Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 12 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les Juges demandent que l'on ne cite

6 pas le témoin immédiatement puisque le bureau du Procureur souhaite

7 soulever un point.

8 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, effectivement.

9 J'ai juste un point à soulever.

10 Nous avons reçu la liste des témoins qui vont venir. Il y en a un qui

11 s'appelle Stevo Plejo. C'est le témoin 91. Nous avons l'impression qu'on va

12 lui demander de venir la semaine prochaine. La Défense l'a présenté comme

13 un potentiel témoin en vertu de

14 l'article 92 bis. Nous n'avons pas reçu - et je pense que les Juges de la

15 Chambre n'ont pas reçu non plus - la requête de présenter ce témoin en

16 vertu de l'article 92 bis. Si ce témoin va venir la semaine prochaine, je

17 pense que ceci doit être fait très rapidement sans aucun délai. Et d'autant

18 qu'il y a des questions qui se posent vraiment par rapport à son véritable

19 statut pour savoir si vraiment s'il convient de présenter ce témoin en tant

20 que témoin en vertu de l'article 92 bis. Donc, il faudrait peut-être

21 présenter cette requête le plus rapidement possible.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, est-ce que vous

23 avez quelque chose à dire ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons essayé

25 de trouver les possibilités pour rendre cette affaire, la présentation les

26 moyens la plus efficace possible. Ce témoin, c'est, enfin le directeur de

27 la prison pendant la période pertinente pour l'acte d'accusation. Il y a

28 beaucoup d'éléments qui excluent la possibilité de présenter ce témoin

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1 comme un témoin en vertu de l'article 92 bis.

2 Nous allons réfléchir à cette possibilité encore aujourd'hui, et nous

3 allons prendre une décision le plus rapidement possible. Je suis tout à

4 fait d'accord avec l'avis de M. Whiting, à savoir que cette affaire doit

5 être résolue le plus rapidement possible.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement, c'est quelque

7 chose d'urgent. Je ne vois quel est le critère que la Défense utilise quand

8 il s'agit de donner le statut du témoin en vertu de l'article 92 bis des

9 témoins. Parce que quand on regarde, par exemple, ce témoin particulier et

10 quand on regarde ce qu'il faisait à l'époque, je ne vois vraiment pas

11 comment vous pouvez le présenter comme un témoin en vertu de l'article 92

12 bis.

13 Cela étant dit, il y a beaucoup de témoins qui ont déjà déposé ici et

14 qui, d'après moi, ne tombent pas du tout dans cette catégorie, dans la

15 catégorie des témoins relevant de l'article 92 bis, puisqu'ils parlent des

16 circonstances de l'histoire des points qui sont cumulatifs, qui se

17 répètent, sans vraiment parler du comportement de l'accusé.

18 Je vous encourage à nouveau de regarder avec un œil critique la liste

19 des témoins ainsi que leur statut pour être sûr que les témoins qui

20 déposent au sujet des informations, des circonstances qui ne sont pas

21 directement liées à l'affaire et des informations qui se répètent, enfin,

22 qui sont de nature cumulative, et bien, qu'on leur attribue à ceux-là le

23 statut des témoins en vertu de

24 l'article 92 bis.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, nous allons effectivement accepter

26 votre proposition. Quand nous attribuerons ce statut, le statut 92 bis, le

27 critère que nous utilisons, et bien, nous le présentons par rapport à

28 l'allégation qui figure à l'acte d'accusation d'après laquelle M. Martic

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1 est accusé d'avoir créé et contrôlé la prison à Knin.

2 Cette allégation dans l'acte d'accusation nous fournit la base

3 factuelle pour faire déposer ce témoin. D'après cela, ce témoin, d'après ce

4 critère, ce témoin ne peut pas être un témoin en vertu de l'article 92 bis.

5 Ensuite, nous avons la thèse de l'entreprise criminelle commune qui

6 comprend M. Martic en tant qu'organisateur et principal co-auteur. La

7 Défense a beaucoup de mal pour voir de quelle façon présenter ces témoins

8 qui parlent des actions qui sont au cœur de l'acte d'accusation pour

9 lesquelles l'accusé est accusé en vertu -- et donc comment le présenter en

10 vertu de l'article 92 bis.

11 Nous allons essayer de clarifier cette situation. Je vous remercie.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

13 Milovancevic. Je pense que nous nous étions mis d'accord que les témoins ne

14 peuvent pas relever de cette catégorie 92 bis.

15 Vous devriez, au plus tard, aujourd'hui, à la fin de la journée

16 d'aujourd'hui, décider si vous souhaitez citer ce témoin en tant qu'un

17 témoin en vertu de l'article 92 bis ou non et en informer la Chambre et le

18 Procureur. C'est le premier point. Ensuite, tout témoin qui témoigne en

19 vertu de l'article 92 bis, et bien, il faut qu'il y ait des résumés qui

20 sont présentés et ceci à l'avance.

21 Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres points à soulever par le

22 Procureur ? Non.

23 Monsieur Milovancevic ? Non. Très bien.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, merci.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander que l'on cite

26 le témoin.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

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1 déclaration solennelle.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 LE TÉMOIN : LAZAR MACURA

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

7 Merci.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, vous pouvez

10 commencer.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 Interrogatoire principal par M. Milovancevic :

13 Q. [Interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

14 R. Bonjour.

15 Q. Comme vous le savez, Monsieur le Témoin, je suis un des conseils de la

16 Défense de l'accusé Martic. Nous allons commencer votre interrogatoire

17 principal.

18 Avant de nous donner les informations vous concernant, je voudrais vous

19 demander quelque chose, à savoir entre mes questions et vos réponses, je

20 vais vous demander de respecter une pause pour que les interprètes puissent

21 interpréter.

22 R. Non, pas de problème.

23 Q. Ce qui est important, c'est que mes questions et vos réponses ne se

24 chevauchent pas. Merci.

25 Pourriez-vous nous donner votre nom et votre prénom.

26 R. Je m'appelle Lazar Macura.

27 Q. Vous êtes né où et quand ?

28 R. A Kistanje, le 19 avril 1949.

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1 Q. Quelle est votre confession et quelle est votre nationalité ?

2 R. Je suis Serbe orthodoxe.

3 Q. Vous êtes né à Kistanje et vous êtes allé à l'école où ?

4 R. Je suis allé à l'école primaire à Kistanje, ensuite, le lycée à Knin.

5 J'ai fait des études d'anglais et d'italien à Zadar, à la faculté de

6 philosophie de Zadar.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Macura, pourriez-vous, s'il

8 vous plaît, attendre l'interprétation avant de répondre.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

11 Q. Vous dites que vous avez fait les études à la faculté de Zadar. A quel

12 moment avez-vous eu votre diplôme ?

13 R. Le 14 février 1972.

14 Q. Après avoir terminé vos études, quelle était votre profession ?

15 R. J'ai eu un travail à Oklaj. C'est de l'autre côté de la rivière de

16 Krka. C'est là que je travaillais dans l'école élémentaire. Ensuite, je

17 suis allé à l'armée, et après, j'ai eu un job à Knin où je travaillais dans

18 l'école élémentaire, Les héros populaires. Ensuite, au bout d'un an, j'ai

19 commencé à travailler dans le lycée de Knin où je suis resté jusqu'au début

20 de la guerre, jusqu'à la fin.

21 Q. Quand on parle de votre travail à l'école, que faisiez-vous ?

22 R. J'étais prof d'anglais. Puis, de temps en temps, de l'italien aussi.

23 Enfin, j'étais prof d'italien aussi, mais ce n'était pas une langue

24 obligatoire. Il y avait tout de même un groupe d'élèves qui apprenaient

25 italien. C'était une option.

26 Q. Vous avez dit qu'au début, vous avez commencé à travailler dans l'école

27 élémentaire d'Oklaj. Où se trouve exactement Oklaj, près de quelle ville ou

28 agglomération ?

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1 R. Oklaj se trouve au niveau de la municipalité de Drnis. Drnis, c'est une

2 petite ville, une petite ville dalmate. Oklaj fait partie de la

3 municipalité de Drnis, même si auparavant cette ville faisait partie de la

4 municipalité de Knin. Après un bout de temps, c'est devenu une petite ville

5 de la municipalité de Drnis.

6 Q. Merci.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oklaj et Drnis se trouvent au niveau de

8 la page 30 de l'atlas dans le carré 2E.

9 Q. Quand vous dites que vous avez commencé à travailler comme enseignant,

10 donc vous travaillez dans l'enseignement, pourriez-vous nous dire quelle

11 était la situation pendant vos études, puis quand vous avez commencé à

12 travailler, la situation à Zadar, à Drnis, à Oklaj. Est-ce que vous avez

13 quelques impressions à ce sujet ?

14 R. Je pourrais en parler pendant des heures, mais je ne voudrais pas

15 abuser de votre temps parce que là, il s'agit de détails. Ce que je dois

16 dire, c'est que j'étais étudiant de la dernière année, enfin de la

17 quatrième année à Zadar au moment où le mouvement de masse a commencé en

18 Croatie.

19 Q. Dans cette affaire, nous avons entendu parler à plusieurs reprises de

20 ce mouvement de masse en Croatie. En réalité, c'est un mouvement politique

21 en Croatie à l'époque. Est-ce que vous pourriez déjà situer cela dans le

22 temps ?

23 R. Entre 1970 et 1971, c'était une folie, une hystérie pratiquement, parce

24 que vous aviez toute une flopée de magazines, de journaux, qui parlaient de

25 la Croatie qui était menacée au sein de la Yougoslavie.

26 Q. Merci. Quel était l'objectif de ce mouvement, d'après ce que vous

27 savez ?

28 R. L'objectif du mouvement était sans doute que la Croatie fasse la

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1 sécession, la scission par rapport à la Yougoslavie. Puis, tous les moyens

2 étaient employés.

3 J'ai été dans le même bureau qu'Ivan Grga et --

4 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le deuxième nom.

5 R. -- et nous étions vraiment de très bons amis. Mais un moment donné, ils

6 se sont séparés, parce qu'il était influencé par une propagande sans égard.

7 Il y a eu toute une série d'événements qui nous ont bien montré que les

8 intentions étaient vraiment sans merci. Il y a eu beaucoup d'attaques,

9 plusieurs attaques menées contre des Serbes à Zadar.

10 Q. Vous avez parlé de ce collègue avec lequel vous aviez partagé la

11 chambre dans le foyer des étudiants. Vous avez dit qu'il est tombé sous

12 l'influence de propagande sans merci. Qu'est-ce que vous voulez dire par

13 là ?

14 R. Là, il s'agissait d'une action synchronisée et organisée par les

15 autorités croates, Savka Dapcevic Kucar, Miko Tripalo et il y en avait

16 d'autres. En ce qui concerne les personnes plus jeunes, ils se disaient

17 Oustachi, ouvertement, publiquement. Ivan Zvonimir Cicak était un des plus

18 virulents parmi eux.

19 Q. Merci.

20 R. Ce monsieur venait à Knin pendant la guerre. J'ai parlé avec lui

21 pendant une heure à peu près. Je lui ai demandé s'il était toujours

22 Oustachi et il m'a dit que non. Non, parce qu'il avait honte de tous ceux

23 qui se proclamaient Oustachi.

24 Q. Merci.

25 R. Il m'a dit qu'il était Oustachi à l'époque où d'autres n'osaient pas se

26 déclarer Oustachi. Quand je parle de lui, quand je le mentionne, je dois

27 dire qu'il y a quelques mois, il a été invité à la télévision de Belgrade

28 et il a dit entre autres : "Je peux vous aider, vous, les Serbes, parce que

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1 je suis un ami personnel de Carla Del Ponte."

2 Q. Merci. Puisque vous avez parlé de cette année 1971, est-ce qu'il

3 s'agissait là juste d'un mouvement politique où il s'agissait de prôner des

4 idées politiques, ou bien est-ce qu'il y avait des démonstrations, des

5 manifestations publiques ?

6 R. Tout cela était organisé de sorte qu'un groupe d'étudiants a traversé

7 la Croatie en faisant des rassemblements, des discours enflammés. Tout ceci

8 pour dire qu'il faut renvoyer les Serbes de l'autre côté de la Drina. Budak

9 disait : "Allez les chiens, fuyez de l'autre côté de la Drina."

10 Q. Qui est Mile Budak ?

11 R. Mile Budak était le ministre de l'Education et des Religions pendant

12 l'époque de Pavelic.

13 Puisque je parle de la rivière Drina, je dois dire que pendant le

14 régime de Franko en Espagne, il existait une publication intitulée "Drina",

15 mais les Croates n'ont jamais habité au niveau de la Drina. Il ne s'agit

16 pas là uniquement d'une ambition des Croates, mais d'une ambition du

17 Vatican.

18 Je dois dire que les Croates sont devenus les plus grands criminels

19 justement parce qu'ils suivent la politique du Vatican.

20 Q. Vous avez mentionné cette phrase de Mile Budak qui était le

21 ministre de l'Education et des Religions en Croatie pendant le régime de

22 Pavelic. Qui sont ces chiens dont il parle ? Vous avez parlé de cette

23 phrase où il disait : "Allez les chiens, fuyez de l'autre côté de la

24 Drina." Qui sont ces chiens ?

25 R. Ces chiens, ce sont les Serbes. Du temps de Pavelic, on pouvait

26 lire les inscriptions suivantes dans des lieux publics interdits aux Juifs,

27 aux Serbes et aux chiens.

28 Q. Merci. Vous avez mentionné 1971 et vous avez dit qu'ils répétait

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1 cette parole, ce slogan de 1941 ?

2 R. Oui, bien sûr. Cela va même plus loin que cela. Je dois dire que

3 le Vatican, c'est la clé de tout. Moi, en tant que témoin, je proposerais

4 ici que les Juges demandent qu'on leur montre les archives secrètes du

5 Vatican. Avec cela, vous n'aurez pas besoin d'aller plus loin parce que

6 tout est écrit là-dedans.

7 Q. Merci. Cette situation politique de 1971, est-ce qu'elle se reflétait

8 sur la vie au jour le jour des gens normaux, des citoyens ?

9 R. Oui, oui. J'ai eu des situations désagréables même si ce n'est pas très

10 important. Je peux en parler. Oui. Il y avait un étudiant de l'histoire qui

11 étudiait la philosophie --

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, essayez de

13 ralentir, vous parlez trop vite pour les interprètes.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Moi-même, j'ai travaillé comme

15 interprète. Je m'excuse.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans ce cas-là, vous devez bien vous

17 rendre compte à quel point il est difficile d'interpréter lorsque les

18 intervenants parlent vite.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que ce n'est facile pour vous, mais ce

20 n'est pas facile pour moi non plus.

21 Mico Pavelic qui était un camarade de classe, nous nous fréquentions. Il

22 n'y avait pas de mauvais rapports entre nous à l'époque. Lorsque nous

23 jouions au football près de la résidence universitaire, des groupes

24 d'étudiants croates se rassemblaient pour supporter les joueurs. Et

25 souvent, ils criaient : "Pavelic, quel joli nom, tu peux être fier de ton

26 nom."

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

28 Q. Pourquoi ce patronyme de "Pavelic" est-il intéressant ?

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1 R. Si les Juges de la Chambre ne savent pas ce que cela recouvre, je

2 dirais que sous le régime de Pavelic qui était le fondateur de l'Etat

3 indépendant de Croatie --

4 Q. Merci. Cela suffira. Cette situation politique et ce mouvement

5 politique que vous avez mentionné et que l'on appelait le mouvement de

6 masse "maspok," s'est terminé par une intervention de l'Etat. J'espère que

7 ma question n'est pas de nature directrice.

8 R. Je connais très bien la situation. Je peux vous répondre en quelques

9 mots. Les dirigeants croates ont été remplacés à l'époque.

10 Q. Merci. Cela suffira, Monsieur le Témoin. Vous avez déclaré que vous

11 aviez obtenu votre diplôme universitaire en 1972 et que vous aviez trouvé

12 un emploi dans une école primaire à Oklaj. Quelle était l'ambiance au

13 travail pour ce qui est des rapports entre les différents groupes

14 ethniques ? En quelques mots.

15 R. Oklaj est majoritairement peuplée de Croates. Les Serbes y sont

16 minoritaires. Lorsque j'ai trouvé un emploi à cet endroit, il y avait un

17 procès en cours contre Davor Knezevic, le directeur d'une entreprise.

18 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi consistait ce procès ?

19 R. Il était accusé d'avoir pris part au mouvement de masse avec Pasko

20 Kulusic, qui était l'un de professeurs de mathématique.

21 Q. Comment se sont terminés ces procès ?

22 R. Ils ont été condamnés à des peines d'emprisonnement d'une durée que

23 j'ignore.

24 Q. Est-ce qu'on les a congédiés ?

25 R. Oui, bien sûr. Ils ont perdu leur travail.

26 Q. Qu'en est-il de vos rapports avec ces personnes au travail, à l'époque

27 où vous travailliez ensemble ?

28 R. Ils n'ont fait preuve d'aucune hostilité à mon égard. A l'époque, ils

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1 étaient en procès.

2 Q. Merci. Quand avez-vous effectué votre service militaire ?

3 R. En octobre 1972.

4 Q. Où avez-vous terminé votre service militaire ? Est-ce que vous aviez un

5 grade ?

6 R. J'ai étudié à l'école des officiers de réserve à Bilice. J'ai travaillé

7 dans l'infanterie et je suis devenu sergent de réserve. Par la suite, j'ai

8 été promu au grade de capitaine.

9 Q. Au sein de quelle armée ?

10 R. Au sein de l'armée populaire yougoslave.

11 Q. Quel était l'intitulé officiel de cette armée ?

12 R. La JNA, l'armée populaire yougoslave.

13 Q. Monsieur, en 1990, vous étiez officier de réserve de l'armée populaire

14 yougoslave, quel grade aviez-vous à l'époque ?

15 R. Capitaine de première classe.

16 Q. Après avoir servi dans les rangs de l'armée, vous avez trouvé un

17 travail à Knin d'abord dans une école primaire. Vous avez travaillé six

18 mois. Plus tard, vous avez travaillé au lycée Fraternité et Unité où vous

19 avez enseigné l'anglais. Vous avez continué à travailler dans ce domaine,

20 l'éducation ?

21 R. Oui, même pendant la guerre. Pendant la guerre, j'ai été nommé

22 directeur de la Radio serbe de Knin. Si bien que pendant quelque temps j'ai

23 fait ce travail. Après la guerre, j'ai retrouvé ma profession initiale.

24 Q. Avez-vous été mobilisé pendant la guerre ?

25 R. Non. J'étais vice-président de la municipalité de Knin.

26 Q. Vous avez dit que "pendant la guerre," vous étiez vice-président de la

27 municipalité de Knin. Lorsque vous dites "pendant la guerre," à quelle

28 période pensez-vous ?

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1 R. Après les élections en 1990. Il s'agissait des premières élections

2 démocratiques sur le territoire de la Croatie. Il n'y avait pas d'élections

3 sur l'ensemble du territoire de la Yougoslavie, seulement dans les

4 républiques.

5 Q. Jusqu'à quand durait cette période ?

6 R. Vous voulez parler de la guerre en Croatie ? Jusqu'au 4 août 1995,

7 jusqu'à l'opération Tempête.

8 Q. Outre votre travail d'enseignant à l'école, avez-vous pris part à

9 certaines activités en rapport avec votre formation ?

10 R. Je suis traducteur littéraire depuis longtemps.

11 Q. Vous avez étudié la philosophie à l'université. Vous êtes devenu

12 enseignant d'anglais et de français.

13 R. Non, anglais et italien.

14 Q. Excusez-moi, anglais et italien. Vous êtes traducteur. Est-ce que vous

15 pouvez nous expliquer comment vous êtes devenu engagé au plan politique et

16 comment vous êtes devenu vice-président de la municipalité de Knin ?

17 R. Ce n'était pas par choix. Malheureusement, j'ai été contraint de le

18 faire.

19 Q. Qu'est-ce qui vous a contraint à vous engager politiquement ?

20 R. L'Union démocratique croate, cette année-là, a gagné les élections en

21 Croatie.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux parler de l'Union démocratique croate

23 et non pas de l'université démocratique croate.

24 R. Franjo Tudjman était le président du HDZ. Depuis longtemps, on le

25 connaissait comme un nationaliste croate de la pire espèce. A l'époque du

26 régime de Josip Broz Tito, il a été emprisonné un certain temps à

27 Lepoglava, une prison bien connue. Il n'a jamais caché son souhait de

28 poursuivre ce qu'avait commencé Ante Pavelic.

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1 Q. Pourquoi dites-vous cela ? Pourquoi dites-vous qu'il n'a jamais cherché

2 à cacher cela ?

3 R. Dans toutes ses apparitions publiques et dans les déclarations faites à

4 la presse, à la radio et la télévision, j'ai eu l'occasion de l'entendre à

5 maintes reprises. Il a notamment déclaré que la Croatie - et il avait à

6 l'esprit la Croatie de Pavelic - "n'était pas une simple entité, mais

7 l'expression des aspirations historiques du peuple croate."

8 Q. Monsieur Macura, pourquoi pensez-vous que cette phrase prononcée par M.

9 Tudjman laisse à penser que Tudjman avait l'intention de reprendre le

10 flambeau de Pavelic ?

11 R. Pour ce qui est de Pavelic, je crois qu'il a créé l'un des états les

12 plus monstrueux de l'histoire de l'humanité.

13 Q. Pourquoi dites-vous cela ?

14 R. S'agissant des crimes commis par les Oustachi à l'encontre des Serbes,

15 ils ont même horrifié leurs protecteurs, les Nazis. Cet Etat n'était ni

16 indépendant, ni un Etat en tant que tel, ni la Croatie. Il n'avait aucun

17 programme économique. Le seul programme d'Ante Pavelic et de l'Etat à la

18 tête duquel il se trouvait, prenait le maintien de la vie en Croatie

19 uniquement pour ceux qui étaient ici de la race aryenne pure.

20 Q. De qui s'agissait-il ?

21 R. Des catholiques croates. Personne d'autre n'avait le droit de demeurer

22 dans cet Etat. Et ici, Pavelic s'appuie sur Ante Starcevic. Ante Starcevic

23 était un homme politique croate de la deuxième moitié du XIXe siècle, qui

24 avait fondé le Parti croate des droits. Son programme pouvait se résumer en

25 une seule phrase, à savoir la solution à la question serbe en Croatie.

26 Q. Quelle était cette phrase ?

27 R. "Un tiers des Serbes devaient être tués, un tiers expulsés et un tiers

28 convertis au catholicisme."

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1 Q. Ante Pavelic a-t-il mis en œuvre ce programme ?

2 R. Ce programme a bel et bien été mis en œuvre de la manière la plus

3 brutale et épouvantable qui soit.

4 Q. Vous avez déclaré que même les alliés allemands de la Croatie étaient

5 horrifiés. Est-ce que vous pouvez nous citer un exemple ?

6 R. Il y en a beaucoup. Je m'en souviens d'un en particulier.

7 Personnellement, j'ai traduit un livre du Dr Marco Aurelio Rivelli. Il est

8 titulaire d'un doctorat en sciences politiques et il a rédigé un certain

9 nombre d'ouvrages dont l'un est appelé "L'archevêque du génocide". Il

10 s'agissait là d'une référence à l'archevêque de Zagreb, un haut

11 représentant de l'église catholique, Alojzije Stepinac.

12 Q. Nous allons parler un peu plus tard de cela. L'auteur de ce livre que

13 vous avez mentionné, Marco Aurelio Rivelli, quelle était sa nationalité ?

14 R. Il était de nationalité italienne. Il était catholique. Il habite à

15 Bergamo en Italie.

16 Q. Est-ce que le fait d'avoir traduit son livre, vous a permis de

17 recueillir certaines informations ?

18 R. Ce livre traite uniquement des faits. Il y a eu des recherches

19 approfondies pour ce livre.

20 Q. Vous avez dit un peu plus tôt que Tudjman avait l'intention de

21 poursuivre le travail de Pavelic, et vous avez émis une opinion au sujet de

22 l'Etat indépendant de Croatie. Pourquoi pensiez-vous que Tudjman avait

23 l'intention de poursuivre le travail de Pavelic ?

24 R. Il était financé par le mouvement oustacha à l'étranger et par la

25 diaspora croate. Le centre le plus important se trouvait à Munich après la

26 Deuxième Guerre mondiale.

27 Puisque je parle de Munich, il me faut dire que c'est là-bas que se

28 trouvait Eugenio Pacelli, qui est devenu le Pape Pie XII plus tard. C'était

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1 le pape de Hitler. Eugenio Pacelli était le bras droit d'Hitler.

2 Q. Pouvez-vous nous dire quand M. Stepinac a exercé les fonctions

3 d'archevêque ?

4 R. Je crois que c'était en 1937.

5 Q. Jusqu'à quand ?

6 R. Jusqu'à la fin de la guerre. Après, il a été traduit en justice et

7 emprisonné. Je vous dirai quelques mots au sujet de Stepinac. Tito lui a

8 proposé un marché. Il lui a demandé de quitter le pays en échange de quoi

9 il serait libéré de prison. Pourtant, le Vatican n'a pas donné son

10 autorisation. Le pape à Rome n'a pas autorisé cela.

11 Q. Pourquoi donc ?

12 R. Car celui qui avait béni les crimes commis par les Oustachi pendant la

13 guerre devait être considéré comme un martyr.

14 Q. Qu'est-il advenu d'Alojzije Stepinac et de son statut de martyr dans

15 les années 1990 ?

16 R. C'est de cela que parle Marco Aurelio Rivelli dans son livre. Le défunt

17 pape Voytilla, Jean-Paul II, est venu à Marija Bistrica pour canoniser

18 Stepinac. C'est l'étape qui précède la sanctification.

19 Q. Où se trouve Marija Bistrica ?

20 R. A 20 kilomètres de Zagreb.

21 Q. Qu'est-il arrivé ensuite ?

22 R. Il a été sanctifié. Et le pape, plus tard, a prononcé un discours au

23 sujet des crimes qui ne devaient pas être répétés, sans jamais parler des

24 crimes commis et bénis par Stepinac.

25 Q. Vous avez dit que vous aviez été contraint de vous engager

26 politiquement, et vous avez évoqué la manière dont vous considériez la

27 politique menée par M. Tudjman. Que se passait-il au quotidien ? Quelle

28 était la situation ? Qu'est-ce qui vous a d'abord poussé à vous engager

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1 politiquement ?

2 R. Avant le début de la guerre, Tudjman a constitué sa propre armée que

3 l'on appelait le Corps de la Garde nationale, ZNG. Il s'agissait d'une

4 armée d'insurgés de la pire espèce, car la seule force armée régulière et

5 légitime à l'époque était l'armée populaire yougoslave. Nous avons vu à la

6 télévision des rassemblements au stade de Zagreb. Nous avons suivi tout

7 cela. Les Croates ne se cachaient pas.

8 Q. Excusez-moi. Vous avez parlé du rassemblement dans la rue Kranjceviceva

9 à Zagreb. De quoi s'agissait-il ?

10 R. Je ne me souviens pas de la date. C'était dans le courant de l'année

11 1990. Je me souviens de cet événement. On a choisi ce stade, parce qu'il

12 était grand et beaucoup de gens pouvaient s'y réunir. Ce n'était pas

13 l'organisation d'une armée secrète. Au contraire, tout cela s'est fait très

14 ouvertement, il devait produire un effet.

15 Q. Vous n'avez pas répondu. De quel type de rassemblement s'agissait-il ?

16 R. Il s'agissait du rassemblement de l'armée croate, de l'armée croate qui

17 existait lors de la Deuxième Guerre mondiale, pour qu'ils puissent finir ce

18 que les Oustachi n'ont pas réussi à faire pendant ces quatre ans.

19 Q. Pouvez-vous me dire qui était le président du gouvernement de la

20 Yougoslavie en 1990 et 1991 ?

21 R. C'était Ante Markovic. Quand on parle de la guerre en Yougoslavie, en

22 général, il faut savoir que parmi les militaires les plus hauts placés,

23 c'étaient les Croates qui étaient les dominants.

24 Q. Qu'était l'appartenance ethnique d'Ante Markovic ?

25 R. Il est Yougoslave. Il a fondé un parti yougoslave, mais il n'est pas

26 allé organiser des rassemblements en Croatie mais plutôt en Bosnie-

27 Herzégovine.

28 Q. Qui était le ministre des Affaires extérieures de l'ancienne

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1 Yougoslavie ?

2 R. Je ne peux pas me souvenir qui était le ministre des Affaires

3 étrangères, mais je sais qui était le commandant de l'aviation. C'était

4 Antun Tus. Il était Croate également.

5 Q. Est-ce que Budimir Loncar vous dit quelque chose ?

6 R. Budimir Loncar a été pendant longtemps ministre des Affaires étrangères

7 en Yougoslavie. Je pense qu'il est né sur l'île d'Ugljan en Croatie. C'est

8 juste en face de Zadar.

9 Q. M. Mesic, est-ce qu'il exerçait une fonction en 1990 ?

10 R. Le HDZ a insisté à ce que M. Mesic remplace Stipe Suvar dans la

11 présidence collégiale de la présidence de la Yougoslavie. Mais Stipe Suvar

12 n'était pas membre du HDZ. Il ne pouvait plus rester à exercer ses

13 fonctions.

14 Q. Est-ce que Stipe Mesic, en tant que représentant croate au sein de la

15 présidence de la Yougoslavie, avait une fonction à exercer au sein de cette

16 présidence ?

17 R. Il a dit lui-même que sa tâche majeure était de détruire la

18 Yougoslavie, de démanteler la Yougoslavie. Et il a été nommé président de

19 la Yougoslavie.

20 Il y a encore une chose que je dois vous dire à propos de Stipe Mesic.

21 Stipe Mesic a marié une Serbe. Et son épouse avec sa sœur à elle a survécu

22 au camp de Jastrebarsko. C'était un camp de concentration des Oustachi dans

23 lequel il n'y avait que des enfants. Donc, c'est presque invraisemblable.

24 Parfois, la vie est plus que le surréalisme. Il est plus que surréel.

25 Q. Vous avez dit que l'épouse de M. Mesic, en tant que Serbe, a survécu le

26 camp de concentration de Jastrebarsko et qu'il s'agissait d'un camp pour

27 les enfants. Qui a fondé ce camp de concentration ?

28 R. Le gouvernement de Pavelic. Parce que Pavelic a introduit une

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1 dictature. Il n'y avait pas d'élections. Il s'agissait de la pure

2 dictature. A peu près 22 camps provisoires ont été fondés, mais il y avait

3 des camps permanents, tels que Jasinovac. Jasinovac représentait un système

4 dans le cadre duquel on organisait un camp de mort. Selon ce qu'il a dit,

5 ce qu'Andrija Artukovic a dit, Andrija Artukovic, il était ministre de

6 l'Intérieur au gouvernement de Pavelic. C'est, en fait, ce qu'il a dit.

7 Q. C'était pendant l'existence de l'Etat indépendant croate ?

8 R. Oui. Qui bénéficiait de la protection des Nazis et des fascistes.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Juste un instant, Maître

10 Milovancevic. Le camp dans lequel l'épouse et sa sœur, l'épouse de M. Mesic

11 et sa sœur ont survécu, est-ce qu'il s'agissait d'un camp de mort quand on

12 parle de ce camp pour les enfants, ou bien il s'agissait d'un autre type de

13 camp ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait d'un camp de mort comme tous les

15 autres camps. Tous les camps étaient, selon la version croate, les camps de

16 travail. Une délégation des Nations Unies a rendu visite à ce camp. A ce

17 moment-là, ils ont bien habillé ces enfants, ils les ont fait chanter une

18 chanson pour que tout soit joli. Mais un Italien au sein de cette

19 délégation, a pu remarquer d'autres choses au camp. Les autres membres de

20 la délégation n'ont pas remarqué cela, et les Nations Unies, eux-mêmes,

21 n'ont pas qualifié ce camp de camp de mort. L'un des membres de la

22 commission des Nations Unies qui a été formée et qui a été composée de cinq

23 membres était M. Rivelli.

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, un instant,

25 s'il vous plaît, pendant qu'on attend :

26 Monsieur le Témoin, vous avez mentionné avant que les Croates souhaitaient

27 créer une race aryenne qui aurait exclu les Serbes. Les Serbes et les

28 Croates, ne sont-ils pas originaires de la même race, génétiquement et

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1 logiquement ? Si la réponse est non, y a-t-il une différence physique entre

2 ces deux peuples ? Est-ce qu'il y a une différence manifeste et évidente

3 par rapport à l'aspect physique des uns et des autres ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas à cette théorie de la race

5 aryenne. Ce n'est pas mon idée; c'est l'idée d'Ante Pavelic qu'il a adoptée

6 d'Hitler. Je vais vous mentionner un détail, quelque chose qui s'est passé

7 à Split.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Non. Je veux que vous me répondiez

9 à la question que je vous ai posée.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame le Juge, il faut que je vous dise que

11 beaucoup de Croates sont issus des Serbes. C'est un processus historique

12 long à tous les niveaux. Pendant l'impératrice Marie-Thérèse, il y avait

13 beaucoup de choses qui se sont passées. Dans la région de Zadar, par

14 exemple, avant l'avènement de Marie-Thérèse en tant qu'impératrice à

15 Vienne, il y avait 19 paroisses orthodoxes, c'est-à-dire, communautés

16 religieuses orthodoxes. Elle a ordonné que les orthodoxes soient

17 reconvertis en masse. Je vais vous expliquer ce terme qui, en Serbe, se dit

18 "Uniate". Les Serbes orthodoxes ont pu continuer à fêter ces saints à

19 condition de reconnaître le pape de Rome. Il s'agit du même pape, en fait.

20 Mon frère a marié une Croate, mais lui aussi il a été expulsé.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Votre réponse

22 est la suivante, c'est ce que j'ai compris. Il n'y a pas de différence

23 entre ces deux peuples. Un peuple n'est pas du point de vue racial

24 supérieur à l'autre.

25 Maître Milovancevic, vous pouvez poursuivre.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

27 Q. Vous avez mentionné le camp pour les enfants à Jastrebarsko. Il y a des

28 camps pour les écoliers, ensuite, pour les éclaireurs. De quel type de

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1 camps s'agissait-il ici ?

2 R. Quand à Jastrebarsko, il s'agissait d'un camp un peu plus tranquille

3 par rapport aux autres. Il y avait des camps pour toutes les catégories de

4 la population, pour les enfants, pour les personnes âgées et pour les

5 femmes. Ensuite, il y avait des camps pour les femmes et les enfants, par

6 exemple, à Stara Gradiska. A Stara Gradiska où à peu près 75 000 enfants et

7 femmes ont été tués.

8 Q. Je voulais avoir une réponse courte. Est-ce qu'on peut dire qu'il

9 s'agissait d'un camp de concentration ou pas ?

10 R. En tout cas, il s'agit d'un camp de concentration.

11 Q. Cela suffit. Je vous remercie. J'ai essayé d'obtenir la réponse,

12 Monsieur le Témoin, parce que vous avez dit que vous avez commencé à vous

13 occuper de la politique, parce que vous aviez eu beaucoup de difficultés

14 dans votre quotidien et vous avez fait allusion à l'apparition de M.

15 Tudjman. Comment cela s'est manifesté dans la vie publique ?

16 R. Dès qu'il est arrivé au pouvoir à Zagreb, Tudjman a demandé à tous les

17 employés dans toutes les entreprises de signer une déclaration - je ne

18 connais pas le texte de la déclaration - donc, de signer une déclaration

19 par laquelle ils devaient être loyaux aux responsables croates. Sans ce

20 soutien à Franjo Tudjman, vous ne pouviez pas rester à votre poste.

21 Il y avait des Serbes qui ont signé cette déclaration et qui n'ont

22 pas été licenciés. Mais la plupart des Serbes ont estimé que cette

23 déclaration ne devait rien à voir avec leur poste. J'ai parmi mes amis les

24 personnes qui, par exemple, Glisa Kolundzic, qui est rentré et qui vit à

25 Kakan, tout près de Biograd. Il a entamé un procès contre l'Etat croate,

26 mais on ne voit pas encore l'issue de ce procès. Il a entamé ce procès

27 parce qu'il a été licencié de son poste. Il a été expulsé et sa maison à

28 Zadar a été incendiée.

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1 Ce sont les trois motifs pour lesquels il a entamé ce procès il y a

2 11 ans déjà. Il y a beaucoup de tels procès. Non, ce n'était pas il y a 17

3 ans, c'était il y a 11 ans où il a entamé ce procès.

4 R. Comment avez-vous commencé à vous occuper de la politique et quelle

5 était votre position ?

6 R. Le Parti démocratique serbe a été fondé. Ce parti politique a été

7 enregistré comme tous les autres partis politiques en Croatie. Le président

8 du parti était le Dr. Jovan Raskovic. Nous avons considéré ce parti comme

9 étant le bouclier pour protéger le peuple serbe en Croatie.

10 Q. Monsieur Macura, le bouclier pour vous protéger contre qui et

11 pourquoi ?

12 R. Vous voyez, Tudjman a annoncé que les Serbes perdraient le statut d'un

13 peuple. Non seulement Tudjman mais aussi Saiks [phon] qui connaissait le

14 droit. Le statut d'un peuple constitutif, les Serbes l'ont obtenu et l'ont

15 mérité parce qu'ils ont risqué leurs vies pour cela. Cela veut dire, être

16 réduit au statut d'une minorité nationale et perdre beaucoup de droits

17 collectifs.

18 Q. Il faut que je vous interrompe. Je m'en excuse. Pour vous, quel droit

19 collectif est le plus important selon vous ?

20 R. Au moment où on est entrés en Yougoslavie, après la fin de la Première

21 Guerre mondiale, les Serbes, les Croates et les Slovènes du territoire de

22 l'ancien empire austro-hongrois se sont mis d'accord pour entrer en

23 Yougoslavie. Cela convenait le plus aux Croates parce qu'ils sont devenus

24 victorieux. Ils ont changé de camp. Ils n'étaient plus perdants, ils sont

25 devenus gagnants, et cela grâce au peuple serbe qui a beaucoup souffert

26 dans cette guerre.

27 Après que la Deuxième Guerre mondiale a commencé.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Juste un instant, je m'excuse. Maître

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1 Milovancevic, on perd, n'est-ce pas, beaucoup de temps en parlant du

2 contexte historique. Le témoin n'est pas historien ni juriste. Il est ici

3 pour témoigner sur les points pertinents pour l'acte d'accusation. A mon

4 avis, vous êtes en train de perdre du temps par rapport au temps qui vous a

5 été imparti. Pourriez-vous vous concentrer mieux sur les points pertinents.

6 Je n'aime pas vous avertir dans ce sens.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, au moment où les

8 conseils de la Défense s'assurent que le Procureur comprenne le terme, le

9 peuple constitutif, nous allons nous arrêter par rapport à ce sujet. Les

10 dispositions de la constitution yougoslave, en 1990, qui parlent de peuple

11 constitutif, des Serbes, par exemple, il faut donc que le Procureur

12 comprenne cela. Après, nous allons nous arrêter de discuter là-dessus.

13 Le témoin est l'un des collaborateurs proches de M. Babic, de M.

14 Raskovic, l'un des hommes-clés au SDS. Pour moi, il est pertinent qu'il

15 dise quels étaient les motifs pour fonder ce parti, l'expulsion de la

16 population non-croate, des sévices, et cetera, ou peut-être une autre

17 chose.

18 C'est pour cela que je lui pose ces questions, à savoir pourquoi les

19 événements qui sont survenus en 1990 ont représenté un signal alarmant pour

20 les Serbes.

21 Monsieur le Juge, je vous remercie de m'avoir averti par rapport au temps

22 qui m'a été imparti. Je vais poser une ou deux questions. Le témoin, en

23 tant que quelqu'un qui est instruit, pourrait me répondre en deux ou trois

24 phrases.

25 Est-ce que maintenant on peut parler de la Deuxième Guerre mondiale ?

26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne vous ai pas interrompu dans le

27 passé, mais j'ai l'impression que vous êtes en train de dire que le témoin

28 peut témoigner par rapport aux faits et par rapport à la période couverte

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1 par l'acte d'accusation. S'il vous plaît, parlez-lui de cela, et je suis

2 sûr que le témoin est une personne instruite.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur le Témoin, vous avez parlé des Serbes en tant que peuple

5 constitutif. Vous ne nous avez pas dit pourquoi ils ont mérité ce statut de

6 peuple constitutif après la Deuxième Guerre mondiale. Et pourquoi, à votre

7 avis, le problème qui se posait consistait en annonce que les Serbes

8 allaient être exclus de la constitution en tant que peuple constitutif ?

9 R. Dans la Deuxième Guerre mondiale, ils participaient aux deux mouvements

10 antifascistes. L'un de ces deux mouvements était le Mouvement des Partisans

11 et l'autre, le Mouvement des Chetniks. C'est une tragédie pour le peuple

12 serbe parce qu'ils se sont mutuellement tués.

13 Maintenant, je veux dire ce qui s'est passé quant aux Croates. Les

14 Croates étaient soit les Domobran, soit les Oustachi. Il y en avait très

15 peu qui étaient au sein du Mouvement des Partisans.

16 Je vais vous donner une information pour illustrer cela. J'ai parlé

17 avec le Pr Ilija Stojanovic, membre de l'Académie des sciences et des arts

18 serbes. Il est originaire d'Otoca. Otoca se trouve dans la Lika et Lika se

19 trouve en Croatie. Puisqu'il était membre de la

20 6e Division de Lika - et la division compte plusieurs milliers d'hommes, de

21 soldats - je lui ai demandé : "Quel est le nombre de Croates qui étaient

22 membres de la 6e Division de Lika ?" Il m'a dit : "Je connais le nombre

23 exact, 27. Donc, il y en avait 27."

24 Q. La 6e Division de Lika a agi pendant quelle période ?

25 R. C'est une division qui est très connue, parce qu'il a défendu Tito à

26 Drvar pendant la Deuxième Guerre mondiale lorsqu'il y a eu l'offensive

27 contre Drvar. Il y avait des chansons qui ont été écrites sur cette

28 division.

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1 Il y avait seulement 27 Croates sur plusieurs milliers de

2 combattants. Tudjman était l'un de ceux qui ont été en charge d'inciter les

3 Oustachi et les Domobran à passer du côté des partisans. C'est comme cela

4 qu'ils sont devenus partisans et gagnants.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, il est venu,

6 peut-être, le moment propice pour faire une pause à ce stade-là.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est ce que je voulais dire,

8 Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

10 Nous allons faire une pause et nous allons continuer à onze heures

11 moins le quart.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.

13 --- L'audience est reprise à 10 heures 45.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur Macura, vous souvenez-vous des premières élections

17 multipartites en Croatie ?

18 R. C'était en avril, mai 1990. Je pense que le deuxième tour a eu lieu le

19 6 mai.

20 Q. Le Parti démocratique serbe a-t-il participé aux élections ?

21 R. Le SDS a participé aux élections et a remporté la majorité des voix,

22 surtout au niveau de Knin, et ceci d'ailleurs au premier tout déjà. Donc,

23 la situation était réglée dès le premier tour. Puis, dans certains

24 endroits, dans certaines parties du territoire serbe en Croatie, c'est le

25 parti de Racan qui a remporté la majorité.

26 Q. Rappelez-nous, qui a emporté les élections lors de ces premières

27 élections multipartites ?

28 R. C'est le HDZ qui a gagné les élections dans le parlement croate avec le

Page 8148

1 Dr Franjo Tudjman à sa tête.

2 Q. Est-ce que vous avez quelque connaissance quant aux propositions de

3 modification de la constitution croate ?

4 R. Oui. Ils ont annoncé immédiatement des changements au niveau de la

5 constitution. Mais je pense que la nouvelle constitution a été votée au

6 mois de décembre 1990.

7 Q. Merci. Vous dites qu'ils ont immédiatement annoncé les modifications

8 constitutionnelles. Quand ont-ils fait cela ?

9 R. Pendant toute la campagne, on a insisté sur le fait que la Croatie

10 était l'Etat uniquement du peuple croate. Ensuite, il y a eu des

11 rassemblements. Je me souviens de Fra Duka, qui était venu parler à la

12 salle Vatroslav Lisinski à Zagreb, quand il a dit avec une voix triomphante

13 : "Au-dessus du parlement croate, il n'y a que le Dieu." C'était un message

14 très clair adressé à ceux qui n'étaient pas Croates.

15 Q. Vous dites que le HDZ a annoncé dès le début les amendements à la

16 constitution dans le cas de la victoire. De quoi il s'agissait ?

17 R. Tudjman a bien défini cela. Il s'agissait là d'une tendance historique

18 du peuple croate d'avoir un Etat pur et de résoudre la question serbe en

19 Croatie.

20 Tudjman, en 1996, quand la guerre était finie, a dit au mois de mai : "La

21 question serbe en Croatie a enfin été résolue de façon définitive. Il ne

22 faudrait jamais qu'il n'y en ait plus que 3 % en Croatie." Si vous pensez

23 qu'il y avait à peu près 20 % de Serbes en Croatie, et bien, c'est bien

24 clair quelle était la vraie nature de ce message.

25 Q. Monsieur Macura, pouvez-vous nous dire pour quelle raison les Serbes de

26 Croatie étaient contre ce changement constitutionnel ? Pourquoi cette

27 question de peuple constitutif avait une telle importance ?

28 R. Entre 1630 et 1880, nous avions une espèce de constitution serbe dans

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1 le cadre de l'empire austro-hongrois. Nous disions que, puisque nous

2 habitions là-bas depuis plus de mille ans et puisque c'était notre pays,

3 notre patrie ethniquement et historiquement, nous nous sommes dit que nous

4 avions du mérite d'être là, d'être en Croatie. Puisque déjà auparavant nous

5 avions ce statut de peuple constitutif - ce n'était pas un cadeau, nous

6 avons eu ce statut au prix de nos vies - donc, nous nous sommes dit que

7 personne ne pouvait nous nier ce droit. Parce que là, vous aviez la

8 violence contre les droits, parce que les Croates ne pouvaient pas décider

9 tout seul de cela, il fallait qu'ils nous posent la question.

10 Puis, vous avez aussi un autre élément. Les Croates avaient annoncé qu'ils

11 voulaient faire sécession, se séparer de la Yougoslavie. Nous, nous

12 pensions que le droit de rester dans un pays dans lequel vous êtes né, et

13 bien, que c'est un droit qui est plus important que les droits à la

14 sécession. Il y avait plein de villes croates où habitaient des Serbes. De

15 l'autre côté, nous avions aussi un territoire parfaitement compact qui

16 aurait pu être séparé de la Croatie de la même façon dont la Croatie s'est

17 séparée de la Yougoslavie. Là, c'était un territoire habité à 80 % par les

18 Serbes. Par exemple, à Knin, il n'y avait que 7 % de Croates. Maintenant,

19 je ne sais s'il y a 7 % de Serbes qui vivent. Je veux dire qu'il n'y a pas

20 beaucoup de Croates non plus qui y vivent au jour d'aujourd'hui. Il y en a

21 qui sont venus de la Bosnie, mais maintenant, ils peuvent revenir et ils

22 rentrent.

23 Q. Il y a eu cette bataille politique pour préserver le statut de peuple

24 constitutif. Que voulaient obtenir les Serbes exactement ? Quel était votre

25 objectif ?

26 R. Nous voulions une autonomie culturelle, et nous avons fait un

27 référendum pour que le peuple donne son avis. Les politiciens de Zagreb

28 n'ont jamais voulu discuter avec nous. Ils ont commencé à répandre les

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1 rumeurs comme quoi on était un parti terroriste, alors qu'il n'y a jamais

2 eu une balle de tirée par les membres du Parti démocratique serbe. Ils ont

3 annoncé qu'ils allaient empêcher ce référendum portant sur l'autonomie de

4 toutes les façons possibles.

5 Justement, à Benkovac, ils ont désarmé le poste de police. Ils ont essayé

6 de faire la même chose à Obravac, une autre municipalité serbe dans

7 Dalmatie.

8 Cependant, à Obravac, le peuple est sorti en masse ne permettant pas que

9 l'on désarme la police. Nous, nous avons opté pour le stylo, le crayon

10 alors que eux, ils ont choisi le fusil.

11 Q. Monsieur Macura, qui était le président de la municipalité de Knin au

12 moment des premières élections multipartites ?

13 R. Milan Babic était le président de la municipalité de Knin, et moi,

14 j'étais son remplaçant.

15 Q. Qui était le président du conseil exécutif de la municipalité de Knin ?

16 R. C'était Veljko Popovic. Il y avait le ministre Matkovic. Je ne me

17 souviens pas de tous les détails, mais je sais qu'après les élections, nous

18 avons créé un gouvernement proprement dit.

19 Q. Vous avez parlé de ce référendum serbe en Croatie. Qui était

20 l'investigateur politique de ce référendum ?

21 R. C'était Milan Babic. Le Dr Milan Babic, c'est lui qui a commencé tout

22 cela depuis Knin. Je ne suis pas un juriste, mais c'est vrai que nos

23 juristes ont fait en sorte qu'il n'y ait pas d'erreurs juridiques.

24 Tout d'abord, nous avons créé les communautés municipales. C'était quelque

25 chose qui était tout à fait prévu par la constitution croate. De l'autre

26 côté, on nous a menacés, on nous a dit qu'ils n'allaient pas permettre cela

27 alors qu'il n'y avait aucun fondement juridique pour l'interdiction de

28 cette communauté des municipalités.

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1 Q. Vous dites que la constitution permettait que l'on fasse une commune de

2 municipalités mais qu'on vous a interdit de le faire. Qui vous a interdit

3 de faire cela ?

4 R. Vous savez, ils ne parlaient pas autrement avec nous que par le biais

5 de la police. Chez nous, il y avait le ministre Bojkovac, qui était le

6 ministre des Affaires intérieures à Zagreb. Je n'ai pas participé à ces

7 négociations, mais le Dr Babic y était allé de façon régulière.

8 Q. Donc, il y a eu cette attitude par rapport à la communauté des

9 municipalités. Quelle était l'attitude de la police croate et des

10 dirigeants de la police civile avec le SDS et ses initiatives politiques

11 portant sur une autonomie culturelle ?

12 R. Et bien, à un moment donné, quand Radoslav Taniga avait fait un

13 discours dans l'assemblée, Glavas l'a menacé d'un pistolet. Glavas était

14 bien connu comme un criminel et qui avait fait des crimes contre la

15 population serbe en Bosnie.

16 Q. Qui était Radoslav Taniga à l'époque ?

17 R. C'était un député au parlement, le député du SDS. Il y a eu cinq

18 députés du SDS dans le parlement. Puis, il y avait quelques Serbes qui

19 faisaient partie du parti de Racan, qui vont tous d'ailleurs pratiquement

20 passer par la suite dans le Parti démocratique serbe. Glavas était un

21 député aussi mais un député, le député de l'HDZ.

22 Q. Est-ce que vous avez entendu parler des pétitions concernant les

23 membres du SDS ?

24 R. Dans la ville de Sibenik, c'était une chose bien connue. Une ville

25 toute entière a signé la pétition pour que le Dr Raskovic, Branko Popovic

26 et Marko Dobrijevic soient expulsés; 20 000 personnes ont signé cela. Donc,

27 ils avaient pratiquement quitté Sibenik alors que le Dr Raskovic a

28 travaillé toute sa vie à Sibenik. Il avait une maison d'ailleurs à

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1 Primosten et un appartement à Sibenik.

2 Q. Dans cette pétition, on ne dit pas qu'il faut les expulser. --

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi, est-ce vraiment votre

4 travail de dire au témoin ce qui était écrit dans la pétition ? Excusez-moi

5 mais je me pose la question. Est-ce que vous comprenez la question que je

6 vous ai posée ?

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui. Justement, je n'ai pas voulu

8 demander à ce témoin de me dire quel était le contenu de cette pétition. Il

9 a dit qu'il s'agissait là d'une pétition demandant l'expulsion. Ce que je

10 vais faire, c'est de lui dire exactement quel est le texte de cette

11 pétition pour qu'il me dise son opinion. "Vous nous avez humiliés, vous

12 nous avez blessés profondément, nous serions heureux si vous pouviez

13 quitter la communauté pour toujours."

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le Juge vient de vous demander de ne

15 pas dire cela au témoin. Qu'est-ce que vous faites ? Vous y allez

16 franchement, et vous lui lisez le texte.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai pas compris cela. Je lui ai

18 expliqué pourquoi je faisais cela, il a fait un signe de tête.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne pouvez pas dire que vous

20 comprenez, et ensuite, faire exactement le contraire.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne comprends pas pourquoi vous élevez

22 la voix. Je fais mon travail. Je le fais du mieux que je peux. C'est un

23 travail difficile, je le fais de façon responsable. Peut-être que je me

24 trompe, je veux bien. Je vous ai dit que le Juge Hoepfel a fait un signe de

25 la tête, et je me suis dit qu'il a compris la raison que je vous ai

26 expliquée, la raison pour laquelle je procède comme je procède. Je vous

27 explique à nouveau. Evidemment, si j'interprète cela comme un avertissement

28 des Juges, évidemment que je vais répondre.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous faisons tous notre travail ici et

2 nous essayons tous de le faire du mieux possible. Vous ne nous aidez pas

3 vraiment dans cette tâche. Parce qu'un Juge vous demande de ne pas faire

4 quelque chose et vous faites exactement la chose qu'il vous a demandé de ne

5 pas faire. C'est pour cela que j'élève ma voix.

6 Ce n'est pas à vous de me dire quand est-ce que je dois et quand

7 est-ce que je ne dois pas élever ma voix.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce bien clair ?

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis désolé, je ne peux

11 permettre qui que ce soit d'élever la voix contre moi ni dans ce prétoire

12 ni à l'extérieur du prétoire. Vous êtes là pour veiller à l'ordre mais pas

13 pour me crier. Je ne vois pas pourquoi je supporterais cela, pourquoi

14 j'accepterais cela. Je suis ici et je vous explique ce que je fais. Je vous

15 prie de bien vouloir me respecter puisque je suis ici en tant que conseil

16 de la Défense. Traitez-moi comme cela, et s'il y a quoi que ce soit qui

17 vous dérange, et bien, vous pouvez prendre les mesures appropriées.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas à vous de me dire

19 ce que je dois faire. Je ferai ce que je dois faire si je dois le faire et

20 ce n'est pas à vous à me dire si je dois élever la voix. Si je pense que

21 c'est nécessaire d'élever ma voix, je vais le faire. Vous l'avez fait

22 beaucoup de fois aussi dans ce prétoire. Vous allez poser la question sans

23 dire au témoin ce qui figure dans le document. Le témoin nous a dit ce

24 qu'il pense qui se trouve dans ce document, et c'est bien cela. Si le

25 témoin ne vous dis pas la réponse correcte, ce n'est pas à vous de le

26 corriger. Vous êtes en train de diriger le témoin.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

28 Président.

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1 Q. Vous avez parlé de cette pétition. Quel était l'écho de cette

2 pétition ?

3 R. Ce n'était pas le seul cas. Cela revenait au même. Il s'agissait de

4 faire en sorte que les Serbes quittent les villes croates. A Knin, nous

5 avons eu 20 000 personnes qui sont arrivées à Knin. Ce sont des gens qui

6 ont dû quitter Zadar, [inaudible], Sibenik et les autres villes. C'était

7 pareil ailleurs, à Blaski, vous aviez des fois plus d'habitants qu'avant la

8 guerre parce que les gens avaient quitté Rijeka. Après, on a même fait des

9 films en Croatie là-dessus.

10 On arrêtait les Serbes connus, les personnalités, on les chassait

11 pour qu'ils ne reviennent pas. Vous entendiez souvent qu'un tel ou tel

12 avait disparu. Il ne s'agissait pas d'une exception; il s'agissait là d'un

13 message clair des autorités croates quant à ce qu'ils voulaient faire. Ils

14 le faisaient exprès pour choisir justement des Serbes, des personnalités

15 ceux qui avaient une certaine notoriété parmi le peuple.

16 Ils ne prenaient pas un Serbe ordinaire qui habitait dans la ville,

17 non. Ils ont bien montré quelles étaient leurs intentions. Ils voulaient

18 expulser les Serbes, ils voulaient les tuer. Vous savez, ce film Pavillon

19 22, c'est un film qui en parle.

20 Maintenant on sait quelle était situation. Aujourd'hui c'est beaucoup

21 plus facile d'en parler qu'à l'époque.

22 Maintenant, on peut en parler. A Sisak, vous pouvez aller rencontrer

23 n'importe quelle personne de Sisak qui va vous énumérer une cinquantaine de

24 personnes qui avaient été tuées à Sisak. C'est une ville bien connue pour

25 cela. Je ne connais pas les chiffres exacts mais c'est un chiffre

26 important.

27 Q. Vous dites que beaucoup de gens ont été tués à Sisak. Est-ce que

28 vous parlez de la guerre, des activités de guerre ?

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1 R. Non. Non, il n'y a pas eu de combat là-bas. Je parle des villes croates

2 où il n'y a pas eu de combat. On emmenait les gens, on ne sait pas

3 pourquoi. On les tuait tout simplement parce qu'ils n'étaient pas Croates.

4 Il n'y avait pas d'activités de combat à Sisak. D'ailleurs, il n'y a en a

5 pas eu à Zagreb non plus.

6 Q. Quelle était la date prévue de ces référendums portant sur l'autonomie

7 et la souveraineté du peuple serbe ?

8 R. Le 19 août. Deux jours avant, les forces de police de Zagreb ont saisi

9 les armes dans les postes de police de Benkovac. Ils ont essayé aussi de le

10 faire à Obravac mais le peuple avait empêché cela. J'en ai déjà parlé.

11 Ensuite, il y a eu des barrages routiers, puisqu'ils avaient menacé qu'ils

12 allaient faire tout pour empêcher la tenue de ces référendums pour que les

13 gens ne puissent pas aller voter pour l'autonomie des Serbes en Croatie.

14 Q. Vous dites qu'ils ont menacé d'empêcher la tenue de ce référendum par

15 tous les moyens possibles. Qui était celui qui a fait cette menace ?

16 R. Le ministre Bojkovac. De toute façon, les gens de Zagreb ne parlaient

17 pas avec nous. Nous dépendions de la police croate. Ceux qui étaient

18 responsables de nous voulaient nous maîtriser puisque nous, on était soi-

19 disant des terroristes alors qu'on a jamais tiré sur qui que ce soit. Vous

20 savez, si vous faites un barrage routier, c'est une action défensive, on

21 n'attaque personne.

22 Q. Vous avez dit que vous dépendiez de la police croate, vous un peuple

23 tout entier. Quels étaient les noms de la police croate à l'époque ?

24 R. Ils ont changé leurs noms, ils ont changé leurs uniformes. Le terme a

25 changé. Ce n'était plus policier mais Redarstvenik. Leurs uniformes ont

26 changé aussi. Ils en sont revenus aux uniformes de la Deuxième Guerre

27 mondiale d'Ante Pavelic. Par tous les moyens ils voulaient montrer qu'ils

28 continuaient l'œuvre d'Ante Pavelic de "poglavnik," ce qu'il a commencé

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1 pendant la Deuxième Guerre mondiale.

2 Q. Où étiez-vous le 17 août 1990, puisque vous avez parlé de ces journées

3 qui ont précédé le référendum ?

4 R. J'étais à Knin. Où voulez-vous que je sois ? Après, quand ils ont fait

5 cette irruption à Benkovac, quand ils nous ont appelés pour nous dire qu'on

6 est en train de monter les barrages routiers dans certains villages, nous

7 voulions faire régner l'ordre, parce qu'à l'époque, c'était vraiment une

8 situation complètement chaotique. Ces barrages nous gênaient nous aussi

9 parce que chaque village avait un barrage routier. Les choses ne

10 fonctionnaient pas comme il faut.

11 Q. Vous dites qu'on vous a appelés pour vous dire qu'il y avait des

12 barrages routiers. Qui a appelé qui ?

13 R. Ilic, puis des gens de Padjeni. Ils ont dit qu'il y avait des gens qui

14 avaient coupé la route avec des troncs d'arbres, qu'ils ont fait cela pour

15 empêcher les Croates d'entrer. Les autres villages ont fait la même chose.

16 C'était un mouvement spontané du peuple. Ensuite, nous avons tenu une

17 réunion puisque c'était vraiment une situation extraordinaire. Nous avons

18 créé la cellule de Crise. Evidemment, dans une municipalité, le président

19 de la cellule de Crise, c'est aussi le président de la municipalité.

20 Q. Vous dites que c'était une situation extraordinaire. Qui a proclamé la

21 situation extraordinaire, situation de guerre ?

22 R. Milan Babic a même proclamé l'état de guerre. Je lui ai dit non, qu'il

23 n'avait pas le droit de le faire, qu'il n'avait pas le droit de proclamer

24 l'état de guerre parce que ce n'était pas lui le président de l'Etat. Il a

25 dit que pour lui, une situation extraordinaire est la situation de guerre,

26 enfin un état de guerre, c'est la même chose. Mais non, ce n'est pas la

27 même chose. En fait, il a fait une erreur quand il a dit que c'était l'état

28 de guerre.

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1 Q. A quel moment a-t-il proclamé l'état de guerre ?

2 R. C'était le 17 ou le 18 août, la veille du référendum.

3 Q. Le 17 ou le 18 août 1990, quelle poste occupiez-vous au sein de la

4 municipalité de Knin ?

5 R. J'en étais le vice-président.

6 Q. Le 17 ou le 18 août, comment Milan Babic a-t-il proclamé l'état

7 d'urgence ?

8 R. Il a appelé au téléphone la Radio serbe de Knin et lui a demandé de

9 l'annoncer. Nous ne savions même pas qu'il allait le faire. Il a passé cet

10 appel téléphonique et la Radio serbe de Knin l'a annoncé. Cette information

11 a été diffusée et tout le monde à Knin a entendu que l'état d'urgence avait

12 été proclamé. Les gens avaient peur. Même Milan Babic lui-même a quitté

13 Knin. Je ne sais pas où il est allé.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je ne vous suis pas bien. Je

15 croyais que le témoin avait précédemment déclaré que M. Babic avait eu

16 l'intention de proclamer l'état d'urgence. On lui a dit qu'il n'avait pas

17 les pouvoirs pour le faire, et par conséquent, il a décidé d'annoncer

18 l'état de guerre. Maintenant, il semblerait que le témoin parle de l'état

19 d'urgence. Je suis perplexe. Est-ce que vous pourriez tirer cela au clair ?

20 Peut-être est-ce moi qui ne comprend pas bien ? Je vous serais

21 reconnaissante de bien vouloir préciser cela.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, votre proposition est

23 tout à fait raisonnable. Je vais essayer de tirer cela au clair avec le

24 témoin.

25 Q. Monsieur Macura, dans l'une de vos réponses, vous avez expliqué que M.

26 Babic avait déclaré l'état de guerre et qu'il avait donné des instructions

27 en ce sens par téléphone.

28 R. Oui, c'est exact. M. Babic ne savait pas qu'il n'avait pas le pouvoir

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1 requis pour proclamer l'état de guerre.

2 Q. Quand lui avez-vous dit cela; après qu'il l'eut proclamé ou avant ?

3 R. Après qu'il l'eut proclamé. Je ne connaissais pas ses intentions avant

4 cela. Il m'a appelé au téléphone, mais ne m'a pas donné de numéro de

5 téléphone où je pourrais le joindre. Je lui ai dit : "Je reste ici en tant

6 qu'adjoint et je te remplace en tant que président maintenant." Ce qui

7 signifie que concrètement, je suis devenu président de la cellule de Crise,

8 puisque le président lui-même ne se trouvait pas à Knin. Il m'appartenait

9 donc de m'occuper de la situation sur le terrain.

10 Q. Je vous remercie. Quelle était la situation à Knin ? Pourquoi M. Babic

11 a-t-il proclamé l'état de guerre ? Qu'est-ce qui a poussé Babic à prendre

12 cette décision ? Le savez-vous ?

13 R. Je crois que la raison principale était l'annonce faite par Zagreb

14 qu'ils allaient faire le nécessaire pour empêcher la tenue du référendum.

15 On disait que des hélicoptères et des véhicules divers avaient été envoyés.

16 Q. Merci, cela suffira. Vous avez déclaré que M. Babic avait donné des

17 instructions par téléphone pour que l'on proclame l'état de guerre. Vous

18 avez dit que vous étiez resté dans la municipalité. Où M. Babic est-il

19 allé ? Qu'est-il advenu de lui ?

20 R. Je l'ai appris plus tard à l'époque. Il se trouvait à Trnica, à quelque

21 15 kilomètres de Knin, non loin de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine.

22 Q. A-t-il donné ses instructions depuis Trnica ou depuis Knin ?

23 R. Je ne le sais pas. Ce n'est pas important. Aujourd'hui, ce qui est

24 important, c'est qu'il ne se trouvait plus à Knin à ce moment-là et que

25 j'ai dû le remplacer.

26 Q. Pourquoi n'était-il pas à Knin à ce moment-là ?

27 R. Malheureusement, il n'est plus de ce monde et nous ne pouvons pas lui

28 poser la question. Il a dû avoir peur. C'est pour cela qu'il a quitté la

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1 ville. Bien sûr, je n'en suis pas sûr.

2 Q. Lorsque l'état de guerre a été proclamé dans la municipalité de Knin,

3 cette annonce a été faite à la radio. Quelles dispositions avez-vous

4 appliquées; celles régissant l'état de guerre ou celles régissant l'état

5 d'urgence ?

6 R. Tout d'abord, j'ai demandé aux gens de ne pas paniquer. Je leur ai dit

7 que nous étions prêts à parler non pas à faire la guerre. J'ai passé deux

8 nuits aux barrages. En réalité, c'est moi qui menais les activités aux

9 barrages. Je coordonnais les activités aux barrages depuis le centre chargé

10 des informations. J'étais en contact téléphonique avec les personnes qui se

11 trouvaient aux barrages.

12 Q. Je vous interromps. Vous dites que l'état de guerre a été proclamé,

13 qu'une cellule de Crise a été constituée dans la municipalité, qu'en raison

14 de l'absence de M. Babic, qui était président de l'assemblée, vous l'avez

15 remplacé dans ses fonctions ?

16 R. Oui, tel que cela était prévu par le règlement.

17 Q. Quelles fonctions précisément avez-vous exercées au sein de la cellule

18 de Crise ?

19 R. D'après le statut de la municipalité, M. Babic était président de la

20 cellule de Crise. J'étais son adjoint, le vice-président. En son absence,

21 concrètement, c'est moi qui étais président de la cellule de Crise.

22 Q. Merci. Avant que nous ne parlions davantage des activités de la cellule

23 de Crise, je souhaiterais vous poser une question. Vous avez dit : "J'ai

24 dit aux gens qu'il ne fallait pas paniquer et que la situation allait se

25 calmer."

26 Comment avez-vous expliqué cela ?

27 R. J'ai fait une intervention à la radio et à la télévision. Après cette

28 première nuit qui était une nuit de panique - puisque nous recevions toutes

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1 sortes d'informations, il fallait calmer les gens - après cette nuit-là,

2 j'ai exprimé ma gratitude aux forces de police croate qui n'avaient pas

3 ouvert le feu sur les nôtres, même s'il y a eu quelques provocations. Les

4 Juges de la Chambre le savent sans doute, sur la rivière Krka, entre

5 Raducic et Ivosevci, entre ces deux villages, il y a un passage qui

6 s'appelle Brijan. A cet endroit, des policiers croates ont tiré sur les

7 nôtres qui se trouvaient sur la colline car la gorge de Krka est très

8 profonde.

9 Nedjo Koralija m'a ensuite appelé au téléphone. Il était paniqué. Il

10 m'a dit : "Ils sont en train de tirer. Que devons-nous faire ?" Je lui ai

11 dit : "Ne t'inquiète pas. Ils sont au fond de la vallée. Ne ripostez pas.

12 S'ils continuent à tirer ou s'ils continuent de vous provoquer, ne ripostez

13 pas. Ce n'est que s'ils se mettent à avancer en votre direction, ce n'est

14 qu'à ce moment-là que vous pouvez riposter." Mais les policiers croates

15 n'ont pas poursuivi et l'incident n'a pas donné lieu à un affrontement.

16 Q. Vous dites que depuis la cellule de Crise, vous restiez en contact avec

17 les gens. Par quels moyens ?

18 R. Par les lignes téléphoniques, le téléphone de campagne militaire dont

19 on peut se servir sur le terrain. Je ne connais pas les aspects techniques

20 de la question, mais j'étais en liaison téléphonique avec eux. Je pouvais

21 leur parler.

22 Q. Vous dites que des barrages ont été érigés à un endroit, et ensuite, à

23 d'autres endroits. Quel était le but poursuivi par la cellule de Crise par

24 rapport à ces barrages ?

25 R. Nous avons dû établir l'ordre. Je suis allé au village de Padjeni. Il y

26 avait une voiture à bord de laquelle se trouvaient des touristes étrangers.

27 Cette voiture ne pouvait pas quitter le secteur, car d'un côté, il y avait

28 des barrages, de l'autre aussi, et ces personnes ne savaient pas où aller.

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1 J'ai dit aux nôtres de les laisser passer et de leur permettre de se rendre

2 vers Lika. Il n'y a pas eu de problèmes. Les gens ont compris. Ils les ont

3 laissé passer, et je leur ai dit que cela ne pourrait que nous causer des

4 problèmes si nous avions des difficultés avec les touristes étrangers. Nous

5 avions déjà suffisamment à faire avec les Croates.

6 Q. Vous avez vu les personnes qui se tenaient aux barrages. Qui étaient-

7 ce ?

8 R. Des paysans, des agriculteurs, des gens qui avaient abattu des arbres

9 pour ériger ces barrages. Ils n'avaient guère d'armes, quelques fusils à

10 peine, des fusils de chasse, c'est tout. Je leur ai dit que j'essayais de

11 rétablir l'ordre autant que possible. Au bout de trois jours, j'ai été

12 remplacé dans mes fonctions officieuses de commandant des barrages. M.

13 Babic m'a appelé pour me dire que je pouvais rentrer chez moi, car cela

14 faisait déjà quelques nuits que je ne dormais pas. Je suis rentré chez moi.

15 J'ai fait en sorte que mon fils se rende à Kupres, en Bosnie, pour y rester

16 avec son oncle.

17 Q. Quel âge avaient vos enfants à l'époque ?

18 R. L'un avait 9 ans et l'autre, 14 ans. Je pressentais que la situation

19 allait se détériorer, qu'il allait y avoir des conflits, et j'ai pensé

20 qu'il valait mieux envoyer mes fils en Bosnie, car il avait un oncle à

21 Sarajevo et la Bosnie était tranquille à l'époque.

22 Mon épouse est pédiatre. Moi-même, j'étais enseignant et je me suis

23 porté volontaire pour être vice-président de l'assemblée. Je n'ai pas été

24 rémunéré pour ce travail. En fait, mon vrai travail, c'est le travail

25 d'enseignant. Mais bon, à l'époque, je ne pouvais pas enseigner. En tout

26 état de cause, nous avons pensé qu'il valait mieux envoyer nos enfants vers

27 un endroit sûr.

28 Q. A ce barrage, à Padjeni, est-ce que vous avez pu apprendre quelque

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1 chose au sujet des autres barrages ? Qui les ont érigés ? Qui s'y

2 trouvait ?

3 R. Après les événements malheureux de Benkovac et de Borovac, les gens

4 dans tous les villages étaient prêts à faire quelque chose. Au début, les

5 gens ont commencé à s'organiser.

6 Q. Le 17, le 18 et le 19 et pendant que vous étiez président de la cellule

7 de Crise, est-ce que la police de Knin était impliquée dans cela ?

8 R. A l'époque, non. Ce n'est que par la suite que la police s'en est

9 chargé, que les barrages ont été démantelés et que des postes de contrôle

10 ont été installés à plusieurs endroits. Au début, il y avait des barrages

11 partout et nous y étions confrontés nous-mêmes.

12 Q. Lorsque l'état de guerre a été proclamé et que ces barrages ont été

13 érigés, est-ce que le référendum portant sur l'autonomie et la souveraineté

14 du peuple serbe s'est tenu ?

15 R. Oui.

16 Q. Quel en a été le résultat ?

17 R. Une vaste majorité de la population a voté en faveur de l'autonomie du

18 peuple serbe en Croatie. Tout s'est déroulé au niveau de la Croatie.

19 Personne n'a rien dit au sujet de la Serbie ou d'autres républiques. Ce que

20 nous pensions, c'est que nous avions le droit de bénéficier de l'autonomie

21 au sein de la Croatie.

22 Q. Monsieur Macura, qui a eu l'idée de constituer cette communauté de

23 municipalités, de tenir ce référendum ?

24 R. Milan Babic avant tout. C'est lui qui était chargé de tout. Il avait

25 des collaborateurs qui s'en occupaient également.

26 Q. Est-ce que vous partagiez son point de vue ?

27 R. Oui, entièrement. J'ai soutenu M. Babic pendant toute cette période. Ce

28 n'est qu'en 1993 que nos chemins ont divergé. Nous n'avions plus les mêmes

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1 fonctions qu'au début.

2 Q. Vous avez dit que vous souteniez M. Babic pendant toute cette période

3 et jusqu'en 1993, lorsque vos points de vue ont divergé. En quelle

4 capacité ? En quelle qualité ?

5 R. D'abord, en tant que vice-président de la municipalité, j'étais, en

6 d'autres termes, son adjoint. Plus tard, j'étais chargé du service de

7 l'information. J'étais ministre de l'Information dans le gouvernement de la

8 SAO de Krajina. Plus tard, c'est devenu la République serbe de Krajina.

9 Q. Nous allons revenir sur la question de la SAO de Krajina et du

10 gouvernement de la RSK.

11 R. J'étais également député de l'assemblée de Krajina. C'est moi qui ai

12 recueilli le plus grand nombre de voix lors des élections pour l'assemblée

13 de Krajina. J'ai été élu chef du comité chargé des affaires étrangères.

14 C'est ce poste-là que j'ai occupé au sein de l'assemblée.

15 Q. Merci. S'agissant de votre coopération avec M. Babic, votre travail

16 avec lui, est-ce que votre connaissance des langues étrangères a eu quoi

17 que ce soit à voir, une incidence quelconque dans vos rapports avec M.

18 Babic ?

19 R. Ma connaissance des langues étrangères avait beaucoup d'importance,

20 c'est certain. M. Babic savait également que je n'allais pas le poignarder

21 dans le dos quoi qu'il arrive. Il me faisait entièrement confiance. Je

22 l'accompagnais à toutes les négociations avec les représentants de la

23 communauté internationale, avec les représentants des Nations Unies

24 notamment.

25 Q. Monsieur Macura, pour éviter tout malentendu, est-ce que vous avez

26 également servi d'interprète à M. Babic lors de ces négociations ?

27 R. Oui. J'ai également exercé cette fonction, mais parfois d'autres s'en

28 chargeaient. Il m'a toujours demandé, cependant, de l'accompagner pour

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1 éviter que quelqu'un ne lui joue un mauvais tour.

2 Q. Merci. Qu'est-ce qui a marqué le mois de décembre 1990 ?

3 R. Le jour de la Saint-Michel, le 19 décembre. Nous avons constitué le

4 gouvernement de Krajina et nous avons prêté serment. Nous étions ministres,

5 même si nous n'étions pas rémunérés car nous faisions d'autres choses; nous

6 étions ministres bénévoles.

7 Q. Vous avez déclaré que le gouvernement de la SAO de Krajina avait été

8 mis en place. Est-ce que la Krajina disposait d'un statut, d'une

9 constitution, de lois, de décisions particulières qui constitueraient un

10 fondement juridique ?

11 R. Il y avait un statut. Et par la suite, lorsque la SAO Krajina est

12 devenue une république, elle a disposé de sa propre constitution.

13 Q. Lorsque nous parlons de la SAO de Krajina à la date du

14 19 décembre 1990, pouvez-vous nous dire quel était le statut de cette SAO ?

15 Comment était-elle définie ?

16 R. Il s'agissait d'une Région autonome serbe située sur le territoire de

17 la République de Croatie.

18 Q. Merci. Vous dites qu'après la mise en place de la SAO de Krajina, le

19 gouvernement a été constitué et vous avez occupé certaines fonctions au

20 sein de ce gouvernement. Début 1991, est-ce que ce gouvernement, notamment

21 M. Babic, était actif au plan international ?

22 R. Nous étions actifs au plan international. Nous sommes allés au siège

23 des Nations Unies à Genève. Nous avons plaidé notre cause là-bas. M. Babic

24 a fait savoir que le HDZ était en train de s'armer et que les SS leur

25 servaient de modèle. Nous avons demandé la protection des Nations Unies.

26 Q. Vous dites que le HDZ était en train de s'armer et que les troupes SS

27 étaient un modèle. De quelles troupes SS voulez-vous parler ?

28 R. Il voulait parler des troupes SS de Hitler pendant la Deuxième Guerre

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1 mondiale.

2 Q. Y a-t-il eu une réaction par rapport à ces informations qu'il a

3 fournies ? Vous avez dit que vous aviez demandé de la protection.

4 R. D'après ce que j'ai pu comprendre, tout le monde a été choqué lorsqu'il

5 a dit cela. La consternation la plus totale a régné.

6 Q. Est-ce que cette déclaration de M. Babic était exacte ? Est-ce que vous

7 avez des connaissances à ce sujet ?

8 R. J'avais le même point de vue que M. Babic, car un parti politique ne

9 peut pas constituer ses propres troupes. C'est tout à fait inhabituel.

10 Q. Ma question portait sur autre chose, mais je n'ai pas été suffisamment

11 précis. En fait, je voulais savoir si la déclaration de M. Babic selon

12 laquelle le HDZ était en train de constituer ses propres troupes était

13 fondée sur des faits ou non ?

14 R. Oui, bien sûr. Le HDZ n'a jamais cherché à cacher cela, car ils

15 savaient qu'ils avaient des partisans. Ils savaient que l'Allemagne et le

16 Vatican allaient les aider. Donc, cela ne leur posait aucun problème. La

17 Yougoslavie a été détruite tant de l'intérieur que de l'extérieur.

18 Q. Merci. Vous dites : "Bien sûr," qu'ils n'avaient aucune raison de se

19 cacher. Pourquoi n'avaient-ils aucune raison de se cacher ?

20 R. Le fait qu'ils s'armaient. Ils ne le cachaient pas. Ils distribuaient

21 des armes aux membres du parlement. Ils avaient des listes, envoyaient la

22 liste des députés et les armes qui leur étaient remises.

23 Ensuite, je ne sais pas comment la situation évoluait au jour le

24 jour, mais un film a été réalisé sur la manière dont les armes ont été

25 rapportées de Hongrie, et nous-mêmes, à Knin, nous étions 500 dans un

26 hôtel, nous avons visionné une cassette vidéo qui a été réalisée par les

27 services de Sécurité de l'armée populaire yougoslave qui ont réalisé ce

28 film sur la manière dont les armes étaient importées depuis la Hongrie, à

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1 l'époque où la Croatie faisait partie de la Yougoslavie. Elle n'était pas

2 reconnue au plan international à l'époque. Nous avons écouté les propos de

3 Martin Spegelj sur les mesures qui devraient être prises, comment frapper à

4 la porte des Serbes, comment les abattre, comment enfoncer les portes.

5 Donc, nous ne pouvions pas comprendre comment quelque chose de ce

6 genre pouvait se produire dans un Etat qui existait encore et qui

7 fonctionnait.

8 Q. Monsieur Macura, d'après ce film, qui a importé les armes et pour qui ?

9 R. Le HDZ, en tant que parti politique au pouvoir, il a organisé

10 l'importation des armes et ils se sont armés pour mener la guerre par la

11 suite. Bien sûr, la guerre contre les Serbes, parce que Tudjman même a dit,

12 en 1996 au mois de mai que la question serbe est résolue en Croatie, qu'il

13 ne doit pas avoir plus de 3 % des Serbes.

14 Q. Vous avez dit qu'avec M. Babic vous êtes allé à Genève où vous avez

15 informé sur les événements concernant l'armement des troupes SS par le HDZ.

16 Vous savez ce qui s'est passé à Plitvice dans la première moitié de 1991 ?

17 R. Deux ou trois heures avant le conflit à Plitvice, je suis allé à bord

18 d'une voiture de Vojnic. Ratko Bjedor [phon] était mon chauffeur. Il

19 neigeait beaucoup. Je me souviens bien de cela. Il y avait beaucoup de

20 neige. Il a voulu trouver un endroit pour chasser les lièvres en utilisant

21 les phares de la voiture. A Plitvice, il y avait des forces croates déjà,

22 mais nous ne le savions pas, et ils ne nous ont pas arrêtés, probablement

23 pour ne pas se dévoiler.

24 C'était un dimanche. Je pense que c'était Pâques. J'insiste sur le

25 fait qu'il s'agit d'un long processus et sur le fait que l'histoire est

26 très importante dans cette région. La première victime de l'attaque des

27 forces policières croates à Plitvice était Rajko Vukadinovic. Son grand-

28 père a été égorgé par les Oustachi dans la Deuxième Guerre mondiale.

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1 L'histoire s'est répétée dans cette région sur le plan individuel et sur le

2 plan collectif.

3 Q. Quant à ce détail que vous venez de présenter, Vaso Pecer, est-ce que

4 cela vous dit quelque chose, le nom de Vaso Pecer ?

5 R. Vaso Pecer a été mon élève à l'école secondaire. Il est la première

6 victime du côté serbe dans la région de Knin. Son grand-père aussi a été

7 tué par les Oustachi dans la Deuxième Guerre mondiale.

8 Q. Vous dites --

9 R. A son enterrement, il y avait à peu près 20 000 personnes à

10 l'enterrement de Vaso Pecer.

11 Q. Vous dites, Vaso Pecer était la première victime dans la région de

12 Knin, et son grand-père également a été tué par les Oustachi. Qui a tué

13 Vaso Pecer ? Quelle était son appartenance ethnique ?

14 R. Il était Serbe, du village de Polica. Il a été tué par les Croates du

15 village de Kijevo, un village avoisinant qui, autrefois, était serbe. Et

16 aujourd'hui, ils ne sont plus Serbes.

17 Q. Cet événement et des événements similaires, est-ce qu'ils ont influencé

18 la détérioration de relations entre interethniques ?

19 R. Les Croates ont formé par la suite les postes de police aux endroits où

20 les postes de police n'existaient jamais. Il ne s'agissait pas de postes de

21 police ordinaires avec un nombre limité de personnel, mais il y avait des

22 forces de police importantes, parce qu'ils se sont préparés à attaquer.

23 C'était à Kijevo, à Saborsko et à d'autres endroits.

24 Q. Vous dites, dans de telles circonstances, la SDS a agi sur le plan

25 politique. Et vous dites, nous avions des crayons et le gouvernement croate

26 utilisait des fusils. Je paraphrase vos propos. Est-ce que le SDS a incité

27 les gens, a poussé les gens à l'extrémisme de quelque type d'extrémisme il

28 s'agisse ?

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1 R. Non, mais par rapport aux nouvelles qui disaient que les Serbes dans

2 les villes croates ont été tués, où il n'y avait pas d'opérations de

3 guerre, compte tenu du fait que les Serbes ont été licenciés en masse et

4 compte tendu du fait que les Serbes revenaient dans la Krajina, au moins

5 ceux qui sont nés dans la Krajina, donc, on a eu peur. Le Dr Raskovic, en

6 tant que président du parti, n'aurait jamais pensé à mentionner les armes,

7 la guerre.

8 Q. Est-ce que M. Raskovic a essayé de parler avec les responsables du

9 gouvernement croate ?

10 R. Il y a eu des rencontres avec M. Franjo Tudjman.

11 Le Dr Franjo Tudjman, entre autres, était son patient, ils se connaissaient

12 depuis longtemps. Ces rencontres n'étaient pas réussies, mais la Croatie ne

13 pouvait pas faire sécession juridiquement.

14 Q. Comment ?

15 R. Parce que nous étions un peuple constitutif selon la constitution.

16 Donc, ils auraient dû violer la constitution, après quoi - enfin, ils

17 étaient conscients en même temps que les Serbes ne voulaient pas quitter le

18 pays dans lequel ils sont nés.

19 Et 30 000 Croates qui se sont fait tués pour l'Etat indépendant

20 croate, c'est quelque chose que M. Tudjman a souligné.

21 Q. Vous avez dit que M. Raskovic a parlé avec M. Tudjman. Est-ce que cette

22 rencontre entre ces deux personnes a été publiée ?

23 R. Il s'agissait d'un entretien secret, mais cet entretien a été

24 enregistré, et par la suite, cela a été publié. Parmi nous, il y en avait

25 qui ont soutenu cela, il y en avait d'autres qui n'ont pas soutenu cela.

26 Q. Vous dites que quelqu'un a enregistré cet entretien secret entre

27 Raskovic et Tudjman. Qui a enregistré et publié cela ?

28 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas intéressé à savoir qui a enregistré et

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1 publié cela. Je ne me suis jamais mêlé des affaires des autres.

2 Q. Quel était l'effet de la publication de cet entretien, l'effet

3 politique sur la population ?

4 R. L'effet n'était pas bon parmi la population, parce que pratiquement, il

5 y a eu des conflits au sein du SDS et entre les leaders du SDS.

6 Q. Qu'est-ce que vous en savez ?

7 R. Jovan Raskovic a été éliminé pratiquement en tant que président du SDS.

8 Il ne pouvait plus exercer cela, parce que le

9 Dr Babic a établi le SDS de la Krajina. Il l'a éliminé.

10 Q. Est-ce que vous pensez que c'était M. Raskovic qui a publié cet

11 entretien, ou qui a rendu public cet entretien ?

12 R. Je n'ai jamais réfléchi à ce sujet. Je ne peux pas vous donner de

13 réponse.

14 Q. Est-ce qu'on peut dire, pour ce qui est de la situation dans laquelle

15 vous travailliez et vous viviez, que les dirigeants du SDS et les

16 représentants des Serbes en Croatie, en général, ont exagéré le danger par

17 rapport aux autorités croates aux fins de provoquer la panique parmi le

18 peuple serbe et la réaction qui aurait servi d'autres objectifs

19 politiques ?

20 R. Nous n'avions jamais de tels objectifs politiques. Moi non plus

21 d'ailleurs. Et nous n'avons pas exagéré du tout, parce qu'aux jours

22 d'aujourd'hui, on peut voir qu'en Croatie à l'époque, il y a eu à peu près

23 1 200 000 Serbes, et je ne sais pas s'il y en a aujourd'hui 250 000. De

24 cette perspective, on peut raisonner mieux sur ces événements. Donc, il

25 fallait nettoyer la Croatie des Serbes. Même aujourd'hui, les Serbes ne

26 peuvent pas rentrer chez eux.

27 Nikola Bezbradica, mon cousin qui a 80 ans, par exemple, dans sa

28 maison, les Croates de Bosnie vivent, qui peuvent rentrer en Bosnie, lui,

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1 il ne peut pas avoir accès à sa propre maison. Aujourd'hui même, il y a un

2 procès qui est en cours avec le gouvernement croate parce qu'il ne peut pas

3 avoir sa maison. Il y a beaucoup de procès comme cela en Croatie

4 aujourd'hui.

5 Q. Est-ce que les Oustachi, en tant que catégorie, ont été mentionnés dans

6 le discours politique des représentants serbes de la Krajina ?

7 R. Il y en avait. J'ai fait des efforts pour éviter cela, mais il faut que

8 je vous dise quelle était la relation des Croates par rapport à cela. Les

9 Croates en sont fiers. Je vais vous décrire une situation où il y avait un

10 match de football entre la "Kroacija" et Partizan à Belgrade. La

11 "Kroacija," qui s'appelle aujourd'hui Dinamo, est entré sur le stade. Le

12 public a clamé "Oustachi, Oustachi," et après quoi le président du club de

13 football de la Croatie,

14 M. Canjuga, a dit : "Ecoutez ceci, ils sont pour nous. Ils nous acclament."

15 Q. Vous avez décrit la situation à Knin la veille du référendum le 17

16 août, la veille de l'érection des barrages routiers. Est-ce que la

17 population a été instrumentalisée pour ce qui est des barrages routiers ?

18 Est-ce qu'on s'est servi de la population de façon organisée pour rédiger

19 les barrages routiers ?

20 R. Je pense que cela n'a rien à voir avec cela, parce que les Serbes sont

21 un peuple démocratique, et on ne peut pas les définir comme cela. C'était

22 par pur instinct que les Serbes se sont auto-organisés, et après, nous

23 avons réduit cela dans des limites normales pour pouvoir contrôler tout

24 cela.

25 Q. Vous avez dit, effectivement, ils ont ressenti le danger. Est-ce qu'il

26 y avait des indices objectifs pour cela ?

27 R. Les autorités croates qui ont pris les armes à Benkovac, cela

28 représentait donc quelque chose qui a provoqué les événements qui ont

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1 suivi, y compris les barrages routiers qui ont été érigés par la suite.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je prie qu'on affiche sur le moniteur

3 une pièce à conviction, le document de la Défense qui porte le numéro

4 0D1127.

5 Monsieur le Président, j'ai reçu l'information de mes collègues de

6 l'équipe de la Défense selon laquelle ce document est dans le système "e-

7 court", et je n'ai pas d'autres informations par rapport au numéro 1D0127,

8 mais j'ai une copie du texte dactylographié. Il s'agit d'un texte très

9 court. Et pour ne pas perdre notre temps, je proposerais qu'on montre ce

10 texte, qu'on le place sur le rétroprojecteur. Il serait plus facile de

11 procéder ainsi, et pendant la pause, nous allons nous occuper de ce

12 problème technique. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous pouvons procéder ainsi.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Sur le moniteur, vous avez la version en anglais de la version en

17 B/C/S du livre que vous avez traduit, Monsieur Macura. Vous voyez cela ?

18 L'INTERPRÈTE : Le conseil de la Défense --

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, votre microphone

20 n'est pas allumé.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je m'en excuse.

22 Q. Vous voyez sur le moniteur la traduction de la première page du livre,

23 la traduction en anglais. Pouvez-vous dire ce qui est écrit dans le texte

24 en anglais ?

25 R. Il s'agit du titre du livre de Marco Rivelli, "L'archevêque du

26 génocide," que j'ai traduit de l'italien en serbe.

27 Q. Je vous remercie.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Maintenant, je prie qu'on affiche la

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1 version en B/C/S du même document. Est-ce qu'on peut placer la version en

2 B/C/S sur le rétroprojecteur et retirer la traduction en anglais.

3 Q. Qu'est-ce que vous voyez, Monsieur le Témoin.

4 R. Il s'agit de ma traduction du livre du Dr Marco Aurelio Rivelli,

5 "L'archevêque du génocide," que j'ai traduit de l'italien en serbe.

6 Q. Je vous remercie.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je prie que ce document soit versé au

8 dossier en tant que pièce à conviction de la Défense. On peut retirer le

9 document du rétroprojecteur.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez qu'on verse

11 au dossier, Maître Milovancevic ? Il y a deux pages ici.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Cette page en B/C/S représente la

13 première page du livre, et après, il y a la traduction de cette page-là en

14 anglais. Je prie qu'on verse au dossier ces deux pages en tant qu'une pièce

15 à conviction. Je m'excuse parce que je n'étais pas assez précis tout à

16 l'heure.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les deux pages sont versées au

18 dossier. Est-ce qu'on peut accorder une cote.

19 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse pour cette

20 objection tardive, mais je me demande quelle est la pertinence du versement

21 au dossier de ces deux pages, et nous soulevons une objection par rapport

22 au versement au dossier de ce document qui n'est pas pertinent.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai essayé de jeter un coup d'œil sur

24 le compte rendu pour voir quels sont les fondements pour cela.

25 Maître Milovancevic, avez-vous une réponse à cette objection ?

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu du

27 fait que l'équipe de la Défense a indiqué séparément ces deux premières

28 pages, je voudrais montrer au témoin des documents de ce livre, et j'ai

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1 voulu, en séparant la première page, la page introductive, démontrer le

2 fait que M. qui est présent dans le prétoire en tant que témoin est

3 traducteur du livre. C'est ce qu'on peut voir sur la première page du livre

4 en question.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi ne faites-vous pas cela au

6 moment où le contenu du livre sera proposé au versement au dossier ? On

7 peut faire cela au même moment, en avoir une seule pièce à conviction qui

8 inclurait la page introductive et les pages auxquelles vous allez faire

9 allusion, après avoir jeté les fondements pour les pages que vous voulez

10 qui soient versées au dossier.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie. J'accepte votre

12 suggestion et je retire ma proposition concernant le versement au dossier

13 de ces deux pages séparément.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Macura, vous avez traduit le livre dont le titre que nous

17 avons vu sur la première page du livre. Vous connaissez le contenu du livre

18 en tant que son traducteur. Est-ce que le contenu du livre représente les

19 faits que vous connaissez de votre vie ou de votre expérience personnelle

20 ou d'expériences d'autres personnes ?

21 R. Ces faits qui sont mentionnés dans le livre, je les connaissais en

22 partie, parce que je n'ai pas eu d'accès aux archives. Mais le Dr Rivelli a

23 fait des efforts pour montrer de façon réelle ce qui s'est passé à partir

24 de la fondation de l'Etat indépendant croate en 1981 et jusqu'à la fin de

25 la guerre en 1945. Et essentiellement, dans le livre, sont montrés les

26 crimes des Oustachi contre la population serbe. Et il y a 105

27 photographies, 105 photographies où vous pouvez voir les ossements des

28 personnes massacrées. Donc, il y a des documents qui corroborent cela, à

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1 savoir les déclarations des hommes politiques, des généraux, de certains

2 journalistes croates, et cetera. Le livre représente une preuve excellente

3 pour ce qui s'est passé entre 1941 et 1945 sur le territoire de soi-disant

4 Etat indépendant croate.

5 Q. Je vous remercie. Cela suffit. Connaissez-vous Branimir Glavas et qui

6 est cet homme si vous le connaissez ?

7 R. Branimir Glavas est député au parlement. Il est d'Osijek. Aujourd'hui,

8 il est jugé mais lentement. Il est jugé pour les crimes qu'il aurait commis

9 contre les Serbes en 1991 et 1992. Mais tout cela ne se déroule pas de

10 façon expéditive. Il y a beaucoup de preuves, beaucoup de ces ordres

11 portant sur la liquidation des Serbes à Osijek. Beaucoup de témoins ont été

12 intimidés, ils n'osent témoigner et il n'a jamais caché qu'il soit

13 Oustachi. Il encourageait ses hommes d'afficher cela avec fierté. Il était

14 souvent présent à la télévision, on pouvait le voir et je le connais. Je

15 connais son aspect physique.

16 Q. Est-ce que vous avez entendu l'une de ses déclarations à la télévision

17 concernant les Oustachis ?

18 R. Je sais qu'il répète tout le temps à ses hommes : Ne dites que vous

19 êtes Oustachi, vous devez en être fiers. Mais je ne peux pas vous réitérer

20 précisément le contenu de ses déclarations. Je connais l'essence de ses

21 déclarations parce qu'il réitère constamment cela.

22 Q. Avant la pause, vous avez dit qu'il était député au parlement de

23 Croatie, devant quel parti politique ?

24 R. Du HDZ. Il s'agissait du HDZ. Parce que les autres partis politiques,

25 il y a le parti politique croate de droite mené par Djapic, et cetera.

26 Q. Cela suffit. Vous avez dit qu'il a ordonné les meurtres des Serbes à

27 Osijek. Comment est-il possible qu'un député au parlement ordonne que les

28 Serbes soient tués à Osijek ?

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1 R. Il était d'Osijek, il était député d'Osijek au parlement, donc il a agi

2 sur son propre terrain.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

4 moment est approprié pour faire une pause.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

6 Maintenant, nous allons faire une pause et nous allons continuer à 12

7 heures 30.

8 --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

9 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez reprendre, Monsieur

11 Milovancevic.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur Macura, on nous a avertis à plusieurs reprises en nous

14 demandant de traiter moins de l'histoire. Est-ce que vous pouvez supposer

15 quelle serait la réaction des Juifs si le monde leur demandait de parler

16 moins de l'holocauste ?

17 M. BLACK : [interprétation] Objection.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la pertinence de la

19 question ?

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La pertinence vient du fait que le

21 Procureur ignore absolument le génocide perpétré par les Oustachi. C'est un

22 holocauste qui est pire que tout ce que la civilisation a pu voir. Nous

23 avons vu les images du pont de Korana, et ce n'est qu'un tout petit détail.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, je vais vous

25 avertir. Les Oustachi ne sont pas jugés ici. Ce que vous nous racontez à

26 leur sujet n'a aucune pertinence en l'espèce. Pour cela cette question est

27 rejetée. De plus, les Juifs ne sont pas dans ce prétoire non plus.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

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1 Q. Monsieur Macura, vous avez dit que M. Tudjman, quand il a proclamé le

2 HDZ en énonçant les principes, il a fait référence à l'Etat indépendant

3 croate. Il a parlé de tendance historique du peuple croate. Est-ce que vous

4 savez quelle était la position de

5 M. Tudjman par rapport aux Juifs et par rapport aux Serbes ?

6 R. Je sais exactement ce qu'il a dit à ce sujet. Il a dit qu'il était

7 heureux que son épouse ne soit pas une Juive et ne soit pas une Serbe. Cela

8 en dit long sur sa personnalité.

9 Q. Est-ce que vous pensez que c'était un message adressé à la population

10 serbe en Croatie et à la population croate ?

11 R. Tout est clair. Qu'est-ce que vous voulez ? C'est clair comme l'eau de

12 roche. On n'a même pas besoin de faire un commentaire.

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne pense pas que ceci se passe de

14 tout commentaire. Je pense que vous avez besoin de répondre à la question.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Si quelqu'un dit qu'il est heureux que son

16 épouse ne soit pas une Juive et ne soit pas une Serbe, cela veut dire qu'il

17 ne pourrait en aucun cas vivre avec un membre de ces groupes ethniques. Mon

18 frère a épousé une Croate et cela ne lui pose pas de problème, il vit avec

19 elle.

20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Dans quelle partie de cette phrase on

21 trouve que cette personne ne pourrait jamais vivre avec une personne

22 appartenant à ces groupes ethniques ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il dit qu'il est heureux que ce ne soit pas le

24 cas. Cela veut dire qu'il serait malheureux dans le cas contraire. Il ne

25 pourrait pas vivre avec ces gens-là.

26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce vraiment la signification du

27 mot "heureux" ou bien c'est vous qui interprétez cela comme cela ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on dit "être heureux", bien dans la

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1 langue serbe, on comprend très bien de quoi il s'agit. En anglais quand on

2 dit "heureux" cela peut vouloir dire "content" mais en serbe cela montre un

3 sentiment plus fort.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous êtes un linguiste et vous seriez

5 peut-être à même de traduire ce mot en anglais mieux que cela ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Hilarant, en extase, ce que vous voulez.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez déposer en anglais ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un fait, que finalement, je suis

10 beaucoup plus confortable avec le serbe, c'est une raison. Je voudrais que

11 l'accusé m'écoute en serbe.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais parlez en serbe.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous m'ordonnez de parler anglais je vais

14 parler anglais, mais si c'est possible je préfère parler en B/C/S.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On vous a demandé de dire ce que veut

16 dire le mot "heureux" en serbe et de le traduire. On ne vous a pas demandé

17 de déposer en anglais.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous pouvez continuer.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Mis à part cette déclaration de M.

21 Tudjman disant qu'il est extrêmement content du fait que son épouse ne soit

22 pas une Serbe ou une Juive, est-ce qu'il a fait d'autres déclarations qui

23 démontrent son opinion des Serbes ou bien est-ce la seule déclaration qu'il

24 a faite à l'époque ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il en a fait plein, mais je ne pouvais pas

26 suivre tout cela. Cependant, il a écrit un livre plein de mensonges. C'est

27 impossible de lire ce livre. Ce livre est intitulé, "Le pays de la réalité

28 historique". C'est dégoûtant de lire cela, ce n'est pas possible de lire

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1 cela. C'était un docteur ès histoire.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bien, je ne vous demande pas de

3 qualifier tout cela; je vous demande si cela s'est produit une fois ou

4 plusieurs fois.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Continuez, continuez, Maître

7 Milovancevic. J'oubliais que vous attendiez.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

9 Q. Puisque nous en sommes à parler de M. Tudjman, dans son livre, qu'est-

10 ce qui vous a choqué le plus dans son livre ? Est-ce qu'il y avait quelque

11 chose qui vous déshonorait ?

12 R. Cela ne m'intéressait pas vraiment. Franjo Tudjman, il a fait de la

13 prison du temps des communistes. Il n'est rien d'autre que le pur produit

14 du communisme. Il avait été général, ensuite, il a tourné sa veste et il

15 est devenu un serviteur de la diaspora croate, ou plutôt de l'organisation

16 oustachi croate qui se trouvait à l'extérieur. Il faisait ce qu'on lui

17 demandait de faire.

18 Puis, j'ai déjà dit qu'avant la guerre, il fallait transférer les

19 Oustachi et les Domobrani et faire d'eux des partisans. Après tout, les

20 crimes qu'ils avaient commis, c'était une espèce de promotion.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic, vous avez

22 beaucoup parlé de l'histoire, mais je ne voudrais pas vous détourner de la

23 route que vous avez prise avant que je n'intervienne. Je vous prie de bien

24 vouloir reprendre cette route et nous allons continuer au même rythme.

25 Poursuivez le but que vous avez en tête.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.

27 Q. Si je vous disais que l'on exagérait quand on parle de la peur que l'on

28 peut avoir des Oustachi, que dites-vous ?

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1 R. Après tout ce qu'on a dit, on n'a rien à dire. La situation telle

2 qu'elle est et vu où nous en sommes aujourd'hui, qu'est-ce que vous voulez

3 que je vous dise ? Regardez quel est le nombre de Serbes qui habitent en

4 Croatie aujourd'hui.

5 Q. Merci.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette citation, elle vient d'où ?

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce n'est pas une citation. Je lui ai

8 demandé s'il pense que la peur des Oustachi est exagérée. Qu'est-ce qu'il

9 répond ? C'est une des thèses principales du Procureur en l'espèce. Il

10 ignore l'existence de l'histoire. Il agit comme si rien ne s'était passé.

11 Cette peur est exagérée. Il vivait à l'époque sur ses terres et je lui

12 demande s'il partage cette même opinion.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'est le Procureur qui a

14 dit cela au cours de la présentation de ses moyens de preuves ?

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est la façon dont il agit que

16 transperce cette phrase. Le génocide a eu lieu, le crime a eu lieu. Est-ce

17 qu'on a exagéré tout cela en 1991 ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black.

19 M. BLACK : [interprétation] Je ne sais pas s'il faut que j'en parle

20 vraiment, mais évidemment que ce n'est pas le Procureur qui a dit qu'il n'y

21 a pas eu de génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale. Nous considérons

22 que ce n'est absolument pas pertinent en l'espèce. D'ailleurs, j'élève une

23 objection quant à la façon dont le conseil de la Défense qualifie les

24 positions de la Défense parce que je pense qu'ils n'ont pas raison quand

25 ils le font. Ce n'est tout simplement pas vrai. Ce n'est pas exact. Ce

26 n'est pas la position du Procureur. Ceci ne correspond pas à notre

27 position.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai fait rien d'autre que de

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1 répondre à la question du Procureur. Ce n'était pas ma thèse depuis le

2 début. Le Procureur dit que c'est un fait établi que le génocide a eu lieu.

3 Pour moi aussi, c'est pareil. Mais on a affirmé que la peur du génocide

4 était exagérée. Vous savez, cela transperce de tout ce qu'ils disent. Pour

5 moi, c'est incontesté. Il y a eu beaucoup d'éléments présentés par le

6 Procureur.

7 Nous, nous essayons de réfuter cela et de répondre. Est-ce qu'à cette

8 époque-là on a fait des choses à cette fin, ayant cet objectif-là et ceci,

9 à cette période-là, la période pertinente. Je suis désolé si le Procureur

10 prend tout cela personnellement, comme si c'était mon attitude personnelle

11 par rapport au bureau du Procureur. Je ne suis en train de faire rien

12 d'autre que de discuter ou réfuter l'argument du Procureur, les allégations

13 qui figurent dans l'acte d'accusation. Ce sont d'ailleurs les arguments

14 principaux du Procureur.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous parlez des positions, des

16 arguments qui se trouvent dans l'acte d'accusation, je voudrais que vous me

17 montriez exactement où le Procureur a dit, au cours de sa présentation des

18 moyens de preuve que : "La peur des Oustachi était exagérée." Je veux

19 trouver cela. Je vous demande de me donner la référence exacte de ceci pour

20 qu'ils ne soulèvent plus d'objections. Dans ce cas-là, je vais rejeter

21 l'objection de

22 M. Black.

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Au cours de tous les

24 contre-interrogatoires de nos témoins, le Procureur a demandé si les

25 dirigeants du SDS et si les dirigeants des Serbes de Krajina n'exagéraient

26 pas un peu, n'agrandissaient pas la peur qui existait, la peur des Oustachi

27 parmi la population, ensuite, s'ils n'ont pas utilisé cela justement pour

28 atteindre des objectifs politiques. D'ailleurs, hier, c'était bien le cas

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1 quand ils ont interrogé Branko Popovic.

2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pourriez-vous me montrer dans quelle

3 ligne il dit cela exactement ?

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si j'ai bien compris, il n'y a pas de

5 ligne. C'est un thème récurrent, si vous voulez.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur

8 Milovancevic.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que vous ne continuiez, Mme le

11 Juge Nosworthy a quelque chose à dire. Mais avant cela, je voudrais dire

12 que même, si je vous permets de poser la question concernant la peur des

13 Oustachi, je suis tout à fait d'accord de dire que vous parlez du Procureur

14 d'une façon méprisante et je vous demande de vous restreindre.

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'ai besoin de consulter les

16 autres Juges de la Chambre.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Milovancevic, si

19 vous voulez bien, l'observation que je peux faire par rapport à la question

20 que vous avez posée, c'est qu'il s'agit d'une question un peu trop

21 générale. Pour poser cette question au témoin, il faut faire référence à

22 une période particulière, parce que je pense que c'est le contexte utilisé

23 par les Procureurs, la période qui nous concerne. Je pense que vous devriez

24 poser la question en la plaçant bien dans la période pertinente. Merci.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Je vais

26 m'efforcer d'être le plus précis possible.

27 Avec votre permission, Madame, Messieurs les Juges, je vais poser

28 d'autres questions. Je peux continuer avec ces thèmes sans approfondir les

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1 thèmes abordés ? Vous voulez que je fasse quoi exactement ? Que je continue

2 avec les questions, parce que là, on a fait une pause et je ne vois plus où

3 j'en suis.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais être très clair. La

5 question qui a fait l'objet d'une objection, c'est une question qui

6 concernait l'exagération de la peur. Je vous demande de mettre ceci dans le

7 contexte, de mettre ceci dans une période, tout comme le Procureur l'a

8 fait, pour que tout ceci soit clair au compte rendu d'audience.

9 M. BLACK : [interprétation] Nous n'avons pas poser de questions au

10 sujet de la peur des Oustachi; nous avons parlé de 1990 et nous avons parlé

11 de l'exagération de la peur par rapport aux autorités croates et pas par

12 rapport aux Oustachi. Si l'on veut citer la position du Procureur, il faut

13 être plus précis.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] M. Black est allé un petit

15 peu plus loin.

16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous savez, il faut être exact

17 quand vous posez vos questions, Monsieur Milovancevic. On en est toujours à

18 la même question.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Veuillez procéder.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si Me Milovancevic souhaite en

21 savoir davantage au sujet des Oustachi, je suis sûr qu'il peut poser des

22 questions. Mais pour les besoins du procès, je pense que l'Accusation

23 s'intéresse davantage aux autorités croates en 1990.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le

25 Président, et je suis désolé de ce malentendu qui est entièrement de ma

26 faute.

27 Q. Nous parlons maintenant de l'année 1990 et de l'année 1991. Dans le

28 courant de l'année 1990, l'un des événements qui s'est produit et que vous

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1 avez mentionné était le discours de M. Tudjman dans la salle Lisinski. Vous

2 en souvenez-vous ?

3 R. J'ai suivi M. Tudjman dans toutes sortes de situations car je devais le

4 faire. Il a tenu toutes sortes de discours enflammés. Ce qui est

5 intéressant à ce sujet, c'est que juste après la prise de contrôle du HDZ,

6 après leur arrivée au pouvoir, les Serbes ont été congédiés en masse alors

7 que nous, en Krajina, une région où les Croates étaient minoritaires, nous

8 ne les avons pas congédiés.

9 Il y a eu un cas concernant un professeur à Knin qui avait perdu son

10 emploi et notre tribunal lui a permis de retravailler. Elle avait été

11 licenciée en tant que Croate et elle a intenté un procès contre l'école,

12 mais elle a retrouvé son emploi.

13 Il n'y a pas de cas analogue de l'autre côté, car les gens ont été

14 congédiés par centaines, simplement parce qu'ils n'ont pas décidé de prêter

15 allégeance au parti au pouvoir. Pourquoi un employé devrait-il signer une

16 déclaration, un serment d'allégeance aux autorités au pouvoir ?

17 Plus tard, lorsque des personnalités serbes ont commencé à être

18 liquidées en ville, la situation n'a fait que de se détériorer. Vous

19 entendrez sans doute des témoignages au sujet de ces nombreux meurtres car

20 il y a des preuves à l'appui.

21 Q. Merci. Voilà ce qui se passait sur le territoire de la République de

22 Croatie au début de l'année 1990. Quelle était l'attitude des nouvelles

23 autorités croates ?

24 M. BLACK : [interprétation] Objection. Peut-être que j'ai mal compris, mais

25 il me semble qu'il a été dit que : "C'est ce qui se passait tous les jours

26 sur le territoire de la République de Croatie au début de l'année 1990." Je

27 ne sais pas si ce passage fait partie de la question posée ou si c'est le

28 témoin qui a poursuivi sa réponse. Toujours est-il que si c'est le conseil

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1 qui a dit cela, il s'agit soit d'une question directrice, soit simplement

2 d'un témoignage à la place du témoin.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mon confrère de l'Accusation a tout à

4 fait raison. J'ai fait un commentaire qui n'était pas judicieux dans le

5 cadre de ma question. Cela n'était pas une question de ma part lorsque j'ai

6 dit que : "Il s'agissait de choses qui se passaient tous les jours sur le

7 territoire de la République de Croatie." J'aurais dû m'abstenir de dire

8 cela.

9 Q. Ma question était la suivante : vous parliez des événements en 1990 --

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que vous

11 pourriez vous abstenir de faire des déclarations à l'attention de vos

12 témoins avant de poser des questions ? Depuis le début de ce procès,

13 j'essaie de vous rappeler de ne pas le faire. Or, vous continuez à le faire

14 et je ne sais pas pourquoi. Cela ne nous aide pas. Vous avez dit à de

15 nombreuses reprises, lorsque vous avez été mis en garde, que vous n'auriez

16 pas dû dire cela. Cela devient irritant et pénible. Posez simplement votre

17 question au témoin.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous trouvez cela difficile, les

21 Juges de cette Chambre devront vous interrompre à chaque fois que vous

22 posez des questions. Cela signifie que cela rendra les choses difficiles,

23 puisque vous faites la même chose à chaque fois que vous posez une

24 question.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

26 Q. Comment les nouvelles autorités croates ont-elles pris position par

27 rapport aux Oustachi dans leurs déclarations et apparitions officielles ?

28 R. J'ai déjà dit que Tudjman avait fait cette déclaration-clé selon

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1 laquelle l'Etat indépendant de Croatie, qui est une référence au régime

2 d'Ante Pavelic, était l'expression des aspirations du peuple croate. Cela

3 se passe de commentaire. Mais je conviens qu'il vaut mieux parler des

4 autorités croates et non pas des Oustachi car sinon on blâmerait tout le

5 monde.

6 L'un des objectifs de ces autorités était de chasser la population

7 serbe de ces territoires et ils y sont pratiquement arrivés, car il ne

8 restait plus que très peu de Serbes sur le territoire de la Croatie

9 ensuite. Aujourd'hui encore il en reste très peu.

10 Q. Pourquoi les autorités croates ont-elles ressenti le besoin de

11 s'exprimer par rapport au mouvement Oustacha durant la Deuxième Guerre

12 mondiale ? Quel était l'objectif politique poursuivi ? Est-ce que vous avez

13 une explication à ce sujet ?

14 R. Bien sûr. Inutile d'entrer dans les détails de l'histoire, mais il faut

15 la comprendre et la connaître.

16 Après la Deuxième Guerre mondiale, le régime communiste a proclamé

17 l'instauration de la fraternité et de l'unité entre les bourreaux et les

18 victimes.

19 Les auteurs des manuels d'histoire officiels ont déformé ce qui s'était

20 passé, mais nous, les Serbes, nous savons ce qui s'est réellement passé car

21 toutes les victimes ne sont pas mortes. Il y a toujours un rescapé dans

22 chaque massacre. Dans l'église de Glina, par exemple, 1 567 Serbes ont été

23 égorgés. Une commission a réuni des éléments de preuve au sujet de ce

24 massacre. Ljuban Jednak était réchappé vivant de ce massacre. Il a raconté

25 son histoire en tant que seul rescapé de ce massacre. Il a été profondément

26 traumatisé. Nous avions connaissance d'autres incidents semblables

27 ailleurs.

28 Je souhaiterais ajouter encore quelque chose. Le nettoyage ethnique

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1 des Serbes s'est poursuivi sous le régime communiste. Je vais vous

2 expliquer comment. De manière très perfide, une loi était adoptée par

3 laquelle on interdisait de garder des chèvres. Cette loi interdisait à un

4 animal de vivre. Seuls des esprits tordus pouvaient inventer une chose

5 pareille. Pourquoi l'a-t-on fait ? Car les Serbes, pour vivre, gardaient

6 des chèvres dans la montagne à Velebit et Dinara, et sans chèvres, ils

7 devaient partir. Il n'y a pas beaucoup de choix pour ce qui est de la

8 subsistance dans ces régions. Lorsque ces chèvres ont été interdites, ces

9 gens et leurs familles ont dû partir.

10 On a également construit des camps d'entraînement pour des manœuvres

11 militaires, et les Serbes qui vivaient dans ces régions ont dû partir. Un

12 autre exemple. Le camp d'entraînement de Slunj, qui se trouve entre

13 Karlovac et Korenica, ce camp d'entraînement est situé non loin de

14 Plitvice. Plitvice est un site touristique très connu. Les villages serbes

15 ont été affectés, mais aucun village croate n'a été touché. Le nettoyage

16 ethnique s'est poursuivi après le régime oustachi et a continué sous le

17 régime communiste. Les Serbes, qu'est-ce qu'ils étaient censés faire ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Macura, que ce soit le

19 conseil de la Défense ou qui que ce soit d'autre, lorsque quelqu'un dit

20 "arrêtez," veuillez arrêter, s'il vous plaît.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous pouvez

23 poursuivre.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

26 Q. Monsieur Macura, j'ai essayé de vous interrompre, je voulais vous

27 demander la chose suivante : pourquoi, selon vous, Branimir Glavas a pu

28 rester député au parlement croate ? Pourquoi d'autres comme lui ont

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1 mentionné les Oustachi en 1991 ? Y avait-il une raison particulière ?

2 R. Bien sûr. Il s'agissait d'un message adressé aux Croates pour leur dire

3 ce qu'ils devaient faire et d'un message adressé aux Serbes pour leur dire

4 à quoi ils devaient s'attendre. Je pense que c'est évident.

5 Q. Merci.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir à l'écran

7 le document 1D0128. Il a été saisi dans le système "e-court".

8 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

9 R. Oui. C'est un extrait du livre que j'ai traduit de l'italien. Nous

10 voyons ici les symboles devant lesquels des Oustachi prêtaient serment à

11 l'époque d'Ante Pavelic; la croix, le couteau et le revolver. Il s'agit des

12 symboles utilisés lors de la cérémonie de prestation de serment.

13 Après avoir commis leurs crimes, ils se confessaient à des prêtres

14 catholiques qui les écoutaient et les absolvaient. L'archevêque Stepinac a

15 été décoré de l'ordre le plus élevé par Ante Pavelic.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il s'agit bien d'un extrait du

17 livre de M. Rivelli que vous avez vous-même traduit ?

18 R. Le 25 juin 1941. L'hebdomadaire croate oustacha a publié cette

19 photographie avec l'explication suivante, je cite : "Sous le signe de la

20 croix, du pistolet et du couteau, symboles du serment oustacha, le

21 mouvement croate luttera et vaincra."

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous allons examiner un autre document

23 maintenant. Nous allons demander le versement au dossier de l'ensemble des

24 documents en une seule fois. Il s'agit de la pièce à conviction de la

25 Défense portant la cote 129.

26 Est-ce que l'on pourrait renverser l'image, s'il vous plaît ? Est-ce que

27 l'on pourrait voir la partie gauche ?

28 Q. Cette photo, à gauche, de quoi s'agit-il, Monsieur Macura ?

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1 R. Il s'agit du couteau servant à tuer les Serbes, un "coupe-Serbes" en

2 d'autres termes. Ante Pavelic, en tant que dirigeant de l'Etat indépendant

3 de Croatie, a réuni les membres de son gouvernement pour discuter entre

4 autres du couteau. Ce couteau a figuré à l'ordre du jour de l'une des

5 réunions des membres du gouvernement. On se demandait quel couteau devrait

6 servir aux bourreaux pour qu'ils puissent tuer autant de gens que possible

7 sans trop se fatiguer.

8 Q. Merci, Monsieur Macura. Que voit-on ici ? Comment utilise-t-on cet

9 objet ?

10 R. La partie supérieure est en cuir. Il s'agit d'une sorte de gant. Vous

11 mettez la main dans cette espèce de gant et à l'aide du pouce, vous appuyez

12 au niveau du trou. Ensuite, vous fermez le poing. Il ne reste plus que la

13 lame. Et on voit que la lame est découpée de manière à faciliter

14 l'égorgement de la victime, car la lame a plus ou moins la forme de la

15 courbure du cou.

16 Q. Merci beaucoup. Quelle est l'explication donnée ici par Marco Aurelio

17 Rivelli au sujet de cet objet ?

18 R. Il s'agit d'un objet spécialement conçu par les Oustachi et fabriqué à

19 Solingen, une usine allemande, et qui servait à massacrer les Serbes et les

20 Juifs en masse.

21 Q. Est-ce que vous savez quelque chose au sujet de ce coupe-Serbes ?

22 R. Je sais qu'en 1991, un coupe-Serbes ainsi était retrouvé --

23 L'INTERPRÈTE : Dans un endroit dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

25 Q. Cela suffira. Merci.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que vous

27 pensez que ce genre de témoignage aidera les Juges de la Chambre à se

28 prononcer sur les questions pertinentes en l'espèce ?

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1 Nous avons entendu de nombreux témoignages au sujet des données

2 historiques, de ce qui s'était passé en 1941 et de toutes sortes de choses,

3 notamment le 25 juin 1941. Nous avons entendu beaucoup d'éléments de preuve

4 à ce sujet. Il s'agit ici d'un objet servant à égorger les Serbes. Est-ce

5 qu'il est utile d'entrer dans les détails ? En quoi cela va nous aider ?

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'essaie, par le truchement de ce

7 témoin, de rappeler ce qu'ont vécu les Serbes qui ont réchappé à la

8 Deuxième Guerre mondiale en Croatie. Tous ces faits sont de notoriété

9 publique et j'essaie de montrer aux Juges de la Chambre quelle a été la

10 réaction au sein de la population serbe lorsque des personnalités publiques

11 se sont réclamées des Oustachi de l'Etat indépendant de Croatie disant

12 qu'il s'agissait des résultats des aspirations historiques du peuple.

13 J'essaie de démontrer quel type de réaction cela a pu susciter. Il s'agit

14 de faits très choquants. Même les gens bien informés ne connaissent pas

15 tout cela nécessairement.

16 Il s'agit de la vérité cachée. Je pense que mes confrères de

17 l'Accusation, lorsqu'ils parlent de ce sujet, ne comprennent pas bien la

18 réalité des choses. Je pense que cela les aidera à mieux apprécier le

19 témoignage des témoins, ainsi ils pourront se rendre compte des raisons

20 pour lesquelles certains témoins affirment certaines choses.

21 Donc, de quoi les Serbes avaient-ils peur ? C'est ce qu'il faut établir et

22 il s'agit de savoir si leur peur était logique, normale ou exagérée.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez déjà parlé de

24 l'Accusation et de la manière dont l'Accusation appréciait les preuves.

25 C'est aux Juges de la Chambre qu'il convient d'apprécier les preuves et il

26 faut garder cela à l'esprit. Inutile d'essayer de faire comprendre les

27 choses à l'Accusation. Il s'agit plutôt de faire en sorte que les Juges de

28 la Chambre comprennent tout cela de façon à trancher comme il convient ces

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1 questions.

2 Je pense qu'il ne faut pas trop en faire non plus lorsque vous entrez

3 dans les détails de certains événements historiques. Les Juges de la

4 Chambre comprennent ce qu'essaie de démontrer la Défense. Un nombre très

5 important de témoignages ont été entendus, et il faut veiller à la manière

6 dont vous présenter votre thèse devant la Chambre. Il ne faut pas noyer les

7 esprits avec ce type de témoignage lorsque ce n'est pas nécessaire et

8 lorsque cela n'a pas vraiment d'importance par rapport aux questions

9 fondamentales.

10 Je pense que je ne suis pas la seule à penser cela. Partez du

11 principe que les Juges de la Chambre comprennent ce qu'essaie de faire la

12 Défense par rapport aux données historiques ou par rapport aux réactions

13 des Serbes. Cela ne signifie pas pour autant que vous êtes en droit de

14 revenir sans cesse sur ces sujets de cette manière.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Madame le

16 Juge, mais avec votre autorisation, il s'agit simplement d'une question

17 concernant le terme croate utilisé pour désigner la police, les uniformes

18 de la police et les écussons de la police.

19 Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais je pense que

20 tout cela est important et que cela vous permettra de mieux comprendre la

21 situation, et par conséquent, les actes de l'accusé.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Maître Milovancevic,

23 peut-être que le témoin pourrait résumer tout cela de façon efficace en

24 trois phrases ou trois paragraphes. Inutile d'avoir 30 pages de témoignage

25 à ce sujet. Voilà ce que j'essaie de vous dire en substance. Je souhaite

26 que nous explorions toutes les questions importantes, mais il y a sans nul

27 doute des domaines sur lesquels on peut s'attarder et d'autres sur lesquels

28 il vaut mieux ne pas passer trop de temps.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, je comprends ce que vous dites,

2 Madame le Juge.

3 Monsieur l'Huissier, est-ce que l'on pourrait placer une photographie sur

4 le rétroprojecteur maintenant de façon à nous éviter de perdre du temps en

5 essayant de la retrouver. Merci.

6 Q. Etant donné que vous avez traduit le livre de M. Rivelli, est-ce que

7 vous pourriez nous dire qui est l'homme sur cette photo ?

8 R. C'est un soldat Oustacha de la légion noire. Il pose ici en tenant la

9 tête d'un Chetnik qui avait été décapité. On voit ici l'écusson. Le couvre-

10 chef sur la tête du mort a dû être posé.

11 Nous voyons un soldat oustacha qui porte un écusson qui a été

12 réintroduit par Tudjman. Ces policiers portaient cet écusson. C'est la

13 raison pour laquelle la plupart des Serbes ne pouvaient plus être d'accord

14 pour rester au sein des forces de police avec un tel écusson. Ils savaient

15 ce que représentait cet écusson, à quoi il renvoyait.

16 Le message était tout à fait clair. Par conséquent, peu de Serbes

17 sont restés au sein des forces de police après la réintroduction de cet

18 écusson.

19 Q. Merci.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai plus besoin de cette photo. Je

21 demande le versement au dossier de cette photo, s'il vous plaît.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces photographies sont versées au

23 dossier. Est-ce qu'on peut leur attribuer une cote.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 941.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Q. Monsieur Macura, avez-vous entendu parler d'une lettre des policiers de

28 Knin adressée aux médias ?

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1 R. Après la décision selon laquelle les policiers devaient porter ces

2 uniformes identiques à ceux portés par ceux qui avaient tué les Serbes

3 durant la Deuxième Guerre mondiale, cette lettre a été rédigée et envoyée

4 aux autorités fédérales de Belgrade. Dans cette lettre, on disait en

5 substance que les policiers refusaient d'accepter ces uniformes avec de

6 tels écussons et ne voulaient pas rester au sein des forces de police.

7 Voilà en résumé de ce dont il s'agissait. Je ne me souviens pas des

8 détails.

9 Q. S'agissant de la véritable signification de cette lettre, est-ce que

10 l'on pourrait dire qu'il s'agissait d'un acte d'insubordination à l'égard

11 des autorités croates et d'une tentative visant à atteindre certains buts

12 politiques autres ?

13 R. Non. Je ne dirais pas les choses ainsi. Il s'agissait surtout d'une

14 tentative de leur part de se défendre contre un mal menaçant. Ce mal était

15 latent depuis longtemps et redevenait d'actualité. Il s'agissait d'une

16 tentative de la part du peuple de se défendre contre ce mal. Il s'agissait

17 d'autodéfense et non pas d'insubordination. Il s'agissait d'une demande

18 adressée aux autorités afin de changer certaines choses afin de ne pas

19 utiliser certains termes, d'utiliser des uniformes et des écussons

20 différents, et cetera. Mais rien ne pouvait être fait.

21 Q. Est-ce que vous savez si les autorités fédérales de Yougoslavie ou les

22 autorités croates ont essayé de trouver une solution de bon sens pacifique

23 à ce problème ?

24 R. Il y a eu des tentatives au niveau fédéral, mais en Croatie, ils ne

25 voulaient rien entendre, ils avaient leur projet, ils voulaient le mettre

26 en œuvre. Cela n'a eu aucune incidence.

27 Q. Monsieur Macura, passons à un autre sujet, s'il vous plaît. Est-ce que

28 vous avez des informations au sujet du référendum tenu en Krajina en 1990 ?

Page 8199

1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas entendu la

2 deuxième partie de la question.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que vous

4 pourriez répéter la deuxième partie de votre question ? Les interprètes ne

5 l'ont pas entendue.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Très bien, je vais répéter.

7 Q. Monsieur Macura, est-ce que vous savez quoi que ce soit au sujet du

8 référendum concernant le maintien de la SAO de Krajina au sein de la

9 Yougoslavie et l'unification de la Krajina avec la Serbie ? Lorsque j'ai

10 posé cette question, j'ai plus ou moins repris les termes du référendum. Il

11 y a eu différents référendums, mais je souhaitais renvoyer le témoin à ce

12 référendum en particulier.

13 R. L'instigateur principal de ce référendum était le Dr Babic. Lors de ce

14 référendum, presque tout le monde a voté en faveur de notre maintien dans

15 le même Etat que la Serbie. Je faisais partie de la délégation qui s'est

16 rendue à Belgrade, où nous avons voulu être reçus par l'assemblée serbe,

17 mais nous n'avons pas été reçus par l'assemblée.

18 Q. Je vous interromps, Monsieur Macura.

19 M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir. Juste une précision

20 au sujet de la question figurant à la page 78, ligne 5 du compte rendu. Il

21 était question du référendum tenu en 1990. Je me demandais, compte tenu de

22 ce qu'il vient de dire, s'il s'agissait de 1990 ou 1991. Je souhaiterais

23 que l'on tire cela au clair.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en 1990, il y

26 avait des élections. Il s'agit ici de l'année 1991. Si j'ai dit que c'était

27 en 1990, il s'agissait d'un lapsus.

28 Je remercie M. Black de m'avoir corrigé. J'ai pensé au référendum qui

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1 s'est tenu en avril 1991. Je m'en excuse encore une fois merci à M. Black.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

4 Q. Quand vous avez répondu à ma question, Monsieur Macura, à quel

5 référendum avez-vous pensé ?

6 R. J'ai pensé au référendum portant sur l'unification avec la Serbie et

7 j'ai parlé de la délégation qui s'est rendue à Belgrade. Je pense que vous

8 n'avez pas dit la bonne année.

9 Q. Savez-vous qui a pris la décision portant sur le référendum ?

10 R. M. Milan Babic a pris la plupart des décisions concernant non seulement

11 le référendum mais d'autres choses. Il avait des conseillers avec qui il

12 travaillait. Il rendait des décisions qui, par la suite, ont été proposées

13 au conseil principal du SDS. On en discutait. On discutait également de la

14 proposition portant sur l'unification avec la Serbie, parce qu'il

15 s'agissait d'une situation où l'on ne voyait pas d'issue différente.

16 Nous n'avons pas reçu une réponse positive de Belgrade. Nous n'étions pas

17 du tout accueillis à l'assemblée à Belgrade.

18 Q. Arrêtez-vous ici, Monsieur Macura. On va en parler plus tard.

19 Dans l'une de vos réponses, vous avez dit que la question qui se

20 posait au référendum était de rester dans le SAO de Krajina, de s'unir avec

21 la Serbie et de rester en Yougoslavie. Où est le point ?

22 R. Nous voulions rester en Yougoslavie. Nous ne voulions pas que cet

23 Etat soit détruit.

24 Q. Le référendum a été tenu et quel était le résultat du référendum ?

25 R. Je ne sais pas le pourcentage, mais la vaste majorité de la population

26 a opté pour l'unification avec la Serbie et pour qu'on reste dans le même

27 Etat.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ralentissez un peu, s'il vous plaît.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

2 Q. Pourquoi cette délégation s'est rendue à Belgrade ?

3 R. Ljubica Vujanic était chargée de formuler de façon juridique tous les

4 actes juridiques concernant le référendum parce qu'elle était juriste. Je

5 ne suis pas juriste. Je connais les bases du droit, mais elle était

6 présidente de la commission et elle était en charge de présenter là, à

7 l'assemblée de la Serbie.

8 Q. Je vais interrompre ici, Monsieur Macura. Mme Ljubica Vujanic et vous-

9 même, est-ce qu'il y avait d'autres membres de la délégation ?

10 R. Si je me souviens bien, il y avait la présidente de la municipalité de

11 Gracac.

12 Q. Je vous remercie. Quelle était votre tâche ? Pourquoi vous vous êtes

13 rendus à Belgrade ?

14 R. Nous nous sommes rendus à Belgrade pour qu'on soit reçus à l'assemblée

15 de la Serbie pour présenter à l'assemblée le référendum, ses résultats et

16 notre demande envers la Serbie.

17 Q. Quelle était la demande de votre délégation adressée à la Serbie ?

18 R. Notre demande était la suivante : l'assemblée de la Serbie accepterait

19 le référendum et nous accueillerait pratiquement dans le même et seul Etat.

20 Juridiquement, je ne peux pas vous dire plus de détails, mais c'était cela.

21 Q. Vous êtes partis à Belgrade en tant que délégation de la SAO de

22 Krajina. Est-ce que vous avez été accueillis à l'assemblée de la Serbie ?

23 R. Non, pas du tout. Nous n'avions que des entretiens officieux avec le

24 vice-président, M. Borisav Petrovic, qui est mort depuis, avec Pavic

25 Obradovic et avec M. Micunovic, qui était député à l'assemblée. Il

26 s'agissait d'un entretien officieux. Il n'y avait pas de réception

27 officielle. Nous nous sommes entretenus pendant quelques heures et c'était

28 tout. Mais non, ce n'était pas à l'assemblée. C'était dans d'autres locaux.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste un instant, Maître Milovancevic.

2 Faites une pause, s'il vous plaît. Monsieur Macura, ménagez une pause après

3 la question qui vous est posée.

4 Maître Milovancevic, vous pouvez continuer.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Macura, vous êtes peut-être fatigué, mais nous devrions faire

7 attention à l'interprétation de mes questions et de vos réponses. Cela

8 concerne en premier lieu moi-même.

9 Est-ce que la délégation de la SAO de Krajina a été reçue à la séance de

10 l'assemblée de la Serbie ou pas ?

11 R. Non.

12 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez réussi à transmettre votre

13 demande à l'assemblée de la Serbie ? Est-ce qu'on vous a permis de le

14 faire ?

15 R. Non.

16 Q. Est-ce qu'à cette occasion-là vous avez rencontré M. Milosevic qui

17 était le président de la Serbie à l'époque ?

18 R. Non.

19 Q. Quelle était la réaction du membre de la délégation, le troisième

20 membre qui était de Gracac ? Vous souvenez-vous de sa réaction ?

21 R. Elle a commencé à pleurer. Elle était inconsolable. Il s'agissait d'une

22 sorte d'hystérie. Nous ne savions pas quoi faire avec elle.

23 Q. Pourquoi elle a commencé à pleurer ?

24 R. Elle a commencé à pleurer, parce qu'elle espérait voir le référendum

25 avoir une influence sur eux. Quand elle a compris que ce n'était pas le

26 cas, elle a commencé à pleurer de façon hystérique.

27 Q. Merci.

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Je m'excuse.

Page 8204

1 Est-ce que cette délégation a été amenée à croire que votre demande serait

2 reçue favorablement ? Là, je pense à la demande concernant l'un --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] On espérait que ces demandes pourraient avoir

4 des résultats positifs, rien de plus.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Puis-je continuer, Madame la Juge ?

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

8 Q. Par rapport à cette dernière question de la Juge Nosworthy. Est-ce que

9 la République de Serbie avait de l'influence sur la tenue de référendum

10 dont vous alliez présenter les résultats à l'assemblée ?

11 R. Non, aucune influence, et elle a montré cela de façon évidente. Elle ne

12 voulait pas discuter. Nous espérions que les résultats du référendum

13 auraient pu avoir une sorte d'influence sur l'assemblée.

14 Q. C'était en avril 1991 ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Vous souvenez-vous de la date à laquelle le gouvernement de la SAO de

17 Krajina a été formé ?

18 R. Le gouvernement de la SAO de Krajina a été formé en décembre 1991 au

19 jour du Saint-Michel.

20 Q. C'était le premier gouvernement ?

21 R. Oui. Après, il y avait le gouvernement de la SAO de la République de la

22 Krajina serbe. Je ne me souviens pas de la date de sa formation.

23 Q. Dans vos réponses précédentes, vous avez dit que la SAO de Krajina a

24 été proclamée le 19 décembre, comme vous l'avez dit, à la Saint-Michel.

25 Vous souvenez-vous de cela ?

26 R. C'était avant la proclamation de la constitution croate à Zagreb. Parce

27 qu'on a annoncé la proclamation de la constitution de Croatie où le peuple

28 serbe n'existait pas en tant qu'un peuple constitutif.

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1 Q. Quand, après la formation de la SAO de Krajina, le premier gouvernement

2 de la SAO Krajina a été formée ?

3 R. Je ne me souviens pas de la date exacte de la formation du premier

4 gouvernement.

5 Q. Je vous ai posé cette question pour vous poser la question suivante :

6 est-ce que vous savez qu'en mai 1991 un nouveau gouvernement de la SAO de

7 Krajina a été formé ?

8 R. Cela devait être le gouvernement de la République de Krajina serbe. Ce

9 n'est pas la même chose. Il s'agit d'un niveau supérieur de l'organisation

10 du gouvernement.

11 Q. Savez-vous qui a formé ce gouvernement ?

12 R. Le Dr Milan Babic.

13 Q. Vous avez dit, le gouvernement a été formé le Dr Milan Babic. Comment

14 était-ce possible qu'un homme s'occupe de la formation du gouvernement ?

15 R. Partout on fait comme cela. Il y a un mandataire qui s'occupe de la

16 formation du gouvernement. Partout dans le monde entier un homme est en

17 charge de la formation du gouvernement.

18 Q. Est-ce que vous savez si la République de Serbie avait quoi que ce soit

19 à voir avec la formation du gouvernement de la SAO de Krajina ou de la

20 République de Krajina serbe ?

21 R. Selon les propos de Milan Babic, le président Milosevic ne voulait rien

22 savoir quant à la formation du gouvernement. Il se moquait de cela. Le

23 président Milosevic ne voulait pas que nous formions le gouvernement. Il

24 voulait que nous formions quelque chose au niveau inférieur, instituer des

25 secrétaires et non pas des ministres, le premier ministre, et cetera. C'est

26 pour cela qu'il s'est trouvé en conflit avec Milan Babic.

27 Q. Lorsque vous dites que le président Milosevic, le président de la

28 Serbie ne souhaitait pas que le gouvernement soit formé, ces détails, vous

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1 les connaissez en vous basant sur quoi ?

2 R. Milan Babic m'en a parlé parce qu'il a rencontré souvent M. Milosevic.

3 J'ai rencontré M. Milosevic à plusieurs occasions. Pendant ces rencontres,

4 on n'avait pas besoin d'interprètes parce qu'ils parlaient la même langue.

5 Q. Est-ce que M. Babic, lorsqu'il vous a parlé de la position de M.

6 Milosevic par rapport à formation du gouvernement de la Krajina, est-ce

7 qu'il vous disait son point de vue par rapport à ce sujet et ce qu'il

8 allait faire ?

9 R. Son point de vue, il l'a montré dans ses actes. Il a insisté sur la

10 formation du gouvernement et insisté sur le fait qu'il soit à la tête du

11 gouvernement. De ses actes, on pouvait en conclure quel était son point de

12 vue. Il ne voulait pas écouter de conseils de qui que ce soit. Il suivait

13 sa propre ligne de comportement.

14 Q. Quelle était votre position par rapport aux activités de M. Babic à

15 l'époque ?

16 R. Je ne croyais pas beaucoup en cela, mais je ne pouvais pas influencer

17 beaucoup M. Babic. Je pouvais exprimer mon opinion, mais cela n'avait pas

18 d'importance.

19 Q. Est-ce qu'au sein du gouvernement de la SAO de Krajina ou de la

20 République de Krajina serbe vous exerciez certaines fonctions ?

21 R. J'étais ministre chargé de l'information au sein de ce gouvernement

22 jusqu'à ce que le gouvernement ait été dissout, et c'était après que le

23 plan de Vance-Owen a été adopté.

24 Q. Je vous remercie. Nous parlons de la période de l'année 1991. Vous

25 souvenez-vous si et quand la Croatie et la Slovénie avaient proclamé leur

26 indépendance ou leur sécession ?

27 R. C'était assez tôt. Ces deux républiques n'ont pas été reconnues des

28 Nations Unies, mais il y en avait d'autres qui les ont reconnues. Le

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1 Vatican et l'Allemagne, je pense, les ont reconnues, c'est-à-dire, la

2 sécession de la Slovénie et de la Croatie. C'était un grand soutien aux

3 républiques sécessionnistes pour qu'elles puissent faire sécession de la

4 Yougoslavie.

5 Q. Je vous remercie. Qu'est-ce qui s'est passé en Yougoslavie après que la

6 Croatie et la Slovénie ont proclamé leur indépendance et ont fait sécession

7 de la Yougoslavie ? Vous vous souvenez de ces événements ?

8 R. Je ne me souviens pas de la date, parce que je n'ai pas considéré cela

9 comme étant très important et je n'ai pas fait de notes. Je sais que la

10 Croatie et la Slovénie sont allées jusqu'au bout par rapport à la sécession

11 de la Yougoslavie. Il est arrivé quelque chose, et je dois dire, aucun des

12 Slovènes n'est venu ici devant le Tribunal pour être jugé. Les Slovènes ont

13 commis le premier crime, le crime contre la paix, le renversement d'un

14 Etat. De ce crime contre la paix a découlé d'autres crimes. La position de

15 la communauté internationale n'était pas conforme au droit international

16 pour autant que j'en sache.

17 Q. Je vous remercie. Lorsque vous dites, "les Slovènes ont commis le

18 premier crime" a quoi avez-vous pensé ? Comment cela s'est passé ?

19 R. Ils ont tué 138 soldats de la JNA, 138 soldats. Si vous regardez les

20 événements actuels dans le monde entier et si vous regardez ce qu'Israël a

21 fait pour ces deux soldats capturés, vous pouvez vous imaginez ce que cet

22 Etat aurait fait pour un tel nombre de soldats.

23 Le général Kadijevic a défendu que cela soit publié et c'est ainsi

24 que l'opinion publique n'était pas au courant. On savait que des soldats

25 avaient été tués, mais on ne connaissait pas le nombre. 138 soldats ont été

26 tués en Slovénie.

27 Q. D'où connaissez-vous cette information ?

28 R. Je le sais, parce que --

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1 Q. S'il vous plaît, ménagez une pause entre mes questions et vos réponses.

2 R. Je suis au courant de cela, parce que Mme le Pr Smilja Avramov me l'a

3 dit. Son livre "Opus Dei" je l'ai traduit en anglais et j'ai eu des

4 contacts avec elle à propos de ce livre. Elle m'a dit cela, entre autres

5 choses, c'est parce qu'elle était en contact direct avec le général Veljko

6 Kadijevic.

7 Q. Je vous remercie. Qu'est-ce que qui s'est passé en Croatie après la

8 proclamation de la sécession de la Yougoslavie ? Vous avez dit que ces deux

9 républiques ont décidé d'aller jusqu'au bout. C'est ainsi que j'ai compris

10 vos mots. Dites-nous ce qui s'est passé après ?

11 R. En Croatie, on fêtait cela, parce que les Allemands les ont reconnus.

12 Ils savaient que l'Allemagne était une puissance mondiale et le Vatican

13 était là également avec eux. Ils savaient qu'à la fin ils allaient être

14 reconnus par les Nations Unies également, parce que l'Allemagne est une

15 puissance mondiale, et pas n'importe qui.

16 Q. Je vous remercie. Avant ces reconnaissances dont vous avez parlé, est-

17 ce que sur le territoire de la Croatie il y avait des affrontements ?

18 R. Les affrontements ont commencé à Plitvice. C'est ce que j'ai déjà dit,

19 c'était à Pâques. Depuis ce moment-là, il y avait des conflits, des

20 affrontements qui n'étaient pas très violents, parce que la JNA jouait le

21 rôle de la zone tampon pour que le conflit ne s'élargisse pas mais il y

22 avait des provocations constantes.

23 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que la JNA évitait à ce qu'un conflit

24 de plus grande intensité surgisse. Est-ce qu'il y en avait quand même plus

25 tard ?

26 R. Oui, parce que la Croatie a attaqué la JNA. La JNA ne pouvait plus

27 jouer le rôle qu'elle jouait jusqu'alors. Pratiquement, elle s'est trouvée

28 en conflit avec les forces croates.

Page 8209

1 Q. La Croatie a proclamé sa sécession de la Yougoslavie à la mi-1991,

2 ensuite, il y a le conflit avec les forces croates. Qui a attaqué qui ? Le

3 saviez-vous ?

4 R. J'ai déjà mentionné que la Croatie a formé, après les barrages routiers

5 et les barrages sur les chemins de fer, la Croatie a formé de grandes

6 unités à Kijevo et à Sabarsko. Il y avait pas mal de policiers qui étaient

7 arrivés. Dans ces deux endroits, il n'y avait jamais eu de postes de

8 police, mais la Croatie a fait amener de fortes unités policières et ils

9 ont attaqué le territoire de la SAO de Krajina.

10 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Peut-être que je ne l'ai pas

11 formulée de façon précise. Les affrontements entre la JNA et les forces

12 croates, à propos de ces affrontements, pouvez-vous nous dire qui a attaqué

13 qui ?

14 R. On pouvait suivre ces événements à la télévision, parce que les

15 casernes en Croatie, dans les villes croates, ont été bloquées. On menaçait

16 les soldats. Les femmes et les enfants des officiers, on les utilisait pour

17 les faire passer ce message de menaces aux casernes de la JNA.

18 Q. Savez-vous s'il y avait des attaques armées contre les casernes de la

19 JNA ?

20 R. Oui, il y en avait, par exemple à Koranski Most, à Karlovac. Il y avait

21 un crime horrible qui a eu lieu là-bas.

22 Q. Cela suffit. Je vous remercie. Quand il y a eu la tentative de calmer

23 la situation en Yougoslavie avec l'aide des Nations Unies - il s'agit du

24 plan de Vance - vous souvenez-vous de cela ?

25 R. Je me rappelle de l'entretien avec M. Cyrus Vance, parce qu'avec Milan

26 Babic j'ai participé à ces négociations à Belgrade. Je connais l'évolution

27 des négociations. M. Cyrus Vance nous a dit que pour la première fois, les

28 Nations Unies utilisaient soi-disant des taches d'encre. Il semble que

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1 nous, les Serbes, nous soyons des cobayes, parce que pour la première fois,

2 on applique cela aux Serbes. Ce tribunal a été formé pour la première fois

3 à cause des Serbes et pour les Serbes. Je veux vous expliquer tout cela et

4 vous décrire l'évolution de ces négociations.

5 M. Cyrus Vance a proposé à ce que ces taches d'encre, c'est-à-dire, les

6 forces des Nations Unies, viennent dans le SAO de Krajina pour protéger

7 cette zone.

8 M. Babic a insisté sur le fait à ce que ces taches d'encre soient

9 appliquées sur les villes croates parce que dans les villes croates, les

10 Serbes souffrent. Dans les villes Croates, les Serbes sont tués.

11 La proposition du Dr Milan Babic était que les taches d'encre soient

12 appliquées dans les villes croates et non pas sur le territoire de la SAO

13 de Krajina. Pourtant, M. Vance ne voulait pas l'entendre. M. Babic a

14 proposé autre chose qui consistait à ce que les troupes des Nations Unies

15 soient déployées sur la ligne de séparation et non pas dans la profondeur

16 du territoire de la SAO de Krajina. M. Vance ne voulait pas accepter cela

17 non plus.

18 Ces négociations ont pris fin, après quoi, M. Vance a essayé de faire

19 pression sur M. Milosevic pour que son plan soit adopté.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.

21 Monsieur le Président, je pense qu'on pourrait s'arrêter maintenant.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous avez besoin

23 de combien de temps encore pur ce témoin, parce que vous avez déjà utilisé

24 quatre cinquièmes du temps que vous avez estimé comme nécessaire pour ce

25 témoin. Cela n'est plus en vigueur à cause de ces deux décisions qui ont

26 été rendues.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Demain, au cours de la première partie

28 de l'audience, j'en finirai avec ce témoin.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, Maître Milovancevic. Cette

2 deuxième estimation du temps nécessaire pour ce témoin est invalide

3 également. Parce qu'il y a eu la deuxième décision qui a été rendue. Vous

4 devez avoir à l'esprit cette deuxième décision.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Par rapport à cette deuxième décision de

6 la Chambre, je n'ai reçu aucun ordre par rapport au temps nécessaire pour

7 ce témoin. Si j'ai bien compris, nous avons communiqué à la Chambre notre

8 estimation révisée par rapport au temps nécessaire pour poser des questions

9 à ce témoin, sur la base de quoi la Chambre a rendu sa décision que nous

10 devons respecter. C'est incontestable.

11 La situation est la suivante; nous avons estimé que le témoignage de M.

12 Macura durera dix heures. Nous avons utilisé trois heures 45 minutes et

13 demain à une heure 15 minutes.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dix heures

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Encore une heure 15 minutes, après quoi

16 le Procureur a la parole.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que vous

18 lisez nos décisions ?

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, bien sûr.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous lu la dernière décision dans

21 laquelle il a été dit : hier, vous auriez dû déposer l'écriture révisée par

22 rapport à l'estimation révisée ?

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez déposé cela

25 hier ?

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] De façon orale, nous avons dit que nous

27 avons estimé le temps nécessaire pour poser des questions à tous les

28 témoins. Je ne vois pas où est la nécessité pour réviser nos estimations

Page 8212

1 par rapport au temps nécessaire pour poser des questions aux autres

2 témoins.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris, à

4 savoir que vous avez dit que vous ne respecteriez pas cet ordre parce que

5 cet ordre a été adressé à vous ?

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, je n'ai pas dit cela.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Dans ce cas-là, s'il vous

8 plaît, allez et lisez le document dont on va parler demain.

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'audience est levée. Demain, nous

11 allons commencer à 9 heures.

12 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi

13 13 septembre 2006, à 9 heures 00.

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