Page 2206
1 Le mercredi 24 septembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 8 heures 51.
6 LE TÉMOIN: EWA TABEAU [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 [Le témoin vient à la barre]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin prononce la
10 déclaration solennelle. Vous l'avez déjà prononcée. Vous êtes toujours lié
11 par elle.
12 Maître Alarid.
13 M. ALARID : [interprétation] Oui, je crois que c'est à moi.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A vous.
15 M. ALARID : [interprétation] Merci.
16 Contre-interrogatoire par M. Alarid :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau. Comment allez-vous ?
18 R. Très bien, merci.
19 Q. Je m'appelle Jason Alarid. Je représente Milan Lukic. J'aimerais vous
20 poser quelques questions. Je ne pense pas que cela me prendra longtemps.
21 Concernant votre analyse, pour reprendre les choses où nous en étions, vous
22 avez utilisé comme première donnée le recensement de 1991, n'est-ce pas ?
23 R. C'est exact.
24 Q. La deuxième série de données, c'est concernant l'enregistrement des
25 électeurs, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Aviez-vous un modèle démographique qui tenait compte de recensements
28 antérieurs ?
Page 2207
1 R. Non, pas pour cette étude, mais dans le rapport il y a un tableau dans
2 lequel je cite des chiffres concernant la population à Visegrad depuis le
3 recensement de 1948.
4 Q. Y a-t-il répartition par groupes ethniques ?
5 R. Non, ce sont des chiffres globaux.
6 Q. Quelle fut la croissance de la population pendant cette période modèle
7 ?
8 R. Vous voulez dire la croissance de la population ?
9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux orateurs de ralentir et
10 d'observer une pause.
11 M. ALARID : [interprétation]
12 Q. Les taux de natalité, par exemple.
13 R. Je n'ai pas étudié la croissance de la population.
14 Q. Pardon, je dois allumer mon micro, ou plutôt, mettre mes écouteurs.
15 Donc vous ne pouviez pas voir sur la base des données ce qui représentait
16 le simple fait que les gens avaient des enfants au sein de la communauté
17 par opposition à l'émigration et au mouvement de population résultant de
18 l'émigration ?
19 R. Non, ce n'était pas l'objet de notre étude. Nous n'avons pas étudié les
20 tendances démographiques, la natalité, la migration, et ainsi de suite.
21 Nous avons observé la population à Visegrad à deux moments, lors du début
22 du conflit, sur la base du recensement de 1991 et la population post-
23 conflit sur la base de l'enregistrement des électeurs.
24 Q. Pour ce qui est des observations post-conflit, est-ce qu'il y avait
25 d'autres ensembles de données autres que l'enregistrement des électeurs à
26 des fins de comparaison ?
27 R. Non. Il y avait un ensemble de données, un petit ensemble, du HCR, que
28 nous avons utilisé à des fins contextuelles concernant les personnes
Page 2208
1 déplacées à l'intérieur du pays.
2 Q. Vous n'avez pas forcément vérifié la liste de la Croix-Rouge ?
3 R. Nous avons beaucoup étudié les données de la Croix-Rouge, mais que
4 voulez-vous dire par vérification ?
5 Q. Je voudrais dire simplement des travaux d'enquêtes pour vérifier qu'il
6 n'y ait pas d'erreurs dans la liste que la Croix-Rouge n'aurait pas vues.
7 R. Nous l'avons toujours fait. Pour ce qui est de toutes nos sources, nous
8 les avons vérifiées. Nous avons vérifié les données du CICR pour
9 d'éventuelles carences, lacunes, erreurs. Nous avons comparé ces données
10 avec celles d'autres sources dans le cadre de ce projet et d'autres
11 projets. Par exemple, à Srebrenica nous avions d'autres projets et nous
12 avons comparé les données du CICR avec les dossiers ADN obtenus lors
13 d'exhumations, et nous avons obtenu un degré de chevauchement qui était
14 tout à fait satisfaisant.
15 Q. Outre le fait d'avoir utilisé la liste fournie par l'Accusation, la
16 liste des noms concernant la rue des Pionniers, vous l'avez comparée à la
17 base de données, avez-vous fait quoi que ce soit d'autre pour vérifier,
18 concernant Visegrad, les données ?
19 R. Quant à d'autres sources, nous avons comparé les données du CICR, les
20 registres. Nous avons comparé les listes concernant la rue des Pionniers
21 avec les données du CICR ainsi que le registre des décès en Bosnie. Les
22 dossiers ou les registres de l'ICMP concernant les personnes portées
23 disparues ainsi que la commission bosniaque destinée à retrouver les
24 personnes disparues. Donc nous avons utilisé de nombreuses autres sources à
25 des fins de comparaison.
26 Q. Puis, avez-vous épuré le recensement ?
27 R. Que voulez-vous dire par épurer ?
28 Q. Qu'est-ce que vous avez fait ou entrepris pour épurer le recensement,
Page 2209
1 c'est-à-dire vérifier l'exactitude du recensement ou savez-vous si cela a
2 été fait ?
3 R. Je sais qu'on a déployé beaucoup d'efforts, on a beaucoup travaillé sur
4 les données du recensement en Bosnie-Herzégovine et au sein de mon
5 département également. Nous avons mis l'accent sur les erreurs
6 d'orthographe parce que nous avions besoin des noms afin de pouvoir les
7 comparer à d'autres sources. Donc nous avons fait un grand travail pour
8 épurer ces noms afin que ces noms correspondent à ceux d'autres sources.
9 Nous avons étudié les données concernant la date de naissance, JMBG.
10 Nous souhaitions déceler les informations qui manquaient. Nous avons
11 beaucoup travaillé sur ces données, beaucoup d'efforts ont été fait en
12 Bosnie également, mais il y a une partie du recensement, la partie
13 concernant l'agriculture qui n'a jamais été épurée.
14 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] En attendant le compte
15 rendu, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'il y a une liste
16 de faits qui sont déjà admis par la Chambre et le recensement figure déjà
17 sur cette liste. Cela va peut-être vous permettre de mieux orienter vos
18 questions.
19 M. ALARID : [interprétation] Je vous remercie, Madame.
20 Q. Avez-vous découvert s'il y a eu un recensement en Bosnie après le
21 conflit, après 1997, un recensement dans la Republika Srpska ?
22 R. Le recensement de 1991 est le dernier à avoir été effectué en Bosnie-
23 Herzégovine.
24 Q. Aux Etats-Unis, c'est à une fréquence à tous les dix ans. Qu'en est-il
25 en Bosnie ?
26 R. C'était le cas aussi jusqu'en 1991, mais il n'y a pas eu de recensement
27 depuis.
28 Q. Avez-vous tenu compte de mouvements de migration ? Je sais que la
Page 2210
1 population serbe a quelque peu augmenté entre 1991 et 1997. Est-ce que vous
2 avez établi si c'était dû au taux de naissance ou à la migration ?
3 R. Quand vous dites population serbe, vous voulez dire population de la
4 Republika Srpska ?
5 Q. Non, Visegrad.
6 R. Les Serbes de Bosnie à Visegrad. Comment pouvez-vous savoir quelle
7 était la taille réelle de la population après le conflit et dans toute la
8 municipalité ? Il n'y avait pas de recensement. Nous avions
9 l'enregistrement des électeurs, c'est un échantillon de la population post-
10 conflit, un grand échantillon, mais cela ne permet pas de conclure au
11 nombre effectif de personnes.
12 Q. Les chiffres concernant Visegrad et l'enregistrement des électeurs se
13 limitaient donc strictement aux personnes enregistrées aux fins de vote ?
14 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.
15 Q. Donc vous ne tenez pas compte des enfants qui n'avaient pas le droit de
16 vote ?
17 R. Non, les enfants qui n'avaient pas encore 18 ans, les mineurs, ne sont
18 pas compris dans l'échantillon.
19 Q. Vous ne tenez pas compte non plus de toutes les personnes entre 18 et
20 80 ans qui ne souhaitaient pas s'enregistrer ?
21 R. En effet, les personnes qui ne souhaitaient pas s'enregistrer ne sont
22 pas prises en compte.
23 Q. Dans une société plutôt traditionnelle, peut-être que les femmes ne
24 sont pas suffisamment représentées ?
25 R. Je ne sais pas, je n'en sais rien.
26 Q. Qu'en est-il de l'enregistrement des électeurs ?
27 R. Cela m'étonnerait que ce soit le cas en Bosnie.
28 Q. N'était-il pas assez fréquent que dans un couple l'époux ou l'épouse ne
Page 2211
1 s'enregistre pas ?
2 R. Non, j'ai vu certains cas dans lequel le même JMGB était utilisé pour
3 les deux conjoints.
4 Q. Oui, bon, peut-être que parfois un couple allait s'enregistrer en même
5 temps, mais est-ce que vous avez pu vérifier l'état civil d'après
6 l'enregistrement ?
7 R. Pourquoi me serais-je intéressé à l'état civil ?
8 Q. Simplement à des fins de comparaison.
9 R. En fait, nous nous intéressions à voir quelles avaient été les
10 modifications en termes de lieu de résidence. Donc nous n'avons pas examiné
11 d'autres aspects.
12 Q. On peut partir du principe qu'il y avait un phénomène de réintégration
13 musulmane dans la population ?
14 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux orateurs de ralentir et
16 d'observer une pause entre les questions et les réponses.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
19 M. ALARID : [interprétation]
20 Q. Ce que j'entends par intégration ou réintégration, serait-il possible
21 que certains soient rentrés chez eux et ne se soient pas enregistrés pour
22 voter ?
23 R. Je ne pense pas tout d'abord que de nombreux membres de groupes
24 minoritaires soient rentrés chez eux. Les Musulmans étant le principal
25 groupe minoritaire après la fin du conflit en décembre 1995 et le moment
26 des élections en 1997 et 1998, tout d'abord.
27 En deuxième lieu, si certains sont rentrés chez eux et vivaient à Visegrad,
28 pourquoi ne se seraient-ils pas enregistrés pour voter ?
Page 2212
1 Q. Peut-être avaient-ils peur ?
2 R. Je dois dire que je ne vous comprends pas puisque, de toute façon, il
3 n'était pas nécessaire d'être physiquement sur place à Visegrad pour voter
4 à Visegrad.
5 Q. Mais si quelqu'un rentre chez lui et que l'on peut trouver votre
6 appartenance ethnique et votre adresse sur la base du registre des
7 électeurs, cela pourrait dissuader les gens ?
8 R. Mais ils n'étaient même pas obligés de s'enregistrer à Visegrad pour
9 voter à Visegrad. Ils pouvaient s'enregistrer à Sarajevo ou même à
10 l'étranger. Ils pouvaient s'enregistrer pour voter à Visegrad où que ce
11 soit. Si l'on avait réellement peur de s'enregistrer, l'on pouvait le faire
12 ailleurs et comme ça l'on n'attirerait pas l'attention sur soi et sur le
13 fait que l'on votait dans la municipalité et pour tel ou tel parti. Donc je
14 ne vois pas où vous voulez en venir.
15 Q. Mais c'étaient des gens qui avaient perdu leurs droits, n'est-ce pas ?
16 R. Je n'en sais rien.
17 Q. Du simple fait du conflit, ils avaient perdu leurs droits ?
18 R. Je pense que le taux d'enregistrement et le taux de participation dans
19 les élections de 1997 et 1998 était assez élevé. Je donne même une
20 évaluation de ces chiffres dans le rapport et cela se retrouve dans la
21 présentation PowerPoint. Nous parlons d'une participation considérable dans
22 ces élections. L'échantillon des électeurs que nous avons utilisé dans
23 notre analyse est sans aucun doute un échantillon, un grand échantillon, ce
24 sont des données fiables et bien plus qu'il ne faut pour évaluer la
25 composition ethnique, non la taille de la population mais sans aucun doute
26 la composition ethnique à Visegrad après le conflit.
27 Q. Si vous vous enregistrez pour voter à Sarajevo, vous pouvez voter dans
28 les élections locales à Visegrad ?
Page 2213
1 R. Si vous pouviez apporter la preuve que vous aviez le droit de vote,
2 vous pouviez vous enregistrer à Sarajevo, puis voter à Visegrad.
3 Q. Très bien, mais ne serait pas très pratique, n'est-ce pas, si vous
4 habitiez à Visegrad et que vous n'avez pas beaucoup de moyens ?
5 R. Je ne veux pas entrer dans ce débat, cela n'a aucun lien avec mon
6 rapport. Je vous ai donné des chiffres, la taille des échantillons, une
7 bonne description de l'enregistrement des électeurs, comment cela avait été
8 organisé et qui l'avait organisé. Je peux vous en dire plus, mais je ne
9 veux pas entrer dans ce genre de réflexion, de conjecture, est-ce que
10 c'était pratique ou non.
11 Q. J'essaie d'explorer les possibilités. Il est possible que le côté
12 musulman de cette analyse du point de vue de l'enregistrement des électeurs
13 pourrait avoir éventuellement quelques carences, quelques défaillances des
14 personnes que vous ne pouviez pas prendre en compte. Ce n'est pas de votre
15 faute, mais en raison des limitations inhérentes à ces données.
16 R. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je n'ai jamais entendu parler de
17 différences ethniques concernant les taux d'enregistrement pour ces
18 élections. Ce que j'essaie de dire, c'est que je n'ai absolument pas
19 connaissance du fait que tel ou tel groupe dans telle ou telle région ou
20 sur tel ou tel territoire s'enregistrait moins que d'autres groupes
21 ethniques pour voter. J'ai lu plusieurs rapports, notamment de l'OSCE
22 concernant ces élections, des rapports annuels, et je n'ai jamais vu la
23 moindre observation à cet effet. Donc je ne crois pas qu'il y ait
24 d'inégalité ethnique en termes d'enregistrement.
25 Q. Mais en fait, les Musulmans de Visegrad -- la population musulmane de
26 Visegrad a été identifiée sur la base de son appartenance ethnique et
27 persécutée sur cette base. C'est la raison pour laquelle je vous dis qu'ils
28 ne seraient pas motivés pour s'enregistrer. Tout d'abord parce que
Page 2214
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2215
1 simplement ils auraient peur d'être identifiés pour un conflit à venir et
2 ils voudraient éviter que les mêmes événements se reproduisent, et en
3 reconnaissant également qu'étant donné que la population serbe était
4 majoritaire, le seul fait de s'enregistrer pour voter n'aurait aucun
5 impact. On pourrait se dire de toute façon, cela n'influencera pas les
6 choses. Donc à mon avis, il y aurait deux raisons pour lesquelles certaines
7 personnes ne se seraient pas enregistrées.
8 R. Non, je ne suis pas d'accord avec vous. J'ai montré dans mon rapport
9 que la population musulmane, qui avait été enregistrée dans le recensement
10 de la population et que nous avons identifiée dans le registre des
11 électeurs, avait quitté la municipalité. Je vais vous montrer cela dans mon
12 rapport, dans un des tableaux.
13 Q. Est-ce que cela se trouve dans la présentation PowerPoint ?
14 R. Je préfère me référer à mon rapport même. Le tableau 3B à la page 13.
15 Mme MARCUS : [interprétation] Enregistré aux fins d'identification en tant
16 que pièce P118.
17 M. ALARID : [aucune interprétation]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Page 13, tableau 3B. Ce tableau est composé de
19 deux parties. La partie supérieure, vous voyez les chiffres absolus, et la
20 partie inférieure, les pourcentages. Prenez les Musulmans dans la première
21 partie supérieure, vous voyez un total de 6 699 [comme interprété]
22 personnes qui à l'origine figuraient dans le recensement de 1991, et nous
23 avons pu identifier ce même nombre dans les registres de vote. Et croyez-
24 moi, d'un point de vue statistique, c'est un grand échantillon, nous sommes
25 très satisfaits.
26 M. ALARID : [interprétation]
27 Q. Oui, je sais. J'ai étudié la statistique également.
28 R. [aucune interprétation]
Page 2216
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cela semble être le problème,
2 Maître Alarid. Vous avez étudié la statistique.
3 M. ALARID : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez donc étaler vos
5 connaissances.
6 M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, parfois je ne sais pas
7 exactement ce qui va réellement être pertinent. D'ailleurs cela me laisse
8 un peu perplexe, je ne sais pas pourquoi nous devons traiter toutes ces
9 statistiques alors que l'affaire tourne plutôt autour de témoins oculaires,
10 mais je suis soucieux de voir s'il y a des défaillances ou des
11 inexactitudes. Je vais essayer d'être aussi bref que possible.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je pense que vous pouvez
13 poursuivre.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je devrais continuer avec ce
15 tableau ?
16 M. ALARID : [interprétation]
17 Q. Oui.
18 R. Pour ce qui est des Musulmans, nous voyons une répartition des
19 Musulmans qui à l'origine étaient pris en compte dans le recensement, puis
20 que l'on retrouve dans l'enregistrement des électeurs par lieu de résidence
21 post-conflit. Vous voyez la première colonne, "Cette municipalité", les
22 personnes qui étaient à Visegrad. Puis il y a les deux autres colonnes,
23 "Autres municipalités" et "A l'étranger", il s'agit des Musulmans qui ont
24 quitté Visegrad. Le nombre global de 6 798. C'est le total global moins un,
25 donc cela ne concerne pas uniquement Visegrad. Ce n'est pas une question de
26 savoir si certains ne s'étaient pas enregistrés. On les retrouve bien là,
27 et en grand nombre.
28 Q. A d'autres endroits également ?
Page 2217
1 R. Oui, c'est ainsi.
2 Q. Encore quelques questions. Est-ce que vous avez tenu compte du fait
3 qu'il y avait peut-être un certain nombre de la population qui ne
4 s'enregistrait pas pour voter, par exemple, les agriculteurs à la campagne
5 ?
6 R. Je ne comprends pas.
7 Q. En 1991, est-ce qu'il y avait des registres d'électeurs ?
8 R. Je ne comprends pas votre question.
9 Q. Est-ce que vous avez examiné les registres d'électeurs en 1991 ?
10 R. Non.
11 Q. En comparant les personnes enregistrées pour voter, quel pourcentage
12 des personnes ayant le droit de vote s'étaient enregistrées puisqu'il y a
13 toujours certaines personnes qui auraient le droit de le faire, mais qui
14 choisissent de ne pas le faire.
15 R. Je vais me référer à ma présentation PowerPoint -- je cherche la bonne
16 page. Voilà. Page 15, s'il vous plaît.
17 Mme MARCUS : [interprétation] Si ça peut vous aider, je peux vous remettre
18 un exemplaire pour le rétroprojecteur.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je crois que ça serait une
20 bonne idée.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que nous venons d'évoquer est résumé à
22 la page 15 de ma présentation PowerPoint. Je n'ai jamais prétendu que
23 l'échantillon des électeurs couvrait la population tout entière, que cela
24 comprenait des enfants ou des personnes qui ne s'étaient pas enregistrées.
25 Bien au contraire, je dis ici explicitement quelles sont les lacunes. Et
26 notamment, je mentionne les personnes qui ne se sont pas enregistrées pour
27 voter. Dernier paragraphe. Le nombre exact n'est pas connu, de ceux qui ne
28 sont pas enregistrés, mais d'après les données de l'OSCE nous évaluons à
Page 2218
1 près de 12 % de la population de 1997 le nombre des personnes ayant le
2 droit de vote qui ne se sont pas enregistrées. Donc 12 % des personnes
3 ayant le droit de vote.
4 Et ce pourcentage de 12 % peut facilement être déduit des données
5 dans ce rapport, parce que dans l'un des mes tableaux, je donne le total
6 des personnes ayant le droit de vote aux alentours de 17,8 %. Donc 12 % de
7 ce total représente les 2 146 personnes qui sont mentionnées ici.
8 Q. Avez-vous effectué une analyse similaire pour la population musulmane
9 serbe de l'autre côté de la ligne de Dayton ?
10 R. Vous ne croyez pas que les Musulmans qui ont quitté Visegrad sont
11 restés dans la région. Je pense qu'on voit dans l'un des tableaux où ces
12 gens sont allés.
13 Q. Non. Ce n'est pas ma question. Le pays a été divisé en deux ?
14 R. Oui.
15 Q. Avez-vous effectué une analyse concernant l'autre moitié du pays ?
16 R. Oui. Dans plusieurs rapports nous avons analysé des endroits des deux
17 côtés de la ligne de Dayton, dans les deux entités politiques.
18 Q. Est-ce que vous avez pu montrer des endroits où la population serbe
19 avait diminué et la population musulmane avait augmenté en même temps ?
20 R. Oui. C'était un processus réciproque. La population musulmane quittait
21 les territoires maîtrisés par les autorités de la RS, et la population
22 serbe quittait les territoires sous le contrôle du gouvernement bosniaque.
23 Je n'ai jamais dit que c'était un processus unilatéral. Les Musulmans ont
24 quitté Visegrad et les Serbes ont quitté d'autres territoires.
25 Q. Très bien. Est-ce que vous avez analysé la réinstallation de Serbes qui
26 se sont rendus ailleurs, que l'on a retrouvés de l'autre côté de la ligne ?
27 R. Dans ce rapport concernant Visegrad, j'ai analysé tous les groupes
28 ethniques. Vous avez toutes ces catégories dans le rapport dans différents
Page 2219
1 tableaux.
2 Q. O.K.
3 R. Ce n'est pas du tout une analyse inéquitable.
4 Q. Merci, Madame. Je n'ai plus de questions.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic.
6 M. CEPIC : [interprétation]
7 Contre-interrogatoire par M. Cepic :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Je suis Djuro Cepic. Je dois admettre
9 que je vous envie parce que vous partez en vacances vendredi prochain.
10 R. Excusez-moi. Est-ce qu'on peut afficher le compte rendu de nouveau ?
11 Q. Est-ce que je peux commencer ?
12 R. Oui.
13 Q. Si j'ai bien compris votre travail, vous avez préparé un rapport qui
14 porte sur l'analyse des changements dans la population et sa composition
15 nationale. Vous avez déjà fait ça pour l'affaire Krajsnik, Plavsic pour 37
16 municipalités, et pour l'affaire Milosevic, 47 municipalités ?
17 R. Oui.
18 Q. Il y avait Samac et encore deux autres municipalités, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. J'aimerais qu'on aborde ce rapport qui porte sur la composition
21 ethnique, vous conviendrez qu'il y en avait au minimum dix de ce type de
22 rapports ?
23 R. Je ne connais pas leur nombre exact, mais il y en a eu beaucoup, vous
24 devez avoir raison.
25 Q. Bien. Vous serez d'accord avec moi pour dire également que tous ces
26 rapports d'expert portaient sur des périodes différentes et sur des
27 affaires différentes et que cela signifie que les tendances qui existaient
28 dans la population enregistrées par ces rapports ont dû être différentes ?
Page 2220
1 R. Les actes d'accusation couvraient des territoires différents et des
2 périodes de temps différentes, donc je suis d'accord avec vous.
3 Q. Vous serez d'accord pour dire que toutes les analyses portant sur la
4 composition ethnique, quelle que soit l'affaire en question, portaient sur
5 la période de 1991 jusqu'à 1997, 1998 ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Merci. Toutes les analyses qui portent sur les changements de la
8 composition ethnique ont été établies sur la base de deux sources, le
9 recensement de la population de 1991 et les listes électorales de 1997,
10 1998, n'est-ce pas ? C'est ce qui est indiqué dans le rapport ?
11 R. Je pense que vous faisiez référence à 1997, 1998.
12 Q. Oui, c'est cela.
13 R. Votre question portait sur les sources, vous disiez que c'était le
14 recensement et les listes électorales 1997, 1998.
15 Q. Oui. Ces deux sources ont-elles permis d'établir à quel moment il y a
16 eu des changements dramatiques dans la composition ethnique ? Est-ce que
17 cela vous a permis d'établir si ces changements sont intervenus, par
18 exemple, entre 1991 et 1992 ou plutôt entre 1993 et 1994 ?
19 R. Non.
20 Q. Ai-je bien compris, sur la base des données du recensement de la
21 population de 1991 et les listes électorales de 1997 et 1998, que ces
22 rapports sont censés nous présenter ce qui s'est passé durant une période
23 de sept à huit ans, mais sans préciser pour autant si des changements sont
24 intervenus entre 1991 et 1992 ou, par exemple, 1996 et 1997 ?
25 R. Nous avons déjà expliqué cela dans notre rapport, nous avons dit qu'il
26 y avait deux points de référence dans le temps, ce n'est pas une analyse
27 des tendances ni des causes qui ont conduit à un changement. Vous avez
28 raison.
Page 2221
1 Q. Merci. Je vous demanderai maintenant, en tant qu'experte en
2 démographie, de me dire si le recensement de la population de 1991 et les
3 listes électorales de 1997 et 1998, du point de vue méthodologique,
4 représentent deux sources de données compatibles ?
5 R. Votre question est très simple, les registres des électeurs sont tout
6 simplement un échantillon des données. Donc s'agissant de la méthodologie
7 utilisée pour le recensement, pour moi, c'est la meilleure source de
8 données qui portent sur la population entière, conduite par des autorités
9 qui s'occupaient des statistiques, par des personnes professionnelles, avec
10 un questionnaire de recensement qui a été bien conçu. Le recensement
11 comprend un grand travail de préparation, ensuite il y a des contrôles, le
12 tri des données, vous savez, et les électeurs en même temps font partie de
13 la population qui est couverte par ce recensement.
14 Les listes électorales doivent être également incluses dans les registres
15 de recensement. Il n'y a pas eu d'autres recensements en Bosnie. Il n'y
16 avait pas d'autres moyens pour décider qui allait avoir droit de voter.
17 Donc tous ceux qui voulaient voter devaient préalablement être inclus dans
18 le recensement afin de pouvoir s'enregistrer sur les listes ou en
19 présentant la carte d'identité ou la preuve de résidence. Par exemple, ceux
20 qui venaient de s'installer dans une nouvelle région devaient apporter des
21 preuves supplémentaires.
22 S'agissant de la méthodologie concernant les électeurs, il n'y a pas grand-
23 chose que je puisse vous dire maintenant. Il s'agit également de données
24 très fiables parce qu'elles sont dérivées du recensement. Et leur qualité
25 repose surtout sur leur nature, c'est-à-dire que ces données étaient
26 exhaustives parce qu'elles reposaient sur le recensement.
27 Bien sûr, il y a eu des défauts dans les listes électorales de la
28 même façon que dans le recensement de la population, mais du moment où on
Page 2222
1 comprend la nature de ces défauts, il est facile de réagir et de ne pas se
2 laisser induire sur une mauvaise analyse erronée.
3 Q. Bien. Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que du point de vue
4 méthodologique ces deux sources ne sont pas compatibles ?
5 R. Si, au contraire --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dirais, Maître Cepic, que vous
7 n'avez pas étudié la statistique à l'école.
8 M. CEPIC : [interprétation] Juste pendant un semestre.
9 Q. Madame, êtes-vous au courant de l'existence d'une étude publiée
10 conduite en dehors de ce Tribunal, en dehors du bureau du Procureur et qui
11 est utilisée pour source la liste électorale pour établir la composition
12 ethnique, par exemple ?
13 R. En ce qui concerne la Bosnie, je ne le sais pas, je n'ai rien publié de
14 tel. Je ne peux pas vous dire quelles sont les sources utilisées par
15 d'autres personnes pour établir la composition nationale. Par exemple, je
16 connais le travail de M. Hans Koschnik qui a fait une étude portant sur
17 Mostar et qui également avait pour l'objet d'établir la composition
18 ethnique. Je ne sais pas quelles sont exactement ses sources. Peut-être les
19 registres municipaux ou autres choses. Je n'ai pas d'idées précises là-
20 dessus. Les données obtenues par Koschnik concordent dans une très grande
21 mesure avec les données auxquelles nous sommes parvenus. Vous pouvez les
22 trouver sur internet et comparez vous-même ces données.
23 Q. Donc vous seriez d'accord avec moi pour dire que vous ne connaissez
24 aucune étude scientifique effectuée en dehors de votre département du
25 bureau du Procureur qui aurait utilisé des registres électoraux comme une
26 source sur laquelle la composition ethnique devait être évaluée ainsi que
27 la migration de la population ?
28 R. Non, je ne connais pas de telles études, mais évidemment, il y a
Page 2223
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2224
1 d'autres sources qui sont disponibles.
2 Q. Bien, merci. Ça fait 13 ans depuis les accords de Dayton, aucun
3 recensement de population n'a été conduit depuis. Ne trouvez-vous pas cela
4 un peu bizarre ?
5 R. Oui, c'est dommage en tant que démographe, je trouve que ces très
6 dommage parce que le recensement est une source de valeur inestimable en ce
7 qui concerne les informations sur la population, mais si cela ne s'est pas
8 fait, il doit y avoir des bonnes raisons pour cela. Je ne sais pas quelles
9 pourraient être ces raisons.
10 Q. Merci. La liste électorale de 1997, 1998, que vous avez utilisée comme
11 une source de données, comporte-t-elle des données portant sur la
12 composition ethnique ?
13 R. Non.
14 Q. Compte tenu du fait qu'il n'y avait pas de données pour les années 1997
15 et 1998, des données originales, cela veut dire que vous avez dû arriver à
16 ces données, à ces chiffres par déduction, en utilisant d'autres sources,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est exact. Nous avons procédé à une vérification croisée de
19 plusieurs sources des listes électorales et du recensement. En effectuant
20 cette vérification croisée, nous avons parvenu à obtenir les données que
21 nous avons utilisées par la suite. Cela n'est pas très, très compliqué. Le
22 transfert d'information d'une source vers l'autre est une chose très, très
23 facile. Croiser ces informations n'est pas un problème.
24 Q. Merci. Donc pour vous le recensement de la population était la seule
25 source vous permettant d'établir la composition ethnique en 1997, 1998 ?
26 R. Oui, c'était la seule source que j'ai utilisée et c'était bien la seule
27 que je souhaitais utiliser parce que je n'ai pas voulu utiliser d'autres
28 sources indiquant l'appartenance ethnique tout simplement parce que les
Page 2225
1 changements intervenus dans le domaine politique, économique, et cetera,
2 ont conduit à des changements de ce point de vue-là, et pour éviter chaque
3 digression, chaque parti pris, alors je me suis basé exclusivement sur le
4 recensement.
5 Q. Bien. Peut-on être d'accord que vous avez en fait comparé les
6 informations de 1991 portant sur l'appartenance ethnique avec des
7 informations datant de la même année sur l'ethnicité, sur l'appartenance
8 ethnique, mais qui portaient exclusivement sur le corps électoral ?
9 R. Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris votre question. En fait vous me
10 demandez quelle était l'appartenance ethnique du corps électoral ?
11 Q. Oui.
12 R. L'appartenance ethnique des électeurs, après une vérification croisée
13 avec les données du recensement, c'est ça que nous avons fait. Après avoir
14 fait cela, nous avons pu attribuer à chaque électeur enregistré une
15 appartenance ethnique donnée, celle qui a été indiquée dans le recensement.
16 Cela pour nous veut dire tout simplement que nous avons établi leur
17 appartenance ethnique d'une manière objective, sans parti pris parce que
18 ces personnes se sont identifiées comme telles, déclarées comme telles
19 avant le début de conflit.
20 Q. Bien. Mais ces chiffres sont beaucoup moins importants, n'est-ce pas ?
21 R. Cela est indiqué dans le rapport et dans la présentation de PowerPoint.
22 Je ne suis pas d'accord qu'il s'agissait là de chiffres qui n'étaient pas
23 très importants parce que nous avons trouvé en effectuant la vérification
24 croisée 17 800 cas, et d'un total de
25 17 800 cas, nous avons réussi à croiser 10 850 exemples.
26 Q. Bien. Est-ce que cela figure dans le rapport ?
27 R. Cela figure dans le rapport, mais je vous dis que je ne suis pas
28 d'accord avec ce que vous venez de dire, qu'il s'agissait d'un petit
Page 2226
1 nombre. Je voulais également dire qu'il s'agissait de quelque chose qui est
2 très fiable, je parle des pourcentages. Tout à l'heure je vous ai donné les
3 chiffres absolus portant sur la taille de la population, et ça ne peut pas
4 être dérivé sur la base de la taille de l'échantillon.
5 Q. Merci.
6 R. Nous ne pouvons pas connaître quel est le total global pendant la
7 période post-conflit, mais les pourcentages concernant la composition
8 ethnique sont des moyens statistiques excellents pour mesurer la
9 composition ethnique.
10 Q. Pourriez-vous nous dire quel est le pourcentage en question ?
11 R. Regardez le rapport. Le tableau 3A, par exemple, page 16. La population
12 serbe a diminué -- ou plutôt, a augmenté de 32.62 à 95.
13 Q. Oui. On a cela dans le rapport. On peut le retrouver, mais je note
14 qu'il y a une différence de 40 %, 40 % de population est disparue, ne
15 figure plus dans votre rapport. Alors comment on peut parvenir à des
16 chiffres corrects si 40 % de quelque chose de population n'existe plus là ?
17 R. Je ne comprends pas à quoi vous faites référence.
18 Q. Il y a tout simplement 40 % de population qui manque ici.
19 R. De mon point de vue, il n'y a rien qui manque ici. J'ai dit très
20 clairement que pour 1991 nous avions des données complètes qui venaient du
21 recensement et s'ajuste, puis nous avons également les listes des
22 électeurs, 17 883, puis la période après-guerre, nous avons les registres
23 des électeurs que nous avons utilisés comme un échantillon de grande
24 taille, mais un échantillon donc après croisement. Nous sommes arrivés à
25 un échantillon de 9 241, ce qui représente environ 60 %. Vous savez, une
26 personne travaille avec des échantillons aussi importants que ça, croyez-
27 moi. Pour travailler sur de si grands échantillons, il faudra disposer de
28 beaucoup de moyens. Du point de vue de la statistique, c'est un excellent
Page 2227
1 échantillon.
2 Q. Merci. Alors vous avez ici décrit la composition ethnique seulement
3 pour la population majeure, c'est-à-dire ceux qui ont plus de 18 ans.
4 Pourriez-vous nous dire alors quel est le pourcentage des mineurs dans la
5 population qui n'a pas dû être pris en compte ?
6 R. Cela figure dans le rapport également, vous avez ici l'image numéro 15
7 de la présentation. Les personnes n'ayant pas droit de vote, leur nombre
8 atteint 3 316, ce qui représente 15,6 % de la population de 1991.
9 Q. Mais s'agissant du taux de natalité, on ne peut que de se lancer à des
10 conjectures parce que nous ne disposons pas de données précises là-dessus,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Nous n'avons pas essayé d'établir quel était le taux de natalité,
13 pourquoi on s'en occuperait dans le cadre de cette étude ?
14 Q. Oui. Mais les personnes qui viennent de naître font partie de la
15 population, n'est-ce pas ? Quelqu'un qui est né en 1992 ou 1993, cette
16 personne aujourd'hui a 15 ans, 16 ans.
17 R. Oui, Monsieur. C'est vrai. Les nouvelles naissances, d'après vous,
18 pourraient modifier d'une manière importante la composition ethnique
19 pendant la période après-guerre. Mais je ne suis pas d'accord. Vous avez un
20 échantillon aussi grand que le registre d'électeurs et il se rapproche dans
21 une grande mesure des données statistiques globales.
22 Q. Merci. Merci. J'ai entendu votre réponse. Mais j'ai étudié
23 attentivement votre rapport.
24 Je suis arrivé à la conclusion que ce pourcentage de 15,6 n'est pas
25 à négliger.
26 R. Il ne s'agit pas d'un pourcentage qui n'est pas important, mais il n'a
27 pas des conséquences importantes sur la composition ethnique qui a été
28 obtenue sur la base des registres électoraux.
Page 2228
1 Q. Bien.
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Pourriez-vous nous dire : est-ce que vous savez quel est le nombre de
4 ceux qui n'ont pas été inclus dans les registres de 1997 ?
5 R. J'ai déjà répondu à cette question. De toute façon, quelle que soit la
6 réponse, cela n'a pas pu avoir un effet significatif sur les résultats
7 obtenus par l'étude de mon échantillon.
8 Q. Bien. J'ai examiné votre rapport. Merci.
9 Alors tous les électeurs de 1997, est-ce que vous avez été en mesure
10 d'établir qu'ils existaient vraiment avec l'aide des données de recensement
11 ?
12 R. Si ces données venaient du recensement, cela signifie tout simplement
13 qu'ils existaient. Il ne s'agit pas de données que quelqu'un aurait
14 inventé. Les listes électorales, elles sont dérivées du recensement de la
15 population et le taux de vérification croisée positive entre les électeurs
16 et les données de recensement atteint environ 80 %.
17 A mon avis, compte tenu du fait qu'il y avait des défauts dans le
18 recensement, des fautes d'orthographe ou des données qui n'étaient pas
19 complètes, alors c'est un taux très, très, élevé.
20 Q. Donc le taux de vérification croisée positive n'atteint pas 100 %, mais
21 seulement 80 %, c'est-à-dire qu'il y a 20 % qui est à rejeter. Est-ce que
22 vous voulez dire que 20 % de ces personnes sont exclues des listes
23 électorales ?
24 R. Oui, c'est ce que je dis. Ce 20 % d'entrées n'ont tout simplement été
25 utilisées.
26 Q. Bien. Alors est-ce que vous pourriez me répondre à une question
27 d'expert en statistiques. Est-ce que le fait que toute la population n'a
28 pas été couverte par le recensement peut être considéré comme un défaut
Page 2229
1 fondamental d'un recensement ?
2 R. Je ne comprends pas ce que cela veut dire.
3 Q. Je pensais que vous étiez à l'origine, statisticienne, et c'est pour ça
4 que je vous pose cette question. Est-ce qu'au départ on considère le fait
5 de ne pas avoir couvert la totalité de la population par recensement, est-
6 ce que cela est considéré comme une erreur fondamentale, un défaut
7 fondamental ?
8 R. Oui, mais votre question n'est pas suffisamment claire pour moi. Vous
9 parlez d'une mauvaise couverture, mais je ne comprends pas ce que vous
10 voulez dire par cela.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Le recensement n'a rien à voir avec une
13 couverture insuffisante parce que le recensement est censé couvrir la
14 totalité de la population et le corps électoral représente une partie
15 considérable de cette population. Oui, environ 80 % ou à peu près, si je ne
16 me trompe pas. Donc on ne peut pas parler d'une couverture insuffisante.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En fait, je pense, est-ce que vous
18 parlez des échantillons maintenant ou pas, Maître Cepic, j'ai l'impression
19 que c'est ça que vous visez.
20 M. CEPIC : [interprétation] Nous avons 20 % là qui n'ont pas été vérifiés.
21 Je voulais savoir est-ce que cela est considéré en statistique comme une
22 erreur ou on peut considérer cela comme une marge de tolérance, qu'on
23 tolère une telle différence.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Madame le Docteur, pourriez-
25 vous répondre à cela.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge David a une question.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme j'ai déjà essayé d'expliquer, nous
Page 2230
1 travaillons sur les échantillons des listes électorales. Dans ce cas-là, ce
2 20 % de dossiers ou de cas qui n'ont pas été vérifiés ne veut pas dire que
3 la population n'était pas couverte en intégralité. Cela veut dire tout
4 simplement qu'il y a eu quelques défauts, mais que le reste, les 80 %,
5 peuvent être considérés comme fiables et donc comme un très, très, bon
6 échantillon d'étude parce que cela représente plusieurs centaines de
7 milliers de personnes. Je suis convaincue dans ce cas-là que l'échantillon
8 utilisé est le résultat d'une étude exhaustive.
9 M. CEPIC : [interprétation] Je pensais que le Juge David avait une
10 question.
11 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Oui. J'aimerais poser deux questions,
12 mais ce n'est pas pour me vanter de mon ignorance dans le domaine des
13 statistiques. Comme vous le savez, et vous avez dit que vous avez effectué
14 des vérifications croisées pour établir la fiabilité des données et la
15 fiabilité des conclusions, et vous excluez chaque nouvelle hypothèse qui
16 serait basée sur une concordance de données qui serait le résultat du
17 hasard.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais vous trouverez dans mon rapport
19 qu'il n'y a rien qui vient par hasard. Tous ces chiffres sont vérifiés et
20 la probabilité d'erreur est très basse. Votre question est excellente, je
21 dois le dire.
22 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] La deuxième question. S'agissant des
23 statistiques, nous pouvons, sur la base des données, en acceptant un
24 certain taux de déviation, arriver à des généralisations empiriques ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Ça ne veut pas dire que nous décidons a
27 priori du sens des généralisations, mais on peut les effectuer sur la base
28 des données statistiques ?
Page 2231
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est correct.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic, je pense que vous
3 auriez dû avoir le Juge David comme prof de statistiques pour faire votre
4 interrogatoire.
5 M. CEPIC : [interprétation] Oui, je le crois aussi. Merci.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Essayez de poser vos questions
7 et d'en terminer rapidement si vous pouvez parce que nous ne sommes pas
8 dans une salle de classe.
9 M. CEPIC : [interprétation] J'essaierai de faire vite.
10 Q. Madame, est-ce que j'ai bien compris, en comparant les données du
11 recensement et des listes électorales, d'un côté, vous disposez des données
12 sur la population majeure et qui est bien couverte, donc à 100 %, et d'un
13 autre côté, vous disposez des données portant sur la population majeure et
14 qui n'est pas intégralement couverte par cette liste, peut-être à 50, 60 ou
15 70 % ? Du point de vue méthodologique, cela pose-t-il problème ?
16 R. Je pense que vous avez tort de dire qu'en utilisant les données du
17 recensement je comparais toutes les personnes de tous les âges avec celles
18 figurant sur les listes électorales. En fait, nous avons pris en compte
19 seulement ceux qui sont nés avant 1988, c'est-à-dire ceux qui allaient
20 faire partie du corps électoral pendant la période qui nous concerne.
21 Voilà, en ce qui concerne la pyramide des âges.
22 Q. Je crois en fait que je vous ai posé une question différente. Que
23 pouvez-vous nous dire concernant la méthode ? Est-ce que ceci est
24 comparable, ces deux sources qui comprennent des secteurs différents de la
25 population, du point de vue méthodologique ?
26 R. Maître, je crois que vous n'avez peut-être pas bien compris ce qu'il y
27 avait dans mon rapport. En tous les cas, je travaille avec des données qui
28 représentent des données individuelles. Et je suis un groupe d'individus
Page 2232
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2233
1 qui sont recensés avec toutes ces personnes, j'ai besoin qu'elles soient
2 nées avant 1980. J'ai les données individuelles les concernant. Je peux
3 faire cela. Je peux limiter les données, les restreindre, et à ce moment-
4 là, je les retrouve dans les registres d'électeurs. Il s'agit exactement
5 des mêmes personnes que celles dont nous parlons. A l'origine, on les
6 obtient par le recensement. Ensuite je regarde pour ce qui est des
7 électeurs. Je les retrouve comme étant des électeurs et à ce moment-là je
8 peux faire une comparaison. Donc il n'y a rien dans la méthode que vous
9 puissiez critiquer. C'est une façon tout à fait parfaite de procéder vu les
10 sources au niveau individuel, d'un côté les données du recensement, et
11 d'autre part, les électeurs.
12 Q. En votre qualité d'experte, qu'est-ce que l'on aurait comme
13 collaboration statistique tolérable dans des recherches pour ce qui est
14 d'une marge d'erreur éventuelle ?
15 R. Collaboration.
16 Q. Non, je parle d'aberration statistique.
17 R. Aberration, excusez-moi, aberration. Collaboration, vous avez cela par
18 écrit. C'est pour ça que -- bon, d'une façon générale, on admet communément
19 une marge d'erreur dans les statistiques de 5 %, disons. Est-ce que ceci
20 répondrait à votre question ?
21 Q. Une erreur statistique de 5 %, oui, ceci serait exact. Mais quel était
22 le pourcentage d'erreur en ce qui concerne les noms qui ont été recueillis
23 pour le recensement par rapport au pourcentage des électeurs tels qu'ils
24 figurent dans les registres ?
25 R. Je regrette, mais cette question n'a pas beaucoup de sens. Je ne vais
26 pas pouvoir vous donner une appréciation du niveau d'erreur pour ce qui est
27 des erreurs d'orthographe dans les noms; là, on ne se trouve pas dans un
28 cas de statistiques de déduction, parce qu'en fait on n'utilise aucun
Page 2234
1 critère pour cela pour le moment. Donc je n'ai aucune réponse à votre
2 question.
3 Q. Vous n'avez pas de réponse ?
4 R. Si vous permettez que j'ajoute --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, laissez le
6 témoin ajouter ce qu'elle souhaite.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce niveau de 5 % est simplement,
8 comme je l'ai dit, accepté de façon générale. Mais il n'y a pas de règles
9 strictes du point de vue des statistiques selon lesquelles le 5 % est
10 accepté, mais que 5,1 % ne serait pas acceptable. La marge d'erreur est une
11 indication de la qualité de ce que l'on a trouvé, la qualité du résultat.
12 Donc je pense que s'en tenir à ce type de règles -- je n'y tiens pas
13 particulièrement, vous savez. Je pourrais vous donner une évaluation
14 concernant certaines erreurs pour ce qui est de l'orthographe des noms, par
15 exemple, en vous présentant des échantillons de noms tels qu'ils avaient
16 été donnés à l'origine dans le recensement, et ensuite tels que nous les
17 avons corrigés. Ceci pourrait être fait, et à ce moment-là vous pourriez
18 penser que le niveau d'erreur est tel, et il y a ces corrections qui ont
19 été apportées pour ces noms et ça a été fait de façon très méthodique sur
20 la base de trois procédures distinctes et qui ont abouti à une grande
21 amélioration. Nous voyons cette grande amélioration lorsque nous comparons
22 les données du recensement avec d'autres sources en procédant à des
23 vérifications et des contre-vérifications lorsqu'on ne peut pas disposer du
24 JMBG et lorsqu'il s'agit des noms que nous avons utilisés pour effectuer
25 ces corrélations. Donc il y a un degré de cohérence très important pour ce
26 qui est des noms corrigés avec les noms qui avaient été présentés dans
27 d'autres sources, et nous avons un grand nombre d'autres sources, et qui
28 sont de bonnes sources d'ailleurs. Par exemple, pour ce qui est de la
Page 2235
1 mortalité, nous avons deux grandes bases de données qui ont été établies
2 par des statisticiens de métier, à la fois dans la Republika Srpska et par
3 les instituts fédéraux, et les noms qu'on a dans ces sources, ce sont
4 d'immenses bases de données, en tout nous avons, par exemple, 140 000 décès
5 et il y a une correspondance importante pour les noms.
6 Q. Hm-hm.
7 R. Donc ceci vous dit qu'en fait les corrections ont été très bien faites,
8 bien que je ne puisse pas indiquer un niveau d'erreur maintenant, mais je
9 peux vous donner de façon descriptive la façon dont les appréciations sont
10 faites et que les corrections sont apportées pour obtenir ces
11 améliorations.
12 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez des archives complètes ou des
13 fiches complètes là-dessus ?
14 R. Que voulez-vous dire par des archives ou des fiches complètes ? Du
15 point de vue statistique ?
16 Q. Les erreurs, lorsque vous étiez en train d'étudier la question et
17 d'obtenir des confirmations, est-ce que vous avez gardé en quelque sorte
18 des données sur ce point ?
19 R. Du point de vue de la mesure quantitative d'erreur, est-ce que je
20 pourrais vous donner des éléments concernant les corrections de noms ?
21 C'est ça que vous voulez dire ?
22 Q. Les erreurs, des erreurs individuelles que vous avez repérées par
23 rapport à la municipalité de Visegrad. Est-ce que vous les avez conservées,
24 est-ce que vous avez essayé de vous occuper de ces archives ou de ces
25 données ?
26 R. Nous gardons évidemment mention de ces corrections, certainement.
27 Q. Avec tous les noms ?
28 R. Pour ce qui est de Visegrad et les autres municipalités, oui.
Page 2236
1 Q. Est-ce que nous pourrions les voir, s'il vous plaît. Est-ce que vous
2 pourriez nous les remettre de façon complète ?
3 R. Je pense que ceci fait partie des données du recensement. Vous pouvez
4 voir ça certainement. Ici dans nos locaux au bureau du Procureur, nous
5 pouvons communiquer cette partie des données du recensement pour votre
6 étude. Je ne peux pas vous donner une copie papier parce que c'est
7 impossible. Mais vous pourrez certainement avoir accès à cela et l'étudier
8 sans problème.
9 Q. J'aurais besoin en fait de vos dossiers concernant ces erreurs. C'est
10 de cela que j'ai besoin, et sur une base individuelle. Est-ce que vous
11 l'avez ou non ?
12 R. Je ne suis pas sûre que nous nous comprenions l'un et l'autre, mais de
13 mon point de vue vous êtes en train de me demander deux listes, avec des
14 noms tels qu'ils ont été d'abord indiqués à l'origine dans le recensement,
15 ensuite, les noms tels qu'ils ont été corrigés. Est-ce que c'est ça que
16 vous voulez ?
17 Q. Madame, je voudrais obtenir les dossiers concernant ces erreurs qui ont
18 été remarquées. Vous avez fait certains travaux là-dessus, vous avez fait
19 des vérifications de référence des noms des électeurs par rapport au
20 registre des électeurs et le recensement, donc je suppose que vous avez
21 gardé trace de tout cela, et j'aurais besoin de tous ces dossiers pour
22 chacun des noms concernant Visegrad. C'est de cela que j'ai besoin
23 maintenant. Est-ce que vous l'avez ou non ?
24 R. Pour répondre à cela, je l'ai, oui, et vous pouvez l'avoir.
25 Q. Pour chacun des noms ?
26 R. Pour chacun des noms, bien sûr.
27 Q. Je vous remercie.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Un
Page 2237
1 instant. Madame Marcus, pourquoi est-ce que vous avez présenté ces éléments
2 de preuve ? C'est une question simple. Je pense que nous connaissons tous
3 la réponse.
4 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
5 les Juges, je vous remercie de votre question. Ces éléments de preuve ont
6 été présentés dans un contexte général de l'affaire pour que les crimes qui
7 ont fait l'objet de l'acte d'accusation soient replacés dans leur contexte
8 et dans le schéma général.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais est-ce que ceci aide à prouver
10 quelque chose, est-ce que ceci va dans le sens de prouver quelque chose par
11 rapport aux chefs d'accusation ?
12 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire que
13 ceci va dans le sens de prouver les éléments communs des crimes qui font
14 l'objet des chefs d'accusation, que ceci montre qu'ils étaient très étendus
15 et systématiques.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Donc ceci va en fait au-
17 delà d'un simple contexte.
18 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. A ce point de vue-là, effectivement,
19 Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic. Je crois que
21 maintenant vous devriez terminer.
22 M. CEPIC : [interprétation] Je fais de mon mieux, Monsieur le Président.
23 J'essaie, mais ce témoin est expert, et j'ai essayé de comprimer le plus
24 possible toutes mes questions de façon à pouvoir raccourcir autant que
25 possible.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.
27 M. CEPIC : [interprétation]
28 Q. Madame, en ce qui concerne ces données, est-ce que vous avez effectué
Page 2238
1 des corrections en ce qui concerne les noms par rapport à ce qui était
2 contenu dans les éléments d'origine, à savoir le recensement, et ainsi de
3 suite ?
4 R. Comme je l'ai dit, j'ai à la fois les noms originaux et les noms
5 corrigés. Donc les corrections, nous les avons. Mais sans qu'il y ait
6 modification de ces originaux.
7 Q. Est-ce que nous pourrons consulter cela ?
8 R. Oui, au bureau du Procureur. Vous pouvez avoir accès à cela.
9 Q. Bien. Maintenant je voudrais savoir en ce qui concerne cette source --
10 M. CEPIC : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
12 M. CEPIC : [interprétation]
13 Q. La troisième source, les listes du CICR, vous avez mentionné cela, et
14 il s'agit de listes de 1998 ?
15 R. Non. Les listes du CICR utilisées pour le rapport mis à jour sont des
16 données de 2005.
17 Q. Et cette liste contient de nombreuses erreurs. Il y a de nombreuses
18 divergences entre la liste que vous nous avez montrée hier et la liste du
19 CICR, n'est-ce pas ? Parce qu'en fait j'ai opéré des vérifications croisées
20 des noms dans les deux listes, et mon assistante m'a aidé à cela et nous
21 nous sommes rendu compte qu'il y avait de nombreuses divergences. Etes-vous
22 d'accord avec cela ?
23 R. Il y a certaines carences dans la liste du CICR, mais je ne pense pas
24 être pleinement d'accord avec vous sur le fait qu'il y ait un taux
25 important d'erreurs entre la liste du CICR et les autres sources. Je ne
26 suis pas d'accord. Il y a des différences, des choses qui ne sont pas
27 compatibles. Comme je l'ai dit lundi, il y a des erreurs, par exemple,
28 concernant les dates de naissance ou les dates de disparition. Oui, il y a
Page 2239
1 certaines erreurs, mais je ne les considère pas comme étant des erreurs sur
2 une grande échelle.
3 Q. Madame, dans le procès Vasiljevic, Me Domazet vous avait posé une
4 question selon laquelle 20 personnes seulement avaient été portées
5 disparues entre le 14 juin, d'après la liste du CICR. Toutefois, d'après
6 l'acte d'accusation, ce chiffre, tout au moins d'après ce que le bureau du
7 Procureur essaie de nous dire, est beaucoup plus élevé. Vous êtes bien
8 d'accord avec moi qu'il s'agit là d'une divergence frappante ?
9 R. Ça dépend de savoir comment vous envisagez la liste du CICR. Si vous
10 vous attendez à ce que la liste du CICR soit une source complète comme
11 c'est le cas pour le recensement, à ce moment-là je dirais que cette
12 différence est frappante. Mais pour ce qui est du CICR, personne n'a
13 affirmé qu'il s'agissait de renseignements complets concernant les victimes
14 concernant un secteur quelconque de la Bosnie. Cette liste est une source
15 tout à fait spéciale, très différente des sources qui rendent compte des
16 décès dont on a connaissance. La liste du CICR, c'est simplement des
17 rapports concernant les personnes portées disparues pour lesquelles nous ne
18 savons pas ce qui est arrivé à ces personnes. Les familles ont dit qu'ils
19 étaient disparus à un moment donné.
20 Q. Je vous remercie.
21 R. Ceci explique la différence. Nous parlons de l'accusation à la fois en
22 ce qui concerne les décès avérés et les personnes portées disparues, et le
23 CICR ne rend compte que des personnes portées disparues. Il n'y a aucune
24 façon dont vous puissiez aboutir au même nombre total de victimes à une
25 date précise.
26 Q. Je vous remercie. Vous seriez d'accord avec moi, je pense que lorsque
27 nous regardons les renseignements donnés par le CICR, la seule chose qui
28 est enregistrée, c'est la dernière fois qu'une personnes a été vue quel que
Page 2240
1 soit celui qui rend compte de la disparition de cette personne, n'est-ce
2 pas ? Il s'agit de renseignements concernant la date à laquelle une
3 personne a été vue pour la dernière fois à un moment donné.
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Je vous remercie. Vous avez les deux zéros, si vous regardez ces
6 listes, est-ce que ça veut dire qu'on ne connaît pas la date exacte ou le
7 mois exact à laquelle une personne a été vue pour la dernière fois. Est-ce
8 que c'est ça que ça veut dire ?
9 R. Pour ce qui est des dates dont il est rendu compte, oui. Le code de
10 deux zéros veut dire qu'il n'y a pas de date, on a pas l'indication du
11 mois.
12 Q. Par conséquent, nous pouvons maintenant conclure que ces données sont
13 en fait des données concernant le moment où des personnes ont été vues pour
14 la dernière fois pour ce qui est de la liste du CICR ?
15 R. C'est ce sur quoi on s'est mis d'accord. Il s'agit de données
16 concernant des personnes qui ont été vues pour la dernière fois à un moment
17 donné.
18 Q. Dans votre analyse, est-ce que vous avez comparé la liste des personnes
19 portées disparues ou le moment où les personnes ont été vues pour la
20 dernière fois avec les listes des membres de l'ABiH ?
21 R. Quelle armée ?
22 Q. L'ABiH
23 R. L'ABiH.
24 Q. Oui.
25 R. A un moment donné, tout particulièrement pour ce qui était de l'affaire
26 Popovic, nous avons effectué une comparaison en vérifiant les références
27 par rapport à la liste du CICR et les données militaires dont nous
28 disposions pour l'ABiH, oui.
Page 2241
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2242
1 Q. Mais ceci n'a pas été fait lors du procès de Visegrad parce que ceci
2 n'est pas indiqué dans le rapport, il n'en est pas rendu compte, n'est-ce
3 pas ?
4 R. Oui, ça n'a pas été fait, et ça peut être fait si vous souhaitez voir
5 la façon dont ces références croisées sont faites. Je n'y vois pas de
6 problème. Un tel résultat peut être facilement obtenu si vous souhaitez le
7 voir. Mais je voudrais ajouter que les données militaires ne constituent
8 pas une preuve qu'une personne soit morte dans une situation de combat.
9 C'est simplement son appartenance à une armée ou à une institution qui a
10 des rapports avec l'armée, tel que le ministère de la Défense ou une
11 personne qui travaillait à un centre de production fournissant des biens ou
12 des services à l'armée, et qui est décédée lors du conflit, et donc il en
13 est rendu compte également. Je pense que ça dépend de savoir ce que vous
14 voulez faire. C'est simplement une indication qui permet de suivre le
15 statut de victimes dont il a été rendu compte par d'autres sources.
16 Q. Peut-être avez-vous demandé des renseignements de façon à vérifier si
17 peut-être certaines des personnes portées disparues avaient pris part à des
18 combats, à des actions armées et pouvaient être décédées à la suite de cela
19 ?
20 R. Nous n'avons pas demandé de renseignements à qui que ce soit à ce
21 sujet.
22 Q. Je vous remercie.
23 R. Oui.
24 Q. Je vais essayer de vous poser des questions aussi rapidement que je
25 peux. Quelque chose concernant votre méthode. Est-ce que c'est le type de
26 méthode que vous avez utilisé pour des fins de recherche scientifique ?
27 R. Oui, certainement.
28 Q. Je vous remercie. Dans chacun de vos rapports, vous utilisez beaucoup
Page 2243
1 de méthodes de correspondance. Est-ce que c'est une méthode qui est
2 normalement utilisée par des démographes ?
3 R. Je pense que oui. Elle est utilisée partout. Si vous faites une
4 recherche avec "Google," vous ne parlez de rien d'autre que justement des
5 correspondances. Il y a d'ailleurs un corpus de littérature très important
6 concernant les vérifications par correspondance. Ceci est le résultat de
7 renseignements, d'études technologiques et avancées au cours des dernières
8 années. Il y a un très grand nombre de possibilités. Si vous voulez, je
9 peux vous donner une liste.
10 Q. Cette méthode, Madame, s'il vous plaît, j'essaie de procéder aussi
11 rapidement que possible. Est-ce que cette méthode c'est quelque chose qui
12 est utilisée par les démographes d'une façon générale, oui ou non ?
13 R. Oui, notamment du point de vue démographie historique.
14 Q. Je vous remercie. Je veux dire -- cette méthode -- non, excusez-
15 moi.
16 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Madame Tabeau, y a-t-il une possibilité
17 de construire par déduction certaines généralisations de vos données sans
18 vous demander de vous aventurer là-dedans pour le moment, est-ce que vous
19 pourriez accepter la possibilité que le fait d'établir certaines
20 généralisations, ou de verbaliser ces interrelations que vous avez montrées
21 dans votre étude, ceci pourrait être fait d'une façon brève, systématique ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible.
23 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Pourriez-vous me donner un exemple de
24 façon à ce que tout le monde comprenne ce dont je parle ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On peut faire une association, par
26 exemple, pour une composition ethnique estimée. C'est le premier exemple
27 qui vient à l'esprit.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas compris cela.
Page 2244
1 Qu'est-ce qui peut être associé ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des intervalles qui peuvent être
3 associées, auxquelles on peut faire confiance, en ce qui concerne la
4 composition ethnique estimée basée sur les données correspondant aux
5 électeurs. Donc ceci serait à ce moment-là une marge de manœuvre officielle
6 qui pourrait être présentée de façon à indiquer la fiabilité du point de
7 vue statistique en ce qui concerne ces résultats. Lorsqu'on en vient à nos
8 correspondances, il peut y avoir des marges de manœuvre formelles qui sont
9 associées aux résultats, des corrélations, des correspondances, et ceci
10 peut être présenté de façon formelle également.
11 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Je vous remercie.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
13 M. CEPIC : [interprétation] Excusez-moi. Pourrais-je poursuivre, Monsieur
14 le Président ?
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'essaie simplement de voir si j'ai
16 bien compris cette question des intervalles fiables.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est là une notion statistique qui
18 montre en fait qu'il y a juste un point d'estimation qui est présenté dans
19 le rapport. Dans le tableau 3A, pour autant que je puisse m'en souvenir, je
20 montre une composition ethnique en forme de pourcentage, et en fait il
21 s'agit là d'estimations. Il y a simplement un chiffre unique pour chaque
22 groupe ethnique. Mais en fait, parce qu'on a travaillé sur un échantillon,
23 c'est une des valeurs possibles dans ce pourcentage. Il pourrait y avoir
24 une gamme de valeurs associées à cette estimation, et cette gamme pourrait
25 devoir contenir certaines valeurs qui sont hautement probables. Disons 95 %
26 de fiabilité comme intervalle nous montrerait des valeurs qui ont été
27 produites avec 95 % de fiabilité, donc 5 % d'erreur possible. Et je peux
28 vous assurer que nous avons fait quelque chose de ce genre pour
Page 2245
1 l'association des intervalles de fiabilité lorsque ces types de mesures
2 concernant la composition ethnique permettent de restreindre beaucoup les
3 choses lorsque nous avons un grand échantillon, par exemple.
4 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Deuxième point, Madame Tabeau. En ce
5 qui concerne les interrelations, les variables au point de vue ethnique que
6 vous avez détectées, pourrions-nous généraliser et établir des
7 interrelations de façon en quelque sorte axiomatique ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûre de comprendre pleinement
9 la question.
10 M. LE JUGE DAVID : [interprétation] Mais du point de vue des
11 généralisations empiriques, pourrions-nous construire des déductions
12 concernant l'interrelation des variables que vous avez montrée dans l'étude
13 ?
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je pense que ce que mon
15 confrère dit, je pense que vous avez répondu à la question. Je pense que sa
16 question était de savoir si d'après toutes les données que vous avez
17 recueillies vous êtes en mesure de faire certaines généralisations. De
18 sorte que l'intervalle de fiabilité n'est pas une généralisation. Il vous
19 demande si vous pouvez faire une généralisation par déduction sur la base
20 des données dont vous disposez.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûre de comprendre, mais je
22 crois que certaines conclusions générales que j'ai essayé de présenter dans
23 ce rapport, je n'ai pas personnellement associé à cela des niveaux d'erreur
24 pour ces observations générales, mais je pense qu'une conclusion générale
25 basée sur les résultats obtenus d'une façon statistiquement responsable
26 peut certainement être considérée comme fiable. Donc je me suis concentrée,
27 dans ce rapport, sur une présentation des statistiques aussi fiables que
28 possible parce qu'elles sont fiables. Il s'agit là d'une bonne
Page 2246
1 documentation statistique lorsque l'on veut tirer des conclusions
2 générales, et en fait, je n'ai pas répété qu'il s'agit là de conclusions
3 statistiques pures et dures, mais c'est bien le cas. Elles sont solides.
4 Une observation générale du type, par exemple, de ce que je dis, lorsqu'il
5 y a une modification spectaculaire dans la composition ethnique, ça ne peut
6 pas avoir pour résultat des facteurs démographiques normaux ou
7 socioéconomiques.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Donc en fait, vous tirez
9 des conclusions.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Et comme ceci est résumé dans le rapport, et
11 les présentations sont toutes basées sur de la documentation statistique
12 solide qui peut être officiellement ou formellement associée à des niveaux
13 d'erreurs et, par conséquent, les conclusions peuvent être considérées
14 comme étant responsables et statistiquement fiables.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En fait, je suppose que le contre-
16 interrogatoire de Me Cepic visait à contester la validité de ces
17 conclusions parce que dans la mesure où il parviendrait à les contester, à
18 ce moment-là il créerait une difficulté sur ce point pour les thèses de
19 l'Accusation qui se rendent compte qu'en ce qui concerne les données pour
20 des crimes qui auraient été commis de façon étendue et systématique.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
23 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] J'ai aussi une question,
24 Madame Tabeau, juste pour être bien au clair de votre conclusion à la fin
25 de votre PowerPoint. Peut-être que c'est dans votre rapport, mais je ne
26 sais pas où ça se trouve. Pour ce qui concerne les nombres dans la région
27 de Visegrad pour le mois de mai et juin 1992, combien de personnes ont été
28 portées disparues, combien ont disparu, combien sont décédées. Je suis sûr
Page 2247
1 que c'est quelque part dans votre rapport, mais peut-être que vous pourriez
2 me guider pour que je puisse retrouver des chiffres précis.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Combien de personnes sont
5 portées disparues, combien ont disparu, combien sont maintenant décédées ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, pour ce qui est du terme disparu ou
7 porté disparu utilisé comme synonyme, il se trouve dans la même catégorie.
8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Parce que vous dites 6 %
9 [comme interprété].
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans une relation à cette conclusion, je peux
11 peut-être vous présenter d'ailleurs une diapositive numéro 26 [comme
12 interprété] du PowerPoint.
13 Mme MARCUS : [interprétation] Je l'ai pour le rétroprojecteur si vous le
14 souhaitez. Excusez-moi.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de la diapositive 25 qui contient un
17 tableau. Donc si on regarde dans le rapport la répartition pour ce qui est
18 des personnes disparues, or, il y a une indication par mois de disparition,
19 on commence en avril 1992 et on va jusqu'en décembre 1992. Il s'agit
20 uniquement de l'année 1992. Et pour les dix municipalités qui se trouvent
21 dans la région de Visegrad, elles sont toutes comprises. Nous regardons là
22 pour Visegrad qui est, bien entendu, le point le plus intéressant,
23 commençant en mai et se poursuivant en juin et en juillet, les chiffres
24 sont extrêmement élevés. Donc ceci est tout à fait typique de la région, ce
25 qui veut dire que dans d'autres municipalités, nous voyons le même schéma
26 et lorsqu'il y a seulement deux chiffres pour mai et juin concernant les
27 personnes disparues, lorsqu'on en tient compte pour ces deux mois, on
28 arrive à environ 62 % de tous ceux qui sont portés disparus en 1992. C'est
Page 2248
1 un chiffre très élevé en sachant que --
2 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Est-ce que nous savons
3 combien de personnes sont décédées ? Est-ce qu'on le sait ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne savons pas cela. Je ne peux pas
5 répondre directement. Il serait nécessaire de rapprocher les éléments
6 d'information pour cela. Nous avons des listes de victimes de l'acte
7 d'accusation. Nous avons les victimes supplémentaires. Nous avons les
8 personnes portées disparues. Tout ceci mis ensemble aurait pour résultat un
9 nombre global de victimes. Il faudrait que je puisse le faire, ça peut être
10 fait. Mais le nombre de personnes portées disparues en 1992, pour
11 l'ensemble de l'année 1992 tel qu'indiqué sur la diapositive 22 est de 2
12 528, ce qui est un chiffre élevé, un chiffre très important. Oui. Je vous
13 remercie.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic -- bon, il manque
15 une minute avant la suspension de l'audience, donc nous allons suspendre
16 l'audience.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 43.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic.
20 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. Je vais essayer de vous adresser des questions bien précises, et je
22 vous prie de me répondre aussi brièvement et de manière aussi concise que
23 possible.
24 Madame, si l'on examine votre tableau numéro 9. Il est affiché à l'écran.
25 J'ai été quelque peu intrigué par des données qui figurent sur ce tableau.
26 M. CEPIC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche la page précédente à
27 l'écran.
28 Mme MARCUS : [interprétation] Dites-nous quelle page vous souhaitez.
Page 2249
1 M. CEPIC : [aucune interprétation]
2 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que vous parlez du rapport ou du
3 PowerPoint ?
4 M. CEPIC : [interprétation] Le rapport.
5 Mme MARCUS : [interprétation] Pièce P118 enregistrée aux fins
6 d'identification.
7 M. CEPIC : [interprétation]
8 Q. Madame, en attendant que cela soit affiché, je vais vous poser une
9 question, M. Helge Brunborg et vous-même avez préparé un rapport pour
10 Srebrenica de 1995, n'est-ce pas ?
11 R. Nous avons en fait rédigé plusieurs rapports ensemble avec Helge
12 Brunborg concernant Srebrenica.
13 Q. Oui, mais je vais référence à celui du 16 novembre. Il est indiqué pour
14 la municipalité de Srebrenica, cela a attiré mon attention, qu'il manquait
15 6 000 et quelque personnes, mais dans ce rapport, je vois le chiffre de 3
16 144 personnes qui manquent pour Srebrenica, cela représente une différence
17 considérable, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, en effet, mais si vous prêtiez plus d'attention aux autres parties
19 de ce rapport du 16 novembre, vous verriez que nous avons utilisé le terme
20 la région de Srebrenica, et non pas une seule municipalité. Donc la région
21 était plus large et comprenait Srebrenica et les municipalités
22 avoisinantes, ce qui explique la différence. Il ne s'agissait pas d'une
23 seule municipalité, mais la région tout entière de Srebrenica, donc une
24 région plus étendue. Alors que les gens passaient par Srebrenica,
25 traversaient la forêt pour aller à Tuzla --
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Vous avez expliqué. Passons à
27 autre chose.
28 M. CEPIC : [interprétation] Merci.
Page 2250
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2251
1 Q. Nous avons parlé de votre méthode. La méthode utilisée était utilisée
2 par des institutions qui disposent de systèmes opérationnels efficaces qui
3 permettent une vérification croisée fiable. Cela peut se faire seulement
4 dans des pays où les citoyens disposent d'un numéro d'immatriculation
5 personnel qui figure dans la carte d'identité, n'est-ce pas ?
6 R. Il y a deux choses. Il y a le fait d'établir des liens et le fait de
7 faire des vérifications et des correspondances. Parfois, on utilise ces
8 termes comme des synonymes. Mais en fait, le fait d'établir des liens est
9 ce dont vous nous avez parlé, en associant plusieurs sources et en les
10 réduisant à des caractéristiques chiffrables comme le numéro d'identité
11 personnel, mais il y a une autre approche plus large, la vérification ou
12 les correspondances que l'on utilise en l'absence de caractéristiques
13 chiffrables concernant des individus. Au lieu d'utiliser un numéro, un
14 numéro d'identité par exemple, on utiliserait un certain nombre de données
15 qui ont un caractère descriptif afin de trouver des paires de données ou de
16 dossiers qui décrivent une même personne. Les correspondances ou la
17 vérification croisée est également utilisée par des chercheurs connus un
18 peu partout.
19 Q. Bien. Si j'ai bien compris, la vérification croisée est une méthode
20 fiable. Est-ce qu'il y a un système opérationnel qui vous permet d'établir
21 des vérifications croisées fiables pour chacun des cas individuels au sein
22 de votre département démographique ? Bien sûr, essayez d'être brève, s'il
23 vous plaît.
24 R. Oui, nous avons un système, sinon nous ne pourrions pas vous montrer
25 ces résultats. Un système qui utilise un logiciel informatif, MS Access. Un
26 système de bases de données reliées entre elles qui utilisent ce logiciel.
27 Q. Merci. Combien de critères doivent exister pour que cette vérification
28 croisée puisse être considérée fiable ?
Page 2252
1 R. Parfois trois, parfois un seul, parfois 50 ou 20, parfois 70. Cela
2 dépend de la nature de vos sources et le taux de vérification, bien
3 entendu. Parfois il est possible en utilisant trois critères simples de
4 comparer 85 % des données provenant d'une source particulière, et l'on peut
5 utiliser d'autres critères pour obtenir un taux d'amélioration assez infime
6 de quelque 2 %. Je dirais qu'il suffit pour un cas comme celui-ci
7 d'utiliser trois critères de vérification, mais vous pourriez contester
8 cela et dire, non pas du tout, il faudrait en utiliser 70.
9 Q. Vous-même, combien de critères avez-vous utilisés ?
10 R. Comme je l'ai déjà mentionné, les correspondances entre le recensement
11 et la liste électorale étaient assez faciles grâce à la disponibilité des
12 numéros d'identité personnels JMBG, sur la base de ce seul critère nous
13 avons pu comparer plus de deux millions de dossiers. Je ne pourrais pas
14 vous dire le nombre exact de critères que nous avons utilisés, peut-être
15 cinq, donc relativement peu de critères, et cela tient au caractère
16 particulier de ces deux sources, mais lorsque nous avons effectué une
17 vérification croisée avec la liste du CICR, la liste a été bien plus
18 longue. Nous avons utilisé quelque 70 critères et dans ce cas-là nous
19 n'avions pas le numéro d'immatriculation personnel dans les dossiers du
20 CICR, donc nous avons dû utiliser d'autres éléments descriptifs; les noms,
21 la date de naissance, le lieu de naissance, et dans ce cas-là, un très
22 grand nombre de critères est requis et les résultats lorsqu'on identifie
23 les correspondances potentielles doivent être examinés visuellement afin de
24 vérifier qu'il s'agit bien de correspondances exactes.
25 Q. Bien. Merci. Savez-vous combien de personnes portant un même nom et un
26 même prénom et qui sont nées la même année figurent dans les données de
27 recensement et sur la liste électorale ?
28 R. Pour ce qui est du prénom, je ne saurais vous donner une réponse
Page 2253
1 immédiate. Mais je peux vérifier cela dans les données de recensement et
2 vous donner les chiffres. Mais je peux vous dire qu'il est très improbable
3 que dans un lieu assez petit, Visegrad, qui compte quelques 21 000
4 habitants, il est peu probable que vous voyiez de nombreux dossiers où les
5 noms et les prénoms sont les mêmes, que vous retrouviez plusieurs doublons.
6 L'on pourrait trouver certains qui auraient le même nom, mais très peu.
7 C'est très peu probable qu'il y ait des doublons concernant tous ces
8 éléments de description, nom, surnom, date et lieu de naissance.
9 Q. Bien. Je vous donnerai un exemple et vous pouvez le vérifier au sein de
10 votre département. Sur la liste électorale, il y a 69 personnes s'appelant
11 Mirsad Halilovic, dont huit sont nés en 1965. Dans le recensement de la
12 population, il y a 86 personnes s'appelant Mirsad Halilovic, dont 14 sont
13 nés en 1965.
14 Quand vous effectuez la vérification croisée sur la base du nom, du prénom
15 et de l'année de naissance du recensement et de la liste électorale, vous
16 allez arriver à établir les correspondances. Et du moment où le nom du père
17 ne figure pas parmi les données de la liste électorale, comment savez-vous
18 qui est le bon Mirsad que vous cherchez ?
19 R. Tout à fait. Ce n'est pas un bon exemple parce que la vérification
20 croisée est utilisée en utilisant le numéro d'immatriculation personnel,
21 donc nous n'aurions pas eu de tels problèmes, et je crois que même parmi
22 ces dossiers où il y a des noms identiques, on aurait pu distinguer pour
23 certains en utilisant ce numéro d'immatriculation. Mais il y a une
24 technique dans la vérification croisée qui consiste à bloquer, c'est-à-dire
25 éliminer certains dossiers qui, en toute probabilité, ne vont pas
26 correspondre à un certain groupe de dossiers. Cela améliore la probabilité
27 de trouver la bonne correspondance. Nous avons utilisé cette technique de
28 blocage lorsque nous avons compulsé les données concernant les personnes
Page 2254
1 disparues, notamment à Visegrad. Donc ces deux tableaux que nous avons
2 préparés et qui ont été enregistrés aux fins d'identification -- donc nous
3 avons utilisé des techniques de blocage, c'est-à-dire éliminant les
4 dossiers qui, en toute probabilité, n'allaient correspondre.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez déjà utilisé une heure,
6 Monsieur Cepic.
7 M. CEPIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas réellement disposé à
9 vous autoriser beaucoup plus de temps. Je dirais dix minutes encore.
10 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je ferai de mon
11 mieux.
12 Q. Madame, cela signifie que dans un très grand nombre de cas vous pouvez
13 prendre une décision finale seulement après l'inspection visuelle des
14 données ?
15 R. Oui, c'est exact, mais je ne dirais pas uniquement. D'après les
16 développements les plus récents --
17 Q. Merci. Dans votre rapport sur Visegrad, combien d'inspections visuelles
18 et de corrections avez-vous apportées ?
19 R. Corrections visuelles pour ce qui est de la vérification croisée, vous
20 voulez dire --
21 Q. Oui.
22 R. Nous n'avons pas procédé à des corrections visuelles. Nous faisons une
23 inspection visuelle, nous comparons des dossiers complets qui contiennent
24 beaucoup plus d'informations que ce que l'on utilise pour la vérification
25 croisée. Par exemple, un dossier complet de recensement et un autre dossier
26 complet fondé sur la liste des personnes disparues, donc l'inspection
27 visuelle consiste à comparer ces deux dossiers et à se prononcer quant à
28 savoir si c'est une vraie correspondance et non pas une correspondance
Page 2255
1 potentielle.
2 Donc il ne s'agit pas uniquement d'une inspection. C'est vraiment le
3 mieux qu'on puisse faire dans un tel cas de figure. Et dans les techniques
4 les plus récentes utilisées pour la vérification croisée, on utilise
5 l'intelligence artificielle et l'ordinateur utilise des critères qui se
6 fondent sur l'inspection visuelle effectuée par une personne humaine.
7 Q. Bien. Merci. Pourquoi dans votre rapport on ne fait référence nulle
8 part au nombre de critères utilisés et quels sont les critères qui vous ont
9 permis cette vérification ? Si vous utilisez le nom, le prénom, le nom du
10 père, la date de naissance, le lieu de naissance, et cetera, et si sur la
11 base de ces critères vous arrivez, par exemple, à avoir 20 % de cas
12 vérifiés et confirmés, et que si vous n'utilisiez que, disons, trois
13 critères, alors le taux de vérification augmentait. Pourquoi vous n'avez
14 pas mentionné cela ?
15 R. Je crois que mon rapport est tout à fait professionnel et si je devais
16 divulguer dans un rapport chaque étape que j'ai utilisé pour aboutir à ces
17 résultats, vous ne pourriez même pas lire ces milliers de pages. C'est la
18 raison pour laquelle on n'entre pas dans tous ces détails, mais on
19 enregistre tout de même le type de critères utilisés pour toutes les
20 vérifications effectuées, chaque dossier. Donc si vous voulez, on peut vous
21 donner un document qui vous présente tous ces critères. Mais comme je l'ai
22 dit en ce qui concerne la liste des personnes disparues, nous avons utilisé
23 70 critères environ et donc on a un bon aperçu des résultats, des
24 correspondances qu'on obtient grâce à ces critères.
25 Q. Est-ce que vous avez essayé de cacher cela pour nous empêcher d'évaluer
26 en fait la fiabilité de vos résultats et l'efficacité des méthodes que vous
27 avez utilisées ?
28 R. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question, mais toute
Page 2256
1 requête que vous pourriez avoir concernant les résultats de la
2 vérification, je peux vous les donner. J'ai inclus la liste des personnes
3 disparues nommément dans mon rapport, donc chaque nom peut être comparé à
4 toute autre liste que vous pourriez avoir ou que l'Accusation pourrait
5 avoir. Donc je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de dissimulé. En
6 l'occurrence, présentez-moi une demande et je ferai de mon mieux pour la
7 satisfaire.
8 Q. Je l'ai déjà fait, mais on me l'a refusé, non ?
9 R. Ce n'est pas vrai. Je vous ai dit je vous donnerai les noms que vous
10 souhaitez.
11 Q. Pourquoi vous n'avez pas inclus les statistiques comparatives dans
12 votre rapport ?
13 R. De quel type de comparaison parlez-vous, qu'est-ce que vous entendez
14 par là ?
15 Q. Nous avons parlé de cela jusqu'à maintenant. C'est à vous de répondre à
16 cette question, n'est-ce pas ?
17 R. Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous entendez par
18 comparaison mais -- enfin, comme je l'ai dit, je peux vous fournir tout ce
19 que vous pourriez encore souhaiter.
20 Q. Très bien. Merci. Par le biais d'un tableau, vous avez expliqué à Me
21 Alarid qu'un grand nombre de personnes a déménagé, c'était en pourcentage
22 mais vous ne pouvez pas, vous l'avez dit, dire à quel moment cela s'est
23 passé, n'est-ce pas ?
24 R. Vous parlez de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du
25 pays. Je ne suis pas d'accord sur le fait que je n'ai pas pu vous dire
26 quand les personnes ont été portées disparues parce que j'ai utilisé une
27 source complémentaire, la liste des personnes disparues.
28 Q. Oui, mais la liste des personnes disparues n'est pas la même chose que
Page 2257
1 la liste des personnes déplacées. Il s'agit de deux catégories tout à fait
2 différentes de la population. Vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce pas ?
3 Les personnes déplacées et les personnes disparues, ce n'est pas la même
4 chose. Répondez à cela seulement, est-ce que c'est la même chose ou pas ?
5 R. Les personnes portées disparues figurent dans un rapport concernant ces
6 personnes disparues, mais on peut voir que la distribution des personnes
7 qui ont été portées disparues indique une activité accrue, peuvent être des
8 activités de combat sur le même territoire. Donc ces informations
9 concernant le moment auquel des personnes ont été portées disparues reflète
10 que dans telle ou telle région ou telle zone, il y a eu des événements
11 extraordinaires qui ont provoqué un grand nombre de personnes portées
12 disparues. Et si l'on prend la distribution de ces personnes disparues à
13 Visegrad, la distribution est entièrement différente par rapport à celle de
14 Srebrenica et Bratunac. Pour Srebrenica et Bratunac, vous verrez le plus
15 grand nombre en 1995 et par mois, juillet 1995 et plus tard.
16 Q. Toutes mes excuses. Mais je n'osais pas poser de questions portant sur
17 Bratunac, Srebrenica, et cetera. Mes questions sont très précises. Je vous
18 ai tout simplement demandé s'il s'agit d'une et même catégorie de
19 personnes. Les personnes déplacées et les réfugiés et les personnes portées
20 disparues, est-ce que c'est la même chose ou différent ?
21 R. Non, c'est différent.
22 Q. Alors, vous n'avez pas utilisé ou disposé de sources fiables pour faire
23 vos calculs concernant ces deux catégories de personnes ?
24 R. Si, je crois que j'ai utilisé des sources fiables et pour les personnes
25 déplacées et pour les réfugiés et pour les personnes portées disparues.
26 Q. Madame, nous avons établi tout à l'heure que la seule source fiable
27 pour vous était le recensement de la population et les listes électorales.
28 S'agissant des personnes portées disparues, il y avait que le rapport de la
Page 2258
1 Croix-rouge, n'est-ce pas ?
2 R. Je ne suis pas d'accord avec vous. Non, je n'ai jamais dit que seul le
3 recensement et la liste électorale étaient des sources fiables. Je ne suis
4 pas d'accord.
5 Q. Alors pourquoi vous n'avez pas fait référence à ces sources
6 supplémentaires dans votre rapport et quelles seraient ces sources, par
7 ailleurs ?
8 R. Je viens de dire que j'ai également utilisé la liste des personnes
9 disparues. Vous parlez là des réfugiés et des personnes déplacées, vous
10 parlez de sources les concernant ?
11 Q. C'est moi qui pose les questions ici, Madame. Bien. Je veux maintenant
12 que vous nous expliquiez dans quelle mesure vos conclusions pour la période
13 allant de 1991 à 1997 sont fiables et quel est, en fait, le degré de
14 fiabilité des données auxquelles vous êtes parvenu ?
15 R. Bien, nous étions convenu que les sources que j'ai utilisées montrent
16 la composition ethnique à deux moments précis, il ne s'agit pas d'une
17 analyse des tendances à une certaine période. Vous devez lire le rapport
18 dans son intégralité. Pour ce qui est de la période entre 1991 et 1997, la
19 période du conflit, la période de 1992 à 1995 est couverte par les
20 statistiques du HCR que j'ai également incluses dans mon rapport à des fins
21 de contexte, et je me réfère au tableau --
22 Q. Je n'ai pas vu de mention du rapport HCR.
23 R. Mais cela s'y trouve.
24 Q. Vous l'avez utilisé dans d'autres affaires, Srebrenica notamment.
25 R. Non, non, croyez-moi, cela s'y trouve. C'est le tableau 4 à la page 15
26 du rapport. Il s'agit des personnes déplacées à l'intérieur du pays venant
27 de Visegrad d'après les rapports du HCR de 1998.
28 Q. Mais vous ne disposez d'aucun rapport datant de la période de référence
Page 2259
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2260
1 ?
2 R. Mais de tels rapports concernant les périodes concernées ou pertinentes
3 n'existent pas, raison pour laquelle nous utilisons d'autres ressources. Et
4 les statistiques du HCR de 1998 sont le fruit du processus de déplacement
5 qui a eu lieu pendant le conflit.
6 Q. Oui, mais si l'on examine le tableau numéro 4, on voit que la
7 municipalité de Visegrad n'y figure pas et qu'il y a d'autres
8 municipalités, Tuzla, Kakanj, et cetera, mais aucune municipalité de Bosnie
9 orientale.
10 R. Mais vous ne lisez pas correctement le tableau. Ce sont là les lieux de
11 destination, là où ces personnes sont arrivées après avoir quitté Visegrad.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous autoriserai encore trois
13 questions, Monsieur Cepic.
14 M. CEPIC : [interprétation] Je n'en ai plus que deux, Monsieur le
15 Président.
16 Q. Madame, veuillez nous indiquer quel degré de fiabilité de votre liste
17 de personnes portées disparues, et si vous avez vérifié qu'il n'y avait pas
18 de personnes fictives sur cette liste.
19 R. Bien, il faudrait déjà définir ce qu'est une personne fictive. C'est
20 une question intéressante, mais j'ai vérifié la liste du CICR, liste de
21 personnes portées disparues en effectuant une vérification croisée avec le
22 recensement, et le taux de correspondance était très élevé pour ce qui est
23 de la liste du CICR, en tout cas certainement plus de 80 %.
24 J'ai également fait une vérification croisée de la liste du CICR des
25 personnes disparues pour la région de Srebrenica avec les dossiers
26 d'identification ADN obtenus auprès de la commission internationale des
27 personnes disparues à Sarajevo. Et les doublons, les correspondances avec
28 cette identification ADN sont une source très fiable. C'est la meilleure
Page 2261
1 manière possible de procéder, et c'est la meilleure manière d'identifier
2 les personnes exhumées dans des fosses communes, une identification avec un
3 haut degré de certitude.
4 Et la correspondance entre ces deux listes, pour Srebrenica et Visegrad,
5 Visegrad faisant partie de la région, était très élevée. Quelque 96 % ou
6 plus des dossiers issus de l'identification ADN figurent aussi dans la
7 liste des personnes disparues du CICR.
8 Q. Merci. Merci.
9 R. Donc c'est mon évaluation de la fiabilité.
10 Q. Merci. Nous avons un expert sur la question. Cela ne vous concerne pas.
11 Je ne suis pas d'accord avec vous, Srebrenica ne fait pas partie de
12 Visegrad, ou le contraire.
13 Et ma dernière question, c'est le bureau du Procureur qui vous demande
14 d'effectuer un travail de recherche donné, d'élaborer un rapport portant
15 sur un territoire et une période donnée. Est-ce que, si vous ne disposez
16 pas de suffisamment de temps pour effectuer votre analyse, est-ce qu'on
17 vous demande d'effectuer ce rapport sur la base exclusivement de ce dont
18 vous disposez, ou c'est vous-même qui le faites de cette manière de votre
19 propre gré ?
20 R. Je ne reçois pas d'instructions de mes collègues de l'Accusation quant
21 à ce que je dois faire. J'ai l'acte d'accusation, et je choisis moi-même
22 les sources et les méthodes qui sous-tendent mon rapport.
23 Q. Merci.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.
25 M. CEPIC : [interprétation] Merci beaucoup, Docteur. Monsieur le Président,
26 je suis désolé d'avoir prolongé mon contre-interrogatoire. Je n'ai pas
27 d'autres questions. Donc je vous remercie.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Marcus.
Page 2262
1 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Nouvel interrogatoire par Mme Marcus :
3 Q. [interprétation] Docteur Tabeau, juste avant que mon collègue M. Cepic
4 ne vous demande - et je vais citer le compte rendu, page 51, ligne 11 - M.
5 Cepic vous a demandé : "Je vous demande de distinguer, s'agit-il de la même
6 catégorie, les personnes disparues et les personnes déplacées, oui ou non
7 ?" Et vous avez répondu à la ligne 13 : "C'est la même catégorie."
8 Pourriez-vous préciser cela ?
9 R. Non, ce n'est pas la réponse que j'ai donnée. J'ai dit qu'il ne s'agit
10 pas des mêmes catégories, les personnes déplacées et les personnes
11 disparues.
12 Q. Merci. Quelle est la version la plus récente de la liste du CICR
13 concernant les personnes disparues ?
14 R. C'est une liste qui est continuellement mise à jour. Nous avons utilisé
15 la version de 2005 pour ce rapport, mais en 2007, je pense que la huitième
16 édition de cette liste du CICR a été publiée. Il y a un site internet
17 réunissant ces données, et ces données sont actualisées, je crois, quatre
18 fois par an.
19 Q. Lorsque sur cette liste on retrouve le nom d'une personne qui est dite
20 disparue et lorsqu'on retrouve cette personne vivante, est-ce que la liste
21 est corrigée ?
22 R. Oui. Ces personnes sont radiées de la liste. Ainsi que d'autres
23 personnes, il y a d'autres catégories, donc qui font l'objet d'exclusion ou
24 d'élimination administrative, des rapports où il y avait eu des erreurs ou
25 des doublons, donc ces deux catégories-là sont éliminées de la liste.
26 Q. Et il s'ensuit que si un cadavre est exhumé et identifié grâce à son
27 ADN, ce nom-là serait également radié de la liste des personnes disparues ?
28 R. Oui, pour ce qui est de la liste sur le site internet.
Page 2263
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.
2 M. CEPIC : [interprétation] Si vous le permettez, Monsieur le Président,
3 les analyses ADN font objet d'expertise de notre expert et non pas de
4 celui-ci.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est l'origine de ces
6 questions ?
7 Mme MARCUS : [interprétation] De nombreuses questions ont été posées
8 concernant la fiabilité de la liste du CICR concernant les personnes
9 disparues. Je n'ai plus qu'une autre question qui découle des questions
10 posées par la Juge van den Wyngaert pour expliciter les liens entre les
11 personnes disparues et les personnes décédées d'après la Dr Tabeau.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Poursuivez.
13 Mme MARCUS : [interprétation]
14 Q. D'après vous, quelle est la probabilité de retrouver une personne sur
15 la liste du CICR de 2005 ou 2007, liste des personnes disparues, qui soit
16 toujours en vie ?
17 R. Je pense qu'il y a une très faible probabilité, car les survivants sont
18 radiés de la liste. Ce que fait le CICR, c'est aussi de clore certains cas,
19 certains dossiers, lorsqu'ils ont des moyens de preuve concernant les
20 personnes disparues dont ils ont des catégories distinctes, personnes qui
21 sont toujours portées disparues, personnes dont on sait qu'elles sont
22 décédées, puis une autre catégorie, personnes toujours portées disparues,
23 l'on dispose de certains éléments de preuve concernant le corps mais
24 l'affaire n'est pas encore close. Donc de cette manière, le CICR essaie
25 d'informer le public concernant les progrès réalisés en matière
26 d'identification et collabore étroitement avec la commission concernée pour
27 identifier les individus.
28 Q. Merci beaucoup, Madame Tabeau.
Page 2264
1 Mme MARCUS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. J'aimerais
2 demander le versement de trois pièces. Tout d'abord, le rapport actualisé.
3 Je sais que cela fait encore l'objet d'une requête en suspens. La pièce
4 P118.
5 Puis les deux pièces à des fins de démonstration, P119 et 120.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.
7 M. CEPIC : [interprétation] Si vous le permettez, ces deux documents, je ne
8 vois pas sur quoi ils sont fondés. Dans le rapport de Mme Tabeau figurent
9 des tableaux avec des données de la Croix-Rouge, et cetera, et cetera,
10 alors que ces deux listes supplémentaires sont tout simplement basées sur
11 les critères figurant dans l'acte d'accusation. Je ne vois pas quelle est
12 leur pertinence ici, parce que les annexes de l'acte d'accusation existent
13 déjà, on n'a pas besoin de répéter les mêmes choses à l'infini.
14 Mme MARCUS : [interprétation] Il y a eu beaucoup de discussions concernant
15 ces tableaux. Mme Tabeau, le Dr Tabeau a identifié ou authentifié ces
16 tableaux le 22 septembre, il y a deux jours, aux pages 78 et 79 du compte
17 rendu. C'est la seule manière qui permette à la Chambre -- enfin, cela
18 simplifie le travail tant des Juges que de la Défense, pour qu'ils ne
19 doivent pas rechercher ou lire toute la liste de toutes les personnes
20 disparues à Visegrad. Dr Tabeau et son équipe ont extrait certains noms
21 afin de faciliter votre travail. C'est simplement destiné à faciliter le
22 travail des Juges de la Chambre.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.
24 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, mais on a les sources
25 bien distinctes, on a la liste de la Croix-Rouge et on a l'acte
26 d'accusation. Maintenant on a une troisième chose, quelque chose qui a été
27 produit au bureau.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire par là que nous
Page 2265
1 avons une source de trop ?
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons verser ces pièces au
4 dossier.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit des pièces 118, 119 et 120
6 qui deviendront des pièces après avoir été identifiées aux fins
7 d'enregistrement.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela met un terme à votre
9 déposition, Docteur. Merci d'être venue. Vous pouvez maintenant quitter le
10 prétoire.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
12 [Le témoin se retire]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin suivant.
14 M. GROOME : [interprétation] Nous allons rappeler M. Kustura afin d'en
15 finir avec son contre-interrogatoire. Vous vous souvenez qu'hier --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
17 M. GROOME : [interprétation] -- il y avait eu un problème de traduction,
18 raison pour laquelle nous avions suspendu l'audience. Les traductions vont
19 arriver. Je crois que nous en avons déjà deux et bientôt, les autres seront
20 disponibles. Mais je suggère une solution pratique. Les deux équipes de la
21 Défense ont chacun un conseil qui comprend bien la langue de l'original.
22 Peut-être pourraient-ils aider la personne qui mène le contre-
23 interrogatoire à passer en revue ces documents. Cela a peut-être déjà été
24 fait. Il ne faut que cinq minutes pour lire ces documents, et avant la
25 conclusion du contre-interrogatoire, je pense que les traductions seront
26 disponibles, et que s'ils souhaitent demander le versement d'une
27 traduction, ces traductions seront disponibles.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous fais confiance quand vous
Page 2266
1 dites qu'il ne faut que cinq minutes pour lire ces documents.
2 M. GROOME : [interprétation] En tout, il s'agit de huit pages et demie
3 écrites.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que l'on fasse de nouveau rentrer le
5 témoin.
6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez accompagner le témoin et
8 lui demander de s'asseoir.
9 [Le témoin vient à la barre]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kustura, hier vous avez
11 prononcé la déclaration d'après laquelle vous diriez la vérité, et vous ne
12 diriez que la vérité, et j'aimerais simplement vous dire que vous êtes
13 toujours lié par cette déclaration.
14 LE TÉMOIN: ISLAM KUSTURA [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce Me Alarid ?
18 Non, Maître Alarid, vous en avez terminé.
19 M. Cepic -- ou alors plutôt, M. Dieckmann qui va vous contre-
20 interroger.
21 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Contre-interrogatoire par M. Dieckmann :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kustura.
24 R. Bonjour.
25 Q. Je m'appelle Jens Dieckmann. Je suis conseil de la Défense pour M.
26 Sredoje Lukic.
27 R. Je n'entends pas bien.
28 Q. Merci.
Page 2267
1 Mme MARCUS : [interprétation] Le témoin vient de dire qu'il n'entend pas
2 bien.
3 M. DIECKMANN : [interprétation]
4 Q. M'entendez-vous mieux maintenant ?
5 R. Oui, j'entends mieux maintenant.
6 Q. Merci. Je vous répète, je m'appelle Jens Dieckmann. Je représente la
7 Défense de M. Sredoje Lukic.
8 R. Bien. J'ai compris.
9 Q. Merci. Tout d'abord, j'aimerais vous présenter, au nom de la Défense de
10 M. Sredoje Lukic et au nom de mon client, toutes nos condoléances pour la
11 perte de vos fils et toutes les souffrances que vous avez éprouvées.
12 R. Merci.
13 Q. J'essayerai de formuler les questions en respectant toute la douleur
14 que vous avez éprouvée. Je n'ai que quelques questions, et je vais tenter
15 de les énoncer aussi brièvement et aussi précisément que possible. Je vous
16 serais gré de bien vouloir y répondre de la même manière, par des réponses
17 brèves et précises si possible.
18 R. Je vais essayer.
19 Q. Si vous ne comprenez pas la question, veuillez me le dire sans tarder
20 et j'essayerai de la reformuler.
21 R. Très bien.
22 Q. Monsieur Kustura, hier pendant l'interrogatoire principal, l'on vous a
23 demandé de donner les noms de certains détenus au camp d'Uzamnica, qui
24 étaient membres de l'ABiH. Je me réfère à la page 63, première ligne du
25 compte rendu provisoire.
26 Mme MARCUS : [interprétation] Puis-je vous demander que l'on passe à huis
27 clos partiel si l'on va citer des noms ? Le témoin ne peut pas se référer à
28 la feuille de pseudonymes.
Page 2268
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2269
1 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui, j'en suis bien conscient.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Huis clos partiel.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
4 [Audience à huis clos partiel][Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]
5 M. DIECKMANN : [interprétation]
6 Q. Vous avez répondu, et je vous cite : "Il y en avait bien un. Son nom
7 m'échappe pour le moment."
8 R. C'était (expurgé) C'était lui qui était là.
9 Q. Merci. Merci, Monsieur. Cela m'amène à votre première question :
10 Monsieur Kustura, conviendrez-vous avec moi que de manière générale il est
11 plus facile de se souvenir de détails concernant des événements récents que
12 se souvenir des détails se rapportant à des événements qui ont eu lieu il y
13 a fort longtemps ? Seriez-vous d'accord avec cela ?
14 R. Oui, c'est vrai qu'on oublie les choses qui se sont passées il y a très
15 longtemps.
16 Q. Merci, Monsieur. Une autre question : en ce qui concerne la période que
17 vous avez passée dans le camp d'Uzamnica, vous avez dit hier que vous avez
18 été détenu dans le camp d'Uzamnica pendant trois années, trois ans et dix
19 jours, à la page 71, ligne 23.
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. Je vous prie d'y réfléchir de nouveau. Serait-il possible que vous avez
22 été détenu pendant --
23 R. Je suis resté au camp deux ans et dix jours.
24 Q. Merci, Monsieur. C'était ma question : entre le 3 octobre 1992 jusqu'au
25 jour de l'échange des prisonniers en octobre 1994 ?
26 R. Oui, jusqu'à 1994.
27 Q. Merci beaucoup. Puisque nous sommes à huis clos partiel, je peux vous
28 demander : vous vous trouviez avec (expurgé) pendant la période de
Page 2270
1 détention, votre période de détention à Uzamnica, n'est-ce pas ?
2 R. Oui. Oui. Il y était déjà quand je suis arrivé. Il avait été capturé
3 avant moi.
4 Q. Pendant combien de mois avez-vous été détenus ensemble à Uzamnica ?
5 Vous en souvenez-vous ?
6 R. Jusqu'à la fin, jusqu'au moment où j'ai été échangé. A ce moment-là,
7 lui aussi il a été échangé.
8 Q. Pour ce qui est de (expurgé), il était également détenu en même
9 temps que vous à Uzamnica, n'est-ce pas ?
10 R. Oui. Lui, il était militaire. Il a été fait prisonnier.
11 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté avec lui à Uzamnica ?
12 R. Je ne vous ai pas entendu.
13 Q. Combien de temps avez-vous passé aux côtés de (expurgé) à
14 Uzamnica ?
15 R. Il y était déjà quand je suis arrivé à Uzamnica.
16 Q. Avez-vous passé toute la période jusqu'à 1994 avec lui ou est-ce qu'il
17 est parti plus tôt ?
18 R. Oui, toute cette période-là.
19 Q. Merci. Je crois que nous pouvons de nouveau retourner en audience
20 publique.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que ce soit fait.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience
23 publique.
24 [Audience publique]
25 M. DIECKMANN : [interprétation]
26 Q. La troisième personne au sujet de laquelle j'aimerais vous poser une
27 question, c'est Nurko Dervisevic. Il était avec vous également ?
28 R. Oui, oui. Ils étaient 22 qui étaient chassés de là-bas. Il y avait mon
Page 2271
1 oncle et quelques personnes de Dobrun parmi eux. En tout, ils étaient 22.
2 Q. Merci.
3 R. Mais Nurko, il y est resté pour traire les vaches.
4 Q. Merci, Monsieur. M. Dervisevic a passé toute la période jusqu'à 1994
5 avec vous ?
6 R. Toute la période.
7 Q. Il s'y trouvait déjà lorsque vous êtes arrivé au camp d'Uzamnica,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Qui ça ?
10 Q. Nurko Dervisevic.
11 R. Oui. Oui. Je l'ai trouvé là-bas parce qu'il y était déjà.
12 Q. Merci beaucoup. Vous avez cohabité avec eux dans le même hangar pendant
13 toute la période que vous avez passée à Uzamnica, donc jusqu'en octobre
14 1994 ?
15 R. Oui, nous étions tous ensemble dans un même bâtiment, un même hangar.
16 Q. Lorsque les soldats sont arrivés pour vous brutaliser ou brutaliser
17 d'autres, vous avez été brutalisés dans ce même hangar, n'est-ce pas ?
18 R. Nous étions tous dans ce même hangar.
19 Q. C'est ainsi que les soldats ont emmené chaque prisonnier, l'un après
20 l'autre, dans un coin de la salle pour le roué de coups ?
21 R. Non. Non, non, pas ainsi. Milan, quand il venait, d'abord il donnait
22 des coups de pied à tout le monde dans le ventre, puis après il poursuivait
23 le passage à tabac.
24 Q. Merci. Pendant que vous étiez brutalisé dans le hangar par les soldats,
25 ces passages à tabac étaient forcément vus par les autres détenus qui se
26 trouvaient dans le même hangar, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, tous les autres pouvaient voir ce qui arrivait à l'un ou à
28 l'autre. Oui, chacun pouvait le voir.
Page 2272
1 Q. Merci. Monsieur Kustura, vous connaissiez Sredoje Lukic avant 1992,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui, il travaillait pour la police de Visegrad.
4 Q. Pendant combien de temps l'aviez-vous connu avant 1992 ?
5 R. Je ne peux maintenant vous répondre à cette question. Tout ce que je
6 puisse vous dire c'est qu'il était policier à Visegrad.
7 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la couleur de cheveux de Sredoje
8 Lukic ?
9 R. A l'époque, il était un peu blond, mais plus tard, je ne sais pas.
10 Maintenant, je ne sais pas quelle couleur de cheveux peut-il avoir.
11 Q. Hier, vous avez dit que Milan Lukic mesure un mètre 90 ou un mètre 80.
12 Je me réfère à la page 83, ligne 21. Je vous demanderais, est-ce que Milan
13 Lukic est plus grand que Sredoje Lukic, autant que vous vous en souvenez ?
14 R. Oui, oui.
15 Q. Pourriez-vous nous dire à peu près de combien de centimètres Milan
16 Lukic dépasse Sredoje Lukic ?
17 R. Peut-être de 20 centimètres, peut-être.
18 Q. Vingt centimètres. Vous ai-je bien compris ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci.
21 M. DIECKMANN : [interprétation] Pardon, j'aurais besoin de quelques
22 secondes.
23 [Le conseil de la Défense se concerte]
24 M. DIECKMANN : [interprétation]
25 Q. Monsieur, si je vous dis que Sredoje Lukic a toujours eu les cheveux
26 bruns et qu'en fait il est plus grand que Milan Lukic.
27 R. Non, non, non, il n'est pas plus grand que Milan Lukic.
28 Q. Je vous avance ce qui suit : Sredoje Lukic ne vous a pas brutalisé
Page 2273
1 pendant les deux années de détention à Uzamnica et qu'en fait vos souvenirs
2 sont défaillants à ce sujet. Me comprenez-vous ?
3 R. Comment ma mémoire pourrait être défaillante ? Sredoje, il me battait.
4 Il nous passait à tabac ensemble avec Milan.
5 Q. Monsieur Kustura, vous avez accordé un entretien au centre des services
6 de sécurité à Sarajevo en novembre 1994. Est-ce que vous vous en souvenez ?
7 R. J'ai fais beaucoup de déclarations, Dieu seul le sait. C'est parce que
8 je suis resté au camp si longtemps.
9 Q. C'était quelque cinq semaines après votre remise en liberté, ce premier
10 entretien que vous avez donné en novembre 1994, n'est-ce pas ?
11 R. Oui. Oui, c'est vrai. On m'a interrogé. C'était à côté de la Miljacka.
12 M. DIECKMANN : [interprétation] Je demanderais à l'huissière de nous
13 montrer le document 2D02-0026. Est-ce que l'on pourrait faire défiler le
14 texte et voir la page 3 en B/C/S. Pardon. Il serait bon que l'on revienne à
15 la première page en B/C/S.
16 Q. Dans le premier paragraphe, il est dit que vous êtes né le 15 février
17 1930 à Zlatnik, dans la municipalité de Visegrad; est-ce vrai ?
18 R. Oui, oui, c'est vrai.
19 Q. Merci. J'aimerais maintenant venir à la dernière page en B/C/S. Si
20 c'est possible, pourrions-nous voir le passage ou voir les signatures au
21 bas de la page.
22 Monsieur Kustura, je vous ai vu entrer dans la salle d'audience sans cane,
23 sans aide de la part de l'huissière. Sachant que vous avez quelques
24 problèmes de vue, j'aimerais vous demander d'examiner l'écran et vous
25 demander si vous y voyez votre nom à l'écran que vous avez sous les yeux.
26 R. Je vois un peu, mais très mal en fait.
27 Q. Vous ne voyez pas votre signature à l'écran ? Est-ce bien votre
28 signature que l'on voit à l'écran ?
Page 2274
1 R. Oui, c'est Kustura Islam.
2 Q. En dessous de cette ligne, est-ce que vous voyez bien votre signature ?
3 R. Est-ce qu'il y le nom Kustura dans la signature. Oui, je vois, c'est
4 écrit Kustura.
5 Q. C'est bien votre signature ?
6 R. Oui. Oui.
7 Q. Merci, beaucoup. Lors de cet entretien, vous avez eu la possibilité de
8 citer tous les noms des victimes et des auteurs que vous connaissiez à
9 l'époque, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. J'aimerais vous donner lecture du passage qui précède directement les
12 signatures. "En ce qui concerne ce qui précède, je n'ai rien à ajouter. On
13 m'a lu cette déclaration très clairement et j'accepte le fait que ce sont
14 mes mots qui y figurent et ainsi j'ai signé la déclaration.
15 "Tous les officiels se sont comportés de manière tout à fait correcte
16 lors de cet entretien."
17 C'est bien la déclaration que vous avez signée ?
18 R. Oui.
19 Q. Dans cette déclaration que vous avez donnée cinq semaines après votre
20 remise en liberté, en 1994, vous avez donné 16 noms, noms de gardiens
21 serbes et de soldats venant de l'extérieur qui vous ont prétendument
22 brutalisé, vous et d'autres à Uzamnica, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, bon maintenant je ne m'en souviens plus, j'ai oublié ces noms et
24 ces prénoms que j'avais donnés quand j'ai fait cette déclaration.
25 Q. En novembre 1994, vous étiez à même de vous souvenir de manière
26 détaillée des noms des personnes qui vous ont prétendument brutalisé, vous
27 et d'autres ?
28 R. Oui. Tous les noms, tous les prénoms, mais maintenant je ne m'en
Page 2275
1 souviens plus.
2 Q. Merci, Monsieur. Monsieur Kustura, n'est-il pas vrai que vous n'avez
3 pas mentionné Sredoje Lukic une seule fois dans cette déclaration que vous
4 avez faite cinq semaines seulement après que vous ayez été échangé; est-ce
5 exact ?
6 R. Je peux vous l'expliquer, vous savez, parce que Sredoje Lukic
7 accompagnait toujours Milan Lukic et alors, quand je faisais référence à
8 Milan, je pensais que ça se comprenait, qu'en fait, il y avait et Milan et
9 Sredoje là ensemble.
10 Q. Merci, Monsieur.
11 M. DIECKMANN : [interprétation] Nous aimerions demander le versement au
12 dossier de ce document.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document deviendra la pièce 2D19 et
15 sera versée au dossier.
16 M. DIECKMANN : [interprétation]
17 Q. Monsieur Kustura, j'aimerais maintenant vous donner lecture d'un
18 passage et je vous demanderais de nous dire si vous reconnaissez ce passage
19 comme faisant partie d'une déclaration que vous avez faite. Est-ce que vous
20 comprenez ?
21 R. Je n'ai pas bien compris. Un texte, quel texte ?
22 Q. Je vais vous donner lecture d'un texte et puis vous poser des questions
23 au sujet de ce texte. Pourrions-nous procéder ainsi ?
24 R. On peut, oui.
25 M. DIECKMANN : [interprétation] Je demanderais à l'huissière de nous
26 montrer le document 2D02-0884.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quoi s'agit-il, Monsieur
28 Dieckmann ?
Page 2276
1 M. DIECKMANN : [interprétation] Il s'agit d'un extrait d'un livre dont
2 l'intitulé "Chronique du génocide en Bosnie," publié à Zenica en 1996 dont
3 l'auteur est M. Ibrahim Kljum, et l'on y trouve à la page 293 et à la page
4 294 un extrait, ou une retranscription d'un entretien accordé par le témoin
5 à une chaîne de télévision en Bosnie-Herzégovine, et j'aimerais vous donner
6 lecture du premier paragraphe.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas l'impression de
8 comprendre. Vous dites qu'il s'agit là d'un extrait d'un entretien accordé
9 par le témoin, ce témoin donc ?
10 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui, ce témoin.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous allons entendre ce
12 passage.
13 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci.
14 Mme MARCUS : [interprétation] Pardon, mais --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la date de l'entretien.
16 M. DIECKMANN : [interprétation] L'entretien date du 22 janvier 1995,
17 diffusé à la télévision de Bosnie-Herzégovine, studio Sarajevo.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
19 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que le conseil de la Défense pourrait
20 nous donner quelque élément qui nous démontre qu'il s'agit bien de la même
21 personne.
22 M. DIECKMANN : [interprétation] C'est bien la raison pour laquelle je
23 souhaiterais donner lecture de ce passage et lui demander s'il s'agit bien
24 de sa déclaration.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, allez-y.
26 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci.
27 Q. "I.K.: début du mois d'avril lorsque nos voisins du village de
28 Jablanica, village avoisinant, ont commencé à tirer sur mon village
Page 2277
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2278
1 Zlatnik, nous avons fui en direction de Visegrad, puis en direction de
2 Gorazde."
3 R. [aucune interprétation]
4 Q. "Sans attendre à ce qui allait nous advenir par la suite, nous sommes
5 entrés à la maison après que le Corps d'Uzice de la JNA soit arrivé à
6 Visegrad."
7 R. [aucune interprétation]
8 M. DIECKMANN : [interprétation] Au début, il faudrait que le compte rendu
9 reflète aussi les observations faites par le témoin que nous avons pu
10 entendre. D'après ce que j'ai pu entendre, il a dit oui deux fois.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. DIECKMANN : [interprétation]
13 Q. "Au début la situation était calme, nous labourions la terre, nous
14 plantions les légumes."
15 R. Oui.
16 Q. "Tout cela jusqu'à ce que la JNA quitte Visegrad."
17 R. Quitte Visegrad, oui.
18 Q. C'est à ce moment-là que les Chetniks ont commencé à commettre des
19 crimes ?
20 R. Oui.
21 Q. Le 25 mai 1992. "Ils ont envahi Zlatnik ?"
22 R. Oui.
23 Q. "Ils m'ont fait prisonnier, mon fils Ahmet et deux autres voisins ?"
24 R. Ibrahim et Ahmet et toutes les femmes également ont été fait
25 prisonniers.
26 Q. "Ils nous ont amenés vers le ruisseau à côté. Ils nous ont brutalisés,
27 frappés et ensuite ont amené Ahmet vers le ruisseau."
28 R. Oui.
Page 2279
1 Q. "Nous avons entendu des tirs."
2 R. Oui.
3 Q. "Puis ils ont également amené Avdo --"
4 R. Ibrahim. Oui.
5 Q. "-- et encore une fois, nous avons entendu des tirs."
6 R. Oui.
7 Q. "Un Chetnik m'a amené avec un autre voisin, et en chemin il nous a dit
8 de courir, qu'il ne tirerait pas sur nous."
9 R. Oui, en effet, qu'il ne tirerait sur nous.
10 Q. "Nous ne l'avons pas cru."
11 R. Non, en effet. Nous ne l'avons pas cru.
12 Q. "Mais nous sommes partis en courant le long du ruisseau, nous avons
13 entendu des tirs tirés en l'air."
14 R. Oui.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous allez bientôt en
16 arriver à l'objet de votre question ?
17 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu mon fils dans le ruisseau, Ahmet, et
19 mon Ibrahim, et la tête de mon fils était plongée dans l'eau.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
21 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci.
22 Q. Monsieur Kustura, est-ce que vous vous souvenez d'avoir fait cette
23 déclaration à la télévision bosniaque et que cet entretien a d'ailleurs été
24 diffusé par la suite ?
25 R. Oui, tout à fait. Cela ne fait aucun doute, je m'en souviens.
26 Q. N'est-il pas vrai que vous n'avez pas mentionné Sredoje Lukic lors de
27 cet entretien diffusé le 22 janvier 1995, comme étant l'un des auteurs de
28 crime à Uzamnica ? N'est-il pas vrai que vous n'avez pas mentionné son nom
Page 2280
1 une seule fois ?
2 R. Non, non. Il n'y était pas. Il s'agissait de nos voisins, les Serbes.
3 Sredoje était ailleurs, était de l'autre côté.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire quand
5 vous dites qu'il était de l'autre côté ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A Visegrad. Il massacrait, il tuait les gens à
7 Visegrad.
8 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a
9 peut-être une confusion parce que je crois que le passage que Me Dieckmann
10 a lu au témoin parlait de quelque chose qui avait eu lieu avant Uzamnica.
11 Il se peut que cela ait conduit le témoin à quelques confusions. Peut-être
12 que certains éclaircissements seraient utiles.
13 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui. C'est un passage postérieur concernant
14 le camp d'Uzamnica et je propose de présenter cette partie de la
15 déclaration au témoin en ce qui concerne la situation au camp d'Uzamnica
16 puisqu'il y a davantage de choses à voir avec ce dont nous parlons.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
18 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil pourrait éteindre son microphone
19 lorsque le témoin répond parce qu'avec le bruit des papiers qui est très
20 fort dans le microphone, ça rend très difficile la compréhension de ce que
21 dit le témoin.
22 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui. Merci.
23 Q. Monsieur Kustura, je vais vous lire une autre partie de cette émission
24 de télévision. C'est au milieu du deuxième paragraphe de la version
25 anglaise, je cite : "Ils nous ont emmenés au camp d'Uzamnica où un grand
26 nombre de civils musulmans de Bosnie étaient détenus."
27 R. Oui.
28 Q. "Les hommes se trouvaient dans un hangar tandis que les femmes et les
Page 2281
1 enfants se trouvaient dans un autre hangar."
2 R. Oui.
3 Q. "Qui faisait 13 mètres sur 13."
4 R. Oui, plus ou moins.
5 Q. Je cite : "La nuit, des Chetniks ivres avec Milan Lukic venaient au
6 camp et impitoyablement, ils nous passaient à tabac à coups de poing, à
7 coups de pied, avec des gourdins, en écrasant avec tous les moyens qu'ils
8 disposaient…"
9 R. Oui, c'est exact. Oui, tout est exact.
10 Q. Et ceci est la déclaration que vous avez faite concernant la situation
11 au camp d'Uzamnica, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, le camp d'Uzamnica.
13 Q. Je voudrais vous demander encore une fois, vous ne mentionnez pas
14 Sredoje Lukic, vous ne le mentionnez pas du tout dans cette déclaration de
15 juillet 1995 qui a été diffusée à la télévision bosnienne ?
16 R. Je ne m'en rappelais pas à l'époque, et c'est la raison pour laquelle
17 je ne l'ai pas mentionné, mais il était tout le temps avec Milan.
18 Q. Je vous remercie. Merci beaucoup.
19 M. DIECKMANN : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander
20 le versement d'une partie de ce livre comme élément de preuve.
21 Mme MARCUS : [interprétation] Objection.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Marcus.
23 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais élever une
24 objection à cela. Le témoin a confirmé certaines parties, a apporté des
25 corrections. Le nom de son fils n'a pas été mentionné, ils ont dit que le
26 nom de son était Ahmet. Il a corrigé deux parties et c'est seulement
27 certains passages qui n'ont pas été lus. Il s'agit d'une transcription
28 d'une audition qu'il n'a jamais eu la possibilité de vérifier et, par
Page 2282
1 conséquent, ceci n'est pas authentifié par le témoin.
2 M. DIECKMANN : [interprétation] Je suis tout à fait en mesure de lire
3 l'ensemble du texte transcript si la Chambre m'y autorise.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre ne veut pas l'autoriser
6 bien que je sois d'une opinion dissidente.
7 M. DIECKMANN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons seulement
8 récemment trouvé ces documents et pour le moment nous sommes en train de
9 procéder à des investigations pour retrouver l'interview diffusée avec ce
10 témoin, et nous voudrions présenter maintenant un disque DVD avec ce
11 programme un peu plus tard, avec la permission des membres de la Chambre.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A un stade ultérieur ? Quand est-ce
13 qu'on le recevra ?
14 M. DIECKMANN : [interprétation] Dès que nous le recevrons.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Celui que nous venons de refuser ?
16 M. DIECKMANN : [interprétation] C'est une partie du programme qui avait été
17 diffusé et c'était le témoin en personne.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous venons juste de refuser son
19 admission.
20 M. DIECKMANN : [interprétation] Je pensais que c'était seulement la
21 transcription telle que publiée dans le livre.
22 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,
23 je pense que le témoin a confirmé qu'il avait bien donné une interview à la
24 société de diffusion de Bosnie. Il a confirmé la date, il a confirmé que
25 c'était bien ça qui était arrivé.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre de première instance a
27 rendu sa décision et je ne vois aucune nécessité de la reconsidérer.
28 M. DIECKMANN : [interprétation]
Page 2283
1 Q. Monsieur Kustura, j'ai enfin quelques questions à vous poser concernant
2 votre déposition d'hier et je souhaiterais aller en audience à huis clos
3 partiel juste pour une question.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Audience à huis clos partiel.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
6 partiel.
7 [Audience à huis clos partiel][Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]
8 M. DIECKMANN : [interprétation]
9 Q. Monsieur Kustura, vous nous avez dit hier, c'est à la page 73, lignes
10 10 à 16, que M. (expurgé) et M. (expurgé), je me réfère à la
11 page 63, ligne 2 du compte rendu provisoire, avaient tous deux subi des
12 mauvais traitements par Sredoje Lukic, comme vous-même et d'autres hommes
13 qui se trouvaient dans le hangar. C'était votre déposition hier; est-ce
14 exact
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Merci.
17 R. Il y avait Sredoje et Milan, tous les deux.
18 Q. Je vous remercie.
19 M. DIECKMANN : [interprétation] Nous pouvons retourner en audience
20 publique.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Audience publique.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,
23 Monsieur le Président.
24 [Audience publique]
25 M. DIECKMANN : [interprétation]
26 Q. Monsieur Kustura, j'ai lu soigneusement votre déposition, et si j'ai
27 bien compté, vous mentionnez 12 fois d'une façon presque stéréotypée la
28 façon dont Sredoje Lukic aurait fait exactement les mêmes choses que Milan
Page 2284
1 Lukic vous a fait, aux autres personnes dans le hangar. Par exemple, à la
2 page 66, ligne --
3 R. Oui.
4 Q. Il est dit que : "Sredoje était avec lui, ça veut dire Milan l'était
5 toujours."
6 R. Toujours. Il était toujours avec Milan. Chaque fois que Sredoje
7 arrivait, Milan arrivait aussi. Chaque fois que Milan arrivait, Sredoje
8 arrivait aussi.
9 Q. Monsieur Kustura, saviez-vous que Nurko Dervisevic connaissait Sredoje
10 Lukic depuis 15 ans avant 1992 ? Ça faisait 15 ans qu'il le connaissait ?
11 R. Oui. Il le connaissait certainement parce que Nurko vivait en ville
12 tandis que moi j'étais au village. Il connaissait Sredoje certainement, car
13 Nurko était dans la police.
14 Q. Est-ce que vous savez que Nurko Dervisevic a été détenu au total 28
15 mois à Uzamnica, du mois de juin 1992 au mois d'octobre 1994 ?
16 R. Je l'ai trouvé dans le camp. J'ai trouvé Nurko dans le camp et nous
17 avons été échangés ensemble.
18 Q. Saviez-vous que Nurko Dervisevic avait aussi perdu deux de ses fils
19 pendant la guerre ?
20 R. Je ne savais pas cela, mais les Chetniks ont toujours dit qu'ils
21 avaient tué son fils ici ou tué son fils là, mais quant à savoir si c'était
22 exact, après que j'ai été échangé, je n'ai plus revu Nurko.
23 Q. Est-ce que vous changeriez d'avis aujourd'hui si je vous disais que
24 Nurko Dervisevic a déposé devant cette Chambre et a dit qu'il aurait vu
25 Sredoje Lukic seulement une fois au cours de cette période de 28 mois
26 d'emprisonnement au camp d'Uzamnica ?
27 R. Comment est-ce que cela se pourrait ? Il venait toujours avec Milan.
28 Chaque fois que Milan arrivait, Sredoje arrivait aussi.
Page 2285
1 Q. Témoin, est-ce que vous savez -- est-ce que vous voyez une raison
2 quelconque pour laquelle Nurko Dervisevic, qui a perdu deux de ses fils et
3 qui a subi des conséquences de son emprisonnement, pourquoi est-ce qu'il
4 mentirait ?
5 Mme MARCUS : [interprétation] Objection. Ceci demande des spéculations,
6 demander à un témoin de contester la fiabilité d'un autre. Ceci n'est pas
7 approprié.
8 M. DIECKMANN : [interprétation] Je lui demande s'il connaît un motif pour
9 lequel --
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à la question, Témoin.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant du
13 fait qu'il avait perdu deux de ses fils. Mais les Chetniks lui disaient
14 toujours : "Ton fils-là a été tué ici. L'autre fils a été tué là-bas," mais
15 ce qui s'est véritablement passé, je ne le sais pas parce que je n'ai plus
16 revu Nurko après que nous ayons été échangés.
17 M. DIECKMANN : [interprétation]
18 Q. Excusez-moi encore une fois, Monsieur le Témoin, mais voyez-vous une
19 raison quelconque pourquoi laquelle Nurko Dervisevic mentirait ?
20 R. Je ne vois pas pourquoi il mentirait en disant qu'il aurait perdu deux
21 fils. Moi, je ne sais pas qu'il ait perdu des fils.
22 M. DIECKMANN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Je vous
23 remercie.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Madame Marcus.
25 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
26 questions pour ce témoin.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kustura, vous avez fait
28 votre déposition. Elle vient de prendre fin maintenant et vous pouvez vous
Page 2286
1 retirer.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux repartir ?
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez partir. Je suppose
4 que vous n'avez pas envie de rester.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on peut enlever ça ?
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être que vous commencez à
7 apprécier le Tribunal.
8 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
9 [Le témoin se retire]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin suivant.
11 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas
12 d'autres témoins pour aujourd'hui. Nous voudrions vous demander si nous
13 pourrions lever la séance jusqu'à demain matin lorsque Zehra Turjacanin
14 sera prête à faire sa déposition, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons
16 lever la séance, et ceci, jusqu'à demain 9 heures moins 10. L'audience est
17 levée.
18 --- L'audience est levée à 12 heures 01 et reprendra le jeudi 25 septembre
19 2008, à 8 heures 50.
20
21
22
23
24
25
26
27
28