LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

Affaire n° IT-98-32/1-PT

LE PROCUREUR DU TRIBUNAL

CONTRE

MILAN LUKIC
SREDOJE LUKIC

DEUXIÈME ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du Tribunal »), accuse :

MILAN LUKIC

et

SREDOJE LUKIC

de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme précisé ci-après :

Les Accusés

1. Milan Lukic, Serbe de Bosnie, fils de Mile, né le 6 septembre 1967 à Foca, est originaire du village de Rujiste, qui se trouve à environ 15 kilomètres au nord de Visegrad. Il a vécu pendant quelque temps en Allemagne, en Suisse et à Obrenovac, en Serbie. Milan Lukic est retourné à Visegrad en 1992 où il a organisé un groupe paramilitaire local, dont les membres étaient parfois appelés les « Aigles blancs » et les « Justiciers ». Ce groupe avait des liens avec la police de Visegrad et des unités militaires serbes.

2. Sredoje Lukic, Serbe de Bosnie, fils de Đordje, né le 5 avril 1961 ŕ Rujiste, dans la municipalité de Visegrad, est un cousin de Milan Lukic. Avant et pendant la guerre, Sredoje Lukic était policier à Visegrad. Après que la guerre eut éclaté, il a rejoint l’unité paramilitaire de Milan Lukic.

Accusations

Chef 1
(Persécutions)

3. Entre le 7 juin 1992 et le 10 octobre 1994, Milan Lukic et Sredoje Lukic, agissant de concert avec Mitar Vasiljevic et d’autres personnes qui ne sont pas mises en accusation, ont commis et aidé et encouragé ŕ commettre un crime contre l’humanité, à savoir des actes de persécution à l’encontre de civils musulmans de Bosnie et d’autres civils non serbes pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, dans la municipalité de Visegrad.

4. Milan Lukic et Sredoje Lukic, animés de l’intention spécifique d’établir une discrimination sur des bases politiques, raciales ou religieuses, ont commis le crime de persécution, et, conscients de l’intention discriminatoire d’autres auteurs, ont aidé et encouragé à commettre le crime de persécution, en participant aux infractions suivantes :

a) le meurtre de civils musulmans de Bosnie et autres civils non serbes comme cela est exposé aux paragraphes 7 à 10 et 11, infra, et, de surcroît, en ce qui concerne Milan Lukic seulement, aux paragraphes 5, 6 et 12, infra ;

b) le traitement cruel et inhumain (sévices graves) de civils de Bosnie musulmans et autres civils non serbes pendant des périodes prolongées, comme cela est exposé aux paragraphes 13 à 15, infra ;

c) la détention et l’internement illégaux de civils musulmans de Bosnie et autres civils non serbes dans des conditions inhumaines, comme cela est exposé aux paragraphes 7 à 10 et 11, infra ;

d) le harcèlement, l’humiliation, la terreur et la violence psychologique contre des civils musulmans de Bosnie et autres civils non serbes comme cela est exposé aux paragraphes 7 à 10, 11 et 13 à 15, infra, et, de surcroît, en ce qui concerne Milan Lukic seulement, aux paragraphes 5, 6 et 12, infra, et

e) le vol de biens personnels et la destruction de maisons de civils musulmans de Bosnie et autres civils non serbes, comme cela est exposé aux paragraphes 7, 9 et 11, infra.

Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

Chef 1 :

Persécutions, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 h) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 2, 3, 4 et 5
(Meurtre et traitement cruel d’hommes musulmans de Bosnie près de la Drina)

5. Le 7 juin 1992 ou vers cette date, Milan Lukic, ainsi que Mitar Vasiljevic et d’autres personnes qui ne sont pas mises en accusation, ont emmené sept Musulmans de Bosnie au bord de la Drina où ils leur ont ordonné de s’aligner. Les hommes musulmans de Bosnie ont supplié qu’on leur laisse la vie sauve, et leurs supplications sont restées sans effet. Après une brève discussion quant à la manière dont ils devaient s’y prendre pour tirer sur les Musulmans de Bosnie, Milan Lukic et d’autres personnes ont ouvert le feu sur ces hommes avec des armes automatiques, provoquant la mort de Meho Dzafic, Ekrem Dzafic, Hasan Kustura, Hasan Mustapcic et Amir Kurtalic. Les deux autres Musulmans de Bosnie ont survécu.

Par ces actes, Milan Lukic a commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

En ce qui concerne les cinq Musulmans de Bosnie qui ont été tués :

Chef 2 :

Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 3 :

Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949, et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

En ce qui concerne les deux Musulmans de Bosnie qui ont survécu :

Chef 4 :

Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 5 :

Traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 6 et 7
(Meurtre de sept hommes musulmans de Bosnie à l’usine Varda)

6. Le 10 juin 1992 ou vers cette date, Milan Lukic et une autre personne qui n’est pas mise en accusation se sont rendus en voiture à la scierie et usine de meubles Varda à Visegrad. Ils sont entrés dans l’usine puis en sont ressortis avec sept Musulmans de Bosnie qu’ils ont conduits de force au bord de la rivière qui se trouve à proximité. Milan Lukic a alors tiré à plusieurs reprises sur eux avec une arme automatique, provoquant la mort de : Nusret Aljosevic, Nedzad Bektas, Musan Čancar, Ibrisim Memisevic, Hamed Osmanagic, Lutvo Tvrtkovic et Sabahudin Velagic.

Par ces actes, Milan Lukic a commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

Chef 6 :

Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 7 :

Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949, et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 8, 9, 10, 11 et 12
(Incendie de la maison dans la rue Pionirska)

7. Le 14 juin 1992 ou vers cette date, quelque 70 Musulmans de Bosnie – femmes, enfants et hommes âgés – ont reçu l’ordre de passer la nuit dans des maisons évacuées du quartier de Mahala dans la ville de Visegrad. Le groupe s’est rendu à la maison de Jusuf Memic, rue Pionirska à Nova Mahala, dans la ville de Visegrad. Un groupe d’hommes armés, comprenant Milan Lukic, Sredoje Lukic et Milan Susnjar (également connu sous le nom de « Laco »), est arrivé dans la maison de Memic, a ordonné aux membres du groupe de leur donner leur argent et leurs objets de valeur, les a soumis ŕ une fouille corporelle, puis a quitté la maison, en ordonnant au groupe d’y passer la nuit.

8. Plus tard dans la même journée, Milan Lukic, Sredoje Lukic, Milan Susnjar et d’autres personnes non identifiées sont arrivés à la maison et ont emmené le groupe de force dans la maison voisine appartenant à Adem Omeragic, située également dans la rue Pionirska.

9. Milan Lukic et Sredoje Lukic, agissant de concert avec d’autres personnes, ont ensuite enfermé le groupe dans une pièce de la maison d’Adem Omeragic, et y ont lancé un engin incendiaire qui a tout embrasé.

10. Ensuite, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont tiré avec des armes automatiques sur les personnes qui tentaient de fuir par les fenêtres de la maison d’Adem Omeragic, tuant une partie d’entre elles et blessant les autres. Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont causé la mort de 70 personnes, identifiées dans l’annexe A du présent acte d’accusation, et blessé grièvement plusieurs personnes qui ont survécu à l’incendie.

Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

En ce qui concerne les personnes qui ont été tuées :

Chef 8 :

Extermination, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 b) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 9 :

Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 10 :

Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

En ce qui concerne les personnes qui ont survécu :

Chef 11 :

Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 12 :

Traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 13, 14, 15, 16 et 17
(Incendie de la maison à Bikavac)

11. Le 27 juin 1992 ou vers cette date, Milan Lukic, Sredoje Lukic et d’autres personnes qui ne sont pas mises en accusation sont allés à Bikavac, une agglomération proche de Visegrad, et ils ont fait entrer de force quelque 70 Musulmans de Bosnie dans la maison de Meho Aljic. Milan Lukic, Sredoje Lukic et d’autres ont ensuite condamné toutes les issues et lancé plusieurs engins explosifs à l’intérieur de la maison, blessant ainsi les personnes qui s’y trouvaient et provoquant un incendie. Le feu s’est propagé rapidement, et toutes les personnes qui se trouvaient à l’intérieur ont péri dans l’incendie, à l’exception d’une seule. Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont causé la mort de quelque 70 personnes, dont certaines sont identifiées dans l’annexe B du présent acte d’accusation, et infligé des blessures graves et permanentes au seul survivant de l’incendie.

Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

En ce qui concerne les personnes qui ont été tuées :

Chef 13 :

Extermination, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 b) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 14 :

Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 15 :

Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

En ce qui concerne les personnes qui ont survécu :

Chef 16 :

Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 17 :

Traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 18 et 19
(Meurtre de Hajira Koric)

12. Aux environs du mois de juin 1992, Milan Lukic s’est rendu dans le quartier de Potok à Visegrad, avec un groupe de personnes non identifiées. Après avoir fouillé quelques-unes des maisons, Milan Lukic a questionné Hajra Koric, une Musulmane de Bosnie, puis il l’a tuée de plusieurs balles.

Par ces actes, Milan Lukic a commis et aidé et encouragé à exécuter les infractions suivantes :

Chef 18 :

Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 19 :

Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chefs 20 et 21
(Sévices au camp de détention d’Uzamnica)

13. En maintes occasions entre août 1992 et le 10 octobre 1994, Milan Lukic, Sredoje Lukic et d’autres personnes non identifiées ont brutalisé des hommes musulmans de Bosnie incarcérés dans le camp de détention installé à la caserne d’Uzamnica à Visegrad.

14. Milan Lukic, Sredoje Lukic et d’autres membres du groupe paramilitaire de Milan Lukic sont entrés à de multiples reprises dans le camp et ont brutalisé les détenus à coups de poing, de crosse de fusil, de bâton et de botte. Ces sévices ont causé des blessures graves et durables chez de nombreuses victimes.

15. Ces sévices ont notamment inclu les actes suivants :

    1. VG-003 a été battu à maintes reprises par Milan Lukic au camp d’Uzamnica à des dates non précisées entre environ le 15 août 1992 et le 6 octobre 1994.
    2. VG-008 a été battu à maintes reprises par Milan Lukic et Sredoje Lukic au camp d’Uzamnica à des dates non précisées entre le 3 octobre 1992 et le 7 octobre 1994.
    3. VG-016 a été battu à maintes reprises par Milan Lukic et Sredoje Lukic au camp d’Uzamnica à des dates non précisées entre le 9 juin 1992 et le 10 octobre 1994.
    4. VG-025 a été battu à maintes reprises par Milan Lukic au camp d’Uzamnica à des dates non précisées entre le 16 octobre 1992 et le 8 juillet 1993.

Par ces actes, Milan Lukic et Sredoje Lukic ont commis et aidé et encouragé à commettre les infractions suivantes :

Chef 20 :

Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, punissable aux termes des articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Chef 21 :

Traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et punissable aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.

Allégations de portée générale

  1. Pour tous les chefs du présent acte d’accusation, le Procureur reprend les allégations formulées aux paragraphes 17 à 21, infra et y renvoie.
  2. Tous les actes et omissions allégués dans le présent acte d’accusation se situent dans la période comprise lieu entre le 7 juin 1992 et le 10 octobre 1994 dans la municipalité de Visegrad, en Bosnie-Herzégovine.
  3. Pendant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, la municipalité de Visegrad était le théâtre d’un conflit armé.
  4. Tous les actes et omissions reprochés dans cet acte d’accusation étaient liés dans le temps et géographiquement au conflit armé qui existait dans la municipalité de Visegrad.
  5. Tous les actes et omissions reprochés dans cet acte d’accusation étaient dirigés contre la population civile.
  6. Tous les actes et omissions reprochés dans cet acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre d’une offensive généralisée et systématique dirigée contre les civils musulmans de Bosnie et autres civils non serbes de la municipalité de Visegrad.
  7. Faits supplémentaires

  8. Visegrad est une petite ville située dans la municipalité du même nom dans le sud-est de la Bosnie-Herzégovine. Elle est l’une des villes construites sur les rives de la Drina, tout près de la frontière serbe.
  9. D’après le recensement effectué avant le conflit en 1991, la municipalité de Visegrad comptait 21 199 habitants, dont 62,8 % de Musulmans, 32,8 % de Serbes, et 4,4 % d’origines classifiées « autres ».
  10. L’importance stratégique de Visegrad pendant le conflit a plusieurs raisons. Premièrement, cette ville est située à côté d’un grand barrage hydroélectrique qui, non seulement fournissait de l’électricité, mais régulait aussi le niveau de la Drina, pour empêcher l’inondation des zones situées en aval. Deuxièmement, la ville est située sur l’axe principal qui relie Belgrade et Titovo Uzice en Serbie, à Gorazde et Sarajevo en Bosnie-Herzégovine. Cette voie de communication était vitale pour le corps d’Uzice de l’Armée populaire yougoslave (JNA), avec sa base ŕ Uzamnica et d’autres sites stratégiques impliqués dans le conflit.
  11. Le 6 avril 1992, les unités de la JNA ont commencé à pilonner la ville et ses environs. Les quartiers et villages musulmans étaient les plus touchés. En représailles, un petit groupe de Musulmans de Bosnie a pris plusieurs Serbes locaux en otage et s’est emparé du barrage qu’il a menacé de faire sauter. L’un d’eux a ouvert une vanne, inondant ainsi quelques maisons et quelques rues. La crise a suscité un grand intérêt dans les médias, et les dirigeants des deux camps se sont retrouvés engagés dans des négociations intensives. De nombreux habitants, tant serbes que musulmans, sont partis se réfugier sur les collines avoisinantes en attendant l’issue de la crise.
  12. Le 12 avril 1992, les commandos de la JNA ont réussi à prendre le contrôle du barrage, mettant ainsi fin à la crise. Ils ont été rejoints le lendemain par le corps d’Uzice de la JNA, en provenance de Titovo Uzice, de l’autre côté de la frontière. Après avoir rencontré quelques îlots de résistance, le corps d’Uzice n’a guère eu de mal à prendre le contrôle de la ville. La JNA a ensuite positionné ses chars et des pièces d’artillerie lourde autour de la ville. Elle a ensuite arrêté des hommes et des femmes pour les interroger, et certains d’entre eux ont dit avoir été battus. Peu après, les officiers de la JNA et les dirigeants musulmans de Bosnie ont conjointement mené une campagne médiatique invitant les gens à rentrer chez eux et à reprendre le travail. Craignant de perdre leur emploi, de nombreux Musulmans de Bosnie sont rentrés chez eux et ont repris le travail.
  13. Relativement calme et stable dans la ville pendant la deuxième quinzaine d’avril et la première quinzaine de mai, la situation à Visegrad s’est considérablement dégradée après le départ officiel du corps d’Uzice, le 19 mai 1992. Les Serbes de la région ont aussitôt formé « la municipalité serbe de Visegrad » et se sont emparés de tous les locaux de l’administration municipale. Les Serbes locaux, la police et les groupes paramilitaires ont ensuite engagé l’une des campagnes de nettoyage ethnique les plus tristement célèbres du conflit, dont l’objectif était de débarrasser définitivement la ville de toute sa population musulmane.
  14. Les forces serbes ont attaqué et détruit un certain nombre de villages peuplés de Musulmans. De nombreux civils musulmans non armés habitant Visegrad ont été tués en raison de leur appartenance ethnique. Les corps des hommes, des femmes et des enfants qui étaient exécutés à travers la ville et sur le célèbre pont turc enjambant la Drina étaient jetés dans la rivière. Les forces serbes ont entrepris de piller et détruire systématiquement les maisons et les villages habités par les Musulmans. Les deux mosquées de la ville ont été complètement détruites.
  15. Nombre de Musulmans qui n’ont pas été immédiatement tués ont été arrêtés et détenus dans divers endroits de la ville, y compris un camp établi dans l’ancienne caserne de la JNA à Uzamnica, à 5 kilomètres de Visegrad. Certains ont été détenus à l’hôtel Vilina Vlas ou dans d’autres lieux de détention de la région.
  16. À Uzamnica, les Musulmans étaient détenus dans des conditions inhumaines. Nombre d’entre eux étaient régulièrement battus. Les membres des formations paramilitaires serbes avaient accès au camp, eux aussi, et ils venaient battre et torturer les prisonniers. De nombreux détenus ont été astreints à des activités de travail forcé pénibles. Certains sont restés dans ce camp pendant plus de deux ans.
  17. Au printemps 1992, Milan Lukic, ancien habitant de Visegrad, est revenu dans la ville et a formé un groupe paramilitaire qui, de concert avec la police locale et des unités militaires, s’est appliqué à terroriser la population musulmane locale. Le cousin de Milan Lukic, Sredoje Lukic, et un ami proche de la famille, Mitar Vasiljevic, faisaient partie de ce groupe paramilitaire, dont les membres étaient souvent appelés les « Aigles blancs » ou les « Justiciers ».

 

Fait le 27 février 2006
La Haye (Pays-Bas)

Le Procureur
______________
Carla Del Ponte

[Sceau du Bureau du Procureur]

ANNEXE A

Liste des victimes de l’incendie de la maison de la rue Pionirska (chefs 8, 9, 10, 11 et 12 de l’acte d’accusation)

(âge approximatif des victimes)

1

Ajanovic, Mula

75 ans

2

Delija, Adis

2 ans

3

Delija, Ajnija

50 ans

4

Delija, Jasmina

24 ans

5

Nom de famille inconnu, Hasena

âge inconnu

6

Jasarevic, Tima

âge inconnu

7

Jasarevic, Hajra

35 ans

8

Jasarevic, Meho

42 ans

9

Jasarevic, Mujo

47 ans

10

Kurspahic, Aisa

49 ans

11

Kurspahic, Aida

12 ans

12

Kurspahic, Ajka

62 ans

13

Kurspahic, Alija

55 ans

14

Kurspahic, Almir

10 ans

15

Kurspahic, Aner

6 ans

16

Kurspahic, Becar

52 ans

17

Kurspahic, Bisera

50 ans

18

Kurspahic, Bula

58 ans

19

Kurspahic, Dzheva

22 ans

20

Kurspahic, Enesa

2 ans

21

Kurspahic, prénom inconnu

2 jours

22

Kurspahic, Hasa

18 ans

23

Kurspahic, Hajrija

60 ans

24

Kurspahic, Halida

10 ans

25

Kurspahic, Hana

30 ans

26

Kurspahic, Hasan

50 ans

27

Kurspahic, Hasiba

âge inconnu

28

Kurspahic, Hasnija

62 ans

29

Kurspahic, Hata

68 ans

30

Kurspahic, Ifeta

17 ans

31

Kurspahic, Igabala

58 ans

32

Kurspahic, Ismet

3 ans

33

Kurspahic, Ismeta

26 ans

34

Kurspahic, Izeta

24 ans

35

Kurspahic, Kada

40 ans

36

Kurspahic, Latifa

23 ans

37

Kurspahic, Lejla

4 ans

38

Kurspahic, Maida

petite fille, âge inconnu

39

Kurspahic, Medina

28 ans

40

Kurspahic, Medo

50 ans

41

Kurspahic, Mejra

47 ans

42

Kurspahic, Meva

45 ans

43

Kurspahic, Mina

20 ans

44

Kurspahic, Mirela

3 ans

45

Kurspahic, Mujesira

35 ans

46

Kurspahic, Munevera

20 ans

47

Kurspahic, Munira

12 ans

48

Kurspahic, Munira

55 ans

49

Kurspahic, Osman

67 ans

50

Kurspahic, Pasana ou Pasija

56 ans

51

Kurspahic, Ramiza

57 ans

52

Kurspahic, Sabiha

14 ans

53

Kurspahic, Sadeta

18 ans

54

Kurspahic, Safa

50 ans

55

Kurspahic, Saha

70 ans

56

Kurspahic, Sajma

20 ans

57

Kurspahic, Seila

2 ans

58

Kurspahic, Seniha

9 ans

59

Kurspahic, Sumbula

62 ans

60

Kurspahic, Vahid

8 ans

61

Memisevic, Fazila

54 ans

62

Memisevic, Redzo

57 ans

63

Sadikovic, Rabija

52 ans

64

Sehic, Enver

13 ans

65

Sehic, Faruk

12 ans

66

Sehic, Haraga

âge inconnu

67

Sehic, Kada

39 ans

68

Velic, Nurka

70 ans

69

Velic, Tima

35 ans

70

Vila, Jasmina

20 ans

 

ANNEXE B

Liste de certaines des victimes de l’incendie de la maison à Bikavac (chefs 13, 14, 15, 16 et 17 de l’acte d’accusation)

(âge approximatif des victimes)

1

Un garçon dont le nom est inconnu

11 ans

2

Aljic, prénom inconnu, pcre de Suhra Aljic

65 ans

3

Aljic, prénom inconnu, mcre de Suhra Aljic

65 ans

4

Aljic, prénom inconnu, fils de Suhra Aljic

1 an

5

Aljic, Suhra

25 ans

6

Jelacic, prénom inconnu

âge inconnu

7

Tufekcic, Dehva

28 ans

8

Tufekcic, Elma

5 ans

9

Tufekcic, Ensar

1 an et demi

10

Turjacanin, Dulka

51 ans

11

Turjacanin, Sada

29 ans

12

Turjacanin, Selmir

9 ans

13

Vilic, prénom inconnu, fille de Mina Vilic

âge inconnu

14

Vilic, prénom inconnu, fils de Mina Vilic

âge inconnu

15

Vilic, Mina

32 ans

16

Vilic, Mirzeta

8 ans