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1 Le mercredi 14 septembre 2011
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.
6 M. LE JUGE GUNEY : Bonjour à tous.
7 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez, je vous prie, appeler l'affaire
8 qui est inscrite au rôle pour la présente audience.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-98-32/1-A, le
10 Procureur contre Milan Lukic et Sredoje Lukic.
11 M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.
12 J'aimerais savoir si MM. Milan Lukic et Sredoje Lukic peuvent entendre et
13 suivre le déroulement des procédures dans une langue qu'ils comprennent.
14 L'APPELANT MILAN LUKIC : [interprétation] En ce qui me concerne, oui. Je
15 suis Milan Lukic et je peux suivre tout à fait.
16 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur Milan Lukic.
17 J'aimerais -- Monsieur Sredoje Lukic, s'il vous plaît.
18 L'APPELANT SREDOJE LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je
19 peux tout à fait suivre.
20 M. LE JUGE GUNEY : Merci beaucoup, Monsieur Sredoje Lukic.
21 Je demanderais maintenant aux parties de bien vouloir s'identifier, en
22 commençant par le conseil de M. Milan Lukic.
23 M. VISNJIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis le
24 conseil Me Tomislav Visnjic et je suis avec Me Dan Ivetic, et nous
25 représentons Milan Lukic, avec les bons soins de Mme Marie O'Leary.
26 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître Visnjic.
27 Je me tourne à présent vers le conseil de M. Sredoje Lukic, s'il vous
28 plaît.
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1 M. CEPIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
2 Messieurs les Juges. Alors, je suis Me Cepic, conseil de la Défense de M.
3 Sredoje Lukic. J'ai à ma gauche le Pr Knoops, notre conseiller juridique;
4 j'ai à ma droite Me Jens Dieckmann, co-conseil; et derrière moi, vous
5 pouvez voir Mme Marritta van Wandenberg, qui est notre commise aux
6 affaires, ainsi que M. Jacob Nuebel et Mme Sabine Schulz.
7 M. LE JUGE GUNEY : Merci beaucoup.
8 Je me retourne à présent vers le représentant du bureau du Procureur,
9 s'il vous plaît.
10 M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Peter Kremer
11 pour représenter le bureau du Procureur. Je serai, aujourd'hui et demain,
12 aidé de M. Matthias Schuster; M. Mathew Gillett, qui se trouve sur ma
13 droite; et nous avons également Mme Virginie Monchy, ainsi que M. Colin
14 Nawrot.
15 M. LE JUGE GUNEY : Merci.
16 La Chambre d'appel est aujourd'hui réunie pour entendre les arguments des
17 parties soulevés dans le cadre des appels interjetés par Milan Lukic,
18 Sredoje Lukic et le bureau du Procureur contre le jugement rendu le 20
19 juillet 2009 par la Chambre de première instance III.
20 Avant de donner la parole aux parties, je vais brièvement rappeler la
21 procédure et résumer les motifs d'appel soulevés dans cette affaire, ainsi
22 que la façon dont nous allons procéder lors de ces deux journées
23 d'audience.Cette affaire intéresse MM. Milan Lukic et Sredoje Lukic, tous
24 deux cousins et originaires de Rujiste, un village près de Visegrad, et
25 concerne les événements s'étant produits entre juin 1992 et octobre 1984
26 [sic] à Visegrad.
27 Milan Lukic vivait à l'époque avec ses parents dans une maison située sur
28 la rue Pionirska à Visegrad. Pour sa part, Sredoje Lukic était, lors des
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1 événements, un agent de police affecté à la station de Visegrad. Dans son
2 jugement, la Chambre de première instance III a déclaré coupable Milan
3 Lukic de 19 des 21 chefs d'accusation qui pesaient contre lui en vertu de
4 l'article 7(1) du Statut, incluant les crimes de persécution,
5 d'extermination, assassinat, actes inhumains en tant que crimes contre
6 l'humanité, ainsi que pour meurtre et traitement cruel en tant que
7 violation des lois ou coutumes de guerre. Il fait face à une sentence
8 d'emprisonnement à vie.
9 Sredoje Lukic a été condamné à une peine unique de 30 ans d'emprisonnement
10 sur 7 des 13 chefs d'accusation retenus contre lui, incluant les crimes de
11 persécution, assassinat et actes inhumains en tant que crimes contre
12 l'humanité, ainsi que meurtre et traitement cruel en tant que violation des
13 lois ou coutumes de guerre.
14 Milan Lukic a interjeté appel contre ce jugement de première instance le 19
15 août 2009 et il fait valoir huit motifs d'appel. Au titre de son premier
16 motif d'appel, Milan Lukic soutient que la Chambre de première instance a
17 commis des erreurs de droit et de fait en concluant à sa culpabilité
18 concernant les événements qui se sont déroulés le 7 juin 1992 au bord de la
19 rivière Drina ayant fait sept victimes civiles musulmanes.
20 Dans son second motif d'appel, Milan Lukic soulève des erreurs de droit et
21 de fait relativement à sa culpabilité pour le meurtre de sept civils à
22 l'usine Varda vers le 10 juin 1992.
23 Dans son troisième motif d'appel, il avance des erreurs de droit et de fait
24 quant à la déclaration de culpabilité pour les faits commis dans une maison
25 de la rue Pionirska où 59 civils musulmans ont été brûlés vifs. Il soulève
26 également des erreurs dans l'évaluation de son alibi.
27 Dans son quatrième motif d'appel, il soutient que la Chambre de première
28 instance a commis des erreurs de droit et de fait en concluant à sa
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1 participation aux événements où 60 civils musulmans ont été brûlés vifs
2 dans une maison à Bikavac.
3 Dans son cinquième motif d'appel, Milan Lukic conteste les conclusions de
4 la Chambre de première instance à l'effet qu'il aurait abattu Hajra Koric,
5 une civile musulmane.
6 Dans son sixième motif d'appel, il soulève des erreurs de droit et de fait
7 concernant la conclusion selon laquelle il aurait participé au traitement
8 inhumain de civils musulmans incarcérés au camp Uzamnica.
9 Dans son septième motif d'appel, il invoque un certain nombre de violations
10 de son droit à un procès juste et équitable.
11 Dans son huitième et dernier moyen d'appel, Milan Lukic soulève des erreurs
12 de droit et de fait quant à sa sentence.
13 De son côté, Sredoje Lukic a interjeté l'appel du jugement de première
14 instance le 19 août 2009. Pour ce qui est de sa demande d'infirmation du
15 jugement, Sredoje Lukic fait valoir 15 motifs d'appel. Dans ses motifs
16 d'appel 1 à 7, Sredoje Lukic soulève des erreurs en droit et en fait contre
17 sa culpabilité liée à son rôle dans les événements s'étant déroulés sur la
18 Pionirska vers le 10 juin 1992. Il invoque, en outre, des erreurs dans
19 l'évaluation de la preuve à charge et à décharge en relation avec son
20 alibi, ainsi que des erreurs quant aux conclusions juridiques relatives à
21 la mens rea et l'actus reus des crimes retenus contre lui.
22 Dans ses motifs d'appel 6 à 10, Sredoje Lukic soulève des erreurs de droit
23 et de fait quant à sa responsabilité liée à son rôle dans le traitement
24 inhumain infligé aux civils musulmans détenus au camp Uzamnica.
25 Dans ses onzième et douzième motifs d'appel, il invoque des erreurs de
26 droit et de fait quant à sa condamnation pour le crime de persécution et
27 pour les actes commis pendant les événements de la rue Pionirska et au camp
28 Uzamnica.
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1 Dans le cadre de son treizième motif d'appel, il allègue que la Chambre de
2 première instance n'a pas appliqué correctement le principe in dubio pro
3 reo.
4 Au titre de son quatorzième motif d'appel, il invoque des erreurs de droit
5 quant à la procédure d'identification de l'accusé en cours d'audience lors
6 du procès.
7 Dans son quinzième motif d'appel, il soulève des erreurs de droit et de
8 fait contre la peine imposée par la Chambre de première instance.
9 Pour sa part, le Procureur soulève deux motifs d'appel concernant la
10 condamnation de Sredoje Lukic. Dans son premier motif d'appel, le Procureur
11 allègue une erreur de droit commise par la Chambre de première instance en
12 ne condamnant pas Sredoje Lukic pour le crime d'extermination, du fait de
13 sa participation dans les crimes commis sur la rue Pionirska.
14 Dans son deuxième moyen d'appel, le Procureur allègue une erreur de droit
15 de la Chambre de première instance pour avoir omis de condamner Sredoje
16 Lukic pour avoir commis le crime de persécution concernant les événements
17 au camp Uzamnica.
18 Lors de cette audience, les conseils des parties peuvent décider de
19 présenter leurs arguments quant aux motifs et moyens d'appel dans l'ordre
20 qu'ils jugent le plus opportun. Je souhaite toutefois rappeler que les
21 parties ont été invitées à développer un certain nombre de points qui leur
22 ont été communiqués dans l'ordonnance en préparation de l'audience en date
23 du 6 septembre 2011.
24 Conformément à l'article 25 du Statut, les arguments de l'appelant doivent
25 se limiter aux erreurs sur un point de droit qui invalide la décision et
26 aux erreurs de fait qui ont entraîné un déni de justice. L'appel n'est pas
27 un nouveau procès, et l'appelant ne peut se contenter de réitérer les
28 arguments déjà entendus en première instance. L'appelant a, de surcroît,
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1 l'obligation de fournir les références précises des éléments qui viennent
2 étayer ses arguments en appel.
3 Il serait extrêmement utile pour la Chambre d'appel que les parties
4 présentent leurs arguments de façon claire, ordonnée et concise, en évitant
5 de répéter verbatim les arguments contenus dans leurs mémoires respectifs.
6 J'informe les parties que les Juges prendront à tous moments la liberté
7 d'interrompre les parties pour leur poser des questions si nécessaire et
8 soulèveront leurs éventuelles questions dans le début ou à la suite de
9 chacune des présentations. Cette audience doit se dérouler conformément à
10 l'ordonnance portant calendrier du 6 juillet 2011.
11 J'inviterais maintenant les conseils pour Milan Lukic à faire leurs
12 représentations. Je vous rappelle que vous disposez d'une heure et 15
13 minutes pour ce faire. Monsieur le Conseil de Milan Lukic, vous avez la
14 parole. Vous avez la parole.
15 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Nous avons réparti la présentation de nos arguments en deux volets. Lors de
17 la première partie, je parlerai de certaines omissions commises par la
18 Chambre de première instance à propos d'éléments de preuve relatifs à
19 l'identification de l'appelant; et lors de la deuxième phase, Me Dan Ivetic
20 reprendra les questions que vous lui avez posées dans votre ordonnance du 6
21 septembre.
22 Donc, Messieurs les Juges, je commencerais par une observation qui, je
23 l'espère, ne portera pas à polémique et qui est la suivante : en temps de
24 crise et de conflit, certains individus se taillent une réputation
25 d'infâmes, les rumeurs se propagent comme autant de feux follets, des
26 légendes naissent. Des mythes sont créés, qu'il s'agisse de vérité, de
27 fausse vérité ou d'exagération, un visage est vu alors qu'il n'aurait pas
28 pu dans la réalité des faits être à cet endroit.
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1 Les Chambres de première instance de ce Tribunal ont dû faire face à une
2 tâche extrêmement difficile, à savoir mettre en parallèle ou faire le tri
3 des éléments de preuve, alors qu'il s'agissait de crimes absolument
4 atroces, et ce, pour établir au-delà de tout doute raisonnable ce qui
5 s'était passé et qui en était responsable. Messieurs les Juges,
6 l'expérience acquise dans les différents systèmes de justice pénale dans le
7 monde entier montre qu'en matière d'identification et de reconnaissance ou
8 attestation des témoins, de nombreux dénis de justice peuvent être
9 occasionnés.
10 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
11 M. LE JUGE GUNEY : Oui, vous pouvez continuer.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Merci. Et cela est de notoriété publique, ce
13 qui fait que le droit a évolué pour essayer de rectifier ces risques
14 manifestes. Des procédures d'identification objective sont utilisées,
15 telles que des tapissages ou la présentation d'albums de photos mis au
16 point de façon indépendante. La première fois qu'un témoin est entendu par
17 la police ou par une autorité telle qu'un juge d'instruction, les
18 entretiens sont justement enregistrés afin d'assurer que l'on ne fait pas
19 dire au témoin quelque chose qu'il n'aurait pas voulu dire. On demande au
20 témoin de décrire de façon détaillée l'auteur d'un crime. Si le témoin est
21 d'avis qu'il a reconnu l'auteur du crime, la base permettant d'établir que
22 la personne a été reconnue est ainsi déterminée. Lorsque l'affaire se
23 trouve en phrase de procès, des principes juridiques régissent l'évaluation
24 de tout élément de preuve relatif à l'identification. Pourquoi ? Parce que
25 même pendant cette phase, le risque de déni de justice ou d'erreur
26 judiciaire continue à exister. Le juge du fait doit ainsi, et de façon
27 méthodique, faire le tri des éléments de preuve et les mettre en parallèle
28 par rapport aux critères juridiques.
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1 La Chambre d'appel de ce Tribunal a résumé les critères énormes retenus
2 dans des affaires successives, par exemple, Kupreskic, Kvocka et Limaj,
3 entre autres. Ces critères ont été récemment confirmés par la Chambre
4 d'appel dans l'affaire Haradinaj. Les éléments essentiels de cette
5 jurisprudence permettent d'établir l'approche qui doit être retenue par une
6 Chambre de première instance en matière d'éléments de preuve relatifs à une
7 identification. Or, en l'espèce, la Chambre d'affaire ne s'est pas laissée
8 guider par les critères contraignants qui auraient dû, en fait, l'orienter
9 dans son évaluation des éléments de preuve relatifs à l'identification.
10 Dans la partie du jugement où la Chambre de première instance énonce le
11 droit gravitant autour des éléments en matière d'éléments de preuve, la
12 jurisprudence pertinente n'est absolument pas mentionnée. Il s'agit en fait
13 du chapitre 1D du jugement. La Chambre ne s'est pas non plus intéressée à
14 utiliser la jurisprudence pertinente lorsqu'elle a examiné les éléments de
15 preuve eu égard aux six sites de crime. Pourquoi est-ce que cela a son
16 importance ? Quel fut l'impact de cela sur le jugement ?
17 Il faut savoir qu'après tout, telle que l'observation l'a fait
18 remarquer, le Juge présidant la Chambre de première instance avait remarqué
19 pendant le procès que l'identification était un élément essentiel de ce
20 procès. De surcroît, comme l'a également indiqué l'Accusation, la Chambre
21 de première instance a pris en considération certains des éléments de
22 preuve relatifs à l'identification pour chacun des sites de crime.
23 Messieurs les Juges, voilà ce que nous avançons : nous ne nions pas que
24 parfois la Chambre de première instance a pris en considération les types
25 de facteurs que d'aucuns doivent considérer si elle avait véritablement
26 tenu compte de la jurisprudence pertinente. Mais cela ne suffit pas. Car
27 nous avançons que la Chambre de première instance n'a pas pris en
28 considération le droit pertinent et que cela signifie qu'elle ne disposait
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1 pas des critères exacts, et qu'elle ne les avait pas présents à l'esprit
2 lorsqu'elle a envisagé les éléments de preuve permettant d'identifier les
3 auteurs en l'espèce. Alors, bien entendu, la Chambre de première instance a
4 pris en considération certaines des considérations pertinentes de façon
5 quasiment fortuite, et cela ne signifie pas pour autant qu'elle a examiné
6 par le menu avec suffisamment de rigueur ces facteurs.
7 Il y a quelque chose qui nous préoccupe particulièrement, à savoir
8 l'approche retenue par la Chambre de première instance lorsque certains
9 témoins ont avancé qu'ils étaient tout à fait en mesure de reconnaître
10 Milan Lukic comme auteur de ces crimes. Notamment, la Chambre de première
11 instance a accepté que dans bien des cas, des années après, des témoins
12 indiquaient qu'ils reconnaissaient Milan Lukic sans pour autant que les
13 bases soient jetées pour permettre de déterminer de façon scrupuleuse
14 comment ils pouvaient avancer qu'ils le reconnaissaient ou pour envisager
15 la possibilité que cela pouvait correspondre à une erreur. La Chambre de
16 première instance a d'ailleurs même conclu que des témoins avaient reconnu
17 Milan Lukic alors que l'Accusation a concédé dans son mémoire de clôture
18 qu'il n'y avait pas fondement suffisant pour cette reconnaissance et
19 attestation de témoins.
20 L'exemple le plus frappant est donné par le Témoin VG-13, qui est
21 peut-être le témoin à charge le plus important pour l'incendie de la rue
22 Pionirska, le seul témoin, d'ailleurs, qui a avancé qu'ils avaient Milan
23 Lukic placer l'engin explosif à l'intérieur de la pièce.
24 Messieurs les Juges, au paragraphe 157 de son mémoire de clôture,
25 l'Accusation a avancé que les éléments de preuve ne permettaient pas de
26 déterminer de façon claire que le Témoin VG-13 pouvait être décrit comme un
27 témoin d'attestation. Toutefois, la Chambre de première instance, qui a dû
28 certainement être influencée par le fait qu'elle n'avait pas véritablement
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1 été orientée par les critères juridiques exacts, a conclu que le Témoin VG
2 connaissait Milan Lukic précédemment, à telle enseigne qu'elle l'a reconnu.
3 Cela fait l'objet du paragraphe 612 du jugement.
4 Ce témoin a également indiqué qu'elle avait reconnu Mitar Vasiljevic
5 comme étant l'une des personnes présentes pendant l'incident de la rue
6 Pionirska, et je m'intéresserai ultérieurement à cet élément de sa
7 déposition.
8 L'Accusation indique que la jurisprudence du Tribunal a adopté une
9 proposition qui se fonde sur le bon sens, la logique, à savoir que les
10 éléments de preuve d'attestation de témoin sont en général plus fiables que
11 les éléments de preuve relatifs à l'identification. Or, nous avançons que
12 cela ne tient pas compte fidèlement de la jurisprudence et qu'il s'agit
13 d'une idée particulièrement dangereuse. Dans notre mémoire, nous expliquons
14 comment les éléments de preuve émanant de témoins d'attestation ne sont pas
15 forcément plus fiables que ceux qui découlent d'une identification. Car
16 nous avons tous dans notre vécu eu l'expérience qui nous permet de penser
17 que nous avons reconnu une vieille connaissance alors que par la suite il
18 s'ensuit qu'il s'agit de quelqu'un de tout à fait différent.
19 Alors, avec votre permission, je vais maintenant parler de l'impact
20 de l'erreur de la Chambre de première instance pour chacun des lieux de
21 crime. Mais avant - et avec votre aval - je me permettrais de présenter
22 deux idées. Premièrement, l'impact que les différentes identifications dans
23 le prétoire de Milan Lukic, identifications effectuées par des témoins à
24 charge, a eu. Nous indiquons que cela est pertinent pour chaque lieu de
25 crime. Et deuxièmement, la façon dont la Chambre de première instance a
26 géré les éléments de preuve relatifs à la présence alléguée de Mitar
27 Vasiljevic à Visegrad, et ce, à des dates particulièrement importantes.
28 Cela pour l'incendie de la rue Pionirska ainsi que pour l'incident de
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1 Bikavac.
2 Pour ce qui est de l'identité de l'accusé, de l'identification de
3 l'accusé dans le prétoire, je souhaiterais présenter quatre arguments.
4 Premièrement, je souhaiterais mettre en exergue le préjudice qui fut causé
5 à l'appelant par ces séances d'identification dans le prétoire. Car il faut
6 savoir que cela a eu une incidence négative sur la façon dont la Chambre de
7 première instance a examiné les éléments de preuve apportés par des témoins
8 à charge qui indiquaient reconnaître Milan Lukic.
9 Dans l'affaire Haradinaj, la Chambre d'appel a reconnu que même lorsque des
10 décisions individuelles peuvent relever de la discrétion de la Chambre de
11 première instance, la Chambre de première instance doit toutefois se
12 concentrer de façon active pour assurer l'équité du procès. L'approche
13 retenue par la Chambre d'appel dans Haradinaj a consisté à examiner les
14 décisions de Chambre de première instance de façon cumulative par
15 opposition à un examen individuel.
16 Nous indiquons que nous sommes d'avis que vous devriez adopter la
17 même approche lorsque vous allez évaluer l'impact des identifications dans
18 le prétoire en l'espèce. Même lorsqu'une identification individuelle dans
19 le prétoire a été autorisée et que cela est tout à fait permissible, la
20 Chambre d'appel doit absolument prendre en considération l'impact que ces
21 identifications multiples dans prétoire ont eu sur le jugement.
22 Il faut savoir que les circonstances en l'espèce n'ont pas été tout à
23 fait normales. En fait, nous avons essentiellement et quasiment
24 exclusivement entendu les éléments de preuve fournis par des témoins
25 oculaires auxquels des questions très détaillées étaient posées sur des
26 événements qu'ils avaient pu observer il y a quelque 16 ans. Par exemple,
27 eu égard à l'incendie de la rue Pionirska, il s'agit de savoir sur le
28 Témoin VG-13 a été à même d'identifier Milan Lukic comme la personne qui a
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1 ouvert la porte et jeté cet engin explosif à l'intérieur de la pièce alors
2 qu'il faisait nuit et qu'il n'y avait pas d'électricité dans cette pièce.
3 Nous avançons que lorsque l'identité prête à polémique et lorsqu'une
4 affaire est entièrement tributaire de l'aptitude des témoins à identifier
5 de façon précise l'accusé comme l'auteur des crimes - notamment si l'on
6 prend en considération le fait que de nombreuses années s'étaient écoulées
7 - cela représente un préjudice indu pour tout défenseur que les témoins
8 identifient comme auteur des crimes, et ce, pour la première fois dans le
9 prétoire. Nous avançons également que l'Accusation aurait dû organiser une
10 procédure d'identification équitable hors du prétoire. Nous avançons que
11 l'approche adoptée en l'espèce n'a pas permis à Milan Lukic de bénéficier
12 de la protection la plus fondamentale qui lui aurait été octroyée dans le
13 cadre d'une procédure d'identification beaucoup plus objective.
14 Si l'Accusation était si absolument sûre et certaine de la fiabilité
15 des éléments de preuve relatifs à l'identification, pourquoi est-ce qu'elle
16 n'a pas utilisé une procédure juste et équitable hors du prétoire ?
17 Pourquoi ne pas suivre les procédures énoncées dans le manuel consacré aux
18 pratiques établies du Tribunal ? Rien n'aurait été perdu, mais le procès
19 aurait été beaucoup plus juste et équitable, donc tout le monde y aurait
20 gagné.
21 Ces identifications multiples et répétées dans le prétoire ont causé au
22 moins deux types de préjudice. Premièrement, nous remettons en question
23 l'aptitude de tout juge du fait, qu'il s'agisse d'un jury ou d'un collège
24 de juges, de faire fi de l'identification d'un témoin qui identifie un
25 accusé dans le prétoire comme étant l'auteur de crimes qu'ils ont vu
26 commettre un crime atroce à leur encontre ou à l'encontre d'autres
27 personnes. L'Accusation sait de façon générale, bien qu'elle ne l'indique
28 pas toujours, que la Chambre de première instance a utilisé des éléments de
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1 preuve suivants lesquels les témoins connaissaient précédemment l'accusé,
2 ce qui fait qu'il s'agit de témoignage d'attestation et qu'il ne s'agit pas
3 d'identification dans le prétoire. Nous avançons en fait que le libellé ou
4 la formule du jugement nient ou représentent un défi par rapport à ce qui
5 s'est passé.
6 Par exemple, eu égard à l'incendie de Bikavac, deux sur trois des
7 témoins à charge principaux ont identifié Milan Lukic dans le Tribunal, il
8 s'agit du Témoin VG-58 et VG-115. La Chambre de première instance a utilisé
9 le fait que ces témoins avaient soi-disant reconnu Milan Lukic, alors
10 qu'aucun de ces témoins n'a véritablement réussi l'épreuve du contre-
11 interrogatoire.
12 Dans une partie du jugement, la Chambre de première instance conclut que
13 le Témoin VG-58 a répondu de façon très évasive aux questions et que sa
14 première déclaration de témoin ne faisait aucune référence à Milan Lukic
15 pour ce qui était de l'incident de Bikavac. Dans une autre partie du
16 jugement, la Chambre de première instance avance que le Témoin VG-115 n'a
17 pas véritablement pu répondre aux questions du contre-interrogatoire. Et
18 vous trouverez d'ailleurs de plus amples détails de ce que nous avançons
19 dans les paragraphes 101 et 102 de notre mémoire.
20 Et pourtant, en dépit de ces conclusions, la Chambre de première
21 instance a conclu que Milan Lukic avait bel et bien été identifié par des
22 témoins crédibles et fiables. Nous avançons en fait qu'il y a un certain
23 manque de logique dans cette approche et qu'il est absolument évident que
24 lorsqu'on leur a posé la question et qu'on leur a demandé s'ils étaient à
25 même d'identifier l'auteur des crimes dont ils parlaient, ils ont tous
26 montré Milan Lukic, qui était assis à la place de l'accusé, ce qui explique
27 en fait ce changement.
28 Deuxièmement, cette pratique d'identification dans le prétoire
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1 représente un préjudice par rapport aux éléments de preuve apportés par le
2 témoin. Parce que lorsqu'on leur demande de montrer l'accusé dans le
3 prétoire, dans leur esprit, dans l'esprit du témoin, cela ne fait que
4 renforcer l'idée suivant laquelle l'accusé est la personne qu'ils ont vu
5 commettre un crime. Par exemple, en ce qui concerne l'incendie de la rue
6 Pionirska, le Témoin VG-13 a été l'un des nombreux témoins à charge qui
7 aient identifié Milan Lukic dans le Tribunal en avançant qu'ils pouvaient
8 tout à fait le reconnaître. Mais nous avançons que les éléments de preuve
9 apportés par le Témoin VG-13 ont changé du tout au tout après qu'elle ait
10 montré Milan Lukic dans le prétoire. Avant ce geste, il y avait très peu
11 d'éléments qui indiquaient qu'elle le connaissait préalablement. Elle a
12 ensuite indiqué qu'elle l'impliquait et qu'elle le connaissait parce qu'il
13 était très connu. Mais après l'avoir identifié dans le prétoire, le témoin
14 a commencé à faire état de différents éléments relatifs au fait qu'elle le
15 connaissait précédemment. La Chambre de première instance en a conclu que
16 le Témoin VG-13 connaissait bien Milan Lukic auparavant.
17 L'Accusation a accepté lors du procès - et je cite le mémoire de
18 clôture de l'Accusation - que le Témoin VG-13 avait entendu parler de Milan
19 Lukic avant ce jour, mais que c'est ce jour-là qu'elle se souvient l'avoir
20 vu pour la première fois. Paragraphe 156 du mémoire de clôture de
21 l'Accusation. Donc vous le voyez bien, vous le constatez, Messieurs les
22 Juges. L'Accusation a pu, en fait, utiliser la rumeur et le mythe ou la
23 légende qui s'étaient créés et qui font que le Témoin VG-13 a indiqué que
24 Milan Lukic se trouvait le 14 juin 1992 dans la rue Pionirska. Nous voyons
25 en fait que lorsque le Témoin VG-13 avance qu'elle reconnaît Milan Lukic,
26 ce propos est en quelque sorte contaminé par le fait qu'elle a été
27 autorisée à l'identifier dans le prétoire. L'Accusation a accepté ceci lors
28 du procès, bien que maintenant elle essaie de changer de cap de façon un
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1 peu maladroite.
2 Vous remarquerez également, Messieurs les Juges, que l'Accusation
3 avance que le Témoin VG-13 a fourni des réponses dans le cadre du contre-
4 interrogatoire et a indiqué, en fait, qu'elle était un témoin
5 d'attestation.
6 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
7 M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, cela démontre qu'elle
8 n'a pas véritablement été reconnue comme témoin d'attestation au moment où
9 cette identification dans le prétoire s'est faite.
10 J'aimerais maintenant aborder le thème de l'identification dans le
11 prétoire par des témoins d'attestation. La Chambre de première instance a
12 autorisé des témoins d'attestation à procéder à des identifications dans le
13 prétoire. Nous observons à titre préliminaire que ce n'est pas ce qui s'est
14 passé lors du procès. Car il n'y a pas véritablement une délimitation très
15 nette et claire entre les témoins d'identification d'un côté, et les
16 témoins d'attestation par ailleurs, et cette délimitation n'existe pas
17 parce qu'il n'y a pas de critères juridiques différents qui ont été
18 appliqués aux uns et aux autres. Il faut savoir que la Chambre de première
19 instance a essayé justement de faire la part des choses.
20 Nous avons l'arrêt Limaj, l'arrêt Kunarac et l'arrêt Kamuhanda, et la
21 Chambre de première instance a essayé de faire la différence et a avancé
22 que des identifications dans le prétoire devraient être découragées
23 lorsqu'il s'agissait de témoins d'identification, mais que cela ne posait
24 pas problème lorsqu'il s'agissait de témoins d'attestation. Nous avançons
25 que la Chambre de première instance n'a pas véritablement bien repris le
26 droit en question et n'a pas bien repris la distinction.
27 Deuxièmement, nous avons la jurisprudence de ce Tribunal, qui ne permet pas
28 d'accorder un poids donné à des identifications dans le prétoire effectuées
Page 58
1 par des témoins d'attestation.
2 Troisièmement, toujours en matière d'identification dans le prétoire, nous
3 avançons en fait que la Chambre de première instance n'a pas véritablement
4 accordé une valeur probante à ces identifications, à l'exception d'un des
5 lieux de crime, le camp de détention d'Uzamnica. L'Accusation a accepté et
6 concédé que la Chambre de première instance a accordé une valeur probante
7 aux identifications opérées dans le prétoire par deux témoins pour ce qui
8 est des passages à tabac et des sévices subis dans le camp de détention
9 d'Uzamnica. Il s'agit des Témoins Dervisevic et Berberovic, le paragraphe
10 pertinent étant le paragraphe 828.
11 Nous énonçons que l'élément essentiel est que la Chambre de première
12 instance a considéré qu'elle devait accorder un certain poids à ces
13 attestations supposées dans le prétoire au fait que dans le prétoire Milan
14 Lukic a été reconnu par ces témoins, parce que sinon il n'y avait pas
15 suffisamment d'éléments de preuve permettant de déterminer que ces témoins
16 étaient à même d'identifier Milan Lukic comme l'auteur des crimes.
17 Si on suit la logique choisie par le bureau du Procureur, il n'y avait pas
18 suffisamment d'éléments de preuve indiquant que les témoins connaissaient
19 préalablement l'accusé et pouvaient donc identifier ces accusés. Bon, nous
20 avions des descriptions très générales des caractéristiques physiques qui
21 auraient pu, d'ailleurs, être retenues pour quasiment m'importe qui. Eu
22 égard à Berberovic et Dervisevic, et je pense donc au fait qu'ils étaient
23 censés connaître Lukic précédemment, ils ont indiqué cela des années après
24 les événements. Ce n'est pas ce qu'ils avaient dit au moment des
25 événements.
26 Est-ce que nous pourrions nous intéresser au raisonnement suivi par
27 la Chambre de première instance. La Chambre de première instance a conclu
28 que Berberovic et Dervisevic étaient des témoins d'attestation, mais nous
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1 avons appris de la bouche de Berberovic qu'il avait appris que la personne
2 qui les avait attaqués s'appelait Milan Lukic et que c'était Dervisevic qui
3 lui avait dit, mais Berberovic a également témoigné des problèmes de vue de
4 Dervisevic qui étaient tels qu'il ne pouvait pas véritablement bien voir.
5 Berberovic a également indiqué qu'une autre personne, le garde Muratagic,
6 lui avait dit que cet homme était bel et bien Milan Lukic. La Défense n'a
7 pas été en mesure de contre-interroger cette personne pour déterminer s'il
8 avait véritablement dit ceci à Berberovic ou s'il avait été en mesure de
9 reconnaître Lukic. La Chambre de première instance a indiqué qu'elle devait
10 utiliser ces identifications de Milan Lukic dans le prétoire parce que les
11 autres éléments de preuve contre lui étaient particulièrement déficients.
12 Nous demandons que la Chambre de première instance indique qu'aucun poids
13 ne devrait être accordé à ces identifications dans le prétoire. Et il
14 s'ensuit de façon absolument inexorable que les conclusions à propos de
15 Berberovic et de Dervisevic, qui ont été apparemment à même de reconnaître
16 Milan Lukic, doivent être annulées.
17 Quatrième et dernier élément, nous voulons en fait nous intéresser toujours
18 aux identifications dans le prétoire. Ce que nous avançons, c'est que
19 l'erreur de la Chambre de première instance a été prouvée par le fait que
20 le témoin vedette de l'Accusation à propos de l'incendie de Bikavac, Zehra
21 Turjacanin, n'a pas été en mesure d'identifier Milan Lukic dans le
22 prétoire. Au paragraphe 724 du jugement, la Chambre de première instance
23 indique tout simplement qu'elle a accordé très peu de poids à son
24 inaptitude à reconnaître et à montrer Milan Lukic dans le prétoire. Elle ne
25 fournit aucune explication à propos de la façon dont elle est parvenue à
26 cette conclusion. Nous disons que la Chambre de première instance a commis
27 une erreur de droit et de fait --
28 Désolé. Il y avait un défaut de canal dans la cabine d'interprète.
Page 60
1 Donc nous affirmons que l'incapacité d'un témoin à effectuer une
2 identification dans le prétoire ne signifie pas nécessairement que tous les
3 éléments d'identification doivent être exclus. Donc je répète, la Défense
4 affirme que l'incapacité d'un témoin à identifier un accusé dans le
5 prétoire ne signifie pas nécessairement que tous les éléments
6 d'identification doivent être rejetés. Par exemple, dans l'affaire Limaj,
7 la Chambre d'appel a évoqué la démarche appliquée dans Kvocka comme
8 signifiant qu'un défaut d'identification de la part d'un accusé peut
9 simplement être un motif pour refuser de prendre en compte la déposition
10 d'un témoin. Nous admettons qu'en effet, ceci peut être une raison valable,
11 mais il convient de se pencher sur la question avec le plus grand soin et
12 en fournissant les explications nécessaires.
13 A notre avis, la Chambre de première instance n'a simplement pas réglé ce
14 problème. Elle n'a pas expliqué comment il lui était possible de laisser de
15 côté cette incapacité de Zehra Turjacanin à reconnaître Milan Lukic dans le
16 prétoire. Donc nous sommes face à un problème qui n'a pas reçu de solution.
17 Nous affirmons que la Chambre de première instance a admis simplement
18 l'affirmation de Zehra Turjacanin selon laquelle elle reconnaissait Milan
19 Lukic, et elle n'a pas traité avec la diligence nécessaire les difficultés
20 posées par cette déposition du témoin. Ces affirmations se retrouvent dans
21 les paragraphes 245 à 257 de notre mémoire d'appel et au paragraphe 98 de
22 notre mémoire en réponse.
23 Messieurs les Juges, ceci met un terme à mes arguments eu égard au
24 comportement des témoins dans le prétoire en matière d'identification.
25 Et je proposerais de passer maintenant à la question suivante, à
26 savoir le traitement accordé par la Chambre de première instance aux
27 éléments de preuve relatifs à la présence alléguée de Mitar Vasiljevic à
28 Visegrad le 14 juin 1992. Ceci est avant tout pertinent par rapport à
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1 l'incendie de la rue Pionirska, mais a également des implications eu égard
2 à l'incident de Bikavac.
3 Messieurs les Juges, cela peut vous être d'un certain secours que je
4 commence en disant clairement pour quelle raison nous affirmons que la
5 présence ou l'absence de Mitar Vasiljevic est pertinente par rapport à la
6 situation de Milan Lukic avant de traiter de l'erreur que, nous affirmons,
7 a commise la Chambre de première instance. Que Mitar Vasiljevic ait été
8 présent ou pas dans la rue Pionirska a été un sujet de désaccord pour les
9 Juges de la Chambre de première instance. La majorité d'entre eux a jugé
10 que Vasiljevic était présent, alors que le Juge Robinson, faisant
11 dissidence, a jugé que Vasiljevic ne pouvait pas être présent sur les
12 lieux, comme la Chambre de première instance l'avait fait dans le procès
13 intenté à Vasiljevic.
14 Si un témoin a fait erreur et que cette erreur est démontrée, y compris si
15 cette erreur confine au mensonge eu égard à la présence de Mitar
16 Vasiljevic, ce point doit être pris en compte pour évaluer la crédibilité
17 des affirmations faites selon lesquelles ils ont pu identifier Milan Lukic
18 comme étant présent sur les lieux au côté de Vasiljevic. Et cet argument
19 est renforcé parce que Vasiljevic était le mieux connu des deux hommes. Il
20 était le garçon de café qui connaissait tout le monde.
21 La majorité des Juges de la Chambre de première instance s'est appuyée sur
22 les déposition de VG-13, VG-37, VG-78 et VG-101 en jugeant que ces témoins
23 étaient crédibles s'agissant d'établir la présence de Mitar Vasiljevic dans
24 la rue Pionirska. La Chambre de première instance s'est appuyée sur ces
25 mêmes témoins pour établir la présence de Milan Lukic en des lieux très
26 importants. Par exemple, le Témoin VG-13 affirme que Mitar Vasiljevic, en
27 compagnie de Milan Lukic, a fermé la porte de la maison d'Adem Omeragic
28 dans la rue Pionirska au moment où la bombe incendiaire était jetée à
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1 l'intérieur de la maison. Le Témoin VG-13 a déclaré que, alors qu'ils se
2 trouvaient à l'intérieur de la maison d'Adem Omeragic, Mitar Vasiljevic a
3 fait flamber une torche en direction des fenêtres pour voir si quiconque
4 essayait de s'échapper alors que Milan Lukic tirait des coups de feu.
5 Messieurs les Juges, ceci concerne les paragraphes 163 et 164 de notre
6 mémoire en appel. Ce témoin a prétendu être capable de reconnaître aussi
7 bien Milan Lukic que Mitar Vasiljevic en dépit du fait que les deux
8 personnes qu'elle a vu avaient besoin d'une torche pour bien voir la
9 maison. Dans le cas où un témoin se trompe manifestement quant à la
10 présence d'une personne en un lieu, il demeure un doute quant à la présence
11 de l'autre personne en ce même lieu.
12 Par conséquent, si vous jugez que la Chambre de première instance a
13 commis une erreur de droit et de fait eu égard à la présence de Mitar
14 Vasiljevic, il vous faut tenir compte de l'incidence que cet avis aura sur
15 les conclusions de la Chambre de première instance quant à la présence dans
16 les mêmes lieux de Milan Lukic. Et nous apportons des éléments
17 complémentaires sur ce point dans le motif 3(E) d'appel.
18 Messieurs les Juges, je conclus par ces mots les arguments de la Défense
19 concernant l'importance de la présence de Vasiljevic pendant l'événement
20 lié à la bombe incendiaire dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue
21 Pionirska. Et j'aimerais maintenant aborder l'importance du fait que la
22 Chambre de première instance n'a pas tenu compte de critères obligatoires
23 eu égard aux six endroits où des crimes ont été commis.
24 J'aimerais commencer par l'incident survenu sur les bords de la Drina.
25 Messieurs les Juges, quatre témoins ont été témoins des coups de feu tirés
26 sur les rives de la Drina le 7 juin 1992. Les Témoins VG-14 et VG-32 ont
27 survécu à l'incident. Mitar Vasiljevic était l'un des tireurs et a été
28 condamné dans le cadre d'un procès qui lui a été intenté individuellement.
Page 63
1 Le Témoin VG-73 a été témoin des événements depuis la rive opposée de la
2 Drina. La Chambre de première instance ne s'est pas appuyée sur sa
3 déposition où il affirmait être capable d'identifier Milan Lukic, donc nous
4 ne traiterons pas de ce sujet.
5 Mais parlons d'abord de Mitar Vasiljevic. Les Témoins VG-14 et VG-32 ont
6 témoigné à charge dans le procès qui lui a été intenté. La Défense, dans le
7 motif 1(F) de notre mémoire en appelle, affirme que Vasiljevic, ayant
8 entendu la déposition de ces témoins, était obligé de faire ce qu'il
9 jugeait bon pour essayer de se sortir de la situation difficile dans
10 laquelle il se trouvait. Ces témoins pensaient avoir vu Milan Lukic au côté
11 de Vasiljevic. Vasiljevic pensait qu'il y avait de grands risques pour lui
12 d'être condamné. Donc, voilà l'incitation qui l'a poussé à corroborer un
13 certain nombre des aspects de leur déposition tout en cherchant à réduire
14 au minimum sa propre implication. Sachant que Milan Lukic n'avait pas été
15 arrêté et pensant qu'il ne le serait jamais, Vasiljevic a impliqué l'autre
16 personne dont les Témoins VG-14 et VG-32 avaient déclaré qu'elle était
17 présente sur les lieux en cherchant à reporter la responsabilité sur cette
18 personne.
19 Messieurs les Juges, la Chambre de première instance n'a pas examiné cette
20 éventualité. Elle s'est appuyée sur la déposition du Témoin VG-14 comme
21 corroborant le récit de Vasiljevic, ce qui est insuffisant. Car Vasiljevic
22 avait une incitation qui le poussait à corroborer le récit du Témoin VG-14.
23 Le Témoin VG-14 prétend avoir reconnu Milan Lukic, bien que ce témoin ne
24 l'ait jamais vu depuis 1984, alors qu'ils n'étaient que de jeunes gens de
25 16 ans. Rien n'a été dit par les Juges de la Chambre de première instance
26 par rapport au danger d'une reconnaissance erronée dans de telles
27 circonstances.
28 Dans le première déclaration de VG-14 après les tirs, à savoir en 1998,
Page 64
1 soit six ans plus tard, il décrit Milan Lukic comme présentant une marque
2 de naissance de grande taille et tout à fait distinctive sur la joue
3 droite. Messieurs les Juges, l'affirmation essaie de réduire cet aspect de
4 la déposition de VG-14 en laissant à penser que VG-14 a parlé soit d'une
5 marque de naissance, soit d'un grain de beauté. Mais dans la première
6 déclaration en notre possession, bien que celle-ci ait été fournie six ans
7 après le crime, les mots utilisés par le témoin sont bien une marque de
8 naissance distinctive et de grande taille. L'Accusation affirme que la
9 Chambre de première instance s'est appuyée sur la gestuelle de VG-14. Nous
10 disons qu'un témoin qui est convaincant et a confiance dans ce qu'il dit
11 peut se tromper et induire en erreur. Le fait que la Chambre de première
12 instance ne se soit pas penchée sur ces possibilités alors que le domaine
13 était assez risqué donne lieu à des erreurs judiciaires.
14 Le Témoin VG-32 ne connaissait pas non plus Milan Lukic, comme nous
15 l'expliquons dans les paragraphes 46 à 49 de notre mémoire en appel.
16 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
17 M. VISNJIC : [interprétation] La bonne manière pour l'Accusation de
18 présenter ses arguments aurait consisté à procéder à une identification en
19 bonne et due forme dans le prétoire. La Chambre de première instance aurait
20 dû respecter les principes juridiques pertinents et les mettre en œuvre.
21 Rien de tout cela n'a été fait.
22 Parlons maintenant de l'incident survenu dans l'usine de Varda. La Chambre
23 de première instance s'est appuyée principalement sur la déposition du
24 Témoin VG-42. Messieurs les Juges, le principal témoin en l'espèce a
25 affirmé pouvoir identifier Milan Lukic à une distance d'au moins 50 mètres,
26 alors que ce témoin est une personne qui, de son propre aveu, avait vu
27 Milan Lukic pour la dernière fois alors qu'ils étaient encore des enfants.
28 Messieurs les Juges, nous affirmons que la Chambre de première instance a
Page 65
1 commis une erreur importante en n'examinant pas cette affirmation avec le
2 soin nécessaire. Nous affirmons que ce témoin a exagéré sa capacité
3 d'identification après un grand nombre d'années.
4 Et ce qui est particulièrement important, Messieurs les Juges, c'est que la
5 première déclaration du Témoin VG-42 a été fournie en 1993. Ce témoin
6 n'identifie pas dans cette déclaration Milan Lukic comme étant l'auteur du
7 crime, bien que, Messieurs les Juges, elle l'associe aux crimes commis dans
8 les environs de Visegrad. C'est seulement en 1998 que ce témoin identifie
9 Milan Lukic comme ayant commis des crimes biens précis, et notamment comme
10 étant responsable de la disparition de son mari. La Chambre de première
11 instance n'a pas examiné avec le soin nécessaire l'éventualité que le
12 Témoin VG-42 ait commis une erreur d'identification en reconnaissant le
13 tireur en raison de la grande distance qui la séparait de lui. Dans le même
14 ordre d'idées, VG-24 a témoigné devant le Chambre de première instance, et
15 cette dernière n'a pas envisagé la possibilité que la reconnaissance
16 effectuée par ce témoin ait été erronée. Il s'agissait d'un témoin qui a
17 commis une erreur d'identification impliquant Milan Lukic à deux reprises
18 au moins. La Chambre de première instance a commis une erreur en
19 n'accordant pas l'importance nécessaire à ces erreurs d'identification.
20 Globalement, il n'existe aucun élément de preuve indiquant que Milan
21 Lukic était le tireur. Le critère de la preuve par rapport à un lieu de
22 crime était loin de ce que peut accepter un tribunal pénal international.
23 Parlons maintenant de l'incident de la rue Pionirska. Les principaux
24 témoins évoquant l'incendie dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue
25 Pionirska ont été les Témoins VG-13, VG-78 et VG-101. Chacun de ces témoins
26 a prétendu que Mitar Vasiljevic était présent sur les lieux et nous avons
27 déjà présenté des arguments sur ce sujet. Le Témoin VG-13 n'était pas un
28 témoin d'attestation, et l'Accusation l'a admis durant le procès. En appel,
Page 66
1 l'Accusation est revenue sur sa position et soutient qu'il existe une
2 grande possibilité pour que VG-13 ait reconnu Milan Lukic.
3 Messieurs les Juges, l'Accusation doit revenir à sa position
4 initiale, et cette position consiste à dire que VG-13 ne connaissait pas
5 Milan Lukic, mais l'a impliqué ultérieurement dans ce crime. L'Accusation
6 ne disposait d'aucun autre élément de preuve indiquant que Milan Lukic
7 avait allumé l'incendie, et tout comme la Chambre de première instance l'a
8 fait dans l'affaire Vasiljevic en estimant que le stress lié à la situation
9 avait réduit les capacités de VG-13 d'identifier Mitar Vasiljevic, la
10 Chambre de première instance aurait dû aboutir à une conclusion similaire
11 en l'espèce.
12 Les Témoins VG-78 et VG-101 sont deux sœurs. Elles affirment être
13 allées à l'école avec Milan Lukic dix ans avant l'incident de la rue
14 Pionirska. La Chambre de première instance n'a pas examiné dans le détail
15 un fondement aussi faible pour procéder à une reconnaissance. Messieurs les
16 Juges, vous devriez comparer le soin apporté par la Chambre de première
17 instance dans l'affaire Vasiljevic eu égard à la déposition de ces témoins
18 à la démarche appliquée par la Chambre de première instance en l'espèce. La
19 Chambre de première instance Vasiljevic a rejeté les éléments de preuve de
20 ces témoins comme non fiables parce qu'elle a examiné ces éléments de
21 preuve de façon approfondie après avoir établi les critères pris en compte
22 dans le paragraphe 16 de ce jugement.
23 Quant à la question de la lumière disponible, la Chambre de première
24 instance a totalement omis de prendre en compte les difficultés qu'il peut
25 y avoir à identifier une personne de nuit. L'Accusation déclare qu'il y
26 existait diverses sources de luminosité qui permettaient de voir les
27 auteurs des actes. Nous disons que ceci ne suffit pas. Nous n'avons aucune
28 indication claire permettant de penser que la Chambre de première instance
Page 67
1 a examiné dans le détail le niveau de luminosité existant et quelles
2 pouvaient être les conséquences de cette luminosité sur la reconnaissance
3 ou la non-reconnaissance effectuée par le témoin. Donc le fait de mettre
4 l'accent sur l'existence d'une vague source de lumière dans la soirée du 14
5 juin 1992, comme l'a fait l'Accusation, ne suffit pas.
6 Parlons maintenant de l'incident de Bikavac. Les principaux témoins
7 évoquant Bikavac sont Zehra Turjacanin, le Témoin VG-58 et le Témoin VG-
8 115. La Chambre de première instance a jugé que la présence de Milan Lukic
9 était établie par des témoins crédibles et fiables. Nous vous avons déjà
10 parlé de la déposition de Zehra Turjacanin. Elle ne pouvait pas reconnaître
11 Milan Lukic parce qu'elle ne le connaissait pas. Mais elle a impliqué Milan
12 Lukic et son groupe sur la base de la notoriété apparente de cet homme.
13 Nous faisons remarquer qu'elle a également impliqué Mitar Vasiljevic dans
14 l'incident de Bikavac, mais comme nous le savons, Mitar Vasiljevic s'était
15 fracturé la jambe une semaine avant les faits et ne pouvait donc pas être
16 présent sur les lieux. En fait, le bureau du Procureur a retiré toutes les
17 charges contre Vasiljevic par rapport à Bikavac.
18 Eu égard aux Témoins VG-58 et VG-115, la Chambre de première instance a
19 jugé que leurs dépositions étaient évasives et ne résistaient pas au
20 contre-interrogatoire. Et pourtant, de façon inexplicable, ces conclusions
21 très claires n'ont pas été prises en compte dans l'analyse ultime. Si la
22 Chambre de première instance avait examiné les critères juridiques
23 convenables et qu'elle les avait appliqués pendant tout le jugement en
24 première instance, elle aurait dû rejeter la déposition de ces deux
25 témoins. Les contradictions fondamentales que l'on trouve dans les récits
26 de ces témoins, que la Chambre de première instance a reconnues elle-même,
27 exigeaient que soient rejetées leurs dépositions.
28 Messieurs les Juges, nous critiquons en particulier le paragraphe 718 du
Page 68
1 jugement en première instance. C'est un paragraphe court qui ne comporte
2 que deux phrases, mais nous disons que ces deux phrases se contredisent.
3 Aucun raisonnement n'est fourni quant à la façon dont la Chambre de
4 première instance a pu décider de prendre en compte la déposition de ces
5 témoins étant donné les conclusions faites par elle indiquant que ces
6 témoignages était évasifs et n'avaient pas résisté au contre-
7 interrogatoire.
8 Parlons maintenant du meurtre de Hajra Koric. Messieurs les Juges, la
9 Chambre de première instance a examiné les faits et a apprécié les éléments
10 de preuve relatifs au meurtre de Hajra Koric, mais elle l'a fait de façon
11 insuffisante. Deux témoins ont témoigné au sujet du meurtre de Hajra Koric,
12 les Témoins VG-35 et CW-2. VG-35 a prétendu qu'elle avait reconnu Milan
13 Lukic parce qu'il l'avait violée. Mais, Messieurs les Juges, la description
14 faite par VG-35 de son violeur ne correspond pas à l'aspect de Milan Lukic.
15 Sa première déclaration décrivait un homme aux yeux bleus présentant des
16 marques de naissance sur tout le corps. Messieurs les Juges, il est tout
17 simplement impossible qu'une Chambre de première instance qui est soumise,
18 comme il se doit, à des critères pertinents laisse de côté de telles
19 dépositions.
20 Dans le même ordre d'idées, eu égard au Témoin CW-2, eh bien, il s'agit
21 d'un témoin qui décrit d'abord l'agresseur comme ayant les cheveux blonds.
22 La Chambre de première instance ne s'est pas penchée sur l'importance des
23 premiers récits faits par ces témoins des événements avant que des
24 modifications n'interviennent au fil du temps. Par ailleurs, dans sa
25 déclaration de 2008, le témoin laisse entendre que d'autres Chetniks ont
26 tiré les premiers coups de feu.
27 Messieurs les Juges, la Chambre de première instance ne pouvait pas rejeter
28 ces éléments en déclarant que le témoignage des témoins avait résisté au
Page 69
1 contre-interrogatoire. La Chambre de première instance devait expliquer
2 comment elle a pu admettre des éléments de preuve aussi contradictoires
3 dans leur essence même venant de ces témoins. Parlons maintenant
4 d'Uzamnica. Nous avons déjà présenté des arguments par rapport à la
5 déposition de deux témoins pertinents qui évoquent des passages à tabac
6 dans le camp de détention d'Uzamnica, il s'agit de Berberovic et de
7 Dervisevic. Nous avons déjà présenté nos arguments dans les motifs d'appel
8 6(A), 6(B) et 6(C).
9 J'aimerais maintenant que nous passions à une brève conclusion.
10 Messieurs les Juges, Milan Lukic et les autres étaient bien connus à
11 Visegrad en 1992 car ils avaient combattu et tué de nombreux Musulmans de
12 Bosnie au cours des combats. Nombre d'autres allégations ont circulé, comme
13 c'est le cas dans tous les conflits. La plupart de ces accusations n'ont
14 fait l'objet d'aucun procès et n'ont pas été examinées de très près. Quoi
15 qu'il en soit, les récits qui circulaient au sujet de Milan Lukic ont fait
16 boule-de-neige, nourris par les craintes d'une escalade ethnique du
17 conflit. Mais ceci ne diminue pas le fardeau qui pèse sur ce Tribunal qui a
18 pour devoir de veiller à ce que la charge de la preuve soit respectée et
19 s'applique dans tous les cas de façon égale et qui doit veiller à ce que
20 les personnes considérées comme responsables d'atrocités soient
21 convenablement déterminées.
22 En l'espèce, dans le procès de Milan Lukic, l'Accusation n'a pas
23 respecté les pratiques définies par elle et la Chambre de première instance
24 n'a pas appliqué les principes juridiques de base. Les investigations n'ont
25 pas été suffisantes. Et sauf le respect que je dois à la Chambre, la
26 Défense affirme que la Chambre de première instance en l'espèce a commis
27 une erreur et qu'il est grand temps que ces erreurs soient corrigées. Nous
28 disons qu'une décision aussi difficile que celle-ci incombe désormais aux
Page 70
1 Juges de la Chambre d'appel, et que la condamnation de Milan Lukic ne tient
2 tout simplement pas. C'est simplement en prenant une décision d'annulation
3 que la présente Chambre d'appel aura rempli son devoir.
4 J'aimerais maintenant donner la parole à mon collègue, Me Ivetic.
5 M. IVETIC : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- pour terminer. Merci.
7 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Mon commentaire ne
8 nécessitera que dix minutes.
9 Je voudrais vous donner des informations concernant les branches 3(I) et
10 4(H) de notre appel et la question qui se pose si chacun des ces événements
11 peuvent être considérés comme relevant d'un crime d'extermination. Pour
12 commencer, je voudrais faire remarquer que même si nous pensons que les
13 Juges de cette Chambre ont commis une erreur en condamnant Milan Lukic pour
14 les meurtres à Pionirska et Bikavac, nos autres arguments figurent dans les
15 troisième et quatrième motifs d'appel.
16 Pour ce qui est de l'extermination, nous pensons que les Juges de la
17 Chambre n'ont pas appliqué le critère juridique approprié. Nous pensons que
18 la majorité a, en fait, abaissé le critère qui définit le crime
19 d'extermination. L'élément juridique distinctif pour l'extermination est en
20 fait le caractère massif de ces meurtres. D'après les autorités
21 décisionnelles, cet élément massif peut être appelé un massacre, dans
22 l'affaire Blagojevic; ou des "meurtres importants" ou "en grand nombre",
23 dans l'affaire Semanza; destruction en masse, dans l'affaire Ntakirutimana,
24 jugement en appel, paragraphe 516; ou des meurtres d'une ampleur importante
25 ou massive, encore une fois jugement en première instance dans l'affaire
26 Blagojevic; ou un "plan de grande envergure impliquant des meurtres
27 collectifs", et j'en veux pour preuve le paragraphe 228 dans l'affaire
28 Vasiljevic.
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1 Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le
2 caractère massif porte sur le nombre des victimes, et pas sur la définition
3 des ces meurtres.
4 Nous pensons qu'en ce qui concerne les événements ou incidents de Pionirska
5 et Bikavac, la majorité des Juges a commis une erreur dans la qualification
6 juridique des incidents considérés comme étant une extermination. Pour les
7 incidents de Pionirska, la majorité des Juges s'est basée sur le nombre et
8 sur le type de victimes, sur la région dont ils venaient et sur la manière
9 dont l'incendie a été préparé. Paragraphe 945 du jugement en première
10 instance.
11 En ce qui concerne les incidents de Bikavac, la majorité des Juges a
12 utilisé la manière dont la maison avait été préparée, la manière dont les
13 victimes avaient été rassemblées à l'intérieur de la maison, ainsi que le
14 nombre et le type de victimes, et s'est penchée sur le caractère vulnérable
15 de ces victimes. J'en veux pour preuve le paragraphe 949 du jugement en
16 première instance.
17 Mais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans chacun des ces
18 exemples suscités, les Juges de la Chambre ont fait remarquer qu'au total
19 on comptait une soixantaine de victimes. La majorité des Juges a donc eu
20 une approche qui est contraire à l'histoire de l'extermination dans le
21 droit.
22 D'un point de vue historique, on entend parler pour la première fois de
23 concept d'extermination à Nuremberg. Etant donné que le statut du tribunal
24 militaire international ne comportait pas une disposition concernant le
25 génocide, l'extermination était donc utilisée pour intenter des poursuites
26 contre des personnes accusées d'exactions. Les éléments de l'extermination
27 étaient définis comme étant un schéma ou un plan important visant à des
28 persécutions raciales; et deuxièmement, un comportement précis des accusés
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1 pour faire avancer ce plan ou ce schéma directeur. Le tribunal de Nuremberg
2 a, bien sûr, reconnu qu'aucun des accusés n'avait commis directement ces
3 crimes. Cependant, ces accusés avaient participé à la création, et je cite,
4 "d'un système organisé à l'échelle du pays, système de cruauté et
5 d'injustice." Nous pensons que c'est ceci qui est à l'origine du concept du
6 caractère massif et du seuil qu'il faut définir.
7 La note en bas de page numéro 587 dans le jugement Vasiljevic mentionne les
8 deux cas où le crime d'extermination a été utilisé, et cela portait sur des
9 meurtres, au total, de 733 personnes. Tant le TPIR que le TPIY se sont
10 assurés que ce caractère massif reste à un niveau élevé dans leurs
11 décisions sur des incidents multiples cumulables, c'est-à-dire Akayesu,
12 Stakic, Krstic. Le TPIY et le TPIR se sont assurés que les meurtres
13 devaient être d'une ampleur telle qu'il était impossible d'identifier, de
14 nommer ou de recenser les victimes de manière précise, et j'en veux pour
15 preuve le jugement en appel Ntakirutimana; et le caractère massif était
16 également dans l'élément du chapeau de l'article en question concernant les
17 crimes contre l'humanité, encore une fois dans le jugement en appel dans
18 l'affaire Ntakirutimana.
19 La jurisprudence a également mentionné que l'extermination ne peut être
20 envisagée que lorsque les accusés ont participé à une entreprise criminelle
21 commune principale. Dans les jugements du TPIY et dans les procès de celui-
22 ci, ce critère n'a jamais été considéré comme pouvant s'appliquer à une
23 situation inférieure à celle de la municipalité.
24 J'invite donc les Juges de cette Chambre de considérer le paragraphe 229 de
25 notre mémoire préalable à l'appel qui précise les différentes affaires qui
26 se sont connues de cas d'extermination au TPIY et au TPIR. Dans aucun des
27 ces cas, il y avait des incidents qui ne recensaient qu'environ 60
28 personnes.
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1 Je remarque que l'Accusation, dans son mémoire, a fait référence au
2 jugement dans le procès Krajisnik pour les incidents de Pionirska et de
3 Bikavac, mais je dois rappeler que la Chambre d'appel a annulé la
4 condamnation pour extermination, même si elle n'a pas déterminé si le
5 critère était rempli ou si le seuil avait été dépassé pour ces deux cas. A
6 l'instar du jugement dans l'affaire Vasiljevic, où Vasiljevic a été
7 acquitté pour le crime d'extermination pour d'autres motifs, les Juges de
8 cette Chambre n'ont pas évalué si ces deux incidents pouvaient être définis
9 comme étant une extermination.
10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous demandons aujourd'hui
11 de résoudre une question qui reste en suspens en droit, à savoir si deux
12 groupes de 60 personnes constituent en fait un critère suffisant pour
13 définir ce crime d'extermination ou de meurtre massif, notamment dans ce
14 cas précis où il n'y a pas d'entreprise criminelle commune.
15 Nous pensons que la Chambre d'appel devrait être également guidée par le
16 jugement Martic, où l'accusé a été considéré comme non coupable pour les
17 crimes d'extermination --
18 M. LE JUGE GUNEY : Excusez-moi de vous interrompre. Bien qu'il soit un peu
19 tardif, il y avait un certain retard dans la matinée, un certain retard
20 involontaire et en dehors du contrôle. Donc on a revu l'horaire, et le
21 nouveau horaire -- on a mis au point le nouveau horaire, et le nouvel
22 horaire est déjà en vigueur. Donc le temps de parole était analysé selon
23 l'horaire modifié. Veuillez, s'il vous plaît, essayer d'accommoder cette
24 nouvelle situation à cette fin.
25 M. IVETIC : [interprétation] Merci. J'ai, en fait, organisé mes
26 commentaires de manière appropriée en fonction du nouvel ordre du jour. Et
27 il ne me reste que deux commentaires à faire.
28 Nous pensons que la Chambre d'appel --
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1 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
2 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
3 M. LE JUGE GUNEY : J'ai dit, un nouvel ordre du jour sera distribué pendant
4 la pause, c'est pour votre information. Ainsi, à toutes les parties, il
5 sera distribué.
6 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
7 nous pensons que la Chambre d'appel devrait s'en tenir au jugement dans
8 l'affaire Martic, où l'accusé a été déclaré non coupable pour le crime
9 d'extermination suite à la mort de 165 victimes. Nous pensons, Monsieur le
10 Président, Messieurs les Juges, qu'il s'agit de la seule affaire au TPIY
11 qui se connaît d'un nombre de victimes presque similaire, cependant le
12 nombre de victimes était supérieur, et dans ce cas, ils ont déterminé que
13 le crime d'extermination n'était pas le critère juridique à appliquer. Et,
14 par conséquent, ils n'ont considéré ces crimes que comme des crimes
15 d'homicide ou de meurtre.
16 De plus, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous invitons à
17 consulter le jugement en première instance du TPIR de 2008 dans l'affaire
18 Zigiranyirazo, où la Chambre a déterminé que le caractère massif était
19 rempli puisqu'il s'agissait d'un incident où "des centaines, voire des
20 milliers de personnes avaient été tuées," mais la même Chambre a considéré
21 que "au moins dix ou 20 personnes" qui avaient été tuées dans un barrage
22 routier dans un autre incident ne constituait pas un critère suffisant pour
23 déterminer le caractère massif et, par conséquent, pour avoir une
24 condamnation au titre d'un crime d'extermination. Il s'agit des paragraphes
25 434 et 439 du jugement dans l'affaire Zigiranyirazo.
26 Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous demandons
27 que les condamnations pour extermination soient révoquées et que cette
28 erreur commise par la majorité des Juges soit redressée par les remèdes
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1 auxquels nous avons accès en appel.
2 Et ceci conclut nos arguments pour la Défense de Milan Lukic en appel. Je
3 vous remercie.
4 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître Ivetic. Nous allons maintenant prendre une
5 pause de 30 minutes. Donc une pause de 30 minutes est envisagée, et la
6 Chambre reprendra à 11 heures et demie, 11 heures 30. L'audience est
7 suspendue. Merci.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 58.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 35.
10 M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. J'inviterais maintenant les
11 représentants du bureau du Procureur à présenter leurs arguments en
12 réponse, mais avant de le faire, avant de le faire, "Judge Liu has a
13 question."
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous prie de m'excuser, j'ai une
15 question que je souhaiterais poser aux conseils des appelants. J'ai été
16 tout particulièrement intéressé par vos arguments concernant le critère à
17 remplir en terme de nombre de personnes pour qualifier un crime
18 d'extermination. Je pense qu'il y a une jurisprudence en la matière. Dans
19 l'affaire Brdjanin, les Juges de la Chambre ont dit :
20 "Même si l'extermination implique un nombre important de victimes,
21 l'extermination peut également être définie comme telle même lorsque le
22 nombre de victimes est limité."
23 Et dans l'affaire Stakic, les Juges en première instance ont déclaré que :
24 "Les meurtres devaient se produire à grande envergure dans un endroit bien
25 déterminé et dans un laps de temps très court."
26 Et dans l'affaire Blagojevic, les Juges en première instance ont dit :
27 "Même si certains Juges de première instance se sont demandé si les
28 critères de destruction en masse nécessitaient d'avoir un nombre minimum de
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1 victimes, les Juges de la Chambre ont décidé qu'il n'y avait pas en fait de
2 critère de ce genre à remplir. Selon les Juges de cette Chambre, toute
3 tentative visant à fixer un nombre minimum de victimes dans l'abstraction
4 s'avèrerait peu souhaitable. Le caractère massif doit être évalué au cas
5 par cas en fonction du comportement criminel et de tous les autres facteurs
6 pertinents."
7 Je voulais, par conséquent, savoir quels étaient les commentaires des
8 conseils de la Défense au vu de la jurisprudence du TPIY.
9 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. C'est une très bonne
10 question. Nous ne demandons aux Juges de la Chambre d'appel de fixer un
11 seuil minimum pour définir le crime d'extermination. La jurisprudence que
12 vous avez mentionnée est claire, à savoir qu'il n'y a pas de seuil minimum
13 à franchir pour pouvoir définir un crime d'extermination, et dans l'affaire
14 Ntakirutimana en appel il y a un paragraphe qui a également traité de cela.
15 Mais il y avait une analyse au cas par cas qui avait été faite au
16 paragraphe 260 du jugement en appel dans l'affaire Stakic, et je vous
17 demanderais de vous pencher sur ce jugement pour s'assurer que tous les
18 faits pour chacun des incidents concernés impliquant 60 personnes étaient
19 un effectif suffisant pour dépasser ce seuil qui déterminerait le caractère
20 massif d'une extermination.
21 Et nous avons mentionné également le jugement en première instance
22 dans l'affaire Martic, et dans ce procès-là les Juges de la Cour se sont
23 penchés sur la totalité des éléments de preuve et se sont demandé si les
24 165 meurtres devraient être considérés de manière indépendante ou cumulée,
25 mais que de manière cumulée cela ne suffisait cependant pas pour définir
26 une extermination. Ils se sont concentrés sur des crimes qui avaient été
27 commis dans une période de temps donnée et dans un endroit bien délimité.
28 Dans le jugement en appel dans l'affaire Brdjanin, l'extermination
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1 avait été considérée comme applicable, et cela portait sur 68 personnes à
2 Brisevo, mais au total il y avait une totalité de 1 669 personnes qui
3 avaient été tuées durant plusieurs incidents dans les municipalités de
4 l'ARK. Et il y avait également des circonstances qui étaient liées aux
5 meurtres qui s'étaient produits à cette époque. C'est au paragraphe 472 du
6 jugement en appel.
7 Comme la Chambre d'appel dans l'affaire Brdjanin l'avait fait
8 remarqué très justement, le jugement en première instance considérait des
9 meurtres sur tout le territoire de l'ARK dans son ensemble plutôt que des
10 incidents isolés. Ils les avaient donc cumulés. Dans ce cas-là, vous devez
11 prendre en compte qu'il n'y a pas, contrairement aux autres affaires,
12 d'entreprise criminelle commune, ni de plan global sur un vaste territoire.
13 Et cette affaire est plus proche de la réflexion à laquelle se sont livrés
14 les Juges dans l'affaire Martic plutôt que de celle de l'affaire Brdjanin.
15 Et il faut une analyse au cas par cas qui va être réalisée étant donné que
16 les crimes se sont produits dans un temps limité, dans une zone très
17 limitée également et sans entreprise criminelle commune, et commis par un
18 nombre limité de personnes.
19 J'espère que ceci répond à vos questions, Monsieur le Juge Liu.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Je pense que je l'entendrai à
21 l'avenir.
22 M. KREMER : [interprétation] En 1992 et 1993, Milan Lukic a tué, terrorisé
23 et battu sauvagement de nombreux Bosno-Musulmans dans la ville de Visegrad
24 et dans les environs. Après avoir entendu les témoignages horribles des
25 témoins concernant cet événement et après avoir évalué les éléments de
26 preuve, les Juges de la Chambre ont de bon droit condamné Milan Lukic pour
27 les crimes qui figuraient à l'acte d'accusation.
28 En appel, Milan Lukic avance qu'il s'agissait en fait d'une erreur sur la
Page 78
1 personne. Cependant, les Juges de la Chambre ont entendu des éléments de
2 preuve qui le situaient sur les lieux des crimes. Les témoins et les
3 victimes l'ont reconnu, y compris, par exemple, des anciens camarades
4 d'école, des connaissances et d'autres membres de la petite communauté dont
5 il était originaire. Par conséquent, il n'a pas pu prouver ni montrer que
6 les Juges de la Chambre avaient commis une erreur et que, par conséquent,
7 son appel devrait être rejeté.
8 En réponse aux arguments présentés par la Défense de Milan Lukic, je
9 traiterai tout d'abord les lois qui régissent les éléments de preuve en
10 matière d'identification et je démontrerai pourquoi Milan Lukic n'a pas
11 montré qu'il y avait une erreur au niveau de l'identification.
12 Deuxièmement, je parlerai des éléments de preuve clés qui appuient la
13 condamnation des Juges en première instance de Milan Lukic pour les
14 incidents de l'incendie de la rue Pionirska et de l'incendie de Bikavac. Et
15 troisièmement, je traiterai de la question concernant l'extermination et je
16 répondrai à la question également posée par le Juge Liu et à laquelle mon
17 éminent collègue, Me Ivetic, a répondu.
18 Ensuite, Mme Monchy parlera des meurtres qui se sont produits le long de la
19 rivière de la Drina et dans l'usine de Varda, et nous répondrons à toutes
20 les questions que les Juges de cette Chambre pourraient avoir sur les
21 meurtres de Koric. Enfin, M. Schuster traitera de la condamnation pour les
22 crimes commis dans le camp d'Uzamnica.
23 Je voudrais rappeler maintenant que l'Accusation ne parlera pas des
24 arguments de Milan Lukic sur les preuves de décès qui ont été faits dans
25 son mémoire préalable à l'appel, et je vous demanderais de vous référer aux
26 réponses concernant ce sujet. Il en ira de même pour ses arguments factuels
27 et juridiques sur l'alibi qui n'ont pas été abordés aujourd'hui. Mais si
28 vous avez des questions sur ces sujets, nous nous ferons, bien sûr, un
Page 79
1 plaisir de répondre à ces questions.
2 Au départ, il est important de se souvenir qu'il s'agissait d'une affaire
3 concernant des expériences individuelles et des personnes données. Les
4 habitants de Visegrad ont décidé de parler de la violence et des meurtres
5 qui avaient été commis par l'un de leurs voisins. Beaucoup de ces habitants
6 avaient fait l'objet d'attaques brutales ou en avaient été les témoins. Ils
7 ont été souvent traumatisés par ce qu'ils ont vécu ou ce qu'ils ont vu.
8 Les Juges de la Chambre de première instance se trouvaient dans une
9 position unique pour évaluer si tous les témoins étaient fiables et
10 crédibles lorsqu'ils relataient les événements qu'ils avaient vus, entendus
11 ou dont ils avaient subi les conséquences. Comme la Chambre d'appel du TPIR
12 l'a mentionné dans le jugement d'appel Nahimana, paragraphe 949 :
13 "Les Juges en première instance sont mieux à même d'évaluer la
14 crédibilité d'un témoin ainsi que la fiabilité des dépositions et des
15 éléments que l'on peut obtenir de leur part."
16 Cette Chambre d'appel devrait permettre à la Chambre de première
17 instance d'avoir fait son travail correctement. Les anomalies limitées ou
18 les incohérences que Milan Lukic a soulevées en appel ont été traitées par
19 les Juges de la Chambre de première instance lorsqu'elles étaient
20 pertinentes et ont été présentées dans son jugement. Il n'était pas
21 nécessaire de se pencher sur des possibilités hypothétiques sans qu'il y
22 ait ni de base, ni de preuve. Et ça, les possibilités rationnelles
23 devraient pouvoir être traitées ici, comme ceci a été mentionné dans le
24 jugement d'appel dans l'affaire Mrksic au paragraphe 220. Milan Lukic n'a
25 mentionné aucun élément qui nécessiterait une intervention en appel, et on
26 ne devrait pas permettre à Milan Lukic de transformer cette procédure en
27 appel comme un procès de novo.
28 Tout d'abord, je vais parler des éléments liés à l'identification. Comme
Page 80
1 j'ai mentionné, ce procès portait tout d'abord sur l'identification des
2 auteurs de crimes. L'Accusation avance que les Juges de la Chambre ont
3 adopté une approche très prudente en matière d'éléments de preuve visant à
4 l'identification. Comme Me Visnjic l'a mentionné de bon droit, le Juge
5 Robinson, au début du procès, a mentionné :
6 "La question essentielle qui est, elle, la question de l'identité."
7 Les Juges de la Chambre n'ont pas ignoré les principes juridiques qui
8 régissent les éléments de preuve en matière d'identification, comme Milan
9 Lukic l'a mentionné, et même si le jugement ne présente pas par le menu les
10 principes directeurs sur les éléments de preuve en matière
11 d'identification, comme Milan Lukic l'avance comme étant une exigence, les
12 Juges de la Chambre ont mentionné dans le jugement la jurisprudence en
13 vigueur. A savoir, au paragraphe 31 du jugement, les Juges de la Chambre
14 font référence au paragraphe numéro 9 dans le jugement dans l'affaire
15 Haradinaj et mentionnent également l'affaire Kupreskic [imperceptible],
16 que, en fait, les Juges de la Chambre avaient mentionné :
17 "Les Juges de la Chambre d'appel avaient attiré l'attention sur
18 plusieurs facteurs qui devaient être considérés lorsqu'on évaluait les
19 éléments de preuve liés à une identification, y compris l'identification de
20 témoins qui n'avaient qu'aperçu ou n'avait pas eu une vue dégagée de
21 l'accusé; une identification qui se serait produite également dans la
22 pénombre; identification suite à des événements traumatisants qu'aurait
23 vécus les témoins; des dépositions incohérentes ou inexactes; ainsi
24 également que des problèmes de mémoire en ce qui concerne un accusé lié à
25 la possibilité claire que, d'après les circonstances, le témoin aurait pu
26 être influencé par ce que d'autres lui auraient dit. Lorsque l'on doit
27 gérer des éléments de preuve en matière d'attestation, plutôt que des
28 éléments en matière d'identification stricto sensu, les Juges de la Chambre
Page 81
1 ont également pris en compte la possibilité d'un parti pris ainsi que le
2 temps qui s'était écoulé entre le moment où le témoin avait reconnu la
3 personne et la période où il avait aperçu cette personne pour la dernière
4 fois."
5 Il s'agit d'un paragraphe du jugement en appel dans l'affaire
6 Kupreskic, qui est également mentionné dans l'affaire en première instance
7 Haradinaj.
8 Tous ces facteurs sont des facteurs qui s'appliquent dans tout ou
9 partie des éléments de preuve dans cette affaire. Et les Juges en première
10 instance se sont connus de cela lorsque cela était nécessaire. Nous
11 avançons donc que le plus important, ce n'est pas de savoir si le jugement
12 cite verbatim toute la jurisprudence en la matière, mais plutôt il est
13 important de se demander si les Juges en première instance ont vraiment
14 appliqué ces principes et ont fait preuve d'une prudence nécessaire pour
15 évaluer les éléments de preuve liés à l'identification. Et lorsque l'on
16 parcourt le jugement, on verra que les Juges en première instance ont fait
17 précisément cela. Pour chacun des incidents, les Juges en première instance
18 ont étudié les éléments en matière d'identification et en ont fait
19 l'analyse.
20 En évaluant les éléments en matière d'identification, les Juges en
21 première instance ont pris en compte les facteurs appropriés, ont pris en
22 compte les facteurs tels que, par exemple, les conditions durant lesquelles
23 les témoins avaient aperçu Milan Lukic, y compris la période qu'ils avaient
24 passée en sa présence; les circonstances traumatisantes ou le fait qu'ils
25 se trouvaient dans une foule; ainsi que le fait que l'endroit où ils
26 l'avaient vu pouvait être en pénombre. La visibilité dans la rue Pionirska
27 a fait l'objet de nombreux arguments durant le procès. Je cite le
28 paragraphe 597, où les Juges de la Chambre mentionnent que :
Page 82
1 "Même si les témoins ont mentionné qu'il y avait de la pluie et que
2 c'était tard dans la soirée, il y avait également de la lumière qui venait
3 de maisons environnantes, et le fait que les hommes étaient très proches
4 signifie qu'on pouvait identifier ces personnes qui avaient réalisé les
5 transferts."
6 Les Juges en première instance ont également traité de facteurs tels que la
7 description des témoins de Milan Lukic et également le temps qui s'était
8 écoulé depuis la dernière fois qu'ils l'avaient vu.
9 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- ralentir la vitesse, parce qu'il y a
10 difficulté à suivre. Et pour association des idées, on a besoin de cela.
11 Merci.
12 M. KREMER : [interprétation] Mes excuses auprès des interprètes.
13 Milan Lukic a avancé que les Juges de la Chambre avaient fait une erreur
14 dans leur approche des éléments d'identification des témoins qui est, en
15 fait, minée par le traitement détaillé de cette question dans le jugement.
16 Ces tentatives d'aborder à nouveau tout cela en appel ne devraient pas être
17 permises. Milan Lukic a mentionné qu'une séance d'identification est
18 obligatoire, soit par planche photos, soit en alignant les personnes
19 potentielles. Suite à cet argument, je voudrais faire référence au jugement
20 en appel dans l'affaire Kalimanzira :
21 "Ni les règles ni la jurisprudence du Tribunal obligent les Juges d'une
22 Chambre de première instance d'exiger une formule précise
23 d'identification."
24 Les Juges en première instance ont également très soigneusement fait la
25 différence entre les témoins qui connaissaient ou connaissaient bien Milan
26 Lukic et ceux qui ne le connaissent pas bien. Dans ce processus, les Juges
27 en première instance ont pris en compte le fait que les éléments de preuve
28 suite à une attestation, c'est-à-dire des éléments de preuve où le témoin
Page 83
1 avait reconnu un accusé parce qu'il le connaissait auparavant ou qu'il le
2 connaissait bien, ces éléments d'attestation sont beaucoup plus fiables que
3 des éléments de preuve émanant d'une reconnaissance d'un témoin qui n'avait
4 vu l'accusé que pour la première fois au niveau du crime. Les Juges en
5 première instance ont soigneusement évalué les éléments d'attestation, y
6 compris le fait qu'ils connaissaient Milan Lukic auparavant ou pas. Cette
7 approche adoptée par les Juges en première instance va dans le sens de la
8 jurisprudence du Tribunal, qui est mentionnée dans le mémoire en réplique
9 de l'Accusation au paragraphe 3.
10 Un exemple récent d'une Chambre de première instance qui a utilisé
11 les connaissances préalables d'un accusé comme un facteur pertinent pour
12 l'identification est dans le jugement en première instance dans l'affaire
13 Popovic au paragraphe 55. Dans ce paragraphe, la Chambre de première
14 instance a mentionné;
15 "En évaluant les éléments d'identification, les Juges de cette
16 Chambre ont pris en compte différents éléments pertinents, y compris : les
17 circonstances durant lesquelles chacun des témoins avançait avoir observé
18 l'accusé; la durée de ce processus d'observation; la familiarité qu'avait
19 le témoin avec l'accusé avant l'identification; ainsi que la description
20 qui avait été faite par le témoin suite à l'identification qu'il ou elle
21 avait faite de l'accusé."
22 Je voudrais également attirer votre attention sur une approche qui avait
23 été prise par la Chambre de première instance dans le procès Kordic et
24 Cerkez au paragraphe 725 dans son jugement en première instance qui a été
25 approuvé par le jugement en appel au paragraphe 704.
26 Nous avançons donc que le traitement détaillé des Juges en première
27 instance de ces éléments de reconnaissance ou d'identification est cohérant
28 avec une approche très prudente en matière d'éléments d'identification de
Page 84
1 manière générale.
2 Je voudrais maintenant passer aux témoins qui ont reconnu les accusés dans
3 le prétoire. Durant le procès, plusieurs témoins ont reconnu Milan Lukic
4 comme étant la personne qu'ils avaient vue dans différents lieux où des
5 crimes avaient été commis. Comme les Juges de la Chambre l'ont fait
6 remarquer, les reconnaissances dans le prétoire n'ont pas été la base de
7 leur détermination à l'exception d'un cas. La Chambre, par conséquent, n'a
8 pas utilisé ceci, et cela signifie que l'évaluation de leur utilisation a
9 été faite par les Juges professionnels qui n'auraient pas été influencés
10 d'une manière ou d'une autre par une connaissance dans le prétoire étant
11 donné qu'ils ont bien précisé qu'ils n'allaient pas se fier à cette
12 reconnaissance dans le prétoire.
13 Quoi qu'il en soit, Milan Lukic ne prouve pas que les identifications
14 dans le prétoire par les témoins n'étaient pas autorisées. Même si dans le
15 jugement en appel dans l'affaire Limaj, au paragraphe 27, on mentionne que
16 de manière générale il ne faudrait accorder aucun point à des
17 reconnaissances faites dans le prétoire, il y a une exception pour les
18 témoins d'attestation. Au paragraphe 26 dans le jugement en première
19 instance dans l'affaire Simic, il est mentionné que :
20 "La Chambre de première instance a également pris note que les
21 éléments de preuve en matière d'identification doivent être évalués avec
22 prudence, mais compte tenu du fait qu'il s'agissait d'une communauté très
23 petite d'où sont originaires les deux accusés, ces éléments
24 d'identification peuvent avoir beaucoup plus de poids lorsque les témoins
25 connaissaient au préalable l'accusé."
26 De plus, les tribunaux pénaux nationaux cités par Milan Lukic pour aller
27 dans le sens de ce qu'il avance, à savoir que les identifications dans le
28 box ne sont pas autorisées, mais en fait, elles n'impliquent pas des
Page 85
1 reconnaissances par des témoins d'attestation. Comme les tribunaux pénaux
2 internationaux, des affaires au niveau national qui impliquent des
3 identifications dans le prétoire par des témoins d'attestation ne
4 considèrent pas qu'il y a des vices de procédure. Et je vous fais référence
5 à la notre en bas de page 21 du mémoire de l'Accusation en réponse.
6 En conclusion concernant l'identification, les Juges en première instance
7 ont adopté une approche prudente et complète. Le jugement fait preuve de
8 cela et détaille par le menu les éléments de renseignement pour les
9 différents sites où des crimes ont été commis. Milan Lukic ignore l'analyse
10 poussée qui a été faite dans le jugement et demande, en fait, à rouvrir ce
11 débat en appel. Cependant, je pense qu'il manque dans sa tentative de
12 montrer que la Chambre s'est trompée dans son approche pour
13 l'identification, et, par conséquent, on devrait réfuter ce qu'il avance
14 ici.
15 Je voudrais maintenant passer aux incidents de "Pionirska Street" et de
16 Bikavac.
17 Je vais tout d'abord examiner brièvement les effets essentiels de ces
18 événements dans la rue Pionirska et à Bikavac de façon à placer mes
19 arguments dans leur contexte.
20 Tout d'abord, le 14 juillet 1992, un petit groupe d'hommes armés habillés
21 en uniforme de camouflage, y compris Milan et Sredoje Lukic, ont tout
22 d'abord cambriolé et terrorisé plus de 60 Musulmans de Koritnik,
23 essentiellement des hommes du clan Kurspahic, à la maison de Memic sur la
24 rue Pionirska à Visegrad. Un peu plus tard le même jour, Milan Lukic et son
25 groupe armé les ont conduits comme un troupeau dans la maison d'Omeragic,
26 qui se trouvait à proximité. Milan Lukic a mis le feu à la maison. Les
27 Musulmans qui ont tenté de s'enfuir ont été abattus. Plusieurs Musulmans
28 sont morts alors qu'ils tentaient de s'enfuir. Au moins 58 Musulmans ont
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1 été brûlés vifs ou abattus.
2 Deux semaines plus tard, Milan Lukic et un petit groupe d'hommes
3 armés habillés en uniforme de camouflage ont encore une fois dirigé un
4 groupe important de Musulmans comme s'il s'agissait d'un troupeau vers une
5 maison qui se trouvait de l'autre côté de la ville à Bikavac. Encore une
6 fois, Milan Lukic a mis le feu à la maison en brûlant vif les victimes et a
7 tiré sur ceux qui tentaient de s'enfuir. Environ 60 Musulmans ont péri.
8 Après avoir entendu la déposition de survivants musulmans de la rue
9 Pionirska et de Bikavac, y compris ceux qui connaissaient Milan Lukic
10 personnellement et l'ont observé au moment où il mettait le feu à ces
11 maisons, la Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable
12 qu'il était pénalement responsable de ces deux massacres brutaux. La
13 Chambre de première instance a résumé ces meurtres au paragraphe 740 :
14 "Dans cette histoire trop longue, l'humanité misérable a vu le jour,
15 et la rue Pionirska et les feux de Bikavac doivent occuper une place
16 importante… ces événements terrifiants restent à jamais gravés dans la
17 mémoire en raison de la brutalité de ces attaques incendiaires, de la
18 préméditation évidente et du calcul qui sont à l'origine de ces actes, par
19 le simple manque de pitié, la monstruosité et brutalité de ces hommes qui
20 ont été conduits comme un troupeau en les piégeant, en les enfermant et
21 enfermant ces victimes dans deux maisons, les rendant de ce fait sans
22 défense, et ils sont restés dans cet enfer et ont dû souffrir, et cela
23 était très douloureux pour les victimes puisqu'elles ont été brûlées
24 vives."
25 Milan Lukic conteste les éléments factuels dans le cadre de ses
26 condamnations pour ce qui s'est passé dans la rue Pionirska, mais n'a pas
27 pu démontrer que la Chambre de première instance avait commis une erreur.
28 Les survivants de la rue Pionirska et des meurtres commis à cet endroit ont
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1 immanquablement déclaré que Milan Lukic a commis ces crimes. Les témoins de
2 première main qui venaient de cette petite communauté, la même que Milan
3 Lukic, y compris ceux qui l'ont connu personnellement, l'ont reconnu comme
4 étant l'auteur des crimes.
5 Sept survivants ont identifié Lukic comme étant un des auteurs des
6 crimes commis dans la rue Pionirska. Tous ces témoins ont été considérés
7 comme étant crédibles et fiables par la Chambre de première instance. Les
8 survivants des crimes de Milan Lukic décrivent les événements du 14 juin
9 1992 en détail. Entre 4 et 5 heures de l'après-midi, Milan Lukic est arrivé
10 dans la maison de Memic sur la rue Pionirska. Il était armé et portait un
11 uniforme de camouflage. Il était accompagné d'autres hommes armés en
12 uniforme de camouflage, y compris les personnes identifiées comme étant
13 Sredoje Lukic, Mitar Vasiljevic et Milan Susnjar, ou Lalco. Je vais les
14 appeler tous ensemble le groupe de Lukic.
15 Milan Lukic et Sredoje Lukic sont entrés dans la maison de Memic et
16 se sont présentés au groupe d'une soixantaine de Musulmans non armés qui se
17 trouvaient à l'intérieur. Le groupe était composé essentiellement de femmes
18 et de jeunes filles, de personnes âgées et d'enfants, y compris des bébés.
19 Une part importante des personnes qui étaient à l'intérieur connaissaient
20 Milan Lukic et Sredoje Lukic, Mitar Vasiljevic et Susnjar, et ont pu les
21 identifier sur le site. Deux témoins qui ont reconnu Milan Lukic lorsqu'il
22 est entré dans la maison de Memic sont les deux sœurs VG-101 et VG-78. Les
23 deux sœurs connaissaient Milan Lukic et sont allées à l'école avec lui
24 pendant plusieurs années. Elles ont décrit comment il jouait un rôle dans
25 la série de crimes commis par les auteurs serbes armés pendant toute la
26 journée et pendant la nuit sur la rue Pionirska.
27 Milan Lukic ne conteste pas que VG-101 est allée à l'école avec lui, l'a vu
28 tous les jours et, après avoir terminé l'école, a continué à le voir à des
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1 soirées organisées. Et il ne conteste pas de VG-78 est allée à l'école avec
2 lui pendant plusieurs années et qu'elle l'a vu à l'école. Ce dont il se
3 plaint, c'est que les circonstances dans lesquelles elles l'ont identifié
4 ne le lui ont pas permis d'être identifié au-delà de tout doute
5 raisonnable.
6 Dans l'affaire Mitar Vasiljevic, la Chambre de première instance a conclu
7 que le doute raisonnable subsistait quant à savoir si Mitar Vasiljevic
8 faisait partie du groupe armé sur la rue Pionirska. La Défense laisse
9 entendre que le doute raisonnable lié à Mitar Vasiljevic devrait être
10 transposé dans cette affaire et qu'il devrait y avoir un acquittement
11 systématique parce que les éléments de preuve fournis par VG-101 et VG-78,
12 entre autres éléments de preuve, n'étaient pas suffisants et ne pouvaient
13 justifier que les éléments de preuve concernant Mitar Vasiljevic prouvaient
14 qu'il était présent au-delà de tout doute raisonnable. Mais il ignore les
15 faits pris en compte par la Chambre de première instance dans d'autres
16 affaires compte tenu des éléments de preuve qui sont présentés.
17 Les dépositions de VG-101 et VG-78 ont été présentées devant la Chambre de
18 première instance en l'espèce. Les dépositions viva voce de VG-101 et de
19 VG-78 ont été entièrement examinées, et les incohérences entre leurs
20 dépositions ont été examinées de près dans le cadre de l'affaire Lukic
21 contre Lukic [comme interprété] et dans l'affaire le Procureur contre
22 Vasiljevic. La Chambre de première instance a examiné dans sa totalité tous
23 les éléments et a conduit une analyse et a pris une décision motivée sur la
24 partie du témoignage qui devait être retenue. Je fais valoir que la Chambre
25 de première instance en avait le droit compte tenu des éléments de preuve
26 qui lui avaient été présentés et entendus, de leur analyse et de la prise
27 en compte de la présentation des éléments par les témoins à la fois pendant
28 l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire pour constater que
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1 VG-101 et VG-78 l'ont reconnu sur la rue Pionirska.
2 Les Témoins VG-101 et VG-78 ainsi que d'autres témoins ont fourni des
3 récits cohérents qui se corroboraient mutuellement à propos des actions de
4 Milan Lukic. Après que Milan Lukic et Sredoje Lukic se soient présentés,
5 Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de rendre leurs objets de valeur
6 et a menacé de leur tirer une balle dans la tête si quelqu'un gardait sur
7 lui ou sur elle quelque chose. Milan Lukic a dépouillé les civils musulmans
8 de leurs biens à bout portant. Les hommes [comme interprété] et les femmes
9 ont été séparés du groupe et ont été fouillés au corps. Milan Lukic a plus
10 tard emmené trois femmes de la maison. Elles ont été violées par la suite.
11 Par la suite, Milan Lukic et son groupe armé ont quitté la maison de Memic,
12 mais avant de partir, Milan Lukic a dit aux civils musulmans que personne
13 n'avait le droit de partir avant son retour. Milan Lukic, Sredoje Lukic et
14 d'autres membres de son groupe sont revenus le soir même. Ils étaient tous
15 encore armés et portaient un uniforme de camouflage. Ils ont transféré le
16 groupe de Koritnik à la maison d'Omeragic, qui se trouvait à une vingtaine
17 ou trentaine de mètres de là. La maison d'Omeragic avait été préparée avec
18 un combustible permettant de faire accélérer l'incendie. Le groupe de Lukic
19 avait été organisé tel qu'observé par VG-84, qui a déclaré :
20 "Il y avait de la lumière devant la maison, il y avait des torches. Tout
21 avait été préparé à l'avance."
22 Et sa déposition coïncide avec les éléments de preuve fournis par un
23 certain nombre d'autres témoins, y compris le Témoin VG-38.
24 On a dit aux civils musulmans qu'ils étaient transférés pour leur propre
25 sécurité et qu'ils n'avaient besoin ni de leurs chaussures ni de leurs
26 bagages. Au moment où Milan Lukic transférait les victimes de la maison
27 d'Omeragic, VG-13 est passé à 30 centimètres de lui. Une fois que les
28 victimes avaient été enfermées dans la maison d'Omeragic, il s'est rendu
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1 compte qu'il n'était pas en sécurité à cet endroit. VG-13 ainsi que
2 d'autres témoins ont décrit comment l'air était suffocant à l'intérieur
3 parce qu'il y avait une substance gluante et âcre sur les tapis et qui
4 aurait pu les faire suffoquer.
5 Après que les civils musulmans aient été enfermés dans la maison d'Omeragic
6 pendant un certain temps, Milan Lukic a placé un engin explosif à
7 l'intérieur qui a explosé et qui a mis le feu à la maison, qui a eu pour
8 effet d'envelopper toutes les personnes qui se trouvaient à l'intérieur.
9 Milan Lukic et d'autres personnes du groupe armé à l'intérieur de la maison
10 ont tiré sur des membres du groupe Koritnik qui tentaient de s'échapper. Au
11 total, ils ont tué au moins 58 civils musulmans dans la maison d'Omeragic.
12 VG-13 connaissant Milan Lukic avant l'incident, l'a vu placer l'engin
13 explosif à l'intérieur de la maison d'Omeragic et l'a vu lorsqu'il a tiré
14 sur elle au moment où elle tentait de s'échapper par la fenêtre. La Défense
15 de Milan Lukic a argué du fait que VG-13 n'était pas un témoin
16 d'attestation. Cependant, le paragraphe auquel il est fait référence par le
17 bureau du Procureur dans son mémoire en clôture concerne les
18 identifications qui étaient faites dans le prétoire. Cependant, la Chambre
19 de première instance ne s'est pas fondée sur l'identification de VG-13 dans
20 le prétoire. Cependant, la Chambre de première instance a expliqué qu'elle
21 s'est fondée sur une connaissance antérieure de Milan Lukic dans le
22 jugement aux paragraphes 408 et 599.
23 Je vais juste lire le paragraphe 408 du jugement :
24 "Pendant l'interrogatoire principal, VG-13 a déclaré que la première fois
25 qu'elle a vu Milan Lukic c'était le 14 juin 1992; cependant, pendant le
26 contre-interrogatoire, elle a dit dans sa déposition qu'elle avait vu Milan
27 Lukic avant l'incident dans la région dans laquelle elle habitait, et c'est
28 la dernière fois qu'elle l'a vu. Il avait environ 20 ans, voire un peu
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1 plus. Quelquefois elle voyait Milan Lukic deux fois par an en passant,
2 lorsqu'il se rendait à l'hôtel Panos. Cependant, VG-13 a déclaré, et je
3 cite, 'Je n'ai pas de connaissance personnelle à propos de Milan Lukic.
4 C'était un voisin qui a grandi près de chez nous, et je ne puis rien dire
5 d'autre.'"
6 La constatation de la Chambre de première instance n'a pas un caractère
7 déraisonnable. Le critère retenu en appel est de savoir si une erreur a été
8 commise dans le jugement, et je fais valoir, compte tenu de l'appréciation
9 de la Chambre de première instance au paragraphe 408, qu'il n'y a pas eu
10 d'erreur.
11 Milan Lukic laisse entendre qu'il n'y avait pas de lumière du tout à
12 l'intérieur de la maison et que VG-13 n'aurait donc pas pu le reconnaître
13 comme étant la personne qui a placé l'engin explosif une fois la porte
14 ouverte. Argument présenté aujourd'hui dans le mémoire en réplique au
15 paragraphe 72.
16 Cependant, comme je l'ai déjà évoqué, la Chambre de première instance
17 s'est penchée plus particulièrement sur la question de l'éclairage. Et on
18 remarquait que la lumière venait de différentes sources, y compris les
19 maisons voisines et les projecteurs des auteurs, permettant aux victimes
20 dans la maison d'Omeragic de voir les auteurs. En outre, il y avait de la
21 lumière dans la pièce, dû aux lampadaires qui se trouvaient à l'extérieur
22 dans la rue, tel qu'indiqué au jugement au paragraphe 366.
23 VG-13 connaissait Milan Lukic et a fourni des éléments de preuve
24 incontestables lorsqu'elle a dit l'avoir vu dans la maison d'Omeragic et
25 l'avoir vu mettre le feu à la maison. Elle a été contre-interrogée
26 longuement, laissant entendre qu'elle ne le connaissait pas et qu'elle
27 n'aurait pas pu le voir si le feu avait effectivement eu lieu. La Chambre
28 de première instance a écouté toute sa déposition, y compris le contre-
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1 interrogatoire, et s'est adressée à Milan Lukic et aux points qu'il
2 contestait dans le jugement. Elle a constaté que VG-13 le connaissait avant
3 les crimes commis sur la rue Pionirska, qu'il s'agissait d'un témoin
4 crédible et fiable. En appel, il cherche simplement à remplacer
5 l'interprétation de la Chambre de première instance avec la déposition qui
6 est la sienne.
7 Avec VG-13 et d'autres témoins qui connaissaient Milan Lukic avant que les
8 crimes ne soient connus sur la rue Pionirska, plusieurs témoins
9 supplémentaires l'ont identifié comme étant un des auteurs. VG-38, VG-18,
10 VG-48 et Kurspahic, qui a relaté le récit de son père décédé, Hasib
11 Kurspahic, qui ont indiqué que Milan Lukic faisait partie de ce petit
12 groupe d'auteurs. La Chambre de première instance a entendu leurs récits, a
13 apprécié leurs dépositions, leur comportement, et en a conclu que leurs
14 dépositions étaient crédibles et fiables.
15 Eu égard aux arguments de Milan Lukic concernant la présence de Mitar
16 Vasiljevic sur la rue Pionirska le 14 juin 1992, ceux-ci ont été amplement
17 abordés par l'Accusation dans son mémoire en réponse, outre un point que je
18 souhaite mettre en exergue. Aux paragraphes 81 et 82 dans sa réplique,
19 Sredoje Lukic déclare que l'Accusation a mal compris la jurisprudence qui
20 régit les faits déjà jugés. C'est Milan Lukic qui n'a pas compris ceci
21 correctement. Alors que la Chambre avait à l'origine admis les faits jugés
22 dans l'affaire Vasiljevic qui auraient étayé les arguments de l'appelant,
23 elle a par la suite entendu la déposition viva voce indiquant le contraire
24 et a rejeté les faits jugés conformément à la jurisprudence exposée par
25 l'Accusation dans sa réponse au paragraphe 134.
26 Je souhaite indiquer que la Défense de Milan Lukic présuppose que le doute
27 raisonnable dans l'affaire Vasiljevic devrait être appliqué parce que Mitar
28 Vasiljevic n'était pas là. Nous estimons que ceci n'est pas la logique
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1 appropriée qui devrait être appliquée. Quoi qu'il en soit, c'est la raison
2 pour laquelle M. le Juge Robinson a malgré cela déclaré que Milan Lukic
3 était coupable pour les crimes commis dans la rue Pionirska, même s'il a
4 fourni une opinion dissidente sur la présence de Vasiljevic. Je vous
5 demande de vous reporter aux paragraphes 1.110 et 1.110. La question de la
6 présence de Vasiljevic n'a pas d'incidence sur la conclusion unanime rendue
7 par la Chambre de première instance, à savoir que plusieurs témoins ont, de
8 façon fiable, indiqué que Milan Lukic se trouvait à la rue Pionirska le 14
9 juin 1992.
10 Je vais maintenant passer à Bikavac. Nous faisons valoir que Milan Lukic a
11 été condamné comme il se doit pour les crimes commis à la maison de Meho
12 Aljic à Bikavac. Il a omis de démontrer une quelconque erreur commise par
13 les Juges de la Chambre dans ses constatations. Environ 15 jours avant
14 [comme interprété] l'attaque contre la rue Pionirska, Milan Lukic a
15 récidivé. Cette fois, au moins 60 civils musulmans ont été tués. Une seule
16 personne a survécu. Dans la soirée du 27 juin, ou à peu près à cette date-
17 là, Milan Lukic s'est rendu en voiture dans le quartier de Bikavac à
18 Visegrad, avec de la musique qui sortait des deux voitures. L'une était une
19 Passat. Lui et ses compagnons armés se sont rendus dans les maisons
20 voisines et ont demandé aux occupants de se rendre sur la rue, comme s'il
21 s'agissait d'un troupeau. Parmi ce groupe de personnes, il y avait des
22 habitants et des réfugiés.
23 On a demandé à ces personnes d'entrer en file indienne à l'intérieur de la
24 maison de Meho Aljic. Ils avaient tellement peur qu'ils ont obtempéré. Une
25 fois à l'intérieur, les personnes se sont retrouvées dans une seule pièce
26 avec les sorties bloquées et barricadées. Une fois que Milan Lukic les a
27 tous emmenées à l'intérieur, il a bloqué la dernière sortie. Milan Lukic et
28 son compagnon ont jeté des pierres contre la maison, ont tiré dessus et ont
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1 lancé des grenades à l'intérieur. Peu de temps après, Milan Lukic a
2 incendié la maison. La maison a été incendiée et une seule personne a
3 survécu. La seule survivante était Zehra Turjacanin.
4 Comme les autres témoins et victimes en l'espèce, elle avait connu Milan
5 Lukic. Elle l'avait connu depuis qu'ils étaient enfants. Ils étaient à
6 l'école ensemble. Il était dans la même classe que son frère. Elle l'a vu
7 lorsqu'il était adulte également. Elle se souvient de deux occasions un peu
8 plus tôt au mois de juin 1992, lorsqu'elle l'a vu à Visegrad, à l'usine
9 Alhos, et chez son voisin où elle buvait un café. La Chambre de première
10 instance n'avait aucun doute sur la connaissance antérieure qu'avait ce
11 témoin de Milan Lukic.
12 La Chambre de première instance a entendu pendant trois jours d'audience la
13 déposition de Zehra Turjacanin. Les Juges de la Chambre de première
14 instance ont siégé alors qu'elle décrivait ces attaques et son incapacité à
15 sauver sa famille des flammes. Ils ont vu qu'elle était désemparée et
16 qu'elle était handicapée en raison des brûlures qu'elle avait. En se
17 fondant sur un examen très détaillé et attentif, la Chambre de première
18 instance a rendu une appréciation sans équivoque sur la déposition de Zehra
19 Turjacanin, qu'elle a examinée dans on intégralité. Elle a constaté que sa
20 déposition était cohérente et fiable. La Chambre de première instance était
21 convaincue du fait qu'il s'agissait d'un témoin qui disait la vérité. Les
22 Juges de la Chambre de première instance méritent tout le respect qu'il se
23 doit compte tenu de cette [imperceptible].
24 Lorsque Milan Lukic est venu dans la maison de Zehra Turjacanin le soir, le
25 27 juin, elle l'a reconnu tout de suite. Elle savait exactement de qui il
26 s'agissait. Il lui a dit que sa famille devait se rassembler dans la rue et
27 il lui a donné l'ordre d'entrer dans la maison de Meho Aljic. Elle savait
28 exactement qui c'était lorsqu'il a arraché le collier en or qu'elle portait
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1 autour du cou, et elle est entrée à l'intérieur de la maison. Au moment où
2 elle tentait de s'échapper de la maison en flammes, elle a été obligée
3 d'abandonner plusieurs membres proches de sa famille. Elle savait
4 exactement qui elle fuyait.
5 De surcroît, Milan Lukic savait exactement quelle était la victime qui
6 allait être la sienne puisqu'elle l'a reconnu. Et nous savons ceci parce
7 qu'il a même pris la peine de mettre à prix la tête de Zehra Turjacanin
8 après avoir appris qu'elle s'était échappée. La déposition incontestable de
9 Zehra Turjacanin sur l'attaque de Milan Lukic a été corroborée directement
10 par VG-58 et VG-115, qui connaissaient également par le passé Milan Lukic -
11 - VG-58 et le contenu de VG-115. Les deux avaient connu par le passé Milan
12 Lukic. VG-58 était un voisin et VG-115 était quelqu'un qui le rencontrait
13 régulièrement. Ces témoins se cachaient dans la maison d'Aljic qui se
14 trouvait à côté et ont observé l'attaque. Ils ont confirmé que Milan Lukic
15 a fait entrer les personnes à l'intérieur comme s'il s'agissait d'un
16 troupeau, qu'il a tiré sur la maison et qu'il a jeté des grenades et de
17 l'essence. VG-58 l'a entendu exhorter ses compagnons à faire entrer autant
18 de personnes que possible à l'intérieur. VG-58 a vu Zehra Turjacanin
19 s'enfuir.
20 Le récit de Zehra Turjacanin a également été confirmé par le récit relaté
21 immédiatement après qu'elle se soit échappée lorsqu'elle a décidé de
22 prévenir ses voisins. Etant partie en premier de la maison d'Ismeta
23 Kasapovic, qui n'était pas un témoin, elle s'est rendue dans la maison de
24 VG-35 et CW-2 et leur a relaté ce qui était arrivé. Elle les a enjoints de
25 s'enfuir et de prévenir les autres. Plus tôt ce jour-là, Milan Lukic avait
26 violé VG-35, après s'être présenté à elle la veille. Zehra Turjacanin s'est
27 ensuite rendue dans la maison où VG-119 et VG-94 habitaient. Elle leur a
28 relaté la même chose.
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1 Finalement, le récit de Zehra Turjacanin a été par la suite confirmé
2 par la déposition de Milan Lukic et des conditions qui ont prévalu après
3 l'attaque. Avant de se rendre à Bikavac, vers 8 heures du soir, Milan Lukic
4 avait rendu visite à VG-94 et VG-119, lorsqu'il conduisait sa Passat rouge.
5 Ils leur ont dit que les deux femmes seraient tuées si elles quittaient la
6 maison. La Chambre de première instance a décidé qu'elles étaient en mesure
7 de reconnaître Milan Lukic en raison de ces entrevues qu'elles ont eues
8 avec lui.
9 Environ deux heures plus tard, Milan Lukic est revenu. Je vous
10 demande de vous reportez au paragraphe 721 eu égard au point que je viens
11 de citer. Encore une fois, il est revenu dans sa Passat rouge. Il
12 transpirait beaucoup, il était sale, et d'après son odeur corporelle, il
13 semblait qu'il avait été proche d'un incendie. La Chambre de première
14 instance a insisté sur la déposition de VG-94 et VG-119, ce qui permettait
15 de renforcer l'idée que Zehra Turjacanin disait la vérité et d'accorder un
16 grand poids à sa déposition.
17 Je vais maintenant passer à la première question demandée par les
18 Juges de la Chambre en appel.
19 Et la réponse que je vais donner s'applique à la fois aux événements
20 de la rue Pionirska et de Bikavac.
21 La Chambre de première instance a comme il se doit constaté que les
22 meurtres de Pionirska et de Bikavac ont été examinés de façon indépendantes
23 et a décrété que, de façon indépendante, il s'agissait de crimes
24 suffisamment importants pour pouvoir constituer un élément d'extermination
25 compte tenu des éléments de l'affaire. Tout d'abord, en raison du nombre de
26 victimes, chaque site de meurtre coïncide avec les éléments précédents
27 classés au plan judiciaire comme étant une extermination. Le nombre, ici,
28 de 58 sur la rue Pionirska, et 60 dans l'affaire Bikavac. Même s'il n'y a
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1 pas de seuil particulier numérique dans le cas d'extermination, la
2 jurisprudence du Tribunal international indique que les meurtres au-dessus
3 de 50 victimes peuvent être qualifiés d'extermination parce que ce chiffre
4 est suffisamment important.
5 Dans l'affaire Brdjanin, la Chambre d'appel a décrété que le meurtre
6 de 68 personnes à Brisevo constituait un acte indépendant d'extermination.
7 La Défense de Milan Lukic fait valoir que dans Brdjanin, la Chambre d'appel
8 a constaté que le nombre total de 1 669 morts pouvait être qualifié
9 d'extermination. Ceci n'est pas exact. Au paragraphe 472 de l'arrêt dans
10 l'affaire Brdjanin, la Chambre de première instance a clairement constaté
11 que dans chaque site distinct où il y a eu des meurtres, y compris Brisevo,
12 que ces meurtres étaient suffisamment à grande échelle pour être qualifiés
13 d'extermination.
14 Il fait valoir également que dans l'affaire Vasiljevic, il y a eu un
15 vaste plan de meurtre collectif. Ceci n'est pas exact. Dans l'arrêt Stakic,
16 au paragraphe 258, il est dit que la jurisprudence de ce Tribunal ne
17 nécessite pas des conditions d'un plan à grande échelle de meurtre
18 collectif ou de la connaissance d'un tel plan. Outre cela, il a mal lu
19 l'arrêt Martic aux paragraphes 404 et 405. La Chambre de première instance
20 a estimé que différents meurtres ne pouvaient pas être accumulés. La
21 Chambre de première instance n'a pas fait de commentaires et n'a pas
22 indiqué que 165 victimes ne constituaient pas un nombre suffisamment
23 important.
24 Il y a des jugements rendus par d'autres tribunaux internationaux qui
25 ont constaté que le meurtre de 50 personnes constitue un meurtre à grande
26 échelle. L'arrêt dans l'affaire Sesay confirme les constatations suivantes
27 : l'extermination au titre du meurtre de 63 victimes, 30, 40 et 64
28 victimes, respectivement, qui confirme les conclusions de la Chambre en
Page 98
1 l'espèce.
2 M. Gillett va en parler plus avant demain.
3 Milan Lukic souhaite élever le seuil constitutif d'extermination
4 concernant le meurtre de milliers de victimes sur différentes périodes de
5 temps et différents endroits. Mais il omet de mentionner que le meurtre
6 d'un nombre très important de victimes va bien au-delà du seuil requis pour
7 l'extermination et peut constituer un facteur aggravant lors du prononcé de
8 la peine. Donc nous faisons valoir que ceci se fonde sur le nombre, que les
9 massacres sur la rue Pionirska et Bikavac peuvent tous les deux être
10 qualifiés d'extermination.
11 Deuxièmement, compte tenu des circonstances, les Juges de la Chambre ont
12 noté les éléments de contexte qui entouraient les meurtres pour confirmer
13 de surcroît que ces meurtres pouvaient être qualifiés d'extermination.
14 Comme la Chambre de première instance l'a constaté, les meurtres commis sur
15 la rue Pionirska constituaient un meurtre en masse unique. Il ne s'agissait
16 pas d'une série de meurtres sans lien les uns avec les autres. Les victimes
17 ont été prises pour cibles. Il s'agissait surtout d'habitants du même
18 village, Koritnik, et la plupart faisaient partie de la famille élargie,
19 les Kurspahic. La méthode utilisée montre qu'il avait l'intention de tuer
20 ces victimes.
21 La même chose vaut pour Bikavac car la méthode était similaire. Sans
22 ces éléments de contexte, les conclusions de la Chambre restent valides
23 compte tenu du nombre de victimes tuées au cours de ces incidents.
24 Le meurtre était à grande échelle, et Milan Lukic n'a pas pu
25 démontrer que la Chambre de première instance a commis une erreur
26 lorsqu'elle a conclu qu'il avait commis le crime d'extermination sur les
27 deux sites en question.
28 Nous faisons valoir que compte tenu des éléments présentés aux Juges
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1 de la Chambre ainsi que des dépositions de survivants qui connaissaient
2 personnellement Milan Lukic, qui l'ont observé au moment où il a allumé le
3 feu, les Juges de la Chambre ont constaté qu'il était de façon raisonnable
4 responsable des massacres brutaux et sans pitié. Milan Lukic n'a pu
5 démontrer aucune erreur réversible dans le jugement rendu par la Chambre de
6 première instance et, par conséquent, les troisième et quatrième moyens
7 d'appel doivent être rejetés.
8 Je suis ouvert à des questions si vous en avez à poser; sinon, je
9 vais passer la parole à Mme Monchy.
10 M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Kremer, il vous reste dix minutes avant de
11 conclure.
12 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.
13 Nous avons modifié l'ordre. M. Schuster va d'abord s'exprimer, il sera
14 suivi de Mme Monchy.
15 M. SCHUSTER: [interprétation] Messieurs les Juges, entre le mois de juin
16 1992 et le début de l'année 1993, Milan Lukic est venu au camp de détention
17 d'Uzamnica à maintes reprises. Il a agressé sauvagement à plusieurs
18 reprises bon nombre de détenus musulmans qui y étaient détenus et qui y
19 vivaient dans des conditions absolument déplorables. Milan Lukic n'était
20 pas un garde dans ce camp. Il se contentait tout simplement d'y venir pour
21 faire subir aux Musulmans des sévices suivant son bon vouloir. Il leur
22 donnait des coups de pied, il les a battus, il leur a donné des coups de
23 poing, il les a frappés avec des bâtons, avec une barre, avec des battes.
24 Il leur a fait subir des traitements de chocs électriques avec une matraque
25 électrique. Une fois, la batte qu'il utilisait s'est cassée tellement il
26 frappait très fort l'homme auquel il faisait subir ces sévices. Il s'est
27 contenté d'en prendre une nouvelle et a poursuivi ces sévices. La Chambre
28 l'a condamné à juste titre pour ces crimes.
Page 100
1 Milan Lukic avance qu'il n'a jamais été dans ce camp. Cela devrait être
2 réfuté. La Chambre de première instance a apprécié de façon très
3 méticuleuse et dans le détail les éléments de preuve fournis par quatre
4 témoins qui ont tous vu Lukic au camp à plusieurs reprises et dont les
5 témoignages se corroborent. Ils sont tous absolument catégoriques à un
6 égard : l'homme qui les a frappés et qui les a agressés de façon si sauvage
7 à plusieurs reprises était bel et bien Milan Lukic. Certains des témoins
8 ont indiqué que Milan Lukic venait si souvent qu'ils ont même appris à
9 reconnaître sa voix. Trois de ces témoins ont appris l'identité de Milan
10 Lukic au camp. Un homme répondant au nom Saban Muratagic leur a dit, mais
11 il faut savoir que je fais référence à la page 1 953 du compte rendu
12 d'audience pour Berberovic, et à la page 2 510 pour Dervisevic.
13 Les témoins ne se sont pas contentés de faire des descriptions très
14 générales de Milan Lukic, ce qui nous a été dit ce matin. Je fais référence
15 dans mon mémoire aux différents détails. Le Témoin Dervisevic avait des
16 problèmes de vue, ce qui l'empêchait, en fait, d'identifier. Il s'agit de
17 pures conjectures. La Défense l'a déjà indiqué en première instance et la
18 Chambre de première instance a pris en considération ces éléments de preuve
19 dans le paragraphe 804 du jugement en première instance. Mais ce qui est
20 encore plus important, c'est que trois des témoins ont appris quelle était
21 l'identité de Milan Lukic au camp. C'est cet homme, Saban Muratagic, qui
22 leur en a parlé. Il faisait office de garde au camp. Il connaissait Milan
23 parce qu'il venait de villages voisins et qu'ils étaient allés à l'école
24 ensemble. C'est lui qui a dit à Berberovic qui était Milan Lukic, ainsi
25 qu'au Témoin Dervisevic.
26 Les témoins ont également fourni d'autres données biographiques qu'ils ont
27 apprises à l'époque, à savoir qu'ils ont appris des données qu'ils avaient
28 apprises à propos de cet homme qui venait régulièrement dans ce camp, qui
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1 leur faisait subir des sévices et qu'ils ont vu à plusieurs reprises. Ils
2 ont indiqué à juste titre que Milan Lukic était originaire de Rujiste,
3 qu'il avait travaillé en Serbie avant la guerre, qu'il était venu avec son
4 cousin, Sredoje Lukic, qu'il avait moins de 30 ans, et ils ont fourni
5 d'autres détails. Un témoin a mentionné que Milan Lukic avait été
6 emprisonné pour un enlèvement dans un train, fait que Milan Lukic a lui-
7 même confirmé dans le prétoire lorsqu'il a fait sa déclaration finale. Rien
8 n'indique que les témoins ont appris cette information des années après les
9 événements, comme l'a suggéré la Défense ce matin. Et je vais vous fournir
10 une citation du Témoin Dervisevic, une citation de son témoignage, il
11 s'agit de la page 1 962 du compte rendu d'audience, et Dervisevic répond à
12 une question. On lui demande comment il a appris l'identité de Milan Lukic
13 et, je cite :
14 "C'est un autre homme en détention, Saban Muratagic, qui me l'a dit. Je
15 pense que Milan Lukic était originaire d'un village très proche de son
16 village. Milan est de Rujiste, et cela, je peux le confirmer. Donc cet
17 homme le connaissait…"
18 Au vu de ces circonstances, la Chambre avait tout à fait le droit de
19 conclure que c'était bien Milan Lukic qui a battu cet homme. Je fais
20 référence au paragraphe 196 de l'arrêt Rukundo, où la Chambre d'appel a
21 conclu qu'une Chambre peut utiliser les éléments de preuve fournis par des
22 témoins qui ont appris l'identité de leur bourreau par le truchement
23 d'autres personnes. Le fait que Saban Muratagic est celui qui a indiqué à
24 Berberovic et à Dervisevic qui était Milan Lukic, qui les rouait de coups,
25 est un fait qui peut être pris en considération, et d'ailleurs la Défense
26 n'a pas posé de questions dans le cadre du contre-interrogatoire à ce
27 sujet. Quoi qu'il en soit, la Défense avait tout à fait la possibilité
28 d'appeler à la barre M. Muratagic. Et d'ailleurs, il figurait sur leur
Page 102
1 liste 65 ter.
2 La Chambre a également entendu les éléments de preuve fournis par VG-25,
3 témoin au titre de l'article 92 quater qui a indiqué connaître Milan Lukic
4 avant la guerre et qui a indiqué qu'il l'a battu régulièrement au camp.
5 Etant donné que VG-25 n'est pas venu témoigner en personne, la Chambre a
6 été très circonspecte lorsqu'elle a pris en considération ses éléments de
7 preuve. Mais elle a estimé que le témoignage de VG-25 corroborait le
8 témoignage de trois témoins viva voce. Leurs témoignages corroboraient
9 également le sien. La Chambre a estimé que ces quatre hommes, qui ont tous
10 été détenus pendant quelque huit mois dans le même hangar, ont présenté des
11 éléments de preuve qui se corroboraient mutuellement. Il est estimé que le
12 Témoin VG-25 pouvait tout à fait confirmer ce que les autres détenus
13 savaient de Milan Lukic.
14 Milan Lukic s'est également plaint du fait que la Chambre avait utilisé le
15 fait que Berberovic et Dervisevic avaient confirmé son identité dans le
16 prétoire. Mais contrairement à ce qui a été entendu ce matin, la Chambre
17 n'a pas véritablement mis en exergue ce fait. Etant donné que ces deux
18 témoins ont vu Lukic à plusieurs reprises dans le camp et reconnaissaient
19 même sa voix, elle a tout simplement accepté que le fait qu'il montre Lukic
20 dans le prétoire faisait partie de la façon d'établir son identité.
21 Et de surcroît, la Chambre n'avait pas besoin d'utiliser cette
22 attestation d'identité dans le prétoire parce qu'elle disposait déjà de
23 nombreux éléments de preuve de témoins qui avaient reconnu Milan Lukic au
24 camp. Deuxièmement, dans des circonstances telles que celles qui
25 prévalaient au camp d'Uzamnica, la Chambre devait être en mesure d'utiliser
26 ces éléments de preuve, puisqu'il s'agissait de victimes de crimes qui ont
27 subi ces sévices pendant une très longue période de temps, il y a eu
28 détention illicite, mise en esclavage, et sinon tout cela serait exclu
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1 lorsqu'il s'agit de témoins d'attestation, même s'ils ont de nombreuses
2 possibilités, tel que cela fut le cas, de connaître leur bourreau.
3 Les quatre témoins en question ont raconté la même chose à la
4 Chambre, à savoir qu'ils ont été détenus dans des circonstances terribles,
5 Milan Lukic n'a fait qu'aggraver leurs souffrances en les rouant de coups
6 sauvagement et en leur donnant des coups de pied à plusieurs reprises. La
7 Chambre a accepté ces éléments de preuve comme étant des éléments de preuve
8 logiques et exhaustifs et a condamné à juste titre Milan Lukic pour
9 traitement cruel et actes inhumains eu égard au camp d'Uzamnica.
10 J'en ai terminé. Je vais maintenant passer la parole à ma consoeur,
11 Virginie Monchy.
12 M. KREMER : [interprétation] Juste avant qu'elle ne commence, j'aimerais
13 rappeler que la Défense a utilisé quelque cinq minutes de cette session
14 après la pause et -- en fait, il y a eu un calcul qui a été fait de façon
15 erronée. Car nous avons commencé à 11 heures 40, et si nous avons 1 heure
16 15, nous devrions être en mesure de poursuivre pendant 12 minutes. Ce n'est
17 pas très important, mais je voulais juste demander à la Chambre de faire
18 preuve d'indulgence.
19 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
20 L'INTERPRÈTE : Il n'a pas son micro.
21 M. LE JUGE GUNEY : Vous avez besoin de combien de minutes approximatives ?
22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
23 M. KREMER : [interprétation] Mme Monchy me dit qu'elle n'aura pas besoin de
24 plus de 12 ou 13 minutes.
25 M. LE JUGE GUNEY : La Chambre a repris l'audience cinq minutes en retard et
26 la question du Juge Liu a pris approximative dix minutes. Donc, pour
27 compenser tout ça, étant donné que vous en avez besoin, vous avez dix
28 minutes additionnelles à utiliser.
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1 M. KREMER : [interprétation] Merci beaucoup.
2 Mme MONCHY : [interprétation] Messieurs les Juges, la Chambre de première
3 instance a condamné à juste titre Milan Lukic pour l'exécution sommaire de
4 cinq Musulmans lors des meurtres et assassinats de la rivière Drina; de
5 sept Musulmans lors des meurtres et assassinats de l'usine Varda; et une
6 Musulmane, Hajra Koric, au cours du même mois au cours duquel il a commis
7 les massacres de Pionirska et Bikavac.
8 Comme cela -- alors, je vais dans un premier temps parler des
9 meurtres et assassinats de la Drina, ensuite de l'usine Varda, et s'il me
10 reste du temps, j'en viendrai au meurtre de Mme Koric.
11 Alors, nous avons des éléments de preuve présentés par des témoins
12 oculaires à propos de l'incident de la Drina. Les éléments de preuve de
13 deux survivants qui ont été témoins oculaires, il s'agit du Témoin VG-32 et
14 VG-14, ainsi que les éléments de preuve du complice de Milan Lukic, qui
15 sont tout autant crédibles et fiables. La Chambre de première instance a
16 utilisé à juste titre ce qui a été dit par les Témoins VG-14 et VG-32 qui
17 connaissaient précédemment Milan Lukic; deuxièmement, ils ont indiqué
18 l'avoir reconnu le 7 juin et ont présenté une description de Milan Lukic.
19 Contrairement à ce que la Défense a avancé ce matin, la Chambre de première
20 instance n'a pas utilisé la confirmation et l'attestation dans le prétoire
21 que Milan Lukic était l'homme qui leur avait tiré dessus. Les Témoins VG-14
22 et VG-32 sont des témoins d'attestation parce que le Témoin VG-14
23 connaissait Milan Lukic et le connaissait depuis l'école secondaire, où ils
24 étaient allés ensemble aux âges respectifs de 16 et 17 ans. Et il l'a
25 reconnu immédiatement dès que Milan Lukic est entré chez lui pour le
26 prendre.
27 J'aimerais maintenant faire référence aux paragraphes 201, 129 et 121.
28 Le Témoin VG-32 connaissait Milan Lukic parce qu'il l'avait vu au moins
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1 deux fois avant les meurtres, et on lui avait dit qui était Milan Lukic. Il
2 l'a reconnu dès que Milan Lukic s'est approché de la maison de son beau-
3 père pour l'enlever. De surcroît, lorsque le Témoin VG-32 a été détenu dans
4 la maison après que Milan Lukic l'ait enlevé, il a entendu l'un des hommes
5 qui le gardaient appeler Milan Lukic par son nom.
6 En conclusion, je dirais que les deux témoins connaissaient Milan Lukic le
7 7 juin, et la Chambre de première instance a considéré de façon tout à fait
8 raisonnable que les deux témoins ont fait de Milan Lukic des descriptions
9 très semblables et qu'elles ont vu Milan Lukic très souvent et de très,
10 très près, pendant plusieurs heures, et ce, pendant le jour. J'aimerais
11 juste apporter une petite précision à propos d'une des allégations de la
12 Défense dans son mémoire de réplique. Car le Témoin VG-32 fait une
13 description du physique de Milan Lukic, ce qui fait l'objet de la pièce
14 1D30 à la page 242.
15 Pour en venir maintenant à Mitar Vasiljevic. La Chambre de première
16 instance a pris en considération les arguments présentés à la Défense
17 indiquant qu'il avait tout à gagner à mentir à propos de la participation
18 de Milan Lukic. Mais la Chambre de première instance a de façon tout à fait
19 raisonnable réfuté cet argument du fait que les éléments de preuve de
20 Vasiljevic corroboraient les éléments de preuve tout à fait crédibles du
21 Témoin VG-14. Ce qui fait l'objet d'une référence dans le jugement.
22 Comme l'a indiqué la Défense ce matin, si Vasiljevic avait su que Milan
23 Lukic serait arrêté, il n'aurait pas présenté les mêmes éléments de preuve,
24 alors il s'agit de pures conjectures tout à fait contraires aux éléments de
25 preuve. Et je fais référence aux paragraphes 45 et 46 du mémoire de clôture
26 de l'Accusation.
27 Pour en venir maintenant aux meurtres et assassinats de l'usine de Varda.
28 Il a été indiqué par des éléments de preuve très solides que Milan Lukic
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1 est bien la personne qui a tiré. La Chambre de première instance a utilisé
2 de façon tout à fait raisonnable les éléments de preuve de deux témoins
3 oculaires, le Témoin VG-24 et le Témoin VG-42, afin de condamner Milan
4 Lukic pour les meurtres et assassinats de l'usine de Varda. Elle a conclu
5 de façon raisonnable que ces deux hommes le connaissaient précédemment; et
6 deuxièmement, qu'ils ont tous les deux reconnu Lukic comme étant la
7 personne qui a tiré, et ces deux dépositions se corroborent mutuellement.
8 Eu égard aux Témoins VG-24 et VG-42 qui ont indiqué connaître Milan Lukic
9 précédemment, c'est une question qui a été examinée de façon très
10 méticuleuse par la Chambre de première instance et la Chambre de première
11 instance a considéré de façon raisonnable que le Témoin VG-24 avait dit
12 qu'elle connaissait Milan Lukic et qu'elle avait fait sa connaissance
13 lorsqu'il avait 12 ou 13 ans et qu'elle connaissait sa famille. Elle a
14 estimé également que le Témoin VG-24 connaissait Milan Lukic parce qu'en
15 1992, avant les meurtres, il se rendait régulièrement à l'usine Varda, où
16 travaillait le Témoin VG-24.
17 Pour ce qui est du Témoin VG-42, la Chambre de première instance a estimé
18 de façon raisonnable qu'elle connaissait Milan Lukic avant les meurtres.
19 Elle le connaissait lorsqu'il était enfant, cela a été mentionné par la
20 Défense ce matin, parce que son fils était ami avec Milan Lukic, mais il ne
21 faut pas oublier que son père était un ami très proche du grand-père de
22 Milan Lukic. Elle connaissait également les parents de Milan Lukic ainsi
23 que les détails de sa vie.
24 La Chambre de première instance -- ou plutôt, les Juges de la Chambre de
25 première instance ont considéré que le Témoin VG-42 avait parfois quelques
26 problèmes à comprendre les questions qui lui étaient posées, à se souvenir
27 des dates. Et il y a quelques divergences dans ses éléments de preuve.
28 Toutefois, après avoir observé le comportement du Témoin VG-42 lors de son
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1 témoignage, la Chambre de première instance a estimé que cela ne pouvait
2 pas véritablement miner le fait qui a été répété à plusieurs reprises
3 suivant lesquels elle connaissait Milan Lukic bien.
4 Pour en venir à mon deuxième élément, je dirais qu'à la fois le Témoin VG-
5 24 et le Témoin VG-42 ont reconnu Milan Lukic et ont donné des éléments de
6 preuve corroborant pour ce qui est de ses actions. Il ne faut pas oublier
7 que les témoins ont vu les événements, les ont observés, et elles ont pu
8 observer Milan Lukic à partir d'un endroit où elles avaient une vue dégagée
9 et l'ont vu pendant un certain temps. Le Témoin VG-24 se trouvait à
10 l'intérieur de l'usine et a vu Milan Lukic de très, très près. Quand au
11 Témoin VG-42, elle a pu assister aux mêmes événements à partir d'un balcon
12 qui se trouvait au dernier étage d'une maison, d'où elle avait une vue
13 absolument dégagée. Les deux témoins ont vu Milan Lukic emmener les
14 ouvriers comme du bétail vers la Drina et leur demander de s'aligner devant
15 la rive de la rivière. Le Témoin VG-42 a également vu Milan Lukic tirer et
16 tuer les ouvriers les uns après les autres, alors que le Témoin VG-24
17 entendait les rafales et les salves des différents tirs.
18 La Chambre de première instance a apprécié très soigneusement les
19 divergences entre ces éléments de preuve et a estimé de façon tout à fait
20 raisonnable que ces divergences étaient expliquées parce qu'elles avaient
21 vu les événements d'endroits différents.
22 La Chambre de première instance a également été informée du risque d'une
23 identification erronée eu égard au Témoin VG-42 et a considéré les
24 différents problèmes qu'elle aurait eu à le reconnaître de l'endroit où
25 elle se trouvait et les a réfutés à titre raisonnable. Et je fais référence
26 aux paragraphes 300, 321, 262 et 258.
27 On m'indique je ne n'ai plus beaucoup de temps à ma disposition, donc à
28 moins que vous n'ayez des questions, je vais mettre un terme à mon
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1 intervention.
2 M. LE JUGE GUNEY : M. le Juge Liu a une question.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'aimerais en fait demander à M. Kremer
4 une précision.
5 Monsieur Kremer, lors de votre intervention, vous avez mentionné que
6 l'extermination était en quelque sorte liée aux facteurs de contexte dans
7 lequel s'inscrivent les meurtres, et vous nous avez dit que Koritnik et
8 Bikavac étaient deux petits villages, deux petits hameaux. J'aimerais
9 savoir quelle était la population de ces deux villages, quelle était la
10 taille de ces villages et quel était le pourcentage des appartenances
11 ethniques ? Si vous n'êtes pas en mesure de répondre à ces questions tout
12 de suite, vous pourriez tout à fait y répondre cet après-midi ou demain
13 matin, comme vous le souhaitez.
14 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
15 M. KREMER : [interprétation] Je crois comprendre que dans le village de
16 Koritnik, il y avait environ une soixantaine de Musulmans qui vivaient dans
17 le village à l'époque, et la plupart de ces personnes ont été tuées dans le
18 cadre de cet incident. Je peux vous trouver la référence du jugement en
19 première instance et vous fournir la référence exacte après la pause
20 déjeuner.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. KREMER : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE GUNEY : Merci.
24 J'inviterais maintenant le conseil de Milan Lukic à présenter leurs
25 arguments en réplique. Vous disposez d'un délai de 30 minutes pour ce
26 faire.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Excusez-moi si
28 vous avez l'impression qu'il y a une certaine confusion qui règne, mais je
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1 vais dans un premier temps présenter la première partie, puis ensuite Me
2 Ivetic s'adressera à la Chambre d'appel.
3 J'aimerais dans un premier temps vous dire que je suis entièrement
4 d'accord avec M. Kremer, car ce qui est au centre de ce procès est la
5 question de l'identité. Comme l'a dit M. le Juge Robinson à la page 362 en
6 l'espèce. A en juger d'après le nombre de pages, cela a dû être dit au
7 début du procès.
8 Et je pense que, au fil du procès, cette affirmation a perdu un tant
9 soit peu de son poids, et en dernier lieu, je dirais que la référence
10 présentée par M. Kremer à propos du principe utilisé par la Chambre de
11 première instance afin de décider en matière d'identification, qui fait
12 l'objet du paragraphe 30 du jugement en première espèce, indique, disais-
13 je, qu'en fait, nous ne trouvons absolument aucune référence à propos de
14 l'élément essentiel en l'espèce. La citation présentée par M. Kremer est
15 une note en bas de page correspondant à ce paragraphe, et cette note en bas
16 de page est donc une référence secondaire et fait référence au jugement
17 dans l'affaire Haradinaj et consorts. Il y est fait référence, entre
18 parenthèses, aux règlements énoncés dans l'arrêt dans l'affaire Kupreskic.
19 Nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'une corroboration
20 inappropriée ou qui n'a pas lieu d'être, pour ce qui est de ce qu'a avancé
21 M. Kremer lorsqu'il a fait référence aux normes et critères utilisés dans
22 le jugement. Je pense que la Chambre d'appel devrait véritablement se
23 pencher sur la question, car les normes appropriées n'ont pas été utilisées
24 de façon logique.
25 Eu égard aux éléments de preuve relatifs à l'identification,
26 l'Accusation avance que la Chambre de première instance a bien utilisé les
27 facteurs pertinents pour chaque lieu de crime. Dans notre mémoire en appel,
28 nous avançons exactement le contraire et nous énonçons notre thèse de façon
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1 très, très claire.
2 Toutefois, nous pouvons marquer notre accord avec M. Kremer à propos
3 d'un élément, car il a insisté sur le fait que les témoins sont encore
4 absolument traumatisés par leur vécu, par leurs expériences. Toutefois,
5 dans le jugement, aucune considération n'a été faite à propos des
6 conséquences des traumatismes pour ce qui est des identifications
7 effectuées par les témoins.
8 Dans le cadre de l'examen des questions d'identification, un certain
9 nombre de sources juridiques sont citées, et en particulier l'arrêt Limaj.
10 Eu égard à cela, je tiens à dire que dans l'affaire Limaj, un certain
11 nombre de témoins ont affirmé être en mesure d'identifier l'accusé et l'ont
12 effectivement identifié dans le prétoire. Et comme on peut le voir à la
13 lecture du paragraphe 25 de l'arrêt dont je suis en train de parler, la
14 Chambre d'appel a estimé que cette procédure n'était pas la plus opportune.
15 Un certain camp de détention désigné sous le nom de Shala était
16 évoqué dans le cadre de l'examen de ces questions, et trois témoins étaient
17 concernés. L'un de ces témoins était le Témoin N-04, qui a décrit son
18 agresseur en affirmant avoir entendu son nom prononcé après la guerre. Un
19 autre témoin, le Témoin L-07, a affirmé qu'après la guerre, l'accusé
20 s'était présenté en personne à Shala. Et le troisième témoin, L-10, a
21 déclaré avoir entendu prononcé ce nom par d'autres détenus du camp et a
22 indiqué que c'est ainsi qu'il a pu reconnaître l'accusé. Les faits décrits
23 dans le cas que je viens d'évoquer sont assez semblables à ceux qui nous
24 intéressent en l'espèce.
25 Mais il importe de mettre l'accent sur le fait que l'Accusation dans
26 l'affaire Limaj a accepté que les identifications réalisées dans le
27 prétoire ne se voient pas accorder un poids important étant donné les
28 modalités d'identification de l'accusé par les témoins qui l'ont reconnu.
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1 En tout état de cause, la Chambre d'appel dans l'affaire Limaj a décidé
2 qu'aucune valeur probante ne devait être attachée à des identifications
3 faites dans le prétoire. En dépit de cela, la Chambre de première instance
4 de l'affaire à laquelle nous participons a cité l'affaire Limaj pour étayer
5 une conclusion tout à fait différente.
6 Mais parlons maintenant d'une autre affaire, l'affaire Kamuhanda, qui
7 présente des éléments similaires. Dans l'affaire Kamuhanda, il a été
8 procédé à l'identification de l'accusé par trois témoins dans le prétoire.
9 Un de ces témoins, le Témoin GAF, a déclaré avoir rencontré l'accusé à
10 plusieurs reprises avant l'incident, et, en raison de cela, la Chambre
11 d'appel a admis que le Témoin GAF avait reconnu l'accusé. Selon les normes
12 qui sont appliquées dans notre affaire, le Témoin GAF aurait été décrit
13 comme un témoin qui a reconnu l'accusé.
14 Le deuxième témoin dans l'affaire Kamuhanda était le Témoin GES, qui,
15 dans sa déposition, a déclaré avoir connu l'accusé pendant trois ans
16 environ. Et la Chambre d'appel a donc admis qu'il y avait possibilité pour
17 le Témoin GES de reconnaître l'accusé. Encore une fois, selon les normes
18 appliquées dans l'affaire qui nous intéresse, le Témoin GES aurait été
19 décrit comme un témoin qui a reconnu l'accusé.
20 Le troisième témoin dans l'affaire Kamuhanda était le Témoin GAA, qui
21 avait rencontré le témoin [phon] deux fois par le passé. Selon les normes
22 appliquées par l'Accusation dans l'affaire à laquelle nous participons, ce
23 Témoin GAA aurait donc, lui aussi, été un témoin qui reconnaît l'accusé.
24 Mais ce qui est particulièrement intéressant, c'est que la Chambre d'appel
25 dans l'affaire Kamuhanda a jugé qu'il était préférable pour elle de ne pas
26 attacher le moindre poids aux identifications réalisées dans le prétoire
27 par les trois témoins que je viens de citer.
28 L'élément suivant sur lequel s'appuie M. Kremer est en réalité toute
Page 112
1 une série de référence à nos systèmes juridiques nationaux que la Défense,
2 comme Milan Lukic et le bureau du Procureur ont évoqué dans leurs mémoires.
3 Lorsque nous nous préparions à l'audience d'aujourd'hui, nous avons
4 découvert une affaire qui n'est pas encore arrivée à son terme et qui va
5 bientôt être débattue par la Cour suprême des Etats-Unis. J'aimerais
6 d'ailleurs à ce sujet donner brièvement la parole à Me Ivetic, qui n'aura
7 besoin que de deux ou trois minutes pour vous en parler.
8 M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Kremer, en page 25 du
9 compte rendu d'aujourd'hui, a déclaré que ni le règlement ni la
10 jurisprudence du Tribunal n'oblige une Chambre de première instance à
11 exiger un mode particulier d'identification. Mais nous soutenons que les
12 Chambres de première instance du TPIY devraient garder à l'esprit les
13 évolutions qui ont marqué les éléments de preuve par identification dans le
14 monde qui les entoure dans les différents systèmes judiciaires existant et,
15 donc, rester au courant des tendances juridiques importantes dans le monde.
16 Le problème de l'identification dans le prétoire est au cœur d'une question
17 qui se pose aux Etats-Unis, où un procès est mené par le New Jersey contre
18 Henderson, et ce procès a donné lieu à décision le 24 août 2011 et doit
19 être jugé par la Cour suprême des Etats-Unis au mois de novembre. Cette
20 affaire est liée à la reconnaissance des préoccupations graves que peut
21 poser une identification dans le prétoire. Et cette affaire le New Jersey
22 contre Larry Henderson porte le numéro 062218, et comme je l'ai dit, la
23 Cour suprême du New Jersey a rendu sa décision le 24 août 2011, et
24 j'aimerais citer quelques passages de cette décision.
25 De l'avis de la Cour suprême du New Jersey, les éléments de preuve
26 scientifiques abondamment utilisés ont démontré, je cite :
27 "… de façon convaincante que les critères actuels applicables à
28 l'évaluation de la véracité des identifications par des témoins oculaires
Page 113
1 devaient être révisées."
2 Je vais poursuivre mes citations. Je cite :
3 "Les études les unes après les autres ont révélé un manque de fiabilité
4 troublant affectant les identifications par des témoins oculaires.
5 "Nous sommes persuadés, sur la base de éléments de preuve
6 scientifiques consignés au dossier, que la mémoire est malléable et que
7 toute une série de variables risque d'affecter et d'atténuer la mémoire en
8 aboutissant à des erreurs d'identification. Ces facteurs comprennent des
9 variables systémiques telles que les procédures de tapissage, qui sont sous
10 la maîtrise du système de justice pénale, et des variables d'estimation
11 telles que les conditions de luminosité ou la présence d'une arme, sur
12 lesquelles le système juridique n'a aucune maîtrise."
13 Messieurs les Juges, en préconisant une modification dans la façon dont les
14 tribunaux américains considèrent les identifications dans le prétoire, la
15 Cour suprême du New Jersey affirme dans sa décision, je cite :
16 "Ce qui est en cause, c'est l'intégrité même du système de justice pénale
17 et la capacité des tribunaux de mener à bien des procès équitables."
18 Messieurs les Juges, nous demandons simplement à la Chambre d'appel de
19 demander aux Chambres de première instance du TPIY d'exercer la même
20 diligence dans l'examen des éléments de preuve d'identification et de
21 reconnaître que s'il n'y a pas consensus quant à ces éléments de preuve
22 d'identification, la jurisprudence que vient de citer Me Visnjic a permis
23 de mettre en exergue des éléments qui ont besoin d'être pris en compte et
24 qui indiquent qu'il y a de graves préocupations quant à la manière dont les
25 identifications dans le prétoire ont été traitées en l'espèce.
26 Je vais maintenant rendre la parole à Me Visnjic pour le reste de son
27 exposé.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant que nous revenions sur les
2 affirmations faites par M. Kremer au sujet du Témoin VG-13. M. Kremer a
3 déclare que le problème que posait ce témoignage de VG-13 résidait dans le
4 fait qu'il avait été procédé à une identification dans le prétoire. Pour ce
5 qui nous concerne, nous affirmons - et c'est bien ce que l'Accusation a dit
6 dans son réquisitoire - ce que nous affirmons donc, c'est que l'Accusation
7 n'a pas utilisé la déposition du Témoin VG-13 car ce dernier n'avait pas
8 reconnu l'accusé. Donc le problème posé par le témoignage de VG-13 n'est
9 pas, contrairement à ce qu'a dit M. Kremer, le fait qu'il y ait eu
10 identification dans le prétoire, mais bien le fait que le Témoin VG-13 n'a
11 pas reconnu l'accusé. Or, M. Kremer a expliqué les choses autrement.
12 Quant aux autres témoins qui avaient vu Milan Lukic au préalable, nous
13 avons déjà dit dans notre exposé ici aujourd'hui que, eu égard en
14 particulier aux Témoins VG-38, VG-78 et VG-101, la Chambre d'appel devrait
15 tenir compte également de leur identification de Mitar Vasiljevic sur les
16 lieux, et si la Chambre accepte l'alibi de Vasiljevic, elle devrait
17 réfléchir à l'influence que cette réalité peut avoir sur le poids à
18 accorder aux identifications faites dans le prétoire concernant Milan
19 Lukic. Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas tenu
20 compte de l'influence de ce fait.
21 S'agissant de l'incident de Bikavac, j'estime que la Défense en a dit
22 suffisamment oralement dans ce prétoire aujourd'hui ainsi que par écrit
23 dans notre mémoire en appel.
24 Eu égard à Uzamnica, l'Accusation affirme que nous devrions utiliser
25 dans la pratique les éléments de preuve attestant de l'identité des accusés
26 dès lors qu'une personne a été rouée de coups par l'accusé concerné. Donc,
27 d'après l'Accusation, de telles identifications devraient être possibles;
28 mais nous disons, pour ce qui nous concerne, que l'accusé, dans de telles
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1 circonstances, doit tout de même bénéficier d'un principe de protection. La
2 question principale qui se pose dans la pratique réside, d'après le bureau
3 du Procureur, dans le fait qu'il n'y a pas eu de procédure d'identification
4 hors du prétoire ou même pendant la période antérieure au début du procès.
5 Nous affirmons qu'il ne devrait pas être possible que la première
6 identification des accusés se fasse dans le prétoire, comme cela a été le
7 cas en l'espèce.
8 [Le conseil de la Défense se concerte]
9 M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, Me Ivetic aimerait
10 ajouter quelques mots au sujet de l'extermination.
11 M. IVETIC : [interprétation] Je serai bref encore une fois, Messieurs les
12 Juges.
13 Je reviens à ce sujet de l'extermination. Je répondrai d'abord à M. le Juge
14 Liu et ensuite à l'Accusation. Bikavac n'est pas un village complètement
15 séparé de Visegrad. C'est un village qui se situe dans les faubourgs de
16 Visegrad. Et dans les deux cas, les meurtres ne sont pas censés avoir eu
17 lieu dans des villages respectifs, mais ce qui est déclaré, c'est qu'ils
18 ont eu lieu dans la ville de Visegrad en tant que telle, dont la population
19 est de 20 000 personnes.
20 Si nous prenons en compte les éléments de contexte tels que la démographie,
21 eh bien, un accusé devrait être au courant de ces éléments de contexte. Je
22 pense que j'ai raison de dire que rien ne permet de penser que Milan Lukic
23 connaissait le nombre de personnes qui faisaient partie du groupe de
24 Koritnik et quel était le rapport entre le nombre de ces personnes et la
25 population du village. Donc je pense que ce n'est pas une bonne manière de
26 commencer à présenter l'affaire en commençant d'emblée à utiliser le
27 critère juridique permettant de parler d'extermination.
28 Je souligne également que les victimes de Bikavac venaient de
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1 différents villages et que la Chambre de première instance ne s'est pas
2 concentrée sur leur origine, mais sur leur statut d'être vulnérables pour
3 analyser la situation. Paragraphe 949 du jugement. Donc, encore une fois,
4 il y a contradiction et erreur dans la façon dont a procédé la Chambre de
5 première instance.
6 Parlons maintenant des propos tenus par l'Accusation ici aujourd'hui à ce
7 sujet. D'après nous, ces propos décrivent de façon erronée la façon dont la
8 jurisprudence pertinente doit s'appliquer. Au paragraphe 472 du jugement
9 Brdjanin, il n'y est pas indiqué distinctement que Brisevo a été un exemple
10 d'extermination. Le paragraphe tient compte de l'ensemble des sites qui
11 sont concernés. Le nombre de personnes tuées à Brisevo a été pris en compte
12 après qu'il ait été resitué dans les circonstances globales, c'est-à-dire
13 dans les autres meurtres qui se sont produits à cette époque-là et qui sont
14 mentionnés dans le paragraphe 472 du jugement Brdjanin. Et, en fait, si
15 nous nous penchons sur le texte de ce passage, Messieurs les Juges,
16 revenons sur ce qu'ont dit les Juges de la Chambre d'appel, je cite :
17 "Puisque les parties ne contestent pas la décision de la Chambre de
18 première instance de prendre en considération l'ensemble des meurtres
19 commis sur le territoire de l'ARK et s'abstiennent de distinguer entre les
20 différents meurtres en fonction du lieu où ils ont eu lieu et de l'incident
21 concerné, la Chambre d'appel n'a pas besoin de se pencher sur cette
22 question. Qu'il suffise de dire que s'agissant des incidents spécifiques
23 cités par l'Accusation, qui impliquent le meurtre de 68 à 300 personnes
24 dans chacun des cinq lieux considérés, la Chambre d'appel est convaincue
25 que l'intention de commettre un crime d'extermination a été démontrée."
26 Et je souligne la dernière ligne de ce passage, je cite :
27 "… la Chambre d'appel considère que l'ampleur des meurtres au vu des
28 circonstances dans lesquelles ils se sont produits satisfait au critère
Page 117
1 exigeant que soit dépassé un seuil numérique pour qu'il y ait démonstration
2 de l'existence d'extermination."
3 Donc, encore une fois, l'Accusation n'a pas raison.
4 S'agissant de Martic, l'Accusation se trompe encore une fois, Messieurs les
5 Juges. Au paragraphe 404, nous lisons, je cite :
6 "Ayant pris en compte ces éléments ainsi que la totalité des éléments de
7 preuve relatifs aux incidents de meurtre qui ont permis de conclure à
8 l'accusation d'extermination, la Chambre de première instance estime que
9 les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour établir le crime
10 d'extermination dans l'ensemble des éléments pris en compte."
11 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
12 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais simplement ajouter un point
13 rapidement, si vous me le permettez. J'ajouterais simplement que caractère
14 massif est une expression qui en anglais permet de penser qu'un nombre
15 important de personnes est concerné. Encore une fois, nous n'invitons pas
16 la Chambre d'appel à établir un seuil minimum, mais il est indispensable
17 qu'un grand nombre de personnes soit concerné, car dans le cas contraire,
18 la distinction entre meurtre et extermination devient impossible. Nous
19 soutenons qu'il n'est pas nécessaire d'introduire un seuil précis à ce
20 stade tardif de l'affaire.
21 Et je rends la parole à Me Visnjic.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, deux arguments rapides,
23 dont l'un concerne l'identification dans le prétoire. L'Accusation n'a pas
24 répondu à nos arguments qui faisaient état de la nature très préjudiciable
25 de ces identifications répétées dans le prétoire. Donc, si l'on estime que
26 cette procédure était totalement inutile, alors il est permis de se
27 demander pourquoi elle a été utilisée à tant de reprises pendant le procès.
28 Et ma deuxième remarque concerne les questions générales liées aux
Page 118
1 conclusions de la Chambre de première instance en l'espèce. Les conclusions
2 de la Chambre de première instance en l'espèce ne peuvent s'appliquer que
3 si la Chambre d'appel est convaincue du fait que la Chambre de première
4 instance a appliqué convenablement le droit. Ce n'est pas le cas, eu égard
5 à Milan Lukic au moins, étant donné les problèmes posés par les
6 identifications. Et c'est la raison pour laquelle nous estimons que la
7 Chambre d'appel, sauf le respect que je dois à ses Juges, se doit
8 d'appliquer une correction au jugement en première instance, comme nous
9 l'avons dit, aussi bien par oral que dans nos écritures dans le cadre de
10 notre mémoire en appel.
11 Je vous remercie, et je vous remercie au nom de Me Ivetic également.
12 M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Kremer.
13 M. KREMER : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir dix secondes pour
14 compléter la réponse apportée à la question du Juge Liu, paragraphe 335, au
15 sujet de l'ampleur de l'incident de Koritnik et du nombre de personnes
16 concernées, une soixantaine, qui étaient aussi bien Serbes que Musulmans.
17 Je crois comprendre que les éléments de preuve démontrent que ces victimes
18 étaient majoritairement musulmanes. Et puis, deuxième point, au sujet du
19 fait que Bikavac aurait été dans les faubourgs de Visegrad, eh bien, Me
20 Ivetic a tout à fait raison de dire que Bikavac se trouve tout près de
21 Visegrad et que les victimes de ces attaques ont été principalement des
22 résidents et des réfugiés d'autres villages.
23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- déjeuner. L'audience sera suspendue et
25 sera reprise à 14 heures 45.
26 L'audience est suspendue.
27 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 26.
28 --- L'audience est reprise à 14 heures 47.
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1 M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. A moins que les représentants de
2 Sredoje Lukic commencent leur représentation, j'aimerais personnellement
3 formuler deux questions à lesquelles les parties sont invitées à répondre
4 pendant leurs présentations respectives. Première question, en ce qui
5 concerne aux événements du camp d'Uzamnica, donc, dans le cadre du huitième
6 motif d'appel de Sredoje Lukic. La Chambre de première instance a noté avec
7 inquiétude que la planche de photos utilisée avec Adem Berberovic était
8 manquante. Faute d'avoir la planche à photos, la Chambre de première
9 instance a conclu ne pas être en position d'évaluer si Adem Berberovic
10 avait reconnu ou non Sredoje Lukic par la planche à photos.
11 J'invitais les parties à élaborer sur ce sujet, prenant en compte la
12 possibilité que cette preuve soit de nature disculpatoire [phon] et que
13 Sredoje Lukic n'a pas été mis en accusation spécifiquement pour cette
14 victime.
15 Deuxième question. La Chambre de première instance a conclu que Milan Lukic
16 était détenu à Belgrade pendant quelques jours en mars 1993 et durant la
17 première moitié d'avril 1993, et Milan Lukic a fait appel de cette
18 conclusion dans son sixième moyen d'appel. J'aimerais inviter les parties à
19 élaborer sur l'impact potentiel sur l'appel de Sredoje Lukic. En d'autres
20 mots, quel serait l'impact de la détention de Milan Lukic sur la
21 condamnation de Sredoje Lukic ?
22 Maintenant, les représentants de Sredoje Lukic, s'il vous plaît.
23 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 comme nous l'avons mentionné dans notre motif d'appel numéro 8, nous avons
25 été plus qu'étonnés par la position adoptée par l'Accusation, et à ce jour,
26 les documents que nous avons mentionnés ne nous ont pas été communiqués. En
27 d'autres termes, Ib Jul Hansen, le chef des enquêteurs du bureau du
28 Procureur, a dit clairement dans sa déposition devant ce Tribunal et a
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1 confirmé qu'aucune photo de mon client, Sredoje Lukic, a été utilisée à des
2 fins d'identification.
3 De plus, lorsque l'on parle de l'incident de la rue Pionirska, en plus des
4 motifs d'appel, je voudrais rappeler quelque chose de plus. Les deux autres
5 témoins que souhaite utiliser la Chambre pour les conclusions concernant le
6 camp d'Uzamnica, il s'agit donc des Témoins Nurko Dervisevic et Islam
7 Kustura, dès leur libération après leur détention, ont fait des
8 déclarations à des enquêteurs dûment habilités par la police. Dans leurs
9 déclarations, ils ont nommé un nombre important d'auteurs de ces exactions,
10 mais ni l'un ni l'autre n'a mentionné le nom de Sredoje Lukic. De plus,
11 Nurko Dervisevic a, en fait, fait trois déclarations, 2D15, 2D16 et 2D17,
12 et la déclaration de M. Kustura porte la référence 2D19.
13 Je voudrais mentionner les propos prononcés par M. le Juge May dans son
14 livre intitulé : "Eléments de preuve en droit pénal international." Et en
15 anglais : "Evidence in International Criminal Law," paragraphes 242 et 243,
16 en parlant de ce concept que l'on appelle la meilleure preuve disponible.
17 Si l'on appliquait cette règle de la meilleure preuve disponible, ces
18 déclarations dans l'affaire Uzamnica et l'absence d'identification que nous
19 avons mentionnées dans nos documents d'appel, tout ceci amènerait à annuler
20 les chefs d'accusation qui ont été retenus contre M. Sredoje Lukic pour ce
21 qui concerne cet incident. Je voudrais rajouter une dernière phrase à ce
22 que je viens de dire. Le Témoin VG-25, qui a été mentionné par mon collègue
23 de la partie adverse, M. Schuster, a déposé à décharge pour mon client en
24 disant qu'il n'était jamais allé au camp d'Uzamnica. Je pense que les
25 arguments en appel et les arguments que je présente maintenant seraient
26 suffisants pour que M. Sredoje Lukic ne porte aucune responsabilité pour
27 cet incident. Merci.
28 Avec votre permission, je voudrais rajouter une dernière phrase. Au
Page 121
1 paragraphe 839 du jugement, on peut lire que le témoin ne connaissait pas
2 bien Sredoje Lukic, et lorsqu'on lui a demandé de le décrire, ni Adem
3 Berberovic, ni Islam Kustura étaient en mesure de le faire de manière
4 appropriée. Je vous remercie pour votre attention encore une fois.
5 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
6 M. CEPIC : [interprétation] Nous n'avons rien à rajouter, Monsieur le
7 Président, compte tenu du temps…
8 M. LE JUGE GUNEY : O.K.
9 M. CEPIC : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE GUNEY : Une heure et 15 minutes.
11 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire
12 quelques mots concernant l'incident de la rue Pionirska, mais avant de
13 commencer à présenter mes arguments, je vous saurais gré, si vous me le
14 permettez, de faire circuler des tableaux que j'ai donnés aux représentants
15 du Greffe qui comportent des parties importantes de jugement de notre
16 mémoire en appel ainsi que de nos arguments écrits. Ceci facilitera la
17 présentation que le Pr Knoops et moi-même allons faire.
18 M. LE JUGE GUNEY : Puis-je demander au Procureur leur opinion à cette fin.
19 M. KREMER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Me Cepic, avant la
20 pause, m'a donné un exemplaire de sa présentation PowerPoint ainsi qu'un
21 tableau. Et je n'ai aucune objection à ce que cela soit fourni au collège
22 de Juges. Il m'a également donné un exemplaire des arguments écrits qui
23 seront présentés par M. Knoops. Je n'ai pas eu le temps de le lire. Mais
24 pour ce qui est des présentations PowerPoint et du tableau, je n'ai aucune
25 objection.
26 M. LE JUGE GUNEY : Pas d'objection, donc vous êtes en mesure de le faire
27 circuler. Merci.
28 M. CEPIC : [interprétation] J'aimerais savoir si un représentant du Greffe
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1 pourrait transmettre ces documents aux Juges pour commencer.
2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme vous pouvez le voir, il y
3 a trois pages de tableau : tout d'abord vous avez le cambriolage ou le vol
4 dans la rue Pionirska, ensuite vous avez la deuxième page, et la troisième
5 qui sera utilisée par le Pr Knoops. Ma prise de parole sera relativement
6 limitée. Je vais m'en tenir à une vingtaine de minutes, et le reste du
7 temps seront consacrés à la présentation de M. Knoops, et M. Dieckmann
8 répondra à l'appel présenté par le bureau du Procureur demain.
9 Nous avançons que M. Lukic ne se trouvait pas dans la rue Pionirska. Ceci
10 n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Sredoje Lukic
11 était présent. Le Pr Knoops et moi-même vont répondre aux trois éléments
12 clés concernant cet incident. Tout d'abord, la question est de savoir si
13 Sredoje Lukic était effectivement présent dans la rue Pionirska lors de cet
14 incident. La question numéro 2 : même si les Juges de cette Chambre
15 conviennent que Sredoje Lukic était présent, est-ce qu'il a été prouvé au-
16 delà de tout doute raisonnable qu'il était armé ? Et la question numéro 3 à
17 laquelle il faudra répondre : même si les Juges de cette Chambre
18 conviennent que Sredoje Lukic était présent, qu'il était évident qu'il
19 portait des armes car ceci était visible, est-ce que ces éléments de preuve
20 sont suffisants pour prouver la partie consistant à dire qu'il avait aidé
21 et encouragé à la commission des crimes dans l'incident de la rue Pionirska
22 ? Il s'agit des questions que vous avez présentées dans votre ordonnance du
23 6 septembre.
24 Nous n'allons pas répéter les arguments qui ont été présentés dans le
25 mémoire en appel. Nous allons prouver que les Juges en première instance
26 ont fait erreur dans leur analyse des éléments de preuve et que la Chambre
27 d'appel se doit d'éviter une erreur judiciaire. Je fais référence au
28 jugement en appel dans l'affaire Kupreskic, paragraphes 127 à 227, où les
Page 123
1 conclusions de la Chambre de première instance ont été annulées en ce qui
2 concerne le Témoin H. Nous nous trouvons dans une situation similaire dans
3 notre affaire, qui est donc similaire à l'affaire Kupreskic, notamment
4 lorsque l'on prend en compte les éléments de preuve qui semblent se
5 contredire et qui sont expliqués dans nos documents en appel aux
6 paragraphes 1 et 2, et je vais vous présenter des arguments
7 supplémentaires.
8 Par conséquent, nous demandons instamment aux Juges de cette Chambre
9 d'appel d'intervenir en appliquant les mêmes critères qui ont été appliqués
10 dans les paragraphes 222 à 227 du jugement en appel Kupreskic, et je
11 voudrais commencer par la première planche de ma présentation PowerPoint.
12 Si vous regardez sur vos écrans, et au vu également de l'acte d'accusation
13 et des éléments qui ont été présentés par le Procureur, nous pourrions dire
14 que l'incident dans la rue Pionirska a été divisé par le Procureur en cinq
15 étapes. Tout d'abord, vous avez l'arrivée du groupe Koritnik, ensuite vous
16 avez le cambriolage, ensuite vous avez les fouilles corporelles, ensuite
17 vous avez le transfert, ensuite vous avez les éléments qui se sont produits
18 au domicile d'Adem Omeragic.
19 Peut-on passer maintenant à la planche numéro 2, s'il vous plaît.
20 Puis-je poursuivre ?
21 J'espère que vous voyez la planche numéro 2 sur les écrans devant vous.
22 Cette planche précise ce qui s'est passé durant les cinq étapes de cet
23 incident. Vous voyez que les Juges en première instance ont conclu que
24 Sredoje Lukic était présent et qu'il a participé aux sous-incidents numéros
25 2 et 5, c'est-à-dire le cambriolage et le transfert. Je voudrais rappeler
26 que le Juge Robinson a présenté une opinion dissidente en ce qui concerne
27 la participation de Sredoje Lukic au transfert. Je souhaiterais également
28 rajouter que beaucoup de temps s'est écoulé entre les deux sous-incidents.
Page 124
1 Le cambriolage a eu lieu à 16 heures ou à 17 heures, alors que le transfert
2 a eu lieu vers 23 heures. Même avec ces conclusions factuelles à l'esprit,
3 le Juge Robinson a présenté une opinion dissidente, et si celle-ci avait
4 été appuyée par ses collègues en première instance, on pourrait se poser la
5 question de savoir quelle était la base juridique pour la participation de
6 Sredoje Lukic au cambriolage à proprement parler.
7 Ce que je souhaiterais également rappeler ici - et je vous demande de
8 vous référer à ma planche numéro 2 - les Juges en première instance ont
9 conclu que Sredoje Lukic était présent durant le cambriolage sur la base de
10 la déposition de quatre témoins : VG-18, VG-38, VG-84, ainsi que Huso
11 Kurspahic. Il s'agit de quatre des neuf témoins qui ont déposé, et ils sont
12 en fait le maillon le plus ténu, selon nous, quant aux chefs d'accusation
13 retenus contre Sredoje Lukic.
14 Je voudrais également mentionner quelque chose qui n'a pas été abordé
15 dans notre mémoire en appel, à savoir les contradictions entre les
16 conclusions portant sur ces différents témoins. Et d'ailleurs, je vous
17 demande de consulter la première colonne, vous voyez qu'il y a un
18 paragraphe qui est référencé ici pour chacun des témoins. Dans la deuxième
19 colonne, nous avons fourni tous les éléments de preuve à décharge. Et la
20 troisième colonne, vous avez une référence concernant l'identification. Et
21 dans la quatrième colonne, vous avez une question, à savoir s'il y a
22 pléthore d'éléments de preuve qui prouvent que Sredoje Lukic était armé. Et
23 le Pr Knoops développera ce sujet.
24 Nous pensons que les conclusions des Juges en première instance des
25 paragraphes 593 à 930 du jugement, en conclusion, situent Sredoje Lukic à
26 l'extérieur de la maison alors que le cambriolage se produisait à
27 l'intérieur de la maison. Contrairement à cette conclusion, aucun des
28 quatre témoins n'ont pu déterminer précisément que Sredoje Lukic se
Page 125
1 trouvait à l'extérieur de la maison alors que le cambriolage se produisait
2 à l'intérieur de celle-ci.
3 Le Témoin VG-38, d'après les Juges en première instance, n'a entendu que
4 par ouï-dire qui était Sredoje Lukic. Les Témoins VG-18 et 84 ont
5 apparemment entendu Sredoje Lukic se présenter, et Huso Kurspahic a fourni
6 des éléments de preuve indirects qui ne portaient pas précisément sur
7 l'endroit où se trouvait l'appelant durant l'incident.
8 Je dois corriger un terme utilisé à la page 18, ligne 18. Il s'agit
9 de Huso Kurspahic, et non de Hasib, tel que ceci a été consigné dans le
10 compte rendu en anglais.
11 De plus, je voudrais parler que les Juges en première instance font
12 deux poids, deux mesures par rapport à la jurisprudence en vigueur au
13 Tribunal. Dans l'affaire Vasiljevic, le même témoin, Huso Kurspahic, a
14 témoigné et a parlé du même incident. Il a présenté les mêmes éléments
15 qu'il a présentés à la Chambre de première instance. Cependant, la Chambre
16 de première instance dans l'affaire Vasiljevic a refusé d'accepter les
17 éléments constituant la déposition de ce témoin qui ne figuraient pas dans
18 la déclaration de son père, qui était un survivant à cet incident, à savoir
19 le dénommé Hasib Kurspahic. Des conclusions complètement différentes ont
20 été présentées pour ce procès-là.
21 Je voudrais rappeler que c'est Hasib Kurspahic, qui est le père de
22 Huso Kurspahic et qui a survécu à cet incident, et qu'il a donné un
23 entretien 24 jours seulement après l'incident, et ça a été le premier
24 élément de preuve pour ce procès. Encore une fois, je voudrais citer à
25 nouveau le Juge May dans son livre concernant les éléments de preuve en
26 droit pénal international, et plus particulièrement la règle de la
27 meilleure preuve. L'importance de cet élément de preuve précis est liée au
28 fait que personne n'a contredit ses dires. Il s'agit des pièces P40 et P41,
Page 126
1 pièces à charge. Dans cet entretien, Hasib Kurspahic a mentionné un nombre
2 important de personnes par leur nom, y compris Mitar Vasiljevic, qui a été
3 condamné par ce Tribunal.
4 Les Juges en première instance ont convenu que Hasib Kurspahic et
5 Sredoje Lukic se connaissaient bien avant la guerre. Si Sredoje Lukic avait
6 effectivement participé à cet incident, en d'autres termes, s'il avait été
7 présent sur les lieux de l'incident, Hasib Kurspahic l'aurait certainement
8 mentionné nommément durant cet entretien.
9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais que l'on passe
10 maintenant à la planche numéro 2 de nos tableaux. Cette page reprend les
11 conclusions des Juges de la Chambre de première instance concernant les
12 documents à décharge et la question de savoir si les Juges en première
13 instance avaient déterminé que les témoins avaient fourni suffisamment
14 d'éléments de preuve pour avancer que mon client avait effectivement porté
15 des armes durant cet incident.
16 Les conclusions des Juges en première instance dans le paragraphe
17 607, ces conclusions sont encore une fois contradictoires par rapport à
18 celles de la Chambre de première instance concernant le cambriolage. Il y a
19 des éléments qui semblent ambigus et qui ont leur importance. Par exemple,
20 comment est-il possible que quelqu'un qui n'a pas vu Sredoje Lukic, mais
21 qui n'avait qu'entendu parler de lui, comment est-il possible que cette
22 personne l'ait supposément vu à ce moment-là, sans disposer d'information
23 au préalable permettant d'identifier Sredoje Lukic et, de plus, la voix n'a
24 pas été reconnue. Et encore une fois, un critère complètement différent est
25 appliqué à la déposition de Huso Kurspahic par rapport au critère appliqué
26 dans l'affaire Vasiljevic.
27 Dans notre mémoire en appel, vous trouverez des arguments plus
28 développés sur ce point. Ce que je souhaite dire, c'est ceci :
Page 127
1 l'appréciation des éléments de preuve par les Juges de la Chambre de
2 première instance était tout à fait erronée. D'une part, la Chambre de
3 première instance s'est servie des dépositions de garçons âgés de 13 ans
4 pour conclure cela ainsi qu'un témoin ouï-dire, Huso Kurspahic; et d'autre
5 part, nous avons des témoins crédibles qui ont démontré que Sredoje Lukic
6 n'était pas présent au cours de l'incident en question. Ces témoins sont
7 les Témoins VG-13, la mère du Témoin VG-38, et ces deux témoins étaient
8 ensemble pendant toute la durée dudit incident.
9 La mère de VG-13 savait -- alors que le fils, VG-38, ne le
10 connaissait pas.
11 La Chambre de première instance en a conclu qu'aucun élément ne permettait
12 de démontrer que Sredoje Lukic était là en se fondant sur la déposition de
13 la mère, et d'autre part, la déposition de VG-38 est considérée comme
14 crédible.
15 Une autre contradiction est celle que l'on peut constater entre la
16 déposition de Hasib Kurspahic, à savoir son entretien, et la déposition
17 fournie par Huso Kurspahic. Outre cela, je souhaite évoquer le fait que des
18 témoins à charge n'ont jamais cité Sredoje Lukic, il s'agit des Témoins VG-
19 78, VG-101, CW-2, et le dernier témoin connaissait Sredoje Lukic avant la
20 guerre, mais dans sa déposition, elle ne l'a pas cité en tant qu'auteur
21 ayant participé à l'incident. Je dis tout ceci de façon à évoquer les
22 critères qui ont été appliqués dans l'affaire Limaj. Au paragraphe 153 de
23 l'arrêt, il est déclaré que lorsqu'il s'agit d'apprécier les éléments de
24 preuve fournis dans le cadre d'une identification, il faut tenir compte à
25 la fois des éléments à charge et à décharge. Outre cela, je souhaite
26 évoquer les paragraphes 39 et 40 de l'arrêt Kupreskic, où la Chambre
27 d'appel a constaté que :
28 "Une Chambre de première instance doit faire preuve d'une extrême
Page 128
1 prudence lors de l'identification par un témoin de l'accusé."
2 La Chambre de première instance n'a insisté sur aucun facteur
3 important qui a eu un effet négatif sur les éléments de preuve présentés
4 dans le cadre d'une identification et, par conséquent, a omis de déclarer
5 quelle était son opinion motivée. Je souhaite maintenant vous demander de
6 vous reporter sur vos écrans car vous y trouverez un résumé de notre
7 présentation. Dans notre mémoire en appel, nous avons tenté de vous
8 présenter une alternative raisonnable sur la personne qui aurait pu se
9 trouver sur le lieu du crime en lieu et place de Sredoje Lukic. Il s'agit
10 d'un extrait de la déposition de Mitar Vasiljevic.
11 Le Procureur demande de façon claire à ce qu'une description du
12 quatrième membre du groupe sur les lieux du crime soit donnée, et Mitar
13 Vasiljevic indique clairement qu'il s'agit de VGD-40 [comme interprété],
14 alors qu'en l'espèce il a témoigné pour dire que Sredoje Lukic n'était pas
15 à Visegrad ce jour-là. La même description a été fournie par un certain
16 nombre de témoins.
17 VGD4 porte un nom, un prénom et un nom de famille, et ils ont été
18 versés au dossier. Jusqu'à ce jour, d'éventuelles enquêtes contre VGD4 ne
19 nous ont jamais été communiquées, même si son identité est connue et même
20 s'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour indiquer que VGD4 a
21 participé à ce crime plutôt que Sredoje Lukic. En outre, VGD4 est également
22 cité lors de l'incident sur les rives de la Drina.
23 La Chambre de première instance a omis de tenir compte de cet élément
24 de preuve important. Par conséquent, nous devons signaler encore une fois
25 le fait que la Chambre de première instance a omis de fournir une raison
26 motivée. La question qui se pose donc est de savoir : comment la Chambre de
27 première instance a pu conclure qu'il avait été prouvé au-delà de tout
28 doute raisonnable que Sredoje Lukic était présent pendant toute la durée de
Page 129
1 l'incident qui s'est déroulé dans la rue Pionirska, comme tenu du rôle joué
2 par VGD4 dans cet incident et que ceci n'a jamais fait l'objet d'aucune
3 enquête ?
4 Je vous remercie de votre attention, Messieurs les Juges, et je vais
5 maintenant donner la parole à mon confrère, Me Knoops.
6 M. KNOOPS : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges, de bien
7 vouloir me donner la parole.
8 Je vous remercie, Monsieur Kremer, pour votre présentation
9 PowerPoint.
10 Mes arguments oraux ont été consignés sur le papier de façon à
11 pouvoir plaider assez rapidement, et je vais remettre un exemplaire de ma
12 présentation aux représentants du Greffe parce que vous trouverez dans les
13 notes en bas de page toutes les citations que je fais aux sources et
14 ouvrages juridiques. Merci.
15 M. KREMER : [interprétation] Ecoutez, je vais soulever une objection quant
16 à la distribution de ce document en me fondant sur le fait que ces
17 documents sont polémiqués. Me Knoops peut, en réalité, se fonder là-dessus
18 pour présenter ses arguments oralement. Il s'agit d'un nouveau document qui
19 ne figure pas dans le mémoire en appel, et en examinant cela rapidement, je
20 souhaite indiquer qu'il va sans doute présenter de nouveaux arguments qui
21 n'ont même pas été présentés dans le cadre de cet appel. Donc je demande à
22 ce que Me Knoops, s'il ne souhaite que citer les références en d'autres
23 affaires --
24 M. KNOOPS : [interprétation] C'est exact.
25 M. KREMER : [interprétation] -- s'il souhaite fournir ceci au Juriste de la
26 Chambre, je n'ai pas d'objection, il peut dans ce cas consigner ses
27 citations sur un feuillet distinct. Mais pour ce qui est de l'argument en
28 tant que tel, qui comporte une vingtaine de pages, je crois qu'il serait
Page 130
1 injuste à ce stade de la procédure d'ajouter de nouveaux arguments sans que
2 nous ayons eu l'occasion de les examiner au préalable pour pouvoir y
3 répondre.
4 Donc c'est l'alternative que je soumets aux Juges de la Chambre.
5 M. KNOOPS : [interprétation] Je n'ai aucun problème avec ça, Monsieur
6 le Président. Cela ne pose aucun problème pour moi. C'était simplement par
7 courtoisie que j'ai fait cela envers les Juges de la Chambre, mais si
8 l'Accusation souhaite soulever une objection, je n'ai pas de problème, je
9 peux citer simplement les références. Et je vais vous montrer -- je n'ai
10 pas d'autres arguments à présenter. Simplement, je souhaite étayer nos
11 arguments. Passons maintenant à autre chose, et je peux dire aux Juges de
12 la Chambre qu'il s'agit de références pertinentes, d'après nous.
13 [La Chambre d'appel se concertent]
14 M. LE JUGE GUNEY : Est-ce que vous avez déjà accepté une loi à suivre, une
15 loi qui n'était pas objectée par le Procureur ? Donc la question est déjà
16 résolue.
17 M. KNOOPS : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, ceci ne portait
18 que sur la présentation PowerPoint, ce qui a été accepté, mais qui ne
19 concerne pas l'argument que je viens de distribuer. Mais j'accepte
20 l'objection présentée par l'Accusation. Si l'Accusation pense qu'ils n'ont
21 pas suffisamment de temps pour se préparer, cela ne me pose aucun problème.
22 Il s'agit simplement d'une réflexion sur mes arguments présentés oralement.
23 C'est simplement comme aide-mémoire pour les Juges de la Chambre, et je ne
24 vais donc pas perdre du temps à argumenter ou parler de ce document. Je
25 vais simplement présenter mes arguments oralement et présenter toutes ces
26 références dans un document à part.
27 M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie. Je vous remercie, donc, pour votre
28 compréhension, les deux parties, en ce qui concerne le sujet en question.
Page 131
1 Merci. Vous pouvez continuer.
2 M. KNOOPS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Je vais donc aborder la question qui est présentée par les Juges de
4 la Chambre dans son ordonnance du 6 septembre. Mais avant d'aborder cette
5 question-là en particulier, je dois insister sur le fait que la condition
6 préalable nous permettant de répondre à cette question qui nous a été posée
7 par la Chambre est, bien sûr, la réponse que nous devons fournir à la
8 question fournie par M. Cepic : est-ce que M. Sredoje Lukic était présent
9 sur les lieux du crime, et s'il était présent, était-il armé ? Et il n'y a
10 pas d'élément de preuve incontestable ou crédible dans la mesure où, je
11 cite l'arrêt Kupresic, paragraphe 226, que le critère de "totalement
12 erroné" intervient. Seul le critère retenu par la Chambre d'appel est ce
13 qui permet de donner la définition juridique de "totalement erroné".
14 La question que je vais donc aborder est une question qui présuppose que la
15 Chambre, à un moment donné, aurait répondu par l'affirmative aux deux
16 premières questions, que vous trouverez sur la première diapositive de la
17 présentation de Me Cepic. Avant d'aborder cette question, Messieurs les
18 Juges, nous devons nous rappeler que la théorie initiale de l'Accusation se
19 fondait sur l'hypothèse que M. Sredoje Lukic a participé et était présent à
20 toutes les cinq étapes que vous trouverez dans la première diapositive de
21 Me Cepic. Nous savons, en revanche, aujourd'hui que les conclusions de la
22 Chambre de première instance qui n'ont pas été contestées par l'Accusation
23 étaient telles qu'elle n'a admis la présence de Sredoje Lukic qu'en phases
24 2 et 4, à savoir les vols, à l'étape numéro 2; et le transfert à la maison
25 d'Adem Omeragic.
26 Pour pouvoir présenter une thèse invoquant le fait d'aider et
27 d'encourager, il est important de regarder le cadre temporel entre ces deux
28 étapes. Et si vous reconstituez l'affaire et que vous analysez les
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1 constatations de la Chambre de première instance, il est possible de
2 déduire que cinq heures se sont écoulées entre le cambriolage, le vol, et
3 le transfert, l'étape numéro 4. Et ces cinq étapes dont nous parlons
4 couvraient une journée entière.
5 Je vais en venir à la pertinence de cette observation un peu plus
6 tard lorsque je présenterai mes arguments oraux.
7 L'Accusation n'a pas contesté et, en réalité, admis la constatation
8 de la Chambre de première instance à savoir que Sredoje Lukic n'était soi-
9 disant impliqué que dans les étapes 2 et 4. La question qui se pose, par
10 conséquent, est de savoir si le fait d'aider et d'encourager aux crimes de
11 meurtre et d'actes inhumains peut être fondé sur ces simples deux étapes en
12 se fondant sur le seul élément concret qui a été présenté, à savoir que M.
13 Lukic se trouvait sur les lieux du crime, premièrement; et que
14 manifestement il portait des armes, deuxièmement. Sur les lieux du crime,
15 eh bien, ceci se rapporte aux étapes 2 et 4 - nous allons y venir dans
16 quelques instants - et la deuxième hypothèse, le fait qu'il portait
17 manifestement des armes, ne se rapporte qu'à la deuxième étape, parce que
18 la Chambre de première instance a admis qu'à l'étape numéro 4, M. Lukic
19 n'était pas là et n'avait pas d'armes.
20 La caractérisation erronée par les Juges de la Chambre à la lumière
21 de ces conclusions était à l'origine du déni de justice qu'allègue la
22 Défense. Et la Chambre de première instance ne s'est fondée que sur ces
23 deux étapes et, en l'absence de tout autre élément concret, à savoir la
24 présence réelle et le fait de porter des armes, a mal cité la loi, parce
25 que ceci ne peut pas être l'équivalent d'aider et d'encourager aux chefs 9,
26 10, 11 -- 9, 10 et 12, pardonnez-moi.
27 Passons maintenant au tableau numéro 4, que vous verrez sur vos
28 écrans, Messieurs les Juges. Regardons tout d'abord ce qui a été conclu par
Page 133
1 la Chambre de première instance eu égard à ce premier élément, autrement
2 dit, le lieu du crime. Sur la gauche du tableau, vous trouverez la
3 déposition d'origine des quatre témoins pertinents sur lesquelles les Juges
4 de la Chambre de première instance ont préparé leurs conclusions. Et
5 ensuite, je dirais d'éléments déformés des éléments de preuve -- le fait de
6 dénaturer les éléments de preuve présentés à la Chambre de première
7 instance. Et en bas de ce tableau, vous trouverez les conclusions. En
8 réalité, aucun des témoins n'a en réalité vu M. Sredoje Lukic dans la
9 maison, qui était le lieu du crime, où le vol et le cambriolage ont eu
10 lieu. Deux des témoins ont été incapables de faire la différence entre
11 Milan et Sredoje Lukic, ce qui met en cause les conclusions de la Chambre
12 d'appel dans l'affaire Kupreskic à propos du Témoin H aux paragraphes 222 à
13 226, où la Chambre d'appel, si je me souviens bien, fournit une définition
14 du terme "complètement erroné".
15 Et du côté droit du tableau, vous trouverez l'observation -- ou la
16 constatation de la Chambre de première instance à savoir que Sredoje Lukic
17 était simplement présent "sur les lieux où le cambriolage et le vol ont été
18 effectués".
19 M. le Juge Robinson, dans son opinion dissidente, a estimé que tous
20 les éléments de preuve indiquent que Sredoje Lukic était présent, non pas
21 qu'il était présent sur les lieux du crime ou la maison dans laquelle il y
22 a eu ces vols, sans pour autant donner un endroit précis. Ce qui a été
23 interprété correctement par M. le Juge Robinson, parce que les éléments
24 présentés sur ce tableau ne permettent pas de montrer du doigt Sredoje
25 Lukic et le lieu du crime, à savoir les vols qui ont été commis à
26 l'intérieur de la maison. C'est la raison pour laquelle la doctrine du
27 droit pénal utilise le concept de présence constructive, qui est un terme
28 qui a été introduit par Blackstone il y a de nombreuses années déjà. Et
Page 134
1 dans un des ouvrages juridiques "Boyce and Perkins" américains dont j'ai
2 cité la page 741 et la jurisprudence applicable que j'ai citée. Cette
3 doctrine précise que si l'endroit précis où s'est trouvé un coaccusé, si
4 ceci est contesté, en d'autres termes, si on ne sait pas exactement quel
5 était ce lieu précis, on ne peut pas sans d'autre preuve matérielle
6 qualifier cela de présence en tant que telle dans le cas où l'endroit
7 précis n'a pas été identifié. Dans ce cas, on ne peut pas qualifier le fait
8 d'aider et d'encourager. C'est la raison pour laquelle cet ouvrage de
9 référence, qui reflète le "common law" américain et la doctrine d'aider et
10 d'encourager, explique pourquoi le principe au deuxième degré doit marquer
11 la présence de l'auteur du délit - parce que dans l'espèce qui nous
12 intéresse, il a été admis que M. Sredoje Lukic ne se trouvait pas sur le
13 lieu du crime, qu'il était à l'extérieur de la maison où il y a les vols -
14 ou, subsidiairement, de façon constructive, il a fourni une aide directe
15 aux auteurs. Et ceci, dit Blackstone, peut être fait par le moyen d'une
16 présence constructive.
17 Cette doctrine de la présence constructive signifie que l'on coopère
18 avec l'auteur et que l'on est situé à un endroit tel qu'on est capable de
19 l'aider dans le but "d'assurer le succès d'assurer la réalisation de
20 l'objectif commun."
21 Messieurs les Juges, assurer le succès et la réalisation de l'objectif
22 commun implique qu'être sur les lieux du crime ou ne pas être, en réalité,
23 sur les lieux du crime constitue deux choses différentes. Il s'agit là de
24 deux types d'aider et d'encourager par rapport à la notion de présence.
25 Outre l'identification d'un endroit précis à l'extérieur du lieu du crime,
26 ceci permet la réalisation d'une mission par le principal auteur.
27 Au vu des éléments de preuve qui nous ont été présentés, Messieurs les
28 Juges, les constatations de la Chambre de première instance permettent
Page 135
1 d'étayer l'hypothèse que M. Sredoje Lukic et sa présence n'a pas permis la
2 réalisation de l'objectif commun, quel qu'ait été l'objectif commun. Il n'y
3 a pas d'éléments de preuve visant l'objectif commun ou un plan entre
4 l'auteur principal, M. Sredoje Lukic, et d'autres personnes. Parce qu'il
5 n'était pas dans le secret d'une quelconque information que ce soit, et
6 ceci n'a pas été présenté dans les éléments de preuve.
7 La présence constructive, par conséquent, ne peut pas être admise -
8 la doctrine de la présence constructive ne peut pas être admise - dans
9 l'éventualité où l'accusé n'est pas lié à un véritable lieu de crime. Et
10 ceci n'est pas clair si, en réalité, il a permis la réalisation d'un
11 objectif commun. En d'autres termes, s'il y a des vols qui sont commis à
12 l'intérieur d'une maison et que l'homme en question se trouve à l'extérieur
13 sans qu'il ait été établi qu'un objectif commun ait été défini, on ne peut
14 pas dire que la personne a aidé et encouragé le vol en question dans ce
15 cas.
16 Etant donné que la Chambre de première instance n'a jamais conclu
17 qu'un endroit précis ait pu être déterminé, à savoir l'endroit où les vols
18 ont été commis, ne peut être déduite sur la manière dont il aurait assisté
19 ou contribué. A-t-il regardé ? Nous ne le savons pas. Ceci ne figure pas
20 dans les éléments de preuve. Où était-il situé par rapport au principal
21 auteur ? Nous ne le savons pas. Peut-être que la porte était fermée. Est-ce
22 qu'on pouvait le voir, est-ce qu'on pouvait être entendu par rapport à
23 l'endroit où le crime a été commis ? Ceci n'a pas été présenté dans les
24 éléments de preuve. Etait-il là, tout simplement ? Est-ce qu'il était à
25 l'extérieur de la maison de Jusuf Memic, ceci est pertinent s'il s'agit de
26 réaliser l'objectif commun ?
27 Nous n'avons pas la réponse à toutes ces questions. Et ces questions
28 n'ont pas de réponse dans les éléments de preuve. Par conséquent, nous ne
Page 136
1 pouvons pas établir le caractère, pour autant qu'il y en ait un, de la
2 contribution de Sredoje Lukic. Nous pouvons encore moins dire que cette
3 contribution ait été substantielle. Qu'est le critère retenu lorsqu'il
4 s'agit d'évaluer le fait d'aider et d'encourager ? Etant donné que ces
5 scénarios ne peuvent pas être exclus de façon raisonnable, on ne peut pas
6 accepter l'argument artificiel de la Chambre de première instance à savoir
7 que la présence constructive est la seule déduction raisonnable.
8 L'ancien président de ce Tribunal, le Pr Cassese, dans son ouvrage
9 sur le droit pénal international, résume ceci comme suit :
10 "La simple présence peut signifier aider et encourager lorsqu'une
11 telle présence signifie ou implique un encouragement substantiel à ces
12 crimes au vu de l'autorité du spectateur, avec la conséquence suivante,"
13 qui était essentielle, Messieurs les Juges, "permet de dire qu'il y a un
14 appui psychologique et moral, et que ceci permet de légitimer cette
15 présence."
16 Le Pr Cassese mentionne, par exemple : "La personne qui était
17 supérieure à un supérieur hiérarchique de l'auteur et avait un statut
18 important dans la société ou dans l'armée. Dans l'affaire qui nous
19 intéresse, M. Sredoje Lukic n'était pas un supérieur hiérarchique de
20 quiconque et n'avait aucun statut particulier dans la société, et les
21 autres auteurs allégués non plus. Nous y viendrons pas la suite.
22 Donc vous verrez quelle pertinence revêt tout ceci.
23 M. LE JUGE GUNEY : Vous nous avez parlé largement. Merci. Et, Maître, vous
24 avez parlé d'une présence constructive, une présence qui a un sens en
25 relation du sujet qui la concerne. Est-ce que vous pouvez nous offrir des
26 critères en vue de concrétiser un peu plus quelle est la présence
27 constructive ? Dans quelles circonstances on pourrait parler d'une présence
28 constructive ? Merci.
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1 M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais aborder ceci
2 dans une petite minute, mais je vous dirais en guise de réponse que la
3 présence constructive peut seulement être acceptée comme base pour le fait
4 d'aider et d'encourager si la personne se trouve sur les lieux du crime,
5 donc se trouve véritablement exactement sur les lieux du crime, et il faut
6 également que cette présence aille de pair avec d'autres actions concrètes,
7 ou du fait de l'autorité de cette personne, il faut que cela implique un
8 encouragement ou un appui moral. Vous connaissez la jurisprudence de ce
9 Tribunal. La Chambre d'appel a seulement accepté l'approbation tacite,
10 l'appui moral, l'encouragement, l'appui ou le soutien moral signifiant que
11 quelqu'un encourage par ses propos la personne, les auteurs principaux du
12 crime. Alors, si vous prenez en considération la jurisprudence de ce
13 Tribunal, vous ne trouverez peut-être pas les termes de "présence
14 constructive", mais il s'agit de présence qui a une conséquence ou un
15 impact considérable sur les actes de la personne.
16 Il se peut que, bon, ce soit un équivalent, il se peut que cela se
17 trouve au tableau numéro 6. Vous y trouverez la réponse pour que nous ne
18 perdions pas trop de temps. Dans le tableau numéro 6, vous trouverez une
19 comparaison qui a été établie entre les précédents les plus pertinents par
20 rapport au fait d'aider et d'encourager, et dans les cas où cela était
21 accepté précédemment par ce Tribunal, il n'y avait absolument aucun
22 contentieux en ce qui concerne la présence physique de la personne. Par
23 exemple, dans l'affaire Aleksovski, il était présent sur les lieux où les
24 prisonniers devaient effectuer des travaux forcés et il était également
25 présent sur les lieux où ils étaient utilisés comme bouclier humain.
26 Vasiljevic était armé et présent à l'hôtel Vilina Vlas. Il les a
27 accompagnés, il a dirigé son fusil vers eux, et il était debout juste
28 derrière les sept Musulmans. Donc, en l'occurrence il n'y a absolument
Page 138
1 aucun doute à propos de la présence véritable de l'accusé sur les lieux du
2 crime. Vous avez Furundzija, la Chambre d'appel, par son arrêt du 21
3 juillet 2000, qui indique que le commandant des Jokers, et là vous avez une
4 différence pour ce qui est de l'autorité, a agi et a continué à interroger
5 des victimes précises. Ses actes ont dépassé le simple fait d'être présent,
6 mais ce qui était important, c'est qu'il n'y avait absolument aucune
7 polémique quant à la présence de ladite personne sur les lieux, ce qui fait
8 que le Tribunal a pu bien entendu décider qu'il y avait présence
9 constructive.
10 Donc la condition préalable qui détermine la présence constructive
11 est qu'il ne faut pas qu'il y ait de contention et de polémique à propos de
12 l'endroit où se trouve l'accusé ou le coauteur des crimes allégués. Et si
13 cela ne fait pas partie des éléments de preuve, vous ne pouvez pas, en
14 fait, envisager, par exemple, les critères d'assistance matérielle,
15 d'encouragement par des propos.
16 Vous avez également le jugement en première instance dans l'affaire
17 Akayesu, où il a été prouvé qu'Akeyesu a été présent durant de nombreux
18 incidents de violence sexuelle. Vous avez également dans l'arrêt Haradinaj,
19 Limaj [comme interprété] qui était présent alors que trois témoins ont été
20 roués de coups. Il a lui-même frappé le Témoin numéro 6, a interrogé le
21 Témoin numéro 3, et cetera, et cetera. Voici cinq exemples qui émanent
22 d'affaires précédentes dont a été saisi ce Tribunal à propos du fait
23 d'aider et d'encourager qui montrent de façon très claire que la présence
24 constructive signifie qu'il faut que le coauteur des crimes se trouve sur
25 un lieu et que cela ne soit pas disputé.
26 M. LE JUGE GUNEY : Il vous reste maintenant 15 minutes avant la pause de 30
27 minutes, même 12 minutes avant la pause. Veuillez prendre ça en ligne de
28 compte. Merci.
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1 M. KNOOPS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Alors, je vais passer maintenant au cliché numéro 5 -- au tableau
3 numéro 5, qui fait référence au transfert.
4 La Chambre de première instance a accepté à la majorité, M. le Juge
5 Robinson exprimant une opinion dissidente, que Sredoje Lukic était présent
6 durant le transfert auquel il a participé. Et au tableau numéro 5, vous
7 verrez les éléments de preuve qui ont été retenus par la Chambre de
8 première instance, et vous verrez que la conclusion est que les armes n'ont
9 pas été mentionnées par les témoins, à l'exception du Témoin VG-84 qui a
10 apporté des éléments de preuve contradictoires sur les armes. Il a été
11 question d'armes automatiques, puis de fusils à lunette. En fait, les deux
12 personnes ont été confondues d'ailleurs par le témoin, ce qui explique en
13 fait qu'en dépit du témoignage du Témoin VG-84, la Chambre a accepté la
14 présence de M. Lukic seulement durant le transfert et n'a pas accepté sa
15 présence armée. Ce qui fait une différence considérable. Cela signifie en
16 fait que la conclusion de cette analyse est que, premièrement, Lukic était
17 tout simplement présent pendant le transfert, paragraphe 607; qu'il se
18 trouvait sur le lieu du crime qui n'était pas exactement l'endroit où s'est
19 déroulé le crime, paragraphe 605; et qu'il n'y a pas d'autre élément de
20 preuve tangible ou concret qui permet de corroborer l'existence et la
21 présence d'armes. D'ailleurs, il n'a pas pu être déterminé quel était
22 l'arme ou le fusil qui avait été utilisé. Dans l'affaire Vasiljevic, la
23 Chambre d'appel a accepté le fait que l'accusé avait aidé et encouragé
24 parce que l'accusé avait pointé vers les victimes son fusil et qu'il était
25 debout derrière les victimes. Donc cela n'a pas été accepté dans cette
26 affaire, et c'est la raison pour laquelle M. le Juge Robinson a exprimé son
27 opinion dissidente. Il a donc tiré la même conclusion.
28 Par conséquent, il n'y a que durant l'une des phases où il a été
Page 140
1 accepté que des armes étaient visibles et étaient portées, et cela a été
2 accepté par la Chambre. Mais ces conclusions ne sont pas suffisantes pour
3 déterminer le critère de preuve au-delà de tout doute raisonnable pour
4 accepter les chefs consistant à aider et à encourager, chefs 9 à 12.
5 Il y a encore des arguments supplémentaires qui expliquent que même
6 si la Chambre devait accepter le fait que M. Sredoje Lukic était présent
7 pendant la deuxième phase et même portait visiblement des armes, il y a
8 sept raisons qui sont données sans pour autant que des éléments de preuve
9 concrets aient été apportés. Et vous nous avez posé une question dans votre
10 ordonnance du 6 septembre, et je dois répondre catégoriquement par la
11 négative. Car le fait de porter visiblement des armes n'équivaut pas au
12 fait d'encourager et d'aider dans les circonstances de cette affaire.
13 Premièrement, il n'est pas présent lors de toutes les phases de ces
14 événements. Je l'ai déjà mentionné. L'Accusation a dégagé une conclusion
15 différente.
16 Deuxièmement, il n'y a pas eu d'action physique de la part de
17 l'accusé du fait de ce fusil. Cela, en tout cas, n'a pas été déterminé par
18 les éléments de preuve, contrairement à ce qu'a décidé la Chambre d'appel
19 dans l'affaire Vasiljevic.
20 Troisièmement, et peut-être que nous pourrions reprendre le tableau
21 numéro 6, qui vous permet de comprendre la différence entre cette affaire
22 et les autres affaires. M. Sredoje Lukic était un policier des plus
23 ordinaires, il n'avait pas de grade, il n'avait pas de titre, il ne portait
24 pas d'ailleurs l'uniforme de la police, et il n'a jamais été prouvé qu'il
25 s'était présenté en tant que policier. Il n'a pas dit : Je suis M. Untel,
26 je suis officier de police dans ce poste de police. Cela n'a jamais été
27 présenté comme élément de preuve. Il n'avait pas d'emblème distinctif de la
28 police. Il n'avait pas d'autorité, il n'était pas le supérieur de
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1 quelqu'un. Donc, voilà autant de divergences ou de différences que vous
2 retrouvez dans le tableau numéro 6.
3 Quatrièmement, comme cela a déjà été mentionné, il n'y a pas eu d'autres
4 actes concrets ou tangibles équivalant à une assistance matérielle ou
5 pratique ou à un soutien moral qui aurait été donné, excepté le fait qu'il
6 était tout simplement présent sur les lieux du crime, quel que soit
7 d'ailleurs ce lieu. Ce qui n'a pas d'ailleurs été précisé.
8 Ce que je trouve particulièrement frappant, c'est que dans son paragraphe 1
9 034, la Chambre indique que Sredoje Lukic a aidé et encouragé à la mise à
10 feu du domicile d'Adem Omeragic, alors qu'au paragraphe 613 il est conclu
11 qu'il n'y a pas d'élément de preuve fiable suivant lequel Sredoje Lukic a
12 participé à la mise à feu de la maison d'Adem Omeragic ou qu'il aurait tiré
13 vers les fenêtres. Comment est-ce que vous pouvez concilier les deux
14 paragraphes ? Comment est-ce que quelqu'un peut aider et encourager s'il
15 n'y a pas d'élément de preuve fiable ? Or, il s'agit de la même personne
16 qui aurait participé à cet incendie. Voilà comment ces deux paragraphes
17 peuvent être lus. Comment est-ce que l'on peut déduire qu'il y a
18 responsabilité pénale sans qu'il n'y ait d'élément de preuve
19 tangible ?
20 Il en va de même avec les fouilles corporelles, paragraphes 594 et
21 596, la Chambre accepte que M. Sredoje Lukic n'ait absolument pas participé
22 à ces activités, et pourtant, au paragraphe 637, à la fin du document, la
23 Chambre accepte qu'il a participé aux fouilles corporelles et à
24 l'expulsion. Il s'agit de conclusions absolument et manifestement
25 contradictoires de la part de la Chambre et qui ne peuvent absolument pas
26 étayer une condamnation pour le fait d'avoir aidé et encouragé.
27 Et je vais maintenant passer au sixième élément, les actes allégués qui ne
28 sont pas équivalents de la qualification d'assistance matérielle et
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1 substantielle. Nous en avons déjà parlé. Et j'aimerais insister sur le fait
2 qu'aucun élément de preuve n'a été apporté suivant lequel M. Lukic a eu des
3 propos d'encouragement ou a fait des déclarations. Il n'y a pas eu de
4 réaction, et la Chambre, d'ailleurs, dans l'affaire Alekovski, avait déjà
5 accepté qu'en l'absence d'une réaction, on ne peut pas indiquer que la
6 personne doit être condamnée pour avoir aidé et encouragé. Encore moins
7 lorsqu'il s'agit d'aider l'auteur principal du crime.
8 Finalement, en septième lieu, vous avez le seuil pour déterminer le mens
9 rea, eh bien, ce seuil n'a pas été respecté. Il y a trois contre-
10 indications. Je parlerai dans un premier temps du mens rea pour les
11 meurtres. Cela a été déduit par la Chambre du fait de la présence supposée
12 de Sredoje Lukic durant le transfert, qui correspond à la phase 4 des
13 opérations. Parce que si le transfert n'a pas de conséquences importantes
14 pour cette affaire, il ne peut pas ainsi être condamné à ce titre.
15 Au paragraphe 1 033, la Chambre conclut que M. Lukic était présent
16 durant le transfert et que, de ce fait, il a aidé et encouragé la
17 commission des meurtres. Je ne comprends pas et je ne retrouve pas
18 d'ailleurs le lien entre les éléments de preuve, le lien de cause à effet,
19 parce que vous avez tout simplement sa simple présence pendant le
20 transfert, et je ne retrouve pas le lien entre ce transfert, cette présence
21 et le fait d'avoir aidé et encouragé à la commission de ce meurtre, parce
22 qu'aucun élément de preuve n'a jamais été présenté pour déterminer que
23 Sredoje Lukic savait que ces meurtres étaient commis. Et là, la Chambre
24 d'appel dans l'affaire Vasiljevic a indiqué de façon très claire, dans une
25 situation tout à fait analogue, que lorsqu'il y a ambiguïté des actions, la
26 personne ne peut pas être condamnée de ce fait.
27 Bon, je pense que j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Et je dirais en
28 fait qu'il y a une contradiction entre le paragraphe 613 et le paragraphe 1
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1 034, car il est accepté dans un premier temps que M. Sredoje Lukic n'a pas
2 participé aux tirs vers la maison d'Adem Omeragic, qu'il n'a pas participé
3 à l'incendie de cette maison. Comment est-ce que l'on peut ensuite déduire
4 tout simplement que le mens rea requis existait pour cet événement, étant
5 donné que le transfert s'est déroulé plusieurs heures avant le meurtre
6 allégué ?
7 Et puis, en dernier lieu, je pense qu'après le jugement de la Chambre
8 de première instance dans l'affaire Oric à propos des éléments de mens rea
9 pour avoir aidé et encouragé, vous trouverez dans notre mémoire d'appel les
10 quatre critères requis, je ne vais pas les répéter maintenant. La Chambre
11 d'appel dans l'affaire Haradinaj a prononcé un arrêt le 9 juillet 2010, au
12 paragraphe 58, en indiquant ou en renforçant le critère de double intention
13 suivant lequel la personne qui aide et encourage doit savoir que ses actes
14 vont aider à la commission du crime par l'auteur du crime principal et que,
15 de ce fait, la personne qui aide et encourage doit être parfaitement
16 informée des éléments essentiels du crime qui seront en dernier recours
17 commis par l'auteur principal du crime.
18 Donc, d'après les éléments de preuve qui ont été présentés, nous ne
19 pouvons pas avancer que M. Sredoje Lukic ait été informé de ce plan et
20 qu'il y avait véritablement intention.
21 J'en ai terminé.
22 M. LE JUGE GUNEY : Nous allons maintenant prendre une pause de 30 minutes.
23 L'audience est suspendue.
24 --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.
25 --- L'audience est reprise à 16 heures 31.
26 M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. J'inviterais maintenant
27 les représentants du bureau du Procureur à présenter leur réponse. Je vous
28 rappelle que vous disposez d'une période d'une heure et 15 minutes pour ce
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1 faire.
2 M. KREMER : [interprétation] Messieurs les Juges, le 14 juin 1992, Sredoje
3 Lukic a aidé Milan Lukic ainsi qu'un groupe d'hommes serbes armés pendant
4 qu'ils volaient, humiliaient, terrorisaient et tuaient un groupe important
5 de Musulmans de Koritnik dans la rue Pionirska à Visegrad.
6 A plusieurs reprises lors du second semestre de l'année 1992 et au
7 cours des derniers [comme interprété] mois de l'année 1993, Sredoje Lukic a
8 roué de coups, et ce, de façon brutale, des prisonniers musulmans dans le
9 camp de détention d'Uzamnica. Après avoir entendu les éléments de preuve
10 présentés en première instance, la Chambre a condamné à juste titre Sredoje
11 Lukic pour ces crimes. Il a essayé de présenter à nouveau ses thèses et
12 arguments, qui avaient déjà d'ailleurs été soulevés lors de la première
13 instance et qui avaient été pris en considération de façon tout à fait
14 équitable par la Chambre de première instance, et il n'a pas été à même de
15 démontrer que la Chambre de première instance avait commis des erreurs, et,
16 de ce fait, son appel devrait être rejeté.
17 En répondant aux arguments présentés aujourd'hui, l'Accusation va
18 présenter dans l'ordre suivant ses arguments : dans un premier temps, je
19 vais répondre à la deuxième question posée par la Chambre d'appel; je
20 m'intéresserai ensuite aux questions soulevées par Sredoje Lukic eu égard à
21 sa responsabilité pour le fait d'avoir aidé et encouragé les crimes dans la
22 rue de Pionirska, je m'intéresserai plus particulièrement à la question de
23 l'identification; puis M. Schuster parlera de ses crimes commis à Uzamnica.
24 Pour ce qui est de l'affaire de la rue Pionirska, nous devons considérer le
25 contexte. Il s'agit d'un groupe de Musulmans de Koritnik qui ont été
26 contraints par des Serbes armés à quitter leur ville, ils ont dû se rendre
27 à Visegrad et finalement ont été dirigés vers une maison dans la rue
28 Pionirska en début d'après-midi du 14 juin 1992. Il faut prendre en
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1 considération que, dans le contexte, Milan Lukic, Sredoje Lukic et d'autres
2 hommes armés, qui ont été identifiés comme Mitar Vasiljevic et Milan
3 Susnjar, sont arrivés en fin d'après-midi et ont commencé à voler, humilier
4 et terroriser les victimes parmi lesquelles se trouvaient de nombreuses
5 femmes ainsi que des enfants. Ces hommes étaient armés. Ces hommes
6 portaient des uniformes de camouflage. Et la première chose qu'ils ont
7 faite lorsqu'ils ont rencontré les Musulmans dans la maison de Memic a été
8 de se présenter, à la fois pour ce qui est de Milan Lukic et de Sredoje
9 Lukic, et ensuite - d'après la conclusion établie par la Chambre de
10 première instance - Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de lui donner
11 les objets précieux qu'ils avaient sur eux.
12 Le vol, les fouilles corporelles et d'autres comportements
13 particulièrement humiliants, notamment le fait que trois femmes ont été
14 conduites ailleurs pour être violées au cours des deux à trois heures
15 suivantes, tout cela doit être replacé dans le contexte de la situation de
16 l'époque, ces réfugiés qui fuyaient, qui s'attendaient à être transférés
17 quelque part et qui ont été absolument terrorisés par quatre hommes armés
18 dirigés par Milan Lukic. Cette nuit-là, Sredoje Lukic, Milan Lukic et les
19 mêmes hommes armés sont revenus, armés à nouveau, et ils avaient des
20 torches, des lampes électriques, parce qu'il faisait nuit, il était 23
21 heures. Et immédiatement, les Musulmans ont été transférés de la maison de
22 Memic vers la maison d'Omeragic, qui avait été imbibée d'un produit
23 permettant d'accélérer l'incendie.
24 Ce que nous avançons - et ce qui a été repris par la Chambre - est
25 que Sredoje Lukic a participé activement à ce transfert et, pour reprendre
26 les propos de la Chambre, aidé à ce que ces victimes soient conduites comme
27 du bétail vers la maison où ils ont été exécutés. Milan Lukic a mis le feu
28 à la maison, et les membres de ce groupe ont tiré sur les victimes qui
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1 essayaient de s'enfuir. La Chambre a conclu et n'a pas condamné Sredoje
2 Lukic pour avoir commis le crime de meurtre parce qu'aucun élément de
3 preuve n'avait été avancé suivant lequel il aurait mis le feu à la maison
4 ou tiré sur les victimes. Mais cet acte monstrueux, qui émanait en quelque
5 sorte, qui découlait des actes de Milan Lukic ont été aidés et encouragés
6 par Sredoje Lukic. Il y a eu préméditation, il y a eu un plan, et Milan
7 Lukic ainsi que ce groupe sont arrivés ensemble et ont effectué ces actes à
8 la fois pendant l'après-midi et pendant la soirée.
9 La Chambre a entendu les éléments de preuve présentés par les témoins
10 qui sont venus témoigner ici à propos de ces événements, et comme je l'ai
11 déjà indiqué ce matin, la Chambre a apprécié de façon très méticuleuse ces
12 éléments de preuve, a repris les principes juridiques qui l'ont orientée à
13 la fois pour ce qui était des éléments de preuve et de l'identification. La
14 condamnation de Sredoje Lukic pour avoir aidé et encouragé à ce crime est
15 tout à fait raisonnable et, qui plus est, est tout à fait étayée par les
16 éléments de preuve.
17 J'aimerais maintenant en venir à la question numéro 2, parce qu'il
18 s'agit de savoir s'il était armé, puisque c'est la question qui a été
19 soulevée, et je vous indiquerais que cette conclusion est absolument
20 corroborée par les éléments de preuve.
21 A l'unanimité, la Chambre a conclu que Sredoje Lukic, Milan Lukic et les
22 autres hommes du groupe de Lukic étaient tous armés et avaient des fusils
23 automatiques, des grenades, des baïonnettes, et portaient également des
24 uniformes de camouflage, à la fois pendant l'après-midi et pendant la nuit.
25 Pendant la nuit, Sredoje Lukic, Milan Lukic et les autres avaient également
26 des lampes électriques militaires. Sredoje Lukic était armé pendant le vol
27 qui a eu lieu l'après-midi - je fais référence aux paragraphes 343, 583,
28 593 et 637. Le Témoin VG-38 a mentionné que Sredoje Lukic avait une arme
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1 automatique. Le Témoin VG-18 a également fait référence à un fusil
2 automatique.
3 Sredoje Lukic était armé la nuit où il est venu les aider à conduire comme
4 du bétail les victimes depuis la maison de Memic vers la maison d'Omeragic.
5 Cela figure au paragraphe 604, et je mentionne en fait que mes estimés
6 confrères n'ont absolument pas mentionné cela qui figure au paragraphe 604.
7 Ils ne l'ont pas mentionné cet après-midi. Cela fait également l'objet du
8 paragraphe 607. Le Témoin VG-38 a témoigné avoir vu Sredoje Lukic en
9 possession d'une arme automatique au moment du transfert - paragraphe 419 -
10 qui reprend la page 984 du compte rendu d'audience. Lors du contre-
11 interrogatoire mené à bien par Me Cepic, le Témoin VG-38 a confirmé
12 qu'outre les armes automatiques, Sredoje Lukic et les autres hommes
13 disposaient également de grenades et de baïonnettes. Page 984 du compte
14 rendu d'audience avec la note en bas de page 419.
15 Le Témoin VG-84 a également confirmé que les quatre hommes qui sont revenus
16 chez Memic pour opérer le transfert, notamment Sredoje Lukic, étaient
17 armés.
18 Ce que je voudrais, en fait, souligner, c'est que la distinction qui
19 est faite par l'appelant en l'espèce à propos de cette confusion entre
20 Milan Lukic et Sredoje Lukic, confusion qui a été faite par les Témoins 84
21 et 38, n'enlève rien au fait que Milan Lukic et Sredoje Lukic étaient tous
22 les deux armés. Et cela n'exclut pas non plus le fait qu'ils étaient tous
23 les deux présents dans ces différents lieux. Par exemple, lorsque Milan
24 Lukic profère des menaces - parce qu'une question a été posée pour savoir
25 qui avait menacé les victimes avant le vol - il faut savoir que la décision
26 qui a retenue par la Chambre de première instance indiquait que c'était
27 Milan Lukic qui avait proféré des menaces, mais les éléments de preuve qui
28 ont été apportés indiquent que Sredoje Lukic était également présent.
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1 Sredoje Lukic et Milan Lukic se sont présentés aux victimes. Milan Lukic
2 leur a ensuite dit de lui remettre leurs objets précieux, et à un moment
3 donné Sredoje Lukic, qui a peut-être été pris pour Milan Lukic, est sorti.
4 Mais la Chambre de première instance s'est fondée sur tous les
5 éléments de preuve tels qu'ils ont été compris, tels qu'ils ont été
6 acceptés, et la conclusion de la Chambre de première instance était que
7 Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de donner leurs effets
8 personnels, leurs objets précieux, qu'il était armé et que Sredoje était
9 également armé dans la pièce où les menaces ont été proférées. La présence
10 à côté de Milan Lukic lorsque les menaces ont été proférées -- le fait que
11 cette personne se trouvait à côté ou dans la pièce n'est peut-être pas une
12 conclusion très précise, une conclusion juridique très précise. Mais il
13 faut savoir qu'en matière de constatation factuelle, le fait est, lorsqu'on
14 prend en considération les références aux pages précises des comptes rendus
15 d'audience, ça nous permet de comprendre que cela est bel et bien le cas.
16 Me Knoops nous a dit qu'il aurait fallu qu'un témoin dise précisément
17 : M. Sredoje Lukic a pointé son fusil et, par conséquent, le vol s'est
18 passé pour pouvoir justifier la condamnation pour avoir aidé et encouragé,
19 mais je pense que cela part d'une prémisse tout à fait erronée. Parce qu'il
20 faut savoir que quatre hommes armés portant un uniforme de camouflage sont
21 arrivés, se sont adressés à un groupe de personnes qui étaient absolument
22 désespérées et leur ont demandé à quelques secondes de leur arrivée :
23 Donnez-nous vos objets précieux, donnez-nous vos effets personnels. Et
24 ensuite, d'autres crimes ont été commis au cours des deux à trois heures
25 suivantes.
26 Et puis, il faut savoir que lorsqu'ils reviennent, ils reviennent tous
27 ensemble, à nouveau armés de baïonnettes, de grenades, de fusils et de
28 lampes électriques ou de torches.
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1 Alors, la déduction suivant laquelle ils sont tous revenus avec des
2 armes peut être dégagée très, très facilement, même sans aucun élément de
3 preuve, parce qu'après le transfert des victimes qui sont passés de la
4 maison de Memic à la maison d'Omeragic, ces personnes ont essuyé des tirs.
5 Ils ont tiré sur les personnes qui essayaient de s'enfuir. Et après avoir
6 tiré, ils ont essayé en fait de les poursuivre. Donc ce groupe armé
7 travaillait de concert. Ils n'avaient aucun autre objectif lorsqu'ils sont
8 revenus, si ce n'est de les placer dans cette maison et de mettre le feu à
9 cette maison, si cela était possible.
10 Et Sredoje Lukic faisait partie du groupe et a aidé ce groupe, ne serait-ce
11 que parce qu'il était présent, mais il a fait plus qu'être présent. Parce
12 que Me Knoops a voulu décrire Sredoje Lukic comme un observateur tout à
13 fait innocent. Il se trouve qu'il était là avec ce groupe où il y avait
14 trois autres soldats qui étaient là. Mais ce n'était pas ainsi que les
15 choses se sont passées. Les éléments de preuve ont prouvé qu'il avait
16 participé au transfert. Il ne s'est pas contenté d'être tout simplement
17 présent pendant le transfert. C'est la conclusion qu'a tiré la Chambre de
18 première instance. Sa présence ainsi que sa participation, voilà les deux
19 éléments qui contribuent à définir qu'il a aidé et encouragé. Je viens de
20 souligner que le simple fait qu'il ait été présent dans la pièce au moment
21 où on leur a demandé de remettre leurs objets de valeur, au moment où le
22 vol a commencé, qu'il y soit resté ou pas, sa présence pendant la durée du
23 vol suffit à déterminer qu'il y a eu aide et encouragement.
24 L'assistance a été substantielle. En effet, quatre hommes armés --
25 puisque les éléments de preuve démontrent que Milan Lukic était dans la
26 pièce dans cette maison, et qu'il a donc substantiellement aidé et
27 encouragé le crime.
28 Eu égard aux meurtres, il est important de souligner que la Chambre a
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1 estimé que les actes et le comportement de Sredoje Lukic pendant l'incident
2 ont dans leur ensemble contribué à la commission du crime. Maintenant,
3 notre position consiste à dire que la Chambre de première instance a à
4 juste titre pris en compte la totalité des actes de Sredoje Lukic ce jour-
5 là, parce que Milan Lukic et le groupe qui l'accompagnait ont commis toute
6 une série de crimes contre les victimes musulmanes. Ils les ont volés, ils
7 ont abusé d'eux sur le plan physique et mental, ils en ont violé certains,
8 et finalement ils ont tué la grande majorité d'entre eux.
9 La Chambre de première instance a un pouvoir discrétionnaire
10 important eu égard à la nécessité de déterminer si le comportement de
11 Sredoje Lukic ce jour-là, dans son ensemble, a été synonyme d'aide et
12 d'encouragement. La Chambre d'appel a confirmé à plusieurs reprises ce
13 principe du pouvoir discrétionnaire. Je vous renvoie aux arrêts Brdjanin,
14 paragraphe 276; et à l'arrêt Nahimana, paragraphe 512. La Chambre de
15 première instance en l'espèce a convenablement exercé son pouvoir
16 discrétionnaire.
17 Messieurs les Juges, Sredoje Lukic a apporté une aide active à la
18 commission des crimes. En effet, en tant que membre de ce groupe qui
19 n'était là que dans un seul but, celui de commettre des crimes, il est donc
20 arrivé en compagnie de Milan Lukic, il était présent dans la maison, il a
21 quitté la maison en compagnie du groupe à un certain moment, et ensuite le
22 groupe est revenu. Sa participation n'a jamais été celle d'un innocent. Sa
23 participation a toujours été celle d'un criminel.
24 Et lorsque Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres hommes concernés
25 arrivent dans la rue Pionirska dans l'après-midi, leur objectif criminel se
26 révèle très rapidement. Comme je l'ai dit, ils se présentent eux-mêmes.
27 Milan Lukic menace les victimes, alors que lui-même et Sredoje sont dans la
28 pièce, armés jusqu'aux dents. Et il menace aussi de couper des doigts à ces
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1 personnes et de leur trancher la gorge et de leur mettre une balle dans la
2 tête si quiconque réagit. Ce ne sont pas des paroles amicales; ce sont des
3 paroles criminelles. Et l'action criminelle de ce groupe est illustrée et
4 doit être prise en compte dans l'évaluation du comportement de Sredoje
5 Lukic.
6 Sredoje Lukic était dans la maison pendant que le vol était accompli.
7 Il était dans la maison pendant que les membres du groupe armé ont fouillé
8 au corps les femmes et les enfants. Il était dans la maison pendant que
9 Milan Lukic a fait sortir les trois femmes, et au moment où ces trois
10 femmes sont revenues, elles ont déclaré avoir été violées, et ces trois
11 femmes ont toutes péri dans l'incendie.
12 Sa présence visible et armée, comme la Chambre de première instance
13 l'a décrit, en tant que membre du groupe Lukic, aussi bien à l'intérieur
14 qu'à l'extérieur de la maison Memic, montre que les victimes n'avaient pas
15 d'autres possibilités que d'obéir. Sa présence a eu une incidence sur la
16 possibilité ou non pour les victimes de remettre leurs objets de valeur, de
17 subir une fouille au corps ou de se rendre depuis la maison Memic jusqu'à
18 la maison d'Omeragic. Et quand on associe les menaces à celles qui ont été
19 émises par Milan Lukic, on constate qu'en partant il a dit aux Musulmans de
20 ne pas s'en faire parce qu'il voulait leur faire croire qu'ils allaient
21 chercher des vivres et à boire. Et ils sont partis, Milan Lukic, Sredoje
22 Lukic et les autres. Ces Musulmans particulièrement vulnérables et
23 terrorisés se sont départis de leurs derniers objets de valeur, que Milan
24 Lukic a placés dans un sac avant de les emporter, et les Musulmans sont
25 restés à la merci de leurs agresseurs.
26 Plus tard cette nuit-là, Milan Lukic est revenu avec Sredoje Lukic et
27 les autres, comme il l'avait promis. Les hommes étaient tous armés, comme
28 je l'ai déjà dit. Fusils automatiques, grenades et baïonnettes composaient
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1 leur armement. Et ils ont apporté aussi des torches électriques. La
2 référence à ces torches électriques se situe au paragraphe 354, page 1 408
3 du compte rendu d'audience, et dans la pièce P355, page 1 410 du compte
4 rendu d'audience. D'autres témoins ont parlé de ces torches électriques et
5 de la façon dont elles ont été utilisées dans le déplacement des personnes
6 d'une maison à l'autre.
7 Les Musulmans ont reçu l'ordre de se rendre non loin de là, dans la
8 maison d'Omeragic, où ils allaient être tués. Et au moment où les victimes
9 quittaient la maison, Milan Lukic, Mitar Vasiljevic et l'autre soldat leur
10 ont dit de laisser leurs chaussures derrière eux. Ceci figure au paragraphe
11 359 du jugement. Sans les chaussures, il leur était beaucoup plus difficile
12 de tenter une évasion pour échapper à leurs bourreaux. Les Musulmans ont
13 obéi.
14 Et les torches électriques ont fourni la lumière nécessaire ou en
15 tout cas une partie de la lumière qui a servi pendant le transfert des
16 Musulmans dans le but d'éviter toute évasion. On leur a dit de ne pas
17 quitter la route. Les hommes ont constitué un corridor armé entre la maison
18 Memic et la maison Omeragic, et la Chambre de première instance a utilisé
19 les termes de "conduire le groupe Koritnik comme un troupeau jusqu'à la
20 maison Omeragic" pour décrire cette situation, paragraphe 605 du jugement,
21 référence au paragraphe 362 du jugement. Egalement je vous renvoie à la
22 note en bas de page 1 250, et je pense qu'il est important également de se
23 pencher sur le paragraphe 601 du jugement.
24 Pendant le transfert, Sredoje Lukic et les autres membres de ce groupe armé
25 ont circulé entre les maisons, veillant encore une fois à ce que personne
26 ne puisse s'évader. Paragraphe 601 du jugement.
27 La maison Omeragic avait été préparée pour recevoir les victimes. Son
28 sol avait été inondé d'accélérant qui avait une odeur très forte, et j'ai
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1 déjà parlé aujourd'hui de la description faite par VG-13 qui a dit que
2 l'air dans la pièce était suffocant et que les gens ne pouvaient pas
3 respirer. Paragraphe 1 032 du jugement.
4 Sredoje Lukic était présent en tant que membre de cette haie d'hommes
5 armés, et le groupe a donc apporté son concours pour garantir le transfert
6 de ces personnes, même s'il n'existe pas d'élément de preuve qui indique
7 directement leur présence au moment où la maison a pris feu, ce qui est
8 utilisé par M. Knoops pour vous convaincre qu'il n'y a pas eu aide et
9 encouragement. Mais la présence de cet homme suffit à démontrer l'existence
10 de l'aide et de l'encouragement. Quatre membres d'un groupe étaient venus
11 là pour commettre un crime. Ils ont tous participé au transfert des
12 personnes jusqu'à la maison d'Omeragic. Et la seule conclusion raisonnable
13 possible c'est qu'il était présent sur les lieux au moment où la maison a
14 pris feu et qu'il était présent également au moment des coups de feu. Il
15 n'y a pas d'élément de preuve indiquant qu'il ait tiré des coups de feu et
16 rien n'indique non plus qu'il ait allumé une allumette ou jeté l'allumette
17 dans la maison. Mais cela n'est pas indispensable pour démontrer l'aide et
18 l'encouragement. C'est ce qui est nécessaire et disponible, et c'est la
19 raison pour laquelle Milan Lukic a été condamné, et Sredoje Lukic n'a été
20 condamné que d'aide et d'encouragement.
21 Les témoins qui ont réussi à s'enfuir, et notamment VG-18, ont décrit
22 comment les tueurs les ont poursuivis du faisceau de leurs lampes
23 électriques pour illuminer la scène. Ceci figure au paragraphe 377 du
24 jugement. Pourquoi est-ce que l'aide fournie par Sredoje Lukic pendant la
25 journée et la soirée constitue une contribution substantielle au meurtre
26 des Musulmans dans la maison ? Je vais vous en donner trois motifs. Mais il
27 en existe beaucoup plus.
28 Premièrement, il a terrorisé les victimes pour qu'elles se soumettent
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1 par sa présence armée et sa réputation en tant que policier de la région;
2 deuxièmement, il a rassuré ses coauteurs en participant à leurs côtés à
3 cette agression particulièrement violente; et troisièmement, et peut-être
4 ceci est-il la raison la plus importante, il a apporté une aide active au
5 transfert comme des moutons de ce groupe important de victimes jusqu'à la
6 maison déjà prête pour l'exécution où ils ont brûlé vifs.
7 La Chambre a eu raison de conclure que par ses actes et son
8 comportement dans l'ensemble des événements, Sredoje Lukic a apporté une
9 contribution substantielle aux crimes de meurtre, et c'est pour ces crimes
10 qu'il a été condamné. Et même si vous laissez de côté ce qui s'est passé
11 dans l'après-midi, son comportement la nuit est plus que suffisant pour
12 justifier une condamnation pour aide et encouragement.
13 Le Juge Robinson, dans son avis dissident, et je le dis avec le plus
14 grand respect pour lui, a eu tort d'exiger davantage. Le fait de tirer sur
15 des victimes et de jeter des explosifs dans la maison est synonyme de
16 commission de crime, et pas d'aide et d'encouragement. Les éléments de
17 preuve suffisaient amplement à démontrer que Sredoje Lukic a aidé et
18 encouragé le crime commis par Milan Lukic. Il était avec Milan Lukic depuis
19 le début et jusqu'à la fin dans toute cette série de crimes qui ont
20 commencé tôt l'après-midi du 14 juin 1992.
21 Alors, avant de passer à certaines des questions que M. Lukic a
22 évoquées en appel, le moment est sans doute venu pour moi de parler du mens
23 rea.
24 Je souhaite commencé en soulignant encore une fois que ce que M.
25 Knoops n'a pas fait lorsqu'il a parlé du mens rea, c'est évoquer la
26 participation de l'accusé. Il a laissé la participation de l'accusé au
27 transfert du groupe de côté. Sa présentation repose sur une mauvaise
28 interprétation des éléments de preuve indiquant la présence effective de
Page 155
1 Sredoje Lukic sur les lieux, qu'il a présenté comme étant là, sans armes,
2 et en simple spectateur. Une bonne lecture des éléments de preuve, et c'est
3 certainement la lecture qui a été faite par les Juges de la Chambre de
4 première instance, consiste à conclure qu'il a fait beaucoup plus que cela.
5 Je ne me répéterai pas sur ce point.
6 Deux conclusions ont été tirées par la Chambre de première instance
7 eu égard au mens rea, dont l'une concerne le traitement cruel et les actes
8 inhumains infligés à des victimes de vol, et aux paragraphes 66 et 67 de
9 son mémoire en réponse, Sredoje Lukic laisse entendre que les conclusions
10 de la Chambre ne sont pas fondées sur les éléments de preuve enregistrés.
11 Sauf le respect que je dois à chacun ici, toute une série de crimes ont été
12 organisés et commis par un groupe restreint. Sredoje Lukic savait que les
13 crimes qui devaient être commis étaient une attaque contre la dignité
14 humaine de ces victimes et qu'elle provoquerait une angoisse très
15 importante une fois que toutes ces personnes auraient été départies de
16 leurs objets de valeur. Il était présent au moment où Milan Lukic a exigé
17 que les objets de valeur soient abandonnés par ces personnes sous l'effet
18 de la menace. Il a constamment eu l'intention de commettre ces crimes.
19 Passons maintenant au meurtre. La Chambre a également conclu que Sredoje
20 Lukic savait que les personnes qu'il avait contribué à faire entrer et à
21 enfermer dans la maison d'Adem Omeragic seraient tuées suite à l'incendie
22 de la maison, une fois que la maison serait en flammes, et qu'il savait
23 également que ses actes et son comportement contribueraient à la commission
24 de ce meurtre.
25 Encore une fois, la Chambre a tenu compte de l'ensemble des
26 événements ce jour-là. Sredoje Lukic déclare que tout ce qu'il est
27 raisonnable de conclure, c'est qu'il a apporté son aide aux personnes qui,
28 d'après lui, auraient planifié le transfert effectué ce jour-là. Ceci
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1 figure dans son mémoire en appel au paragraphe 179. Nous n'avons rien
2 entendu de ce genre aujourd'hui, mais ceci démontre à quel point l'argument
3 de Sredoje Lukic quant à sa présence est cynique. Aucun élément de preuve
4 n'a démontré que le groupe de Milan Lukic ait pris dans l'après-midi ou la
5 soirée autre chose que des mesures destinées à assurer le transfert de ces
6 personnes. Bien au contraire, tous les éléments de preuve démontrent que
7 leur objectif était de persécuter ces personnes et de commettre des crimes
8 graves contre les victimes.
9 En fait, la Chambre de première instance a conclu très précisément
10 que le transfert allégué le lendemain n'était qu'une ruse pour entraîner
11 ces personnes là où on voulait les amener. Et la Chambre a conclu qu'il
12 existait un climat de discrimination, paragraphes 1 027 du jugement et
13 suivants. Sredoje Lukic savait que la détention de ces personnes était
14 illégale et que rien ne pouvait justifier le vol dont elles ont été
15 victimes ainsi que l'humiliation subie par les femmes et les enfants. Il
16 n'y avait aucun objet à les enfermer dans une pièce dont la moquette était
17 imbibée d'accélérant, le seul objet étant celui de les tuer. Et sa
18 participation au déplacement de ces personnes, au fait qu'elles ont été
19 traînées comme un troupeau jusqu'à la maison, suffisait à l'informer des
20 intentions de Milan Lukic au moment où la porte a été fermée derrière eux
21 et où l'odeur s'est fait sentir et que finalement les flammes sont
22 apparues.
23 M. Knoops dit qu'il n'a pas pu apporter son aide ou ses
24 encouragements parce qu'il n'a pas contribué à allumer l'allumette ou à
25 tirer sur les victimes, mais ce n'est pas cela qui constitue le critère. Le
26 critère à prendre en compte c'est est-ce qu'il savait qu'un meurtre
27 résulterait de tous ces actes ? La Chambre de première instance a jugé à
28 bon escient, sur la base de toutes les circonstances qu'elle a examinées,
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1 de tout ce qu'il est arrivé à ces victimes, de l'odeur régnant dans la
2 maison et de tout ce qui s'était passé plus tôt dans la journée, qu'il
3 s'agissait d'un acte criminel qui ne pouvait avoir comme seul résultat que
4 le meurtre de ces victimes.
5 Un autre facteur, c'est la façon organisée dont ces crimes ont eu
6 lieu, et en particulier le meurtre. Le meurtre a eu lieu la nuit. Le
7 meurtre aurait pu avoir lieu dans l'après-midi, mais il a eu lieu la nuit.
8 Donc les torches électriques étaient nécessaires. Il fallait qu'il y ait de
9 la lumière pour que ces hommes puissent faire ce qu'ils avaient l'intention
10 de faire. Les torches électriques n'ont été utilisées qu'à une seul fin :
11 assurer le déplacement de ces personnes depuis la maison Memic jusqu'à la
12 maison Omeragic en éclairant toutes ces personnes qui sautaient par les
13 fenêtres avant de recevoir les balles, et ce, dans le but de garantir que
14 tout le monde serait tué. Il est arrivé en compagnie du groupe avec une
15 torche électrique, il est arrivé avec des armes et il a participé, comme il
16 lui était demandé de le faire, à garantir le succès de l'opération.
17 Ses actes, je le soutiens, justifient les conclusions de la Chambre
18 de première instance selon lesquelles Sredoje Lukic savait que le sort
19 réservé aux Musulmans était celui qu'ils ont vécu et que Milan Lukic avait
20 l'intention de les tuer. Sur la base des éléments de preuve, je soutiens
21 que la Chambre était totalement en droit de conclure que Sredoje Lukic
22 savait quel serait le sort réservé aux victimes dans l'après-midi et dans
23 la soirée et que sa participation favoriserait le projet. Il avait
24 l'intention nécessaire d'apporter son concours et ses encouragements à
25 cette opération.
26 Dans les arguments développés cet après-midi, Sredoje Lukic a encore
27 une fois repris les arguments qui demandent - et à mon avis, c'est tout à
28 fait inacceptable - d'organiser un nouvel examen des éléments de preuve. Il
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1 a présenté une nouvelle fois l'ensemble des arguments qui avaient été
2 présentés au procès. Il a encore une fois évoqué ces arguments dans son
3 mémoire en appel et ils ont reçu réponse dans le mémoire en réponse de
4 l'Accusation. Ces arguments dans le mémoire en appel et ces arguments oraux
5 dans le prétoire n'ajoutent rien à ce qui a déjà été fait et n'apportent
6 aucun concours. C'est ce que je soutiens à la Chambre d'appel pour ses
7 délibérations.
8 Je vais vous donner trois exemples rapidement. D'abord, eu égard aux
9 contradictions alléguées dans la déposition de VG-38, Sredoje Lukic évoque
10 les arguments qu'il avait déjà évoqués au procès, paragraphes 62 à 69, 80
11 et 81 de son mémoire en clôture. Ces arguments ont déjà été pris en compte
12 dans les paragraphes 417, 582, 583 et 601 du jugement. Il reprend les mêmes
13 arguments aux paragraphes 49, 81 à 84, 97 à 101 de son mémoire en appel. Et
14 ils ont déjà reçu réponse aux paragraphes 40 à 41, 57, 62 à 65 du mémoire
15 en réponse de l'Accusation.
16 Même chose pour les contradictions alléguées dans la déposition de
17 VG-84. Il a déjà évoqué les arguments, paragraphes 113 à 121, paragraphes
18 126 à 131 de son mémoire en clôture. Ces arguments ont été pris en compte
19 dans le jugement, paragraphes 403 à 407, paragraphes 590 et 604. Il reprend
20 ces mêmes arguments aux paragraphes 45 à 48 de son mémoire en appel,
21 paragraphes 72 à 78 et paragraphes 102 à 106, et la réponse de l'Accusation
22 se trouve aux paragraphes 35 à 39, et 66 à 67 de son mémoire en réponse.
23 Eu égard aux contradictions alléguées de la déposition de Huso
24 Kurspahic, il a déjà évoqué ces arguments aux paragraphes 179 à 183 de son
25 mémoire en clôture. La Chambre a tenu compte de ces arguments aux
26 paragraphes 387 et 591 de son jugement. Et lui reprend les mêmes arguments
27 aux paragraphes 53 à 57 de son mémoire en appel, arguments qui ont reçu
28 réponse aux paragraphes 42 à 44 et paragraphe 68 de la réponse de
Page 159
1 l'Accusation.
2 Ce que je souhaite souligner, c'est que la grande majorité de tous
3 ces arguments avaient déjà été proposés à la Chambre de première instance,
4 toutes ces questions relatives à l'identification qui, en fait, demandaient
5 à la Chambre de revoir dans le détail les éléments de preuve présentés
6 pendant la procès et de remplacer le pouvoir discrétionnaire de la Chambre
7 de premier appel par le pouvoir discrétionnaire de votre Chambre d'appel,
8 donc de vous mettre dans une position difficile, n'ayant pas eu les témoins
9 devant vous, n'ayant pas entendu les témoins, n'ayant pas entendu
10 l'ensemble des dépositions pour resituer les éléments de preuve dans leur
11 contexte, travail que la Chambre de première instance a bien accompli, et,
12 par conséquent, la Chambre d'appel ne devrait pas avoir à revenir sur ce
13 travail à moins que cela ne soit absolument indispensable. A notre avis, ce
14 n'est pas indispensable en l'espèce.
15 Je voudrais maintenant aborder quelques problèmes d'identification. Je
16 vérifie combien de temps il me reste.
17 Je voudrais souligner avant tout que la Chambre a conclu à l'unanimité que
18 Sredoje Lukic était présent dans la rue Pionirska pendant la journée et la
19 nuit en tant que membre du groupe Lukic et qu'elle a fondé ses conclusions
20 sur de nombreux éléments de preuve qui se corroboraient mutuellement. Et
21 les preuves apportées ne sont pas aussi faibles que Me Knoops voudrait le
22 laisser penser, ou que Me Cepic voudrait le laisser penser, quand on prend
23 en compte l'ensemble des éléments de preuve plutôt que de considérer chacun
24 comme s'il était placé dans un microscope.
25 Sredoje Lukic a été identifié par plusieurs témoins, notamment VG-38,
26 VG-18, VG-84 et, comme nous l'avons entendu, Hasib Kurspahic également. Une
27 fois que la Chambre a entendu la déposition du fils de Hasib Kurspahic et a
28 pris connaissance de celle du père, elle a conclu que toutes les
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1 dépositions des témoins étaient fiables et crédibles.
2 VG-18 et VG-84 ont entendu Milan Lukic se présenter en personne après
3 avoir pénétré dans la maison Memic, juste avant le vol dont ont été
4 victimes les Musulmans. Sredoje Lukic conteste ceci en reprenant les
5 arguments déjà développés pendant le procès en première instance selon
6 lesquels VG-18 et VJ-84 auraient présenté des dépositions différentes quant
7 à la façon dont cette présentation a été entendue par eux. La Chambre,
8 comme je l'ai déjà dit, a remarqué les différences en question, ceci figure
9 aux paragraphes 588 à 590 du jugement, et limitait ses conclusions à ce qui
10 est sans contradiction dans les dépositions de VG-18 et VG-84, à savoir que
11 ces deux personnes ont entendu Sredoje Lukic se présenter lui-même. Et je
12 soutiens que puisque les deux témoins ont déclaré qu'elles étaient ensemble
13 au moment où elles l'ont entendu se présenter, la Chambre était en droit
14 d'aboutir à la conclusion à laquelle elle a abouti. Il n'était pas
15 indispensable, contrairement à ce que l'appelant indique, de déterminer à
16 quel endroit de la pièce exactement les deux personnes se trouvaient.
17 L'appelant affirme également que VG-13 et VG-38 étaient avec VG-18 et VG-
18 84, mais n'ont pas entendu les mêmes mots au moment où l'homme s'est
19 présenté. Ceci figure dans le mémoire en appel au paragraphe 40. Cet
20 argument repose sur une prémisse fausse, parce que VG-18 n'a pas dit que
21 VG-13 et VG-38 étaient juste à côté d'elle lorsqu'elle a entendu Sredoje
22 Lukic se présenter. Au lieu de cela, elle a simplement fait savoir que VG-
23 13 et VG-38 étaient dans la même pièce de la maison Memic à ce moment-là.
24 La simple présence dans la même pièce ne signifie pas que les témoins ont
25 nécessairement entendu et vu exactement les mêmes choses, notamment si l'on
26 tient compte de la foule qui se trouvait dans cette pièce.
27 Les deux témoins ont identifié Milan et Sredoje Lukic comme étant présents
28 sur les lieux. Ce fait élimine la possibilité qu'un seul des accusés était
Page 161
1 présent dans la rue Pionirska au moment de la commission des crimes. Et
2 c'est sur cette base que la Chambre a résolu les difficultés liées à
3 l'identification, étant donné qu'une personne a dit : Je les ai entendus
4 tous les deux se présenter. Je les ai vus tous les deux, et cetera. Donc la
5 Chambre a limité ses conclusions et sa prise en compte des éléments de
6 preuve aux éléments de preuve qui démontraient la présence, mais n'a pas
7 tenu compte des éléments de preuve relatifs aux actes et comportements de
8 l'accusé, mais sa présence a bel et bien été avérée.
9 Hasib Kurspahic connaissait personnellement Milan [sic] Lukic. Il l'a
10 identifié comme étant l'un des auteurs des actes commis dans la rue
11 Pionirska. Hasib a dit à son fils Huso que Milan [sic] Lukic était l'un des
12 auteurs. Ceci figure au compte rendu d'audience. Et Hasib était en bons
13 termes avec lui.
14 Les conclusions tout à fait soigneuses et raisonnables de la Chambre
15 par rapport aux témoins d'identification sont aux paragraphes 586 à 591 et
16 suivants du jugement.
17 Par ailleurs, il est très significatif qu'un policier de la région,
18 Sredoje Lukic, ait été bien connu par au moins dix victimes qui ont péri.
19 Ces victimes l'ont identifié à l'intention des survivants, c'est ce qui est
20 dit dans la déposition de VG-38, mais cela ne figure pas dans la déposition
21 de VG-18 et VG-84, pendant les événements qui ont précédé les meurtres.
22 Comme l'a expliqué VG-84 au cours du contre-interrogatoire lorsqu'on lui a
23 demandé dans quelle condition elle avait fait la connaissance de Sredoje
24 Lukic, elle a répondu, je cite :
25 "… deux hommes sont entrés dans la maison, Milan Lukic et Sredoje
26 Lukic. Il y avait un homme plus âgé et tous mes voisins et amis qui se
27 trouvaient dans la maison avec lui, ainsi que 20 à 25 % d'entre eux en tout
28 cas connaissaient Sredoje Lukic, qui était un policier, semble-t-il.
Page 162
1 J'étais enfant à l'époque et je ne le connaissais pas…
2 "Question : Donc vous dites que 20 à 25 % de vos voisins qui se trouvaient
3 dans la maison Memic et qui étaient avec vous connaissaient Sredoje Lukic ?
4 "Réponse : Oui. Tous les deux. Sredoje et Milan. Je dis simplement qu'ils
5 les connaissaient en gros. Je ne suis pas au courant des détails. J'avais
6 moins de 14 ans. Je n'ai pas vérifié qui exactement les connaissait, mais
7 20 à 25 % des personnes qui étaient là dans la maison, connaissaient les
8 deux hommes qui sont entrés dans le pièce -- ou plutôt, non, les trois
9 hommes, parce que le troisième est resté dans le couloir.
10 "Question : Pourquoi est-ce que vous avez cru ce que vous ont dit vos
11 voisins quand ils ont affirmé que c'était effectivement Sredoje Lukic ?
12 "Réponse : Eh bien, pourquoi ne pas les croire ?" Je pense qu'il y a là une
13 faute de frappe. Je poursuis la citation : "La ville n'avait pas une
14 population très importante, 10 000 personnes environ. C'était une petite
15 ville." Et je crois qu'il parle de Visegrad.
16 L'explication de bon sens fournie par VG-84 a été créditée par la
17 Chambre au paragraphe 590 du jugement.
18 Sredoje Lukic conteste également la conclusion de la Chambre selon
19 laquelle les victimes qui ont péri dans la rue Pionirska ont identifié
20 Sredoje Lukic à l'intention des témoins qui ont survécu. Encore une fois,
21 son argument repose sur une prémisse erronée. En fait, les témoins qu'il
22 cite à l'appui de son argument ont tous déclaré avoir entendu de la bouche
23 d'autres victimes que Sredoje Lukic était présent.
24 Par exemple, Sredoje Lukic affirme au paragraphe 12 de son mémoire en
25 réponse que VG-101 n'a jamais parlé de Sredoje Lukic. En fait, VG-101 a
26 déclaré que les autres lui avaient dit que Sredoje Lukic était dans la
27 maison Memic au côté de Milan Lukic, et pourtant Sredoje Lukic ne l'a pas
28 contre-interrogé sur cette déclaration faite dans la pièce à conviction
Page 163
1 1D36 en page 4.
2 Sredoje Lukic affirme également que VG-101 a déclaré qu'elle n'avait
3 jamais discuté de l'identité des quatre auteurs des crimes. En fait - et
4 ceci figure dans son mémoire en réponse au paragraphe 13 - en fait,
5 lorsqu'on l'a interrogée au sujet de l'identité des auteurs des crimes,
6 elle a répondu, je cite :
7 "Oui. Ils disaient tous qu'ils les connaissaient. Nous savions tous
8 qui étaient ces hommes et quelles étaient leurs fonctions."
9 La Chambre a donc, de façon tout à fait valable, pris en compte le
10 fait que les victimes connaissaient Sredoje Lukic et l'ont identifié pour
11 les survivants qui sont venus témoigner.
12 Alors, quelle est la déposition de Sredoje Lukic pour la période du
13 transfert ? La Chambre a pris un grand soin dans l'évaluation des éléments
14 de preuve qui démontrent la présence de Sredoje Lukic et sa participation
15 au transfert des victimes jusqu'à la maison Omeragic. Prenez la conclusion
16 de la Chambre de première instance au sujet du traitement infligé aux
17 victimes, témoignage de VG-38, par exemple. VG-38 a décrit le fait que
18 Sredoje et Milan, aux côtés de Mitar Vasiljevic et de Milan Susnjar, ont
19 participé au transfert. Les auteurs des crimes se déplaçaient sur le
20 parcours, qui était de 20 à 30 mètres, pour ce transfert. Paragraphe 601 du
21 jugement.
22 Et même si la Chambre de première instance a conclu que VG-38 ne
23 connaissait pas Milan et Sredoje Lukic avant le 14 juin 1992, d'autres
24 membres du groupe Koritnik qui connaissaient les Lukic les avaient
25 identifiés tous les deux à l'intention de VG-38 pendant les événements de
26 l'après-midi dans la maison Memic, au moment où les conditions de
27 luminosité étaient meilleures. Par ailleurs, VG-38 connaissait Mitar
28 Vasiljevic et Milan Susnjar de vue et était donc capable de les distinguer
Page 164
1 de Milan Lukic et de Sredoje Lukic, comme ceci est indiqué dans le mémoire
2 en réponse de l'Accusation. La Chambre a agi avec le plus grand soin. Elle
3 ne s'est pas appuyée sur le témoignage de VG-38 s'agissant de la définition
4 exacte des actions commises par Milan Lukic et Sredoje Lukic, mais elle a
5 conclu que la déposition de VG-38 établissait effectivement que les deux
6 Lukic étaient présents pendant le transfert.
7 VG-38 déclare que la participation de Sredoje Lukic au transfert
8 correspond et est confirmé par les récits de Hasib Kurspahic et de VG-84.
9 Hasib Kurspahic, comme je l'ai déjà dit, connaissait Sredoje Lukic
10 bien. Il l'a reconnu comme étant l'un des hommes qui ont participé au
11 transfert de nuit. Au paragraphe 605 du jugement. Il a expliqué à son fils
12 Huso que le groupe Lukic avait formé un alignement entre les maisons et
13 escorté le groupe Koritnik jusqu'à la maison d'Omeragic. Paragraphe 362 du
14 jugement. VG-84 a également déclaré que Sredoje et Milan Lukic sont revenus
15 dans les maisons Memic dans la soirée, qu'ils étaient armés et présents
16 pendant le transfert. Paragraphe 604 du jugement. Et d'autres éléments de
17 preuve directs étayent la conclusion de la Chambre, paragraphe 23 du
18 mémoire de l'Accusation et paragraphes 597 à 607 du jugement. Donc les
19 éléments de preuve sont nombreux qui ont pris en compte, et une fois
20 entendues les dépositions des témoins, la Chambre était en droit de
21 s'appuyer sur ces récits qui étaient mutuellement corroborants. Sredoje
22 Lukic était présent, armé, il a participé au transfert des victimes qui a
23 eu pour résultat la commission des crimes, le crime de meurtre notamment, à
24 la maison Pionirska. Ce fait a constitué la conclusion de la majorité des
25 Juges.
26 Il y a encore un point que je voudrais souligner, c'est la présence
27 de Sredoje Lukic pendant la période durant laquelle les crimes ont été
28 commis à la rue Pionirska. Ceci constitue une conclusion unanime de la
Page 165
1 Chambre. Le Juge Robinson n'émet un avis dissident que sur le point de
2 savoir si son comportement est synonyme de contribution substantielle dans
3 l'aide et les encouragements, autrement dit, est-ce qu'il a participé au
4 transfert.
5 Sredoje Lukic conteste également -- ou plutôt, il conteste
6 l'identification de Sredoje Lukic pendant le transfert, et d'autres
7 éléments de preuve indirects permettent de répondre à cette contestation,
8 qui viennent étayer la conclusion de la Chambre de première instance quant
9 à sa participation. En effet, VG-84 déclare, je cite :
10 "Il y avait de la lumière devant la maison. Ils avaient des torches
11 électriques. Tout avant été préparé à l'avance." Et parlant de la maison
12 Omeragic, c'est en page 1 285 du compte rendu d'audience. Le témoin indique
13 que dans la maison Omeragic le sol était inondé d'accélérant qui a accéléré
14 les flammes lorsque Milan Lukic a mis le feu. Paragraphes 559 à 560. Le
15 groupe était armé, organisé et préparé.
16 Dans ce contexte, il ne peut exister d'explication innocente pour
17 justifier la présence de Sredoje Lukic à la rue Pionirska. Même s'il ne
18 portait pas l'uniforme, Sredoje Lukic avait été policier et il était peut-
19 être encore policier à ce moment-là, paragraphe 1 090. Il avait été
20 policier à Visegrad avant la guerre et continuait à exercer en cette
21 qualité pendant la guerre. Il aurait dû empêcher la commission des crimes.
22 Au lieu de quoi, il a choisi d'aider à la commission des crimes de Milan
23 Lukic, son cousin, et d'autres qui ont effectué le transfert de ces
24 personnes jusqu'à un lieu déjà préparé à l'avance pour leur exécution.
25 Les arguments de Sredoje Lukic aujourd'hui ainsi que dans son mémoire
26 ne démontrent pas que la Chambre de première instance aurait commis la
27 moindre erreur ou abusé de son pouvoir discrétionnaire en prononçant la
28 culpabilité de ces hommes pour les crimes en question. Il n'y a eu aucune
Page 166
1 erreur dans la conclusion selon laquelle les témoins décédés qui
2 connaissaient Sredoje Lukic en tant que policier ou en tant que voisin ont
3 pu déclaré ce qu'ils ont déclaré aux témoins survivants au sujet de son
4 identité. La Chambre a entendu les récits des survivants qui ont réussi à
5 fuir, elle a soigneusement évaluer leurs dépositions et elle a
6 convenablement appliqué les principes juridiques indispensables, aussi bien
7 par rapport à l'identification qu'en déterminant que Sredoje Lukic a en
8 toute connaissance de cause apporté une contribution substantiellement à
9 ces horribles crimes commis contre les victimes musulmanes de la rue
10 Pionirska. La condamnation prononcée par la Chambre de première instance à
11 l'encontre de Sredoje Lukic pour aide et encouragement est totalement
12 raisonnable et étayée par les éléments de preuve, et de l'avis de
13 l'Accusation, l'appel interjeté au sujet de cette condamnation devrait être
14 rejeté.
15 S'il n'y a pas de questions de la Chambre, je vais rendre la parole à M.
16 Schuster.
17 M. SCHUSTER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
18 je vais présenter les arguments concernant Uzamnica. Je vais répondre aux
19 points soulevés par Me Cepic durant la matinée et je répondrai aux
20 questions que vous avez posées au début de l'audience durant le cadre de ma
21 présentation.
22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre en première instance
23 a conclu correctement que Sredoje Lukic s'était rendu au camp d'Uzamnica à
24 plusieurs reprises et avait battu les prisonniers musulmans avec des
25 bâtons, avec ses poings ainsi qu'avec également des perches très longues.
26 Trois témoins ont identifié Sredoje Lukic comme étant leur assaillant. Vous
27 aviez Dervisevic et Kustura, qui connaissaient Sredoje Lukic avant la
28 guerre parce que c'était un officier de police. L'un d'entre eux,
Page 167
1 Dervisevic, a également déposé qu'il le voyait souvent au bar local à
2 Visegrad. La référence du compte rendu d'audience est 1 999.
3 Quant au troisième témoin, Berberovic, il a appris auprès des autres
4 co-détenus du camp qu'il s'agissait bien de Sredoje Lukic. Et j'en veux
5 pour preuve également le paragraphe 186 [comme interprété] dans l'affaire
6 Rukundo, à savoir qu'une Chambre d'appel peut utiliser des dépositions
7 d'autres témoins concernant l'identité d'une autre personne. Même si il y a
8 des incohérences au niveau des témoins, compte tenu des circonstances de
9 leur détention, tout ceci a été pris en compte par les Juges de la Chambre
10 de première instance.
11 Ce que Sredoje Lukic essaie de faire, c'est, en fait, d'isoler de
12 manière artificielle des éléments de preuve, des éléments de preuve que les
13 Juges de la Chambre ont considérés dans leur ensemble. Ce faisant, Sredoje
14 Lukic ne fait que répéter ce qu'il a avancé durant le procès en première
15 instance. Mais tous ses arguments ont été pris en compte par la Chambre de
16 première instance, et ceci ne fait montre d'aucune erreur de la part de
17 cette Chambre de première instance. Pour ce qui est des détails, je
18 voudrais vous demander de consulter notre mémoire. Je voudrais revenir sur
19 trois points que la Défense de Sredoje Lukic a mentionnés ce matin et je
20 voudrais également répondre aux questions que vous avez soulevées, Monsieur
21 le Président, Messieurs les Juges.
22 Pour ce qui est de la question des déclarations précédentes de Dervisevic
23 et Kustura, ça a été discutée exclusivement par les Juges de la Chambre. La
24 déclaration précédente de Kustura de novembre 1994 est un document de trois
25 pages où Kustura parle d'événements qui se déroulent sur deux ans. Il ne
26 mentionne pas Sredoje Lukic, et encore une fois, il s'agit d'un document de
27 trois pages qui décrit les événements qui se sont déroulés sur une période
28 de deux ans. Au contraire, en fait, il a donné plus d'une centaine de pages
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1 de déposition viva voce devant les Juges de la Chambre de première instance
2 et il a confirmé à plusieurs reprise aux Juges de la Chambre que c'était
3 Sredoje Lukic qui était une des personnes qui l'avaient roué de coups.
4 Encore une fois, je l'ai déjà mentionné, Kustura le connaissait avant la
5 guerre car c'était un officier de police.
6 Les Juges de la Chambre de première instance ont également discuté
7 des explications de Kustura pour ne pas avoir mentionné Sredoje Lukic plus
8 tôt. Au paragraphe 834, il est reconnu qu'ils n'avaient pas été satisfaits,
9 mais ils ont considéré la déposition -- examiné la déposition de Kustura
10 avec les contre-interrogatoires qui ont été menés, et ceci était une
11 corroboration des éléments de preuve suite à des dépositions d'autres
12 témoins. De la même manière, au paragraphe 813 du jugement, les Juges de la
13 Chambre de première instance ont mentionné que Dervisevic n'avait pas
14 mentionné Sredoje Lukic dans des déclarations précédentes, mais ils se sont
15 rappelé que dans sa déposition viva voce, il avait confirmé qu'il était
16 certain que c'est lui qui l'avait battu. C'est au paragraphe 813 du
17 jugement.
18 Comme j'ai mentionné précédemment, Dervisevic connaissait Sredoje
19 Lukic avant la guerre car celui-ci était un officier de police. De plus,
20 dans une déclaration qui a été donnée en 2008, il a confirmé qu'il avait
21 été battu par Sredoje Lukic. Il s'agit de la pièce à charge P111.
22 Les Juges de la Chambre d'appel ont confirmé que c'était à un juge
23 des faits de résoudre les différences entre les dépositions viva voce d'un
24 témoin et ses déclarations écrites préalables. Et je voudrais faire
25 référence au jugement Renzaho, où il est mentionné que les Juges de la
26 Chambre de première instance ont le pouvoir discrétionnaire d'accepter les
27 dépositions d'un témoin nonobstant les incohérences entre les dépositions
28 viva voce et les déclarations précédentes.
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1 En ce faisant, les Juges de la Chambre étaient le mieux à même
2 d'évaluer la déposition. Les Juges de la Chambre ont entendu les trois
3 témoins qui ont confirmé que Sredoje Lukic était au camp et rouait de coups
4 les co-détenus du camp d'Uzamnica.
5 A ce stade, je voudrais revenir sur la planche photo qui a été
6 mentionnée par vous, Messieurs les Juges. A ce stade, on ne sait pas si la
7 planche photo qui a été montrée au Témoin Berberovic contenait une photo de
8 Sredoje Lukic. La Chambre a conclu que ce n'était probablement pas dans la
9 planche photo. C'est au paragraphe 838 du jugement. On ne sait pas
10 exactement ce qui est advenu de cette planche photo, ce qui est malheureux,
11 mais les Juges de la Chambre ont pris en compte ceci. Dans le jugement, au
12 paragraphe 805. Et ils ont fait remarquer que dans cette situation, on ne
13 pouvait pas évaluer quelque chose qui n'avait pas été versé au dossier.
14 Ceci ne peut pas non plus être utilisé en appel pour miner les
15 conclusions d'une Chambre de première instance. Mais quoi qu'il en soit, il
16 s'agit d'éléments qui sont hautement à décharge. Puisque les Juges de la
17 Chambre se sont fié sur les dépositions de Dervisevic et de Kustura
18 lorsqu'ils ont déterminé que Sredoje Lukic se trouvait au camp et que ceci
19 a été, donc, corroboré par Berberovic.
20 J'en viens au troisième point, c'est-à-dire le Témoin VG-25, un
21 témoin déposant en vertu de l'article 92 quater qui n'a jamais vu Sredoje
22 Lukic au camp. Il s'agit de quelque chose qui figure dans sa déclaration.
23 Mais la Chambre a pris en compte cette déclaration. Le VG-25 n'a été détenu
24 au camp qu'à la fin du mois de novembre 1992, mais le Témoin Berberovic a
25 déposé qu'il avait vu Sredoje Lukic trois ou quatre fois après son
26 arrestation en août 1992, c'est-à-dire bien avant novembre.
27 Dervisevic a confirmé qu'il avait été battu par Sredoje Lukic en juillet ou
28 en août, ou à la fin de 1993. Kustura, de son côté, a confirmé dans sa
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1 déposition qu'un des passages à tabac avait eu lieu à la fin du mois
2 d'octobre, encore une fois avant novembre, lorsque VG-25 est devenu un co-
3 détenu au camp. Les Juges de la Chambre se sont donc penchés précisément
4 là-dessus, comme ils devaient le faire, au paragraphe 834.
5 Ceci est également lié à votre autre question. Vous nous avez demandé
6 si la question de la détention de Milan Lukic, qui est mentionnée dans le
7 sixième motif d'appel, avait eu un impact sur l'appel de Sredoje Lukic. La
8 réponse est négative. Milan Lukic a soulevé une question concernant
9 l'endroit où il se trouvait en 1993. Il a des éléments de preuve qui
10 montrent qu'effectivement, il était incarcéré pour une partie de cette
11 année après la fin du mois de mars; cependant, ceci n'a aucune conséquence
12 sur la fiabilité des témoins. Les Juges de la Chambre étaient au courant du
13 fait que les détenus ne disposaient pas de calendrier, ni n'avaient-ils la
14 possibilité de consigner les dates sur un papier et, par conséquent, de
15 déterminer exactement à quel moment de l'année ils se trouvaient. Ceci
16 figure au paragraphe 830 du jugement.
17 De plus, un des témoins, Dervisevic, a mentionné que Lukic n'était
18 pas là durant sa détention parce qu'il était également détenu. Encore une
19 fois, ceci correspond à l'emprisonnement supposé de Milan Lukic ou à son
20 emprisonnement, en fait, en 1993.
21 Pour cette raison, les Juges de la Chambre ont conclu correctement
22 qu'il y avait peut-être des incohérences limitées dans les dépositions des
23 témoins, mais que ceci n'avait pas de conséquence sur leurs témoignages
24 convaincants.
25 Monsieur le Président, ceci a également été décidé dans l'article 115
26 concernant Milan Lukic et nous pensons qu'il faudrait prendre les mêmes
27 considérations pour les dépositions des témoins liés à l'endroit où se
28 trouvait Sredoje Lukic.
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1 Il est évident qu'il y aura des différences entre différents témoins
2 oculaires, et les Juges de la Chambre d'appel ont accepté qu'une Chambre de
3 première instance peut accepter raisonnablement certaines parties d'une
4 déposition d'un témoin et en rejetant d'autres. Il s'agit de l'arrêt de la
5 Chambre d'appel dans l'affaire Kupresic, paragraphe 33.
6 La Chambre s'est acquittée de son obligation en examinant
7 soigneusement les éléments de preuve. Et au vu de cette évaluation, le fait
8 que Sredoje Lukic avance qu'il n'était pas présent au camp d'Uzamnica et
9 que les coups qui ont été proférés là-bas n'ont pas été proférés par lui
10 devrait être rejeté.
11 Ce qu'il avance ici devrait être rejeté.
12 Ceci conclut l'appel de l'Accusation
13 L'INTERPRÈTE : Le dernier intervenant n'ayant pas fourni une copie du
14 document qu'il vient de lire aux interprètes de cabine française.
15 M. SCHUSTER : [interprétation] Si vous avez des questions, n'hésitez pas à
16 les poser.
17 M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.
18 J'inviterais maintenant le conseil de Sredoje Lukic à présenter leurs
19 arguments en réplique. Je vous rappelle que vous disposez de 30 minutes
20 pour ce faire.
21 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
22 Juges. Je vais essayer d'être rapide, et Me Knoops prendra la relève.
23 Tout d'abord, je voudrais rappeler que l'Accusation a répondu à notre appel
24 comme s'ils prenaient la parole devant une Chambre de première instance et
25 qu'ils présentaient leur réquisitoire, plutôt que de prendre la parole
26 devant une Chambre d'appel. Ils ont également présenté certains postulats
27 et certains arguments que la Chambre de première instance n'a pas acceptés,
28 alors que nous avons cité les paragraphes pertinents dans le jugement et
Page 172
1 dans d'autres éléments de preuve.
2 Mon collègue de la partie adverse, M. Schuster, dans ses arguments,
3 s'est penché sur le camp d'Uzamnica, et je voudrais tout d'abord parler du
4 motif numéro 6 de l'appel de Sredoje Lukic.
5 Nous sommes fermement convaincus -- donc il s'agit des branches 6(E)
6 et 6(F), et nous pensons que ceci a un impact important sur notre position
7 parce qu'au vu de la déposition d'Adem Berberovic et d'Islam Kustura devant
8 les Juges en première instance consistant à dire que Sredoje Lukic et Milan
9 Lukic s'étaient rendus au camp d'Uzamnica, ceci n'est pas possible si Milan
10 Lukic était, en fait, incarcéré dans un quartier pénitentiaire à Belgrade,
11 à 400 kilomètres de Visegrad et, donc, du camp d'Uzamnica. Voilà donc
12 l'impact potentiel du moyen d'appel numéro 6 de Milan Lukic dans notre
13 appel.
14 En ce qui concerne les autres témoins qui ont déposé dans le cadre de
15 cet incident, je voudrais rappeler à mon collègue de la partie adverse, M.
16 Schuster, qu'à la page 124, lignes 24 et 25, il a dit que les choses
17 n'étaient pas très claires quant à la planche photo, à savoir qu'il ne
18 savait pas si ceci avait été présenté au Témoin Adem Berberovic. Je
19 voudrais rappeler à l'attention de tout le monde la déposition du
20 responsable en chef du département des enquêtes, M. Ib Jul Hansen, qui a
21 déposé en première instance et qui a expliqué très précisément qu'aucune
22 photo de Sredoje Lukic n'avait été utilisée dans une procédure visant à
23 l'identifier. J'en veux pour preuve le paragraphe 252 de notre mémoire en
24 appel.
25 De plus, le Témoin VG-25 connaissait très bien Sredoje Lukic avant
26 l'incident, et il a été catégorique en disant qu'il n'avait pas vu Sredoje
27 Lukic au camp d'Uzamnica. Par conséquent, il n'y a aucune identification
28 irréfutable de Sredoje Lukic dans le cadre de cet incident.
Page 173
1 Pour ce qui est de l'incident de la rue Pionirska, comme je l'ai dit,
2 mon collègue de la partie adverse s'est borné à répéter des arguments
3 présentés durant le procès en première instance. Dans nos tableaux, nous
4 avons présenté les conclusions très clairement des Juges en première
5 instance et des conclusions pour chacun de ces témoins, des quatre témoins
6 auxquels se sont fié les Juges de la Chambre de première instance et qui
7 permettaient de déterminer la présence de Sredoje Lukic durant ces
8 incidents.
9 Notre position est que ces dépositions ne sont pas crédibles et
10 présentent énormément de contradictions. Je vais vous donner un exemple. Il
11 y a seulement deux témoins qui connaissaient bien Sredoje Lukic avant les
12 incidents, à savoir VG-13 et Hasib Kurspahic. Ces deux témoins sont
13 considérés comme étant crédibles pour les Juges de la Chambre, mais aucun
14 de ces deux n'a fourni des éléments laissant penser que Sredoje Lukic était
15 présent durant cet incident. Ceci est en contradiction complète avec la
16 déposition du fils, VG-38, qui venait d'apprendre que Sredoje Lukic aurait
17 été là-bas. Ceci est totalement illogique parce que d'un côté vous avez la
18 déposition de la mère, VG-13, qui connaissait Sredoje Lukic avant cet
19 incident et qui n'a pas vu Sredoje Lukic durant cet incident, et vous avez
20 d'autre part la déposition du Témoin VG-38 qui soi-disant aurait eu vent
21 par d'autres personnes que Sredoje Lukic était présent.
22 Et puis, il y a également énormément de contradictions dans la
23 déposition de Huso Kurspahic, dont la seule source d'information était son
24 père décédé, Hasib Kurspahic. Sa seule source d'information était un
25 entretien qu'avait accordé Hasib Kurspahic 24 jours après les incidents.
26 Huso Kurspahic était un officier professionnel de police et il avait
27 possibilité pendant trois ans d'accompagner son père vers un poste de
28 police de façon à fournir de nouvelles informations. Donc la seule source
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1 dont nous disposons est celle que j'ai mentionnée, et, par conséquent, il
2 serait déraisonnable de conclure que la déposition de Huso Kurspahic est
3 plus importante ou couvre plus d'éléments que les explications fournies
4 dans son entretien par M. Hasib Kurspahic.
5 Par conséquent, je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'examiner
6 nos tableaux et d'examiner également différents paragraphes de notre
7 mémoire en appel où nous citons les différents éléments qui ne semblent
8 pas, en fait, coller avec les conclusions.
9 Je vous remercie, et je vais maintenant donner la parole au Pr
10 Knoops.
11 M. KNOOPS : [interprétation] Merci beaucoup.
12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais présenter cinq
13 arguments, cinq réponses, à ce qu'a avancé l'Accusation.
14 Tout d'abord, l'argument concernant le fait que nous cherchons à
15 avoir un nouveau procès ici. Même lorsque des arguments sont avancés en
16 première instance, la jurisprudence de ce Tribunal veut que les Juges d'une
17 Chambre d'appel examinent les mêmes éléments pour ce qui est identification
18 par des témoins oculaires dans des circonstances difficiles. Il s'agit du
19 paragraphe 39 de l'arrêt en appel dans l'affaire Kupreskic, qui parle du
20 fait qu'il faut procéder avec une prudence extrême; et l'obligation
21 également de fournir une opinion motivée qui semble être absente dans
22 l'affaire de Sredoje Lukic, en première instance.
23 Et puis, la Chambre d'appel, dans le paragraphe 40, explique qu'une
24 identification par des témoins oculaires, dans le cas où elle serait
25 considérée comme n'étant pas raisonnable, devrait être examinée par une
26 Chambre d'appel. Elle mentionne sept possibilités au paragraphe 40, c'est-
27 à-dire : lorsqu'il y a des incohérences dans la déposition ou dans les
28 caractéristiques physiques qui sont décrites au moment des événements; et
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1 il y a également certains objets qui auraient été en possession du
2 défendeur tels que, par exemple, soi-disant, le port d'une arme. Et puis,
3 vous avez la sixième possibilité qui est mentionnée par la Chambre d'appel
4 dans l'affaire Kupreskic qui demande à réexaminer la totalité des éléments
5 de preuve lorsque ceux-ci ne sont pas jugés comme étant suffisants pour
6 procéder à des conclusions.
7 Donc, avec tout le respect que je me dois d'avoir vis-à-vis de mes
8 collègues de l'autre côté du prétoire, nous ne demandons pas un nouveau
9 procès en première instance. Il s'agit simplement de principes qui avaient
10 déjà été adoptés par la Chambre d'appel.
11 Lorsque, par exemple, le Témoin VG-84, qui est appelé à comparaître
12 régulièrement par l'Accusation, il s'agit d'un jeune garçon de 13 ans, que
13 disent les Juges en première instance ? Il s'agit du paragraphe 490, qui
14 est également cité par l'Accusation. Il n'y a aucune valeur que l'on peut
15 accorder à sa déposition pour les actions spécifiques de M. Milan Lukic ou
16 de M. Sredoje Lukic. Je répète, aucun poids peut être accordé à sa
17 déposition.
18 Et il est mentionné qu'il n'était pas non plus en mesure de voir Sredoje
19 Lukic, alors que celui-ci s'est présenté. En fait, il a entendu quelqu'un
20 qui présentait cette personne comme étant Sredoje Lukic.
21 Alors, la question que je vous pose : lorsque vous présentez
22 quelqu'un, lorsque vous ne voyez pas cette personne, est-ce que vous pouvez
23 considérer qu'il s'agit d'une identification formelle ? Est-ce qu'il n'est
24 pas possible que le nom d'une personne soit utilisé à mauvais escient ?
25 Donc, sans identification en bonne et due forme, le fait que l'on entende
26 quelqu'un présenter quelqu'un d'autre comme étant cette personne, cela ne
27 peut pas être accepté dans un Tribunal comme étant une présentation d'une
28 personne suffisante, puisque ces deux personnes semblaient s'être
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1 identifiées mutuellement. Ce n'est pas la manière de procéder -- ce n'est
2 pas la bonne manière de procéder à l'identification d'une personne. La
3 présentation n'est pas complète, si l'on peut dire. Et, par conséquent, si
4 on traite de ces éléments de preuve sans avoir une identification directe
5 par témoin oculaire, il est totalement justifié que la Défense demande à la
6 Chambre de réexaminer les éléments qui auraient des conséquences sur
7 l'affaire en l'espèce.
8 Alors, en fait, l'Accusation semble se comporter de la même manière que la
9 Défense, mais en même temps l'accusait d'avoir ce même comportement. C'est-
10 à-dire que l'Accusation demande également d'une certaine manière que l'on
11 ait un nouveau procès. Alors, l'Accusation doit se souvenir que les étapes
12 1, 3 et 5 n'ont fait l'objet d'aucune conclusion par la Chambre de première
13 instance. En fait, ils vous disent : Voyez, vous avez tous les événements
14 qui se sont déroulés, y compris les étapes 2 et 4, et ceci devrait vous
15 emmener à la conclusion qu'il s'agissait d'actes visant à aider et
16 encourager.
17 Mais ceci ne rentre pas dans le périmètre de l'appel à l'Accusation
18 parce que l'Accusation n'a fait appel que sur deux erreurs juridiques, et
19 non des erreurs de fait. Seulement des erreurs de droit. Et d'ailleurs,
20 dans son mémoire, l'Accusation a déclaré que la Chambre avait fait erreur
21 en n'acceptant pas des éléments de preuve crédibles pour les étapes 1, 3 et
22 5. Ceci signifie que l'Accusation n'a plus aucun droit, puisqu'elle a
23 décidé de ne pas faire usage de ce droit. Elle aurait pu utiliser des
24 éléments de preuve pour les étapes susmentionnés, pour aller dans le sens
25 de ce qui a été la conclusion de la Cour. Donc, si vous voulez,
26 l'Accusation fait l'opposé de ce qu'elle souhaiterait faire.
27 Troisièmement, revenons à ces cinq étapes. Etape numéro 1 tout d'abord, VG-
28 115 a été considéré comme n'étant pas crédible. On ne pouvait donc pas
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1 accorder de poids à toute identification supposée de MM. Milan Lukic et
2 Sredoje Lukic qui rassemblaient les personnes et les faisaient avancer. Les
3 Juges en première instance n'ont simplement pas accepté que ces accusés
4 rassemblaient des personnes et les faisaient avancer dans la première
5 étape, c'est-à-dire paragraphe 569 [comme interprété]. Quant à la deuxième
6 étape, c'est-à-dire le présumé cambriolage. Dans le paragraphe 593 du
7 jugement, les Juges en première instance ont conclu que M. Sredoje Lukic
8 était armé et présent, mais qu'il n'y avait pas de participation.
9 L'Accusation ne cite pas correctement les éléments de preuve acceptés par
10 la Chambre de première instance en disant qu'il était présent, armé, mais
11 qu'il participait, alors que dans le paragraphe 593 du jugement, les Juges
12 de la Chambre mentionnent qu'il n'y pas de participation. Nous passons
13 maintenant à l'étape numéro 3, c'est-à-dire les fouilles corporelles et le
14 départ -- bien sûr, on peut toujours utiliser la présentation PowerPoint.
15 J'en étais à l'étape numéro 3 qui est utilisée par l'Accusation pour
16 décrire la totalité des événements, c'est-à-dire les fouilles corporelles
17 et le départ des femmes. Le paragraphe 594 stipule bien qu'il n'y a pas de
18 participation, pas de participation, VG-13, 108 et 1 084, paragraphe 596,
19 Milan Lukic a fait partir les femmes, mais Sredoje Lukic n'est pas
20 mentionné. Donc l'Accusation ne peut pas utiliser des arguments pour cette
21 étape-là.
22 Quant au transfert maintenant, qui est l'étape suivante. L'Accusation
23 avance que si quelqu'un n'est pas en mesure de faire une distinction entre
24 ces deux accusés, il peut faire des descriptions concernant les armes qui
25 étaient portées. Mais on peut se demander si ceci est permissible en vertu
26 des lignes directrices qui découlent de l'arrêt dans l'affaire Kupreskic, à
27 savoir qu'en cas d'éléments de preuve qui sont en conflit les uns avec les
28 autres, il faut procéder avec une extrême prudence. Troisièmement, un
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1 garçon de 13 ans, VG-84, était la seule personne à ce stade du transfert
2 qui a mentionné des éléments concernant les armes et il a fait en fait une
3 confusion entre les accusés et les armes qu'ils portaient, des armes
4 automatiques ou des fusils à lunette. Donc il y a eu en fait deux erreurs
5 d'identification qui ont été faites par un garçon de 13 ans. Mais on a
6 quand même considéré que sa déposition était crédible et on a donc décidé
7 que M. Lukic était armé durant la quatrième étape, c'est-à-dire l'étape du
8 transfert. Et c'est la question importante à laquelle les Juges en appel
9 devront répondre, à savoir : est-ce qu'en fonction des lignes directrices
10 qui découlent de l'arrêt Kupreskic on peut considérer qu'il s'agit d'un
11 critère acceptable ?
12 L'Accusation avance que M. Lukic était dans la maison lorsque le
13 cambriolage a eu lieu. Ceci n'est pas une déposition. M. Lukic n'était pas
14 dans la maison, c'est le paragraphe 593, et c'est ce qu'a conclu les Juges
15 de la Chambre, mais ça n'a pas été contesté par l'Accusation en appel. Donc
16 elle n'a aucun droit à rouvrir la discussion à ce sujet.
17 Et puis, la dernière étape, c'est-à-dire la maison qui est incendiée, les
18 tirs. L'Accusation dit que même s'il n'était pas présent, cela pourrait
19 cependant être qualifié d'une forme de participation. C'est ainsi que je
20 comprends l'argument présenté par l'Accusation. Et les Juges de la Chambre
21 en première instance n'ont même pas conclu que Sredoje Lukic était présent
22 durant la cinquième étape de ces incidents. Paragraphe 609, VG-13, aucun
23 crédit n'a été accordé à sa déposition. Paragraphe 610, VG-38, les Juges de
24 la Chambre de première instance n'étaient pas convaincus qu'il avait vu
25 Sredoje Lukic durant la cinquième phase. Alors, étant donné qu'il s'agit
26 des conclusions de la Chambre, ceci ne peut pas être remis en question par
27 l'Accusation.
28 Et puis, mon quatrième argument qui m'amène à répondre à l'Accusation
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1 concernant l'élément quantitatif qui permet de déterminer des actions qui
2 visent à aider et encourager. L'Accusation a trois arguments, c'est-à-dire
3 : une présence armée, une réputation en tant qu'officie de police local, et
4 puis troisièmement, "il a rassuré les coauteurs en participant à ces actes
5 en étant à leurs côtés."
6 Une façon de rassurer qui aurait dû être autre chose qu'un agissement
7 pacifique, c'est ce qui découle des éléments de preuve. Synonyme de
8 contribution passive. Ce n'est pas quelque chose qui peut être admis en
9 vertu de la jurisprudence à moins qu'il n'y ait un encouragement verbal,
10 alors que l'accord tacite - d'après la jurisprudence du conseil de contrôle
11 après la Deuxième Guerre mondiale, deuxième édition, page 215 de l'ouvrage
12 du Juge Cassese sur le droit pénal international - l'accord tacite ne
13 permet pas de justifier le fait d'aider et d'encourager. C'est quelque
14 chose qui doit être accompagné d'encouragements verbaux ou d'autres actions
15 tangibles pour qu'il y ait d'acceptation de la qualification de la part de
16 l'Accusation que quelqu'un ait rassuré quelqu'un d'autre ou les principaux
17 auteurs.
18 La réputation d'un policier est quelque chose que nous avons déjà abordé.
19 M. Lukic avait une forme d'autorité et la simple présentation sans
20 identification à proprement parler ne permet pas de justifier d'un élément
21 de preuve et de dire qu'il était sur les lieux du crime.
22 Pour finir, Messieurs les Juges, vous m'avez demandé au cours de ma
23 présentation, Monsieur le Président, de donner une définition --
24 M. LE JUGE GUNEY : Il vous reste cinq minutes.
25 M. KNOOPS : [interprétation] -- de la présence constructive. Souvenez-vous
26 de la question. Je vais être honnête.
27 Il me reste cinq minutes, Monsieur le Président. Je vous remercie.
28 La définition de présence constructive est quelque chose qui pourrait être
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1 étayée par quelqu'un par la suite. Dans Perkins et Boyce, j'ai essayé, en
2 fait, de me pencher sur tous les textes. Perkins et Boyce est un ouvrage
3 que j'ai utilisé lorsque j'ai fait mes études universitaires. Cela ne
4 figure pas dans cet ouvrage qui parle de jurisprudence. Mais ceci doit être
5 décidé au cas par cas. Mais je pense que si on regarde la logique qui sous-
6 tend la doctrine de présence constructive, eh bien, il s'agit de quelqu'un
7 qui est présent. Et dans Furundzija, c'est intéressant, parce que la
8 Chambre d'appel a admis le fait d'aider et d'encourager parce que les deux
9 accusés, je cite, " pouvaient mutuellement très bien se voir."
10 Je peux vous donner la citation exacte. Je crois que cela se trouve -- je
11 vais vous donner le paragraphe -- oui, c'est dans l'arrêt. Dans l'affaire
12 Furundzija, vous trouverez l'observation qui est faite par les Juges en
13 appel, à savoir que les accusés, y compris l'accusé qui a été accusé
14 d'avoir aidé et encouragé, eh bien, que les deux accusés pouvaient très
15 bien se voir, ce qui souligne ce principe ou cette logique qui sous-tend la
16 doctrine de présence constructive. Et dans le contexte de l'intention, aux
17 paragraphes 129 à 130, vous trouverez les huit indices de la raison pour
18 laquelle la Chambre en appel a décidé que M. Vasiljevic a aidé et
19 encouragé. Je vous encourage fortement à relire ces indices. Et ces indices
20 n'existent pas en l'espèce. On peut les inventer, comme le fait
21 l'Accusation, mais dans le cas qui nous intéresse, ils n'existent pas.
22 Je vous remercie beaucoup.
23 Paragraphe 120 de la décision dans Furundzija rendue par la Chambre d'appel
24 le 21 juillet 2000, le paragraphe 120 :
25 "Lorsque l'acte d'un accusé contribue à l'objectif de l'autre, que les deux
26 ont agi simultanément au même endroit," par rapport à l'emplacement
27 géographique et la pertinence de cet emplacement, je cite, "et alors qu'ils
28 pouvaient très bien se voir l'un et l'autre pendant un certain temps,
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1 l'argument en vertu de quoi il n'y avait pas d'objectif commun ne peut pas
2 être retenu ou justifié."
3 Bien au contraire, ici, Monsieur le Président, vous constaterez que
4 la réponse est celle de la présence constructive. Ils agissaient de façon
5 simultanée, pouvaient très bien se voir l'un l'autre et ont agi sur une
6 longue période de temps. Il s'agit en fait des conditions minimums pour
7 qu'il ait aidé et encouragé dans le cadre de la présence constructive. Donc
8 la réponse, vous la trouverez dans l'arrêt Furundzija. On peut dire
9 beaucoup de choses dans cette affaire, mais ce qui n'est pas présent au
10 dossier en tant qu'élément de preuve, c'est que pendant les vols, les deux
11 accusés qui étaient présumés présents ne pouvaient pas "très bien se voir
12 l'un l'autre", parce que M. Sredoje Lukic était à l'extérieur du lieu du
13 crime, à l'extérieur de la maison.
14 Merci.
15 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître.
16 Il est maintenant l'heure de mettre un terme à cette première journée
17 d'audience. Si les parties n'ont pas d'observations ou de questions, je
18 crois que l'audience peut donc être ajournée.
19 Nous nous -- y a-t-il des observations ou des questions à
20 poser ? J'en vois aucune.
21 Nous nous réunirons demain à 10 heures, dans la même salle d'audience, pour
22 entre la suite de la présentation des arguments des parties.
23 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
24 M. LE JUGE GUNEY : Oui, il vient d'indiquer que l'audience va se
25 tenir dans le "courtroom" numéro I [sic]. Merci.
26 --- L'audience est levée à 18 heures 00 et reprendra le jeudi 15
27 septembre 2011, à 10 heures 00.
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