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1 Le lundi 21 août 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Je suis
6 certain que vous avez été surpris du fait que nous avons demandé au témoin
7 de sortir pour un instant.
8 J'aimerais que nous passions à huis clos partiel.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
10 Monsieur le Président.
11 [Audience à huis clos partiel]
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
5 J'aimerais qu'on fasse entrer le témoin à présent.
6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
8 Avant de commencer, j'aimerais vous rappeler que vous êtes toujours tenu
9 par la déclaration solennelle que vous avez faite le tout premier jour de
10 votre comparution devant ce Tribunal où vous vous êtes engagé à dire la
11 vérité, tout la vérité et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends très bien, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Grand merci.
14 Deuxièmement, permettez-moi de m'excuser de vous avoir demandé de sortir du
15 Tribunal, enfin du prétoire, parce que nous avons eu des questions
16 logistiques dont il a fallu traiter, choses qui sont censées être faites
17 sans avoir de témoin présent dans la salle d'audience. Merci.
18 Maître Milovancevic, vous en êtes toujours à interroger le témoin. Le
19 témoin est à vous. Merci.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Président.
21 LE TÉMOIN: TÉMOIN MM-096 [Reprise]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
24 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour.
25 R. Bonjour.
26 Q. Nous allons poursuivre de votre interrogatoire principal aujourd'hui.
27 Je tiens à vous rappeler que les mesures de protection qui vous ont été
28 attribuées par les soins des Juges de la Chambre sont toujours en vigueur,
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1 donc je vous demanderais de ne pas faire état des fonctions qui ont été les
2 vôtres lorsque nous sommes en audience publique. Lorsqu'il sera nécessaire
3 de le faire, nous passerons à huis clos partiel à chaque fois que des
4 renseignements seraient susceptibles de révéler votre identité.
5 Il y a une chose qui a force d'obligation pour moi également, à savoir, la
6 demande de faire des pauses entre mes questions et vos réponses afin que
7 les interprètes puissent être à même de faire leur travail. Je vous en
8 remercie par avance.
9 Pour finir, à la dernière des journées de votre interrogatoire, vendredi,
10 nous étions en train de parler -- ou plutôt, nous étions arrivés à un sujet
11 relatif à la situation à Drnis, et nous avons parlé du refus d'obéir de la
12 part des policiers de ce poste-là. Alors, pour en revenir un peu à ce
13 sujet, pouvez-vous nous dire quelle a été la raison pour laquelle ces
14 policiers ont refusé leur allégeance ?
15 R. Cette allégeance a été refusée, rejetée par les policiers de ce poste
16 de police de Drnis parce que ce soir-là on leur a donné ordre de démanteler
17 de façon policière, avec l'arme au poing, les barrages routiers qui avaient
18 été placées dans une localité se trouvant entre la municipalité de Knin et
19 celle de Drnis. Cela a été la première des missions qu'on leur avait
20 confiées à ce titre. Ils ont refusé de le faire, ils ont dit qu'ils
21 refusaient de cette façon de résoudre, pendant la nuit, le problème. Cela,
22 à leur avis, risquait de donner lieu à bien des victimes humaines, et ils
23 estimaient que cela pouvait être fait de jour, de façon paisible en
24 négociant sans qu'il y ait effusion de sang, parce que l'effusion de sang
25 risquait de faire en sorte que la situation soit détériorée dans l'ensemble
26 de la région et de répercuter sur les circonstances générales.
27 Q. Merci.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, pour que
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1 vous puissiez vous orienter, dans l'atlas que nous avons tous ici, Drnis se
2 trouve en page 25, dans le carré E3, vers le bas, tout à fait à droite de
3 cette page 25 du recueil de cartes que nous avons tous à notre disposition.
4 Un peu en dessous de Knin.
5 Q. Comme j'ai déjà indiqué aux Juges de la Chambre où se trouve Drnis sur
6 la carte, pouvez-vous nous dire à quelle distance se trouve Drnis de Knin,
7 Monsieur le Témoin ?
8 R. Drnis se trouve à peu près à 25 kilomètres de distance. Entre Knin et
9 Drnis, il y a environ 25 kilomètres.
10 Q. Rappelez-nous, une fois de plus, je vous prie, quelle a été la
11 composition du poste de police de Drnis, pour ce qui est de l'appartenance
12 ethnique des policiers à Drnis ?
13 R. Pour autant que je le sache, quoi que je n'aie pas connu l'ensemble des
14 détails puisque je n'ai pas travaillé là-bas, mais d'après ce que j'ai pu
15 savoir, c'est que le rapport entre les policiers serbes et les policiers
16 croates se trouvaient être plus ou moins à égalité. Il y avait très peu de
17 Musulmans.
18 Q. Dans votre réponse, lorsque vous avez expliqué que les policiers
19 avaient refusé de se conformer à l'ordre et d'utiliser leurs armes pour
20 lever les barrages routiers, pouvez-vous encore me dire qui est-ce qui a
21 donné cet ordre ?
22 R. Je l'ai appris ultérieurement de la bouche de la plupart des employés
23 de ce poste de sécurité publique de Drnis ainsi que de ce qu'a rapporté la
24 presse, cet ordre a été donné par le secrétaire du SUP, M. Ante Bujas.
25 Q. Rappelez-nous, s'il vous plaît, à la tête de quel SUP se trouvait être
26 M. Ante Bujas ?
27 R. M. Ante Bujas était secrétaire du SUP de Sibenik, ce qui fait qu'il
28 était le supérieur hiérarchique direct du poste de sécurité publique de
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1 Knin, de même que de ce poste de sécurité publique à Drnis.
2 Q. Autre chose au sujet du même événement. Vous nous avez dit que ce poste
3 de sécurité publique à Drnis était un poste à composition ethnique mixte,
4 pour ce qui est de ces policiers. Alors, pouvez-vous nous dire qui est-ce
5 qui a refusé d'exécuter l'ordre ? Etait-ce les policiers d'un seul groupe
6 ethnique ? Comment la chose s'est-elle présentée ?
7 R. L'ordre relatif à la réalisation de cette action a été rejeté par la
8 totalité des employés, mis à part le chef de poste de sécurité publique.
9 Indépendamment de leur appartenance ethnique, les Serbes, les Croates et
10 les Musulmans l'ont refusé. En plus, on avait demandé à ce que soient
11 convoqués les réservistes du territoire de la municipalité de Nis qui se
12 trouvaient être déjà affectés en tant que policiers de réserve à ce poste;
13 eux aussi ont refusé d'aller, l'arme au poing, vers les barrages routiers
14 pour les faire lever. Mis à part le chef du poste et un ou deux employés,
15 éventuellement encore à Drnis les autres ont refusé.
16 Q. Merci. Pouvez-vous nous rappeler une fois de plus la date, voire la
17 période dont il s'agit ?
18 R. Cet événement à Drnis, si je me souviens bien, se situe vers le 20 ou
19 le 22 août 1990.
20 Q. Exception faite de la situation que vous venez de décrire au sujet de
21 Knin et de celle de Drnis, avez-vous eu des informations pour ce qui est de
22 savoir si de telles tentatives ont eu lieu en d'autres endroits ?
23 R. Ultérieurement, j'ai appris que de Sinj vers Knin, il y a également eu
24 une tentative de réaliser une action de levée de barrages routiers à Cetina
25 ou Civljani, où il y a eu des échanges de tirs. Je pense qu'il n'y a pas eu
26 de blessés ni de morts de l'un ou de l'autre des deux côtés. Comme il y a
27 eu des ripostes, la police de Sinj a renoncé.
28 Q. Quand vous dites que la police qui est venue de Sinj a renoncé à
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1 attaquer le barrage routier, expliquez-nous qui est-ce qui se trouvait au
2 barrage routier et qui est-ce qui pouvait être le donneur d'ordres à
3 l'intention de la police, pour ce qui est de réaliser ce type d'opération ?
4 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] La caserne --
6 M. WHITING : [interprétation] J'ai une objection à soulever quant au
7 fondement d'un certain nombre de questions qui viennent d'être posées.
8 Le témoin a parlé de l'endroit où il se trouvait et des fonctions
9 qu'il exerçait à l'époque. Je me demande si avant d'entendre ce qui s'est
10 passé ailleurs, on pourrait établir le fondement de ses connaissances et ce
11 qu'il savait. Nous sommes sur le point d'aborder des sujets concernant les
12 personnes qui ont donné des ordres, et cetera, mais je me demande quel est
13 le fondement de ces questions.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas
16 trop m'attarder sur ce sujet. Toutefois, je pense que l'objection soulevée
17 par le Procureur est opportune. Je demanderai au témoin comment il a appris
18 ce qu'il vient de nous dire au sujet de Sinj et de Cetina. Je n'ai pas
19 éclairci cela avec le témoin antérieurement, et je suis d'accord avec
20 l'objection du Procureur.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Vous
22 pouvez donc poursuivre et rectifier le tir.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
24 Q. Monsieur le Témoin, Civljani et Cetina -- plutôt, Cilvjani, à ce
25 propos, pouvez-vous nous dire à quel endroit se trouvent ces deux localités
26 de Knin ?
27 R. Les localités de Cetina et de Civljani se trouvent également à quelque
28 25 kilomètres de distance de Knin. Elles sont situées dans la direction de
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1 Sinj. Ces endroits relèvent encore du poste de sécurité publique de Knin et
2 se trouvent à la frontière de la zone de responsabilité du poste de
3 sécurité publique de Knin. Ces deux localités sont situées à proximité de
4 Sinj et relevaient du poste de sécurité publique de Knin.
5 Q. Merci beaucoup.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et
7 Messieurs les Juges, ces endroits se trouvent à la page 25 de l'atlas,
8 carré E3, en bas à droite de la page. Vous verrez les villages de Civljani,
9 Kijevo, à droite. Un peu plus haut du côté droit se trouve Knin.
10 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous aviez appris cela plus tard.
11 Qui vous a parlé de l'avancement en direction de Cetina ?
12 R. Nous avons reçu des appels de gens du coin qui nous ont expliqué la
13 situation. Ils nous ont dit qu'il y avait des tirs, qu'une attaque avait
14 été lancée, et c'est comme cela que j'ai appris ce qui se passait. Certains
15 policiers de mon poste de police étaient originaires de ces localités. Ils
16 travaillaient à Knin. Plus tard, lorsqu'ils sont venus travailler, ils nous
17 ont parlé de cette tentative d'attaque, c'est ainsi qu'ils l'ont décrite.
18 Il y a eu des tirs contre la caserne tenue par des civils, et des policiers
19 qui avaient été envoyés de Sinj sont revenus plus tard. On en a parlé dans
20 les journaux également. C'étaient mes anciens collègues de Split qui m'en
21 ont parlé. Je travaillais à Split précédemment. Des unités avaient été
22 mises en place et envoyées à Sinj, puis à Cetina et à Civljani pour régler
23 la situation à la caserne, ou plutôt pour lever les barrages routiers et
24 aider à rétablir la circulation le long des routes. Ce qui s'est passé est
25 de notoriété publique, ce n'est pas un secret.
26 Pour ce qui est de Drnis, je connais mieux la situation, car j'étais
27 membre d'un comité de la police ou SUP de Sibenik. La plupart des employés
28 du poste de sécurité publique de Drnis qui a été démantelé peu après cela
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1 ont été envoyés au poste de sécurité publique de Knin. C'est là où je me
2 trouvais. Ce sont eux qui m'ont raconté ce qui s'était passé.
3 Q. Merci beaucoup. Vous dites que le poste de Drnis, après ces événements
4 survenus aux alentours du 20 août, ce poste a été démantelé. Qui s'en est
5 chargé, qui a démantelé ce poste de police, qui a envoyé les policiers au
6 poste de sécurité publique de Knin ?
7 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas qui a donné l'ordre de démanteler le
8 poste de sécurité publique de Drnis. Je ne sais pas si l'ordre venait de
9 Zagreb ou de Sibenik. Quoi qu'il en soit, le poste de police a été
10 officiellement démantelé.
11 Ce que je veux dire par là, c'est qu'au début, il y a eu un
12 questionnaire dans lequel on demandait aux policiers s'ils souhaitaient
13 quitter le poste de police. Il était dit qu'ils seraient autorisés à se
14 rendre dans d'autres villes où ils pourraient continuer à travailler au
15 sein des forces de police. Il était également dit que ceux qui voulaient
16 rester le pouvaient. Sur la base de cela, la plupart des policiers ont dit
17 qu'ils voulaient aller à Knin. Certains se sont retrouvés à Gracac,
18 d'autres à Sibenik, et cetera.
19 Les décisions officielles de les muter de Drnis vers d'autres
20 endroits en Croatie ont été signées par Ante Bujas, qui était le chef du
21 SUP de Sibenik. Ce poste de police relevait également de leur compétence.
22 Q. S'agissant des événements survenus entre le 17 août 1990, donc les
23 événements qu'on appelait la révolution des troncs d'arbres, savez-vous si
24 M. Martic a eu quoi que ce soit à voir avec ces événements ? Comment a-t-on
25 fini par l'associer à cette date ? Comment est-il devenu une personnalité
26 publique ?
27 R. Plusieurs jours après que l'on ait emmené les hommes du poste de
28 police, il y avait les actualités à la télévision croate, et on a donné
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1 lecture d'un rapport selon lequel M. Martic avec trois policiers du poste
2 de sécurité publique de Knin, Nikola Mamovic [phon], Zelenbaba Milenko,
3 Amanovic [phon] et Celic ont été suspendus. On n'a pas précisé pourquoi,
4 mais il a été question d'indiscipline. Ceci était sans doute en rapport
5 avec les événements entourant la pétition signée en juillet 1990.
6 Après que l'on ait parlé de cela à la télévision, les gens de Knin et
7 des environs ont commencé à se réunir pour protester contre la décision qui
8 avait été annoncée ce soir-là à la télévision. Moi-même, je me trouvais en
9 ville et je me suis rendu compte qu'il y avait un rassemblement devant le
10 poste de police. Je suis allé là-bas pour voir ce qui se passait.
11 Lorsque je suis arrivé, il y avait déjà une foule assez importante
12 devant le poste de police. Les gens protestaient, ils voulaient entrer à
13 l'intérieur du poste de police et ils voulaient détruire le bâtiment. Ils
14 étaient furieux à cause de la décision qui avait été prise. J'ai voulu
15 calmer les gens qui étaient réunis là, et il y avait un porte-voix à
16 l'intérieur du poste de police, je m'en suis saisi afin de m'adresser aux
17 gens qui se trouvaient à l'extérieur du poste de police. Je leur ai demandé
18 de rester calmes et j'ai dit qu'il n'y avait absolument aucune raison pour
19 ce rassemblement. Je leur ai dit que tout serait résolu de façon légale.
20 J'ai dit que les tribunaux compétents se chargeraient de résoudre cela.
21 Lorsque j'ai essayé de m'adresser aux gens, les gens ont commencé à
22 entonner des chants et à exprimer leur mécontentement. On m'a qualifié
23 (expurgé)
24 , je venais juste de commencer à travailler là, donc je n'étais pas bien
25 considéré par les gens du coin, et ils ont exprimé haut et fort ce qu'ils
26 ressentaient à mon égard.
27 Le Dr Dusan Zelenbaba et Jovan Opacic, qui étaient députés à
28 l'assemblée de Knin, se sont également adressés à la foule rassemblée à
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1 l'extérieur du poste de police. Il devait y avoir entre 3 000 et 4 000
2 personnes. Ils ont dit à la foule qu'il fallait rester calmes, que les
3 Serbes n'allaient pas lancer d'attaque, qu'ils les défendraient ou quelque
4 chose de ce genre. Mais la foule a demandé haut et fort à ce que Martic
5 s'exprime et dise ce qu'il ressentait au sujet de sa suspension et de celle
6 de ses collègues.
7 La situation était très difficile de façon générale, car il y avait
8 plusieurs personnes au poste de police qui n'avaient pas signé la pétition
9 de juillet, la pétition qui avait été présentée en juillet 1990. Donc, les
10 gens rassemblés ont appelé leurs noms, ils voulaient lâcher les policiers
11 serbes qui n'avaient pas signé la pétition, et le danger était bien réel.
12 On craignait que les gens entrent à l'intérieur du poste de police et tuent
13 ces personnes. C'était très chaotique, et l'un des policiers s'est senti
14 mal. Quelqu'un a essayé de l'aider, mais les officiers dont j'ai parlé se
15 sont échappés par la porte de derrière.
16 Il y avait des journalistes, des journalistes croates et des
17 correspondants étrangers sur place également. Je sais que finalement Martic
18 s'est adressé à la foule. Peu de temps après cela, quelques minutes après
19 peut-être, je ne sais pas exactement, toujours est-il que je l'ai entendu
20 parler. Je l'ai entendu qui s'adressait à la foule. Quelqu'un a lancé la
21 rumeur selon laquelle une attaque aurait été lancée contre Knin depuis
22 Sinj. Je ne sais pas ce qui s'est passé exactement, mais la foule s'est
23 dispersée et tout le monde est rentré chez soi pour aller chercher des
24 armes ou pour s'enfuir. Donc, le rassemblement s'est arrêté là.
25 Le lendemain dans l'après-midi, étant donné que les yeux du monde
26 entier étaient tournés vers Knin, on était au milieu de la saison estivale
27 et le conflit armé commençait à se faire jour, tout cela perturbait
28 grandement la circulation le long de la côte adriatique et toutes ces
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1 nouvelles ont été diffusées dans le monde entier.
2 Le lendemain, il y avait une équipe de journalistes croates sur les
3 lieux, une journaliste et son caméraman. Ils ont demandé à prendre des
4 photos à l'intérieur du poste de police, notamment dans la pièce où nous
5 gardions nos armes. Ils voulaient voir ce qui s'était passé exactement. Ils
6 ont demandé à parler aux témoins oculaires. Moi-même, je n'étais pas au
7 poste de police, mais près du poste de police. Ils ont réussi à
8 s'entretenir avec Milan Martic qui leur a dit que tant qu'il serait
9 responsable de la police, le drapeau à damier n'arriverait jamais à Knin.
10 Le caméraman filmait cela en tenant sa caméra dans la main. Cela a été
11 diffusé dans les actualités du soir le jour même. C'était très important,
12 la première fois que Milan Martic apparaissait à la télévision nationale,
13 et pas n'importe comment, c'était assez grandiloquent.
14 Quelques jours plus tard, à une réunion, il a été décidé de lever la
15 suspension des trois autres policiers, et on leur a dit qu'ils pourraient
16 retourner au travail dès que possible. Milan Martic a malgré tout été
17 suspendu. Cette décision n'a pas été révoquée.
18 Q. Merci.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Maître Milovancevic,
20 quelques éclaircissements.
21 Monsieur le Témoin, au début de votre réponse, vous avez dit : "Quelques
22 jours après que les armes eurent été prises du poste de police," vous
23 parliez des armes qui ont été prises au poste de police de Knin dont vous
24 avez parlé la semaine dernière ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Inutile de nous fournir une
27 longue explication. Je voulais simplement tirer les choses au clair.
28 Lorsque vous dites : "Un peu plus tard, les officiers que j'ai mentionnés
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1 se sont échappés par la porte de derrière."
2 De quels policiers voulez-vous parler ? Cela se trouve à la page 15, ligne
3 15 du compte rendu d'audience. Cela commence, en fait, à la ligne 14.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit que plusieurs
5 policiers s'étaient enfuis du poste de police. Je veux parler des policiers
6 qui n'avaient pas signé la pétition présentée au mois de juillet 1990. Cela
7 concernait les huit Serbes qui n'avaient pas signé la pétition, et un peu
8 plus tôt, je parlais de trois ou quatre d'entre eux.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
10 Maître Milovancevic, vous vous rendez compte certainement que la réponse du
11 témoin a été très longue. Vous ne vous attendiez pas sans doute à une
12 réponse aussi longue. Essayez donc de faire en sorte que votre témoin soit
13 plus concis.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci de vos instructions, Monsieur le
15 Président. Je suis tout à fait conscient de la longueur de la dernière
16 réponse fournie par le témoin. Mais si vous me le permettez, je vais vous
17 expliquer cela en quelques mots. La raison en est que cet événement a été
18 très débattu, et le bureau du Procureur s'en est beaucoup servi. Donc, je
19 voulais simplement donner au témoin l'occasion de nous dire tranquillement
20 ce qu'il savait à ce sujet. Les réponses futures seront sans doute plus
21 courtes.
22 Q. Monsieur le Témoin, qu'en est-il des postes de police, des postes de
23 sécurité publique, est-ce qu'ils avaient la possibilité de donner des
24 permis de port d'armes aux citoyens ?
25 R. Oui. Les postes de police étaient habilités à délivrer des permis de
26 port d'armes aux citoyens qui souhaitaient obtenir, porter et garder une
27 arme à feu. Il s'agissait le plus souvent de pistolets ou de revolvers.
28 Cela incluait aussi l'achat de fusils de chasse et de carabines.
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1 Q. Merci beaucoup. En ex-Yougoslavie, et pas seulement à Knin, mais dans
2 l'ensemble de l'ex-Yougoslavie, que fallait-il faire pour posséder
3 légalement une arme ? A qui fallait-il s'adresser ?
4 R. Pour être légalement en possession d'une arme à l'époque, il y avait
5 une loi sur les armes à feu. Chaque république disposait de ses propres
6 lois en la matière. Il fallait présenter une demande, à un service des
7 affaires intérieures. Donc, il fallait présenter une demande et motiver
8 celle-ci, c'est-à-dire expliquer en quoi il était nécessaire de posséder
9 une arme pour la personne qui demandait d'obtenir un permis de port
10 d'armes. C'était généralement pour des raisons de sécurité personnelle ou
11 pour des raisons professionnelles. Des marchands ou les personnalités
12 politiques qui étaient parfois menacés, donc ces gens demandaient souvent
13 un permis de port d'armes. Ensuite, on examinait les demandes, et dans le
14 cas des chasseurs, il s'agissait bien entendu souvent de fusils de chasse
15 et de carabines.
16 Q. Vous dites que l'on présentait une demande et que cette demande était
17 ensuite examinée. Il appartenait donc aux policiers de décider qui serait
18 autorisé ou non à posséder une arme ?
19 M. WHITING : [interprétation] Objection. La question est directrice.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais retirer ma question, Monsieur le
22 Président. Effectivement, elle était directrice.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
24 Q. Qui décidait de délivrer ou non ces permis de port d'armes ?
25 R. Les organes du ministère de l'Intérieur. En fait, il y avait deux
26 étapes, en quelque sorte. Premièrement, il fallait présenter une demande.
27 Ensuite, la personne compétente dans le département compétent s'occupait de
28 traiter la demande, ce qui signifie concrètement que les inspecteurs de
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1 police sur le terrain procédaient à une vérification concernant la personne
2 qui avait présenté la demande. On s'assurait que cette personne n'était pas
3 agressive ou susceptible d'abuser de cette arme. On vérifiait le casier
4 judiciaire ou on vérifiait si la personne ne souffrait pas d'une maladie
5 mentale. Donc, c'étaient ces genres de vérifications générales auxquelles
6 on précédait.
7 Ceci était fait par un comité dont le siège se trouvait à Knin. C'est
8 ce comité qui était chargé d'examiner toutes les demandes. Lorsque ce
9 comité se réunissait, on prenait des décisions concernant les demandes.
10 Lorsqu'on faisait droit aux demandes, on établissait une liste des
11 personnes à qui on autorisait de posséder une arme. Cette liste était
12 ensuite transmise à Knin avec l'ensemble du dossier, puis au SUP de
13 Sibenik, il y avait une autre réunion pour discuter de ces demandes.
14 Q. Qui avait le dernier mot en la matière ?
15 R. L'un de mes collègues du SUP de Sibenik. Il y avait un comité spécial,
16 donc il y avait le secrétaire et ses collaborateurs qui étaient membres du
17 comité.
18 Q. A l'époque, est-ce que le SUP de Sibenik se conformait généralement à
19 une législation en vigueur pour ce qui est de ces demandes ?
20 R. Il y avait de nombreuses demandes présentées à l'époque, mais
21 l'inflation faisait rage à ce moment-là. En fait, il y avait beaucoup plus
22 de demandes que d'habitude, non seulement dans la région de Knin, mais
23 également dans la région de Drnis, dans la région de Sibenik. Tout le monde
24 présentait ses armes accompagnées de certificat certifiant qu'ils avaient
25 passé un examen et qu'ils savaient se servir des armes en question. Les
26 demandes se sont empilées, et l'un des points à l'ordre du jour pour le
27 comité était d'examiner ces demandes pour ce qui est de l'autorisation de
28 posséder des armes à feu.
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1 Au début, c'était facile parce qu'il n'y avait pas beaucoup de demandes,
2 mais par la suite, il y a eu des problèmes, car la situation à Drnis, Knin
3 et Sibenik est devenue de plus en plus compliquée. Lors de nos réunions,
4 nous parlions de ce problème, et d'habitude, le dernier point à l'ordre du
5 jour était l'examen de ces demandes. Une fois, je me suis adressé au
6 secrétaire de Knin à ce sujet, et il m'a dit : nous en parlerons la
7 prochaine fois. Une semaine plus tard, j'étais de nouveau là, nous avons
8 examiné l'ordre du jour et nous avons soulevé ce même point. Je lui ai
9 demandé ce que nous ferions avec les armes, car les citoyens présentaient
10 toutes ces demandes et nous étions tenus par la loi de répondre de façon
11 positive ou négative à ces demandes dans les 30 jours à compter du dépôt de
12 la demande. Il m'a dit : Si c'est un Serbe, ne fais pas droit à la demande;
13 si c'est un Croate, fais droit à la demande. J'étais en minorité lors de
14 cette réunion. La situation n'était pas agréable. Cela n'aurait servi à
15 rien de m'opposer à cela, car tout ce que j'aurais pu dire n'aurait rien
16 changé.
17 Q. Merci. Est-ce que pendant cette période des activités illégales liées à
18 l'achat d'armes se déroulaient ?
19 M. WHITING : [interprétation] Objection.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.
21 M. WHITING : [interprétation] Je pense que la question est vague. Je ne
22 suis pas sûr de ce à quoi elle fait référence.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons
25 entendu parler des activités légales allant dans ce sens. Je parle des
26 activités "illégales" liées à l'achat d'armes. Si je disais plus, cela
27 aurait été une question directrice. Je suppose que le témoin, en tant
28 qu'employé du tribunal, était au courant de ce genre de chose. C'est pour
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1 cela que je lui ai posé cette question.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne devriez-vous pas demander de quelle
3 manière les gens sur le terrain se procuraient ces armes, plutôt que de lui
4 suggérer que ceci se faisait de manière illégale, peut-être ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le problème,
6 c'est qu'il était possible de se procurer des armes seulement de manière
7 légale. Tout le reste était illégal. Or, c'est une notion extrêmement
8 vaste, et c'est la raison pour laquelle j'ai choisi cette forme-là de ma
9 question. Si vous considérez que votre question est plus correcte, je peux
10 la poser de cette manière-là, puisque le fond de la question ne changera
11 pas.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que compte tenu de
13 l'objection selon laquelle la question était vague, il vaux mieux procéder
14 ainsi.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question.
16 Q. Mis à part cette question légale, cette manière légale dont les gens se
17 procuraient les armes, est-ce que vous savez quelque chose au sujet d'achat
18 d'armes d'autres manières ? Là, je parle de la période d'août, septembre
19 1990.
20 R. Au cours de la période août, septembre 1990 et par la suite, les armes
21 étaient la question principale au sujet de laquelle les parties faisaient
22 de leur mieux pour ce les procurer. Tout le monde se cherchait des armes.
23 Personne ne voulait plus acheter une voiture ou autre chose. La priorité
24 allait aux armes s'agissant des achats.
25 Je me souviens qu'à l'époque des personnes inconnues ont fait irruption à
26 plusieurs reprises dans des wagons de train qui partaient de Split et
27 allaient dans d'autres parties de la Yougoslavie. A la gare de Knin, par
28 exemple, parfois les gens faisaient irruption dans les wagons dans lesquels
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1 étaient les armes qui avaient un problème de fonctionnement et qui étaient
2 envoyées par l'armée dans un bureau spécialisé à Hadzici qui se trouve près
3 de Sarajevo. Lors de tels incidents, lorsqu'il y avait ces cambriolages
4 dans les trains, les armes étaient confisquées, les armes étaient prises.
5 La première fois, il s'agissait de dix fusils et la fois d'après il y avait
6 cinq ou six fusils. Ce vol a fait l'objet d'une plainte, donc plusieurs
7 personnes du département de sécurité militaire se sont déplacées dans la
8 région en asseyant de parler avec les gens pour les persuader de rendre ces
9 armes. Il y avait plusieurs appels anonymes au cours de cette période reçus
10 par le poste de police portant sur l'endroit où se trouvaient ces armes.
11 Nous avons réussi à les reprendre au bout de quelques jours seulement, puis
12 une fois nous avons identifié l'auteur. Nous l'avons découvert et nous nous
13 l'avons envoyé devant le tribunal de Split, et il a été jugé là-bas.
14 Certaines personnes ont également été impliquées dans le commerce illégal
15 d'armes de la Deuxième Guerre mondiale, de veilles armes, des fusils
16 allemands et italiens et d'autres types d'armes qui sont restés de la
17 Deuxième Guerre mondiale.
18 Les gens se procuraient des armes aussi en falsifiant les permis de port
19 d'armes. A chaque fois que nous accordions ce genre de permis, nous
20 utilisions un formulaire spécial. Les gens parfois obtenaient ces
21 formulaires d'une certaine manière et ils les remplissaient simplement. Il
22 s'agissait de faux permis, grâce auxquels ils obtenaient des armes. Les
23 armes étaient vendues dans des magasins civils. Personne ne surveillait les
24 achats. Ces permis étaient ensuite renvoyés à nous afin de les classer dans
25 les dossiers, afin de leur attribuer un numéro.
26 Q. Merci. Vous nous avez répondu de manière détaillée. Vous nous avez dit
27 à un moment donné que personne n'achetait plus de voitures, mais seulement
28 les armes. Pourquoi ?
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1 R. Les gens vivaient dans la peur pour leurs vies et leurs biens
2 personnels. La situation était de plus en plus complexe. Les journaux
3 légaux arrivaient à Knin de toutes les parties; de la Yougoslavie, de
4 Belgrade, de Split, de Zagreb. On avait des informations au sujet de locaux
5 qui avaient été minés, des appartements, des locaux commerciaux dont les
6 propriétaires étaient des Serbes ou les entreprises dont le siège était en
7 Serbie, qui était miné dans certaines parties de Croatie, le long de la
8 cote ou à Zagreb. Puis les kiosques étaient brûlés dans d'autres régions,
9 par exemple, à Zagreb. Les kiosques qui vendaient les journaux de Belgrade
10 étaient brûlés et la même chose se passait à Knin. Des explosifs ont été
11 posés dans des kiosques dont les propriétaires étaient des entreprises à
12 Zagreb ou Split.
13 La situation devient plus complexe. Les gens commençaient à avoir
14 peur et voulaient se procurer des armes, des fusils de chasse, un pistolet
15 afin d'avoir un certain degré de sécurité.
16 Q. Merci.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous pourrions précéder à une pause.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que je peux poser une
19 question au témoin à ce stage-ci.
20 Monsieur le Témoin, vous nous avez parlé du fait que les fusils avaient été
21 pris des trains. Est-ce qu'il s'agissait des trains publics ou des trains
22 militaires ? Il n'y avait pas de gardes qui accompagnaient le transport de
23 ces armes à feu ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame le Juge, il s'agissait des trains qui
25 circulaient de manière normale. Il s'agissait pour la plupart des trains
26 transport de marchandises, et un grand nombre de personnes qui vivaient
27 dans la région travaillaient dans les chemins de fer. Ils savaient ce que
28 cela voulait dire le dépôt à Hadzici. C'est à Hadzici que l'on réparait les
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1 armes. Si une structure militaire envoyait quelque chose à Hadzici, tout le
2 monde savait qu'il s'agissait des armes qui devaient certainement être
3 réparées là-bas. Avant, personne n'osait toucher à cela, car les gens
4 savaient qu'il s'agissait des armes et que cela risquait d'être dangereux.
5 Mais maintenant, compte tenu de la situation, les gens, justement, sachant
6 qu'à l'intérieur il y avait des fusils, ils cambriolaient ces trains
7 justement pour se procurer les armes.
8 Je pense que j'ai répondu à votre question. Par la suite, par le
9 biais de nos actions, nous avons repris tous ces fusils automatiques, et
10 nous les avons rendus à l'armée.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaite vous poser une autre
12 question. A l'époque dont nous sommes en train de parler, sur la base de
13 vos connaissances, diriez-vous que le nombre d'armes obtenu de manière
14 illégale par les citoyens était plus important que le nombre d'armes
15 délivré de manière légale et régulière par le biais de la police ou de
16 l'autorisation donnée par la police ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait beaucoup d'armes qui
18 circulaient à l'époque. Comme je le disais, il y avait des armes qui sont
19 restées de la Deuxième Guerre mondiale. Les gens avaient déjà commencé à
20 fabriquer des grenades à main primitives; ils les fabriquaient eux-mêmes.
21 Ils prenaient des écoles, la partie principale de la grenade, et le reste,
22 ils les fabriquaient eux-mêmes.
23 Parfois, il y a eu des accidents. Je me souviens d'un accident dans
24 le cadre duquel une personne est morte sur un champ, car elle avait jeté un
25 engin explosif et elle a été victime de cet incident. Les gens ont utilisé
26 parfois aussi des armes de trophée. Les gens n'étaient pas formés,
27 entraînés pour utiliser ces armes de manière appropriés. Il y avait des
28 calibres différents. La situation était chaotique, mais pratiquement rien
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1 ne pouvait être fait, car sinon, cela aurait voulu dire commencer une
2 guerre contre le peuple. Même mon commandement supérieur n'était pas prêt à
3 faire cela.
4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] A cette époque-là, est-ce que le
5 peuple que vous ne pouviez pas désarmer, conformément à votre propre
6 décision, est-ce que ces gens-là disposaient de plus d'armes que la police
7 et les autorités régulières à l'époque ? Est-ce que vous vous êtes retrouvé
8 face à un tel scénario ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame la Juge, à cette époque-là, la police
10 avait des armes militaires, fusils automatiques, des grenades et tout le
11 reste à sa disposition. Cependant, nous n'avons pas pu procéder aux
12 désarmements de ces gens-là qui étaient sur ces barrages routiers, car ceci
13 aurait provoqué une situation extrêmement difficile. Ni moi, ni mes
14 policiers, ni personne au-dessus de nous, nous ne considérions pas qu'il
15 faille procéder à un tel désarmement de la population.
16 Nous avons considéré - d'ailleurs c'est ce que je pense encore
17 aujourd'hui - à cette époque-là, la seule possibilité était d'agir de
18 manière politique. Cette situation pouvait être résolue seulement de
19 manière politique, en faisant appel, pour des raisons concrètes, à la
20 population de rendre ses armes. Car les gens avaient caché ces armes depuis
21 la Deuxième Guerre mondiale, sans jamais les sortir, ni en abuser, et à ce
22 moment-là, ils ont considéré que le moment était venu pour qu'ils sortent
23 ces armes de leur endroit caché. Ces armes avaient été cachées pendant plus
24 de 40 ans, et à ce moment-là, ils sortaient les armes de leurs caches.
25 Comme je l'ai dit, par exemple, les armes qui avaient été prises des
26 trains, nous ne les avions pas retrouvées de manière classique, en
27 procédant à fouille des gens et des installations. Nous avons agi de
28 manière politique.
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1 Nous avons expliqué aux gens que ces armes n'étaient pas nécessaires,
2 que ces armes n'étaient pas en état de fonctionnement, qu'ils avaient
3 intérêt à les rendre et qu'ils risquaient de subir des peines graves car
4 ceci était tout à fait illicite de s'approprier de telles armes. C'est
5 ainsi que nous avons réussi à persuader les gens à rendre ces armes.
6 Seulement dans le cadre d'un incident, nous avons détecté l'auteur qui a
7 fait l'objet de poursuites.
8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
9 Témoin. Merci beaucoup.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
11 Q. Répondant à la question de Mme le Juge, vous avez dit, Monsieur le
12 Témoin, que dans une telle situation, il fallait agir de manière politique.
13 Est-ce qu'en 1992 des tentatives avaient été faites visant à calmer la
14 situation de manière politique ? Est-ce qu'il y a eu des délégations qui
15 venaient ? Est-ce qu'il y avait des discussions ? Est-ce qu'il y avait une
16 autre manière qui avait été essayée afin de résoudre la situation ?
17 R. Je me souviens d'une telle situation - je ne sais pas si c'était en fin
18 de septembre ou début octobre 1990 - à ce moment-là, une haute délégation
19 est venue à Knin, constituée du vice-président du gouvernement fédéral,
20 Aleksandar Mitrovic, et d'autres membres du gouvernement fédéral, de même
21 que les membres du gouvernement de la république, de Zagreb. Je me souviens
22 également que le ministre de l'Intérieur de la Croatie faisait partie de
23 cette délégation-ci; Josip Boljkovac. Eux, ils se sont entretenus avec les
24 représentants politiques de Knin, dans la forteresse de Knin. Je pense que
25 cette réunion avait été organisée afin de baisser les tensions. Je pense
26 qu'ils se sont mis d'accord, ils essayaient de se mettre d'accord afin que
27 les barrages routiers soient écartés, afin de résoudre la situation. Je
28 n'étais pas membre d'une quelconque délégation dans le cadre de cet
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1 événement, mais j'en ai entendu parler.
2 Ma tâche portait sur la sécurisation de cette réunion, de faire en
3 sorte que les participants puissent arriver jusqu'à la forteresse de Knin
4 et en repartir par la suite sans aucun problème. Je me suis effectivement
5 acquitté de ma tâche. Je peux dire qu'à la fois la télévision et les autres
6 auraient pu faire plus. Il n'y a pas eu d'appels sincères des deux côtés,
7 d'ailleurs, visant à calmer la situation. Il n'y a pas eu de sincères
8 appels aux négociations non plus.
9 Q. Vous avez dit qu'à cette époque-là, en septembre, plus précisément
10 1990, le championnat européen en athlétisme a eu lieu à Split. Savez-vous
11 quelque chose au sujet de la sécurité dans le cadre de cet événement, et
12 notamment, les mesures de sécurité par rapport à Knin et la région de
13 Knin ?
14 R. Si je me souviens de cette période-là, je peux dire que je sais qu'à ce
15 moment-là deux réunions ont eu lieu près de Knin; d'un côté, l'événement
16 Sinj Alka, près de Knin, à Sinj, qui était un événement qui avait lieu une
17 fois par an, et deuxièmement, il s'agissait de ce championnat en athlétisme
18 à Split.
19 Le SUP de Sibenik a délivré une directive visant à calmer la situation et
20 les tensions aux barrages routiers, et il essayait de calmer la situation
21 et dire qu'il ne fallait pas toucher aux barrages routiers, car ceux-ci
22 étaient dans l'intérêt de la République de Croatie, étant donné qu'il
23 s'agissait d'une période où il y avait beaucoup d'athlètes et d'invités
24 étrangers. Ils souhaitaient éviter des incidents, car sinon ces événements
25 risquaient d'être annulés. C'est pour cette raison-là qu'ils essayaient de
26 calmer la situation et ils ont demandé à nous, membres du MUP, de ne pas
27 faire monter les tensions dans la région de Knin.
28 Je me souviens qu'à la fin de ces championnats d'Europe en natation
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1 qui ont eu lieu à Split, on m'a demandé de permettre le passage paisible de
2 la police de Zagreb qui était chargée de la sécurité de cet événement à
3 Split, car Knin se trouvait sur la route entre Zagreb et Split, et ils ont
4 demandé de permettre à cette unité de traverser Knin sans aucun problème.
5 Ils considéraient que ceci allait contribuer à ce que les choses se
6 calment, que les tensions se calment des deux côtés. J'ai essayé de
7 contribuer à cela, et avec mes collaborateurs au poste de police, nous nous
8 sommes penchés sur la situation en matière de sécurité dans la municipalité
9 de Knin. Nous avons essayé de vérifier par le biais de nos collaborateurs
10 et leur relation à quoi ressemblait la situation dans les villages, par où
11 cette colonne devait passer. Au bout de quelques jours, j'ai reçu la
12 réponse que ceci risquait d'avoir des conséquences extrêmement négatives
13 car la population ne faisait pas confiance au MUP ni à leur direction. Ils
14 considéraient qu'ils allaient profiter de l'occasion pour lancer une
15 attaque contre la police, le poste de police de Knin, qu'ils allaient
16 démanteler là comme ceci avait été le cas déjà à Drnis et qu'ils allaient
17 s'opposer aux citoyens.
18 Les citoyens les font comprendre qu'ils allaient prendre partie au
19 conflit. Dans ce cas-là, j'ai présenté cette situation au chef de la police
20 de Sibenik, Ante Bujas. Effectivement, il a renoncé à cette action. Par la
21 suite, lorsque j'ai lu les mémoires et les livres écrits par des hommes
22 politiques différents de l'époque, Vrdoljak, à l'époque avait une fonction
23 au sein du gouvernement croate, et par la suite il est devenu le président
24 du comité olympique croate, il a dit qu'à cette époque-là Spegelj, qui
25 était le ministre de la Défense croate à l'époque, il a dit
26 qu'effectivement ils avaient voulu profiter de l'occasion et qu'ils avaient
27 un plan selon lequel ils allaient attaquer le poste de police de Knin et
28 qu'ils allaient arrêter certaines personnes et imposer l'ordre dans la
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1 ville.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je
3 pense que le moment est venu pour la pause déjà, mais je souhaitais
4 permettre au témoin de terminer sa réponse avant de procéder à la pause.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons faire une
6 petite pause et nous allons revenir ici à 16 heures.
7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.
8 --- L'audience est reprise à 15 heures 58.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, à vous.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur le Témoin, dans les questions posées jusqu'à présent, nous
12 avons parlé d'un sujet, à savoir, sous bien des réserves, qui est celui de
13 la circulation routière, la situation au niveau des routes dans le secteur
14 de Knin et au-delà. Savez-vous nous parler de la situation au niveau des
15 transports ferroviaires dans cette même période, à savoir, septembre et
16 octobre 1990 ?
17 R. Comme je vous l'ai déjà indiqué, les transports ferroviaires se
18 déroulaient par le biais de Knin vers des destinations différentes. Je
19 dirais qu'au début, cela s'est passé de façon normale. Pour ce qui est des
20 aspects techniques, je dirais que les trains ont circulé de façon
21 régulière. Mais il n'y a pas eu beaucoup de passagers parce que la
22 situation était déjà tendue. Les trains de passagers avaient bien moins de
23 voyageurs qu'avant, et la plupart des gens, par peur, avaient préféré
24 contourner cette région.
25 Comme je l'ai déjà dit, il y a eu des cambriolages par effraction dans les
26 wagons à marchandises. Vers le mois de septembre, je dirais qu'il y a eu
27 des dégâts occasionnés au niveau des voies ferrées par pose d'explosifs ou
28 par pose d'obstacles sous forme de grandes pierres, de gros cailloux, ce
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1 qui fait que les trains ne pouvaient plus passer. D'habitude, c'est des
2 coups de fil anonymes que des gens passaient au poste de police pour dire
3 que la voie ferrée a été minée à tel ou tel endroit et que cette dernière
4 n'était pas utilisable. De plus en plus, les trains ont fait des arrêts, la
5 circulation, le trafic a connu des problèmes.
6 Q. Merci. Alors lorsque vous recevez ce type d'information comme policier,
7 étant donné que vous étiez des policiers, interveniez-vous ? Etes-vous
8 allés sur les lieux ?
9 R. Une fois informés, on agissait comme à l'accoutumée. Etant donné que la
10 pose d'explosifs était qualifiée de délit pénal grave, il y avait des
11 équipes chargées d'un constat sur les lieux qui étaient constituées,
12 moyennant un inspecteur opérationnel. Un technicien en police judiciaire y
13 allait recueillir des traces au niveau du constat sur les lieux, et il y
14 avait un juge d'instruction qui se déplaçait. Parfois même quelqu'un du
15 ministère public y allait. Ultérieurement, moins de gens du ministère
16 public se sont déplacés, mais un constat sur les lieux a été fait, on
17 recensait, on notait tout ce qui pouvait être remarqué, et une enquête
18 était ouverte. Ensuite, des équipes de l'entreprise des chemins de fer y
19 allaient pour remédier à la situation, mais cela durait, et entre-temps,
20 les trains attendaient.
21 Q. Merci. Est-ce qu'à l'occasion de l'une quelconque de ces enquêtes, il
22 vous a été donné la possibilité de découvrir les coupables ?
23 R. Pour autant que je m'en souvienne à présent - et cela s'est passé il y
24 16 ans - je dirais que personne n'a été identifié comme étant l'auteur de
25 ces délits au pénal. C'était difficile à découvrir parce que ces types de
26 choses survenaient à l'extérieur des agglomérations, à l'extérieur ou au-
27 delà des endroits où il y avait circulation de personnes. C'était en
28 général des endroits peu accessibles, ce qui fait qu'il était posé des
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1 explosifs là où il nous était difficile de trouver des témoins oculaires.
2 Et les auteurs, la plupart du temps, étaient restés indécelables.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que c'est qu'une équipe
4 CSI ?
5 L'INTERPRÈTE : La cabine française précise que c'est une abréviation
6 figurant au compte rendu d'audience en anglais. L'interprète précise qu'il
7 s'agit d'une équipe chargée d'enquêter sur les lieux du crime.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Vous pouvez continuer, Maître Milovancevic.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Q. Alors s'agissant de cette situation au niveau des voies ferrées, avez-
12 vous contacté le ministère, que ce soit à Zagreb ou ailleurs, qui était
13 chargé de ce type de questions ? Parce que c'étaient des atteintes graves à
14 l'ordre public; donc en vue de remédier à la situation, qu'avez-vous fait ?
15 R. Suite à ces événements, nous informions l'administration des chemins de
16 fer, le bureau de Knin lui-même. Nous informions le SUP de Sibenik, et eux,
17 ils informaient le QG du MUP à Zagreb. Donc, nous informions tous ceux qui
18 étaient intéressés au niveau des chemins de fer nationaux.
19 Je me souviens qu'une équipe de hauts responsables des chemins de fer
20 de la République de Croatie s'était déplacée. Ils étaient venus à six ou
21 sept. C'étaient la plupart du temps des directeurs ou des chefs de secteurs
22 au niveau du directoire des chemins de fer croates à Zagreb. Comme je vous
23 l'ai déjà dit, ils étaient venus à l'improviste au poste et à
24 l'administration des chemins de fer à Knin. J'ai été convoqué à cette
25 réunion. Il a été constaté à cette occasion-là que les transports
26 ferroviaires sur le secteur de Knin se déroulaient très mal, ce qui fait
27 que cela se déroulait très mal au niveau de la Croatie, par voie de
28 conséquence. C'est la raison pour laquelle ils avaient voulu se rendre
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1 personnellement compte de la situation sur les voies ferrées. C'est donc à
2 l'aide d'une composition constituée de deux ou trois wagons et d'une
3 locomotive qu'ils se sont dirigés de Knin vers Zadar, en direction de
4 Kistanje. A cette fin, je leur ai attribué une escorte de deux ou trois
5 policiers qui les ont suivis à bord de ce train. Je ne sais pas comment
6 s'appelait cette localité, mais c'était à une vingtaine de kilomètres de
7 Knin que le train, dans une espèce de gorge, avait dû s'arrêter compte tenu
8 d'un grand nombre de rochers sur la voie ferrée, ce qui a rendu impossible
9 tout passage du train. Bien entendu, les employés des chemins de fer qui se
10 trouvaient à bord du train ainsi que les policiers se sont donc dirigés en
11 direction de la gorge en question, mais quelqu'un leur a tiré dessus depuis
12 cet endroit-là. Et pour ne pas risquer ou ne pas prendre de risques, ils
13 ont rebroussé chemin. La patrouille de police a fait un rapport, et les
14 hauts responsables des chemins de fer de Zagreb ont oralement dit qu'ils ne
15 voulaient pas prendre de risques et ils sont retournés à Knin.
16 Peu de temps après leur déplacement vers le terrain et après ce vécu
17 à titre personnel, ils ont conclu du fait que les transports ferroviaires
18 via Knin étaient devenus impossibles, et je pense que c'est à ce moment-là
19 que les transports ferroviaires ont été interrompus et qu'ils n'ont jamais
20 repris jusqu'à la fin de la guerre.
21 Q. Merci. Vous avez expliqué que pour ce qui est des barrages routiers, le
22 SUP de Sibenik vous avait donné instructions de ne rien faire par la force
23 et de ne réagir que dans des situations d'incidents. Vous avez d'ailleurs
24 décrit l'un de ces incidents. Quelle était la fréquence à laquelle
25 survenaient lesdits incidents ? Vous en souvenez-vous ? Y a-t-il eu des
26 incidents ailleurs ?
27 R. Il y a eu des incidents, des déclarations de personnes faites par des
28 gens qu'on ne laissait pas passer par les barrages routiers. Nous avons été
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1 informés aussi par Sibenik de la nécessité d'envoyer des policiers au
2 niveau des barrages routiers pour voir ce qui se passait. Je me souviens du
3 fait d'un événement où une somme d'argent a été saisie au barrage routier,
4 et la police a essayé de déterminer qui en a été l'auteur. Il y a eu donc
5 des incidents de ce type aux barrages routiers. Je dirais que cela se
6 passait à des intervalles de quelques jours, à chaque fois.
7 Q. Quelles étaient les instructions du SUP de Sibenik pour ce qui est de
8 l'attitude à adopter vis-à-vis des barrages routiers ? J'entends,
9 instructions à l'égard de ce poste de police de Knin.
10 R. D'habitude, ils demandaient à ce que soit déterminé qui a été l'auteur
11 ou le fautif dans l'incident en question, déterminé ce qui s'est passé, si
12 tant est qu'il y a eu plainte de vol, de saisie de biens d'individus. Mais
13 ils n'ont pas insisté auprès de nous autres, policiers, pour ce qui était
14 de procéder à l'identification des fautifs, parce qu'ils le faisaient
15 autrement. Ils envoyaient des collaborateurs, ils envoyaient des personnes
16 qui étaient censées reconnaître les fautifs par le biais des services de
17 renseignement, ce qui fait que les services du ministère de l'Intérieur se
18 sont procurés des renseignements au sujet des intéressés qui étaient
19 présents à l'emplacement de ces barrages routiers.
20 Q. Aurais-je raison de dire ou vous ai-je bien compris s'agissant des
21 incidents qui vous ont été rapportés au poste de police de Knin, vous avez
22 réagi, vous êtes allés sur les lieux ?
23 R. Oui, nous sommes allés sur les lieux une fois que plainte a été
24 déposée. Nous allions sur place pour déterminer les faits, autant que faire
25 se pouvait.
26 Q. Merci. Cela suffit.
27 Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que vers la fin du mois de juillet 1990,
28 en votre qualité de poste de sécurité publique aux côtés d'autres postes de
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1 sécurité publique, vous avez assuré la sécurité du rassemblement à Srb et
2 vous avez mentionné l'adoption d'une déclaration. Vous avez été plutôt
3 détaillé. Alors dites-nous, dans la position des instances de l'Etat, du
4 SUP, des municipalités et autres instances de l'administration de l'Etat, y
5 a-t-il eu quoi que ce soit de modifié vis-à-vis du rapport ou de l'attitude
6 adoptée à l'égard de l'autorité de l'Etat, de la république, ou la
7 situation est-elle restée inchangée ?
8 R. D'après ce que j'en sais, suite à cette déclaration à Srb, pour ce qui
9 est de la structure organisationnelle, si c'est de cela que vous parliez,
10 les choses sont restées les mêmes. Nous n'avons pas remarqué des
11 changements au niveau de la hiérarchie des supérieurs ou des subordonnés au
12 niveau de la police, si c'est de cela que vous parliez.
13 Q. Merci. De qui le poste de police ou de sécurité publique à Knin, de
14 juillet 1990 à la fin de l'année 1990, a-t-il reçu des fonds pour les
15 salaires ?
16 R. Les fonds destinés au versement des salaires et à la couverture des
17 frais de fonctionnement pour ce qui est des besoins matériels et
18 techniques, toutes ces ressources nous venaient, comme jusque-là, de la
19 part du ministère de l'Intérieur de la Croatie ou du SUP de Sibenik. Nous
20 avons fonctionné comme si les temps étaient des plus normaux.
21 L'approvisionnement en carburant, en pièces détachées, le système d'accès
22 aux transmissions étaient les mêmes, quand nous envoyions des dépêches ou
23 quand nous en recevions. Nous avons communiqué de façon normale. Nous avons
24 continué à percevoir nos salaires. Il y a eu à ce moment-là des
25 augmentations énormes de salaires au niveau des instances de l'Intérieur.
26 Tous ces moyens-là nous parvenaient de la part du ministère de l'Intérieur
27 de Croatie, à Zagreb.
28 Q. Vous avez décrit la situation au niveau des chemins de fer. Vous avez
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1 parlé des barrages routiers. Quelle a été la situation au niveau de la
2 sécurité publique à Knin, puisque vous étiez au poste de police ou de
3 sécurité publique à Knin ? Est-ce que la situation là s'est améliorée,
4 détériorée ? Pouvez-vous étoffer votre propos ?
5 R. Lorsque vous avez une situation qui n'est pas aménagée dans un secteur
6 et lorsque des mesures ne sont pas prises ou de bonnes mesures ne sont pas
7 prises pour surmonter la situation, il est certain qu'avec le temps qui
8 s'est écoulé, il a dû y avoir une détérioration de la situation. Pour ce
9 qui est de la sécurité, la situation s'est détériorée. Les gens se sont
10 armés. L'autorité de la police n'a fait que s'affaiblir, et il en allait de
11 même des autorités, ce qui fait que la discipline s'est détériorée et des
12 pressions n'ont fait que croître. Quand je parle de situations qui ont crû,
13 j'entends qu'il y a eu des incidents en Croatie dans des villes qui se
14 trouvent à proximité immédiate de Knin, notamment les villes sur le
15 littoral. Cela s'est répercuté également sur la situation de Knin. La
16 situation au niveau de la sécurité s'est détériorée et les gens ont
17 commencé à avoir peur, tant Serbes que Croates. La peur s'est infiltrée
18 insidieusement et les gens ont eu peur pour leur avenir, notamment pour ce
19 qui est de ceux qui étaient minoritaires. Ils ne savaient pas ce qui allait
20 advenir d'eux le lendemain.
21 Q. Merci. Vous avez dit que pour ce qui est de décembre 1990, des choses
22 typiques ou des décisions typiques ont été prises, décisions qui ont eu des
23 conséquences pour ce qui est des événements à venir en République de
24 Croatie. A quoi vous êtes-vous référé ?
25 R. Je me souviens du fait que vers la mi-décembre, vers le 20 décembre,
26 donc c'est vers la Saint-Nicolas qu'il a été décidé de créer une SAO de la
27 Krajina. Juste un jour après, il y a eu proclamation d'une constitution en
28 Croatie. Je ne sais pas si c'était une décision relative à la sécession ou
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1 à l'indépendance. Je sais que les deux événements sont en corrélation
2 étroite. Il y a eu donc la proclamation de la SAO de la Krajina, et tout de
3 suite après, dans l'espace d'un jour ou deux, il y a eu l'autre décision.
4 Q. Merci. Alors pour ce qui est de votre travail au niveau de cette
5 station ou de ce poste de sécurité publique, entre la mi-juillet et cette
6 période-là, vous avez continué à communiquer de façon normale avec Sibenik.
7 Est-ce que vous êtes allé tant à Sibenik et à Zagreb pour contacter
8 l'administration du ministère de l'Intérieur, et l'avez-vous faire
9 régulièrement ?
10 R. A partir de ma nomination à ce poste jusqu'à la fin de 1990, je me suis
11 régulièrement rendu dans l'une et l'autre de ces villes, donc au SUP de
12 Sibenik et de Zagreb, au ministère de l'Intérieur à Zagreb. J'y allais
13 également à titre exceptionnel quand la nécessité l'exigeait. J'allais me
14 faire communiquer mes missions, présenter la problématique, les analyses,
15 j'allais entendre des briefings. Donc j'allais dans les deux villes, tant à
16 Sibenik qu'à Zagreb, au niveau des réunions des responsables directs, pour
17 surmonter les difficultés.
18 Q. Vous êtes resté à votre poste jusque-là; y a-t-il eu des changements
19 d'intervenus entre-temps ?
20 R. Je crois que vers décembre 1990, il y a eu un incident grave. Il y a eu
21 un policier de tué et un autre policier de blessé. Ils étaient en train de
22 patrouiller vers Obrovac, dans la nuit, dans les alentours d'Obrovac.
23 C'étaient des membres du poste de sécurité publique de Benkovac. Un
24 policier, Goran Olamanja [phon], et il y en a eu un autre de blessé. Un
25 troisième policier n'a pas été remarqué par les attaquants, ce qui fait
26 qu'il n'a pas été blessé.
27 Le lendemain, de Zadar, il nous a été confié une mission. Pourquoi de
28 Zadar ? Parce que le poste de sécurité publique d'Obrovac et de Benkovac
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1 relevait des attributions de Zadar. C'est de là que nous est arrivée une
2 dépêche demandant à retrouver une personne, un individu du groupe ethnique
3 serbe pour l'appréhender et l'emmener à Zadar, parce qu'il a été soupçonné
4 d'avoir tué une personne, le policier Olamanja Goran, et d'avoir attaqué et
5 blessé plusieurs policiers.
6 Mon adjoint a fini par retrouver l'intéressé. Nous avons procédé aux
7 formalités, et cet homme-là a été emmené à Zadar pour être interrogé et
8 pour faire l'objet d'une procédure au pénal. Il y a eu bon nombre d'autres
9 incidents.(expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 Q. Merci.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, au début
19 de la réponse de ce témoin dans cette partie, peut-être faudrait-il rédiger
20 un segment, parce qu'il est question du poste qu'il avait occupé, et là où
21 il disait qu'il ne pouvait pas continuer à exercer ses fonctions. Donc je
22 ne vais pas reprendre, mais toujours est-il qu'il faudrait l'expurger. Il a
23 demandé à être révoqué parce qu'il ne pouvait pas continuer à assumer ses
24 fonctions de… Alors je ne vais pas, moi, les dire, mais je crois que cette
25 partie-là devrait être expurgée.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais il ne dit pas quelles
27 étaient ses fonctions à l'époque. Il dit juste : "Je ne pouvais pas
28 continuer à exercer les mêmes fonctions." Mais si, pour des raisons de
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1 sécurité, vous estimez --
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, oui. Excusez-moi. La traduction a
3 été faite de façon à ce que les conditions requises se trouvent à être
4 satisfaites. Dans la langue maternelle, cela a été dit quelque peu
5 autrement. Merci.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic.
7 M. Whiting est en train d'intervenir.
8 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse. Juste par
9 excès de précaution, si dans la langue du témoin, une chose a été dite et
10 que cela n'a pas été traduit, ce sera toujours diffusé en B/C/S, et cela
11 peut constituer une difficulté du point de vue de l'endroit à expurger.
12 Mais j'estime que nous devrions prendre en considération l'indication
13 avancée par le conseil de la Défense et procéder à la rédaction de cette
14 partie de texte une fois que cette partie sera retrouvée.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. Peut-être pourrions-nous
16 procéder à l'expurgation de cette page 37, courant de la ligne 14, donc de
17 la phrase qui commence à cette ligne 14, jusqu'à la ligne 20. Je crois que
18 cela engloberait la partie concernée. Merci. Donc, il en a été décidé de la
19 sorte. Ligne 14, où l'on dit : "Ceci m'a amené à me sentir mal à l'aise"
20 jusqu'à le bout de phrase où il est question de "la fin décembre," en ligne
21 20. Voilà.
22 Maître Milovancevic, vous pouvez continuer.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur le Témoin, à partir du moment où vous avez été affecté à ce
25 poste de sécurité publique de Knin, donc juillet 1990 et fin décembre 1990,
26 vous a-t-il été donné la possibilité de rencontrer M. Martic, qui y était
27 employé à ce poste de sécurité publique ? Que sauriez-vous nous dire au
28 sujet de ses fonctions et de son travail ?
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1 R. Bien sûr que je l'ai rencontré, que je l'ai vu, notamment à l'occasion
2 de ces événements lors de sa suspension. Je l'ai vu au quotidien, il venait
3 au travail, il accomplissait les missions qui lui étaient confiées par son
4 supérieur hiérarchique, et je lui en ai confié moi-même de temps en temps.
5 Pendant la période de suspension, à savoir, vers la fin du mois d'août
6 1990, à compter de mon arrivée jusque-là, je peux dire qu'il a accompli ses
7 devoirs de façon professionnelle. Il n'y a rien eu à lui reprocher. Je
8 dirais même qu'il l'a fait de façon très réussie. C'était l'un des
9 inspecteurs les plus remarqués pour ce qui est de la découverte et
10 l'identification des auteurs de crimes.
11 Pour ce qui est maintenant de la période qui a suivi à sa suspension et à
12 sa comparution devant la commission disciplinaire de Sibenik, où une
13 procédure a été diligentée à son égard et il n'a pas voulu se présenter, je
14 ne l'ai vu que très rarement par la suite, parce que j'étais pour la
15 plupart du temps lié à mes activités au bureau, où je suis allé faire des
16 déplacements vers Zagreb ou Sibenik, vers les institutions concernées.
17 Donc, comme j'allais à l'extérieur de la ville, je n'ai pas pu le voir. Et
18 quand bien même je le rencontrais, c'étaient des rencontres plutôt brèves
19 où nous avons échangé des propos plutôt protocolaires.
20 Q. Encore une question au sujet de cette période au poste de sécurité
21 publique de Knin. Pendant des années, vous avez travaillé au sein de la
22 police; comment décririez-vous les activités du poste de sécurité publique,
23 pour ce qui est de la mise en œuvre des règlements en vigueur ? J'espère
24 que ce n'est pas une question directrice.
25 R. Si on compare cette période à Knin avec la période précédente où je
26 m'occupais d'activités plus ou moins similaires, je dirais que les missions
27 et le travail étaient très différents. Avant cela, je n'aurais pas pu
28 imaginer me retrouver dans une situation où les gens ont perturbé la
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1 circulation, porté des armes, où il y avait des troubles de l'ordre public
2 non suivis de sanctions. Mais telle était la situation, et à l'époque, nous
3 avons pensé qu'il était mieux pour nous qui travaillions au poste de
4 sécurité publique de travailler de cette manière. Nous voulions en effet
5 éviter d'aggraver la situation. Il était facile de s'occuper de situations
6 qui pouvaient être réglées facilement, mais en l'occurrence, la situation
7 ne pouvait pas être réglée facilement. Je parle ici de meurtres et d'autres
8 incidents du même acabit.
9 Les autres postes de sécurité publique voisins avaient des problèmes
10 également, je veux parler de ceux de Drnis, Benkovac, Obrovac. Les
11 policiers d'autres villes de Croatie avaient également des problèmes, car
12 la situation chez eux était difficile également en raison des événements.
13 Comme je l'ai déjà dit, on faisait exploser des voitures serbes, des
14 maisons, des commerces, et cela commençait à se produire à Knin également.
15 Ce que je cherche à vous expliquer, c'est qu'il était difficile
16 d'appartenir à un groupe ethnique différent. Lorsque vous étiez en
17 minorité, il était difficile d'être un policier serbe dans les villes
18 côtières ou ailleurs. C'était difficile à Knin également. A tord ou à
19 raison, toujours est-il que les gens craignaient pour leur vie, pour leurs
20 biens. Les gens avaient commencé à partir. Il y avait des échanges de
21 biens. Les Serbes échangeaient leurs biens avec les Croates qui venaient à
22 Knin. Il y a eu de nombreux échanges de propriétés. On a également demandé
23 aux gens, si les gens étaient près à accepter le pouvoir du HDZ, l'autorité
24 de la République de Croatie, car à l'époque la majorité des Serbes était
25 considérée comme un facteur gênant. Les Serbes étaient considérés comme des
26 ennemis du futur Etat indépendant de Croatie.
27 Q. Merci. Nous parlons ici de la position des différentes communautés
28 ethniques, notamment à Knin. Est-ce que vous nous dites que cette situation
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1 difficile était la conséquence de la politique menée par le poste de la
2 sécurité publique, la politique de la municipalité ou autre chose ? Est-ce
3 que vous pourriez nous expliquer ce que vous voulez dire, plus
4 précisément ?
5 R. La position difficile des Croates qui vivaient dans la région de Knin,
6 dans la ville et dans la municipalité, n'était pas le fait du travail du
7 poste de sécurité publique de la municipalité ou d'autres institutions. Je
8 dis cela pour ce qui est du poste de sécurité publique. Nous voulions
9 faciliter la vie des gens. Nous voulions les protéger contre d'éventuelles
10 attaques ou autres, mais dans les faits, la situation était très difficile.
11 Comme je l'ai dit, tout ce qui s'était passé plus tôt en Croatie et dans
12 les environs se ressentait également à Knin. Cela prenait une forme
13 différente à Knin.
14 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui se passait à l'extérieur
15 de Knin et en quoi cela a eu une incidence sur la situation à Knin ?
16 R. J'ai dit tout à l'heure que la persécution des Serbes a commencé en
17 Croatie. Des biens ont été détruits, il y a eu des menaces ouvertement
18 formulées sur les lieux de travail, à l'école. La politique générale qui
19 était menée était illustrée dans les médias qui bombardaient les gens
20 d'informations de ce genre. Les médias, qu'ils soient de Zagreb, de
21 Belgrade ou de Split, diffusaient toujours des reportages où les leurs
22 étaient toujours représentés comme des victimes. On ne disait pas qu'il y
23 avait des victimes des deux côtés. La situation se détériorait au fil des
24 jours. Les gens essayaient d'échapper à cette situation et se rapprocher de
25 leur propre communauté. Ils allaient s'installer dans des régions où leur
26 groupe ethnique était majoritaire. Les Croates de Knin allaient dans des
27 villes croates, alors que les Serbes de Zagreb arrivaient à Knin et
28 d'autres municipalités serbes.
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1 Q. Compte tenu des fonctions que vous exerciez de l'institution dans
2 laquelle vous travaillez, est-ce que vous avez pu contrôler tout cela ?
3 R. Les autres employés du poste de sécurité publique et moi-même, nous
4 n'avons pas pu changer beaucoup la situation. Tout cela était alimenté par
5 la politique générale, par la presse. Nous étions un organe exécutif, et
6 nous agissions conformément aux directives et aux ordres que nous
7 recevions, d'ailleurs. Il ne nous appartenait pas de mettre en œuvre une
8 politique quelle qu'elle soit.
9 Q. D'après vous, qu'est-ce qui a caractérisé le début l'année 1990 ? Que
10 faisait le poste de sécurité publique de Knin à l'époque ?
11 R. Comme je l'ai déjà dit, j'ai démissionné de mon poste. Je l'ai fait
12 oralement. Je souhaitais que l'on me démette de mes fonctions. Le 5 janvier
13 1991, lorsque l'on a mis en place le SUP de Knin, j'étais soulagé.
14 J'entends par là que l'on m'avait soulagé d'une responsabilité très
15 importante. Je n'étais plus responsable au plan moral de ce qui se passait.
16 J'ai anticipé ce qui pourrait arriver par la suite.
17 Le 5 janvier 1991, le SUP de Knin a vu le jour et le poste de
18 sécurité publique de Knin est devenu partie intégrante du SUP de Knin.
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait expurger le
22 compte rendu d'audience et supprimer la phrase où il est question du poste
23 de sécurité publique de Knin ainsi que la phrase qui suit ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demande que l'on supprime du compte
25 rendu d'audience les lignes 4 et 5 de la page 43. Je suppose que c'est de
26 cela que vous voulez parler, Maître Milovancevic ?
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que vous voulez parler du
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1 passage qui commence à la ligne 25 de la page 42.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, la dernière phrase.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Page 43, lignes 3 à 5, ce
4 passage sera supprimé du compte rendu d'audience.
5 Vous pouvez continuer.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
7 Q. Etes-vous en mesure de nous dire qui a décidé de mettre en place le SUP
8 de Knin; si vous ne le savez pas, dites-le-nous.
9 R. Je pense que la décision pour la création du SUP de Knin a été prise
10 par les autorités de SAO de Krajina. Cette décision a été signée au nom de
11 l'assemblée par Milan Babic.
12 Q. Vous avez déclaré qu'au début du mois de janvier 1991, le SUP de Knin
13 avait vu le jour, et vous avez également dit que jusque-là, les activités
14 de la police de Knin étaient financées par le ministère de l'Intérieur de
15 Croatie. Que s'est-il passé ensuite pour ce qui est du financement ?
16 R. Lorsque le SUP de Knin a été mis en place, le financement et
17 l'assistance technique fournis par le MUP de Croatie à Knin ont été
18 suspendus. A partir de ce moment-là, c'est le SUP de Knin qui s'est chargé
19 du financement et des salaires. A l'époque, nous n'avions pas de budget.
20 Nous n'avions pas de fonds. Je me souviens que les gens transportaient ou
21 importaient de l'argent en leur nom ou au nom d'autres personnes. L'argent
22 venait des communautés locales, des municipalités locales, de différentes
23 organisations, et tout cela était mis dans un pot commun pour financer nos
24 activités.
25 Q. Le SUP de Croatie a cessé de financer le SUP de Knin, n'est-ce pas ?
26 R. Oui. Lorsque le SUP de Knin a vu le jour, le MUP de Croatie a cessé de
27 financer ses activités.
28 Q. S'agissant des salaires, ai-je raison de dire que les salaires étaient
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1 payés grâce aux dons des citoyens ?
2 R. Oui, c'est ce que je voulais dire lorsque j'ai déclaré qu'ils nous
3 apportaient de l'argent. Cela se faisait à titre volontaire. Les gens
4 donnaient ce qu'ils pouvaient. Ceux qui pensaient pouvoir recueillir de
5 l'argent mettaient en place des initiatives, établissaient des listes, et
6 se présentaient au SUP de Knin pour remettre l'argent.
7 Q. Est-ce que vous receviez régulièrement votre salaire, et quel était le
8 montant de ces salaires ?
9 R. C'est difficile à dire. Je ne me souviens pas bien du montant des
10 salaires à l'époque. Je pense qu'ils étaient entre 6 millions de dinars. Il
11 y avait le chiffre 6, en tout cas, mais ce n'était pas un bon salaire;
12 c'est le moins qu'on puisse dire. On ne le recevait pas non plus
13 régulièrement. Mais les gens avaient des réserves et ils espéraient que la
14 situation allait s'améliorer. Ils ont continué à travailler pour survivre,
15 pour garder leur travail et ils espéraient des temps meilleurs.
16 Q. Vous dites que le 4 janvier 1991 ou le 5 janvier 1991, le SUP de Knin a
17 vu le jour. Est-ce qu'il y a eu un changement dans les compétences ou dans
18 la manière dont le travail était organisé au sein du SUP ?
19 R. Après la création du SUP de Knin, il y a eu toute sorte de changements.
20 Le poste de sécurité publique de Knin, celui de Benkovac, celui de Gracac,
21 de Lapovac [phon], d'Obrovac, peut-être de Korenica également, mais je n'en
22 suis pas sûr, sont devenus partie intégrante du SUP de Knin. Leur
23 commandement supérieur était le SUP de Knin. Ce n'était plus Zadar ou
24 Gospic, dont ils relevaient dorénavant.
25 Q. Merci beaucoup. Après ces changements, est-ce que les policiers ont
26 continué à vaquer à leurs activités habituelles ?
27 R. Lorsque le SUP de Knin a été créé, la décision a été prise par la SAO
28 de Krajina, par l'assemblée de la SAO de Krajina, et Milan Martic a été
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1 nommé chef du SUP. (expurgé)
2 (expurgé)
3 Q. Malheureusement, je crois qu'il faut supprimer la dernière phrase qui
4 vient d'être dite du compte rendu d'audience.
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] On fait mention à cet endroit des
6 nouvelles fonctions occupées par le témoin.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je demande que les lignes
8 23 et 24 de la page 45 du compte rendu d'audience soient supprimées.
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant de poursuivre, il a été
12 question de 6 000 ou 6 millions de dinars. Est-ce qu'il s'agit d'un salaire
13 mensuel ou annuel ? Est-ce que vous pouvez tirer cela au clair, car je ne
14 suis pas sûr très bien compris cela.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Madame le Juge.
16 Q. Monsieur le Témoin, vous avez mentionné des salaires et le montant de
17 ces salaires.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Cela ne changera pas la réponse, mais il
19 s'agit simplement d'une explication. Ma question ne portait pas sur le
20 montant; je vous demandais simplement si le montant était aussi élevé
21 qu'auparavant et cela suffisant.
22 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ce montant était mensuel ? Est-ce que
23 vous pourrez nous dire cela ?
24 R. Ce montant de 6 000 ou de 6 millions de dinars correspondait au salaire
25 mensuel, mais l'inflation était telle qu'on ajoutait tout le temps des
26 zéros.(expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 6834
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous sommes dans la même situation que
4 tout à l'heure. Le témoin a parlé du salaire qu'il recevait en sa qualité
5 de, et cetera.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je m'en suis rendu compte nous
7 allons devoir expurger le compte rendu.
8 Est-ce que l'on pourrait supprimer la phrase qui commence à ligne 23 de la
9 page 46, par les mots : "Je sais que…" jusqu'à la fin du paragraphe page
10 47, ligne 3.
11 Etant que nous parlons de ce sujet, je trouve qu'il y a une énorme
12 différence entre 6 000 et 6 millions. On se souvient forcément de ce
13 chiffre. Si j'étais payé 6 millions de dinars et si tout à coup je ne
14 recevais plus que 6 000 dinars, je m'en rendrais compte. On doit forcément
15 se souvenir de ce genre de chose.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Parfois, en une seule journée, votre
17 salaire pourrait passer de 6 millions à 6 000, ou de
18 6 000 à 6 millions. On ne peut pas acheter la même chose, ou certains
19 produits coûtaient tout à coup cinq fois plus. En fait, l'inflation était
20 énorme et les salaires ont changé. Il était question de millions. Je peux
21 obtenir des informations plus précises du témoin. Il serait intéressant de
22 se référer au taux de change avec le mark allemand, mais je pense que cela
23 nous ferait perdre de temps. Cela n'a pas d'incidence sur le témoignage.
24 J'espère que cette explication vous suffit.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous crois sur parole, mais je
26 pensais simplement qu'il y avait une différence tellement énorme entre 6
27 000 et 6 millions. Quelques soient les facteurs économiques, cela me
28 paraissait énorme, mais j'accepte ce que vous dites.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Pour les raisons que j'ai déjà
2 mentionnées, je ne souhaite pas m'appesantir sur ce sujet.
3 Q. Monsieur le Témoin, tout à l'heure vous avez parlé de quelque chose
4 d'intéressant. Vous avez dit que tout le monde, tous les employés de Knin
5 avaient le même salaire. Est-ce que c'était le cas auparavant, ou est-ce
6 que c'était le cas seulement à partir de ce moment-là ?
7 M. WHITING : [interprétation] Ce n'est pas la première fois que je remarque
8 cela, mais le conseil de la Défense fait des commentaires sur la déposition
9 du témoin. C'est ce qui ressort de la première phrase de la question.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois de quoi vous voulez parler.
11 Est-ce que vous avez compris la remarque de M. Whiting, Maître
12 Milovancevic ? En fait, c'est une déclaration circulaire que vous venez de
13 faire.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, je vois ce que vous voulez dire.
15 Q. Pourquoi, Monsieur le Témoin, est-ce que tout le monde recevait le même
16 salaire ? Est-ce que vous pourriez nous répondre en quelques mots ?
17 R. Tout le monde avait le même salaire, car pour créer une nouvelle
18 institution, on a besoin de règlements qui ne dépendent pas de notre
19 institution. En fait, il appartenait à la municipalité d'adopter des lois
20 telles que celles relatives au financement. Je pense que nous avions tous
21 le même salaire parce qu'il y avait des dons. Nous avions besoin d'un
22 revenu mensuel. A l'époque, tout le monde croyait que la situation ne
23 durerait que quelques mois ou peut-être une année tout au plus, mais pas
24 plus longtemps.
25 Q. Est-ce que les policiers ont continué à mener à bien leurs activités en
26 dépit des changements dans l'organisation ?
27 R. Des policiers ont continué à s'acquitter de leurs tâches et à effectuer
28 toutes les tâches qui étaient auparavant liées au travail de l'organe
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1 chargé des affaires intérieures. Ils ont continué à le faire.
2 Je me souviens d'un télégramme signé par Milan Martic, à l'époque, qui
3 portait sur la coopération avec les organes chargés des affaires
4 intérieures à l'extérieur de la Krajina. Si mes souvenirs sont bons, à
5 l'époque, il a dit qu'il fallait continuer la communication et le travail,
6 la collaboration, et à collaborer entre les postes de sécurité publique de
7 la SAO Krajina et les postes de sécurité publique et les postes de police
8 de la République de Croatie. Cela dit, certains noms n'étaient plus
9 valables, les noms qui avaient été exigés dans les communications
10 préalables croates, et la même chose s'appliquait aux informations portant
11 sur les armes et les barricades, les barrages routiers. Mais tout le reste,
12 s'agissant des informations liées à la vérification des identités de
13 personnes d'intérêt et ce genre de chose, allait continuer, pour ce qui est
14 de la coopération.
15 Q. Quelles dispositions légales ou quelles lois s'appliquaient dans le cas
16 du travail de la SAO Krajina et de son SUP ?
17 R. On continuait à appliquer les lois croates, la loi relative à l'ordre
18 publique qui était en vigueur à l'époque, de même que le code pénal croate.
19 Il y avait une demande en continu, s'agissant de tout cela, et par la
20 suite, de nouvelles lois ont été élaborées et adoptées, qui s'appliquaient
21 seulement sur la Krajina. Par la suite, ces nouvelles lois ont été adoptées
22 et nous avons commencé à les appliquer.
23 Q. Merci. Est-ce que le SUP de la SAO Krajina coopérait avec d'autres
24 organes d'Etat ? Est-ce que vous savez s'il agissait en accord avec
25 certaines décisions yougoslaves ?
26 R. Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris votre question.
27 Q. Merci.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je souhaite que l'on se penche sur
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1 l'écran pour examiner un document. Il s'agit du document dont le numéro 65
2 ter est 645.
3 Avant que ce document n'apparaisse à l'écran, je vais indiquer qu'il
4 s'agit d'un document émanant de la SAO Krajina. Il s'agit d'une lettre,
5 d'une dépêche du SUP Knin qui a été envoyée à tous les postes de sécurité
6 publique au sein de la SAO Krajina. Ceci a été signé par le secrétaire par
7 intérim Milan Martic. Nous le verrons dans un instant à l'écran. Mais il
8 s'agit là d'un document qui porte sur la restitution des armes prises
9 provisoirement. Il s'agit donc du document 644.
10 Q. Vous avez maintenant le document devant vous. Est-ce que vous pouvez
11 nous dire, dans l'en-tête en haut à gauche, de quelle date il s'agit et de
12 qui émane ce document ?
13 R. Dans l'en-tête de ce document, on peut voir qu'il s'agit de la SAO
14 Krajina et que c'est un document émanant du SUP Knin, et la date est le 17
15 janvier 1990. Je pense que c'était en 1991.
16 Q. Merci. Ce qui écrit, c'est "1990". Veuillez lire ce qui est écrit. A
17 qui est-ce cette dépêche a été adressée, s'il vous plaît ? Est-ce que vous
18 pouvez nous lire ce qui vient immédiatement après l'en-tête, le texte lui-
19 même ?
20 R. "Ceci a été envoyé aux postes de sécurité publique de la SAO Krajina,
21 tous, Benkovac, Gracac, Obrovac, Donji Lapac, Titova Korenica, Glina, Dvor
22 Na Uni, Kostajnica, Vojnic, Petrina et Vrginmost."
23 Le sujet est la restitution des armes temporairement obtenues.
24 Q. Tout à l'heure, vous avez mentionné la date que nous voyons au haut du
25 document, à côté du numéro. Vous avez dit le 17 janvier 1990, et vous
26 vouliez faire un commentaire. Quel est le commentaire que vous vouliez
27 formuler au sujet de cette date ?
28 R. Je pense qu'il s'agissait en fait de l'année 1991.
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1 Q. Merci. Veuillez me lire les deux premières lignes du texte, s'il vous
2 plaît.
3 R. "A la base de l'ordre de la présidence de la RSFY en date du 9 janvier
4 1991, portant sur la restitution, confiscation des armes militaires" --
5 Q. Excusez-moi, veuillez me lire maintenant seulement la dernière ligne de
6 ce paragraphe qui commence par le mot la "JNA".
7 R. "Et la JNA, et il est nécessaire que les armes commencent à être
8 restituées."
9 Q. S'agit-il ici d'une réaction du SUP de Knin à un ordre ?
10 R. Sur la base de cela, il est possible de voir --
11 M. WHITING : [interprétation] Je vais faire objection. Il s'agit là d'une
12 question directrice. Je pense qu'il serait possible simplement de demander
13 au témoin s'il reconnaît ce document et s'il sait quelque chose à ce sujet.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis d'accord pour poser justement
16 cette question-là.
17 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document et que savez-vous à son
18 sujet ?
19 R. Je sais que ce document existe et je me souviens de cette époque-là, au
20 mois de janvier, lorsque la présidence de la Yougoslavie avait adopté cet
21 ordre portant sur la restitution de toutes les armes militaires sur tout le
22 territoire de la Yougoslavie ou, plus précisément, de la Croatie. Je me
23 souviens qu'à l'époque, un point avait été désigné auprès duquel les
24 citoyens pouvaient rendre les armes. Je ne sais pas combien de temps cette
25 action durait. Déjà, au moment où une conférence de presse a eu lieu au SUP
26 de Knin, et Milan Martic et Milenko Zelenbaba, qui était le chef de la
27 police à l'époque, présidaient cette conférence de presse. Ils ont indiqué
28 qu'une partie des armes avaient été restituées par les citoyens au poste de
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1 sécurité publique de Knin.
2 Q. Merci. Veuillez nous lire le deuxième paragraphe de cette dépêche.
3 R. "La restitution des armes doit être initiée immédiatement sur votre
4 territoire pour qu'elles soient rendues au poste de sécurité publique ou
5 aux unités et établissements de la JNA la plus proche, et autrement dit,
6 agissez conformément à l'ordre de la présidence de la RSFY."
7 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire qui a signé ce document ?
8 R. C'est Milan Martic, le secrétaire par intérim Milan Martic, et nous
9 voyons sa signature.
10 Q. Merci.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je propose que ce document soit versé au
12 dossier, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier.
14 Peut-on lui attribuer une cote ?
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira, Monsieur le Président,
16 Madame, Messieurs les Juges, de la pièce à conviction numéro 881 [comme
17 interprété].
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci beaucoup, vous pouvez écarter le
20 document de l'écran.
21 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que c'était l'ordre de la présidence
22 de janvier 1991 portant sur le fait que les armes qui n'appartenaient pas
23 aux forces régulières devaient être restituées. Savez-vous si la République
24 de Croatie ou les autorités de la République de Croatie ont effectivement
25 agi conformément à cet ordre ?
26 R. Si mes souvenirs sont bons, les autorités de la République de Croatie
27 n'ont pas agi conformément à cet ordre et aucune arme n'a été restituée, ni
28 dans les locaux de la police, ni dans d'autres locaux en Croatie.
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1 Q. Merci. Vous avez dit que le SUP de la SAO Krajina était constitué. Est-
2 ce que vous pouvez nous dire à quoi ressemblaient la structure
3 organisationnelle, le déploiement des tâches, les désignations des tâches
4 et les pouvoirs des employés par rapport à cela ? Est-ce qu'il y a eu des
5 changements par rapport à cela ?
6 R. Mis à part ces changements-là selon lesquels ces postes de sécurité
7 publique dont j'ai lu les noms tout à l'heure étaient placés sous
8 l'autorité du SUP de Knin, il n'y a pas eu d'autres changements en ce qui
9 concerne les uniformes, les insignes, les appellations d'emploi. Cette
10 classification des emplois est restée pratiquement la même, tout comme les
11 tâches et les missions des policiers eux-mêmes.
12 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, mais pour le compte rendu
13 d'audience, on m'indique que la pièce à conviction qui vient d'être versée
14 au dossier, 891, a déjà été versée au dossier et porte le numéro 513 [comme
15 interprété]. Dans une certaine mesure, il s'agit de notre faute, car ce
16 document apparaît à deux reprises sur la liste 65 ter, ce qui explique
17 probablement l'erreur du conseil de la Défense. Nous pouvons laisser les
18 choses comme elles sont, si vous le souhaitez, mais je souhaitais
19 simplement dire pour le compte rendu d'audience qu'il y avait eu une
20 erreur.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez une proposition
22 par rapport à ce qu'on doit faire avec cela ?
23 M. WHITING : [interprétation] Je pense que nous ne sommes pas obligés de
24 changer quoi que ce soit, compte tenu du fait que maintenant, les deux
25 documents ont été reliés dans le compte rendu d'audience.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, ceci vous
27 satisfait ? Très bien, vous pouvez poursuivre.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est tout à
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1 fait acceptable et je vous remercie.
2 Je souhaite que l'on se penche sur un autre document à l'écran; il s'agit
3 de la pièce à conviction numéro 611. Il s'agit d'un document que nous avons
4 déjà utilisé dans le cadre de notre travail, qui contient la liste des
5 employés d'active au poste de sécurité publique de Benkovac. Ce document ne
6 porte pas de date. Est-ce que l'on peut voir le début du document, le haut
7 du document ?
8 Q. Est-ce que vous pourriez nous le lire, même si le texte s'est perdu un
9 peu ? De quel type de document s'agit-il, Monsieur le Témoin ?
10 R. Il s'agit ici d'un document émanant du poste de sécurité publique de
11 Benkovac. Il s'agit d'une liste des employés d'active du poste de sécurité
12 publique de Benkovac.
13 Q. Pourriez-vous nous dire ce que cela veut dire, les employés d'active du
14 poste de sécurité publique de Benkovac ?
15 R. Au sein de la police, les notions d'active, ou plutôt, il existe deux
16 notions : les employés d'active et de réserve. Lorsqu'il est question de la
17 notion d'active, cela veut dire que la personne avait été formée pour
18 devenir policier, que ce soit comme ce que je disais avant, par le biais
19 d'un lycée à Zagreb et un cours après le Lycée à Zagreb et le service
20 militaire. Mais de toute façon, cela veut dire que la personne a été formée
21 et certifiée pour pouvoir exercer le travail de policier.
22 Q. Merci. Cette liste porte sur ce genre d'employés au sein du poste de
23 sécurité de Benkovac ? Ai-je raison de dire cela, Monsieur le Témoin ?
24 R. Oui, oui, oui. Vous avez raison.
25 Q. Vous avez certains titres qui sont soulignés ici. Peut-on voir un peu
26 plus loin "le poste de police de Miranje Gornje [phon], de Brgud, puis de
27 Karin" ? Est-ce qu'il s'agit là de la structure régulière d'un poste de
28 sécurité publique ou s'agit-il de la structure extraordinaire d'un poste de
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1 sécurité publique, d'après vous ?
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je pense que vous
3 devriez poser la question suivante : de quoi s'agit-il ici ? Mais ne
4 suggérez pas la réponse dans votre question. Ne faites pas de commentaires.
5 Ceci a déjà fait l'objet des objections l'Accusation, car c'est ainsi que
6 vous posez des questions suggestives. Est-ce que vous pouvez vous abstenir
7 de demander des questions directrices ?
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci. Examinons maintenant, s'il vous
9 plaît, la page 2 de ce document.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Posez votre question et obtenez votre
11 réponse, mais reformulez votre question.
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
13 Q. Ici, il est question de postes de police à des endroits différents.
14 Qu'est-ce que cela nous dit ?
15 R. Ce document nous dit que ces postes de sécurité publique ou ces postes
16 de police font partie du poste de sécurité publique de Benkovac. S'agissant
17 d'un tel déploiement de ces postes de police, dans une telle situation où
18 il y a un tel nombre de postes de police, ceci est caractéristique pour une
19 situation extraordinaire.
20 Car le poste de sécurité publique de Benkovac, avant les événements
21 de guerre, n'avait pas une telle structure. Il s'agit donc là d'une
22 situation extraordinaire. Ici, nous voyons quels sont les noms des employés
23 d'active de chacun de ces postes de police qui appartenaient au poste de
24 sécurité publique de Benkovac.
25 Q. Merci.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Peut-on regarder maintenant la section 7
27 intitulée : "Le poste de sécurité publique Benkovac" ? Ceci figure à la
28 page suivante, au numéro 20 --
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, il n'y a pas de
2 page suivante dans mon document.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Si j'ai bien compris, Monsieur le
4 Président, en B/C/S, il y a deux pages, alors qu'en anglais, il n'y en a
5 qu'une seule; c'est bien cela que vous vouliez dire ?
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, merci beaucoup. Donc, vous vous
7 êtes penché sur le numéro 7.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Au numéro 7, nous voyons le poste de
9 sécurité publique de Benkovac.
10 Q. Est-ce exact, Monsieur le Témoin ?
11 R. Oui.
12 Q. Qui contient des personnes, des employés indiqués au numéro de quel à
13 quel ?
14 R. Si je ne me trompe, cela commence par le numéro 25.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Veuillez montrer la page suivante, s'il
16 vous plaît. Page 3 de ce document jusqu'à quel numéro ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'au numéro 67.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
19 Q. Merci.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous prie maintenant de revenir à la
21 page 2.
22 Q. Veuillez nous lire le nom de la personne qui figure au numéro 25, donc
23 à la page 2 dans la version en B/C/S, au début du texte.
24 R. Ici, au numéro 25, nous avons le nom de Bosko Drazic.
25 Q. Merci. Puisque le document n'a pas de date, est-ce que d'après ce nom-
26 là, vous pouvez nous dire quelle est la période en question dans ce
27 document ?
28 R. Ce document pourrait porter sur une période au cours de l'année 1991.
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1 Je ne sais pas exactement à partir de quel moment, mais cela pourrait être
2 la deuxième moitié de l'année 1991 et une partie de l'année 1992, avant le
3 10 avril 1992, je dirais.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je pense
5 que le moment est opportun peut-être pour procéder à une pause, pour ne pas
6 commencer avec un nouveau document.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Milovancevic.
8 Nous allons prendre une pause et revenir à 6 heures moins le quart.
9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 11.
10 --- L'audience est reprise à 17 heures 44.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que de poursuivre, il me semble
12 que ce document, document portant deux numéros de pièce à conviction, qui
13 est mentionné au compte rendu comme étant d'abord la pièce 513 à la place
14 d'être la pièce 515, ce que j'essaie c'est de retrouver la partie concernée
15 du compte rendu d'audience afin qu'il soit clairement indiqué dans celui-ci
16 qu'il s'agissait bien de la pièce 515 et non pas 513. Est-ce que quelqu'un
17 serait à même de m'aider pour retrouver le numéro de la page ?
18 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demande de m'excuser. Il
20 s'agit de la page 54, ligne 7 au compte rendu d'audience. Il est dit 513 au
21 lieu de 515. Lorsqu'on établira la liaison au niveau de ces documents, il
22 ne faudra pas rechercher la pièce 513, mais établir la corrélation entre
23 515 et 891. Voilà. C'est bon. Merci.
24 Vous pouvez continuer, Maître Milovancevic.
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
26 Q. Vous nous avez expliqué que qu'en début 1991, il s'est créé un SUP de
27 la Krajina. Savez-vous nous dire ce qu'a été le travail de ce secrétaire du
28 SUP de la Krajina, M. Martic ?
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1 R. Je pense que le travail du secrétaire du SUP consiste à diriger les
2 activités du SUP, veillez à ce que le personnel accomplisse les obligations
3 prévues par la loi. Il y a aussi leur réglementation régissant le travail
4 et la façon de se comporter des employés du ministère de l'Intérieur de la
5 Krajina.
6 Q. Savez-vous nous dire si M. Martic a fait ce qui était son travail ou
7 pas ?
8 R. Partant de la position actuelle qui est la mienne, j'estime qu'il l'a
9 fait. A l'époque, il a assumé ses fonctions et a accompli sa mission.
10 Q. A l'époque, vous avez travaillé dans ce qui a constitué ce poste de
11 sécurité publique du SUP de Knin. Quelles ont été vos tâches à vous ?
12 R. En termes concrets, mes tâches à moi étaient liées au traitement de
13 tout ce qui constituait criminalité, donc constats, enquêtes au sujet de
14 délits au pénal sur le territoire couvert par le poste de l'intérieur -- ou
15 plutôt, de la municipalité de Knin.
16 Q. Etait-ce là un travail normal de policier ?
17 R. Oui. C'était une tâche policière normale et ce type de tâche avait
18 existé même auparavant.
19 Q. N'avez-vous jamais reçu des ordres qui comporteraient là une
20 distinction quelconque à faire entre les citoyens du point de vue de leur
21 appartenance ethnique, religieuse, politique ou autre ?
22 R. Je n'ai jamais reçu ce type d'ordre, ni de la part de
23 M. Martic, ni de la part des autres supérieurs de l'époque.
24 Q. Quand on mentionne le nom du village de Vrpolje Selo et Potkonje, cela
25 vous dit-il quelque chose s'agissant de la première moitié de 1991 ?
26 R. Quand on parle de Vrpolje et Potkonje, ce qu'on peut dire c'est qu'à
27 l'époque, dans ces villages, la population était mixte avec une majorité du
28 groupe ethnique croate. Il y a quand même eu des Serbes.
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1 Q. Pouvez-vous nous dire ou décrire où se trouvaient ces villages au
2 juste ? Nous avons des cartes dans notre atlas, mais il est difficile de
3 les retrouver. Je crois que les cartes sont d'une trop grande échelle pour
4 qu'on puisse les retrouver. Où était-ce par rapport à Knin ?
5 R. Le village de Vrpolje se trouvait juste à côté de la ville de Knin, à
6 deux kilomètres à peine, voire même un kilomètre à deux kilomètres au nord
7 de Knin. C'était même rattaché. Les maisons s'enchaînaient entre Knin et
8 Vrpolje. Pour ce qui est du village de Potkonje, cela se trouvait au sud,
9 par rapport à Knin, à quelques trois kilomètres de Knin.
10 Q. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le Témoin, ce qui vous fait vous
11 rappeler de ces villages s'agissant de la première moitié de 1991 ? Etait-
12 ce en corrélation avec votre travail ?
13 R. Oui. Pour ce qui est de ces villages, pour la première moitié de 1991,
14 ce qui m'y fait penser, c'est un événement qui est survenu à l'époque. Il
15 s'agissait d'une confiscation d'armes militaires confisquées que l'on avait
16 trouvé chez des habitants de Vrpolje et de Potkonje.
17 Q. Pouvez-vous nous dire qui est-ce qui a donné l'ordre de procéder à ces
18 confiscations et nous dire aussi ce que vous avez fait vous-même ?
19 R. Je me souviens que c'était pendant la première quinzaine du mois de mai
20 1991. C'est là que l'on avait réuni tous les employés du SUP de Knin, et le
21 rassemblement s'est fait au centre de Golubic, non loin de Knin. A ce
22 moment-là, il y a eu cette réunion où le responsable, le chef Zelenbaba
23 Milenko, a lu une information disant qu'il y a eu armement illégal de la
24 population, et ce, de la population du groupe ethnique croate. Il a dit
25 qu'ils avaient été armés avec des armes militaires, notamment des fusils
26 Kalachnikovs.
27 Q. Vous dites : "Le chef Zelenbaba a lu une information." C'était chef de
28 quoi ? Où était-il chef, le dénommé Zelenbaba ?
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1 R. M. Zelenbaba était chef du SUP à Knin à l'époque.
2 Q. Qu'est-il arrivé ensuite ? Veuillez nous décrire brièvement ce qui
3 s'est passé ensuite ?
4 R. Comme je le disais, le chef Zelenbaba, devant tous les employés, tout
5 le personnel à ce rassemblement, a lu une information disant qu'il y avait
6 eu armement illégal de citoyens, ce qui constituait une violation à la
7 procédure ou à la loi, parce qu'il y avait possibilité de voir survenir un
8 règlement de compte entre les Serbes et les Croates dans le secteur. La
9 mission, confisquer, était celle de retrouver ces armes et les confisquer.
10 Tous les effectifs de police ont été partagés en deux groupes. L'un de ces
11 groupes a été désigné pour désarmer le village de Vrpolje, et l'autre
12 groupe a été chargé de désarmer le village de Potkonje.
13 Q. Pouvez-vous nous dire si vous êtes allé, vous-même, dans
14 l'accomplissement de cette action ?
15 R. Oui, j'ai été participant de ladite action. D'après les affectations
16 distribuées, j'étais chargé du désarmement du village de Potkonje.
17 Q. Vous êtes allé dans ce village ? Qu'est-il arrivé là-bas ?
18 R. A l'occasion de cette réunion, tout comme dans la localité, pour la
19 localité, il a été désigné des sous-groupes. Chacun des sous-groupes s'est
20 vu confier une tâche concrète pour ce qui est de ce qu'ils devaient
21 accomplir et dans quel objectif. Mon groupe à moi s'est vu confier la tâche
22 d'accéder à l'école qui se trouvait dans la localité de Potkonje et de
23 procéder à un contrôle des locaux de l'école. Au cas où nous trouverions
24 des armes ou quoi que ce soit d'autre qui pourrait tirer ses origines des
25 arsenaux militaires et servir de moyen d'attaque ou d'instrument de mis en
26 péril d'autres personnes, il s'agissait de les confisquer et d'appréhender
27 les individus qui se trouveraient là et il s'agissait de s'assurer des
28 raisons pour lesquelles ces personnes se trouvaient être présentes là-bas.
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1 Q. Comment étiez-vous vêtus ? Qu'aviez-vous sur vous ? Avec quoi êtes-vous
2 partis réaliser cette tâche ?
3 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous étions vêtus de façon normale,
4 dans les uniformes de police de l'époque. Nous avions des armes et nous
5 avions même pris nos fusils.
6 Q. Qu'est-il arrivé à Potkonje, une fois arrivée là-bas ? Dites-nous le
7 moment de la journée et ce qui s'est passé ?
8 R. C'était dans l'après-midi. Nous sommes entrés dans Potkonje, de l'autre
9 côté du village, non pas par le côté où on accède normalement, où il est
10 plus près de passer en arrivant de Knin, mais nous avons contourné et nous
11 avons fait le déplacement à bord de véhicules.
12 Je crois que c'était un dimanche, parce que les gens étaient vers le
13 milieu du village, là où ils jouaient aux boules et là où ils se
14 réunissaient d'habitude. Je suis rapidement sorti du véhicule et, avec mon
15 groupe, je me suis dirigé vers l'école.
16 Chemin faisant, nous sommes passés à côté d'une maison. Sur notre
17 passage, nous avons vu dans la cour une femme assez âgée; soixante et
18 quelques années. Elle portait un fusil de chasse dans les mains. Elle a
19 commencé à crier qui étions-nous, où allions-nous et nous, sans prêter
20 attention, sans lui répondre, nous sommes passés à côté et nous sommes
21 partis vers ce qui a constitué notre mission principale, à savoir, l'école.
22 Les autres se sont dirigés vers les endroits qui leur ont été confiés
23 conformément aux ordres reçus.
24 L'un des hommes de mon groupe s'était arrêté et a commencé à lui parler et
25 à se disputer un peu avec cette femme. J'étais allé de l'avant, puis j'ai
26 entendu un coup de feu. J'ai supposé, d'après le bruit que cela a fait, que
27 c'était un coup de feu au fusil de chasse. J'ai tout de suite pensé, chose
28 qui était vrai, que c'était cette femme qui avait tiré. Tout de suite
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1 après, il y a eu des rafales d'échanger, des rafales courtes.
2 Nous sommes rapidement entrés dans l'école. Nous n'y avons trouvé
3 personne, mon groupe et moi. Pas de matériel du tout, rien. Après avoir
4 réalisé ce qui avait constitué notre objectif, nous nous sommes arrêtés là.
5 Nous avions des Motorola pour communiquer avec les autres et nous avons
6 suivi la situation afin de voir si quelqu'un viendrait par vers là où on
7 était. On a suivi l'évolution de la situation dans la localité elle-même.
8 Q. Pouvez-vous nous dire au bout de combien de temps l'action s'est-elle
9 terminée et comment elle s'est terminée ?
10 R. Elle s'est terminée au bout d'une heure et demie, voire deux heures. Je
11 ne sais trop. Il s'est passé pas mal de temps depuis. En somme, cela s'est
12 soldé par la découverte d'armes, des fusils automatiques et par
13 l'arrestation de plusieurs individus qui ont été emmenés au poste de
14 sécurité publique à Knin. Quand je dis plusieurs personnes, c'était des
15 habitants du village de Potkonje. Parmi ces habitants du village de
16 Potkonje, il y avait un jeune homme qui se trouvait à être légèrement
17 blessé au bras. La blessure était plutôt légère, loin d'être grave.
18 Carrément au poste, j'ai appris qu'il s'agissait d'un jeune homme dont la
19 mère avait tenu ce fusil de chasse à la main, et lorsque lui -- lorsqu'elle
20 a tiré, il est sorti avec un fusil automatique et il s'est mis à tirer en
21 direction des policiers qui se déplaçaient dans différentes directions.
22 Quelqu'un a riposté et a tiré vers lui pour le blesser légèrement au bras.
23 Le bras a été effleuré. Lui aussi a été appréhendé. On l'a aidé et on l'a
24 ramené au poste pour un entretien avec lui.
25 Q. Vous avez dit que vous aviez retrouvé des fusils automatiques.
26 Combien ? Avez-vous eu l'occasion de les voir et quel type de réaction cela
27 a-t-il provoqué ?
28 R. Je crois qu'à Potkonje et à Vrpolje, à ce moment-là nous avons saisi à
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1 ce moment-là quelque 60 fusils et des munitions. Il s'agissait de fusils
2 automatiques, de fabrication hongroise ou roumaine, mais je pense plutôt
3 que c'était hongrois. Il s'agissait de Kalachnikovs avec des munitions
4 appropriées.
5 Je vais vous dire tout de suite, car à Potkonje et à Vrpolje, on n'a
6 pas retrouvé tous les fusils. On ne les a pas tous confisqués.
7 Ultérieurement, dans les jours qui ont suivi au travers des entretiens et
8 informatifs que nous avons eu avec les villageois, nous avons appris qui
9 est-ce qui avait encore des fusils. Nous sommes retournés dans ces
10 localités pour nous saisir de ces différentes armes dont l'existence nous
11 était signalée par ceci pour les ramener au poste.
12 Q. Vous nous avez dit, qu'à Potkonje, il y a eu des échanges de tirs. Est-
13 ce qu'il y a eu à Vrpolje aussi des tirs et qu'est-il arrivé là-bas ?
14 L'avez-vous appris ?
15 R. Je n'ai pas été participant; je ne pouvais pas être à deux endroits en
16 même temps. Mais d'après ce que j'ai appris, à Vrpolje, il n'y a pas eu
17 d'échange de tirs ni rien d'autres. Les armes ont été confisquées et des
18 bordereaux de réception ou des bordereaux de confiscation afférents ont été
19 délivrés.
20 Q. Avez-vous appris qui est-ce qui avait armé cette population, qui est-ce
21 qui avait distribué ces fusils automatiques ?
22 R. Ces jeunes hommes qui ont été appréhendés --
23 M. WHITING : [interprétation] Objection. Cette question a été directrice.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting --
25 M. WHITING : [interprétation] Je crois que la dernière question a été une
26 question directrice, parce qu'on laisse entendre que quelqu'un a procédé à
27 la distribution de ces armes.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour que nous ne
2 fassions pas de supposition, je crois que la question précédente avait été
3 celle de savoir si l'on avait déterminé d'où venaient les armes au
4 village ? Je retire la question que je viens de poser et je maintiens celle
5 qui a été posée précédemment, si vous estimez que celle-là serait plus
6 appropriée.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comme je vous l'ai déjà dit, essayez
8 et efforcez-vous d'éviter ce type de questions directrices. Il est bon de
9 les retirer vos questions, mais une fois que vous avez planté la réponse
10 dans l'esprit du témoin, il n'est point de finalité de lui poser la
11 question. Il sait la réponse dont vous avez besoin.
12 Monsieur le Témoin, avez-vous fini par apprendre comment ces armes-là ont
13 fini par être obtenues par ces gens auprès desquels vous avez confisqué
14 ceci.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, pour ce qui est des
16 personnes appréhendées, elles ont font l'objet d'une procédure criminelle.
17 Cela veut dire qu'on s'est entretenu avec elles pour ce qui est des
18 modalités par lesquelles ces personnes-là se sont procurées leurs armes.
19 Nous avons constaté que cela, ces armes sont venues par le biais de
20 militants, du village militant du HDZ, à savoir, de l'Union démocratique
21 croate. Il s'est avéré que ce sont des armes qu'ils ont reçues à Sibenik.
22 De façon illégale, ces armes ont été transportées jusqu'au village pour
23 être distribuées parmi les villageois. S'agissant du moment où ils ont
24 obtenu cela, ils ont précisé que c'était dès le tout début de 1990. Pour
25 autant que je m'en souvienne, c'était les déclarations qui ont été faites.
26 Ils ont dit que c'est vers le début de 1990 que ces armes leur ont été
27 distribuées.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand est-ce que -- Pardon ? Vous avez
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1 dit quelque chose ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1991.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand est-ce que vous avez conduit
4 cette opération de confiscation, à quel mois ou quelle date ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à me souvenir de la date
6 exacte. Il me semble que c'était le tout début du mois de mai 1991. Je vois
7 maintenant ici que j'ai dû dire 1990, ou plutôt que de dire 1991. Or, je
8 pense que c'est l'année 1991 qu'ils ont mentionné, le début de 1991 qu'ils
9 ont mentionné comme étant le moment où ils ont reçu ces armes. Nous, on a
10 réalisé notre action en début mai 1991. J'étais en train de parler de
11 l'année 1991, tout le temps.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, beaucoup.
13 Maître Milovancevic.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le
15 Président.
16 Q. Qu'est-il arrivé avec ces personnes qui avaient eu des armes en leur
17 possession ? Qu'est-il advenu de ces personnes par la suite ? Quel est le
18 type de procédure dont elles ont fait l'objet ?
19 R. Pour autant que je m'en souvienne, les personnes en question ont fait
20 l'objet de dépôt de plainte au pénal pour s'être procurer les armes de
21 cette façon et pour avoir pris parti part à cette activité. Toutes ces
22 personnes ont été relâchées et remises en liberté. Elles ont eu la
23 possibilité de retourner dans leur village, à Potkonje, et ils ont continué
24 à y résider.
25 Q. Monsieur le Témoin, nous avons entendu, à l'occasion de ce procès, une
26 autre explication disant que c'était une action qui visait à faire peur, à
27 intimider la population qui était sans protection et sans arme, et
28 l'opération ou les actions avaient ou auraient eu pu pour motif un
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1 nettoyage de ces villages de leur population croate. Avez-vous participé à
2 ce type d'action ?
3 R. Compte tenu de la nature de mon travail, depuis le début je peux vous
4 dire que je n'aurais jamais été d'accord pour participer à une telle
5 opération, je veux dire, une opération visant à chasser les gens de chez
6 eux, des villages où ils habitaient depuis toujours.
7 Je suis sûr que cette opération n'avait pas pour but de chasser la
8 population locale. Pourquoi ? Parce qu'à Mrkonje, il n'y avait pas eu de
9 tirs, il n'y avait pas eu d'altercations, de mauvais traitements. A
10 Potkonje, il y avait eu quelques coups de feu. Ce jeune homme et sa mère
11 ont commencé, le jeune homme a ouvert le feu sur nos hommes et a endommagé
12 l'un de nos véhicules, l'un des véhicules à bord duquel nous étions
13 arrivés. La raison pour laquelle nous avons riposté, c'était pour nous
14 protéger.
15 Dans des circonstances normales, ces personnes auraient été détenues
16 jusqu'au jugement, jusqu'à ce qu'on parvienne à une condamnation. Mais
17 compte tenu de la situation à l'époque qui était exceptionnelle, la peur
18 régnait, les gens craignaient pour leur vie, et ce n'est pas ainsi que nous
19 avons procédé. Je ne suis pas sûr si par la suite, il n'a pas été détenu
20 pendant quelques jours, mais toujours est-il que lui et tous les autres ont
21 été libérés et ont pu poursuivre leurs activités. Ces gens sont restés dans
22 leurs villages et certains sont restés jusqu'en 1995.
23 Ce qui est sûr également, c'est que personne n'a quitté les villages en
24 question ce jour-là. L'opération ne visait pas à faire peur aux Croates ou
25 à les chasser de leurs villages. Ils sont restés là et je n'ai pas
26 connaissance d'autres incidents majeurs à l'époque.
27 Q. Je vous remercie. En mai 1991, deux événements politiques majeurs ont
28 eu lieu, deux référendums. Je vais vous poser des questions à ce sujet,
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1 mais je souhaiterais savoir tout d'abord quelle était la situation sur le
2 terrain.
3 Si je vous dis Polace, en rapport avec mai 1991, Split, 1991, au mois
4 de mai, est-ce que cela vous évoque quelque chose ? Et le cas échéant,
5 veuillez nous répondre de façon concise.
6 R. A l'époque, des affrontements avaient déjà éclaté entre les forces du
7 ministère de l'Intérieur et la police de Krajina. Il y avait eu d'autres
8 affrontements entre les civils croates d'un côté et les membres du MUP de
9 l'autre.
10 Le 31 mars, date de la Pâques catholique, des unités du MUP et des
11 unités de Krajina se sont affrontées à Plitvice. Deux hommes sont morts, un
12 de chaque côté. Au mois de mai, il y a eu un problème à Borovo Selo, il y a
13 eu un affrontement entre les gens du MUP et la Défense territoriale locale.
14 Cet affrontement s'est soldé par la mort de 12 policiers croates et de
15 quatre ou cinq membres de la Défense territoriale. Cela s'est passé à
16 Borovo Selo. A Polace, un jeune homme appelé Vaso Pecer a été tué. Il a été
17 tué par des membres du MUP croate stationnés à Kijevo, près de Knin. La
18 situation était donc en train de se détériorer. Les tensions montaient.
19 Nous avons eu un autre incident le 6 mai, à l'occasion duquel un
20 soldat a été étranglé à l'extérieur du poste de commandement de la marine à
21 Split.
22 Nous avons eu un autre problème le 2 ou le 3 mai 1991. Un membre du
23 MUP croate a été tué dans un village situé à proximité de Benkovac. Après
24 la mort de ce policier croate dans le village de Polace, Franko Lisica,
25 c'est ainsi qu'il s'appelait, quelque chose s'est passé à Zadar. On a
26 appelé cet incident : la nuit de cristal. Une centaine d'appartements, de
27 maisons et de restaurants serbes ont été démolis, mis à sac et détruits. En
28 fait, c'était la guerre. Il y avait eu un bain de sang. A Zadar, des
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1 restaurants ont été détruits le 6 ou le 7. A Knin, on détruisait surtout
2 des biens croates.
3 Q. Vous nous avez décrit cette situation comme une situation de guerre. A
4 l'époque, vous faisiez partie du SUP de la SAO de Krajina, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, on peut dire que c'était la guerre et il y avait des morts, un
6 bain de sang. Ce n'était pas vraiment une situation précédant une guerre
7 dans la mesure où il n'y avait pas eu de préparatifs pour cette guerre,
8 mais il y avait eu un bain de sang, des morts, et on ne pouvait pas revenir
9 en arrière, donc c'était une situation de guerre. J'étais membre du
10 ministère de l'Intérieur de la Krajina, à l'époque.
11 Q. Vous dites que durant l'opération menée à Vrpolje et à Potkonje, vous
12 portiez d'anciens uniformes de la police. De quelle couleur étaient-ils ?
13 R. Depuis de nombreuses années, la couleur de ces uniformes était la même.
14 Les gens disent que c'était bleu clair, mais en fait, c'était plutôt vert
15 clair ou une couleur entre le bleu clair et le vert clair.
16 Q. Est-ce qu'on se servait toujours de ces uniformes au sein des forces de
17 police de la SAO de Krajina en 1991 ?
18 R. Pendant assez longtemps, on a continué à se servir des uniformes de
19 l'ancien système, car nous en avions beaucoup dans nos entrepôts. Nous nous
20 en sommes donc servis pendant quelque temps, je ne sais pas jusqu'à quand
21 exactement. Mais à l'époque, ce n'était pas vraiment important, vu les
22 événements.
23 Q. Est-ce que la police de la SAO de Krajina portait des uniformes de
24 camouflage ?
25 R. La police de la SAO de Krajina portait des uniformes de camouflage.
26 Nous, nous les avons reçus plus tard.
27 Q. Lorsque vous dites "plus tard", à quelle période pensez-vous ? Est-ce
28 que vous pourriez nous préciser l'année ?
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1 R. C'était peut-être aux alentours de l'été 1991.
2 Q. Lorsque vous parlez d'uniformes de camouflage, est-ce que vous pourriez
3 nous décrire ces uniformes plus précisément ? Est-ce qu'il y avait des
4 insignes, des signes particuliers sur ces uniformes ?
5 R. D'après mes souvenirs, les premiers insignes ont été délivrés à ce
6 moment-là. Nous les portions sur la manche gauche. On pouvait lire "Police
7 de Krajina" dans un demi-cercle. Et au milieu, on voyait le drapeau à trois
8 couleurs.
9 Q. Nous parlons maintenant d'avril 1991. En tant que membre du SUP, est-ce
10 que vous êtes parti en vacances cette année ?
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1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvait votre village et
2 quelle était la situation à cet endroit ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il n'est pas nécessaire
4 d'expurger ce qui vient d'être dit ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne crois pas que cela soit
6 nécessaire, Monsieur le Président, mais je demanderais au témoin de ne pas
7 mentionner le nom de son village, sinon nous pourrions passer à huis clos
8 partiel si nécessaire.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
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24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Je m'excuse à cause de
26 cela.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, moi non plus je
28 n'avais pas fait attention à cela. Je vous remercie.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
3 Q. Vous dites que l'unité de la JNA avait quitté votre village afin de
4 débloquer ces casernes à Sibenik. Mais dites-nous, s'il vous plaît, ce qui
5 est arrivé à votre village et comment les choses se sont terminées en
6 octobre 1991.
7 R. En octobre 1991, nos membres de la Défense territoriale ont décidé de
8 reprendre ce territoire. Donc, il y avait une petite partie du village qui
9 avait été occupée, c'était un mont avec une élévation, et ma maison était
10 dans cette partie-là. Pendant un certain temps, ils avaient remarqué que
11 personne ne tirait de cette direction. Le soir, ils se sont dirigés vers
12 cette partie du village et ils se sont emparés de cette partie-là du
13 village sans aucun combat. Ils y sont restés jusqu'à août 1995.
14 Q. Est-ce qu'après tous ces événements, vous êtes rentré au poste de
15 police de Knin ?
16 R. A ce moment-là, au mois d'octobre, pour des raisons privées, je suis
17 allé à Belgrade brièvement. Suite à mon retour de Belgrade, lorsque j'ai pu
18 prendre en considération l'ensemble de la situation et lorsque j'ai pu
19 constater qu'il y avait déjà eu des victimes, des personnes qui sont mortes
20 parmi les concitoyens et mes cousins, lorsque j'ai vu que la guerre
21 commençait, j'ai décidé de rentrer à la police. Je suis de nouveau allé à
22 Knin. C'est là que j'ai repris mon travail.
23 Q. Quelles étaient vos activités au SUP de Knin et jusqu'à quel moment
24 est-ce que vous y êtes resté ?
25 R. J'ai recommencé à travailler comme inspecteur chargé du traitement
26 criminaliste de la criminalité. Ensuite, je suis devenu officier de garde
27 permanent au sein du SUP de Knin. J'y suis resté jusqu'au mois d'avril
28 1992.
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1 Q. Que s'est-il passé en avril 1992 ? Quel a été le changement sur le plan
2 professionnel qui vous est arrivé ?
3 R. Au début du mois d'avril 1992, je pense que c'était le 9 ou le 10
4 avril, j'ai été nommé au poste du chef du poste de sécurité publique de
5 Benkovac. J'exerçais ces fonctions jusque, environ, au 1er mai 1994.
6 Q. Monsieur le Témoin, en décrivant la situation que vous avez vue dans le
7 village à la mi-juin, en juillet et en août 1991, vous avez dit que c'était
8 une situation de guerre. Voici ma question suivante. Comment décririez-vous
9 la situation que vous avez trouvée suite à votre retour à Knin, en octobre
10 et avant votre départ pour Benkovac ?
11 R. C'était la période entre la mi-octobre et le 10 avril 1992. Là, c'était
12 véritablement la guerre. Des combats se déroulaient, il y a eu beaucoup de
13 victimes, c'était véritablement la situation de guerre, l'état de guerre.
14 Je ne sais pas comment décrire par comparaison à la situation dont
15 j'ai parlé auparavant, la situation d'avant la guerre, et par rapport à ce
16 que j'avais vu dans mon village, c'était bien plus violent, le front était
17 plus étendu. Il y avait beaucoup de victimes, l'engagement était plus
18 intense sur tous les plans, et cetera.
19 Q. Je vais vous interrompre. Vous avez dit que vous avez trouvé une
20 véritable guerre sur place, mais c'était la guerre entre qui et qui ? Qui
21 menait la guerre contre qui ?
22 R. A cette époque-là, la guerre était menée de telle façon que la JNA et
23 la Défense territoriale de la Krajina menaient la guerre contre l'armée
24 croate et le MUP croate. C'était, on peut dire, la guerre ethnique entre
25 les Serbes et les Croates.
26 Q. Donc, cette situation de guerre est arrivée au début du mois d'avril
27 1992, au poste le plus important --
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je viens de créer un problème --
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1 Q. Vous êtes arrivé au poste de sécurité publique à Benkovac, au poste qui
2 est devenu le vôtre. A quoi ressemblait la situation à Benkovac à ce
3 moment-là ?
4 R. A Benkovac, j'ai trouvé véritablement une situation de guerre. Je veux
5 dire par là qu'il y avait des combats tous les jours, des gens se faisaient
6 tuer tous les jours. Tous les jours, il y avait des enterrements, des
7 combats, des sons de tirs, de pilonnage, on pilonnait les villages aux
8 alentours et Benkovac même. Donc, il y avait toutes les caractéristiques de
9 guerre dans cette situation.
10 Q. Vous dites "les combats au jour le jour". Est-ce que vous pourriez nous
11 dire dans quelles régions les combats se déroulaient ?
12 R. A cette époque-là, sur le territoire de la municipalité de Benkovac, il
13 y a eu des combats autour de l'aéroport Zemunik, le plus souvent, puis près
14 des accès de la ville de Zagreb. Puis, il y a eu beaucoup de combats qui se
15 déroulaient aussi sur le territoire de Pristik. C'était au sud-est, c'était
16 un endroit, à l'époque, limitrophe du territoire de la municipalité de
17 Benkovac.
18 Q. Merci.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense
20 que nous sommes arrivés jusqu'à la fin du travail de la journée
21 d'aujourd'hui. Je pense que le moment est opportun pour mettre fin à la
22 session.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait, Maître Milovancevic. Nous
24 allons lever l'audience jusqu'à demain matin à 9 heures, dans ce même
25 prétoire.
26 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 22 août 2006,
27 à 9 heures 00.
28