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1 Le jeudi 21 septembre 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 LE TÉMOIN: STEVE PLEJO [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais juste vous rappeler que
11 vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez faite
12 au début de votre déposition, à savoir de dire la vérité, toute la vérité
13 et rien que la vérité. Est-ce que vous vous en souvenez ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr que je m'en souviens. Je vais
15 respecter cet engagement.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Monsieur Milovancevic, vous
17 pouvez poser vos trois dernières questions.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour.
19 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
20 Q. [interprétation] Bonjour, M. Plejo.
21 R. Bonjour.
22 Q. Dites-nous, la police pouvait-elle entrer dans la prison du district de
23 Knin, d'après la procédure qui existe ?
24 R. Non. Ils pouvaient entrer jusqu'à l'entrée. Nous avions une espèce de
25 hall d'entrée. C'est jusque-là qu'ils pouvaient emmener ces personnes, les
26 personnes qu'ils arrêtaient ou qu'ils escortaient, mais ils ne pouvaient
27 pas entrer dans la prison même.
28 Q. La police pouvait-elle faire sortir les détenus, les personnes
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1 capturées ?
2 R. Non.
3 Q. Ma dernière question réfère à trois personnes : le capitaine Dragan, M.
4 Mladic et M. Martic. Sont-elles passées par la prison ? Est-ce que ces
5 personnes ont eu accès aux prisonniers ?
6 R. Aucune des trois personnes mentionnées n'est jamais entrée dans la
7 prison.
8 Q. Ma dernière question. Il y a des témoins qui nous ont dit que les
9 gardiens de prison leur auraient raconté que certaines des personnes
10 étaient venues, seraient venues dans la prison.
11 R. Monsieur le Président, je suis ici sous serment et j'affirme en toute
12 responsabilité que jamais aucune de ces personnes n'était venue dans la
13 prison.
14 Q. Merci. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai terminé mon
17 interrogatoire principal.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est vous, Monsieur Whiting, qui
19 allez continuer ?
20 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
22 Contre-interrogatoire par M. Whiting :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Plejo. Je m'appelle Alex Whiting et
24 je suis un des Procureurs en l'espèce.
25 R. Bonjour.
26 Q. Je voudrais commencer par quelques questions au sujet de votre rôle de
27 gardien. Vous avez dit que vous étiez le gardien dans la prison de Knin à
28 partir du mois d'août 1991 et jusqu'à peu près le mois d'octobre 1992, avec
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1 une toute petite interruption à partir du moment où Nikola Kukavica a
2 assumé cette fonction; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez dit qu'en tant que gardien de la prison, enfin, chef de la
5 prison, vous aviez des contacts avec M. Matkovic et que vous lui avez même
6 proposé des actions ?
7 R. C'est vrai.
8 Q. Mais M. Matkovic savait que vous étiez le directeur de la prison depuis
9 le début du mois d'août 1991, n'est-ce pas ? Il le savait.
10 R. Non. Je n'étais pas le directeur avant cela. C'est à ce moment-là,
11 justement, que la prison du district de Knin avait été créée. J'ai été
12 nommé au poste du directeur à partir du moment --
13 Q. A partir du mois d'août 1991. Vous avez été nommé à ce poste à partir
14 du mois d'août 1991.
15 R. Oui.
16 Q. C'est M. Matkovic qui vous a nommé à ce poste ?
17 R. Oui.
18 Q. Jovica Novakovic n'était pas le directeur de la prison ?
19 R. Non.
20 Q. Il ne l'a jamais été, n'est-ce pas ?
21 R. Non, jamais.
22 Q. On va parler de ce poste, le poste de gardien, enfin, de directeur que
23 vous aviez. Vous avez dit que le chef de gardiens, tout d'abord Jovica
24 Novakovic, et ensuite Ilija Tauz, devait vous répondre à vous, n'est-ce pas
25 ?
26 R. Oui. Ils m'étaient subordonnés. Mais je ne pouvais pas les licencier ou
27 démettre de leurs fonctions, puisque c'était le ministre qui les avait
28 nommés à ce poste sur ma proposition. Il n'y avait que lui qui pouvait les
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1 démettre de leurs fonctions.
2 Q. C'est juste une question de subordination, donc essayez de vous
3 concentrer.
4 Vous avez dit qu'il vous appartenait de créer, de mettre en place une
5 procédure disciplinaire dans le cas où l'on ne respecterait pas les règles.
6 Vous pouviez être à l'origine de cette procédure disciplinaire.
7 R. Oui.
8 Q. Je n'avais pas besoin de m'adresser comme vous adressez les Juges.
9 Vous avez dit aussi que cette procédure disciplinaire pouvait être
10 entreprise ou commencée par une commission disciplinaire, mais que c'était
11 vous le directeur qui aviez le dernier mot à dire là-dedans.
12 R. Oui, c'est exactement comme cela.
13 Q. S'il y avait eu des mauvais traitements des prisonniers en 1991 et en
14 1992, ceci quotidiennement, si les conditions de détention n'étaient pas
15 appropriées pour détenir les gens dans cette prison à Knin, si la police de
16 la SAO Krajina avait le droit de venir à la prison pour passer à tabac et
17 maltraiter les prisonniers, dans ce cas-là, c'est vous en tant que
18 directeur de la prison qui auriez été tenu responsable de cela ? Parce que
19 si ces choses-là se sont vraiment passées, vous, vous n'avez jamais rien
20 fait pour l'empêcher; c'est vous qui auriez été tenu responsable de cela ?
21 R. Monsieur le Procureur, oui, effectivement, mais cela ne s'est jamais
22 passé.
23 Q. Est-ce que vous avez répondu à ma question ?
24 R. Mais cela ne s'est pas passé.
25 Q. Vous avez déjà répondu à ma question. En réalité, vous auriez pu être
26 poursuivi au pénal si ces choses s'étaient passées alors que vous, vous
27 étiez le responsable et vous n'avez rien fait pour les empêcher ?
28 R. Je ne sais pas si j'aurais pu être poursuivi au pénal, mais j'aurais
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1 été remplacé, cela c'est sûr, et j'aurais été remplacé de mon poste de
2 directeur de prison si de telles choses s'étaient effectivement produites,
3 s'il y avait eu des gens de l'extérieur qui seraient venus dans la prison.
4 Mais cela ne s'est jamais passé.
5 Q. Monsieur, si ces choses-là s'étaient passées alors que vous étiez le
6 responsable, vous l'auriez su et vous étiez au courant de ces choses-là,
7 n'est-ce pas ? Vous n'avez rien fait pour les punir, vous n'avez rien fait
8 pour les empêcher, et vous pourriez effectivement être poursuivi au pénal
9 en tant que criminel de guerre; vous le savez, n'est-ce pas ?
10 R. Mais je ne m'en défais pas. Je ne fuis pas ma responsabilité. J'ai tout
11 fait ce que j'ai pu faire.
12 Q. Répondez à ma question, s'il vous plaît. Vous savez que ces choses se
13 sont passées, se sont produites effectivement alors que vous, vous étiez le
14 responsable, sous vos yeux, et vous étiez au courant de cela.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le témoin a bien répondu. Mon collègue
18 du bureau du Procureur, il peut poser la question encore mille fois, mais
19 il a déjà répondu à la question. Il le maltraite. Je ne sais pas comment
20 appeler cela autrement. Ce n'est pas le boulot du Procureur que d'intimider
21 le témoin. A combien de reprises il va lui poser la question de savoir s'il
22 était un criminel de guerre ou non pour obtenir la réponse qu'il souhaite
23 obtenir ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'il était un criminel de guerre ?
25 Ecoutez, je ne comprends pas la dernière question que vous avez posée.
26 "Combien de temps le Procureur doit poser la question au témoin pour savoir
27 s'il était un criminel de guerre ou non, pour obtenir la réponse souhaite
28 obtenir ?" Ecoutez, le témoin a dit qu'il ne savait pas qu'il pouvait être
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1 poursuivi au pénal, et je pense que la dernière question était bien posée.
2 On peut juste attendre de voir ce qu'il a à dire.
3 M. WHITING : [interprétation] Oui, c'est vrai que j'ai un petit peu insisté
4 auprès du témoin, mais je ne pense pas que j'ai exagéré. J'ai un petit peu
5 insisté sur la dernière question, la dernière réponse que je souhaitais
6 obtenir parce qu'il a dit qu'il ne savait pas s'il pouvait être poursuivi
7 au pénal ou non. Je lui ai posé la question encore une fois. C'est vrai que
8 j'ai un petit peu insisté, mais je ne pense pas que j'ai vraiment exagéré.
9 Je ne lui ai pas demandé s'il était un criminel de guerre.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, j'ai tout à fait compris cela.
11 C'est la dernière question. La question était s'il savait qu'il aurait pu
12 être poursuivi au pénal.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président,
14 mais comment répondre à la question qui a été posée par le Procureur ? La
15 question aurait été logique si le témoin avait répondu : "Oui, je sais que
16 j'aurais été responsable de ce qui s'est passé, mais cela ne s'est pas
17 passé." Le Procureur ne prend pas cela en considération. Il essaie de
18 présenter sa thèse et de présenter les choses de la façon dont il pense
19 qu'elles se sont passées. Effectivement, il dit que le témoin aurait été un
20 véritable criminel de guerre si les choses qu'il prétend qui se sont
21 passées s'étaient vraiment passées.
22 Le témoin n'a laissé aucun doute. Il a dit un non définitif quant à
23 la chose que le Procureur présente qu'elle s'était vraiment passée. C'est
24 le Procureur qui insiste et qui présente son propre argument. Il demande
25 qu'est-ce qui se serait passé si la situation avait été différente.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic,
27 mais je pense que M. Whiting peut poser la dernière question.
28 M. WHITING : [interprétation] Merci.
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1 Q. Monsieur, pourriez-vous répondre à ma question ? Si vous saviez que ces
2 choses-là s'étaient passées, qu'il y a eu des abus dans la prison, que les
3 conditions n'étaient pas adéquates, qu'il y a eu des passages à tabac de la
4 police de la SAO Krajina, si toutes ces choses-là s'étaient passées dans la
5 prison de Knin alors que sous vos yeux et que vous étiez au courant de cela
6 et que vous n'aviez rien fait pour l'empêcher, si vous aviez fait tout
7 cela, est-ce que vous acceptez la possibilité que vous auriez pu être
8 poursuivi comme un criminel de guerre ?
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de répondre, est-ce que vous
10 êtes sûr d'avoir bien compris la question ? N'ajoutez rien, essayez de
11 répondre exactement à la question.
12 M. WHITING :
13 Q. Pourriez-vous répondre à la question, s'il vous plait, ou voulez-vous
14 que je la répète ?
15 R. N'importe qui peut être un criminel de guerre dans la guerre.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous arrêter. La question vous
17 a été posée. Vous répondez à cette question-là. Vous répondez à cette
18 question-là et à rien d'autre. N'ajoutez rien, s'il vous plaît. Ensuite, on
19 passe à la question suivante. La réponse, c'est quoi ? C'est "je le sais"
20 ou "je ne le sais pas". C'est aussi simple que cela.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je sais. J'en suis conscient.
22 M. WHITING : [interprétation]
23 Q. On va revenir sur le début de votre déposition quand vous avez parlé de
24 cette usine à Knin où vous avez travaillé, à Tvik. Vous avez dit qu'un jour
25 les employés croates ne se sont pas présentés à leur travail. Dans le
26 résumé de votre déposition, vous avez dit que ceci s'est produit en 1991,
27 que c'est en 1991 que les Croates ne sont pas venus travailler un jour,
28 tout simplement; est-ce exact ? Est-ce que cela s'est produit en 1991 ?
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1 R. Oui.
2 Q. Mais vous conviendrez que la population de la municipalité de Knin
3 comptait à peu près 92 % de Serbes et 8 % de Croates, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est à peu près cela.
5 Q. Saviez-vous qu'au mois de juillet 1990, M. Martic et autres ont pris
6 l'initiative d'organiser une pétition dans le cadre de la police de Knin
7 qui était contre les nouveaux badges qui étaient proposés et les nouveaux
8 uniformes ? Est-ce que vous avez entendu parler de cela ?
9 R. Je ne sais pas si tel était le cas. A l'époque, je travaillais à Tvik,
10 donc je ne sais pas qui était à l'origine de cette initiative. Je ne sais
11 pas qui a signé cela. Je n'avais pas de contact avec la police à l'époque.
12 Je n'avais rien à faire avec la police. Je travaillais ailleurs, dans une
13 usine.
14 Q. Monsieur, je vous ai demandé si vous avez entendu parler de cela. Est-
15 ce que vous avez entendu parler de cela ?
16 R. Non.
17 Q. Saviez-vous qu'au mois d'août 1990, Milan Martic avait dit publiquement
18 à la télé que la police du peuple de Knin n'allait pas écouter le
19 gouvernement croate ?
20 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit des pièces 4 et 5, Monsieur le
21 Président.
22 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de cela ? Est-ce que vous avez vu
23 cela à la télé ?
24 R. Non, je ne m'en souviens absolument pas.
25 Q. Vous habitiez Knin à l'époque, n'est-ce pas ?
26 R. J'étais à cinq ou six kilomètres de Knin, peut-être même 10, dans les
27 environs de Knin pour être plus exact.
28 Q. Dans quel village habitiez-vous ?
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1 R. Kosovo.
2 Q. Vous ne suiviez pas ce qui se passait à Knin, les déclarations de la
3 police, les barrages, tout ce qui s'est passé au mois d'août 1990 ?
4 R. Evidemment que j'ai suivi les barrages, parce qu'il y en a eu dans mon
5 village aussi, mais cela n'a rien à voir avec la première question que vous
6 m'avez posée.
7 Q. Mais dans les médias, vous n'avez pas suivi ce que racontaient les
8 dirigeants de Knin, Milan Martic, Milan Babic ? Vous n'avez pas suivi cela
9 ni regardé cela dans les médias ?
10 R. Non, Monsieur le Procureur.
11 Q. Les barrages, est-ce que vous avez participé à ces barrages ? Plutôt,
12 est-ce que vous avez participé à leur organisation ou est-ce que vous étiez
13 présent aux barrages ?
14 R. Mais oui, nous tous ensemble, les villageois, nous avions tous
15 participé à ces barrages.
16 Q. On ne va pas maintenant débattre du fait s'il s'agissait des barrages
17 organisés de façon spontanée ou non, mais vous savez, n'est-ce pas, que ces
18 barrages étaient organisés et dirigés par les Conseils de la Défense de la
19 résistance populaire ?
20 R. Je ne sais pas si qui que ce soit a dirigé cela. C'était une action
21 spontanée. Les gens érigeaient ces barrages partout dans les villages où il
22 y avait besoin. Je n'ai vraiment pas l'impression que c'était quelque chose
23 d'organisé, d'orchestré.
24 Q. Vous nous dites, comme en août, septembre, octobre, novembre, décembre
25 1990, tous ces barrages ont continué à être spontanés, à savoir non
26 organisés, sans directives ou directions d'ailleurs ?
27 R. Oui, j'imagine que oui. Vous savez, il y avait un barrage dans mon
28 village. J'étais à sept ou huit kilomètres de Knin, mais les villageois,
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1 ils avaient même mis un barrage à deux kilomètres de Knin, de sorte que
2 moi-même je ne pouvais pas me rendre à Knin. C'est cela qui me fait dire
3 que ce n'était pas organisé, parce que ce n'était pas logique à l'époque.
4 Nous ne pouvions suivre que la télévision croate. Les menaces étaient
5 réelles. Les gens avaient érigé ces barrages de façon spontanée, craignant
6 pour leurs villages, leurs voisins, leur famille.
7 Q. Monsieur, ce n'était pas ma question. Vous maintenez que d'après ce que
8 vous saviez, personne n'a organisé ou dirigé ces barrages entre le mois
9 d'août et le mois de décembre 1990 ? C'est ce que vous dites ?
10 R. Monsieur le Procureur, la municipalité de Knin est une grosse
11 municipalité. Je ne sais pas si quiconque a pris part à cela, je n'en sais
12 rien. Je ne connais pas le nom de ces personnes. En ce qui concerne mon
13 village, je sais que c'était quelque chose de spontané.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question qui vous a été posée est :
15 est-ce que dans l'état de votre déposition, vous affirmez que -- ? C'était
16 cela, la question qu'on vous a posée, donc essayez de répondre précisément
17 à la question. Ecoutez-la.
18 M. WHITING : [interprétation]
19 Q. En fait, vous nous avez dit que vous ne saviez pas vraiment.
20 R. [aucune interprétation]
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, Monsieur Whiting. Vous avez
22 posé une question. Vous avez demandé si c'est cela, si c'était cela sa
23 déposition. Je voudrais avoir la réponse du témoin. Si vous voulez savoir
24 quelle est vraiment la déposition que vous avez faite, qu'est-ce que vous
25 avez dit, il peut vous le répéter. Mais c'était cela la question. La
26 question posée, en définitive, c'était de savoir si c'était bien cela que
27 vous déposez, si c'était bien cela que vous affirmez sous serment.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'ai bien compris, le Procureur m'a demandé
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1 qui a dirigé, qui a géré les barrages.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non. La réponse est : "Vous affirmez
3 que d'après votre meilleure connaissance, personne n'a organisé ou dirigé
4 les barrages pendant toute la fin de l'année 1990, à partir du mois d'août,
5 et ainsi de suite ?" Est-ce bien votre déposition ? C'était la question.
6 Qu'est-ce que vous répondez ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai répondu que je ne savais pas.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites que vous ne savez pas que
9 c'était bien votre déposition ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis que dans mon village, personne n'a
11 organisé les barrages. Comment voulez-vous que je sache si quelqu'un a fait
12 cela à 50 kilomètres de chez moi ?
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce n'est pas la question qu'on
14 vous a posée. Je vous ai demandé d'écouter les questions et de répondre aux
15 questions. La question qui vous a été posée est, je la répète : "Est-ce que
16 vous maintenez, Monsieur, que d'après votre meilleure connaissance,
17 personne n'a organisé ou commandé les barrages entre les mois d'août et la
18 fin du mois de décembre 1990 ? Est-ce bien votre déposition ?"
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
21 M. WHITING : [interprétation] Merci.
22 Q. Vous avez déposé au sujet de ce conflit à Plitvice et vous avez dit, je
23 cite : "Un certain nombre de mes amis ou de mes voisins de l'endroit où
24 j'habite étaient aussi à Plitvice et ils faisaient partie de la force de la
25 police de Krajina."
26 C'est la page 27 du compte rendu d'hier. Le conflit à Plitvice,
27 c'était entre les membres de la police de Krajina et quelques officiers de
28 Knin et du MUP croate; est-ce exact ?
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1 R. Je n'étais pas à Plitvice, mais je connais un homme qui y a été. Un de
2 mes amis y a été. Je ne sais pas vous dire dans quelle qualité, mais il y a
3 été. Après son service militaire, il a tout de suite été dans l'élément de
4 réserve de la police. Personnellement, je n'ai pas été à Plitvice, donc je
5 n'en sais rien. J'ai entendu parler de ces conflits, c'est tout.
6 Q. Hier, vous avez dit ce qui suit : "Quelques-uns de mes amis," non des
7 amis, des voisins, "ont été à Plitvice. Ils étaient des éléments de la
8 police de Krajina."
9 Vous savez que des éléments de la police de Krajina de votre région ont été
10 à Plitvice, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit hier.
11 R. Je vous ai dit tout à l'heure pour un. Après, par la suite, j'ai connu
12 quelques autres, et en leur parlant, j'ai appris qu'eux aussi avaient été à
13 Plitvice. C'est pour cela que j'ai dit hier quelques-uns de mes amis. Il
14 s'agit de quelques amis dont j'ai fait la connaissance par la suite, mais
15 jusque-là, je ne les connaissais pas. Je n'en connaissais qu'un avant le
16 conflit de Plitvice.
17 Q. Bien. Comment s'appelle celui que vous connaissiez avant le conflit ?
18 R. Dragan Vujakovic.
19 Q. Et les noms des autres ? Comment s'appellent-ils ?
20 R. J'en connais les prénoms. Il y avait un Milan et il y avait un Jovan.
21 Mais les noms de famille, je ne m'en souviens pas.
22 Q. Vous ne pouvez pas vous rappeler leur patronyme ?
23 R. Non, Monsieur le Procureur. Le temps était court, les connaissances
24 étaient rapides. Souvent, on savait se tabler à un café, prendre un café
25 sans connaître les noms les uns des autres. Mais maintenant même, si on se
26 rencontrait, on irait boire un café. Les prénoms, si, on les savait, mais
27 pas forcément les patronymes.
28 Q. Bien. Vous avez déclaré qu'après Plitvice, vous aviez été convoqué par
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1 Milan Martic, vous avez été invité par Milan Martic pour adhérer à la
2 police de réserve de Krajina.
3 En ce moment-là, vous n'aviez aucune expérience policière et aucune
4 qualification pour devenir policier; est-ce que cela est vrai ?
5 R. Oui, je n'avais aucune expérience préalable.
6 Q. Vous n'avez reçu aucune formation ? Vous n'avez reçu aucune formation
7 policière ?
8 R. Non, je n'ai pas été formé pour être policier. Mais j'ai été soldat et
9 j'ai fait même mon service militaire. Il arrivait qu'après le service
10 militaire, quelqu'un restait militaire de réserve, et d'autres, policiers
11 de réserve.
12 Q. Je voudrais vous demander d'écouter attentivement les questions et d'y
13 répondre. Après avoir accepté cela, on vous a donné de l'équipement, de
14 l'armement et un véhicule de police; est-ce que cela est vrai ?
15 R. Oui, c'est vrai.
16 Q. Qu'est-ce que vous avez reçu comme armes ?
17 R. Un pistolet de fabrication Zastava, qui était une arme de dotation de
18 toute la police, calibre 7,62, une arme de dotation de la police.
19 Q. Et quelles autres armes ?
20 R. Un fusil automatique, comme tout autre policier.
21 Q. Qui vous a livré ces armes, cet armement ?
22 R. Lorsque je me suis présenté au poste de police, on m'a enregistré --
23 Q. Je vous interromps. Est-ce que vous pouvez me donner le nom de la
24 personne qui vous a livré les armes ?
25 R. Non, je ne peux pas. C'est quelqu'un qui était préposé à ces activités.
26 Je n'en connais pas le nom.
27 Q. Bien. Une vingtaine de jours après, il vous a été dit de vous présenter
28 à Golubic; est-ce que cela est vrai ?
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1 R. Oui.
2 Q. Qui vous a dit de vous présenter à Golubic ? Pouvez-vous me donner un
3 nom ?
4 R. De même, j'ai été convoqué par le secrétariat à l'Intérieur,
5 probablement une personne qui était de service, et par la
6 radiocommunication, j'ai été appelé par cette personne de service à ce
7 moment-là, donc j'en ignore le nom. Je connaissais peu au commissariat à ce
8 moment-là, dans ce poste de police.
9 Q. Vous avez décrit la formation qui vous a été dispensée. Vous avez dit
10 que c'était une "formation classique." Cela figure sur la page 33 du
11 transcript d'hier. Comment pouvez-vous savoir en quoi consiste une
12 formation policière classique ?
13 R. Comment ne le saurais-je ? On a montré des éléments de ces formations à
14 la télévision. J'ai fait le service militaire.
15 Cela n'était pas du tout la même chose que la formation que nous avons
16 reçue au service militaire.
17 Q. Bien. Ce que vous appelez une formation policière classique, cela
18 ressemble à la formation que vous avez reçue à l'armée ?
19 R. Non. Bien au contraire, cela, c'est complètement différent de ce qu'on
20 recevait comme formation à l'armée. Il y avait beaucoup plus de gens et il
21 y avait un armement différent, et la formation était différente. J'ai dit
22 que bien au contraire, cette formation ne ressemblait pas à celle du
23 service militaire.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ligne 12, page 15, il a été constaté
25 tout à fait le contraire de ce que le témoin a dit. On y lit que "ces
26 formations ressemblaient à celle de l'armée" alors que le témoin a dit tout
27 le contraire.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est ce que le témoin vient
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1 d'expliquer, Maître Milovancevic.
2 M. WHITING :
3 Q. En fait, --
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mais je m'excuse, il a été inscrit dans
5 le transcript une réponse erronée comme quoi il aurait eu la même formation
6 que dans l'armée, alors que cela est faux.
7 Les interprètes devraient faire attention à ce qu'ils disent. Je le dis
8 parce que M. Martic m'a attiré l'attention à ce que les interprètes disent
9 qu'ils ne peuvent pas être parties au procès. Les interprètes ne doivent
10 pas être parties au procès.
11 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je remercie l'interprète.
13 Monsieur Milovancevic, le témoin l'a entendu. Il était en train de corriger
14 en s'adressant à l'avocat. Je voudrais soutenir ce que l'interprète a dit :
15 votre commentaire les concernant n'est pas fondé. Ce n'est peut-être pas
16 une première erreur, mais il ne s'agit pas d'erreur régulière. Elles sont
17 rares. Nous croyons que l'on travaille ici sous une grande pression, aussi
18 bien pour les interprètes que pour nous autres, et vous devez comprendre
19 que ces gens-là font leur travail de façon honorable.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je le sais et je le respecte, mais la
21 question a été -- je m'excuse.
22 Il faut mettre au clair cette question. La question du Procureur a été très
23 brève --
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic --
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] -- "comment savez-vous que c'était une
26 formation spéciale ?" Je m'excuse, Monsieur le Président, le témoin a donné
27 une réponse précise qui ne saurait aucunement être traduite autrement que
28 comme il l'a dit, parce que je prends ma langue maternelle qui est traduite
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1 en anglais, donc cela ne peut pas figurer dans le transcript. C'est une
2 chose incroyable. Le sens de ce que cet homme a dit a été complètement
3 inversé.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-nous d'éclairer cela. Maître
5 Milovancevic, est-ce que vous soutenez que l'interprète a fait exprès de
6 traduire de façon erronée la déclaration du témoin ? Dites-nous cela
7 clairement et sans ambiguïté. Je ne peux pas évaluer si cette erreur a été
8 quelque chose d'inévitable à ce moment-là ou non. Si vous dites que la
9 question était simple et que la réponse a été aussi simple et que l'erreur
10 ne pouvait pas se faire, si vous le soutenez, vous devez engager une
11 plainte, et nous nous occuperons des interprètes par voie des plaintes.
12 Est-ce que vous soutenez que l'interprète a fait exprès de commettre cette
13 erreur ?
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai juste voulu
15 attirer l'attention de la Chambre au problème.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous ai posé une question directe,
17 Maître Milovancevic. Est-ce que vous soutenez que l'interprète a fait
18 exprès de mal traduire la déclaration du témoin ? Vous le soutenez. Très
19 bien, alors.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'était impossible, sinon, s'il dit que
23 la formation policière était différente de la formation militaire et qu'ils
24 traduisent que c'était la même chose, alors je ne sais pas de quoi il
25 s'agit. Ils doivent faire attention à ce qu'ils font.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je vais vous
27 poser une question à propos de ce que vous allez faire à ce propos. Vous
28 venez de dire que les interprètes ont fait exprès de mal traduire. Qu'est-
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1 ce que vous voulez que l'on entreprenne ?
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Rien, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne pouvez pas ne rien
4 entreprendre. Il s'agit d'une observation très grave, d'une accusation
5 grave. Vous devez entreprendre une démarche.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est une question de notre choix. Je
7 suis le transcript. J'ai voulu faire un effet, et l'effet a été fait. Je ne
8 tiens pas à accuser qui que ce soit par une plainte. Tout ce que je veux,
9 c'est que tout ceux qui font ce travail sachent que cela est enregistré et
10 que nous suivons le transcript. C'est cela qui importe pour moi.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crains, Maître Milovancevic, que je
12 ne suis pas d'accord avec vous. Vous avez prononcé une accusation très
13 grave contre le bureau -- je m'excuse, contre les interprètes. Si
14 l'interprète a fait exprès et si l'on établit que cela est vrai, alors cet
15 interprète fera l'objet de l'application de notre Règlement de cette
16 institution, et vous aurez publiquement à répéter ce que vous avez dit. Je
17 vais demander le nom de l'interprète.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, peut-être
19 avez-vous exagéré un peu. Peut-être que vous regrettez ce que vous venez de
20 dire au moment de votre réaction. Lorsqu'on met en question l'intégrité
21 professionnelle d'un professionnel, c'est une accusation très grave. Nous
22 savons combien est dur le travail des interprètes et combien d'efforts
23 investissent-ils pour s'acquitter honorablement de leur tâche, et ils le
24 font de façon très correcte. Ceci dit, je vous prie de retirer ce que vous
25 avez dit.
26 Vous avez effectivement eu l'effet voulu, mais étant donné les
27 circonstances, je crois que votre déclaration n'est pas inadéquate et qu'il
28 serait honorable de votre part de retirer ce que vous dites.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'accepte entièrement, Maître Nosworthy.
2 Je retire ce que j'ai dit.
3 Je voudrais juste rajouter que la raison de ma réaction a été un
4 événement de vendredi sur lequel M. Martic a attiré mon attention. Ceci
5 dit, je retire ma remarque de tout à l'heure. Je vous remercie.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, Maître
7 Milovancevic. Je m'excuse au Président.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Juge Nosworthy.
9 Est-ce que je peux avoir le nom de l'interprète ?
10 M. WHITING : [interprétation] Peut-être devrions-nous passer à huis clos
11 partiel, parce que l'identité des interprètes est protégée. C'est une
12 habitude dans ce Tribunal.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis d'accord que son identité nous
14 soit communiquée plus tard.
15 Maître Milovancevic, je n'accepte pas que vous ayez retiré votre
16 déclaration pour la simple raison que cela vous a été suggéré par quelqu'un
17 d'autre. Ce n'est pas de votre initiative. Je ne crois pas que vous le
18 sentiez sincèrement, et je vous demanderais de supporter les conséquences
19 pour ce que vous venez de dire. Vous avez mis en question l'intégrité de
20 l'interprète. Vous l'avez fait de façon très claire et vous m'avez donné
21 une réponse claire. Je vous avais demandé si ce que vous soutenez est que
22 l'interprète a fait exprès, vous avez dit que oui, et maintenant je
23 voudrais que vous argumentiez cela.
24 Indépendamment de ce que Me Nosworthy a dit, vous devrez vous en
25 occuper davantage, maintenant. J'ai vu l'interprète qui était en train
26 d'interpréter à ce moment-là. Je n'en connais pas le nom, mais je pourrais
27 procéder à la suite et je vais présenter un rapport au Président. Cela va
28 être à vous de vous en occuper par la suite.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en acceptant la
2 suggestion du Juge Nosworthy, je l'ai fait en tant que professionnel, de
3 façon responsable et en obéissant à ma conscience. Le fait que je l'aie
4 pensé sincèrement peut être prouvé de la très simple façon, parce que j'ai
5 dit à savoir que je ne voulais pas aller plus loin dans ce problème.
6 Ma réponse a été sur votre insistance. Votre insistance, Monsieur le
7 Président Moloto, me met dans une situation désagréable, moi-même, la Juge
8 Nosworthy et toute la Chambre. Or, j'accepte une suggestion d'un membre de
9 la Chambre. En tant que membre qui est sur le pied d'égalité avec les
10 autres, je le fais d'une façon responsable. J'ai accepté, Monsieur le
11 Président, cette suggestion comme une suggestion de la Chambre.
12 Pour moi, en tant que professionnel, cela m'est égal si cette suggestion
13 vient du Président, du Juge Hoepfel ou du Juge Nosworthy. Je communique
14 avec le Tribunal, avec la Chambre, et c'est à la Chambre que j'ai dit que
15 c'était "ma position".
16 En ce qui concerne ce problème, je vais donner très volontiers une
17 explication pourquoi j'ai réagi de la sorte. Mais je pense qu'il ne serait
18 pas bon d'engager cette procédure.
19 Vendredi, j'ai arrêté M. Martic pour ne pas qu'il vous dise les
20 choses que lui avait entendues des interprètes, les interprètes qui sont là
21 et que je ne connais pas. En retirant ces propos, je me suis excusé en
22 croyant qu'il ne fallait pas aggraver les problèmes. En ce moment-ci
23 encore, je fais appel à la Chambre de ne pas le faire. Il n'y a pas besoin
24 de le faire.
25 Tout simplement, j'avais une raison pour faire ressortir ce problème.
26 C'est pour cela que je l'ai fait d'une façon que j'ai cherchée à présenter
27 aussi grave que possible, sans vouloir faire outrage au Tribunal ou mettre
28 en question l'intégrité de qui que ce soit.
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1 J'ai respecté aussi bien le Tribunal que les gens qui travaillent.
2 Beaucoup de gens circulent ici, je sais que leur travail est dur, je le
3 respecte, mais je respecte aussi ce que je fais. Mon travail de Défense est
4 de suivre comment les textes sont traduits. Si quelque chose a été traduit
5 de façon -- non pas un peu de façon erronée, mais si le sens est contraire,
6 je dois réagir.
7 Je voudrais et je vous demande que cette question ne soit pas
8 aggravée.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez vous arrêter un
10 instant ? Est-ce que vous avez terminé ? Maître Milovancevic, maintenant,
11 vous êtes en train d'embellir vos propres propos. Vous soutenez maintenant
12 que vous vous étiez excusé à votre interprète au moment de retirer vos
13 propos. Retirer une déclaration est une chose, et s'excuser à l'interprète
14 est une autre chose. Et vous, vous ne l'avez pas fait. C'est une chose.
15 Autre chose. Quand vous avez répondu à la Juge Nosworthy, maintenant et la
16 dernière fois, vous avez toujours essayé de justifier pourquoi et vous avez
17 dit à cause de ce qui est arrivé vendredi. Vendredi, c'était ce que disait
18 M. Martic. Vous avez dit que vous ne voudriez pas élargir cette question.
19 Pour une seconde fois, je vous ai demandé si vous vouliez que l'on soulève
20 cette question, et vous avez répondu que non. Je ne sais pas ce qui est
21 arrivé vendredi. Je n'en sais rien. Cela n'a rien à voir avec la
22 traduction, avec l'interprétation.
23 J'ignore si vous voulez soutenir maintenant que c'est le même interprète
24 qui, dans les deux cas, aurait dit une chose erronée, le même qui l'a dit
25 vendredi. Je ne cherche pas à m'aventurer dans ce genre de question.
26 Mais maintenant, vous voulez justifier votre intervention
27 d'aujourd'hui par ce qui est arrivé vendredi. Cela ne veut pas dire que
28 vous vous êtes excusé à l'interprète.
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1 Nous avons ici le procès-verbal d'audience. C'est une trace de ce qui
2 est arrivé. Cela ne peut pas être rayé. Je dois m'occuper de cela et faire
3 aboutir cette question, et le seul moyen de le faire, Monsieur, c'est de
4 vous mettre en contact direct à un endroit propice avec l'interprète, pour
5 vous en occuper de façon adéquate. En ce qui concerne ces procédures, je ne
6 voudrais pas que plus tard, vous disiez : "J'engage une plainte parce que
7 les interprètes ont mal traduit les dépositions de mon témoin." Si vous
8 soutenez que cet interprète a fait exprès de mal traduire, cet interprète
9 doit être éloigné de ce dossier. Nous avons besoin des interprètes qui
10 travaillent correctement, et pour éviter les irrégularités que l'on
11 pourrait évoquer à la fin de ce procès.
12 Vous ne pouvez pas proférer des accusations pour les retirer tout de suite
13 en disant que tout cela doit être oublié. C'est un endroit public où les
14 débats sont publics. Je comprends très bien que vous faites votre travail,
15 mais tout le monde ici fait son travail sous une grande pression. Je dois
16 entreprendre les démarches qui s'imposent et je saisirai le Président et je
17 demanderai que cet interprète soit éloigné s'il est établi qu'il a fait
18 exprès de mal traduire.
19 Je crois qu'il ne faut pas continuer ce dialogue. Dites ce que vous
20 avez, mais brièvement.
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Vous dites que j'utilise
22 l'incident de vendredi pour justifier ce qui s'est passé aujourd'hui en
23 disant que vous ne savez pas ce qui s'est passé vendredi, et moi, je le
24 sais.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est ce que vous nous
26 dites. Vous vous adressez à la Juge Nosworthy en lui expliquant pourquoi
27 vous avez réagi, et vous auriez réagi à cause de ce qui s'est passé
28 vendredi. A mes yeux, vous n'avez pas fait preuve d'avoir un regret
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1 sincère, vous ne faites que vous justifier.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
3 que cela soit réglé de façon publique. Je m'excuserai à cette dame, si
4 c'est une dame qui a traduit. Il ne faut pas, je pense, surcharger Monsieur
5 le Président du Tribunal ni vous-même par un détail.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand est-ce que vous allez le
7 faire ?
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je le fais en ce moment. Je
9 m'excuse à Mme l'Interprète pour la phrase que j'ai prononcée à son propos.
10 J'ai retiré mes propos et je me suis excusé.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Afin de vous faire comprendre,
13 Maître Milovancevic, à quel point ceci est sérieux, vous avez dit également
14 que ceci n'était pas la première fois, et ce faisant, vous avez mis en mal
15 la réputation de ce Tribunal. Je trouve que la question est très grave, moi
16 aussi.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous parlons du
18 service d'interprétation et d'une erreur concrète. Lorsque j'ai mentionné
19 le cas précédent, j'ai mentionné les erreurs de dates, de numéros, ce genre
20 de chose, ce qui peut être toléré, ce que nous avons toléré jusqu'à
21 maintenant. Il n'y a pas eu de telle réaction. Bien sûr que je n'accuse pas
22 le Tribunal, bien au contraire. D'ailleurs, mon intention n'était pas cela.
23 Pour moi, c'était une question technique. Sans interprétation, nous
24 ne pouvons pas travailler. Puisque maintenant, la question a été posée au
25 sujet de ma réaction, c'est pour cela que j'ai dit ce que j'ai dit. Je
26 pense que j'ai terminé tout cela en faisant ce que j'ai fait. Si j'ai créé
27 un problème à la Chambre de première instance, je le regrette. Ce n'était
28 pas du tout dans mon intention. Je ne souhaitais pas du tout reprocher quoi
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1 que ce soit ni à la Chambre de première instance, ni à l'Accusation, ni au
2 Tribunal dans son ensemble. Simplement, je traitais d'un problème concret
3 et d'une erreur d'interprétation. Je me suis d'ailleurs excusé, Monsieur le
4 Juge.
5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci de dire cela, mais je ne suis
6 pas d'accord pour dire que vous avez traité seulement de ce problème
7 concret. Mais vous avez fait une allégation générale, ce qui est une
8 question bien grave. Vous avez dit que ceci était exactement le contraire
9 de ce qui avait été dit à l'origine et que ce n'était pas la première fois.
10 Le poids de ceci est extrêmement lourd, donc je pense que nous avons un
11 problème réel.
12 Vous avez dit quelque chose au sujet de l'intention que vous aviez afin de
13 provoquer un certain effet et que vous considérez que ceci a réussi. Que
14 vouliez-vous dire par là ?
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, dans l'ensemble de mon
16 intervention, s'agissant de cette erreur d'interprétation, j'ai parlé très
17 concrètement. J'ai parlé du travail de la personne qui interprète, et
18 lorsque j'ai dit que j'ai abouti, j'ai obtenu l'effet souhaité, je voulais
19 dire qu'en attirant l'attention du public au problème de l'interprétation,
20 que j'ai averti les interprètes et qu'ils vont faire plus attention à la
21 manière dont ils travaillent. Mon intention n'est pas de faire perdre le
22 travail à quelqu'un qui travaille ici à cause de cette erreur.
23 Puis, je considère aussi qu'il suffisait de dire publiquement :
24 faites attention, c'est grave et sérieux si une telle erreur apparaît.
25 C'est tout ce que je voulais dire, Monsieur le Juge.
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] C'est une chose d'expliquer
27 réellement ce que vous vouliez dire en disant que ceci n'était pas la
28 première fois, car lorsque je vous ai demandé, vous avez dit : ce n'est pas
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1 la même chose qu'auparavant. Vous avez mentionné les chiffres erronés, de
2 simples erreurs, donc vous pouvez expliquer. Est-ce que vous pouvez
3 expliquer ce que cette phrase veut dire, car il s'agit d'une déclaration
4 publique extrêmement véhémente lorsque vous dites : "Ce n'est pas la
5 première fois."
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, ce n'est pas la
7 première fois au cours de ce procès que nous avons dû corriger le compte
8 rendu d'audience en raison d'une erreur d'interprétation, qu'il s'agisse de
9 la date ou d'une donnée ou d'un chiffre.
10 J'ai expliqué ma réaction. C'est normal si les gens font des erreurs. Il y
11 a des erreurs. Mais pour moi, c'était une erreur dramatique, c'est pour
12 cela que je l'ai dite. Vous savez, je ne suis pas un fou, tout d'un coup,
13 qui réagit au premier problème. Mais simplement, j'ai voulu dire qu'il y a
14 déjà eu des problèmes. C'est normal. Mais j'ai pensé que c'était une
15 omission plus grave.
16 Là, maintenant, les choses se sont compliquées, car on m'a demandé
17 d'expliquer mon point de vue, et je comprends maintenant vos raisons. Mais
18 ce que j'ai dit ne portait pas sur cette institution, mais sur le travail
19 d'une personne dans une phrase. Je me suis excusé auprès de cette personne
20 et j'ai retiré ce que j'avais dit.
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Afin que les choses soient claires à
22 ce sujet, est-ce que vous insinuez que des erreurs d'interprétation se sont
23 déjà passées dans le cadre de cette affaire sans que vous en parliez ? Est-
24 ce que c'est cela que vous insinuez ?
25 Vous avez clairement indiqué cela. Si quelque chose s'est passé, nous avons
26 tout fait afin de corriger les erreurs. Bien sûr, il y a parfois des
27 erreurs, mais il est très important de les corriger immédiatement.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, jusqu'à présent, nous
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1 avons toujours réagi aux erreurs s'agissant des chiffres, s'agissant des --
2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] -- données concrètes, mais pour éviter
4 tout problème et pour que moi-même je ne devienne pas victime de mes
5 propos. Vendredi, nous avons entendu un commentaire des interprètes
6 concernant ma personnalité et lié au travail de la Chambre de première
7 instance qui pouvait susciter mes suspicions par rapport aux personnes qui
8 travaillaient. Cela ne m'intéresse pas qui travaillait ce jour-là.
9 Je ne souhaitais pas et je ne souhaite toujours pas soulever cette
10 question, mais je souhaitais attirer l'attention des personnes qui font ce
11 travail que nous sommes en train de lire cela; ni plus, ni moins, Monsieur
12 le Président.
13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Juge ?
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez continuer avec
15 votre contre-interrogatoire ?
16 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je souhaite
17 simplement noter que l'erreur avait été totalement clarifiée pour le compte
18 rendu d'audience avant que Me Milovancevic ne commence à parler. Le témoin
19 l'a clarifié. C'est clair dans le compte rendu d'audience.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et je lui ai mentionné.
21 M. WHITING : [interprétation] Puis, je souhaite ajouter que
22 personnellement, je suis tout à fait choqué par ce qui vient de se passer
23 et j'imagine que l'interprète, et je suppose que tous les interprètes, mais
24 surtout l'interprète en question est probablement tout à fait choqué et en
25 détresse en raison de ce qui s'est passé. Maintenant, je ne sais pas si la
26 Chambre souhaite savoir si l'interprète peut continuer ou s'il faut prendre
27 une pause, mais je trouve cela très troublant. C'est la raison pour
28 laquelle je soulève cela.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci d'avoir soulevé cela. J'allais
2 le demander. Nous n'avons pas entendu la personne, si elle accepte l'excuse
3 ou pas, et j'aimerais bien qu'elle s'adresse à moi. Mais je ne suis pas
4 sûr, enfin, je ne suis pas sûr si je peux lui demander si elle souhaite
5 procéder à une pause ou nous devrions faire une pause.
6 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas de problème. De toute façon, compte
7 tenu de la nature de notre travail, nous n'aimons pas être dans le centre
8 de l'attention. Poursuivons.
9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Elle parle en tant qu'un vrai
10 professionnel, et je sais qu'elle l'est.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est exact. Mais même lorsque
12 l'on est professionnel, on reste un être humain avec des sentiments humains
13 qui sont affectés par ce qui est dit. Nous avons la responsabilité d'être
14 sensibles à cela. Ce n'est pas un automate; il s'agit d'un être humain avec
15 des sentiments.
16 Je suggère que l'on procède à une pause et que l'on revienne dans un quart
17 d'heure.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.
19 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre de première instance a
21 décidé de demander, et c'est ce que nous faisons maintenant, que le chef du
22 service d'interprétation prenne le compte rendu d'audience concernant
23 l'interprétation qui a prétendument été mal faite, d'écouter
24 l'enregistrement, l'original, et de soumettre un rapport à la Chambre sur
25 ce qu'il aura constaté. Lorsque la Chambre aura reçu ce rapport, elle
26 décidera de la manière à procéder. Pour le moment, nous allons nous en
27 arrêter là et poursuivre le travail habituel.
28 Monsieur Whiting.
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1 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Plejo, avant la pause, vous avez dit au cours de votre
3 déposition que l'entraînement à Golubic était différent de celui que vous
4 aviez reçu au cours de votre entraînement militaire. En fait, n'est-il pas
5 vrai que l'entraînement à Golubic, en 1991, englobait également
6 l'entraînement militaire, n'est-ce pas ?
7 R. Non, ce n'est pas vrai.
8 Q. N'est-il pas exact de dire, Monsieur, que les unités spéciales étaient
9 entraînées à Golubic et que l'intention - et en fait, c'est ce qui s'est
10 passé - était que les unités spéciales aillent aux endroits tels que Knin
11 et Benkovac et Obravac afin de s'engager dans des opérations militaires
12 après leur entraînement ? Ils ont été entraînés pour ce faire.
13 R. Dès hier, j'ai dit ce que nous avions fait. Quant à la question de
14 savoir quelles étaient les intentions des uns et des autres, je ne peux pas
15 le dire.
16 Q. N'était-il pas évident, à Golubic, que des unités spéciales étaient
17 entraînées pour des opérations militaires ?
18 R. Vous savez, pendant mon entraînement, j'avais l'impression que j'allais
19 être affecté à un poste où j'allais assurer la sécurité d'une personnalité,
20 peut-être du président de la municipalité ou quelqu'un d'autre. Je ne
21 m'attendais pas à être déployé dans le cadre d'une unité de guerre, d'une
22 unité opérationnelle de guerre.
23 M. WHITING : [interprétation] Nous allons maintenant nous pencher sur la
24 pièce à conviction numéro 622.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant d'examiner cette pièce à
26 conviction, je dois exprimer ma préoccupation puisque certaines réponses ne
27 correspondent pas aux questions.
28 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai compris la
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1 réponse s'agissant de la dernière question. Je ne sais pas si c'est la
2 question dont vous parlez, Monsieur le Président. Le témoin a répondu que
3 pour lui, ce n'était pas évident qu'il y avait des unités spéciales qui
4 s'entraînaient pour des buts militaires. C'est la manière dont j'ai compris
5 la dernière phrase.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous voyez, le problème,
7 c'est qu'il ne peut pas conclure, à savoir, il ne peut pas conclure qu'il
8 allait être déployé dans une unité de guerre. Cela ne se fonde pas sur ce
9 qui avait été fait à Golubic, mais sur son impression de ce qui allait se
10 faire ensuite après l'entraînement.
11 M. WHITING : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur
12 le Président. Je vais poser d'autres questions à ce sujet.
13 Q. Vous avez été entraîné à Golubic pendant 20 jours et ensuite vous avez
14 participé à l'entraînement. Ne trouviez-vous pas cela évident que c'était
15 un entraînement militaire qui était en cours là-bas ?
16 R. Non, pour moi ceci n'était pas évident.
17 Q. Examinez cette pièce à conviction. Comme vous pouvez le voir, c'est --
18 je vérifie justement pour voir si nous avons la version en anglais.
19 Vous pouvez voir, il s'agit ici d'un compte rendu d'une réunion du 14 juin
20 1991. A l'époque, vous étiez à Golubic, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est possible.
22 Q. Que voulez-vous dire par "c'est possible" ? Vous étiez là, n'est-ce pas
23 ? Je ne veux pas dire à la réunion, mais à Golubic.
24 R. A Golubic, probablement, oui, à cette époque-là. Mais je ne peux pas
25 vous donner la date exacte. Je vous ai déjà dit que je ne me souviens pas
26 des dates exactes. Veuillez tenir compte de cela. Il est possible même qu'à
27 l'époque, j'aille été dans le vieil hôpital. Peut-être que ceci correspond
28 à cette période. Hier, nous avons parlé de cela, et je ne peux pas le dire
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1 d'après la date. Peut-être que je suis parti avec ce groupe de 15 à 20
2 personnes dans le vieil hôpital. Nous en avons parlé hier.
3 Mais peut-être que j'étais à Golubic, mais je ne sais rien au sujet de
4 cette réunion.
5 Q. Nous allons voir maintenant ce document. Vous voyez, dans le premier
6 paragraphe, deux participants, ce sont des personnes que vous avez
7 mentionnées dans votre déposition, Dragan Karina et le capitaine Dragan.
8 Est-ce que vous voyez cela ?
9 R. Oui. Oui, je vois.
10 Q. Vous voyez que les buts de la réunion ce sont "l'accord sur le suite du
11 travail à Golubic; les unités qui doivent couvrir les alentours, qui
12 doivent être déterminées; et l'entraînement des unités." Vous voyez cela ?
13 Un, deux, trois ?
14 R. Oui.
15 Q. Ensuite, nous avons la section suivante : "L'accord sur la suite du
16 travail à Golubic," puis apparemment, une liste des unités différentes et
17 des groupes différents, Plitvice, le groupe de Knin, Medak, et cetera. Vous
18 voyez cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Je souhaite que vous examiniez maintenant la page suivante en B/C/S, et
21 ceci figure en bas de la page en anglais. Est-ce que vous voyez, là où il
22 est écrit par rapport au groupe de Medak :
23 "Les gens doivent être entraînés pour miner et démolir les routes et pour
24 tendre des embuscades en profondeur pour attirer les autres dans les
25 embuscades et pour se défendre depuis cette embuscade. Puis, les gens de
26 Glina et Vojnic doivent être entraînés pour miner les véhicules, les
27 bâtiments et les installations, et pour tirer à coup de fusil à lunette."
28 Si nous examinons la page suivante en anglais :
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1 "Plaski : Il s'agit de la construction des positions de la défense,
2 du blocage de la ville en utilisant les grenades à main, de tendre des
3 embuscades."
4 Est-ce que c'est de cela que vous parliez lorsque vous parliez de
5 l'entraînement de police classique ? C'est de ce genre de chose que vous
6 parliez ?
7 R. Non. Peut-être que pendant cette réunion, ils ont parlé de cela, mais
8 je ne connais pas les personnes qui ont assisté à la réunion. Peut-être ils
9 ont adopté, ils ont pris une telle décision pour la défense aux alentours,
10 mais nous n'avons pas eu de tel entraînement. Je ne sais rien au sujet des
11 explosifs ni de la manière dont on mine certains endroits. Je n'ai jamais
12 tenu un engin explosif entre mes mains et je ne sais pas comment les faire
13 fonctionner.
14 Q. Peu importe ce que vous avez appris lors de votre entraînement et ce
15 que vous aviez entre les mains, c'était l'entraînement qui se déroulait à
16 Golubic, n'est-ce pas ? C'est cela qui est décrit dans ce mémorandum ?
17 R. Je n'ai pas vu ce genre d'entraînement qui portait sur la manière de
18 poser les mines et de créer les positions de défense. Je vous ai expliqué
19 hier quel était l'entraînement que nous suivions à Golubic.
20 M. WHITING : [interprétation] Nous allons maintenant nous pencher sur la
21 pièce à conviction 620, s'il vous plaît.
22 Q. Avant cela, Monsieur, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle vous ne
23 souhaitez pas dévoiler l'aspect militaire de l'entraînement à Golubic ?
24 R. Ecoutez, je n'ai pas compris votre question. Pourquoi voulez-vous que
25 je ne réponde pas exactement ce que l'on faisait là-bas ? Je ne comprends
26 pas la question que vous me posez.
27 Q. C'est pour cela que je vous ai posé la question, parce que j'ai voulu
28 exactement connaître les raisons. Précisément, c'est ce qui m'intéressait.
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1 Mais à présent, je vais vous demander d'examiner la pièce 620. Je voudrais
2 que l'on examine la dernière page de cette pièce. C'est un rapport, et vous
3 allez voir la signature de ce rapport, et vous voyez que c'est bien le nom
4 du capitaine Dragan ?
5 R. Cette signature ? Non. C'est la signature, mais je ne sais pas.
6 Q. Non, je parle du nom. Daniel Snedden, c'est un des noms utilisés par le
7 capitaine Dragan. Vous le savez, cela, n'est-ce pas ?
8 R. Non. C'est la première fois que j'entends ce nom.
9 Q. Il s'agit du rapport concernant l'entraînement à Golubic.
10 Après le premier paragraphe, on peut lire :
11 "Le premier groupe a suivi une formation de 21 jours."
12 On a vu que c'est votre groupe, n'est-ce pas ? Puisque vous, vous
13 avez suivi aussi une formation d'une vingtaine de jours, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. "Pendant l'entraînement, le programme ne s'est arrêté que pendant 36
16 heures à cause d'une opération qui a eu lieu à Bratiskovci."
17 Est-ce que vous vous souvenez ?
18 R. C'est possible qu'il y ait eu une interruption.
19 Q. Est-ce que vous vous rappelez de cette opération à Bratiskovci ?
20 R. Non. Je ne me souviens que d'une action qui a eu lieu à l'extérieur de
21 Golubic, à Udbina. Je pense que moi, mis à part cette opération-là, je n'ai
22 pas quitté le camp d'entraînement ou peut-être que ma mémoire flanche.
23 Q. Un petit peu plus loin dans le paragraphe, on peut lire :
24 "Il était impossible d'entraîner les stagiaires pour arriver au niveau
25 auquel ils pouvaient agir en tant qu'une unité."
26 Ensuite, au niveau du prochain paragraphe :
27 "Je considère que vu la complexité de la situation politique dans le pays,
28 la seule chance pour créer l'unité dans nos forces armées est de
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1 dépolitiser les unités armées."
2 L'entraînement à Golubic consistait d'un entraînement ou de la formation
3 des unités armées, n'est-ce pas ?
4 R. Je dis "non", mais si vous considérez cela, c'est votre problème.
5 Q. Mais en voyant ce rapport, vous dites toujours "non" ? Vous répondez
6 toujours par la négative ?
7 R. Je ne sais pas qui a écrit ce rapport. Je ne vois pas de quoi il
8 s'agit. D'ailleurs, cela ne m'intéresse pas. Ce que je peux vous dire,
9 c'est qu'une dizaine d'hommes de chaque municipalité ne peuvent pas
10 vraiment représenter une force armée. C'en est d'une.
11 Ensuite, je voyais ces gens par la suite, et en général, c'étaient des
12 chauffeurs qui servaient de chauffeurs de différentes personnes travaillant
13 pour la sécurité. Je suis sûr que cette unité était censée effectuer ces
14 missions-là. Comment voulez-vous qu'une dizaine de personnes représentent
15 une force armée ? Je n'y croyais pas du tout, moi.
16 Q. Monsieur Plejo, vous ne saviez pas qu'à l'automne 1991, au moment où
17 vous, vous travailliez dans la prison du district de Knin, une unité
18 spéciale de la police de la SAO Krajina a participé aux opérations
19 militaires ? Vous ne le savez pas ? Vous n'êtes pas au courant de cela,
20 qu'ils aient participé avec la JNA aux opérations militaires ?
21 R. Puisque je travaillais au Tribunal, comment vouliez-vous que je sache ?
22 Comment voulez-vous que je sache qui participait aux opérations
23 militaires ? Je ne recevais pas de rapports quant aux participants.
24 Q. Quand tout à l'heure vous avez répondu que tous ces gens qui avaient
25 été formés à Golubic étaient en réalité des chauffeurs, en réalité, vous ne
26 savez pas ce qu'ils faisaient en automne 1991, puisque vous venez de me
27 répondre ceci ?
28 R. Je vous ai dit que par la suite, j'en ai vu, j'ai vu quelques-uns de
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1 ces hommes servir de chauffeurs de différents ministres et personnalités ou
2 comme "bodyguards", et c'est pour cela que je me suis dit qu'ils étaient
3 formés à faire cela.
4 Cela étant dit, c'est possible qu'il y en ait eu qui se soient portés
5 volontaires pour participer aux opérations militaires.
6 Comment voulez-vous que je sache cela ? Je travaillais dans la prison du
7 district. Je savais où était mon frère et je savais où était mon père, mais
8 je ne pouvais pas savoir où étaient les autres personnes faisant partie de
9 ce groupe.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous interrompre ?
11 Pourriez-vous parler plus lentement, puisque les interprètes s'efforcent
12 pour vous suivre et ils ont du mal.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. WHITING : [interprétation]
15 Q. Vous avez dit : "Il est possible qu'il y en ait eu qui ont rejoint les
16 unités militaires sur la base de volontariat," mais là vous ne faites que
17 deviner qu'imaginer les choses. Vous ne savez pas ce qui s'est passé avec
18 ces hommes, vous ne savez pas si on leur a donné ordre de rejoindre les
19 unités ou s'ils se sont portés volontaires éventuellement pour rejoindre
20 des unités et pour participer aux opérations militaires ?
21 R. Oui, effectivement, je ne sais pas ce qui s'est passé avec ces gens par
22 la suite et je ne sais pas où ils étaient.
23 Q. Très bien. Je vais vous demander d'examiner la page suivante de ce
24 document, en B/C/S et en anglais, où l'on peut lire --
25 M. WHITING : [interprétation] En B/C/S, c'est le premier tiers du document.
26 Peut-être qu'il serait possible d'agrandir cette partie pour que le témoin
27 puisse le voir.
28 Q. En anglais, on peut lire : "Notre objectif principal serait que les
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1 gens qui finissent ce stage d'entraînement rentrent chez eux et créent de
2 nombreux polygones dans les régions où cela est possible, ainsi que des
3 dépôts d'où de nouvelles formations vont voir jour."
4 Vous ne saviez que le but à Golubic, le but était que ces unités, que ces
5 unités spéciales soient entraînées pour créer des nouvelles formations, à
6 partir du moment où ils revenaient dans leur village. Vous le saviez,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Mais pourquoi voulez-vous que je sache cela ? J'étais en haut, j'étais
9 à Golubic. Comment voulez-vous que je sache ce qu'ils faisaient là-haut,
10 quels étaient leurs plans à eux, dans la forteresse ?
11 Q. Mais on parlait de l'entraînement à Golubic, et vous y étiez. Vous
12 n'êtes au courant de rien de tout cela ?
13 R. Si j'avais été à Golubic, il a fallu que moi aussi, que je rentre chez
14 moi et que je crée une autre unité. Vous voyez bien que ce n'est pas cela
15 que j'ai fait. J'ai eu un travail au ministère de la Justice. Peut-être que
16 quelqu'un avait cette intention-là, mais je ne saurais faire de
17 commentaires là-dessus.
18 Q. Je vous ai tout simplement demandé ce qui s'est passé à Golubic.
19 Vous saviez aussi que Frenki Simatovic, surnommé Frenki, était à
20 Golubic ? Ce nom vous dit quelque chose, n'est-ce pas ?
21 R. Frenki Simatovic, oui, ce nom me dit quelque chose, mais de Belgrade.
22 Après les bombardements, puisqu'il a été arrêté et envoyé à La Haye, c'est
23 là que j'ai entendu son nom pour la première fois.
24 Q. Vous n'aviez pas entendu son nom ? Vous ne l'avez pas vu à Golubic ?
25 R. Non.
26 Q. Qu'en est-il de Mark ? Est-ce qu'il y avait un formateur qui s'appelait
27 Mark ? A Golubic, je veux dire.
28 R. C'est tout à fait possible. Enfin, c'est possible, mais je n'y ai passé
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1 que peu de temps, et je ne m'en souviens pas. C'est vrai que je n'y étais
2 que pendant 20 jours. Ensuite, j'ai été à Udbina pendant cette période-là.
3 Tout cela s'est passé il y a 15 ans. Ecoutez, je ne m'en souviens pas, tout
4 simplement.
5 Q. Pendant l'interrogatoire principal, vous n'aviez pas de problème avec
6 votre mémoire, n'est-ce pas ? Vous vous rappeliez de tout.
7 R. J'ai du mal pour me rappeler d'un nom et d'un prénom, les noms et les
8 prénoms. A l'époque, je n'étais pas marié, donc je me souviens mieux du nom
9 des jeunes filles.
10 Hier, je vous ai dit que j'ai du mal à me rappeler des dates et des
11 noms. Mais vous savez, je n'y ai passé que 10, 15, 20 jours. Cela s'est
12 passé il y a 15 ans.
13 Hier, j'ai mentionné des gens qui ont travaillé avec moi dans la prison,
14 mais j'ai passé quatre années dans la prison; alors c'est peut-être pour
15 cela que je m'en souviens mieux.
16 Q. Cela devait représenter un grand changement dans votre vie, puisque
17 vous avez travaillé à Tvik depuis 1985. Vous y avez travaillé pendant six
18 ans, et ensuite, tout d'un coup, en avril 1991, vous devenez un policier de
19 réserve. On vous donne un pistolet, vous avez une voiture de police, vous
20 allez à Golubic, vous devenez un instructeur là-bas, un formateur.
21 C'étaient des événements importants dans votre vie, n'est-ce pas ?
22 R. Je me souviens de ces événements, mais je ne me souviens pas des dates
23 précises. Je ne me souviens pas des gens, des noms des gens qui n'ont passé
24 que très peu de temps avec moi.
25 Q. Un autre entraîneur, Fico ou Fica, est-ce que ce nom vous dit quelque
26 chose ?
27 R. Non.
28 Q. Vous avez dit que Milan Martic était responsable du camp à Golubic.
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1 Mais il est aussi venu dans le camp, n'est-ce pas ? Il est venu
2 physiquement, en personne dans le cas, n'est-ce pas ?
3 R. Non, je n'ai pas dit que c'était lui qui était responsable. Quand je
4 suis venu à Golubic, c'est mon commandant, Dragan Karina, qui m'a
5 accueilli.
6 Pendant ces 20 jours que j'y ai passés, je n'ai jamais vu Milan Martic.
7 Cela étant dit, je ne sais pas s'il venait ou non, s'il était venu pendant
8 cette période-là.
9 Q. Hier, à la page 42 de votre déposition, M. le Président Moloto vous a
10 demandé si Milan Martic était responsable de Golubic, et vous avez dit :
11 "Oui, j'imagine que oui." Est-ce que maintenant vous changez la nature de
12 votre déposition ?
13 R. Non. Mais vous m'avez demandé s'il était venu à Golubic. Comment
14 voulez-vous que je sache ? Je venais d'arriver à Golubic. J'ai rencontré
15 mon commandant. Il m'a donné ma mission. Pourquoi voulez-vous que je sache
16 qui est le plus important ?
17 Q. Monsieur, la raison pour laquelle je vous ai rappelé de votre
18 déposition réside dans le fait que vous avez dit il y a un instant que vous
19 n'avez pas dit que Milan Martic était responsable du camp. Mais c'était
20 bien lui qui était responsable du camp, n'est-ce pas ?
21 R. Je dis peut-être. Vous savez, quand vous dites peut-être, cela veut
22 dire peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Je connaissais mon
23 commandant, je venais d'arriver. Comment voulez-vous que je sache qui était
24 son commandant ? Vous savez, j'ai passé deux jours ici et je ne sais pas
25 qui est la personne la plus importante dans ce prétoire, et je n'ai pas
26 besoin de le savoir.
27 Q. Monsieur, vous avez dit que vous avez été formé à Golubic et que vous
28 êtes devenu un formateur et qu'il s'agissait d'une formation classique aux
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1 missions de la police. Vous saviez que Milan Martic était le secrétaire du
2 secrétariat des Affaires intérieures à l'époque. Est-ce que vous avez une
3 quelconque raison pour douter que c'était bien lui qui était responsable de
4 l'entraînement de la police ?
5 R. Mais c'est pour cela que je dis peut-être que oui. Mais en réalité, je
6 ne sais pas quelle était sa responsabilité. Je n'étais arrivé là que depuis
7 deux ou trois jours. Je connaissais mon officier direct, mon supérieur
8 direct.
9 Q. Mais est-ce que l'on n'apprend pas au cours d'une formation classique
10 de policier ce que c'est qu'une chaîne de commandement, de quelle façon on
11 transmet les ordres, quels sont les supérieurs, qui a le pouvoir, et
12 cetera ?
13 R. Je vous ai dit qui était mon commandant, mon commandant direct. Peut-
14 être qu'au-dessus, il y avait les SUP ou le secrétaire du SUP, ou peut-être
15 que c'était le ministre. Mais vous savez, je ne connais pas la verticale de
16 la chaîne de commandement.
17 Q. [aucune interprétation]
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. Vous nous dites que vous devenez un officer formé à Golubic sans
20 connaître le fonctionnement de la chaîne de commandement de la police de la
21 Krajina ? Vous ne saviez même pas ce que c'était qu'une chaîne de
22 commandement ?
23 R. Oui, c'est tout à fait possible que je ne connaissais pas toute la
24 chaîne de commandement. Je connaissais le commandant, le chef direct, mais
25 c'est tout. A l'époque, je ne pouvais absolument pas savoir qui était le
26 commandant de mon commandant et ainsi de suite. Je ne connaissais pas la
27 chaîne de commandant en entier.
28 Q. Vous avez dit qu'il y avait des hommes qui sont venus de Benkovac pour
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1 suivre une formation, et je pense que vous les avez formés, d'ailleurs.
2 Goran Opacic faisait partie de ces hommes, les hommes venus de Benkovac,
3 n'est-ce pas ?
4 R. Non. Je n'ai pas dit que je les ai formés. J'ai formé les gens de
5 Korenica, et il y avait quelques jeunes hommes d'Udbina, où nous étions sur
6 le terrain. Mais je n'ai jamais dit que c'est moi qui ai formé ces gens de
7 Benkovac. Donc, 10, 15 personnes sont venues de Benkovac, Obrovac, et
8 autres municipalités. Mais je n'étais pas leur commandant.
9 Q. Bon, alors cela veut dire que je ne vous ai pas très bien compris. Mais
10 cela étant dit, parmi ces hommes qui sont venus de Benkovac, il y avait
11 Goran Opacic, n'est-ce pas ? Il faisait partie des hommes venus de
12 Benkovac, n'est-ce pas ?
13 R. C'est possible. Mais je ne le connais pas personnellement. J'ai entendu
14 parler de cet homme. J'ai entendu dire qu'il faisait du karaté, que c'était
15 un sportif.
16 Q. Vous avez dit que vous ne le connaissiez pas personnellement, mais est-
17 ce que vous avez entendu dire qu'il avait été à Golubic à l'époque ?
18 R. Je ne m'en souviens pas. C'est tout à fait possible qu'il ait été là-
19 bas, mais je ne m'en souviens pas.
20 Q. Vous avez dit que vous êtes allé à Udbina pour y suivre une formation.
21 Si vous suivez une formation classique de police, et vous dites que c'est
22 ce que vous avez fait, pourquoi alors deviez-vous vous rendre à Udbina ?
23 R. Vous savez, vous recevez un ordre, vous l'exécutez et vous ne posez pas
24 de questions.
25 C'était comme cela à l'armée et à la police. Mais je vais vous dire ce que
26 je pensais. Ces hommes, ces jeunes hommes qui étaient là-bas, ils étaient
27 originaires du coin, donc ils ont dit qu'ils voulaient rentrer chez eux.
28 Cela ne nous dérangeait pas que d'être dans leur village, alors qu'on
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1 pouvait dormir là-bas. Ce n'était pas un problème de passer quelques jours
2 dans leur lieu de naissance, dans leur village d'origine.
3 Q. Maintenant, vous nous dites que parce que les gens, enfin, les
4 stagiaires qui suivaient une formation, ils voulaient rentrer chez eux,
5 c'est pour cela que vous avez dit "bon, d'accord, cela ne nous dérange pas,
6 on va aller là-bas" ? Ou est-ce que vous avez fait cela parce que vous
7 aviez reçu un ordre vous indiquant d'aller là-bas ?
8 R. Ces jeunes hommes, j'étais leur commandant, il y en avait qui étaient
9 d'Udbina et il y en avait qui étaient de Korenica, et ils ont dit qu'ils
10 auraient voulu que l'on fasse leur formation là-bas. Effectivement, le
11 commandant a fait droit à leur demande et a dit : mais pourquoi pas là-bas,
12 qu'ils passent un court séjour là-bas, qu'ils soient formés là-bas, qu'ils
13 voient leurs familles. On ne voyait pas où était le problème. Je ne vois
14 pas ce que vous ne comprenez pas, vous.
15 Q. Hier, quand vous avez parlé de vos formations, vous avez dit que vous
16 avez descendu une corde qui était sur les rochers. Enfin, est-ce que cela
17 fait partie de l'entraînement classique de la police, descendre une corde
18 comme un alpiniste, en réalité, d'un rocher ?
19 R. Mais pourquoi pas ? Je pense que c'est bien le cas.
20 Q. Et pourquoi ? Parce que c'est quelque chose que vous avez vu à la
21 télé ?
22 R. Mais pourquoi pas ? Je n'ai pas besoin de le voir à la télé. Mais
23 quelqu'un pensait que cela faisait partie de l'entraînement; pourquoi pas ?
24 Je ne vois pas pourquoi vous posez la question. Je ne vois pas la
25 différence parce que quelqu'un d'autre l'a vu à la télé.
26 Q. Monsieur, la question qui se pose, c'est de savoir s'il s'agit là d'un
27 entraînement de la police ou d'un entraînement des militaires de l'armée.
28 Vous, vous pensez toujours qu'il s'agit là d'un entraînement de police, de
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1 la police.
2 R. Monsieur le Procureur, en 1984, j'étais à l'armée. D'ailleurs, la
3 formation que nous avons suivie à l'armée était tout à fait différente de
4 celle que nous avons suivie pour la police.
5 Q. Vous nous avez déjà dit cela.
6 R. C'est pour cela que je pensais que c'était un entraînement de la
7 police.
8 Q. Mais quand vous descendez une corde tendue sur un rocher, vous dites
9 que c'est un entraînement destiné à entraîner la police, et pas les
10 militaires ?
11 R. Oui. Puisque quand j'étais soldat, je n'ai jamais descendu d'un rocher
12 à l'aide d'une corde, alors je me suis dit que c'était probablement un
13 entraînement classique de la police.
14 Q. Bon. On va revenir à Udbina. Vous avez dit que c'est la JNA qui vous a
15 renvoyé d'Udbina et que Milan Martic et Milan Babic ont essayé de négocier,
16 mais qu'on vous a quand même renvoyé de là-bas. Vous avez dit que c'était
17 parce que vous ne faisiez pas une formation classique destinée aux
18 policiers, comme vous l'avez appelée, mais parce qu'en réalité, ce que vous
19 faisiez, vous vous entraîniez aux activités militaires, c'était un
20 entraînement au combat. C'est pour cela que la JNA vous a renvoyé de là-
21 bas.
22 R. Ce n'est tout simplement pas possible. Vous avez 20 hommes, alors que
23 nous n'étions qu'une vingtaine et que l'armée avait des hélicoptères, des
24 chars, des véhicules blindés. Nous ne représentions aucun danger.
25 Q. Je n'ai pas dit que vous représentiez un danger face à la JNA, j'ai dit
26 que la JNA ne voulait pas de votre présence puisque vous étiez là-bas pour
27 faire l'entraînement aux activités de combat, un entraînement militaire, et
28 c'est pour cela qu'on vous a renvoyé.
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1 R. Je vous ai dit quel était l'entraînement que nous avons suivi. Cela
2 étant dit, je ne sais pas pourquoi ils nous ont virés de là.
3 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner une raison pour laquelle la JNA vous
4 aurait demandé de quitter les lieux alors que vous ne faisiez rien d'autre
5 que suivre une formation de police classique et que vous étiez là tout
6 simplement pour que les stagiaires puissent aller chez eux visiter leur
7 famille ? Pourquoi la JNA aurait fait cela ?
8 R. Je ne sais pas. Nous étions une toute petite unité très disciplinée, et
9 je n'ai pas participé aux négociations avec les officiers, avec l'armée.
10 Tout ce qui s'est passé, c'est que nous avions reçu l'ordre de nous
11 retirer.
12 Q. Vous avez dit, à propos de Golubic, que vous aviez entendu que l'un de
13 vos collègues avait giflé, à Golubic, quelques prisonniers de guerre
14 croates et que le capitaine Dragan avait demandé à Martic combien encore on
15 allait tolérer cela, ce type de comportement, et que Martic avait renvoyé
16 ce commandant. Vous souvenez-vous de cette déclaration ?
17 R. Oui, je me souviens.
18 Q. [aucune interprétation]
19 R. Je crois que nous l'avons un peu corrigée par la suite.
20 Q. C'est très bien, Monsieur. Maintenant, je vais vous poser une autre
21 question. La question était ce que le capitaine Dragan a dit exactement.
22 Mais vous n'avez pas raconté la fin de l'histoire, n'est-ce pas ?
23 R. Quelle fin ?
24 Q. En fait, le commandant qui a été renvoyé a tout de même reçu
25 l'autorisation de rester à Golubic ? L'ordre n'a pas été exécuté ? Il a été
26 autorisé de rester ?
27 R. J'ai expliqué que ce jour-là, je devais être chez moi ou à Knin, et
28 ensuite --
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1 Q. Monsieur, je dois vous interrompre --
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Vous savez, vos amis vous ont dit qu'ils avaient été autorisés de
4 rester.
5 R. Mes amis m'ont dit que M. Martic était venu et qu'il l'avait renvoyé.
6 Je ne sais pas quel sort lui a été réservé par la suite, pas plus que je ne
7 connais son nom.
8 Q. Je vais vous citer le résumé de votre déposition, le document qui nous
9 a été fourni par la Défense. C'est ce qu'ils disent qui serait l'objet de
10 votre témoignage :
11 "Une fois, quelques Croates prisonniers de guerre ont été emmenés à
12 Golubic. L'un des instructeurs les a attaqués physiquement. Le capitaine
13 Dragan en a informé Milan Martic, et ce dernier a donné l'ordre que cet
14 instructeur soit renvoyé du campement. Cependant, les stagiaires de cette
15 formation se sont opposés à cet ordre, si bien qu'il est resté, mais il lui
16 a été interdit strictement d'approcher les Croates."
17 R. Je ne sais pas comment il s'appelle. Peut-être que nous n'avons pas
18 formulé toute la question hier. Je sais qu'on m'a dit que les stagiaires
19 s'étaient opposés, et ils ont dit que s'il devait partir, ils partiraient
20 eux aussi, et comme ils m'ont dit, il est resté. Ce qui lui est arrivé par
21 la suite, je ne le sais pas. Peut-être est-il resté à Golubic, mais sous
22 certaines conditions que j'ignore parce que je n'ai pas été présent.
23 Q. Monsieur --
24 R. Maintenant que je dis que je ne sais pas, c'est que je ne sais même pas
25 qui est-ce ni ce qui lui est arrivé par la suite.
26 Q. Monsieur, il y a cinq minutes, quand je vous ai posé la question
27 suivante : "Vous savez, grâce à ce que vos amis vous ont dit, qu'il pouvait
28 rester, n'est-ce pas ?" Vous avez répondu : "Mes amis m'ont dit que M.
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1 Martic l'a renvoyé. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé et j'ignore son
2 nom."
3 Mais c'est un mensonge, n'est-ce pas ? Parce que vous venez de nous
4 dire que vous avez appris que d'autres s'étaient opposés à son renvoi et
5 qu'il était autorisé à rester.
6 R. Est-ce que vous voulez que je répète ma réponse ?
7 Q. Je veux que vous répondiez à ma question. Avant de vous citer ce qui
8 figure dans le résumé de votre déclaration, vous avez menti à ce Tribunal ?
9 R. Non, Monsieur le Procureur. Je n'ai pas menti. J'aurais préféré être là
10 ce jour-là. J'aurais connu les détails. Je vous dis ce que j'ai entendu.
11 Ils m'ont dit qu'ils s'étaient opposés à son renvoi et qu'ensuite, il a pu
12 rester. Mais je vous ai dit que je ne sais pas qui il était. Peut-être il
13 est resté, peut-être est-il resté ensuite. Mais à ce moment-là --
14 Q. Mais, Monsieur --
15 R. [aucune interprétation]
16 Q. Monsieur, vous ne nous avez pas dit cela hier, et quand je vous ai posé
17 la question concrète s'il pouvait rester, vous m'avez dit que vous ignoriez
18 ce qui était arrivé.
19 Ce témoignage n'était pas exact, parce que vous savez qu'il a été
20 autorisé de rester.
21 R. Je ne vois pas l'objectif. Mes collègues m'ont dit que quelqu'un a
22 giflé un Croate, et pour ne pas répéter toute l'histoire, M. Martic est
23 venu et l'a renvoyé. Mais --
24 Q. Non, non, Monsieur. Je ne veux pas que vous répétiez ce que vous avez
25 déjà dit. Mais toute cette histoire, vous la connaissez d'après ce que vos
26 collègues vous ont dit. Vous-même, vous n'avez rien vu de tout cela; est-ce
27 que cela est vrai ?
28 R. J'ai dit que ce jour-là, j'étais probablement chez moi ou à Knin.
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1 Q. Par conséquent, vous avez entendu que Martic avait renvoyé cette
2 personne et aussi vous avez entendu qu'après cela, il a été autorisé de
3 rester. Vous avez entendu les deux informations ?
4 R. Oui, je les ai entendues, et mon intention n'était pas de mentir au
5 Tribunal. Pourquoi mentirais-je ? Je n'ai aucune raison.
6 Q. Vous n'avez pas de raison de mentir au Tribunal, Monsieur ?
7 R. Non, je n'ai pas de raison de mentir.
8 Q. Vous ne pouvez pas nous donner le nom du commandant qui a été impliqué
9 dans cette histoire, qui a giflé le prisonnier de guerre croate et qui a
10 été renvoyé et n'a pas été renvoyé ? Vous ne pouvez pas nous révéler son
11 nom ?
12 R. J'ignore son nom.
13 Q. Ou peut-être que vous ne voulez pas le dire ?
14 R. Non, je ne connais pas son nom. Cela ne m'intéressait pas. Il n'était
15 pas commandant. C'était un chef d'un petit groupe venu d'une ville. Moi,
16 vraiment, je ne connais pas son nom.
17 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes en train d'inventer ce témoignage ?
18 Parce que tout à l'heure, vous avez dit qu'il s'agissait d'un commandant ou
19 d'un chef de groupe. Qu'est-ce qu'il était ?
20 R. Monsieur, vous avez dit "commandant" ou "chef de groupe." J'ai dit un
21 des chefs de groupe, hier comme aujourd'hui. Tout à l'heure, vous avez dit
22 "commandant", ce qui est une notion tout à fait différente.
23 Q. Parlons maintenant un peu de la prison. Hier, vous avez déclaré
24 qu'une quinzaine à une vingtaine de personnes avaient été envoyées depuis
25 Golubic pour transférer des prisonniers de guerre croates dans l'ancien
26 hôpital. Vous avez décrit l'hôpital. Je cite :
27 "Les carreaux étaient cassés, ainsi que les portes défoncées, il n'y
28 avait pas d'eau chaude. Je me demande même s'il y avait de l'eau froide."
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1 C'est sur la page 45 du transcript de la session d'hier.
2 Telles étaient les conditions que vous avez retrouvées dans l'ancien
3 hôpital ?
4 R. J'ai dit que l'ancien hôpital était composé de deux ailes.
5 Q. Non, Monsieur --
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. -- c'est avant que vous nous le disiez. Vous avez décrit l'ancien
8 hôpital en disant que la personne qui était en charge de votre groupe
9 s'était plainte qu'elle devait assurer l'ancien hôpital et le réparer. Vous
10 vous souvenez de l'avoir dit ?
11 R. Oui, je me souviens de l'avoir dit.
12 Q. Ensuite, sur la page 53, vous avez dit que deux ou trois pièces étaient
13 habitables et que les prisonniers de guerre pouvaient y demeurer pendant
14 que vous répariez l'hôpital. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
15 R. Oui. Toutes les pièces étaient endommagées au même degré. Dans chacune
16 des pièces, il y avait des choses à faire, mais dans une plus, dans
17 d'autres moins. Mais il y en avait qui étaient moins endommagées.
18 Q. Monsieur, malgré ce que vous avez dit, qu'il n'y avait pas d'eau chaude
19 et que peut-être qu'il n'y avait même pas d'eau froide, vous nous dites que
20 "dans deux ou trois pièces, les carreaux étaient entiers, les portes
21 n'étaient pas défoncées." Vous nous le dites que maintenant.
22 R. Je ne le dis pas. Vous ne m'avez pas bien compris.
23 Q. Expliquez-nous ou je vais vous dire ce qui suit, en fait. Les
24 conditions étaient telles et les prisonniers de guerre vivaient dans ces
25 conditions jusqu'au moment des réparations, n'est-ce pas ?
26 R. Lorsque les prisonniers ont été amenés, ils ont été installés dans
27 l'aile droite, dont la moitié était occupée par les services médicaux, des
28 médecins et des infirmières. A côté de ces pièces, il y avait des pièces
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1 désaffectées depuis quelques années.
2 Cependant, il y avait des choses à refaire dans ces pièces. Dans une
3 pièce un peu plus, dans d'autres moins. Il y avait un carreau à réparer, et
4 dans une autre pièce, il y en avait cinq de cassés. L'eau chaude n'y était
5 pas tout de suite, nous ne l'avions pas, tandis que dans la partie gauche,
6 il n'y avait pas du tout d'eau. Je crois avoir été clair à ce propos.
7 Q. En ce cas, est-ce que vous pouvez m'éclairer un petit peu ? Si dans une
8 partie de cet hôpital, il y avait des pièces où l'on pouvait les utiliser,
9 pourquoi la situation était urgente ? Pourquoi le chef de votre groupe
10 s'inquiétait du fait de devoir réparer l'hôpital et l'assurer à la fois ?
11 S'il y avait assez de place, pourquoi c'était urgent ?
12 R. Parce qu'il y avait des choses urgentes. Ce n'était peut-être pas
13 urgent, mais il fallait faire ces choses. Il fallait réparer.
14 Cet homme, pendant deux, trois jours, il a beaucoup travaillé. Il
15 avait demandé quelqu'un pour l'aider. Je n'y vois rien de singulier.
16 Q. Il a demandé une assistance ? Il ne pouvait pas faire tout cela tout
17 seul parce que la chose était urgente ou parce que les prisonniers étaient
18 détenus aux endroits inadéquats ? Cet espace ne correspondait pas à la
19 nécessité.
20 R. Certes, les conditions n'étaient pas comme ici. Mais écoutez, on
21 n'avait pas mieux. C'est tout ce qu'on avait. Mais notre volonté a été
22 d'améliorer les conditions au maximum.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.
24 J'ai voulu avoir la réponse à la question qui vous a été posée par
25 l'Accusation et que je n'ai pas entendue.
26 Je ne vous ai pas entendu répondre à la question suivante : c'étaient les
27 conditions de l'hôpital, et les détenus vivaient dans ces conditions
28 jusqu'au moment où ces conditions ont été améliorées. Les conditions ont
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1 été telles que vous les avez décrites hier dans votre déposition, donc il
2 n'y avait pas de carreaux, il n'y avait pas d'eau chaude, et même vous
3 doutiez de la présence de l'eau froide. Les portes étaient défoncées. Vous
4 vous en souvenez ? Est-il vrai que ces prisonniers de guerre vivaient dans
5 ces conditions jusqu'à ce que ces dernières n'aient été améliorées ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je l'ai dit
7 précisément, hier, que --
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je dois vous interrompre. Je ne vous
9 ai pas demandé ce que vous avez dit hier. Je vous demande de nous dire
10 maintenant si cela est vrai.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis que nous avons choisi cette aile où il
12 y avait de l'eau. Dans l'aile gauche, il n'y avait pas d'eau. Il n'y avait
13 --
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je dois vous interrompre encore. Est-
15 il vrai ? Voilà ma question. Est-ce que vous voulez bien répondre à ma
16 question ? Ne formulez pas la question vous-même, mais répondez à la
17 mienne. Est-ce que cela est vrai ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien répéter la
19 question, parce que je crois ne l'avoir pas bien comprise.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-il vrai que les détenus vivaient
21 des ces conditions jusqu'au moment où celles-ci n'ont pas été améliorées ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Pourquoi est-il si difficile de
24 répondre à une question aussi simple ? Vous me parliez de ce que vous
25 disiez hier. Pourquoi vous avez besoin d'autant de détails ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne fais pas une grande pause après votre
27 question, mais il m'est difficile de répondre parce que la situation était
28 complexe. Il faut que je revienne dans cette période pour m'en souvenir.
Page 8805
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Encore une fois, vous ne répondez pas
2 à ma question. Je ne vous demande pas sur les pauses. Je vous demande
3 pourquoi vous faut-il tellement longtemps pour répondre, pourquoi c'est si
4 difficile de me répondre.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est difficile de
6 répondre par un "oui" ou par un "non" à cette question.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi cela est difficile ? Si l'on
8 peut répondre avec un "oui" ou un "non", pourquoi est-ce difficile ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce je voudrais donner une explication pour
10 vous expliquer pourquoi les choses étaient --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je ne vous l'ai pas demandé, de
12 me donner des explications. Si je veux une explication, je vous la
13 demanderai.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demande de répondre à une
16 question précise.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Monsieur Whiting.
19 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Vous avez dit dans votre dernière question qu'il n'y avait pas d'eau
21 chaude à l'endroit où les détenus étaient installés, dans l'aile droite.
22 R. Les premiers trois, quatre ou cinq jours, au plus six jours,
23 effectivement, il n'y avait pas d'eau chaude.
24 Q. Soit dit en passant, au mois d'août 1991, il y avait plus de 50 détenus
25 dans la prison de Knin; est-ce que cela est vrai ?
26 R. Je ne sais pas combien de détenus il y avait, parce que la situation
27 changeait de jour en jour. Si nous parlons de la période --
28 Q. En août 1991, vous avez été nommé directeur de cette prison. En août
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1 1991, il y avait une cinquantaine de détenus ?
2 R. Cela est possible.
3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Sur la page 52, cinquième ligne,
4 réponse : "Les premiers deux, trois, quatre, cinq ou six jours, il n'y
5 avait pas d'eau chaude, six au plus." Je me demande ce que cela veut dire
6 dans ce contexte, "six au plus". Est-ce que vous pouvez m'éclairer là-
7 dessus ? L'expression que vous avez utilisée ne m'est pas claire.
8 M. WHITING : [interprétation] J'ai compris que cela veut dire "six jours au
9 maximum".
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Je viens
11 d'apprendre quelque chose.
12 M. WHITING : [interprétation]
13 Q. Une fois encore, au début de votre réponse, vous dites : "Il est
14 possible." Est-ce que vous savez ou ne savez pas -- quand vous avez été
15 nommé directeur de la prison, c'est la fonction la plus importante que vous
16 ayez jamais eue dans la vie, et vous ignorez s'il y avait 50 ou à peu près
17 50 détenus dans la prison ?
18 R. Comment puis-je savoir ? Je devrais voir le rapport de ce jour-là.
19 Q. Monsieur, si vous écoutez attentivement ma question, j'ai dit : "A peu
20 près 50," peut-être 48 ou 52.
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. Lorsque je vous ai posé la question, vous m'avez dit : "Cela est
23 possible." Maintenant, vous m'avez dit : oui, il y avait à peu près 50.
24 R. Peut-être qu'il y en avait 20, peut-être 50. Je ne peux pas me
25 souvenir, en 1991, combien de prisonniers y avait-il un jour, et en 1993 et
26 en 1995.
27 Q. Quand vous dites "il est possible", c'est que vous l'ignorez ? Vous
28 n'en avez pas l'idée ?
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1 R. Non, je ne sais pas.
2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quelle était la capacité de la prison
3 à ce moment-là ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons sauté cette partie. Avec
5 l'augmentation du nombre des personnes détenues --
6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par
7 là, "sauté" ? C'est qui, "nous", et qu'est-ce que "nous avons sauté" ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, on n'en parlait pas
9 ici.
10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous ai posé une question, et s'il
11 vous plaît, répondez-moi. Ne commentez pas, mais répondez. Au moment où
12 vous êtes devenu directeur de la prison, quelle était la capacité de
13 détenus ? Combien de détenus pouvaient-ils être installés dans la prison ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Plus que le nombre mentionné par ce monsieur.
15 Il y avait une quinzaine de chambres.
16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quelle était la capacité de cette
17 prison ? Combien de détenus pouvaient-ils être détenus à cet endroit, étant
18 donné la capacité du moment ? Est-ce que vous pouvez m'avancer un chiffre ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être une centaine.
20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Officiellement, il n'y avait pas de
21 chiffre officiel ? Vous ne pouvez pas nous donner un chiffre officiel ?
22 Parce que vous dites "peut-être, à peu près --"
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas.
24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous avez dit 15 chambres ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Combien de personnes par chambre ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dépend des pièces. Il y en avait qui
28 étaient un peu moins grandes que celle-ci, et on pouvait y installer
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1 beaucoup de personnes. Selon notre règlement, une personne détenue devait
2 disposer d'au moins 8 mètres cubes ou 12, j'ai oublié.
3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître
4 Whiting.
5 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
6 Q. Est-ce que je vous ai bien compris --
7 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
8 M. WHITING : [interprétation]
9 Q. Vous avez dit que dans cet hôpital il y avait des pièces dont les
10 dimensions ressemblaient à celles de cette salle d'audition ?
11 R. Oui, il y en avait qui étaient à peu près aussi grandes, et il y en
12 avait des moins grandes. Autrefois, c'étaient des chambres d'hôpital. Il y
13 en avait qui avaient 30 mètres carrés, et d'autres 40 ou 15. C'était cet
14 ordre de grandeur de ces pièces.
15 M. WHITING : [interprétation] Peut-être le moment est venu.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, nous allons faire une
17 pause et nous reviendrons à midi et demi.
18 --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.
19 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.
21 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Plejo, hier, vous avez déposé et vous avez dit dans le cadre
23 de cette déposition, que vous avez fait en sorte qu'il n'y ait pas de
24 personnes non autorisées qui entrent dans la prison et que vous avez
25 empêché cela en mettant les gardiens à l'entrée de la prison. C'est à la
26 page 48.
27 R. C'est tout à fait possible.
28 Q. Je ne vois pas ce que vous voulez dire par "tout à fait possible,"
Page 8810
1 parce que la dernière fois, quand vous avez dit que quelque chose était
2 tout à fait possible, à la fin, il s'est avéré que c'était quelque chose
3 dont vous n'aviez aucune idée. Est-ce que vous voulez que je vous relise ?
4 R. Non, non. Vous n'avez pas besoin de le faire. Mais vous savez, la
5 sécurité des accès à la prison, c'était une chose obligatoire. L'objectif
6 était d'empêcher toute personne non autorisée à entrer dans la prison, mais
7 aussi d'empêcher toute fuite de la prison.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
9 M. WHITING : [interprétation]
10 Q. C'est à la page 48, et je vous ai posé la question :
11 "Comment avez-vous fait pour vous assurer que des personnes non
12 autorisées ne puissent pas accéder à la prison ?
13 "Réponse : Nous avons placé les gardiens aux portes de la prison pour
14 assurer la sécurité de la prison."
15 Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
16 R. Oui, mais nous aurions procédé exactement de la même sorte pour
17 empêcher toute fuite de la prison. Je n'ai fait qu'élargir ma réponse, la
18 compléter, en quelque sorte.
19 Q. Essayez, s'il vous plaît, de vous concentrer sur les questions précises
20 que je vous pose. Comme cela, nous allons aller plus vite.
21 En réalité, Monsieur, ou tout au moins au début, les gardiens n'étaient pas
22 en mesure, n'étaient pas capables d'empêcher les personnes venant de
23 l'extérieur d'entrer dans la prison, et parfois, ils insultaient ces
24 personnes venant de l'extérieur, insultaient les prisonniers, et même les
25 attaquaient ?
26 R. Non, ce n'est pas exact.
27 Q. Monsieur, je vais à nouveau vous donner lecture du résumé de la
28 déclaration qui nous a été fournie par la Défense. C'est le résumé de votre
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1 future déposition.
2 "Le témoin a été envoyé à Knin pour organiser une prison là-bas dans
3 le bâtiment de l'ancien hôpital. Parce que cet hôpital n'avait pas été
4 construit à l'origine pour être une prison, au début, les gardiens avaient
5 du mal à empêcher les gens de l'extérieur de pénétrer dans la prison.
6 Parfois, ils entraient, et parfois, ils attaquaient ou ils insultaient les
7 prisonniers."
8 Je vous ai lu cela. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela
9 s'est produit au départ ?
10 R. Mais c'est tout à fait possible que cela s'était produit tout à fait au
11 début. Mais là, j'avais l'impression que vous m'aviez posé une question au
12 sujet de la prison du district. C'est de cela que je parle, parce que c'est
13 tout à fait possible que ces choses-là s'étaient produites avant la
14 création de la prison proprement dite. Mais à partir du moment où on a créé
15 la prison, non.
16 Q. Bien. On va procéder pas à pas. Je vous ai lu le résumé de votre
17 déposition.
18 "Le témoin a été envoyé à Knin pour y organiser la prison dans le bâtiment
19 de l'ancien hôpital. A cause du fait que ce bâtiment n'a pas été à
20 l'origine construit pour servir de prisons. les gardiens avaient du mal à
21 empêcher les gens de l'extérieur d'entrer dans la prison et parfois
22 insultaient ou attaquaient les prisonniers."
23 Cela s'est produit, n'est-ce pas ?
24 R. Les gardiens, comme je l'ai dit hier, faisaient partie de la Défense
25 territoriale. Ils avaient leur commandant et ils étaient censés empêcher
26 toutes les personnes d'entrer dans la prison. Mais ils ne pouvaient pas
27 toujours y arriver. Ils ne pouvaient pas toujours empêcher les gens
28 d'entrer dans la prison. Mais à partir du moment où la prison du district a
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1 été créée, quand les professionnels ont commencé à travailler dedans, ceci
2 ne s'est plus reproduit. Cette possibilité n'existait plus.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous demander quelque chose.
4 Je vais faire une demande. Ne créez pas vos propres questions. Arrêtez de
5 créer vos propres questions et vos propres réponses à ces questions.
6 Essayez de répondre aux questions qui vous sont posées. On vous a demandé
7 si ces choses-là s'étaient produites ou non au début, et vous devez dire
8 "oui" ou "non".
9 LE TÉMOIN : [interprétation] A partir du moment où je suis devenu le
10 directeur de la prison, non, cela ne s'est plus produit.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais on ne vous a pas demandé quelle
12 était la situation à partir du moment où vous étiez le directeur de la
13 prison; on vous a demandé quelle était la situation au début. On vous a
14 donné lecture du résumé supposé de votre déclaration, de votre déclaration
15 préalable. C'est ce que vous avez dit aux avocats.
16 Vous avez dit aux avocats que vous alliez raconter cela devant les
17 Juges, qu'au début, c'était difficile d'empêcher les gens d'entrer,
18 d'attaquer les prisonniers et de les insulter. Est-ce que vous avez dit
19 cela ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que oui.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais non, non, non. Cela ne marche
22 pas. Vous devez me répondre par un "oui" ou par un "non". Vous le savez, ce
23 que vous avez dit.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne sais pas ce que j'ai dit. Je ne
25 sais pas si j'ai dit vraiment cela.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais si vous ne l'avez pas dit,
27 pourquoi voulez-vous que les avocats le disent ? Pourquoi les avocats
28 seraient allés voir le Procureur pour lui dire : notre témoin va raconter
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1 ceci ou cela, si vous ne leur avez pas dit au préalable ce que vous alliez
2 raconter ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que j'ai été clair. Si vous voulez,
4 je peux répéter. Pendant la Défense territoriale, à l'époque de la Défense
5 territoriale, il est arrivé que des gens entrent --
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Vous ne répondez pas à la
7 question. Je vous ai demandé d'où vos avocats tiennent cette information.
8 D'où leur est-elle venue ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est possible qu'ils aient appris cela, mais
10 je ne sais pas qui leur a dit cela. Je ne sais pas d'où vient
11 l'information.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ils ont dit que c'est la déposition,
13 que c'est votre déposition, que c'était le résumé de votre déposition.
14 C'est ce qu'ils disent.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je leur ai raconté, c'est exactement la
16 même chose que ce que je vous raconte maintenant.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas exactement la même chose.
18 Cela ne correspond pas. Est-ce que vous avez dit à vos avocats qu'au début
19 il n'était pas toujours possible d'empêcher que les gens de l'extérieur
20 entrent dans la prison pour insulter et parfois attaquer les prisonniers ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous l'avez fait. Bien. Merci. A
23 nouveau, je vous pose la question suivante : pourquoi vous avez besoin
24 d'autant de temps pour répondre ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très difficile de répondre par un "oui"
26 ou par un "non". Je voudrais ajouter des informations et vous expliquer
27 comment les choses se sont passées vraiment.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous venez de le faire. Vous avez
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1 dit "oui." C'est très simple. Où est le problème ? Pourquoi c'est aussi
2 difficile que cela ?
3 Vous pouvez continuer, Monsieur Whiting.
4 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur, dites-nous pourquoi, avant que je ne vous donne lecture
6 de ce résumé, quand je vous ai posé une question très simple, à savoir :
7 "Il est un fait qu'au début, au moins au début, les
8 gardiens n'arrivaient pas à empêcher les gens de l'extérieur d'entrer dans
9 la prison et parfois d'insulter les prisonniers et même de les attaquer;
10 est-ce exact ?"
11 Vous avez répondu :
12 "Non, ce n'est pas vrai."
13 Là, vous nous dites que c'est vrai.
14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Non, non. C'est une autre question.
15 Parce que là, on a demandé au témoin ce qu'il a dit à ses avocats, alors
16 que là, vous lui demandez ce qui s'est passé sur le terrain.
17 M. WHITING : [interprétation] Je peux éclaircir cela, si vous le voulez.
18 Q. Maintenant, vous nous dites que vous avez bel et bien dit cela à vos
19 avocats, qu'au début, il n'était pas toujours possible d'empêcher les gens
20 d'entrer, d'insulter les prisonniers et parfois de les attaquer. Vous avez
21 dit : Oui, je leur ai dit cela. Vous avez dit cela aux avocats parce que
22 c'était vrai, n'est-ce pas ?
23 R. Monsieur le Procureur, je l'ai dit, mais quand j'ai dit cela, je
24 faisais référence à la période où existait la Défense territoriale.
25 Q. Monsieur, ce que vous avez dit aux avocats, c'était vrai, n'est-ce
26 pas ? Oui ou non ?
27 R. Oui.
28 Q. Bien.
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1 R. C'était vrai. Oui.
2 Q. Très bien. Maintenant, je pose la question suivante. Pourquoi tout à
3 l'heure, quand je vous ai demandé, à la page 56 :
4 "En réalité, Monsieur, tout au moins au début, les gardiens n'étaient pas
5 en mesure d'empêcher les gens de l'extérieur d'entrer dans la prison et
6 parfois même de les insulter ou de les attaquer; est-ce exact ?"
7 Là, j'utilise vraiment texto, je cite texto le résumé de votre déclaration.
8 J'ai utilisé exactement les propos qui figurent dans le résumé de votre
9 déclaration. Vous avez dit :
10 "Non, ce n'est pas vrai."
11 Pourquoi vous avez dit cela ? Pourquoi vous avez dit à l'époque que ce
12 n'était pas vrai et maintenant vous dites que c'est vrai ?
13 R. Vous devez me dire quels étaient ces gardiens, et là je peux vous
14 répondre par oui ou par non.
15 Q. Mais vous n'avez pas répondu comme cela. Vous ne m'avez pas demandé qui
16 étaient les gardiens. Vous avez tout simplement dit : "Non, ce n'est pas
17 vrai." Pourquoi ?
18 R. Parce que j'ai pensé tout d'abord à ces gens qui étaient des
19 professionnels qui ont commencé à faire ce travail en tant que
20 professionnels. A partir du moment où ces gens-là ont commencé à
21 travailler, cela ne se reproduisait plus. Ce n'était pas possible que cela
22 se reproduise. C'est possible que j'aie dit que c'était possible parce que
23 je faisais référence au tout début, quand il y avait encore la Défense
24 territoriale, quand c'étaient des gens qui n'étaient pas expérimentés, qui
25 ne connaissaient pas ce travail-là et qui n'étaient pas en mesure
26 d'empêcher que cela arrive. Je pense que maintenant, j'ai été clair.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les gardiens professionnels, est-ce
28 qu'ils étaient là au début ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Une dizaine ou une quinzaine de jours avant la
2 création de la prison départementale de Knin, ce sont les membres de la
3 Défense territoriale qui assuraient la sécurité des pièces dans lesquelles
4 étaient enfermés les détenus.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je repose ma question. Au début, est-
6 ce que les gardiens professionnels étaient présents ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi alors vous avez pensé aux
9 gardiens professionnels ? Vous parlez du début, et le mot "début" vient de
10 votre résumé même. Pourquoi avez-vous pensé aux gardiens professionnels ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut savoir de quelle période vous parlez.
12 Je vous ai dit que la Défense territoriale était là pendant les 10 ou 15
13 premiers jours. Après, ils avaient été remplacés par les gardiens
14 professionnels. Donc, ce n'est pas la même chose.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous saviez qu'au début les gardiens
16 professionnels n'étaient pas là, et vous saviez qu'on vous avait posé une
17 question au sujet du début. Pourquoi avez-vous pensé aux gardiens
18 professionnels alors que vous faisiez référence au début de l'existence de
19 la prison, alors que vous saviez qu'ils n'étaient pas là ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que j'ai été clair. Je ne comprends
21 toujours pas quel est l'objet de votre question.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je répète la question. Vous saviez que
23 les gardiens professionnels n'étaient pas là au début. Le Procureur vous a
24 posé une question au sujet du début. Pourquoi les gardiens professionnels
25 étaient les premiers qui vous sont venus à l'esprit ? Pourquoi vous avez
26 pensé à eux ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Procureur ne m'a pas dit qu'il s'agissait
28 d'une question qui concernait le début. Il m'a juste demandé s'il est vrai
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1 qu'ils venaient. Il n'a pas précisé la période.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur, est-ce que vous voulez qu'on
3 vous donne lecture du compte rendu d'audience pour vous présenter
4 exactement la façon dont la question vous a été posée ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux bien.
6 M. WHITING : [interprétation] C'est la page 56.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Regardez la page 56, ligne 18. C'est
8 là que l'on vous a posé la question pour la première fois par le Procureur.
9 Je cite, je lis la question :
10 "En réalité, Monsieur, tout au moins au début," et là je souligne le mot
11 "au début", "les gardiens n'étaient pas en mesure d'empêcher les gens de
12 l'extérieur d'entrer dans la prison et parfois d'insulter ou même
13 d'attaquer les prisonniers; n'est-ce pas vrai ?" Votre réponse, je cite :
14 "Non, ce n'est pas vrai."
15 Le Procureur nous a dit que ce mot "au début" vient du résumé de votre
16 déclaration, et vous nous avez dit que vous avez bel et bien déclaré cela
17 devant vos avocats.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, quand on dit "au
19 début", je me suis dit qu'au début, on faisait référence au début de ma
20 fonction de directeur ou au début de la création de la prison
21 départementale de Knin. Quand vous dites au début, je ne sais pas si vous
22 faites référence à la période qui a précédé ma prise de fonction, 10 ou 15
23 jours avant, quand c'était la Défense territoriale.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas ce que vous voulez dire
25 par le "début". Vous-même vous n'avez déclaré que ce qui s'était passé au
26 début.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut être plus précis. Je ne peux pas
28 répondre.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est à vous de définir, puisque ce
2 sont vos propos. C'est vous qui avez dit cela. De toute façon, on n'est pas
3 ici pour débattre de définitions. Je vous ai posé une question -- et là je
4 dois retrouver la question. Je vous ai demandé pourquoi vous pensiez qu'il
5 s'agissait des gardiens professionnels alors que vous saviez pertinemment
6 que les gardiens professionnels n'étaient pas là au début. C'était la
7 question que je vous ai posée.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas répondre autrement qu'en vous
9 disant ce qui suit. C'est arrivé pendant l'époque où la Défense
10 territoriale était encore là. Après, cela ne s'est plus reproduit. Je pense
11 que je suis clair. Je ne saurais être plus précis.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La "Défense territoriale", c'est vous
13 qui introduisez ces termes dans ce contexte. Dites-moi à quel moment le
14 Procureur parle de la "Défense territoriale", depuis qu'on vous a posé la
15 question à la page 56, ligne 18.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vrai que le Procureur n'en a pas parlé,
17 mais c'est moi qui ai été précis. J'ai situé dans le temps --
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi vous dites que le Procureur a
19 mentionné la Défense territoriale ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, je n'ai pas dit, justement, qu'il
21 l'a mentionné. Justement, c'est moi qui l'ai mentionné, et les gardiens
22 professionnels. Pendant qu'il y avait la Défense territoriale, cela est
23 arrivé.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous donner lecture de ce que
25 vous venez de dire : "Je ne saurais répondre autrement qu'en disant que
26 cela s'est produit, que des incidents se sont produits pendant la période
27 où la Défense territoriale était là."
28 Comment vous savez qu'il a parlé des incidents qui se seraient produits
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1 pendant la période où la Défense territoriale était là, alors qu'il n'a pas
2 mentionné la Défense territoriale ? Il a tout simplement parlé du "début".
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai complété -- j'ai été plus complet. J'ai
4 complété sa question et je lui ai dit qu'effectivement, au début, cela
5 s'était produit, mais que ce début correspondait à la période où la Défense
6 territoriale était là.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux consigner au compte
8 rendu d'audience le fait que vous ne souhaitez pas répondre à ma question,
9 c'est-à-dire : pourquoi vous faites un lien entre les gardiens
10 professionnels et le début ? Ou est-ce que ce que vous avez dit tout à
11 l'heure, c'est votre réponse ? Qu'est-ce que je dois -- je dois prendre
12 note de quoi, exactement ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Le début du fonctionnement de la prison
14 départementale correspond au moment où les gens ont été embauchés. Quand
15 j'ai dit au Procureur que cela ne s'était pas produit au début, je l'ai dit
16 parce que comme début, pour moi, c'était le début de l'existence de la
17 prison départementale. C'était cela, "le début".
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
19 Vous pouvez continuer, Monsieur Whiting.
20 M. WHITING : [interprétation] Bien.
21 Q. On va continuer avec cette période où la Défense territoriale était là.
22 Vous, vous étiez là aussi au moment où la Défense territoriale était là ?
23 R. Oui.
24 Q. Mais pourquoi il était si difficile d'assurer la sécurité des portes de
25 la prison et d'empêcher les gens d'entrer et d'insulter ou attaquer les
26 prisonniers ? Pourquoi cela ne pouvait pas être fait ?
27 R. Mais vous savez, je vous ai déjà expliqué que dans la Défense
28 territoriale, il y avait des gens plutôt âgés, dans la cinquantaine, je
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1 dirais, et quand quelqu'un qui jusqu'à la veille était un commerçant ou un
2 médecin, comment voulez-vous qu'il empêche un jeune homme d'entrer quelque
3 part ? Il avait du mal à le faire. C'est pour cela que c'était difficile.
4 Q. Je pense que vous devez faire attention avec votre façon de déterminer
5 la notion de personnes âgées. Mais ces membres de la Défense territoriale
6 étaient armés, n'est-ce pas ? Ils avaient des armes ? Ils avaient des
7 fusils ?
8 R. Oui, mais vous savez, ce n'étaient pas des professionnels et ils
9 n'osaient pas tirer. Ils ne pouvaient pas tirer sur qui que ce soit dans
10 ces conditions.
11 Q. Monsieur, vous me dites que ces hommes, ces jeunes hommes faisant
12 partie de la Défense territoriale n'étaient pas en mesure d'empêcher les
13 gens d'entrer et d'attaquer les prisonniers ? C'est ce que vous dites ?
14 R. Je n'ai pas dit qu'ils étaient vieux. J'ai dit qu'ils étaient un petit
15 peu plus âgés, parce que ceux qui ont travaillé par la suite, ils avaient
16 entre 20 et 30 ans. J'ai dit que c'étaient des personnes qui étaient un
17 petit peu plus âgées. Je suis désolé si j'ai offensé qui que ce soit, mais
18 effectivement, c'est un terme relatif. Mais bon, ils n'étaient pas en
19 mesure d'empêcher l'entrée, enfin, pas toujours; parfois, c'était le cas,
20 mais parfois non.
21 Q. Monsieur, hier vous avez dit que sur les 15 ou 20 hommes qui étaient à
22 Golubic, vous êtes resté. Les autres étaient revenus à Golubic, mais vous,
23 vous êtes resté parce que :
24 "Le nouveau commandant de la Défense territoriale n'était pas très
25 expérimenté et il ne se sentait pas en mesure de contrôler tout cela tout
26 seul. C'est pour cela que je suis resté pour l'aider."
27 Ceci figure à la page 48. Avec tout le respect que je vous dois, vous
28 n'aviez aucune expérience vous non plus à l'époque, n'est-ce pas ?
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1 R. Effectivement, je n'avais pas beaucoup d'expérience, mais j'y étais
2 déjà depuis une dizaine de jours. Je savais un peu plus que lui et j'étais
3 peut-être un peu plus courageux que lui.
4 Q. Est-ce que vous avez dit plus courageux ?
5 R. Oui, un peu plus que ce chef de groupe qui était un peu apeuré.
6 Q. Pouvez-vous nous dire son nom ? Comment s'appelait ce chef du groupe ?
7 R. Je ne suis pas sûr, mais Novkovic ou Novakovic. Je me souviens qu'avant
8 la guerre il travaillait dans la même usine que moi, mais je ne sais pas
9 exactement son nom.
10 Q. Y a-t-il une autre raison pour laquelle vous seriez resté à votre poste
11 dans la prison ? En parlant de ce groupe de Golubic, y aurait-il une autre
12 raison pour laquelle vous avez été désigné pour rester ?
13 R. Aucune autre raison. J'étais censé juste rester et l'assister pour --
14 je ne vois pas quelle autre raison il pourrait y avoir.
15 Q. Ensuite, vous avez dit avoir consulté le ministre de la Justice, en
16 personne de M. Risto Matkovic, en lui disant que vous n'aviez pas la
17 formation nécessaire ni la qualification requise pour le poste de directeur
18 de la prison, et que même vous ne souhaitiez pas ce poste. Ce sont des
19 choses précises. Vous n'aviez ni formation ni qualification et vous ne
20 souhaitiez pas ce poste; est-ce que cela est vrai ?
21 R. Exactement.
22 Q. Pourtant, c'est lui qui vous a nommé directeur de la prison, n'est-ce
23 pas ?
24 R. Oui, j'ai expliqué hier qu'il m'a demandé de rester jusqu'à l'arrivée
25 des gens qui étaient professionnels, jusqu'à ce qu'ils ne soient embauchés,
26 et que vite nous trouverions une solution pour le poste que j'occupais là.
27 Effectivement --
28 Q. Monsieur --
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1 R. [aucune interprétation]
2 Q. Les professionnels sont arrivés en août 1991, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Parmi eux, il y avait beaucoup de candidats au poste de directeur. Il y
5 avait beaucoup de personnes qui pouvaient occuper ce poste, n'est-ce pas ?
6 R. Non. Parmi ceux-là, non. Il n'y avait pas de candidats capables
7 d'assumer cette fonction.
8 Q. Vraiment ?
9 M. WHITING : [interprétation] Allons voir la pièce à conviction 906, s'il
10 vous plaît. La page 1 de B/C/S, et la page 10, version anglaise.
11 Q. Vous souvient-il avoir vu hier ce document ?
12 R. Oui, je m'en souviens.
13 Q. Bien. Sous le numéro 3, le point numéro 3 --
14 M. WHITING : [interprétation] Avons-nous la version anglaise ? Est-ce que
15 les Juges voient la version anglaise ?
16 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
17 M. WHITING : [interprétation] Vous avez la version anglaise ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : Oui.
19 M. WHITING : [interprétation] Très bien, merci. Parce que je ne vois pas
20 sur mon moniteur -- je ne vois pas la version anglaise.
21 Q. Sous le point 3, Jovica Novakovic. Il aurait commencé le 17 août 1991,
22 et auparavant, il travaillait dans le tribunal du district de Zagreb. Il
23 avait donc l'expérience qui vous manquait à vous; est-ce vrai ?
24 R. Oui.
25 Q. Monsieur, allons voir maintenant la seconde page en B/C/S, page 11 en
26 version anglaise. Plus concrètement, c'est le point numéro 8. Il y a M.
27 Ilija Gambiroza. Il avait commencé à travailler dans la prison du district
28 de Knin à la même date. Auparavant, il avait travaillé à Sibenik dans la
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1 prison du district; est-ce que cela est vrai ?
2 R. Oui. Il a travaillé comme gardien à Sibenik.
3 Q. Voyons maintenant la page suivante en anglais, et en B/C/S, cela
4 demeure la même page. Sous le numéro 9, Zoran, je crois que cela se
5 prononce "Dzukic" ou "Dukic".
6 R. Dukic.
7 Q. Il a commencé à travailler également le 17 août 1991. Il a été formé
8 pour être gardien à Zadar, où il a travaillé avant de venir à Knin; est-ce
9 que cela est vrai ?
10 R. Oui, c'est vrai.
11 Q. Je ne veux pas lire maintenant la liste exhaustive, à moins que vous ne
12 le vouliez, mais vous me croirez peut-être, nous avons 21 noms sur cette
13 liste. Il s'agit des personnes qui avaient commencé à travailler soit en
14 août, soit en automne, et qui avaient reçu une formation, qui avaient déjà
15 travaillé, qui bénéficiaient d'une certaine expérience, du travail dans une
16 prison. Quinze sur 21 personnes ont été embauchées au mois d'août 1991.
17 Toutes ces personnes avaient des qualifications supérieures aux vôtres.
18 Ils étaient mieux qualifiés que vous pour être directeur; est-ce que
19 cela est vrai ?
20 R. Je ne le dirais pas. Ils avaient une ancienneté comme gardiens. Mais le
21 premier que vous avez cité, nous l'avons désigné pour être chef des
22 gardiens.
23 Q. Vous, vous n'aviez aucune expérience. Vous n'avez jamais travaillé dans
24 une prison. Vous n'avez jamais eu une formation. Vous n'avez jamais été
25 policier. Vous avez eu juste cette formation à Golubic. Pourquoi auriez-
26 vous été plus qualifié que les autres ?
27 R. Je n'étais pas plus qualifié, mais je ne l'étais pas moins. Je vous
28 disais que le directeur ne devait pas être un professionnel.
Page 8825
1 Q. Monsieur, vous nous avez dit hier que vous aviez dit à M. Matkovic que
2 vous n'étiez pas qualifié, que vous n'aviez pas eu la formation et que vous
3 ne souhaitiez pas ce travail. Pourquoi il n'a pas confié alors ce travail à
4 quiconque de ces 21 personnes qui avaient une qualification, contrairement
5 à vous ? Ils avaient plus de qualifications, vous ne pouvez pas le nier.
6 R. J'ignore pourquoi il n'a pas confié ces tâches à quelqu'un d'autre.
7 C'est à lui de répondre. Mais je vous dis que personne de ces personnes
8 citées n'avait pas la qualification requise pour le directeur, et nous
9 avons laissé cette solution pour plus tard, effectivement. En février
10 suivant, nous avons trouvé une solution.
11 Q. A vous écouter, 15 ou 16 mois, jusqu'en octobre 1992, une solution n'a
12 pas été trouvée ?
13 R. Ce n'est pas vrai.
14 Q. Mais Monsieur, en conformité avec ce que vous avez dit hier, peut-être
15 en mars ou avril, M. Nikola Kukavica a été nommé directeur, mais très
16 brièvement. Il n'a passé que quelque temps. Ensuite, vous avez assumé cette
17 fonction jusqu'en octobre 1992 lorsque M. Nikola Ljubojevic a été nommé.
18 Vous avez assumé cette fonction jusqu'en octobre 1992 ?
19 R. Oui, mais en réfléchissant hier, je crois que ce n'était pas à cette
20 deuxième reprise. Nikola Kukavica a été directeur de prison à Lepoglava,
21 quand il a été chassé de la Croatie. Lui, il a été vu pour une solution
22 finale, parce qu'il avait toutes les conditions requises pour la fonction.
23 Après un certain temps, je ne me souviens plus, quelques mois, il est
24 parti chez sa fille en Serbie pour vivre. Mais alors, j'avais déjà une
25 certaine expérience, et le ministre m'a demandé de reprendre ces fonctions
26 jusqu'à ce qu'une autre solution ne soit trouvée.
27 Je m'excuse. Peut-être que le ministre a jugé que la prison
28 fonctionnait bien, et moi aussi je pense qu'elle a très bien fonctionné, et
Page 8826
1 c'est peut-être la raison pour laquelle il m'a préféré à ce poste. Je ne
2 vois aucune autre raison possible.
3 Q. Monsieur, n'est-il pas vrai que vous avez été désigné à cette fonction
4 pour diriger cette prison, contrairement à ces 21 personnes qui, elles,
5 bénéficiaient d'une expérience pénitentiaire, précisément parce que vous
6 étiez lié à Milan Martic, vous avez dit hier que vous le connaissiez très
7 bien - cela figure sur la page 27 du transcript - et parce que vous avez
8 été dans ce campement de formation à Golubic ? Est-ce que cela est la
9 raison de votre nomination ?
10 R. Ce n'est certainement pas la raison.
11 Q. Comment pouvez-vous savoir que cela n'est pas une raison ? Quand je
12 vous ai demandé la raison, vous m'avez répondu que vous ne le saviez pas et
13 que je devais demander à M. Matkovic. Alors comment vous pouvez savoir que
14 cela n'est certainement pas la raison ?
15 R. Parce que je vous ai dit hier que M. Matkovic m'a invité pour discuter,
16 et je lui ai dit tout de suite que je ne voulais pas être directeur. Il a
17 tout de suite accepté. Il ne m'a pas forcé. Il m'a demandé d'accepter ces
18 fonctions jusqu'à ce qu'on ne trouve une bonne solution, quelqu'un qui
19 avait déjà l'expérience de directeur de prison, que j'assume cette fonction
20 jusqu'à ce que cette solution ne soit trouvée.
21 Q. Il voulait que vous restiez à ces fonctions parce que vous étiez un des
22 hommes de Martic ?
23 R. Il n'insistait pas quand je lui ai proposé d'en trouver un autre. S'il
24 en avait trouvé un autre le lendemain, il l'aurait gardé. Mais voilà, il a
25 fallu du temps pour qu'il trouve Kukavica Nikola.
26 Q. Tout cela parce que vous étiez en charge de cette prison ? C'est la
27 raison pour laquelle la police de la SAO Krajina avait la possibilité
28 d'entrer dans la prison, de tabasser les détenus, et c'était précisément
Page 8827
1 parce que vous avez été à ces fonctions de directeur.
2 R. Monsieur le Procureur, je vous le répète, personne ne pouvait entrer
3 dans la prison de Knin. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Je ne connaissais
4 pas ces gens de la police. Il y avait des professionnels qui eux aussi
5 avaient été chassés de la police croate. Qui je pouvais connaître ? Comment
6 pouvaient-ils savoir que j'étais moi, et venir ? C'est une offense, pour
7 moi. Pour moi, c'est une insulte.
8 Q. Monsieur, allons maintenant voir la page 12 de ce même document,
9 version anglaise, et la version en B/C/S, c'est la page suivante.
10 M. WHITING : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, agrandir la partie
11 supérieure de la page.
12 Q. On y voit votre nom. Vous en parliez déjà hier. Là, on peut lire
13 quelque chose que l'on n'a pas évoqué hier, à savoir que vous aviez au
14 total huit ans d'ancienneté. Est-ce que vous voyez cette information ?
15 R. Oui.
16 Q. Pour être très précis, voyons la date de ce document. C'est le 19 mai
17 1993. A ce moment-là, à la date du 19 mai 1993, vous aviez au total deux
18 années, deux ans d'ancienneté, et non huit.
19 R. Monsieur le Président, les années d'ancienneté, c'était l'ancienneté
20 pour calculer le salaire, mais chez nous, on compte aussi les années
21 passées dans d'autres sociétés. Avant cela, j'avais travaillé déjà dans
22 l'usine Tvik, et là on additionne les anciennetés. Par exemple, si vous
23 partez dans un autre tribunal, on calculera dans votre ancienneté celle qui
24 relève de ce Tribunal aussi.
25 Q. Ici, on lit "huit ans d'ancienneté," mais cela veut dire le nombre
26 total d'années de travail depuis votre première embauche ?
27 R. Oui. J'ai trouvé mon premier travail en 1985. Probablement, le document
28 provient de l'année 1993.
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1 Q. Vous avez dit dans votre déposition, j'aborde maintenant un autre
2 sujet, que vous n'étiez pas content de Jovica Novakovic parce qu'il n'avait
3 rien empêché du mauvais traitement des détenus par deux gardiens. Qui
4 étaient ces deux gardiens ?
5 R. Ce sont des incidents de 1991. Je ne peux pas vous le dire comme cela.
6 Je n'ai pas les archives devant moi et je ne peux pas vous dire de quels
7 gardiens il s'agit. Ce que je sais, c'est qu'une procédure disciplinaire a
8 été engagée contre eux. Plus tard aussi, des procédures ont été engagées,
9 donc je ne retiens pas tout cela dans ma tête. Tout cela a figuré sur les
10 papiers, mais ces papiers comme nos maisons sont restés là-bas et ont été
11 incendiés.
12 Q. Monsieur, la dernière partie de votre réponse n'a été aucunement la
13 réponse à ma question.
14 Poursuivons. Vous avez dit à M. Matkovic que vous souhaitiez que M.
15 Novakovic soit muté parce que vous aviez découvert cet incident. C'est ce
16 dont vous avez informé M. Matkovic.
17 R. Il relevait de mon devoir d'en référer au ministre.
18 Q. Je ne vous ai pas demandé cela. Je vous ai demandé ce que vous avez
19 fait, et non pas ce que vous deviez faire. Est-ce que vous l'avez fait ?
20 Est-ce que vous en avez informé le ministre ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous êtes allé voir M. Tauz et vous lui avez demandé de remplacer M.
23 Novakovic, et vous l'avez dit à M. Matkovic ?
24 R. Avant, d'abord j'ai dit à M. Matkovic qu'il y avait quelqu'un qui avait
25 travaillé à Zadar, qu'il était un grand professionnel, qu'il avait de
26 l'autorité auprès des gens parce que certaines gens avaient travaillé avec
27 lui à Zadar. Je ne connaissais pas cet homme. Il habitait à Zadar, et moi à
28 Knin. Tout de suite après cet incident, j'ai proposé à M. Matkovic de
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1 l'engager au poste de chef des gardiens.
2 Q. M. Matkovic connaissait la raison pour laquelle vous vouliez que M.
3 Tauz soit embauché, parce que vous vouliez vous débarrasser de M. Novakovic
4 pour des raisons que vous avez citées, parce qu'il ne faisait pas respecter
5 le règlement ? M. Matkovic le savait ?
6 R. Exactement.
7 Q. Lorsque M. Tauz est venu, il a insisté, n'est-ce pas, pour que soient
8 documentées les raisons pour lesquelles les détenus ont été mis en
9 détention ? Il a insisté là-dessus, n'est-ce pas ?
10 R. Non. Je me souviens d'un autre détail semblable à celui-ci, mais ce
11 n'est pas exactement cela. Si vous voulez, je peux poursuivre.
12 Q. Si vous me dites que vous ne vous en souvenez pas, je n'insisterai pas.
13 R. Je ne sais pas ce qu'il y a 15 ans, il a pu dire au ministre, quelles
14 étaient ces conditions, mais il a parlé au ministre, en tout cas.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit insisté, est-ce que vous
16 voulez dire par là qu'il s'agissait des conditions qu'il avait précisées
17 avant d'endosser cette tâche ? Ou après avoir endossé ces fonctions, il a
18 insisté ?
19 M. WHITING : [interprétation] Bon. Il a insisté sur ces conditions avant
20 d'avoir accepté ces fonctions. Il a insisté pour qu'il y ait une
21 documentation complète sur les détenus pour que lui, il puisse s'engager
22 dans ces fonctions.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
24 M. WHITING : [interprétation]
25 Q. Il y avait des civils détenus dans cette prison comme des prisonniers
26 de guerre, n'est-ce pas ?
27 R. Monsieur le Procureur, cela ne m'intéressait pas, qui est civil et qui
28 est autre chose. Ce qui m'intéressait, c'était le papier, donc la décision
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1 du tribunal compétent. Qu'il fût civil ou militaire, cela ne nous
2 intéressait pas. Nous, nous détenions les gens sur la base des jugements.
3 Q. Je voudrais maintenant nous concentrer sur ce que vous avez dit,
4 comment il y avait des catégories différentes de détenus. Une de ces
5 catégories, c'étaient des prisonniers de guerre. Vous savez, en ce qui
6 concerne l'automne 1991, que parmi ces prisonniers de guerre, il y avait
7 des civils, n'est-ce pas ?
8 R. Non, je ne le sais pas. Cela ne m'intéressait pas.
9 Q. Cela ne vous intéressait pas.
10 R. Si un tribunal compétent m'envoie quelqu'un avec un jugement en force,
11 c'est cela qui m'importait, pour que je puisse prendre en charge ces
12 personnes.
13 M. WHITING : [interprétation] Voyons maintenant la pièce à conviction 909,
14 s'il vous plaît.
15 Je crains que ce ne soit pas cela. Je m'excuse, j'ai donné la
16 mauvaise cote. J'ai voulu dire la cote "919", et non "909".
17 Q. Monsieur, nous avons ici la liste des détenus. Je voudrais que vous
18 jetiez un coup d'œil sur le numéro 204, Mijo Bacic. Vous voyez sa date de
19 naissance, le 28 janvier 1920. Il était âgé de 71 ans quand il a été
20 arrêté, un monsieur de 71 ans. Vous étiez directeur de la prison.
21 R. Je ne dis pas qu'il n'était pas -- je ne me souviens pas de cet homme-
22 là. Je ne suis pas obligé de m'en souvenir, c'était un parmi les autres.
23 Q. Monsieur, vous ne vous souvenez pas de cet homme âgé de 71 ans ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, mon document en anglais
25 vient de disparaître, et je viens d'avoir à l'écran la version en B/C/S.
26 M. WHITING : [interprétation] Oui. Peut-on replacer la version en anglais à
27 l'écran ?
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
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1 M. WHITING : [interprétation]
2 Q. Monsieur, peut-être que vous ne vous souvenez pas de cet homme d'après
3 son nom, mais est-ce que vous vous souvenez d'un homme de son âge, de 70
4 ans, qui était détenu de votre prison et avait été amené en octobre ou
5 novembre 1991 ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
6 R. Je ne m'en souviens pas concrètement, mais je ne dis pas qu'il n'était
7 pas amené. C'est possible. S'il est sur la liste, certainement, il y était.
8 Q. Est-ce que ceci n'est pas quelque chose qui vous frapperait, que vous
9 auriez remarqué, un homme de 70 ans qui serait amené, détenu en tant que
10 prisonnier de guerre ? Est-ce que ce n'est pas quelque chose que vous
11 auriez remarqué ?
12 R. Je vous l'ai dit, il aurait pu être agé de 20 ans ou de son âge. Si le
13 tribunal municipal ou du district avait adopté une décision afin de
14 l'incarcérer, pour moi, peu m'importait, qu'il fût âgé de 70 ans. Peut-être
15 que vous avez des personnes emprisonnées à La Haye qui sont âgées de 70 ou
16 même de 80 ans.
17 Q. Est-ce que vous nous dites que si quelqu'un en position d'autorité
18 faisait quelque chose, vous y prêtiez la sourde oreille et vous ne formiez
19 pas votre propre jugement au sujet de cela ? C'est bien cela que vous nous
20 dites ? A partir du moment où ils avaient des documents appropriés ou si
21 c'était l'autorité appropriée, vous ne vous mêliez pas de cela, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Si c'était par exemple une cour de district qui avait rendu la
24 décision, un verdict, qu'est-ce que j'étais censé dire ?
25 Q. Nous en parlerons, mais vous n'êtes pas en train de répondre à ma
26 question. Je vais vous donner un exemple. Si quelqu'un avait des documents
27 appropriés ou l'autorité appropriée lui permettant de faire quelque chose,
28 vous décidiez que ceci ne vous regardait pas, de vous immiscer, de vous
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1 mêler de cela; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 M. WHITING : [interprétation] Je souhaite que l'on examine maintenant un
4 document. Il y en aura plusieurs, mais là, il s'agit de la page 6 en
5 anglais, la page 3 en B/C/S du document que nous avons devant nous. Il
6 s'agit du numéro 236 sur la liste.
7 Q. Est-ce que vous y voyez le numéro 236, Bozo Plazanic, né en 1905, âgé
8 de 86 ans, si je ne me trompe pas dans mes calculs ? Est-ce que vous vous
9 en souvenez ?
10 R. Monsieur le Procureur, je ne me souviens pas avec exactitude du visage
11 de cet homme, mais je me souviens de la période à laquelle il y avait eu
12 plusieurs personnes âgées. Je sais qu'ils ont été libérés. C'est ce qui est
13 marqué ici. Ils ont été immédiatement "relâchés".
14 Q. Oui, c'est vrai. Ils ont été libérés au bout de six jours. Ils ont été
15 arrêtés le 13 novembre 1991 et ils ont été détenus pendant six jours avant
16 leur libération. Est-ce que vous vous souvenez de cet homme ? Est-ce que
17 vous vous souvenez de ce groupe d'hommes et d'autres hommes âgés qui
18 étaient détenus ?
19 R. C'est possible. Je ne doute pas. Il était peut-être libéré, mais la
20 décision n'avait pas encore été rendue.
21 Je ne sais pas pourquoi il a été libéré, peut-être que c'était lié
22 aux circonstances de sécurité dans la région dans laquelle il vivait. Je ne
23 sais pas. Ou peut-être qu'il a aidé quelqu'un à faire quelque chose. Je ne
24 sais pas. Il faudrait voir la décision pour voir pour quelle raison cette
25 personne avait été détenue. Je vois qu'il a été libéré assez rapidement.
26 Q. Est-ce que vous pensiez que cet homme âgé de 86 ans était un vrai
27 prisonnier de guerre, un combattant ? Est-ce que vous le pensiez à
28 l'époque, compte tenu de ce que vous nous avez dit au sujet de la Défense
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1 territoriale et des hommes qui étaient âgés de 50 ans et de leurs
2 capacités ?
3 R. Monsieur, ce que je pensais ou ce que je ne pensais pas, ceci
4 n'importait pas à qui que ce soit. Pour moi, ce qui était important,
5 c'était la décision rendue par l'institution pertinente et compétente.
6 Q. Pour moi, c'est important, Monsieur, c'est pour cette raison que je
7 vous pose la question. Est-ce que vous pouvez répondre à la question ? Est-
8 ce que vous avez pensé que cet homme âgé de 86 ans était un combattant ?
9 R. Je n'y ai pas pensé et je ne pourrais pas vous répondre à cela. Je n'ai
10 pas réfléchi à cela.
11 Q. Vous n'avez pas réfléchi à cela ?
12 R. J'avais un million d'autres obligations auxquelles je devais réfléchir.
13 Je ne pouvais pas penser à cela.
14 Q. Monsieur, vous étiez directeur de la prison ?
15 R. Oui.
16 Q. Nous allons passer à autre chose. Vous avez dit au cours de votre
17 déposition, s'agissant de la discipline, vous avez dit que les options sur
18 le plan de la discipline dont vous disposiez étaient la réprimande,
19 l'amende, la suspension et le licenciement, et que vous en tant que
20 directeur, vous aviez le dernier mot. Est-ce que vous vous souvenez de
21 cette partie de votre déposition ?
22 R. Je m'en souviens, et c'est effectivement ce que j'avais dit.
23 Q. Par conséquent, vous avez décidé que même si Jovica -- excusez-moi. Je
24 ne suis plus sûr si c'était Jovica ou Jovan. Mais Novakovic, M. Novakovic,
25 même si lui, il avait omis de vous informer au sujet de cet abus des
26 prisonniers et même s'il n'avait rien fait à ce sujet, vous aviez décidé
27 qu'il pouvait rester en prison, continuer à y être employé et qu'il pouvait
28 même jouer un rôle de surveillant, n'est-ce pas ? C'était votre décision.
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1 R. Monsieur le Procureur, déjà hier, je vous ai dit que le directeur
2 et le chef étaient nommés par le ministre. C'était le ministre qui pouvait
3 les relever de leurs fonctions. Le directeur ne pouvait pas relever le chef
4 de ses fonctions, mais il pouvait se plaindre au sujet de son travail
5 auprès du ministre.
6 Q. Mais, Monsieur --
7 R. Je pouvais imposer des mesures de discipline aussi sur tous les
8 employés, sauf le chef, qui était responsable devant le ministre lui-même.
9 Q. Monsieur, hier, vous nous avez dit qu'il avait été suspendu. Il y a eu
10 une procédure disciplinaire à son encontre. Ma question est de savoir
11 pourquoi n'a-t-il pas été licencié ? Pourquoi lui a-t-on permis de
12 continuer à travailler dans cette prison ? Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas
13 licencié ?
14 R. Il a été suspendu, et c'était le ministre qui l'avait suspendu. Quant à
15 la raison pour laquelle il l'avait réinstauré, je peux faire seulement des
16 suppositions. Il était celui qui avait le grade le plus élevé. Il était le
17 seul, donc je suppose que c'est pour cela qu'il est resté.
18 Q. Bien, nous allons parler --
19 R. Nous avions cinq à six chefs --
20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] De quel grade parlez-vous, s'il vous
21 plaît ?
22 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était sergent.
24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Veuillez poursuivre.
25 M. WHITING : [interprétation]
26 Q. Nous allons parler de ce grade. Hier, vous avez dit qu'il ne pouvait
27 pas être dégradé, compte tenu de son grade, et que le grade était quelque
28 chose qu'on obtenait à l'école. Est-ce que vous vous souvenez de cette
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1 partie de cette déposition ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Très bien. Peut-on nous pencher maintenant sur la pièce à conviction
4 906, s'il vous plaît ? Nous devons examiner la page 10 de la version en
5 anglais et la page 1 de la version en B/C/S.
6 Je souhaite que l'on se penche en particulier sur le numéro 3, Jovica
7 Novakovic, l'homme dont vous avez parlé tout à l'heure. Voyons quel était
8 son parcours. Il a terminé l'école primaire à Vrhovine, puis il était dans
9 une école de traitement de bois, et ensuite il a poursuivi ses études à
10 Zagreb pendant deux ans encore. Il était ingénieur dans l'industrie du
11 traitement de bois, puis finalement, il a terminé trois ans de faculté de
12 communications.
13 Comment a-t-il pu obtenir le grade de sergent sur la base de cela ?
14 R. C'était à Zagreb, comme vous pouvez le voir. Donc je ne sais pas
15 comment il avait obtenu ce grade à Zagreb. C'était un homme ayant une
16 éducation universitaire, et je suppose qu'il avait passé des examens
17 spéciaux afin d'obtenir le titre de surveillant. Mais je ne sais pas
18 vraiment ce qu'il aurait pu faire d'autre comme études. Il nous a juste
19 apporté ces dossiers montrant qui il était.
20 Q. En réalité, je souhaite trouver mon lot de documents. Un instant, s'il
21 vous plaît, seulement.
22 Je dois voir deux documents différents à la fois, donc je vais
23 retirer la pièce 905 pour le moment, garder ce document à l'écran et
24 ensuite faire distribuer l'imprimé de la pièce 905, avec l'aide de
25 l'huissier.
26 M. WHITING : [interprétation] Peut-on fournir un texte aux interprètes ?
27 Cela dit, il n'y a pas de texte, il ne s'agit que des noms. Normalement,
28 cela ne posera pas de problème.
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1 Q. Il s'agit là d'un document que nous avons examiné -- excusez-moi, je
2 pense que vous l'avez en anglais, mais il s'agit simplement des noms. Je ne
3 sais pas si le conseil de la Défense a un exemplaire en B/C/S à fournir au
4 témoin. Il s'agit de la pièce 905. Je pense que j'ai omis d'imprimer la
5 version en B/C/S, mais il s'agit simplement des noms, de toute façon.
6 C'est le document que nous avons vu hier, lorsque vous avez commencé
7 à parler des grades. Vous avez expliqué pourquoi M. Novakovic était
8 toujours sur la liste en tant que surveillant de garde et vous avez dit que
9 "c'était son grade --" excusez-moi.
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi. Malheureusement, je n'ai
11 pas ce document sur moi, mais c'est le document que nous avons vu hier, je
12 peux le confirmer. Excusez-moi de cette interruption.
13 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, et encore une fois, je m'excuse
14 de ne pas l'avoir, mais si le témoin a besoin de voir la version en B/C/S,
15 nous pouvons placer cela à l'écran.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.
17 M. WHITING : [interprétation]
18 Q. En fait, ici, il n'est pas question des grades, mais des positions au
19 sein d'une prison. Le surveillant de gardes, ce n'est pas un grade, mais
20 une position, un poste.
21 R. Le surveillant des gardes, c'est un grade.
22 Q. Je croyais que vous aviez dit que son grade était celui de sergent.
23 C'est ce que vous avez dit il y a quelques minutes.
24 R. Oui, oui. Pardon. Je voulais dire surveillant.
25 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi, mais c'était la réponse.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être est-ce moi qui ai fait une erreur,
27 un lapsus.
28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] J'avais demandé quel était son grade,
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1 et vous aviez répondu que c'était celui de "sergent". Essayez d'éviter de
2 nous induire en erreur.
3 M. WHITING :
4 Q. Monsieur, je --
5 R. Excusez-moi, mais il n'y a pas de sergents dans une prison, seulement
6 des surveillants de gardes. Excusez-moi, peut-être que j'ai fait une
7 erreur. Excusez-moi.
8 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes en train d'inventer cela au fur et à
9 mesure ? Lorsque l'on vous montre un document, vous proposez une réponse ?
10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur, pourquoi est-ce que vous
11 êtes en train de rire, de sourire comme cela ? Est-ce que vous voulez dire
12 quelque chose par là ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.
14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Essayez d'être sérieux.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense que c'est moi qui
16 ai provoqué les sourires. J'ai fait un lapsus. J'ai dit "sergent" au lieu
17 du "surveillant de gardes".
18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] C'est vous qui aviez un sourire, et
19 je faisais référence à cela, et non pas aux autres.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souris quand je suis en colère contre moi,
21 même lorsque j'ai fait une erreur. Ce n'est pas une erreur de la part de
22 qui que ce soit d'autre que moi.
23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Très bien. Merci.
24 M. WHITING : [interprétation]
25 Q. Monsieur, en fait, si vous examinez la pièce à conviction 905, à savoir
26 la liste que vous avez devant vous, d'après la pièce 906 que nous avons à
27 l'écran, presque tous les hommes énumérés comme gardes avaient plus de
28 diplômes et de connaissances en matière de prisons, de même que de
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1 l'expérience, que M. Novakovic, alors qu'eux, ils étaient des gardes, et
2 lui il était le surveillant de gardes. Est-ce que vous pouvez nous
3 expliquer cela ?
4 R. Oui, je peux, Monsieur le Procureur. A l'époque, d'après la loi, le
5 surveillant de gardes pouvait être seulement une personne ayant un diplôme
6 universitaire, à savoir le diplôme qui vient après le lycée, des études
7 d'au moins deux ans après les études secondaires. Si vous vous penchez sur
8 le cas des autres gardes, aucun d'eux ne remplissait ces critères. Ils
9 avaient simplement terminé leurs études secondaires.
10 Q. Vous avez répondu à cette partie de la réponse, mais est-ce que vous
11 pouvez maintenant prendre l'exemple d'Ilija Tauz ? Vous avez son nom à
12 l'écran, c'est le numéro 2. Voyons son éducation. Il a terminé l'école
13 primaire à Kistanje et l'école secondaire d'administration à Zadar. Or,
14 vous dites qu'il n'y a pas eu d'études après les études secondaires,
15 l'école secondaire.
16 D'après ce que vous nous dites, "seulement une personnes ayant un degré
17 universitaire plutôt élevé, donc au moins deux ans d'études après l'école
18 secondaire, pouvait être le surveillant de gardes." Apparemment, ce n'est
19 pas vrai.
20 R. Je vais vous expliquer. Les numéros 1 et 2, M. Tauz et --L'INTERPRÈTE :
21 Un autre dont l'interprète n'a pas saisi le nom. LE TÉMOIN :
22 [interprétation] -- ces personnes avaient travaillé dans les prisons de la
23 Croatie. D'après la pratique, au bout de quelques années, lorsque ces gens-
24 là étaient à quelques années de leur retraite et si c'étaient de bons
25 professionnels, il était possible que ces personnes ayant seulement fini
26 leur école secondaire soient promues par le ministre au grade de
27 surveillants. Cette possibilité existait, et c'était la pratique dans de
28 nombreuses parties de l'ex-Yougoslavie. Mais une jeune personne ne pouvait
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1 pas obtenir ce grade sans être qualifiée de manière appropriée.
2 Ces deux personnes que vous avez mentionnées avaient déjà pris leur
3 retraite, ayant ce grade-là, et nous avions besoin de ce genre de
4 personnes, donc nous ne posions pas de problèmes.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, mais quel était l'âge de
6 ces personnes ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'étaient des personnes
8 qui avaient pu prendre leur retraite anticipée. C'était souvent le cas des
9 policiers et des militaires. Ils pouvaient prendre leur retraite et ils
10 avaient le droit de prendre leur retraite anticipée bien plus tôt que
11 d'autres personnes. Parfois, il s'agissait d'une différence de trois mois,
12 de quatre mois par an, en fonction de l'institution pour laquelle ils
13 travaillaient. Ils prenaient leur retraite d'habitude à l'âge de 45 à 50
14 ans.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelles personnes parlez-vous
16 lorsque vous dites qu'ils avaient pris leur retraite ? Quelles personnes
17 sur cette liste ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les personnes dont les noms figurent aux
19 numéros 1 et 2, donc Tauz et Orlovic. Il y a Tauz et Jovo Orlovic.
20 M. WHITING : [interprétation]
21 Q. Le numéro 1 n'est pas -- excusez-moi de vous interrompre.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci m'étonne encore. D'après ma
23 liste, le numéro 1 n'est pas Jovo Orlovic. Ilija Tauz si, mais le numéro 1,
24 d'après ma liste, est Nikola Ljubojevic.
25 M. WHITING : [interprétation] Je pense qu'il fait référence à la pièce 905
26 que nous avons en version imprimée.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Merci.
28 M. WHITING : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.
2 M. WHITING : [interprétation] Dans le document 906, pour la Chambre,
3 j'indique que Jovo Orlovic est le numéro 5.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites que ces personnes avaient
5 pris leur retraite en quelle année ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils avaient pris leur retraite, je ne sais
7 pas, peut-être en 1990. C'était une retraite anticipée, je pense. Il y en a
8 qui avaient pris leur retraite. Il y en a qui étaient expulsés,
9 pratiquement, ceux qui remplissaient les critères de prendre leur retraite.
10 C'était en Croatie, à Zadar et ailleurs. Je ne sais pas, je n'y étais pas.
11 Mais de toute façon, c'étaient les personnes qui avaient les titres qui
12 sont indiqués dans ce document.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous réalisez qu'en 1990, Orlovic
14 était âgé seulement de 41 ans. Il n'avait même pas 45 ans encore, et Tauz
15 était encore plus jeune que cela, il avait 39 ans.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais les Croates les ont poussés à
17 partir. Si la situation avait été normale, ils n'auraient pas pu prendre
18 leur retraite encore.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ils ne se sont pas retirés à cause de
20 ce traitement préférentiel et à cause de cette accumulation des années en
21 exerçant leurs fonctions au sein de la police, ils se sont retirés car ils
22 y ont été poussés. Mais quelle est la bonne version, maintenant ? Vous
23 venez de nous dire qu'il y avait un schéma de la retraite au sein de la
24 police qui est différent par rapport aux usines, que vous pouviez accumuler
25 des jours et des mois en raison de trois mois par an. Maintenant vous dites
26 : "Non, non, ils ont été expulsés, pratiquement." Laquelle des deux
27 versions est la bonne ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce qu'ils me disaient, ils auraient dû
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1 travailler pendant encore quelques années jusqu'à la retraite. Mais
2 puisqu'ils étaient des Serbes, simplement ils devaient quitter leurs
3 positions dans les prisons croates. Donc, ils ont été obligés de prendre
4 leur retraite anticipée, alors que d'autres étaient simplement expulsés.
5 C'était le cas d'un grand nombre de gardes de prisons, par exemple. Ils ont
6 été simplement expulsés de leur travail des prisons dans des villes croates
7 de Zagreb, Sibenik, Zadar et ailleurs.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répondre à ma
9 question ? Merci de ce long discours, mais veuillez répondre à ma question,
10 maintenant.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient des personnes retraitées, mais
12 nous les avions engagés, car nous n'avions pas suffisamment de personnel
13 pour nous aider. Là, je parle concrètement de ces deux personnes. Ils
14 étaient déjà retraités et ils recevaient leur retraite, et nous leur avions
15 demandé de venir nous aider, car nous n'avions pas de personnes capables de
16 faire leur travail. Ils ont accepté, ils sont venus et ils ont travaillé
17 pour nous.
18 Est-ce que c'était cela, votre question, Monsieur le Président ?
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Encore une fois, je vous demande de
20 répondre à ma question.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que vous pouvez répéter
22 votre question ? Je croyais que c'était cela, votre question.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous auriez l'amabilité
24 d'écouter mes questions lorsque je les pose ? Voici ma question. Vous nous
25 avez dit qu'il y avait des schémas de retraite préférentiels au sein de la
26 police différents par rapport aux usines et que les gens pouvaient prendre
27 une retraite anticipée. Maintenant, vous nous dites qu'ils ont pris une
28 retraite anticipée simplement car ils étaient expulsés de la police croate.
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1 Maintenant, je vous demande laquelle des deux versions est la bonne, est
2 exacte. C'est cela, ma question. Vous nous avez fourni et proposé deux
3 versions. Je vous demande laquelle des deux est la bonne.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] La première version, c'était la règle, c'était
5 la loi, c'est ce qu'on faisait. La deuxième version, cela porte seulement
6 sur ces deux hommes-là.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répondre à ma
8 question ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de répondre.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, vous ne l'avez pas fait. Laquelle
11 des deux versions est la bonne ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux versions sont exactes. A l'âge de 39
13 ans, ces deux personnes ne pouvaient pas --
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela, c'est autre chose. C'est déjà
15 mieux.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en train de vous le dire tout le
17 temps. Formellement, ils ne pouvaient pas partir à la retraite. Il leur
18 manquait encore trois ou quatre années d'ancienneté. Dans une usine, ils
19 auraient dû travailler jusqu'à l'âge de 60 ans.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous avons un peu
21 dépassé le temps prévu. Est-ce le moment approprié ?
22 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bon, nous allons terminer pour
24 aujourd'hui et nous poursuivrons demain à 14 heures 15.
25 Levez-vous, s'il vous plaît.
26 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le vendredi 22
27 septembre 2006, à 14 heures 15.
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