigner ces barrages routiers

17 serbes.

18 Q. Vous avez été l'un des créateurs et des dirigeants du SDS et l'un des

19 fondateurs et dirigeants du SDS dans votre localité. Alors vous nous avez

20 dit aussi que de Zagreb, vous êtes revenu à Gracac le 17 août et que,

21 chemin faisant, vous avez déjà vu des barrages routiers. Avez-vous pris

22 part à la mise en place des barrages routiers ou est-ce que cela a-t-il été

23 le cas du SDS ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

24 R. Ce jour-là j'ai voyagé de Zagreb et je n'ai pas pu y participer puisque

25 je n'étais pas présent. Mais les barrages routiers ont été l'expression

26 d'une organisation populaire ou d'une auto-organisation populaire. Cela n'a

27 pas été organisé par un parti quelconque. C'est qu'après, par la situation

28 générale et l'impression se traduisant par le désarmement de nos postes de

Page 6403

1 police, la création de nouveaux postes de police qui ont par la suite ont

2 été des générateurs de crises, les gens, la population a, de façon

3 justifiée, pris peur, et ces barrages routiers n'ont été que la conséquence

4 de cette peur.

5 Q. Nous avons entendu déjà des réflexions différentes disant que ces

6 barrages routiers ont servi à malmener la population non-serbe, en d'autres

7 termes croate, et que leur rôle a été tout à fait autre. Sauriez-vous nous

8 en dire davantage ?

9 R. C'est là une chose que je ne sais pas. Ces barrages routiers ont eu un

10 rôle défensif. En tant que barrages routiers, c'est quelque chose de fixe,

11 à savoir, cela sert à défendre, non pas à attaquer, cela sert à défendre

12 celui qui l'a installé. Alors je ne sais pas s'il y a eu des excès

13 individuels à certains endroits, personne ne saurait affirmer qu'il n'y a

14 pas eu d'excès individuels. Mais d'une manière générale, ces barrages

15 routiers ont été une façon de se protéger pour ce qui est des Serbes et

16 vis-à-vis de ce qui était censé leur arriver.

17 Q. Savez-vous nous dire autre chose au sujet de ces barrages routiers,

18 ailleurs ?

19 R. Oui, il y en a eu à Gracac, Knin, Benkovac, Obrovac, enfin à proximité

20 de ces municipalités à majorité serbe à l'époque.

21 Q. Vous nous avez dit que des blindés à transport de troupes croates ont

22 été vus dans le secteur de Titova Korenica. Est-ce que sur les hauteurs de

23 Zadar il y a eu des tentatives de ce genre, par analogie à Benkovac,

24 Obrovac et autres ? En avez-vous entendu parler ?

25 R. Oui, j'en ai entendu parler. S'agissant du secteur dont nous parlons

26 lorsqu'on va de Zagreb en direction du nord, on tombe sur Korenica et

27 Gracac. Et du côté de la Dalmatie vers Zadar, Sibenik et Split, on tombe

28 sur les localités d'Obrovac, Benkovac et Knin. Il en allait de même à

Page 6404

1 Benkovac avec des confiscations d'armes et la peur de la population et

2 c'est ce que j'en sais. Un hélicoptère avait été envoyé, un hélicoptère du

3 ministère de l'Intérieur croate qui s'est dirigé en direction de Benkovac,

4 mais un avion de la JNA lui a fait rebrousser chemin.

5 Q. Savez-vous nous dire si à Knin l'on a proclamé un état de guerre le 17

6 août 1990 ?

7 R. Le 17 août 1990, comme je vous l'ai dit, c'est le jour où je suis

8 arrivé et j'ai appris de la bouche d'autrui que le maire de l'époque à

9 Knin, Milan Babic, avait proclamé un état de guerre; puis cela a été nié

10 ensuite. Mais je l'ai ouï dire de la bouche de tiers.

11 Q. Ces barrages routiers ont, dites-vous, été placés. Après tout cela, y

12 a-t-il eu tenu d'un référendum et qui est-ce qui a participé à ce

13 référendum compte tenu de ces circonstances, et où s'est-il tenu ?

14 R. Le référendum s'est tenu dans toutes les municipalités serbes, à

15 savoir, celles où les Serbes étaient au pouvoir. D'après ce que j'en sais,

16 c'était, pour ce qui de la Dalmatie, dans les municipalités de Knin,

17 Benkovac, Obrovac et Drnis; et dans la Lika, sur le territoire des

18 municipalités Gracac, Donji Lapac, Korenica et au-delà, à Kordun et Banija.

19 En outre, le référendum s'est tenu dans des localités où les Serbes

20 ont été minoritaires. Mais cela a été empêché, il y a eu recours à la

21 violence. Il y a même eu des bulletins de vote de brûlés. Cela s'est passé

22 là où les Serbes étaient 30 ou 40 %, donc qui étaient minoritaires,

23 notamment dans les villes.

24 Je tiens à rappeler les Juges de la Chambre que, mis à part ces

25 régions où ils ont été majoritaires, les Serbes étaient assez nombreux dans

26 les secteurs urbanisés, notamment Zagreb, Rijeka et autres. Par exemple,

27 seulement à Zagreb, d'après nos renseignements, il y avait quelque 100 000

28 Serbes et on a interrompu ou empêché la manifestation de leur volonté; le

Page 6405

1 référendum a été rallongé jusqu'au 2 septembre mais 90 % des personnes ont

2 voté dans les premières journées, pendant le tout premier week-end de la

3 tenue du référendum, en réalité, le 19.

4 Q. Etant donné que ce référendum avait prévu pour la population serbe de

5 se prononcer, dites-nous si dans les secteurs où les Serbes étaient

6 majoritaires en ex-République de Croatie, il avait été proféré une

7 interdiction ou des limitations pour ce qui est des ressortissants des

8 autres groupes ethniques de sortir et se présenter au référendum ?

9 R. Non. Il n'y a pas eu d'interdiction. Les gens sortaient et votaient. Je

10 sais, par exemple, qu'il y a eu des Croates résidant à Gracac qui se sont

11 présentés et qui ont voté au référendum.

12 Q. Vous avez dit que la grande majorité de la population serbe à ce

13 référendum s'était déclarée en faveur de l'autonomie serbe et de

14 l'intégrité de ce peuple.

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que les ressortissants du peuple serbe avaient eu l'occasion de

17 présenter au parlement croate et aux autorités croates, le résultat de

18 celui-ci ?

19 R. Le référendum s'est tenu le 19 août 1990. Plusieurs jours après, et je

20 pense que c'était notamment le 26 août, il y a eu une session du Sabor de

21 la République de Croatie, la veille, le conseil exécutif du Parti

22 démocratique serbe a tenu une session et a décidé d'envoyer un

23 représentant, à savoir, moi, pour présenter les positions et les

24 conclusions de ce rassemblement de Srb, étant donné que 95 % du référendum

25 était actuellement terminé, du point de vue du nombre de personnes qui ont

26 répondu à l'appel. Il s'agissait de présenter les résultats Sabor. C'est

27 moi qui suis allé là-bas et qui ai présenté au parlement les positions. Il

28 y a eu à l'occasion de ces sessions bon nombre de pressions d'exercées. Il

Page 6406

1 y avait toute la direction de l'Etat croate avec Franjo Tudjman à la tête

2 de celle-ci.

3 A l'occasion de cette session, le président du gouvernement, le

4 premier ministre, Stipe Mesic, a été choisi pour faire partie de la

5 présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, et il a

6 été remplacé par Josip Manolic; et Manolic a été remplacé par Stipe Suvar.

7 Ce qui fait que tous ont été présents à l'occasion de cette session. Je

8 leur ai transmis les positions qui étaient les nôtres et la décision du

9 Parti démocratique serbe consistant à faire jusqu'à nouvel ordre, compte

10 tenu du comportement de la Croatie et de cette façon démocratique de se

11 prononcer pour ce qui nous concernait, pour ce qui est donc de dire que

12 c'était un référendum, mais pour nous, c'était une façon de se prononcer.

13 Je leur ai parlé des tentatives qui visaient à empêcher notre

14 fonctionnement par la force, raison pour laquelle le Parti démocratique

15 serbe gelait toutes ses activités au sein du parlement.

16 Q. Suite à ces informations et suite à tout ce qui s'est passé au

17 référendum et à l'occasion de l'issue de celui-ci, y a-t-il eu des

18 concertations politiques en vue d'améliorer la situation ou est-ce que la

19 situation, au contraire, s'est-elle détériorée ?

20 R. La situation s'est détériorée. Les autorités croates, au lieu de nous

21 convier à une concertation, n'ont pas réagi. La crise s'est approfondie. Ce

22 qui fait qu'au mois de septembre déjà, il y a déjà une incursion de la

23 police croate à Petrinja. Petrinja, c'est une municipalité avec une

24 majorité serbe dans la région de la Banija, et la population y a pris peur

25 du fait de la présence de ces effectifs serbes et cette population s'est

26 enfuie vers les casernes de la JNA.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Je ne comprends pas ce

28 que vous voulez dire par @autorités croates qui, au lieu de nous convier à

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1 des concertations, ont failli à ce faire."

2 Alors, répondez : étaient-ils censés vous convier à des

3 concertations ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, jusque-là, la Croatie

5 avait essayé de présenter les positions du Parti démocratique serbe en

6 disant que c'était la position d'une minorité du peuple serbe en Croatie.

7 Mais, compte tenu de la réponse de la population au référendum et de la

8 réponse en tant que telle, cela nous a donné le droit de dire et d'affirmer

9 que nous étions les représentants du peuple serbe en Croatie. Et en tant

10 que tels, nous nous attendions à ce que les autorités officielles de la

11 République de Croatie était censée s'entretenir avec nous aux fins

12 d'empêcher tout conflit ultérieur et aux fins de définir les relations à

13 l'avenir.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais, à quoi s'attendait-on de leur

15 part à fournir une réponse ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient censés répondre à la position qui

17 était celle d'affirmer que la population serbe pratiquement entière s'était

18 exprimée en faveur du fait de ne pas accepter de maintenir sa souveraineté,

19 de ne pas accepter de voir la Croatie devenir l'Etat du peuple croate seul.

20 Ces points de vue étaient les nôtres et ont été confirmés et légitimés par

21 le déroulement de ce référendum.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

23 Maître Milovancevic.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Compte tenu de la question qui vient d'être posée par M. le Juge

26 Moloto, je tiens à dire que vous avez mentionné dans l'une de vos réponses

27 que suite à ces élections pluripartites, qui se sont tenues en avril, mai

28 1990, il y a eu des initiatives visant à modifier la constitution croate

Page 6408

1 faisant en sorte que les Serbes ne feraient plus partie de la Croatie en

2 tant que peuple constituant. Alors à quoi devaient répondre au juste les

3 autorités croates ? Pouvez-vous nous dire quelles étaient les attentes de

4 la part du peuple serbe ? Que voulaient les Serbes, des modifications

5 constitutionnelles ou pas ?

6 R. Les Serbes voulaient qu'il n'y ait pas ce type de changement

7 constitutionnel, et par le référendum, les Serbes ont clairement fait

8 savoir qu'ils ne seraient y avoir de modifications constitutionnelles qui

9 feraient en sorte que les Serbes deviennent une minorité nationale, ayant

10 au préalable été un peuple constitutif.

11 Q. Vous nous avez dit que les autorités croates n'ont pas répondu aux

12 revendications du peuple serbe. Vous avez parlé de la situation à Petrinja.

13 Qui est-ce qui est intervenu à Petrinja, et pourquoi la population a-t-elle

14 fui vers les casernes ? Qui la population a-t-elle fui ?

15 R. A Petrinja, il y a eu une incursion des forces de la police croate. Je

16 ne sais pas. Je crois qu'il y a même eu des combats au niveau du poste de

17 police, et la population a pris peur, vu la situation générale en ville, et

18 elle s'est enfuit vers cette caserne de la JNA, appellée Vasil Gacesa.

19 Q. Vous avez parlé de l'initiative des autorités croates visant à faire

20 désarmer les postes de police dans les régions où les Serbes étaient

21 majoritaires. En sus de cela, y a-t-il eu des modifications pour ce qui est

22 de l'importance et de la composition du ministère croate de l'Intérieur ?

23 Et si changement il y a eu, que savez-vous nous dire à ce sujet ?

24 R. D'après ce que j'en sais, la Croatie a augmenté ses effectifs de

25 quelque 50 000 hommes pour ce qui est de la police. En d'autres termes,

26 elle a embauché 50 000 personnes, tout en congédiant un très grand nombre

27 de Serbes. Les membres du ministère de l'Intérieur, qu'ils étaient jusque-

28 là, devaient ne pas avoir eu de casiers judiciaires ou quoi que ce soit de

Page 6409

1 ce genre, mais pour autant que je le sache, la règle n'était plus la même

2 dorénavant. La nouvelle règle était celle d'avoir un Croate plus extrémiste

3 possible mieux cela serait, et c'est ce type de personnes qui ont été

4 recrutées pour la police croate.

5 Q. Vous avez mentionné la nécessité de ne pas avoir de casier judiciaire.

6 Est-ce que vous parliez là des conditions d'embauche au niveau de la

7 police ?

8 R. Oui. Jusqu'à là, la règle pour être embauché et je crois que pour ce

9 qui est de l'administration générale, pour être embauché en tant que

10 policier, l'une des conditions était celle de ne pas avoir de casier

11 judiciaire. Dans la situation des nouvelles recrues, la règle n'a pas été

12 respectée.

13 Q. En sus de l'augmentation du nombre des effectifs de la police croate,

14 vous avez également parlé de la création de nouveaux postes de police dans

15 plusieurs localités, et vous avez mentionné la localité de Lovinac, entre

16 autres. Quand est-ce qu'il y a eu ces modifications de la situation à

17 Lovinac ? Suite aux élections de 1990 ?

18 R. Lovinac, Lisica et Licko Cerijev [phon] ont été des municipalités qui

19 étaient présidées par le Conseil municipal du SDS où j'ai été élu en tant

20 que député pour le parlement croate, et ces députés ont quitté le travail

21 en mai 1990. Ils ont quitté les rangs du parlement local. Ils n'y ont plus

22 participé. Suite à cela, il a été créé un poste de police, et nous n'avons

23 plus pu passer par une partie de notre municipalité.

24 Je tiens à mentionner aussi qu'on va à Lovinac en direction de

25 Gospic, il y a toute une série de villages serbes qui, en mai, juin et

26 juillet 1990, ont procédé à la tenue d'un référendum pour s'adjoindre à la

27 municipalité de Gracac. Le référendum s'est tenu de façon tout à fait

28 conforme à la loi. La municipalité de Gracac a répondu de façon positive à

Page 6410

1 leur demande, mais la municipalité de Gospic n'a pas tenu de session, étant

2 donné que le délai prévu par la loi s'est écoulé, ces communautés locales,

3 de part la lettre de la loi, ont été annexées à la municipalité de Gracac.

4 Nous ne pouvions pas fonctionner en tant que municipalité, puisque

5 physiquement parlant, nous ne pouvions pas aller d'un bout de la

6 municipalité à l'autre, vu que les passages étaient coupés.

7 Q. Monsieur Licina, vous nous avez parlé des élections pluripartites de

8 1990, à savoir, du mois d'avril et du mois de mai, et vous avez dit que

9 c'étaient des élections locales et des élections pour le parlement de

10 Croatie. Quand vous avez parlé de la municipalité de Gracac, à deux

11 reprises, vous vous êtes servi de termes "eux" et "nous." Alors, pour qu'il

12 n'y ait pas de confusion possible, je voudrais que vous soyez plus précis.

13 Quels ont été les résultats électoraux dans la municipalité de Gracac ?

14 Quels sont les partis à s'y être présentés ? Qui étaient "eux" et qui

15 étaient "nous" ?

16 R. Pour ce qui est de la municipalité de Gracac, et je parle des élections

17 locales, je tiens à préciser que cette municipalité de Gracac avait 78 % de

18 la population serbe, et une vingtaine de pourcent de la population croate.

19 Aux élections locales, c'est le Parti démocratique serbe qui l'a emporté.

20 Nous avons eu une majorité absolue. Il y a eu plusieurs députés

21 indépendants, puis le SKH, SDP et il me semble qu'il y a eu une dizaine de

22 députés du HDZ et autres partis croates issus du territoire de ces quatre

23 municipalités, Lovinac, Sveti Rok, Lisica et Licko Cerijev. A l'occasion de

24 la toute première session, quoique nous les ayons invités à nous donner

25 même un vice-président de l'assemblée municipale, ils ont quitté les

26 travaux et n'ont pas participé au fonctionnement du parlement local. C'est

27 ce que j'avais à l'esprit.

28 Q. Ai-je raison de dire que vous venez de nous expliquer que les

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1 représentants politiques de la population croate du territoire de la

2 municipalité de Gracac ont été élus sur des listes, et ont refusé de

3 coopérer avec les Serbes, pour finir par quitter l'assemblée municipale de

4 Gracac ?

5 R. Oui. Cela s'est passé dès la fin mai 1990. Je crois que la première

6 session s'est tenue le 29, voir le 30 mai.

7 Q. Vous avez dit qu'à Lovinac, il a été créé un nouveau poste de police.

8 Qu'entendez-vous par "nouveau" ? Est-ce que c'est un poste qui existait

9 déjà ?

10 R. Jusque-là, sur le territoire de la municipalité de Gracac, il n'y avait

11 que ce que l'on appelait un secrétariat, et il n'y avait de postes de

12 police qu'à Gracac, qui était la localité principale de la municipalité. A

13 Lovinac, il n'y en a pas eu. Lorsque les nouvelles autorités croates se

14 sont installées au niveau de la république, elles ont créé un poste de

15 police sur le territoire de Lovinac.

16 Q. Nous allons revenir maintenant à la municipalité. Vous venez de nous

17 dire que les élections avaient pris fin. Vous faisiez partie du parlement.

18 Arrive le mois de novembre 1990, et je vous ai demandé de quelle façon la

19 situation avait évolué. Je vous ai demandé si elle s'apaisait ou si cela se

20 détériorait. Vous avez dit : cela se détériorait. Est-ce que vous pouvez

21 nous dire ce qui se passait au mois de décembre 1990 ? Quels sont les

22 éléments qui ont notamment marqué cette période-là et influé sur les

23 événements ?

24 R. Entre septembre et décembre, la situation n'a fait qu'empirer.

25 Au mois de décembre, ce qui est arrivé, c'est à mon avis deux

26 événements importants. La Croatie adopte une constitution nouvelle, et il y

27 a proclamation de la SAO de la Krajina. A ce moment-là, la Croatie a adopté

28 une nouvelle constitution alors qu'il n'y a pas eu de débats publics, bien

Page 6412

1 qu'aucune des règles en place n'a été respecté, à savoir, la commission

2 chargée du respect de l'égalité en droit des nations et des minorités

3 nationales n'a pas été consultée. Pourquoi cela a-t-il été important, étant

4 donné qu'au parlement, il y avait 350 députés et que les Serbes n'étaient

5 que 45 à 50 ? Ils pouvaient toujours être mis en liberté. C'est la raison

6 pour laquelle jusque-là dans tous les parlements précédents, il y avait une

7 commission chargée de l'égalité en droit des nations et minorités

8 nationales, qui étaient constituée par des Serbes et des Croates. Toutes

9 les questions qui étaient liées à l'égalité en droit, au droit à la

10 constitutivité [phon], au droit à la langue et enfin tout ce qui

11 représentait les droits ethniques était censé passer par cette commission.

12 Toutefois, la nouvelle autorité croate n'a pas mis en place de

13 commission de ce type, ce qui fait que toutes les lois et tous les

14 changements de la constitution sont passés sans que la commission soit

15 consultée et les décisions étaient censées être prises par consensus. Donc

16 c'est de cette façon-là que les Serbes ont été joués, pour ce qui est

17 notamment de la constitution. Pour empêcher ce type de choses, les Serbes

18 ont compris que la Croatie ne voulait en rien nous concerter. Compte tenu

19 de la volonté proclamée par le peuple serbe, tant au rassemblement de Srb

20 qu'au niveau du référendum, la communauté des municipalités de la Dalmatie

21 du Nord et de la Lika du Sud se sont proclamées constituant une région

22 autonome serbe de la Krajina. Cela s'est fait le 19 décembre 1990 à la date

23 de la Saint-Nicolas. Le deuxième événement du mois de décembre, c'est la

24 proclamation ou la promulgation de la nouvelle constitution croate. La

25 session du parlement a commencé le 22 décembre, mais la promulgation s'est

26 faite le 25 décembre, à la Noël catholique 1990.

27 Q. Cette nouvelle constitution croate définissait la Croatie comme étant

28 l'Etat de quel peuple ?

Page 6413

1 R. La nouvelle constitution croate définissait la Croatie comme étant

2 l'Etat du peuple croate.

3 Q. Dans toutes les constitutions qui avaient précédé celle-là, toutes les

4 constitutions ayant suivi 1945, la Deuxième Guerre mondiale, les Serbes et

5 les Croates avaient un statut qui était égal, celui de nation constituante

6 de la Croatie. Mais les Serbes ont perdu ce statut avec cette nouvelle

7 constitution ?

8 R. Oui, ceci était en contravention avec tous les droits qu'avaient les

9 Serbes précédemment. Ces droits, ils étaient garantis aux Serbes par le

10 ZAVNOH, qui était le conseil anti-fasciste qui avait été mis en place après

11 la Deuxième Guerre mondiale parce que les Serbes avaient énormément

12 contribué à la libération de la Yougoslavie et de la Croatie de la présence

13 nazie.

14 Au moment de l'anniversaire de Bleiburg, c'est-à-dire l'anniversaire

15 du programmes des forces anti-fascistes sur le territoire autrichien en

16 1945, lors de ces cérémonies de commémoration qui se sont tenues sous

17 l'égide du gouvernement croate, du parlement croate, avec le président

18 Stipe Mesic, il y a quelque chose de très important qui a été dit, à savoir

19 que sur ce qu'on avait appelé la route de Kriz, donc on avait compté

20 quelque 200 000 Croates et 500 000 résidents. C'est le chemin de croix.

21 Q. Vous nous avez dit que c'est le 25 décembre qu'a été adoptée la

22 nouvelle constitution croate. Quelle a été la réaction des Serbes et que

23 s'est-il passé le 19 décembre 1990 ? Qu'est-ce qui a été mis en place ?

24 R. Comme je l'ai dit précédemment, le 19 décembre, on a vu la mise en

25 place du district autonome serbe de la Krajina. Il a été mis en place suite

26 à une initiative de l'Association de la Dalmatie du Nord et de la Lika, des

27 municipalités qui s'y trouvaient, et c'est à ce moment-là que le district

28 autonome a été constitué.

Page 6414

1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Puis-je poser une question ?

2 Aux termes des dispositions de la constitution précédente, la

3 constitution de la fédération, aux termes de cette constitution, donc,

4 comment définissait-on un peuple constitutif ? Et pouvez-vous me dire ce

5 qui permettait de définir une minorité, et quelle en était la définition et

6 quelles étaient les conséquences, la portée de cette définition ? Est-ce

7 que vous pourriez me dire cela, s'il vous plaît ?

8 Merci d'avance.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame le Juge, je parle de la constitution de

10 la Croatie, pas de la constitution fédérale. Jusqu'à ce moment-là, dans

11 toutes les constitutions croates, dans toutes les constitutions de la

12 Croatie, les Serbes et les Croates étaient sur un pied d'égalité, étaient

13 les peuples constitutifs de la Croatie. Pour ce qui est du niveau fédéral,

14 je crois que la constitution précisait que la République socialiste

15 fédérative de la Yougoslavie était l'Etat des Slovènes, des Croates, des

16 Serbes, des Musulmans, des Monténégrins et des autres nations. La

17 constitution définissait les peuples en question. Je vous parlais d'une des

18 unités fédérales de la Yougoslavie et de sa constitution à elle.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci de cette précision, j'en

20 prends bonne note. Mais je voudrais donc savoir dans ces conditions quelle

21 était la définition qui était prévue aux termes de la constitution croate.

22 Donc répondez à la question que je vous ai posée, mais cette fois dans la

23 perspective de la constitution croate, puisque vous m'avez à juste titre

24 corrigé sur ce point.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Aux termes de la constitution de la Croatie,

26 enfin la nouvelle constitution, il était établi que la Croatie était l'Etat

27 du peuple croate. Mais jusqu'à ce moment-là, la constitution précisait que

28 l'Etat croate, c'était l'Etat des Serbes et des Croates en Croatie, ils

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1 étaient sur un pied d'égalité. C'est un petit ce qu'on a encore aujourd'hui

2 en Belgique où vous avez les Wallons et les Flamands qui bénéficient des

3 mêmes droits. Cela ressemble aussi à ce que l'on voit en Suisse où vous

4 avez deux ou trois nations qui sont sur un pied d'égalité. Les Serbes et

5 les Croates étaient les nations constitutives de la Croatie.

6 S'ils avaient constitué une minorité, la situation aurait été tout

7 autre puisqu'à ce moment-là ils n'auraient pas joui de tous les droits

8 correspondants, et il y aurait pu avoir à ce moment-là sécession sans qu'on

9 demande leur avis aux Serbes. Mais du moment que les Serbes étaient une

10 nation constitutive, il était nécessaire qu'ils donnent leur accord pour

11 que la sécession ait lieu. Parce qu'une nation a un statut qui la place à

12 une position supérieure à celle d'une république. Voilà ce qu'il en est.

13 Merci.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

15 Maître Milovancevic.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

17 Q. Monsieur Licina, cette décision politique de mise en place de la région

18 autonome serbe de la Krajina s'est prise dans une zone qui était définie

19 comme appartenant à la Croatie. Est-ce que vous savez quelles lois

20 s'appliquaient dans le territoire de la SAO de la Krajina ? Vous en

21 souvenez-vous ?

22 R. Je pense que toutes les lois en existence s'y appliquaient pour les

23 Serbes. Toutes les lois qui ont entraîné les changements n'ont pas été

24 appliquées, mais toutes les anciennes lois, elles ont été appliquées, comme

25 s'était déjà le cas par le passé.

26 Q. Vous qualifiez cette période de période marquée par de fortes tensions

27 politiques, l'année 1991 s'approchait. Est-ce que c'est une année qui a été

28 marquée par un événement en Yougoslavie ?

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1 R. Bien, 1991 marque le début de la guerre, même s'il y avait déjà en 1990

2 des tensions politiques, mais la guerre, elle a débuté en 1991. C'est au

3 cours de cette année que la Slovénie a fait sécession, en premier lieu.

4 C'est à ce moment-là que le gouvernement fédéral a envoyé des forces armées

5 sur les frontières de la Slovénie, et nos soldats ont été tués en assez

6 grand nombre.

7 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Est-ce que vous pouvez établir un lien

8 entre M. Spegelj, qui était ministre du gouvernement croate, et les

9 événements de janvier 1991 ?

10 R. Oui. J'ai parlé précédemment de M. Spegelj.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que l'on ne parle de ce M.

12 Spegelj, je voudrais que vous nous disiez ce que vous entendez par nos

13 soldats. Vous dites que : "C'est l'année où le gouvernement fédéral, suite

14 à la sécession de la Slovénie, a envoyé les forces armées sur les

15 frontières de la Slovénie, et c'est à ce moment-là que nos soldats ont été

16 tués en grand nombre." "Nos soldats," les soldats de qui, je vous prie ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'utilise la manière un petit peu familière

18 que nous avons de nous exprimer. Jusqu'à ce moment-là, les seuls soldats

19 des forces régulières étaient les soldats de l'armée populaire yougoslave,

20 c'est-à-dire, cela aurait dû être les soldats de nous tous qui vivions en

21 ex-Yougoslavie. Cela aurait dû être également les soldats de la Slovénie,

22 mais malheureusement, ce n'est pas comme cela que l'on les a vus.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, quand vous dites "nos soldats,"

24 qu'est-ce que vous voulez dire ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux dire exactement ce que je viens de

26 vous expliquer, à savoir qu'il n'y avait pas d'autres forces armées

27 régulières à l'époque; il n'y avait que l'armée populaire yougoslave.

28 A l'époque, j'étais ressortissant de la République fédérale

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1 socialiste de Yougoslavie. L'armée populaire yougoslave, c'était l'armée de

2 cet état. Les soldats de cette armée, c'étaient nos soldats ou mes soldats.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Par armée populaire yougoslave,

4 vous entendez la JNA ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

7 Oui, vous pouvez poursuivre, Maître Milovancevic.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

9 Q. Vous parlez de M. Spegelj, qui était ministre de la Défense au sein du

10 gouvernement croate. Est-ce que son nom a un lien aux événements de la fin

11 1990, début 1991 ?

12 R. Oui. J'ai mentionné son nom dans le contexte de cette Saint-Barthélemy

13 qui a été commise par le Parti pour des changements démocratiques. M.

14 Spegelj est apparu comme protagoniste dans un documentaire, pendant cette

15 période, qui a été diffusé par les services d'information de la JNA. Ce

16 film a bien montré tout le processus de distribution des armes. De plus, il

17 y avait, parallèlement à la présence de M. Spegelj, également M. Boljkovac

18 et des représentants officiels importants.

19 On a appris que le 30 et le 31 mai, lorsque les Croates ont célébré

20 leur nouvel état, la télévision croate a diffusé un programme particulier

21 que j'ai regardé, une émission que j'ai regardée. Il y était dit qu'en

22 septembre 1990, ils avaient commencé à s'armer.

23 Q. Vous dites : "Ils étaient en train de s'armer en

24 septembre 1990." Qui ?

25 R. La Croatie était en train de mettre en place des formations

26 paramilitaires, d'abord en augmentant le nombre d'employés du ministère de

27 l'Intérieur, et en mettant en place ce que l'on a appelé le Corps de la

28 Garde nationale.

Page 6418

1 Q. Est-ce que cela a entraîné la création de nouvelles unités qui

2 n'étaient pas sous les ordres de la JNA ? Est-ce que cela a entraîné des

3 conflits ? Est-ce que vous avez des connaissances de conflits qui auraient

4 eu lieu au début de l'année 1991 sur le territoire de ce qui était alors la

5 Croatie, conflits armés ?

6 R. La situation a continué à se détériorer. Il y a eu des affrontements,

7 notamment à Pakrac et à Plitvice au cours du printemps. Je crois que

8 c'était le 31 mars 1991 que cela s'est produit.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de vous

10 interrompre, Maître Milovancevic.

11 Un peu plus tôt, le témoin a dit : "Nous avons entendu dire récemment

12 que le 30 ou le 31 mai, lorsque la Croatie a célébré ce nouvel état, une

13 émission a été diffusée à la télévision croate et je l'ai regardée."

14 Le 30 et 31 mai de quelle année ? Est-ce que vous parlez du 30 ou 31

15 mai de l'année 2006 ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je fais référence au mois de

17 mai 2006. Il s'agissait d'une émission qui a été diffusée à l'occasion de

18 la célébration de l'anniversaire de leur indépendance.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

20 Maître Milovancevic.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En fait,

22 je souhaitais moi-même préciser ce point également.

23 Q. Veuillez, je vous prie, nous dire qui a participé à cette émission et

24 qui a parlé de l'armement des populations ?

25 R. Si je me souviens bien, il y avait Boljkovac, un ministre, M. Spegelj

26 aussi, ministre, essentiellement des gens qui appartenaient aux classes

27 dirigeantes de l'époque, le ministère de la Défense, le ministère de

28 l'Intérieur ainsi que certains militaires de haut rang.

Page 6419

1 Q. Est-ce que vous voulez dire que maintenant, il y a récemment, au cours

2 du mois de mai 2006, au cours d'une émission de télévision, ils ont déclaré

3 qu'en septembre 1990, ils avaient déjà commencé à s'armer en Croatie ?

4 R. Oui, c'est exact. On peut trouver cette émission de télévision dans les

5 archives de la télévision croate.

6 Q. Vous avez parlé du conflit de Plitvice, Plitvice qui se trouve à

7 proximité de votre ville natale. Qui s'est affronté à qui ?

8 R. Les lacs de Plitvice, c'est une zone qui se trouve dans la municipalité

9 de Korenica. C'est une municipalité qui est voisine de la municipalité de

10 Gracac. La police croate a fait une descente à Plitvice. Ils s'étaient

11 déguisés en touristes italiens. Plitvice, c'est un parc national. C'était

12 un des parcs nationaux les plus magnifiques de l'ex-Yougoslavie. Ces

13 policiers ont fait une descente dans cette région, et cela a déclenché un

14 conflit. Rajko Vukadinovic, qui était Serbe, est décédé au cours de cet

15 affrontement et Josip Jovic, je crois qu'il s'appelle ainsi, c'est le

16 Croate qui est mort de leur côté.

17 Q. Avez-vous entendu parler d'une intervention possible de la JNA ?

18 R. Oui. La JNA est intervenue. Elle a séparé les deux parties en présence

19 et elle a mis en place une zone tampon.

20 Q. Ceci se déroulait à la fin du mois de mars 1991. Le mois de mai a été

21 marqué par certains événements. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à

22 Borovo Selo, Trogir, Zadar ? Avez-vous connaissance d'événements s'étant

23 déroulés dans ces localités ? Sinon, dites-le-nous ?

24 R. Je sais ce que tout le monde savait, enfin ce qui a été rendu public.

25 Je sais qu'il y a eu des attaques menées contre des casernes, et au cours

26 du mois de mai, il y a eu deux événements politiques importants.

27 Q. A quels événements faites-vous référence ?

28 R. Il y a eu deux référendums. Il y a eu le référendum qui a été organisé

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1 par la Croatie le 16 mai. Il s'agit d'un référendum portant sur la

2 sécession d'avec la Yougoslavie, alors que le 12 mai, le gouvernement de la

3 SAO de la Krajina a prévu un référendum sur la sécession d'avec la Croatie

4 pour que la zone reste au sein de la Yougoslavie. Enfin, cela a été défini

5 comme l'annexion à la Serbie et la sécession d'avec la Croatie. C'est ainsi

6 que la question a été formulée à l'intention des électeurs lors du

7 référendum.

8 Q. Pourriez-vous nous parler des résultats de ces deux consultations

9 électorales ?

10 R. Sur le territoire de la Krajina, une fois encore, plus de 99 % des

11 électeurs ont voté oui, une majorité écrasante. Cependant, sur le

12 territoire croate, sur le territoire de la Croatie, ils n'ont pas voté. Si

13 bien que le reste de la population représentait 70 à

14 80 % de la population, et les Croates ont voté pour la sécession d'avec la

15 Yougoslavie.

16 Q. La question du maintien au sein de la Yougoslavie ou de la sécession

17 d'avec la Yougoslavie, est-ce que c'était la question politique essentielle

18 qui s'est posée pour la première fois en 1990, et qui, ensuite, a été

19 reposée par ce référendum ?

20 R. Oui, c'était la question-clé qui explique le conflit, la guerre. Si

21 cette question ne s'était pas posée, il n'y aurait pas eu de guerre. La

22 déclaration de Franjo Tudjman, à la fin de la guerre, en 1995, je crois,

23 l'illustre parfaitement. C'est peut-être en 1995 ou en 1996. En tout cas,

24 Franjo Tudjman a déclaré qu'il n'y aurait pas eu de guerre si la Croatie

25 n'en avait pas voulu.

26 Q. Vous déclarez que la population en Croatie s'est divisée. D'un côté, on

27 avait les Serbes qui habitaient en Croatie et qui étaient en faveur du

28 maintien du pays en Yougoslavie, et d'autre part, il y avait les Croates

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1 qui aspiraient à l'indépendance, à la sécession d'avec la Yougoslavie.

2 Savez-vous si aux termes de la constitution qui était alors en

3 vigueur en Yougoslavie il était possible de décider du maintien ou de la

4 sécession d'avec la Yougoslavie sans participation des autres nations à ce

5 référendum ?

6 R. Non. Aux termes de la constitution de l'époque, ce n'était pas

7 possible. La constitution ou la décision pour une république de faire

8 sécession ou pas, cette décision ne pouvait être prise que par l'ensemble

9 des républiques. C'est ainsi que cela avait été prévu au sein de la

10 constitution de la Yougoslavie.

11 Q. Est-ce que la Slovénie et la Croatie ont demandé cet aval ? Est-ce

12 qu'ils ont reçu cet accord ?

13 R. Non, la Slovénie et la Croatie n'ont jamais reçu un tel accord. La

14 sécession opérée par la Slovénie et la Croatie était un acte de violence,

15 un acte commis unilatéralement.

16 Q. M. le Président vous a interrogé au sujet des événements de 1991 quand

17 vous avez utilisé l'expression "nos soldats." La Slovénie et la Croatie ont

18 déclaré faire sécession à la fin juin 1991, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Savez-vous ce qui a eu lieu en Slovénie tout de suite après la

21 déclaration de sécession ?

22 R. Autant que je le sache, le gouvernement fédéral a pris la décision

23 d'envoyer les forces fédérales prendre le contrôle des zones frontalières.

24 Des unités ont été envoyées sur ces frontières, mais les forces de la JNA,

25 que j'ai qualifiées de manière un peu familière de "nos soldats," ont été

26 en butte à des attaques. Des soldats ont été tués. Etant donné que les

27 soldats n'ont pas reçu l'ordre de tirer, on peut dire que la chasse était

28 ouverte et qu'ils étaient complètement sans défense. Au bout d'un certain

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1 temps, la présidence de la RSFY a pris la décision de retirer

2 temporairement ses forces. C'est ce qu'ils ont dit.

3 Q. Vous dites "qu'il s'agissait de retirer les forces temporairement", à

4 quelles forces faites-vous référence ?

5 R. La JNA, les forces de la JNA.

6 Q. Est-ce que c'était en juillet 1991 ? Vous en souvenez-vous ?

7 R. A peu près. Je ne saurais vous donner de date avec une certitude

8 absolue, mais c'était au cours de l'été 1991.

9 Q. Que s'est-il passé ensuite en Croatie ? Comment évaluer la situation ?

10 Nous parlons maintenant du mois d'août 1991. Qu'en était-il de la situation

11 des Serbes en Croatie, et quel était le statut de la JNA en Croatie ?

12 R. La position du peuple serbe s'est détériorée. Ils étaient traqués,

13 surtout dans les zones urbaines. Si bien qu'un grand nombre de Serbes qui

14 habitaient dans des zones constituées par la majorité de la population ont

15 pris la fuite. Un rapport de Butros-Butros Ghali a dit, je crois, que 251

16 000 réfugiés, 251 000 Serbes ont quitté le territoire qui ne faisait pas

17 partie de la Krajina.

18 Parallèlement, il y a eu des attaques menées contre les casernes de

19 la JNA. Pas des attaques menées de manière généralisée, mais des attaques

20 menées dans les villes où les Croates constituaient une majorité

21 significative. Je me souviens très bien de ce qui s'est passé à Split, où

22 les extrémistes croates ont étranglé un soldat de la JNA. Je crois qu'il

23 était Macédonien.

24 Q. Pouvez-vous nous parler du blocus, par exemple ? Est-ce que vous savez

25 s'il y a eu une pénurie d'électricité, d'eau, et cetera ?

26 R. Oui. Ecoutez, c'est arrivé au mois de juin dans toutes les casernes.

27 M. BLACK : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il s'agit

28 d'une question directrice.

Page 6423

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, ce témoin ne nous

2 a pas du tout parlé d'une pénurie d'électricité ou de coupure d'électricité

3 ou d'autres pénuries. L'objection a été acceptée, cette question est

4 directrice.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je retire ma question concernant les

6 coupures d'électricité, d'eau et de téléphone. Je vais demander au témoin

7 une autre question.

8 Q. Je vais lui demander de nous dire s'il sait qu'il y a eu des conflits

9 armés sur le territoire de l'ex-République socialiste de Croatie ?

10 R. Oui, tout à fait. Il y a eu des blocus, effectivement. Les casernes

11 étaient fermées, l'approvisionnement était également interrompu, c'est-à-

12 dire qu'il n'y a rien eu de particulier. Ce n'était rien de nouveau,

13 j'avais connaissance de tous ces événements.

14 Q. Est-ce qu'il y a eu un conflit armé ?

15 R. Oui, on a procédé à l'attaque de casernes. Si je me souviens bien, il y

16 a eu un événement tout près de Bjelovar lors duquel le commandant Tepic est

17 décédé. Il y a eu un grand nombre d'événements de ce type. Je témoigne

18 d'après ce que j'ai entendu dans les médias ou lu dans les journaux.

19 Q. Je vous remercie. Je ne vais plus vous demander de nous parler de cela

20 puisque c'est une information que vous avez reçue par les médias.

21 J'aimerais savoir quelle était la situation dans la municipalité de

22 Gracac ? Qu'est-ce que vous avez fait en hiver ?

23 R. A ce moment-là, on a procédé à la création du 9e Corps de Knin. Le 9e

24 Corps de Knin avait mobilisé tous les hommes en âge de porter les armes. A

25 l'époque, nous avons tous répondu à l'appel de la JNA, et nous sommes allés

26 à la guerre, c'est-à-dire, faire notre service militaire. On a reçu un

27 ordre concernant le blocus dans les casernes pour ce qui est des casernes

28 qui se trouvaient dans la région de responsabilité du corps de Knin.

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1 S'agissant du corps de Knin, pour vous parler franchement, il y avait

2 également la Brigade de Gracac. Je crois que c'était la 9e Brigade de

3 Gracac qui faisait partie de Knin.

4 Q. En donnant des détails sur votre vie, vous nous avez expliqué avoir

5 fait votre service militaire obligatoire au sein de la JNA et que c'était

6 en 1984, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Bien. Dans quelle armée est-ce que vous avez été ? Dans quelle arme de

9 l'armée est-ce que vous vous êtes trouvé ?

10 R. C'était les communications de Bjeline.

11 Q. Dans la Yougoslavie de l'époque, en 1991, est-ce que chaque homme en

12 âge de porter les armes avait une obligation militaire ?

13 R. Oui, à la fin de notre service militaire, nous avions tous été répartis

14 dans les forces de la Défense territoriale, c'est-à-dire que nous avions

15 des exercices à faire, et en cas de guerre, nous avions exactement nos

16 tâches et responsabilités.

17 Q. Monsieur Licina, lorsque vous dites que "Nous avons tous été répartis,

18 nous avions tous eu une obligation." Vous pensez à qui ? A tous les hommes

19 en âge de porter les armes indépendamment de l'appartenance ethnique ou

20 est-ce que vous parlez des hommes d'une nationalité particulière ?

21 R. Je parle à tous les conscrits de l'ex-République socialiste de

22 Yougoslavie. C'était la loi.

23 Q. Est-ce qu'il était obligatoire de répondre à la mobilisation ? Est-ce

24 que c'était une obligation prévue par la loi ? Est-ce que si l'on ne se

25 rapportait pas, est-ce qu'à ce moment-là on pouvait être sanctionné ?

26 R. Oui, absolument. Si jamais on ne répondait pas à l'appel, des sanctions

27 étaient prévues à cet effet.

28 Q. En 1991, à l'automne et en hiver de cette année, vous avez vécu à

Page 6425

1 Gracac. Vous avez reçu un appel pour faire votre service militaire, et vous

2 êtes allé vous rapporter où ?

3 R. Je suis allé voir l'unité de la Brigade de Gracac dans ma municipalité,

4 et selon mon obligation militaire, je faisais partie de cette unité.

5 Q. Est-ce que vous avez été mobilisé au sein d'une unité régulière de la

6 JNA ou est-ce que c'était la Défense territoriale qui faisait partie des

7 forces armées ?

8 R. C'était les unités de la Défense territoriale de cette armée. Il n'y

9 avait pas d'autres unités. Toutes les unités qui se trouvaient là étaient

10 des unités de la Défense territoriale. Il y avait très peu de soldats qui

11 faisaient leur service militaire.

12 Lorsque je parle de la Brigade de Gracac, je ne parle pas d'une autre

13 brigade qui est venue de l'extérieur; je ne parle que d'une brigade qui

14 était formée par les habitants de la municipalité de Gracac, donc les

15 conscrits militaires qui étaient mobilisés au sein de cette unité.

16 Q. Jusqu'à quand est-ce que vous avez été membre de cette unité, de cette

17 formation militaire ?

18 R. Je suis resté au sein de cette formation militaire jusqu'à l'arrivée de

19 la FORPRONU, c'est-à-dire, jusqu'à l'acceptation du plan de Vance et de la

20 répartition des forces selon les Nations Unies.

21 Q. En tant que membre des forces armées de la Yougoslavie, est-ce que vous

22 avez également pris part aux opérations militaires, et si oui, de quelle

23 opération s'agirait-il ?

24 R. Oui, tout à fait. J'ai participé à l'opération du déblocus de la

25 caserne de Sveti Rok. Sveti Rok est une localité qui se trouvait dans notre

26 municipalité. La Brigade de Gracac avait reçu pour devoir de procéder au

27 déblocus de la caserne de Sveti Rok. Sveti Rok se trouve dans la région de

28 la municipalité de Gracac. Il n'y avait pas très grand nombre d'effectifs.

Page 6426

1 En fait, c'était un très grand entrepôt militaire.

2 Q. Merci.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour pourvoir

4 mieux vous orienter dans l'atlas dont nous nous servons, vous pouvez

5 retrouver cette municipalité à la page 25, section D2, vers le milieu, un

6 peu plus à droite. Du centre, vous pouvez voir Gracac et les routes qui

7 mènent de Gracac. Vous pouvez voir Sveti Rok et Lovinac.

8 Q. Monsieur le Témoin, vous dites qu'il y a eu une tentative de procéder

9 au déblocus des casernes. Est-ce que cela veut dire qu'à Sveti Rok, il y

10 avait une installation militaire de la JNA ?

11 R. S'agissant de Sveti Rok, comme je vous ai dit un peu plus tôt, il y

12 avait un grand entrepôt de la JNA. C'était un grand entrepôt avec peu

13 d'effectifs. C'était un entrepôt des obus explosifs pour la région de la

14 Croatie, pour la Défense territoriale.

15 Q. Vous avez déjà dit qu'en tant que membre de la Défense territoriale,

16 vous avez été mobilisé et que l'on a procédé à une action menant à

17 débloquer ou lever le siège de la caserne. De qui s'agit-il ? Qui était

18 cette force ?

19 R. J'en ai déjà parlé un petit peu. Les casernes étaient assiégées. Donc,

20 il s'agit du conseil de la Garde nationale. Donc, c'était les forces du

21 MUP, du ministère de l'Intérieur ou du Corps des Gardes nationales établies

22 à Lovinac. C'étaient des forces légales établies dans la zone de Sveti Rok,

23 et c'est eux qui ont procédé aux attaques sur les casernes.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment est-ce que l'on a levé le

25 siège ?

26 R. C'était vers la mi-septembre 1992, c'est-à-dire, dans la deuxième

27 partie du mois de septembre 1991 ou 1992.

28 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi l'année.

Page 6427

1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

2 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle unité il s'agissait ? Avec

3 qui est-ce qu'il y a eu un conflit ? Est-ce que vous pouvez nous le dire ?

4 R. Oui. Justement, il y avait un conflit un peu plus tôt s'agissant de ce

5 territoire. Il y a d'abord eu un policier qui avait été blessé, un policier

6 du poste de police de Gracac. Je crois que l'homme s'appelait Miljus.

7 Ensuite, il y a eu la disparition de deux de nos citoyens de Gracac, Rajko

8 Dragosavac et Branko Veselinovic. Par la suite, un autre homme est décédé

9 deux jours plus tard. Il s'agissait d'un citoyen de notre localité. Il

10 s'appelait Srecko Kolundzic. Ensuite, nous avons essayé de lever le siège

11 de la caserne et de faire en sorte que les forces qui se trouvaient sur

12 place -- donc, de détruire leurs forces militaires, s'agissant des forces

13 militaires qui se trouvaient sur place.

14 Un combat effectivement a eu lieu. Lors de ce combat, deux de nos

15 combattants ont trouvé la mort lors de la première journée. Donc, on a eu

16 un conflit. Djuro Cedlan [phon] a été tué, et Nikolai Ivanic [phon].

17 C'était deux de nos combattants.

18 Q. Je vous remercie, Monsieur. Je vais vous interrompre pour quelques

19 instants.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, au transcript, on

21 peut lire que les événements se sont déroulés en septembre 1995. Je crois

22 qu'il s'agirait d'une erreur. Il faudrait lire, septembre 1991. Je

23 demanderais que l'on apporte cette correction au compte rendu d'audience.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

26 Q. Monsieur Licina, vous avez dit qu'à Lovinac et dans les localités

27 avoisinantes, on pouvait trouver des forces du ministère de l'Intérieur

28 croate et du Conseil national des Gardes. Vous avez également évoqué cinq

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1 noms de personnes décédées. Ces personnes étaient de quelle nationalité ?

2 R. Ces personnes dont je fais état ici, je parle d'un blessé et de cinq

3 hommes qui ont été tués. C'étaient des Serbes.

4 Q. Vous nous avez également expliqué que les conflits ou les combats ont

5 commencé. Pourriez-vous nous expliquer qui était votre adversaire ? Avec

6 qui est-ce que vous vous battiez ? Qu'est-ce que vous attaquiez ? Est-ce

7 que quelqu'un se défendait ? Y avait-il une riposte ? Pourriez-vous nous

8 expliquer comment étaient ces combats ?

9 R. Nos forces ont attaqué depuis l'endroit qui s'appelle Stikada. Stikada

10 se trouve dans une localité serbe alors que Rucice est l'endroit suivant.

11 Il s'agit d'un corridor entre deux montagnes, Velebit et Dresnik, un

12 corridor qui s'étend de trois à quatre kilomètres, et nos forces ont

13 pénétré, se sont déplacées, déployées, le long de ce corridor.

14 Les forces croates sont plutôt situées en forme de lettre T; Rucice

15 se trouve au bas. Ensuite, il y a Cerije [phon], et à gauche et à droite,

16 vous avez Sveti Rok et Lovinac. Donc, la caserne se trouvait à Sveti Rok.

17 Nos forces ont avancé depuis la direction de Gracac. Je l'ai déjà dit, que

18 lors de notre avancée, lors de ce combat, deux de nos hommes ont été tués

19 alors que les forces croates, pendant la nuit, ils sont sortis en direction

20 de Velebit, Velebit, Gospic. En fait, les forces croates ont laissé

21 derrière un territoire vide. Et si je ne m'abuse, la majorité de la

22 population est partie avec les forces croates.

23 Q. Est-ce que finalement on a pu lever le siège de la caserne ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous nous expliquer quels étaient les moyens avec lesquels on

26 a tenté de lever le siège de ces entrepôts -- dans ces entrepôts, qu'y

27 avait-il ?

28 R. Comme je vous l'ai déjà dit, la caserne de Sveti Rok était un entrepôt

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1 militaire. Il s'agissait d'un entrepôt qui appartenait à l'armée de Zagreb

2 et qui disposait d'explosifs. C'était très important. C'était l'entrepôt le

3 plus important dans cette région à 100 kilomètres à la ronde. S'agissant de

4 la taille de cet entrepôt, et bien voilà, je vais vous expliquer. Après que

5 le siège a été levé de la caserne et après notre entrée dans la caserne,

6 notre brigade, notre Brigade de Birac, qui se trouvait donc là, et a passé

7 sept, huit à dix jours, il nous a pris dix jours pour transporter tous les

8 moyens qui se trouvent à l'intérieur pour les placer à bord d'un camion. Il

9 s'agissait d'un entrepôt énorme et pour illustrer la taille de cet

10 entrepôt, pour vous dire que lorsqu'une compagnie entre à l'intérieur, nous

11 étions environ 50. On a travaillé toute la journée, mettons. Et pour vous

12 donner un exemple, on ne pouvait pas du tout voir le fruit de notre travail

13 n'était pas visible à la fin d'une journée entière de travail alors qu'on

14 était 50. Alors vous pouvez vous imaginer la taille de cet entrepôt.

15 Q. Est-ce qu'il y avait plusieurs entrepôts de ce type-là ?

16 R. Oui.

17 Q. Lorsque vous dites que ces entrepôts d'explosifs étaient destinés aux

18 besoins de l'armée, est-ce que c'était un entrepôt qui appartenait à la JNA

19 ou est-ce que c'était pour la Serbie et la Bosnie ?

20 R. Non. La JNA transportait plus loin ses explosifs dans leurs casernes.

21 Q. S'agissant de ces événements de Lovinac, nous avons entendu d'autres

22 explications. Certains témoins ont dit que la raison pour laquelle on a

23 procédé à l'attaque de Lovinac, c'était de former un territoire ethnique

24 pour les Serbes. Est-ce que cela correspond à ce que vous nous dites ?

25 R. Non, pas du tout. La population croate, effectivement, s'était retirée.

26 La plupart de la population croate est partie avec leurs forces, mais si je

27 ne m'abuse, il n'y avait absolument aucune perte.

28 La plupart de la population âgée était restée derrière. Je me

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1 souviens très bien de certaines personnes, ils étaient restés à Lovinac et,

2 par la suite, par la Croix-Rouge et avec l'aide de leurs familles, nous les

3 avons reconduits pour qu'ils puissent se retrouver avec les membres de

4 leurs familles.

5 Je me souviens qu'il y avait une situation un peu cocasse, un homme

6 qui se trouvait sur place et il était resté tout le long avec nous. C'était

7 un homme qui s'appelait Ante Pavelic. Pour vous expliquer qui était Ante

8 Pavelic, Ante Pavelic était le chef de la Croatie indépendante au cours de

9 la Deuxième Guerre mondiale, c'était une personne malfamée.

10 Q. Outre l'événement lié à Lovinac où il y avait cet entrepôt de la JNA,

11 est-ce que vous avez connaissance de d'autres localités ou d'autres

12 événements semblables, d'autres entrepôts ?

13 R. Dans d'autres municipalités, il y avait effectivement des municipalités

14 croates minoritaires à l'intérieur de certaines municipalités. Je ne veux

15 pas que cela semble péjoratif, mais je ne fais que mentionner le

16 pourcentage. Donc, dans la municipalité de Gracac, il y avait à Lovinac, la

17 municipalité de Knin, il y avait Kijevo, dans la municipalité d'Obrovac, il

18 y avait Krusevo et je crois qu'à Skabrnja, la municipalité de Benkovac et

19 dans la municipalité de Glina, je crois qu'il y avait Vidusevac, et cetera,

20 et cetera. En fait, vous pouviez avoir des exemples de ce type un peu

21 partout et c'était la raison pour laquelle il y avait ces crises sur nos

22 territoires. C'étaient ces installations qui provoquaient ces crises.

23 Q. Est-ce que vous pouvez nous parler d'une attaque sur une caserne de la

24 JNA en Croatie le long de la côte adriatique ?

25 R. Oui. Comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, outre ce que nous avions

26 vu à la télévision, j'ai parlé de cet événement à Split. Mais le long de la

27 côte adriatique, il y avait eu un événement à Zagreb. Les effectifs du

28 Corps de Knin s'étaient dirigés en direction d'une caserne pour lever le

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1 siège de la caserne de Zadar. Je crois que le commandant était Slavko

2 Lisica.

3 Q. Monsieur Licina, vous avez été l'un des fondateurs et membre des

4 dirigeants du SDS de Krajina ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez parlé des tendances politiques, de vos aspirations

7 politiques, et cetera. Est-ce que vous pouvez nous parler, s'agissant de la

8 période qui nous intéresse, août, décembre 1991, lors des réunions du parti

9 ou d'autres organes auxquels vous avez participé, est-ce que l'on a parlé

10 de l'expulsion d'une population croate pour rendre leurs vies impossibles,

11 de les tuer, des les arrêter, et cetera, est-ce que c'était l'objectif,

12 est-ce que cela faisait partie du programme de la politique du SDS ?

13 R. Non, jamais. Cela n'a jamais été un objectif du SDS. Comme je l'ai déjà

14 dit un peu plus tôt, le SDS était composé de membres d'autres nationalités.

15 Il y avait également des Croates qui faisaient partie du SDS. Et pour vous

16 confirmer ce que je dis, il y avait également des soldats qui étaient

17 membres de la Republika Srpska de Krajina et qui avaient été tués lors de

18 l'action de la poche de Medak, Jure Ivasic [phon] de Gracac. C'était un

19 Croate, il a été tué. Il était resté pendant toute la guerre avec nous et

20 il faisait partie de notre armée. Pour lui, cela était tout à fait normal.

21 Au cours de cette année, on a procédé à l'exhumation et on a en fait

22 exhumé les personnes tuées lors de l'opération Tempête. L'un des corps

23 exhumés, c'était le corps du Dr Drazan Koritnik et c'était un médecin à

24 Donji Lapac. Il était Croate et il vivait avec nous et parmi nous. Pendant

25 toute la guerre, il a vécu avec nous.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

27 Je crois que l'heure de la fin de cette session approche.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

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1 Je demanderais de passer à huis clos partiel, je vous prie.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

3 le Président.

4 [Audience à huis clos partiel]

5 (expurgé)

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20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous pouvons

24 maintenant lever et nous nous retrouverons de nouveau demain à 9 heures

25 dans cette même salle d'audience.

26 --- L'audience est levée à 17 heures 04 et reprendra le mardi 15 août 2006,

27 à 9 heures 00.

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