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1 Le vendredi 15 septembre 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour. Monsieur Macura, je vous
7 rappelle une fois encore que la déclaration solennelle que vous avez
8 prononcée au début de votre déposition, pour laquelle vous vous êtes engagé
9 de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, s'applique
10 toujours. Je vous remercie.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement.
12 LE TÉMOIN: LAZAR MACURA [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame le Juge.
15 Questions de la Cour : [Suite]
16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup.
17 Q. [interprétation] Avant de vous poser mes questions, Monsieur Macura, je
18 souhaiterais apporter une correction au compte rendu d'audience. A la page
19 51, ligne 24, j'ai utilisé le terme "enfreindre" par mégarde alors que
20 j'aurais dû utiliser le terme "controverser". Je m'adressais à ce moment-là
21 à Me Milovancevic. Maintenant, je souhaiterais vous poser quelques
22 questions, Monsieur le Témoin.
23 Pourriez-vous me dire, je vous prie, la chose suivante : vous avez déclaré
24 que vous étiez officier de réserve en 1990 au sein de la JNA. Quel type
25 d'uniforme portaient les membres des forces de réserve ?
26 R. J'ai dit que j'étais officier de réserve, mais à l'époque, je n'étais
27 pas officier de réserve. Je ne portais pas d'uniforme. J'avais participé à
28 des manœuvres précédemment. A l'époque, je portais l'uniforme de l'armée
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1 yougoslave. En 1990, je n'étais pas officier de réserve. Sur la papier, je
2 l'étais, mais dans les faits, je n'étais pas officier de réserve. J'étais
3 enseignant au lycée.
4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bien. Est-ce que vous pourriez me
5 dire quelque chose au sujet des uniformes portés par les membres des forces
6 de réserve de la JNA à l'époque ? C'est ce que je souhaiterais savoir de
7 votre bouche.
8 R. Bien. Les uniformes portés par les membres de réserve de la JNA étaient
9 de couleur vert olive, et les couvre-chefs portaient une étoile à cinq
10 branches.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que --
12 R. C'était le symbole.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il n'y avait pas d'autres symboles
14 ou écussons ?
15 R. Il y avait des épaulettes sur lesquelles on pouvait voir le grade, mais
16 les simples soldats n'étaient pas gradés.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Pendant combien
18 de temps a-t-on continué à porter cet uniforme ?
19 R. Au début, beaucoup n'avaient pas d'uniforme. Ce type d'uniforme que
20 j'ai décrit a continué à être porté par de nombreux soldats, et certains
21 d'entre eux, par la suite, ont porté des uniformes de camouflage.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaiterais vous poser une
23 autre question maintenant. Vous avez déclaré, qu'au début, vous vouliez
24 l'autonomie culturelle et la tenue d'un référendum à ce sujet. A votre
25 sens, qu'est-ce que l'autonomie culturelle ? Qu'est-ce que cela recouvre, à
26 vos yeux ? Est-ce que vous pourriez expliquer cela aux Juges de la Chambre.
27 R. L'autonomie culturelle recouvrait l'éducation en langue serbe,
28 l'utilisation de l'alphabet cyrillique et le fait que les autorités locales
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1 se composaient des gens du cru et non pas de personnes extérieures. Ceci
2 était important également, mais avant tout, l'autonomie culturelle
3 impliquait le système d'éducation.
4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaiterais que l'on revienne
5 sur la question des barrages. Pourriez-vous nous rappeler ce que vous avez
6 abordé avec le Juge Hoepfel au sujet de votre point de vue personnel sur
7 ces barrages ? Vous avez déclaré que la situation avait échappé à tout
8 contrôle et que vous aviez rétabli le contrôle. Vous ne nous avez pas
9 expliqué exactement les mesures qui avaient été prises pour rétablir le
10 contrôle. Je souhaiterais que vous soyez plus précis et que vous nous
11 disiez plus exactement ce qui a été fait pour rétablir le contrôle de la
12 situation.
13 R. Nous avons organisé la population et confié des missions à des
14 villageois. Nous avons confié des tâches aux membres du Parti démocratique
15 serbe, qui devaient contrôler la situation à tous les barrages routiers. A
16 chaque barrage se trouvaient quatre ou cinq hommes, et ces hommes devaient
17 veiller à ce qu'aucun incident ne se produise. Nous les appelions des
18 activistes du SDS.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Que s'était-il passé auparavant ?
20 Qu'est-ce que vous vouliez éviter qui ne se reproduise ?
21 R. Je suis personnellement intervenu pour qu'une voiture à bord de
22 laquelle se trouvaient des touristes étrangers puisse passer. Ces touristes
23 tournaient en rond et n'arrivaient pas à partir.
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Y avait-il autre chose ? Est-ce
25 que vous n'avez rien à ajouter par rapport à ce que vous avez dit
26 précédemment et ce que vous avez dit au Juge Hoepfel ? Car je pensais que
27 vous aviez fait autre chose pour rétablir le contrôle. C'est ce que je
28 souhaitais savoir de votre bouche. Sinon, vous ne faites que nous répéter
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1 ce que vous avez déjà dit.
2 R. Très bien. Mais ce type d'incident ne se produisait pas fréquemment.
3 Nous avons pensé que ce type d'incident pouvait se reproduire et qu'il ne
4 devait pas se reproduire. Nous avons donc dû prendre des mesures
5 appropriées.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ce qui m'amène à la question
7 suivante : pourquoi n'avez-vous pas démantelé ces barrages et demandé aux
8 gens de ne plus intervenir ? Pourquoi n'avez-vous pas choisi de faire
9 cela ?
10 R. Nous ne le pouvions pas, car nous craignions que les forces de police
11 croates essaient de pénétrer à l'intérieur du territoire de la Krajina, de
12 Knin.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous vous trouviez encore à
14 l'intérieur des frontières de la Croatie, n'est-ce pas ?
15 R. Certes, nous nous trouvions sur le territoire de la Croatie, mais la
16 Croatie se trouvait sur le territoire de la Yougoslavie. Pourtant, elle n'a
17 pas respecté cela.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que la Fédération de
19 Yougoslavie disposait d'une constitution ?
20 R. Oui, elle avait sa constitution.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que cette constitution
22 prévoyait la manière dont une municipalité ou une région qui se trouvait
23 sur le territoire d'une république puisse se rattacher à une autre
24 république ?
25 R. Une telle organisation était possible. Nous avons décidé de rattacher
26 Banja Luka et Knin --
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Non, non --
28 R. Il était possible de créer une communauté de municipalités à un certain
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1 niveau.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Macura, j'essaie d'être
3 clair. Veuillez m'aider. Vous avez dit aux Juges de la Chambre qu'il
4 existait une constitution. Je souhaiterais que nous parlions ensemble des
5 dispositions de cette constitution. Pourriez-vous me dire si ladite
6 constitution prévoyait la manière dont la municipalité qui relevait d'une
7 république donnée pouvait se rattacher à une autre république ? Veuillez
8 vous concentrer sur cette question.
9 R. Je ne pense pas. Je ne crois pas que cela ait été prévu. Mais il y
10 avait une communauté de municipalités au sein de la Croatie qui ne nous
11 avait pas autorisés à constituer.
12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que chaque république
13 disposait de sa propre constitution ?
14 R. Oui, oui. Oui, oui, oui. La Croatie aussi avait sa propre constitution.
15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que la constitution de la
16 Croatie prévoyait qu'une municipalité ou une région se trouvant sur le
17 territoire croate puisse se rattacher à une autre république ?
18 R. Non, non.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] En 1992 et en 1993, il existait
20 encore une armée appelée la JNA. Conviendrez-vous avec moi de cela ?
21 R. Oui. Je pense que oui.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vu la composition des forces de la
23 JNA, représentait-elle encore de facto la Yougoslavie ? Etait-ce encore
24 l'armée de la Yougoslavie ?
25 R. Je pense que nombre de Croates et de Musulmans avaient quitté les rangs
26 de l'armée. La plupart des membres de l'armée et des recrues à l'époque
27 étaient Serbes, car les Croates et les Musulmans avaient abandonné les
28 rangs de l'armée.
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il s'agissait, à proprement
2 parler, d'une armée qui était censée défendre toutes les républiques de la
3 Yougoslavie ?
4 R. C'était l'armée populaire yougoslave. C'est ainsi qu'elle s'appelait,
5 mais les Slovènes n'étaient pratiquement plus là et les Croates non plus.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Serait-il exact de dire, qu'en
7 réalité, il s'agissait d'une armée serbe ? Si vous n'êtes pas d'accord avec
8 moi, expliquez-moi pourquoi.
9 R. Oui, c'est exact. J'ai déclaré qu'elle comprenait essentiellement en
10 son sein des Serbes.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Un instant, je vous prie.
12 Vous avez évoqué vos rapports avec Milan Babic et vous avez dit qu'il vous
13 faisait confiance. Vous étiez son traducteur ou son interprète et vous avez
14 déclaré que vous étiez proche de lui, car il savait que vous ne le
15 poignarderiez pas dans le dos. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?
16 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Qui, d'après lui, envisageait de
18 le poignarder dans le dos ?
19 R. Il était entouré de beaucoup d'autres collaborateurs à qui il ne
20 faisait pas vraiment confiance. Par la suite, il s'est avéré que c'était
21 largement de sa faute.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez
23 mentionner le nom des personnes à qui Milan Babic estimait ne pas pouvoir
24 faire confiance ? Etiez-vous le seul à ne pas envisager de le poignarder
25 dans le dos ?
26 R. Je ne peux pas vous donner toute la liste, mais il y avait Marko
27 Dobrijevic qui était proche de lui, Dusa Vjestica, Drago Kovacevic. Ils le
28 fréquentaient souvent. Je n'ai jamais assisté à des fêtes le soir avec eux;
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1 je ne faisais que mon travail.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Qu'en est-il des membres du
3 gouvernement ? Ce n'est pas eux que vous aviez à l'esprit ?
4 R. Non. Ils n'étaient pas membres du gouvernement. Il s'agissait
5 simplement des gens avec qui il passait du temps, ceux qui trouvaient
6 généralement autour de lui. En tout cas, ils étaient membres du SDS.
7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Macura. Nous allons
9 revenir sur un sujet qui intéresse nombre d'entre nous, à savoir les
10 barrages. En réponse aux questions posées par Mme le Juge Nosworthy, vous
11 avez déclaré que vous aviez dit la chose suivante : Nous avons organisé les
12 gens, nous avons confié des tâches aux membres du Parti démocratique serbe
13 pour qu'ils contrôlent la situation aux barrages. Vous avez déclaré par la
14 suite qu'il s'agissait d'activistes du SDS. Vous souvenez-vous avoir
15 déclaré cela ?
16 R. Oui, c'est la même chose.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question était de savoir si vous
18 vous en souvenez. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?
19 R. Oui, je m'en souviens.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez ajouté que vous deviez
21 donner des instructions appropriées.
22 Voilà, ce que j'aimerais savoir : quand vous dites "nous", qui avez-vous à
23 l'esprit ?
24 R. Nous, qui étions membres de la cellule de Crise dans la municipalité de
25 Knin, c'est-à-dire le président du conseil exécutif, le président de la
26 municipalité, le vice-président de la municipalité et tous ceux qui,
27 conformément au statut de la municipalité, composaient la cellule de Crise
28 en cas de crise.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces personnes donnaient également des
2 instructions aux activistes du SDS, comme vous l'avez dit, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, bien sûr.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ai-je alors raison de dire que les
5 barrages ont été érigés par le conseil exécutif --
6 R. Non, non.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de terminer. Vous dites
8 : Nous, qui étions membres de la cellule de Crise de la municipalité,
9 c'est-à-dire le président du conseil exécutif, le président du conseil des
10 travailleurs associés. Ces barrages ont été érigés par la municipalité de
11 Knin de concert avec les membres du SDS; est-ce bien la réponse ?
12 R. Non, ce n'est pas exact.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qu'il est juste de dire ?
14 R. Je l'ai déjà expliqué. Les villageois ont érigé ces barrages routiers
15 autour des villages, et ensuite, nous avons décidé de mettre un peu d'ordre
16 là-dedans.
17 L'INTERPRÈTE : Correction : il a été fait mention précisément également du
18 président du Conseil du travail associé qui était membre de la cellule de
19 Crise.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous savez --
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi, vous avez parlé de
22 "villages" ou de "villageois" ?
23 R. De "villageois", d'habitants de villages.
24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc, il s'agissait de villages et
25 pas de villageois.
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Il a parlé de villageois.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est inexact ce qu'on peut lire ici. Oui,
28 villageois, c'est ce que j'ai dit, villageois.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Le 12 septembre, vous avez
2 déclaré, je cite : "Je dirigeais les activités sur les barrages depuis le
3 centre chargé de l'information." Cela figure à la page 40 du compte rendu
4 de cette journée-là, jusqu'à la ligne 16. "Nous avons dû rétablir l'ordre
5 en quelque sorte. J'ai dit aux gens…" et cetera. Est-ce que vous vous
6 souvenez avoir déclaré cela, que vous dirigiez les activités des barricades
7 depuis le centre d'information ? Vous avez déclaré cela le 12 septembre.
8 R. Oui, je m'en souviens.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous avez entendu par
10 là, à savoir que vous occupiez des activités aux barrages routiers ?
11 R. Monsieur le Président, j'ai été vice-président de la municipalité, et
12 compte tenu du fait que le président de la municipalité n'était pas présent
13 à Knin, en tant que son adjoint, je devais être commandant de la cellule de
14 Crise selon le statut de la municipalité. Dans ce rôle, j'ai été commandant
15 des barrages, si je peux m'exprimer ainsi, je devais le faire pour éviter
16 les fusillades aux barrages.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Serait-il juste de caractériser votre
18 activité en disant que vous étiez à l'origine de l'initiative pour ériger
19 les barrages dans la municipalité de Knin ?
20 R. Ces barrages ont été déjà érigés, et après, nous voulions organiser
21 cela et maintenir l'ordre sur ces barrages. Les barrages existaient déjà et
22 nous devions réagir à ce fait, c'est-à-dire que les barrages existaient
23 déjà.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Permettez-moi de vous poser la
25 dernière question par rapport à ce sujet. Serait-il correct de dire alors
26 que les responsables dans la municipalité de Knin se sont associés aux gens
27 qui s'occupaient des activités sur les barrages érigés ?
28 R. Non. Nous voulions organiser le référendum de façon pacifique, après
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1 quoi, les barrages auraient dû être enlevés.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces barrages, je pense que vous avez
3 dit -- vous n'avez pas dit que ces barrages ont été érigés pour que le
4 référendum soit organisé, mais plutôt pour bloquer les soldats croates,
5 pour éviter l'attaque des soldats croates.
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela veut dire que vous vouliez que
8 ces barrages soient là-bas et que tout soit fait dans l'ordre ?
9 R. Monsieur le Président, nous voulions organiser le référendum, et nous
10 avons pensé que les forces de la police croate voulaient saisir les armes
11 de la police de l'effectif de réserve de la police. C'est pour cela que
12 nous voulions d'abord organiser le référendum, et ensuite, enlever les
13 barrages routiers.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez accepté cela, c'est-à-dire
15 vous avez officialisé cela ?
16 R. Vous pouvez dire cela ainsi. Nous ne voulions qu'organiser le
17 référendum et enlever les barrages routiers par la suite.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. A la page 43 du même jour,
19 à savoir le 12, à la ligne 12, vous avez également dit, je cite : "C'était
20 seulement plus tard que la police a pris le pouvoir. Les barrages ont été
21 enlevés et les points de contrôle ont été organisés à plusieurs endroits."
22 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?
23 R. Oui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question à vous est la suivante :
25 quand la police avait pris le pouvoir ?
26 R. Monsieur le Président, j'ai dit que le troisième jour, j'ai été démis
27 de mes fonctions, et après cela, je n'avais rien à voir avec les barrages
28 routiers. Mais je vous dis, je ne peux pas me souvenir de la date exacte à
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1 laquelle la police a pris le pouvoir sur les barrages.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez un problème par rapport aux
3 dates ?
4 R. Oui, bien sûr, parce que beaucoup de temps s'est écoulé depuis.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour autant que vous sachiez, pendant
6 combien de temps les barrages ont-ils existé après que la police avait pris
7 le pouvoir ?
8 R. Pas beaucoup de temps, mais je ne peux pas vous dire combien de jours
9 exactement, parce que le référendum a duré pendant une quinzaine de jours.
10 Je ne sais pas à quelle date les points de contrôle de la police ont été
11 organisés à la place des barrages. Cela, je ne peux pas vous le dire.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Etes-vous en mesure de nous dire
13 approximativement pendant combien de temps cela a duré ? Vous avez dit que
14 le référendum a duré une quinzaine de jours; est-ce qu'on peut dire alors
15 que --
16 R. Entre dix et 15 jours.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi d'en finir avec ma
18 question.
19 R. Je m'excuse.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi d'en finir avec ma
21 question. Est-ce qu'on pourrait dire que les barrages ont été sur place
22 pendant la période où le référendum a été organisé, c'est-à-dire plus ou
23 moins 15 jours ?
24 R. Oui, c'est possible. Peut-être que c'était pendant cette période de
25 temps.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle sorte de points de contrôle ont
27 été organisés par la police ?
28 R. La police avait des équipes qui contrôlaient le trafic et qui étaient
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1 de permanence à certains endroits. Ils contrôlaient l'entrée, la sortie des
2 véhicules, et cetera.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais qu'est-ce qu'ils faisaient ?
4 Vous avez dit qu'ils contrôlaient le trafic. Pourquoi ils devaient faire
5 cela ? Qu'est-ce qu'ils faisaient à ces points de contrôle ?
6 R. Ils contrôlaient l'entrée et la sortie à ces points de contrôle; les
7 entrées et les sorties des gens. Ils veillaient à ce que les personnes
8 indésirables n'entrent.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelqu'un qui était des personnes
10 indésirables auraient été arrêtées et ne pouvaient pas entrer à Knin ?
11 R. Je ne sais pas s'il y en avait eu, mais nous nous attendions à ce que
12 les membres de la police croate n'entrent.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle était la différence entre les
14 points de contrôle de la police et les barrages qui ont été érigés
15 auparavant ?
16 R. Il n'y avait plus de rondins sur les routes. Il n'y avait pas de troncs
17 d'arbres. Il y avait des équipes de la police, des équipes normales qui
18 procédaient au contrôle des gens qui voulaient passer ces points de
19 contrôle.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Le
21 13 septembre, vous avez témoigné - je ne sais pas si je me souviens très
22 bien - vous avez témoigné sur le corridor à Posovina, n'est-ce pas ? Est-ce
23 que c'est comme cela que cela s'appelle ?
24 R. J'ai répondu cela à la question de M. le Procureur.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objectif ou la fin de ce corridor,
26 si j'ai bien compris, était de relier toute la Krajina en Slovénie et en
27 Croatie avec la Serbie ?
28 R. Non, pas en Slovénie.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est juste. De relier la SAO de
2 Krajina avec la Serbie ?
3 R. C'est exact, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Aux fins de former cette SAO de
5 Krajina en tant qu'un ensemble terrestre avec la Serbie ?
6 R. Oui, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi avec la Serbie, pourquoi, par
8 exemple, non avec la Bosnie-Herzégovine, qui était plus près de la
9 Krajina ?
10 R. Ce n'était pas seulement avec la Serbie, mais aussi avec la Krajina en
11 Bosnie-Herzégovine. Maintenant, c'est sous le contrôle des Croates qui
12 n'ont jamais vécu là-bas avant.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Krajina en Bosnie-Herzégovine était
14 dans la même situation que la SAO de Krajina en Croatie, n'est-ce pas ?
15 Vous voulez également que la Krajina en Bosnie représente un ensemble
16 terrestre avec la Serbie, n'est-ce pas ?
17 R. Oui,
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'où ma question, pourquoi précisément
19 avec la Serbie ?
20 R. Monsieur le Président, si un pays est démantelé, si un pays cesse
21 d'exister, nous avons essayé de trouver une façon d'exister. Il n'y a plus
22 de naissances dans la Krajina, Monsieur le Président. Nous avons essayé de
23 chercher un allié dans le cadre d'un même pays, du pays qui a été détruit.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Serbie était un allié ?
25 R. La Serbie aurait dû être un allié, mais je ne suis pas sûr que c'en
26 était un.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est pour cela que vous vouliez avoir
28 un lien avec la Serbie, n'est-ce pas, à ce moment-là ?
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1 R. Oui, à l'époque, oui.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est la suivante : n'était-
3 il pas plus simple et moins dangereux de quitter la Serbie et de partir
4 pour la Serbie [comme interprété] ?
5 R. C'est ce que nous avons fait, mais c'était sous pression de la force.
6 Pourquoi quitter la Krajina où nous vivions plus de mille ans, Monsieur le
7 Président ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Selon vous, les Croates ne voulaient
9 pas cela. Vous aviez perdu votre statut de peuple constitutif, vous avez
10 obtenu le statut de minorité. Pourquoi ne pas partir dans le pays où vous
11 auriez été une nation ? Parce que le traumatisme aurait été moins pénible,
12 n'est-ce pas.
13 R. Monsieur le Président, le trauma est toujours là. Je ne peux pas même
14 visiter les tombes de mes parents.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends cela parce que je
16 compatis avec vous par rapport à ce traumatisme. C'est pour cela que je
17 vous pose cette question. Si vous aviez fait ce que je viens de vous
18 suggérer, ce traumatisme n'aurait pas eu lieu, n'est-ce pas ? C'était cela,
19 la question.
20 R. En 1977, Monsieur le Président, on m'a proposé un poste et un
21 appartement à Belgrade, mais je ne voulais pas partir de Knin. Monsieur
22 Moloto, vous ne pouvez pas, peut-être, comprendre cela, mais nous tenons
23 bien à notre tradition, à nos ancêtres, à notre sol, et nous ne pouvions
24 pas quitter tout cela. Vous avez raison, cela aurait pu être plus facile
25 pour nous de quitter notre sol ancestral.
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je m'excuse, vous avez dit qu'en
27 1977, vous avez dit qu'un poste vous a été offert à Belgrade. Vous avez
28 pensé à l'année 1987 ?
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1 R. J'ai pensé à 1977, donc il y a 30 ans.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends que vous teniez à votre
3 sol ancestral, je comprends tout ce que vous ressentez par rapport à vos
4 ancêtres, mais avant de vous poser une autre question, permettez-moi de
5 vous demander où vous vivez maintenant.
6 R. Je vis maintenant à Belgrade. J'ai vendu ma maison à la mer, à Beograd-
7 sur-mer.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous vivez maintenant à Belgrade. Ce
9 que je dis est la chose suivante : vous n'êtes plus à Knin ?
10 R. Non.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Après cette souffrance - et je vous
12 suggère si vous étiez parti au début à Belgrade, en tant que peuple, vous
13 auriez été à Belgrade, mais la souffrance aurait été évitée, n'est-ce pas ?
14 R. Vous avez raison, mais nous ne pouvions pas réfléchir de cette façon.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Vous avez également
16 témoigné - maintenant, je vais aborder un autre sujet.
17 Maître Milovancevic, puis-je vous demander de parler moins fort, sinon, je
18 ne peux pas poser mes questions de façon correcte.
19 Vous avez témoigné également que les Croates en Croatie ne pouvaient pas,
20 de façon légale, politique ou même morale, faire sécession, parce que les
21 Serbes avaient le droit de veto sur la sécession. Vous vous souvenez
22 d'avoir témoigné là-dessus ?
23 R. Oui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que les Croates, de la même
25 façon, auraient dû utiliser le droit de veto sur la création de la SAO de
26 la Krajina ? Ce sont deux peuples qui jouissaient du statut de nation et
27 qui étaient sur le pied d'égalité.
28 R. Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
2 R. Nous ne faisions que réagir aux actions de la Croatie, parce que la
3 Croatie voulait faire sécession de la Yougoslavie, après quoi, nous
4 voulions faire sécession de la Croatie, parce que nous étions reconnus en
5 tant que nation -- en tant que peuple constitutif dans la constitution de
6 Croatie. Pendant deux guerres mondiales, nous avons rendu la Croatie
7 victorieuse.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je dois vous comprendre
9 dans ce sens-là ? Est-ce que c'était le principe de talion ? Vous dites que
10 deux choses erronées ou qui n'ont pas été -- deux mauvaises choses peuvent
11 produire une bonne chose ?
12 R. Je ne suis pas sûr que cela soit comme cela, mais nous avions le droit
13 de nous défendre, parce que nous avions le droit constitutionnel de nous
14 défendre.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez - répondez à ma
16 question. Est-ce que vous avez dit : œil pour œil, dent pour dent ?
17 R. Si vous me posez cette question, quant à moi, je n'aurais jamais fait
18 la guerre.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais si quelqu'un provoque la
20 guerre contre vous, vous auriez participé dans la guerre ?
21 R. Oui.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
23 R. Si vous dites cela, oui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, ce n'est pas moi qui ai dit cela.
25 Je vous pose des questions. Je ne témoigne pas, ici.
26 R. Je pense que tout le monde a le droit sur l'autodéfense.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voyez, vous dites, et vous avez
28 dit cela à plusieurs reprises, vous dites que les Serbes avaient le droit
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1 de veto sur la sécession de la Croatie. Maintenant, ma question est la
2 suivante; est-ce que les Croates auraient dû avoir le même droit de veto
3 par rapport à la création de la Krajina ? Vous venez de dire : Non, ils
4 n'auraient pas dû utiliser ce droit et avoir ce droit. Est-ce que c'est
5 cela que vous dites ?
6 R. Nous parlons de la Yougoslavie. Nous ne voulions pas que la Yougoslavie
7 soit détruite en tant qu'Etat. Selon l'accord d'Helsinki, le principe
8 d'inviolabilité des frontières d'un Etat a été établi, et dans ce cas-là,
9 les frontières antérieures ont été proclamées inviolables, ce qui n'a rien
10 à voir avec le droit international.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends cet argument par rapport
12 au droit international. Tout ce que je vous pose comme question est la
13 suivante : est-ce que les Serbes et les Croates, en tant que peuples
14 constitutifs en Croatie, avaient le droit de faire ce qu'ils pouvaient
15 faire ?
16 R. Ils avaient le droit à l'autodétermination. Si les Croates avaient ce
17 droit, les Serbes l'avaient également.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de vous poser la
19 question. Je vous demande de répondre à ma question suivante. Si les Serbes
20 avaient eu le droit de veto, est-ce que les Croates aussi avaient le même
21 droit ? Ai-je raison pour dire cela ?
22 R. Oui, vous avez raison.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait dire alors
24 qu'ils avaient parfaitement le droit d'éviter que la Krajina soit créée ?
25 R. Il s'agit ici du problème lié à la sécession, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Accordez-moi quelques
27 instants, s'il vous plaît.
28 Vous m'avez dit il y a quelques instants que vous ne vous débrouillez pas
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1 très bien avec les dates. C'est ce que vous avez dit ici pendant tout votre
2 témoignage, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, parce que je ne me suis pas attendu à ce que de telles questions
4 me soient posées.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien sûr. J'accepte cela. Il y a
6 quelque chose que je ne comprends pas quand même. Comment êtes-vous si sûr,
7 par rapport à la date du 17 août 1990, que vous voulez contredire - puis-je
8 finir ma question, s'il vous plaît ?
9 R. Oui, oui.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- que vous voulez contredire la
11 déclaration faite par M. Martic dans laquelle il dit qu'il a pris le
12 contrôle sur les barrages le 17 août 1990, lui en personne. Vous qui n'avez
13 pas la mémoire des dates, comment est-il possible que vous puissiez vous
14 souvenir de cette date ?
15 R. Je ne me souviens d'aucune date, mais le référendum a été organisé le
16 17 août dans toute la Krajina. Et je me souviens de cette date-là parce
17 qu'on a œuvré sur l'organisation du référendum. Deux jours avant le
18 référendum, il y a eu une excursion à Benkovac et ils ont essayé de faire
19 irruption à Obrovac. C'est pour cela que j'ai retenu cette date du 17 août.
20 M. Martic ne pouvait pas en même temps être en charge des barrages en même
21 temps que moi. C'était seulement après que j'ai été démis de mes fonctions
22 par rapport aux barrages qu'il a pu prendre le contrôle des barrages.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous savez, Monsieur Macura --
24 R. Oui.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- tous ces événements-là autour
26 desquels on tourne, vous devez être en mesure de vous en rappelez. Alors
27 là, il vous arrive que vous ne vous en rappelez plus.
28 R. Monsieur le Président, il s'agit d'une date historique, parce que
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1 définitivement, il s'agit de parler de cette date comme étant une date
2 historique qui, pour la Krajina, la SAO de Krajina, était pratiquement un
3 temple, une église où nous avons dû adresser notre prière à Dieu.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment savez-vous que c'était deux
5 jours avant et que c'était cette date historique, pas trois jours ?
6 C'étaient des jours importants, enfin, des moments historiques. Comment se
7 fait-il que vous vous en souvenez et que vous vous en parliez si fermement
8 alors que toutes les autres dates --
9 R. Monsieur Moloto, en date du 19, l'ensemble de la population s'est
10 présentée aux urnes pour voter, pour se présenter aux urnes du référendum.
11 Je m'en souviens fort bien et c'est tout à fait normal de m'en souvenir.
12 Les gens venaient pour faire la queue en nombreuses colonnes pour voter. Il
13 y avait beaucoup de journalistes, des journalistes qui sont venus du monde
14 entier. Et moi-même, je donnais des conférences de presse à l'intention des
15 journalistes étrangers.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vos souvenirs vont dans le sens
17 tout à fait contraire aux déclarations de M. Martic. Ceci n'a pas été donné
18 dans le prétoire, mais il s'agit d'événements qui se présentent comme étant
19 bien gravés dans sa mémoire. On dit -- d'ailleurs, nous avons entendu
20 l'enregistrement audio qu'il a pris le contrôle en date du 17 août 1990.
21 R. Monsieur le Président, pour ma part, je dois vous dire que ceci n'est
22 pas exact. Ceci ne s'est pas passé en ce temps-là. Mais nous autres,
23 Serbes, nous voulons peut-être nous faire valoir évidemment des éloges et
24 des reconnaissances qui ne sont pas les nôtres et que nous n'avons pas bien
25 mérités. Mais je ne suis pas de ces gens-là.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Je crois que c'était hier,
27 lorsque vous avez dit en déposant, oui, je crois bien c'était hier, au
28 moment où une question vous a été posée. Je crois que c'est une question
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1 qui vous a été posée par l'Accusation, comme quoi la Serbie venait en aide
2 pour donner une assistance économique à la SAO Krajina et à la République
3 de la Krajina serbe. Est-ce que vous vous en rappelez ?
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Vous dites toujours : oui, mais
6 c'est que Krajina pouvait, elle aussi, assurer une assistance économique à
7 la Serbie ?
8 R. Oui.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle était cette assistance de la
10 Krajina à la Serbie ?
11 R. Voyez-vous, Monsieur, depuis l'aéroport d'Udbina décollaient des
12 appareils qui transportaient des vivres, de la viande de veau, de mouton,
13 de boeuf. Nous sommes un peuple travailleur et nous avons eu un cheptel
14 important. Première chose. Seconde chose, il y avait pas mal de bois qui
15 était transporté en Serbie. Après, aussi, il y avait d'autres marchandises
16 qui partaient pour la Serbie. Voyez-vous, Monsieur le Président --
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Etait-ce une espèce de commerce normal
18 ou s'agissait-il évidemment quelque chose qui a été donné en offrande ?
19 R. Monsieur le Président, il y avait des gens qui en ont fait fortune
20 durant ce processus, mais cela n'était pas tout à fait normal. Il y a eu
21 des comportements un peu mafieux, et cetera, mais je ne suis pas de ces
22 gens-là.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Essayons de biffer le terme de
24 commerce ordinaire ou "normal". Etait-ce plutôt des relations commerciales
25 ou sous forme de don fait à quelqu'un ?
26 R. Je ne sais pas. Je ne saurais vous dire sous quelle forme, mais cela se
27 produisait, je dirais, d'une manière régulière.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne pouvez pas dire, par exemple,
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1 c'est la Serbie qui offrait une assistance économique à la Serbie ?
2 R. Vous voulez dire, Monsieur le Président, c'est Krajina qui offrait une
3 assistance économique ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Merci de m'avoir corrigé. Vous ne
5 pouvez pas dire que c'était la Krajina qui offrait une assistance
6 économique, parce que vous ne pouvez pas savoir sous quelle forme tout cela
7 se passait.
8 R. Il ne s'agit pas de parler d'assistance, mais il s'agit de parler de
9 marchandise, de la marchandise qui était livrée à la Serbie.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, d'accord. C'est ce que je voulais
11 savoir, parce que je voulais vous entendre dire, si vous le savez, si
12 c'était une forme d'aide faite par Krajina aux Serbes, et que ceci devait
13 être évidemment enregistré par le compte rendu d'audience. Vous ne pouvez
14 pas parler d'assistance, puisque vous ne pouvez pas, évidemment, dire ce
15 que la Krajina pouvait donner à la Serbie très exactement, très
16 précisément.
17 R. Il y a encore quelque chose. Je peux ajouter d'autres choses, Monsieur
18 le Président.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, ce n'est pas que je veux
20 vous faire dire des choses autres que, mais tout simplement, je voulais
21 tirer au clair tout ce qui doit être ici enregistré par et dans le compte
22 rendu d'audience.
23 Pour essayer d'élucider quelque chose à moi-même, puis-je vous poser une
24 autre question ? Cette question ne repose pas sur quelque chose de très
25 particulier. Hier, vous avez fait mention de différentes mentions dans
26 l'ex-Yougoslavie, telle qu'elle était dans le temps. J'ai pu remarquer que
27 sur la liste offerte par vous, il n'y avait pas de nation ou du peuple de
28 Vojvodine - peut-être que j'ai fait une omission - est-ce que vous pouvez
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1 nous dire si la Vojvodine était une nation, une partie constitutive de la
2 nation ou qu'est-ce qu'ils étaient comment on devrait les dénommer ?
3 R. Monsieur Moloto, comment vous dirais-je ? Dans le cadre de la
4 population de la Vojvodine, il y a 70 % de Serbes du total de la
5 population, mais il y avait aussi une autonomie au sein de la Serbie, pour
6 parler de la Vojvodine proprement, mais évidemment, des Serbes, bien sûr,
7 70 % du total, mais il y en d'autres; Hongrois, Slovaques, Ruthènes, et
8 cetera, et cetera. Il y a peut-être quelqu'un qui voudrait inventer des
9 choses pour créer peut-être ou inventer une autre nationalité pour la
10 Vojvodine.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne voudrais pas maintenant
12 m'occuper de ce qui se passera à l'avenir, mais définitivement, ceci --
13 R. Moi aussi j'en suis préoccupé.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, d'accord. Mais ceci n'est pas de
15 la compétence de cette Chambre.
16 R. D'accord.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Hier, M. le Juge Hoepfel vous a posé
18 une question, et j'aimerais obtenir une réponse à cette question. Il
19 voulait savoir, en vous posant la question, quel était le rôle du Dr
20 Raskovic au temps des barrages routiers ?
21 R. Le Dr Raskovic ne se trouvait pas à Knin au temps des barrages
22 routiers. Par conséquent, il ne pouvait y avoir aucun rôle.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Ceci termine la partie des
24 questions que j'avais à vous poser. Je vous remercie, Monsieur Macura.
25 Y a-t-il des questions ?
26 M. Milovancevic, Maître -- serait-il un bon moment de --
27 Excusez-moi. Je crois que vous pouvez prendre la parole.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Milovancevic :
2 Q. [interprétation] Monsieur Macura, au sujet des questions qui vont ont
3 été posées par les éminents Juges, pouvez-vous nous dire quelle est la
4 principale raison de l'apparition des barrages routiers ?
5 R. J'ai dit à plusieurs reprises que la partie croate menaçait d'empêcher
6 la tenue d'un référendum par tous moyens. A la veille du référendum, les
7 armes ont été prises à Benkovac et à Obrovac, les gens les en ont empêchés.
8 Ensuite, il y a eu évidemment la construction de ces barrages routiers.
9 C'est ainsi que nous avons voulu -- enfin, faire échec à ceux qui voulaient
10 nous empêcher de faire le référendum.
11 Q. Fort bien. Pourquoi ces barrages routiers ont-ils été érigés ?
12 R. La principale raison était tout simplement la tenue du référendum,
13 parce qu'évidemment, les autorités croates voulaient en quelque sorte
14 empêcher la tenue de ce référendum.
15 Q. Où est-ce que les barrages routiers apparaissaient, en premier lieu, en
16 un premier temps ?
17 R. A Ocislov, à Padjevo et dans les localités dans les villages non loin
18 de Knin, et plus tard, même dans des villages tels mon village de Macure,
19 qui se trouve à une distance de
20 30 kilomètres de Knin.
21 Q. Les autorités municipales, à cette époque-là, là où les barrages
22 routiers ont été érigés, peut-on dire que les autorités locales avaient un
23 rôle à jouer au niveau des barrages routiers ?
24 R. Non pas. Il ne s'agit pas d'un rôle joué au début même, mais lorsqu'on
25 voulait établir un contrôle sur ces barrages routiers, oui.
26 Q. Merci. L'une des questions qui vous ont été posées portait sur la JNA.
27 La JNA existait-elle en 1992 et 1993 ? A ce sujet-là, je voudrais vous
28 poser comme suit, la question qui suit : vous rappelez-vous à quel moment
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1 la JNA a-t-elle quitté la Croatie ?
2 R. La JNA a quitté la Croatie lorsque le plan Vance-Owen a été accepté,
3 mais je ne sais pas dans quelles circonstances.
4 Q. Bien. Merci. Est-ce que vous savez à quel moment la Bosnie-Herzégovine
5 a fait sécession de la Yougoslavie ?
6 R. Je crois que ceci s'est passé vers le milieu de 1992.
7 Q. Merci, cela suffit. La JNA devait-elle se retirer également de la
8 Bosnie-Herzégovine ?
9 R. Oui, la JNA a dû se retirer de la Bosnie-Herzégovine.
10 Q. Est-ce qu'avant tout cela, avant de se retirer de la Bosnie et de la
11 Croatie, est-ce qu'elle s'est retirée également de la Slovénie ? Est-ce que
12 vous en savez quelque chose ?
13 R. Elle s'en est retirée beaucoup plus avant.
14 Q. Merci. A quel moment fut créée, établie la République fédératrice
15 sociale de la Yougoslavie -- la République fédérale de Yougoslavie ?
16 R. Je me souviens que c'était sur la base de la constitution dite de
17 Zabljak au Monténégro, mais je ne peux pas vous dire la date.
18 Q. Si je vous parlais d'avril 1992, est-ce que cela vous semble une date
19 plausible ?
20 R. Plausible, oui.
21 Q. Comment s'appelait l'armée de la Yougoslavie ?
22 R. Je crois qu'elle s'appelait l'armée de Yougoslavie.
23 Q. Est-ce qu'elle s'appelait la JNA, l'armée populaire yougoslave ou
24 l'armée de Yougoslavie ?
25 R. Je crois que le terme a été modifié par la suite, mais je ne sais pas
26 quand. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de ce baptême.
27 Q. Si la République fédérale de Yougoslavie a été créée sur les vestiges
28 et les ruines de l'ex-Yougoslavie vers le milieu de 1992, pouvez-vous dire,
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1 comme vous l'avez dit en réponse à une des questions de Mme Nosworthy, que
2 cette armée a existé ou a été créée peut-être en 1993 ?
3 R. Je ne sais pas si ceci était le cas, mais elle existait comme telle.
4 Q. Qu'était-ce la JNA au temps de l'ex-Yougoslavie ?
5 R. La JNA était l'armée régulière pour l'ensemble du territoire
6 yougoslave.
7 Q. La JNA en Yougoslavie - ex-Yougoslavie, était-elle une armée serbe ?
8 R. Non.
9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je crois qu'une réponse a été
10 offerte déjà à cette question. Puisque vous y insistez, on pourrait peut-
11 être jeter un coup d'œil sur le compte rendu d'audience pour ne pas qu'on
12 se trompe, pour être juste à votre égard.
13 Une seconde.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je crois qu'une réponse positive a
16 été donnée par le témoin.
17 M. BLACK : [interprétation] Je crois, Madame le Juge, pour vous aider, que
18 je peux dire que ceci se passait à la page 6 du compte rendu d'audience.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien.
20 Est-ce que vous avez entendu, s'il vous plaît, ce que vient de dire M.
21 Black, Maître Milovancevic ? A quelle période vous référez-vous, parce que
22 j'ai parlé - en lui posant une question - j'ai parlé de l'année 1992 et
23 1993. Je crois que sa réponse a été affirmative.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est à ce sujet que j'ai voulu poser
25 des questions additionnelles auxquelles nous venons de recevoir les
26 réponses. Depuis la création de la République fédérale de Yougoslavie, nous
27 avons l'armée de Yougoslavie. Voilà la raison pour laquelle j'ai posé la
28 question. Depuis mai 1992, la JNA n'existait plus, chose qui vient d'être
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1 réitérée et confirmée par le témoin.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi est-ce qu'on vous voit
3 témoigner maintenant, Maître Milovancevic ?
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est parce que j'étais en train de
5 parler avec Mme le Juge Nosworthy. Je voulais expliquer les motifs pour
6 lesquels je voulais poser ces questions, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites des choses qui sont
8 supposées être expliquées par le témoin, sinon, mais les choses qui n'ont
9 pas été formellement, expressément faites sous cette forme-là que vous
10 voulez lui faire dire. Là, nous ne pouvons rien faire avec tout cela. Vous
11 pouvez poursuivre.
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Est-ce que vous vous rappelez, Monsieur le Témoin, que le Président,
14 Juge Moloto, vous posait des questions pour savoir quelles étaient les
15 variantes qui auraient été plus aisées ou moins difficiles pour la
16 Krajina ?
17 R. Oui, je m'en souviens.
18 Q. Le Président, Juge Moloto, voulait savoir si ce n'était peut-être plus
19 facile pour les Serbes de laisser la Krajina ? D'après vous, quelle était
20 la variante plus douloureuse ou plus difficile pour vous lorsqu'il s'agit
21 évidemment de ces variantes auxquelles il faisait référence, le Président,
22 le Juge Moloto ?
23 R. Je ne sais pas. Je crois que ceci est aisé pour le Juge Président, Juge
24 Moloto, de parler dans le contexte que nous sommes maintenant, mais pour ce
25 qui est de ce qui s'était passé préalablement, c'est une autre chose. Le
26 président n'a rien à faire avec le peuple qui habite. Par conséquent, il ne
27 pourrait pas évidemment quitter tout ce qui lui signifiait quelque chose
28 dans sa vie.
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1 Q. Oui, d'accord, mais est-ce que vous voulez dire par là que le peuple
2 voulait rester pour continuer à vivre là où ils étaient, où ils vivaient ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que pour se faire valoir ce droit, est-ce que le peuple était
5 prêt à combattre ?
6 R. Le peuple de Krajina était prêt à combattre pour se faire valoir son
7 droit. Nombreux sont les sacrifices auxquels il a consenti.
8 Q. Le peuple de Krajina avait-il un choix à faire étant donné la situation
9 en 1990, 1991 et 1992 ?
10 R. Non. Non. Aucune chance de faire un choix. Cette guerre lui était
11 pratiquement imposée.
12 Q. Lorsqu'il n'y a pas de situation de choix à faire, lorsqu'une guerre
13 vous est imposée, comment, et lorsqu'un peuple se voit obliger de quitter
14 son pays pour aller vers un autre pays, comment on appelle cela, à l'égard
15 de ce peuple-là ?
16 R. On appelle cela un crime.
17 Q. Appelle-t-on cela un nettoyage ethnique ?
18 R. C'est pire qu'un nettoyage ethnique, c'est beaucoup plus dur. C'est un
19 crime.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black.
24 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.Contre-
25 interrogatoire supplémentaire par M. Black :
26 Q. [interprétation] Monsieur Macura, les Juges vous ont posé des questions
27 sur les barrages routiers. Les barrages routiers ou les points de contrôle
28 connus plus tard comme étant des points de contrôle demeurent depuis 1990
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1 ou 1991, n'est-ce pas ?
2 R. Monsieur le Procureur, cela est correct de dire ainsi, mais je n'ai
3 rien à voir avec tout cela. Personnellement, je n'ai rien à voir avec tout
4 cela. Personnellement, je n'ai rien à faire là-dedans.
5 Q. Très bien. Merci. Référence a été faite à la Krajina de Bosnie. Il
6 s'agit d'une partie du territoire de Bosnie habitée par des Serbes, n'est-
7 ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. En 1992, la JNA, l'armée populaire yougoslave, devient l'armée de
10 Yougoslavie, rebaptisée comme l'armée de Yougoslavie, et en abrégé, on
11 l'appelle la VJ, n'est-ce pas ?
12 R. C'est correct, c'est exact.
13 M. BLACK : [interprétation] Merci beaucoup. Monsieur le Président, c'est
14 tout ce que j'avais à poser comme questions additionnelles.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous venez de finir le contre-
16 interrogatoire additionnel ?
17 M. BLACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était bien rapide.
19 Mme le Juge Nosworthy a des questions à poser.
20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que le témoin nous quitte,
21 je voudrais que l'on se penche du côté du procès-verbal d'audience, page
22 18, lignes 11 et 12. Dans le transcript, on devrait lire "inviolable" en un
23 mot, et pas quelque chose qui serait "inviable". Je vous remercie. Il
24 s'agit de la page 18, lignes 11 et 12. Ceci concerne les violations de la
25 loi internationale, du droit international concernant les frontières
26 intérieure et extérieure. C'est dans ce contexte-là qu'il faut placer ces
27 correquiendum [phon].
28 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre de première instance ici
3 aimerait vous exprimer sa gratitude d'être venu pour déposer à ce Tribunal.
4 Nous considérons que vous êtes quelqu'un qui a un travail à faire. C'était
5 déjà un sacrifice consenti par vous d'être venu. Nous vous en remercions.
6 Ceci termine votre déposition. Vous pouvez vous lever et vous pouvez
7 disposer. Je vous remercie.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
9 [Le témoin se retire]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]
11 [interprétation] L'audience est suspendue pour une demi-heure. ---
12 L'audience est suspendue à 15 heures 31.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de faire entrer le témoin
15 suivant, je souhaiterais que nous évoquions quelques problèmes
16 d'intendance.
17 Maître Milovancevic, la Chambre voudrait s'adresser à vous de façon très
18 calme en vous priant d'écouter très attentivement ce que la Chambre a à
19 vous dire. Mon intervention durera sans doute quelque temps, et je vous
20 invite à m'écouter attentivement avant de répondre.
21 La Chambre est très préoccupée, Maître Milovancevic, par la manière dont se
22 déroule ce procès. Je ne souhaite pas revenir sur tout ce qui s'est passé,
23 à moins que ce ne soit nécessaire. Mais toujours est-il, qu'à maintes
24 reprises, la Défense soit n'a pas respecté ses engagements, soit n'a pas
25 respecté les délais prescrits par la Chambre, soit n'a pas satisfait aux
26 obligations prévues par le Règlement. Ceci a une incidence très importante
27 sur la manière dont se déroule ce procès. Nous souhaiterions évoquer ces
28 problèmes aujourd'hui. J'espère que ce sera la dernière fois que nous
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1 parlerons de cela.
2 Vous savez très certainement de quoi je parle. Nous avons rendu des
3 décisions, nous avons prescrit des délais, et la Défense a fait des
4 promesses qu'elle n'a pas respectées. Aujourd'hui, nous souhaiterions
5 revenir sur ce qui s'est passé après que la Chambre ait rendu sa décision
6 en application de l'article 73 ter. Dans cette décision, la Chambre avait
7 ordonné à la Défense de présenter, le
8 11 septembre 2006 au plus tard, le calendrier des dépositions à venir. Or,
9 elle ne l'a pas fait. Le 11 septembre, dans le prétoire, au milieu d'une
10 discussion qui n'avait rien à voir avec le sujet, Maître Milovancevic, vous
11 avez dit : "Nous avons vu la décision de la Chambre concernant le
12 calendrier, et je dois dire que nous avons examiné la question et nous
13 avons pris en compte tous les témoins à venir. Je ne vois pas comment nous
14 pourrions nous écarter du calendrier précédent. Tout ce que nous pouvons
15 faire, c'est essayer de notre mieux de respecter l'ordonnance de la Chambre
16 et les restrictions qui nous ont été imposées."
17 Ce n'est pas ainsi qu'il faut réagir face aux ordonnances rendues par la
18 Chambre. Les ordonnances rendues par la Chambre doivent être respectées. Si
19 vous vous sentez lésé par une ordonnance rendue par la Chambre, vous avez
20 des recours. Je pense que je vous les ai rappelés à plusieurs reprises. Et
21 en aucun cas vous ne sauriez faire de votre mieux pour respecter ce qui
22 vous a été ordonné. Soit vous respectez ce qui vous a été ordonné, soit
23 vous interjetez appel de l'ordonnance en question. Cela étant, j'estime
24 qu'il est important de vous expliquer pourquoi ces ordonnances sont
25 rendues, pourquoi la Chambre rend certaines décisions et pourquoi on
26 prévoit les règlements. Les lois sont faites pour réglementer les
27 comportements. Il en va de même des règles, des règlements et des
28 ordonnances. Si nous devions tous enfreindre les ordonnances, les
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1 règlements et les lois, le chaos règnerait non seulement dans ce prétoire,
2 mais dans la société en général.
3 Le Tribunal a promulgué des règles de procédure et de preuve. Ces règles
4 sont censées faciliter le déroulement des procès. Chacune de ces règles a
5 un but précis et ces règles sont liées entre elles. Les rapports qui
6 existent entre les règles qui nous intéressent ici supposent que toute
7 liste, tout résumé de déposition, toute estimation de la durée d'une
8 déposition fournie par l'une des parties en présence, en l'occurrence, la
9 Défense, en application des dispositions de l'article 65 ter, dépend des
10 décisions rendues en application de l'article 73 ter. Vous ne pouvez pas
11 affirmer : J'ai déposé ma liste en application de l'article 65 ter, j'ai
12 estimé la durée des dépositions à 300 heures, et établir votre propre
13 décision en application de l'article 73 ter en disant que cela sera
14 dorénavant 260 heures. J'ai réduit le nombre de témoins. Par nécessité,
15 j'ai réduit le nombre d'heures, et on m'a demandé de présenter une nouvelle
16 liste en application de l'article 65 ter. C'est ce que j'ai fait. Mais
17 après, vous revenez là-dessus et rendez votre propre décision en
18 application de l'article 73 ter en disant : Voilà le nombre d'heures
19 auxquelles j'ai droit. Mais malgré les listes qui ont été établies, malgré
20 des décisions qui ont été rendues, je vais faire les choses comme bon me
21 semble et en suivant la liste initiale. Vous m'avez dit quelque chose de ce
22 genre hier lorsque je vous ai demandé de combien de temps vous auriez
23 besoin avec tel ou tel témoin. Vous m'avez dit que vous ne saviez pas qu'on
24 vous avait imparti dix heures dans la liste initiale en application de
25 l'article 65 ter, que dix heures ne s'étaient pas encore écoulées, que par
26 conséquent, vous étiez tout à fait en droit de poursuivre. Les choses ne se
27 passent pas ainsi. Le temps qui vous a été imparti a été réduit par les
28 deux décisions rendues en application de l'article 73 ter. D'après ces
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1 décisions, la Défense doit réorganiser son calendrier de façon à respecter
2 les dispositions de la décision rendue en application de l'article 73 ter.
3 Par conséquent, la liste initiale en application de l'article 65 ter n'a
4 plus lieu d'être. C'est ainsi que ces règles ou ces décisions sont liées
5 entre elles. C'est ainsi que je comprends les choses.
6 Lorsque vous méconnaissez ces règles et ces décisions, vous placez la
7 Chambre dans une situation très délicate car la Chambre doit se pencher sur
8 les recours prévus par le Règlement. La Chambre peut agir en ce sens, mais
9 le fait est que si vous formez des recours, tel que prévu par le Règlement,
10 quelles conséquences cela aura pour le procès et pour le client que vous
11 représentez et dont vous êtes censé défendre les droits ? Ces recours
12 comprennent, entre autres, l'article 46 où il est question de discipline,
13 l'article 77 qui traite d'outrage. Maître Milovancevic, nous ne cherchons
14 pas à être injustes avec vous; nous souhaitons rappeler les faits. Le fait
15 de ne pas respecter une ordonnance rendue par la Chambre revient à se
16 rendre coupable d'outrage. La Chambre pourrait évoquer l'article 46 ou
17 l'article 77 du Règlement pour revoir votre comportement. Si des procédures
18 sont engagées en application de l'article 46 du Règlement, vous pourriez
19 être révoqué, un nouveau conseil pourrait être nommé à votre place. Ce
20 conseil devrait partir de zéro, s'informer de ce qui s'est passé jusqu'à
21 présent avant de pouvoir commencer son travail. Les droits que vous vous
22 efforcez de protéger seraient mis en péril, et le procès ne pourrait pas se
23 dérouler aussi rapidement qu'il le devrait.
24 De même, si nous évoquons l'article 77 du Règlement, il nous faut mettre un
25 terme immédiat à ce procès et engager des poursuites à votre encontre. Je
26 ne veux pas que nous en arrivions là, la Chambre non plus, je pense. Je
27 souhaiterais que nous puissions coopérer autant que possible. Et la
28 Chambre, dans la première décision qu'elle a rendue en application de
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1 l'article 73 ter, a proposé à la Défense une manière de procéder sur la
2 base des résumés qui avaient été fournis par la Défense elle-même, en
3 suggérant que certains témoins témoignent en application de l'article 92
4 bis ou 89(F).
5 Je vais vous expliquer l'objet des articles 92 bis et 89(F) du Règlement.
6 Si certaines déclarations, selon vous, relèvent de l'un de ces articles, le
7 témoin peut présenter son témoignage. La Chambre lira les témoignages qui
8 lui seront fournis et en tiendra compte. Si le témoin en question vient
9 témoigner pour être contre-interrogé, la Chambre accordera le poids qu'il
10 convient à ce témoignage. Si on vous demande de déposer une déclaration en
11 application de l'article 92 bis pour un témoin donné, ce n'est pas comme si
12 on vous privait du droit de présenter vos preuves à l'appui de la cause que
13 vous défendez. Il s'agit simplement d'accélérer la procédure et d'éviter à
14 la Chambre d'entendre des témoins qui corroborent les témoignages d'autres
15 témoins ou qui nous fournissent des informations relatives au contexte,
16 notamment à l'histoire, et présentent des témoignages qui n'ont rien à voir
17 avec les actes et le comportement de l'accusé. Nous pouvons lire ces
18 documents, ces déclarations et gagner du temps dans le prétoire, de façon à
19 pouvoir entendre des témoins qui témoignent au sujet de faits litigieux.
20 Jusqu'à présent, les témoins cités par la Défense ont évoqué des
21 informations relatives au contexte. Qu'entends-je par là ? Si l'on parle de
22 questions qui ne sont pas directement en rapport avec les accusations
23 énoncées dans l'acte d'accusation mais évoquent ce qui s'est passé en 1630,
24 en 1918, en 1941, en 1945, en 1971, tout cela constitue des informations
25 générales, des informations relatives au contexte. Il s'agit d'informations
26 qui ne sont pas en rapport direct avec les accusations énoncées en
27 l'espèce. Ce type d'informations peut parfaitement être fourni dans le
28 cadre de déclarations écrites, et non pas par le truchement de dépositions.
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1 Par conséquent, j'invite la Défense à revoir sa position et à revoir
2 la liste des témoins qu'elle entend citer à comparaître, et je demande
3 également à la Défense de se pencher sur les propositions qui ont été
4 faites dans l'annexe, à la première décision rendue en application de
5 l'article 73 ter, où la Chambre a proposé certaines catégories de témoins
6 dont la déclaration pourrait être reçue en application de l'article 92 bis
7 ou de l'article 89(F). Cela nous permettra de gagner du temps. Parce que si
8 vous choisissez de ne pas le faire, nous n'allons pas pouvoir contrôler le
9 temps qui vous sera imparti pour certains témoins. Tous les témoins à
10 décharge que nous avons entendus jusqu'à présent ont déposé plus longtemps
11 que ce qui a été initialement prévu, même par vous-même dans la liste
12 initiale. Je vous rappelle que le temps qui avait été alloué avait été
13 ensuite réduit dans les décisions rendues ultérieurement en application de
14 l'article 73 ter. Je n'ai cessé de vous demander d'essayer de rattraper le
15 temps perdu, et vous m'avez toujours répondu : Nous allons faire de notre
16 mieux pour respecter les décisions qui nous ont été imposées. Comment
17 comptez-vous faire cela ? Je ne peux pas vous laisser dépasser sans cesse
18 le temps qui vous a été prescrit si vous ne me dites pas comment vous
19 entendez rattraper ce temps. La Chambre n'a pas d'autre choix que de vous
20 dire : Prenez tout le temps que vous souhaitez. A un moment donné, nous
21 allons vous arrêter. Peut-être qu'à ce moment-là, il vous restera encore
22 cinq, dix ou 20 témoins à citer. Si nous décidons de vous interrompre, vous
23 n'aurez pas eu la possibilité de présenter ces éléments de preuve, alors
24 que si vous avez recours à l'article 92 bis et à l'article 89(F), et si on
25 vous interrompt, les éléments de preuve auront été versés au dossier par le
26 biais des déclarations écrites, si bien que votre client n'aura subi aucun
27 préjudice.
28 J'espère que vous comprenez l'avantage que cela présente. Je vous invite à
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1 ne pas contraindre la Chambre à prendre des mesures aussi drastiques, car
2 la Chambre n'est pas encline à le faire, du moins pas à ce stade.
3 Maître Milovancevic, je pense que j'en ai suffisamment dit. Est-ce que vous
4 souhaitez dire quelque chose à votre tour ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous vous
6 avons tout à fait compris. Nous comprenons et acceptons pleinement ce que
7 vous avez dit. Me Perovic et moi-même sommes des personnes respectueuses de
8 la loi et des règlements.
9 Me Perovic a 20 ans d'expérience. Il a travaillé comme juge. Moi-même, j'ai
10 travaillé comme juge pendant 14 ans avant d'être avocat. Je dis cela pour
11 que vous compreniez bien que nous respectons profondément le Tribunal. Nous
12 avons un respect inhérent pour ce Tribunal. Je vous assure en toute
13 sincérité que nous n'avons jamais voulu ni Me Perovic ni moi-même, manquer
14 de respect à l'égard de ce Tribunal. Je vous dis cela de façon générale. A
15 présent, je souhaiterais revenir sur vos commentaires.
16 Vous avez évoqué de façon très raisonnable et en détail les problèmes
17 que nous rencontrons. Nous souhaitons simplement expliquer quelque chose
18 qui pourrait aider la Chambre à comprendre la position dans laquelle nous
19 nous trouvons. Nous avons lu l'ordonnance rendue par la Chambre de première
20 instance, et lorsque j'ai fait mes commentaires au sujet de cette décision
21 rendue en application de l'article 73 ter que vous avez mentionnée, je
22 n'avais pas l'intention du tout de me rendre coupable d'outrage au
23 Tribunal. Je dirais en quelques mots que nous avons déployé des efforts
24 importants afin de revoir notre liste de témoins et le calendrier que nous
25 avions présentés pour accélérer les choses. Mais nous ne savons pas comment
26 le faire. Jusqu'à présent, le problème ne s'était pas encore posé dans
27 cette affaire. Nos collègues de l'Accusation ont prévu
28 298 heures et ont demandé ensuite une prorogation de trois jours afin
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1 d'entendre de nouveaux témoins. La Chambre a accepté cela et n'a jamais
2 demandé à l'Accusation de revoir son calendrier. Donc, les estimations de
3 l'Accusation se sont avérées souvent inexactes, et les interrogatoires de
4 l'Accusation étaient plus longs que ce qui était initialement prévu.
5 Parfois, l'interrogatoire mené par l'Accusation durait moins longtemps que
6 prévu, mais l'Accusation a parfois mal estimé la durée du contre-
7 interrogatoire, qui a duré moins longtemps que prévu. Onze jours avant la
8 fin de la présentation des moyens à charge, le 9 juin, l'Accusation a
9 exercé son droit de notifier les intéressés de la fin de la présentation
10 des moyens à charge. Au bout du compte, tout cela a duré 267 heures, et
11 pour de nombreuses raisons; notamment, le décès de M. Babic, qui était
12 censé témoigner pendant de nombreux jours; l'Accusation a renoncé à citer
13 de nombreux témoins. Sur les 44 témoins qui ont été entendus, le
14 contre-interrogatoire a duré plus longtemps que prévu seulement pour 18
15 témoins.
16 Pourquoi dis-je cela ? Contrairement à la position de l'Accusation,
17 nous, du côté de la Défense, nous sommes constamment face à des délais très
18 stricts, des restrictions et des ordonnances qui nous demandent de revoir
19 la durée de nos interrogatoires et la manière dont les éléments de preuve
20 seront présentés. Ce qui est important pour nous, c'est la chose suivante :
21 l'Accusation a eu tout le temps qu'il lui fallait pour préparer sa cause,
22 contrairement à nous. Nous sommes soumis à des pressions incroyables, non
23 seulement à cause de notre travail, mais à cause des délais qui nous sont
24 imposés, délais qui ont été prescrits par la Chambre de première instance.
25 A de nombreuses reprises, nous nous sommes retrouvés dans une situation où
26 nous ne savions pas quoi faire par rapport au délai, non pas que nous ne
27 voulons pas respecter la Chambre. Nous souhaitons aider M. Martic. Ce n'est
28 pas un souhait de notre part; c'est une obligation. Mais nous ne pouvons
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1 pas le faire à moins que nous ne respections les dispositions des
2 Règlements de procédure et de preuve.
3 Cela signifie que l'Accusation et la Défense ne se trouvent pas dans
4 la même position, malheureusement non. La question qui se pose, c'est par
5 rapport au principe de procès équitable si aucune des ordonnances et aucun
6 des délais n'a pas été adressé à l'Accusation et plutôt à la Défense. Je me
7 demande si nous nous trouvions dans la même position. Qu'est-ce qu'il en
8 est avec l'application de
9 l'article 21 du Statut ? Dans votre ordonnance, cet article a été
10 mentionné. Je n'ai pas le droit de commenter cela, mais il nous est presque
11 impossible de procéder ainsi. Nous ne sommes pas les gens qui ne respectent
12 pas le Tribunal. A notre âge, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas
13 respecter le Tribunal. Il me reste moins de jours que le nombre de jours
14 que j'ai déjà vécu, et je ne peux pas me mettre dans la situation dans
15 laquelle la Chambre me punirait. Ce serait scandaleux. Mais nous nous
16 trouvons dans la situation dans laquelle l'accusé, selon l'article 21 du
17 Statut, jouit du droit de poser des questions à des témoins de la même
18 façon que l'Accusation. Aucune des conditions qu'on nous a été imposées
19 n'ont pas été imposées à l'Accusation. On n'a pas demandé à l'Accusation de
20 réviser leur liste de témoins.
21 Par exemple, nous devons respecter les ordonnances de la Chambre.
22 Nous devons accepter tout cela. Ce sont des ordonnances de la Chambre. Je
23 ne parle que des conditions objectives, des circonstances objectives.
24 Réellement, il nous est plus difficile de travailler qu'à l'Accusation. Le
25 Procureur avait toute la liberté de procéder, et je vous prie de tenir cela
26 en compte. C'est la seule raison pour laquelle je parle de tout cela.
27 Nous sommes liés par l'obligation d'aider la Chambre et l'accusé pour
28 établir la vérité. Nous ne pouvons pas croire que le principe de vérité et
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1 d'égalité des parties et le principe d'équité dans le procès sont moins
2 importants que les principes appliqués dans la procédure. On ne peut pas
3 demander dans un procès comme celui-ci de n'être qu'expéditif. Nous avons
4 estimé notre temps au nombre de 211 heures et demie, et la Chambre nous
5 demande 150 heures. Nous n'estimons pas que nous avons le droit de dire :
6 Nous voulons entendre les témoins comme nous le voulons, que la Chambre n'a
7 rien à voir avec cela. Ce serait contraire absolument aux Règles. M. Martic
8 a été accusé d'entreprise criminelle commune, et tout ce qui apparaît comme
9 étant de contexte est, en fait, l'essence de l'Accusation.
10 Le Procureur n'a pas à prouver l'existence de l'entreprise criminelle
11 commune. C'était même la position de la Chambre après que le Procureur a
12 fini sa présentation des moyens de preuve. Qu'est-ce que nous, nous pouvons
13 prouver ? Qu'il n'existe pas un plan pour lequel le Procureur n'a pas dit
14 ni quand, ni pourquoi, ni comment le plan était établi ? Essentiellement,
15 il s'agit des réponses par rapport au contenu de l'acte d'accusation dressé
16 contre M. Martic, à savoir l'entreprise criminelle commune qui comprend
17 tous les détails, tous les événements survenus sur le terrain de la Krajina
18 et sur une grande partie de la Bosnie-Herzégovine dans la période de cinq
19 ans, en mentionnant qu'il s'agissait de l'organisation, de l'instigation,
20 de l'aide, des financements, et cetera. C'est à quoi nous essayons de faire
21 en posant des questions à nos témoins.
22 Lorsque, Monsieur le Président, j'ai dit à la Chambre - peut-être que
23 c'était maladroit, mais ce n'était pas mon impression - peut-être que quand
24 j'ai dit cela à la Chambre, j'ai voulu justement dire à la Chambre que nous
25 étions conscients du délai et du problème que nous avons par rapport à ce
26 délai. Nous voulions obéir aux décisions de la Chambre. Notre position est
27 la suivante : tout simplement, les décisions de la Chambre, mauvaises ou
28 bonnes pour l'une ou l'autre partie, sont respectées. Mais la question qui
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1 se pose est la suivante : est-ce que la Défense peut respecter les
2 exigences qui sont impossibles à appliquer ? La décision de la Chambre, par
3 rapport à l'article 73 ter, doit être en conformité avec le Règlement, avec
4 le Statut. Je vous remercie.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic,
6 pour tout ce que vous avez dit.
7 Est-ce que M. Whiting veut dire quelque chose ?
8 M. WHITING : [interprétation] Il m'est difficile de garder le silence trop
9 longtemps, Monsieur le Président. Est-ce que je peux intervenir
10 brièvement ? Je n'ai pas l'intention de prendre beaucoup de temps à la
11 Chambre. Si M. le Président préfère continuer, je serais d'accord avec lui,
12 mais évidemment, il y a des choses que nous voudrions contester.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander de
14 vous asseoir pour le moment.
15 M. WHITING : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'essaie de m'occuper de cela sans
17 trop de confrontation. J'essaie de ne pas provoquer la dispute. Lorsque je
18 dirai ce que je veux dire, vous allez avoir la possibilité de parler.
19 Maître Milovancevic, je vous remercie de nous avoir dit tout cela. Je sais
20 que vous étiez juge pendant 14 ans et que M. Perovic était juge pendant 20
21 ans. Je vous prie de comprendre que quand j'ai parlé de l'outrage et du
22 comportement qui n'était pas professionnel, je n'ai pas suggéré que ce que
23 vous êtes en train de faire n'était pas un comportement délibéré ou
24 intentionnel. J'ai dit que le manquement à respecter les ordres de la
25 Chambre n'était pas à votre intention, mais l'effet était tel que vous
26 n'avez pas réussi à obéir à l'ordre de la Chambre. A moins qu'il y ait une
27 justification pour cela, pour ce manquement, dans ce cas-là, on pourrait
28 penser qu'il y ait eu l'outrage pour pouvoir appliquer les articles par
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1 rapport à la procédure disciplinaire convenue à l'article 46.
2 Vous avez mentionné que le Procureur a pris beaucoup plus de temps par
3 rapport à leurs témoins. Je vous suis reconnaissant d'avoir mentionné cela,
4 parce que j'aurais dû mentionner cela par rapport à la prolongation du
5 temps imparti, mais j'ai omis de dire cela. Sur le Règlement, par rapport à
6 la décision rendue et convenue à
7 l'article 73 ter, le Règlement donne la possibilité de demander une
8 prolongation par rapport au temps imparti. Nous devons obéir à ces
9 dispositions si nous ne pouvons pas respecter le délai alloué et convenu à
10 l'article 65 ter.
11 Par conséquent, lorsque l'Accusation a demandé cela, ils ont fait ce
12 que le Règlement leur a permis, et bien sûr, ils ont voulu utiliser leur
13 droit et ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas respecter le délai à cause des
14 raisons A, B, C, D, E, et c'est pour cela qu'ils ont demandé une
15 prolongation du délai.
16 La Défense, plus tard dans le procès, a pu réagir de la même façon. Il est
17 évident, si la Défense voit qu'elle ne peut pas respecter ses délais de 150
18 [comme interprété] heures, elle peut également demander cela à cause de ces
19 problèmes. L'article dans lequel vous pouvez demander une prolongation du
20 délai qui vous a été imparti, vous devez toujours essayer de respecter ces
21 limites, ce délai qui vous a été imparti par la Chambre. Mais peut-être que
22 l'Accusation a dépassé le temps qui lui a été imparti par rapport à
23 certains témoins. J'aimerais y croire. Si vous regardez combien de fois la
24 Défense a dépassé le temps qu'elle a estimé nécessaire à elle-même, et
25 chaque fois que je mentionne l'article 73 ter et le délai alloué, cela
26 dépasse le nombre de cas dans lesquels l'Accusation a dépassé le temps qui
27 lui a été imparti pour certains témoins.
28 C'est ce qui crée le problème. Si pour chacun des témoins de la
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1 Défense, on dépasse le délai imparti et si on ne voit pas qu'il y a eu
2 d'autres témoins pour lesquels le délai a été respecté, comment pouvons-
3 nous espérer qu'on ne perdra pas du temps ? Vous avez dit que l'Accusation
4 a dépassé également le temps imparti, mais il ne s'agit que des
5 estimations. Si vous avez estimé que vous aviez besoin de six heures pour
6 un témoin et que vous avez utilisé sept heures, la Chambre ne réagira pas,
7 mais si vous avez estimé six heures nécessaires pour un témoin et si vous
8 avez utilisé 12 heures, comme par exemple, avec ce témoin, parce que
9 c'était votre estimation, c'est-à-dire huit heures conformément à l'article
10 73 ter, et lorsque vous avez demandé à lui poser des questions, vous avez
11 voulu
12 16 heures pour lui, là, il s'agit d'une différence énorme. Huit heures,
13 cela fait une journée entière; en fait, deux jours. Il s'agit d'une
14 différence énorme. Et cela explique pourquoi vous considérez que la Chambre
15 est contre vous lorsque vous dites que la Chambre n'a pas réagi de telle
16 façon par rapport à l'Accusation. Nous comprenons qu'il ne s'agit que des
17 estimations du temps nécessaire, ce n'est pas définitif.
18 Vous avez également parlé du temps nécessaire pour vos préparatifs,
19 pour préparer vos interrogatoires. Je comprends que la Défense, dans
20 n'importe quelle affaire n'importe où dans le monde, présente ses moyens de
21 preuve après que l'Accusation ait agi et que le suspect soit arrêté. Mais
22 tout ce que je vous dis est la chose suivante : les listes et les résumés,
23 l'estimation de temps nécessaire pour les témoins, tout cela, il faut tenir
24 compte de tout cela pour pouvoir essayer de rester dans les délais qui vous
25 ont été impartis.
26 Par rapport à la question concernant les qualités des armes et
27 l'ordre du procès, je dois reconnaître qu'ici, à ce Tribunal international,
28 j'ai rencontré ce concept de l'égalité des armes et je me demande comment
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1 cela peut être. Je ne pense pas qu'il y ait une égalité des armes parfaite,
2 Maître Milovancevic. L'Accusation a même, devant les juridictions
3 nationales, le pouvoir et les ressources de l'Etat derrière elle, et
4 l'accusé, de l'autre côté, doit payer de sa propre poche devant une cour
5 nationale. Il ne peut jamais avoir autant de ressources que l'Etat en a.
6 Par conséquent, ces ressources, les ressources de l'accusé pour assurer une
7 défense convenable, ne peuvent pas être comme les ressources qu'a un Etat,
8 dont un Etat peut disposer. Après avoir dit cela, je suis conscient du fait
9 qu'il faut essayer que cette différence et l'inégalité des ressources
10 doivent être corrigées et réduites, et je ne pense pas, quant à la question
11 qui est à l'ordre du jour maintenant, que la Défense doive essayer de
12 rester dans les limites du temps qui lui ont été imparties par rapport à la
13 décision 65 ter. Cela n'a rien à voir avec l'égalité des armes, je ne pense
14 pas. Je vais vous dire pourquoi je répète cela; précisément parce que
15 l'article 65 ter suggère un nombre de témoins qui pourraient être cités à
16 comparaître conformément à l'article 92 bis. Je suis sûr que vous serez
17 d'accord avec moi pour dire que l'Accusation a eu beaucoup de témoins
18 conformément à l'article 92 bis, et c'est pour cela que l'Accusation a pu
19 ne pas utiliser tout le temps qui lui a été imparti pour ses témoins. Je
20 veux dire que quand la Chambre cite à comparaître un témoin conformément à
21 l'article 92 bis, la Chambre ne fait pas cela de façon arbitraire. La
22 Chambre fait cela après avoir parcouru le résumé du témoignage de ce témoin
23 que la Défense a communiqué à la Chambre, et la Chambre, après, dit : Bien,
24 selon ce résumé, on peut s'attendre à ce que le témoin parle des
25 informations concernant le contexte. Il ne va pas parler du comportement de
26 l'accusé, donc il peut venir, ce témoin. Je sais que vous dites, Monsieur,
27 que l'accusé est confronté ici avec la charge d'entreprise criminelle
28 commune, et de votre point de vue, ces informations concernant le contexte
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1 devraient invalider ces charges concernant l'entreprise criminelle commune,
2 ou vous pouvez toujours le faire conformément à l'article 92 bis si le
3 témoignage de ce témoin en particulier ne nous dit rien sur ce que l'accusé
4 en personne faisait. Prenons ce témoin qui vient de finir son témoignage en
5 exemple. Souvenons-nous ce qu'il disait chaque fois qu'on lui a posé des
6 questions à propos de M. Martic. Il disait toujours : Non, non, M. Martic
7 ne faisait pas partie de cela, il était ailleurs. Il n'était jamais en
8 contact avec lui. Il nous a parlé des informations concernant le contexte,
9 pour lesquelles vous avez dit qu'elles concernent la charge de l'entreprise
10 criminelle commune. Il aurait pu faire cela conformément à l'article 92
11 bis, parce qu'il a dit qu'il ne savait pas ce que M. Martic faisait. Il ne
12 pouvait rien nous dire par rapport à ce que Martic faisait, mais il peut
13 nous dire quelque chose sur l'entreprise criminelle commune et il peut le
14 faire par le biais des articles 92 bis ou 89(F). Lorsque nous suggérons
15 cela, cela s'appuie sur cette sorte de considération. Il ne s'agit pas
16 d'une décision de caractère arbitraire conformément à l'article 92 et qu'on
17 peut l'entendre de vive voix.
18 Vous avez parlé de l'outrage au tribunal. Je ne suis pas sûr de ce
19 que vous avez dit par rapport à cela. Je n'ai fait que noter le mot
20 "outrage". Lorsque j'ai parlé de cela, je n'ai pas dit que vous avez fait
21 cela délibérément, mais j'ai dit que quand on n'obéit pas à une ordonnance,
22 le résultat qui s'ensuit est l'outrage au tribunal. La question de
23 l'intention est une question qui se pose par rapport à si quelque chose est
24 condamnable ou pas. Si un fait existe objectivement, il s'agit de l'outrage
25 au tribunal.
26 Je pense que j'ai abordé les questions principales que vous avez
27 soulevées. Il y a d'autres personnes dans le prétoire qui voudraient
28 parler. Je vois le Juge, à ma droite, qui veut parler.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, le Juge Nosworthy.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On vient justement d'attirer mon
5 attention sur quelque chose que vous venez de dire, à savoir page 40 du
6 compte rendu d'audience, lignes 2 et 3. Vous avez dit que : "L'Accusation
7 n'a pas à prouver, quant à elle, l'existence d'une entreprise criminelle
8 commune. Il s'agit même d'une position prise par la Chambre." Je crois que
9 vous n'avez définitivement pas respecté justement, c'est-à-dire, Maître
10 Milovancevic, dans ce sens-là, ne serait-ce que pour parler de la Chambre
11 de première instance qui administre la conduite de la preuve, elle le fait
12 le mieux possible. Je crois que si évidemment quelqu'un ne veut pas prouver
13 l'existence d'une entreprise criminelle commune, cela, c'est son choix, à
14 cette partie-là. La position de la Chambre de première instance
15 définitivement n'a pas été exprimée. Maintenant, si cela se fait, cela se
16 fera lors du prononcé du jugement.
17 Je voudrais tout d'abord voir ce que M. Whiting a à dire de son côté. Je
18 vous remercie.
19 M. WHITING : [interprétation] Pour ma part, Monsieur le Président, je peux
20 vous dire que j'ai barré --
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, M. Martic semble
22 faire un geste. Sa gestuelle, probablement, veut dire l'intention de dire
23 quelque chose. Peut-être aimeriez-vous peut-être le consulter à cet effet ?
24 Allez le voir, le consulter justement pour voir de quoi il s'agit.
25 [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic, on vous
27 écoute.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] M. Martic ne voulait pas demander la
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1 parole. Tout simplement, il a voulu attirer votre attention sur le fait
2 qu'il a entendu le commentaire de la cabine serbo-croate sur le travail de
3 cette Chambre de première instance, ce qui l'a touché de très près. Je ne
4 cite rien, mais je voulais tout simplement accuser l'existence d'un
5 problème. C'est tout.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, d'accord. Merci. Y a-t-il quelque
7 chose que nous pouvons corriger, ou laissons les choses telles quelles ?
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je voulais justement m'engager auprès de
9 M. Martic, que je voulais vous faire part de ce que je viens de dire. Je
10 vous remercie, Monsieur le Président. Nous n'avons guère besoin d'aucune
11 intervention.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
13 Monsieur Whiting.
14 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Quant à moi, je
15 voulais dire que j'avais déjà barré et sauté la moitié de ce que je me
16 proposais de dire. Première chose, je voudrais corriger un petit peu le
17 compte rendu d'audience dans ce sens-là : d'après nous, le bureau du
18 Procureur n'a, à aucun moment, demandé une extension du cadre de temps qui
19 nous a été attribué. Je crois qu'on a un petit peu amalgamé ici des choses,
20 une confusion a été semée. En novembre 2005, le Procureur a estimé le temps
21 pour présenter ses preuves. Il s'agissait d'une estimation de l'ordre de
22 298 heures. A mesure qu'évoluait la présentation des preuves à charge, la
23 Chambre de première instance voulait tout simplement informer les deux
24 parties pour ce qui est du procès, à quel moment le procès pourrait être
25 terminé. Nous avons fait notre estimation, nous avons évidemment pris en
26 considération la maladie de l'accusé. Ensuite, nous avons pris en
27 considération d'autres raisons également, et notre estimation a changé.
28 Lorsque Me Milovancevic s'est référé tout à l'heure à une demande
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1 d'extension du cadre de temps qui nous avait été attribué, il voulait faire
2 une référence dans ce sens-là que nous avons voulu ajuster et réajuster
3 notre propre estimation. Bien au contraire, pour ce qui est de la
4 présentation des preuves à charge, nous n'avons pris que 260 heures. Par
5 conséquent, moins que ce qui était généralement prévu. Par conséquent, nous
6 y avons pensé. Voilà pourquoi je dis que ceci a été moins que de parler de
7 260 ou 289 heures. Nous n'avons jamais considéré cela comme étant une
8 nécessité de voir le cadre du temps qui nous a été attribué prolonger.
9 Tout simplement, je crois que tout ceci a été comme quoi il a été
10 fait droit à notre demande primitive, et nous n'avons fait que respecter
11 les ordonnances de la Chambre de première instance.
12 Secundo, une suggestion a été faite comme quoi il y a un traitement
13 différent réservé au bureau du Procureur et au conseil de la Défense. Je ne
14 veux pas entrer dans le détail pour en discuter, mais nous voulons
15 contester la prémisse de cette assertion et ce qui vient d'être dit de la
16 partie adverse, à savoir comme quoi les cas similaires devaient être
17 traités de façon différente. D'après nous et tel que nous voyons la
18 situation, les raisons ne sont pas similaires. S'il y a une différence de
19 traitement qui a été perçue, alors là, ceci doit être justifié par la
20 différence que présentent les types de témoins à charge, différence qui
21 vient des résumés qui ont été présentés à la Chambre de première instance.
22 Ensuite, l'utilisation par ce qui permet au bureau du Procureur la Règle 92
23 bis, c'est-à-dire nous devons présenter les pièces à charge en dehors et
24 au-dessus de tout doute, ce qui est tout à fait différent de ce que fait le
25 conseil de la Défense.
26 Un troisième point, Monsieur le Président, serait la suggestion faite par
27 la Chambre de voir le conseil de la Défense reconsidérer les Règles 89(F)
28 et 92 bis. Tout simplement, nous voulons gagner en diligence. Ceci devrait
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1 être fait par le dépôt d'écriture par le conseil de la Défense.
2 L'Accusation devrait y répondre pour faire valoir sa position là-dessus.
3 Pour ma part, je voudrais dire que pour qu'il y ait dépôt d'écriture au
4 sujet de la Règle 92 bis, c'est différent, parce que le témoignage se fait
5 viva voce. Par conséquent, il faut voir comment il faut travailler avec les
6 témoins. Le temps nous presse et nous devons savoir que si nous devons
7 faire quelque chose au titre des articles 92 bis et 89(F), il faut le faire
8 rapidement de sorte que la Chambre puisse réagir.
9 A la fin, ce que je veux dire, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
10 Juges, le conseil de la Défense a indiqué sa volonté de faire appel à
11 l'ordonnance qui a été rendue par la Chambre le
12 7 septembre 2006. Je voudrais dire aussi que le temps est écoulé au titre
13 de l'article 73(C) pour déposer une écriture. Il s'agit d'une ordonnance
14 rendue le 7 septembre. Le conseil de la Défense avait à sa disposition une
15 semaine. Par conséquent, le temps est expiré, et d'après nous, tout appel à
16 interjeter serait impossible.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, je me demande
20 quelle a été votre réponse pour ce qui est de l'égalité des armes. Ce n'est
21 pas par hasard que je le mentionne. Je voudrais vous entendre répondre
22 concrètement pour nous dire quelle est votre façon de voir tout ceci dans
23 ces circonstances données. Vous pouvez nous être d'une assistance. Il doit
24 y avoir une jurisprudence, une pratique du Tribunal peut-être, ne serait-ce
25 que pour parler des procès contre Oric et Milosevic, peut-être. Comment
26 répondriez-vous à la place de M. Milovancevic lorsqu'on dit que, par
27 exemple, la façon dont la Chambre de première instance a traité de ces
28 affaires-là, ne serait pas le respect des égalités des armes des deux
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1 parties adverses ?
2 M. WHITING : [interprétation] Oui, Madame, Monsieur le Président, Madame le
3 Juge. Un premier point pour ce qui est de l'égalité des armes est le
4 suivant. Monsieur le Président, le Juge Moloto a fait référence à une
5 situation des juridictions nationales où on ne s'occupe que des pratiques
6 connues à l'échelle nationale.
7 Secundo, je voudrais m'opposer à la notion qui traite de l'égalité
8 des armes lorsque le conseil de la Défense disait que le conseil de la
9 Défense ne bénéficiait pas des mêmes situations pour préparer son affaire,
10 dire, par exemple, que le conseil de la Défense n'avait que quelques jours
11 ou une semaine ou quelques semaines pour préparer sa position, alors que
12 nous autres de l'Accusation, nous disposions des années, ceci n'est pas
13 vrai. Le conseil de la Défense avait lui aussi des années à sa disposition,
14 une fois que l'acte d'accusation a été révélé. Troisième point, je crois
15 que pour répondre à ce que Mme le Juge pose comme question lorsqu'il s'agit
16 de jurisprudence nationale, je voudrais peut-être citer un cas où l'égalité
17 des armes n'est pas un calcul mathématique froid pour parler de l'égalité
18 des ressources dont disposent le bureau du Procureur et le conseil de la
19 Défense. Pour ce qui est de parler de l'égalité des armes, ceci n'est pas
20 la même situation et la même signification. Dans l'affaire Tadic en appel,
21 il a été dit : "L'égalité des armes oblige un corps judiciaire à assurer
22 des situations où aucune des parties ne serait dans une situation
23 inadéquate lors de la présentation des preuves. Je crois que ceci n'a pas
24 été le cas, ici."
25 Je crois que chaque partie a eu la possibilité d'administrer bien la
26 preuve et de présenter ses moyens de preuve. Je crois que pour ce qui est
27 de la décision du 7 septembre dernier, la Chambre de première instance a
28 permis au conseil de la Défense l'opportunité de mener son cas.
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pour ce qui est du respect du
2 temps alloué, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus ?
3 M. WHITING : [interprétation] Je crois que la Chambre de première instance
4 l'a déjà cité dans le cadre de la décision rendue. La pratique
5 juridictionnelle n'a pas, évidemment, de décisions concernant le nombre
6 d'heures pour l'Accusation et pour le conseil de la Défense, qui parle du
7 nombre d'heures. Ce n'est pas un calcul mathématique à faire, mais il
8 s'agit de voir ce qu'apporte chacun des témoins proposés : le premier
9 point. Second point, d'après nous, il n'est pas pertinent d'insister sur un
10 nombre d'heures égal lorsque l'Accusation a eu autre chose comme preuves à
11 présenter. L'Accusation est obligée de prouver chaque élément de preuve
12 lorsqu'il s'agit de crimes perpétrés, alors que pour ce qui est du conseil
13 de la Défense, le conseil de la Défense peut s'y opposer, et il ne s'agit
14 pas de mêmes éléments pour chaque crime. Secundo, l'Accusation est tenue de
15 prouver tous les arguments au-dessus de tout doute raisonnable, ce qui,
16 évidemment, n'est pas le poids de la preuve qui incombe au conseil de la
17 Défense.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Avant de donner la parole au
19 Juge Hoepfel, je voudrais pour ma part dire qu'il s'agit d'un nombre
20 différent de témoins à citer à la barre. L'Accusation a un autre nombre de
21 témoins à citer à la barre. Cela n'est pas censé répercuter sur le nombre
22 d'heures à octroyer à chacun.
23 M. WHITING : [interprétation] C'est exact.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Hoepfel.
25 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je suis d'accord avec mes collègues,
26 mais je voulais d'abord avancer un fait pour vous faire valoir vos points
27 de vue, pour voir dans quelle lumière nous avons pris notre toute dernière
28 décision, ordonnance rendue le 7 septembre dernier. Il s'agit de parler
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1 d'un principe qui est exprimé par le Statut, c'est-à-dire qu'il s'agit de
2 cadre équitable dans lequel le procès va se dérouler. Le Statut ne parle
3 pas d'égalité des armes. Maître Milovancevic, je ne vois rien d'inéquitable
4 qui se serait produit dans la situation où nous sommes. Je crois que vous
5 ne pouvez pas avancer l'argument selon lequel vous n'aviez que quelques
6 semaines pour vous préparer pour comparer là le temps qui vous a été alloué
7 par rapport au temps qui a été attribué à l'Accusation. Il s'agissait des
8 années, n'est-ce pas ?
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que nous avons peut-être,
10 Maître Milovancevic, apporté trop de tensions dans cette situation. Ces
11 questions nous ont peut-être beaucoup trop parlé, mais toujours dans
12 l'espoir de nous aider les uns et les autres. Je voudrais vous entendre
13 maintenant, Maître Milovancevic, brièvement, pour voir quelle est la façon
14 qui, d'après vous, serait la continuation de ce procès. Maintenant, nous ne
15 nous plaignons plus, nous voulons avoir évidemment une solution au
16 problème.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs
18 les Juges, nous sommes vendredi. Lundi prochain, nous nous tournerons vers
19 vous, c'est-à-dire la Chambre de première instance, pour vous présenter la
20 liste des témoins révisée à la lumière du nombre d'heures que vous nous
21 avez alloué. Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je voudrais vous
23 demander de considérer avec sérieux la promesse faite par vous. Rappelez-
24 vous, nous avons parlé tout à l'heure de promesses qui n'ont pas été
25 tenues, et je voudrais, pour ma part, que vous, quant à vous, vous teniez
26 la vôtre, votre promesse.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Cela pour vous dire, Monsieur le
28 Président, Madame, Messieurs les Juges, nous n'y manquerons pas.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On vous a entendu. Je vous remercie.
2 Vous allez nous faire parvenir la liste révisée de vos témoins avec un
3 calcul précis fait d'heures à prévoir pour chacun des témoins ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Avant de clôturer, à mesure que
5 le procès évolue, si évidemment il nous apparaît tout à fait évident que
6 vous n'êtes pas en mesure de le faire ainsi, le conseil de la Défense a
7 toujours la possibilité de déposer une écriture pour demander l'extension
8 du nombre d'heures, de votre temps qui vous est prévu.
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Merci, Monsieur le
10 Président.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
12 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez, Monsieur le
13 Président, demandé qu'on introduise le témoin prochain, mais j'ai quelques
14 questions d'ordre procédural à avancer.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, merci.
16 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que le temps qui nous est
18 imparti, nous pouvons nous en servir ainsi.
19 M. WHITING : [interprétation] Je crois que chacun sait quelle était
20 l'ordonnance rendue par la Chambre pour ce qui est Fadir et pour ce qui est
21 de la déposition de Milan Babic. Il s'agit d'ailleurs de voir quelque chose
22 lié à la décision originale par le conseil de la Défense, lorsque celui-ci
23 avait l'intention de présenter ses éléments de preuve. Je me suis penché
24 là-dessus, parce que j'ai regardé un petit peu l'ordonnance rendue par la
25 Chambre de première instance. Ceci devait être des questions que le conseil
26 de la Défense avait l'intention de poser dans le temps révolu. Dans le
27 document, il était dit, il s'agit de temps pendant lequel temps le conseil
28 de la Défense se proposait ceci ou cela. Mais pas mal de temps s'est écoulé
Page 8453
1 depuis que M. Babic avait déposé, et j'espère qu'il n'y aurait pas d'autres
2 documents, de nouvelles informations, de nouvelles idées pendant ce cas. Je
3 voulais dire, il y avait des choses dont on avait l'intention de faire ici
4 une liste à cette époque-là. Maintenant, je voulais savoir si la Chambre de
5 première instance souhaite obtenir un calendrier dans le cadre duquel on
6 devrait le faire et agir. Originellement, il s'agissait de sept jours pour
7 l'Accusation, autant pour le conseil de la Défense. Nous avons d'autres
8 choses en vue, mais bien entendu, c'est à vous, Monsieur le Président,
9 Madame, Messieurs les Juges, qu'il appartient évidemment d'en décider.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit un troisième point
12 d'ordre procédural.
13 M. WHITING : [interprétation] Oui. Je crois que ceci a été déjà fait,
14 lorsque nous avons été informés des éléments de preuve qui devraient être
15 utilisés via les témoins à décharge. Ces éléments de preuve nous
16 parviennent toujours avec un très, très grand retard. Nous ne recevons que
17 des informations sur les témoins une fois que les récolements ont été
18 faits. J'avais demandé -, et j'aimerais bien que cela entre dans le compte
19 rendu d'audience - que nous demandons à ce que l'on nous présente les
20 listes des éléments de preuve qui seront utilisés avant que de voir
21 comparaître les témoins à la barre, avant toute préparation, avant toutes
22 les notes de récolement, avant que d'autres éléments de preuve soient
23 additionnés ou peut-être retirés. Ce serait possible. Par exemple, pour la
24 semaine à venir, probablement, aurons-nous trois témoins pour lesquels nous
25 n'avons aucun élément de preuve les concernant à faire introduire par leur
26 biais. Voilà pourquoi je demande au conseil de la Défense de s'acquitter de
27 sa tâche.
28 Un troisième point serait le rapport d'expert. Le temps nous presse.
Page 8454
1 Nous avons une semaine au mois d'octobre où nous n'aurons pas la
2 possibilité de travailler. Et au titre de l'article 93 bis, une fois le
3 rapport d'expert présenté, l'autre partie devrait disposer d'une période de
4 30 jours pour prendre connaissance de ce rapport. Par conséquent, il y aura
5 nécessité de tout simplement faire avec un peu plus de diligence.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting. Merci d'avoir
7 soulevé cette question. Que ferions-nous, dans la Chambre, ici sans vous ?
8 C'était M. Black qui l'a dit. Maintenant, à vous la parole.
9 Maître Milovancevic, je crois que vous allez être d'accord avec nous pour
10 dire que ces trois points, tels que vient d'évoquer l'Accusation, sont
11 trois points importants. De toute évidence, la prise d'une décision par une
12 Chambre en appel, automatiquement entraîne une ordonnance telle que
13 prononcée par la Chambre. M. Whiting se demandait si la Chambre veut
14 prévoir de nouveaux calendriers. Prima facie, je crois que ceci ne devrait
15 pas être le cas. Par conséquent, il faudra respecter les calendriers et les
16 délais tels que prévu par notre ordonnance. Je ne suis pas tout à fait sûr
17 si les règles traitent, entre autres, les délais dans lesquels on devrait
18 informer sur les éléments de preuve avant de les exploiter.
19 M. WHITING : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non --
21 M. WHITING : [interprétation] C'est --
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que dit la pratique ?
23 M. WHITING : [interprétation] Je crois qu'il n'y a pas de pratique
24 unitaire. Peut-être 24 heures, 48 heures avant de présenter les éléments de
25 preuve. Nous demandons tout simplement qu'on le fasse deux jours avant de
26 voir le témoin cité à la barre. Si cela est possible, nous vous saurions
27 gré.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
Page 8455
1 Maître Milovancevic, je voudrais savoir si cela est faisable,
2 possible. De toute évidence, la majeure partie d'éléments de preuve que
3 vous voulez exploiter, évidemment, concerne vos témoins, et vous aurez
4 suffisamment de temps pour le traiter au moins dans un laps de temps de 48
5 heures. Si vous avez d'autres éléments de preuve à additionner, je crois
6 que votre collègue sera toujours prêt à l'accepter. S'il y a quelque chose,
7 évidemment, à laisser tomber, ce serait possible également. Est-ce que vous
8 considérez que 48 heures est une demande équitable ?
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ne fixez pas les
10 délais, s'il vous plaît. Toutes les fois où nous devons le faire, nous le
11 ferons. A l'intention de nos confrères de l'autre partie, c'est une
12 question, enfin, de l'éducation élémentaire, je dirais, et toujours au nom
13 de l'équité. Quelquefois, il nous est difficile de nous en acquitter, mais
14 maintenant, nous ne voulons pas être dans une situation où nous n'aurons
15 pas respecté les délais. Je vous en prie, nous nous sommes engagés devant
16 vous et à l'égard de vous, et nous voulons que le tout soit fait dans un
17 délai optimal de 48 heures. Mon confrère de l'Accusation a toujours la
18 possibilité de soulever le point où il souhaiterait contester ceci ou cela,
19 mais je crois que nous serons suffisamment aptes à faire preuve de
20 collégialité.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends, Maître Milovancevic. La
22 Chambre de première instance ne se propose pas de rendre de nouvelles
23 ordonnances. Je voulais tout simplement vous entendre nous dire si vous
24 pouvez vous en acquitter. Bien entendu, là où, de toute évidence, vous ne
25 pouvez pas respecter les délais, peut-être même trois jours par avance,
26 vous serez capable de communiquer les éléments. Mais la question du rapport
27 d'expert devient une question urgente, Maître Milovancevic.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le
Page 8456
1 Président, c'est lundi prochain que je vous y répondrai très concrètement.
2 Je vais conférer avec mes collaborateurs. Le rapport d'un expert militaire
3 est en cours de traduction pendant longtemps, mais les résultats de ce
4 rapport d'expert est en cours d'être traduit. Ce sera fait bientôt. Nous
5 avons en vue les délais qui nous ont été fixés et que nous devons
6 respecter, nous, vous, tous et le bureau du Procureur. Avec votre
7 permission, puis-je répondre à cette question lundi prochain ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic. Apportez-
9 nous cette réponse concrète à la question lundi prochain. Je voulais tout
10 simplement souligner l'urgence de la cause. Je me dois de le faire.
11 Maintenant que je l'ai dit, je crois que le moment est bon de marquer une
12 pause. Nous allons reprendre le travail en audience à six heures moins le
13 quart, et pendant tout ce temps-là, vous pouvez vous occuper du témoin à
14 citer à la barre. Merci.
15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 16.
16 --- L'audience est reprise à 17 heures 52.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la
19 déclaration solennelle.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN: LJUBICA VUJANIC [Assermentée]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez prendre
25 place, Madame.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, allez-y.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Interrogatoire principal par M. Milovancevic :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
3 R. Bonjour.
4 Q. Avant de commencer à vous poser des questions, je vous rappelle que
5 tout ce que nous disons est interprété. Donc, veuillez ménager une petite
6 pause après mes questions avant de répondre de façon à ce que les
7 interprètes puissent faire leur travail correctement. Cette obligation, je
8 dois d'abord la respecter moi-même.
9 Madame, est-ce que vous pourriez décliner vos noms et prénoms ?
10 R. Vujanic Ljubica.
11 Q. Quand êtes-vous née ?
12 R. Je suis née le 10 mars 1937, dans le village de Mirusa, dans la
13 municipalité de Niksic, au Monténégro.
14 Q. Quelle est votre appartenance ethnique et votre confession ?
15 R. Je suis Monténégrine de religion orthodoxe.
16 Q. Je vous remercie. Vous dites que vous êtes née au Monténégro. Où avez-
17 vous suivi vos études et quelles études avez-vous faites ?
18 R. J'ai fait mes études à l'école primaire dans mon village natal. J'ai
19 terminé mes études à l'école primaire de Bileca. Pour ce qui est du lycée
20 et de la faculté de droit, j'ai étudié à Belgrade. J'ai également passé
21 l'examen du barreau à Belgrade de façon à poursuivre ma carrière plus tard.
22 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quand vous avez obtenu votre diplôme de
23 la faculté et où vous avez trouvé un emploi ?
24 R. J'ai obtenu mon diplôme de la faculté le 18 mars 1966. Après cela, en
25 raison des circonstances, je suis allée travailler à Knin, car j'avais
26 étudié dans le domaine juridique et je voulais travailler dans ce domaine.
27 Je n'ai pas pu trouver un emploi dans ce domaine à Belgrade, car il était
28 difficile de trouver un emploi dans le domaine juridique à Belgrade à
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1 l'époque en raison des réformes économiques qui étaient mises en œuvre. Je
2 suis donc allée travailler à Knin. Il y avait des postes vacants à Drvar et
3 Livno, et j'ai commencé à travailler à Knin le 6 mai 1966, dans une
4 entreprise de génie civil appelé Dinara. J'ai commencé à travailler pendant
5 un an, et ensuite, j'ai été promue à employée chargée des affaires
6 juridiques et je représentais l'organisation.
7 Q. Merci. Je vous interromps. Vous avez d'abord travaillé à Knin dans une
8 entreprise. Avez-vous changé d'emploi plus tard ? Où êtes-vous allée ?
9 R. Effectivement. Dans l'intervalle, j'ai passé l'examen du barreau, et
10 par la suite, j'ai été nommée dans les services judiciaires. Le 1er juillet
11 1975, j'ai été élue juge du tribunal municipal de Knin. J'étais chargée du
12 droit civil et j'ai gardé cet emploi jusqu'en 1984. Ensuite, j'ai été
13 nommée procureure municipale et j'ai exercé ces fonctions jusqu'au 1er mai
14 1992, date à laquelle j'ai quitté Knin. Après, je me trouvais, bien sûr, à
15 Belgrade.
16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire en quelques mots comment vous êtes
17 arrivée à Knin et combien de temps vous y êtes restée ?
18 R. Je suis arrivée à Knin le 25 mai 1966, et j'ai commencé à travailler le
19 26 mai 1966. Je suis partie le 1er mai 1992.
20 Q. Merci. Lorsque vous êtes arrivée à Knin, quelle était la composition
21 ethnique de la population ?
22 R. Des élections ont été tenues peu de temps après mon arrivée à Knin.
23 Etant juriste de formation, j'ai fait partie de commissions électorales. Je
24 me suis retrouvée dans un nouvel environnement. C'était très intéressant
25 pour moi. Je crois qu'il y avait environ
26 92 % de Serbes, 6 % de Croates et 2 % représentant d'autres nationalités.
27 Q. Merci. Quels étaient les rapports entre les différents groupes
28 ethniques ? Vous dites qu'il y avait 92 % de Serbes, 6 % de Croates et 2 %
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1 de groupes autres. Donc, quels étaient les rapports au niveau personnel
2 entre les gens ?
3 R. Excellent, d'après moi. J'ai passé les deux premières nuits dans
4 l'hôtel Dinara. Cette femme s'est approchée de moi. Bien sûr, c'est un
5 endroit petit et tout le monde avait entendu dire qu'une juriste était
6 arrivée de Belgrade. Elle m'a dit : Viens dormir chez moi. Par la suite,
7 elle est devenue la marraine de mes enfants, si bien que pendant deux ans,
8 jusqu'au moment où je me suis mariée, je suis restée avec cette famille qui
9 était croate. Plus tard, lorsqu'ils ont eu des enfants, après s'être
10 mariés, bien sûr, j'étais la marraine de leurs enfants. Donc, ces rapports
11 étaient vraiment excellents.
12 Q. Merci. Lorsque vous dites que les rapports entre les gens étaient
13 excellents, est-ce que vous parlez sur la base de votre propre expérience
14 ou est-ce que vous avez entendu parler de l'expérience d'autres personnes
15 également ?
16 R. C'était ainsi. Je crois que c'était pareil pour les autres. Je n'ai
17 jamais eu de problèmes.
18 Q. Merci. Quelle était la composition ethnique du personnel dans les
19 entreprises d'Etat, les compagnies, les sociétés à Knin, à partir du moment
20 où vous êtes arrivée jusqu'en 1992 ?
21 R. D'après mes souvenirs - et je m'en souviens bien, puisque je faisais
22 partie des cercles élevés de la société, je travaillais au tribunal et au
23 ministère public - à chaque fois que l'on nommait des personnes à des
24 postes importants au sein de la municipalité et ailleurs et au début, je
25 n'ai pas bien compris cela, car j'étais élevée dans un environnement
26 différent lorsqu'on se penchait sur les listes - et j'ai pris part à
27 différents comités et conseils électoraux, si le président de la
28 municipalité était Serbe, le vice-président devait être Croate et
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1 inversement. Ce principe de représentation proportionnelle était toujours
2 respecté. Pour ce qui est des entreprises, des nominations étaient faites
3 d'une certaine manière. Vous devez savoir qu'à l'époque, Knin était très
4 développé, l'économie marchait bien. Il y avait 3 700 employés qui
5 travaillaient pour les chemins de fer. Beaucoup de gens, beaucoup de
6 Croates, occupaient des postes importants dans les entreprises, tels que
7 directeur de banque, responsable du marketing, et cetera.
8 Q. Merci, Madame Vujanic. Je vous demanderais de bien vouloir parler un
9 peu plus lentement, car tout cela doit être interprété et vous êtes assez
10 difficile à suivre. Les interprètes essaient d'interpréter vos propos aussi
11 fidèlement que possible.
12 Vous avez déclaré que vous étiez restée à Knin jusqu'au milieu de l'année
13 1992, environ. Vous avez évoqué de bons rapports entre les groupes
14 ethniques et entre les personnes. Est-ce que ces bons rapports se sont
15 poursuivis pendant toute la période que vous avez passée à Knin ?
16 R. Pendant toute la période où j'ai travaillé au tribunal de Knin, nous
17 étions quatre juges, plus le président, donc cinq. Il y avait deux Croates
18 parmi les juges. Après les élections pluripartites, il est vrai que les
19 choses ont changé au sein de notre communauté et dans notre région, car,
20 pour autant que je m'en souvienne - et vous ne m'en voudrez pas si je ne me
21 souviens pas de toutes les dates - mais je crois que les élections se sont
22 tenues au mois de mai 1990. Le HDZ, à la tête duquel se trouvait Tudjman, a
23 gagné à Knin, et dans d'autres municipalités, le SDS a gagné.
24 Milan Babic, qui n'est plus de ce monde, malheureusement, a été élu
25 président de la municipalité. Quelque chose a changé. Au début, on a eu le
26 sentiment impalpable que quelque chose était en train de se passer. Mais il
27 vous faut comprendre que c'est seulement mon opinion que j'exprime. Je n'ai
28 jamais été engagée dans la vie politique; je me suis toujours occupée de ma
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1 carrière. Mais quelque chose a changé après les élections. Les Serbes se
2 sont sentis lésés après les élections. Lorsqu'ils ont voté pour le parti
3 d'Ivica Racan, Ivica Racan a mené une campagne électorale très active. Il y
4 avait de nombreux rassemblements.
5 J'ai eu l'impression que les Serbes se sentaient trompés. Mais la
6 goutte qui a fait déborder le vase, c'est ce qui s'est passé à la fin de
7 l'année 1990. Un jeune homme, Vaso Pecar, a été tué. Enfin, c'est ce que
8 j'ai entendu. Il rendait visite à son grand-père lorsque les Oustachi l'ont
9 tué. Cela a eu un énorme retentissement à Knin. Par la suite, il y a eu
10 l'adoption de la nouvelle constitution --
11 Q. Merci. Cela suffit. Je crois que vous avez également déclaré, entre
12 autres, que vous aviez participé à différents comités électoraux. Vous en
13 avez parlé à propos de la composition ethnique de la population à des
14 connaissances que vous aviez à ce sujet ?
15 R. Oui, à partir du moment où je suis arrivée à Knin, à chaque fois qu'il
16 y avait des élections locales, j'étais soit présidente du comité électoral
17 ou membre du comité électoral.
18 Q. Merci. Lorsque vous nous avez dit que vous étiez membre ou présidente,
19 d'ailleurs, d'un comité ou d'une commission électorale, de quel niveau
20 voulez-vous parler ? Au niveau de Knin ou d'autre chose ?
21 R. Je voulais parler des élections locales qui se sont tenues à l'époque
22 dans la municipalité de Knin.
23 Q. Est-ce que la loi prévoyait la composition du comité électoral, et le
24 cas échéant, pourriez-vous nous expliquer cela en quelques mots ?
25 R. Non. Cela n'était pas prévu par la législation, mais il y avait une
26 pratique généralement acceptée que je peux vous décrire en quelques mots.
27 Lorsque j'ai travaillé comme juge dans des procès pénaux, en fonction des
28 accusés, bien sûr, la composition de la chambre dont j'étais présidente
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1 était toujours telle qu'il y avait un Croate, un Albanais, si l'accusé
2 était Albanais. Personne ne m'a dit que les choses devaient être ainsi.
3 C'était le sentiment que vous aviez en vivant dans cette communauté, mais
4 c'était sans doute comme cela. Pour autant que je m'en souvienne, cela
5 n'était prévu nulle part dans la législation.
6 Q. Merci. Vous nous avez parlé de la composition ethnique des chambres,
7 mais ma question est la suivante : qu'en était-il du comité électoral ?
8 Est-ce que la loi prévoyait les qualifications requises pour être membre
9 d'un tel comité ?
10 R. Je ne sais pas ce qu'il en était de la législation, mais je sais qu'au
11 sein du comité, il y avait des personnes d'origine différente.
12 Q. Vous avez dit que vous vous souveniez bien des premières élections
13 pluripartites tenues en 1990. Est-ce que vous vous souvenez d'événements en
14 particulier qui auraient eu lieu en août 1990 ?
15 R. Je m'en souviens, oui. Au mois d'août, il y avait pas mal d'événements
16 qui sont survenus. Entre autres, je me souviens du moment où en août 199,
17 ils ont essayé de -- enfin, les policiers croates ont essayé - c'est comme
18 cela que le peuple les ont appelés - donc, les policiers croates ont essayé
19 de prendre les armes de la police de réserve de la municipalité de Knin, ce
20 qui est déjà arrivé dans certaines municipalités. J'ai dit que c'était pour
21 la première fois que le peuple a défendu la police, ensuite une entreprise
22 en métallurgie, les cheminots et les autres sont descendus dans les rues.
23 Tout ce peuple a essayé d'éviter que les armes soient saisies. Je pense
24 qu'à l'époque, en automne, en août ou en septembre, les barrages routiers
25 ont commencé à être érigés.
26 Q. Cela suffit, je vous remercie. Ces rassemblements du peuple dont vous
27 avez parlé - il faut qu'on exprime cela en une seule phrase - est-ce que
28 vous pouvez nous dire cela en une seule phrase, cela est arrivé pourquoi ?
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1 R. Parce que les policiers croates ont essayé de saisir, de prendre les
2 armes de la Défense territoriale. C'est comme cela qu'on appelait cette
3 entité à l'époque.
4 Q. Je vous remercie. Savez-vous quelque chose par rapport aux armes de la
5 police de réserve à Knin ?
6 R. Je n'en sais rien.
7 Q. Cela suffit. Je vous remercie. Savez-vous quelque chose sur le
8 référendum qui a été organisé au cours de l'année 1990 ?
9 R. Oui, je pense que c'était en automne, en août ou en septembre 1990. Le
10 référendum a lieu, le référendum pour la SAO de Krajina, donc je me
11 souviens de cette période. Ce référendum a duré entre 10 et 15 jours.
12 Entre-temps, j'ai fait un voyage, et quand je suis rentrée, le référendum
13 toujours a eu lieu, et le référendum a eu lieu sur le territoire des
14 municipalités de la Dalmatie du nord, de Lika, donc Knin, Obrovac,
15 Benkovac, Korenica, Gracac, toutes ces municipalités serbes également, et
16 cetera. Il s'agissait de ce référendum-là qui, à l'époque, a été organisé
17 pour la création de la SAO de la Krajina de l'époque.
18 Q. Je vous remercie. Vous avez mentionné la SAO de Krajina. Savez-vous
19 quand, ou vous souvenez-vous de la période pendant laquelle -- quelle
20 partie de l'année cette décision portant sur la création de la SAO de
21 Krajina a été rendue ?
22 R. Je pense que la SAO de Krajina a été proclamée le
23 21 décembre 1990. C'est une date que j'ai retenue.
24 Q. Lorsqu'on dit la "constitution de Noël", à quoi pensez-vous lorsqu'on
25 dit la "constitution de Noël" ?
26 R. La constitution de Noël, pour moi et pour beaucoup d'entre mes amis,
27 c'est quelque chose qui est affreux. C'est la constitution que la Croatie a
28 adoptée à l'époque, et le HDZ, qui a été menée par le HDZ à l'époque. Sans
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1 cette constitution, le peuple serbe en Croatie n'était plus un peuple
2 constitutif et le statut de la nationalité -- de la minorité nationale lui
3 a été accordé. C'était quelque chose que nous tous, nous avons vu comme une
4 chose difficile, pour nous.
5 Q. Vous dites : Nous tous, nous avons vécu cela de façon pénible. Pouvez-
6 vous nous dire brièvement pourquoi cela a été difficile pour vous, pour la
7 population ? Vous parlez de la situation qui prévalait à Knin.
8 R. Tout simplement, c'était le territoire sur lequel jusqu'alors les
9 Serbes représentaient un peuple constitutif. Soudainement, ce peuple a
10 obtenu le statut d'une minorité nationale. Je ne suis pas née sur ce
11 territoire. C'est justement pour cela que j'ai écouté avec attention tout
12 ce qui s'était passé sur ce territoire et je me suis intéressée à savoir
13 tout ce qui s'est passé sur ce territoire. Il s'agissait d'un signe pour le
14 peuple serbe. Je vous dis cela en mon propre nom. Le peuple serbe a
15 commencé à avoir peur. Cela a provoqué une grande peur au sein du peuple
16 serbe sur ce territoire.
17 Q. Je vous remercie. La peur ou l'appréhension de qui ou de quoi ? Pouvez-
18 vous nous dire brièvement cela ? Je vous prie encore une fois de parler un
19 peu plus lentement, s'il vous plaît.
20 R. Il s'agissait de la peur de voir les événements qui sont survenus
21 pendant la Deuxième Guerre mondiale se répéter, se réitérer encore une fois
22 sur le même territoire.
23 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'au cours de l'année 1991, vous exerciez une
24 fonction au sein du comité électoral ?
25 R. Oui. Par une décision après les événements survenus à Plitvice, après
26 l'affrontement à Plitvice, si je me souviens bien, le comité exécutif -
27 c'est comme cela qu'on appelait cet organe - de la SAO de Krajina, a rendu
28 une décision comportant sur l'organisation du référendum. L'assemblée de la
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1 SAO de Krajina, j'ai participé à processus. Je peux vous dire des choses
2 là-dessus parce que j'ai participé à cela. L'assemblée de la SAO de Krajina
3 s'était tenue le 14 avril 1991. Lors de cette assemblée, le texte a été
4 adopté, le texte sur lequel on votait. J'ai été élue présidente de la
5 commission centrale pour les élections qui allait s'occuper des élections
6 organisées sur tout le territoire la SAO de Krajina.
7 Q. Je vous remercie. En tant que présidente du comité central chargé des
8 élections, vous avez organisé le référendum en 1991 ?
9 R. Oui, c'était le 12 mai 1991, sur le terrain de la SAO de Krajina. La
10 législation fédérale a été appliquée. Il s'agissait de la loi fédérale sur
11 la nomination et la révocation des députés. C'était le 12 mai 1991. Et en
12 tant que présidente du comité électoral, il s'agissait d'un court délai
13 pour imprimer tout le matériel électoral, pour rendre visite à toutes les
14 municipalités, pour désigner les membres de tous les autres comités
15 électoraux, et cetera.
16 Q. Je vous remercie. On va parler de cela un peu plus tard.
17 Lorsque vous avez parlé de vos activités en tant que présidente du comité
18 central chargé des élections, vous avez mentionné les événements survenus à
19 Plitvice. Pouvez-vous les situer dans une période de temps un peu plus
20 précisément, si vous vous en souvenez, et pouvez-vous nous dire ce que vous
21 savez sur ces événements en une ou deux phrases, s'il vous plaît ?
22 R. Je ne connais pas la date exacte, mais je sais que c'était à Pâques
23 orthodoxe en 1991, et je ne me souviens pas de la date parce que cela
24 change tous les ans. Je pense que c'était au mois d'avril, à Pâques
25 orthodoxe, où les affrontements entre la police et le peuple ont eu lieu,
26 donc le peuple de la Krajina et les policiers croates, après quoi, la
27 décision portant sur le référendum a été rendue.
28 Q. Je vous remercie.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer un document
2 maintenant sur le moniteur de la liste de l'Accusation 65 ter qui porte le
3 numéro 62.
4 Il s'agit du document que j'ai demandé qu'il soit affiché sur le moniteur,
5 mais j'ai fait une erreur par rapport au numéro du document. Ce qui
6 m'intéresse, c'est la décision portant sur l'organisation du référendum du
7 30 avril 1991. Il s'agit du document qui porte le numéro 02141880; c'est la
8 version en B/C/S. Est-ce qu'on peut afficher ce document sur le moniteur ?
9 Je m'excuse d'avoir cité le numéro qui n'était pas bon.
10 M. WHITING : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de la pièce à
11 conviction portant la cote 144.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je remercie mon collègue.
14 Q. Est-ce que vous voyez sur votre moniteur le document que j'ai
15 mentionné, Madame Vujanic et pouvez-vous nous dire ce que représente ce
16 document ?
17 R. Il s'agit de la décision de l'assemblée de la SAO de la Krajina qui a
18 eu lieu le 30 avril. J'ai retenu cette date du
19 14 avril, je ne sais pas pourquoi. Selon cette décision, il fallait
20 organiser le référendum. Ici, nous pouvons voir le texte de la décision. Je
21 suppose qu'il s'agit de cette décision-là.
22 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez organisé le référendum en
23 discutant des points qui figurent dans cette décision ?
24 R. Oui.
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je interrompre votre
27 interrogatoire pour qu'on puisse consigner au compte rendu qu'il s'agit en
28 effet de la pièce à conviction portant la cote 148.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction qui
2 porte la cote 148. Je suppose qu'il s'agit de la cote du document.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce que le Greffier m'a dit.
4 M. WHITING : [interprétation] Je vois que c'est comme cela dans mes notes.
5 Je m'en excuse. Je m'excuse de vous avoir donné une information erronée.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting.
7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir l'article numéro
8 3 de cette décision.
9 Q. Est-ce que dans l'article 3 de la décision figure la question qui a été
10 posée lors du référendum ?
11 R. Je n'ai pas compris votre question jusqu'à la fin.
12 Q. Est-ce que dans l'article 3 figure la question qui figurait sur les
13 bulletins lors du référendum ?
14 R. Oui.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] On n'a plus besoin de ce document.
16 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement quelle était la tâche du comité
17 central chargé du référendum sur le plan organisationnel et technique ?
18 Quelles étaient vos tâches et sur quels règlements vous vous êtes appuyée
19 pour le faire ?
20 R. La tâche du comité central chargé du référendum était de préparer de
21 façon technique tout le matériel nécessaire, de nommer les membres des
22 comités électoraux sur le territoire de toutes les municipalités. La loi
23 fédérale a été appliquée à ce moment-là. Le comité central qui a été
24 désigné par l'assemblée de la SAO de la Krajina avait pour tâche, en
25 s'appuyant sur les informations -- ce comité était composé de trois membres
26 : j'étais présidente et j'avais donc deux autres membres, l'un desquels
27 était mon adjoint. La tâche de ce comité était la suivante : il fallait
28 nommer les membres de comités électoraux dans toutes les municipalités. La
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1 municipalité devait proposer les candidats à être nommés au sein de ces
2 comités. Ces comités électoraux devaient nommer les sous-comités
3 électoraux. Ensuite, les documents, il fallait les faire imprimer dans une
4 entreprise qui s'appelait Mladostaknin [phon]. Il s'agissait des annonces,
5 des procès-verbaux, des réunions des comités électoraux, du comité central,
6 et cetera. Avec un certain nombre de membres de ces comités, je me suis
7 rendue dans presque toutes les municipalités pour rencontrer les gens qui
8 ont été chargés d'organiser le référendum et pour leur parler de la
9 procédure. Il s'agissait d'une période très courte pour préparer tout cela.
10 Il fallait organiser vite tout cela, et surtout sur le plan technique.
11 En tant que présidente du comité central chargé du référendum, avec un
12 certain nombre de membres de ce comité, je me suis rendue dans toutes les
13 municipalités où j'ai parlé avec les gens en leur disant que nous allions
14 leur envoyer tout le matériel nécessaire pour le référendum, excepté la
15 municipalité de Pakrac. Nous ne pouvions pas nous rendre à Pakrac, parce
16 qu'on nous a dit que la situation n'était pas sûre.
17 Q. Lorsque vous dites : Je me suis rendue dans toutes les municipalités,
18 dites-nous à quelles municipalités vous avez pensez.
19 R. Knin, Benkovac, Obrovac, c'est la Dalmatie du Nord, et ensuite, à Lika,
20 Korenica, Gracac, Crk, et ensuite, Vojnic, Dvor Na Uni, Glina, Kostajnica
21 et la municipalité de Pakrac. On ne pouvait pas se rendre à Pakrac, parce
22 qu'il y a eu des incidents là-bas et on ne pouvait pas nous assurer la
23 sécurité.
24 Q. Qui a préparé les bulletins et les informations concernant le
25 référendum ? Qui a distribué ce matériel et qu'est-ce qui s'est passé après
26 le référendum quant à ce matériel ?
27 R. Le comité central chargé des élections a préparé tout cela, et j'étais
28 présidente de ce comité. Les bulletins, le président de la SAO de Krajina,
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1 feu Dr Milan Babic m'a donné un exemplaire de ce bulletin. Donc il l'a
2 rédigé lui-même et ce bulletin avec les procès-verbaux des réunions des
3 comités électoraux, des commissions électorales et des affiches portant le
4 texte figurant sur le bulletin, nous avons ordonné que tout cela soit
5 imprimé dans l'imprimerie et nous nous sommes rendus dans les
6 municipalités. Nous avons distribué ce matériel dans toutes ces
7 municipalités. Parfois, on l'envoyait parfois on le mettait dans le coffre
8 de nos voitures.
9 Q. Je vous remercie. Qu'est-il advenu de ces bulletins, de ces procès-
10 verbaux, et cetera ?
11 R. Une fois le référendum fini, en tant que président du comité électoral,
12 j'ai fait rapport à l'assemblée de la SAO de Krajina, qui m'a nommée
13 président de ce comité électoral. Donc j'ai fait rapport de façon verbale
14 et il y a eu par la suite un rapport écrit. Un incident a eu lieu, par
15 exemple dans la municipalité de Pakrac, il n'y avait pas de comité
16 électoral. Le SDS a organisé les élections et le comité électoral a décidé
17 d'accepter les résultats des élections. Le représentant n'était pas
18 content. Ils ont demandé à ce qu'on révoque, et cetera.
19 Q. Qui a été -- qui avait le droit de participer au référendum, le droit
20 de votre en fait ?
21 R. Il s'agissait de tous les citoyens majeurs de la SAO de Krajina dont le
22 domicile se trouvait sur le territoire de la SAO de Krajina ou la
23 résidence permanente.
24 Q. Je vous remercie. Est-ce que le référendum a été organisé sur tout le
25 territoire de la SAO de Krajina ?
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, s'il vous plaît,
27 ralentissez un peu. Je vous remercie. Il est très difficile aux interprètes
28 de travailler.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais essayer de parler plus
2 lentement.
3 Q. Est-ce que le référendum a été tenu sur tout le territoire de la SAO de
4 Krajina et quelle était la participation ?
5 R. Le référendum a eu lieu dans toutes les municipalités que j'ai déjà
6 énumérées. Le taux de participation était presque à 100 %. Mais quand même
7 on a eu un problème qu'on a résolu au cours du référendum. Sur le
8 territoire de ces municipalités il y avait un grand nombre de Serbes qui
9 voulaient voter et pour qu'il n'y ait pas d'incident, nous nous sommes mis
10 d'accord au sein du comité électoral pour recommander, pour donner des
11 instructions aux comités électoraux au niveau municipal, de donner,
12 d'enregistrer tous ces citoyens sur une liste séparée.
13 Q. Cela me suffit. Je vous remercie. Pour comprendre ce que vous venez de
14 dire, en fait, vous avez dit tout à l'heure que tous les citoyens majeurs
15 qui avaient leur résidence permanente sur le territoire des municipalités
16 où on votait avaient le droit de vote, mais vous avez dit qu'il y avait
17 d'autres citoyens qui voulaient voter et on leur a permis de voter. Pouvez-
18 vous nous expliquer cela ?
19 R. Il y avait un certain nombre de personnes qui vivaient à Sibenik, à
20 Zadar et à Karlovac à Zagreb, qui venaient dans leur municipalité où ils
21 avaient leur résidence pour voter mais, selon la législation en vigueur,
22 ils n'avaient pas le droit de vote, ils venaient et on ne pouvait pas leur
23 dire qu'ils ne figuraient dans les documents principaux concernant les
24 élections ou les listes électorales.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre,
26 Madame. S'il vous plaît, dites à la Chambre ce que cela veut dire, "citoyen
27 majeur," quel était donc l'âge pour pouvoir être majeur ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les citoyens qui avaient 18 ans étaient
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1 majeurs.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et qui étaient ces gens-là qui
3 voulaient se présenter aux urnes, qui n'avaient pas ce droit ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient les gens qui originairement venaient
5 de ces territoires municipaux où le référendum avait lieu, mais voilà que
6 ces gens-là se trouvaient domicilié ailleurs, dans les municipalités de
7 Zadar, Karlovac, et cetera, mais qui voulaient venir se présenter aux urnes
8 pour voter dans leur municipalité d'origine. C'était contraire à la loi.
9 Nous les avons fait entrer évidemment dans ce matériel électoral, ceci n'a
10 pas vraiment répercuté sur les résultats finaux des élections. Par
11 conséquent, tout simplement c'était quelque chose qui s'était passé pendant
12 la période de ces élections.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Combien ils étaient,
14 parlez-vous en pourcentage ? Quel était disons le pourcentage, vous parlez
15 par rapport de la population, du total que ces gens-là pourraient
16 constituer.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne m'en souviens
18 pas, peut-être que dans la municipalité de Benkovac, il s'agissait peut-
19 être de 4 300 personne, un chiffre du genre ou 4 500 disons de ces
20 personnes-là. Ils étaient au nombre de 4 500, le chiffre variait
21 évidemment.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Poursuivez, Maître.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Pour ne pas que cette question demeure mal définie pour le compte rendu
25 d'audience, dites-nous pour ce qui est des urnes, les bureaux de vote où
26 les gens devaient se présenter aux urnes, étaient-ils dotés de listes
27 électorales ?
28 R. Oui, bien entendu. Je le confirme avec certitude et responsabilité.
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1 Q. Très bien. Qui sont les gens dont les noms figuraient sur ces listes
2 électorales ?
3 R. Les listes électorales comprenaient les noms de tous les citoyens
4 majeurs qui habitaient dans le territoire des municipalités respectives.
5 Concrètement je pourrais vous dire --
6 Q. Merci, ça va. Donc y figuraient sur ces listes électorales tous les
7 citoyens ayant leur domicile permanent dans la municipalité en question,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Une fois le référendum terminé, quels étaient les résultats affichés
11 comme résultats officialisés ?
12 R. Il a été officialisé, affiché, le résultat tel qu'il s'était présenté.
13 Le comité électoral central a recueilli toutes les listes, tout le
14 matériel, d'abord ce sont les comités électoraux municipaux qui s'en
15 occupent pour faire passer les listes et les matériels électoraux vers le
16 comité central. C'est ainsi que nous avons obtenu une donnée. Je crois que
17 c'était comme cela.
18 Q. Merci. Cela suffit. Vous disiez tout à l'heure que les électeurs qui ne
19 pouvaient pas avoir une résidence permanente dans les municipalités où le
20 référendum a été organisé, vous les avez enregistrés ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous n'avez pas voulu les refuser encore que ceci ne faisait pas partie
23 de résultat officialisé ?
24 R. Lorsque ces gens-là se présentaient aux urnes, c'est ad hoc qu'on
25 dressait une liste, moyennant laquelle liste on leur a permis d'expliquer
26 et d'exprimer leur vote, leur volonté. Mais en tout cas, eux ne figuraient
27 pas, leurs noms ne figuraient pas dans les matériels électoraux qui, en
28 vertu de la loi, le leur permettaient.
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1 Q. Merci.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'espère que maintenant je voudrais
3 demander la pièce à conviction 163. Il s'agit de résultats de ce référendum
4 en vue de la SAO de la Krajina du mois de mai 1991. Ainsi, de ceci devrait
5 figurer, je voudrais demander qu'on le présente sur le rétroprojecteur.
6 Q. Madame Vujanic, qu'est-ce que vous lisez en haut à gauche ?
7 R. Je lis : La République socialiste fédérative de Yougoslavie. La SAO de
8 la Krajina à l'assemblée municipale de la SAO Krajina, commission centrale,
9 et cetera.
10 Q. Je vous en prie, ménagez un peu nos interprètes.
11 R. Nous lisons en haut à gauche : La République fédérative socialiste de
12 Yougoslavie. La SAO de la Krajina, assemblée de la SAO de la Krajina.
13 Comité électoral central chargé du référendum dans le domaine du territoire
14 de la SAO de la Krajina, numéro 27/91. Knin, en date du 14 mai 1991. Voilà
15 ce que nous lisons. Il s'agit d'ailleurs de la date qui coïncide avec le
16 rapport officiel du comité électoral.
17 Q. Penchez-vous sur la page 6 du document.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il s'agit du numéro 02141859. En B/C/S,
19 il s'agit du numéro 6 du document.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En version anglaise, nous n'avons que
21 cinq pages, par conséquent, numéro 5.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il s'agit de la toute dernière page du
23 document.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Essayons de voir le document en bas de
26 la page, la fin même du document.
27 Q. Qui est le rapporteur de ce rapport ?
28 R. C'est le président de la commission, moi-même, et Borka Lalic, qui est
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1 membre de comité, et Dusan Vjestica, aussi un membre de comité. Je m'en
2 tiens absolument à ce que ce document reflète. J'ai travaillé à la tête de
3 cette commission, de ce comité, et ainsi avons-nous rapporté.
4 Q. Merci. Ce document reflète-t-il un document officiel du comité
5 électoral central officiel ?
6 R. Oui, certainement. Ce que nous voyons ici. Mais il s'agit de parler de
7 document plutôt où sont apposées nos signatures originales. Mais pour
8 parler du texte que le document contient, c'est ce que nous lisons
9 maintenant.
10 Q. Merci.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je voudrais demander le versement au
12 dossier de ce document, si cela n'est pas encore fait, en tant qu'élément
13 de preuve offert par le conseil de la Défense.
14 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, on vient de me
16 rappeler que ceci figure déjà au dossier, au numéro 149, la cote 149.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Je demande tout simplement au Greffier d'audience de me faire un signe de
19 la tête tout simplement pour dire que ceci est chose faite. Et je le
20 remercie par avance.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. D'abord, vous devez faire un
22 signe de la tête à son égard pour que lui, Greffier d'audience, en fasse
23 autant.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est qu'avant je n'avais rien à offrir
25 pour être versé au dossier.
26 Q. Madame, est-ce que les médias ont tous suivi de très près la tenue de
27 ce référendum ?
28 R. Oui. Oui, et comment. Sans exagérer, ce jour-là, le 12 mai, d'après mes
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1 estimations, environ 150 journalistes nationaux et étrangers y étaient. Il
2 y avait beaucoup d'étrangers parmi les journalistes.
3 Q. Merci. Est-ce que lors de la tenue du référendum il y aurait eu des
4 incidents ou des irrégularités ?
5 R. Non.
6 Q. Merci. Après le référendum, y a-t-il eu une délégation qui a été
7 dépêchée pour informer qui de droit de tout cela ?
8 R. Etant donné les questions qui ont été libellées sur les bulletins, il y
9 avait une délégation qui était nommée. J'étais à la tête de cette
10 délégation, devant l'assemblée de la République de Serbie. Il y avait Lazar
11 Macura à mes côtés et Mme Jasminka, dont le nom de famille m'échappe, qui
12 était présidente de la municipalité de Gracac.
13 Q. Merci. Merci. Vous dites une délégation a été formée, qui devait être
14 dépêchée à Belgrade pour en informer l'assemblée de la République de
15 Croatie. Qui a pris la décision portant nomination de cette délégation ?
16 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'est au même moment où nous avons
17 dû faire rapport à l'assemblée.
18 Q. Merci.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on présente
20 au titre de la liste de l'Accusation, au titre de l'article 65 ter, à
21 savoir l'élément de preuve numéro 64. Si nous pouvons relever un petit peu
22 le texte, oui.
23 Q. Madame Vujanic, voulez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de ce
24 qui suit. Qui c'est qui adopte cet acte et quelle en est la conclusion ?
25 Faites-le lentement, s'il vous plaît.
26 R. "En vertu de l'article 9 du statut de la SAO de la Krajina (journal
27 officiel de l'assemblée de Knin numéro 1/91) l'assemblée de la SAO de la
28 Krajina, à sa seconde réunion tenue le 16 mai 1991, adopte la conclusion
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1 suivante portant nomination du groupe de députés pour soumettre à
2 l'assemblée nationale de la République de Serbie sous forme de rapport de
3 la commission chargée du référendum de la SAO de la Krajina."
4 R. Merci, merci.
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] S'il vous plaît, de la régie technique,
6 faites-nous voir la seconde moitié du document. Faites défiler le texte.
7 Oui. Encore un petit peu pour qu'on puisse voir la fin du texte.
8 Q. Madame, votre nom figure-t-il sur la liste des personnes qui ont été
9 nommées, et dites-nous qui c'est qui a signé ce document ?
10 R. Oui. C'est au numéro 5 qu'il a été dit que je suis présidente de la
11 commission. On peut y lire mon nom. Et je crois que c'est M. Velibor
12 Matijasevic, président de l'assemblée de la SAO de la Krajina, qui a signé
13 ce texte.
14 R. Merci.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne sais pas si ce document a été
16 versé au dossier lors du procès. Cependant, si tel n'est pas le cas, je
17 propose à M. le Président que ce document soit versé au dossier en tant que
18 pièce à conviction du conseil de la Défense.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le texte de ce document et le document
20 ont été adoptés. Quelle en serait la cote, Monsieur le Greffier ?
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
22 cote 954, octroyée à cette pièce à conviction.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
25 Q. Cette délégation s'est-elle rendue à Belgrade pour informer l'assemblée
26 de la République de Serbie des résultats du référendum ?
27 R. Oui.
28 Q. Quand et que s'est-il passé à Belgrade ? Allez-y lentement, s'il vous
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1 plaît, pour ménager un peu nos interprètes qui doivent être déjà fatigués ?
2 R. Si ma mémoire est bonne, ceci s'est passé vers le 20 mai -- excusez-
3 moi, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les juges, si je ne me
4 souviens pas bien. Vers et autour du 20 mai, nous avons été reçus dans le
5 bâtiment de l'assemblée serbe où nous avons été accueillis par des
6 représentants des partis d'opposition. Je me souviens qu'il y avait M.
7 Micunovic, à cette époque-là à la tête du Parti démocratique; il y avait un
8 M. Milan Komljenic, du parti SPO; il y avait un écrivain, M. Rakovic, et
9 cetera.
10 Q. Pour vous interrompre pour une seconde, s'il vous plaît. Est-ce que
11 vous vous rappelez les noms des autres membres de la délégation qui vous
12 ont suivi là-bas ?
13 R. Oui.
14 Q. M. Macura était-il avec vous ?
15 R. Oui, bien entendu.
16 Q. Est-ce que vous avez fait rapport devant l'assemblée de la République
17 de Serbie de ce qui était advenu ?
18 R. Non, malheureusement pas, parce que nous sommes venus le soir. Nous
19 étions pendant longtemps à dîner avec des gens du parti d'opposition et des
20 autorités officielles. Nous avons été reçus au cabinet de président de
21 l'assemblée de Serbie, Vukovic. Il était malade. Il y avait le vice-
22 président de l'assemblée de Croatie, Buropet Petrovic [phon] et Pavic
23 Obradovic [phon]. Nous n'avons pas pu être reçus dans la salle des députés
24 où la réunion de l'assemblée, la session de l'assemblée a eu lieu. J'ai
25 demandé tout simplement qu'on nous laisse entrer, parce qu'on ne devait
26 prendre aucune décision. Les sessions étaient diffusées par la télévision.
27 Nous avons voulu tout simplement envoyer un message au peuple qui écoutait
28 à la télévision, spectateurs qui regardaient tout cela.
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1 Q. Est-ce qu'on vous a permis d'entrer en salle de l'assemblée de Serbie ?
2 Comment tout cela s'était terminé ?
3 R. Non, non. Deux journées entières, nous étions là-bas. On nous a même
4 fait manger dans le cabinet du président de l'assemblée, Unkovic, parce que
5 le réfectoire n'était pas loin.
6 Q. Merci. Est-ce que cela veut dire que vous n'avez pas pu faire rapport
7 devant l'assemblée de la Croatie sur les résultats du référendum ?
8 R. Non, non. J'ai vu qu'on en traitait tout le temps et après, on disait
9 que non, c'est le chef qui ne le permet pas. J'ai dit : Quel chef ? Bien,
10 Milosevic, et cetera. Nous sommes rentrés bredouilles. Nous n'avons pas pu
11 avoir -- voir au chapitre devant l'assemblée. Nous n'avons pas voulu de
12 résolutions, pas de décisions à prendre, mais je voulais tout simplement
13 faire rapport sur ce que le peuple de Krajina a voulu dire et avoir.
14 Q. Fort bien. Comment ont réagi les membres de votre délégation ? Quelle
15 était leur disposition d'esprit ? Le saviez-vous ?
16 R. Tout le monde a réagi en affichant son mécontentement, pour ne pas dire
17 que nous avons été ulcérés.
18 Q. Merci. Etait-ce pour la première fois pour vous de vous rendre à
19 Belgrade ? Vous dites c'était vers le milieu du mois, vers la mi-mai, ou en
20 1991. Est-ce que vous vous rendiez à Belgrade avant ?
21 R. Je ne peux pas me rappeler quand, mais je sais que je me suis rendue à
22 Belgrade au temps où Borisav Jovic a été président de la présidence.
23 Q. Merci. Si vous pouvez le faire, situez-nous dans le temps, en cours de
24 ces années-là. Quand c'est que vous vous êtes rendue à Belgrade ? Qui vous
25 a invité et qui vous a rencontré à cette occasion-là ?
26 R. Je crois que je ne me rappelle pour dire que c'était Borisav Jovic qui
27 était là, parce qu'il était de retour de son voyage en Amérique. On
28 pourrait peut-être se rappeler son voyage pour dire de quelle date il
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1 s'agissait. Mais beaucoup de temps s'est écoulé depuis. Je ne me suis pas
2 préparée évidemment à sortir de ma mémoire toutes ces dates. Je crois que
3 vers minuit, ce jour-là, j'ai été convoquée -- appelée par le feu Milan
4 Babic, parce que lui savait qu'il devait y avoir une délégation, aussi, qui
5 était à Belgrade. Il m'a demandé de venir le voir. Il a été une délégation,
6 a-t-on dit, que les Serbes de la Krajina exigeaient être -- d'être reçus
7 par la présidence de Yougoslavie. J'ai dit : Ecoutez, pourquoi voulez-vous
8 que je le fasse ? Je ne m'occupe que de ma profession. On m'a
9 répondu : On voulait que ce ne soit pas une œuvre de politicien, mais
10 quelqu'un de professionnel pour dire de quoi il s'est agi. C'est ainsi que
11 le choix était fait. Ceci devait être à moi et Nebojsa Mandinic.
12 Q. Est-ce qu'il n'y avait que vous et Nebojsa Mandinic ou peut-être
13 d'autres personnes qui vous ont suivies pour vous rendre à la présidence de
14 la Yougoslavie à Belgrade ?
15 R. Pour parler du bâtiment de la présidence, il y avait le feu Milan Babic
16 et les représentants de sa structure de différentes municipalités
17 respectivement, de personnes représentant chacune des municipalités.
18 Q. Merci. Vous dites M. Babic vous a dit que chaque municipalité devait
19 être représentée par deux personnes. De quelles municipalités il
20 s'agissait ? Dites-nous.
21 R. Je parle des municipalités dalmates, de celles de Lika. Lorsqu'on m'a
22 dit comme cela, c'est dans ces termes-là que j'ai compris. Or, chez M.
23 Jovic, laquelle réunion a été fixée pour 10 heures, son avion était en
24 retard, ce n'est que vers 13 heures que nous avons été reçus. Il y avait
25 aussi, entre autres, la convocation d'une réunion de la présidence à 11
26 heures et nous avons constaté qu'il y avait beaucoup de gens de Slavonie,
27 du Kordun, toute la Slavonie occidentale et orientale. Nous étions une
28 trentaine de personnes, si je ne m'abuse pas.
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1 Q. Merci. Est-ce que je vous ai bien compris, Madame. Vous êtes à
2 Belgrade, à une réunion au sein de la présidence de la Yougoslavie, avec
3 Borisav Jovic, président de la présidence, où il y avait une trentaine de
4 représentants municipaux de différentes municipalités qui venaient de
5 Slavonie, de Kordun, Banija, Lika, Dalmatie, et cetera.
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. Quel était l'objet de vos conversations avec M. Jovic ?
8 R. Si vous voulez savoir mon sentiment personnel, je voulais vous dire que
9 c'était comme si on voulait avoir une épaule sur laquelle on devait
10 pleurer. Tous ces gens-là qui sont venus de là-bas, c'est-à-dire d'Okucani,
11 de Pakrac, de Slavonie, et cetera, ils étaient nombreux, ces gens-là, de
12 ces municipalités que ce qui serait de la mienne, municipalité.
13 Q. Merci. De quoi ont-ils fait part, ces gens-là, qui représentaient ces
14 différentes municipalités ? Allez-y lentement, s'il vous plaît.
15 R. Les gens étaient mis à pied, licenciés, des Serbes travaillant dans
16 différentes institutions. Je ne sais plus s'il s'agissait, par exemple, de
17 la municipalité de Pakrac, où un médecin nous a parlé de ses confrères qui
18 étaient mis à pied, qui était père de deux enfants, qu'il avait été emmené
19 quelque part pendant 15 jours. On ne savait plus rien de lui. J'ai été
20 ébahie, parce que je pensais tout simplement qu'il s'agissait de sentiments
21 dont on fait part individuellement à quelques-uns de ces gens-là, à cette
22 réunion. Voilà le sentiment qui était le mien. Nous avons tous raconté ce
23 que nous avons à dire. Chacun de nous avait son histoire à lui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, s'il vous plaît, pouvez-vous
25 vous concentrer sur la question qui vous est posée, pour essayer de
26 répondre à la question telle qu'elle est posée. La question qui vous a été
27 posée était la suivante : Les représentants de ces différentes régions,
28 qu'ont-ils dit exactement lors de cette réunion ? Ne nous parlez plus de
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1 Pakrac, ne nous dites pas que des gens ont été déplacés ou expulsés. Dites-
2 nous, s'il vous plaît, très exactement, ce que ces gens-là ont-ils dit lors
3 de cette réunion avec M. Jovic.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] A cette réunion avec M. Jovic, ces gens-là ont
5 fait part de ce qui s'était passé dans ces différentes régions qui étaient
6 les leurs. Si je peux ajouter, le tout était enregistré par des mass media.
7 Ceci aurait dû être diffusé. Je ne m'en souviens plus, pour parler de
8 détails.
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, suis-je autorisé
10 à poser peut-être encore une question ? Nous avons deux ou trois minutes à
11 notre disposition. Je vous remercie.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, allez-y.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
14 Q. Vous dites, Madame, que vous avez été ébahie, sidérée d'entendre parler
15 tous ces gens-là. Que disaient-ils en parlant ? Vous avez évoqué un cas
16 pour dire ce qui se passait dans ces différents territoires. Mais qu'est-ce
17 qui s'est passé ? Quel est le tableau général qui a été brossé dans les
18 propos par rapport à ces gens-là ? Quelle était votre impression générale
19 et personnelle ?
20 R. On a parlé de persécution généralisée de Serbes qui étaient licenciés.
21 Ils ont dit aussi qu'on demandait à des Serbes de signer un serment
22 d'allégeance. Ce qui était saisissant pour moi, c'était le cas de ce
23 médecin qui a parlé de son confrère. Puis après, reflétaient-ils, ces gens-
24 là leur appréhension de voir des crimes se reproduire, tels des crimes
25 datant de la Seconde Guerre mondiale. Voilà le sujet et leurs propos.
26 Q. Merci. Vous dites appréhension, mais comment justifiaient-ils leur
27 appréhension, leur peur ?
28 R. Ecoutez, pour justifier leur peur, c'est qu'ils avaient peur de voir se
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1 reproduire les événements de la Seconde Guerre mondiale, que ceci ne devait
2 être une espèce de récidive où les Serbes étaient des victimes, on en sait
3 long.
4 Q. Vous avez dit qu'il y avait un homme qui avait tel ou tel nom et
5 prénom, qui était mis à pied, mais porté disparu, qu'il a été emmené. De
6 quelle nationalité était-il d'abord cet homme-là et dans quelles
7 circonstances a-t-il disparu ?
8 R. Il s'agit plutôt de propos de quelqu'un de cette délégation. C'était un
9 médecin, je ne sais plus s'il était de Pakrac, qui lui a dit qu'un des ses
10 confrères, médecin à Ursi [phon], avait été emmené par des agents de police
11 croate et que depuis, 15 journées se sont écoulées, entières, sans que l'on
12 puisse savoir ce qu'il était advenu de lui. Il a parlé donc des agents de
13 police croate, et cetera.
14 Q. Merci. Vous dites qu'il a été emmené et il n'y était plus, il a
15 disparu ? C'est ce que vous voulez dire ?
16 R. Oui.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
18 le Juge, je crois que nous avons par-là même épuisé les travaux en audience
19 aujourd'hui, l'heure nous l'apprend.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Vous avez
21 tout à fait raison de le dire, nous levons l'audience d'aujourd'hui. Nous
22 nous revoyons en audience lundi prochain à 14 heures 15 minutes dans la
23 salle d'audience numéro II, pas dans cette salle d'audience-ci.
24 L'audience est levée.
25 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le lundi 18 septembre
26 2006, à 14 heures 15.
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