Composée comme suit :
M. le Juge May, Président
M. le Juge Kwon
M. le Juge Patrick Robinson
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
4 avril 2003
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DÉCISION RELATIVE À L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE DÉPOSÉE PAR PREDRAG BANOVIC POUR VICE DE FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION
Le Bureau du Procureur :
Mme Joanna Korner
Les conseils des Accusés :
Mme Sanja Turkalov, pour Momcilo Gruban
Mme Slobodanka Nedic, pour Dusko Knezevic
MM. Theodore Scudder et Dragan Ivetic, pour Dusan Fustar
M. Jovan Babic, pour Predrag Banovic
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),
VU l’exception préjudicielle pour vice de forme de l’acte d’accusation déposée par Predrag Banovic le 18 décembre 2002 (Predrag Banovic’s Preliminary Motion Alleging Defects in the Form of the Indictment, la « Requête »),
VU la réponse globale de l’Accusation aux exceptions préjudicielles des accusés Momcilo Gruban, Dusan Fustar, Predrag Banovic et Dusko Kneževic pour vice de forme de l’acte d’accusation consolidé et aux fins d’un procès séparé (Prosecution’s Consolidated Response to Defence Preliminary Motions Alleging Defects in the Form of the Consolidated Indictment and Seeking a Separate Trial, Filed by the Accused Momcilo Gruban, Dusan Fustar, Predrag Banovic and Dusko Kneževic), déposée le 24 janvier 2003 (la « Réponse »),
Forme de l’acte d’accusation
VU l’argument de la Défense selon lequel l’ensemble de l’acte d’accusation est trop vague et constitué de formules dénuées de tout contenu substantiel, et qu’il devrait indiquer le moment auquel les faits se sont produits, l’identité des victimes et les moyens employés pour perpétrer les crimes,
VU l’argument de l’Accusation selon lequel les faits pertinents, notamment l’identité des victimes, le moment et le lieu des faits et les moyens par lesquels les actes ont été commis, sont exposés de manière suffisante aux annexes A à F de l’acte d’accusation, et que la Défense détient des copies des déclarations de témoins sur lesquelles se fondent les allégations,
ATTENDU que l’article 18 4) du Statut exige que le Procureur établisse un acte d’accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le ou les crimes qui sont reprochés à l’accusé, mais que l’acte d’accusation ne doit pas nécessairement préciser les éléments constitutifs de chaque crime, étant donné que tout ce qui est requis est un exposé succinct des faits et des crimes reprochés en vertu du Statut1,
ATTENDU que cette obligation doit être interprétée à la lumière des droits conférés aux accusés en vertu de l’article 21 4) a) et b) du Statut2,
VU l’article 47 C) du Règlement, qui dispose que « SlC’acte d’accusation précise le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant et présente une relation concise des faits de l’affaire et de la qualification qu’ils revêtent »,
ATTENDU que les allégations contenues dans un acte d’accusation seront suffisamment précises dès lors que les faits essentiels du dossier de l’Accusation sont exposés de manière concise, avec suffisamment de précision pour que l’accusé soit clairement informé de la nature et de la cause des accusations portées à son encontre, de manière à ce qu’il soit en mesure de préparer sa défense3,
ATTENDU que le caractère essentiel d’un fait ne peut être établi de manière abstraite, qu’il dépend de la nature de la cause de l’Accusation et qu’un élément décisif pour déterminer le degré de précision avec lequel l’Accusation est tenue de présenter les faits de l’espèce est la nature du comportement criminel reproché à l’accusé, notamment le lien de ce dernier avec les faits incriminés4,
ATTENDU que
a) la liste des victimes figure dans les annexes jointes à l’acte d’accusation, et qu’il y est indiqué quel accusé est présumé être personnellement responsable de leur sort, et
b) que les crimes qui auraient été commis contre ces victimes sont également indiqués , tout comme les dates ou l’époque auxquelles ils se seraient produits,
ATTENDU, par conséquent, que la Chambre de première instance est convaincue qu’au regard de l’importante quantité de faits allégués, l’acte d’accusation est aussi précis qu’il peut l’être sur l’identité des victimes, les crimes allégués et leurs dates, et que l’accusé est donc suffisamment informé de la nature et de la cause des accusations portées contre lui pour être en mesure de préparer sa défense,
Entreprise criminelle commune
VU l’argument de la Défense selon lequel l’introduction de la notion de responsabilité à raison d’une entreprise criminelle commune élargit considérablement le champ de la responsabilité pénale de Predrag Banovic, et que l’accusé ne devrait pas être tenu pénalement responsable de crimes qui auraient été commis par d’autres au camp d’Omarska, où l’accusé n’a jamais rempli la moindre fonction,
VU la réponse de l’Accusation qui affirme que l’acte d’accusation consolidé précise auquel des deux camps se rapporte chacun des accusés, à savoir
a) le paragraphe 21 de l’acte d’accusation fait état du rôle d’ensemble joué par Predrag Banovic au sein des camps,
b) les paragraphes 21 a) et b) de l’acte d’accusation font état du rôle spécifique qu’il a joué comme garde au camp de Keraterm, tandis que les annexes C et F énumèrent les actes qu’il a commis personnellement, en tant que complice et à titre de participant à l’entreprise criminelle commune,
ATTENDU que les points qui doivent être présentés lorsqu’une personne est accusée de participation à une entreprise criminelle commune sont les suivants :
a) la nature ou l’objectif de l’entreprise criminelle commune,
b) le moment auquel ou la période pendant laquelle l’entreprise est censée avoir existé,
c) l’identité des participants à cette entreprise – pour autant qu’elle soit connue – ou du moins la catégorie à laquelle ils appartiennent en tant que groupe, et
d) la nature de la propre participation de la personne à cette entreprise5,
ATTENDU, en outre, qu’en application de l’article 48 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), la Chambre de première instance a déjà procédé à la jonction des deux actes d’accusation concernant les différents camps, au motif qu’ils se rapportent à la même opération6,
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 72 DU RÈGLEMENT,
REJETTE LA REQUÊTE.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
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Juge May
Fait le 4 avril 2003
La Haye (Pays-Bas)