Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
1er février 2006
LE PROCUREUR
c/
SREDOJE LUKIC
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DÉCISION FAISANT DROIT À LA DEMANDE DE MODIFICATION DE L’ACTE D’ACCUSATION PRÉSENTÉE PAR L’ACCUSATION ET FIXANT LA DATE D’UNE NOUVELLE COMPARUTION
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Le Bureau du Procureur :
M. Mark Harmon
M. Frédéric Ossogo
M. Fergal Gaynor
Le Conseil de l’Accusé :
M. Djuro Cepic
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal ») est saisie d’une exception préjudicielle soulevée à raison de vices de forme de l’acte d’accusation (Motion Objecting to the Form of the Indictment), déposée le 3 novembre 2005 (l’« exception préjudicielle ») par Sredoje Lukic (l’ « Accusé ») et d’une demande de modification de l’acte d’accusation (Prosecution Motion to Amend the Indictment), déposée le 17 novembre 2005 par l’Accusation (la « Demande de modification »).
1. Un acte d’accusation modifié établi à l’encontre de Milan Lukic, Sredoje Lukic et Mitar Vasiljevic a été déposé le 12 juillet 20011. Toutefois, ni Milan Lukic ni Sredoje Lukic n’ont comparu devant le Tribunal, et le procès qui s’est ouvert contre le seul Mitar Vasiljevic a abouti à un jugement, en première instance, le 29 novembre 20022, puis à un arrêt en appel, le 25 février 20043.
2. Le 1er février 2005, l’Accusation a déposé devant le Président du Tribunal4 une requête afin qu’il désigne, en application de l’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuves (le « Règlement »), une formation de renvoi chargée d’examiner la demande de renvoi de l’affaire visant l’Accusé et Milan Lukic devant des tribunaux de Bosnie-Herzégovine5. Le Président a fait droit à la demande et a réuni la formation de renvoi6, qui examine actuellement la demande de l’Accusation7.
3. Le 16 septembre 2005, l’Accusé a été transféré au siège du Tribunal et le Président du Tribunal a attribué l’affaire à la Chambre de première instance III8. Le 10 novembre 2005, la Chambre de première instance a désigné le juge Iain Bonomy juge de la mise en état9. Milan Lukic n’a pas encore été transféré au siège du Tribunal.
4. L’Accusé a déposé le 3 novembre 2005 l’exception préjudicielle par laquelle il soutient que l’acte d’accusation modifié, sur la base duquel Mitar Vasiljevic a été jugé, et qui nomme toujours aussi bien l’Accusé que Milan Lukic, est d’une imprécision inacceptable et n’expose pas correctement la responsabilité pénale de l’Accusé au sens de l’article 7 1) du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut »)10.
5. L’Accusation a répondu « qu’elle était d’accord pour modifier l’acte d’accusation de manière à prendre en compte nombre des préoccupations formulées par la Défense 11 », et a déposé sa Demande de modification accompagnée d’un projet de deuxième acte d’accusation modifié12. L’Accusation demande que l’exception préjudicielle soit rejetée au vu de ces écritures 13.
6. L’Accusé a déposé une réplique, par laquelle il soutient que l’Accusation a indûment présenté le deuxième acte d’accusation modifié avant que la Chambre de première instance ait eu la possibilité de se prononcer sur l’exception préjudicielle14. L’Accusé fait valoir que, selon la procédure, c’est à la Chambre de première instance qu’il revient de se prononcer sur l’exception préjudicielle, et, dans le cas où elle confirme que l’acte d’accusation est entaché d’un vice, d’ordonner à l’Accusation d’y remédier15. Selon l’Accusé, ce n’est qu’à ce moment-là que l’Accusation peut déposer un projet d’acte d’accusation modifié16.
7. Bien qu’il soutienne que la Demande de modification n’a pas été déposée au bon moment, l’Accusé a également présenté une réponse à celle-ci17, et l’Accusation une réplique18.
8. Avant d’entrer dans le vif du sujet, la Chambre de première instance doit décider sur quelle demande elle va se prononcer. Après le dépôt de l’exception préjudicielle, soulevée à raison de vices de forme de l’acte d’accusation, l’Accusation a déposé sa Demande de modification de l’acte d’accusation. Plutôt que de répondre au fond à l’exception préjudicielle, l’Accusation demande simplement « que l’exception préjudicielle soit rejetée19 », en arguant que le deuxième acte d’accusation modifié « prend en compte nombre des préoccupations formulées par la Défense20 » et, donc, est-on en droit de supposer, rend l’exception préjudicielle sans objet. La Défense conteste que l’Accusation ait tenu compte de ses objections dans le projet d’acte d’accusation modifié21, et soutient que la réponse de l’Accusation revient à admettre que l’acte d’accusation devrait être retiré22.
9. Rien dans le Règlement n’empêche l’Accusation de répondre à une exception préjudicielle par un projet de modification de l’acte d’accusation censé tenir compte des objections soulevées23. Il aurait probablement été plus simple du point de vue de la procédure de répondre sur le fond à l’exception préjudicielle que de déposer la Demande de modification, mais le fait est que cette demande est maintenant devant la Chambre. Même si la Chambre devait faire droit à l’exception préjudicielle et ordonner à l’Accusation de réviser l’acte d’accusation modifié – à supposer que la Chambre estime cette action correcte d’un point de vue juridique – cela ne résoudrait pas la question de la Demande de modification, que l’Accusation présenterait probablement à nouveau. C’est pourquoi, dans l’intérêt de l’économie des moyens judiciaires, et en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 54 du Règlement, lequel lui permet de délivrer des ordonnances nécessaires aux fins de la préparation du procès, la Chambre rejette l’exception préjudicielle, sans préjudice des actions ultérieures, et examine la Demande de modification.
10. Comme l’ont noté plusieurs Chambres de première instance, « la question fondamentale à se poser lorsque l’on autorise la modification d’un acte d’accusation est de savoir si les modifications portent un préjudice quelconque aux accusés24 ». Une « autorisation de modifier un acte d’accusation est généralement accordée à moins qu’il ne soit démontré qu’elle porte atteinte aux droits de l’accusé25 » et « une modification ne sera pas refusée simplement parce qu’elle aide l’Accusation à obtenir, en toute équité, une condamnation26 ». « Il y a lieu de prendre en compte deux facteurs, en particulier, pour déterminer si la modification de l’acte d’accusation pénalisera injustement l’accusé : 1) l’accusé aura-t-il la possibilité de préparer efficacement sa défense ? et 2) l’autorisation de modifier l’acte d’accusation entraînera-t-elle des retards excessifs ? 27 ».
11. Dans sa réponse à la Demande de modification, l’Accusé soutient en premier lieu qu’autoriser la modification le pénaliserait injustement en écartant la présomption d’innocence qui doit s’appliquer à son procès28. Sur ce point l’argument de l’Accusé n’est pas tout à fait clair mais il semble vouloir dire que, comme les allégations contenues dans le deuxième acte d’accusation reprennent certaines constatations ayant entraîné la condamnation de Mitar Vasiljevic par la Chambre de première instance, les reprendre sous forme d’allégations donnera l’impression que dès le stade du procès, pour reprendre les termes de l’Accusé, « il est déjà déclaré coupable29 ». L’Accusation répond qu’il « n’est pas question de faire subir la moindre atteinte à la présomption d’innocence30 », et cite le Jugement Vasiljevic :
Les conclusions tirées par la Chambre de première instance au sujet d’autres personnes [… n’ont pas pour but …] de déclarer ces personnes coupables. En particulier, les deux coaccusés qui n’ont pas encore été arrêtés, Milan Lukic et Sredoje Lukic, n’ont été, dans ce procès, jugés coupables au-delà de tout doute raisonnable d’aucun des crimes retenus contre eux dans l’Acte d’accusation. Ils ne sont en aucun cas liés par les conclusions tirées dans ce procès et pourront récuser les preuves produites dans ce procès qui les mettent en cause si elles leur sont opposées durant leur propre procès devant le Tribunal31.
12. La Chambre de première instance souscrit entièrement à ce point de vue. Tout Accusé est présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable32, et l’Accusation a la charge d’en apporter la preuve au procès. De plus, l’Accusation note ici qu’elle n’a demandé à la présente Chambre de faire le constat judiciaire d’aucun des faits admis dans le jugement Vasiljevic33, et de toutes façons la Chambre considérerait avec scepticisme une demande de constat judiciaire, présentée en application de l’article 94 B) du Règlement, qui serait contraire à la présomption d’innocence. L’argument de l’Accusé sur ce point est donc rejeté.
13. L’Accusé soutient ensuite que faire droit à la Demande de modification le pénaliserait injustement et donnerait à l’Accusation un avantage tactique inacceptable en augmentant les chances que son affaire soit renvoyée devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine 34. L’Accusé soutient que l’acte d’accusation modifié, selon lequel l’Accusé aurait commis des crimes « à travers la municipalité de Visegrad et ailleurs, sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine 35 », rendait « difficile à la formation de renvoi de transférer son affaire36 », alors que le deuxième acte d’accusation modifié, qui restreint la zone géographique des crimes reprochés à la municipalité de Visegrad37, permet « à la formation de renvoi de consentir facilement au transfert de l’affaire 38 ». Toutefois, comme l’Accusation le souligne, l’Accusé ne fait aucune tentative pour expliciter cette affirmation. La Chambre estime, avec l’Accusation, que, même si le projet d’acte d’accusation rend le transfert plus probable, l’Accusé n’a pas précisé en quoi cela lui nuit. Si l’Accusé entend par là que le procès devant les juridictions de Bosnie-Herzégovine serait inéquitable, il n’apporte aucun élément à l’appui de cette thèse, que la Chambre d’Appel a trouvé raisonnable de rejeter39. L’argument de l’Accusé sur ce point est donc rejeté.
14. L’Accusé soutient également que le deuxième acte d’accusation modifié contient de nouvelles accusations, et doit donc être rejeté parce qu’il ne satisfait pas aux critères de l’article 50 A) ii) du Règlement40. Selon la jurisprudence du Tribunal sur l’article 50 A) ii), « la demande de modification d’un acte d’accusation doit être rejetée si les pièces présentées par l’Accusation, à première vue, ne constituent pas des éléments de preuve suffisants à établir la présomption requise par l’article 19 1) du Statut41 ». « Si la modification demandée a pour effet d’introduire de nouvelles accusations, la Chambre de première instance doit, selon l’article 50 A) ii) du Règlement, être convaincue qu’il existe des charges suffisantes pour engager de ce fait des poursuites …42 ».
15. Dans sa réplique (Prosecution’s Reply to Defence Response to Motion to Amend Indictment), l’Accusation
reconnaît [que] certaines des modifications figurant dans le projet d’acte d’accusation proposé par l’Accusation peuvent entrer dans la définition … de « nouvelles accusations ». L’Accusation ne conteste donc pas le droit de l’Accusé à plaider coupable ou non coupable des chefs inclus dans le deuxième acte d’accusation modifié, et de déposer une exception préjudicielle concernant le deuxième acte d’accusation modifié, en application de l’article 72 du Règlement, dans le cas où l’autorisation d’effectuer les modifications serait accordée43.
Cette affirmation n’indique toutefois pas quelles sont parmi les modifications proposées celles que l’Accusation considère comme de nouvelles accusations, ni quels sont les éléments justificatifs à l’appui de celles-ci. De plus, la Réplique ne répond pas à l’affirmation de l’Accusé selon laquelle le deuxième acte d’accusation modifié ne satisfait pas aux critères de l’article 50 A) ii) du Règlement. Pour ces raisons, la Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation « a) [de] préciser […] quelles sont parmi les modifications proposées celles qu’elle reconnaît constituer de nouvelles accusations au regard de la jurisprudence du Tribunal international, et b) [de] communiquer[…] les éléments de preuve à l’appui de ces nouvelles accusations, ce qui permettra de prendre une décision relative à la Demande conformément aux critères prévus à l’article 50 A) ii) du Règlement44 ».
16. L’Accusation a répondu à cette ordonnance en déposant des éclaircissements concernant les « nouvelles accusations » (Prosecution’s Clarification Concerning ‘New Charges’ and Submission of Supporting Material, les « Éclaircissements ») avec une annexe confidentielle contenant les éléments justificatifs que l’Accusation affirme avoir soumis aussi bien à la Défense qu’au juge qui a confirmé l’acte d’accusation précédent 45. L’Accusé n’a pas souhaité répondre aux Éclaircissements46. Dans ceux- ci se succèdent des phrases comme « [certaines] modifications … constituent bien de “nouvelles accusations”47 » et « [certains] chefs … peuvent être considérés comme “nouveaux”48 ». Malgré cette ambiguïté sur la question de savoir si l’Accusation reconnaît véritablement que certaines allégations donnent lieu à de nouvelles accusations, étant donné que dans l’ordonnance de la Chambre de première instance l’Accusation était priée « [de] préciser [ …] quelles sont parmi les modifications proposées celles qui, selon elle, constituent de nouvelles accusations », la Chambre estime que l’Accusation reconnaît que toutes les modifications dont il est question dans les Éclaircissements donnent lieu à de nouvelles accusations. L’Accusation indique que dans le projet d’acte d’accusation, deux nouvelles allégations factuelles et cinq chefs donnent lieu à de nouvelles accusations. Ces nouvelles accusations sont exposées dans les trois paragraphes qui suivent.
17. Premièrement, l’Accusation reconnaît que « l’ajout des mots “et la destruction de maisons” au paragraphe 4 e) du projet de deuxième acte d’accusation modifié peut être considéré comme une “nouvelle accusation ”49 ». Le paragraphe 4 e) entre dans le cadre du chef 1 du nouvel acte d’accusation, par lequel il est reproché à l’Accusé d’avoir commis des persécutions, un crime contre l’humanité. Ayant examiné les éléments justificatifs joints par l’Accusation dans l’annexe confidentielle, la Chambre de première instance est convaincue que, conformément à l’article 50 A) ii) du Règlement, « il existe à l’appui de la modification proposée des éléments de preuve répondant au critère défini à l’article 19, paragraphe 1) du Statut [de prime abord, il y a lieu de poursuivre] ». Étant donné que la destruction de maisons est un acte nouvellement allégué sur la base duquel un Accusé peut être reconnu coupable du crime de persécutions, l’Accusé doit pouvoir plaider coupable ou non coupable de ce crime allégué50. La Chambre de première instance fait observer que l’Accusé ne devrait être invité à plaider coupable ou non coupable qu’en ce qui concerne la destruction alléguée de maisons ; il s’est déjà prononcé pour ce qui est des autres allégations factuelles relatives au chef 151.
18. Deuxièmement, l’Accusation indique que la nouvelle allégation ci-après donne lieu à une nouvelle accusation :
Un groupe d’hommes armés, comprenant Milan Lukic, Sredoje Lukic et Milan Susnjar (également connu sous le nom de « Laco »), est arrivé dans la maison de Memic, a ordonné aux membres du groupe de leur donner leur argent et leurs objets de valeur, les a soumis à une fouille corporelle, puis a quitté la maison, en ordonnant au groupe d’y passer la nuit52.
Ce passage figure au paragraphe 7 du deuxième acte d’accusation modifié, qui se rapporte aux chefs d’accusation 8, 9, 10, 11 et 12. Aux chefs 11 et 12, l’Accusé se voit reprocher d’avoir commis, respectivement, des actes inhumains, un crime contre l’humanité et des traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre. Ayant examiné les éléments de preuve joints dans l’annexe confidentielle de l’Accusation, la Chambre de première instance est convaincue que la modification proposée répond aux critères de l’article 50 A) ii) du Règlement. S’il était établi qu’il a commis les actes nouvellement allégués ci-dessus, alors l’Accusé pourrait être reconnu coupable au regard des chefs 11 ou 12, ou des deux. Il faut donc lui donner l’occasion de plaider coupable ou non coupable. Quand il le fera, il conviendrait de lui demander de ne plaider coupable ou non coupable de ces chefs d’accusation que pour ce qui est des actes allégués dans le passage cité ci-dessus.
19. Troisièmement, l’Accusation reconnaît que les chefs 553, 854, 1255, 1356 et 1757 du deuxième acte d’accusation modifié sont nouveaux. La Chambre est convaincue que les éléments justificatifs joints par l’Accusation dans l’annexe confidentielle sont adéquats. Étant donné que les chefs sont reconnus comme nouveaux, et que les actes allégués qui s’y rapportent pourraient entraîner une déclaration de culpabilité, l’Accusé doit avoir la possibilité de plaider coupable ou non coupable à leur égard.
20. Anticipant une décision confirmant que le deuxième acte d’accusation modifié introduit de nouveaux chefs d’accusation, l’Accusé soutient que faire droit à la Demande de modification lui serait préjudiciable car elle ouvrirait le droit à un long délai destiné à lui permettre de déposer des exceptions préjudicielles58. Toutefois, comme le fait valoir l’Accusation59, le fait de donner un délai supplémentaire à l’Accusé pour lui permettre de déposer des exceptions préjudicielles supplémentaires à un acte d’accusation n’est généralement préjudiciable que si le procès est imminent. La Chambre de première instance dans Le Procureur c/ Naletilic et Martinovic a affirmé, par exemple, que « cette modification [de l’acte d’accusation en l’espèce] n’a certainement pas repoussé l’ouverture du procès dont la date n’a pas encore été fixée60 ». Par conséquent, « attendu que la procédure de mise en état en l’espèce vient de débuter et que le fait de modifier à ce stade l’Acte d’accusation, même si celui -ci doit comporter de nouveaux chefs, ne privera pas l’Accusé de la possibilité de préparer convenablement sa défense, pas plus que ne sera occasionné un retard excessif dans le déroulement de la procédure61 », la Chambre de première instance estime que le fait d’accorder à l’Accusé un délai supplémentaire pour qu’il puisse déposer des exceptions préjudicielles au deuxième acte d’accusation modifié ne le pénalisera pas injustement. L’argument de l’Accusé sur ce point est donc rejeté.
21. Enfin, l’Accusé soutient que l’Accusation n’a pas dûment exposé l’élément moral des crimes allégués62. Comme l’a déclaré la présente Chambre de première instance, « [q]uand l’intention qui animait l’accusé au moment où il a commis les actes reprochés est pertinente, l’Accusation doit exposer soit i) l’élément moral, en tant que fait essentiel … soit ii) les faits d’où cette intention devrait être déduite63 ». Au chef 1 du deuxième acte d’accusation modifié, l’Accusation allègue que les accusés « animés de l’intention spécifique d’établir une discrimination sur des bases politiques , raciales ou religieuses, ont commis le crime de persécution, et, conscients de l’intention discriminatoire d’autres auteurs, ont aidé et encouragé à commettre le crime64 ». C’est là une présentation adéquate de l’élément moral requis pour engager des poursuites65, et bien que pour aucun des vingt autres chefs du deuxième acte d’accusation modifié l’Accusation ne présente explicitement l’élément moral requis, l’Accusation fait valoir dans sa Demande de modification « qu’elle a exposé … les faits d’où l’élément intentionnel des autres crimes allégués peut être déduit66 ». Selon la jurisprudence du Tribunal citée plus haut, cela est acceptable. En conséquence, l’argument de l’Accusé sur ce point est rejeté.
22. Par ces motifs, en application de l’article 19 du Statut et les articles 50, 54 et 127 du Règlement, il est FAIT DROIT à la Demande de modification de l’acte d’accusation. En outre, la Chambre de première instance DÉCIDE :
1) de FAIRE DROIT à la demande d’autorisation de déposer une réplique comme suite à la réponse de la Défense faite à la demande de modification de l’acte d’accusation présentée par l’Accusation, et la Chambre accepte la réplique ;
2) de REJETER sans préjudice des actions ultérieures l’exception préjudicielle, la réponse de l’Accusation à l’exception préjudicielle et la demande d’autorisation de la Défense de déposer une réplique comme suite à la réponse de l’Accusation,
3) l’Accusé peut déposer dans les trente jours du dépôt de la présente décision,
a) des exceptions préjudicielles en application de l’article 72 du Règlement pour ce qui concerne les nouvelles accusations ; et
b) des exceptions relatives au deuxième acte d’accusation modifié qui
i) étaient incluses dans l’exception préjudicielle, et
ii) concernent le deuxième acte d’accusation modifié, et
iii) n’ont pas reçu de réponse dans la présente décision ;
l’Accusation disposera le cas échéant de 14 jours à compter d’une exception préjudicielle pour déposer une réponse,
4) une nouvelle comparution initiale devant le juge Iain Bonomy, au cours de laquelle il sera demandé à l’Accusé de plaider coupable ou non coupable des nouvelles accusations, est fixée au lundi 13 février 2006, à 14 h 30, en salle d’audience II.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 1er février 2006
La Haye (Pays-Bas)
Le Président de la Chambre
de première instance
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Patrick Robinson
[Sceau du Tribunal]