Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 30 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonsoir. Bon après-midi, Monsieur, à

7 nouveau. Vous savez sans doute ce que je viens de vous dire, mais je vous

8 le répète quand même. Vous vous souvenez bien que la déclaration que vous

9 avez faite au début de votre déposition, selon laquelle vous n'allez dire

10 que la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, est encore

11 contraignante.

12 Bon après-midi, Monsieur Whiting.

13 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Toutes mes condoléances.

15 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Etes-vous encore avec nous, Monsieur

17 Black ?

18 M. BLACK : [interprétation] Oui, encore quelques minutes, cela sera court.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y, Monsieur Black.

20 LE TÉMOIN: ZORAN LAKIC [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 Contre-interrogatoire par M. Black : [Suite]

23 Q. Bonjour. Bon après-midi plutôt, puisque nous sommes l'après-midi,

24 maintenant.

25 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

26 M. BLACK : [interprétation]

27 Q. [interprétation] J'ai quelques questions pour vous, Monsieur le Témoin,

28 Monsieur Lakic.

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1 Vendredi, vous avez dit que vous connaissiez personnellement Goran

2 Opacic. Pourriez-vous nous le décrire physiquement, sa taille, la couleur

3 de ses cheveux, et cetera.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connaissais personnellement Goran Opacic

5 ainsi que sa famille, ses frères et son père. Je ne connaissais pas sa

6 mère, en revanche. Il mesure environ 1 mètre 80. Il était à l'école

7 secondaire de la police à Sinj, il était donc officier de police à Sinj ou

8 alors à Split.

9 Quand ce qui nous intéresse a commencé à se dérouler en Krajina, il y est

10 retourné puisqu'il vient d'un village de la municipalité de Benkovac.

11 Q. Oui, mais je voulais savoir quelles étaient ses caractéristiques

12 physiques. Pouvez-vous nous dire, par exemple, de quelle couleur étaient

13 ses cheveux ?

14 R. Il me semble qu'il avait les cheveux noirs. Cela dit, il avait toujours

15 les cheveux extrêmement courts. C'était une coupe de marine, donc je ne me

16 souviens pas très bien. Il avait les cheveux en brosse.

17 Q. Ce n'est pas grave. Est-ce que vous vous souvenez s'il portait des

18 lunettes, par exemple ?

19 R. Après sa blessure, il a porté des lunettes. Il est maintenant très

20 handicapé. Il portait des lunettes vers la fin de la guerre, mais je pense

21 qu'au début de la guerre, il n'en mettait pas. En 1993, il a été blessé

22 très gravement, et c'est sa vue qui a été touchée. C'est à ce moment-là

23 qu'il a dû porter des lunettes.

24 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient ses autres blessures ? Est-ce

25 qu'il pouvait encore se déplacer seul ? Est-ce qu'il avait été

26 principalement blessé à la tête et aux yeux ? Pouvez-vous nous décrire

27 l'étendue de ses blessures ?

28 R. Il pouvait toujours se déplacer. Il me semble que ce n'est que sa vue

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1 qui a été sérieusement endommagée.

2 Q. Très bien. Merci. Vous nous avez aussi dit qu'Opacic était un peu un

3 vantard, qui essayait de se faire passer pour un héros, alors que

4 finalement il avait plutôt tendance à fuir dès qu'il y avait le moindre

5 danger. Enfin, il me semble que c'est ce que vous nous avez dit, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Opacic était l'un des premiers officiers de police à se rendre sur le

8 territoire de la Krajina en venant de Croatie, enfin, en tout cas, si je me

9 souviens bien. Il était très bien noté, très respecté par ses collègues de

10 la police. C'est un homme très athlétique, très habile, intelligent, et

11 c'est ainsi qu'il a réussi à obtenir la confiance de ses collègues.

12 Q. Merci. Savez-vous si le ministère de l'Intérieur de la RSK aurait donné

13 à Goran Opacic une médaille du service de Sécurité en raison - là, je cite

14 - de "courage, sacrifice personnel et contribution exceptionnelle au succès

15 de l'opération des services du ministère" ?

16 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit d'une citation qui nous vient de la

17 pièce 462.

18 Q. Vous étiez au courant de cela ?

19 R. Non.

20 Q. Savez-vous maintenant si Goran Opacic aurait reçu une récompense en

21 1997, donc à un moment ultérieur, décernée par le chef des services de

22 Sécurité de l'Etat serbe, Jovica Stanisic ? Savez-vous quoi que ce soit à

23 ce propos ?

24 R. Non, je ne sais absolument rien là-dessus non plus puisque je n'ai pas

25 travaillé pour ces services. Goran Opacic a passé la plupart de son service

26 pendant la guerre parmi les rangs de la police.

27 Q. Maintenant, je tiens à vous montrer un clip. C'est quelque chose qui se

28 trouve sur Sanction.

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1 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait afficher cela sur l'écran à l'aide

2 du bouton adéquat pour pouvoir avoir Sanction. Voici le clip.

3 [Diffusion de la cassette vidéo]

4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

5 "Annonce pour marquer le jour de l'unité des opérations spéciales de

6 la République, du service de Sécurité de l'Etat de Serbie. M. Jovica

7 Stanisic va donner des récompenses et des médailles. Radomir Ratkovic, Sima

8 Ratkovic, Nikola Pupovac."

9 M. BLACK : [interprétation] Je vais aller un peu plus vite, donc je

10 vais faire accélérer la bande.

11 [Diffusion de la cassette vidéo]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "Miomir Popovic, Goran Opacic."

14 M. BLACK : [interprétation]

15 Q. Pouvez-vous nous confirmer, Monsieur, qu'il s'agit bien de Goran Opacic

16 qui vient d'embrasser par trois fois la personne de Jovica Stanisic ?

17 R. Oui, c'est bien lui.

18 Q. Merci. On lui décerne sa plaque. Il faudrait maintenant continuer à

19 accélérer la vidéo.

20 [Diffusion de la cassette vidéo]

21 M. BLACK : [interprétation]

22 Q. Pouvez-vous reconnaître, Monsieur, les hommes qui se trouvent à

23 l'écran, la personne à côté de Jovica Stanisic; l'avez-vous déjà vue ?

24 R. Je n'ai jamais vu Jovica Stanisic en personne, je ne l'ai vu qu'à la

25 télévision.

26 Pour ce qui est des autres, je ne les connais pas bien, puisque je ne

27 faisais pas partie de la police et je ne fréquentais pas les personnes

28 travaillant pour ce service.

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1 Q. [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de passer à autre chose, qui est

3 ce Jovica Stanisic ? Je sais qu'on l'a déjà vu, mais le clip allait

4 extrêmement vite.

5 M. BLACK : [interprétation] C'est la personne qui est au milieu de l'écran.

6 C'est ce que l'on déduit du dialogue. Il va bientôt prendre la parole.

7 D'ailleurs vous allez tout comprendre de ce fait.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

9 [Diffusion de la cassette vidéo]

10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

11 "Nous avons maintenant donné le plus grand nombre des médailles les plus

12 élevées qui puissent être obtenues pour ce type de travaux. Ce sont les

13 médailles de bravoure. Chacun d'entre vous qui a reçu cette médaille ou

14 cette récompense, que ce soit Opacic du côté de Knin, ou -- c'est toujours

15 la même histoire, ce sont des hommes qui ont essayé d'aider leur peuple.

16 C'est toujours pareil, surtout la façon dont ils ont obtenu leurs

17 médailles, mais c'est surtout l'héroïsme de notre peuple, tout ce que nous

18 avons incorporé à notre unité et tous ceux qui seront à nouveau incorporés

19 pour poursuivre la tradition de cette unité."

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

22 m'aider ?

23 M. BLACK : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour ce qui est du nom de M. Opacic,

25 est-ce qu'il y a un T ou un C ? Puisque dans ce clip vidéo dans la

26 traduction anglaise, le nom n'est parfois pas toujours orthographié de la

27 même façon.

28 M. BLACK : [interprétation]

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1 Q. Pouvez-vous nous aider, Monsieur le Témoin ? Comment est-ce qu'on

2 épelle le nom de Goran Opacic ?

3 R. O-p-a-c-i-c.

4 Q. [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

6 revenir en arrière dans la vidéo ?

7 M. BLACK : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

9 M. BLACK : [interprétation] Je pense que pour ce qui est de la

10 transcription écrite du script, je ne sais pas qui l'a faite, si c'est le

11 bureau du Procureur ou si c'est le CLSS. En tout cas, je sais qu'il y a un

12 T, mais je pense que c'est juste un T qui a été rajouté parce que cela n'a

13 pas été entendu correctement. Il a quand même confirmé que c'était la

14 personne qui nous intéresse.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je veux savoir si la personne qui

16 était à Knin était la même, ce même Opacic ou non.

17 M. BLACK : [interprétation] Je pense que c'est la même personne puisque le

18 témoin l'a identifiée.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

20 M. BLACK : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

22 M. BLACK : [interprétation] Pourrions-nous maintenant verser cette pièce au

23 dossier, c'est-à-dire le clip vidéo avec son script.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Donc il conviendrait de verser

25 cette pièce au dossier.

26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 992.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 M. BLACK : [interprétation] Merci. Nous en avons terminé et nous pouvons

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1 passer à autre chose.

2 Q. Monsieur Lakic, vendredi dernier, à la fin de l'audience je vous avais

3 montré quelques photographies et quelques documents. J'aimerais tout

4 d'abord vous montrer la pièce 614.

5 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait l'afficher à l'écran.

6 Q. C'est encore un document identique à ce que nous avons vu la semaine

7 dernière, donc fondé sur une interview avec quelqu'un qui dit qu'il aurait

8 participé au combat à Skabrnja. On voit au premier paragraphe que cette

9 personne dit qu'il a vu des membres de la TO et des volontaires en train de

10 tuer des civils dans le village. J'aimerais juste vous citer quelques

11 passages, attirer votre attention sur quelques passages qui se trouvent

12 plus bas.

13 M. BLACK : [interprétation] Au premier paragraphe, et je cite, deuxième

14 phrase, il est écrit la chose suivante, enfin, je ne le cite pas vraiment

15 mais il est écrit que : "Les membres de la TO et des volontaires ont fait

16 sortir environ 20 civils d'une cave. L'un d'entre eux avait un PAP."

17 Est-ce que vous savez ce que c'est que ce fameux PAP ?

18 R. C'est un fusil semi-automatique. Il me semble que c'est de cela qu'on

19 parle. C'est une arme utilisée par l'infanterie.

20 Q. Merci. Ils ont dit qu'ils ont emmené une personne derrière leur blindé,

21 leur BOV, ils l'ont tuée, ont tiré dessus. Ensuite, ils ont fait venir une

22 vieille femme et deux hommes âgés, les ont fait allonger par terre et leur

23 ont tiré dans la tête et dans la nuque. Paragraphe suivant, ils parlent de

24 deux hommes entre 35 et 45 ans qui sont interrogés, ensuite sur lesquels

25 ont a tiré.

26 Monsieur, je veux de l'information à propos des membres de la TO qui

27 auraient participé à ce type d'incidents qui sont décrits dans ce

28 document ?

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1 R. J'ai appris de l'existence de ce document - enfin si on peut l'appeler

2 un document, enfin c'est juste qu'un mémo, puisque je ne pense pas que l'on

3 puisse appeler cela un document - donc, j'ai entendu parler de ce mémo

4 trois, quatre à cinq mois après ce qui s'était passé après les fêtes.

5 C'était une interview entre un officier en charge de la sécurité et sa

6 source. Je ne sais pas qui est sa source. Je n'ai jamais vraiment été mis

7 au courant de ce type de situations identiques à celle qui est décrite ici

8 à laquelle ces personnes auraient participé. Ils n'auraient pas pu être à

9 Skabrnja à l'époque. Je ne vous dis pas cela parce que je l'ai entendu,

10 mais je vous le dis parce que c'est un fait.

11 Q. Oui. Donc voici la question suivante : vous avez tous les documents que

12 nous avons abordés vendredi dernier, ce document-ci que nous avons eu cet

13 après-midi, et vous continuez quand même à maintenir que les membres de la

14 TO n'ont pas participé au combat de Skabrnja le 18 novembre et n'ont commis

15 aucun crime dans ce village. Vous maintenez cela, n'est-ce pas ?

16 R. Non seulement je l'affirme, mais j'en suis absolument certain. A part

17 l'unité médicale et le minibus qui a été utilisé pour évacuer la

18 population, aucune des unités sous mes ordres n'était déployée là le 18

19 novembre à Skabrnja.

20 Q. Vous nous avez parlé de l'unité médicale. Pourriez-vous nous dire qui

21 en faisait partie, combien de personnes composaient cette unité médicale,

22 cette antenne médicale? Quels étaient leurs noms ?

23 R. Selon les règles de la Défense territoriale, une antenne médicale

24 comprenait environ sept à huit hommes qui y travaillaient, qui faisaient

25 trois huit. Il y avait toujours au moins trois ou quatre personnes qui

26 étaient en stand-by. Le commandant de l'antenne médicale était une dame,

27 Nada Pupovac. A ce moment-là, elle était du côté de Skabrnja. Elle a aidé à

28 fournir un soutien médical à la population et elle a aussi aidé à leur

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1 évacuation.

2 Q. Merci. J'aimerais vous montrer encore un document qui traite des

3 opérations qui ont eu lieu à Skabrnja. Il s'agit de la pièce 107.

4 M. BLACK : [interprétation] Nous l'avons déjà regardé brièvement.

5 Q. Monsieur Lakic, c'est l'agenda de M. Bogunovic, enfin carnet de bord.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] S'agit-il d'un document qui est versé

7 au dossier, le 614.

8 M. BLACK : [interprétation] En effet, il a déjà été versé au dossier. Je

9 suis désolé de ne pas vous l'avoir dit.

10 Pourrions-nous afficher la page 02006878.

11 Q. Tout d'abord, en haut à gauche, Monsieur Lakic, c'est difficile à lire,

12 certes, parce que c'est un document manuscrit …

13 Tout en haut nous avons d'abord la date le 20 novembre 1991, ensuite

14 analyse de l'opération de nettoyage, ensuite on a NSZG. Ceci fait allusion

15 à l'analyse des opérations à Nadin, Skabrnja et Zemunik Gornje ?

16 R. Je ne sais pas du tout à quoi correspond cette abréviation car je ne

17 l'ai jamais employée.

18 Q. [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, si je puis interrompre ? Sur mon

20 document qui s'arrête à la page 6 869, quand je reviens à la source, je

21 reviens à la pièce manuscrite, --

22 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la page 3, Monsieur le Président,

23 en anglais. Je suis désolé d'avoir oublié de vous le dire.

24 Q. Monsieur Lakic, vous voyez qu'il y a ici le nom Djurica. Ensuite

25 pouvez-vous nous lire le nom souligné en dessous, puisqu'on a des espèces

26 d'alinéas avec Djurica -- Djurica a certains alinéas, ensuite un autre nom

27 qui est souligné. Pourriez-vous nous le lire ?

28 R. Jovic, cela ressemble à Jovic. C'est assez difficile à lire. Mais je ne

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1 me souviens pas qu'il y ait eu un Jovic. C'est peut-être Dobic écrit en

2 alphabet latin. Je ne connaissais pas tous les officiers commandants de la

3 JNA, je ne connaissais pas leurs noms.

4 Q. Ce n'est pas grave. Je comprends que c'est extrêmement dur à lire.

5 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait descendre encore un peu sur la

6 page.

7 Q. Et voir les deux derniers alinéas. Il est écrit : "Incendies

8 volontaires et pillages moins que dans les opérations précédentes. Il y a

9 eu certains cas de meurtres barbares."

10 Voyez-vous cela ?

11 R. Oui. Voir si c'est ce qui est bien dit, parce que je n'arrive pas

12 vraiment à lire tous les mots.

13 Q. Oui, c'est bien ce qui est écrit. Cela semblerait dire que le 20

14 novembre le commandement de la JNA était déjà au courant qu'il y a eu des

15 crimes qui avaient été commis à Skabrnja, Nadin ou Zemunik Gornji, n'est-ce

16 pas ?

17 R. Oui, ils étaient sans doute au courant. Ils devaient le savoir, puisque

18 les informations sur lesquelles il y a eu des meurtres et des tués nous ont

19 été communiquées assez rapidement.

20 Q. Très bien.

21 M. BLACK : [interprétation] Maintenant, passons à la partie droite de la

22 page et remontons en haut de cette page.

23 Q. [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle page s'agit-il?

25 M. BLACK : [interprétation] C'est la quatrième page de la version en

26 anglais.

27 Q. Monsieur Lakic, vous voyez que cela fait référence à une analyse faite

28 par le commandement de l'état-major, Bosko Drazic, ensuite, le nom suivant

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1 Zoran Lakic. C'est vous il me semble ?

2 R. Oui.

3 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, en anglais il est écrit

4 Zoran Lekic, mais je pense parce qu'il était très difficile de déchiffrer

5 ce qui avait été écrit à la main.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

7 M. BLACK : [interprétation]

8 Q. Vous souvenez-vous être allé à une réunion environ à ce moment-là, aux

9 environs du 20 novembre avec Drazic et avec d'autres commandants qui

10 étaient impliqués dans l'opération de Skabrnja ?

11 R. Je suis allé à beaucoup de réunions pour toutes sortes de raisons. Il

12 s'agit très certainement de l'une des réunions de travail de la JNA à

13 laquelle nous étions invités.

14 Q. Merci. Maintenant, regardons un petit peu les alinéas qui sont sous

15 votre nom. Deuxième alinéa il est écrit : "Il y a des jours Drazic a emmené

16 une section de l'unité de la TO."

17 Pourriez-vous nous dire à quoi cela fait référence ? Est-ce que cela

18 veut dire qu'il a emmené une des sections venant de la TO, ou il a pris une

19 des sections de la TO ?

20 R. Je ne sais pas exactement à quoi cela fait allusion en ce qui concerne

21 Drazic. Mais vous devez savoir que le 1er novembre la Défense territoriale,

22 la JNA et l'état major de la TO ont totalement modifié, restructuré. Il y a

23 eu des modifications structurelles au niveau des unités. Donc, le 1er

24 novembre, la Brigade de la TO était mise en place sous le commandement

25 d'officiers d'active de la JNA. Quant à savoir à quoi ceci fait référence

26 très précisément, je ne le sais pas.

27 Q. Passons à l'alinéa suivant. Il est écrit : "Trois civils ont été

28 transférés du point 16 et tués." Ensuite, il y a un mot qui est illisible,

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1 ceci doit être l'objet d'une enquête.

2 Est-ce que vous savez à quoi cela fait allusion, que ces trois civils

3 auraient été transférés depuis un point 16, ensuite tués ?

4 R. J'ai eu des informations disant que trois civils -- plutôt des

5 personnes vêtues en civil - donc, on avait l'information, on l'avait à

6 notre disposition. J'ai demandé que l'on enquête sur ces personnes pour

7 savoir où elles étaient. Je ne savais pas du tout qui les avait emmenées et

8 je ne sais pas du tout qu'elle était leur sort. Mais, j'ai demandé que l'on

9 se penche là-dessus.

10 Q. A ce moment-là vous aviez déjà eu des informations à propos de civils

11 qui auraient retrouvé la mort à Skabrnja, qui auraient été tués à Skabrnja,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Non. J'ai obtenu ce type d'informations, enfin des informations très

14 détaillées qu'après le nettoyage complet, le déblayage complet des

15 terrains, l'assainissement de la zone. Ce n'est que là que j'ai reçu des

16 informations.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Je ne vous comprends très

18 bien. Cette information, si elle n'est pas détaillée comment est-ce que

19 vous pouvez savoir s'il avait eu des crimes qui ont été commis. Si vous

20 obtenez un rapport assez confus sur lequel trois civils ont été emmenés par

21 certains de vos troupes, de vos commandants et ont été tués, à moins que

22 cette information soit détaillée, je ne vois pas comment vous pouvez savoir

23 que ces personnes ont été tuées.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Mais, mon commandant de l'unité médicale

25 --

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais à ce moment-là, ce jour-là,

27 vous saviez déjà que trois civils avaient été tués. Quant à savoir si le

28 rapport était détaillé, quant à savoir si le rapport avait été obtenu après

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1 ou avant l'assainissement complet de la situation, il n'empêche que vous

2 avez déjà eu vent de cette information, n'est-ce pas ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas eu d'information à propos de trois

4 civils qui avaient été tués. Enfin, j'ai juste su qu'il y avait trois

5 civils portés disparus. Et c'est à ce propos que j'ai diligenté une

6 enquête, demandé du moins que l'on diligente une enquête. Puis-je

7 continuer ?

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] oui, mais l'ennui, c'est que vous êtes

9 en train de nous parler de personnes qui sont portées disparues, alors que

10 dans le rapport il est écrit personnes tuées. Et en plus, c'est juste en

11 dessous de votre nom. "Trois civils ont été transportés du point 16 et

12 tués." Enquête nécessaire. Donc, il y a une différence quand même

13 essentielle entre "tués et portés disparus".

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons reçu des informations selon

15 lesquelles ils avaient très certainement été tués, mais personne n'a pu

16 confirmer leur mort. C'est pour cela que j'ai demandé une enquête.

17 Puisqu'il y avait des informations qui n'étaient pas confirmées à propos de

18 leur mort éventuelle. Cela dit, on ne savait pas du tout qui leur est

19 arrivé et où ils se sont retrouvés.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Mais ce n'est pas du tout ce qui

21 a été écrit. Ils n'ont pas écrit, des personnes selon lesquelles il serait

22 allégué qu'elles auraient été tuées. Il est écrit personnes tuées. Il n'y a

23 pas du tout de notion d'alléguée. C'est vous qui êtes en train de parler

24 d'allégation de meurtres. Donc, il semble qu'il faut qu'il faut qu'il y ait

25 enquête, cela c'est sûr. Mais le rapport en tout cas il est très précis sur

26 un point, c'est que ces personnes soient mortes et ont été tuées.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi j'ai demandé une

28 enquête, mais si c'est ce qui est écrit dans ce rapport. A l'heure

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1 actuelle, je ne vois absolument pas pourquoi j'aurais pu demander que l'on

2 diligente une enquête pour toute autre raison.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous ai bien entendu, mais je

4 viens de vous suggérer que l'autre raison serait peut-être de savoir non

5 pas si ces personnes ont bel et bien été tuées, mais qui aurait bien pu

6 tuer ces personnes. Vous comprenez ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un PV de travail qui est écrit dans un

8 style télégraphique. Ce n'est pas un procès-verbal avec des phrases bien

9 formulées. J'ai dit que la situation d'état des faits devait être examinée

10 et que s'il y a eu meurtre, il faudrait en trouver les auteurs. C'est un

11 procès-verbal qui a rédigé ce papier en style télégraphique. Je ne me

12 souviens pas concrètement de toute l'histoire, mais je me souviens qu'il y

13 avait des choses qui n'étaient pas claires, et il fallait faire quelque

14 chose pour établir l'état des faits pour prendre des mesures adéquates.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vois. Je comprends entièrement

16 ce que vous dites. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi si je vous dis,

17 si au moment où ces notes ont été rédigées, si en ce moment-là, il n'y

18 avait pas d'information certaine quant au sort de ces personnes,

19 probablement, cette incertitude quant à leur sort, en quelque sorte, aurait

20 été notée dans ce cahier pour exprimer cet état de fait ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose oui. Je suppose qu'il aurait fallu

22 faire ainsi.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que cela a

24 été écrit ainsi ? Il aurait fallu, de la façon dont cela a été écrit, cela

25 ne pouvait dire que eux ils ont été tués, et qu'en ce moment-là, vous

26 saviez qu'ils avaient été tués. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ?

27 Peut-être vous n'étiez pas au courant des circonstances dans lesquelles ce

28 meurtre est intervenu. Mais sur la base de ce qui est écrit dans le PV, il

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1 semble que vous ayez su. Je ne dis pas que cela est vrai, mais si je relis

2 le PV, alors vous deviez savoir quel était leur sort à ce moment-là.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous dis, je disposais d'une information

4 non confirmée. Je ne savais ni qui, ni quand, ni qui a tué qui.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez procéder,

6 Monsieur Black.

7 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur, il y a quelques minutes vous alliez commencer à nous

9 expliquer quelque chose et vous avez mentionné le commandant du service de

10 santé. Vous alliez dire, me semble-t-il, quelque chose que ce que lui

11 voulait vous dire - je me trompe peut-être - mais si je me trompe pas, est-

12 ce que vous pouvez nous dire maintenant ce qu'il allait vous dire ?

13 R. Je ne sais pas dans tout ce chaos, qui m'a donné toutes les

14 informations, le 18 novembre. Donc, je recueillais des dizaines

15 d'informations différentes, et j'ai parlé à des dizaines de personnes. Je

16 m'appuyais exclusivement sur les informations de mes éléments, de ceux qui

17 m'étaient subordonnés dont le commandant de l'unité de santé, donc sur la

18 base de la première information que j'ai reçue du chef de la section de

19 santé qu'il y avait des victimes civiles aussi. Plus tard, la JNA avait

20 bloqué la zone. Ils ont procédé à leur enquête. Ils ont établi l'état des

21 faits, et ce n'est que quelques heures plus tard que j'ai pu avoir des

22 nouvelles informations. Je n'avais pas la possibilité d'établir l'état des

23 faits sur-le-champ, sur les lieux mêmes.

24 Q. Comment s'appelait ce chef de l'unité de santé que vous venez de

25 mentionner ?

26 R. C'est Mme Nada Pupovac, le chef de la section de santé.

27 Q. Je vous remercie. Maintenant je vais vous demander de jeter un coup

28 d'œil sur ce document.

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1 M. BLACK : [interprétation] C'est la page 4 de la version en anglais,

2 Monsieur le Président.

3 Q. Regardez maintenant ce document, un peu plus bas, où il est écrit que

4 le OB, le département de sécurité, "devait faire le nécessaire pour établir

5 les auteurs des crimes, des pillages et des actes de barbarie, qu'il s'agit

6 des personnes qui ne méritent pas le nom de soldats, mais que nous n'avions

7 pas d'autre armée."

8 Est-ce que vous pouvez nous dire, Monsieur, qu'il est clair dans ce

9 document qu'à ce moment-là, vous saviez qu'il y avait eu des crimes de

10 pillages et d'actes de barbarie commis à ce moment-là à Skabrnja ?

11 R. Oui, je l'avais appris de mes subordonnés, du chef de la section de

12 santé.

13 Q. Ensuite, l'avant-dernier tiret, Alebrenja [comme interprété] a fait une

14 mauvaise chose à Polaca. Est-ce que cela concerne en mai 1991, l'événement

15 du mois de mai 1991 ou autre chose ?

16 R. Il s'agit du capitaine Rekenji, qui est de souche hongroise, Rekenji de

17 nom de famille. Je ne sais pas à quoi cela se rapporte. Il commandait une

18 unité blindée. Je suppose que nous parlions des dommages portés aux

19 ouvrages causés à Polaca par les chars de la JNA. Or, ce personnage en

20 question, c'est le capitaine Rekenji qui, je le répète, est Hongrois

21 d'origine ethnique.

22 Q. Bien. Merci.

23 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on passe à la page

24 suivante de la version B/C/S. Il s'agit de la page 5 de la version

25 anglaise. Il faut que nous trouvions cette partie de la note où la parole

26 est prise par le lieutenant-colonel Tadic. C'est utile d'avoir un huissier

27 qui comprend le B/C/S pour plus facilement trouver ce qu'il nous faut.

28 Q. Regardez ici maintenant : "Les unités spéciales n'épuraient pas les

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1 maisons devant les chars. Tous portaient des insignes de Chetniks. Je ne

2 veux avoir aucune affaire avec eux. Cedo empêchait les neutres, et ils ont

3 voulu le tuer."

4 Un peu plus bas : "Lui, il tue un homme tout de suite dès qu'il le

5 voit. Il tue même un chien."

6 Il dit : "Certains soldats avaient commencé à piller."

7 Monsieur, étiez-vous au courant de ces informations ? Est-ce que vous

8 avez eu ces informations de ce qui se passait avec ces gens portant les

9 insignes chetniks, qui tuaient les gens dès qu'ils les rencontraient, et

10 cetera ? Est-ce que vous avez eu de telles informations ?

11 R. Ce Tadic, ce lieutenant Tadic ne m'est pas connu. Il doit être un

12 officier de la JNA. Je n'ai jamais eu la possibilité de le rencontrer. Je

13 ne me souviens pas de lui, cela, je dois vous le dire tout de suite.

14 Q. [aucune interprétation]

15 M. BLACK : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante, s'il

16 vous plaît. Dans la version en anglais, c'est toujours la même page. Voyons

17 maintenant ce que dit le lieutenant Tadic.

18 Q. C'est à peu près le quatrième tiret. Il dit : "Un seul portait

19 l'uniforme oustachi alors qu'il en a été tué plus de 20. Ils ont voulu tuer

20 une femme et un enfant, et ils disent 'bâtards Oustachi'. Le policier

21 agissait de la même façon."

22 Un peu plus loin : "Le colonel Dabic assistait à la torture des

23 civils. Quand je lui ai demandé ce qu'il faisait, il m'a demandé ce que

24 j'étais, moi, d'origine ethnique."

25 Monsieur Lakic, vous souvenez-vous qu'on parlait de choses pareilles

26 aux réunions ?

27 R. Ce Dabic, je le connais. Nous savions de façon préliminaire ce qui se

28 passait sans avoir procédé d'abord aux activités d'enquête, quelque chose

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1 avant ces événements. La terminologie qui est utilisée à l'égard de l'armée

2 croate et la terminologie croate utilisée envers les Serbes, c'est la

3 terminologie de la Deuxième Guerre mondiale. C'est normal qu'ils utilisent

4 de tels termes pour nous et que nous utilisions des termes pareils pour

5 eux.

6 Q. On laissera ce document ici, mais je vais vous poser quelques questions

7 à ce sujet plus tard.

8 A ce moment, dites-nous : est-il vrai, après le

9 18 novembre 1991, que certaines personnes sont restées vivre à Skabrnja ?

10 R. Je l'ignore. Cela ne relève pas du territoire de la municipalité de

11 Benkovac, et je ne pouvais pas le savoir.

12 Q. Si je vous disais que durant la période entre l'opération jusqu'au mois

13 de février 1992, plus de 20 personnes ont disparu, ont été tuées, des

14 personnes de Skabrnja, est-ce que vous pouvez nous dire quelles étaient vos

15 informations à ce sujet à ce moment-là ?

16 R. Après ce 18 où ma tâche exclusive était d'assurer mon territoire, donc

17 après le 18 novembre 1991, je n'avais aucune obligation concernant le

18 territoire de Skabrnja, pas plus que je ne recueillais d'information du

19 terrain. Ma seule tâche était de protéger la population sur le territoire

20 de la municipalité de Benkovac.

21 Q. Je voudrais maintenant vous montrer une partie de ce document, et ce

22 sera la dernière partie de ce document que nous allons voir. Ce sera la

23 page 02006900, page en B/C/S concernant la date du 10 décembre 1991.

24 M. BLACK : [interprétation] C'est la page 7 de la version anglaise.

25 Q. Regardez ici, troisième tiret pour le 10 décembre : "La TO tue tous les

26 jours un vieillard."

27 Est-ce que vous aviez des informations que des personnes âgées

28 étaient tuées à Skabrnja en décembre 1991 ?

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1 R. Après cette action à Skabrnja, après quelque sept jours ou 10 jours, je

2 ne me souviens plus exactement, l'obligation de la protection, et cetera,

3 est revenue à la brigade de la TO, non pas mon unité, mais la brigade de la

4 TO qui était une unité autonome sous le commandement de la JNA et des

5 officiers de la JNA. C'est une unité qui n'a rien à voir avec moi ni avec

6 la Défense territoriale de la municipalité de Benkovac. C'était une unité

7 mobile commandée par Pavo Samardzic, lieutenant-colonel. Cela n'a rien à

8 voir avec ma TO qui prenait soin des citoyens. Contrairement à cette

9 brigade, mes unités n'étaient pas mobiles; elles étaient liées aux

10 agglomérations, aux localités alors que cette brigade était mobile. Elle

11 assurait certaines positions dans la région, mais je n'avais rien à faire

12 avec eux. Je pense à cette brigade.

13 Q. Bien. Je vous remercie. Nous avons fini avec ce document. Maintenant,

14 je voudrais montrer encore un autre document, ce sera tout.

15 Avant de le faire, dites-nous, est-ce qu'en 1995 vous avez rencontré

16 des représentants de la Mission d'observation de l'Union européenne,

17 concrètement en avril 1995 ?

18 R. J'ai rencontré les représentants de l'ONU et de l'Union européenne de

19 toutes les structures. Je les contactais quotidiennement. Je les ai

20 contactés quotidiennement.

21 Q. Bien. Je vais vous montrer maintenant un document.

22 M. BLACK : [interprétation] ERN R0243812.

23 Q. Monsieur Lakic, je m'excuse de n'avoir pas de traduction pour vous.

24 C'est un document qui est uniquement en anglais. Je vais en donner lecture,

25 de ces parties qui nous intéressent. Avant que cela n'apparaisse sur

26 l'écran, je vais vous dire, c'est un rapport journalier de cette Mission

27 d'observation. Il semble que nous ayons aussi la traduction. Je ne le

28 savais pas très bien. Vous pouvez maintenant facilement suivre.

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1 M. BLACK : [interprétation] Je demande que l'on nous montre sur l'écran le

2 premier paragraphe, "La situation politique", précisément. Voilà.

3 Q. Première chose, vous allez voir, Monsieur, dans la deuxième ou

4 troisième phrase, il est dit que : "On ne pourra jamais faire intégrer les

5 Croates dans la RSK, mais il y aura toujours des Croates qui vivront et

6 travailleront dans la région de Benkovac." C'est ce qu'on peut entendre

7 dans l'entretien avec les officiers et les soldats croates. Encore une

8 chose, je voudrais que l'on vous montre la page suivante de cette

9 traduction.

10 M. BLACK : [interprétation] Sur l'original, c'est toujours la même page,

11 Monsieur le Président.

12 Q. Probablement, cette phrase passe d'une page à l'autre. Il y est dit :

13 "Je ne sais pas si cela vous concerne. Il a peur qu'il y ait une nouvelle

14 guerre avec la Croatie, mais si cela est inévitable, l'armée de la RSK

15 utilisera les armements lourds qu'elle n'a jamais utilisés jusqu'à date,

16 ainsi que des lance-roquettes qui peuvent atteindre Zagreb et Split, et

17 plus spécialement les armements chimiques."

18 Monsieur, est-ce que vous vous souvenez d'avoir présenté ces observations

19 devant les représentants de la Mission d'observation, que vous pouviez

20 utiliser des armements qui peuvent atteindre Zagreb ou Split ?

21 R. Je ne sais pas ce qui est cité dans ce rapport. J'ai été chef de

22 police. Mon armement et mes connaissances sur l'armement de l'armée étaient

23 nuls. Je ne savais même pas ce qu'ils avaient. Une chose est certaine,

24 c'est que ce n'est pas moi qui ai déclaré ceci. Il n'y a pas de question

25 que ce soit moi. On cite là des "officiers de l'armée", si je peux bien

26 voir.

27 M. BLACK : [interprétation] Revenons à la première page. Peut-être que je

28 lis trop vite et peut-être que ce n'est pas très clair.

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1 Q. Vous voyez dans ce premier paragraphe, on y lit : Nous avons organisé

2 une réunion avec le chef de la police de Benkovac. Nous avons Lakic et son

3 adjoint Gojko Calac dans une atmosphère extrêmement amicale. Là, vous êtes

4 mentionné en tant que chef de police, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, j'étais chef du poste de sécurité publique à Benkovac. Il est

6 certain que je n'ai pas discuté des armes chimiques. Je ne savais même pas

7 s'il était possible de les utiliser. C'était peut-être une question

8 provocatrice. Peut-être qu'ils nous avaient demandé si nous avions ces

9 armements ou non. Mais je ne sais même pas aujourd'hui si nous en avions.

10 Je ne pouvais pas discuter sur quelque chose que j'ignorais.

11 Q. Bien.

12 M. BLACK : [interprétation] Je demande que cette pièce soit versée.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 993.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

16 Monsieur Black.

17 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions

20 supplémentaires, Monsieur Milovancevic ?

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

22 Nouvel interrogatoire par M. Milovancevic :

23 Q. [interprétation] Puisque brièvement, avant cette question que je vais

24 poser, nous avons entendu la réponse à la question de mon honorable

25 collègue sur le document 993, je demande que ce document soit montré de

26 nouveau. Il s'agissait de votre entretien avec les représentants de la

27 Mission d'observation de l'Union européenne. Je vais vous le rappeler.

28 Par souci du service d'interprétation, je vous prie de ne pas aller trop

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1 vite, d'attendre que je termine, ensuite de donner votre réponse.

2 Vous souvenez-vous qu'un entretien éventuel sur des sujets militaires, que

3 vous en avez parlé tout à l'heure à M. le Procureur comme une question

4 éventuellement provocatrice posée par la Mission d'observation ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez ce document devant vous ?

7 R. Oui.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Voyons maintenant le fond de ce

9 document, le dernier paragraphe.

10 Q. Dans la deuxième phrase de ce paragraphe, il y a une partie du texte

11 dans ce deuxième paragraphe que l'on doit lire ainsi : "Le chef a fermement

12 déclaré que l'Allemagne et les Etats-Unis étaient coupables pour la

13 situation dans la RSK. Il ne sera jamais possible pour les Croates de se

14 réintégrer dans la RSK, mais il y a toujours des Croates vivants qui vivent

15 dans la région de RSK. En l'occurrence, dans l'armée de la RSK, il y a six

16 à huit officiers et un grand nombre de soldats."

17 R. Oui, je vois.

18 Q. Il s'agit du mois d'avril 1995. Est-ce que cela est vrai ?

19 R. Oui.

20 Q. C'est une information interprétée par la Mission européenne disant que

21 les Croates habitant dans la RSK se trouvent dans l'armée de la RSK ?

22 R. Oui, il y avait beaucoup de Croates que je connais toujours.

23 Q. Merci.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce document n'est plus d'aucune utilité

25 pour nous. Je vous remercie.

26 Q. Maintenant, je vais passer à un sujet différent. Est-ce que vous vous

27 souvenez que mon confrère le Procureur vous a montré des photos sur

28 lesquelles on voyait des images des ouvrages démolis à Skabrnja; est-ce que

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1 vous vous en souvenez ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'une question vous a été posée de

4 savoir quand ces photos ont été prises, ou plus exactement quand vous avez

5 été à Skabrnja ?

6 R. Oui.

7 Q. A un certain moment, vous vous souvenez, vous avez commencé à dire que

8 vous avez été à Skabrnja en 1992, et à ce moment-là le Président vous a

9 interrompu en vous disant que vous êtes interrogé sur les années 1993 et

10 1981, et non pas 1982.

11 R. Oui, je m'en souviens.

12 Q. A ce propos, à Skabrnja, vous avez été à Skabrnja le

13 18 novembre 1991. C'est ce que vous avez déclaré ?

14 R. Oui.

15 Q. Quand ensuite vous avez encore été à Skabrnja ?

16 R. Ensuite, j'ai été à Skabrnja en 1992, vers la fin de l'année 1992, au

17 moment de la restructuration des unités de la JNA et de la TO en brigade de

18 police frontalière, quelque part en

19 novembre 1992.

20 Q. Est-ce qu'à cette occasion, en novembre 1992, vous avez pu remarquer

21 dans quel état se trouvaient les ouvrages locatifs et autres à Skabrnja ?

22 R. Ma première observation après cette année, j'avais remarqué que les

23 dommages étaient les mêmes pratiquement que ceux que j'avais connus un an

24 auparavant.

25 Q. Je vous remercie. Vous avez parlé de ces dommages et vous venez de dire

26 que c'étaient les mêmes dommages qu'un an auparavant. Est-ce que vous

27 pouvez nous décrire sommairement de quel genre de dégâts il s'agissait ?

28 R. C'étaient des dégâts sur la toiture, causés par les mines, le lance-

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1 mines, 1 mètre ou 2 de tuiles, en fin de compte. Il y avait des trous

2 causés par des grenades, des chars, des obus, mais nous avons eu des

3 informations que les forces croates tiraient parfois sur la JNA en 1992 et

4 pendant que les unités de la JNA se trouvaient à Skabrnja. Peut-être que

5 c'est aussi la cause de ces dégâts. Mais ces dégâts, pratiquement,

6 n'étaient pas très importants, comme on peut le voir sur ces photos.

7 Q. En essayant de répondre à la question de l'Accusation, vous avez

8 mentionné des combats de l'année 1993.

9 R. Oui, je m'en souviens, oui.

10 Q. Où ces combats ont-ils eu lieu et pourquoi vous les avez mentionnés en

11 expliquant ces démolitions à Skabrnja ? Qu'est-ce qui s'est passé en 1993 ?

12 R. Le 23 janvier 1993, dans la région de la Dalmatie du Nord, il y a eu

13 une agression généralisée des forces croates contre les territoires serbes

14 de la Dalmatie du Nord, où les forces croates, les unités de l'armée croate

15 et autres unités dont elles disposaient ont attaqué le territoire des

16 municipalités de Benkovac, d'Obrovac et Gracac, et partiellement de la

17 municipalité de Knin. La voie principale de cette attaque, c'était le

18 territoire de la commune de Benkovac, Zemunik, l'aéroport, Smiljcic et

19 Debelo Brdo. L'autre axe de l'attaque, c'était Zelini Hrast, Islam Grcki,

20 Kasic, Smiljcic et Debelo Brdo. L'un de ces axes avait touché aussi

21 Skabrnja, et dans ces combats très acharnés qui ont été menés pendant un

22 mois et plus sur cette ligne de contact avec les forces croates, il y a eu

23 des combats d'artillerie qui ont pu causer des ouvrages les plus fortifiés.

24 C'était cela les combats de 1993.

25 Q. Merci. Vous avez mentionné l'attaque des forces croates sur cette

26 région. Est-ce que cette attaque porte un nom ? Comment s'appelle cette

27 opération ? Est-ce vous le savez ?

28 R. Je ne peux pas me souvenir exactement. Je le savais, mais maintenant

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1 cela m'échappe. Cela existe dans les documents.

2 Q. Est-ce que cette attaque a eu lieu dans la région de Maslenica ?

3 R. Oui, exactement, c'était à Maslenica.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on puisse voir sur le

5 moniteur la pièce à conviction numéro 30. Il s'agit du document affirmant

6 que c'étaient des photos qui ont été prises le

7 25 novembre 1991. Poursuivez. Ou bien je vous ai donné une mauvaise cote ou

8 vous vous êtes trompée, Madame l'Huissière.

9 Peut-être que mon confrère, M. Black, pourrait peut-être m'assister

10 un petit peu pour nous dire la cote de la pièce à conviction concernant le

11 poste de police de Benkovac. Vous vous en êtes servi, cher confrère, lors

12 du contre-interrogatoire du témoin.

13 M. BLACK : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de la pièce à

14 conviction 270.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

16 Q. Lorsque M. le Procureur vous a soumis certaines photos concernant

17 Skabrnja - et ce document, je vous demande, d'après vous, quelle est votre

18 opinion, à quel moment ces endommagements graves ont pu être causés, pour

19 parler de ces installations et bâtiments de Skabrnja.

20 R. Ces endommagements ont dû être causés en 1992 et en 1993, pendant ces

21 activités de combat où il y eu d'importantes dévastations des deux côtés,

22 parce que Skabrnja a été tantôt prise par les Croates, tantôt par un parti

23 serbe, et c'est là qu'il y a eu évidemment d'importants combats.

24 Q. Merci.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Pouvons-nous obtenir un agrandissement,

26 s'il vous plaît, de ce texte que nous avons maintenant.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, votre confrère de

28 l'Accusation s'est levé.

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1 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être qu'il y a eu

2 une confusion. La pièce à conviction 270 constitue les photos qui ont été

3 prises par des représentants du SUP. Je ne sais pas quel serait le lot que

4 le conseil de la Défense souhaite utiliser, mais il s'agit également de

5 dire qu'il y a une pièce à conviction 272.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis redevable à mon confrère de

8 l'Accusation, mais ce qui m'intéresse, c'est la page de garde de ce lot de

9 documents, ce que nous avons d'ailleurs sur le moniteur, sur l'écran. Nous

10 n'aurons plus besoin d'ailleurs de ce document.

11 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de ce qui est écrit.

12 R. Objet : "Massacre contre des victimes civiles perpétrés par des

13 formations chetniks en date du 18 novembre 1991."

14 Q. Qu'est-ce que vous lisez ensuite ?

15 R. "Copies de photos tirées de la photo documentation retirée d'une

16 automobile abandonnée de marque Zastava 101 à Benkovac en date du 6 avril

17 1996."

18 Q. Merci. Est-ce que vous vous rappelez que parmi les documents

19 photographiques pour lesquels on dit qu'ils ont été retirés d'une voiture,

20 aux installations, abandonnée, au sujet de ces photos, le Procureur vous a

21 montré les photos et également les victimes des bâtiments qui ont été

22 dévastés ?

23 R. Oui.

24 Q. Il est écrit ici que l'objet de ce rapport est le massacre commis

25 contre des civils, commis par des Chetniks, des unités de Chetniks en date

26 du 18 novembre 1991. De quels Chetniks il s'agit, s'il vous plaît, de

27 quelles unités chetniks ?

28 R. Ecoutez, il s'agit d'une terminologie datant de la Deuxième Guerre

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1 mondiale. La partie serbe traitait les représentants et membres de l'armée

2 croate comme étant des Oustachi. De leur côté, eux considéraient tout ce

3 qui était la JNA et ce qui appartenait à la JNA comme étant des Chetniks.

4 Q. [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, s'il vous

6 plaît, pour clarifier certaines choses - cette fois-ci, cela m'intéresse,

7 lorsque vous dites, ligne 16 de la page du compte rendu d'audience - on

8 vous avait demandé comme suit : "Est-ce que vous vous rappelez que parmi

9 les documents photographiques retirés d'une voiture abandonnée, il y avait

10 des photos qui vous ont été présentées par le Procureur ? Il s'agit de

11 photos représentant les victimes et les bâtiments endommagés."

12 S'agit-il du même lot ou s'agit-il de deux pièces à conviction

13 séparées ? Je crois que M. Black nous a traités des pièces à conviction

14 numéros 270 et 272. Je crois que ce que nous avons ici sur l'écran sous la

15 cote 270, c'étaient les photos pour ce qui est des victimes, il s'agit de

16 la cote 272.

17 M. BLACK : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

18 Il s'agit de deux sources différentes. Il s'agit de deux pièces à

19 conviction séparées.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, la question était, "parmi

21 les documents," et cetera.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, vous avez

23 raison. C'est moi qui ai commis une erreur. Il s'agit de deux pièces à

24 conviction tout à fait séparées. J'ai commis une erreur en les soumettant

25 au témoin.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

28 Q. Ce que je voudrais vous demander, ce qui me semble intéressant,

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1 Monsieur le Témoin, c'est que d'après ce rapport, les photos originales ont

2 été retrouvées dans une voiture de marque Zastava 111 à Benkovac, le 6

3 avril 1996. D'après vous, pour parler des documents photographiques qui

4 portaient sur Benkovac pendant cet espace de temps de 1991 à 1995, jusqu'à

5 quel moment, pour ainsi dire, toutes ces photographies ont été propriété du

6 SUP ?

7 R. Pour parler évidemment du SUP de Benkovac, tout cela disparaît, si vous

8 voulez, physiquement parlant, en tant que SUP en date du 4 août 1995.

9 Q. Il est dit ici que la documentation du SUP de Benkovac a été retirée

10 d'une voiture abandonnée quelques mois plus tard. Il s'agit de l'année

11 1996 ?

12 R. Oui, je le vois.

13 Q. Au sujet de ces photos, les photographies portant sur les bâtiments qui

14 ont été gravement et dramatiquement endommagés, c'est sur cela que le

15 Procureur vous a contre-interrogé. Pouvez-vous conclure --

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi de faire ce que je fais,

17 Maître Milovancevic, s'il vous plaît, essayez de nous diriger un peu pour

18 me situer dans le compte rendu, à la ligne où vous avez dit que cette

19 documentation appartenait au SUP de Benkovac. Nous n'avons toujours pas vu

20 évidemment toutes les pages, nous ne sommes qu'à une première page de ce

21 document.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas voulu

23 faire un commentaire de cette première page. Je me suis plutôt référé à la

24 question posée par mon honorable collègue qui lui, soumettant les documents

25 au témoin, lui a demandé : "Est-ce que vous voyez cette photo constituée

26 par le SUP de Benkovac en 1991 ?" Je voulais savoir s'il s'agit bien de ces

27 documents photographiques. Je ne voulais pas faire référence évidemment à

28 ce qui était sur l'écran, nous pouvons le faire. Je voulais tout simplement

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1 rappeler à l'intention du témoin qu'il y avait une question de ce genre-là

2 qui lui avait été posée et je voulais savoir maintenant sa réponse, comme

3 j'ai fait d'ailleurs une référence à ses réponses.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, votre question était la suivante

5 : "Ici, il est dit que la documentation appartenant au SUP de Benkovac a

6 été retrouvée dans cette voiture un an plus tard presque, en 1996."

7 Lorsque vous dites "ici, il est dit," c'est quoi "ici, il est dit", "ici,

8 nous disons" ?

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Vous avez tout à fait raison de le dire

10 et de poser la question, Monsieur le Président. Permettez-moi, s'il vous

11 plaît, de reformuler ma question.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie, allez-y, vous y êtes

13 autorisé.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

15 Q. Il est dit ici qu'il s'agit d'une copie de photos tirées de documents

16 photographiques retirés de la voiture de marque Zastava 101 abandonnée en

17 date du 6 avril 1996.

18 R. Oui.

19 Q. Vous vous rappelez que le Procureur vous a soumis pour étude ces

20 consultations -- ces photos qui appartenaient au SUP de Benkovac depuis

21 1991 ?

22 R. Oui.

23 Q. Ma question est la suivante : pouvez-vous peut-être exclure la

24 possibilité de voir les dévastations causées en date du 18 ou

25 19 novembre 1991 ainsi que présentées par cette photo avec une compilation

26 faite de ce qui a été pris en photo après les événements de 1993 ?

27 R. Ecoutez, essentiellement, les bâtiments et les installations endommagés

28 en 1993 l'ont été beaucoup plus qu'en 1991, c'est-à-dire après l'opération

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1 Maslenica.

2 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection à

3 soulever, à savoir le conseil de la Défense essaie de faire aller de pair

4 deux choses différentes. S'occupant d'une pièce à conviction, il veut la

5 faire valoir dans le cadre d'une autre pièce à conviction. Le témoin,

6 évidemment, le suit. Il est de toute évidence que les destructions qui ont

7 été endommagées ne sont pas sur des photos propriété du SUP de Benkovac,

8 parce que là, il n'y a pas sur ces photos de cachet apposé par le SUP de

9 Benkovac --

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, tirer au

11 clair tout cela. Je ne comprends pas.

12 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, si je comprends bien, la

13 pièce à conviction 270 a dû être un petit peu manipulée. Il s'agit de

14 documents qui ont été retirés d'une voiture en 1996. Il paraît que la pièce

15 à conviction 272 a été, en quelque sorte, manipulée, parce que là il y a

16 une confusion pour traiter des deux pièces à conviction.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, il y a quelque

18 chose qui, du point de vue physique, tout simplement, me pose des problèmes

19 et appelle à des interrogations. D'après vous, à quoi et par quoi ont été

20 infligées ces dévastations en date du 18 ou du 19 novembre 1991 ? Autrement

21 dit, la photo en témoigne, comment peut-on voir les endommagements causés

22 en 1991, cette fois-ci, lorsque nous parlons de l'opération Maslenica en

23 1993 ?

24 Pouvez-vous d'abord me répondre à cette question et après on va

25 s'occuper de l'objection soulevée. Peut-être voulez-vous que l'on marque

26 une pause avant de répondre à cette question ?

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, serait-il

28 mieux de marquer une pause, puis après nous pourrons poursuivre.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais rappelez-vous l'objection

2 qui a été soulevée à ce sujet lorsque nous aurons repris les débats en

3 audience.

4 L'audience est suspendue.

5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 28.

6 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Black.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est plutôt, Monsieur le Président, à

9 mon tour, parce que je devais répondre maintenant à l'objection soulevée

10 par mon honorable confrère, M. Black.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est moi qui m'en excuse. Ce n'est

12 pas à vous de vous excuser, et je le fais. Je vous remercie.

13 Allez-y.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon confrère

15 Black a tout à fait raison de soulever cette objection. Il s'agit de deux

16 groupes de photographies. Je retire d'abord la question de tout à l'heure.

17 Je vais la reformuler, cette question, si vous m'y autorisez, si vous me le

18 permettez.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Milovancevic.

20 Vous pouvez procéder.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

22 Q. Monsieur le Témoin, vous vous souvenez qu'il y avait un groupe de

23 photos, un lot de photos que le Procureur vous a montrées et qui

24 représentaient les victimes dans le secteur de Skabrnja ?

25 R. Je m'en souviens.

26 Q. Est-ce que vous vous rappelez un autre lot de photos qui portaient sur

27 les dévastations causées sur tel ou tel bâtiment ou installation de

28 Skabrnja ?

Page 10302

1 R. Oui.

2 Q. Vous dites ensuite qu'en 1992, vous vous êtes rendu à Skabrnja et que

3 vous avez pu observer dans quel état se trouvaient ces bâtiments et

4 installations ?

5 R. Oui.

6 Q. Ma question suivante va comme suit : est-il possible que les dégâts

7 causés présentés par les photos, lesquelles photos vous ont été soumises

8 par le Procureur, ont été causés en 1993, ces dégâts-là ?

9 R. Oui, oui. C'est certainement lors de ces opérations de guerre, un peu

10 plus tard en 1993, que ces dégâts ont été causés.

11 Q. Merci. Est-ce que vous vous rappelez que des questions vous ont été

12 posées par le Procureur pour savoir si des forces du MUP croate se

13 trouvaient à Skabrnja en date du 18 novembre 1991 ? L'une de ces questions

14 était de savoir si c'était comme cela.

15 R. Je m'en souviens, oui.

16 Q. En date du 18 novembre 1991, quelles étaient les unités militaires dans

17 le domaine de la Yougoslavie - par conséquent, de la Croatie et par

18 conséquent de Skabrnja - qui constituaient des unités armées régulières ?

19 R. A cette époque-là, en Croatie, les forces armées régulières étaient

20 celles de la JNA, en Croatie. De même en est-il de parler de la Défense

21 territoriale de la Croatie. La Croatie, quant à elle, a commencé à

22 structurer ses unités armées d'après les règlements qui étaient contraires

23 à la loi fédérale et aux réglementations fédérales portant sur la Défense

24 territoriale, entre autres choses, et sur les forces armées.

25 Q. Merci. D'après vous, comment il faut nommer les unités avec lesquelles

26 il y a eu des affronts à Skabrnja en date du 18 et du

27 19 novembre 1991 ?

28 R. Il s'agit d'unités paramilitaires irrégulières.

Page 10303

1 Q. Merci. Est-ce que vous vous rappelez que le Procureur vous a posé une

2 question sur un document qui, conditionnellement, pourrait être intitulé

3 comme étant, Accord de Zadar, auquel étaient convenus les représentants de

4 la partie yougoslave et des autorités de Zadar, représentants de la JNA et

5 représentants croates de Zadar ?

6 R. Oui, je m'en souviens.

7 Q. Est-ce que vous vous rappelez que le Procureur vous a demandé de vous

8 pencher sur un des points de cet accord - je crois que c'était le point

9 numéro 11, sans que je ne veuille évidemment courir un risque de me

10 tromper.

11 R. Oui, je me souviens.

12 Q. Penchons-nous maintenant sur cet accord de Zadar. Il s'agit de la pièce

13 à conviction 990. J'espère que je ne me suis pas trompé cette fois-ci.

14 Vous rappelez-vous avoir vu hier le texte --

15 R. C'était vendredi, ce n'était pas hier.

16 Q. Oui. Merci de me reprendre de justesse. C'était vendredi, enfin, le

17 dernier jour de la semaine où nous avons eu nos débats. Merci.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Faites défiler, s'il vous plaît, de la

19 régie, ce document pour que nous puissions voir les points qui nous

20 intéressent. Faites défiler. Donnez-nous enfin un défilement vertical.

21 C'est bien. Merci.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle en est la page, s'il vous

23 plaît, de ce document en version anglaise, Monsieur Milovancevic ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

25 page numéro 1 de ce document. C'est le début même du document qui nous

26 intéresse. C'est cet alinéa par lequel commence le texte. C'est très bien.

27 Q. Voulez-vous nous donner lecture ?

28 R. "En date du 9 octobre 1991, à l'aéroport militaire de Zemunik, se sont

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1 réunis des représentants du commandement du Corps d'armée de Knin, membres

2 de la garnison de Zadar, avec des représentants de la municipalité de Zadar

3 et les représentants du commandement de la région de Zadar en vue d'un

4 cessez-le-feu immédiat, en vue d'un déblocage de la ville de Zadar et en

5 vue d'un déblocage des installations militaires et en vue d'un retrait des

6 effectifs et de matériel de guerre en propriété de la JNA."

7 Q. Merci.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir ralentir

9 un petit peu la lecture de ce texte que vous venez de donner.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

11 Q. Je vous prie de nous donner lecture de la phrase qui suit, enfin le

12 premier alinéa. Ce qui suit après ce texte que vous venez de lire, il est

13 dit : "L'accord sous-entend la mise en œuvre des obligations qui en

14 découlent."

15 Voulez-vous nous donner lecture du point 4.

16 R. "Enlever tout obstacle physique tels champs de mines et de barricades

17 érigés par des unités des forces armées de l'armée croate et des unités de

18 la JNA."

19 Q. [aucune interprétation]

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Voulez-vous, s'il vous plaît, poursuivre

21 le défilement vertical du texte.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir ralentir

23 parce que l'interprète a du mal à vous suivre. Je vous remercie.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Monsieur le Témoin, voulez-vous nous donner lecture des points 5, 6 et

26 7 de cet accord, mais allez-y un peu plus lentement, s'il vous plaît, pour

27 l'amour des interprètes.

28 R. Je vous comprends. "Point 5 : Sur la ligne de contact et autour des

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1 installations militaires de la ville de Zadar et dans les environs,

2 procéder à la séparation des forces à une distance qui, compte tenu de la

3 configuration du terrain et compte tenu du degré d'habitation, serait de

4 nature à exclure toute irritation et toute provocation et activité. Le

5 commandement chargé de la défense de la région de Zadar s'engage à

6 sécuriser les installations contre toute action de formation armée de

7 groupes et d'individus.

8 "Point 6 : Permettre une circulation libre à tous les membres des forces

9 armées de la RSFY et ainsi qu'aux membres de leurs familles.

10 "Point 7 : Immédiatement procéder au rétablissement des communications PTT

11 dans toutes les installations et dans tous les appartements appartenant aux

12 membres des forces armées de la RSFY et rétablir un ravitaillement régulier

13 et normal de toutes les unités et de toutes les installations en propriété

14 des forces armées de la RSFY; ravitaillement en eau, en courant, en vivres

15 et autres besoins de première nécessité, ainsi que l'exige la situation de

16 la ville de Zadar qui prévaut dans la ville de Zadar."

17 Q. Merci. Une dernière chose : je vous demande de nous donner lecture du

18 point 8 de cet accord.

19 R. "Permettre évacuation sans difficulté et heurt de tout moyen matériel

20 technique et de tout matériel de guerre de la JNA, ainsi que l'évacuation

21 de tout bien privé en propriété de personnes qui quittent Zadar."

22 Q. Je vous remercie. Vous rappelez-vous que mon confrère de l'Accusation

23 vous a posé une question comme quoi avez-vous eu connaissance qu'un tel

24 accord passait entre la JNA et la partie croate, début octobre 1991 ? Est-

25 ce que vous vous le rappelez ?

26 R. Oui, je me le rappelle.

27 Q. Est-ce que vous vous rappelez aussi que mon collègue de l'Accusation

28 voulait savoir -- il vous a posé la question s'il y a eu une mise en œuvre

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1 de cet accord, et il vous a soumis pour étude un document comme quoi il y

2 avait 260 camions poids lourd qui ont été engagés en vue de retrait et de

3 l'évacuation de matériel de guerre et d'équipement ?

4 R. Oui, je m'en souviens.

5 Q. Ce qui a été entendu et convenu en début octobre, très exactement le 9

6 octobre 1991, entre la Croatie et la JNA, a été mis en œuvre, lorsqu'il

7 s'agit de parler de Zadar, de l'aéroport de Zemunik et du secteur qui vous

8 a été familier, où vous vous trouviez vous-même ?

9 R. Ceci n'a été mis en valeur qu'en partie.

10 Q. Est-ce que vous vous rappelez une question du Procureur qui portait sur

11 la vraie cause de l'intervention, des conflits plutôt dans Skabrnja ?

12 Etait-ce dû au fait qu'il s'agissait d'une attaque lancée contre le plus

13 important des villages croates pour lancer un message à l'intention

14 d'autres parties de la population civile croate et d'autres villages ?

15 R. Oui, je me souviens.

16 Q. [aucune interprétation]

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de ce document

18 sur l'écran. S'il vous plaît, essayons de nous pencher maintenant sur la

19 pièce à conviction de la liste de l'Accusation au titre du 65 ter. Il

20 s'agit du document 2066, ou plutôt la pièce à conviction 785. Ceci devrait

21 être le rapport du commandement du

22 9e Corps d'armée de la JNA en date du 20 novembre 1991.

23 Q. Voulez-vous nous donner lecture de ce que vous voyez en haut à gauche.

24 De quoi il s'agit ?

25 R. Il s'agit du commandement du 9e Corps, strictement confidentiel, le

26 numéro 696-1 en date du 20 novembre 1991, avec son siège à Knin. Il est

27 notifié et envoyé au commandement du VPO et au commandement de la 5e Région

28 militaire.

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1 Q. Merci beaucoup.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Pouvons-nous obtenir un défilement

3 vertical de ce document de sorte que nous puissions voir le texte qui nous

4 intéresse. Oui. Bien. Arrêtez le texte.

5 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, en regardant ce document, voir le

6 deuxième paragraphe, le point 1, et nous en donner lecture, s'il vous

7 plaît.

8 R. Oui.

9 "A aucune occasion jusqu'à maintenant, malgré le fait que nous y

10 avions insisté, les membres de la Mission d'observation de la Communauté

11 européenne n'ont pas rendu possible aux représentants de notre commandement

12 ainsi que du commandement du VPO de faire l'inspection des casernes, des

13 installations militaires et des familles des membres des forces armées de

14 la RSFY qui se trouvent dans un blocus de plusieurs mois, et total. Presque

15 rien n'a été fait en vue de réaliser un déblocage des casernes de même que

16 des installations militaires détachées, non plus que de permettre un

17 ravitaillement régulier et normal de ces casernes et installations,

18 permettre également une communication sans heurt dans les villes de Sibenik

19 et de Split et garantir les droits de l'homme fondamentaux, et permettre

20 des conditions minimales d'existence de cette population."

21 Q. Merci. Je voudrais vous demander également de nous donner lecture,

22 toujours dans le cadre de ce document, de ce qui suit dans le cadre du

23 point 3.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Donnez-vous, s'il vous plaît, un

25 défilement vertical. Oui.

26 Q. Il s'agit de deux lignes du numéro 3.

27 R. "De même, avons-nous pu constater que les actions de combat n'ont pas

28 cessé à l'encontre de nos installations. A l'appui, nous mettons l'accent

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1 sur le feu qui a été ouvert tout récemment contre la caserne Rade Koncar de

2 Sibenik lors de la nuit du 19 au

3 20 novembre 1991."

4 Q. La phrase qui suit.

5 R. "Au cours des quatre jours derniers, l'aéroport de Zemunik a été exposé

6 à des attaques permanentes de la part de la partie croate. Ainsi, des

7 équipements précieux ont-ils été endommagés de même que des membres de

8 notre armée ont été blessés."

9 Q. Vous avez vu tout à l'heure qu'il s'agissait de la date du 20 novembre

10 1991.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Voulez-vous, s'il vous plaît, passer à

12 la page 3 en version B/C/S, pour voir par qui ce document a été signé. Il

13 s'agit de 041-44392 --

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document a été signé par le

15 commandant, général de brigade, Vladimir Vukovic.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

17 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'unité qui était commandée par le

18 général de brigade Vladimir Vukovic ?

19 R. Le général de brigade Vladimir Vukovic a été le commandant du 9e Corps

20 d'armée, avec 100 sièges de Knin. Je parle ici du

21 9e Corps d'armée de la JNA.

22 Q. A votre connaissance, quant à ce qui se passait sur le terrain et

23 autour de l'aéroport de Zemunik, ce document reflétait-il la réalité ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Très bien. Maintenez-vous encore votre réponse à la question du

26 Procureur et à ma question d'ailleurs à propos des raisons motivant

27 l'action qui a eu lieu à Skabrnja ?

28 R. Oui, je maintiens absolument ce que j'ai dit.

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1 Q. Merci. Pour ce qui est des combats qui ont eu lieu à Skabrnja les 18 et

2 19 novembre 1991, vous souvenez-vous que le Procureur vous ait montré un

3 rapport signé par le lieutenant Ernest Radjen à propos de l'assainissement

4 du terrain ?

5 R. Oui, je m'en souviens.

6 Q. Vous êtes certes un officier de réserve et vous avez fait la guerre.

7 Pourriez-vous nous expliquer exactement ce que signifie l'assainissement en

8 termes militaires ?

9 R. En termes militaires, l'assainissement implique d'enlever physiquement

10 tous les restes, tout ce qui reste après une action militaire, des restes

11 de corps, de personnes qui ont été tuées de chaque camp d'ailleurs, les

12 restes d'animaux morts et les équipements endommagés aussi pour éviter que

13 les équipements ne subissent des dégâts supplémentaires, entre autres.

14 Q. Vous souvenez-vous que le Procureur vous ait montré certains passages

15 du rapport de ce lieutenant Ernest Radjen, les points 4, 6, 9, 10, 12 et

16 13 ?

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Pour ce qui est des victimes civiles, en lisant ces passages, avez-vous

19 remarqué, à part des civils qui avaient été tués, qu'il y avait surtout des

20 membres du ZNG et du MUP ?

21 R. Oui, je l'ai remarqué.

22 Q. En situation de combat, qu'est-ce que cela signifie pour vous quand on

23 trouve dans le même théâtre exactement à la fois des civils et des

24 militaires armés ? Quelle est la conséquence de cela ?

25 R. Lors d'opération militaire, les effectifs militaires peuvent très bien

26 utiliser les civils pour se protéger. En termes plus concrets, lors de

27 guérilla urbaine, de combat armé dans une zone urbaine, des soldats qui

28 risquent d'être capturés peuvent utiliser les civils pour essayer de

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1 s'échapper, de sortir d'une zone. Cela peut-être une solution.

2 Q. Est-ce autorisé ? Est-ce autorisé par les lois de la guerre ?

3 R. L'utilisation des civils comme boucliers est, bien sûr, interdite; cela

4 j'en suis certain.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'aimerais poser une question.

6 Vous nous avez dit que c'était interdit, que ce n'est pas permis. Mais

7 l'autre camp, comment est-il sensé se comporter pour ce qui est des lois de

8 la guerre quand il a pu voir une situation ou une telle situation, où

9 l'ennemi a employé des civils comme boucliers pour s'en sortir d'une

10 manière ou d'une autre ? Quel est le droit de la guerre ? Qu'est-ce que

11 l'autre camp à droit de faire s'il voit que l'ennemi emploie des tactiques

12 non autorisées, emploie donc les civils comme boucliers ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] A ma connaissance, quand il y a actions de ce

14 type lors des combats en zone urbaine, il convient d'abord de laisser du

15 temps aux civils pour qu'ils s'enfuient, pour qu'ils s'échappent. Ici, les

16 civils ont eu largement le temps de s'en aller, puisque près de 1 500

17 civils de Skabrnja se sont enfuis vers Zadar pour qu'il ne leur arrive

18 rien. Certains, peut-être, sont restés de leur propre chef ou alors ils ont

19 été utilisés par les membres de la ZNG comme boucliers humains parce qu'ils

20 avaient eu le temps de partir.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] C'est exactement ce que je voulais

22 dire. Si les ZNG ont utilisé des civils en tant que boucliers humains,

23 qu'elle était la réaction et la réponse correcte de l'autre côté, si l'on

24 suit les droits de la guerre ? C'est-à-dire si les ZNG utilisaient les

25 civils comme boucliers humains, n'a-t-on pas le droit de tirer quand même

26 sur ces personnes ou doit-on éviter de tirer, de riposter et d'attaquer ou

27 est-ce que vous me dites qu'étant donné qu'ils avaient eu le temps de

28 partir, qu'ils ne sont pas partis de leur propre chef, et que maintenant,

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1 dans ce cas-là, c'est trop tard ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule réponse correcte à vous donner est

3 que les civils qui sont restés avec les membres des forces armées de

4 Croatie, l'on fait de leur propre chef où l'on fait suite à un ordre qui

5 avait été donné par les forces armées de Croatie.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Disons qu'ils agissaient en effet

7 sous commandement des forces armées de Croatie, mais qu'ils ne l'avaient

8 pas fait volontairement.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire, ce

10 que j'aurais fait. Je n'étais pas en charge. Je n'ai pas donné des ordres,

11 mais je pense que j'aurais interdit que l'on tire sur des civils si je

12 m'étais trouvé dans cette situation, personnellement, bien sûr.

13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous parlons de tactiques ici,

14 quand on est en plein combat sur le terrain. Ce que je voudrais savoir

15 c'est ce que vous auriez fait si vous vous étiez retrouvé dans ce cas, donc

16 dans le feu du combat, mais je voulais savoir ce que les supérieurs vous

17 demandent de faire, ce que vous êtes autorisé à faire si vous vous

18 trouverez dans ce cas, ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Si vous

19 pensez que vous ne pouvez rien ajouter, ce n'est pas grave, mais j'aurais

20 aimé savoir exactement ce qu'il convient de faire.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame le Juge, j'avais comme information le

22 fait que tous ces civils avaient tiré de toute façon. Les femmes nous ont

23 tiré dessus. Si un soldat est resté à l'arrière avec les militaires et

24 tire, dans ce cas-là, cela devient un soldat. Si un civil, en revanche,

25 avait été utilisé à son insu, dans ce cas-là, je pense que même si les

26 supérieurs m'avaient donné l'ordre de leur tirer dessus, je ne l'aurais pas

27 fait.

28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous n'êtes pas en mesure de me

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1 dire exactement ce qui convient de faire dans ce cas ?

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais peut-être poser la question

3 mais d'un angle différent. Quand cette question vous a été posée pour la

4 première fois, elle a été posée dans le cadre d'une hypothèse. Quand on

5 regarde à la page 41, la ligne 10, la question était la suivante : "Dans

6 une situation de combat, qu'est-ce que cela voudrait dire pour vous s'il y

7 avait dans un même théâtre de combat, à la fois des civils et des

8 militaires ? Que feriez-vous ?"

9 Votre réponse était : "En cas de conflit armé, le personnel armé peut

10 utiliser les civils comme boucliers. De façon concrète, lors d'un combat

11 urbain, un soldat qui risque d'être capturé peut utiliser des civils pour

12 essayer de s'en sortir."

13 Vous discutiez ici avec le conseil de la Défense à propos

14 d'hypothèses, uniquement d'hypothèses.

15 L'INTERPRÈTE : Le témoin opine du chef.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela dit, ensuite, un peu plus tard,

17 vous êtes en train, en revanche, de faire des affirmations et non plus des

18 hypothèses. Oui, poursuivons. A la page 42, au début de la page 3, je vais

19 vous lire tout ce que vous nous avez dit.

20 Je cite : "Dans toutes ces actions, à ma connaissance, ce type

21 d'actions et les tirs en zone urbaine demandent à ce que l'on laisse aux

22 civils le temps de partir. Dans ce cas spécifique, les civils ont eu

23 largement le temps de partir, puisque plus de 1 500 civils de Skabrnja sont

24 partis vers Zadar, et ce, sans qu'il ne leur arrive rien. Ces civils soit

25 sont restés derrière en ville de leur propre chef ou étaient membres du

26 ZNG, ou ont été utilisés par le ZNG comme boucliers humains. Ils auraient

27 très bien pu s'enfuir s'ils l'avaient voulu."

28 Vous êtes ici en train de déposer. Nous ne sommes plus en train de parler

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1 d'hypothèses. Voici ma question : est-ce vraiment ce que vous êtes en train

2 de nous dire ? Est-ce votre déposition ou est-ce que vous êtes en train de

3 faire des hypothèses et des conjectures à propos du fait que des gens

4 auraient pu être employés comme boucliers humains dans ce cas bien précis ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est une hypothèse. Je le présume

6 uniquement. Cela dit, je pense que les civils qui sont restés derrière --

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si c'est uniquement une conjecture,

8 Monsieur Milovancevic, vous êtes d'accord avec moi pour dire que cela ne

9 peut pas faire partie de la déposition. Ce n'est pas une affirmation. On ne

10 peut pas partir d'une hypothèse et tout d'un coup déclarer que cette

11 hypothèse est une affirmation, est un fait établi. Vous êtes d'accord avec

12 moi, n'est-ce pas ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Cette conjecture de la part du témoin a

14 été élaborée suite à une question des Juges, et non pas d'une de mes

15 questions. C'était une réponse à la question du Juge Nosworthy à propos de

16 l'attitude à adopter face aux civils. Il nous a exprimé ce qu'il pensait

17 qu'il convenait de faire. Ce n'était pas une réponse à aucune de mes

18 questions.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien sûr, je suis d'accord avec vous à

20 150 % [comme interprété]. Cela dit, il s'agit quand même d'un témoin de la

21 Défense. J'aimerais bien éclaircir ceci avec l'équipe de la Défense. Je

22 tiens à savoir si vous êtes d'accord avec moi quand je dis que dans sa

23 réponse à la question du Juge, le témoin est passé d'une hypothèse à ce qui

24 semble être une affirmation. Ceci n'est pas autorisé, n'est pas -

25 J'aimerais savoir comment vous pensez que nous allons pouvoir traiter

26 ce passage du compte rendu. Quel poids devons-nous y accorder.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la question de

28 Mme le Juge Nosworthy était une question de principe. La réponse était en

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1 partie une réponse sur le principe et en partie sur les détails bien précis

2 de la situation qui nous intéresse. Quand le Juge interroge le témoin, je

3 ne peux pas contrôler mon témoin, bien sûr, puisque ce sont les Juges qui

4 posent leurs questions librement. C'est à eux de voir. C'est à eux de

5 décider quelles sont les questions supplémentaires qui devraient être

6 posées au témoin ou s'il convient de demander à la Défense de reprendre

7 l'interrogatoire. Je n'ai absolument pas pu diriger le témoin à ce moment-

8 là, donc je ne peux pas du tout répondre à votre question. Au cours de mes

9 questions supplémentaires, bien sûr, si cela vous sied, je reprendrai tout

10 ce passage et ces questions pour savoir si le témoin est bel et bien en

11 train de faire des conjectures ou s'il est en train d'affirmer certaines

12 choses. Je vais y travailler.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

14 acceptez quand même que vous étiez en train de parler d'une conjecture et

15 que vous avez glissé vers ce qui est maintenant une affirmation, donc votre

16 témoignage ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des faits de ce qui s'est

18 vraiment passé à Skabrnja, j'ai répondu à une question qui m'a été formulée

19 comme une hypothèse. Mais en matière de principe, donc la question que m'a

20 posée le Juge Nosworthy à propos du principe, les lois de la guerre, les

21 coutumes de la guerre exigent que les civils ne soient pas utilisés comme

22 boucliers humains ou à tout autre but. Cela dit, si un civil prend des

23 armes et, aux côtés des soldats, se joint au combat, aux activités

24 militaires, dans ce cas-là ils ne sont plus civils, ils deviennent des

25 militaires, ils deviennent des soldats. Ceci doit être prouvé au cas par

26 cas.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Certes, mais ne rajoutez pas encore

28 des faits. La question était de savoir la chose suivante : si un civil est

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1 utilisé comme un bouclier humain, quelle réponse doit-on attendre de

2 l'autre camp si l'on suit les lois de la guerre ? J'ai bien compris votre

3 réponse. Cela dit, vous nous avez bel et bien dit que pour ce qui est de

4 Skabrnja, jusqu'à présent, vous n'avez parlé que d'hypothèses et de

5 conjectures.

6 Cela me va et vous pouvez poursuivre, Monsieur Milovancevic.

7 M. MILOVANCEVIC : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Milovancevic, avant,

9 pouvons-nous en revenir à ce dont nous parlions avant, cette tactique

10 d'assainissement, le rapport d'assainissement. Pouvez-vous nous dire

11 exactement de quel rapport il s'agit ? Peut-être pouvons-nous le voir à

12 l'écran ou connaître sa cote.

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Tout à fait. Je pense qu'il serait tout

14 à fait utile. Je vous parle ici de la pièce 109. Il s'agit du rapport écrit

15 par Ernest Radjen, le lieutenant Ernest Radjen, sur l'assainissement. La

16 date de ce rapport est le

17 1er décembre 1991.

18 Q. Les questions portant sur le rapport de Radjen ont trait au document

19 que vous voyez à l'écran. Vous vous souvenez que c'est un document que nous

20 a montré l'Accusation précédemment ?

21 R. Oui.

22 Q. Au point 2 de ce document, il y a référence à un homme de 35 ans

23 portant l'uniforme de la ZNG se trouvant sur la route avec une balle dans

24 la tête.

25 R. Oui, je le vois.

26 Q. Au point 3, dans la cour d'une maison individuelle, un homme civil de

27 65 ans, deux femmes âgées entre 65 à 70 ans, dans la cave d'une maison,

28 donc trois personnes âgées; au point 4, dans la cour d'une maison privée,

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1 deux hommes de 25 à 30 ans en uniforme ZNG, un homme d'environ 60 ans - il

2 s'agit très certainement d'un père et de ses enfants - ils étaient armés

3 avec kalashnikovs, avec RVM 57, très certainement touchés par des éclats

4 d'obus; une personne âgée dans une maison. Voyez-vous tout cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Au 5, de la cour d'une des maisons, deux personnes âgées, hommes civils

7 très certainement tués par des mines MB. Il y a un site d'impact d'ailleurs

8 dans la cour. Vous le voyez ?

9 R. Oui.

10 Q. Au point 7, sur la porte d'une maison, un homme âgé de

11 55 ans, vêtu en civil; deux femmes de 50 à 55 ans - au rez-de-chaussée; une

12 des femmes a environ 70 ans, elle se trouve dans le couloir au premier

13 étage. La maison a très certainement été détruite par un obus, obus tiré

14 très certainement d'un canon de char. Vous le voyez ?

15 R. Oui.

16 Q. Au point 9, au rez-de-chaussée, on précise une maison qui n'est pas

17 terminée, trois hommes; l'un qui a entre 35 et 40 ans, deux hommes âgés

18 d'environ 45 ans, une femme d'environ 45 ans. Le plus jeune des hommes

19 faisait très certainement partie de la ZNG. Vous le voyez au point 9 ?

20 R. Oui, je vois tout cela.

21 Q. Au point 10, on fait encore référence à des victime. La dernière ligne

22 est comme suit : un homme d'environ 40 ans au vidéo club et en uniforme de

23 la ZNG. Vous le voyez ?

24 R. Oui.

25 Q. Maintenant, les points 12 et 13.

26 Point 12, grand garage sous le panneau Andrija Artukovic -- caserne Andrija

27 Artukovic, des équipements militaires, des radios, des munitions, environ

28 30 pièces, trois femmes environ 60 à 65 ans, un homme environ 60 ans,

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1 devant le garage, un civil. Vous voyez tout cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Enfin, au point 13, dans la cour, une femme d'environ

4 60 ans, et dans la maison, deux hommes d'environ 35 ans, très certainement

5 membres de ZNG. Vous le voyez ?

6 R. Oui.

7 Q. Voici maintenant ma question. Le fait qu'il y ait des civils dans les

8 maisons où se trouvaient aussi des personnes armées et sur lesquelles il

9 risquait d'avoir des tirs, donc ce type d'activités depuis ces maisons,

10 est-ce que cela mettait en danger la vie des civils qui s'y trouvaient

11 aussi ?

12 R. Oui, bien sûr.

13 Q. Très bien. Je n'ai plus de questions à vous poser à propos de ce

14 document.

15 Monsieur Lakic, maintenant pendant deux jours, nous avons parlé de ce qui

16 s'était passé les 18 et 19 novembre 1991 à Skabrnja. Voici ce que

17 j'aimerais savoir. M. Martic a-t-il eu le moindre rôle à jouer dans ces

18 événements ?

19 M. BLACK : [interprétation] Je suis désolé, mais il s'agit ici d'une

20 question qui ne découle absolument pas de mon contre-interrogatoire. Il

21 aurait fallu poser cette question lors de l'interrogatoire principal.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, qu'en pensez-

23 vous ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Si M. le Procureur n'est pas intéressé

25 par la réponse à cette question, je la retire. Mais bien sûr, vous savez

26 exactement quelle est notre position à cet égard.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, Monsieur Milovancevic.

28 Avez-vous fini avec les questions supplémentaires ?

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai encore une dernière question, une

2 toute dernière question.

3 Q. Quand et pourquoi vous avez quitté la Krajina ?

4 R. J'ai quitté la Krajina en 1995, le 4 août 1995. J'ai quitté la Krajina

5 en raison de l'agression armée que la République de Croatie a faite sur ce

6 qu'il restait du peuple serbe dans la Krajina. C'est la raison

7 fondamentale, si ce n'est la seule, à ce moment-là.

8 La Krajina a été quittée par le peuple qui y avait vécu pendant des

9 siècles. L'objectif du peuple serbe n'avait pas pour objectif de créer un

10 Etat purement serbe sur le territoire croate. Pendant des siècles, nous

11 avons vécu ensemble avec les Croates, et le peuple serbe a voulu, même dans

12 ce malheur, continuer à vivre avec le peuple croate. Cette volonté n'a pas

13 pu se réaliser, et le peuple serbe dans la région de Croatie et de la

14 Krajina notamment, en raison des arguments inventés qui étaient des

15 arguments de la force, a dû partir et vivre en dehors des territoires où il

16 est né et où il a existé.

17 Q. Je vous remercie.

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense n'a

19 plus de questions à poser.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

21 Questions de la Cour :

22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur, j'ai deux petites questions

23 pour vous.

24 Premièrement, vous avez mentionné Goran Opacic. Voulez-vous nous dire

25 maintenant, s'il vous plaît, s'il avait un surnom ?

26 R. Je ne me souviens pas de son surnom. Il est possible qu'il avait - mais

27 moi, j'étais une personne officielle occupant une fonction relativement

28 élevée pour la région de Benkovac, donc je ne le contactais pas par surnom,

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1 mais par son nom et prénom. Peut-être en avait-il un.

2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien. Quels étaient son nom et prénom

3 entiers ?

4 R. Goran Opacic.

5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne pensais pas que vous vous

6 adressiez à lui en l'appelant par son surnom, mais que peut-être vous

7 connaissiez son surnom. C'est très bien.

8 En ce qui concerne la dame qui commandait la section de la santé, comment

9 s'appelle-t-elle ?

10 R. Elle s'appelait et s'appelle toujours Mme Nada Pupovac,

11 P-u-p-o-v-a-c.

12 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Elle venait d'où ?

13 R. Monsieur le Président, elle venait d'un village à côté de Benkovac qui

14 s'appelle Perusic. Perusic, P-e-r-u-s-i-c.

15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Savez-vous où est-ce qu'elle vit

16 aujourd'hui ?

17 R. Aujourd'hui, elle vit à Belgrade.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Je n'ai

19 plus de questions.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Moi non plus, je n'ai plus de

21 questions. Je vous remercie.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Lakic, pourquoi la TO a été

23 supprimée ou dissoute en 1992, en novembre 1992 ?

24 R. Monsieur le Président, la Défense territoriale a d'abord été

25 restructurée le 1er novembre 1991. Il y avait ensuite le quartier général de

26 la TO dans les localités, dans les communautés locales et il y avait la

27 brigade qui était sous le commandement de la JNA.

28 En novembre 1992 --

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant. Précisément, c'est cela

2 qui m'intéresse. En novembre 1992 --

3 R. Après les accords de paix sous les auspices des Nations Unies cessent

4 d'exister les formations de la JNA sur le territoire de la Croatie et de la

5 République de la Krajina serbe. On a vu se constituer la brigade de police

6 frontalière, avec son siège à Benkovac, dont la mission exclusive était

7 d'agir de concert avec les forces et les éléments des Nations Unies pour

8 protéger la ligne frontalière vers les villes de Sibenik et vers Biograd et

9 Zadar, sur le territoire de la municipalité de Benkovac.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Le problème, c'est que vous

11 ne nous avez rien dit sur la raison pour laquelle la TO a été supprimée en

12 1992. J'ai entendu ce que vous venez de dire, mais cela n'est pas une

13 réponse à ma question, à savoir pourquoi la TO a été supprimée en 1992.

14 R. En même temps, toute la structure, les cadres de la JNA ont été

15 retirés, et en même temps la TO a été dissoute en tant que forces armées.

16 Le territoire de la Krajina état désormais contrôlé par les forces des

17 Nations Unies. C'est cela la raison.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que Darko Miljatovic était un

19 élément de l'armée serbe en novembre 1991 ?

20 R. Non, c'était Mijaljevic Darko, que j'ai mentionné dans ma réponse à M.

21 le Procureur. Darko Mijaljevic ?

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, exactement. Oui, effectivement,

23 je m'excuse, Mijaljevic.

24 R. Darko Mijaljevic était officier d'abord de la TO, ensuite jusqu'à la

25 fin de la guerre, il était officier de l'armée serbe de la Krajina. Je

26 crois qu'il a fini par avoir le grade de capitaine.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais en

28 novembre 1991, à quelle force appartenait-il, aux forces de la TO ou de la

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1 JNA ?

2 R. Si ma mémoire est bonne, il n'appartenait pas à la TO. Je ne peux pas

3 l'affirmer avec certitude, mais il a été dans la JNA. Il commandait un

4 peloton spécial ou quelque chose de ce genre.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

6 Ceci termine mes questions.

7 Maître Milovancevic, auriez-vous d'autres questions qui découleraient des

8 miennes ?

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic.

11 Maître Black.

12 M. BLACK : [interprétation] Non, je n'ai plus de questions non plus.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Lakic. Votre

14 déposition touche à sa fin. La Chambre vous remercie d'avoir trouvé du

15 temps pour venir témoigner. Encore une fois merci, vous pouvez vous

16 retirer.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est à moi de vous

18 remercier aussi.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

20 [Le témoin se retire]

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, maintenant je

22 voudrais que l'on passe à huis clos partiel.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à

24 huis clos partiel.

25 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, citer le

11 témoin suivant.

12 Veuillez faire entrer, s'il vous plaît, le témoin suivant.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demande au témoin de faire la

16 déclaration solennelle.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

18 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN: NADA PUPOVAC [Assermentée]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Vous pouvez

22 vous asseoir.

23 Maître Milovancevic, à vous, je vous en prie.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par M. Milovancevic :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.

27 R. Bonjour.

28 Q. En tant qu'avocat de Défense de l'accusé M. Martic, maintenant je vais

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1 procéder à votre interrogatoire. S'il vous plaît, puisque nous parlons la

2 même langue, faites des petites pauses entre mes questions et vos réponses

3 afin que les interprètes puissent s'acquitter honorablement de leur

4 travail.

5 Voulez-vous, s'il vous plaît, nous dire vos nom et prénom.

6 R. Nada Drmanic, née Pupovac, née le 10 mars 1959 à Benkovac, en

7 République de Croatie, autrefois Yougoslavie et République de Croatie

8 faisant partie de la Yougoslavie.

9 Q. [aucune interprétation]

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] L'interprète n'a pas saisi le nom

11 après le prénom. Peut-être pourrait-on le vérifier avec le témoin pour les

12 besoins du transcript ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

14 Q. S'il vous plaît, dites-nous encore une fois, pour le transcript, vos

15 nom et prénom.

16 R. Je m'appelle Drmanic, née Pupovac Nada, née le

17 10 mars 1959.

18 Q. Merci. Cela suffit. Quelles sont votre origine ethnique et votre

19 confession ?

20 R. Je suis Serbe orthodoxe.

21 Q. Où est située exactement la localité où vous êtes née ? Comment

22 s'appelle --

23 R. Je suis née dans la communauté de Benkovac, dans la ville de Benkovac.

24 J'ai vécu dans le village Perusic qui se trouve aux abords de Benkovac.

25 Cette localité est située dans la Dalmatie du Nord.

26 Q. Merci, cela suffit. Quelles sont vos qualifications et où est-ce que

27 vous avez travaillé ?

28 R. J'ai été administratrice et j'ai travaillé dans le bureau de

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1 Jugoplastika à Split, à Benkovac, mais j'ai dû arrêter mon travail --

2 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

3 M. MILOVANCEVIC : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'interprète veut savoir en quelle

5 année cette dame a cessé de travailler pour des raisons privées.

6 Ce qui m'intéresse, c'est de quoi vous vous occupiez. Ici, c'est

7 marqué que vous étiez "administrateur dans le bureau du Procureur."

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me

9 permettez de poser la question liée à ce sujet.

10 Q. Quand vous avez dit que vous avez fait des études pour administrateur,

11 est-ce que cela veut dire que vous avez fait un lycée ?

12 R. Oui, j'ai fait une école secondaire et j'ai travaillé sur les affaires

13 d'écoulement de produits dans une succursale de Jugoplastika à Benkovac

14 pendant 12 ans.

15 Q. Vous avez dit que vous avez travaillé là jusqu'à 1990 et que c'est là

16 que vous avez dû arrêter pour des raisons privées ?

17 R. Oui.

18 Q. Lorsque vous dites que dans l'atelier de Jugoplastika à Benkovac, vous

19 avez dit sur l'emballage du produit fini et sur les enregistrements, est-ce

20 que cela veut dire que vous n'avez pas travaillé dans le cadre de vos

21 qualifications scolaires ?

22 R. Non.

23 Q. Le village Perusic où vous viviez jusqu'en 1990 a quelle proportion ?

24 R. C'est un village de 5 kilomètres de diamètre, 110 maisons dont 20

25 maisons serbes, le restant étant la population croate.

26 Q. Je présume que c'est une information qui pourrait concerner l'année

27 1990 ?

28 R. Oui. Maintenant dans Perusic, il n'y a plus une seule maison entière,

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1 car toutes ont été détruites, non pas pendant l'agression, mais après

2 l'agression, trois jours - je pense à l'agression Tempête de 1995.

3 Q. Merci. Cela suffit. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un village où

4 vivaient Serbes et Croates ensemble. Pouvez-vous nous dire quels étaient

5 les rapports interethniques jusqu'en 1990 ?

6 R. Jusqu'en 1990, nous vivions dans une atmosphère de tolérance, si on

7 peut l'appeler ainsi. En 1971, il y avait le "maspok," et de même parce

8 qu'ils avaient essayé de détruire la Yougoslavie. En 1990, il y avait les

9 élections pluralistes où le parti démocrate croate a gagné les élections.

10 Q. Merci. Merci, on s'en occupera plus tard.

11 Vous disiez, les rapports étaient plus ou moins ceux de tolérance.

12 Vous avez mentionné l'an 1971. De quoi vous souvenez-vous de cette année

13 1971 ?

14 R. En 1971, dans mon village, on a vu apparaître des insignes oustachi et

15 des symboles oustachi qui rappelaient aux Serbes les années 1941 à 1945, où

16 les Oustachi détruisaient le peuple serbe et les internaient dans des

17 camps. A cette période, ma famille avait été anéantie, où ma mère avait été

18 attachée par les Oustachi et les Allemands et avait fait une fausse-couche.

19 Q. Merci. Pourquoi ces problèmes sont-ils intervenus ? Pourquoi et comment

20 les populations serbes ont-elles réagi ?

21 R. Les Serbes se sont organisés en gardes, parce que chaque homme voulait

22 protéger sa famille, parce qu'on a pu entendre toutes sortes de

23 déclarations et de chansons qui disent : j'ai un couteau que je porte dans

24 un étui en bois parce que je suis avide des entrailles serbes.

25 Q. Vous parlez de la période du "maspok" de 1971 ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez dit que la

28 population serbe en cette année 1971 avait organisé des gardes dans le

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1 village ?

2 R. Oui.

3 Q. Pourquoi ?

4 R. Parce qu'il y avait une peur des Oustachi qui avait ressuscité, surtout

5 pour les gens qui avaient déjà vécu cette terreur de 1941 à 1945.

6 Q. Est-ce que ce processus politique, tel que vous le décrivez, a été

7 arrêté ? Comment vivait-on ensuite jusqu'en 1990 ?

8 R. Oui, il a été arrêté par les services d'Etat qui agissaient sur le

9 territoire de la Yougoslavie. On vivait dans une sorte de tolérance.

10 Q. Lorsque vous avez donné vos données personnelles, vous avez dit où vous

11 aviez travaillé pendant 10 ans. En plus de votre travail professionnel,

12 vous êtes-vous occupée aussi d'un travail socialement utile ?

13 R. J'étais dans l'ex-Yougoslavie membre de la présidence des jeunes de la

14 communauté de Benkovac. J'ai travaillé dans le cadre des brigades de

15 travail bénévole des jeunes. Je dois le souligner, c'étaient des brigades

16 de travail bénévole des jeunes.

17 Q. Je vous remercie. Vous avez dit que votre village était situé dans la

18 municipalité de Benkovac. Quelle est la structure des populations de cette

19 municipalité; le sauriez-vous ?

20 R. Oui. La municipalité de Benkovac comptait 51 % de population serbe, les

21 autres étaient Croates. Il y avait un peu de Musulmans, un peu d'Albanais

22 de souche. Il y avait 50 villages. Benkovac, en tant que ville était à 70 %

23 serbe; 25 villages étaient serbes avec deux hameaux, Biljane Donje et

24 Trlenje; il y avait dix villages purement croates, et 13 villages mixtes.

25 Q. Vous aviez des rapports interpersonnels dans votre village. Est-ce que

26 ce que vous nous avez dit sur le caractère de ce rapport est quelque chose

27 qui vaut aussi pour la municipalité de Benkovac ?

28 R. Oui.

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1 Q. Quand vous dites que jusqu'en 1990 les rapports étaient normaux, est-ce

2 qu'il y a eu un changement de rapports en 1990 ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quand et pourquoi ?

5 R. Suite aux élections pluralistes à l'époque de cette Croatie qui était

6 l'unité fédérale de Yougoslavie, les élections sont remportées par le HDZ,

7 un parti oustachi, qui, pendant cette période souhaite démanteler la

8 Yougoslavie à l'aide de certains pays étrangers qui avaient le même

9 dessein, et ce parti arme ses éléments et ses adeptes. On voit apparaître

10 des insignes et des symboles qui n'étaient pas en usage officiel de la

11 Yougoslavie, tel que, par exemple, le drapeau de la Croatie qui était

12 encore l'unité fédérale de Yougoslavie. C'était un drapeau rouge, blanc,

13 bleu avec une étoile rouge, et on voyait à sa place le même drapeau mais

14 avec un damier qui rappelle la période oustachi de 45 à 45.

15 Q. Je vous remercie. Avant la pause qui devra avoir lieu, je pense, à 17

16 heures 15, je vous poserai une brève question. A cette époque-là, dans le

17 premier semestre de 1990, quel était le drapeau officiel de l'unité

18 fédérale yougoslave de Croatie ?

19 R. C'était rouge, blanc, bleu avec une étoile rouge au milieu.

20 Q. Je vous remercie. Donc, la bannière avec cette disposition des champs

21 rouge, blanc et bleu avec une étoile rouge au milieu ?

22 R. Oui.

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que

24 c'est le moment de la pause.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, Maître Milovancevic.

26 Maintenant nous allons faire une pause et reprendre notre activité à 18

27 heures moins 15.

28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 13.

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1 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic, c'est à vous

3 de procéder.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Madame le Témoin, vous avez évoqué l'année 1990 comme étant une année

6 charnière, où commence l'exacerbation des relations dans la vie qui était

7 la vôtre. Comment tout cela se répercutait-il sur la vie de votre village ?

8 R. Avant tout, pour évoquer un événement grave au mois de mai, il y avait

9 un membre du Parti démocratique serbe qui a été tué à coups de couteau, un

10 soir. Ensuite, il y avait des cas où on faisait descendre des autocars

11 entre Benkovac et Zadar. Il y avait une famille de Stegnjaja. Il y avait

12 des gens, un homme qu'on a fait descendre de l'autocar, qu'on a tué, et on

13 leur a tranché les têtes pour évidemment invertir les têtes, une tête de

14 femme sur un tronc de corps de l'homme et vice versa.

15 Q. Merci. Lorsque vous parlez de la famille Stegnjaja, de quelle période

16 parlez-vous ?

17 R. Nous parlons de l'année 1990. Il n'y avait toujours pas d'hostilités,

18 de guerre et de conflits, mais il y avait, il faut le dire, à la fin des

19 élections législatives, et nous parlons du mois de mai pour parler de ce

20 premier cas grave.

21 Q. Merci. Vous avez évoqué la famille Stegnjaja. Est-ce que vous savez

22 très exactement et très précisément ce qui s'était passé et où ?

23 R. On les a fait descendre de l'autocar.

24 Q. Excusez-moi, s'il vous plaît, Madame. Toutes les fois que je vous pose

25 une question, veuillez marquer une petite pause et parler un peu plus

26 lentement. Essayons de faire autant que faire se peut pour faciliter le

27 travail de nos interprètes.

28 R. Oui. J'ai compris. Je tâcherai de le faire.

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1 Q. Dites-nous ce qui s'est-il passé avec la famille Stegnjaja.

2 R. Dans la famille des Stegnjaja, il y avait un homme Serbe de

3 nationalité, sa femme Croate de nationalité. Ils partaient pour Zadar pour

4 faire le trajet de Benkovac à Zadar près de Zeleni Hrast dans l'Islam

5 Latinski. L'autobus a été arrêté par les paramilitaires, qui ont été créés

6 par le HDZ. Ils les ont fait descendre des autocars pour les traîner.

7 Ensuite, deux jours plus tard, on les trouvés, leurs corps plutôt, et leurs

8 têtes ayant été tranchées. Ils étaient décapités.

9 Q. Ces détails que vous évoquez aussi, d'où les tenez-vous, ces

10 informations ?

11 R. Une femme, une de mes voisines est une personne âgée qui en a été

12 choquée. Elle a eu un taux de sucre augmenté depuis dans le sang, et encore

13 choquée, elle ne peut pas arriver à oublier cet événement non plus que de

14 dépasser la frayeur dont elle a été saisie.

15 Q. Vous dites tout à l'heure qu'un premier cas a été au mois de mai,

16 lorsque quelqu'un a été attaqué à coups de couteau. Pour ce qui est de cet

17 autre épisode, vous le situez au mois de septembre, n'est-ce pas, 1990 ?

18 R. Oui.

19 Q. S'il vous plaît, parlez un peu plus lentement, s'il vous plaît. Où est-

20 ce qu'on les a trouvés, ces cadavres ?

21 R. Les cadavres, on les a trouvés dans les buissons. Ils ont été tout

22 simplement jetés près de la route et ils ont été enterrés dans le cimetière

23 du village Kasic, à Ravni Kotari. C'est un cimetière où même leurs os ne

24 peuvent pas gésir en paix, ils ont été retirés de leurs caveaux.

25 Q. Si j'ai bien compris, ces gens-là ont été tués, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous avez dit qu'ils étaient décapités, l'homme et la femme, et on les

28 a intervertis, c'est-à-dire la tête de femme a été ralliée au corps d'homme

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1 et vice versa. C'est ce que vous avez dit ?

2 R. Oui.

3 Q. Comment s'appelaient ces gens-là ?

4 R. Stegnjaja. C'est un nom de famille.

5 Q. Quelle était la réaction de la population locale face à cet événement ?

6 R. Il était tout à fait normal de voir les gens tout à fait agités et

7 choqués, parce qu'en cette période-là, il y avait des tentatives de

8 désarmer le poste de police de Benkovac. Par conséquent, les Serbes ont été

9 privés de toute protection de la part de l'Etat, parce que le HDZ a mis en

10 place des services d'ordre et des ZNG, des unités paramilitaires dans cette

11 Yougoslavie encore toujours existante.

12 Q. Est-ce que cet événement s'est répercuté sur la vie quotidienne dans

13 votre village ?

14 R. Bien entendu. Les gens ne pouvaient plus aller normalement au travail.

15 Pendant la nuit, pour pouvoir dormir, il a fallu organiser des patrouilles,

16 des gardes villageoises, et on vivait dans une grande frayeur. Parce qu'il

17 s'agit de dire que des gens ont vécu également des événements similaires

18 lors de la Seconde Guerre mondiale lorsqu'il y avait les Oustachi et le

19 symbole de damier.

20 Q. Est-ce que le nom de Cirkovic Tomislav vous dit quelque chose ?

21 R. Oui. Il s'agit d'un homme qui, en août et en septembre était de mon

22 village, un de mes voisins - il s'agit de la deuxième maison croate,

23 d'ailleurs, par rapport à la mienne - et qui devait se marier.

24 Q. Une seconde, s'il vous plaît. Vous dites, vous situez cela dans le mois

25 d'août, septembre. En quelle année ?

26 R. En 1990.

27 Q. Pourquoi ce nom et ce mariage vous invitent à une association d'idées

28 quelconques ?

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1 R. C'est pour une première fois où s'affichent et se manifestent des gens

2 armés de kalachnikovs. C'est pour la première fois où les routes ont été

3 bloquées en direction de la route qui reliait mon village à la ville, et

4 une première fois où la route a été bloquée et où des gens venaient braquer

5 sur nous des fusils, enfin, à mon encontre personnellement.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, je ne suis pas

7 tout à fait sûr qu'il n'y ait pas eu d'erreur dans l'interprétation.

8 D'après ce que je lis, vous parlez de noces, de mariage, alors que le

9 compte rendu d'audience ne me permet pas de voir que le témoin avait évoqué

10 préalablement un mariage quelconque. Le témoin a dit --

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai fait --

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

13 poser quelques autres questions pour tirer au clair ce sujet-là. Je lui ai

14 posé la question sur Cirkovic Tomislav.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non, Maître. Ce qui pose un

16 problème pour moi, c'est que c'était à vous en premier de faire mention

17 d'un mariage avant d'entendre dire le témoin quoi que ce soit sur cela.

18 Mais je ne vois pas d'inconvénient de vous voir poser une question. Allez-

19 y.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai bien écouté

21 attentivement ce que le témoin a dit. Permettez-moi de poser quelques

22 questions pour ne pas qu'il semble que je sois là pour témoigner ou

23 suggérer quoi que ce soit.

24 Q. Madame le Témoin, à quel événement au mois d'août ou septembre

25 associez-vous le nom de Curkovic ?

26 R. Lors de son mariage, tous les membres du HDZ étaient armés de fusils

27 automatiques, de kalachnikovs. Ils tiraient pour prouver qu'ils étaient

28 armés. Le même soir, vers la tombée de la nuit, ils avaient bloqué la route

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1 qui menait vers la ville de Benkovac, on ne pouvait pas y passer, et ils

2 avaient les fusils armés braqués contre moi-même d'ailleurs, et je ne

3 pouvais pas continuer ma route et j'ai rebroussé chemin.

4 Q. Merci. Vous dites que cet homme-là habitait à une distance de deux

5 maisons par rapport à la vôtre. Ce jour-là, il y avait un mariage; c'était

6 le sien ?

7 R. Oui.

8 Q. Qui est-ce qui avait des kalachnikovs, des fusils automatiques ?

9 Comment l'avez-vous appris ?

10 R. On pouvait le voir depuis ma maison. Tous ces gens-là étaient membres

11 du Parti HDZ, ce qui s'est avéré comme étant la vérité. On se connaît tous,

12 dans notre village.

13 Q. Est-ce qu'il y avait des tirs de feu tirés et pourquoi à cette

14 occasion-là ?

15 R. Oui, on tirait, mais pas sur nous, heureusement. On avait bloqué la

16 route qui menait vers Benkovac à Kolarina. C'est une localité assez

17 importante, comme un chef-lieu, habitée par les Serbes.

18 Q. Comment avez-vous vécu tout cela, cet événement-là ?

19 R. Ecoutez, ce n'est pas si aisé lorsque quelqu'un arme son fusil et

20 lorsqu'il a évidemment une balle, une cartouche dans son fusil, et braque

21 le fusil contre vous.

22 Q. Est-ce que le terme de "redarstvenici", de policier, dit quelque chose

23 pour vous à cette période-là ?

24 R. Oui, les "redarstvenici" se sont occupés de ce désarmement du poste de

25 police. C'est ainsi qu'au poste de police, il n'y avait plus aucun

26 armement. Ensuite, dans mon village à moi, il y avait Sifar et Curkovic,

27 deux "redarstvenici", deux policiers, qui eux, armés entièrement et ayant

28 un bardas militaire, faisaient le trajet quotidiennement pour aller de ce

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1 village à leur poste de travail.

2 Q. Est-ce que je me trompe en disant que vous parlez de la seconde moitié

3 de l'année 1990, n'est-ce pas ?

4 R. Pour parler de cette période, de cet espace de temps, je parle de l'été

5 ou du mois d'août ou septembre.

6 Q. De quelle année ?

7 R. De 1990.

8 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire ce que signifiait le terme de

9 "redarstvenik", policier, à cette époque-là ?

10 R. Cela signifiait le nom d'un soldat oustachi, c'est-à-dire en Croatie à

11 cette époque-là, dans la Yougoslavie encore existante, en vigueur.

12 Q. Merci. Vous dites qu'il y avait deux gars de votre village qui ont

13 rejoint les rangs des "redarstvenici" ?

14 R. Oui, il y avait Sisgora et Curkovic.

15 Q. Vous dites qu'ils étaient armés. De quelle arme il s'agissait ?

16 R. Il s'agissait de fusils automatiques, de pistolets, de grenades à main

17 et tout ce qui faisait un équipement militaire, un fourniment militaire.

18 Q. Comment étaient-ils vêtus ? De quoi étaient-ils vêtus ?

19 R. Ils portaient les uniformes de camouflage comme tout soldat et ils

20 portaient les insignes de l'armée oustachi, avec l'emblème oustachi.

21 Q. A cette époque-là - nous parlons de l'automne 1990 - que signifie pour

22 vous les usines textile de Vuksic ?

23 R. J'étais à la recherche d'un emploi, alors on m'a dit qu'à cette époque-

24 là, à Vuksic, on embauchait encore, mais c'était vraiment de gagner le gros

25 lot que d'avoir un emploi. On m'a dit que c'était une usine. Il y avait

26 d'abord Kolarina, village serbe, ensuite Vuksic, village mixte croato-

27 serbe. Dans cette usine textile, avant la guerre, on travaillait sur du

28 textile.

Page 10335

1 Lorsque je suis entrée dans cette usine-là, je suis tombée sur

2 quelque chose d'autre, ce qui n'a pas été sans me faire renaître l'idée

3 oustachi. J'ai pu voir des milliers de drapeaux dans ce hall de production,

4 ce que j'ai pu voir à travers les vitres avant d'y pénétrer. Comme je ne

5 m'y comprenais pas très bien, j'ai vu qu'il ne s'agissait pas là des

6 drapeaux de la Croatie comme étant unité fédérée de la Yougoslavie à cette

7 époque-là et qui encore, dis-je, existait comme Yougoslavie, mais c'étaient

8 les drapeaux oustachi frappés d'une cote d'armes oustachi, damier. Je me

9 suis retournée et j'ai rentré chez moi sans demander un emploi.

10 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Vous êtes allée là-bas pour

11 chercher un emploi, pour postuler, pour trouver un emploi dans cette usine

12 textile, lorsque vous avez vu tous ces drapeaux-là, vous y avez renoncé ?

13 R. Oui.

14 Q. Que signifie pour vous le fait d'évoquer des barricades en cette année

15 1991 ?

16 R. Une première barricade a été érigée lors des vendanges près de ma

17 maison. C'était un signe comme quoi nous n'étions plus désirables, et il

18 n'était plus désirable de nous voir traverser un village croate. Ce signe a

19 été d'ailleurs posé là par quelqu'un que je connaissais personnellement et

20 que j'ai pu reconnaître.

21 Q. En quoi consistaient ces barricades ?

22 R. Il s'agissait de pneumatiques pour automobiles. Depuis ce jour-là, des

23 personnes inconnues qui appartenaient au HDZ se manifestaient chez nous,

24 qui venaient tenir des réunions et qui venaient aux réunions de notre

25 village.

26 Q. Depuis l'érection de ces barricades, est-ce que vous avez pu aller à

27 Zadar ? Que s'est-il passé avec les autres habitants de votre village ?

28 R. Non, je n'y allais plus à Zadar. Mais pour parler de la population

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1 serbe qui vivait dans des villages croates, majoritairement croates, les

2 gens se voyaient obligés de signer un serment d'allégeance à l'Etat

3 oustachi pour pouvoir garder un travail, par exemple. On s'appropriait de

4 leurs biens et équipements, leurs maisons étaient démolies. A Zadar, plus

5 de 40 bâtiments d'habitation ou de lieux de commerce ont été démolis à

6 cette époque-là.

7 Q. Une seconde, s'il vous plaît. Je dois vous interrompre. Maintenant,

8 vous venez d'évoquer deux faits, un premier fait concernant ces

9 déclarations de loyauté, ces serments d'allégeance. Qui a demandé auprès de

10 qui et de la part de qui de tels serments d'allégeance ?

11 R. Ceci a été exigé par le Parti HDZ qui avait gagné les élections. Il y

12 en avait partout. Dans chaque entreprise et firme les gens pleuraient. Ils

13 ne savaient plus que faire, parce que si on n'en faisait pas autant, si on

14 ne signait pas un serment d'allégeance, ils risquaient gros, c'est-à-dire

15 de disparaître rien qu'en cours d'une nuit, et ils devaient évidemment y

16 consentir par peur, tout simplement, grande peur.

17 Pendant que je vous en parle, je crains pour ma famille de Zadar,

18 pour vous le dire dans la foulée, ma famille ayant subi une grande torture

19 en 1991. Les miens, je ne les ai pas vus depuis plus de 16 ans. Je ne suis

20 plus en contact avec ces gens-là qui sont les miens, de ma parenté,

21 justement à cause de ce dont je vous parle.

22 Q. Vous dites qu'on avait exigé de prêter un serment d'allégeance. Est-ce

23 que cela veut dire qu'une fois que quelqu'un qui travaille là ou là, si

24 cette personne-là signe un serment d'allégeance, elle avait le droit de

25 continuer à travailler ?

26 R. Non, non. Ils ne pouvaient pas continuer de travailler. Leurs maisons

27 se sont vues accaparées, saisies. Ils étaient obligés évidemment de quitter

28 leurs foyers, et leurs foyers seraient ensuite emménagés par des gens que

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1 personne n'avait jamais connus préalablement.

2 Q. Vous dites que des gens sont prêts à signer un serment d'allégeance,

3 mais cela ne suffisait pas pour pouvoir pour autant rester à son poste de

4 travail. Qui est-ce qui fait tout cela, qui l'a expulsé ensuite, et

5 cetera ?

6 R. C'est le gouvernement du HDZ qui s'est déjà proclamé comme étant un

7 gouvernement régulier et légal.

8 Q. Madame le Témoin, pouvez-vous nous dire pour quelle raison les gens qui

9 auraient signé un serment d'allégeance au HDZ seraient expulsés et

10 restaient sans emploi ?

11 R. Du simple fait qu'ils sont des Serbes.

12 Q. Encore une fois, je vous prie de bien vouloir marquer une petite pause

13 toutes les fois où je vous aurai posé une question et avant de répondre à

14 mes questions, parce que nous allons faire souffrir nos interprètes si nous

15 ne le faisons pas de la sorte.

16 Vous avez dit tout à l'heure que des gens craignaient terriblement le fait

17 de ne pas signer, par exemple, un serment d'allégeance. Pourquoi ? De quoi

18 avaient-ils peur ?

19 R. Ils craignaient de se voir liquider, de se voir tuer, parce qu'il

20 s'agissait d'un pouvoir oustachi qui ne se ménageait pas trop pour avoir

21 recours à tel ou tel moyen. Encore toujours en est-il le cas; rien n'a

22 changé entre-temps.

23 Q. Ici, vous êtes sous le coup du serment. Vous êtes en train de témoigner

24 sur certains événements. Je vous pose des questions pour savoir comme quoi

25 celui qui refusait de signer un serment d'allégeance à son poste de travail

26 courait le risque de se faire liquider, d'être tué. C'est ce que vous

27 dites, vous ?

28 R. Oui.

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1 Q. Se faire tuer par qui, si on refusait de signer un serment

2 d'allégeance ?

3 R. Par les autorités du HDZ, avec à leur tête Franjo Tudjman, à cette

4 époque-là.

5 Q. Merci. Vous dites que les gens qui refusaient de signer un serment

6 d'allégeance craignaient cette situation. Que faisaient-ils là ? Est-ce

7 qu'ils restaient à leur poste de travail ?

8 R. Non, non. Tout simplement, ces gens-là se trouvant sous pression

9 devaient quitter la municipalité de Benkovac.

10 Q. Les gens qui quittaient leur poste de travail pour ensuite rentrer en

11 quelque sorte dans la municipalité de Benkovac, ils étaient de quelle

12 nationalité ?

13 R. Ils étaient de nationalité serbe. Il y avait un Italien également parmi

14 nous.

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est de

16 savoir s'il y avait des Croates qui auraient refusé de signer un serment

17 d'allégeance au Parti du HDZ ? Est-ce qu'il y a eu des Croates qui auraient

18 refusé ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai pas d'information ni de

20 connaissance plus précise.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

23 Q. Ce dont vous nous parlez se passe en 1990. Maintenant, ce qui

24 m'intéresse, c'est la situation de 1991. Est-ce qu'il y avait dans la zone

25 de Benkovac des unités de la JNA, ou en Dalmatie ?

26 R. Monsieur, il devait y avoir des unités de la JNA qui étaient connues

27 comme telles, légales et reconnues comme telles.

28 Q. Merci. Comment se présentait la situation vers le milieu de 1991, pour

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1 parler de la situation de l'état dans lequel se trouvaient les unités de la

2 JNA dans la zone ?

3 R. Partout où les Croates étaient en majorité, la JNA était attaquée. Des

4 gens se faisaient tuer, se faisaient capturer. Tout simplement, il a fallu

5 se faire protéger ou s'autoprotéger.

6 Q. Avez-vous à cette époque-là été membre de la JNA ?

7 R. Non, pas à cette époque-là.

8 Q. D'où tenez-vous toutes ces informations ?

9 R. Je les tiens du fait que dans la municipalité de Benkovac, depuis

10 Zadar, devait se replier une unité commandée dans M. Perisic qui, pendant

11 longtemps, se trouvait dans un encerclement avec ses unités, ses effectifs,

12 et pendant longtemps sans être ravitaillée ni en eau ni en vivres. Rien que

13 pour parler de l'aéroport de Zemunik, cet aéroport a été encerclé,

14 totalement encerclé.

15 Q. Pouvez-vous nous dire à quelle distance se trouve l'aéroport de Zemunik

16 par rapport Benkovac et à quelle distance se trouve Zadar par rapport à

17 Benkovac ?

18 R. De Zadar à Benkovac, je crois qu'il y a 30 kilomètres qui les sépare.

19 Pour parler de l'aéroport par rapport à Zadar, il y a peut-être lieu de

20 dire que l'aéroport se trouve à une distance de

21 4 kilomètres, même pas 4 kilomètres, si on prend en considération les

22 banlieues de la ville. Les premiers villages, il y a Zemunik Donje, village

23 mixte croate et serbe, puis Skabrnja. La route qui mène vers Benkovac passe

24 par Skabrnja, Biljane Donje, Zemunik Gornje, vers les zones croates en

25 direction de Smiljcic. Toutes ces routes d'ailleurs, et par ailleurs, se

26 sont trouvées bloquées à cette époque-là.

27 Q. Il s'agit de routes menant depuis l'aéroport de Zemunik et depuis

28 l'aéroport ?

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1 R. Oui. Il s'agit de voies de communication qui, normalement, font une

2 jonction à Tramilja [phon], un petit peu en dessous de Zemunik Donje.

3 Q. Merci. Lorsque vous dites que ces routes menant de Zemunik -- vers

4 Zemunik étaient bloquées, pouvez-vous nous dire par qui ces routes se sont

5 trouvées bloquées et comment, par quel moyen ?

6 R. Ces routes ont été bloquées par des Croates moyennant leurs forces

7 armées paramilitaires. Les points principaux, côtés, c'était Razovljeva

8 Glava, à partir de quel point côté ils étaient capables non seulement de

9 contrôler l'aéroport, mais aussi ils pouvaient contrôler la route Benkovac-

10 Biljane, Benkovac-Biljane Gornje, menant vers les villages de Ravni Kotor.

11 Ils pouvaient contrôler également la route menant de Benkovac à Biograd.

12 Depuis le point côté Nadinska Gradina, un contrôle était encore plus grand

13 assuré, et moyennant un mortier de calibre de 60-millimètres, ils n'avaient

14 aucun problème de toucher Benkovac. A vol d'oiseau, depuis ce point côté,

15 il n'y avait pas vraiment une distance supérieure à 3 à 4 kilomètres.

16 Q. Parlant de ces événements, dites-nous, d'où tenez-vous toutes ces

17 informations, tous ces détails, ces points côtés, Nadinska Kosa, Razovljeva

18 Glava, et cetera, cette possibilité de toucher Benkovac et Zemunik ?

19 R. J'ai été membre de la Défense territoriale de Benkovac commandée par M.

20 Zoran Lakic. J'ai été chef des services de santé. Au moment où il a fallu

21 débloquer la première et seconde route dont on parlait menant vers

22 l'aéroport de Zemunik, j'ai été membre de ce que je viens de vous dire.

23 Q. Merci. En tant que membre de la Défense territoriale, quelles étaient

24 très concrètement vos occupations ? Quelle était l'affectation qui était la

25 vôtre ?

26 R. J'avais pour mission - est-ce que je peux m'étendre un petit peu là-

27 dessus - étant donné que je travaillais pour la protection civile de la

28 firme dans laquelle je travaillais, je me suis fait doter de premiers

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1 secours, entre autres, et c'est le biais par lequel je me suis prise. C'est

2 ainsi que l'on m'a intégrée dans la Défense territoriale.

3 Q. Merci. Merci. Vous dites que vous avez suivi des cours de la Croix-

4 Rouge, que vous avez pris part à de différentes manœuvres, différents

5 concours, et c'est ainsi que vous êtes devenue membre de la TO. Puis-je

6 dire donc que vous serviez comme infirmière au sein de la TO ?

7 R. Non, vous pourriez le dire tout à fait, en effet.

8 Q. En tant que membre de la Défense territoriale, en tant que membre de

9 l'antenne médicale, vous dites que vous étiez sous le commandement de Zoran

10 Lakic; c'est bien cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez aussi déclaré que c'est dans ces termes que vous avez pris

13 part au deux tentatives de levée du blocus de Skabrnja; c'est bien cela ?

14 R. Oui

15 Q. Pourriez-vous nous dire quand la première tentative a eu lieu et ce qui

16 s'est passé ?

17 R. Le 30 septembre 1991, il y eu une première tentative depuis Devici pour

18 rentrer pacifiquement dans Nadin afin de lever le siège de Nadinska Glava

19 et de libérer la route qui menait à l'aéroport pour permettre le

20 ravitaillement, puisqu'à cette époque-là, l'armée s'était déjà retirée de

21 cette zone.

22 Q. Merci. Le 30 septembre, à ce moment-là, le

23 30 septembre 1991, qui a dirigé cette tentative de levée du blocus de

24 Nadinska Glava ?

25 R. C'était la JNA, donc l'armée du pays qui existait à l'époque.

26 Q. Très bien. Merci. Comment vous êtes-vous impliquée dans cette action ?

27 R. Dès que la JNA est partie vers Nadin depuis Devici, ils ont dû passer

28 par une zone minée. Il y avait des mines antichars, il y avait des mines

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1 antipersonnel et il y avait -- donc un char est passé sur une mine antichar

2 et beaucoup de personnes ont été blessées. J'ai réussi avec mon équipe à

3 extraire l'un des blessés du char. Malheureusement, on s'est retrouvés dans

4 un champ de mines, alors on a pu se retirer, mais on ne pouvait plus

5 avancer à cause des mines. Un soldat appelé Strbac a trouvé la mort. Il y a

6 eu pilonnage de l'aéroport. La première victime était un dénommé Svetozar

7 Cubrilo, qui a été tué par les pilonnages qui venaient de Zadar.

8 Q. Merci. Vous dites que la JNA est partie vers Nadinska Glava, qu'un char

9 a sauté sur une mine antichar et que vous vous êtes employée à extraire et

10 à aider les personnes blessées à bord du char ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez parlé de mines antichars, de mines antipersonnel; comment

13 est-ce que vous en saviez autant sur les mines ?

14 R. Je me suis retrouvée au milieu d'un champ de mines alors que j'essayais

15 d'extraire deux des équipiers qui étaient à bord du char.

16 Q. Pourriez-vous nous décrire un petit peu ce qui s'est passé ?

17 R. Quand je suis partie vers le char, je ne pensais pas qu'il y aurait

18 autant de champs de mines. Après, on s'est rendu compte que tout le côté

19 qui faisait face à Benkovac avait été totalement miné. Tout le terrain

20 faisant face à Benkovac avait été miné. Je ne parle pas de Nadinska Kosa ou

21 de la colline; je parle des environs de Benkovac.

22 Q. Pouvez-vous vous arrêter, s'il vous plaît. Vous nous dites que la route

23 était minée. Qui avait posé ces mines ?

24 R. C'étaient les forces armées de la Croatie, de la Croatie d'aujourd'hui.

25 Q. Merci. Comment êtes-vous arrivée à atteindre le char qui avait sauté

26 sur une mine et comment avez-vous réussi à extraire les blessés et à les

27 faire sortir du champ de mines ?

28 R. J'ai dû m'arrêter jusqu'à ce que le champ ait été déminé par les

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1 spécialistes, par les sapeurs.

2 Q. Y avait-il des personnes de blessées à bord du char ?

3 R. Oui, il y en avait deux dont un qui a perdu une jambe.

4 Q. A qui appartenait ce char ? A quelle armée appartenait ce soldat ?

5 R. Le soldat et son char appartenaient à l'armée yougoslave.

6 Q. Merci. A quelle unité apparteniez-vous à l'époque, à la JNA ou à la

7 TO ?

8 R. A la TO, mais nous étions sous le commandement de la JNA.

9 Q. Le 13 septembre 1991, alors que vous vous approchiez de Nadinska Kosa,

10 mis à part le fait que vous ayez pratiquement traversé un champ de mines, y

11 a-t-il eu des tirs qui vous visaient ?

12 R. Il y avait énormément de combats et énormément de tirs. L'armée voulait

13 éviter les victimes puisque les personnes impliquées étaient tous citoyens

14 de Yougoslavie. Parmi les officiers de la JNA, il y avait des Albanais, des

15 Slovènes, des Musulmans, des Hongrois, enfin. D'ailleurs, l'unité de char

16 était commandée par Stjepan Rekenji.

17 Q. Merci. Qui vous a tiré dessus ? Qui a tiré contre votre unité de la

18 JNA ?

19 R. Ce sont les paramilitaires qui ont tiré sur nous, l'unité de Nadin,

20 l'unité paramilitaire de la Croatie qui était à Nadin à l'époque.

21 Q. Quel était le résultat de tout cela ?

22 R. Les militaires se sont retirés sur leur base. Puis la situation à

23 l'aéroport, il fallait trouver une solution pour ce qui se passait à

24 l'aéroport, une tentative de négociation pour pouvoir quitter l'aéroport de

25 Zemunik Donje par le biais de Skabrnja, mais cette tentative n'a pas

26 réussi.

27 Q. Pourriez-vous nous dire comment vous avez appris l'attentat pacifique

28 du 30 juillet ? Qui vous en a parlé ? Vous avez dit que la JNA était partie

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1 à bord de chars et vous avez dit que c'était une tentative pacifique.

2 Pouvez-vous la décrire ?

3 R. Oui, la JNA avait beaucoup de puissance. Elle voulait neutraliser le

4 camp adverse, le neutraliser, mais sans qu'il n'y ait la moindre victime de

5 leur côté, si possible. C'est pour cela qu'ils se sont retirés pour essayer

6 de trouver une négociation ou une solution pacifique à la situation.

7 Q. Très bien. Vous nous avez dit que vous avez participé à deux actions

8 différentes dont le but était toutes deux de lever le blocus à l'aéroport

9 en direction de Skabrnja. Parlons de la deuxième tentative.

10 R. C'était le 18 novembre 1991.

11 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quand vous avez appris que l'action

12 allait intervenir ? Pouvez-vous nous dire par qui vous l'avez appris, par

13 quel biais et nous décrire un petit peu ce que vous avez fait lors de cette

14 action ?

15 R. Il n'y a pas eu beaucoup de préparations très spéciales. On m'a juste

16 prévenue de me tenir prête. Il fallait que je me cantonne à Trljuge, près

17 de Biljane Donje. Nous devions être en état d'alerte pour intervenir s'il y

18 avait besoin d'évacuer des personnes ou s'il fallait traiter des victimes.

19 Q. Qui vous l'a dit ?

20 R. C'est Zoran Lakic qui me l'a dit. Nous étions toujours en communication

21 radio.

22 Q. Vous dites que Zoran Lakic était le chef de la Défense territoriale de

23 Benkovac, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Le commandant de la Défense territoriale de Benkovac vous a dit de vous

26 tenir en état d'alerte et d'être prête pour le

27 18 novembre parce qu'il y avait une action qui était préparée ?

28 R. Oui.

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1 Q. Où êtes-vous allée et avec qui ? Comment est-ce que tout cela a

2 commencé et où est-ce que tout cela a commencé le

3 18 novembre ?

4 R. Une unité de la JNA et une de la Défense territoriale de Benkovac se

5 sont ébranlées ensemble pour aller lever le blocus de l'aéroport de

6 Zemunik. Ils sont partis par Trljuge pour prendre la route qui allait vers

7 l'aéroport. Or, quand ils étaient en route, ils ont passé par Zemunik

8 Donje, nous sommes restés à Trljuge, à l'arrière. C'est un hameau de

9 Biljane Donje.

10 Ensuite, après une heure et demie, on a entendu le lieutenant

11 Stefanovic puisqu'il a parlé au travers d'un mégaphone. On pouvait

12 l'entendre, il n'était pas loin. Il essayait de demander que l'on déblaie

13 la route, que l'on ouvre la route. En réponse, en revanche, nous avons

14 entendu des rafales de mitrailleuses. Ensuite, on nous a demandé d'aller au

15 hameau d'Ambar qui est dans le village de Skabrnja.

16 Je suis partie à bord d'une camionnette bleue avec une croix rouge, et nous

17 avons traversé la partie croate de Zemunik Gornje. Les gens étaient à leurs

18 balcons, à leurs terrasses, jeunes et vieux, et personne n'a offert la

19 moindre résistance. Tout s'est passé très pacifiquement. Quand je suis

20 arrivée vers Ambar, là, ce qui m'attendait était une scène épouvantable. Le

21 lieutenant Stefanovic avait été tué, et un soldat, je crois qu'il

22 s'appelait Samir, a essayé de l'aider. C'était un Musulman. Il a essayé de

23 l'aider et il a lui aussi été atteint d'une balle.

24 Q. Vous dites que vous avez entendu des tirs et que l'on vous a donné

25 ordre. Qui vous a donné ordre et comment vous a-t-on donné ordre de faire

26 quelque chose ?

27 R. C'est par communications radio. Cela venait de Lakic et de la JNA, don

28 de l'armée yougoslave puisqu'elle se trouvait à Skabrnja.

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1 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous avez atteint Ambar, à peu près à

2 quelle heure, quand vous avez vu cette scène épouvantable où le lieutenant

3 Stefanovic avait été tué et où le soldat Musulman Samir a lui aussi été

4 atteint ?

5 R. Cela a commencé à 7 heures -- la scène a commencé à

6 7 heures. J'ai mis 10 minutes pour arriver sur place.

7 Q. Quand vous avez reçu cet appel et quand vous avez entendu ces rafales

8 de mitrailleuses, et quand vous avez dit qu'il fallait absolument que vous

9 vous rendiez à Ambar, vous nous dites que vous étiez à Trljuge, donc quelle

10 est la distance entre ces deux endroits ?

11 R. Environ 300 mètres, peut-être encore moins, surtout à vol d'oiseau.

12 Q. Quand vous dites que vous êtes arrivée à Ambar, y avait-il des tirs ou

13 est-ce que c'était très calme ? Y avait-il une accalmie à Ambar ?

14 R. Il y avait encore des tirs. D'ailleurs, ils m'ont tiré dessus. Ils

15 m'ont visée alors que j'avais quand même un brassard avec une croix rouge.

16 J'avais ma trousse de secours. Je suis passée à côté de jeunes soldats qui

17 étaient en larmes, puisqu'ils étaient totalement en état de choc parce que

18 leur lieutenant venait d'être tué. Ils appréciaient beaucoup leur

19 supérieur.

20 Q. Merci. Une chose que j'avais oublié de vous demander. Je vais y

21 remédier. Vous dites que vous vous êtes lancée dans cette action en tant

22 que membre de l'antenne médicale de la TO. Vous étiez à bord d'une

23 camionnette bleue avec un croix rouge ?

24 R. Oui.

25 Q. Combien y avait-il de personnes dans cette antenne médicale ? Comment

26 étiez-vous habillés ? Quel était votre uniforme ? Quel était votre

27 équipement ?

28 R. Il y avait trois femmes qui composaient cette antenne médicale puis un

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1 chauffeur qui était un homme. Nous avions une civière dans la camionnette,

2 des trousses de secours, et tout le reste était fait par un dispensaire à

3 Smiljcic.

4 Malheureusement, la personne qui est incarcérée à l'heure actuelle

5 dans une prison croate - d'ailleurs pour aucune raison puisqu'elle n'a

6 jamais mis les pieds à Skabrnja - elle a été condamnée pour des crimes qui

7 ont été commis à Skabrnja.

8 Mme Banic n'est jamais allée à Skabrnja. Elle est maintenant en prison en

9 Croatie, alors que moi-même je me suis rendue à Skabrnja. J'y ai été.

10 Q. Dans votre réponse vous avez donné plus de détails que prévu. Enfin,

11 cela dit, vous nous avez dit que dans votre antenne médicale il y avait

12 trois femmes et un chauffeur masculin. Et vous dites que Mme Banic a été

13 condamnée ?

14 R. Oui, par contumace elle a été condamnée à 20 ans. Ensuite elle a à

15 nouveau été rejugée, et là, elle a eu 13 ans puis dix ans. J'ai suivi tout

16 cela par vidéo depuis le tribunal de Belgrade. Elle a finalement été

17 condamnée et sa peine de prison a été de six ans. Ce n'est pas juste, même

18 six minutes ne serait pas suffisant, puisqu'il serait beaucoup trop déjà

19 puisqu'elle est innocente.

20 Q. Je vous interromps. Vous dites que Mme Banic n'était pas avec vous et

21 qu'elle a été condamnée. Qu'est-ce que cela signifie, elle a été condamnée

22 pour avoir été soi-disant à Skabrnja; c'est cela ?

23 R. Elle a été accusé d'avoir tué des personnes à Skabrnja, ce qui est

24 absolument faux puisque nous n'étions pas là pour tuer qui que ce soit;

25 nous étions là pour aider les personnes que ce soit des Serbes, des

26 Croates, des Musulmans ou des Turcs.

27 Q. Merci.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous dites, "nous étions là pour

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1 aider les gens," est-ce que vous faites référence là à vous-même et à Mme

2 Banic ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, vous pouvez

5 poursuivre.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Nada, et c'est

7 Mme Banic qui est en prison.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que vous n'avez pas compris

9 ma question. Ma question était simple : est-ce que vous étiez là pour aider

10 les gens de Skabrnja avec Mme Banic ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Vous m'avez bien compris.

12 Mme Banic n'a jamais été à Skabrnja.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Très bien.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Q. Vous nous avez dit combien de personnes composaient cette antenne

16 médicale. Pourriez-vous nous dire, du côté de la JNA, combien de soldats

17 ont pris part à l'action ? Quelles étaient les ressources qui ont été

18 envoyées sur place ?

19 R. Je ne peux uniquement vous dire ce que j'ai vu. Je ne peux pas vous

20 donner de chiffre très précis. Je ne suis pas officier de la JNA. Il y

21 avait environ 200 soldats en tout, des fantassins. Il y avait des chars.

22 Q. Quand vous êtes arrivée au hameau d'Ambar, pourriez-vous nous décrire

23 ce que vous avez fait à ce moment-là ? Comment vous êtes-vous rendu compte

24 que le lieutenant et le soldat avaient été tués ?

25 R. J'étais là, j'ai pris son pouls. Il n'y avait pas de pouls. Mon équipe

26 l'a emmené vers Smiljcic, et là, d'autres personnes se sont occupées de lui

27 à partir de ce moment-là. Je suis restée sur place, parce qu'il était

28 difficile d'atteindre cet endroit à cause des tirs, des tirs qui étaient

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1 incessants au côté croate. Je suis restée là, parce que je me suis dit que

2 ce serait plus facile d'aider qui que ce soit si je restais sur place.

3 Q. Vous dites que vous avez extrait le lieutenant de la JNA, qui avait été

4 mort. Vous l'avez extrait d'où ce fameux Stefanovic ?

5 R. Il était sur son véhicule de transport de troupes blindé, sur son APC,

6 sur la route qui allait vers Skabrnja. Il était rentré dans le village

7 d'Ambar sur 50 mètres à peu près. C'est à ce moment-là qu'il y avait des

8 mines antichars qui avaient été désactivées, fort heureusement quand

9 l'équipe médicale est arrivée sur place.

10 Q. Pour les Juges et pour le Procureur, il faudrait peut-être savoir

11 exactement ce que c'est qu'un APC.

12 R. C'est un véhicule transport de troupes blindé.

13 Q. Il était dans le véhicule ou à l'extérieur ?

14 R. A l'extérieur. Quand il a été tué il a été tué avec une balle dans le

15 cou. C'est lui qui était en train de faire des appels pour qu'il y ait une

16 solution pacifique.

17 Q. Où avez-vous trouvé le soldat mort ?

18 R. A côté du lieutenant, parce que c'est ce soldat qui a essayé d'aider

19 son lieutenant, et ce faisant, il a été pris pour cible par un Croate qui

20 l'a tué, en tirant dessus.

21 Q. Ce soldat était à côté du lieutenant mort. Mais où se trouvait-il tous

22 les deux ?

23 Je pose peut-être des questions qui vous paraissent un peu stupides.

24 R. Ils étaient sur le véhicule transport de troupes qui se trouvait sur la

25 route de Skabrnja.

26 Q. Merci. Je vous pose toutes ces questions parce que je ne suis pas censé

27 vous poser ces questions directrices. Maintenant vous venez de nous dire

28 que le lieutenant mort était sur ce véhicule transport de troupes et que le

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1 soldat était aussi à côté de lui ?

2 R. Oui.

3 Q. Qui a extrait ces deux personnes, vous-même, ou est-ce que quelqu'un

4 vous a aidée ?

5 R. C'est mon équipe et moi avec un soldat. Il y avait d'ailleurs M.

6 Boksic, un Croate, qui faisait partie des soldats. Il venait de Makarska.

7 On le savait parce que son cousin est un joueur de football très connu.

8 M. LE JUGE HOEPFEL: [interprétation] Si je puis vous interrompre, Monsieur

9 Milovancevic. Je ne suis pas sûr que le témoin ait dit qu'elle les avait

10 extraits du véhicule de transport de troupes.

11 Il faudrait peut-être que, Madame le Témoin, que vous nous

12 réexpliquiez un petit peu où se trouvaient ces personnes et comment vous

13 avez extraits ? Puisqu'en traduction nous avons entendu, "Ils étaient sur

14 le véhicule transport de troupes et on les a sortis de là." Vous avez déjà

15 répondu à la question. Pouvez-vous nous décrire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand nous sommes arrivés à cet endroit-là,

17 nous avons trouvé des personnes qui essayaient de les sortir de l'APC, de

18 les extraire de l'APC. Mais à cause du feu très nourri qui venait du côté

19 croate c'était très difficile. On a fait ce qu'on a pu. On les a extraits

20 du camion, de l'APC. On a essayé de leur porter les premiers secours mais

21 ils étaient déjà morts. Puisque aucun des deux ne présentait de pouls.

22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc, ils étaient à l'intérieur d'un

23 véhicule transport de troupes blindé, et ils ont quand même été tués. Il

24 s'agit quand même d'un véhicule blindé ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que j'ai été clair quand même. Ils

26 étaient dans le véhicule transport de troupes blindé, mais le lieutenant

27 lui, avec son mégaphone, était sur le toit. Il sortait du trou et il

28 essayait de faire des appels pour un appel pacifique. En revanche, les

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1 paramilitaires croates qui, de l'autre camp, eux n'ont pas répondu

2 pacifiquement. C'est ainsi qu'ils ont tué le lieutenant.

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui, cela c'est très clair, cela

4 c'est sûr. Parfois je pose des questions parce que les choses ne sont pas

5 extrêmement claires pour moi. J'aimerais savoir ce que vous avez vu. Avez-

6 vous bel et bien vu le lieutenant Stefanovic parlant dans son mégaphone,

7 donc en pleine vue de l'ennemi. Pouvez-vous nous décrire un peu comment il

8 se tenait ? Parce que sinon, cela pourrait être quelque chose que vous avez

9 uniquement entendu. On voudrait savoir si vous l'avez vraiment vu.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, moi ainsi que toutes les personnes

11 qui étaient dans la zone l'ont entendu parler dans le mégaphone, parce que

12 cela faisait énormément de bruit, c'était à un volume très fort.

13 Ces soldats qui étaient là m'ont dit ce qui s'est passé exactement.

14 Parce qu'ils étaient près du véhicule transport de troupes. Nous sommes

15 arrivés assez rapidement puisque nous étions cantonnés très, très près.

16 Donc, on n'a pas mis longtemps pour arriver là.

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

18 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Milovancevic.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

20 Q. Madame le Témoin, comprenez une chose, lorsqu'une question vous est

21 posée, nous n'avons pas l'idée de ce qui se passait là-bas, et nous sommes

22 là pour établir ce qui s'est vraiment passé. Parfois nous vous comprenons,

23 parfois ce n'est pas clair. Lorsque les questions vous sont posées, essayez

24 de nous aider à comprendre ce qui s'est vraiment passé. C'est l'unique but

25 des questions qui vous sont posées.

26 Je vais vous poser la question suivante : vu la description que vous nous

27 avez donnée, est-ce que vous pouvez nous dire - et j'essaierai de terminer

28 cette partie de la question - est-ce que le lieutenant et le soldat étaient

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1 en partie dans le transporteur et en partie dehors ?

2 R. Oui.

3 Q. Question suivante --

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Il semble que là, Mme le

5 Témoin avait déjà dit que le lieutenant dépassait le transporteur mais elle

6 n'a pas dit autant pour l'autre soldat. Je ne suis pas sûr, effectivement -

7 -

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

9 poser quelques questions qui mettront au clair ce problème. J'en ai posé

10 beaucoup, j'ai un peu embarrassé le témoin, mais je vais poser une question

11 suggestive.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, vous n'avez pas réussi à la

13 confondre pas elle, mais la Chambre.

14 Le problème c'est que vous mettez des paroles dans la bouche du

15 témoin. J'ai essayé déjà de vous avertir. Sur la page 81 de la ligne 21 à

16 25, elle a dit : "J'ai été très clair. Ils étaient dans le transporteur,

17 mais le lieutenant dépassait le transporteur un mégaphone à la main

18 invitant l'autre partie à la paix, mais l'autre partie ne répondait

19 pacifiquement mais ripostait en lui tirant dessus et l'ont touché."

20 Donc, dans cette déclaration, il n'y a rien de confus, cela est très

21 clair. Cependant, lorsque vous avez dit que le soldat, l'autre soldat

22 dépassait partiellement, aussi là, vous avez témoigné à la place du témoin.

23 Alors, je vous demande de formuler vos questions en forme de questions. Ne

24 lui posez pas des questions à propos desquelles vous vous attendez qu'elle

25 se mette d'accord avec vous, mais attendez qu'elle réponde.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ma question, ma dernière question était

27 superflue vu la réponse que vous avez lue. Je vous prie de me comprendre;

28 ce n'était pas mon objectif.

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1 Q. Une fois que vous êtes arrivée sur les lieux, où se trouvaient les

2 soldats de la JNA ?

3 R. Ils étaient à côté du transport, ils avaient pris l'abri à côté des

4 parapets, des murs. En Dalmatie on en voit souvent des parapets. Ils

5 étaient là pour se protéger contre les tirs.

6 Q. Vous avez dit que les deux morts ne présentaient plus de pouls. Qu'est-

7 ce qui arrive ensuite ? Qu'est-ce qui se passe ensuite ?

8 R. Il y avait un très bref cessez-le-feu. Vers 12 heures lorsqu'ils ont -

9 quand je dis "eux," je veux dire la partie croate - quand ils ont continué

10 le feu, l'armée a dû se protéger et se défendre. C'est l'armée régulière

11 contre les paramilitaires.

12 Q. Merci. Cela suffit. Vous avez dit, il vous a fallu dix minutes pour

13 arriver, vous avez sorti les morts. Comment se comportent à ce moment-là

14 les soldats de la JNA et comment la partie adverse ? Qu'est-ce qui arrive

15 avant le cessez-le-feu, à quel moment intervient-il ?

16 R. Le cessez-le-feu intervient après une demi-heure. Mais vers 12 heures,

17 ils recommencent à tirer contre l'armée populaire yougoslave.

18 Q. Merci. A partir du moment où ce premier cessez-le-feu, qu'est-ce que

19 vous faites ? Où se trouvent les soldats de la JNA qui vous assistez en

20 tant que service de santé ?

21 R. Ils sont à l'abri, parce qu'il y avait des murs de pierre, des parapets

22 de pierre à côté de la route. C'était le seul abri que l'on pouvait

23 utiliser, tous les soldats étaient à côté de la route.

24 Q. Est-ce que vous savez d'où venait le feu, d'où tirait-on ?

25 R. Le feu d'infanterie venait de Skabrnja, mais il y avait aussi le feu

26 des obusiers qui venait d'un autre village et de Prkos, Zemunik Donje et

27 Galovci venait l'appui d'artillerie.

28 Q. Vous dites que les forces à Skabrnja bénéficiaient d'un appui

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1 d'artillerie venant de Prkos et de Galovci ?

2 R. Oui.

3 Q. Qui leur assurait cet appui ?

4 R. Les forces paramilitaires croates. Ce sont des villages croates en

5 dessous de Skabrnja. Zemunik Donje, Galovci et Prkos, ce sont des villages

6 situés en dessous de Skabrnja.

7 Q. Lorsque, Madame le Témoin, vous dites les forces de Skabrnja

8 bénéficient de l'appui d'artillerie, qu'est-ce que cela veut dire

9 concrètement ? Ce feu d'artillerie tiré contre qui, venant de Zemunik

10 Donje, Galovci et Prkos.

11 R. Ils ont tiré sur les éléments de la JNA, mais aussi ils tiraient sur

12 les maisons de leurs propres compatriotes, parce qu'ils

13 n'atteignaient pas chaque fois l'objectif; les obus, les grenades tombaient

14 un peu au hasard.

15 Q. Vous avez dit qu'après l'évacuation des deux morts, une demi-heure

16 après, il y avait un cessez-le-feu.

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que votre unité s'est retirée ensuite ou bien est restée ?

19 Qu'est-ce qui est arrivé chez la partie adverse ?

20 R. Je suis restée là jusqu'à ce que mes compagnons aient transporté les

21 deux morts. Je suis restée pour ne pas m'exposer aux feux et pour le cas où

22 il y aurait encore des victimes.

23 Q. Vous avez dit aussi que vers 12 heures, il y a eu de nouveau des coups

24 de feu. Qui est-ce qui a tiré ?

25 R. Ce sont les forces paramilitaires croates qui ont commencé à tirer

26 contre les éléments de la JNA de l'Etat qui existait encore. Bien entendu,

27 il y a eu la défense. Aux termes de la constitution et de la loi chaque

28 armée a le droit de se défendre.

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1 Q. Dans ces circonstances, la JNA, qu'est-ce qu'elle faisait ? Est-ce que

2 vous pouvez nous décrire cela ?

3 R. De toutes les maisons, on tirait sur l'armée. On ne savait plus d'où on

4 tirait et d'où on ne tirait pas. On tirait aussi du clocher de l'église de

5 Razovljeva Glava. L'armée devait neutraliser son ennemi.

6 Q. Je vous remercie. Vous avez dit, on tire sur l'armée et l'armée

7 riposte. Elle riposte par quels moyens ? Qui est là à ce moment-là au

8 quartier général ?

9 R. Elle riposte par l'armement d'infanterie et par les chars en tirant

10 vers Galovci, d'où venait le feu d'artillerie.

11 Q. Vous avez dit que les chars étaient au bord de la route. Les fantassins

12 de la JNA, ils étaient où ?

13 R. A côté de la route, en bas des parapets et des murs, parce que toutes

14 les maisons bâties aux côtés de la route avaient des murs. C'était le seul

15 abri possible pour garder la vie sauve.

16 Q. Est-ce que les soldats de la JNA descendaient la route pendant les

17 combats ?

18 R. Non.

19 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ?

20 R. C'était l'ordre. C'était pour éviter les victimes.

21 Q. Vous avez dit qu'à 12 heures, les conflits ont recommencé et ont duré;

22 jusqu'à quand ? Où est-ce que vous êtes allés ?

23 R. On a continué sur la route vers le centre de Skabrnja, mais sur la

24 route, il y avait déjà des civils morts et des blessés, si bien que nous

25 avons sorti aussi des Croates blessés des villages. J'ai sorti deux, trois

26 vieilles personnes. J'ai tiré un jeune garçon, je crois qu'il s'appelait

27 Ivica. Je l'ai pansé, je l'ai sorti. Il y avait des morts, des civils

28 morts.

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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien nous

2 expliquer ce que cela veut dire, que vous avez "sorti les civils" ? D'où

3 les avez-vous sortis ? Qu'est-ce que cela veut dire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le terme que nous utilisons dans la

5 guerre lorsque nous apportons des soins à quelqu'un, lorsque nous le

6 sortons du lieu de conflit. Or, les civils, c'étaient les Croates de ce

7 village, qui avaient été blessés. Je leur apportais les premiers soins et

8 les transportais au village Smiljcic pour d'autres soins.

9 Tandis que les civils morts, je ne sais plus par qui ils étaient

10 sortis. Ceux qui étaient vivants et blessés, nous les avons transportés à

11 Smiljcic pour les soins appropriés.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

13 Q. Lorsque vous dites que vous avez apporté les premiers soins aux

14 blessés, il s'agit des soldats, des blessés de la JNA ?

15 R. Oui, mais il y avait de tout le monde. Il y avait de tous. C'était la

16 guerre.

17 Q. En quoi consistait cette action de sortir les blessés ? Pouvez-vous

18 nous la décrire ?

19 R. Sous les coups de feu, je devais sortir ces jeunes, ces soldats, et

20 comme j'étais assez forte, je les accrochais à moi et je les tirais jusqu'à

21 l'endroit où je pouvais les monter sur un véhicule. On nous tirait dessus

22 partout, même si nous avions un insigne de la Croix-Rouge.

23 Q. A ce propos, je peux vous poser une question concrète. Vous voyez un

24 blessé devant vous, comment l'approchez-vous et qu'est-ce que vous faites à

25 ce moment-là ? Est-ce que vous étiez seule ou quelqu'un vous assistait ?

26 R. D'abord, je devais me jeter par terre pour ne pas être touchée, pour

27 pouvoir approcher le blessé. Une fois que je l'approchais, je devais

28 parfois démolir un parapet pour pouvoir le transporter de l'autre côté.

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1 C'était terrible.

2 Q. Vous avez transporté les blessés à Smiljcic. Qu'est-ce qu'il y avait

3 là-bas ? Pourquoi là-bas ?

4 R. Il y avait un médecin qui apportait des soins adéquats, et le cas

5 échéant, les faisait transporter à l'hôpital de Knin, si jamais il fallait

6 sortir une partie -- un débris de grenade. A moi, il m'appartenait

7 d'apporter le premier soin, de sortir l'intéressé du feu, et pour le reste,

8 c'était l'affaire des docteurs.

9 Q. En plus des civils blessés à qui vous avez apporté votre aide, qu'est-

10 ce qui arrivait aux autres habitants civils des villages ?

11 R. Les civils étaient mêlés avec les éléments de la ZNG de cette compagnie

12 de Skabrnja de la 159e Brigade. Ils tiraient à partir de leurs caves

13 ensemble avec les civils. On ne savait plus qui était civil qui ne l'était

14 pas. Tout homme de Skabrnja capable de porter un fusil, il le portait.

15 Q. Lorsque vous le dites, Madame le Témoin, vous l'affirmez sur la base de

16 quoi ?

17 R. Parce que j'ai pu voir les gens qui tiraient à partir des caves. Ils

18 ont parfois fait le sacrifice de leurs propres hommes en les mettant, leurs

19 propres civils, entre les deux feux pour protéger leur propre vie.

20 Cela m'a été confirmé par un monsieur qui était dans une chaise

21 roulante et à qui j'avais servi à manger le soir, après les opérations, qui

22 m'a dit qu'un certain M. Miljanic ne permettait pas aux civils de se

23 retirer du village, mais tout simplement, les jetait au feu pour provoquer

24 la catastrophe du reste qui a été provoquée, et qu'à la fin, il a tué toute

25 une famille qui s'opposait et qui voulait bien négocier avec l'armée. C'est

26 ce que m'a dit un monsieur dans une chaise roulante. Je crois qu'il avait

27 autrefois travaillé comme agent de police. Je ne sais pas s'il est vivant.

28 C'était un homme d'un certain âge.

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1 Q. Nous sommes arrivés à la fin de notre travail aujourd'hui. Juste une

2 question : cet homme dans la chaise roulante, c'était qui ? D'où venait-

3 il ?

4 R. C'était un habitant de Skabrnja, un homme immobile, que nous avions

5 sorti, à qui nous avions servi à manger et que nous avons protégé.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président,

7 je crois que nous avons touché à la fin de notre travail pour aujourd'hui.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

9 Madame, voici la fin de votre journée. Je vous prie de revenir demain au

10 Tribunal à 14 heures 15 pour que nous puissions poursuivre votre

11 témoignage. Maintenant, vous pouvez vous retirer. Je vous remercie.

12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Juste un petit point

15 d'intendance qu'il nous faut traiter avant de lever la séance.

16 La Chambre de première instance va maintenant donner sa décision à propos

17 de deux requêtes de la Défense concernant le

18 Témoin MM-105. Le 16 octobre 2006, la Défense a déposé une requête visant

19 le versement au dossier de la déclaration du Témoin MM-105, en application

20 de l'article 92 ter du Règlement. Dans sa réponse écrite du 26 octobre

21 2006, l'Accusation n'a soulevé aucune objection à propos du versement de

22 cette déclaration. La Chambre de première instance ordonne donc que la

23 déclaration du Témoin MM-105 soit versée au dossier en application de

24 l'article 92 ter du Règlement, sous réserve que le témoin : a) apparaisse

25 dans le prétoire pour contre-interrogatoire et pour questions des Juges

26 éventuelles; b) atteste que sa déclaration reflète précisément ce qu'il

27 avait l'intention de déclarer et qu'il redit la même chose s'il avait été

28 interrogé dans le prétoire par la Défense.

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1 De plus, la Chambre de première instance enjoint le Greffe de mettre la

2 déclaration du Témoin MM-105 sous pli scellé et enjoint la Défense de

3 déposer une déclaration publique dans laquelle les paragraphes suivants

4 seront expurgés : les paragraphes 3, 20, 22, 23, 30, 35, 38, 40, 47, 48 et

5 49.

6 Le 16 octobre 2006, la Défense a déposé une requête demandant des mesures

7 de protection, c'est-à-dire un pseudonyme et un huis clos pour le Témoin

8 MM-105. Dans sa réponse écrite du 30 octobre 2006, l'Accusation ne s'est

9 pas opposée à ce que l'on donne une mesure de protection, c'est-à-dire un

10 pseudonyme et, si nécessaire aussi, distorsion de la voix et de l'image.

11 Cela dit, l'Accusation a soulevé une objection à propos de l'utilisation

12 d'un huis clos pour ce témoin.

13 La Défense fait valoir que le Témoin MM-105 se rend de façon

14 fréquente en Croatie et craint pour sa sécurité lorsqu'il serait en

15 Croatie, s'il était su qu'il avait témoigné. La Chambre de première

16 instance considère que le risque couru par le Témoin MM-105 tel qu'il est

17 décrit par la Défense peut être décrit comme un risque extrêmement faible

18 et considère donc que le pseudonyme sera la mesure de protection adéquate.

19 Le Greffe est donc enjoint de donner un pseudonyme au Témoin MM-105.

20 Pour ce qui est de la demande de huis clos, la Chambre de première instance

21 considère que la Défense n'a pas réussi à démontrer de façon objective

22 qu'il existe un risque posé à l'encontre de la sécurité du témoin ou de la

23 famille du témoin. La Chambre de première instance rappelle aux parties que

24 le huis clos est une mesure de protection extraordinaire pour tout témoin.

25 Il convient donc dans ce cas-là que la partie requérante puisse étayer le

26 risque de façon plus approfondie. Les circonstances personnelles concernant

27 le

28 Témoin MM-105 telles qu'elles ont été exprimées par la Défense ne satisfont

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1 pas à ces exigences. La demande de huis clos pour le

2 Témoin MM-105 est rejetée.

3 Si la Défense demande de nouvelles mesures de protection pour ce

4 témoin, il convient de le faire par écrit avant midi demain en faisant

5 valoir d'autres raisons qui éclaireraient cette demande.

6 Je vous remercie. Maintenant nous en avons terminé avec cette ordonnance et

7 nous avons aussi terminé avec notre audience. Nous levons la séance jusqu'à

8 demain, 14 heures 15, prétoire II.

9 --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le mardi 31 octobre

10 2006, à 14 heures 15.

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