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1 Le mardi 31 octobre 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Madame Pupovac. Hier vous
7 avez commencé à déposer, vous devez vous souvenir que vous avez fait une
8 déclaration selon laquelle vous allez dire que la vérité toute la vérité et
9 rien que la vérité. Je tiens à vous rappeler que vous êtes encore tenue par
10 cette déclaration solennelle et que vous devez aujourd'hui continuer à dire
11 la vérité.
12 Je vous remercie.
13 Monsieur Milovancevic, vous avez la parole.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 LE TÉMOIN: NADA PUPOVAC [Reprise]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
18 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Pupovac.
19 R. Bonjour.
20 Q. Avant de poursuivre mon interrogatoire, je tiens à vous rappeler qu'il
21 faut vraiment que vous parliez lentement car vous êtes interprétée, et il
22 convient aussi que vous fassiez une pause entre mes questions et votre
23 réponse.
24 Hier, vers la fin de la journée, vous nous avez parlé d'une personne
25 appelée Miljanic, et c'est une personne handicapée qui était dans un
26 fauteuil roulant, un civil qui vous en a parlé, un civil que vous avez
27 aidé. Vous vous en souvenez ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pourriez-vous nous dire exactement qui était ce Miljanic, ce qu'il
2 faisait là à Skabrnja ?
3 R. Mais d'après ce que m'a dit cette autre personne, Miljanic était le
4 commandant d'un peloton, enfin d'une section qui combattait l'armée
5 régulière de Yougoslavie. Sa mission était de se battre contre l'armée
6 yougoslave de la Yougoslavie avec tout ce qu'il avait sous la main.
7 Q. Merci. Maintenant je vais vous poser une autre question. Avez-vous
8 suivi les procès ici à la télévision ?
9 R. J'ai essayé de suivre certains procès, mais pas tous.
10 Q. Avez-vous entendu parler d'un homme qui avait témoigné ici dans ce
11 Tribunal sous ce nom-là justement. Vous vous en souvenez ?
12 R. Non, je n'ai pas suivi ce procès-là.
13 Q. Merci. Quand ce civil qui était en chaise roulante vous a dit que
14 Miljanic avait interdit à la population d'appartenance croate de quitter le
15 village avant que les combats ne commencent, a-t-il donné une explication ?
16 R. A mon avis, et quand je lui ai parlé, j'ai vite compris ce qu'il se
17 passait, ils voulaient juste montrer au monde qu'il y avait beaucoup de
18 victimes, et pour ce faire, ils ont sacrifié leur propre peuple, ce qui est
19 une chose épouvantable pour toute nation de faire un tel sacrifice.
20 Q. Merci. Hier vous avez parlé des civils qui avaient été évacués.
21 Pourriez-vous nous rappeler -- ou est-ce que vous vous souvenez plutôt
22 d'ailleurs du nombre de civils venant du village de Skabrnja que vous avez
23 évacués ?
24 R. Je me souviens -- enfin, il faudrait préciser votre question. Est-ce
25 que vous parlez uniquement des civils qui avaient été blessés ou tous les
26 civils, ceux qui étaient invalides ?
27 Q. Oui, je vous remercie que vous me posez la question. J'ai pensé à tous
28 les civils, non pas ceux qui avaient été blessés, mais tous ceux qui
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1 avaient été extraits du village au cours du combat.
2 R. Oui, à peu près 150 personnes, des hommes, des femmes et des enfants,
3 qui ont été extraits de la zone de combat. Je ne veux pas dire qu'ils ont
4 été extraits physiquement en les traînant, en traînant leurs corps, mais
5 ils ont été emmenés en dehors de la zone de combat. Ils ont été envoyés à
6 Benkovac où ils ont pu être ravitaillés.
7 Q. Merci. Cela suffit. Etant donné cette dernière réponse que vous venez
8 de nous donner, est-ce que cela signifie -- enfin, non, en fait, si je vous
9 parlais d'une femme enceinte, est-ce que cela vous rappellerait quelque
10 chose, est-ce que cela rafraîchirait votre mémoire ?
11 R. Non.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il me semble que c'est une question
13 extrêmement directrice, Monsieur Milovancevic.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, étant donné votre réaction, je
15 crois que j'ai compris le message. Je ne vais pas poursuivre cette
16 question.
17 Q. Quelle était votre attitude face aux blessés et face aux civils ? Est-
18 ce que vous faisiez une différence entre les différentes personnes quand
19 vous étiez en train de travailler en tant qu'infirmière sur le terrain ?
20 R. En tant qu'infirmière, je ne peux pas traiter les personnes
21 différemment selon leur religion ou quoi que ce soit, parce que de toute
22 façon, c'est mon peuple; ils viennent de mon pays, de Yougoslavie. Certes,
23 il y avait toutes sortes de religions différentes, mais je ne peux pas les
24 traiter différemment quels qu'ils soient. D'ailleurs, j'ai des parents qui
25 sont de nationalité croate.
26 Q. Merci. Vers le 18 novembre 1991, vous nous avez dit que c'était plutôt
27 vers le soir, vous avez dit qu'il y a eu une accalmie dans les combats, les
28 combats ont cessé. Pourriez-vous nous dire où vous êtes arrêtée à
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1 Skabrnja ?
2 R. Je me suis arrêtée au centre du village, là où se trouve l'église.
3 Q. Merci. J'aimerais savoir la chose suivante maintenant : avez-vous pu
4 rentrer dans les maisons pour voir s'il y avait des victimes à
5 l'intérieur ? L'avez-vous fait à un moment quelconque le 18 et le 19
6 novembre ?
7 R. Non, je ne suis pas rentrée dans les maisons.
8 Q. Le 18 novembre 1991, vous nous dites que vous êtes arrêtée au centre du
9 village, alors vous-même ou d'autres soldats, saviez-vous où se trouvaient
10 les soldats que vous combattiez, donc la partie adverse ? Est-ce que vous
11 saviez où ils se trouvaient dans le village ?
12 R. Vous parlez du 18 ou du 19 novembre ?
13 Q. Je parle du 18 novembre.
14 R. Dans ce cas-là, ils étaient encore du côté de la gare. Je fais
15 référence aux paramilitaires croates. Ils étaient en position près de la
16 gare.
17 Q. Très bien. Au cours de la nuit entre le 18 et le 19 novembre 1991, y a-
18 t-il eu des tirs ou des combats ?
19 R. Non, la vie était très calme. La seule chose qu'on entendait c'étaient
20 des voix, les gens qui criaient des insultes du style : "Ceci n'est pas la
21 Serbie, vous n'êtes que des Chetniks. Vous êtes ici sur la terre des
22 Croates", et cetera, et cetera.
23 Q. Le 19, le lendemain, que s'est-il passé ? Vous nous dites que vous avez
24 passé la nuit au centre du village, mais que s'est-il passé le lendemain ?
25 R. Le lendemain, nous avons poursuivi notre chemin sur la route, la route
26 Nadin-Skabrnja, puisque c'était absolument essentiel pour arriver à lever
27 le blocus de l'aéroport.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends plus. J'ai pensé que
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1 nous étions à Skabrnja. Maintenant, le lendemain, nous sommes en train
2 d'emprunter la route qui va de Nadin à Skabrnja. Alors je pensais qu'on
3 était déjà à Skabrnja. Où sommes-nous exactement ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Voulez-vous que je réponde ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je crois qu'il y a une interprétation
6 qui n'a pas été très précise. Je vais répéter la question et nous aurons
7 une nouvelle réponse qui sera plus précise.
8 Q. Vous nous dites, Madame le Témoin, que vous étiez au centre du village,
9 c'est là que vous avez passé la nuit. Le lendemain matin, vous êtes partie.
10 Où vous êtes-vous rendue ?
11 R. On a poursuivi la route, on est encore dans Skabrnja, bien sûr, c'est
12 près de la gare, ensuite la route se poursuit jusqu'à Nadin, donc on a
13 continué vers Nadin.
14 Q. Très bien. Merci. Pourriez-vous nous dire quelle est la distance entre
15 Nadin et Skabrnja, la distance entre les deux villages ?
16 R. Mais ils sont contigus. Ce sont des villages qui se touchent.
17 Q. Merci. Combien de temps avez-vous emprunté cette route de Skabrnja à
18 Nadin ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
19 R. Nous progressions très lentement. Parce qu'il y avait des tirs
20 sporadiques le matin, on faisait extrêmement attention et on avançait très,
21 très lentement. Il n'y avait pas de victimes à Nadin, donc on a traversé
22 Nadin vers 14 heures.
23 Q. Vous venez de nous dire qu'il y avait des tirs sporadiques. Mais qui
24 tirait sur qui, s'il vous plaît ?
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste une seconde, Monsieur
26 Milovancevic. Vous avez demandé combien de temps ils avaient été sur la
27 route. Or, la réponse était qu'ils sont arrivés à Nadin vers 2 heures de
28 l'après-midi, ce qui ne nous dit toujours pas combien de temps ils ont
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1 passé sur la route. Pourriez-vous rétablir un peu les faits ? Il faudrait
2 peut-être savoir peut-être qu'ils ont quitté Skabrnja pour atteindre Nadin
3 puisqu'on sait qu'ils ont atteint Nadin à 14 heures maintenant.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai même suivi
5 la réponse du témoin, mais je vais lui reposer la question. Je pense que
6 c'est un peu un problème d'interprétation qui n'était pas vraiment précise.
7 Q. Alors je repose ma question : à quel moment le lendemain, le 19
8 novembre 1991, êtes-vous partie du centre de Skabrnja ?
9 R. C'était le matin vers 7 heures du matin. Mais nous avons traversé Nadin
10 vers 14 heures. C'est ce que j'avais dit d'ailleurs.
11 Q. Oui, en effet, merci. Quand vous dites 14 heures, c'est 14 heures le 19
12 novembre 1991, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, tout à fait.
14 Q. Merci. Vous nous dites que vous êtes entrée dans Nadin, et vous nous
15 avez expliqué que Skabrnja et Nadin sont deux villages qui se touchent,
16 vous nous dites qu'il y a eu quelques tirs sporadiques. Mais qui tirait sur
17 qui ?
18 R. Les quelques paramilitaires croates qui restaient ont tiré sur les
19 membres de la JNA.
20 Q. Mais vous avez expliqué qu'il n'y avait pas eu de victimes à cet
21 endroit-là ?
22 R. En effet, il n'y en avait pas. Il y a eu quelques blessés vers Nadinska
23 Glava, qui avait été miné quand les forces paramilitaires s'étaient
24 retirées. Il y avait des mines antiaériennes qui avaient été posées, il
25 s'agit de mines antichars et de mines antipersonnel.
26 Q. Pour ce qui est donc de ce village, vous nous parlez de Nadinska Glava
27 ou de Nadin. C'est la même chose ?
28 R. On a toujours appelé cela Nadinska Glava. Je crois que d'ailleurs en
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1 Croatie cela s'appelle toujours Nadinska Glava. Nadinska Glava est une
2 colline qui est d'ailleurs assez importante dans la zone puisque depuis de
3 cette colline on peut contrôler toutes les routes qui vont de Benkovac à
4 Ravni Kotari. Il s'agit de la route Benkovac, Smiljcic et il y a la route
5 Benkovac Biljana Donja, qui passe aussi au-dessus de Nadinska Glava, à peu
6 près à 100 mètres à vol d'oiseau. Ensuite il y a encore une autre route,
7 Benkovac Biograd, et tout le grand aéroport de Zadar. Depuis cette colline,
8 depuis ce point élevé, on peut absolument contrôler tous les environs. Vous
9 m'avez posé une question à propos de toutes les routes qui menaient à
10 l'aéroport de Zadar, n'est-ce pas ?
11 Q. Quand vous nous dites que Nadinska Glava, depuis cette élévation de
12 Nadinska Glava on contrôle toutes les routes avoisinantes y compris celle
13 qui va à l'aéroport, qui était en contrôle justement de cette élévation ?
14 R. Vous savez, en opération, en cours de combat, vous savez comment on
15 contrôlait les choses, on pouvait éviter tout passage, on pouvait bloquer
16 la route, bloquer la route pour les civils, et cetera si on tenait la
17 colline.
18 Q. Mais comment est-ce qu'on pouvait faire cela ? Quelles ressources ont-
19 ils utilisées, quels moyens ?
20 R. D'après ce que j'ai vu, ils étaient extrêmement bien armés. Ils avaient
21 des mortiers, des mortiers de 60, de 82 et de 120. Ils avaient des grenades
22 à main. Ils avaient des grenades Zolja aussi, roquettes type Zolja, et
23 aussi des pièces d'artillerie à longue portée. Je ne sais pas exactement
24 quel était leur nom.
25 Q. Dans vos réponses vous faites référence à la position tenue à Skabrnja,
26 donc ce fameux Nadinska Glava, cette élévation. Y avait-il d'autres
27 positions tenues ou est-ce que c'était le seul bastion à partir duquel ils
28 pouvaient tirer les 18 et 19 novembre ?
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1 R. Mais ils ont tiré d'autres endroits; Zemunik Donji, par exemple, qui
2 est entre Skabrnja et l'aéroport. Un endroit appelé Prkos aussi, juste en
3 dessous de Skabrnja et Galoc, qui est un autre endroit. Donc ils pouvaient
4 tirer depuis trois axes pour viser Skabrnja non pas uniquement de la
5 colline de Skabrnja dont j'ai déjà parlé.
6 Q. Merci. Quand vous êtes arrivée à Nadinska Glavica, et vous avez pris
7 position là, que s'est-il passé à ce moment-là ?
8 R. L'armée se retirait sur sa position de réserve. Ils étaient en train de
9 rentrer à la caserne, comme tout soldat rentre à la caserne.
10 Q. Mais vous, où êtes-vous allée ?
11 R. J'ai fait rapport au commandant de la TO et, bien sûr, je suis rentrée
12 à Benkovac. Je suis rentrée pour faire rapport à Zoran Lakic.
13 Q. Pourriez-vous nous dire -- ou plutôt savez-vous ce qui est arrivé aux
14 civils qui avaient été évacués depuis Skabrnja ?
15 R. Oui. Ces civils ont tout d'abord été emmenés à Benkovac, ceux qui
16 n'étaient pas blessés. D'abord ceux qui étaient blessés sont allés à
17 l'hôpital ou au dispensaire pour y recevoir les premiers soins. Les civils
18 qui sont arrivés à Benkovac et qui n'étaient blessés sont allés à la
19 caserne où ils ont été nourris, ensuite on les a aussi hébergés à la
20 maternelle de Benkovac. La plupart ont demandé à aller à Zadar parce qu'ils
21 avaient des parents là-bas.
22 Donc grâce à certains amis qui travaillaient sur place, ils ont
23 demandé que les autorités croates les reçoivent à Zadar. Il s'agissait bien
24 sûr d'un téléphone rouge, puisqu'on ne pouvait pas communiquer de façon
25 normale avec Zadar, Zadar ne voulait pas que ces personnes arrivent sur
26 Zadar. Mais ils ont insisté, et puisqu'il y avait un cessez-le-feu dans les
27 environs de Ceranje Gornje, il s'agit d'un endroit qui est au sud, c'est un
28 embranchement entre Pristeg et Ceranje Gornje. Pristeg est un village
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1 croate et l'autre Gornja était un village serbe. Ils les ont emmenés
2 jusqu'à l'embranchement, ils ont dû y aller je crois jusque là à pied. Mais
3 je pense que leur peuple les a abandonnés, ils n'en voulaient pas. Mais ils
4 ont quand même de ce fait, ils ont dû se rendre jusqu'au territoire croate
5 à pied puisque les Croates n'ont pas voulu venir les chercher.
6 Q. Merci. Après tout cela, tout cela s'est passé au mois de novembre 1991,
7 pendant combien de temps restez-vous dans votre pays natal, votre village
8 natal, et jusqu'à quand ?
9 R. Je suis restée dans mon village natal jusqu'au 4 août 1995, et jusqu'au
10 moment de l'action militaire lancée par les Croates, action fasciste
11 intitulée "Tempête." Depuis lors, je suis persécutée, expulsée de mon
12 foyer, et je me trouve en Serbie actuellement.
13 Il s'agit de parler des heures très tôt le matin à l'aube, le 4 août
14 1995, que j'ai dû quitter ma ville, c'est-à-dire mon village natal et mon
15 foyer à moi, ma maison natale.
16 Q. Peut-on dire que vous êtes partie de façon volontaire ou bénévole ou
17 que vous avez souhaité partir ?
18 R. [aucune interprétation]
19 M. BLACK : [interprétation] Objection, s'il vous plaît, Monsieur le
20 Président. Je m'excuse d'interrompre. Il y avait une première question qui
21 a été posée sans que je puisse dire quoi que ce soit. Mais je voudrais dire
22 qu'à lire le résumé au titre de l'article 65 ter, il n'a jamais été fait
23 mention de ce moment, de cet épisode où Mme le Témoin avait quitté son
24 foyer. Je crois qu'elle ne devrait pas témoigner là-dessus.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'accepte entièrement cette objection.
27 Je voulais tout simplement établir un lien entre son foyer natal, la
28 localité d'où elle est venue en 1991 --
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il ne s'agit pas de 1991, mais il
2 s'agit de 1995.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mais de toute façon, Monsieur le
4 Président, avec cela, le conseil de la Défense a terminé l'interrogatoire
5 principal.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je suppose que vous
7 avez retiré votre toute dernière question qui a fait l'objet d'une
8 objection soulevée par l'Accusation. Je vous en remercie.
9 Monsieur Black, est-ce que vous allez poser des questions en contre-
10 interrogatoire à ce témoin ?
11 M. BLACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Veuillez patienter
12 une seconde s'il vous plaît, juste le moment qu'il me faut pour envoyer ma
13 liste de questions au conseil de la Défense.
14 Contre-interrogatoire par M. Black :
15 Q. [interprétation] Madame Pupovac, bonjour. Je m'appelle M. Black. Je
16 vais vous interroger au nom du bureau du Procureur. Est-ce que vous me
17 comprenez ?
18 R. Oui. Je suis Mme Drmanic, née Pupovac.
19 Q. Merci beaucoup. La majeure partie de mes questions portera sur les 18
20 et 19 novembre 1991, c'est-à-dire sur les opérations menées à Skabrnja,
21 mais j'ai d'autres questions à vous poser également. Par exemple hier, vous
22 avez dit en témoignant -- dans le compte rendu d'audience, nous lisons les
23 pages 59 et 60, vous dites notamment que les élections législatives en 1992
24 [comme interprété] ont eu pour résultat de voir le parti HDZ prendre le
25 pouvoir, et tout le temps pendant votre témoignage, vous faites mention
26 d'Oustachi.
27 Ma question est la suivante : est-ce que vous considérez le parti HDZ et
28 les autorités croates nouvellement élus comme étant des Oustachi ?
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1 R. Monsieur, regardez le comportement des ces autorités à l'égard des
2 Serbes, les autorités qui ont expulsé un peuple souverain en 1990 en sorte
3 que les Serbes deviennent minorité dans un état où ils ne l'étaient pas, ce
4 gouvernement, ces autorités, je ne peux pas ne pas les appeler comme étant
5 d'Oustachi.
6 Q. Je suppose que la réponse à ma question est affirmative ?
7 R. Oui. Oui, il s'agit dans le pouvoir des autorités oustachi encore
8 aujourd'hui.
9 Q. Vous vous en tenez à ce que vous dites ?
10 R. Tant que mon peuple n'aura pas droit à la vérité, tant qu'il ne pourra
11 pas dire que de son propre gré il voulait quitter ses foyers, et tant qu'il
12 ne pourra pas dire qu'il a été expulsé par les autorités oustachi, tant que
13 mon peuple n'a plus droit à ses biens et tout le reste, tant qu'on ne
14 parlera que de cette guerre patriotique, et on ne parle pas d'actions --
15 Q. Je veux vous interrompre, s'il vous plaît. Vous pouvez mener à bien la
16 réponse à ma question, mais je vous prie de vous concentrer sur la question
17 que je vous pose. Il est une procédure à observer ici, à savoir je dois
18 vous poser des questions, et c'est à vous d'y répondre. Vous ne pouvez pas
19 faire tant que digressions. Essayez de vous concentrer sur ma question.
20 R. Monsieur, je me suis concentrée sur vos questions, mais à cette
21 question, il n'y a qu'une seule réponse. Rappelez-vous la poche de Medak,
22 les "redarstvenici" qui ont été attaqués en date du 20 janvier, qui est la
23 sainte fête des Serbes, celle de Saint-Jean.
24 Puis-je poursuivre ?
25 Q. Non. Non, vous ne pouvez pas poursuivre. Je vous prie vraiment de bien
26 vouloir vous concentrer sur les questions que j'aurais à vous poser. Une
27 fois que j'aurais terminé le contre-interrogatoire, le conseil de la
28 Défense de M. Martic aura l'occasion de poser de questions complémentaires.
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1 Par conséquent, si le conseil de la Défense considère qu'il faudra vous
2 accorder une possibilité de dire quelque chose de nouveau ou de plus, le
3 conseil procédera ainsi. Mais tant que je poserai des questions, vous êtes
4 censée répondre à mes questions à moi. Vous comprenez ?
5 Nous ne sommes pas ici pour discuter. Je suis là pour vous poser des
6 questions, et vous êtes venue pour répondre à mes questions, sans débat,
7 sans discussion. Est-ce que cela est clair ?
8 R. Je ne peux donner de réponse que celle que je viens de vous fournir à
9 votre question.
10 Q. Fort bien. Je vais passer maintenant à une autre question. Pendant
11 votre témoignage vous avez fait référence à plusieurs reprises à ce symbole
12 du damier. Est-ce que je peux dire, est-ce que je suis dans mon droit de
13 dire que vous considérez le damier comme étant un symbole, un emblème
14 oustachi, il ne s'agit pas seulement de parler d'un emblème croate ?
15 R. Monsieur, c'est grâce à cette existence de damier que ma mère de la
16 guerre de 1941 à 1945 a perdu son enfant, son bébé. Il s'agit de parler de
17 cet emblème lorsque les Oustachi oeuvraient avec et de concert avec les
18 Allemands, et encore aujourd'hui maintenant qu'elle a 60 ans, elle n'a pas
19 pu voir son second enfant, ni un autre enfant à elle.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'il vous plaît, Madame, on devrait
21 pouvoir se comprendre. Si l'avocat vous dit que vous devez vous concentrer
22 sur les questions qu'il vient de poser, et qu'il vous faudra répondre
23 directement à ses questions sans digression aucune, cela est fort
24 important. Il ne vous a pas posé de question concernant votre mère. Il vous
25 a posé une question concernant le damier. Essayez de vous concentrer sur
26 cette question. Nous comprenons fort bien qu'il doit y avoir beaucoup
27 d'émotions qui sont les vôtres au sujet de ce qui a été vécu et ressenti
28 par votre mère, mais je vous prie d'essayer de le faire posément, sans
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1 digression aucune, dans le calme, de sorte que vous puissiez enfin disposer
2 le plus tôt possible et rentrer chez vous.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. BLACK : [interprétation]
6 Q. Pendant votre témoignage, vous avez fait mention de "redarstvenici," de
7 policiers. Vous avez dit en parlant d'eux que c'était des paramilitaires ou
8 des parapoliciers, qu'ils portaient des emblèmes et insignes oustachi, et
9 cetera. Ces gens-là que vous avez décrits comme cela étaient en fait des
10 policiers croates, n'est-ce pas ?
11 R. Non, Monsieur. La Yougoslavie existait encore comme étant un état de
12 droit, un état légal.
13 Q. Oui, mais même si la Yougoslavie existait, en Croatie il y avait un
14 MUP, un ministère de l'Intérieur ? Il y avait des policiers croates même
15 pendant l'existence de la RSFY, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, Monsieur. Mais les symboles étaient différents, autres, qu'il n'y
17 avait pas de damier, mais il y avait une étoile rouge à cinq branches.
18 Q. Fort bien. Mais voulez-vous nous dire s'il vous plaît, pour parler de
19 ces personnes-là pour lesquelles vous dites qu'ils étaient des
20 paramilitaires du HDZ et des Oustachi, peut-on dire que pour ces personnes-
21 là, qu'ils étaient membres du MUP croate ? Est-ce qu'ils étaient des
22 policiers croates ? C'est à vous que vous pensez en parlant ?
23 R. Oui. C'étaient des policiers du parti HDZ, parce qu'encore toujours,
24 les autorités et le pouvoir dans ce pays n'avaient pas encore été établis
25 de façon appropriée. Il s'agissait de policiers d'un parti politique.
26 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez considéré la police de la SAO Krajina
27 comme étant des formations des unités paramilitaires ?
28 R. Je ne sais pas à quelle période vous voulez faire référence maintenant.
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1 Q. Je parle pour ma part de la période courant depuis août 1990, et
2 pendant toute l'année 1991, pour la plupart de l'année 1991, la SAO Krajina
3 existait dotée d'un ministère de l'Intérieur et dotée d'une police propre.
4 Est-ce que vous les avez considérés, les policiers de la SAO Krajina, comme
5 des paramilitaires tout comme vous venez de dire en décrivant les Croates
6 comme étant des paramilitaires ?
7 R. Non, Monsieur. Non, parce que ces gens-là portaient les insignes de
8 l'Etat yougoslave qui, lui, existait encore toujours.
9 Q. Oui. En fait, les policiers de SAO Krajina portaient les insignes
10 particuliers sur lesquels on pouvait lire "Milicija Krajina," la police de
11 la Krajina. Donc, ils n'avaient pas de symboles de l'ancienne police.
12 R. Pour ce qui est de leurs insignes, ils n'avaient encore toujours pas
13 d'emblème à eux.
14 Q. Donc même en 1991, en novembre 1991 quant à vous, vous ne saviez pas
15 que les membres de la police de SAO Krajina portaient des insignes sur
16 lesquels on pouvait lire "la police de la SAO Krajina" ? Ou vous voulez
17 dire qu'il n'y avait pas d'emblèmes, des insignes à cette époque-là ?
18 R. Monsieur, vous oubliez que je suis infirmière. Je ne suis pas
19 policière.
20 Q. En fait, je ne l'ai pas oublié.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Black, mais
22 il me semble que Mme le Témoin a admis que ces gens portaient les insignes
23 de la police de Krajina, de la SAO de Krajina, mais que d'autre part je
24 n'ai pas entendu très, très bien ce qu'il a été dit à ce sujet. Par
25 conséquent, j'aimerais bien que vous tiriez au clair cet élément-là.
26 M. BLACK : [interprétation] Oui, Madame le Juge. Je vous remercie.
27 J'accepte ce que vous dites, mais je n'ai pas très bien compris ce que veut
28 dire "ils portaient d'autres emblèmes." On va essayer de faire tout cela.
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1 Q. Madame, j'ai compris que vous étiez infirmière et vous dites quant à
2 vous que les membres de la police de la SAO Krajina avaient les insignes de
3 la police de Krajina, outre d'autres emblèmes. Je ne vous ai pas très, très
4 bien compris. Quels étaient les insignes qui étaient les leurs, ceux de la
5 SAO Krajina ou anciens et nouveaux à la fois ?
6 R. Monsieur, vous faites entrer dans cette question déjà une réponse qui
7 vous arrange. Mais quant à moi, je ne peux pas vous répondre à cette
8 question.
9 Q. Bien. Je vais peut-être reformuler la question. Je vais la poser d'une
10 autre façon. D'après vous, quelle serait la raison pour laquelle les
11 policiers croates de 1991 devaient être des paramilitaires alors que les
12 policiers de la SAO Krajina pour la même période ne devaient pas l'être, ne
13 devaient pas être des paramilitaires ? D'après vous, comment expliquez la
14 différence qu'il y avait entre eux ? Puis après, on passe à un autre sujet.
15 R. La raison en est que la police de la SAO Krajina ne portait aucun
16 insigne fasciste alors que les autres en avaient un.
17 Q. Bien. Je vais vous poser une question au sujet de ce qui a été dit par
18 vous lors de votre témoignage. Vous avez dit que le Parti HDZ voulait cette
19 fois-ci démanteler la Yougoslavie "avec l'assistance d'Etats étrangers." Je
20 voudrais que vous expliquiez un peu plus en détail à quels Etats étrangers
21 vous référiez-vous, et quels étaient d'après vous les objectifs poursuivis
22 par ces Etats étrangers ?
23 R. J'ai fait référence à l'Allemagne et aux Etats-Unis d'Amérique, les
24 pays qui ont reconnu le démantèlement de la Yougoslavie, reconnu la
25 sécession de la Slovénie et de la Croatie, les deux Etats ayant perpétré
26 une attaque contre la JNA. En fait, la guerre a été entamée par la Slovénie
27 et la Croatie.
28 Q. D'accord. Mais hier il me semble que vous l'avez dit, vous avez fait
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1 cette référence en parlant de contexte valable pour l'année 1990. Et ce que
2 vous venez de dire maintenant me semble porter sur ce qui s'était passé
3 beaucoup plus tard, vous parlez de l'indépendance reconnue de la Croatie et
4 de la Slovénie par d'autres, c'est-à-dire leur proclamation et leur
5 reconnaissance comme étant indépendantes par la communauté internationale ?
6 C'est à cela que vous faites référence ?
7 R. Monsieur, étant donné les prétentions de l'Allemagne lors de la Seconde
8 Guerre mondiale, étant donné les importations d'armement, la venue de
9 volontaires armés de ces pays-là, et étant donné l'importation d'armes de
10 ces pays, n'est-ce pas évidemment-là, parler de démantèlement d'un pays ?
11 Monsieur, qui sait qui permettrait le démantèlement de son propre
12 pays. C'était un des pays, un des plus beaux du monde présentant force et
13 diversité. Mais un pays très beau, somme toute.
14 Q. Madame, ne dirait-on pas que vous avez un petit peu tendance à des
15 exagérations ? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi lorsque je vous dis
16 cela ? Vous n'êtes pas d'accord ?
17 R. Je ne suis d'accord avec vous.
18 Q. Je vais vous donner un exemple. Hier en témoignant, vous avez parlé de
19 cette mort ignoble, atroce du couple Stegnaja. Primo, ceci s'était produit
20 en septembre 1991 et non pas en 1990, comme vous l'avez dit vous-même hier,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Monsieur, je ne peux pas évidemment me rappeler toutes ces dates, des
23 événements qui se sont produits en une année, alors qu'il s'agissait d'une
24 période, d'un laps de temps de cinq ans. Même si on devait parler de
25 meurtres, même si on devait parler de meurtre d'un oiseau, ceci serait de
26 trop.
27 Q. Vous acceptez donc que cela s'était produit en 1991 et non pas en 1990,
28 ou tout simplement vous ne vous en souvenez pas ?
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1 R. Non, je n'accepte pas cela.
2 Q. Passons maintenant aux faits. Que s'est-il passé en fait ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.
4 Quelle était votre réponse à la question, Madame ? Vous avez dit
5 qu'on ne devait pas s'attendre à ce que vous vous rappeliez toutes les
6 dates. Maintenant, vous dites que vous n'acceptez ce qui a été affirmé par
7 le Procureur. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que vous ne vous en souvenez
8 pas ou est-ce que vous ne l'acceptez pas ? LE TÉMOIN : [interprétation]
9 Non. Je voulais dire que, encore toujours, il n'y avait pas de guerre. Il
10 n'y avait pas de conflits armés. Il n'y avait pas de fusils armés, non plus
11 que d'attaques directes. Encore toujours, on pouvait aller à Zadar et en
12 revenir.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je dois vous interrompre, Madame. Il
14 n'y avait pas une seule mention de conflits armés dans la question qui vous
15 a été posée. La question était de savoir si tout cela s'était produit en
16 1990 ou en 1991. Essayez d'être précise dans la réponse que vous fournissez
17 à la question pour passer à un autre sujet.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas en mesure de précise la date.
19 Je sais seulement que ce couple a été tué d'une façon sournoise et ignoble.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, vous pouvez accepter qui ceci
21 ait pu avoir lieu en 1991, n'est-ce pas ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est possible.
23 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Madame, au sujet de ce même événement, n'est-il pas vrai de dire que
25 ceci s'était produit comme suit : ces gens-là, on ne les a pas fait sortir
26 de l'autocar, on ne les a pas fait descendre de l'autocar, mais ils en sont
27 plutôt sortis parce que l'autocar s'est arrêté à un moment donné, ils en
28 sont sortis pour traverser un pré en direction de leur village, et c'est
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1 dans ce pré qu'ils ont été tués et ces corps ne seront retrouvés que deux
2 ou trois mois plus tard, que la tête a été tranchée de cet homme-là et que
3 la tête de l'homme n'a jamais été retrouvée, alors que sa femme a été
4 passée à tabac et à mort. N'est-ce pas dire la vérité quant à ce qu'il
5 était advenu de ces hommes-là ?
6 R. Non. On les a fait descendre. Ils ont été retirés de cet autocar.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous venez de poser
8 plusieurs questions à la fois. Ne serait-il pas mieux de voir un petit
9 fragmenter ces questions, et y aller d'une question à l'autre ?
10 M. BLACK : [interprétation] Je voulais évidemment faire de sorte que je ne
11 perde pas trop de temps. Mais on peut faire autrement.
12 Je voudrais voir la pièce à conviction ERN 01445726, s'il vous plaît.
13 Pouvons-nous avoir sur l'écran cette pièce à conviction ? Merci à la régie.
14 Q. Madame, il s'agit d'un document qui a été traduit dans votre langue. Il
15 s'agit d'un document rédigé par les autorités de la Yougoslavie fédérative.
16 Vous allez voir là où on a présenté une brève description du meurtre de la
17 famille Stegnjaja en septembre 1991.
18 Un peu plus bas dans le texte, un peu plus loin, serait-il bon que le
19 témoin en fasse une lecture silencieuse, tout comme nous d'ailleurs ?
20 Puis après, lorsque Mme le Témoin aura terminé la lecture pour se
21 familiariser avec le texte, le texte qui est la description de cet
22 événement, pourrait-elle nous dire si cela correspond à la vérité quant à
23 l'événement qui s'était produit ?
24 Madame, lorsque vous aurez terminé la lecture silencieuse, faites-nous
25 savoir, s'il vous plaît. Allez-y, prenez tout votre temps, j'ai des
26 questions à vous poser là-dessus.
27 R. Oui. J'en ai terminé. Je l'ai lu.
28 Q. Maintenant que vous avez lu ce texte, est-ce qu'encore toujours, vous
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1 dites, quant à vous, que ce couple-là se fait descendre de cet autocar par
2 des paramilitaires pour se faire trancher leur tête, leur tête étant
3 remplacé, c'est-à-dire, réciproquement la tête de l'homme sur le corps de
4 la femme. Est-ce que vous acceptez cette description comme étant exacte ou
5 est-ce que peut-être vous n'avez pas exagéré lorsque vous avez fait la
6 description de cet événement ?
7 R. Je ne pense pas avoir fait d'exagérations. Je ne sais par qui ce
8 rapport a été rédigé, mais il s'agit quant à moi d'évoquer ce qui a été
9 relaté par une femme qui, elle aussi, se trouvait à bord du bus.
10 Q. Oui. Je vous remercie, Madame.
11 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que ce
12 document soit versé au dossier.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, le document est admis. Pouvons-
14 nous octroyer une cote à ce document.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous tout
16 simplement faire une constatation d'où provient ce document, rédigé par qui
17 et où et quand ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, c'est à vous.
19 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
20 témoigner quant à cette information, quant à ce document. D'après les
21 informations, c'est un document qui a été rédigé par le gouvernement de la
22 République fédérale de Yougoslavie en réponse à l'un des documents envoyés
23 par le Conseil de sécurité de l'ONU.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où est-ce que nous pouvons lire cela,
25 Monsieur Black ?
26 M. BLACK : [interprétation] On peut en déduire d'après le titre. Il est dit
27 là-bas YU/SC 78092. Je m'y réfère parce que c'est notre analyste qui nous
28 l'a dit.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas d'autres mentions, est-ce
2 que l'original est en B/C/S ?
3 M. BLACK : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Il s'agit d'une
4 copie anglaise de l'original.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Copie anglaise de l'original. Je vous
6 remercie.
7 Monsieur Milovancevic, c'est à vous. Il m'a été dit que c'est sur la base
8 de ce que nous lisons dans l'en-tête YU/SC et chiffres qui suivent, vous
9 pouvez peut-être quant à vous déduire ce qui se cache derrière ce document,
10 quelle en est la source ?
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce document,
12 nous lisons Stegnjajici. Quant aux personnes qui ont été tuées, elles ne
13 s'appelaient pas Stegnjajici, mais Stegnjaja. D'après ce que nous a dit,
14 Madame le Témoin, ici présente.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Milovancevic --
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Secundo, je ne peux faire autre chose
17 que de croire sur parole mon honorable collègue. Il a lui reçu les
18 informations qu'il vient de nous communiquer, mais j'aimerais pour ma part
19 pouvoir consulter ce document, qui de cette façon-là, est soumis à la
20 Chambre, si nous voulons l'admettre pour le faire verser au dossier.
21 A en juger, d'après le document que nous avons sous les yeux, rien ne peut
22 être constaté quant à la source de ce document, absolument rien, ni par qui
23 le document a été rédigé ni le pourquoi de la rédaction de ce document. Le
24 document n'est ni signé. Nous ne savons pas par qui il a été acheminé ou
25 envoyé, et cetera, absolument rien, Monsieur le Président.
26 Par conséquent, je veux dire que ceci n'a pas la forme d'un document
27 approprié, lequel document, nous en tant que conseil de la Défense, nous
28 serions prêts à admettre comme un document de quelque sorte que ce soit.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic. Le
2 document est admis, et je voudrais que l'on lui octroie une cote, mais nous
3 avons pris bonne note de votre objection.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
5 pièce à conviction 994.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
7 Monsieur Black.
8 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Black. Avant
10 de vous voir poursuivre, j'aimerais poser une question à Mme le Témoin.
11 Madame Pupovac, à la page 19, lignes 20 à 22, il est dit que vous n'avez
12 pas fait d'exagérations et que ce que vous venez de dire se trouve fondé
13 sur ce qui vous a été relaté par une femme qui se trouvait, elle aussi, à
14 bord du bus en question. Qu'est-ce qui a été relaté, de quoi s'agit-il ? Ce
15 que vous nous avez dit vous-même ou ce que nous avons reçu par le biais de
16 ce document ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici on parle de Branko Stegnjajic. Il ne
18 s'agit pas de la personne en question.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Essayons de revenir à
20 ce fragment du compte rendu d'audience où nous lisons très exactement ce
21 que vous venez de dire quant à vous, et après, je vais poser ma question.
22 On vous a dit que vous aviez un peu exagéré lors de la description faite de
23 ce meurtre qui, en lui-même, était une chose atroce, et vous avez dit en
24 réponse : Je ne pense pas avoir exagéré. Je ne sais pas par qui le document
25 a été rédigé et que le tout devait être fondé sur ce qui a été relaté par
26 une femme qui, elle aussi, se trouvait à bord du bus.
27 Lorsque vous parlez de "cette" femme qui a relaté tout cela, est-ce que
28 vous faites référence au document que nous avons consulté tout à l'heure ou
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1 est-ce que vous vous référez à votre témoignage ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense à ce que j'ai dit et le document
3 traite d'un autre homme nommé Stegnjajic. Alors que l'homme qui a été tué,
4 le vrai, il s'appelait Stegnjaja.
5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Une autre chose, s'il vous plaît,
6 une autre question : pour autant que vous en sachiez, cet incident s'est-il
7 produit le 13 septembre 1991, prétendument ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien. Pour ce qui est de
9 l'incident que vous venez de me présenter, je ne sais pas de quoi il
10 s'agit. Je ne connais pas les gens qui répondaient aux noms de famille
11 Stegnjajic.
12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, mais pour ce qui est de
13 l'incident auquel vous faites référence dans votre témoignage, et vous le
14 décrivez comme étant d'une façon appropriée, si nous devons considérer cela
15 comme la réponse à la vérité, savez-vous si cet incident a eu lieu en
16 septembre 1991, pour autant que vous le sachiez ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense pour ma part que c'était en 1990.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous vous souvenez que c'était au
19 mois de septembre ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas la date exacte, mais toute
21 la Krajina connaît ce cas.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] D'où venait cet autocar et où se
23 dirigeait-il ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet autocar se dirigeait de Benkovac à Zadar.
25 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Posedarje, est-ce que c'est sur la
26 route ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'avait rien à chercher dans Posedarje,
28 cela n'a rien à voir avec Islam Grcki. Posedarje se trouve tout à fait à
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1 l'est d'Islam Grcki. Cela n'a rien à voir. Je ne sais pas qui a rédigé ce
2 rapport, ni quel est son but.
3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Où se trouve le combinat agricole
4 de Nova Bistrica ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Aucune idée, je n'ai jamais entendu parler de
6 cela.
7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Et Islam Grcki ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un grand village serbe à Ravni Kotari,
9 qui se trouve à côté d'un autre grand village serbe, Kasic.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Aucune de ces localités n'a été
11 mentionnée dans l'histoire que vous avez entendu sur cet événement ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. D'abord cette famille n'a rien à voir
13 avec Posedarje. Je n'ai jamais entendu parler de la ferme de Nova Bistrica.
14 Ensuite, le nom de famille ne correspond pas à celui des personnes dont
15 j'ai parlé.
16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] A mon tour, je voudrais vous poser
18 quelques questions : il n'est pas dit ici que cette famille avait quelques
19 rapports avec Posedarje, mais on y dit seulement qu'ils se trouvaient dans
20 le car qui allait de Zadar à Posedarje. Est-ce que vous considérez que cela
21 est insensé que de dire qu'ils n'ont rien à voir avec Posedarje ? Est-ce
22 que c'est ainsi que nous devons comprendre votre réponse ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être je me suis mal exprimé qu'ils n'ont
24 rien à voir. Mais si les gens voyagent de Benkovac à Zadar, il n'y a pas
25 moyen pour qu'ils se rendent à Zadar en passant par Posedarje. La route
26 menait à côté de Zilnikrast [phon] qui était près d'Islam Latinski et via
27 Biljane pour Zadar, mais rien ne m'est clair ici.
28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quelle est la route que prend le car
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1 pour y aller, à propos de ce que nous sommes en train de dire ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Benkovac-Kasic-Islam Grcki-Islam Latinski et
3 Zadar.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, répéter les
5 noms des localités sur le chemin de Zadar. J'essaie de voir sur la carte où
6 cela se trouve.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répéter. Kasic, Benkovac-Kasic. Est-ce
8 que je dois répéter les villages qui sont situés avant Kasic ?
9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Peut-être nous pourrions essayer de
10 comprendre comment faut-il comprendre ces descriptions ?
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Commençons par Zadar.
12 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Commençons par Zadar. Dans ce
13 document on lit, semble-t-il, que ce couple travaillait à Zadar dans un
14 journal, le journal Nacional List. En rentrant du travail ce jour-là, en
15 autocar sur le trajet Zadar-Posedarje, comme d'habitude.
16 Est-ce que vous connaissez cette ligne ? Est-ce que vous l'avez déjà
17 utilisée dans votre vie ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, jamais. Je n'ai pas besoin d'utiliser la
19 ligne de Posedarje si je vais à Posedarje parce que sinon je me dirigerais
20 vers Zagreb.
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] C'est très bien, vous n'êtes pas
22 obligé de le savoir. Si quelqu'un habite Islam Grcki, quelle route cette
23 personne devrait-elle prendre en prenant un autocar en venant de Zadar ?
24 Citez-nous toutes les possibilités raisonnables, mais si vous les ignorez,
25 vous n'avez qu'à nous le dire.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que j'irais par Murica, Zeleni Hrast,
27 ensuite Islam Latinski puis Islam Grcki, et c'est un autocar qui passait
28 par Islam Grcki et le seul qui allait vers Benkovac.
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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par là
2 que "l'autocar qui va pour Islam Grcki, qu'il allait à Benkovac" On a n'a
3 pas besoin d'aller à Benkovac.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais c'est la ligne Zadar-Islam Grcki-
5 Benkovac. Zadar-Benkovac via Islam Grcki.
6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. Cette ligne ne
7 passe pas par Posedarje ni à côté de Posedarje ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce que Posedarje c'est vers Maslenica
9 sur la route de Zagreb.
10 M. BLACK : [interprétation] Je ne voudrais pas vous interrompre, Monsieur
11 le Juge, mais ce qui importe ici c'est de savoir si ce que cette dame nous
12 a dit, si ces gens étaient d'Islam Grcki ou non, si la dame pouvait nous
13 répondre à cette question.
14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Madame le Témoin, d'après vous, ces
15 personnes dont vous venez de nous parler, d'où venait-il ce couple ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le couple Stegnjaja était d'Islam Grcki, et
17 Stegnjajic, je n'ai jamais entendu parler d'un nom de famille de ce genre.
18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que vous voulez nous dire,
19 s'il vous plaît, comment on doit écrire ce nom de famille ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] S-t-e-g-n-j-a-j-a.
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quels étaient leurs prénoms, de
22 l'homme et de la femme ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ignore leurs prénoms.
24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que nous
25 ne pouvons plus approfondir cette question.
26 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. J'allais
27 entamer un nouveau sujet, mais comme il ne nous reste que quelques minutes
28 jusqu'à la pause, nous pourrions poursuivre mais c'est peut-être le bon
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1 moment pour faire la pause.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons faire une petite pause et
3 reprendrons notre travail à 4 heures.
4 [Le témoin se retire]
5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 26.
6 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse d'avoir interrompu votre
8 contre-interrogatoire, Monsieur Black, mais nous avions une question
9 administrative qui était très urgente et que nous devions résoudre.
10 Maintenant, la Chambre va faire part de sa décision selon la deuxième
11 requête présentée le 31 octobre 2006 dans laquelle la Défense demande que
12 la mesure sera prononcée de distorsion de la voix et de l'image du témoin
13 MM-105. La Chambre a jugé qu'il n'y avait aucun problème pour que cette
14 mesure soit prononcée si cela venait à être demandé. La Chambre cherche à
15 noter que la Défense a démontré qu'il y avait un danger justifié pour la
16 sécurité pour le témoin ou/et sa famille. La Chambre trouve également que
17 les mesures requises sont justifiées en vue de la protection du témoin.
18 Donc, les mesures demandées en faveur du Témoin MM-105 sont allouées. On
19 demande au greffier de permettre la distorsion de la voix et de l'image du
20 témoin.
21 Maintenant, je voudrais que l'on fasse venir le témoin dans le prétoire.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Black, avant de
23 poursuivre avec la phase suivante de votre contre-interrogatoire, je
24 voudrais que l'on voie le dernier document.
25 M. BLACK : [interprétation] Oui. Merci. J'ai trouvé encore un autre
26 document, je crois qu'il nous permettra de tirer au clair celui que l'on a
27 mentionné.
28 Le dernier document portait la cote 994.
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais que l'on pose quelques questions et
4 je continue sur ce document, ou je --
5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Non. Si j'ai des questions à poser
6 qui découleront de vos questions, je ne manquerai pas de les poser. Merci.
7 Je l'ai vu. Cela me suffit.
8 M. BLACK : [interprétation] Merci, Madame le Juge.
9 Q. [interprétation] Bienvenue, Madame. Je voudrais juste vous montrer
10 encore un document sur ce dernier sujet dont nous avons discuté tout à
11 l'heure.
12 M. BLACK : [interprétation] Je demande à l'huissière aux séances de vous
13 montrer l'exemplaire de ce document, ainsi qu'à tous les autres
14 participants.
15 Monsieur le Président, nous avons assuré la version B/C/S de ce document et
16 nous vous remettrons cette version dès que nous l'aurons eue. J'ai donné
17 une copie de ce document à la Défense.
18 Q. Madame, est-ce que vous connaissez l'organisation Veritas ? En avez-
19 vous jamais entendu parler ?
20 R. Oui.
21 Q. Je voudrais vous demander maintenant de jeter un coup d'œil sur ce
22 document. C'est une copie de pages du site de l'organisation Veritas. On
23 parle d'Anka Stegnjaja et de Branko Stegnjaja, qui ont été tués le 13
24 septembre 1991 à Islam Grcki. Est-ce que vous voyez cela ?
25 R. Oui. Mais le document que vous venez de me montrer n'est pas du tout le
26 même.
27 Q. Oui, c'est un autre document, mais il s'agit du même sujet. Ce que
28 j'allais vous demander, vous n'étiez pas sûr tout à l'heure de la date,
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1 maintenant en regardant ce document, est-ce que vous pouvez être d'accord
2 avec moi que ce couple Stegnjaja a été tué en 1991 et non pas en 1990 ?
3 Après avoir vu ce document, est-ce que vous pouvez vous mettre d'accord
4 avec moi ?
5 R. Je ne peux pas me mettre d'accord avec vous parce qu'il m'a été dit
6 qu'ils étaient morts, là quand je l'ai dit.
7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quand est-ce que cela vous a été
8 dit ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela m'a été dit il y a longtemps, à l'époque
10 encore où nous étions dans la Krajina.
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pourriez-vous être plus précise, s'il
12 vous plaît ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant la période de guerre. Cela m'a été dit
14 pendant la période de guerre.
15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par
16 là ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux dire entre 1990 et 1995. J'ai
18 rencontré cette dame qui m'a raconté comment elle avait vécu tout cela.
19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
21 pense que nous nous n'allons plus nous attarder sur cela.
22 Je demande que ce document soit versé au dossier.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est admis. Pourrions-nous
24 avoir un numéro, s'il vous plaît.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, ce document est versé au dossier
26 sous la cote 995.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. BLACK : [interprétation]
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1 Q. Madame, maintenant je vais aborder un autre sujet. Hier vous avez dit
2 que vous aviez vu des civils morts quand vous étiez à Skabrnja, le lundi 18
3 novembre 1991. Vous avez aussi fait entendre qu'il était difficile de
4 distinguer les civils des combattants. Pour que tout soit clair, dites-nous
5 selon vous, est-ce que les forces qui attaquaient Skabrnja le 18 novembre
6 1991 ont commis des crimes ?
7 R. Monsieur, vous m'aviez mal formulé la question. Il n'y avait pas de
8 forces qui attaquaient Skabrnja. Ce sont les forces de l'armée populaire
9 yougoslave qui étaient attaquées par les formations paramilitaires à
10 Skabrnja. Concernant votre question sur les civils, oui, bien sûr, j'ai vu
11 des morts dans la rue à Skabrnja.
12 Q. Bien. Nous reviendrons sur cette question pour voir qui a attaqué
13 qui. Vous venez de dire que vous aviez vu des morts dans la rue de
14 Skabrnja, mais ma question était si des civils innocents avaient été tués
15 exprès à Skabrnja ?
16 R. Monsieur, encore une fois, non pas dans les rues mais dans la rue de
17 Skabrnja. La seule rue par laquelle se déplaçait l'armée. C'est une notion
18 très large, la rue. Je crois qu'il n'est pas exact que qui que ce soit ait
19 pu être tué exprès par les éléments de la JNA.
20 Q. Bien. Indépendamment de la rue ou d'autres lieux où cela est arrivé,
21 vous dites que d'après vous aucun civil n'a été tué exprès à Skabrnja le 18
22 novembre 1991. Est-ce que je vous ai bien comprise ?
23 R. Ce que j'ai vu, il y a eu des personnes qui ont péri par des grenades
24 ou des balles, c'étaient des gens qui se trouvaient entre les deux feux.
25 Beaucoup d'entre eux, nous avons réussi à les tirer de ce feu. Ces
26 personnes ont été échangées. Je crois avoir été assez claire en le disant
27 déjà auparavant.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous les avez vu mourir,
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1 Madame?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur. Je ne pouvais pas voir quand
3 quelqu'un a été tué.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment savez-vous qu'ils étaient tués
5 dans un échange de feu ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'un groupe de personnes se déplaçait
7 entre les positions des croates parce qu'il y avait des combattants qui se
8 trouvaient dans les caves. Tout homme capable de porter une arme comme on
9 pouvait le voir, il portait une arme qu'il fut en civil ou en uniforme.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous vu des gens passer entre les
11 deux positions, entre les deux parties détenues par la partie croate ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les personnes que nous avons sauvées, ce sont
13 celles que nous avons réussi à sauver. Les personnes qui ont été ensuite
14 échangées.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, ce n'était pas ma question. Est-
16 ce que vous avez vu ces gens passer à travers la position tenue par les
17 forces croates ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les paramilitaires croates étaient avec eux
19 dans les caves d'où ils tiraient. On tirait de toutes les maisons, de
20 toutes parts.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, nous reparlerons des caves
22 encore, mais répondez d'abord à ma question. Vous avez dit que parce qu'un
23 groupe de personnes traversait les positions croates, et je vous demande si
24 vous aviez vu cela. Si vous aviez vu les gens traverser les positions
25 croates ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez vu des civils
28 dans les caves ensemble avec les combattants ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] On tirait à partir des caves et on voyait
2 sortir des civils des caves.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez vu tirer à partir
4 des caves ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Normalement puisque j'étais là, je ne pouvais
6 pas retourner, je préférais rester pour assurer les premiers soins parce
7 que notre véhicule qui portait une croix rouge on nous tirait dessus, sur
8 le véhicule et sur nous qui portions un brassard avec la croix rouge.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez vu alors cet
10 échange de feu, est-ce que vous avez vu que ces personnes ont été
11 touchées ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas lever la tête parce qu'on me
13 tirait dessus aussi.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez vu qui que ce soit être
15 touché durant cet échange de feu ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont été touchés pendant cette période,
17 pendant qu'on tirait d'un côté et de l'autre.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, ma question est très simple.
19 Vous n'avez donc pas vu des gens être touchés pendant cet échange de feu ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, j'ai tiré, tiré les blessés que j'ai
21 pu tirer, mais je n'ai pas pu voir de quel côté le feu venait.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, excusez-moi mais ce n'était
23 pas ma question. Vous n'avez pas vu les gens être touchés par l'échange de
24 feu ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 Q. Madame, durant ce procès nous avons entendu des témoignages affirmant
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1 que le 18 novembre 1991, vous interveniez pour sauver un jeune homme, un
2 jeune garçon prénommé Marin, qui devait tué un soldat. Vous étiez là avec
3 encore deux personnes, d'autres infirmières, semble-t-il, et quand ces
4 soldats voulaient tuer ce garçon, vous leur avez dit : "Ne le tuez, assez
5 de ces agissements de ce genre."
6 Est-ce que vous vous souvenez de cela ? Est-ce que cela est arrivé ou
7 vous dites que cela n'est jamais arrivé ?
8 R. Non.
9 Q. Vous ne vous souvenez d'aucun incident où vous avez sauvé la vie à
10 quelqu'un, à un garçon ?
11 R. Dans de telles conditions, je n'ai jamais sauvé la vie à personne,
12 sinon j'ai sauvé des vies, j'ai sauvé plusieurs blessés.
13 Q. Je pense que nous allons maintenant parler d'autre chose, d'un épisode
14 un peu différent. Il faudrait afficher la pièce à la cote 116 sur les
15 écrans, s'il vous plaît.
16 Il s'agit d'une notice officielle compilée par l'officier en charge de la
17 sécurité du 9e Corps de la JNA en date du 8 mars 1992. Au premier
18 paragraphe, on voit qu'il s'agit des documents portant sur le meurtre de
19 civils à Skabrnja et Nadin les 18 et 19 novembre en 1991. Au premier
20 alinéa, voici la question que je voudrais vous poser, il est écrit :
21 "Toutes les données compilées montrent que les meurtres ont été effectués
22 par les membres des unités spéciales de la TO de Benkovac ou des unités qui
23 étaient sous leur commandement. Il s'agit de volontaires de Serbie et du
24 groupe d'Opacic composé de combattants venant de cet endroit."
25 Tout d'abord, pourriez-vous le confirmer ou le réfuter. Ensuite avez-vous
26 des informations à propos de ce qui est écrit dans ce premier alinéa ?
27 R. Il n'y avait pas de volontaires tout d'abord, il n'y avait que la TO et
28 la JNA, l'armée populaire de Yougoslavie. Pour ce qui est du groupe
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1 d'Opacic, je connais Opacic, je le connais bien. C'était un policier du
2 temps de la Yougoslavie. Je peux dire en toute connaissance de cause qu'il
3 n'était à Skabrnja. Opacic était plutôt impliqué avec les hommes
4 politiques, il était là pour assurer la protection d'hommes politiques. Je
5 peux dire en pleine responsabilité qu'Opacic n'était même pas à Skabrnja.
6 Q. Oui, mais vous avez confirmé qu'il y avait bel et bien de la Défense
7 territoriale à Skabrnja le 18 novembre 1991, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Monsieur, je vous confirme qu'ils y étaient certes, mais je ne confirme
10 absolument pas qu'ils ont commis les crimes qui leur sont allégués. Ce
11 rapport a été compilé au mois de mars.
12 Q. Bien. Laissons de côté les meurtres. Pouvez-vous tout d'abord confirmer
13 qu'ils étaient bel et bien là sur place et qu'ils ont participé au combat ?
14 On laisse de côté les meurtres, mais je voudrais savoir si les membres de
15 la TO étaient bel et bien là à Skabrnja les jours qui nous intéressent ?
16 R. Les membres de la TO étaient sous le commandement de l'armée populaire
17 de Yougoslavie.
18 Q. Bien. Laissons de côté aussi leur commandement, mais vous pouvez quand
19 même nous confirmer qu'ils étaient bel et bien présents et engagés dans les
20 combats ces jours-là à Skabrnja ? Ce n'est pas une question qui porte sur
21 le document que vous avez sous les yeux, c'est une question que vous pouvez
22 répondre grâce à vos souvenirs.
23 R. Oui, mais il est écrit ici qu'il y avait des volontaires de la TO, or
24 il n'y avait pas de volontaires dans la TO. Lorsque je lis dans ce
25 document, il est écrit qu'il y avait des volontaires, mais les volontaires
26 ne faisaient pas partie de la Défense territoriale. Quelqu'un a inventé,
27 c'est une invention pure et simple. Je ne sais pas du tout qui a bien pu
28 compiler ce rapport et sur quelle base ce rapport a été compilé.
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1 Q. Bien, je vais répondre à votre question. Cela a été compilé justement
2 pour la JNA, pour le commandement du 9e Corps, et c'est fondé et étayé par
3 des entretiens personnels et officiels et ce document a été compilé aussi
4 après avoir examiné les documents de combat de l'unité. C'est tout écrit
5 dans le premier paragraphe, juste pour que vous sachiez exactement qui a
6 écrit cela et sur quelle base.
7 Répondez plutôt à ma question. Ce n'est pas une question très
8 difficile. Je vous demande juste de confirmer si des membres de la Défense
9 territoriale avaient bel et bien participé aux combats à Skabrnja le 18
10 novembre 1991 ?
11 R. Oui, sous le commandement de l'armée populaire de Yougoslavie,
12 absolument pas de façon autonome, mais sous commandement de la JNA. Ceci a
13 été consigné par un officier de la JNA. Quant à savoir quelle a été son
14 intention, je ne sais pas. Peut-être voulait-il blanchir son propre nom. Je
15 n'en ai aucune idée.
16 Q. Si vous n'avez aucune idée, n'essayez pas de vous lancer dans des
17 hypothèses dans ce cas-là. Cela dit, je pense que votre réponse n'était pas
18 claire, mais en tout cas, elle n'était pas assez claire. Je vais vous la
19 reposer une dernière fois. Répondez par oui ou par non en me disant si les
20 membres de la Défense territoriale ont bel et bien participé aux combats à
21 Skabrnja le 18 novembre 1991 ?
22 R. Je ne peux pas faire le distinguo entre la TO et la JNA puisque c'était
23 sous commandement unique. Vous êtes en train d'essayer de me faire dire
24 quelque chose que je ne peux pas dire.
25 Q. Madame, je ne vous demande pas quelque chose à propos du commandement.
26 Le commandement n'est pas important dans ma question. Je vous demande juste
27 si vous savez s'il y avait des gens, des membres de la TO, qui
28 appartenaient à la TO, qui auraient participé aux combats à Skabrnja le 18
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1 novembre 1991. Que ce soit sous commandement de la JNA ou le commandant de
2 je ne sais qui, de tartempion, ce n'est pas ce qui m'intéresse.
3 R. Si je lis cela, il y a quelque chose qui est hors contexte qui ne va
4 pas. Il est écrit qu'il y avait des volontaires, or dans la TO, il n'y
5 avait pas de volontaires. Dans ce texte que j'ai sous les yeux, il est
6 écrit qu'il y a des volontaires dans la TO.
7 Q. Je ne vous demande absolument pas une question à propos du document que
8 vous avez sous les yeux. Je vous demande ce que vous savez. Vous nous avez
9 dit que vous étiez à Skabrnja le 18 novembre 1991. Vous savez ce qui s'y
10 est passé. Je vous pose une question simple : n'est-il pas vrai que des
11 membres de la TO ont bel et bien été engagés dans les combats ce jour-là.
12 C'est une réponse simple. Je pense que vous pouvez y répondre par un oui ou
13 un non. Je passerai ensuite à la question suivante.
14 R. Monsieur, ce type de document que vous me montrez, et les réponses que
15 vous essayez d'obtenir de moi, ce n'est pas possible, Monsieur, je ne peux
16 pas répondre.
17 Q. Dans ce cas-là, laissez tomber le document. N'essayez pas de penser à
18 ce que j'essaie de vous faire dire, ce n'est pas vrai. J'essaie juste de
19 savoir quelle est la vérité.
20 Je vous demande s'il est bel et bien vrai que le 18 novembre 1991 les
21 membres de la Défense territoriale ont été engagés dans les combats ?
22 R. Ils ont en effet pris partis au combat sous commandement de la JNA.
23 Q. Merci.
24 M. BLACK : [interprétation] Maintenant, il faudrait dérouler plus bas et
25 arriver au premier alinéa visible, ce qui est en fait le troisième alinéa
26 du document.
27 Q. Si vous pouviez vous pencher sur la troisième phrase, il est écrit ce
28 qui suit, je cite : "Les membres des unités volontaires serbes ont
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1 interrogé un captif de la ZNG qui a été passé à tabac. Trois infirmières
2 ont assisté à cela. Elles étaient dans une camionnette bleue et elles
3 venaient de la Défense territoriale de Benkovac. L'une des infirmières
4 s'est levée et a demandé à Vucicevic, elle lui a demandé où était le membre
5 de la ZNG et on lui a montré où était le mortier. Ils l'ont emmené ici,
6 ensuite il a disparu derrière la maison, et à ce moment-là on a entendu une
7 rafale et Vucicevic est revenu tout seul."
8 Madame, hier vous nous avez dit que vous étiez avec deux autres
9 infirmières, que vous vous déplaciez dans Skabrnja à bord d'une camionnette
10 bleue. Il est évident que c'est à vous qu'on fait référence ici. On fait
11 référence dans ce document à vous et aux autres infirmières ?
12 R. Je n'en sais rien. Il fait référence à nous, certes, mais je ne
13 connaissais pas ce Vucicevic et je ne l'ai pas vu à Skabrnja, et je n'ai
14 pas vu d'ailleurs à ce meurtre, non plus, le meurtre de cet homme.
15 Q. Si vous ne connaissez pas ce Vucicevic, comment savez-vous que vous ne
16 l'avez pas vu à Skabrnja ? Vous l'avez peut-être vu sans le reconnaître
17 puisque vous ne le connaissez pas.
18 R. Monsieur, je vous ai dit que je n'ai pas assisté à cet incident,
19 absolument pas. Je n'ai pas assisté à tout cela. Je n'ai pas vu ce membre
20 de la ZNG qui aurait été arrêté, qui aurait été passé à tabac, en présence
21 de trois infirmières, à bord d'une camionnette bleue. Je n'ai pas du tout
22 vu cela.
23 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il n'y avait pas d'autres
24 infirmières qui se déplaçaient à bord d'une camionnette bleue à Skabrnja,
25 ce jour-là, mis à part vous ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous ne vous souvenez-vous absolument pas de tout cela. Cet épisode ne
28 vous rappelle absolument rien ?
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1 R. Non.
2 M. BLACK : [interprétation] Je pense dans ce cas que nous en avons assez
3 avec ce document.
4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pouvons-nous revenir à cela ?
5 Madame le Témoin, parmi les personnes qui étaient responsables de rédiger
6 ce rapport, y en a-t-il eu qui vous aurait interviewé à un moment ou à un
7 autre, entre novembre 1991 et mars 1992 ? Vous ne vous souvenez pas de
8 cela ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les rapports et tout ce que j'ai vu, je
10 les ai transmis à M. Lakic, puisque c'était ce que je devais faire puisque
11 c'était lui le commandant de la TO à Benkovac. Quant à ce que j'ai vu,
12 alors pour ce qui est de cet incident-là, je n'en sais absolument rien.
13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.
14 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Par hasard, connaîtriez-vous un Simo
16 Rosic qui serait lieutenant ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le commandant Milivoje Ostojic ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Vu son prénom, je sais à peu près d'où il peut
20 bien venir, mais je ne le connais pas.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Très bien. Je vais regarder
22 le -- non, vous pouvez poursuivre.
23 M. BLACK : [interprétation] Merci.
24 Q. Vous nous avez dit hier que tout homme valide à Skabrnja était
25 combattant le 18 novembre 1991. Je tiens à vous montrer quelques
26 photographies maintenant à propos de ces fameux combattants.
27 M. BLACK : [interprétation] Si nous pouvions voir la pièce 270 à l'écran,
28 il faudrait l'afficher. Il faudrait passer à la page dont le ERN se termine
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1 par 7835, les photographies F 2 et F 2A.
2 Q. Il s'agit de photographies qui sont censées avoir été prises par le SUP
3 de Benkovac, soit le 21 novembre 1991, soit juste avant cette date. C'est
4 un peu difficile à voir, mais on voit deux personnes quand même qui sont
5 mortes, deux cadavres. Vous dites que vous ne vous êtes pas déplacée dans
6 les rues, le 18 novembre, mais je voudrais savoir si vous avez vu ces
7 cadavres alors que vous étiez à Skabrnja le 18 novembre 1991 ?
8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [hors micro]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas bien ce que j'ai vu. J'étais là
10 pour extraire les blessés. Toute personne blessée était extraite par nos
11 soins. On lui dispensait les premiers secours. Je sais qu'il y a eu trois
12 ou quatre personnes âgées, deux ou trois hommes, aussi un enfant qui avait
13 été atteint à la jambe. Il me semble que son nom était Ivica. Je n'en suis
14 pas bien sûre.
15 M. BLACK : [interprétation]
16 Q. Vous en avez déjà parlé. Vous êtes certaine de ne pas avoir vu ces
17 personnes ? Si vous ne vous en souvenez pas, ce n'est pas un problème. Je
18 voudrais savoir si vous vous souvenez avoir vu ces personnes ?
19 R. Je n'en ai aucune idée. Je ne sais pas. J'ai vu des morts, certes. Mais
20 sur la base de cette photo, je ne peux absolument pas vous dire si je les
21 ai vus ou pas ? Je ne les connaissais pas. Il est impossible que je les
22 reconnaisse d'ailleurs.
23 Q. D'accord.
24 R. Tout ce que je sais, c'est que c'étaient des morts. Cela, ce n'est pas
25 sur la route. Ici, c'est une dans une maison.
26 Q. Vous avez raison. Ce n'était pas sur la route.
27 Selon des témoins oculaires, ces personnes ont été emmenées hors de leurs
28 caves où ils se cachaient avec d'autres civils, y compris des enfants, et
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1 ces personnes âgées ont été, chacune, tuées par un combattant serbe d'un
2 coup tiré dans la tête. Avez-vous entendu parler de cet incident ?
3 R. Vous ne pouvez pas affirmer que ceci a été des crimes accomplis par des
4 combattants serbes. Vous ne pouvez pas le dire parce qu'il n'y avait pas de
5 combattants serbes à l'époque. Il y avait l'armée de la Yougoslavie à
6 l'époque, et c'était tout. Il n'y avait pas de combattants serbes. Il y
7 avait des Musulmans, des Albanais, des Serbes, des Hongrois, et cetera, et
8 cetera.
9 Q. Je vous répète exactement ce qui est déjà preuve et pièce à conviction.
10 Nous l'avons déjà établi à ce propos. Je ne suis pas en train de définir
11 les combattants d'une façon ou d'une autre.
12 Je suis en train de vous demander si vous avez entendu parler de cet
13 incident dont je vous ai décrit ?
14 R. Non.
15 Q. Cela dit, si ce que je viens de vous raconter est bel et bien vrai, il
16 semble évident quand même que ces personnes étaient des civils, n'est-ce
17 pas ? Ces personnes, ces cadavres qui sont dans la rue, ces morts, ce sont
18 des civils, ce ne sont pas des combattants?
19 R. Vous m'avez montré quelques corps devant une maison. Comment puis-je
20 savoir comment ils ont été tués ?
21 Q. J'essaie de savoir ce que vous entendez par civil. Si ce que je vous ai
22 décrit est bel et bien vrai, si ces personnes âgées ont bel et bien été
23 emmenées hors de leurs caves par des soldats, qu'on leur a tiré dans la
24 tête à bout portant, est-ce que vous êtes quand même d'accord avec moi pour
25 dire qu'il s'agit bel et bien de civils et non pas de combattants ?
26 R. Ce qui est vrai, c'est qu'il y avait des tirs qui venaient des caves.
27 Avec les civils, il y avait aussi des combattants de leurs camps. Quant à
28 savoir comment ces personnes ont été tuées, je n'en ai aucune idée.
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1 Q. Très bien. Si vous ne voulez pas répondre à ma question, dites-le. Si
2 ce que je vous ai dit est bel et bien vrai, si ces personnes ont bel et
3 bien été emmenées hors d'une cave où il n'y avait pas de combattants, il
4 n'y avait que des civils, s'ils étaient soûls, pris par la force par ces
5 soldats et qu'on leur a tiré dessus dans la tête à bout portant, êtes-vous
6 d'accord avec moi pour dire qu'il ne s'agissait quand même pas de
7 combattants, mais de civils, ou est-ce que vous êtes encore en train de
8 réfuter ce que je suis en train de dire ?
9 R. Je ne peux pas répondre à votre question. Il y avait des tirs qui
10 venaient des caves. Je ne sais pas qui a été tué comme ci ou comme ça.
11 D'ailleurs, on ne vous voit absolument rien. On ne peut rien déduire de ces
12 photos. Tout ce qu'on voit, c'est des cadavres.
13 Q. Je vais vous montrer d'autres photos dans ce cas-là. Il s'agit des
14 photos dont le numéro ERN se termine par 7849.
15 Si vous pouvez regarder de près ces photos, ces personnes ont-elles l'air
16 de combattants pour vous ou ces personnes ont-elles l'air de civils au vu
17 de la photo ?
18 Il convient de dérouler toute l'image pour voir toutes les photos.
19 R. Il s'agit de civils. Mais voici qu'il y a notre cachet. Vous voyez que
20 rien n'a été fait de façon clandestine. Rien n'a été caché.
21 Q. Très bien. Vous avez vu ces photos. Vous êtes maintenant d'accord avec
22 moi que des civils ont délibérément été tués à Skabrnja le 18 novembre 1991
23 ? Ou êtes-vous encore incapable d'être d'accord avec moi ? Etes-vous en
24 mesure d'être d'accord avec moi ou pas ?
25 R. Je ne peux toujours pas vous dire qu'ils ont été tués délibérément
26 puisque je n'ai pas assisté à leur mort, les circonstances de leurs morts.
27 Quant à savoir s'ils ont été blessés par des balles, par une grenade, ou
28 par je ne sais quoi, je n'ai rien vu. Donc, je ne peux pas répondre.
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1 Q. Très bien. Nous en avons fini avec ce document.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous parlez d'un cachet, mais de
3 quel "cachet" parlez-vous ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le cachet du ministère de l'Intérieur.
5 La police a fait une enquête sur site. On voit bien qu'il y ait écrit
6 "Benkovac, poste de sécurité publique de Benkovac." On n'a pas essayé
7 d'étouffer l'affaire, c'est net. S'il y avait eu intention génocidaire, je
8 pense qu'ils auraient tout simplement enterré les corps quelque part et
9 personne n'en aurait jamais rien su. Ici, on a un cachet du ministère de
10 l'Intérieur et personne n'a essayé d'étouffer l'affaire.
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous nous parlez de génocide. J'ai
12 bien entendu de mot "génocide," n'est-ce pas ? Si oui, que voulez-vous dire
13 par génocide ? Quand est-ce que vous avez employé ce terme ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parlais pas de génocide de ces
15 personnes. Je ne pensais pas à des génocides de ces personnes-là. Aucune
16 personne raisonnable n'aurait perpétré cet acte. Ce que je voulais dire
17 juste, puisqu'on a la présence du ministère de l'Intérieur, ce que veut le
18 cachet --
19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Répondez à ma question, s'il vous
20 plaît.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous, dans ce cas-là, répéter votre
22 question ?
23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous avez employé le mot "génocide."
24 Qu'est-ce que vous aviez l'intention de dire ? C'est ce que vous aviez dit
25 dans votre réponse qui m'a poussé à vous poser cette question.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Le génocide à mon avis c'est l'extermination
27 d'un peuple.
28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.
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1 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie. Je poursuis.
2 Q. J'imagine, c'est vous qui êtes en train de faire des hypothèses, à
3 savoir si l'affaire a été étouffée ou n'a pas été étouffée, et cetera. Vous
4 êtes en train de faire des hypothèses là-dessus après avoir vu le cachet du
5 SUP de Benkovac sur ces photos, n'est-ce pas ? J'aimerais bien savoir
6 exactement ce que vous vouliez exactement dire.
7 R. C'est pour cela que vous n'auriez pas dû me montrer des documents qui
8 n'ont absolument rien à voir avec moi. Je vous donne mon opinion du coup.
9 Q. Bien. Vous ne savez absolument pas s'il y a eu des enquêtes, s'il y a
10 eu des procès, des poursuites suite à ces crimes, qui apparemment, auraient
11 été commis à Skabrnja ?
12 R. Non.
13 Q. Très bien. Je pense que nous avons fini avec ce document.
14 La plupart des personnes qui ont trouvé la mort à Skabrnja le 18 novembre
15 1991 ont été autopsiées quelques jours plus tard. Selon les autopsies, il
16 semblerait que 23 personnes ont été tuées par armes à feu. Vous étiez là.
17 Est-ce que cela est cohérent avec les blessures que vous avez vues ce jour-
18 là ? Avez-vous vu un grand nombre de personnes qui avaient été blessées par
19 armes à feu ?
20 R. Je ne peux pas dire combien de personnes ont trouvé la mort ce jour-là,
21 combien il y a eu de victimes. Je ne peux pas vous donner de réponse bien
22 précise.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas la question. La question
24 n'était pas à propos du nombre de personnes, c'était à propos des blessures
25 et de la façon dont ces blessures avaient été infligées. Avez-vous vu des
26 personnes qui avaient été blessées par armes à feu parmi les personnes
27 auxquelles vous avez dispensé les premiers soins ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des blessures infligées par armes à
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1 feu et aussi par grenades, enfin c'est ce que j'ai cru voir.
2 M. BLACK : [interprétation] Merci.
3 Q. Vous n'avez pas pu nous donner de réponse bien précise à propos du
4 nombre de victimes, mais pourriez-vous nous donner une estimation à propos
5 du nombre de civils qui auraient été tués à Skabrnja le 18 novembre 1991 ?
6 Pouvez-vous nous donner un ordre d'idée ?
7 R. Non.
8 Q. Je vais vous parler de quelques cas spécifiques. Stana Vickovic est née
9 en 1936. Or, au matin de 18 novembre 1991, elle a été emmenée depuis sa
10 cave avec d'autres civils et on lui a tiré dans la tête. C'est une des
11 femmes qu'on a vues sur les photos. Avez-vous vu des civils qu'on aurait
12 tirés dans la tête ?
13 R. Je n'étais pas en train de savoir exactement qui tirait sur qui et où
14 les gens se tiraient dessus.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais je croyais qu'hier vous
16 étiez en train de dire que vous dispensiez les premiers soins à ces
17 personnes, et qu'ensuite vous les transportiez jusqu'à un médecin qui
18 allait ensuite les soigner plus avant. Vous avez bien déposé à ce sujet
19 hier ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai parlé des personnes qui étaient
21 blessées, et là, c'est les soldats qui m'aidaient. Les soldats me disaient
22 s'il y avait des blessés dans certains endroits ou s'il n'y en avait pas.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez ma question : hier vous avez
24 dit que vous étiez censée trouver des personnes sur le théâtre des
25 opérations, essayer de dispenser les premiers soins dans la mesure de vos
26 moyens dans un premier temps, ensuite vous les transportiez à l'arrière
27 pour qu'elles soient vues par un médecin. C'est bien ce que vous avez dit ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, sur la route.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous avez dit cela, pour dispenser
2 des premiers soins à quelqu'un, il faut quand même d'abord savoir où est la
3 blessure. Cela paraît évident ? Puisque vous êtes là pour dispenser les
4 premiers soins, il faut donc savoir où ces personnes ont été blessées ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces images qu'on m'a montrées, c'était dans
6 des maisons. Je n'étais pas dans les maisons.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oubliez les maisons. Ecoutez ma
8 question. Quand vous avez dispensé ces premiers soins à ces personnes,
9 quand vous pansiez leurs plaies ou je ne sais quoi, premiers soins, vous
10 deviez quand même savoir où elles avaient été blessées, c'était la première
11 chose à faire ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, je pansais la plaie.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que là il faut bien savoir où se
14 trouve la plaie ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais --
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question est simple dans ces cas
17 là. Parmi les blessures que vous avez pansées, avez-vous vu des blessures à
18 la tête ? Avez-vous vu la moindre personne ayant eu des blessures à la
19 tête ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Quand même, quel acharnement
22 pour avoir une réponse.
23 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Maintenant je vous demande, s'il vous plaît, d'afficher la pièce 344 sur le
25 système électronique.
26 Q. Madame le Témoin, vous étiez infirmière. Il s'agit d'un rapport
27 d'autopsie pour Stana Vickovic. Première ligne, vous voyez qu'elle avait 55
28 ans, et selon ceci elle aurait été tuée à Skabrnja le 18 novembre 1991. Si
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1 vous passez au paragraphe suivant sur ce qu'on a trouvé sur le corps, les
2 blessures externes, à la quatrième ligne, il y est écrit : "Il y a deux
3 coups de feu, deux blessures par armes à feu : l'une à la tête et l'autre à
4 la jambe droite." Vous le voyez ?
5 R. Oui.
6 Q. Maintenant si on pouvait aller un peu plus bas, on voit au dernier
7 paragraphe que l'on peut voir, il est écrit : "Le coup a été donné à bout
8 portant." Il s'agit de la page 2 de l'anglais. Vous le voyez ?
9 R. Oui.
10 Q. C'est tout à fait cohérent avec ce que nous dit le témoin oculaire qui
11 dit que cette femme aurait été tuée par une balle dans la tête tirée à bout
12 portant. Cela paraît tout à fait cohérent ?
13 R. Je ne vois pas ce que j'ai à voir avec ce document.
14 Q. Vous êtes infirmière. Avez-vous jusqu'à maintenant vu un rapport
15 d'autopsie ?
16 R. Je ne souhaite pas répondre à cette question.
17 Q. S'il y a évidemment des raisons toutes particulières pour cela, vous
18 pouvez nous le dire. Dans un sens contraire, je crois que êtes tenue de
19 répondre à cette question.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Objection que j'ai à soulever au sujet
21 de cette question, Monsieur le Président. A la question posée par la
22 Chambre comme quoi si le témoin a pu donner les premiers soins à des gens
23 qui ont été blessés qui auraient une plaie au niveau de la tête, le témoin
24 a répondu que non. Maintenant, je trouve que Mme le Témoin n'est pas un
25 expert médical pour devoir répondre à de telles questions. En contre-
26 interrogatoire, elle a dit ce qu'elle a dit.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, au sujet de
28 quoi vous soulevez cette objection ? J'essaie de vous suivre, mais je ne
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1 comprends pas ce qui peut être l'objet de votre objection. S'agit-il de la
2 question posée tout à l'heure par la Chambre ?
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, non. Je disais tout simplement
4 qu'en réponse à une question posée par la Chambre de première instance,
5 elle a dit qu'elle n'avait jamais vu sur le terrain in situ une plaie au
6 niveau de la tête, alors elle ne peut rien dire là-dessus. Pourquoi lui
7 poser des questions supplémentaires ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, ce n'est pas
9 qu'on pose des questions à ce témoin au sujet des blessures qu'elle n'a pas
10 vues, mais il s'agit de lui soumettre des documents; il s'agit de
11 témoignages entendus ici comme quoi cette personne a été tirée à bout
12 portant. C'est tout simplement une question de savoir s'il s'agit d'une
13 harmonie ou d'une consistance quant aux témoignages et ce qu'elle a vu. Il
14 ne s'agit pas -- oui, d'une cohérence ou pas. S'il s'agit évidemment de
15 dire qu'on a tiré au niveau de la tête de cette personne là à bout portant.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je comprends fort bien, mais mon
17 objection consiste à dire comment ce témoin peut donner une réponse à cette
18 question ? Seul un expert, à savoir un médecin légiste serait capable de le
19 dire.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre objection est rejetée.
21 Monsieur Black, poursuivez.
22 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Madame, est-ce qu'il faut que je reprenne la question ? Est-ce que vous
24 vous souvenez de ma question de tout à l'heure ?
25 R. Oui, je me souviens de votre question. De ce document, je vois qu'il
26 est signé par un spécialiste, un pathologiste. Je ne le suis pas. Je ne
27 peux pas maintenant faire des estimations quelconques.
28 Si vous voulez me provoquer par l'expression de visage qui est la
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1 vôtre, je suis prête, Monsieur, mais je ne suis pas capable et je ne peux
2 pas répondre à cette question.
3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Madame, s'il vous plaît,
4 vous devez tout de même avoir un respect pour le Procureur. Peu importe
5 comment se présente les coutumes dans le système judiciaire qui est le
6 vôtre, dans le pays d'où vous venez, mais ici vous ne pouvez pas vous
7 comporter de la sorte. Il est de votre devoir de répondre à sa question. On
8 vous a posé la question comme quoi avez-vous jamais avant vu un rapport
9 d'autopsie ? C'est une question très simple et vous devez avoir une
10 connaissance là-dessus. Si oui, je vous prie de répondre à la question,
11 dorénavant, s'il vous plaît, ne faites pas preuve d'irrespect à l'égard du
12 Procureur.
13 Faites attention à la façon qui est la votre de témoigner et de
14 répondre à la question, parce que vous êtes un témoin à décharge. Par
15 conséquent, ne dépassez pas la ligne prévue pour et par le témoignage d'un
16 témoin à décharge.
17 Je m'excuse d'avoir dit tout cela, Monsieur le Président. Je m'excuse. Vous
18 avez peut-être voulu dire vous-même quelque chose. Je me suis retenue à
19 plusieurs reprises, mais j'ai vu tout à l'heure que vous avez pratiquement
20 enfreint les règles. Il est du devoir du Procureur de poser des questions,
21 telles qu'il les trouve souhaitables. Si cela bien sûr est rendu conforme
22 au Règlement de procédure et de preuve, s'il y a eu évidemment des
23 exagérations et au-delà de ce Règlement, nous sommes trois Juges qui nous
24 nous en occupons.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous le permettez, je vais encore
26 ajouter de ma part l'irrespect à l'égard du Procureur est également
27 l'irrespect à l'égard de la Chambre, du Tribunal. Qu'on se comprenne bien.
28 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Madame, ma question était toute simple. Avez-vous jamais vu un rapport
2 d'autopsie préalablement ?
3 R. Non.
4 Q. Vous avez pu suivre ce que je vous ai montré tout à l'heure et ce que
5 je vous ai soumis. La raison en est simple. Vous avez dit vous-même qu'il
6 n'y avait pas de meurtres intentionnels à Skabrnja parmi les civils
7 évidemment qui étaient les victimes en date du 18 novembre 1991. Pourtant,
8 sur la base de ce rapport d'autopsie, il paraît que Stana Vickovic a dû
9 être tuée délibérément parce qu'on a tiré sur elle à bout portant. Est-ce
10 que vous êtes d'accord qu'il s'agit d'un meurtre intentionnel ?
11 R. Non.
12 Q. Bien. Voulez-vous, s'il vous plaît, peut-être m'offrir une autre
13 explication pour dire pour quelle raison quelqu'un serait prêt à tirer sur
14 une femme de 55 ans sans que cela soit délibéré ?
15 R. Je n'ai pas vu cela, par conséquent, je ne peux pas faire de
16 commentaire là-dessus.
17 Q. Est-ce que vous pouvez imaginer une justification quelconque de la
18 raison pour laquelle on aurait pu tirer au niveau de la tête sur une femme
19 à bout portant, et cela pendant que duraient des combats ?
20 R. Je ne peux vous offrir aucune justification et aucun commentaire, je ne
21 peux pas ici débattre avec vous au sujet de ce document. Je n'ai rien à
22 faire avec ce document.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, je vous prie de répondre à ma
24 question. Est-ce que vous souhaitez témoigner ici ? Parce que c'est pour à
25 cette fin que vous avez été citée à la barre. Le conseil de la Défense vous
26 a fait venir ici pour témoigner. Si vous ne voulez pas témoigner, vous
27 devez nous le dire. Nous voulons d'ailleurs poser la même question au
28 conseil de la Défense pour savoir ce qu'il veut faire avec vous.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, je ne peux pas témoigner au sujet de
2 ce qui m'a été soumis ici. Je n'ai pas vu tout cela et je ne peux pas
3 témoigner là-dessus.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame, s'il vous plaît, écoutez ma
5 question. Est-ce que vous souhaitez poursuivre votre témoignage dans le
6 cadre de cette affaire ou non ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que cela veut dire, ce oui ?
9 Je vous demande si vous souhaitez témoigner ou pas. Je veux savoir à quoi
10 se rapporte votre oui.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux témoigner sur ce qui est connu de moi.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. En ce cas-là, s'il y a
13 quelque chose que vous ignorez, dites tout simplement : "Je ne le sais
14 pas." N'essayez pas évidemment de vous quereller avec le Procureur. Si vous
15 ne vous souhaitez pas témoigner, parce que Mme le Juge vous a rappelé de
16 justesse tout à l'heure qu'il est de votre devoir de répondre ici aux
17 questions qui vous sont posées. Si une quelconque question vous a été posée
18 et que cela vous paraît inapproprié, il s'agit évidemment à ces gens-là,
19 nous de la Chambre qui savons dire si cela est inapproprié ou pas comme
20 question.
21 Vous, vous êtes tenue de garder votre silence et nous, nous en sommes
22 responsables s'il le faut pour répondre. Je vous prie de ne faire que cela.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
24 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Nous avons parlé de meurtres intentionnels de civils. Maintenant dites-
26 nous, est-ce que vous avez pu entendre ou dire par quelqu'un ou est-ce que
27 vous avez vu que des combattants une fois capturés ont été maltraités,
28 torturés ou tués à la fin par les forces assaillantes ?
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1 R. Non.
2 Q. Très bien. Nous avons un autre rapport d'autopsie. Je ne vous le
3 soumettrai pas, mais tout simplement je vous parlerai de ce que ce rapport
4 contient. On parle d'un homme, Ante Razun, âgé de 30 ans. D'après le
5 rapport d'autopsie, il a dû être torturé avant de se faire tuer par une
6 balle au niveau de la tête et dans la tête. Ensuite, il a été mutilé. Son
7 oreille gauche a été tranchée.
8 Est-ce que vous avez jamais entendu parler d'un tel incident ?
9 R. Je ne l'ai pas vu. J'ai entendu parler d'un tel cas, mais je ne l'ai
10 pas vu.
11 Q. Qu'avez-vous entendu dire sur un incident de ce genre-là ?
12 R. J'ai entendu dire qu'il y avait un homme qui était resté sans oreilles,
13 mais je ne sais pas par qui ceci a été causé. Ceci m'a été raconté par un
14 jeune soldat.
15 Q. En fait, avez-vous entendu des histoires sur quelqu'un qui aurait eu
16 tout un sachet ou un sac plein d'oreilles humaines et qui l'aurait déposé
17 sur une table de bistro d'un restaurant, et d'un geste où il aurait sorti
18 une oreille pour la mettre dans le verre de quelqu'un ?
19 R. Non.
20 Q. Est-ce que vous pouvez vous mettre d'accord avec moi pour dire que même
21 si cet homme-là était combattant, un tel comportement serait inhumain et un
22 agissement de ce genre-là devrait être considéré comme un délit au pénal ?
23 R. Oui.
24 Q. Maintenant, je vais attirer votre attention sur quelque chose d'autre.
25 Je voudrais vous poser des questions au sujet de quelque chose qui a
26 précédé la date du 18 novembre 1991.
27 Vous avez fait référence à des déclarations de serment d'allégeance.
28 Jusqu'en juillet ou août 1990, les autorités serbes de Knin se sont
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1 rebellées contre les autorités croates, n'est-ce pas ? Les autorités serbes
2 ont rejeté tout autorité du gouvernement croate ?
3 R. Au cours de cette période, je pense que les autorités de la Croatie,
4 qui était une unité fédérée de la Yougoslavie, se préparaient à changer de
5 symboles et d'emblèmes qui étaient valables et en vigueur dans le pays. Je
6 me souviens de cette rébellion. Jusqu'en 1992, c'était l'étoile rouge à
7 quatre branches qui était le symbole légal et non pas le damier. Les
8 Croates avaient pour drapeau rouge, blanc, bleu avec évidemment une étoile
9 à cinq branches, alors que les Croates ont mis les mêmes couleurs avec un
10 damier. Le tampon étant frappé d'un damier.
11 Q. Madame, le serment d'allégeance dont vous avez parlé, n'était-ce pas
12 seulement une réponse et riposte maladroite face à la rébellion serbe parce
13 que les Croates ont eu peur de ce qui s'était passé à la SAO Krajina ? Est-
14 ce que cela peut expliquer l'existence de ce serment d'allégeance ?
15 R. Je ne sais pas pourquoi tout ceci a été fait, mais je sais qu'après ces
16 serments d'allégeance que les gens devaient signer, ces mêmes gens se sont
17 trouvés intimider, et ils se sont vus obliger de quitter des entreprises de
18 file dans lesquelles ils travaillaient, de peur de ne pas être tués à leur
19 poste de travail.
20 Q. Est-ce vrai ou pas que des Croates ont été forcés à signer des serments
21 d'allégeance, dans le cas contraire ils se verraient licencier par les
22 autorités de la SAO Krajina ?
23 R. Je ne le sais pas.
24 Q. Bon, vous ne le savez pas si ceci se produisait ou pas ?
25 R. Non, je ne le sais pas.
26 Q. Depuis août 1990, les Serbes de la Krajina s'armaient de façon
27 illicite, n'est-ce pas ?
28 R. Voulez-vous reprendre votre question, s'il vous plaît ?
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1 Q. Bien entendu, Madame. N'est-il pas vrai de dire que depuis août 1990,
2 pendant les mois qui ont suivi, les Serbes de Krajina se faisaient armer de
3 façon illégale ?
4 R. Je ne le sais pas.
5 Q. Bien. Est-ce que vous connaissiez des incidents qui se sont produits
6 également depuis août 1990, lorsque les Serbes avaient bloqué la
7 circulation à la fois la circulation des trains, ils faisaient sauter en
8 l'air les propriétés, les boutiques et les maisons de Croates, est-ce que
9 vous avez su qu'ils voulaient créer un chaos auprès des Croates ? Est-ce
10 que cela était connu de vous ?
11 R. Je sais que pour parler de ma ville, il n'y a pas eu d'incidents de ce
12 genre-là. On n'a jamais fait sauter en l'air une maison croate. Rien qu'à
13 en parler de mon village là où il y avait une composition ethnique mixte,
14 après que nous avons été expulsés de la Krajina, toutes les maisons croates
15 sont restées indemnes, intactes. Je crois que ceci est assez éloquent.
16 Q. S'il vous plaît, parlons de 1990. Comment se présentait la situation
17 dans d'autres localités et villes, telles que Knin et Benkovac ? Avez-vous
18 jamais entendu parler de tels incidents qui se seraient produits dans
19 d'autres villes de la Krajina ?
20 R. Je ne sais pas. Je ne me trouvais pas dans ces localités ou villes, et
21 je n'en sais rien.
22 Q. Bien. Vous n'avez jamais entendu parler de cela par vos voisins, par
23 vos amis, ou est-ce qu'il vous est arrivé de voir des instantanés sur les
24 écrans de chaîne de télévision ou est-ce que vous en avez lu dans les
25 journaux ?
26 R. Non.
27 Q. Vous avez témoigné hier pour dire que toutes les routes menant depuis
28 l'aéroport de Zemunik à Benkovac se sont trouvées bloquer. Je suppose que
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1 vous vous référez à l'automne 1991 ? Je suppose.
2 R. Déjà en 1990, il était difficile de passer en direction de Zadar. En
3 1991, l'armée devait se retirer, se replier depuis l'aéroport. Par
4 conséquent, il y avait là-bas ni appareil, ni avion, ni équipement qui
5 devaient être normalement sur l'aéroport, et ce qui restaient des effectifs
6 militaires, ceux-là ne pouvaient pas se faire ravitailler par des canaux
7 ordinaires et réguliers.
8 Q. Mais parlons de l'automne 1991. A cette époque-là, la JNA utilisait
9 activement l'aéroport de Zemunik. Des appareils en décollaient, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Pour parler de cette période-là, aucune route n'a été praticable. Si on
12 devait évidemment aller où que ce soit, on devait passer par des marécages,
13 à travers la broussaille, vergers, emprunter des voies vicinales de forêts.
14 Q. Fort bien. Mais on parlera de routes tout à l'heure. Cette fois-ci je
15 ne pensais qu'à l'aéroport de Zemunik. N'est-il pas vrai qu'en automne
16 1991, la JNA exploitait cet aéroport, c'est-à-dire il y en avait des
17 avions, des appareils qui ont décollé ?
18 R. Je ne sais pas.
19 Q. Bien. Pour ce qui est des routes, n'est-il pas vrai de dire que la JNA
20 continuait d'emprunter les routes passant de Benkovac et de Zemunik pour
21 aller jusqu'à Smiljcic ? N'est-il pas vrai de dire que la JNA a continué à
22 emprunter ce trajet-là en automne 1991 ?
23 R. Monsieur, l'aéroport de Zadar se trouve derrière le village croate de
24 Zemunik Donji et Skabrnja se trouve au-dessus de Zemunik Gornji. La route
25 qui mène depuis l'aéroport en direction de Benkovac passe par Zemunik
26 Donji. Il s'agit ensuite de parler d'une intersection de route entre
27 Zemunik et Skabrnja et Zemunik Donji. Ensuite il y a une route qui va de
28 Skabrnja, Zemunik Donji et une autre route allant depuis Tromilje vers
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1 Smiljcic, vers Benkovac. Par conséquent, l'armée n'a pu aucunement
2 emprunter la route à laquelle vous faites référence.
3 Q. Bien. Vous réfutez le fait que la JNA a été capable d'aboutir à
4 l'aéroport et cela depuis Benkovac en traversant Smiljcic ? Vous dites que
5 ceci n'était absolument pas possible.
6 R. Il n'était pas possible de traverser le village croate de Zemunik Donji
7 pour emprunter -- lorsqu'on emprunte cette route, parce qu'il s'agit de
8 deux routes en jonction derrière Zemunik Donji et on appelle cette
9 intersection de routes, la Tromilje. L'une des routes menant vers Biljane
10 Dornje, l'autre menant vers Smiljcici. Ensuite, on vire encore une fois
11 vers Biljane, mais cette fois-ci en empruntant des jardins potagers ou des
12 vergers.
13 Q. Bien. Je vous remercie. Je crois que vous avez répondu à ma question.
14 Vous avez témoigné également tout à l'heure de l'opération de Nadin
15 en septembre 1991, je crois que vous avez signalé la date du 30 septembre.
16 Vous avez dit que et vous l'avez décrit cette situation comme une tentative
17 d'entrée dans Nadin par des moyens pacifiques. Ma question est la suivante
18 : il ne s'agissait pas de parler d'opération pacifique, et ont pris part
19 les unités de la JNA, à savoir des chars et des soldats armés, n'est-ce pas
20 ?
21 R. Chaque armée est tenue de défendre le territoire du pays auquel pays
22 l'armée a fait son serment. Par conséquent, pour parler de Nadinska Glava,
23 il s'agit de parler du territoire qui appartenait à la Croatie, comme étant
24 une unité fédérée de la Yougoslavie. Le fait est qu'en ce moment-là l'armée
25 n'a pas vraiment tiré une seule balle avant que les Croates n'en fassent
26 autant en direction et à l'encontre de l'armée. Tout a été miné --
27 Q. Est-ce que je peux vous interrompre, Madame ?
28 R. Oui, bien entendu.
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1 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais au sujet de ce que vous venez de
2 mentionner, vous dites que les forces croates ont été les premières à
3 ouvrir le feu, même si c'était comme cela, ceci n'était le cas que lorsque
4 la JNA et la TO ne les avaient attaqué moyennant les chars et les troupes
5 armées ? Personne n'était venu de Nadin. C'est la JNA qui était venue à
6 Nadin.
7 R. L'armée yougoslave est une armée de Serbes, de Croates, de Slovènes, de
8 Macédoniens et de Monténégrins à cette époque-là.
9 Q. Mais, Madame, je crois que ceci ne fournit pas une réponse à ma
10 question. Je ne suis pas intéressé à savoir de qui était cette armée. Le
11 fait est que la JNA et la TO se sont rendus à Nadin, armés de chars, et du
12 reste, et c'est ainsi que les conflits armés ont débuté ?
13 R. Monsieur, la route de Benkovac et Biljane Dornje depuis l'aéroport à
14 Zemunik passe justement au-dessus de Nadin, et c'est du haut du point côté
15 de Nadinska Glava que la route peut être parfaitement contrôlée. Mais aussi
16 la route peut être contrôlée depuis le village parce que la route est si
17 près du village qu'elle peut être contrôlée. Par conséquent, il n'y avait
18 pas lieu de dire que les combattants et les civils pouvaient aller sans
19 heurts, ni obstacles, en direction des villages de Kotari Ravni.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame, de tout ce que vous
21 venez de relever. Mais essayez de répondre à la question qui vous a été
22 posée.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-on répéter la question ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'il vous plaît, écoutez bien la
25 question et répondez-y. Ne formulez pas de questions qui sont les vôtres
26 pour essayer de répondre à cette question qui est la vôtre, et vous avez
27 oublié la question qui vous a été posée.
28 La question qui vous a été posée était la suivante : Le fait est que ce
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1 sont la JNA et le TO qui se sont rendus à Nadin armés, dotés de chars, et
2 c'est ainsi que le conflit armé avait commencé. Est-ce que c'est bon comme
3 cela ? Vous devez répondre à cette question, oui c'était exact, ou ce
4 n'était pas exact, et je ne veux pas entendre d'autres histoires de votre
5 part. Je ne veux que votre réponse. C'est exact ou ce n'est pas exact ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre par oui ou par non.
7 C'est une question complexe.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas
9 y répondre ? Pourquoi est-ce une question complexe ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'avant cela, c'est l'armée populaire
11 yougoslave qui a été attaquée, bien avant cela.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous demande pas ce qui s'était
13 passé préalablement. La question était simple. La JNA et la TO se sont
14 rendues dans Nadin avec leurs chars, et c'est là que le conflit armé a
15 commencé. Le conflit armé de Nadin a commencé parce que la JNA avec ses
16 chars et la TO s'y sont rendues; est-ce exact ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne sont pas entrés dans Nadin. Ils étaient
18 à Devici.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous pose pas la question pour
20 savoir s'ils sont entrés dans Nadin. Je vous demande s'ils sont rendus, et
21 si c'est comme cela, dans ces circonstances, que le conflit avait commencé.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre à votre question.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, vous avez refusé de répondre à
24 cette question. Nous en prendrons note. Vous pouvez procéder, Monsieur
25 Black.
26 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Madame, quel était le rôle joué par le TO, la Défense territoriale,
28 durant cette opération en septembre ? Est-ce que la TO a pris une part
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1 directe dans les opérations ?
2 R. Oui, et cela de concert avec la JNA, et sous le commandement de la JNA.
3 Q. Merci. Bien. Je crois que vous avez dit, entre autres, que pour parler
4 de la date de cette opération, il s'agit du 30 septembre 1991. Est-ce
5 possible que ceci était plus près du 2 octobre ? Etes-vous en effet
6 certaine pour préciser cette date ou était-ce peut-être un jour ou deux
7 plus tard que vous le pensiez ?
8 R. Cela est possible.
9 Q. D'accord. Merci.
10 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que l'heure de
11 la pause qu'il faut marquer s'approche. Est-ce peut-être le bon moment de
12 le faire ?
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, et je vous en remercie. Nous
14 allons marquer une pause pour reprendre le débat en audience à 18 heures
15 moins un quart.
16 L'audience est suspendue.
17 --- L'audience est suspendue à 17 heures 13.
18 --- L'audience est reprise à 17 heures 45.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, selon le temps qui vous est
20 alloué, Monsieur Black, il vous reste une demi-heure pour en terminer avec
21 ce témoin. J'espère que cela vous suffira.
22 M. BLACK : [interprétation] Ecoutez. J'espérais en avoir fini aujourd'hui,
23 mais malheureusement, apparemment, nous sommes un petit peu dispersé.
24 J'espérais qu'on en terminerait aujourd'hui, même s'il s'agit d'un témoin
25 quand même extrêmement important, puisqu'elle était présente sur la scène
26 des crimes, sur une de nos scènes de crimes, et jusqu'à présent, nous avons
27 énormément de témoignages politiques. Là vraiment, nous parlons vraiment de
28 faits. Donc, c'est un témoin extrêmement important. Je vais aller
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1 rapidement, mais j'avais besoin au moins du reste de la journée, et très
2 certainement du reste de la journée et de quelques heures demain matin.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On va voir jusque-là où cela va nous
4 mener.
5 M. BLACK : [interprétation] Mais je vais faire le plus vite possible.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.
7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ecoutez, je suis tout à fait d'accord
8 avec ce qu'a dit mon éminent collègue de l'Accusation. Nous considérons ici
9 qu'il s'agit d'un témoin essentiel, et nous n'avons absolument rien contre
10 la demande du Procureur de dépasser un petit peu le temps qui lui est
11 alloué. Je tenais juste à ce que soit su.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
14 M. BLACK : [interprétation]
15 Q. Nous étions en train de discuter, Madame, des combats à la fin de
16 septembre, début octobre 1991. Nous parlions aussi des combats à Polaca qui
17 ont eu lieu en mai 1991, et Polaca et très proche, n'est-ce pas ?
18 R. Je ne sais pas. Là, je ne peux pas vous donner de réponse précise à ce
19 propos.
20 Q. Très bien. Mais savez-vous que le village de Nadin a été pilonné en
21 septembre 1991 ? Etiez-vous au courant de cela ?
22 R. Non.
23 Q. Avez-vous été au courant du fait que Zadar aurait été pilonné entre le
24 30 septembre et le 7 octobre 1991 ?
25 R. Non.
26 Q. Saviez-vous qu'au début octobre 1991 donc, après les combats dont on
27 avait parlé juste avant la pause, la plupart des villageois de Skabrnja
28 avaient été évacuées sur les îles et ne sont revenus qu'après qu'il y a eu
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1 un accord de cessez-le-feu qui a été conclu vers le 9 octobre 1991 ?
2 R. Non. Je n'étais pas au courant.
3 Q. Je vous pose toutes ces questions parce que, quand même, il est évident
4 que Skabrnja n'a pas mis en place son unité de vigile pour des raisons
5 offensives, mais uniquement pour se défendre parce qu'il y avait déjà eu
6 énormément de combats dans les environs et plusieurs agressions par la JNA,
7 par d'autres forces serbes au cours de l'année 1991 ?
8 R. Mais je ne sais pas de quelles agressions vous parlez. Donc, je ne peux
9 vraiment pas commenter là-dessus.
10 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que les forces à
11 Skabrnja, les forces de garde de Skabrnja avaient un but défensif et non
12 offensif. C'était une formation qui avait été mise en place pour défendre
13 le village ?
14 R. Qui aurait bien pu défendre son propre village des faits qui pourraient
15 être accomplis par l'armée de son propre Etat ?
16 Q. S'il vous plaît, ne vous lancez pas dans la rhétorique. Je demande
17 juste si vous êtes d'accord avec moi pour dire que la garde de ce village
18 avait un but défensif et non offensif ?
19 R. Je ne suis pas d'accord avec vous.
20 Q. Avant de parler de l'attaque du 18 novembre, je voudrais vous dire
21 quelque chose et avoir vos commentaires.
22 Je pense que l'attaque de Skabrnja était un exemple type de
23 provocation du camp serbe, et par cela je veux dire, la JNA, la TO et la
24 police, provocations contre des villages croates avec pilonnage et autres
25 agressions jusqu'à ce que ce village croate réagisse en s'armant, en
26 préparant sa résistance, ensuite le camp serbe a utilisé cette réaction
27 comme alibi pour lancer une attaque de grande envergure pour détruire le
28 village et pour en chasser les habitants ? N'est-ce pas ce qui s'est
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1 véritablement passé à Skabrnja en novembre 1991 ?
2 R. Monsieur, je ne suis pas un expert militaire. Ce n'est pas moi qui vais
3 vous dire exactement à quoi correspondait cette situation. Je ne peux pas
4 faire d'évaluation militaire.
5 Q. Très bien. Je vais vous poser d'autres questions dans ce cas-là, mais
6 j'espère que vous pourrez y répondre.
7 Vous êtes d'accord avec moi tout d'abord pour dire qu'en novembre,
8 l'opération qui a eu lieu le 18 novembre 1991 contre Skabrnja, était une
9 opération offensive, c'était une attaque ? Ce n'était pas une opération
10 défensive menée par la JNA, mais une opération offensive d'attaque.
11 R. Il ne s'agissait pas d'une opération offensive, puisque la JNA a été
12 attaquée d'abord.
13 Q. Certes, mais tout comme en septembre, ce ne sont pas les Croates de
14 Skabrnja et de Nadin qui ont essayé de défier la JNA, pour se battre avec
15 la JNA. C'est la JNA et les forces de la TO et la police qui sont arrivées
16 dans Nadin et Skabrnja. C'est eux qui sont venus combattre dans le village.
17 R. Vous êtes en train de tout mélanger. La police n'est pas rentrée dans
18 Skabrnja. Elle n'est pas allée dans Skabrnja. C'est la Défense territoriale
19 qui faisait partie de la JNA.
20 Q. Très bien, Madame. Vous êtes en train de nier le fait que les membres
21 de la police, que ce soit un groupe de policiers ou que ce soit des membres
22 individuels, des policiers qui aient été présents à Skabrnja lors des
23 combats ?
24 R. Il n'y avait pas de policiers à Skabrnja. C'était la Défense
25 territoriale dans le cadre de la JNA, dans le cadre de l'armée de l'Etat
26 qui existait encore à l'époque, c'est-à-dire la Yougoslavie.
27 Q. Vous dites qu'il n'y avait aucune présence policière à Skabrnja. Vous
28 nous avez dit cela. Pourtant, il y avait quand même des policiers qui
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1 étaient impliqués dans l'opération. Vous êtes d'accord quand même avec
2 cela ? La police était quand même impliquée au niveau de la planification
3 et de l'exécution de l'opération ?
4 R. Je ne suis pas officier de police. Je ne sais pas qui a planifié cette
5 action, mais je n'ai pas vu de policiers à Skabrnja. En tout cas, cela j'en
6 suis sûre. Je n'ai vu que la Défense territoriale et la JNA.
7 Q. Très bien. Vous nous avez dit que vous étiez là pour les premiers soins
8 et pour tenir l'antenne médicale. Quand vous dites vous avez vu ce que vous
9 avez vu, vous nous dites que vous n'avez pas vu de policiers, mais vous ne
10 pouvez pas exclure qu'il n'y avait pas le moindre policier qui ait pris
11 part aux combats à Skabrnja. Vous ne pouvez pas le dire ?
12 R. Mais si, je peux le dire, parce que dès le début il n'y avait pas le
13 moindre policier.
14 Q. Oui, mais après le début des opérations, quand il y a eu combat, vous
15 n'étiez pas en mesure de voir tous les combattants dans toutes les rues du
16 village, vous ne pouvez pas exclure cette possibilité ?
17 R. Monsieur, à Skabrnja, on ne pouvait rentrer que par une seule route. Il
18 n'y avait qu'une seule route qui donnait accès à Skabrnja, et j'étais
19 derrière les soldats. Je voyais bien la route et j'aurais bien pu voir si
20 la police était bel et bien rentrée dans le village. Je peux vous dire en
21 toute responsabilité qu'il n'y a pas eu de policier dans ce village.
22 Q. Très bien. Vous avez vu absolument toutes les personnes
23 individuellement qui ont pris part aux combats de Skabrnja, et ce, dans le
24 camp des attaquants, alors que vous étiez en train en plus de faire
25 énormément d'autres choses, de vous ramper parmi les buissons pour essayer
26 d'extraire des blessés, et cetera, et pendant que vous faisiez toutes ces
27 choses-là, vous surveillez exactement qui rentraient dans la ville, et vous
28 savez qu'il n'y avait pas le moindre policier; c'est cela ?
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1 R. A partir du moment où les opérations ont été lancées, il n'y a pas eu
2 le moindre policier qui soit rentré. On voyait bien qui entrait et sortait
3 dans la ville, puisqu'il n'y avait qu'une seule route pour y passer. Depuis
4 le point de départ, on voyait tout. S'ils étaient rentrés dans la ville,
5 ils auraient dû passer devant l'enseigne médicale où nous nous trouvions.
6 Ils auraient dû passer juste à côté de nous.
7 Q. Vous êtes en train de nous dire qu'aucune personne ne pouvait rentrer
8 dans Skabrnja par une autre route que celle où vous étiez postée, et que
9 dans ce cas-là personne ne pouvait rentrer dans la ville sans que vous les
10 voyiez ?
11 R. On ne pouvait pas rentrer par une autre route parce que tout était
12 miné. Côté forêt, tout avait été miné, on ne pouvait pas utiliser. On ne
13 pouvait pas utiliser la route qui venait de Zemunik Gornji, parce que c'est
14 le village croate. Il n'y avait pas eu de résistance, pas de victimes
15 d'ailleurs. A Skabrnja, il y avait eu beaucoup de résistance très forte en
16 revanche, mais personne n'a quitté la route, parce qu'on leur aurait tiré
17 dessus depuis Zemunik Donji et Prkos et Galovac. Ils auraient été comme des
18 pigeons d'argile pour qu'on leur tire dessus.
19 Q. Très bien. Si j'ai bien compris, personne n'aurait pu rentrer dans
20 Skabrnja par une autre route que celle où vous étiez, par la laquelle est
21 entrée la JNA et la TO. Personne n'aurait pu rentrer sans que vous en
22 sachiez quoi que ce soit; c'est cela ?
23 R. Pour ce qui est du côté yougoslave, en effet. Maintenant, pour ce qui
24 est du côté croate, ils auraient pu, c'est vrai, avoir des renforts venant
25 de Prkos, Galovac ou Zemunik, parce que cette partie du village était libre
26 et ils auraient pu obtenir leurs renforts de ce côté-là.
27 Q. Très bien. Vous avez parlé de Goran Opacic et vous avez dit
28 catégoriquement qu'il n'était pas à Skabrnja le 18 novembre 1991. Vous ne
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1 l'avez pas vu, mais vous ne pouvez pas exclure quand même catégoriquement
2 qu'il n'y était pas ?
3 R. Non. Goran Opacic n'était pas à Skabrnja, et cela je le dis encore en
4 toute connaissance de cause, parce qu'il s'occupait principalement
5 d'assurer la sécurité d'hommes politiques en Krajina. C'était un policier
6 d'active à Zadar. Ensuite, ils ont imposé l'emblème, le damier là-bas. Il
7 s'est soulevé, s'est rebellé à Zadar, lors d'une réunion de policiers. Il a
8 quitté Zadar, ensuite, il a créé sa propre société de vigile pour assurer
9 la sécurité d'hommes politiques. Il aimait beaucoup parler, se vanter, mais
10 je sais qu'il assurait la sécurité d'hommes politiques. Je peux dire en
11 tout connaissance de cause qu'il n'était pas à Skabrnja ce jour-là.
12 Q. Vous nous dites qu'il aimait beaucoup se vanter, mais vous savez quand
13 même que Goran Opacic a reçu une médaille pour sa bravoure, à la fois de la
14 police de la RSK et de la police serbe. Le saviez-vous qu'il avait reçu une
15 médaille de bravoure ?
16 R. Non.
17 Q. J'espère que tout est clair, mais à l'automne 1991, Opacic faisait
18 partie de la police de Benkovac, n'est-ce pas ? C'est ce que vous dites ou
19 alors est-ce que vous êtes en train de dire qu'il avait une autre fonction
20 et qu'il travaillait à assurer la sécurité d'hommes politiques ?
21 R. Je ne sais pas s'il était encore membre de la police, mais en tout cas,
22 je sais qu'il assurait la sécurité d'hommes politiques.
23 Q. Savez-vous si à un moment ou à un autre il a été membre de la TO ?
24 R. Non.
25 Q. Je vais passer à autre chose maintenant.
26 Vous avez fait référence à la mort de l'officier de la JNA,
27 Stevanovic. Vous dites que vous êtes arrivée sur la scène très peu de temps
28 après qu'il a été tué. Vous avez évacué son corps hors de Skabrnja. Soyons
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1 clair, vous n'avez pas assisté à sa mort. Vous ne l'avez pas vu se faire
2 tuer ? Quand vous êtes arrivée sur place, il était déjà mort.
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez parlé d'un autre soldat de la JNA qui avait aussi été tué au
5 même moment. C'étaient les deux seuls soldats de la JNA qui ont perdu la
6 vie le 18 novembre 1991 à Skabrnja, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Pour le plaisir de la rhétorique, je vais accepter le fait que
9 Stevanovic était bel et bien debout sur son APC avec son mégaphone. Ce
10 qu'il était en train de dire et de faire, c'était d'offrir aux villageois
11 de Skabrnja une espèce de dernière chance de se rendre avant que les Serbes
12 n'envahissent le village par la force. Je pense que c'est ainsi que l'on
13 pourrait interpréter ce dont vous nous avez parlé, ce que Stevanovic était
14 en train de dire dans son mégaphone.
15 R. Je ne sais pas ce que voulait exactement Stefanovic. Chacun peut
16 l'interpréter à sa guise, mais le but de l'opération était de lever le
17 blocus de la route qui allait vers l'aéroport. Cela, j'en suis sûre.
18 Q. Le but de l'opération finalement n'était-il pas plutôt de prendre le
19 village et d'en chasser tous ses habitants en fin de compte ?
20 R. Non.
21 Q. Si le but était plus ou moins pacifique, comme vous semblez le dire,
22 pourquoi y a-t-il eu tant de crimes commis non seulement le 18 et le 19
23 novembre, mais des crimes qui ont été commis contre le village de Skabrnja
24 jusqu'en février 1992 ? Cela semble quand même indiquer que le but final
25 était bel et bien de prendre le village et d'en chasser ses habitants ?
26 R. Monsieur, je ne sais pas comment ces personnes ont trouvé la mort. Je
27 sais qu'il y avait des civils avec les soldats. L'armée a riposté et a tiré
28 sur chaque cave d'où venaient des tirs, sans savoir exactement qui avait
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1 tiré en premier lieu.
2 Q. Très bien. Vous nous avez déjà dit cela. On va passer à autre chose.
3 Vous avez dit que les forces croates à Skabrnja avaient reçu un
4 soutien d'artillerie depuis les villages avoisinants. Vous dites que
5 c'était l'artillerie croate qui justement était en train de détruire les
6 maisons de Skabrnja. Comment est-ce que vous êtes devenu à croire que
7 c'était bel et bien l'artillerie croate qui détruisait ces maisons et non
8 pas l'artillerie serbe ou l'artillerie de la JNA ? R. L'artillerie de la
9 JNA n'est pas entrée en action. Il y avait des chars, mais ils étaient trop
10 près. Les Croates ont pilonné nos positions à Skabrnja, ils étaient en
11 train de pilonner leur propre village.
12 Q. Vous nous dites que la JNA était trop proche pour utiliser son
13 artillerie, en revanche, les Croates n'ont pas hésité à pilonner leur
14 propre village ? C'est ce que vous êtes en train de nous dire, en utilisant
15 leur artillerie ?
16 R. Ils ont pilonné le village parce qu'on était dans le village.
17 Q. La JNA a aussi pilonné le village ce jour-là. Ils ont quand même aussi
18 employé leur artillerie en plus des canons de leurs chars ?
19 R. Non. Il n'y avait pas de préparatifs d'artillerie. Il n'y a pas eu
20 d'obus qui sont tombés sur Skabrnja.
21 Q. Très bien. Il est 7 heures et demie du matin, vous n'avez entendu aucun
22 tir d'artillerie de la JNA contre Skabrnja ?
23 R. Non.
24 Q. Vous avez déposé et vous avez dit qu'il y avait des tirs qui venaient
25 du clocher de l'église de Skabrnja. Mais cela, c'est faux. Vous le dites
26 pour justifier les dégâts qui ont été infligés à cette église ?
27 R. C'est vrai, il y a eu des tirs depuis le clocher. C'est pour cela
28 qu'ensuite on a ciblé l'église. Le clocher de l'église était extrêmement
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1 haut, tellement haut que depuis ce clocher on voyait très bien sur quoi
2 tirer. Je ne tiens pas à justifier les actions de qui que ce soit. Je suis
3 juste venue ici pour dire la vérité.
4 Q. Vous venez juste de nous dire que les forces de la JNA avaient bel et
5 bien ciblé le clocher. Certes, vous nous avez dit que c'était en riposte à
6 des tirs venant du clocher, mais vous avez quand même dit que le clocher
7 avait été ciblé ?
8 R. Oui, parce qu'on tirait du haut du clocher.
9 Q. Avez-vous été présente au moment --
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. La
11 question était la suivante : confirmez-vous que les forces de la JNA et de
12 la TO ont ouvert le feu en direction de l'église, encore que vous dites que
13 le feu a été ouvert depuis le clocher ?
14 Vous répondez : Oui, parce qu'on tirait du haut du clocher.
15 A la question qui vous a été posée de savoir si l'église a été prise pour
16 cible, si on tirait sur l'église ?
17 M. BLACK : [interprétation] Oui. J'ai compris Monsieur le Président,
18 lorsque Mme le Témoin a dit, oui, c'est-à-dire, qu'on avait pour cible
19 l'église.
20 Q. Est-ce que vous confirmez, Madame, qu'on tirait sur l'église ?
21 R. Ce n'est pas qu'on a pris l'église, qui est un bâtiment de culte qu'on
22 a pris pour cible, mais l'église, à ce moment-là, était une position de
23 tirs des Croates et on tirait depuis l'église.
24 Q. Bien. C'est l'explication que vous donnez, vous. Tout revient à dire
25 qu'on a pris pour cible l'église comme telle ?
26 R. Encore une fois, je me dois de vous dire qu'on n'a pas pris pour cible
27 l'église, qui est un lieu de culte chrétien, mais on tirait sur les
28 positions des forces armées croates.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'était pas la question qui vous a
2 été posée. La question était de savoir si on avait tiré sur l'église ou
3 pas ? Peu importe la raison des tirs.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, on tirait dessus.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On tirait bien. Merci.
6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Black, vous avez demandé si
7 on a tiré sur le clocher. Ensuite, vous avez dit si on tirait sur l'église.
8 Madame, s'il vous plaît, est-ce que le clocher se trouve là où se trouve
9 l'église ou s'agissait-il de deux bâtiments différents ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, le clocher était justement le sommet de
11 l'église.
12 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.
13 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
14 Q. Par conséquent, qui dit clocher dit église comme telle.
15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne sais pas si c'était le cas mais
16 en tout cas, c'était le cas à cette époque-là.
17 M. BLACK : [interprétation]
18 Q. A cette époque-là, c'est-à-dire le clocher faisait partie intégrante du
19 bâtiment qu'est l'église, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Dites-nous, étiez-vous présente au moment où un char a tenté d'entrer
22 dans l'église ?
23 R. Non. Je n'ai jamais entendu parler de cela, d'un cas pareil.
24 Q. Dites-nous, est-ce que vous avez jamais entendu dire que les forces
25 assaillantes sont entrées dans l'église, que ces forces-là ont ouvert le
26 feu à l'intérieur de l'église et qu'elles avaient, ces forces-là, démoli
27 l'autel ?
28 R. Je ne sais pas parce que je ne suis pas allée. Je ne suis pas entrée
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1 dans aucun bâtiment du culte, aucune église.
2 Q. Bon. Est-ce que vous avez vu peut-être que quelqu'un a fait quelque
3 chose de pareil ?
4 R. Je n'ai pas pu le voir puisque je ne m'y trouvais pas.
5 Q. Bien. Hier lors de votre témoignage, vous avez dit que les soldats de
6 la JNA n'étaient pas descendus de la route pendant les combats, et que vous
7 non plus, vous n'avez pas quitté la route, vous n'en n'êtes pas descendue.
8 Est-ce que cela veut dire que les représentants de la TO n'étaient pas
9 descendus de la route non plus ? Est-ce que cela considère uniquement la
10 JNA ou cela concerne aussi la TO ?
11 R. Cela concerne la JNA et la TO parce que le tout se trouvait sous un
12 commandement unique.
13 Q. Ne serait-il pas pratiquement impossible de prendre le contrôle d'un
14 village tel que Skabrnja sans quitter la route, sans descendre de la
15 route ? Qu'est-il advenu de ces combattants qui se trouvaient dans ces
16 différentes cours tout le long de la route, dans des bâtiments, est-ce
17 qu'on les a laissé tirer sur l'armée ou est-ce que le combat a été mené
18 exclusivement depuis la route ?
19 R. Les combats ont été menés exclusivement depuis la route, et pour
20 évacuer la population, il y avait les secteurs libérés vers Zemunik Donji,
21 Galovci et Prkos. Cette opération n'avait pas pour objectif la destruction
22 du village proprement dit.
23 Q. Est-ce que vous voulez dire par là -- enfin vous dites là que les
24 soldats ne quittaient pas la route parce que vous saviez que dans des
25 maisons et dans des cours des crimes ont été commis, des gens ont été
26 retirés des caves. Est-ce que vous voulez là en quelque sorte faire en
27 sorte que les soldats soient débarqués et blanchis de ces crimes qui ont
28 été commis au bord de la route ?
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1 R. Je ne le dis pas et je ne justifie personne. Je ne défends personne
2 pour dire qu'il n'y a pas eu de meurtres dans des caves et dans les
3 jardins. Je ne défends personne, moi.
4 Q. Vous avez dit aussi lors de votre témoignage à plusieurs reprises que
5 les combattants et les civils ont été mêlés et que les uns et les autres se
6 trouvaient dans les sous-sols de maisons et dans les caves. Au prime abord,
7 vous avez dit que vous n'étiez pas descendue de la route. Comment savez-
8 vous que les civils et les combattants se trouvaient mêlés ensemble dans
9 les sous-sols et les caves de maisons ?
10 R. Parce que c'est à partir de ces sous-sols et caves qu'on tirait dessus
11 sur nous, même sur moi, lorsque j'étais employée à donner les premiers
12 secours. Nombreux étaient ces civils qui en sont sortis et qui seront
13 transportés en direction de Benkovac plus tard.
14 Q. Oui, mais comment savez-vous, même si nous acceptons ce que vous dites
15 vous-même qu'on a tiré sur vous, depuis les caves, comment saviez-vous que
16 dans les caves il y avait des civils et des combattants mêlés ensemble ?
17 Comment savez-vous qu'il n'y avait pas de cas où il n'y avait que des
18 combattants et d'autres cas où il y avait que des civils ?
19 R. C'est à partir de ces caves-là que venaient au point de départ, aux
20 positions de départ, qu'il y avait dans les caves des gens qui ont tiré sur
21 la JNA à partir de ces caves. Il s'agit de parler de ces gens-là qui sont
22 venus en position de départ et qui seront évacués en direction de Benkovac.
23 Q. Oui. Mais ces gens-là ne vous ont pas dit qu'ils étaient dans les caves
24 de concert avec les combattants ? En fait, vous ignorez s'il y avait des
25 caves où il y avait en même temps civils et combattants qui étaient
26 ensemble. C'est quelque chose que vous ne faites que supposer ?
27 R. Non, je ne suppose rien. Dans ces caves-là étaient des civils et des
28 combattants et ils allaient vers Krncetina. Je ne sais plus où, près
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1 d'Ambar, du village d'Ambar, où étaient les positions de départ. Ces gens-
2 là sortaient depuis leurs caves. Qui avait-il encore eu dans les caves à
3 côté de ces civils, je n'en sais rien.
4 Q. Bien. Mais quant à vous, vous n'avez jamais vu de vos propres yeux des
5 civils sortir des caves, desquelles caves on tirait sur vous ? Vous ne
6 l'avez pas vu tout cela, ces épisodes-là, de vos propres yeux, vous en avez
7 entendu parler, vous le supposez ?
8 R. Je ne fais aucune supposition. J'ai vu une cave d'où une dizaine
9 d'hommes étaient sortis pour prendre la direction de Krncetina. Les
10 soldats, les nôtres, les orientaient et encore toujours de ces caves-là on
11 tirait dessus.
12 Q. Est-ce que dans la foulée en répondant aux questions, vous changez
13 votre témoignage pour le rendre un petit peu toiletté et rendre conforme
14 moyennant divers détails pour faire en sorte que vos réponses soient
15 appropriées aux questions que je vous pose ?
16 R. Monsieur, je ne fais rien pour, dites-vous, le toilettage ou embellir
17 quoi que ce soit. Il n'y a rien de beau là où il y a des morts, là où la
18 guerre sévit, où on perd la vie et où des gens perdent ceux qui leur sont
19 les plus proches et les plus chers.
20 Q. Pour cela je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous ne voulons
21 aucunement enjoliver ou embellir ce qui se passait par là. Comme j'ai dit
22 tout à l'heure ce que j'ai dit, il y avait des preuves comme quoi des
23 civils ont été retirés des caves. Il n'y a pas que des combattants et que
24 ces gens-là, retirés comme cela, ont été tués. Est-ce que vous allez vous
25 mettre d'accord avec nous que si jamais des choses pareilles se sont
26 produites, que pour de tels actes il n'y a pas de justification, ce n'est
27 autre chose que des crimes, des exactions ? Ces gens-là n'étaient pas là
28 par hasard, non plus qu'ils étaient victimes d'un échange de feu. Ces gens-
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1 là ont été retirés de ces caves pour être mis à mort. Est-ce que vous êtes
2 d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit là d'un crime perpétré ?
3 R. Si c'était comme cela, je dirais pour ma part que ceci devait être un
4 crime. Mais je ne peux pas le dire parce que je ne l'ai pas vu.
5 Normalement, ceci serait certes un crime si on prive une personne humaine
6 de vie et si on empiète sur son droit de vivre.
7 Q. Hier, en témoignant, vous avez dit que vous aviez reçu des informations
8 de la part d'un habitant de ce village qui, lui, était dans une chaise
9 roulante. C'est aujourd'hui que vous l'avez dit en témoignant. Il s'agit
10 d'une personne évacuée par vous. Il s'agit de quelqu'un qui était sous
11 votre contrôle et pratiquement il était livré à votre merci ?
12 R. Pourquoi à ma merci ? Pourquoi à ma merci parce que c'est moi qui l'ai
13 accueilli et lui ai donné à manger. Pourquoi dites-vous qu'il était livré à
14 ma merci ?
15 Q. Excusez-moi si j'en abuse, mais cette personne-là avec laquelle vous
16 avez pu parler était transie de peur ?
17 R. Non. Non, non, pas transie de peur. C'était quelqu'un qui a senti une
18 espèce de sécurité en parlant avec moi, peut-être s'est-il senti heureux
19 d'être tombé sur moi.
20 Q. Lorsqu'il a été évacué en cette date du 18 novembre 1991 de Skabrnja,
21 il n'avait pas peur, il était tout heureux de pouvoir vous rencontrer ? Il
22 a parlé avec vous de façon assez courtoise ?
23 R. Oui. Je crois que notre conversation a été vraiment spontanée.
24 Q. Vous avez déclaré qu'un certain Miljanic n'a pas permis à des civils
25 d'être évacués du village. En fait, il y a pas mal de civils qui se sont
26 enfuis de ce village, n'est-ce pas, qui ont fui le village ?
27 R. Je ne sais pas combien ils étaient les civils qui ont fui le village,
28 mais il m'a raconté cet homme-là qu'un certain Miljanic n'a pas permis à
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1 des civils d'être évacués, mais qu'il les a plutôt utilisés sous forme d'un
2 bouclier humain.
3 Q. Vous nous avez parlé de tout cela. Vous l'avez bien expliqué. Nous
4 n'avons pas trop de temps à notre disposition; n'essayons pas de faire de
5 redondances par rapport à ce que vous avez dit.
6 Vous dites que ceux qui, en date du 18 novembre 1991, n'ont pas fui
7 le village, ce n'est pas dire que quelqu'un leur a permis ou ne leur a pas
8 permis, mais ils n'ont pas été avisés ces gens-là pour fuir. Ils n'avaient
9 pas eu le temps. Ils n'ont fait à la dernière minute que se terrer dans les
10 caves n'est-ce pas ?
11 R. Monsieur, celui qui voulait survivre et sauver sa vie, il ne devait pas
12 évidemment demander l'avis de qui que ce soit. A Skabrnja, y avait
13 suffisamment d'espace et de temps, pour qu'en toute sécurité, on puisse se
14 retirer de Skabrnja.
15 Q. Est-ce qu'en vérité vous témoignez maintenant pour dire que ce
16 Miljanic, délibérément, a sacrifié les villageois de Skabrnja ? Quand vous
17 dites : il les a utilisés comme boucliers humains pour aboutir à quelque
18 chose, pour réaliser un objectif ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous ne tentez pas de justifier les meurtres commis et les crimes
21 commis dans Skabrnja parce qu'en faisant tomber la responsabilité sur
22 Miljanic ou sur quelqu'un, qui serait du côté Croate, est-ce que vous
23 voudrez peut-être justifier les crimes qui ont été commis là-bas ?
24 R. Je ne justifie aucun crime, et cela est terrible de voir ce qui s'était
25 produit. Il suffit de voir une seule personne blessée et ce serait déjà
26 très grave. Je ne justifie surtout pas son acte à lui, s'il l'a fait pour
27 des intérêts qui étaient les siens parce qu'il a voulu sacrifier son propre
28 peuple. Je ne justifie personne qui aurait agit de cette façon-là pour
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1 sacrifier qui que ce soit. Ce n'est pas moi qui vous le dis; c'étaient les
2 propos que j'ai relatés, les propos de cet homme qui était dans une chaise
3 roulante et qui m'a dit qu'avant de prendre la retraite, il était policier
4 de carrière.
5 Q. Je vais passer maintenant à un autre sujet.
6 Après l'attaque lancée dès le 18 et 19 novembre 1991, il y avait encore des
7 civils dans Skabrnja, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Accepteriez-vous que depuis ce moment-là jusqu'en février 1992, plus de
10 20 personnes ont été tuées à Skabrnja ?
11 R. Je ne saurais vous préciser un chiffre quelconque de personnes tuées.
12 Q. Vous savez qu'il y avait des gens qui ont été tués ?
13 R. Oui, il y avait des gens qui ont été tués.
14 Q. Savez-vous qui en était responsable de ces meurtres ?
15 R. Non.
16 Q. Est-ce qu'approximativement, vous seriez en mesure de nous dire combien
17 de gens ont été tués là-bas ?
18 R. Je ne saurais vous le dire. Je ne peux pas être certaine pour avancer
19 quelque chiffre que ce soit. Je crois que je risque de commettre une
20 erreur.
21 Q. Je vous comprends. Nous avons entendu des témoignages dans le cadre de
22 la présente affaire qu'en décembre 1992 [comme interprété] des membres de
23 la TO tuaient des personnes âgées dans Skabrnja. Avez-vous jamais entendu
24 parler de quelque chose de pareil ?
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quel TO il s'agit pour parler de
26 membres ?
27 M. BLACK : [interprétation] Je crois qu'il s'agissait des membres de la
28 Défense territoriale de Benkovac, de la SAO Krajina, mais non pas de la TO
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1 de Croatie.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais rien là-dessus.
3 M. BLACK : [interprétation]
4 Q. Lors de votre témoignage, vous dites que lorsqu'en date du 19 novembre,
5 les soldats s'étaient dirigés vers Nadin, qu'il y avait de tirs
6 sporadiques, mais qu'on ne pouvait pas dire qu'une importante résistance a
7 été livrée là-bas. Est-ce que vous savez ou avez-vous entendu dire que le
8 19 novembre des civils ont été tués à Nadin ? Il s'agit de 1991.
9 R. Je l'entendrai seulement plus tard, mais je ne sais pas qui a commis
10 tous ces meurtres. Pendant que l'armée y passait, je n'ai jamais entendu
11 personne en parler; mais plus tard seulement, j'en entendrai parler et j'en
12 ai été surprise.
13 Q. Qu'est-ce que c'est ce que vous avez entendu plus tard comme vous
14 dites ? Est-ce que vous vous souvenez des détails ?
15 R. Ce n'est que quelques années plus tard que j'apprendrai que des civils
16 auraient été trouvés morts, tués dans une maison de Skabrnja, mais je ne
17 sais pas vous dire par qui ces gens-là ont été tués et dans quelles
18 circonstances non plus.
19 Q. Avez-vous jamais entendu quoi que ce soit que prétendument une grande
20 partie du village de Nadin a été incendiée, le soir même, en date du 19
21 novembre 1991 ?
22 R. Non. Non, je ne pouvais pas entendre parler parce que je me suis
23 trouvée déjà à Benkovac, à ce moment-là, et les militaires et les membres
24 de la TO étaient déjà venus à Benkovac à ce moment-là.
25 Q. Je vous remercie. Encore un dernier sujet.
26 Vous avez dit qu'une infirmière nommée Zorana Banic purge sa peine de
27 prison en Croatie, et d'après vous, elle a été jugée à cette peine de
28 prison de façon tout à fait injuste, et qu'à votre égard, vous avez été
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1 jugée par contumace et un jugement a été rendu contre vous pour des crimes
2 commis à Skabrnja, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, mais quant à Zorana Banic, elle ne se trouvait pas du tout à
4 Skabrnja. J'y étais, mais je ne suis pas une criminelle. J'étais là pour
5 venir en aide aux gens, et je suis heureuse d'avoir eu la chance de le dire
6 devant cette Chambre de première instance. Il est normal aussi de dire que
7 je regrette que c'est quelqu'un qui ne pourrait pas tuer une fourmi. Je ne
8 la connais pas comme cela mais je connais sa famille. Je sais qu'elle a été
9 condamnée à une peine de prison de six ans, et cela de façon tout à fait
10 injuste, et je sais qu'elle est là-bas pour purger sa peine. J'ai été
11 convoquée via l'Interpol au palais de justice de Belgrade pour témoigner
12 dans le cadre de cette affaire-là. J'y ai déposé mon témoignage également
13 là-dessus.
14 Q. Je vous remercie. Je n'ai plus de questions pour vous, Madame le Témoin.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Black.
16 Monsieur Milovancevic, c'est à vous, s'il vous plaît.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Nouvel interrogatoire par M. Milovancevic :
19 Q. [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez, Madame le Témoin, que
20 le Procureur vous a posé plusieurs questions sur ce qui s'est passé comme
21 vous avez dit le 30 septembre 1991, près de Nadin, lorsque vous étiez
22 entrée dans un champ de mines ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
23 R. Oui.
24 Q. Pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet de la raison de cette
25 action lancée par la JNA ? Que voulait-on obtenir ? Quelle est la raison de
26 voir la JNA partir vers Nadin ?
27 R. C'est que depuis la Nadinska Glava, Benkovac s'est trouvée pilonnée
28 quelques jours préalablement, et les routes, de même que Biljane Donje et
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1 Biljane Gornje en direction de Ravni Kotari, cette route-là se trouvait
2 impraticable pour l'armée, pour des civils. Les gens ne pouvaient
3 absolument pas faire des travaux dans leurs champs.
4 Q. Depuis quand prévalait cette situation ? Vous dites que du haut de
5 Nadinska Glava on pilonnait. Pendant combien de temps est-ce que tout cela
6 a duré comme cela ?
7 R. Cela se faisait de façon sporadique. Pendant deux jours, il y avait des
8 pilonnages, et deux jours, il y avait accalmie. Deux jours, par exemple,
9 durait une attaque contre Biljane Gornje moyennant les obus. Du haut de
10 cette élévation, on devait pouvoir aller également vers l'aéroport, mais on
11 ne pouvait pas évidemment emprunter la route parce que tout a été miné,
12 tout le secteur a été miné. On ne pouvait pas aller vers l'aéroport.
13 Q. Lorsque vous dites que depuis Nadin, depuis cette élévation, on tirait,
14 moyennant quelle arme tirait-on en direction de la route et sur Biljane ?
15 R. On pouvait prendre la route pour cible moyennant les armes telles,
16 fusils, fusils mitrailleurs. C'est moyennant les mortiers qu'on tirait sur
17 Benkovac et les villages environnants.
18 Q. Combien de temps cette opération d'obusiers a duré ? Vous n'avez peut-
19 être pas compris ma question. Si vous considérez le 30 septembre, combien
20 de temps cette opération par obusiers a duré, 10 jours, 15 jours, un mois ?
21 Est-ce que vous comprenez ?
22 R. Pendant un mois à peu près. Dès que quelqu'un apparaissait, on lui
23 tirait dessus de sorte que personne n'était sûr au passage.
24 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ces gens-là, à Nadin, étaient armés ?
25 R. Ils ont été armés par le Parti du HDZ, le parti qui se trouvait au
26 pouvoir et qui a été détruit la Yougoslavie.
27 Q. Comment vous le savez ? Vous dites que le HDZ les a armés. Comment vous
28 le savez ?
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1 R. Parce que tous les membres du HDZ dans mon village avaient reçu des
2 armes.
3 Q. Vous avez dit que ces tirs, à partir de Nadin, avaient empêché les
4 déplacements de la JNA. Quelles ont été les conséquences de ce feu sur la
5 JNA ?
6 R. Tout simplement, la JNA avait du matériel à l'aéroport et elle ne
7 pouvait par le retirer. Les hommes sont restés sans la nourriture et sans
8 les autres besoins. La JNA ne pouvait pas aller les prendre.
9 Q. Je vous comprends que l'on a tiré sur Zemunik, mais comment vous pouvez
10 savoir que la JNA n'avait plus de nourriture ?
11 R. Ils ne pouvaient pas avoir la nourriture quand ils ne pouvaient pas
12 acheminer la nourriture depuis l'aéroport, la route ayant été bloquée.
13 Q. Si la route principale était bloquée, n'y avait-il pas d'autres voies
14 pour approcher l'aéroport ?
15 R. C'était l'unique route menant à Smiljcici entre Zemunik, Tromilje,
16 Zemunik Donji via Biljane. L'on devait traverser une forêt à travers le
17 village serbe de Smokovic, mais le passage n'était pas sûr, la localité
18 s'appelle Suhovar [phon] et c'est là que les gens mourraient le plus.
19 Q. Avant ce 30 septembre 1991, la JNA n'utilisait pas cette voie
20 accessoire, mais plus tard ?
21 R. Oui. La voie qui traversait les champs et les bois.
22 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la raison pour les unités de la JNA
23 de se diriger vers Nadin ? Vous étiez là, qu'est-ce qu'on vous a dit ?
24 R. Il m'a été dit qu'il s'agissait d'un déblocage des villages de Ravni
25 Kotari et le déblocage de l'aéroport. C'était sa raison. Il s'agit de la
26 route Benkovac-Biljane Donje et la partie serbe de Zemunik Gornji que l'on
27 ne pouvait accéder que par la forêt et la partie supérieure par Biljane
28 Gornje, Kasic et Islam.
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1 Q. Vous vous souvenez que mon collègue vous a posé la question ainsi que
2 la Chambre, que la JNA était la première à se diriger vers Nadin ce 30
3 septembre 1991 ?
4 R. Oui.
5 Q. Lorsque la JNA s'est dirigée vers Nadin, qu'est-ce qu'elle représentait
6 en Yougoslavie ?
7 R. C'était l'armée populaire de Yougoslavie, l'armée dont le serment dit
8 qu'il relevait de son devoir de protéger et de défendre la souveraineté de
9 son Etat.
10 Q. Merci. D'après vous, qui étaient ces hommes à Nadin qui tiraient par
11 obusiers, par les armes d'infanterie ?
12 R. C'étaient des Oustachi.
13 Q. Qui combattaient-ils ?
14 R. Ils combattaient l'armée populaire de Yougoslavie, l'armée de l'Etat
15 existant de Yougoslavie où du reste, ils vivaient, eux aussi.
16 Q. Je vous remercie. Vous souvenez-vous que mon confrère de l'Accusation
17 vous a posé une question liée à un rapport d'autopsie ?
18 R. Oui.
19 Q. En vous présentant, vous avez dit que vous avez fait un lycée technique
20 d'administration ?
21 R. Oui. Mais je n'ai pas fait ce travail, mais j'ai travaillé dans une
22 usine de Jugoplastika.
23 Q. Oui, merci. Est-ce que vous avez fréquenté une école médicale ?
24 R. J'étais élément de la protection civile de la société Jugoplastika.
25 Q. Merci. A part les cours de formation que vous avez mentionnés, est-ce
26 qu'officiellement vous avez acquis des connaissances de médecine dans une
27 école ?
28 R. Non, juste les premiers secours.
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1 Q. Vous dites que vous étiez élément de la protection civile et que vous
2 dispensiez des premiers secours, est-ce que ce sont les seules
3 connaissances de médecine que vous connaissiez ?
4 R. Oui. Il n'y a que cela.
5 Q. Je vous remercie. En mentionnant les événements de Skabrnja, les 18 et
6 19 novembre 1991, une question vous a été posée pour savoir qui avait pris
7 part à cette action. Vous vous en souvenez ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'à la question posée vous avez expliqué
10 à plusieurs reprises que vous aviez été à Biljane Donje une fois que les
11 coups de feu avaient déjà commencé ?
12 R. Oui.
13 Q. Pouvez-vous nous redire comment se fait-il que vous, venant de Trljuge
14 en tant qu'élément du service de santé d'une unité de la TO de Benkovac,
15 vous vous rendiez au hameau d'Ambar ? Qui vous avait invité à venir ?
16 R. J'ai été invité par le commandant de la TO, Lakic, et par le
17 commandement de Skabrnja, où un soldat était mort, parce que nous avions
18 une communication par radio.
19 Q. Quand vous avez dit que vous étiez partie avec une unité de la JNA, le
20 matin, et que vous étiez arrivée à Trljuge, quand vous dites : "Nous sommes
21 arrivés à Trljuge" qui est arrivé à Trljuge ?
22 R. C'est le service de santé qui est arrivé à Trljuge. C'est un hameau.
23 C'est un hameau du village de Biljane Donje.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez que l'Accusation vous a demandé si la JNA
25 et la TO avaient pris part aux combats ? Vous souvenez de cette question ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous souvenez que vous avez répondu que les unités de la TO
28 ce jour-là, le 18 ou le 19, étaient sous le commandement de la JNA ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous en tant qu'élément de TO et du service de santé étiez
3 sous le commandement de la JNA ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous vous souvenez que mon collègue de l'Accusation vous
6 avait posé des questions pour savoir comment vous saviez que civils et
7 militaires se trouvaient dans les maisons à côté de la route ? Est-ce que
8 vous vous en souvenez ?
9 R. Oui, je m'en souviens.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez que mon collègue de l'Accusation vous a
11 demandé comment vous saviez que des civils étaient ensemble avec des
12 personnes armées ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer sur quelle base soutenez-vous que
15 les civils et ces gens qui vous tiraient dessus se trouvaient dans la même
16 maison et dans la même cave si vous n'êtes pas entrée dans ces maisons ?
17 R. Parce que devant chaque fenêtre du sous-sol, il y avait des sacs de
18 sable de protection, et du fait que l'on tirait à partir des caves et que
19 les civils qui sortaient des caves -- on voyait les civils sortir des
20 caves, et nous, nous les avons pris en charge pour les emmener à Krncetina.
21 Mais on tirait à partir des caves.
22 Q. Je vous remercie. A propos de ces civils qui apparaissaient
23 dedans les caves, pouvez-vous nous dire quelle était l'attitude des soldats
24 de la JNA à leur égard, du moment où ils apparaissent au moment où on tire.
25 Que font à ce moment-là les soldats de la JNA ?
26 R. Il les dirige vers Krncetina. C'est vers le début de Skabrnja. C'est
27 pour leur éviter de mourir, c'est pour leur épargner la vie.
28 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous vous souvenez que le président
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1 vous avait demandé si vous aviez vu des blessés, des morts, que faisiez
2 vous ? La question était liée aux supplices de cette personne.
3 R. Oui.
4 Q. Pouvez-vous nous dire, en tant qu'infirmière, qui vous informait sur
5 l'existence des blessés et des morts ?
6 R. Ce sont les soldats qui m'informaient.
7 Q. Si vous dites que ce sont les soldats qui vous informaient, quels
8 soldats ?
9 R. Les soldats de la JNA et de la TO qui en faisaient partie.
10 Q. Je vous remercie. S'agissant des blessés civils, qui vous informaient
11 que des civils étaient blessés ?
12 R. Par des soldats.
13 Q. Pouvez-vous nous dire, quelle était votre attitude à vous et celle des
14 personnes qui prenaient en charge ces civils blessés, aussi bien les civils
15 qui n'étaient pas blessés et ceux qui l'étaient ? Quelle était leur
16 attitude à leur égard ?
17 R. Dans la mesure du possible, mon équipe et moi-même, nous leur
18 apportions les premiers secours. Nous pansions leurs plaies, mais pour ce
19 qui est des morts, ce n'était pas à nous de nous en occuper. C'était
20 l'affaire de l'assainissement ensuite.
21 Q. Vous vous souvenez que mon collègue de l'Accusation vous a demandé si
22 vous vous déplaciez uniquement sur la route et si vous empruntiez d'autres
23 chemins à côté de la route ?
24 R. Oui, je m'en souviens.
25 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si à Skabrnja, à Skabrnja même, il y
26 avait des parties minées ?
27 R. Oui.
28 Q. Où c'était ? Est-ce que vous le savez ?
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1 R. Skabrnja était toute minée, depuis Ambar et tout le chemin jusqu'à
2 Biljane Gornje, jusqu'à Nadin et Nadinska Glava dans la direction de
3 Rastevic.
4 Q. Lorsque vous dites que tout cela était miné, d'où avez-vous ces
5 informations ? Est-ce que vous le saviez à cette époque-là ?
6 R. Les premières mines démontées antichars se trouvaient à l'entrée de
7 Skabrnja. A Nadin, je savais d'avance que tout était miné, parce que moi-
8 même je me suis trouvée dans un champ de mines lorsque j'ai évacué deux
9 soldats qui avaient touché une mine antichar. Heureusement, je n'avais
10 touché aucune de ces mines, et par la suite on les a démontées.
11 Q. Est-ce que le 19 novembre 1991, lorsque vous êtes arrivée à Nadinska
12 Kosa, il y avait des mines ? Est-ce que quelqu'un a été blessé ou il n'y
13 avait pas de blessés ?
14 R. Oui, il y avait un champ de mines posées là-bas et nous avons trouvé
15 des mines antipersonnel, et il y a eu quelques éléments de l'armée de la
16 JNA qui ont été tués.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, votre temps s'est
18 écoulé. S'il vous plaît, de combien de temps avez-vous besoin encore ?
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je crois que je touche à la fin de mon
20 interrogatoire. Il me reste peut-être encore une question. Permettez-moi de
21 consulter mes notes. C'est la dernière question, Monsieur le Président.
22 Q. Mon collègue de l'Accusation vous a posé la question à plusieurs
23 reprises : si vous avez témoigné ici en changeant, ou en défigurant les
24 faits, ou en dissimulant les faits pour justifier quelque chose, vous en
25 souvenez ?
26 R. Oui, je m'en souviens.
27 Q. Est-ce que vous avez dit ici ce que vous avez vu ?
28 R. J'ai dit la vérité de ce que je savais. Ce que j'ignorais, je ne
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1 pouvais pas en parler.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai terminé mon interrogatoire.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
5 Questions de la Cour :
6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Madame le Témoin, je vous prie de
7 répondre à ma question suivante, qui est une question de principe. Comment
8 se fait-il que M. Lakic, Dragan Lakic, vous ait demandé de faire partie de
9 cette opération ?
10 R. Ce n'est pas Dragan Lakic, mais Zoran Lakic.
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] J'ai dit Zoran, Zoran Lakic.
12 R. Puisque je faisais partie de la protection civile de Jugoplastika et
13 membre de la Défense territoriale comme tout autre habitant du pays, il m'a
14 demandé d'être dans la protection civile et j'ai répondu à l'appel de
15 l'Etat. Dans le cas contraire, j'aurais fait l'objet de sanctions.
16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quelle était la chaîne de
17 commandement au-dessus de vous ?
18 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire en disant "au-dessus de
19 moi."
20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien, qui était votre commandant à
21 vous ?
22 R. Mon commandant de la TO, c'était M. Zoran Lakic, mais l'action en
23 l'espèce était commandée par un officier de la JNA. D'abord, c'était un
24 homme nommé Stevanovic, mais l'autre, j'en ignore le nom.
25 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Mais c'était l'officier qui est mort,
26 Stefanovic, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. Encore une question
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1 d'ordre général. Est-ce que vous avez eu à faire face avant à des cadavres
2 ou c'était la première fois que vous avez vu un cadavre dans des
3 circonstances pareilles ?
4 R. C'était la première fois, la première guerre et les premières atrocités
5 que j'ai vues et c'était dur à voir et à vivre. On doit être psychiquement
6 très fort pour endurer cette épreuve.
7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Certes. Je le comprends. Votre souci
8 principal était les blessés et non les morts, vous l'avez dit.
9 R. Oui.
10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quand vous voyiez un corps
11 ressemblant à un cadavre, vous ne l'approchiez pas ?
12 R. Non.
13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Combien de morts ou qui en avaient
14 l'air, avez-vous vu au total à Skabrnja à ce moment-là ?
15 R. Je n'avais vu que sur la route quelques morts. J'essayais de ne pas
16 regarder parce que ce n'est pas facile de regarder les morts. C'est une vie
17 humaine. Même quand il s'agit d'une personne. Mais les blessés, je les
18 aidais dans la mesure du possible.
19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Peut-être que nous n'avons pas très
22 bien compris. Vous avez dit que vous aviez vu quelques corps sur la route.
23 Qu'est-ce que cela veut dire "quelques-uns ?" Est-ce que vous pouviez
24 préciser un petit peu pour que nous puissions comprendre, même si je
25 comprends bien que vous avez cherché à ne pas trop les regarder. Ceux que
26 vous avez vus, ils étaient combien ?
27 R. J'en ai vu quatre parce qu'il y avait une vieille personne blessée
28 parmi eux, c'est ainsi que j'ai dû les voir. Je vous répète que ce n'était
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1 pas facile de les regarder.
2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Cela, je le comprends, je vous
3 remercie. Ce sera tout.
4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Madame Pupovac, la première
5 question que je souhaite vous poser est la suivante : les crimes pour
6 lesquels vous avez été condamnée par contumace devant les tribunaux croates
7 à Skabrnja, c'étaient quels délits ?
8 R. J'ignore parce que je n'ai jamais eu la possibilité de me défendre et
9 c'est pour cela que je me félicite de l'occasion qui m'est offerte de me
10 présenter ici devant ce Tribunal international pour y faire part de la
11 vérité que je connais. Je sais que j'ai été condamné à 20 ans par
12 contumace. Je ne sais pas pourquoi. Parce que je les ai aidés.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Je vais essayer
14 d'être très brève. Voici ma question suivante : s'agissant des éléments de
15 la JNA à Skabrnja, est-ce que vous pouvez nous dire comment étaient-ils
16 habillés ? Quelles sortes d'uniformes portaient-ils, y compris
17 éventuellement, les bonnets ? Quels insignes portaient-ils et épaulettes ?
18 Je vous prie de nous faire la même description pour les éléments de la TO
19 qui, comme vous le dites, étaient subordonnés au commandement de la JNA
20 dans cette opération ?
21 R. C'était un uniforme couleur gris olive, --
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous parlez d'abord de la JNA ?
23 R. Oui. Ils portaient l'uniforme couleur gris olive avec des bonnets ou
24 avec un casque avec une étoile rouge, insigne de l'Etat qu'ils
25 représentaient, parfois il y avait quelques uniformes de camouflage.
26 Certains portaient l'uniforme de camouflage, d'autres portaient l'uniforme
27 gris olive. La TO, par exemple, portait aussi l'uniforme gris olive.
28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pour la TO, vous avez dit qu'ils
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1 portaient également l'uniforme gris olive. Qu'est-ce qu'ils portaient sur
2 la tête ? Ils avaient un couvre-chef, des insignes ?
3 R. Ils portaient des casques ou des bonnets, les mêmes que les éléments de
4 la JNA.
5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous n'avez mentionné aucun
6 insigne, emblème ou épaulette. Est-ce qu'ils portaient des choses comme
7 cela ?
8 R. Non. Tout ce que je sais, ils portaient un brassard blanc à l'épaule
9 gauche. L'armée portait l'étoile rouge, mais la TO aussi sur leurs bonnets
10 et casques.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] S'agissant des éléments de la TO,
12 pouvez-vous nous dire quel âge moyen était celui des éléments de la TO ?
13 R. C'étaient des gens d'entre deux ages. Je ne connaissais pas tout le
14 monde. Je n'ai pas vu leurs extraits de naissance.
15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous passons maintenant à un sujet
16 très délicat. Qu'est-ce que cela veut dire "âge moyen ?" Est-ce que c'est
17 50 ans ou 35 ?
18 R. A partir de 40 ans et plus âgé.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous disiez donc qu'ils étaient
20 âgés d'à peu près 40 ans et plus ?
21 R. Oui.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, Madame Pupovac.
23 Encore une dernière question : est-ce qu'à aucun moment vous avez été
24 ambassadeur de Yougoslavie, diplomate ou ambassadeur de Yougoslavie à
25 n'importe quel moment ?
26 R. Jamais de ma vie et je n'aurais jamais même aimé l'être.
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] C'était ma dernière question. Je
28 vous remercie.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame. Nous avons
2 terminé. C'est la fin de notre session d'aujourd'hui. Nous allons reprendre
3 demain à 14 heures un quart. Je vous prie, Madame, d'être au prétoire à
4 cette heure-là demain.
5 Nous terminons notre travail pour aujourd'hui jusqu'à demain à 2 heures et
6 quart.
7 L'audience est levée.
8 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mercredi 1er
9 novembre 2006, à 14 heures 15.
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