Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 14 septembre 2011

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  6   M. LE JUGE GUNEY : Bonjour à tous.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez, je vous prie, appeler l'affaire

  8   qui est inscrite au rôle pour la présente audience.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-98-32/1-A, le

 10   Procureur contre Milan Lukic et Sredoje Lukic.

 11   M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.

 12   J'aimerais savoir si MM. Milan Lukic et Sredoje Lukic peuvent entendre et

 13   suivre le déroulement des procédures dans une langue qu'ils comprennent.

 14   L'APPELANT MILAN LUKIC : [interprétation] En ce qui me concerne, oui. Je

 15   suis Milan Lukic et je peux suivre tout à fait.

 16   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur Milan Lukic.

 17   J'aimerais -- Monsieur Sredoje Lukic, s'il vous plaît.

 18   L'APPELANT SREDOJE LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je

 19   peux tout à fait suivre.

 20   M. LE JUGE GUNEY : Merci beaucoup, Monsieur Sredoje Lukic.

 21   Je demanderais maintenant aux parties de bien vouloir s'identifier, en

 22   commençant par le conseil de M. Milan Lukic.

 23   M. VISNJIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis le

 24   conseil Me Tomislav Visnjic et je suis avec Me Dan Ivetic, et nous

 25   représentons Milan Lukic, avec les bons soins de Mme Marie O'Leary.

 26   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître Visnjic.

 27   Je me tourne à présent vers le conseil de M. Sredoje Lukic, s'il vous

 28   plaît.


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  1   M. CEPIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  2   Messieurs les Juges. Alors, je suis Me Cepic, conseil de la Défense de M.

  3   Sredoje Lukic. J'ai à ma gauche le Pr Knoops, notre conseiller juridique;

  4   j'ai à ma droite Me Jens Dieckmann, co-conseil; et derrière moi, vous

  5   pouvez voir Mme Marritta van Wandenberg, qui est notre commise aux

  6   affaires, ainsi que M. Jacob Nuebel et Mme Sabine Schulz.

  7   M. LE JUGE GUNEY : Merci beaucoup.

  8   Je me retourne à présent vers le représentant du bureau du Procureur,

  9   s'il vous plaît.

 10   M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Peter Kremer

 11   pour représenter le bureau du Procureur. Je serai, aujourd'hui et demain,

 12   aidé de M. Matthias Schuster; M. Mathew Gillett, qui se trouve sur ma

 13   droite; et nous avons également Mme Virginie Monchy, ainsi que M. Colin

 14   Nawrot.

 15   M. LE JUGE GUNEY : Merci.

 16   La Chambre d'appel est aujourd'hui réunie pour entendre les arguments des

 17   parties soulevés dans le cadre des appels interjetés par Milan Lukic,

 18   Sredoje Lukic et le bureau du Procureur contre le jugement rendu le 20

 19   juillet 2009 par la Chambre de première instance III.

 20   Avant de donner la parole aux parties, je vais brièvement rappeler la

 21   procédure et résumer les motifs d'appel soulevés dans cette affaire, ainsi

 22   que la façon dont nous allons procéder lors de ces deux journées

 23   d'audience.Cette affaire intéresse MM. Milan Lukic et Sredoje Lukic, tous

 24   deux cousins et originaires de Rujiste, un village près de Visegrad, et

 25   concerne les événements s'étant produits entre juin 1992 et octobre 1984

 26   [sic] à Visegrad.

 27   Milan Lukic vivait à l'époque avec ses parents dans une maison située sur

 28   la rue Pionirska à Visegrad. Pour sa part, Sredoje Lukic était, lors des


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  1   événements, un agent de police affecté à la station de Visegrad. Dans son

  2   jugement, la Chambre de première instance III a déclaré coupable Milan

  3   Lukic de 19 des 21 chefs d'accusation qui pesaient contre lui en vertu de

  4   l'article 7(1) du Statut, incluant les crimes de persécution,

  5   d'extermination, assassinat, actes inhumains en tant que crimes contre

  6   l'humanité, ainsi que pour meurtre et traitement cruel en tant que

  7   violation des lois ou coutumes de guerre. Il fait face à une sentence

  8   d'emprisonnement à vie.

  9   Sredoje Lukic a été condamné à une peine unique de 30 ans d'emprisonnement

 10   sur 7 des 13 chefs d'accusation retenus contre lui, incluant les crimes de

 11   persécution, assassinat et actes inhumains en tant que crimes contre

 12   l'humanité, ainsi que meurtre et traitement cruel en tant que violation des

 13   lois ou coutumes de guerre.

 14   Milan Lukic a interjeté appel contre ce jugement de première instance le 19

 15   août 2009 et il fait valoir huit motifs d'appel. Au titre de son premier

 16   motif d'appel, Milan Lukic soutient que la Chambre de première instance a

 17   commis des erreurs de droit et de fait en concluant à sa culpabilité

 18   concernant les événements qui se sont déroulés le 7 juin 1992 au bord de la

 19   rivière Drina ayant fait sept victimes civiles musulmanes.

 20   Dans son second motif d'appel, Milan Lukic soulève des erreurs de droit et

 21   de fait relativement à sa culpabilité pour le meurtre de sept civils à

 22   l'usine Varda vers le 10 juin 1992.

 23   Dans son troisième motif d'appel, il avance des erreurs de droit et de fait

 24   quant à la déclaration de culpabilité pour les faits commis dans une maison

 25   de la rue Pionirska où 59 civils musulmans ont été brûlés vifs. Il soulève

 26   également des erreurs dans l'évaluation de son alibi.

 27   Dans son quatrième motif d'appel, il soutient que la Chambre de première

 28   instance a commis des erreurs de droit et de fait en concluant à sa


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  1   participation aux événements où 60 civils musulmans ont été brûlés vifs

  2   dans une maison à Bikavac.

  3   Dans son cinquième motif d'appel, Milan Lukic conteste les conclusions de

  4   la Chambre de première instance à l'effet qu'il aurait abattu Hajra Koric,

  5   une civile musulmane.

  6   Dans son sixième motif d'appel, il soulève des erreurs de droit et de fait

  7   concernant la conclusion selon laquelle il aurait participé au traitement

  8   inhumain de civils musulmans incarcérés au camp Uzamnica.

  9   Dans son septième motif d'appel, il invoque un certain nombre de violations

 10   de son droit à un procès juste et équitable.

 11   Dans son huitième et dernier moyen d'appel, Milan Lukic soulève des erreurs

 12   de droit et de fait quant à sa sentence.

 13   De son côté, Sredoje Lukic a interjeté l'appel du jugement de première

 14   instance le 19 août 2009. Pour ce qui est de sa demande d'infirmation du

 15   jugement, Sredoje Lukic fait valoir 15 motifs d'appel. Dans ses motifs

 16   d'appel 1 à 7, Sredoje Lukic soulève des erreurs en droit et en fait contre

 17   sa culpabilité liée à son rôle dans les événements s'étant déroulés sur la

 18   Pionirska vers le 10 juin 1992. Il invoque, en outre, des erreurs dans

 19   l'évaluation de la preuve à charge et à décharge en relation avec son

 20   alibi, ainsi que des erreurs quant aux conclusions juridiques relatives à

 21   la mens rea et l'actus reus des crimes retenus contre lui.

 22   Dans ses motifs d'appel 6 à 10, Sredoje Lukic soulève des erreurs de droit

 23   et de fait quant à sa responsabilité liée à son rôle dans le traitement

 24   inhumain infligé aux civils musulmans détenus au camp Uzamnica.

 25   Dans ses onzième et douzième motifs d'appel, il invoque des erreurs de

 26   droit et de fait quant à sa condamnation pour le crime de persécution et

 27   pour les actes commis pendant les événements de la rue Pionirska et au camp

 28   Uzamnica.


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  1   Dans le cadre de son treizième motif d'appel, il allègue que la Chambre de

  2   première instance n'a pas appliqué correctement le principe in dubio pro

  3   reo.

  4   Au titre de son quatorzième motif d'appel, il invoque des erreurs de droit

  5   quant à la procédure d'identification de l'accusé en cours d'audience lors

  6   du procès.

  7   Dans son quinzième motif d'appel, il soulève des erreurs de droit et de

  8   fait contre la peine imposée par la Chambre de première instance.

  9   Pour sa part, le Procureur soulève deux motifs d'appel concernant la

 10   condamnation de Sredoje Lukic. Dans son premier motif d'appel, le Procureur

 11   allègue une erreur de droit commise par la Chambre de première instance en

 12   ne condamnant pas Sredoje Lukic pour le crime d'extermination, du fait de

 13   sa participation dans les crimes commis sur la rue Pionirska.

 14   Dans son deuxième moyen d'appel, le Procureur allègue une erreur de droit

 15   de la Chambre de première instance pour avoir omis de condamner Sredoje

 16   Lukic pour avoir commis le crime de persécution concernant les événements

 17   au camp Uzamnica.

 18   Lors de cette audience, les conseils des parties peuvent décider de

 19   présenter leurs arguments quant aux motifs et moyens d'appel dans l'ordre

 20   qu'ils jugent le plus opportun. Je souhaite toutefois rappeler que les

 21   parties ont été invitées à développer un certain nombre de points qui leur

 22   ont été communiqués dans l'ordonnance en préparation de l'audience en date

 23   du 6 septembre 2011.

 24   Conformément à l'article 25 du Statut, les arguments de l'appelant doivent

 25   se limiter aux erreurs sur un point de droit qui invalide la décision et

 26   aux erreurs de fait qui ont entraîné un déni de justice. L'appel n'est pas

 27   un nouveau procès, et l'appelant ne peut se contenter de réitérer les

 28   arguments déjà entendus en première instance. L'appelant a, de surcroît,


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  1   l'obligation de fournir les références précises des éléments qui viennent

  2   étayer ses arguments en appel.

  3   Il serait extrêmement utile pour la Chambre d'appel que les parties

  4   présentent leurs arguments de façon claire, ordonnée et concise, en évitant

  5   de répéter verbatim les arguments contenus dans leurs mémoires respectifs.

  6   J'informe les parties que les Juges prendront à tous moments la liberté

  7   d'interrompre les parties pour leur poser des questions si nécessaire et

  8   soulèveront leurs éventuelles questions dans le début ou à la suite de

  9   chacune des présentations. Cette audience doit se dérouler conformément à

 10   l'ordonnance portant calendrier du 6 juillet 2011.

 11   J'inviterais maintenant les conseils pour Milan Lukic à faire leurs

 12   représentations. Je vous rappelle que vous disposez d'une heure et 15

 13   minutes pour ce faire. Monsieur le Conseil de Milan Lukic, vous avez la

 14   parole. Vous avez la parole.

 15   M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Nous avons réparti la présentation de nos arguments en deux volets. Lors de

 17   la première partie, je parlerai de certaines omissions commises par la

 18   Chambre de première instance à propos d'éléments de preuve relatifs à

 19   l'identification de l'appelant; et lors de la deuxième phase, Me Dan Ivetic

 20   reprendra les questions que vous lui avez posées dans votre ordonnance du 6

 21   septembre.

 22   Donc, Messieurs les Juges, je commencerais par une observation qui, je

 23   l'espère, ne portera pas à polémique et qui est la suivante : en temps de

 24   crise et de conflit, certains individus se taillent une réputation

 25   d'infâmes, les rumeurs se propagent comme autant de feux follets, des

 26   légendes naissent. Des mythes sont créés, qu'il s'agisse de vérité, de

 27   fausse vérité ou d'exagération, un visage est vu alors qu'il n'aurait pas

 28   pu dans la réalité des faits être à cet endroit.


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  1   Les Chambres de première instance de ce Tribunal ont dû faire face à une

  2   tâche extrêmement difficile, à savoir mettre en parallèle ou faire le tri

  3   des éléments de preuve, alors qu'il s'agissait de crimes absolument

  4   atroces, et ce, pour établir au-delà de tout doute raisonnable ce qui

  5   s'était passé et qui en était responsable. Messieurs les Juges,

  6   l'expérience acquise dans les différents systèmes de justice pénale dans le

  7   monde entier montre qu'en matière d'identification et de reconnaissance ou

  8   attestation des témoins, de nombreux dénis de justice peuvent être

  9   occasionnés.

 10   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 11   M. LE JUGE GUNEY : Oui, vous pouvez continuer.

 12   M. VISNJIC : [interprétation] Merci. Et cela est de notoriété publique, ce

 13   qui fait que le droit a évolué pour essayer de rectifier ces risques

 14   manifestes. Des procédures d'identification objective sont utilisées,

 15   telles que des tapissages ou la présentation d'albums de photos mis au

 16   point de façon indépendante. La première fois qu'un témoin est entendu par

 17   la police ou par une autorité telle qu'un juge d'instruction, les

 18   entretiens sont justement enregistrés afin d'assurer que l'on ne fait pas

 19   dire au témoin quelque chose qu'il n'aurait pas voulu dire. On demande au

 20   témoin de décrire de façon détaillée l'auteur d'un crime. Si le témoin est

 21   d'avis qu'il a reconnu l'auteur du crime, la base permettant d'établir que

 22   la personne a été reconnue est ainsi déterminée. Lorsque l'affaire se

 23   trouve en phrase de procès, des principes juridiques régissent l'évaluation

 24   de tout élément de preuve relatif à l'identification. Pourquoi ? Parce que

 25   même pendant cette phase, le risque de déni de justice ou d'erreur

 26   judiciaire continue à exister. Le juge du fait doit ainsi, et de façon

 27   méthodique, faire le tri des éléments de preuve et les mettre en parallèle

 28   par rapport aux critères juridiques.


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  1   La Chambre d'appel de ce Tribunal a résumé les critères énormes retenus

  2   dans des affaires successives, par exemple, Kupreskic, Kvocka et Limaj,

  3   entre autres. Ces critères ont été récemment confirmés par la Chambre

  4   d'appel dans l'affaire Haradinaj. Les éléments essentiels de cette

  5   jurisprudence permettent d'établir l'approche qui doit être retenue par une

  6   Chambre de première instance en matière d'éléments de preuve relatifs à une

  7   identification. Or, en l'espèce, la Chambre d'affaire ne s'est pas laissée

  8   guider par les critères contraignants qui auraient dû, en fait, l'orienter

  9   dans son évaluation des éléments de preuve relatifs à l'identification.

 10   Dans la partie du jugement où la Chambre de première instance énonce le

 11   droit gravitant autour des éléments en matière d'éléments de preuve, la

 12   jurisprudence pertinente n'est absolument pas mentionnée. Il s'agit en fait

 13   du chapitre 1D du jugement. La Chambre ne s'est pas non plus intéressée à

 14   utiliser la jurisprudence pertinente lorsqu'elle a examiné les éléments de

 15   preuve eu égard aux six sites de crime. Pourquoi est-ce que cela a son

 16   importance ? Quel fut l'impact de cela sur le jugement ?

 17   Il faut savoir qu'après tout, telle que l'observation l'a fait

 18   remarquer, le Juge présidant la Chambre de première instance avait remarqué

 19   pendant le procès que l'identification était un élément essentiel de ce

 20   procès. De surcroît, comme l'a également indiqué l'Accusation, la Chambre

 21   de première instance a pris en considération certains des éléments de

 22   preuve relatifs à l'identification pour chacun des sites de crime.

 23   Messieurs les Juges, voilà ce que nous avançons : nous ne nions pas que

 24   parfois la Chambre de première instance a pris en considération les types

 25   de facteurs que d'aucuns doivent considérer si elle avait véritablement

 26   tenu compte de la jurisprudence pertinente. Mais cela ne suffit pas. Car

 27   nous avançons que la Chambre de première instance n'a pas pris en

 28   considération le droit pertinent et que cela signifie qu'elle ne disposait


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  1   pas des critères exacts, et qu'elle ne les avait pas présents à l'esprit

  2   lorsqu'elle a envisagé les éléments de preuve permettant d'identifier les

  3   auteurs en l'espèce. Alors, bien entendu, la Chambre de première instance a

  4   pris en considération certaines des considérations pertinentes de façon

  5   quasiment fortuite, et cela ne signifie pas pour autant qu'elle a examiné

  6   par le menu avec suffisamment de rigueur ces facteurs.

  7   Il y a quelque chose qui nous préoccupe particulièrement, à savoir

  8   l'approche retenue par la Chambre de première instance lorsque certains

  9   témoins ont avancé qu'ils étaient tout à fait en mesure de reconnaître

 10   Milan Lukic comme auteur de ces crimes. Notamment, la Chambre de première

 11   instance a accepté que dans bien des cas, des années après, des témoins

 12   indiquaient qu'ils reconnaissaient Milan Lukic sans pour autant que les

 13   bases soient jetées pour permettre de déterminer de façon scrupuleuse

 14   comment ils pouvaient avancer qu'ils le reconnaissaient ou pour envisager

 15   la possibilité que cela pouvait correspondre à une erreur. La Chambre de

 16   première instance a d'ailleurs même conclu que des témoins avaient reconnu

 17   Milan Lukic alors que l'Accusation a concédé dans son mémoire de clôture

 18   qu'il n'y avait pas fondement suffisant pour cette reconnaissance et

 19   attestation de témoins.

 20   L'exemple le plus frappant est donné par le Témoin VG-13, qui est

 21   peut-être le témoin à charge le plus important pour l'incendie de la rue

 22   Pionirska, le seul témoin, d'ailleurs, qui a avancé qu'ils avaient Milan

 23   Lukic placer l'engin explosif à l'intérieur de la pièce.

 24   Messieurs les Juges, au paragraphe 157 de son mémoire de clôture,

 25   l'Accusation a avancé que les éléments de preuve ne permettaient pas de

 26   déterminer de façon claire que le Témoin VG-13 pouvait être décrit comme un

 27   témoin d'attestation. Toutefois, la Chambre de première instance, qui a dû

 28   certainement être influencée par le fait qu'elle n'avait pas véritablement


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  1   été orientée par les critères juridiques exacts, a conclu que le Témoin VG

  2   connaissait Milan Lukic précédemment, à telle enseigne qu'elle l'a reconnu.

  3   Cela fait l'objet du paragraphe 612 du jugement.

  4   Ce témoin a également indiqué qu'elle avait reconnu Mitar Vasiljevic

  5   comme étant l'une des personnes présentes pendant l'incident de la rue

  6   Pionirska, et je m'intéresserai ultérieurement à cet élément de sa

  7   déposition.

  8   L'Accusation indique que la jurisprudence du Tribunal a adopté une

  9   proposition qui se fonde sur le bon sens, la logique, à savoir que les

 10   éléments de preuve d'attestation de témoin sont en général plus fiables que

 11   les éléments de preuve relatifs à l'identification. Or, nous avançons que

 12   cela ne tient pas compte fidèlement de la jurisprudence et qu'il s'agit

 13   d'une idée particulièrement dangereuse. Dans notre mémoire, nous expliquons

 14   comment les éléments de preuve émanant de témoins d'attestation ne sont pas

 15   forcément plus fiables que ceux qui découlent d'une identification. Car

 16   nous avons tous dans notre vécu eu l'expérience qui nous permet de penser

 17   que nous avons reconnu une vieille connaissance alors que par la suite il

 18   s'ensuit qu'il s'agit de quelqu'un de tout à fait différent.

 19   Alors, avec votre permission, je vais maintenant parler de l'impact

 20   de l'erreur de la Chambre de première instance pour chacun des lieux de

 21   crime. Mais avant - et avec votre aval - je me permettrais de présenter

 22   deux idées. Premièrement, l'impact que les différentes identifications dans

 23   le prétoire de Milan Lukic, identifications effectuées par des témoins à

 24   charge, a eu. Nous indiquons que cela est pertinent pour chaque lieu de

 25   crime. Et deuxièmement, la façon dont la Chambre de première instance a

 26   géré les éléments de preuve relatifs à la présence alléguée de Mitar

 27   Vasiljevic à Visegrad, et ce, à des dates particulièrement importantes.

 28   Cela pour l'incendie de la rue Pionirska ainsi que pour l'incident de


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  1   Bikavac.

  2   Pour ce qui est de l'identité de l'accusé, de l'identification de

  3   l'accusé dans le prétoire, je souhaiterais présenter quatre arguments.

  4   Premièrement, je souhaiterais mettre en exergue le préjudice qui fut causé

  5   à l'appelant par ces séances d'identification dans le prétoire. Car il faut

  6   savoir que cela a eu une incidence négative sur la façon dont la Chambre de

  7   première instance a examiné les éléments de preuve apportés par des témoins

  8   à charge qui indiquaient reconnaître Milan Lukic.

  9   Dans l'affaire Haradinaj, la Chambre d'appel a reconnu que même lorsque des

 10   décisions individuelles peuvent relever de la discrétion de la Chambre de

 11   première instance, la Chambre de première instance doit toutefois se

 12   concentrer de façon active pour assurer l'équité du procès. L'approche

 13   retenue par la Chambre d'appel dans Haradinaj a consisté à examiner les

 14   décisions de Chambre de première instance de façon cumulative par

 15   opposition à un examen individuel.

 16   Nous indiquons que nous sommes d'avis que vous devriez adopter la

 17   même approche lorsque vous allez évaluer l'impact des identifications dans

 18   le prétoire en l'espèce. Même lorsqu'une identification individuelle dans

 19   le prétoire a été autorisée et que cela est tout à fait permissible, la

 20   Chambre d'appel doit absolument prendre en considération l'impact que ces

 21   identifications multiples dans prétoire ont eu sur le jugement.

 22   Il faut savoir que les circonstances en l'espèce n'ont pas été tout à

 23   fait normales. En fait, nous avons essentiellement et quasiment

 24   exclusivement entendu les éléments de preuve fournis par des témoins

 25   oculaires auxquels des questions très détaillées étaient posées sur des

 26   événements qu'ils avaient pu observer il y a quelque 16 ans. Par exemple,

 27   eu égard à l'incendie de la rue Pionirska, il s'agit de savoir sur le

 28   Témoin VG-13 a été à même d'identifier Milan Lukic comme la personne qui a


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  1   ouvert la porte et jeté cet engin explosif à l'intérieur de la pièce alors

  2   qu'il faisait nuit et qu'il n'y avait pas d'électricité dans cette pièce.

  3   Nous avançons que lorsque l'identité prête à polémique et lorsqu'une

  4   affaire est entièrement tributaire de l'aptitude des témoins à identifier

  5   de façon précise l'accusé comme l'auteur des crimes - notamment si l'on

  6   prend en considération le fait que de nombreuses années s'étaient écoulées

  7   - cela représente un préjudice indu pour tout défenseur que les témoins

  8   identifient comme auteur des crimes, et ce, pour la première fois dans le

  9   prétoire. Nous avançons également que l'Accusation aurait dû organiser une

 10   procédure d'identification équitable hors du prétoire. Nous avançons que

 11   l'approche adoptée en l'espèce n'a pas permis à Milan Lukic de bénéficier

 12   de la protection la plus fondamentale qui lui aurait été octroyée dans le

 13   cadre d'une procédure d'identification beaucoup plus objective.

 14   Si l'Accusation était si absolument sûre et certaine de la fiabilité

 15   des éléments de preuve relatifs à l'identification, pourquoi est-ce qu'elle

 16   n'a pas utilisé une procédure juste et équitable hors du prétoire ?

 17   Pourquoi ne pas suivre les procédures énoncées dans le manuel consacré aux

 18   pratiques établies du Tribunal ? Rien n'aurait été perdu, mais le procès

 19   aurait été beaucoup plus juste et équitable, donc tout le monde y aurait

 20   gagné.

 21   Ces identifications multiples et répétées dans le prétoire ont causé au

 22   moins deux types de préjudice. Premièrement, nous remettons en question

 23   l'aptitude de tout juge du fait, qu'il s'agisse d'un jury ou d'un collège

 24   de juges, de faire fi de l'identification d'un témoin qui identifie un

 25   accusé dans le prétoire comme étant l'auteur de crimes qu'ils ont vu

 26   commettre un crime atroce à leur encontre ou à l'encontre d'autres

 27   personnes. L'Accusation sait de façon générale, bien qu'elle ne l'indique

 28   pas toujours, que la Chambre de première instance a utilisé des éléments de


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  1   preuve suivants lesquels les témoins connaissaient précédemment l'accusé,

  2   ce qui fait qu'il s'agit de témoignage d'attestation et qu'il ne s'agit pas

  3   d'identification dans le prétoire. Nous avançons en fait que le libellé ou

  4   la formule du jugement nient ou représentent un défi par rapport à ce qui

  5   s'est passé.

  6   Par exemple, eu égard à l'incendie de Bikavac, deux sur trois des

  7   témoins à charge principaux ont identifié Milan Lukic dans le Tribunal, il

  8   s'agit du Témoin VG-58 et VG-115. La Chambre de première instance a utilisé

  9   le fait que ces témoins avaient soi-disant reconnu Milan Lukic, alors

 10   qu'aucun de ces témoins n'a véritablement réussi l'épreuve du contre-

 11   interrogatoire.

 12   Dans une partie du jugement, la Chambre de première instance  conclut que

 13   le Témoin VG-58 a répondu de façon très évasive aux questions et que sa

 14   première déclaration de témoin ne faisait aucune référence à Milan Lukic

 15   pour ce qui était de l'incident de Bikavac. Dans une autre partie du

 16   jugement, la Chambre de première instance avance que le Témoin VG-115 n'a

 17   pas véritablement pu répondre aux questions du contre-interrogatoire. Et

 18   vous trouverez d'ailleurs de plus amples détails de ce que nous avançons

 19   dans les paragraphes 101 et 102 de notre mémoire.

 20   Et pourtant, en dépit de ces conclusions, la Chambre de première

 21   instance a conclu que Milan Lukic avait bel et bien été identifié par des

 22   témoins crédibles et fiables. Nous avançons en fait qu'il y a un certain

 23   manque de logique dans cette approche et qu'il est absolument évident que

 24   lorsqu'on leur a posé la question et qu'on leur a demandé s'ils étaient à

 25   même d'identifier l'auteur des crimes dont ils parlaient, ils ont tous

 26   montré Milan Lukic, qui était assis à la place de l'accusé, ce qui explique

 27   en fait ce changement.

 28   Deuxièmement, cette pratique d'identification dans le prétoire


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  1   représente un préjudice par rapport aux éléments de preuve apportés par le

  2   témoin. Parce que lorsqu'on leur demande de montrer l'accusé dans le

  3   prétoire, dans leur esprit, dans l'esprit du témoin, cela ne fait que

  4   renforcer l'idée suivant laquelle l'accusé est la personne qu'ils ont vu

  5   commettre un crime. Par exemple, en ce qui concerne l'incendie de la rue

  6   Pionirska, le Témoin VG-13 a été l'un des nombreux témoins à charge qui

  7   aient identifié Milan Lukic dans le Tribunal en avançant qu'ils pouvaient

  8   tout à fait le reconnaître. Mais nous avançons que les éléments de preuve

  9   apportés par le Témoin VG-13 ont changé du tout au tout après qu'elle ait

 10   montré Milan Lukic dans le prétoire. Avant ce geste, il y avait très peu

 11   d'éléments qui indiquaient qu'elle le connaissait préalablement. Elle a

 12   ensuite indiqué qu'elle l'impliquait et qu'elle le connaissait parce qu'il

 13   était très connu. Mais après l'avoir identifié dans le prétoire, le témoin

 14   a commencé à faire état de différents éléments relatifs au fait qu'elle le

 15   connaissait précédemment. La Chambre de première instance en a conclu que

 16   le Témoin VG-13 connaissait bien Milan Lukic auparavant.

 17   L'Accusation a accepté lors du procès - et je cite le mémoire de

 18   clôture de l'Accusation - que le Témoin VG-13 avait entendu parler de Milan

 19   Lukic avant ce jour, mais que c'est ce jour-là qu'elle se souvient l'avoir

 20   vu pour la première fois. Paragraphe 156 du mémoire de clôture de

 21   l'Accusation. Donc vous le voyez bien, vous le constatez, Messieurs les

 22   Juges. L'Accusation a pu, en fait, utiliser la rumeur et le mythe ou la

 23   légende qui s'étaient créés et qui font que le Témoin VG-13 a indiqué que

 24   Milan Lukic se trouvait le 14 juin 1992 dans la rue Pionirska. Nous voyons

 25   en fait que lorsque le Témoin VG-13 avance qu'elle reconnaît Milan Lukic,

 26   ce propos est en quelque sorte contaminé par le fait qu'elle a été

 27   autorisée à l'identifier dans le prétoire. L'Accusation a accepté ceci lors

 28   du procès, bien que maintenant elle essaie de changer de cap de façon un


Page 57

  1   peu maladroite.

  2   Vous remarquerez également, Messieurs les Juges, que l'Accusation

  3   avance que le Témoin VG-13 a fourni des réponses dans le cadre du contre-

  4   interrogatoire et a indiqué, en fait, qu'elle était un témoin

  5   d'attestation.

  6   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  7   M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, cela démontre qu'elle

  8   n'a pas véritablement été reconnue comme témoin d'attestation au moment où

  9   cette identification dans le prétoire s'est faite.

 10   J'aimerais maintenant aborder le thème de l'identification dans le

 11   prétoire par des témoins d'attestation. La Chambre de première instance a

 12   autorisé des témoins d'attestation à procéder à des identifications dans le

 13   prétoire. Nous observons à titre préliminaire que ce n'est pas ce qui s'est

 14   passé lors du procès. Car il n'y a pas véritablement une délimitation très

 15   nette et claire entre les témoins d'identification d'un côté, et les

 16   témoins d'attestation par ailleurs, et cette délimitation n'existe pas

 17   parce qu'il n'y a pas de critères juridiques différents qui ont été

 18   appliqués aux uns et aux autres. Il faut savoir que la Chambre de première

 19   instance a essayé justement de faire la part des choses.

 20   Nous avons l'arrêt Limaj, l'arrêt Kunarac et l'arrêt Kamuhanda, et la

 21   Chambre de première instance a essayé de faire la différence et a avancé

 22   que des identifications dans le prétoire devraient être découragées

 23   lorsqu'il s'agissait de témoins d'identification, mais que cela ne posait

 24   pas problème lorsqu'il s'agissait de témoins d'attestation. Nous avançons

 25   que la Chambre de première instance n'a pas véritablement bien repris le

 26   droit en question et n'a pas bien repris la distinction.

 27   Deuxièmement, nous avons la jurisprudence de ce Tribunal, qui ne permet pas

 28   d'accorder un poids donné à des identifications dans le prétoire effectuées


Page 58

  1   par des témoins d'attestation.

  2   Troisièmement, toujours en matière d'identification dans le prétoire, nous

  3   avançons en fait que la Chambre de première instance n'a pas véritablement

  4   accordé une valeur probante à ces identifications, à l'exception d'un des

  5   lieux de crime, le camp de détention d'Uzamnica. L'Accusation a accepté et

  6   concédé que la Chambre de première instance a accordé une valeur probante

  7   aux identifications opérées dans le prétoire par deux témoins pour ce qui

  8   est des passages à tabac et des sévices subis dans le camp de détention

  9   d'Uzamnica. Il s'agit des Témoins Dervisevic et Berberovic, le paragraphe

 10   pertinent étant le paragraphe 828.

 11   Nous énonçons que l'élément essentiel est que la Chambre de première

 12   instance a considéré qu'elle devait accorder un certain poids à ces

 13   attestations supposées dans le prétoire au fait que dans le prétoire Milan

 14   Lukic a été reconnu par ces témoins, parce que sinon il n'y avait pas

 15   suffisamment d'éléments de preuve permettant de déterminer que ces témoins

 16   étaient à même d'identifier Milan Lukic comme l'auteur des crimes.

 17   Si on suit la logique choisie par le bureau du Procureur, il n'y avait pas

 18   suffisamment d'éléments de preuve indiquant que les témoins connaissaient

 19   préalablement l'accusé et pouvaient donc identifier ces accusés. Bon, nous

 20   avions des descriptions très générales des caractéristiques physiques qui

 21   auraient pu, d'ailleurs, être retenues pour quasiment m'importe qui. Eu

 22   égard à Berberovic et Dervisevic, et je pense donc au fait qu'ils étaient

 23   censés connaître Lukic précédemment, ils ont indiqué cela des années après

 24   les événements. Ce n'est pas ce qu'ils avaient dit au moment des

 25   événements.

 26   Est-ce que nous pourrions nous intéresser au raisonnement suivi par

 27   la Chambre de première instance. La Chambre de première instance a conclu

 28   que Berberovic et Dervisevic étaient des témoins d'attestation, mais nous


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  1   avons appris de la bouche de Berberovic qu'il avait appris que la personne

  2   qui les avait attaqués s'appelait Milan Lukic et que c'était Dervisevic qui

  3   lui avait dit, mais Berberovic a également témoigné des problèmes de vue de

  4   Dervisevic qui étaient tels qu'il ne pouvait pas véritablement bien voir.

  5   Berberovic a également indiqué qu'une autre personne, le garde Muratagic,

  6   lui avait dit que cet homme était bel et bien Milan Lukic. La Défense n'a

  7   pas été en mesure de contre-interroger cette personne pour déterminer s'il

  8   avait véritablement dit ceci à Berberovic ou s'il avait été en mesure de

  9   reconnaître Lukic. La Chambre de première instance a indiqué qu'elle devait

 10   utiliser ces identifications de Milan Lukic dans le prétoire parce que les

 11   autres éléments de preuve contre lui étaient particulièrement déficients.

 12   Nous demandons que la Chambre de première instance indique qu'aucun poids

 13   ne devrait être accordé à ces identifications dans le prétoire. Et il

 14   s'ensuit de façon absolument inexorable que les conclusions à propos de

 15   Berberovic et de Dervisevic, qui ont été apparemment à même de reconnaître

 16   Milan Lukic, doivent être annulées.

 17   Quatrième et dernier élément, nous voulons en fait nous intéresser toujours

 18   aux identifications dans le prétoire. Ce que nous avançons, c'est que

 19   l'erreur de la Chambre de première instance a été prouvée par le fait que

 20   le témoin vedette de l'Accusation à propos de l'incendie de Bikavac, Zehra

 21   Turjacanin, n'a pas été en mesure d'identifier Milan Lukic dans le

 22   prétoire. Au paragraphe 724 du jugement, la Chambre de première instance

 23   indique tout simplement qu'elle a accordé très peu de poids à son

 24   inaptitude à reconnaître et à montrer Milan Lukic dans le prétoire. Elle ne

 25   fournit aucune explication à propos de la façon dont elle est parvenue à

 26   cette conclusion. Nous disons que la Chambre de première instance a commis

 27   une erreur de droit et de fait --

 28   Désolé. Il y avait un défaut de canal dans la cabine d'interprète.


Page 60

  1   Donc nous affirmons que l'incapacité d'un témoin à effectuer une

  2   identification dans le prétoire ne signifie pas nécessairement que tous les

  3   éléments d'identification doivent être exclus. Donc je répète, la Défense

  4   affirme que l'incapacité d'un témoin à identifier un accusé dans le

  5   prétoire ne signifie pas nécessairement que tous les éléments

  6   d'identification doivent être rejetés. Par exemple, dans l'affaire Limaj,

  7   la Chambre d'appel a évoqué la démarche appliquée dans Kvocka comme

  8   signifiant qu'un défaut d'identification de la part d'un accusé peut

  9   simplement être un motif pour refuser de prendre en compte la déposition

 10   d'un témoin. Nous admettons qu'en effet, ceci peut être une raison valable,

 11   mais il convient de se pencher sur la question avec le plus grand soin et

 12   en fournissant les explications nécessaires.

 13   A notre avis, la Chambre de première instance n'a simplement pas réglé ce

 14   problème. Elle n'a pas expliqué comment il lui était possible de laisser de

 15   côté cette incapacité de Zehra Turjacanin à reconnaître Milan Lukic dans le

 16   prétoire. Donc nous sommes face à un problème qui n'a pas reçu de solution.

 17   Nous affirmons que la Chambre de première instance a admis simplement

 18   l'affirmation de Zehra Turjacanin selon laquelle elle reconnaissait Milan

 19   Lukic, et elle n'a pas traité avec la diligence nécessaire les difficultés

 20   posées par cette déposition du témoin. Ces affirmations se retrouvent dans

 21   les paragraphes 245 à 257 de notre mémoire d'appel et au paragraphe 98 de

 22   notre mémoire en réponse.

 23   Messieurs les Juges, ceci met un terme à mes arguments eu égard au

 24   comportement des témoins dans le prétoire en matière d'identification.

 25   Et je proposerais de passer maintenant à la question suivante, à

 26   savoir le traitement accordé par la Chambre de première instance aux

 27   éléments de preuve relatifs à la présence alléguée de Mitar Vasiljevic à

 28   Visegrad le 14 juin 1992. Ceci est avant tout pertinent par rapport à


Page 61

  1   l'incendie de la rue Pionirska, mais a également des implications eu égard

  2   à l'incident de Bikavac.

  3   Messieurs les Juges, cela peut vous être d'un certain secours que je

  4   commence en disant clairement pour quelle raison nous affirmons que la

  5   présence ou l'absence de Mitar Vasiljevic est pertinente par rapport à la

  6   situation de Milan Lukic avant de traiter de l'erreur que, nous affirmons,

  7   a commise la Chambre de première instance. Que Mitar Vasiljevic ait été

  8   présent ou pas dans la rue Pionirska a été un sujet de désaccord pour les

  9   Juges de la Chambre de première instance. La majorité d'entre eux a jugé

 10   que Vasiljevic était présent, alors que le Juge Robinson, faisant

 11   dissidence, a jugé que Vasiljevic ne pouvait pas être présent sur les

 12   lieux, comme la Chambre de première instance l'avait fait dans le procès

 13   intenté à Vasiljevic.

 14   Si un témoin a fait erreur et que cette erreur est démontrée, y compris si

 15   cette erreur confine au mensonge eu égard à la présence de Mitar

 16   Vasiljevic, ce point doit être pris en compte pour évaluer la crédibilité

 17   des affirmations faites selon lesquelles ils ont pu identifier Milan Lukic

 18   comme étant présent sur les lieux au côté de Vasiljevic. Et cet argument

 19   est renforcé parce que Vasiljevic était le mieux connu des deux hommes. Il

 20   était le garçon de café qui connaissait tout le monde.

 21   La majorité des Juges de la Chambre de première instance s'est appuyée sur

 22   les déposition de VG-13, VG-37, VG-78 et VG-101 en jugeant que ces témoins

 23   étaient crédibles s'agissant d'établir la présence de Mitar Vasiljevic dans

 24   la rue Pionirska. La Chambre de première instance s'est appuyée sur ces

 25   mêmes témoins pour établir la présence de Milan Lukic en des lieux très

 26   importants. Par exemple, le Témoin VG-13 affirme que Mitar Vasiljevic, en

 27   compagnie de Milan Lukic, a fermé la porte de la maison d'Adem Omeragic

 28   dans la rue Pionirska au moment où la bombe incendiaire était jetée à


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  1   l'intérieur de la maison. Le Témoin VG-13 a déclaré que, alors qu'ils se

  2   trouvaient à l'intérieur de la maison d'Adem Omeragic, Mitar Vasiljevic a

  3   fait flamber une torche en direction des fenêtres pour voir si quiconque

  4   essayait de s'échapper alors que Milan Lukic tirait des coups de feu.

  5   Messieurs les Juges, ceci concerne les paragraphes 163 et 164 de notre

  6   mémoire en appel. Ce témoin a prétendu être capable de reconnaître aussi

  7   bien Milan Lukic que Mitar Vasiljevic en dépit du fait que les deux

  8   personnes qu'elle a vu avaient besoin d'une torche pour bien voir la

  9   maison. Dans le cas où un témoin se trompe manifestement quant à la

 10   présence d'une personne en un lieu, il demeure un doute quant à la présence

 11   de l'autre personne en ce même lieu.

 12   Par conséquent, si vous jugez que la Chambre de première instance a

 13   commis une erreur de droit et de fait eu égard à la présence de Mitar

 14   Vasiljevic, il vous faut tenir compte de l'incidence que cet avis aura sur

 15   les conclusions de la Chambre de première instance quant à la présence dans

 16   les mêmes lieux de Milan Lukic. Et nous apportons des éléments

 17   complémentaires sur ce point dans le motif 3(E) d'appel.

 18   Messieurs les Juges, je conclus par ces mots les arguments de la Défense

 19   concernant l'importance de la présence de Vasiljevic pendant l'événement

 20   lié à la bombe incendiaire dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue

 21   Pionirska. Et j'aimerais maintenant aborder l'importance du fait que la

 22   Chambre de première instance n'a pas tenu compte de critères obligatoires

 23   eu égard aux six endroits où des crimes ont été commis.

 24   J'aimerais commencer par l'incident survenu sur les bords de la Drina.

 25   Messieurs les Juges, quatre témoins ont été témoins des coups de feu tirés

 26   sur les rives de la Drina le 7 juin 1992. Les Témoins VG-14 et VG-32 ont

 27   survécu à l'incident. Mitar Vasiljevic était l'un des tireurs et a été

 28   condamné dans le cadre d'un procès qui lui a été intenté individuellement.


Page 63

  1   Le Témoin VG-73 a été témoin des événements depuis la rive opposée de la

  2   Drina. La Chambre de première instance ne s'est pas appuyée sur sa

  3   déposition où il affirmait être capable d'identifier Milan Lukic, donc nous

  4   ne traiterons pas de ce sujet.

  5   Mais parlons d'abord de Mitar Vasiljevic. Les Témoins VG-14 et VG-32 ont

  6   témoigné à charge dans le procès qui lui a été intenté. La Défense, dans le

  7   motif 1(F) de notre mémoire en appelle, affirme que Vasiljevic, ayant

  8   entendu la déposition de ces témoins, était obligé de faire ce qu'il

  9   jugeait bon pour essayer de se sortir de la situation difficile dans

 10   laquelle il se trouvait. Ces témoins pensaient avoir vu Milan Lukic au côté

 11   de Vasiljevic. Vasiljevic pensait qu'il y avait de grands risques pour lui

 12   d'être condamné. Donc, voilà l'incitation qui l'a poussé à corroborer un

 13   certain nombre des aspects de leur déposition tout en cherchant à réduire

 14   au minimum sa propre implication. Sachant que Milan Lukic n'avait pas été

 15   arrêté et pensant qu'il ne le serait jamais, Vasiljevic a impliqué l'autre

 16   personne dont les Témoins VG-14 et VG-32 avaient déclaré qu'elle était

 17   présente sur les lieux en cherchant à reporter la responsabilité sur cette

 18   personne.

 19   Messieurs les Juges, la Chambre de première instance n'a pas examiné cette

 20   éventualité. Elle s'est appuyée sur la déposition du Témoin VG-14 comme

 21   corroborant le récit de Vasiljevic, ce qui est insuffisant. Car Vasiljevic

 22   avait une incitation qui le poussait à corroborer le récit du Témoin VG-14.

 23   Le Témoin VG-14 prétend avoir reconnu Milan Lukic, bien que ce témoin ne

 24   l'ait jamais vu depuis 1984, alors qu'ils n'étaient que de jeunes gens de

 25   16 ans. Rien n'a été dit par les Juges de la Chambre de première instance

 26   par rapport au danger d'une reconnaissance erronée dans de telles

 27   circonstances.

 28   Dans le première déclaration de VG-14 après les tirs, à savoir en 1998,


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  1   soit six ans plus tard, il décrit Milan Lukic comme présentant une marque

  2   de naissance de grande taille et tout à fait distinctive sur la joue

  3   droite. Messieurs les Juges, l'affirmation essaie de réduire cet aspect de

  4   la déposition de VG-14 en laissant à penser que VG-14 a parlé soit d'une

  5   marque de naissance, soit d'un grain de beauté. Mais dans la première

  6   déclaration en notre possession, bien que celle-ci ait été fournie six ans

  7   après le crime, les mots utilisés par le témoin sont bien une marque de

  8   naissance distinctive et de grande taille. L'Accusation affirme que la

  9   Chambre de première instance s'est appuyée sur la gestuelle de VG-14. Nous

 10   disons qu'un témoin qui est convaincant et a confiance dans ce qu'il dit

 11   peut se tromper et induire en erreur. Le fait que la Chambre de première

 12   instance ne se soit pas penchée sur ces possibilités alors que le domaine

 13   était assez risqué donne lieu à des erreurs judiciaires.

 14   Le Témoin VG-32 ne connaissait pas non plus Milan Lukic, comme nous

 15   l'expliquons dans les paragraphes 46 à 49 de notre mémoire en appel.

 16   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 17   M. VISNJIC : [interprétation] La bonne manière pour l'Accusation de

 18   présenter ses arguments aurait consisté à procéder à une identification en

 19   bonne et due forme dans le prétoire. La Chambre de première instance aurait

 20   dû respecter les principes juridiques pertinents et les mettre en œuvre.

 21   Rien de tout cela n'a été fait.

 22   Parlons maintenant de l'incident survenu dans l'usine de Varda. La Chambre

 23   de première instance s'est appuyée principalement sur la déposition du

 24   Témoin VG-42. Messieurs les Juges, le principal témoin en l'espèce a

 25   affirmé pouvoir identifier Milan Lukic à une distance d'au moins 50 mètres,

 26   alors que ce témoin est une personne qui, de son propre aveu, avait vu

 27   Milan Lukic pour la dernière fois alors qu'ils étaient encore des enfants.

 28   Messieurs les Juges, nous affirmons que la Chambre de première instance a


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  1   commis une erreur importante en n'examinant pas cette affirmation avec le

  2   soin nécessaire. Nous affirmons que ce témoin a exagéré sa capacité

  3   d'identification après un grand nombre d'années.

  4   Et ce qui est particulièrement important, Messieurs les Juges, c'est que la

  5   première déclaration du Témoin VG-42 a été fournie en 1993. Ce témoin

  6   n'identifie pas dans cette déclaration Milan Lukic comme étant l'auteur du

  7   crime, bien que, Messieurs les Juges, elle l'associe aux crimes commis dans

  8   les environs de Visegrad. C'est seulement en 1998 que ce témoin identifie

  9   Milan Lukic comme ayant commis des crimes biens précis, et notamment comme

 10   étant responsable de la disparition de son mari. La Chambre de première

 11   instance n'a pas examiné avec le soin nécessaire l'éventualité que le

 12   Témoin VG-42 ait commis une erreur d'identification en reconnaissant le

 13   tireur en raison de la grande distance qui la séparait de lui. Dans le même

 14   ordre d'idées, VG-24 a témoigné devant le Chambre de première instance, et

 15   cette dernière n'a pas envisagé la possibilité que la reconnaissance

 16   effectuée par ce témoin ait été erronée. Il s'agissait d'un témoin qui a

 17   commis une erreur d'identification impliquant Milan Lukic à deux reprises

 18   au moins. La Chambre de première instance a commis une erreur en

 19   n'accordant pas l'importance nécessaire à ces erreurs d'identification.

 20   Globalement, il n'existe aucun élément de preuve indiquant que Milan

 21   Lukic était le tireur. Le critère de la preuve par rapport à un lieu de

 22   crime était loin de ce que peut accepter un tribunal pénal international.

 23   Parlons maintenant de l'incident de la rue Pionirska. Les principaux

 24   témoins évoquant l'incendie dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue

 25   Pionirska ont été les Témoins VG-13, VG-78 et VG-101. Chacun de ces témoins

 26   a prétendu que Mitar Vasiljevic était présent sur les lieux et nous avons

 27   déjà présenté des arguments sur ce sujet. Le Témoin VG-13 n'était pas un

 28   témoin d'attestation, et l'Accusation l'a admis durant le procès. En appel,


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  1   l'Accusation est revenue sur sa position et soutient qu'il existe une

  2   grande possibilité pour que VG-13 ait reconnu Milan Lukic.

  3   Messieurs les Juges, l'Accusation doit revenir à sa position

  4   initiale, et cette position consiste à dire que VG-13 ne connaissait pas

  5   Milan Lukic, mais l'a impliqué ultérieurement dans ce crime. L'Accusation

  6   ne disposait d'aucun autre élément de preuve indiquant que Milan Lukic

  7   avait allumé l'incendie, et tout comme la Chambre de première instance l'a

  8   fait dans l'affaire Vasiljevic en estimant que le stress lié à la situation

  9   avait réduit les capacités de VG-13 d'identifier Mitar Vasiljevic, la

 10   Chambre de première instance aurait dû aboutir à une conclusion similaire

 11   en l'espèce.

 12   Les Témoins VG-78 et VG-101 sont deux sœurs. Elles affirment être

 13   allées à l'école avec Milan Lukic dix ans avant l'incident de la rue

 14   Pionirska. La Chambre de première instance n'a pas examiné dans le détail

 15   un fondement aussi faible pour procéder à une reconnaissance. Messieurs les

 16   Juges, vous devriez comparer le soin apporté par la Chambre de première

 17   instance dans l'affaire Vasiljevic eu égard à la déposition de ces témoins

 18   à la démarche appliquée par la Chambre de première instance en l'espèce. La

 19   Chambre de première instance Vasiljevic a rejeté les éléments de preuve de

 20   ces témoins comme non fiables parce qu'elle a examiné ces éléments de

 21   preuve de façon approfondie après avoir établi les critères pris en compte

 22   dans le paragraphe 16 de ce jugement.

 23   Quant à la question de la lumière disponible, la Chambre de première

 24   instance a totalement omis de prendre en compte les difficultés qu'il peut

 25   y avoir à identifier une personne de nuit. L'Accusation déclare qu'il y

 26   existait diverses sources de luminosité qui permettaient de voir les

 27   auteurs des actes. Nous disons que ceci ne suffit pas. Nous n'avons aucune

 28   indication claire permettant de penser que la Chambre de première instance


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  1   a examiné dans le détail le niveau de luminosité existant et quelles

  2   pouvaient être les conséquences de cette luminosité sur la reconnaissance

  3   ou la non-reconnaissance effectuée par le témoin. Donc le fait de mettre

  4   l'accent sur l'existence d'une vague source de lumière dans la soirée du 14

  5   juin 1992, comme l'a fait l'Accusation, ne suffit pas.

  6   Parlons maintenant de l'incident de Bikavac. Les principaux témoins

  7   évoquant Bikavac sont Zehra Turjacanin, le Témoin VG-58 et le Témoin VG-

  8   115. La Chambre de première instance a jugé que la présence de Milan Lukic

  9   était établie par des témoins crédibles et fiables. Nous vous avons déjà

 10   parlé de la déposition de Zehra Turjacanin. Elle ne pouvait pas reconnaître

 11   Milan Lukic parce qu'elle ne le connaissait pas. Mais elle a impliqué Milan

 12   Lukic et son groupe sur la base de la notoriété apparente de cet homme.

 13   Nous faisons remarquer qu'elle a également impliqué Mitar Vasiljevic dans

 14   l'incident de Bikavac, mais comme nous le savons, Mitar Vasiljevic s'était

 15   fracturé la jambe une semaine avant les faits et ne pouvait donc pas être

 16   présent sur les lieux. En fait, le bureau du Procureur a retiré toutes les

 17   charges contre Vasiljevic par rapport à Bikavac.

 18   Eu égard aux Témoins VG-58 et VG-115, la Chambre de première instance a

 19   jugé que leurs dépositions étaient évasives et ne résistaient pas au

 20   contre-interrogatoire. Et pourtant, de façon inexplicable, ces conclusions

 21   très claires n'ont pas été prises en compte dans l'analyse ultime. Si la

 22   Chambre de première instance avait examiné les critères juridiques

 23   convenables et qu'elle les avait appliqués pendant tout le jugement en

 24   première instance, elle aurait dû rejeter la déposition de ces deux

 25   témoins. Les contradictions fondamentales que l'on trouve dans les récits

 26   de ces témoins, que la Chambre de première instance a reconnues elle-même,

 27   exigeaient que soient rejetées leurs dépositions.

 28   Messieurs les Juges, nous critiquons en particulier le paragraphe 718 du


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  1   jugement en première instance. C'est un paragraphe court qui ne comporte

  2   que deux phrases, mais nous disons que ces deux phrases se contredisent.

  3   Aucun raisonnement n'est fourni quant à la façon dont la Chambre de

  4   première instance a pu décider de prendre en compte la déposition de ces

  5   témoins étant donné les conclusions faites par elle indiquant que ces

  6   témoignages était évasifs et n'avaient pas résisté au contre-

  7   interrogatoire.

  8   Parlons maintenant du meurtre de Hajra Koric. Messieurs les Juges, la

  9   Chambre de première instance a examiné les faits et a apprécié les éléments

 10   de preuve relatifs au meurtre de Hajra Koric, mais elle l'a fait de façon

 11   insuffisante. Deux témoins ont témoigné au sujet du meurtre de Hajra Koric,

 12   les Témoins VG-35 et CW-2. VG-35 a prétendu qu'elle avait reconnu Milan

 13   Lukic parce qu'il l'avait violée. Mais, Messieurs les Juges, la description

 14   faite par VG-35 de son violeur ne correspond pas à l'aspect de Milan Lukic.

 15   Sa première déclaration décrivait un homme aux yeux bleus présentant des

 16   marques de naissance sur tout le corps. Messieurs les Juges, il est tout

 17   simplement impossible qu'une Chambre de première instance qui est soumise,

 18   comme il se doit, à des critères pertinents laisse de côté de telles

 19   dépositions.

 20   Dans le même ordre d'idées, eu égard au Témoin CW-2, eh bien, il s'agit

 21   d'un témoin qui décrit d'abord l'agresseur comme ayant les cheveux blonds.

 22   La Chambre de première instance ne s'est pas penchée sur l'importance des

 23   premiers récits faits par ces témoins des événements avant que des

 24   modifications n'interviennent au fil du temps. Par ailleurs, dans sa

 25   déclaration de 2008, le témoin laisse entendre que d'autres Chetniks ont

 26   tiré les premiers coups de feu.

 27   Messieurs les Juges, la Chambre de première instance ne pouvait pas rejeter

 28   ces éléments en déclarant que le témoignage des témoins avait résisté au


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  1   contre-interrogatoire. La Chambre de première instance devait expliquer

  2   comment elle a pu admettre des éléments de preuve aussi contradictoires

  3   dans leur essence même venant de ces témoins. Parlons maintenant

  4   d'Uzamnica. Nous avons déjà présenté des arguments par rapport à la

  5   déposition de deux témoins pertinents qui évoquent des passages à tabac

  6   dans le camp de détention d'Uzamnica, il s'agit de Berberovic et de

  7   Dervisevic. Nous avons déjà présenté nos arguments dans les motifs d'appel

  8   6(A), 6(B) et 6(C).

  9   J'aimerais maintenant que nous passions à une brève conclusion.

 10   Messieurs les Juges, Milan Lukic et les autres étaient bien connus à

 11   Visegrad en 1992 car ils avaient combattu et tué de nombreux Musulmans de

 12   Bosnie au cours des combats. Nombre d'autres allégations ont circulé, comme

 13   c'est le cas dans tous les conflits. La plupart de ces accusations n'ont

 14   fait l'objet d'aucun procès et n'ont pas été examinées de très près. Quoi

 15   qu'il en soit, les récits qui circulaient au sujet de Milan Lukic ont fait

 16   boule-de-neige, nourris par les craintes d'une escalade ethnique du

 17   conflit. Mais ceci ne diminue pas le fardeau qui pèse sur ce Tribunal qui a

 18   pour devoir de veiller à ce que la charge de la preuve soit respectée et

 19   s'applique dans tous les cas de façon égale et qui doit veiller à ce que

 20   les personnes considérées comme responsables d'atrocités soient

 21   convenablement déterminées.

 22   En l'espèce, dans le procès de Milan Lukic, l'Accusation n'a pas

 23   respecté les pratiques définies par elle et la Chambre de première instance

 24   n'a pas appliqué les principes juridiques de base. Les investigations n'ont

 25   pas été suffisantes. Et sauf le respect que je dois à la Chambre, la

 26   Défense affirme que la Chambre de première instance en l'espèce a commis

 27   une erreur et qu'il est grand temps que ces erreurs soient corrigées. Nous

 28   disons qu'une décision aussi difficile que celle-ci incombe désormais aux


Page 70

  1   Juges de la Chambre d'appel, et que la condamnation de Milan Lukic ne tient

  2   tout simplement pas. C'est simplement en prenant une décision d'annulation

  3   que la présente Chambre d'appel aura rempli son devoir.

  4   J'aimerais maintenant donner la parole à mon collègue, Me Ivetic.

  5   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- pour terminer. Merci.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Mon commentaire ne

  8   nécessitera que dix minutes.

  9   Je voudrais vous donner des informations concernant les branches 3(I) et

 10   4(H) de notre appel et la question qui se pose si chacun des ces événements

 11   peuvent être considérés comme relevant d'un crime d'extermination. Pour

 12   commencer, je voudrais faire remarquer que même si nous pensons que les

 13   Juges de cette Chambre ont commis une erreur en condamnant Milan Lukic pour

 14   les meurtres à Pionirska et Bikavac, nos autres arguments figurent dans les

 15   troisième et quatrième motifs d'appel.

 16   Pour ce qui est de l'extermination, nous pensons que les Juges de la

 17   Chambre n'ont pas appliqué le critère juridique approprié. Nous pensons que

 18   la majorité a, en fait, abaissé le critère qui définit le crime

 19   d'extermination. L'élément juridique distinctif pour l'extermination est en

 20   fait le caractère massif de ces meurtres. D'après les autorités

 21   décisionnelles, cet élément massif peut être appelé un massacre, dans

 22   l'affaire Blagojevic; ou des "meurtres importants" ou "en grand nombre",

 23   dans l'affaire Semanza; destruction en masse, dans l'affaire Ntakirutimana,

 24   jugement en appel, paragraphe 516; ou des meurtres d'une ampleur importante

 25   ou massive, encore une fois jugement en première instance dans l'affaire

 26   Blagojevic; ou un "plan de grande envergure impliquant des meurtres

 27   collectifs", et j'en veux pour preuve le paragraphe 228 dans l'affaire

 28   Vasiljevic.


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  1   Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

  2   caractère massif porte sur le nombre des victimes, et pas sur la définition

  3   des ces meurtres.

  4   Nous pensons qu'en ce qui concerne les événements ou incidents de Pionirska

  5   et Bikavac, la majorité des Juges a commis une erreur dans la qualification

  6   juridique des incidents considérés comme étant une extermination. Pour les

  7   incidents de Pionirska, la majorité des Juges s'est basée sur le nombre et

  8   sur le type de victimes, sur la région dont ils venaient et sur la manière

  9   dont l'incendie a été préparé. Paragraphe 945 du jugement en première

 10   instance.

 11   En ce qui concerne les incidents de Bikavac, la majorité des Juges a

 12   utilisé la manière dont la maison avait été préparée, la manière dont les

 13   victimes avaient été rassemblées à l'intérieur de la maison, ainsi que le

 14   nombre et le type de victimes, et s'est penchée sur le caractère vulnérable

 15   de ces victimes. J'en veux pour preuve le paragraphe 949 du jugement en

 16   première instance.

 17   Mais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans chacun des ces

 18   exemples suscités, les Juges de la Chambre ont fait remarquer qu'au total

 19   on comptait une soixantaine de victimes. La majorité des Juges a donc eu

 20   une approche qui est contraire à l'histoire de l'extermination dans le

 21   droit.

 22   D'un point de vue historique, on entend parler pour la première fois de

 23   concept d'extermination à Nuremberg. Etant donné que le statut du tribunal

 24   militaire international ne comportait pas une disposition concernant le

 25   génocide, l'extermination était donc utilisée pour intenter des poursuites

 26   contre des personnes accusées d'exactions. Les éléments de l'extermination

 27   étaient définis comme étant un schéma ou un plan important visant à des

 28   persécutions raciales; et deuxièmement, un comportement précis des accusés


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  1   pour faire avancer ce plan ou ce schéma directeur. Le tribunal de Nuremberg

  2   a, bien sûr, reconnu qu'aucun des accusés n'avait commis directement ces

  3   crimes. Cependant, ces accusés avaient participé à la création, et je cite,

  4   "d'un système organisé à l'échelle du pays, système de cruauté et

  5   d'injustice." Nous pensons que c'est ceci qui est à l'origine du concept du

  6   caractère massif et du seuil qu'il faut définir.

  7   La note en bas de page numéro 587 dans le jugement Vasiljevic mentionne les

  8   deux cas où le crime d'extermination a été utilisé, et cela portait sur des

  9   meurtres, au total, de 733 personnes. Tant le TPIR que le TPIY se sont

 10   assurés que ce caractère massif reste à un niveau élevé dans leurs

 11   décisions sur des incidents multiples cumulables, c'est-à-dire Akayesu,

 12   Stakic, Krstic. Le TPIY et le TPIR se sont assurés que les meurtres

 13   devaient être d'une ampleur telle qu'il était impossible d'identifier, de

 14   nommer ou de recenser les victimes de manière précise, et j'en veux pour

 15   preuve le jugement en appel Ntakirutimana; et le caractère massif était

 16   également dans l'élément du chapeau de l'article en question concernant les

 17   crimes contre l'humanité, encore une fois dans le jugement en appel dans

 18   l'affaire Ntakirutimana.

 19   La jurisprudence a également mentionné que l'extermination ne peut être

 20   envisagée que lorsque les accusés ont participé à une entreprise criminelle

 21   commune principale. Dans les jugements du TPIY et dans les procès de celui-

 22   ci, ce critère n'a jamais été considéré comme pouvant s'appliquer à une

 23   situation inférieure à celle de la municipalité.

 24   J'invite donc les Juges de cette Chambre de considérer le paragraphe 229 de

 25   notre mémoire préalable à l'appel qui précise les différentes affaires qui

 26   se sont connues de cas d'extermination au TPIY et au TPIR. Dans aucun des

 27   ces cas, il y avait des incidents qui ne recensaient qu'environ 60

 28   personnes.


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  1   Je remarque que l'Accusation, dans son mémoire, a fait référence au

  2   jugement dans le procès Krajisnik pour les incidents de Pionirska et de

  3   Bikavac, mais je dois rappeler que la Chambre d'appel a annulé la

  4   condamnation pour extermination, même si elle n'a pas déterminé si le

  5   critère était rempli ou si le seuil avait été dépassé pour ces deux cas. A

  6   l'instar du jugement dans l'affaire Vasiljevic, où Vasiljevic a été

  7   acquitté pour le crime d'extermination pour d'autres motifs, les Juges de

  8   cette Chambre n'ont pas évalué si ces deux incidents pouvaient être définis

  9   comme étant une extermination.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous demandons aujourd'hui

 11   de résoudre une question qui reste en suspens en droit, à savoir si deux

 12   groupes de 60 personnes constituent en fait un critère suffisant pour

 13   définir ce crime d'extermination ou de meurtre massif, notamment dans ce

 14   cas précis où il n'y a pas d'entreprise criminelle commune.

 15   Nous pensons que la Chambre d'appel devrait être également guidée par le

 16   jugement Martic, où l'accusé a été considéré comme non coupable pour les

 17   crimes d'extermination --

 18   M. LE JUGE GUNEY : Excusez-moi de vous interrompre. Bien qu'il soit un peu

 19   tardif, il y avait un certain retard dans la matinée, un certain retard

 20   involontaire et en dehors du contrôle. Donc on a revu l'horaire, et le

 21   nouveau horaire -- on a mis au point le nouveau horaire, et le nouvel

 22   horaire est déjà en vigueur. Donc le temps de parole était analysé selon

 23   l'horaire modifié. Veuillez, s'il vous plaît, essayer d'accommoder cette

 24   nouvelle situation à cette fin.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Merci. J'ai, en fait, organisé mes

 26   commentaires de manière appropriée en fonction du nouvel ordre du jour. Et

 27   il ne me reste que deux commentaires à faire.

 28   Nous pensons que la Chambre d'appel --


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  1   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]

  2   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  3   M. LE JUGE GUNEY : J'ai dit, un nouvel ordre du jour sera distribué pendant

  4   la pause, c'est pour votre information. Ainsi, à toutes les parties, il

  5   sera distribué.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  7   nous pensons que la Chambre d'appel devrait s'en tenir au jugement dans

  8   l'affaire Martic, où l'accusé a été déclaré non coupable pour le crime

  9   d'extermination suite à la mort de 165 victimes. Nous pensons, Monsieur le

 10   Président, Messieurs les Juges, qu'il s'agit de la seule affaire au TPIY

 11   qui se connaît d'un nombre de victimes presque similaire, cependant le

 12   nombre de victimes était supérieur, et dans ce cas, ils ont déterminé que

 13   le crime d'extermination n'était pas le critère juridique à appliquer. Et,

 14   par conséquent, ils n'ont considéré ces crimes que comme des crimes

 15   d'homicide ou de meurtre.

 16   De plus, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous invitons à

 17   consulter le jugement en première instance du TPIR de 2008 dans l'affaire

 18   Zigiranyirazo, où la Chambre a déterminé que le caractère massif était

 19   rempli puisqu'il s'agissait d'un incident où "des centaines, voire des

 20   milliers de personnes avaient été tuées," mais la même Chambre a considéré

 21   que "au moins dix ou 20 personnes" qui avaient été tuées dans un barrage

 22   routier dans un autre incident ne constituait pas un critère suffisant pour

 23   déterminer le caractère massif et, par conséquent, pour avoir une

 24   condamnation au titre d'un crime d'extermination. Il s'agit des paragraphes

 25   434 et 439 du jugement dans l'affaire Zigiranyirazo.

 26   Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous demandons

 27   que les condamnations pour extermination soient révoquées et que cette

 28   erreur commise par la majorité des Juges soit redressée par les remèdes


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  1   auxquels nous avons accès en appel.

  2   Et ceci conclut nos arguments pour la Défense de Milan Lukic en appel. Je

  3   vous remercie.

  4   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître Ivetic. Nous allons maintenant prendre une

  5   pause de 30 minutes. Donc une pause de 30 minutes est envisagée, et la

  6   Chambre reprendra à 11 heures et demie, 11 heures 30. L'audience est

  7   suspendue. Merci.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 58.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 35.

 10   M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. J'inviterais maintenant les

 11   représentants du bureau du Procureur à présenter leurs arguments en

 12   réponse, mais avant de le faire, avant de le faire, "Judge Liu has a

 13   question."

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous prie de m'excuser, j'ai une

 15   question que je souhaiterais poser aux conseils des appelants. J'ai été

 16   tout particulièrement intéressé par vos arguments concernant le critère à

 17   remplir en terme de nombre de personnes pour qualifier un crime

 18   d'extermination. Je pense qu'il y a une jurisprudence en la matière. Dans

 19   l'affaire Brdjanin, les Juges de la Chambre ont dit :

 20   "Même si l'extermination implique un nombre important de victimes,

 21   l'extermination peut également être définie comme telle même lorsque le

 22   nombre de victimes est limité."

 23   Et dans l'affaire Stakic, les Juges en première instance ont déclaré que :

 24   "Les meurtres devaient se produire à grande envergure dans un endroit bien

 25   déterminé et dans un laps de temps très court."

 26   Et dans l'affaire Blagojevic, les Juges en première instance ont dit :

 27   "Même si certains Juges de première instance se sont demandé si les

 28   critères de destruction en masse nécessitaient d'avoir un nombre minimum de


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  1   victimes, les Juges de la Chambre ont décidé qu'il n'y avait pas en fait de

  2   critère de ce genre à remplir. Selon les Juges de cette Chambre, toute

  3   tentative visant à fixer un nombre minimum de victimes dans l'abstraction

  4   s'avèrerait peu souhaitable. Le caractère massif doit être évalué au cas

  5   par cas en fonction du comportement criminel et de tous les autres facteurs

  6   pertinents."

  7   Je voulais, par conséquent, savoir quels étaient les commentaires des

  8   conseils de la Défense au vu de la jurisprudence du TPIY.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. C'est une très bonne

 10   question. Nous ne demandons aux Juges de la Chambre d'appel de fixer un

 11   seuil minimum pour définir le crime d'extermination. La jurisprudence que

 12   vous avez mentionnée est claire, à savoir qu'il n'y a pas de seuil minimum

 13   à franchir pour pouvoir définir un crime d'extermination, et dans l'affaire

 14   Ntakirutimana en appel il y a un paragraphe qui a également traité de cela.

 15   Mais il y avait une analyse au cas par cas qui avait été faite au

 16   paragraphe 260 du jugement en appel dans l'affaire Stakic, et je vous

 17   demanderais de vous pencher sur ce jugement pour s'assurer que tous les

 18   faits pour chacun des incidents concernés impliquant 60 personnes étaient

 19   un effectif suffisant pour dépasser ce seuil qui déterminerait le caractère

 20   massif d'une extermination.

 21   Et nous avons mentionné également le jugement en première instance

 22   dans l'affaire Martic, et dans ce procès-là les Juges de la Cour se sont

 23   penchés sur la totalité des éléments de preuve et se sont demandé si les

 24   165 meurtres devraient être considérés de manière indépendante ou cumulée,

 25   mais que de manière cumulée cela ne suffisait cependant pas pour définir

 26   une extermination. Ils se sont concentrés sur des crimes qui avaient été

 27   commis dans une période de temps donnée et dans un endroit bien délimité.

 28   Dans le jugement en appel dans l'affaire Brdjanin, l'extermination


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  1   avait été considérée comme applicable, et cela portait sur 68 personnes à

  2   Brisevo, mais au total il y avait une totalité de 1 669 personnes qui

  3   avaient été tuées durant plusieurs incidents dans les municipalités de

  4   l'ARK. Et il y avait également des circonstances qui étaient liées aux

  5   meurtres qui s'étaient produits à cette époque. C'est au paragraphe 472 du

  6   jugement en appel.

  7   Comme la Chambre d'appel dans l'affaire Brdjanin l'avait fait

  8   remarqué très justement, le jugement en première instance considérait des

  9   meurtres sur tout le territoire de l'ARK dans son ensemble plutôt que des

 10   incidents isolés. Ils les avaient donc cumulés. Dans ce cas-là, vous devez

 11   prendre en compte qu'il n'y a pas, contrairement aux autres affaires,

 12   d'entreprise criminelle commune, ni de plan global sur un vaste territoire.

 13   Et cette affaire est plus proche de la réflexion à laquelle se sont livrés

 14   les Juges dans l'affaire Martic plutôt que de celle de l'affaire Brdjanin.

 15   Et il faut une analyse au cas par cas qui va être réalisée étant donné que

 16   les crimes se sont produits dans un temps limité, dans une zone très

 17   limitée également et sans entreprise criminelle commune, et commis par un

 18   nombre limité de personnes.

 19   J'espère que ceci répond à vos questions, Monsieur le Juge Liu.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Je pense que je l'entendrai à

 21   l'avenir.

 22   M. KREMER : [interprétation] En 1992 et 1993, Milan Lukic a tué, terrorisé

 23   et battu sauvagement de nombreux Bosno-Musulmans dans la ville de Visegrad

 24   et dans les environs. Après avoir entendu les témoignages horribles des

 25   témoins concernant cet événement et après avoir évalué les éléments de

 26   preuve, les Juges de la Chambre ont de bon droit condamné Milan Lukic pour

 27   les crimes qui figuraient à l'acte d'accusation.

 28   En appel, Milan Lukic avance qu'il s'agissait en fait d'une erreur sur la


Page 78

  1   personne. Cependant, les Juges de la Chambre ont entendu des éléments de

  2   preuve qui le situaient sur les lieux des crimes. Les témoins et les

  3   victimes l'ont reconnu, y compris, par exemple, des anciens camarades

  4   d'école, des connaissances et d'autres membres de la petite communauté dont

  5   il était originaire. Par conséquent, il n'a pas pu prouver ni montrer que

  6   les Juges de la Chambre avaient commis une erreur et que, par conséquent,

  7   son appel devrait être rejeté.

  8   En réponse aux arguments présentés par la Défense de Milan Lukic, je

  9   traiterai tout d'abord les lois qui régissent les éléments de preuve en

 10   matière d'identification et je démontrerai pourquoi Milan Lukic n'a pas

 11   montré qu'il y avait une erreur au niveau de l'identification.

 12   Deuxièmement, je parlerai des éléments de preuve clés qui appuient la

 13   condamnation des Juges en première instance de Milan Lukic pour les

 14   incidents de l'incendie de la rue Pionirska et de l'incendie de Bikavac. Et

 15   troisièmement, je traiterai de la question concernant l'extermination et je

 16   répondrai à la question également posée par le Juge Liu et à laquelle mon

 17   éminent collègue, Me Ivetic, a répondu.

 18   Ensuite, Mme Monchy parlera des meurtres qui se sont produits le long de la

 19   rivière de la Drina et dans l'usine de Varda, et nous répondrons à toutes

 20   les questions que les Juges de cette Chambre pourraient avoir sur les

 21   meurtres de Koric. Enfin, M. Schuster traitera de la condamnation pour les

 22   crimes commis dans le camp d'Uzamnica.

 23   Je voudrais rappeler maintenant que l'Accusation ne parlera pas des

 24   arguments de Milan Lukic sur les preuves de décès qui ont été faits dans

 25   son mémoire préalable à l'appel, et je vous demanderais de vous référer aux

 26   réponses concernant ce sujet. Il en ira de même pour ses arguments factuels

 27   et juridiques sur l'alibi qui n'ont pas été abordés aujourd'hui. Mais si

 28   vous avez des questions sur ces sujets, nous nous ferons, bien sûr, un


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  1   plaisir de répondre à ces questions.

  2   Au départ, il est important de se souvenir qu'il s'agissait d'une affaire

  3   concernant des expériences individuelles et des personnes données. Les

  4   habitants de Visegrad ont décidé de parler de la violence et des meurtres

  5   qui avaient été commis par l'un de leurs voisins. Beaucoup de ces habitants

  6   avaient fait l'objet d'attaques brutales ou en avaient été les témoins. Ils

  7   ont été souvent traumatisés par ce qu'ils ont vécu ou ce qu'ils ont vu.

  8   Les Juges de la Chambre de première instance se trouvaient dans une

  9   position unique pour évaluer si tous les témoins étaient fiables et

 10   crédibles lorsqu'ils relataient les événements qu'ils avaient vus, entendus

 11   ou dont ils avaient subi les conséquences. Comme la Chambre d'appel du TPIR

 12   l'a mentionné dans le jugement d'appel Nahimana, paragraphe 949 :

 13   "Les Juges en première instance sont mieux à même d'évaluer la

 14   crédibilité d'un témoin ainsi que la fiabilité des dépositions et des

 15   éléments que l'on peut obtenir de leur part."

 16   Cette Chambre d'appel devrait permettre à la Chambre de première

 17   instance d'avoir fait son travail correctement. Les anomalies limitées ou

 18   les incohérences que Milan Lukic a soulevées en appel ont été traitées par

 19   les Juges de la Chambre de première instance lorsqu'elles étaient

 20   pertinentes et ont été présentées dans son jugement. Il n'était pas

 21   nécessaire de se pencher sur des possibilités hypothétiques sans qu'il y

 22   ait ni de base, ni de preuve. Et ça, les possibilités rationnelles

 23   devraient pouvoir être traitées ici, comme ceci a été mentionné dans le

 24   jugement d'appel dans l'affaire Mrksic au paragraphe 220. Milan Lukic n'a

 25   mentionné aucun élément qui nécessiterait une intervention en appel, et on

 26   ne devrait pas permettre à Milan Lukic de transformer cette procédure en

 27   appel comme un procès de novo.

 28   Tout d'abord, je vais parler des éléments liés à l'identification. Comme


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  1   j'ai mentionné, ce procès portait tout d'abord sur l'identification des

  2   auteurs de crimes. L'Accusation avance que les Juges de la Chambre ont

  3   adopté une approche très prudente en matière d'éléments de preuve visant à

  4   l'identification. Comme Me Visnjic l'a mentionné de bon droit, le Juge

  5   Robinson, au début du procès, a mentionné :

  6   "La question essentielle qui est, elle, la question de l'identité."

  7   Les Juges de la Chambre n'ont pas ignoré les principes juridiques qui

  8   régissent les éléments de preuve en matière d'identification, comme Milan

  9   Lukic l'a mentionné, et même si le jugement ne présente pas par le menu les

 10   principes directeurs sur les éléments de preuve en matière

 11   d'identification, comme Milan Lukic l'avance comme étant une exigence, les

 12   Juges de la Chambre ont mentionné dans le jugement la jurisprudence en

 13   vigueur. A savoir, au paragraphe 31 du jugement, les Juges de la Chambre

 14   font référence au paragraphe numéro 9 dans le jugement dans l'affaire

 15   Haradinaj et mentionnent également l'affaire Kupreskic [imperceptible],

 16   que, en fait, les Juges de la Chambre avaient mentionné :

 17   "Les Juges de la Chambre d'appel avaient attiré l'attention sur

 18   plusieurs facteurs qui devaient être considérés lorsqu'on évaluait les

 19   éléments de preuve liés à une identification, y compris l'identification de

 20   témoins qui n'avaient qu'aperçu ou n'avait pas eu une vue dégagée de

 21   l'accusé; une identification qui se serait produite également dans la

 22   pénombre; identification suite à des événements traumatisants qu'aurait

 23   vécus les témoins; des dépositions incohérentes ou inexactes; ainsi

 24   également que des problèmes de mémoire en ce qui concerne un accusé lié à

 25   la possibilité claire que, d'après les circonstances, le témoin aurait pu

 26   être influencé par ce que d'autres lui auraient dit. Lorsque l'on doit

 27   gérer des éléments de preuve en matière d'attestation, plutôt que des

 28   éléments en matière d'identification stricto sensu, les Juges de la Chambre


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  1   ont également pris en compte la possibilité d'un parti pris ainsi que le

  2   temps qui s'était écoulé entre le moment où le témoin avait reconnu la

  3   personne et la période où il avait aperçu cette personne pour la dernière

  4   fois."

  5   Il s'agit d'un paragraphe du jugement en appel dans l'affaire

  6   Kupreskic, qui est également mentionné dans l'affaire en première instance

  7   Haradinaj.

  8   Tous ces facteurs sont des facteurs qui s'appliquent dans tout ou

  9   partie des éléments de preuve dans cette affaire. Et les Juges en première

 10   instance se sont connus de cela lorsque cela était nécessaire. Nous

 11   avançons donc que le plus important, ce n'est pas de savoir si le jugement

 12   cite verbatim toute la jurisprudence en la matière, mais plutôt il est

 13   important de se demander si les Juges en première instance ont vraiment

 14   appliqué ces principes et ont fait preuve d'une prudence nécessaire pour

 15   évaluer les éléments de preuve liés à l'identification. Et lorsque l'on

 16   parcourt le jugement, on verra que les Juges en première instance ont fait

 17   précisément cela. Pour chacun des incidents, les Juges en première instance

 18   ont étudié les éléments en matière d'identification et en ont fait

 19   l'analyse.

 20   En évaluant les éléments en matière d'identification, les Juges en

 21   première instance ont pris en compte les facteurs appropriés, ont pris en

 22   compte les facteurs tels que, par exemple, les conditions durant lesquelles

 23   les témoins avaient aperçu Milan Lukic, y compris la période qu'ils avaient

 24   passée en sa présence; les circonstances traumatisantes ou le fait qu'ils

 25   se trouvaient dans une foule; ainsi que le fait que l'endroit où ils

 26   l'avaient vu pouvait être en pénombre. La visibilité dans la rue Pionirska

 27   a fait l'objet de nombreux arguments durant le procès. Je cite le

 28   paragraphe 597, où les Juges de la Chambre mentionnent que :


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  1   "Même si les témoins ont mentionné qu'il y avait de la pluie et que

  2   c'était tard dans la soirée, il y avait également de la lumière qui venait

  3   de maisons environnantes, et le fait que les hommes étaient très proches

  4   signifie qu'on pouvait identifier ces personnes qui avaient réalisé les

  5   transferts."

  6   Les Juges en première instance ont également traité de facteurs tels que la

  7   description des témoins de Milan Lukic et également le temps qui s'était

  8   écoulé depuis la dernière fois qu'ils l'avaient vu.

  9   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- ralentir la vitesse, parce qu'il y a

 10   difficulté à suivre. Et pour association des idées, on a besoin de cela.

 11   Merci.

 12   M. KREMER : [interprétation] Mes excuses auprès des interprètes. 

 13   Milan Lukic a avancé que les Juges de la Chambre avaient fait une erreur

 14   dans leur approche des éléments d'identification des témoins qui est, en

 15   fait, minée par le traitement détaillé de cette question dans le jugement.

 16   Ces tentatives d'aborder à nouveau tout cela en appel ne devraient pas être

 17   permises. Milan Lukic a mentionné qu'une séance d'identification est

 18   obligatoire, soit par planche photos, soit en alignant les personnes

 19   potentielles. Suite à cet argument, je voudrais faire référence au jugement

 20   en appel dans l'affaire Kalimanzira : 

 21   "Ni les règles ni la jurisprudence du Tribunal obligent les Juges d'une

 22   Chambre de première instance d'exiger une formule précise

 23   d'identification."

 24   Les Juges en première instance ont également très soigneusement fait la

 25   différence entre les témoins qui connaissaient ou connaissaient bien Milan

 26   Lukic et ceux qui ne le connaissent pas bien. Dans ce processus, les Juges

 27   en première instance ont pris en compte le fait que les éléments de preuve

 28   suite à une attestation, c'est-à-dire des éléments de preuve où le témoin


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  1   avait reconnu un accusé parce qu'il le connaissait auparavant ou qu'il le

  2   connaissait bien, ces éléments d'attestation sont beaucoup plus fiables que

  3   des éléments de preuve émanant d'une reconnaissance d'un témoin qui n'avait

  4   vu l'accusé que pour la première fois au niveau du crime. Les Juges en

  5   première instance ont soigneusement évalué les éléments d'attestation, y

  6   compris le fait qu'ils connaissaient Milan Lukic auparavant ou pas. Cette

  7   approche adoptée par les Juges en première instance va dans le sens de la

  8   jurisprudence du Tribunal, qui est mentionnée dans le mémoire en réplique

  9   de l'Accusation au paragraphe 3.

 10   Un exemple récent d'une Chambre de première instance qui a utilisé

 11   les connaissances préalables d'un accusé comme un facteur pertinent pour

 12   l'identification est dans le jugement en première instance dans l'affaire

 13   Popovic au paragraphe 55. Dans ce paragraphe, la Chambre de première

 14   instance a mentionné;

 15   "En évaluant les éléments d'identification, les Juges de cette

 16   Chambre ont pris en compte différents éléments pertinents, y compris : les

 17   circonstances durant lesquelles chacun des témoins avançait avoir observé

 18   l'accusé; la durée de ce processus d'observation; la familiarité qu'avait

 19   le témoin avec l'accusé avant l'identification; ainsi que la description

 20   qui avait été faite par le témoin suite à l'identification qu'il ou elle

 21   avait faite de l'accusé."

 22   Je voudrais également attirer votre attention sur une approche qui avait

 23   été prise par la Chambre de première instance dans le procès Kordic et

 24   Cerkez au paragraphe 725 dans son jugement en première instance qui a été

 25   approuvé par le jugement en appel au paragraphe 704.

 26   Nous avançons donc que le traitement détaillé des Juges en première

 27   instance de ces éléments de reconnaissance ou d'identification est cohérant

 28   avec une approche très prudente en matière d'éléments d'identification de


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  1   manière générale.

  2   Je voudrais maintenant passer aux témoins qui ont reconnu les accusés dans

  3   le prétoire. Durant le procès, plusieurs témoins ont reconnu Milan Lukic

  4   comme étant la personne qu'ils avaient vue dans différents lieux où des

  5   crimes avaient été commis. Comme les Juges de la Chambre l'ont fait

  6   remarquer, les reconnaissances dans le prétoire n'ont pas été la base de

  7   leur détermination à l'exception d'un cas. La Chambre, par conséquent, n'a

  8   pas utilisé ceci, et cela signifie que l'évaluation de leur utilisation a

  9   été faite par les Juges professionnels qui n'auraient pas été influencés

 10   d'une manière ou d'une autre par une connaissance dans le prétoire étant

 11   donné qu'ils ont bien précisé qu'ils n'allaient pas se fier à cette

 12   reconnaissance dans le prétoire.

 13   Quoi qu'il en soit, Milan Lukic ne prouve pas que les identifications

 14   dans le prétoire par les témoins n'étaient pas autorisées. Même si dans le

 15   jugement en appel dans l'affaire Limaj,  au paragraphe 27, on mentionne que

 16   de manière générale il ne faudrait accorder aucun point à des

 17   reconnaissances faites dans le prétoire, il y a une exception pour les

 18   témoins d'attestation. Au paragraphe 26 dans le jugement en première

 19   instance dans l'affaire Simic, il est mentionné que :

 20   "La Chambre de première instance a également pris note que les

 21   éléments de preuve en matière d'identification doivent être évalués avec

 22   prudence, mais compte tenu du fait qu'il s'agissait d'une communauté très

 23   petite d'où sont originaires les deux accusés, ces éléments

 24   d'identification peuvent avoir beaucoup plus de poids lorsque les témoins

 25   connaissaient au préalable l'accusé."

 26   De plus, les tribunaux pénaux nationaux cités par Milan Lukic pour aller

 27   dans le sens de ce qu'il avance, à savoir que les identifications dans le

 28   box ne sont pas autorisées, mais en fait, elles n'impliquent pas des


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  1   reconnaissances par des témoins d'attestation. Comme les tribunaux pénaux

  2   internationaux, des affaires au niveau national qui impliquent des

  3   identifications dans le prétoire par des témoins d'attestation ne

  4   considèrent pas qu'il y a des vices de procédure. Et je vous fais référence

  5   à la notre en bas de page 21 du mémoire de l'Accusation en réponse.

  6   En conclusion concernant l'identification, les Juges en première instance

  7   ont adopté une approche prudente et complète. Le jugement fait preuve de

  8   cela et détaille par le menu les éléments de renseignement pour les

  9   différents sites où des crimes ont été commis. Milan Lukic ignore l'analyse

 10   poussée qui a été faite dans le jugement et demande, en fait, à rouvrir ce

 11   débat en appel. Cependant, je pense qu'il manque dans sa tentative de

 12   montrer que la Chambre s'est trompée dans son approche pour

 13   l'identification, et, par conséquent, on devrait réfuter ce qu'il avance

 14   ici.

 15   Je voudrais maintenant passer aux incidents de "Pionirska Street" et de

 16   Bikavac.

 17   Je vais tout d'abord examiner brièvement les effets essentiels de ces

 18   événements dans la rue Pionirska et à Bikavac de façon à placer mes

 19   arguments dans leur contexte.

 20   Tout d'abord, le 14 juillet 1992, un petit groupe d'hommes armés habillés

 21   en uniforme de camouflage, y compris Milan et Sredoje Lukic, ont tout

 22   d'abord cambriolé et terrorisé plus de 60 Musulmans de Koritnik,

 23   essentiellement des hommes du clan Kurspahic, à la maison de Memic sur la

 24   rue Pionirska à Visegrad. Un peu plus tard le même jour, Milan Lukic et son

 25   groupe armé les ont conduits comme un troupeau dans la maison d'Omeragic,

 26   qui se trouvait à proximité. Milan Lukic a mis le feu à la maison. Les

 27   Musulmans qui ont tenté de s'enfuir ont été abattus. Plusieurs Musulmans

 28   sont morts alors qu'ils tentaient de s'enfuir. Au moins 58 Musulmans ont


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  1   été brûlés vifs ou abattus.

  2   Deux semaines plus tard, Milan Lukic et un petit groupe d'hommes

  3   armés habillés en uniforme de camouflage ont encore une fois dirigé un

  4   groupe important de Musulmans comme s'il s'agissait d'un troupeau vers une

  5   maison qui se trouvait de l'autre côté de la ville à Bikavac. Encore une

  6   fois, Milan Lukic a mis le feu à la maison en brûlant vif les victimes et a

  7   tiré sur ceux qui tentaient de s'enfuir. Environ 60 Musulmans ont péri.

  8   Après avoir entendu la déposition de survivants musulmans de la rue

  9   Pionirska et de Bikavac, y compris ceux qui connaissaient Milan Lukic

 10   personnellement et l'ont observé au moment où il mettait le feu à ces

 11   maisons, la Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable

 12   qu'il était pénalement responsable de ces deux massacres brutaux. La

 13   Chambre de première instance a résumé ces meurtres au paragraphe 740 :

 14   "Dans cette histoire trop longue, l'humanité misérable a vu le jour,

 15   et la rue Pionirska et les feux de Bikavac doivent occuper une place

 16   importante… ces événements terrifiants restent à jamais gravés dans la

 17   mémoire en raison de la brutalité de ces attaques incendiaires, de la

 18   préméditation évidente et du calcul qui sont à l'origine de ces actes, par

 19   le simple manque de pitié, la monstruosité et brutalité de ces hommes qui

 20   ont été conduits comme un troupeau en les piégeant, en les enfermant et

 21   enfermant ces victimes dans deux maisons, les rendant de ce fait sans

 22   défense, et ils sont restés dans cet enfer et ont dû souffrir, et cela

 23   était très douloureux pour les victimes puisqu'elles ont été brûlées

 24   vives."

 25   Milan Lukic conteste les éléments factuels dans le cadre de ses

 26   condamnations pour ce qui s'est passé dans la rue Pionirska, mais n'a pas

 27   pu démontrer que la Chambre de première instance avait commis une erreur.

 28   Les survivants de la rue Pionirska et des meurtres commis à cet endroit ont


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  1   immanquablement déclaré que Milan Lukic a commis ces crimes. Les témoins de

  2   première main qui venaient de cette petite communauté, la même que Milan

  3   Lukic, y compris ceux qui l'ont connu personnellement, l'ont reconnu comme

  4   étant l'auteur des crimes.

  5   Sept survivants ont identifié Lukic comme étant un des auteurs des

  6   crimes commis dans la rue Pionirska. Tous ces témoins ont été considérés

  7   comme étant crédibles et fiables par la Chambre de première instance. Les

  8   survivants des crimes de Milan Lukic décrivent les événements du 14 juin

  9   1992 en détail. Entre 4 et 5 heures de l'après-midi, Milan Lukic est arrivé

 10   dans la maison de Memic sur la rue Pionirska. Il était armé et portait un

 11   uniforme de camouflage. Il était accompagné d'autres hommes armés en

 12   uniforme de camouflage, y compris les personnes identifiées comme étant

 13   Sredoje Lukic, Mitar Vasiljevic et Milan Susnjar, ou Lalco. Je vais les

 14   appeler tous ensemble le groupe de Lukic.

 15   Milan Lukic et Sredoje Lukic sont entrés dans la maison de Memic et

 16   se sont présentés au groupe d'une soixantaine de Musulmans non armés qui se

 17   trouvaient à l'intérieur. Le groupe était composé essentiellement de femmes

 18   et de jeunes filles, de personnes âgées et d'enfants, y compris des bébés.

 19   Une part importante des personnes qui étaient à l'intérieur connaissaient

 20   Milan Lukic et Sredoje Lukic, Mitar Vasiljevic et Susnjar, et ont pu les

 21   identifier sur le site. Deux témoins qui ont reconnu Milan Lukic lorsqu'il

 22   est entré dans la maison de Memic sont les deux sœurs VG-101 et VG-78. Les

 23   deux sœurs connaissaient Milan Lukic et sont allées à l'école avec lui

 24   pendant plusieurs années. Elles ont décrit comment il jouait un rôle dans

 25   la série de crimes commis par les auteurs serbes armés pendant toute la

 26   journée et pendant la nuit sur la rue Pionirska.

 27   Milan Lukic ne conteste pas que VG-101 est allée à l'école avec lui, l'a vu

 28   tous les jours et, après avoir terminé l'école, a continué à le voir à des


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  1   soirées organisées. Et il ne conteste pas de VG-78 est allée à l'école avec

  2   lui pendant plusieurs années et qu'elle l'a vu à l'école. Ce dont il se

  3   plaint, c'est que les circonstances dans lesquelles elles l'ont identifié

  4   ne le lui ont pas permis d'être identifié au-delà de tout doute

  5   raisonnable.

  6   Dans l'affaire Mitar Vasiljevic, la Chambre de première instance a conclu

  7   que le doute raisonnable subsistait quant à savoir si Mitar Vasiljevic

  8   faisait partie du groupe armé sur la rue Pionirska. La Défense laisse

  9   entendre que le doute raisonnable lié à Mitar Vasiljevic devrait être

 10   transposé dans cette affaire et qu'il devrait y avoir un acquittement

 11   systématique parce que les éléments de preuve fournis par VG-101 et VG-78,

 12   entre autres éléments de preuve, n'étaient pas suffisants et ne pouvaient

 13   justifier que les éléments de preuve concernant Mitar Vasiljevic prouvaient

 14   qu'il était présent au-delà de tout doute raisonnable. Mais il ignore les

 15   faits pris en compte par la Chambre de première instance dans d'autres

 16   affaires compte tenu des éléments de preuve qui sont présentés.

 17   Les dépositions de VG-101 et VG-78 ont été présentées devant la Chambre de

 18   première instance en l'espèce. Les dépositions viva voce de VG-101 et de

 19   VG-78 ont été entièrement examinées, et les incohérences entre leurs

 20   dépositions ont été examinées de près dans le cadre de l'affaire Lukic

 21   contre Lukic [comme interprété] et dans l'affaire le Procureur contre

 22   Vasiljevic. La Chambre de première instance a examiné dans sa totalité tous

 23   les éléments et a conduit une analyse et a pris une décision motivée sur la

 24   partie du témoignage qui devait être retenue. Je fais valoir que la Chambre

 25   de première instance en avait le droit compte tenu des éléments de preuve

 26   qui lui avaient été présentés et entendus, de leur analyse et de la prise

 27   en compte de la présentation des éléments par les témoins à la fois pendant

 28   l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire pour constater que


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  1   VG-101 et VG-78 l'ont reconnu sur la rue Pionirska.

  2   Les Témoins VG-101 et VG-78 ainsi que d'autres témoins ont fourni des

  3   récits cohérents qui se corroboraient mutuellement à propos des actions de

  4   Milan Lukic. Après que Milan Lukic et Sredoje Lukic se soient présentés,

  5   Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de rendre leurs objets de valeur

  6   et a menacé de leur tirer une balle dans la tête si quelqu'un gardait sur

  7   lui ou sur elle quelque chose. Milan Lukic a dépouillé les civils musulmans

  8   de leurs biens à bout portant. Les hommes [comme interprété] et les femmes

  9   ont été séparés du groupe et ont été fouillés au corps. Milan Lukic a plus

 10   tard emmené trois femmes de la maison. Elles ont été violées par la suite.

 11   Par la suite, Milan Lukic et son groupe armé ont quitté la maison de Memic,

 12   mais avant de partir, Milan Lukic a dit aux civils musulmans que personne

 13   n'avait le droit de partir avant son retour. Milan Lukic, Sredoje Lukic et

 14   d'autres membres de son groupe sont revenus le soir même. Ils étaient tous

 15   encore armés et portaient un uniforme de camouflage. Ils ont transféré le

 16   groupe de Koritnik à la maison d'Omeragic, qui se trouvait à une vingtaine

 17   ou trentaine de mètres de là. La maison d'Omeragic avait été préparée avec

 18   un combustible permettant de faire accélérer l'incendie. Le groupe de Lukic

 19   avait été organisé tel qu'observé par VG-84, qui a déclaré :

 20   "Il y avait de la lumière devant la maison, il y avait des torches. Tout

 21   avait été préparé à l'avance."

 22   Et sa déposition coïncide avec les éléments de preuve fournis par un

 23   certain nombre d'autres témoins, y compris le Témoin VG-38.

 24   On a dit aux civils musulmans qu'ils étaient transférés pour leur propre

 25   sécurité et qu'ils n'avaient besoin ni de leurs chaussures ni de leurs

 26   bagages. Au moment où Milan Lukic transférait les victimes de la maison

 27   d'Omeragic, VG-13 est passé à 30 centimètres de lui. Une fois que les

 28   victimes avaient été enfermées dans la maison d'Omeragic, il s'est rendu


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  1   compte qu'il n'était pas en sécurité à cet endroit. VG-13 ainsi que

  2   d'autres témoins ont décrit comment l'air était suffocant à l'intérieur

  3   parce qu'il y avait une substance gluante et âcre sur les tapis et qui

  4   aurait pu les faire suffoquer.

  5   Après que les civils musulmans aient été enfermés dans la maison d'Omeragic

  6   pendant un certain temps, Milan Lukic a placé un engin explosif à

  7   l'intérieur qui a explosé et qui a mis le feu à la maison, qui a eu pour

  8   effet d'envelopper toutes les personnes qui se trouvaient à l'intérieur.

  9   Milan Lukic et d'autres personnes du groupe armé à l'intérieur de la maison

 10   ont tiré sur des membres du groupe Koritnik qui tentaient de s'échapper. Au

 11   total, ils ont tué au moins 58 civils musulmans dans la maison d'Omeragic.

 12   VG-13 connaissant Milan Lukic avant l'incident, l'a vu placer l'engin

 13   explosif à l'intérieur de la maison d'Omeragic et l'a vu lorsqu'il a tiré

 14   sur elle au moment où elle tentait de s'échapper par la fenêtre. La Défense

 15   de Milan Lukic a argué du fait que VG-13 n'était pas un témoin

 16   d'attestation. Cependant, le paragraphe auquel il est fait référence par le

 17   bureau du Procureur dans son mémoire en clôture concerne les

 18   identifications qui étaient faites dans le prétoire. Cependant, la Chambre

 19   de première instance ne s'est pas fondée sur l'identification de VG-13 dans

 20   le prétoire. Cependant, la Chambre de première instance a expliqué qu'elle

 21   s'est fondée sur une connaissance antérieure de Milan Lukic dans le

 22   jugement aux paragraphes 408 et 599.

 23   Je vais juste lire le paragraphe 408 du jugement :

 24   "Pendant l'interrogatoire principal, VG-13 a déclaré que la première fois

 25   qu'elle a vu Milan Lukic c'était le 14 juin 1992; cependant, pendant le

 26   contre-interrogatoire, elle a dit dans sa déposition qu'elle avait vu Milan

 27   Lukic avant l'incident dans la région dans laquelle elle habitait, et c'est

 28   la dernière fois qu'elle l'a vu. Il avait environ 20 ans, voire un peu


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  1   plus. Quelquefois elle voyait Milan Lukic deux fois par an en passant,

  2   lorsqu'il se rendait à l'hôtel Panos. Cependant, VG-13 a déclaré, et je

  3   cite, 'Je n'ai pas de connaissance personnelle à propos de Milan Lukic.

  4   C'était un voisin qui a grandi près de chez nous, et je ne puis rien dire

  5   d'autre.'"

  6   La constatation de la Chambre de première instance n'a pas un caractère

  7   déraisonnable. Le critère retenu en appel est de savoir si une erreur a été

  8   commise dans le jugement, et je fais valoir, compte tenu de l'appréciation

  9   de la Chambre de première instance au paragraphe 408, qu'il n'y a pas eu

 10   d'erreur.

 11   Milan Lukic laisse entendre qu'il n'y avait pas de lumière du tout à

 12   l'intérieur de la maison et que VG-13 n'aurait donc pas pu le reconnaître

 13   comme étant la personne qui a placé l'engin explosif une fois la porte

 14   ouverte. Argument présenté aujourd'hui dans le mémoire en réplique au

 15   paragraphe 72.

 16   Cependant, comme je l'ai déjà évoqué, la Chambre de première instance

 17   s'est penchée plus particulièrement sur la question de l'éclairage. Et on

 18   remarquait que la lumière venait de différentes sources, y compris les

 19   maisons voisines et les projecteurs des auteurs, permettant aux victimes

 20   dans la maison d'Omeragic de voir les auteurs. En outre, il y avait de la

 21   lumière dans la pièce, dû aux lampadaires qui se trouvaient à l'extérieur

 22   dans la rue, tel qu'indiqué au jugement au paragraphe 366.

 23   VG-13 connaissait Milan Lukic et a fourni des éléments de preuve

 24   incontestables lorsqu'elle a dit l'avoir vu dans la maison d'Omeragic et

 25   l'avoir vu mettre le feu à la maison. Elle a été contre-interrogée

 26   longuement, laissant entendre qu'elle ne le connaissait pas et qu'elle

 27   n'aurait pas pu le voir si le feu avait effectivement eu lieu. La Chambre

 28   de première instance a écouté toute sa déposition, y compris le contre-


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  1   interrogatoire, et s'est adressée à Milan Lukic et aux points qu'il

  2   contestait dans le jugement. Elle a constaté que VG-13 le connaissait avant

  3   les crimes commis sur la rue Pionirska, qu'il s'agissait d'un témoin

  4   crédible et fiable. En appel, il cherche simplement à remplacer

  5   l'interprétation de la Chambre de première instance avec la déposition qui

  6   est la sienne.

  7   Avec VG-13 et d'autres témoins qui connaissaient Milan Lukic avant que les

  8   crimes ne soient connus sur la rue Pionirska, plusieurs témoins

  9   supplémentaires l'ont identifié comme étant un des auteurs. VG-38, VG-18,

 10   VG-48 et Kurspahic, qui a relaté le récit de son père décédé, Hasib

 11   Kurspahic, qui ont indiqué que Milan Lukic faisait partie de ce petit

 12   groupe d'auteurs. La Chambre de première instance a entendu leurs récits, a

 13   apprécié leurs dépositions, leur comportement, et en a conclu que leurs

 14   dépositions étaient crédibles et fiables.

 15   Eu égard aux arguments de Milan Lukic concernant la présence de Mitar

 16   Vasiljevic sur la rue Pionirska le 14 juin 1992, ceux-ci ont été amplement

 17   abordés par l'Accusation dans son mémoire en réponse, outre un point que je

 18   souhaite mettre en exergue. Aux paragraphes 81 et 82 dans sa réplique,

 19   Sredoje Lukic déclare que l'Accusation a mal compris la jurisprudence qui

 20   régit les faits déjà jugés. C'est Milan Lukic qui n'a pas compris ceci

 21   correctement. Alors que la Chambre avait à l'origine admis les faits jugés

 22   dans l'affaire Vasiljevic qui auraient étayé les arguments de l'appelant,

 23   elle a par la suite entendu la déposition viva voce indiquant le contraire

 24   et a rejeté les faits jugés conformément à la jurisprudence exposée par

 25   l'Accusation dans sa réponse au paragraphe 134.

 26   Je souhaite indiquer que la Défense de Milan Lukic présuppose que le doute

 27   raisonnable dans l'affaire Vasiljevic devrait être appliqué parce que Mitar

 28   Vasiljevic n'était pas là. Nous estimons que ceci n'est pas la logique


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  1   appropriée qui devrait être appliquée. Quoi qu'il en soit, c'est la raison

  2   pour laquelle M. le Juge Robinson a malgré cela déclaré que Milan Lukic

  3   était coupable pour les crimes commis dans la rue Pionirska, même s'il a

  4   fourni une opinion dissidente sur la présence de Vasiljevic. Je vous

  5   demande de vous reporter aux paragraphes 1.110 et 1.110. La question de la

  6   présence de Vasiljevic n'a pas d'incidence sur la conclusion unanime rendue

  7   par la Chambre de première instance, à savoir que plusieurs témoins ont, de

  8   façon fiable, indiqué que Milan Lukic se trouvait à la rue Pionirska le 14

  9   juin 1992.

 10   Je vais maintenant passer à Bikavac. Nous faisons valoir que Milan Lukic a

 11   été condamné comme il se doit pour les crimes commis à la maison de Meho

 12   Aljic à Bikavac. Il a omis de démontrer une quelconque erreur commise par

 13   les Juges de la Chambre dans ses constatations. Environ 15 jours avant

 14   [comme interprété] l'attaque contre la rue Pionirska, Milan Lukic a

 15   récidivé. Cette fois, au moins 60 civils musulmans ont été tués. Une seule

 16   personne a survécu. Dans la soirée du 27 juin, ou à peu près à cette date-

 17   là, Milan Lukic s'est rendu en voiture dans le quartier de Bikavac à

 18   Visegrad, avec de la musique qui sortait des deux voitures. L'une était une

 19   Passat. Lui et ses compagnons armés se sont rendus dans les maisons

 20   voisines et ont demandé aux occupants de se rendre sur la rue, comme s'il

 21   s'agissait d'un troupeau. Parmi ce groupe de personnes, il y avait des

 22   habitants et des réfugiés.

 23   On a demandé à ces personnes d'entrer en file indienne à l'intérieur de la

 24   maison de Meho Aljic. Ils avaient tellement peur qu'ils ont obtempéré. Une

 25   fois à l'intérieur, les personnes se sont retrouvées dans une seule pièce

 26   avec les sorties bloquées et barricadées. Une fois que Milan Lukic les a

 27   tous emmenées à l'intérieur, il a bloqué la dernière sortie. Milan Lukic et

 28   son compagnon ont jeté des pierres contre la maison, ont tiré dessus et ont


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  1   lancé des grenades à l'intérieur. Peu de temps après, Milan Lukic a

  2   incendié la maison. La maison a été incendiée et une seule personne a

  3   survécu. La seule survivante était Zehra Turjacanin.

  4   Comme les autres témoins et victimes en l'espèce, elle avait connu Milan

  5   Lukic. Elle l'avait connu depuis qu'ils étaient enfants. Ils étaient à

  6   l'école ensemble. Il était dans la même classe que son frère. Elle l'a vu

  7   lorsqu'il était adulte également. Elle se souvient de deux occasions un peu

  8   plus tôt au mois de juin 1992, lorsqu'elle l'a vu à Visegrad, à l'usine

  9   Alhos, et chez son voisin où elle buvait un café. La Chambre de première

 10   instance n'avait aucun doute sur la connaissance antérieure qu'avait ce

 11   témoin de Milan Lukic.

 12   La Chambre de première instance a entendu pendant trois jours d'audience la

 13   déposition de Zehra Turjacanin. Les Juges de la Chambre de première

 14   instance ont siégé alors qu'elle décrivait ces attaques et son incapacité à

 15   sauver sa famille des flammes. Ils ont vu qu'elle était désemparée et

 16   qu'elle était handicapée en raison des brûlures qu'elle avait. En se

 17   fondant sur un examen très détaillé et attentif, la Chambre de première

 18   instance a rendu une appréciation sans équivoque sur la déposition de Zehra

 19   Turjacanin, qu'elle a examinée dans on intégralité. Elle a constaté que sa

 20   déposition était cohérente et fiable. La Chambre de première instance était

 21   convaincue du fait qu'il s'agissait d'un témoin qui disait la vérité. Les

 22   Juges de la Chambre de première instance méritent tout le respect qu'il se

 23   doit compte tenu de cette [imperceptible].

 24   Lorsque Milan Lukic est venu dans la maison de Zehra Turjacanin le soir, le

 25   27 juin, elle l'a reconnu tout de suite. Elle savait exactement de qui il

 26   s'agissait. Il lui a dit que sa famille devait se rassembler dans la rue et

 27   il lui a donné l'ordre d'entrer dans la maison de Meho Aljic. Elle savait

 28   exactement qui c'était lorsqu'il a arraché le collier en or qu'elle portait


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  1   autour du cou, et elle est entrée à l'intérieur de la maison. Au moment où

  2   elle tentait de s'échapper de la maison en flammes, elle a été obligée

  3   d'abandonner plusieurs membres proches de sa famille. Elle savait

  4   exactement qui elle fuyait.

  5   De surcroît, Milan Lukic savait exactement quelle était la victime qui

  6   allait être la sienne puisqu'elle l'a reconnu. Et nous savons ceci parce

  7   qu'il a même pris la peine de mettre à prix la tête de Zehra Turjacanin

  8   après avoir appris qu'elle s'était échappée. La déposition incontestable de

  9   Zehra Turjacanin sur l'attaque de Milan Lukic a été corroborée directement

 10   par VG-58 et VG-115, qui connaissaient également par le passé Milan Lukic -

 11   - VG-58 et le contenu de VG-115. Les deux avaient connu par le passé Milan

 12   Lukic. VG-58 était un voisin et VG-115 était quelqu'un qui le rencontrait

 13   régulièrement. Ces témoins se cachaient dans la maison d'Aljic qui se

 14   trouvait à côté et ont observé l'attaque. Ils ont confirmé que Milan Lukic

 15   a fait entrer les personnes à l'intérieur comme s'il s'agissait d'un

 16   troupeau, qu'il a tiré sur la maison et qu'il a jeté des grenades et de

 17   l'essence. VG-58 l'a entendu exhorter ses compagnons à faire entrer autant

 18   de personnes que possible à l'intérieur. VG-58 a vu Zehra Turjacanin

 19   s'enfuir.

 20   Le récit de Zehra Turjacanin a également été confirmé par le récit relaté

 21   immédiatement après qu'elle se soit échappée lorsqu'elle a décidé de

 22   prévenir ses voisins. Etant partie en premier de la maison d'Ismeta

 23   Kasapovic, qui n'était pas un témoin, elle s'est rendue dans la maison de

 24   VG-35 et CW-2 et leur a relaté ce qui était arrivé. Elle les a enjoints de

 25   s'enfuir et de prévenir les autres. Plus tôt ce jour-là, Milan Lukic avait

 26   violé VG-35, après s'être présenté à elle la veille. Zehra Turjacanin s'est

 27   ensuite rendue dans la maison où VG-119 et VG-94 habitaient. Elle leur a

 28   relaté la même chose.


Page 96

  1   Finalement, le récit de Zehra Turjacanin a été par la suite confirmé

  2   par la déposition de Milan Lukic et des conditions qui ont prévalu après

  3   l'attaque. Avant de se rendre à Bikavac, vers 8 heures du soir, Milan Lukic

  4   avait rendu visite à VG-94 et VG-119, lorsqu'il conduisait sa Passat rouge.

  5   Ils leur ont dit que les deux femmes seraient tuées si elles quittaient la

  6   maison. La Chambre de première instance a décidé qu'elles étaient en mesure

  7   de reconnaître Milan Lukic en raison de ces entrevues qu'elles ont eues

  8   avec lui.

  9   Environ deux heures plus tard, Milan Lukic est revenu. Je vous

 10   demande de vous reportez au paragraphe 721 eu égard au point que je viens

 11   de citer. Encore une fois, il est revenu dans sa Passat rouge. Il

 12   transpirait beaucoup, il était sale, et d'après son odeur corporelle, il

 13   semblait qu'il avait été proche d'un incendie. La Chambre de première

 14   instance a insisté sur la déposition de VG-94 et VG-119, ce qui permettait

 15   de renforcer l'idée que Zehra Turjacanin disait la vérité et d'accorder un

 16   grand poids à sa déposition.

 17   Je vais maintenant passer à la première question demandée par les

 18   Juges de la Chambre en appel.

 19   Et la réponse que je vais donner s'applique à la fois aux événements

 20   de la rue Pionirska et de Bikavac.

 21   La Chambre de première instance a comme il se doit constaté que les

 22   meurtres de Pionirska et de Bikavac ont été examinés de façon indépendantes

 23   et a décrété que, de façon indépendante, il s'agissait de crimes

 24   suffisamment importants pour pouvoir constituer un élément d'extermination

 25   compte tenu des éléments de l'affaire. Tout d'abord, en raison du nombre de

 26   victimes, chaque site de meurtre coïncide avec les éléments précédents

 27   classés au plan judiciaire comme étant une extermination. Le nombre, ici,

 28   de 58 sur la rue Pionirska, et 60 dans l'affaire Bikavac. Même s'il n'y a


Page 97

  1   pas de seuil particulier numérique dans le cas d'extermination, la

  2   jurisprudence du Tribunal international indique que les meurtres au-dessus

  3   de 50 victimes peuvent être qualifiés d'extermination parce que ce chiffre

  4   est suffisamment important.

  5   Dans l'affaire Brdjanin, la Chambre d'appel a décrété que le meurtre

  6   de 68 personnes à Brisevo constituait un acte indépendant d'extermination.

  7   La Défense de Milan Lukic fait valoir que dans Brdjanin, la Chambre d'appel

  8   a constaté que le nombre total de 1 669 morts pouvait être qualifié

  9   d'extermination. Ceci n'est pas exact. Au paragraphe 472 de l'arrêt dans

 10   l'affaire Brdjanin, la Chambre de première instance a clairement constaté

 11   que dans chaque site distinct où il y a eu des meurtres, y compris Brisevo,

 12   que ces meurtres étaient suffisamment à grande échelle pour être qualifiés

 13   d'extermination.

 14   Il fait valoir également que dans l'affaire Vasiljevic, il y a eu un

 15   vaste plan de meurtre collectif. Ceci n'est pas exact. Dans l'arrêt Stakic,

 16   au paragraphe 258, il est dit que la jurisprudence de ce Tribunal ne

 17   nécessite pas des conditions d'un plan à grande échelle de meurtre

 18   collectif ou de la connaissance d'un tel plan. Outre cela, il a mal lu

 19   l'arrêt Martic aux paragraphes 404 et 405. La Chambre de première instance

 20   a estimé que différents meurtres ne pouvaient pas être accumulés. La

 21   Chambre de première instance n'a pas fait de commentaires et n'a pas

 22   indiqué que 165 victimes ne constituaient pas un nombre suffisamment

 23   important.

 24   Il y a des jugements rendus par d'autres tribunaux internationaux qui

 25   ont constaté que le meurtre de 50 personnes constitue un meurtre à grande

 26   échelle. L'arrêt dans l'affaire Sesay confirme les constatations suivantes

 27   : l'extermination au titre du meurtre de 63 victimes, 30, 40 et 64

 28   victimes, respectivement, qui confirme les conclusions de la Chambre en


Page 98

  1   l'espèce.

  2   M. Gillett va en parler plus avant demain.

  3   Milan Lukic souhaite élever le seuil constitutif d'extermination

  4   concernant le meurtre de milliers de victimes sur différentes périodes de

  5   temps et différents endroits. Mais il omet de mentionner que le meurtre

  6   d'un nombre très important de victimes va bien au-delà du seuil requis pour

  7   l'extermination et peut constituer un facteur aggravant lors du prononcé de

  8   la peine. Donc nous faisons valoir que ceci se fonde sur le nombre, que les

  9   massacres sur la rue Pionirska et Bikavac peuvent tous les deux être

 10   qualifiés d'extermination.

 11   Deuxièmement, compte tenu des circonstances, les Juges de la Chambre ont

 12   noté les éléments de contexte qui entouraient les meurtres pour confirmer

 13   de surcroît que ces meurtres pouvaient être qualifiés d'extermination.

 14   Comme la Chambre de première instance l'a constaté, les meurtres commis sur

 15   la rue Pionirska constituaient un meurtre en masse unique. Il ne s'agissait

 16   pas d'une série de meurtres sans lien les uns avec les autres. Les victimes

 17   ont été prises pour cibles. Il s'agissait surtout d'habitants du même

 18   village, Koritnik, et la plupart faisaient partie de la famille élargie,

 19   les Kurspahic. La méthode utilisée montre qu'il avait l'intention de tuer

 20   ces victimes.

 21   La même chose vaut pour Bikavac car la méthode était similaire. Sans

 22   ces éléments de contexte, les conclusions de la Chambre restent valides

 23   compte tenu du nombre de victimes tuées au cours de ces incidents.

 24   Le meurtre était à grande échelle, et Milan Lukic n'a pas pu

 25   démontrer que la Chambre de première instance a commis une erreur

 26   lorsqu'elle a conclu qu'il avait commis le crime d'extermination sur les

 27   deux sites en question.

 28   Nous faisons valoir que compte tenu des éléments présentés aux Juges


Page 99

  1   de la Chambre ainsi que des dépositions de survivants qui connaissaient

  2   personnellement Milan Lukic, qui l'ont observé au moment où il a allumé le

  3   feu, les Juges de la Chambre ont constaté qu'il était de façon raisonnable

  4   responsable des massacres brutaux et sans pitié. Milan Lukic n'a pu

  5   démontrer aucune erreur réversible dans le jugement rendu par la Chambre de

  6   première instance et, par conséquent, les troisième et quatrième moyens

  7   d'appel doivent être rejetés.

  8   Je suis ouvert à des questions si vous en avez à poser; sinon, je

  9   vais passer la parole à Mme Monchy.

 10   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Kremer, il vous reste dix minutes avant de

 11   conclure.

 12   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Nous avons modifié l'ordre. M. Schuster va d'abord s'exprimer, il sera

 14   suivi de Mme Monchy.

 15   M. SCHUSTER: [interprétation] Messieurs les Juges, entre le mois de juin

 16   1992 et le début de l'année 1993, Milan Lukic est venu au camp de détention

 17   d'Uzamnica à maintes reprises. Il a agressé sauvagement à plusieurs

 18   reprises bon nombre de détenus musulmans qui y étaient détenus et qui y

 19   vivaient dans des conditions absolument déplorables. Milan Lukic n'était

 20   pas un garde dans ce camp. Il se contentait tout simplement d'y venir pour

 21   faire subir aux Musulmans des sévices suivant son bon vouloir. Il leur

 22   donnait des coups de pied, il les a battus, il leur a donné des coups de

 23   poing, il les a frappés avec des bâtons, avec une barre, avec des battes.

 24   Il leur a fait subir des traitements de chocs électriques avec une matraque

 25   électrique. Une fois, la batte qu'il utilisait s'est cassée tellement il

 26   frappait très fort l'homme auquel il faisait subir ces sévices. Il s'est

 27   contenté d'en prendre une nouvelle et a poursuivi ces sévices. La Chambre

 28   l'a condamné à juste titre pour ces crimes.


Page 100

  1   Milan Lukic avance qu'il n'a jamais été dans ce camp. Cela devrait être

  2   réfuté. La Chambre de première instance a apprécié de façon très

  3   méticuleuse et dans le détail les éléments de preuve fournis par quatre

  4   témoins qui ont tous vu Lukic au camp à plusieurs reprises et dont les

  5   témoignages se corroborent. Ils sont tous absolument catégoriques à un

  6   égard : l'homme qui les a frappés et qui les a agressés de façon si sauvage

  7   à plusieurs reprises était bel et bien Milan Lukic. Certains des témoins

  8   ont indiqué que Milan Lukic venait si souvent qu'ils ont même appris à

  9   reconnaître sa voix. Trois de ces témoins ont appris l'identité de Milan

 10   Lukic au camp. Un homme répondant au nom Saban Muratagic leur a dit, mais

 11   il faut savoir que je fais référence à la page 1 953 du compte rendu

 12   d'audience pour Berberovic, et à la page 2 510 pour Dervisevic.

 13   Les témoins ne se sont pas contentés de faire des descriptions très

 14   générales de Milan Lukic, ce qui nous a été dit ce matin. Je fais référence

 15   dans mon mémoire aux différents détails. Le Témoin Dervisevic avait des

 16   problèmes de vue, ce qui l'empêchait, en fait, d'identifier. Il s'agit de

 17   pures conjectures. La Défense l'a déjà indiqué en première instance et la

 18   Chambre de première instance a pris en considération ces éléments de preuve

 19   dans le paragraphe 804 du jugement en première instance. Mais ce qui est

 20   encore plus important, c'est que trois des témoins ont appris quelle était

 21   l'identité de Milan Lukic au camp. C'est cet homme, Saban Muratagic, qui

 22   leur en a parlé. Il faisait office de garde au camp. Il connaissait Milan

 23   parce qu'il venait de villages voisins et qu'ils étaient allés à l'école

 24   ensemble. C'est lui qui a dit à Berberovic qui était Milan Lukic, ainsi

 25   qu'au Témoin Dervisevic.

 26   Les témoins ont également fourni d'autres données biographiques qu'ils ont

 27   apprises à l'époque, à savoir qu'ils ont appris des  données qu'ils avaient

 28   apprises à propos de cet homme qui venait régulièrement dans ce camp, qui


Page 101

  1   leur faisait subir des sévices et qu'ils ont vu à plusieurs reprises. Ils

  2   ont indiqué à juste titre que Milan Lukic était originaire de Rujiste,

  3   qu'il avait travaillé en Serbie avant la guerre, qu'il était venu avec son

  4   cousin, Sredoje Lukic, qu'il avait moins de 30 ans, et ils ont fourni

  5   d'autres détails. Un témoin a mentionné que Milan Lukic avait été

  6   emprisonné pour un enlèvement dans un train, fait que Milan Lukic a lui-

  7   même confirmé dans le prétoire lorsqu'il a fait sa déclaration finale. Rien

  8   n'indique que les témoins ont appris cette information des années après les

  9   événements, comme l'a suggéré la Défense ce matin. Et je vais vous fournir

 10   une citation du Témoin Dervisevic, une citation de son témoignage, il

 11   s'agit de la page 1 962 du compte rendu d'audience, et Dervisevic répond à

 12   une question. On lui demande comment il a appris l'identité de Milan Lukic

 13   et, je cite :

 14   "C'est un autre homme en détention, Saban Muratagic, qui me l'a dit. Je

 15   pense que Milan Lukic était originaire d'un village très proche de son

 16   village. Milan est de Rujiste, et cela, je peux le confirmer. Donc cet

 17   homme le connaissait…"

 18   Au vu de ces circonstances, la Chambre avait tout à fait le droit de

 19   conclure que c'était bien Milan Lukic qui a battu cet homme. Je fais

 20   référence au paragraphe 196 de l'arrêt Rukundo, où la Chambre d'appel a

 21   conclu qu'une Chambre peut utiliser les éléments de preuve fournis par des

 22   témoins qui ont appris l'identité de leur bourreau par le truchement

 23   d'autres personnes. Le fait que Saban Muratagic est celui qui a indiqué à

 24   Berberovic et à Dervisevic qui était Milan Lukic, qui les rouait de coups,

 25   est un fait qui peut être pris en considération, et d'ailleurs la Défense

 26   n'a pas posé de questions dans le cadre du contre-interrogatoire à ce

 27   sujet. Quoi qu'il en soit, la Défense avait tout à fait la possibilité

 28   d'appeler à la barre M. Muratagic. Et d'ailleurs, il figurait sur leur


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  1   liste 65 ter.

  2   La Chambre a également entendu les éléments de preuve fournis par VG-25,

  3   témoin au titre de l'article 92 quater qui a indiqué connaître Milan Lukic

  4   avant la guerre et qui a indiqué qu'il l'a battu régulièrement au camp.

  5   Etant donné que VG-25 n'est pas venu témoigner en personne, la Chambre a

  6   été très circonspecte lorsqu'elle a pris en considération ses éléments de

  7   preuve. Mais elle a estimé que le témoignage de VG-25 corroborait le

  8   témoignage de trois témoins viva voce. Leurs témoignages corroboraient

  9   également le sien. La Chambre a estimé que ces quatre hommes, qui ont tous

 10   été détenus pendant quelque huit mois dans le même hangar, ont présenté des

 11   éléments de preuve qui se corroboraient mutuellement. Il est estimé que le

 12   Témoin VG-25 pouvait tout à fait confirmer ce que les autres détenus

 13   savaient de Milan Lukic.

 14   Milan Lukic s'est également plaint du fait que la Chambre avait utilisé le

 15   fait que Berberovic et Dervisevic avaient confirmé son identité dans le

 16   prétoire. Mais contrairement à ce qui a été entendu ce matin, la Chambre

 17   n'a pas véritablement mis en exergue ce fait. Etant donné que ces deux

 18   témoins ont vu Lukic à plusieurs reprises dans le camp et reconnaissaient

 19   même sa voix, elle a tout simplement accepté que le fait qu'il montre Lukic

 20   dans le prétoire faisait partie de la façon d'établir son identité.

 21   Et de surcroît, la Chambre n'avait pas besoin d'utiliser cette

 22   attestation d'identité dans le prétoire parce qu'elle disposait déjà de

 23   nombreux éléments de preuve de témoins qui avaient reconnu Milan Lukic au

 24   camp. Deuxièmement, dans des circonstances telles que celles qui

 25   prévalaient au camp d'Uzamnica, la Chambre devait être en mesure d'utiliser

 26   ces éléments de preuve, puisqu'il s'agissait de victimes de crimes qui ont

 27   subi ces sévices pendant une très longue période de temps, il y a eu

 28   détention illicite, mise en esclavage, et sinon tout cela serait exclu


Page 103

  1   lorsqu'il s'agit de témoins d'attestation, même s'ils ont de nombreuses

  2   possibilités, tel que cela fut le cas, de connaître leur bourreau.

  3   Les quatre témoins en question ont raconté la même chose à la

  4   Chambre, à savoir qu'ils ont été détenus dans des circonstances terribles,

  5   Milan Lukic n'a fait qu'aggraver leurs souffrances en les rouant de coups

  6   sauvagement et en leur donnant des coups de pied à plusieurs reprises. La

  7   Chambre a accepté ces éléments de preuve comme étant des éléments de preuve

  8   logiques et exhaustifs et a condamné à juste titre Milan Lukic pour

  9   traitement cruel et actes inhumains eu égard au camp d'Uzamnica.

 10   J'en ai terminé. Je vais maintenant passer la parole à ma consoeur,

 11   Virginie Monchy.

 12   M. KREMER : [interprétation] Juste avant qu'elle ne commence, j'aimerais

 13   rappeler que la Défense a utilisé quelque cinq minutes de cette session

 14   après la pause et -- en fait, il y a eu un calcul qui a été fait de façon

 15   erronée. Car nous avons commencé à 11 heures 40, et si nous avons 1 heure

 16   15, nous devrions être en mesure de poursuivre pendant 12 minutes. Ce n'est

 17   pas très important, mais je voulais juste demander à la Chambre de faire

 18   preuve d'indulgence.

 19   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]

 20   L'INTERPRÈTE : Il n'a pas son micro.

 21   M. LE JUGE GUNEY : Vous avez besoin de combien de minutes approximatives ?

 22   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 23   M. KREMER : [interprétation] Mme Monchy me dit qu'elle n'aura pas besoin de

 24   plus de 12 ou 13 minutes.

 25   M. LE JUGE GUNEY : La Chambre a repris l'audience cinq minutes en retard et

 26   la question du Juge Liu a pris approximative dix minutes. Donc, pour

 27   compenser tout ça, étant donné que vous en avez besoin, vous avez dix

 28   minutes additionnelles à utiliser.


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  1   M. KREMER : [interprétation] Merci beaucoup.

  2   Mme MONCHY : [interprétation] Messieurs les Juges, la Chambre de première

  3   instance a condamné à juste titre Milan Lukic pour l'exécution sommaire de

  4   cinq Musulmans lors des meurtres et assassinats de la rivière Drina; de

  5   sept Musulmans lors des meurtres et assassinats de l'usine Varda; et une

  6   Musulmane, Hajra Koric, au cours du même mois au cours duquel il a commis

  7   les massacres de Pionirska et Bikavac.

  8   Comme cela -- alors, je vais dans un premier temps parler des

  9   meurtres et assassinats de la Drina, ensuite de l'usine Varda, et s'il me

 10   reste du temps, j'en viendrai au meurtre de Mme Koric.

 11   Alors, nous avons des éléments de preuve présentés par des témoins

 12   oculaires à propos de l'incident de la Drina. Les éléments de preuve de

 13   deux survivants qui ont été témoins oculaires, il s'agit du Témoin VG-32 et

 14   VG-14, ainsi que les éléments de preuve du complice de Milan Lukic, qui

 15   sont tout autant crédibles et fiables. La Chambre de première instance a

 16   utilisé à juste titre ce qui a été dit par les Témoins VG-14 et VG-32 qui

 17   connaissaient précédemment Milan Lukic; deuxièmement, ils ont indiqué

 18   l'avoir reconnu le 7 juin et ont présenté une description de Milan Lukic.

 19   Contrairement à ce que la Défense a avancé ce matin, la Chambre de première

 20   instance n'a pas utilisé la confirmation et l'attestation dans le prétoire

 21   que Milan Lukic était l'homme qui leur avait tiré dessus. Les Témoins VG-14

 22   et VG-32 sont des témoins d'attestation parce que le Témoin VG-14

 23   connaissait Milan Lukic et le connaissait depuis l'école secondaire, où ils

 24   étaient allés ensemble aux âges respectifs de 16 et 17 ans. Et il l'a

 25   reconnu immédiatement dès que Milan Lukic est entré chez lui pour le

 26   prendre.

 27   J'aimerais maintenant faire référence aux paragraphes 201, 129 et 121.

 28   Le Témoin VG-32 connaissait Milan Lukic parce qu'il l'avait vu au moins


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  1   deux fois avant les meurtres, et on lui avait dit qui était Milan Lukic. Il

  2   l'a reconnu dès que Milan Lukic s'est approché de la maison de son beau-

  3   père pour l'enlever. De surcroît, lorsque le Témoin VG-32 a été détenu dans

  4   la maison après que Milan Lukic l'ait enlevé, il a entendu l'un des hommes

  5   qui le gardaient appeler Milan Lukic par son nom.

  6   En conclusion, je dirais que les deux témoins connaissaient Milan Lukic le

  7   7 juin, et la Chambre de première instance a considéré de façon tout à fait

  8   raisonnable que les deux témoins ont fait de Milan Lukic des descriptions

  9   très semblables et qu'elles ont vu Milan Lukic très souvent et de très,

 10   très près, pendant plusieurs heures, et ce, pendant le jour. J'aimerais

 11   juste apporter une petite précision à propos d'une des allégations de la

 12   Défense dans son mémoire de réplique. Car le Témoin VG-32 fait une

 13   description du physique de Milan Lukic, ce qui fait l'objet de la pièce

 14   1D30 à la page 242.

 15   Pour en venir maintenant à Mitar Vasiljevic. La Chambre de première

 16   instance a pris en considération les arguments présentés à la Défense

 17   indiquant qu'il avait tout à gagner à mentir à propos de la participation

 18   de Milan Lukic. Mais la Chambre de première instance a de façon tout à fait

 19   raisonnable réfuté cet argument du fait que les éléments de preuve de

 20   Vasiljevic corroboraient les éléments de preuve tout à fait crédibles du

 21   Témoin VG-14. Ce qui fait l'objet d'une référence dans le jugement.

 22   Comme l'a indiqué la Défense ce matin, si Vasiljevic avait su que Milan

 23   Lukic serait arrêté, il n'aurait pas présenté les mêmes éléments de preuve,

 24   alors il s'agit de pures conjectures tout à fait contraires aux éléments de

 25   preuve. Et je fais référence aux paragraphes 45 et 46 du mémoire de clôture

 26   de l'Accusation.

 27   Pour en venir maintenant aux meurtres et assassinats de l'usine de Varda.

 28   Il a été indiqué par des éléments de preuve très solides que Milan Lukic


Page 106

  1   est bien la personne qui a tiré. La Chambre de première instance a utilisé

  2   de façon tout à fait raisonnable les éléments de preuve de deux témoins

  3   oculaires, le Témoin VG-24 et le Témoin VG-42, afin de condamner Milan

  4   Lukic pour les meurtres et assassinats de l'usine de Varda. Elle a conclu

  5   de façon raisonnable que ces deux hommes le connaissaient précédemment; et

  6   deuxièmement, qu'ils ont tous les deux reconnu Lukic comme étant la

  7   personne qui a tiré, et ces deux dépositions se corroborent mutuellement.

  8   Eu égard aux Témoins VG-24 et VG-42 qui ont indiqué connaître Milan Lukic

  9   précédemment, c'est une question qui a été examinée de façon très

 10   méticuleuse par la Chambre de première instance et la Chambre de première

 11   instance a considéré de façon raisonnable que le Témoin VG-24 avait dit

 12   qu'elle connaissait Milan Lukic et qu'elle avait fait sa connaissance

 13   lorsqu'il avait 12 ou 13 ans et qu'elle connaissait sa famille. Elle a

 14   estimé également que le Témoin VG-24 connaissait Milan Lukic parce qu'en

 15   1992, avant les meurtres, il se rendait régulièrement à l'usine Varda, où

 16   travaillait le Témoin VG-24.

 17   Pour ce qui est du Témoin VG-42, la Chambre de première instance a estimé

 18   de façon raisonnable qu'elle connaissait Milan Lukic avant les meurtres.

 19   Elle le connaissait lorsqu'il était enfant, cela a été mentionné par la

 20   Défense ce matin, parce que son fils était ami avec Milan Lukic, mais il ne

 21   faut pas oublier que son père était un ami très proche du grand-père de

 22   Milan Lukic. Elle connaissait également les parents de Milan Lukic ainsi

 23   que les détails de sa vie.

 24   La Chambre de première instance -- ou plutôt, les Juges de la Chambre de

 25   première instance ont considéré que le Témoin VG-42 avait parfois quelques

 26   problèmes à comprendre les questions qui lui étaient posées, à se souvenir

 27   des dates. Et il y a quelques divergences dans ses éléments de preuve.

 28   Toutefois, après avoir observé le comportement du Témoin VG-42 lors de son


Page 107

  1   témoignage, la Chambre de première instance a estimé que cela ne pouvait

  2   pas véritablement miner le fait qui a été répété à plusieurs reprises

  3   suivant lesquels elle connaissait Milan Lukic bien.

  4   Pour en venir à mon deuxième élément, je dirais qu'à la fois le Témoin VG-

  5   24 et le Témoin VG-42 ont reconnu Milan Lukic et ont donné des éléments de

  6   preuve corroborant pour ce qui est de ses actions. Il ne faut pas oublier

  7   que les témoins ont vu les événements, les ont observés, et elles ont pu

  8   observer Milan Lukic à partir d'un endroit où elles avaient une vue dégagée

  9   et l'ont vu pendant un certain temps. Le Témoin VG-24 se trouvait à

 10   l'intérieur de l'usine et a vu Milan Lukic de très, très près. Quand au

 11   Témoin VG-42, elle a pu assister aux mêmes événements à partir d'un balcon

 12   qui se trouvait au dernier étage d'une maison, d'où elle avait une vue

 13   absolument dégagée. Les deux témoins ont vu Milan Lukic emmener les

 14   ouvriers comme du bétail vers la Drina et leur demander de s'aligner devant

 15   la rive de la rivière. Le Témoin VG-42 a également vu Milan Lukic tirer et

 16   tuer les ouvriers les uns après les autres, alors que le Témoin VG-24

 17   entendait les rafales et les salves des différents tirs.

 18   La Chambre de première instance a apprécié très soigneusement les

 19   divergences entre ces éléments de preuve et a estimé de façon tout à fait

 20   raisonnable que ces divergences étaient expliquées parce qu'elles avaient

 21   vu les événements d'endroits différents.

 22   La Chambre de première instance a également été informée du risque d'une

 23   identification erronée eu égard au Témoin VG-42 et a considéré les

 24   différents problèmes qu'elle aurait eu à le reconnaître de l'endroit où

 25   elle se trouvait et les a réfutés à titre raisonnable. Et je fais référence

 26   aux paragraphes 300, 321, 262 et 258.

 27   On m'indique je ne n'ai plus beaucoup de temps à ma disposition, donc à

 28   moins que vous n'ayez des questions, je vais mettre un terme à mon


Page 108

  1   intervention.

  2   M. LE JUGE GUNEY : M. le Juge Liu a une question.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'aimerais en fait demander à M. Kremer

  4   une précision.

  5   Monsieur Kremer, lors de votre intervention, vous avez mentionné que

  6   l'extermination était en quelque sorte liée aux facteurs de contexte dans

  7   lequel s'inscrivent les meurtres, et vous nous avez dit que Koritnik et

  8   Bikavac étaient deux petits villages, deux petits hameaux. J'aimerais

  9   savoir quelle était la population de ces deux villages, quelle était la

 10   taille de ces villages et quel était le pourcentage des appartenances

 11   ethniques ? Si vous n'êtes pas en mesure de répondre à ces questions tout

 12   de suite, vous pourriez tout à fait y répondre cet après-midi ou demain

 13   matin, comme vous le souhaitez.

 14   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 15   M. KREMER : [interprétation] Je crois comprendre que dans le village de

 16   Koritnik, il y avait environ une soixantaine de Musulmans qui vivaient dans

 17   le village à l'époque, et la plupart de ces personnes ont été tuées dans le

 18   cadre de cet incident. Je peux vous trouver la référence du jugement en

 19   première instance et vous fournir la référence exacte après la pause

 20   déjeuner.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 22   M. KREMER : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE GUNEY : Merci.

 24   J'inviterais maintenant le conseil de Milan Lukic à présenter leurs

 25   arguments en réplique. Vous disposez d'un délai de 30 minutes pour ce

 26   faire.

 27   M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Excusez-moi si

 28   vous avez l'impression qu'il y a une certaine confusion qui règne, mais je


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  1   vais dans un premier temps présenter la première partie, puis ensuite Me

  2   Ivetic s'adressera à la Chambre d'appel.

  3   J'aimerais dans un premier temps vous dire que je suis entièrement

  4   d'accord avec M. Kremer, car ce qui est au centre de ce procès est la

  5   question de l'identité. Comme l'a dit M. le Juge Robinson à la page 362 en

  6   l'espèce. A en juger d'après le nombre de pages, cela a dû être dit au

  7   début du procès.

  8   Et je pense que, au fil du procès, cette affirmation a perdu un tant

  9   soit peu de son poids, et en dernier lieu, je dirais que la référence

 10   présentée par M. Kremer à propos du principe utilisé par la Chambre de

 11   première instance afin de décider en matière d'identification, qui fait

 12   l'objet du paragraphe 30 du jugement en première espèce, indique, disais-

 13   je, qu'en fait, nous ne trouvons absolument aucune référence à propos de

 14   l'élément essentiel en l'espèce. La citation présentée par M. Kremer est

 15   une note en bas de page correspondant à ce paragraphe, et cette note en bas

 16   de page est donc une référence secondaire et fait référence au jugement

 17   dans l'affaire Haradinaj et consorts. Il y est fait référence, entre

 18   parenthèses, aux règlements énoncés dans l'arrêt dans l'affaire Kupreskic.

 19   Nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'une corroboration

 20   inappropriée ou qui n'a pas lieu d'être, pour ce qui est de ce qu'a avancé

 21   M. Kremer lorsqu'il a fait référence aux normes et critères utilisés dans

 22   le jugement. Je pense que la Chambre d'appel devrait véritablement se

 23   pencher sur la question, car les normes appropriées n'ont pas été utilisées

 24   de façon logique.

 25   Eu égard aux éléments de preuve relatifs à l'identification,

 26   l'Accusation avance que la Chambre de première instance a bien utilisé les

 27   facteurs pertinents pour chaque lieu de crime. Dans notre mémoire en appel,

 28   nous avançons exactement le contraire et nous énonçons notre thèse de façon


Page 110

  1   très, très claire.

  2   Toutefois, nous pouvons marquer notre accord avec M. Kremer à propos

  3   d'un élément, car il a insisté sur le fait que les témoins sont encore

  4   absolument traumatisés par leur vécu, par leurs expériences. Toutefois,

  5   dans le jugement, aucune considération n'a été faite à propos des

  6   conséquences des traumatismes pour ce qui est des identifications

  7   effectuées par les témoins.

  8   Dans le cadre de l'examen des questions d'identification, un certain

  9   nombre de sources juridiques sont citées, et en particulier l'arrêt Limaj.

 10   Eu égard à cela, je tiens à dire que dans l'affaire Limaj, un certain

 11   nombre de témoins ont affirmé être en mesure d'identifier l'accusé et l'ont

 12   effectivement identifié dans le prétoire. Et comme on peut le voir à la

 13   lecture du paragraphe 25 de l'arrêt dont je suis en train de parler, la

 14   Chambre d'appel a estimé que cette procédure n'était pas la plus opportune.

 15   Un certain camp de détention désigné sous le nom de Shala était

 16   évoqué dans le cadre de l'examen de ces questions, et trois témoins étaient

 17   concernés. L'un de ces témoins était le Témoin N-04, qui a décrit son

 18   agresseur en affirmant avoir entendu son nom prononcé après la guerre. Un

 19   autre témoin, le Témoin L-07, a affirmé qu'après la guerre, l'accusé

 20   s'était présenté en personne à Shala. Et le troisième témoin, L-10, a

 21   déclaré avoir entendu prononcé ce nom par d'autres détenus du camp et a

 22   indiqué que c'est ainsi qu'il a pu reconnaître l'accusé. Les faits décrits

 23   dans le cas que je viens d'évoquer sont assez semblables à ceux qui nous

 24   intéressent en l'espèce.

 25   Mais il importe de mettre l'accent sur le fait que l'Accusation dans

 26   l'affaire Limaj a accepté que les identifications réalisées dans le

 27   prétoire ne se voient pas accorder un poids important étant donné les

 28   modalités d'identification de l'accusé par les témoins qui l'ont reconnu.


Page 111

  1   En tout état de cause, la Chambre d'appel dans l'affaire Limaj a décidé

  2   qu'aucune valeur probante ne devait être attachée à des identifications

  3   faites dans le prétoire. En dépit de cela, la Chambre de première instance

  4   de l'affaire à laquelle nous participons a cité l'affaire Limaj pour étayer

  5   une conclusion tout à fait différente.

  6   Mais parlons maintenant d'une autre affaire, l'affaire Kamuhanda, qui

  7   présente des éléments similaires. Dans l'affaire Kamuhanda, il a été

  8   procédé à l'identification de l'accusé par trois témoins dans le prétoire.

  9   Un de ces témoins, le Témoin GAF, a déclaré avoir rencontré l'accusé à

 10   plusieurs reprises avant l'incident, et, en raison de cela, la Chambre

 11   d'appel a admis que le Témoin GAF avait reconnu l'accusé. Selon les normes

 12   qui sont appliquées dans notre affaire, le Témoin GAF aurait été décrit

 13   comme un témoin qui a reconnu l'accusé.

 14   Le deuxième témoin dans l'affaire Kamuhanda était le Témoin GES, qui,

 15   dans sa déposition, a déclaré avoir connu l'accusé pendant trois ans

 16   environ. Et la Chambre d'appel a donc admis qu'il y avait possibilité pour

 17   le Témoin GES de reconnaître l'accusé. Encore une fois, selon les normes

 18   appliquées dans l'affaire qui nous intéresse, le Témoin GES aurait été

 19   décrit comme un témoin qui a reconnu l'accusé.

 20   Le troisième témoin dans l'affaire Kamuhanda était le Témoin GAA, qui

 21   avait rencontré le témoin [phon] deux fois par le passé. Selon les normes

 22   appliquées par l'Accusation dans l'affaire à laquelle nous participons, ce

 23   Témoin GAA aurait donc, lui aussi, été un témoin qui reconnaît l'accusé.

 24   Mais ce qui est particulièrement intéressant, c'est que la Chambre d'appel

 25   dans l'affaire Kamuhanda a jugé qu'il était préférable pour elle de ne pas

 26   attacher le moindre poids aux identifications réalisées dans le prétoire

 27   par les trois témoins que je viens de citer.

 28   L'élément suivant sur lequel s'appuie M. Kremer est en réalité toute


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  1   une série de référence à nos systèmes juridiques nationaux que la Défense,

  2   comme Milan Lukic et le bureau du Procureur ont évoqué dans leurs mémoires.

  3   Lorsque nous nous préparions à l'audience d'aujourd'hui, nous avons

  4   découvert une affaire qui n'est pas encore arrivée à son terme et qui va

  5   bientôt être débattue par la Cour suprême des Etats-Unis. J'aimerais

  6   d'ailleurs à ce sujet donner brièvement la parole à Me Ivetic, qui n'aura

  7   besoin que de deux ou trois minutes pour vous en parler.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Kremer, en page 25 du

  9   compte rendu d'aujourd'hui, a déclaré que ni le règlement ni la

 10   jurisprudence du Tribunal n'oblige une Chambre de première instance à

 11   exiger un mode particulier d'identification. Mais nous soutenons que les

 12   Chambres de première instance du TPIY devraient garder à l'esprit les

 13   évolutions qui ont marqué les éléments de preuve par identification dans le

 14   monde qui les entoure dans les différents systèmes judiciaires existant et,

 15   donc, rester au courant des tendances juridiques importantes dans le monde.

 16   Le problème de l'identification dans le prétoire est au cœur d'une question

 17   qui se pose aux Etats-Unis, où un procès est mené par le New Jersey contre

 18   Henderson, et ce procès a donné lieu à décision le 24 août 2011 et doit

 19   être jugé par la Cour suprême des Etats-Unis au mois de novembre. Cette

 20   affaire est liée à la reconnaissance des préoccupations graves que peut

 21   poser une identification dans le prétoire. Et cette affaire le New Jersey

 22   contre Larry Henderson porte le numéro 062218, et comme je l'ai dit, la

 23   Cour suprême du New Jersey a rendu sa décision le 24 août 2011, et

 24   j'aimerais citer quelques passages de cette décision.

 25   De l'avis de la Cour suprême du New Jersey, les éléments de preuve

 26   scientifiques abondamment utilisés ont démontré, je cite :

 27   "… de façon convaincante que les critères actuels applicables à

 28   l'évaluation de la véracité des identifications par des témoins oculaires


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  1   devaient être révisées."

  2   Je vais poursuivre mes citations. Je cite :

  3   "Les études les unes après les autres ont révélé un manque de fiabilité

  4   troublant affectant les identifications par des témoins oculaires.

  5   "Nous sommes persuadés, sur la base de éléments de preuve

  6   scientifiques consignés au dossier, que la mémoire est malléable et que

  7   toute une série de variables risque d'affecter et d'atténuer la mémoire en

  8   aboutissant à des erreurs d'identification. Ces facteurs comprennent des

  9   variables systémiques telles que les procédures de tapissage, qui sont sous

 10   la maîtrise du système de justice pénale, et des variables d'estimation

 11   telles que les conditions de luminosité ou la présence d'une arme, sur

 12   lesquelles le système juridique n'a aucune maîtrise."

 13   Messieurs les Juges, en préconisant une modification dans la façon dont les

 14   tribunaux américains considèrent les identifications  dans le prétoire, la

 15   Cour suprême du New Jersey affirme dans sa décision, je cite :

 16   "Ce qui est en cause, c'est l'intégrité même du système de justice pénale

 17   et la capacité des tribunaux de mener à bien des procès équitables."

 18   Messieurs les Juges, nous demandons simplement à la Chambre d'appel de

 19   demander aux Chambres de première instance du TPIY d'exercer la même

 20   diligence dans l'examen des éléments de preuve d'identification et de

 21   reconnaître que s'il n'y a pas consensus quant à ces éléments de preuve

 22   d'identification, la jurisprudence que vient de citer Me Visnjic a permis

 23   de mettre en exergue des éléments qui ont besoin d'être pris en compte et

 24   qui indiquent qu'il y a de graves préocupations quant à la manière dont les

 25   identifications dans le prétoire ont été traitées en l'espèce.

 26   Je vais maintenant rendre la parole à Me Visnjic pour le reste de son

 27   exposé.

 28   M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie.


Page 114

  1   Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant que nous revenions sur les

  2   affirmations faites par M. Kremer au sujet du Témoin VG-13. M. Kremer a

  3   déclare que le problème que posait ce témoignage de VG-13 résidait dans le

  4   fait qu'il avait été procédé à une identification dans le prétoire. Pour ce

  5   qui nous concerne, nous affirmons - et c'est bien ce que l'Accusation a dit

  6   dans son réquisitoire - ce que nous affirmons donc, c'est que l'Accusation

  7   n'a pas utilisé la déposition du Témoin VG-13 car ce dernier n'avait pas

  8   reconnu l'accusé. Donc le problème posé par le témoignage de VG-13 n'est

  9   pas, contrairement à ce qu'a dit M. Kremer, le fait qu'il y ait eu

 10   identification dans le prétoire, mais bien le fait que le Témoin VG-13 n'a

 11   pas reconnu l'accusé. Or, M. Kremer a expliqué les choses autrement.

 12   Quant aux autres témoins qui avaient vu Milan Lukic au préalable, nous

 13   avons déjà dit dans notre exposé ici aujourd'hui que, eu égard en

 14   particulier aux Témoins VG-38, VG-78 et VG-101, la Chambre d'appel devrait

 15   tenir compte également de leur identification de Mitar Vasiljevic sur les

 16   lieux, et si la Chambre accepte l'alibi de Vasiljevic, elle devrait

 17   réfléchir à l'influence que cette réalité peut avoir sur le poids à

 18   accorder aux identifications faites dans le prétoire concernant Milan

 19   Lukic. Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas tenu

 20   compte de l'influence de ce fait.

 21   S'agissant de l'incident de Bikavac, j'estime que la Défense en a dit

 22   suffisamment oralement dans ce prétoire aujourd'hui ainsi que par écrit

 23   dans notre mémoire en appel.

 24   Eu égard à Uzamnica, l'Accusation affirme que nous devrions utiliser

 25   dans la pratique les éléments de preuve attestant de l'identité des accusés

 26   dès lors qu'une personne a été rouée de coups par l'accusé concerné. Donc,

 27   d'après l'Accusation, de telles identifications devraient être possibles;

 28   mais nous disons, pour ce qui nous concerne, que l'accusé, dans de telles


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  1   circonstances, doit tout de même bénéficier d'un principe de protection. La

  2   question principale qui se pose dans la pratique réside, d'après le bureau

  3   du Procureur, dans le fait qu'il n'y a pas eu de procédure d'identification

  4   hors du prétoire ou même pendant la période antérieure au début du procès.

  5   Nous affirmons qu'il ne devrait pas être possible que la première

  6   identification des accusés se fasse dans le prétoire, comme cela a été le

  7   cas en l'espèce.

  8   [Le conseil de la Défense se concerte]

  9   M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, Me Ivetic aimerait

 10   ajouter quelques mots au sujet de l'extermination.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Je serai bref encore une fois, Messieurs les

 12   Juges.

 13   Je reviens à ce sujet de l'extermination. Je répondrai d'abord à M. le Juge

 14   Liu et ensuite à l'Accusation. Bikavac n'est pas un village complètement

 15   séparé de Visegrad. C'est un village qui se situe dans les faubourgs de

 16   Visegrad. Et dans les deux cas, les meurtres ne sont pas censés avoir eu

 17   lieu dans des villages respectifs, mais ce qui est déclaré, c'est qu'ils

 18   ont eu lieu dans la ville de Visegrad en tant que telle, dont la population

 19   est de 20 000 personnes.

 20   Si nous prenons en compte les éléments de contexte tels que la démographie,

 21   eh bien, un accusé devrait être au courant de ces éléments de contexte. Je

 22   pense que j'ai raison de dire que rien ne permet de penser que Milan Lukic

 23   connaissait le nombre de personnes qui faisaient partie du groupe de

 24   Koritnik et quel était le rapport entre le nombre de ces personnes et la

 25   population du village. Donc je pense que ce n'est pas une bonne manière de

 26   commencer à présenter l'affaire en commençant d'emblée à utiliser le

 27   critère juridique permettant de parler d'extermination.

 28   Je souligne également que les victimes de Bikavac venaient de


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  1   différents villages et que la Chambre de première instance ne s'est pas

  2   concentrée sur leur origine, mais sur leur statut d'être vulnérables pour

  3   analyser la situation. Paragraphe 949 du jugement. Donc, encore une fois,

  4   il y a contradiction et erreur dans la façon dont a procédé la Chambre de

  5   première instance.

  6   Parlons maintenant des propos tenus par l'Accusation ici aujourd'hui à ce

  7   sujet. D'après nous, ces propos décrivent de façon erronée la façon dont la

  8   jurisprudence pertinente doit s'appliquer. Au paragraphe 472 du jugement

  9   Brdjanin, il n'y est pas indiqué distinctement que Brisevo a été un exemple

 10   d'extermination. Le paragraphe tient compte de l'ensemble des sites qui

 11   sont concernés. Le nombre de personnes tuées à Brisevo a été pris en compte

 12   après qu'il ait été resitué dans les circonstances globales, c'est-à-dire

 13   dans les autres meurtres qui se sont produits à cette époque-là et qui sont

 14   mentionnés dans le paragraphe 472 du jugement Brdjanin. Et, en fait, si

 15   nous nous penchons sur le texte de ce passage, Messieurs les Juges,

 16   revenons sur ce qu'ont dit les Juges de la Chambre d'appel, je cite :

 17   "Puisque les parties ne contestent pas la décision de la Chambre de

 18   première instance de prendre en considération l'ensemble des meurtres

 19   commis sur le territoire de l'ARK et s'abstiennent de distinguer entre les

 20   différents meurtres en fonction du lieu où ils ont eu lieu et de l'incident

 21   concerné, la Chambre d'appel n'a pas besoin de se pencher sur cette

 22   question. Qu'il suffise de dire que s'agissant des incidents spécifiques

 23   cités par l'Accusation, qui impliquent le meurtre de 68 à 300 personnes

 24   dans chacun des cinq lieux considérés, la Chambre d'appel est convaincue

 25   que l'intention de commettre un crime d'extermination a été démontrée."

 26   Et je souligne la dernière ligne de ce passage, je cite :

 27   "… la Chambre d'appel considère que l'ampleur des meurtres au vu des

 28   circonstances dans lesquelles ils se sont produits satisfait au critère


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  1   exigeant que soit dépassé un seuil numérique pour qu'il y ait démonstration

  2   de l'existence d'extermination."

  3   Donc, encore une fois, l'Accusation n'a pas raison.

  4   S'agissant de Martic, l'Accusation se trompe encore une fois, Messieurs les

  5   Juges. Au paragraphe 404, nous lisons, je cite :

  6   "Ayant pris en compte ces éléments ainsi que la totalité des éléments de

  7   preuve relatifs aux incidents de meurtre qui ont permis de conclure à

  8   l'accusation d'extermination, la Chambre de première instance estime que

  9   les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour établir le crime

 10   d'extermination dans l'ensemble des éléments pris en compte."

 11   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]

 12   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais simplement ajouter un point

 13   rapidement, si vous me le permettez. J'ajouterais simplement que caractère

 14   massif est une expression qui en anglais permet de penser qu'un nombre

 15   important de personnes est concerné. Encore une fois, nous n'invitons pas

 16   la Chambre d'appel à établir un seuil minimum, mais il est indispensable

 17   qu'un grand nombre de personnes soit concerné, car dans le cas contraire,

 18   la distinction entre meurtre et extermination devient impossible. Nous

 19   soutenons qu'il n'est pas nécessaire d'introduire un seuil précis à ce

 20   stade tardif de l'affaire.

 21   Et je rends la parole à Me Visnjic.

 22   M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, deux arguments rapides,

 23   dont l'un concerne l'identification dans le prétoire. L'Accusation n'a pas

 24   répondu à nos arguments qui faisaient état de la nature très préjudiciable

 25   de ces identifications répétées dans le prétoire. Donc, si l'on estime que

 26   cette procédure était totalement inutile, alors il est permis de se

 27   demander pourquoi elle a été utilisée à tant de reprises pendant le procès.

 28   Et ma deuxième remarque concerne les questions générales liées aux


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  1   conclusions de la Chambre de première instance en l'espèce. Les conclusions

  2   de la Chambre de première instance en l'espèce ne peuvent s'appliquer que

  3   si la Chambre d'appel est convaincue du fait que la Chambre de première

  4   instance a appliqué convenablement le droit. Ce n'est pas le cas, eu égard

  5   à Milan Lukic au moins, étant donné les problèmes posés par les

  6   identifications. Et c'est la raison pour laquelle nous estimons que la

  7   Chambre d'appel, sauf le respect que je dois à ses Juges, se doit

  8   d'appliquer une correction au jugement en première instance, comme nous

  9   l'avons dit, aussi bien par oral que dans nos écritures dans le cadre de

 10   notre mémoire en appel.

 11   Je vous remercie, et je vous remercie au nom de Me Ivetic également.

 12   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Kremer.

 13   M. KREMER : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir dix secondes pour

 14   compléter la réponse apportée à la question du Juge Liu, paragraphe 335, au

 15   sujet de l'ampleur de l'incident de Koritnik et du nombre de personnes

 16   concernées, une soixantaine, qui étaient aussi bien Serbes que Musulmans.

 17   Je crois comprendre que les éléments de preuve démontrent que ces victimes

 18   étaient majoritairement musulmanes. Et puis, deuxième point, au sujet du

 19   fait que Bikavac aurait été dans les faubourgs de Visegrad, eh bien, Me

 20   Ivetic a tout à fait raison de dire que Bikavac se trouve tout près de

 21   Visegrad et que les victimes de ces attaques ont été principalement des

 22   résidents et des réfugiés d'autres villages.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro] -- déjeuner. L'audience sera suspendue et

 25   sera reprise à 14 heures 45.

 26   L'audience est suspendue.

 27   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 26.

 28   --- L'audience est reprise à 14 heures 47.


Page 119

  1   M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. A moins que les représentants de

  2   Sredoje Lukic commencent leur représentation, j'aimerais personnellement

  3   formuler deux questions à lesquelles les parties sont invitées à répondre

  4   pendant leurs présentations respectives. Première question, en ce qui

  5   concerne aux événements du camp d'Uzamnica, donc, dans le cadre du huitième

  6   motif d'appel de Sredoje Lukic. La Chambre de première instance a noté avec

  7   inquiétude que la planche de photos utilisée avec Adem Berberovic était

  8   manquante. Faute d'avoir la planche à photos, la Chambre de première

  9   instance a conclu ne pas être en position d'évaluer si Adem Berberovic

 10   avait reconnu ou non Sredoje Lukic par la planche à photos.

 11   J'invitais les parties à élaborer sur ce sujet, prenant en compte la

 12   possibilité que cette preuve soit de nature disculpatoire [phon] et que

 13   Sredoje Lukic n'a pas été mis en accusation spécifiquement pour cette

 14   victime.

 15   Deuxième question. La Chambre de première instance a conclu que Milan Lukic

 16   était détenu à Belgrade pendant quelques jours en mars 1993 et durant la

 17   première moitié d'avril 1993, et Milan Lukic a fait appel de cette

 18   conclusion dans son sixième moyen d'appel. J'aimerais inviter les parties à

 19   élaborer sur l'impact potentiel sur l'appel de Sredoje Lukic. En d'autres

 20   mots, quel serait l'impact de la détention de Milan Lukic sur la

 21   condamnation de Sredoje Lukic ?

 22   Maintenant, les représentants de Sredoje Lukic, s'il vous plaît.

 23   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   comme nous l'avons mentionné dans notre motif d'appel numéro 8, nous avons

 25   été plus qu'étonnés par la position adoptée par l'Accusation, et à ce jour,

 26   les documents que nous avons mentionnés ne nous ont pas été communiqués. En

 27   d'autres termes, Ib Jul Hansen, le chef des enquêteurs du bureau du

 28   Procureur, a dit clairement dans sa déposition devant ce Tribunal et a


Page 120

  1   confirmé qu'aucune photo de mon client, Sredoje Lukic, a été utilisée à des

  2   fins d'identification.

  3   De plus, lorsque l'on parle de l'incident de la rue Pionirska, en plus des

  4   motifs d'appel, je voudrais rappeler quelque chose de plus. Les deux autres

  5   témoins que souhaite utiliser la Chambre pour les conclusions concernant le

  6   camp d'Uzamnica, il s'agit donc des Témoins Nurko Dervisevic et Islam

  7   Kustura, dès leur libération après leur détention, ont fait des

  8   déclarations à des enquêteurs dûment habilités par la police. Dans leurs

  9   déclarations, ils ont nommé un nombre important d'auteurs de ces exactions,

 10   mais ni l'un ni l'autre n'a mentionné le nom de Sredoje Lukic. De plus,

 11   Nurko Dervisevic a, en fait, fait trois déclarations, 2D15, 2D16 et 2D17,

 12   et la déclaration de M. Kustura porte la référence 2D19.

 13   Je voudrais mentionner les propos prononcés par M. le Juge May dans son

 14   livre intitulé : "Eléments de preuve en droit pénal international." Et en

 15   anglais : "Evidence in International Criminal Law," paragraphes 242 et 243,

 16   en parlant de ce concept que l'on appelle la meilleure preuve disponible.

 17   Si l'on appliquait cette règle de la meilleure preuve disponible, ces

 18   déclarations dans l'affaire Uzamnica et l'absence d'identification que nous

 19   avons mentionnées dans nos documents d'appel, tout ceci amènerait à annuler

 20   les chefs d'accusation qui ont été retenus contre M. Sredoje Lukic pour ce

 21   qui concerne cet incident. Je voudrais rajouter une dernière phrase à ce

 22   que je viens de dire. Le Témoin VG-25, qui a été mentionné par mon collègue

 23   de la partie adverse, M. Schuster, a déposé à décharge pour mon client en

 24   disant qu'il n'était jamais allé au camp d'Uzamnica. Je pense que les

 25   arguments en appel et les arguments que je présente maintenant seraient

 26   suffisants pour que M. Sredoje Lukic ne porte aucune responsabilité pour

 27   cet incident. Merci.

 28   Avec votre permission, je voudrais rajouter une dernière phrase. Au


Page 121

  1   paragraphe 839 du jugement, on peut lire que le témoin ne connaissait pas

  2   bien Sredoje Lukic, et lorsqu'on lui a demandé de le décrire, ni Adem

  3   Berberovic, ni Islam Kustura étaient en mesure de le faire de manière

  4   appropriée. Je vous remercie pour votre attention encore une fois.

  5   M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]

  6   M. CEPIC : [interprétation] Nous n'avons rien à rajouter, Monsieur le

  7   Président, compte tenu du temps…

  8   M. LE JUGE GUNEY : O.K.

  9   M. CEPIC : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE GUNEY : Une heure et 15 minutes.

 11   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire

 12   quelques mots concernant l'incident de la rue Pionirska, mais avant de

 13   commencer à présenter mes arguments, je vous saurais gré, si vous me le

 14   permettez, de faire circuler des tableaux que j'ai donnés aux représentants

 15   du Greffe qui comportent des parties importantes de jugement de notre

 16   mémoire en appel ainsi que de nos arguments écrits. Ceci facilitera la

 17   présentation que le Pr Knoops et moi-même allons faire.

 18   M. LE JUGE GUNEY : Puis-je demander au Procureur leur opinion à cette fin.

 19   M. KREMER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Me Cepic, avant la

 20   pause, m'a donné un exemplaire de sa présentation PowerPoint ainsi qu'un

 21   tableau. Et je n'ai aucune objection à ce que cela soit fourni au collège

 22   de Juges. Il m'a également donné un exemplaire des arguments écrits qui

 23   seront présentés par M. Knoops. Je n'ai pas eu le temps de le lire. Mais

 24   pour ce qui est des présentations PowerPoint et du tableau, je n'ai aucune

 25   objection.

 26   M. LE JUGE GUNEY : Pas d'objection, donc vous êtes en mesure de le faire

 27   circuler. Merci.

 28   M. CEPIC : [interprétation] J'aimerais savoir si un représentant du Greffe


Page 122

  1   pourrait transmettre ces documents aux Juges pour commencer.

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme vous pouvez le voir, il y

  3   a trois pages de tableau : tout d'abord vous avez le cambriolage ou le vol

  4   dans la rue Pionirska, ensuite vous avez la deuxième page, et la troisième

  5   qui sera utilisée par le Pr Knoops. Ma prise de parole sera relativement

  6   limitée. Je vais m'en tenir à une vingtaine de minutes, et le reste du

  7   temps seront consacrés à la présentation de M. Knoops, et M. Dieckmann

  8   répondra à l'appel présenté par le bureau du Procureur demain.

  9   Nous avançons que M. Lukic ne se trouvait pas dans la rue Pionirska. Ceci

 10   n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Sredoje Lukic

 11   était présent. Le Pr Knoops et moi-même vont répondre aux trois éléments

 12   clés concernant cet incident. Tout d'abord, la question est de savoir si

 13   Sredoje Lukic était effectivement présent dans la rue Pionirska lors de cet

 14   incident. La question numéro 2 : même si les Juges de cette Chambre

 15   conviennent que Sredoje Lukic était présent, est-ce qu'il a été prouvé au-

 16   delà de tout doute raisonnable qu'il était armé ? Et la question numéro 3 à

 17   laquelle il faudra répondre : même si les Juges de cette Chambre

 18   conviennent que Sredoje Lukic était présent, qu'il était évident qu'il

 19   portait des armes car ceci était visible, est-ce que ces éléments de preuve

 20   sont suffisants pour prouver la partie consistant à dire qu'il avait aidé

 21   et encouragé à la commission des crimes dans l'incident de la rue Pionirska

 22   ? Il s'agit des questions que vous avez présentées dans votre ordonnance du

 23   6 septembre.

 24   Nous n'allons pas répéter les arguments qui ont été présentés dans le

 25   mémoire en appel. Nous allons prouver que les Juges en première instance

 26   ont fait erreur dans leur analyse des éléments de preuve et que la Chambre

 27   d'appel se doit d'éviter une erreur judiciaire. Je fais référence au

 28   jugement en appel dans l'affaire Kupreskic, paragraphes 127 à 227, où les


Page 123

  1   conclusions de la Chambre de première instance ont été annulées en ce qui

  2   concerne le Témoin H. Nous nous trouvons dans une situation similaire dans

  3   notre affaire, qui est donc similaire à l'affaire Kupreskic, notamment

  4   lorsque l'on prend en compte les éléments de preuve qui semblent se

  5   contredire et qui sont expliqués dans nos documents en appel aux

  6   paragraphes 1 et 2, et je vais vous présenter des arguments

  7   supplémentaires.

  8   Par conséquent, nous demandons instamment aux Juges de cette Chambre

  9   d'appel d'intervenir en appliquant les mêmes critères qui ont été appliqués

 10   dans les paragraphes 222 à 227 du jugement en appel Kupreskic, et je

 11   voudrais commencer par la première planche de ma présentation PowerPoint.

 12   Si vous regardez sur vos écrans, et au vu également de l'acte d'accusation

 13   et des éléments qui ont été présentés par le Procureur, nous pourrions dire

 14   que l'incident dans la rue Pionirska a été divisé par le Procureur en cinq

 15   étapes. Tout d'abord, vous avez l'arrivée du groupe Koritnik, ensuite vous

 16   avez le cambriolage, ensuite vous avez les fouilles corporelles, ensuite

 17   vous avez le transfert, ensuite vous avez les éléments qui se sont produits

 18   au domicile d'Adem Omeragic.

 19   Peut-on passer maintenant à la planche numéro 2, s'il vous plaît.

 20   Puis-je poursuivre ?

 21   J'espère que vous voyez la planche numéro 2 sur les écrans devant vous.

 22   Cette planche précise ce qui s'est passé durant les cinq étapes de cet

 23   incident. Vous voyez que les Juges en première instance ont conclu que

 24   Sredoje Lukic était présent et qu'il a participé aux sous-incidents numéros

 25   2 et 5, c'est-à-dire le cambriolage et le transfert. Je voudrais rappeler

 26   que le Juge Robinson a présenté une opinion dissidente en ce qui concerne

 27   la participation de Sredoje Lukic au transfert. Je souhaiterais également

 28   rajouter que beaucoup de temps s'est écoulé entre les deux sous-incidents.


Page 124

  1   Le cambriolage a eu lieu à 16 heures ou à 17 heures, alors que le transfert

  2   a eu lieu vers 23 heures. Même avec ces conclusions factuelles à l'esprit,

  3   le Juge Robinson a présenté une opinion dissidente, et si celle-ci avait

  4   été appuyée par ses collègues en première instance, on pourrait se poser la

  5   question de savoir quelle était la base juridique pour la participation de

  6   Sredoje Lukic au cambriolage à proprement parler.

  7   Ce que je souhaiterais également rappeler ici - et je vous demande de

  8   vous référer à ma planche numéro 2 - les Juges en première instance ont

  9   conclu que Sredoje Lukic était présent durant le cambriolage sur la base de

 10   la déposition de quatre témoins : VG-18, VG-38, VG-84, ainsi que Huso

 11   Kurspahic. Il s'agit de quatre des neuf témoins qui ont déposé, et ils sont

 12   en fait le maillon le plus ténu, selon nous, quant aux chefs d'accusation

 13   retenus contre Sredoje Lukic.

 14   Je voudrais également mentionner quelque chose qui n'a pas été abordé

 15   dans notre mémoire en appel, à savoir les contradictions entre les

 16   conclusions portant sur ces différents témoins. Et d'ailleurs, je vous

 17   demande de consulter la première colonne, vous voyez qu'il y a un

 18   paragraphe qui est référencé ici pour chacun des témoins. Dans la deuxième

 19   colonne, nous avons fourni tous les éléments de preuve à décharge. Et la

 20   troisième colonne, vous avez une référence concernant l'identification. Et

 21   dans la quatrième colonne, vous avez une question, à savoir s'il y a

 22   pléthore d'éléments de preuve qui prouvent que Sredoje Lukic était armé. Et

 23   le Pr Knoops développera ce sujet.

 24   Nous pensons que les conclusions des Juges en première instance des

 25   paragraphes 593 à 930 du jugement, en conclusion, situent Sredoje Lukic à

 26   l'extérieur de la maison alors que le cambriolage se produisait à

 27   l'intérieur de la maison. Contrairement à cette conclusion, aucun des

 28   quatre témoins n'ont pu déterminer précisément que Sredoje Lukic se


Page 125

  1   trouvait à l'extérieur de la maison alors que le cambriolage se produisait

  2   à l'intérieur de celle-ci.

  3   Le Témoin VG-38, d'après les Juges en première instance, n'a entendu que

  4   par ouï-dire qui était Sredoje Lukic. Les Témoins VG-18 et 84 ont

  5   apparemment entendu Sredoje Lukic se présenter, et Huso Kurspahic a fourni

  6   des éléments de preuve indirects qui ne portaient pas précisément sur

  7   l'endroit où se trouvait l'appelant durant l'incident.

  8   Je dois corriger un terme utilisé à la page 18, ligne 18. Il s'agit

  9   de Huso Kurspahic, et non de Hasib, tel que ceci a été consigné dans le

 10   compte rendu en anglais.

 11   De plus, je voudrais parler que les Juges en première instance font

 12   deux poids, deux mesures par rapport à la jurisprudence en vigueur au

 13   Tribunal. Dans l'affaire Vasiljevic, le même témoin, Huso Kurspahic, a

 14   témoigné et a parlé du même incident. Il a présenté les mêmes éléments

 15   qu'il a présentés à la Chambre de première instance. Cependant, la Chambre

 16   de première instance dans l'affaire Vasiljevic a refusé d'accepter les

 17   éléments constituant la déposition de ce témoin qui ne figuraient pas dans

 18   la déclaration de son père, qui était un survivant à cet incident, à savoir

 19   le dénommé Hasib Kurspahic. Des conclusions complètement différentes ont

 20   été présentées pour ce procès-là.

 21   Je voudrais rappeler que c'est Hasib Kurspahic, qui est le père de

 22   Huso Kurspahic et qui a survécu à cet incident, et qu'il a donné un

 23   entretien 24 jours seulement après l'incident, et ça a été le premier

 24   élément de preuve pour ce procès. Encore une fois, je voudrais citer à

 25   nouveau le Juge May dans son livre concernant les éléments de preuve en

 26   droit pénal international, et plus particulièrement la règle de la

 27   meilleure preuve. L'importance de cet élément de preuve précis est liée au

 28   fait que personne n'a contredit ses dires. Il s'agit des pièces P40 et P41,


Page 126

  1   pièces à charge. Dans cet entretien, Hasib Kurspahic a mentionné un nombre

  2   important de personnes par leur nom, y compris Mitar Vasiljevic, qui a été

  3   condamné par ce Tribunal.

  4   Les Juges en première instance ont convenu que Hasib Kurspahic et

  5   Sredoje Lukic se connaissaient bien avant la guerre. Si Sredoje Lukic avait

  6   effectivement participé à cet incident, en d'autres termes, s'il avait été

  7   présent sur les lieux de l'incident, Hasib Kurspahic l'aurait certainement

  8   mentionné nommément durant cet entretien.

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais que l'on passe

 10   maintenant à la planche numéro 2 de nos tableaux. Cette page reprend les

 11   conclusions des Juges de la Chambre de première instance concernant les

 12   documents à décharge et la question de savoir si les Juges en première

 13   instance avaient déterminé que les témoins avaient fourni suffisamment

 14   d'éléments de preuve pour avancer que mon client avait effectivement porté

 15   des armes durant cet incident.

 16   Les conclusions des Juges en première instance dans le paragraphe

 17   607, ces conclusions sont encore une fois contradictoires par rapport à

 18   celles de la Chambre de première instance concernant le cambriolage. Il y a

 19   des éléments qui semblent ambigus et qui ont leur importance. Par exemple,

 20   comment est-il possible que quelqu'un qui n'a pas vu Sredoje Lukic, mais

 21   qui n'avait qu'entendu parler de lui, comment est-il possible que cette

 22   personne l'ait supposément vu à ce moment-là, sans disposer d'information

 23   au préalable permettant d'identifier Sredoje Lukic et, de plus, la voix n'a

 24   pas été reconnue. Et encore une fois, un critère complètement différent est

 25   appliqué à la déposition de Huso Kurspahic par rapport au critère appliqué

 26   dans l'affaire Vasiljevic.

 27   Dans notre mémoire en appel, vous trouverez des arguments plus

 28   développés sur ce point. Ce que je souhaite dire, c'est ceci :


Page 127

  1   l'appréciation des éléments de preuve par les Juges de la Chambre de

  2   première instance était tout à fait erronée. D'une part, la Chambre de

  3   première instance s'est servie des dépositions de garçons âgés de 13 ans

  4   pour conclure cela ainsi qu'un témoin ouï-dire, Huso Kurspahic; et d'autre

  5   part, nous avons des témoins crédibles qui ont démontré que Sredoje Lukic

  6   n'était pas présent au cours de l'incident en question. Ces témoins sont

  7   les Témoins VG-13, la mère du Témoin VG-38, et ces deux témoins étaient

  8   ensemble pendant toute la durée dudit incident.

  9   La mère de VG-13 savait -- alors que le fils, VG-38, ne le

 10   connaissait pas.

 11   La Chambre de première instance en a conclu qu'aucun élément ne permettait

 12   de démontrer que Sredoje Lukic était là en se fondant sur la déposition de

 13   la mère, et d'autre part, la déposition de VG-38 est considérée comme

 14   crédible.

 15   Une autre contradiction est celle que l'on peut constater entre la

 16   déposition de Hasib Kurspahic, à savoir son entretien, et la déposition

 17   fournie par Huso Kurspahic. Outre cela, je souhaite évoquer le fait que des

 18   témoins à charge n'ont jamais cité Sredoje Lukic, il s'agit des Témoins VG-

 19   78, VG-101, CW-2, et le dernier témoin connaissait Sredoje Lukic avant la

 20   guerre, mais dans sa déposition, elle ne l'a pas cité en tant qu'auteur

 21   ayant participé à l'incident. Je dis tout ceci de façon à évoquer les

 22   critères qui ont été appliqués dans l'affaire Limaj. Au paragraphe 153 de

 23   l'arrêt, il est déclaré que lorsqu'il s'agit d'apprécier les éléments de

 24   preuve fournis dans le cadre d'une identification, il faut tenir compte à

 25   la fois des éléments à charge et à décharge. Outre cela, je souhaite

 26   évoquer les paragraphes 39 et 40 de l'arrêt Kupreskic, où la Chambre

 27   d'appel a constaté que :

 28   "Une Chambre de première instance doit faire preuve d'une extrême


Page 128

  1   prudence lors de l'identification par un témoin de l'accusé."

  2   La Chambre de première instance n'a insisté sur aucun facteur

  3   important qui a eu un effet négatif sur les éléments de preuve présentés

  4   dans le cadre d'une identification et, par conséquent, a omis de déclarer

  5   quelle était son opinion motivée. Je souhaite maintenant vous demander de

  6   vous reporter sur vos écrans car vous y trouverez un résumé de notre

  7   présentation. Dans notre mémoire en appel, nous avons tenté de vous

  8   présenter une alternative raisonnable sur la personne qui aurait pu se

  9   trouver sur le lieu du crime en lieu et place de Sredoje Lukic. Il s'agit

 10   d'un extrait de la déposition de Mitar Vasiljevic.

 11   Le Procureur demande de façon claire à ce qu'une description du

 12   quatrième membre du groupe sur les lieux du crime soit donnée, et Mitar

 13   Vasiljevic indique clairement qu'il s'agit de VGD-40 [comme interprété],

 14   alors qu'en l'espèce il a témoigné pour dire que Sredoje Lukic n'était pas

 15   à Visegrad ce jour-là. La même description a été fournie par un certain

 16   nombre de témoins.

 17   VGD4 porte un nom, un prénom et un nom de famille, et ils ont été

 18   versés au dossier. Jusqu'à ce jour, d'éventuelles enquêtes contre VGD4 ne

 19   nous ont jamais été communiquées, même si son identité est connue et même

 20   s'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour indiquer que VGD4 a

 21   participé à ce crime plutôt que Sredoje Lukic. En outre, VGD4 est également

 22   cité lors de l'incident sur les rives de la Drina.

 23   La Chambre de première instance a omis de tenir compte de cet élément

 24   de preuve important. Par conséquent, nous devons signaler encore une fois

 25   le fait que la Chambre de première instance a omis de fournir une raison

 26   motivée. La question qui se pose donc est de savoir : comment la Chambre de

 27   première instance a pu conclure qu'il avait été prouvé au-delà de tout

 28   doute raisonnable que Sredoje Lukic était présent pendant toute la durée de


Page 129

  1   l'incident qui s'est déroulé dans la rue Pionirska, comme tenu du rôle joué

  2   par VGD4 dans cet incident et que ceci n'a jamais fait l'objet d'aucune

  3   enquête ?

  4   Je vous remercie de votre attention, Messieurs les Juges, et je vais

  5   maintenant donner la parole à mon confrère, Me Knoops.

  6   M. KNOOPS : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges, de bien

  7   vouloir me donner la parole.

  8   Je vous remercie, Monsieur Kremer, pour votre présentation

  9   PowerPoint.

 10   Mes arguments oraux ont été consignés sur le papier de façon à

 11   pouvoir plaider assez rapidement, et je vais remettre un exemplaire de ma

 12   présentation aux représentants du Greffe parce que vous trouverez dans les

 13   notes en bas de page toutes les citations que je fais aux sources et

 14   ouvrages juridiques. Merci.

 15   M. KREMER : [interprétation] Ecoutez, je vais soulever une objection quant

 16   à la distribution de ce document en me fondant sur le fait que ces

 17   documents sont polémiqués. Me Knoops peut, en réalité, se fonder là-dessus

 18   pour présenter ses arguments oralement. Il s'agit d'un nouveau document qui

 19   ne figure pas dans le mémoire en appel, et en examinant cela rapidement, je

 20   souhaite indiquer qu'il va sans doute présenter de nouveaux arguments qui

 21   n'ont même pas été présentés dans le cadre de cet appel. Donc je demande à

 22   ce que Me Knoops, s'il ne souhaite que citer les références en d'autres

 23   affaires --

 24   M. KNOOPS : [interprétation] C'est exact.

 25   M. KREMER : [interprétation] -- s'il souhaite fournir ceci au Juriste de la

 26   Chambre, je n'ai pas d'objection, il peut dans ce cas consigner ses

 27   citations sur un feuillet distinct. Mais pour ce qui est de l'argument en

 28   tant que tel, qui comporte une vingtaine de pages, je crois qu'il serait


Page 130

  1   injuste à ce stade de la procédure d'ajouter de nouveaux arguments sans que

  2   nous ayons eu l'occasion de les examiner au préalable pour pouvoir y

  3   répondre.

  4   Donc c'est l'alternative que je soumets aux Juges de la Chambre.

  5   M. KNOOPS : [interprétation] Je n'ai aucun problème avec ça, Monsieur

  6   le Président. Cela ne pose aucun problème pour moi. C'était simplement par

  7   courtoisie que j'ai fait cela envers les Juges de la Chambre, mais si

  8   l'Accusation souhaite soulever une objection, je n'ai pas de problème, je

  9   peux citer simplement les références. Et je vais vous montrer -- je n'ai

 10   pas d'autres arguments à présenter. Simplement, je souhaite étayer nos

 11   arguments. Passons maintenant à autre chose, et je peux dire aux Juges de

 12   la Chambre qu'il s'agit de références pertinentes, d'après nous.

 13   [La Chambre d'appel se concertent]

 14   M. LE JUGE GUNEY : Est-ce que vous avez déjà accepté une loi à suivre, une

 15   loi qui n'était pas objectée par le Procureur ? Donc la question est déjà

 16   résolue.

 17   M. KNOOPS : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, ceci ne portait

 18   que sur la présentation PowerPoint, ce qui a été accepté, mais qui ne

 19   concerne pas l'argument que je viens de distribuer. Mais j'accepte

 20   l'objection présentée par l'Accusation. Si l'Accusation pense qu'ils n'ont

 21   pas suffisamment de temps pour se préparer, cela ne me pose aucun problème.

 22   Il s'agit simplement d'une réflexion sur mes arguments présentés oralement.

 23   C'est simplement comme aide-mémoire pour les Juges de la Chambre, et je ne

 24   vais donc pas perdre du temps à argumenter ou parler de ce document. Je

 25   vais simplement présenter mes arguments oralement et présenter toutes ces

 26   références dans un document à part.

 27   M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie. Je vous remercie, donc, pour votre

 28   compréhension, les deux parties, en ce qui concerne le sujet en question.


Page 131

  1   Merci. Vous pouvez continuer.

  2   M. KNOOPS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Je vais donc aborder la question qui est présentée par les Juges de

  4   la Chambre dans son ordonnance du 6 septembre. Mais avant d'aborder cette

  5   question-là en particulier, je dois insister sur le fait que la condition

  6   préalable nous permettant de répondre à cette question qui nous a été posée

  7   par la Chambre est, bien sûr, la réponse que nous devons fournir à la

  8   question fournie par M. Cepic : est-ce que M. Sredoje Lukic était présent

  9   sur les lieux du crime, et s'il était présent, était-il armé ? Et il n'y a

 10   pas d'élément de preuve incontestable ou crédible dans la mesure où, je

 11   cite l'arrêt Kupresic, paragraphe 226, que le critère de "totalement

 12   erroné" intervient. Seul le critère retenu par la Chambre d'appel est ce

 13   qui permet de donner la définition juridique de "totalement erroné".

 14   La question que je vais donc aborder est une question qui présuppose que la

 15   Chambre, à un moment donné, aurait répondu par l'affirmative aux deux

 16   premières questions, que vous trouverez sur la première diapositive de la

 17   présentation de Me Cepic. Avant d'aborder cette question, Messieurs les

 18   Juges, nous devons nous rappeler que la théorie initiale de l'Accusation se

 19   fondait sur l'hypothèse que M. Sredoje Lukic a participé et était présent à

 20   toutes les cinq étapes que vous trouverez dans la première diapositive de

 21   Me Cepic. Nous savons, en revanche, aujourd'hui que les conclusions de la

 22   Chambre de première instance qui n'ont pas été contestées par l'Accusation

 23   étaient telles qu'elle n'a admis la présence de Sredoje Lukic qu'en phases

 24   2 et 4, à savoir les vols, à l'étape numéro 2; et le transfert à la maison

 25   d'Adem Omeragic.

 26   Pour pouvoir présenter une thèse invoquant le fait d'aider et

 27   d'encourager, il est important de regarder le cadre temporel entre ces deux

 28   étapes. Et si vous reconstituez l'affaire et que vous analysez les


Page 132

  1   constatations de la Chambre de première instance, il est possible de

  2   déduire que cinq heures se sont écoulées entre le cambriolage, le vol, et

  3   le transfert, l'étape numéro 4. Et ces cinq étapes dont nous parlons

  4   couvraient une journée entière.

  5   Je vais en venir à la pertinence de cette observation un peu plus

  6   tard lorsque je présenterai mes arguments oraux.

  7   L'Accusation n'a pas contesté et, en réalité, admis la constatation

  8   de la Chambre de première instance à savoir que Sredoje Lukic n'était soi-

  9   disant impliqué que dans les étapes 2 et 4. La question qui se pose, par

 10   conséquent, est de savoir si le fait d'aider et d'encourager aux crimes de

 11   meurtre et d'actes inhumains peut être fondé sur ces simples deux étapes en

 12   se fondant sur le seul élément concret qui a été présenté, à savoir que M.

 13   Lukic se trouvait sur les lieux du crime, premièrement; et que

 14   manifestement il portait des armes, deuxièmement. Sur les lieux du crime,

 15   eh bien, ceci se rapporte aux étapes 2 et 4 - nous allons y venir dans

 16   quelques instants - et la deuxième hypothèse, le fait qu'il portait

 17   manifestement des armes, ne se rapporte qu'à la deuxième étape, parce que

 18   la Chambre de première instance a admis qu'à l'étape numéro 4, M. Lukic

 19   n'était pas là et n'avait pas d'armes.

 20   La caractérisation erronée par les Juges de la Chambre à la lumière

 21   de ces conclusions était à l'origine du déni de justice qu'allègue la

 22   Défense. Et la Chambre de première instance ne s'est fondée que sur ces

 23   deux étapes et, en l'absence de tout autre élément concret, à savoir la

 24   présence réelle et le fait de porter des armes, a mal cité la loi, parce

 25   que ceci ne peut pas être l'équivalent d'aider et d'encourager aux chefs 9,

 26   10, 11 -- 9, 10 et 12, pardonnez-moi.

 27   Passons maintenant au tableau numéro 4, que vous verrez sur vos

 28   écrans, Messieurs les Juges. Regardons tout d'abord ce qui a été conclu par


Page 133

  1   la Chambre de première instance eu égard à ce premier élément, autrement

  2   dit, le lieu du crime. Sur la gauche du tableau, vous trouverez la

  3   déposition d'origine des quatre témoins pertinents sur lesquelles les Juges

  4   de la Chambre de première instance ont préparé leurs conclusions. Et

  5   ensuite, je dirais d'éléments déformés des éléments de preuve -- le fait de

  6   dénaturer les éléments de preuve présentés à la Chambre de première

  7   instance. Et en bas de ce tableau, vous trouverez les conclusions. En

  8   réalité, aucun des témoins n'a en réalité vu M. Sredoje Lukic dans la

  9   maison, qui était le lieu du crime, où le vol et le cambriolage ont eu

 10   lieu. Deux des témoins ont été incapables de faire la différence entre

 11   Milan et Sredoje Lukic, ce qui met en cause les conclusions de la Chambre

 12   d'appel dans l'affaire Kupreskic à propos du Témoin H aux paragraphes 222 à

 13   226, où la Chambre d'appel, si je me souviens bien, fournit une définition

 14   du terme "complètement erroné".

 15   Et du côté droit du tableau, vous trouverez l'observation -- ou la

 16   constatation de la Chambre de première instance à savoir que Sredoje Lukic

 17   était simplement présent "sur les lieux où le cambriolage et le vol ont été

 18   effectués".

 19   M. le Juge Robinson, dans son opinion dissidente, a estimé que tous

 20   les éléments de preuve indiquent que Sredoje Lukic était présent, non pas

 21   qu'il était présent sur les lieux du crime ou la maison dans laquelle il y

 22   a eu ces vols, sans pour autant donner un endroit précis. Ce qui a été

 23   interprété correctement par M. le Juge Robinson, parce que les éléments

 24   présentés sur ce tableau ne permettent pas de montrer du doigt Sredoje

 25   Lukic et le lieu du crime, à savoir les vols qui ont été commis à

 26   l'intérieur de la maison. C'est la raison pour laquelle la doctrine du

 27   droit pénal utilise le concept de présence constructive, qui est un terme

 28   qui a été introduit par Blackstone il y a de nombreuses années déjà. Et


Page 134

  1   dans un des ouvrages juridiques "Boyce and Perkins" américains dont j'ai

  2   cité la page 741 et la jurisprudence applicable que j'ai citée. Cette

  3   doctrine précise que si l'endroit précis où s'est trouvé un coaccusé, si

  4   ceci est contesté, en d'autres termes, si on ne sait pas exactement quel

  5   était ce lieu précis, on ne peut pas sans d'autre preuve matérielle

  6   qualifier cela de présence en tant que telle dans le cas où l'endroit

  7   précis n'a pas été identifié. Dans ce cas, on ne peut pas qualifier le fait

  8   d'aider et d'encourager. C'est la raison pour laquelle cet ouvrage de

  9   référence, qui reflète le "common law" américain et la doctrine d'aider et

 10   d'encourager, explique pourquoi le principe au deuxième degré doit marquer

 11   la présence de l'auteur du délit - parce que dans l'espèce qui nous

 12   intéresse, il a été admis que M. Sredoje Lukic ne se trouvait pas sur le

 13   lieu du crime, qu'il était à l'extérieur de la maison où il y a les vols -

 14   ou, subsidiairement, de façon constructive, il a fourni une aide directe

 15   aux auteurs. Et ceci, dit Blackstone, peut être fait par le moyen d'une

 16   présence constructive.

 17   Cette doctrine de la présence constructive signifie que l'on coopère

 18   avec l'auteur et que l'on est situé à un endroit tel qu'on est capable de

 19   l'aider dans le but "d'assurer le succès d'assurer la réalisation de

 20   l'objectif commun."

 21   Messieurs les Juges, assurer le succès et la réalisation de l'objectif

 22   commun implique qu'être sur les lieux du crime ou ne pas être, en réalité,

 23   sur les lieux du crime constitue deux choses différentes. Il s'agit là de

 24   deux types d'aider et d'encourager par rapport à la notion de présence.

 25   Outre l'identification d'un endroit précis à l'extérieur du lieu du crime,

 26   ceci permet la réalisation d'une mission par le principal auteur.

 27   Au vu des éléments de preuve qui nous ont été présentés, Messieurs les

 28   Juges, les constatations de la Chambre de première instance permettent


Page 135

  1   d'étayer l'hypothèse que M. Sredoje Lukic et sa présence n'a pas permis la

  2   réalisation de l'objectif commun, quel qu'ait été l'objectif commun. Il n'y

  3   a pas d'éléments de preuve visant l'objectif commun ou un plan entre

  4   l'auteur principal, M. Sredoje Lukic, et d'autres personnes. Parce qu'il

  5   n'était pas dans le secret d'une quelconque information que ce soit, et

  6   ceci n'a pas été présenté dans les éléments de preuve.

  7   La présence constructive, par conséquent, ne peut pas être admise -

  8   la doctrine de la présence constructive ne peut pas être admise - dans

  9   l'éventualité où l'accusé n'est pas lié à un véritable lieu de crime. Et

 10   ceci n'est pas clair si, en réalité, il a permis la réalisation d'un

 11   objectif commun. En d'autres termes, s'il y a des vols qui sont commis à

 12   l'intérieur d'une maison et que l'homme en question se trouve à l'extérieur

 13   sans qu'il ait été établi qu'un objectif commun ait été défini, on ne peut

 14   pas dire que la personne a aidé et encouragé le vol en question dans ce

 15   cas.

 16   Etant donné que la Chambre de première instance n'a jamais conclu

 17   qu'un endroit précis ait pu être déterminé, à savoir l'endroit où les vols

 18   ont été commis, ne peut être déduite sur la manière dont il aurait assisté

 19   ou contribué. A-t-il regardé ? Nous ne le savons pas. Ceci ne figure pas

 20   dans les éléments de preuve. Où était-il situé par rapport au principal

 21   auteur ? Nous ne le savons pas. Peut-être que la porte était fermée. Est-ce

 22   qu'on pouvait le voir, est-ce qu'on pouvait être entendu par rapport à

 23   l'endroit où le crime a été commis ? Ceci n'a pas été présenté dans les

 24   éléments de preuve. Etait-il là, tout simplement ? Est-ce qu'il était à

 25   l'extérieur de la maison de Jusuf Memic, ceci est pertinent s'il s'agit de

 26   réaliser l'objectif commun ?

 27   Nous n'avons pas la réponse à toutes ces questions. Et ces questions

 28   n'ont pas de réponse dans les éléments de preuve. Par conséquent, nous ne


Page 136

  1   pouvons pas établir le caractère, pour autant qu'il y en ait un, de la

  2   contribution de Sredoje Lukic. Nous pouvons encore moins dire que cette

  3   contribution ait été substantielle. Qu'est le critère retenu lorsqu'il

  4   s'agit d'évaluer le fait d'aider et d'encourager ? Etant donné que ces

  5   scénarios ne peuvent pas être exclus de façon raisonnable, on ne peut pas

  6   accepter l'argument artificiel de la Chambre de première instance à savoir

  7   que la présence constructive est la seule déduction raisonnable.

  8   L'ancien président de ce Tribunal, le Pr Cassese, dans son ouvrage

  9   sur le droit pénal international, résume ceci comme suit :

 10   "La simple présence peut signifier aider et encourager lorsqu'une

 11   telle présence signifie ou implique un encouragement substantiel à ces

 12   crimes au vu de l'autorité du spectateur, avec la conséquence suivante,"

 13   qui était essentielle, Messieurs les Juges, "permet de dire qu'il y a un

 14   appui psychologique et moral, et que ceci permet de légitimer cette

 15   présence."

 16   Le Pr Cassese mentionne, par exemple : "La personne qui était

 17   supérieure à un supérieur hiérarchique de l'auteur et avait un statut

 18   important dans la société ou dans l'armée. Dans l'affaire qui nous

 19   intéresse, M. Sredoje Lukic n'était pas un supérieur hiérarchique de

 20   quiconque et n'avait aucun statut particulier dans la société, et les

 21   autres auteurs allégués non plus. Nous y viendrons pas la suite.

 22   Donc vous verrez quelle pertinence revêt tout ceci.

 23   M. LE JUGE GUNEY : Vous nous avez parlé largement. Merci. Et, Maître, vous

 24   avez parlé d'une présence constructive, une présence qui a un sens en

 25   relation du sujet qui la concerne. Est-ce que vous pouvez nous offrir des

 26   critères en vue de concrétiser un peu plus quelle est la présence

 27   constructive ? Dans quelles circonstances on pourrait parler d'une présence

 28   constructive ? Merci.


Page 137

  1   M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais aborder ceci

  2   dans une petite minute, mais je vous dirais en guise de réponse que la

  3   présence constructive peut seulement être acceptée comme base pour le fait

  4   d'aider et d'encourager si la personne se trouve sur les lieux du crime,

  5   donc se trouve véritablement exactement sur les lieux du crime, et il faut

  6   également que cette présence aille de pair avec d'autres actions concrètes,

  7   ou du fait de l'autorité de cette personne, il faut que cela implique un

  8   encouragement ou un appui moral. Vous connaissez la jurisprudence de ce

  9   Tribunal. La Chambre d'appel a seulement accepté l'approbation tacite,

 10   l'appui moral, l'encouragement, l'appui ou le soutien moral signifiant que

 11   quelqu'un encourage par ses propos la personne, les auteurs principaux du

 12   crime. Alors, si vous prenez en considération la jurisprudence de ce

 13   Tribunal, vous ne trouverez peut-être pas les termes de "présence

 14   constructive", mais il s'agit de présence qui a une conséquence ou un

 15   impact considérable sur les actes de la personne.

 16   Il se peut que, bon, ce soit un équivalent, il se peut que cela se

 17   trouve au tableau numéro 6. Vous y trouverez la réponse pour que nous ne

 18   perdions pas trop de temps. Dans le tableau numéro 6, vous trouverez une

 19   comparaison qui a été établie entre les précédents les plus pertinents par

 20   rapport au fait d'aider et d'encourager, et dans les cas où cela était

 21   accepté précédemment par ce Tribunal, il n'y avait absolument aucun

 22   contentieux en ce qui concerne la présence physique de la personne. Par

 23   exemple, dans l'affaire Aleksovski, il était présent sur les lieux où les

 24   prisonniers devaient effectuer des travaux forcés et il était également

 25   présent sur les lieux où ils étaient utilisés comme bouclier humain.

 26   Vasiljevic était armé et présent à l'hôtel Vilina Vlas. Il les a

 27   accompagnés, il a dirigé son fusil vers eux, et il était debout juste

 28   derrière les sept Musulmans.  Donc, en l'occurrence il n'y a absolument


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  1   aucun doute à propos de la présence véritable de l'accusé sur les lieux du

  2   crime. Vous avez Furundzija, la Chambre d'appel, par son arrêt du 21

  3   juillet 2000, qui indique que le commandant des Jokers, et là vous avez une

  4   différence pour ce qui est de l'autorité, a agi et a continué à interroger

  5   des victimes précises. Ses actes ont dépassé le simple fait d'être présent,

  6   mais ce qui était important, c'est qu'il n'y avait absolument aucune

  7   polémique quant à la présence de ladite personne sur les lieux, ce qui fait

  8   que le Tribunal a pu bien entendu décider qu'il y avait présence

  9   constructive.

 10   Donc la condition préalable qui détermine la présence constructive

 11   est qu'il ne faut pas qu'il y ait de contention et de polémique à propos de

 12   l'endroit où se trouve l'accusé ou le coauteur des crimes allégués. Et si

 13   cela ne fait pas partie des éléments de preuve, vous ne pouvez pas, en

 14   fait, envisager, par exemple, les critères d'assistance matérielle,

 15   d'encouragement par des propos.

 16   Vous avez également le jugement en première instance dans l'affaire

 17   Akayesu, où il a été prouvé qu'Akeyesu a été présent durant de nombreux

 18   incidents de violence sexuelle. Vous avez également dans l'arrêt Haradinaj,

 19   Limaj [comme interprété] qui était présent alors que trois témoins ont été

 20   roués de coups. Il a lui-même frappé le Témoin numéro 6, a interrogé le

 21   Témoin numéro 3, et cetera, et cetera. Voici cinq exemples qui émanent

 22   d'affaires précédentes dont a été saisi ce Tribunal à propos du fait

 23   d'aider et d'encourager qui montrent de façon très claire que la présence

 24   constructive signifie qu'il faut que le coauteur des crimes se trouve sur

 25   un lieu et que cela ne soit pas disputé.

 26   M. LE JUGE GUNEY : Il vous reste maintenant 15 minutes avant la pause de 30

 27   minutes, même 12 minutes avant la pause. Veuillez prendre ça en ligne de

 28   compte. Merci.


Page 139

  1   M. KNOOPS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Alors, je vais passer maintenant au cliché numéro 5 -- au tableau

  3   numéro 5, qui fait référence au transfert.

  4   La Chambre de première instance a accepté à la majorité, M. le Juge

  5   Robinson exprimant une opinion dissidente, que Sredoje Lukic était présent

  6   durant le transfert auquel il a participé. Et au tableau numéro 5, vous

  7   verrez les éléments de preuve qui ont été retenus par la Chambre de

  8   première instance, et vous verrez que la conclusion est que les armes n'ont

  9   pas été mentionnées par les témoins, à l'exception du Témoin VG-84 qui a

 10   apporté des éléments de preuve contradictoires sur les armes. Il a été

 11   question d'armes automatiques, puis de fusils à lunette. En fait, les deux

 12   personnes ont été confondues d'ailleurs par le témoin, ce qui explique en

 13   fait qu'en dépit du témoignage du Témoin VG-84, la Chambre a accepté la

 14   présence de M. Lukic seulement durant le transfert et n'a pas accepté sa

 15   présence armée. Ce qui fait une différence considérable. Cela signifie en

 16   fait que la conclusion de cette analyse est que, premièrement, Lukic était

 17   tout simplement présent pendant le transfert, paragraphe 607; qu'il se

 18   trouvait sur le lieu du crime qui n'était pas exactement l'endroit où s'est

 19   déroulé le crime, paragraphe 605; et qu'il n'y a pas d'autre élément de

 20   preuve tangible ou concret qui permet de corroborer l'existence et la

 21   présence d'armes. D'ailleurs, il n'a pas pu être déterminé quel était

 22   l'arme ou le fusil qui avait été utilisé. Dans l'affaire Vasiljevic, la

 23   Chambre d'appel a accepté le fait que l'accusé avait aidé et encouragé

 24   parce que l'accusé avait pointé vers les victimes son fusil et qu'il était

 25   debout derrière les victimes. Donc cela n'a pas été accepté dans cette

 26   affaire, et c'est la raison pour laquelle M. le Juge Robinson a exprimé son

 27   opinion dissidente. Il a donc tiré la même conclusion.

 28   Par conséquent, il n'y a que durant l'une des phases où il a été


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  1   accepté que des armes étaient visibles et étaient portées, et cela a été

  2   accepté par la Chambre. Mais ces conclusions ne sont pas suffisantes pour

  3   déterminer le critère de preuve au-delà de tout doute raisonnable pour

  4   accepter les chefs consistant à aider et à encourager, chefs 9 à 12.

  5   Il y a encore des arguments supplémentaires qui expliquent que même

  6   si la Chambre devait accepter le fait que M. Sredoje Lukic était présent

  7   pendant la deuxième phase et même portait visiblement des armes, il y a

  8   sept raisons qui sont données sans pour autant que des éléments de preuve

  9   concrets aient été apportés. Et vous nous avez posé une question dans votre

 10   ordonnance du 6 septembre, et je dois répondre catégoriquement par la

 11   négative. Car le fait de porter visiblement des armes n'équivaut pas au

 12   fait d'encourager et d'aider dans les circonstances de cette affaire.

 13   Premièrement, il n'est pas présent lors de toutes les phases de ces

 14   événements. Je l'ai déjà mentionné. L'Accusation a dégagé une conclusion

 15   différente.

 16   Deuxièmement, il n'y a pas eu d'action physique de la part de

 17   l'accusé du fait de ce fusil. Cela, en tout cas, n'a pas été déterminé par

 18   les éléments de preuve, contrairement à ce qu'a décidé la Chambre d'appel

 19   dans l'affaire Vasiljevic.

 20   Troisièmement, et peut-être que nous pourrions reprendre le tableau

 21   numéro 6, qui vous permet de comprendre la différence entre cette affaire

 22   et les autres affaires. M. Sredoje Lukic était un policier des plus

 23   ordinaires, il n'avait pas de grade, il n'avait pas de titre, il ne portait

 24   pas d'ailleurs l'uniforme de la police, et il n'a jamais été prouvé qu'il

 25   s'était présenté en tant que policier. Il n'a pas dit : Je suis M. Untel,

 26   je suis officier de police dans ce poste de police. Cela n'a jamais été

 27   présenté comme élément de preuve. Il n'avait pas d'emblème distinctif de la

 28   police. Il n'avait pas d'autorité, il n'était pas le supérieur de


Page 141

  1   quelqu'un. Donc, voilà autant de divergences ou de différences que vous

  2   retrouvez dans le tableau numéro 6.

  3   Quatrièmement, comme cela a déjà été mentionné, il n'y a pas eu d'autres

  4   actes concrets ou tangibles équivalant à une assistance matérielle ou

  5   pratique ou à un soutien moral qui aurait été donné, excepté le fait qu'il

  6   était tout simplement présent sur les lieux du crime, quel que soit

  7   d'ailleurs ce lieu. Ce qui n'a pas d'ailleurs été précisé.

  8   Ce que je trouve particulièrement frappant, c'est que dans son paragraphe 1

  9   034, la Chambre indique que Sredoje Lukic a aidé et encouragé à la mise à

 10   feu du domicile d'Adem Omeragic, alors qu'au paragraphe 613 il est conclu

 11   qu'il n'y a pas d'élément de preuve fiable suivant lequel Sredoje Lukic a

 12   participé à la mise à feu de la maison d'Adem Omeragic ou qu'il aurait tiré

 13   vers les fenêtres. Comment est-ce que vous pouvez concilier les deux

 14   paragraphes ? Comment est-ce que quelqu'un peut aider et encourager s'il

 15   n'y a pas d'élément de preuve fiable ? Or, il s'agit de la même personne

 16   qui aurait participé à cet incendie. Voilà comment ces deux paragraphes

 17   peuvent être lus. Comment est-ce que l'on peut déduire qu'il y a

 18   responsabilité pénale sans qu'il n'y ait d'élément de preuve 

 19   tangible ?

 20   Il en va de même avec les fouilles corporelles, paragraphes 594 et

 21   596, la Chambre accepte que M. Sredoje Lukic n'ait absolument pas participé

 22   à ces activités, et pourtant, au paragraphe 637, à la fin du document, la

 23   Chambre accepte qu'il a participé aux fouilles corporelles et à

 24   l'expulsion. Il s'agit de conclusions absolument et manifestement

 25   contradictoires de la part de la Chambre et qui ne peuvent absolument pas

 26   étayer une condamnation pour le fait d'avoir aidé et encouragé.

 27   Et je vais maintenant passer au sixième élément, les actes allégués qui ne

 28   sont pas équivalents de la qualification d'assistance matérielle et


Page 142

  1   substantielle. Nous en avons déjà parlé. Et j'aimerais insister sur le fait

  2   qu'aucun élément de preuve n'a été apporté suivant lequel M. Lukic a eu des

  3   propos d'encouragement ou a fait des déclarations. Il n'y a pas eu de

  4   réaction, et la Chambre, d'ailleurs, dans l'affaire Alekovski, avait déjà

  5   accepté qu'en l'absence d'une réaction, on ne peut pas indiquer que la

  6   personne doit être condamnée pour avoir aidé et encouragé. Encore moins

  7   lorsqu'il s'agit d'aider l'auteur principal du crime.

  8   Finalement, en septième lieu, vous avez le seuil pour déterminer le mens

  9   rea, eh bien, ce seuil n'a pas été respecté. Il y a trois contre-

 10   indications. Je parlerai dans un premier temps du mens rea pour les

 11   meurtres. Cela a été déduit par la Chambre du fait de la présence supposée

 12   de Sredoje Lukic durant le transfert, qui correspond à la phase 4 des

 13   opérations. Parce que si le transfert n'a pas de conséquences importantes

 14   pour cette affaire, il ne peut pas ainsi être condamné à ce titre.

 15   Au paragraphe 1 033, la Chambre conclut que M. Lukic était présent

 16   durant le transfert et que, de ce fait, il a aidé et encouragé la

 17   commission des meurtres. Je ne comprends pas et je ne retrouve pas

 18   d'ailleurs le lien entre les éléments de preuve, le lien de cause à effet,

 19   parce que vous avez tout simplement sa simple présence pendant le

 20   transfert, et je ne retrouve pas le lien entre ce transfert, cette présence

 21   et le fait d'avoir aidé et encouragé à la commission de ce meurtre, parce

 22   qu'aucun élément de preuve n'a jamais été présenté pour déterminer que

 23   Sredoje Lukic savait que ces meurtres étaient commis. Et là, la Chambre

 24   d'appel dans l'affaire Vasiljevic a indiqué de façon très claire, dans une

 25   situation tout à fait analogue, que lorsqu'il y a ambiguïté des actions, la

 26   personne ne peut pas être condamnée de ce fait.

 27   Bon, je pense que j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Et je dirais en

 28   fait qu'il y a une contradiction entre le paragraphe 613 et le paragraphe 1


Page 143

  1   034, car il est accepté dans un premier temps que M. Sredoje Lukic n'a pas

  2   participé aux tirs vers la maison d'Adem Omeragic, qu'il n'a pas participé

  3   à l'incendie de cette maison. Comment est-ce que l'on peut ensuite déduire

  4   tout simplement que le mens rea requis existait pour cet événement, étant

  5   donné que le transfert s'est déroulé plusieurs heures avant le meurtre

  6   allégué ?

  7   Et puis, en dernier lieu, je pense qu'après le jugement de la Chambre

  8   de première instance dans l'affaire Oric à propos des éléments de mens rea

  9   pour avoir aidé et encouragé, vous trouverez dans notre mémoire d'appel les

 10   quatre critères requis, je ne vais pas les répéter maintenant. La Chambre

 11   d'appel dans l'affaire Haradinaj a prononcé un arrêt le 9 juillet 2010, au

 12   paragraphe 58, en indiquant ou en renforçant le critère de double intention

 13   suivant lequel la personne qui aide et encourage doit savoir que ses actes

 14   vont aider à la commission du crime par l'auteur du crime principal et que,

 15   de ce fait, la personne qui aide et encourage doit être parfaitement

 16   informée des éléments essentiels du crime qui seront en dernier recours

 17   commis par l'auteur principal du crime.

 18   Donc, d'après les éléments de preuve qui ont été présentés, nous ne

 19   pouvons pas avancer que M. Sredoje Lukic ait été informé de ce plan et

 20   qu'il y avait véritablement intention.

 21   J'en ai terminé.

 22   M. LE JUGE GUNEY : Nous allons maintenant prendre une pause de 30 minutes.

 23   L'audience est suspendue.

 24   --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.

 25   --- L'audience est reprise à 16 heures 31.

 26   M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. J'inviterais maintenant

 27   les représentants du bureau du Procureur à présenter leur réponse. Je vous

 28   rappelle que vous disposez d'une période d'une heure et 15 minutes pour ce


Page 144

  1   faire.

  2   M. KREMER : [interprétation] Messieurs les Juges, le 14 juin 1992, Sredoje

  3   Lukic a aidé Milan Lukic ainsi qu'un groupe d'hommes serbes armés pendant

  4   qu'ils volaient, humiliaient, terrorisaient et tuaient un groupe important

  5   de Musulmans de Koritnik dans la rue Pionirska à Visegrad.

  6   A plusieurs reprises lors du second semestre de l'année 1992 et au

  7   cours des derniers [comme interprété] mois de l'année 1993, Sredoje Lukic a

  8   roué de coups, et ce, de façon brutale, des prisonniers musulmans dans le

  9   camp de détention d'Uzamnica. Après avoir entendu les éléments de preuve

 10   présentés en première instance, la Chambre a condamné à juste titre Sredoje

 11   Lukic pour ces crimes. Il a essayé de présenter à nouveau ses thèses et

 12   arguments, qui avaient déjà d'ailleurs été soulevés lors de la première

 13   instance et qui avaient été pris en considération de façon tout à fait

 14   équitable par la Chambre de première instance, et il n'a pas été à même de

 15   démontrer que la Chambre de première instance avait commis des erreurs, et,

 16   de ce fait, son appel devrait être rejeté.

 17   En répondant aux arguments présentés aujourd'hui, l'Accusation va

 18   présenter dans l'ordre suivant ses arguments : dans un premier temps, je

 19   vais répondre à la deuxième question posée par la Chambre d'appel; je

 20   m'intéresserai ensuite aux questions soulevées par Sredoje Lukic eu égard à

 21   sa responsabilité pour le fait d'avoir aidé et encouragé les crimes dans la

 22   rue de Pionirska, je m'intéresserai plus particulièrement à la question de

 23   l'identification; puis M. Schuster parlera de ses crimes commis à Uzamnica.

 24   Pour ce qui est de l'affaire de la rue Pionirska, nous devons considérer le

 25   contexte. Il s'agit d'un groupe de Musulmans de Koritnik qui ont été

 26   contraints par des Serbes armés à quitter leur ville, ils ont dû se rendre

 27   à Visegrad et finalement ont été dirigés vers une maison dans la rue

 28   Pionirska en début d'après-midi du 14 juin 1992. Il faut prendre en


Page 145

  1   considération que, dans le contexte, Milan Lukic, Sredoje Lukic et d'autres

  2   hommes armés, qui ont été identifiés comme Mitar Vasiljevic et Milan

  3   Susnjar, sont arrivés en fin d'après-midi et ont commencé à voler, humilier

  4   et terroriser les victimes parmi lesquelles se trouvaient de nombreuses

  5   femmes ainsi que des enfants. Ces hommes étaient armés. Ces hommes

  6   portaient des uniformes de camouflage. Et la première chose qu'ils ont

  7   faite lorsqu'ils ont rencontré les Musulmans dans la maison de Memic a été

  8   de se présenter, à la fois pour ce qui est de Milan Lukic et de Sredoje

  9   Lukic, et ensuite - d'après la conclusion établie par la Chambre de

 10   première instance - Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de lui donner

 11   les objets précieux qu'ils avaient sur eux.

 12   Le vol, les fouilles corporelles et d'autres comportements

 13   particulièrement humiliants, notamment le fait que trois femmes ont été

 14   conduites ailleurs pour être violées au cours des deux à trois heures

 15   suivantes, tout cela doit être replacé dans le contexte de la situation de

 16   l'époque, ces réfugiés qui fuyaient, qui s'attendaient à être transférés

 17   quelque part et qui ont été absolument terrorisés par quatre hommes armés

 18   dirigés par Milan Lukic. Cette nuit-là, Sredoje Lukic, Milan Lukic et les

 19   mêmes hommes armés sont revenus, armés à nouveau, et ils avaient des

 20   torches, des lampes électriques, parce qu'il faisait nuit, il était 23

 21   heures. Et immédiatement, les Musulmans ont été transférés de la maison de

 22   Memic vers la maison d'Omeragic, qui avait été imbibée d'un produit

 23   permettant d'accélérer l'incendie.

 24   Ce que nous avançons - et ce qui a été repris par la Chambre - est

 25   que Sredoje Lukic a participé activement à ce transfert et, pour reprendre

 26   les propos de la Chambre, aidé à ce que ces victimes soient conduites comme

 27   du bétail vers la maison où ils ont été exécutés. Milan Lukic a mis le feu

 28   à la maison, et les membres de ce groupe ont tiré sur les victimes qui


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  1   essayaient de s'enfuir. La Chambre a conclu et n'a pas condamné Sredoje

  2   Lukic pour avoir commis le crime de meurtre parce qu'aucun élément de

  3   preuve n'avait été avancé suivant lequel il aurait mis le feu à la maison

  4   ou tiré sur les victimes. Mais cet acte monstrueux, qui émanait en quelque

  5   sorte, qui découlait des actes de Milan Lukic ont été aidés et encouragés

  6   par Sredoje Lukic. Il y a eu préméditation, il y a eu un plan, et Milan

  7   Lukic ainsi que ce groupe sont arrivés ensemble et ont effectué ces actes à

  8   la fois pendant l'après-midi et pendant la soirée.

  9   La Chambre a entendu les éléments de preuve présentés par les témoins

 10   qui sont venus témoigner ici à propos de ces événements, et comme je l'ai

 11   déjà indiqué ce matin, la Chambre a apprécié de façon très méticuleuse ces

 12   éléments de preuve, a repris les principes juridiques qui l'ont orientée à

 13   la fois pour ce qui était des éléments de preuve et de l'identification. La

 14   condamnation de Sredoje Lukic pour avoir aidé et encouragé à ce crime est

 15   tout à fait raisonnable et, qui plus est, est tout à fait étayée par les

 16   éléments de preuve.

 17   J'aimerais maintenant en venir à la question numéro 2, parce qu'il

 18   s'agit de savoir s'il était armé, puisque c'est la question qui a été

 19   soulevée, et je vous indiquerais que cette conclusion est absolument

 20   corroborée par les éléments de preuve.

 21   A l'unanimité, la Chambre a conclu que Sredoje Lukic, Milan Lukic et les

 22   autres hommes du groupe de Lukic étaient tous armés et avaient des fusils

 23   automatiques, des grenades, des baïonnettes, et portaient également des

 24   uniformes de camouflage, à la fois pendant l'après-midi et pendant la nuit.

 25   Pendant la nuit, Sredoje Lukic, Milan Lukic et les autres avaient également

 26   des lampes électriques militaires. Sredoje Lukic était armé pendant le vol

 27   qui a eu lieu l'après-midi - je fais référence aux paragraphes 343, 583,

 28   593 et 637. Le Témoin VG-38 a mentionné que Sredoje Lukic avait une arme


Page 147

  1   automatique. Le Témoin VG-18 a également fait référence à un fusil

  2   automatique.

  3   Sredoje Lukic était armé la nuit où il est venu les aider à conduire comme

  4   du bétail les victimes depuis la maison de Memic vers la maison d'Omeragic.

  5   Cela figure au paragraphe 604, et je mentionne en fait que mes estimés

  6   confrères n'ont absolument pas mentionné cela qui figure au paragraphe 604.

  7   Ils ne l'ont pas mentionné cet après-midi. Cela fait également l'objet du

  8   paragraphe 607. Le Témoin VG-38 a témoigné avoir vu Sredoje Lukic en

  9   possession d'une arme automatique au moment du transfert - paragraphe 419 -

 10   qui reprend la page 984 du compte rendu d'audience. Lors du contre-

 11   interrogatoire mené à bien par Me Cepic, le Témoin VG-38 a confirmé

 12   qu'outre les armes automatiques, Sredoje Lukic et les autres hommes

 13   disposaient également de grenades et de baïonnettes. Page 984 du compte

 14   rendu d'audience avec la note en bas de page 419.

 15   Le Témoin VG-84 a également confirmé que les quatre hommes qui sont revenus

 16   chez Memic pour opérer le transfert, notamment Sredoje Lukic, étaient

 17   armés.

 18   Ce que je voudrais, en fait, souligner, c'est que la distinction qui

 19   est faite par l'appelant en l'espèce à propos de cette confusion entre

 20   Milan Lukic et Sredoje Lukic, confusion qui a été faite par les Témoins 84

 21   et 38, n'enlève rien au fait que Milan Lukic et Sredoje Lukic étaient tous

 22   les deux armés. Et cela n'exclut pas non plus le fait qu'ils étaient tous

 23   les deux présents dans ces différents lieux. Par exemple, lorsque Milan

 24   Lukic profère des menaces - parce qu'une question a été posée pour savoir

 25   qui avait menacé les victimes avant le vol - il faut savoir que la décision

 26   qui a retenue par la Chambre de première instance indiquait que c'était

 27   Milan Lukic qui avait proféré des menaces, mais les éléments de preuve qui

 28   ont été apportés indiquent que Sredoje Lukic était également présent.


Page 148

  1   Sredoje Lukic et Milan Lukic se sont présentés aux victimes. Milan Lukic

  2   leur a ensuite dit de lui remettre leurs objets précieux, et à un moment

  3   donné Sredoje Lukic, qui a peut-être été pris pour Milan Lukic, est sorti.

  4   Mais la Chambre de première instance s'est fondée sur tous les

  5   éléments de preuve tels qu'ils ont été compris, tels qu'ils ont été

  6   acceptés, et la conclusion de la Chambre de première instance était que

  7   Milan Lukic a donné l'ordre aux Musulmans de donner leurs effets

  8   personnels, leurs objets précieux, qu'il était armé et que Sredoje était

  9   également armé dans la pièce où les menaces ont été proférées. La présence

 10   à côté de Milan Lukic lorsque les menaces ont été proférées -- le fait que

 11   cette personne se trouvait à côté ou dans la pièce n'est peut-être pas une

 12   conclusion très précise, une conclusion juridique très précise. Mais il

 13   faut savoir qu'en matière de constatation factuelle, le fait est, lorsqu'on

 14   prend en considération les références aux pages précises des comptes rendus

 15   d'audience, ça nous permet de comprendre que cela est bel et bien le cas.

 16   Me Knoops nous a dit qu'il aurait fallu qu'un témoin dise précisément

 17   : M. Sredoje Lukic a pointé son fusil et, par conséquent, le vol s'est

 18   passé pour pouvoir justifier la condamnation pour avoir aidé et encouragé,

 19   mais je pense que cela part d'une prémisse tout à fait erronée. Parce qu'il

 20   faut savoir que quatre hommes armés portant un uniforme de camouflage sont

 21   arrivés, se sont adressés à un groupe de personnes qui étaient absolument

 22   désespérées et leur ont demandé à quelques secondes de leur arrivée :

 23   Donnez-nous vos objets précieux, donnez-nous vos effets personnels. Et

 24   ensuite, d'autres crimes ont été commis au cours des deux à trois heures

 25   suivantes.

 26   Et puis, il faut savoir que lorsqu'ils reviennent, ils reviennent tous

 27   ensemble, à nouveau armés de baïonnettes, de grenades, de fusils et de

 28   lampes électriques ou de torches.


Page 149

  1   Alors, la déduction suivant laquelle ils sont tous revenus avec des

  2   armes peut être dégagée très, très facilement, même sans aucun élément de

  3   preuve, parce qu'après le transfert des victimes qui sont passés de la

  4   maison de Memic à la maison d'Omeragic, ces personnes ont essuyé des tirs.

  5   Ils ont tiré sur les personnes qui essayaient de s'enfuir. Et après avoir

  6   tiré, ils ont essayé en fait de les poursuivre. Donc ce groupe armé

  7   travaillait de concert. Ils n'avaient aucun autre objectif lorsqu'ils sont

  8   revenus, si ce n'est de les placer dans cette maison et de mettre le feu à

  9   cette maison, si cela était possible.

 10   Et Sredoje Lukic faisait partie du groupe et a aidé ce groupe, ne serait-ce

 11   que parce qu'il était présent, mais il a fait plus qu'être présent. Parce

 12   que Me Knoops a voulu décrire Sredoje Lukic comme un observateur tout à

 13   fait innocent. Il se trouve qu'il était là avec ce groupe où il y avait

 14   trois autres soldats qui étaient là. Mais ce n'était pas ainsi que les

 15   choses se sont passées. Les éléments de preuve ont prouvé qu'il avait

 16   participé au transfert. Il ne s'est pas contenté d'être tout simplement

 17   présent pendant le transfert. C'est la conclusion qu'a tiré la Chambre de

 18   première instance. Sa présence ainsi que sa participation, voilà les deux

 19   éléments qui contribuent à définir qu'il a aidé et encouragé. Je viens de

 20   souligner que le simple fait qu'il ait été présent dans la pièce au moment

 21   où on leur a demandé de remettre leurs objets de valeur, au moment où le

 22   vol a commencé, qu'il y soit resté ou pas, sa présence pendant la durée du

 23   vol suffit à déterminer qu'il y a eu aide et encouragement.

 24   L'assistance a été substantielle. En effet, quatre hommes armés --

 25   puisque les éléments de preuve démontrent que Milan Lukic était dans la

 26   pièce dans cette maison, et qu'il a donc substantiellement aidé et

 27   encouragé le crime.

 28   Eu égard aux meurtres, il est important de souligner que la Chambre a


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  1   estimé que les actes et le comportement de Sredoje Lukic pendant l'incident

  2   ont dans leur ensemble contribué à la commission du crime. Maintenant,

  3   notre position consiste à dire que la Chambre de première instance a à

  4   juste titre pris en compte la totalité des actes de Sredoje Lukic ce jour-

  5   là, parce que Milan Lukic et le groupe qui l'accompagnait ont commis toute

  6   une série de crimes contre les victimes musulmanes. Ils les ont volés, ils

  7   ont abusé d'eux sur le plan physique et mental, ils en ont violé certains,

  8   et finalement ils ont tué la grande majorité d'entre eux.

  9   La Chambre de première instance a un pouvoir discrétionnaire

 10   important eu égard à la nécessité de déterminer si le comportement de

 11   Sredoje Lukic ce jour-là, dans son ensemble, a été synonyme d'aide et

 12   d'encouragement. La Chambre d'appel a confirmé à plusieurs reprises ce

 13   principe du pouvoir discrétionnaire. Je vous renvoie aux arrêts Brdjanin,

 14   paragraphe 276; et à l'arrêt Nahimana, paragraphe 512. La Chambre de

 15   première instance en l'espèce a convenablement exercé son pouvoir

 16   discrétionnaire.

 17   Messieurs les Juges, Sredoje Lukic a apporté une aide active à la

 18   commission des crimes. En effet, en tant que membre de ce groupe qui

 19   n'était là que dans un seul but, celui de commettre des crimes, il est donc

 20   arrivé en compagnie de Milan Lukic, il était présent dans la maison, il a

 21   quitté la maison en compagnie du groupe à un certain moment, et ensuite le

 22   groupe est revenu. Sa participation n'a jamais été celle d'un innocent. Sa

 23   participation a  toujours été celle d'un criminel.

 24   Et lorsque Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres hommes concernés

 25   arrivent dans la rue Pionirska dans l'après-midi, leur objectif criminel se

 26   révèle très rapidement. Comme je l'ai dit, ils se présentent eux-mêmes.

 27   Milan Lukic menace les victimes, alors que lui-même et Sredoje sont dans la

 28   pièce, armés jusqu'aux dents. Et il menace aussi de couper des doigts à ces


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  1   personnes et de leur trancher la gorge et de leur mettre une balle dans la

  2   tête si quiconque réagit. Ce ne sont pas des paroles amicales; ce sont des

  3   paroles criminelles. Et l'action criminelle de ce groupe est illustrée et

  4   doit être prise en compte dans l'évaluation du comportement de Sredoje

  5   Lukic.

  6   Sredoje Lukic était dans la maison pendant que le vol était accompli.

  7   Il était dans la maison pendant que les membres du groupe armé ont fouillé

  8   au corps les femmes et les enfants. Il était dans la maison pendant que

  9   Milan Lukic a fait sortir les trois femmes, et au moment où ces trois

 10   femmes sont revenues, elles ont déclaré avoir été violées, et ces trois

 11   femmes ont toutes péri dans l'incendie.

 12   Sa présence visible et armée, comme la Chambre de première instance

 13   l'a décrit, en tant que membre du groupe Lukic, aussi bien à l'intérieur

 14   qu'à l'extérieur de la maison Memic, montre que les victimes n'avaient pas

 15   d'autres possibilités que d'obéir. Sa présence a eu une incidence sur la

 16   possibilité ou non pour les victimes de remettre leurs objets de valeur, de

 17   subir une fouille au corps ou de se rendre depuis la maison Memic jusqu'à

 18   la maison d'Omeragic. Et quand on associe les menaces à celles qui ont été

 19   émises par Milan Lukic, on constate qu'en partant il a dit aux Musulmans de

 20   ne pas s'en faire parce qu'il voulait leur faire croire qu'ils allaient

 21   chercher des vivres et à boire. Et ils sont partis, Milan Lukic, Sredoje

 22   Lukic et les autres. Ces Musulmans particulièrement vulnérables et

 23   terrorisés se sont départis de leurs derniers objets de valeur, que Milan

 24   Lukic a placés dans un sac avant de les emporter, et les Musulmans sont

 25   restés à la merci de leurs agresseurs.

 26   Plus tard cette nuit-là, Milan Lukic est revenu avec Sredoje Lukic et

 27   les autres, comme il l'avait promis. Les hommes étaient tous armés, comme

 28   je l'ai déjà dit. Fusils automatiques, grenades et baïonnettes composaient


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  1   leur armement. Et ils ont apporté aussi des torches électriques. La

  2   référence à ces torches électriques se situe au paragraphe 354, page 1 408

  3   du compte rendu d'audience, et dans la pièce P355, page 1 410 du compte

  4   rendu d'audience. D'autres témoins ont parlé de ces torches électriques et

  5   de la façon dont elles ont été utilisées dans le déplacement des personnes

  6   d'une maison à l'autre.

  7   Les Musulmans ont reçu l'ordre de se rendre non loin de là, dans la

  8   maison d'Omeragic, où ils allaient être tués. Et au moment où les victimes

  9   quittaient la maison, Milan Lukic, Mitar Vasiljevic et l'autre soldat leur

 10   ont dit de laisser leurs chaussures derrière eux. Ceci figure au paragraphe

 11   359 du jugement. Sans les chaussures, il leur était beaucoup plus difficile

 12   de tenter une évasion pour échapper à leurs bourreaux. Les Musulmans ont

 13   obéi.

 14   Et les torches électriques ont fourni la lumière nécessaire ou en

 15   tout cas une partie de la lumière qui a servi pendant le transfert des

 16   Musulmans dans le but d'éviter toute évasion. On leur a dit de ne pas

 17   quitter la route. Les hommes ont constitué un corridor armé entre la maison

 18   Memic et la maison Omeragic, et la Chambre de première instance a utilisé

 19   les termes de "conduire le groupe Koritnik comme un troupeau jusqu'à la

 20   maison Omeragic" pour décrire cette situation, paragraphe 605 du jugement,

 21   référence au paragraphe 362 du jugement. Egalement je vous renvoie à la

 22   note en bas de page 1 250, et je pense qu'il est important également de se

 23   pencher sur le paragraphe 601 du jugement.

 24   Pendant le transfert, Sredoje Lukic et les autres membres de ce groupe armé

 25   ont circulé entre les maisons, veillant encore une fois à ce que personne

 26   ne puisse s'évader. Paragraphe 601 du jugement.

 27   La maison Omeragic avait été préparée pour recevoir les victimes. Son

 28   sol avait été inondé d'accélérant qui avait une odeur très forte, et j'ai


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  1   déjà parlé aujourd'hui de la description faite par VG-13 qui a dit que

  2   l'air dans la pièce était suffocant et que les gens ne pouvaient pas

  3   respirer. Paragraphe 1 032 du jugement.

  4   Sredoje Lukic était présent en tant que membre de cette haie d'hommes

  5   armés, et le groupe a donc apporté son concours pour garantir le transfert

  6   de ces personnes, même s'il n'existe pas d'élément de preuve qui indique

  7   directement leur présence au moment où la maison a pris feu, ce qui est

  8   utilisé par M. Knoops pour vous convaincre qu'il n'y a pas eu aide et

  9   encouragement. Mais la présence de cet homme suffit à démontrer l'existence

 10   de l'aide et de l'encouragement. Quatre membres d'un groupe étaient venus

 11   là pour commettre un crime. Ils ont tous participé au transfert des

 12   personnes jusqu'à la maison d'Omeragic. Et la seule conclusion raisonnable

 13   possible c'est qu'il était présent sur les lieux au moment où la maison a

 14   pris feu et qu'il était présent également au moment des coups de feu. Il

 15   n'y a pas d'élément de preuve indiquant qu'il ait tiré des coups de feu et

 16   rien n'indique non plus qu'il ait allumé une allumette ou jeté l'allumette

 17   dans la maison. Mais cela n'est pas indispensable pour démontrer l'aide et

 18   l'encouragement. C'est ce qui est nécessaire et disponible, et c'est la

 19   raison pour laquelle Milan Lukic a été condamné, et Sredoje Lukic n'a été

 20   condamné que d'aide et d'encouragement.

 21   Les témoins qui ont réussi à s'enfuir, et notamment VG-18, ont décrit

 22   comment les tueurs les ont poursuivis du faisceau de leurs lampes

 23   électriques pour illuminer la scène. Ceci figure au paragraphe 377 du

 24   jugement. Pourquoi est-ce que l'aide fournie par Sredoje Lukic pendant la

 25   journée et la soirée constitue une contribution substantielle au meurtre

 26   des Musulmans dans la maison ? Je vais vous en donner trois motifs. Mais il

 27   en existe beaucoup plus.

 28   Premièrement, il a terrorisé les victimes pour qu'elles se soumettent


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  1   par sa présence armée et sa réputation en tant que policier de la région;

  2   deuxièmement, il a rassuré ses coauteurs en participant à leurs côtés à

  3   cette agression particulièrement violente; et troisièmement, et peut-être

  4   ceci est-il la raison la plus importante, il a apporté une aide active au

  5   transfert comme des moutons de ce groupe important de victimes jusqu'à la

  6   maison déjà prête pour l'exécution où ils ont brûlé vifs.

  7   La Chambre a eu raison de conclure que par ses actes et son

  8   comportement dans l'ensemble des événements, Sredoje Lukic a apporté une

  9   contribution substantielle aux crimes de meurtre, et c'est pour ces crimes

 10   qu'il a été condamné. Et même si vous laissez de côté ce qui s'est passé

 11   dans l'après-midi, son comportement la nuit est plus que suffisant pour

 12   justifier une condamnation pour aide et encouragement.

 13   Le Juge Robinson, dans son avis dissident, et je le dis avec le plus

 14   grand respect pour lui, a eu tort d'exiger davantage. Le fait de tirer sur

 15   des victimes et de jeter des explosifs dans la maison est synonyme de

 16   commission de crime, et pas d'aide et d'encouragement. Les éléments de

 17   preuve suffisaient amplement à démontrer que Sredoje Lukic a aidé et

 18   encouragé le crime commis par Milan Lukic. Il était avec Milan Lukic depuis

 19   le début et jusqu'à la fin dans toute cette série de crimes qui ont

 20   commencé tôt l'après-midi du 14 juin 1992.

 21   Alors, avant de passer à certaines des questions que M. Lukic a

 22   évoquées en appel, le moment est sans doute venu pour moi de parler du mens

 23   rea.

 24   Je souhaite commencé en soulignant encore une fois que ce que M.

 25   Knoops n'a pas fait lorsqu'il a parlé du mens rea, c'est évoquer la

 26   participation de l'accusé. Il a laissé la participation de l'accusé au

 27   transfert du groupe de côté. Sa présentation repose sur une mauvaise

 28   interprétation des éléments de preuve indiquant la présence effective de


Page 155

  1   Sredoje Lukic sur les lieux, qu'il a présenté comme étant là, sans armes,

  2   et en simple spectateur. Une bonne lecture des éléments de preuve, et c'est

  3   certainement la lecture qui a été faite par les Juges de la Chambre de

  4   première instance, consiste à conclure qu'il a fait beaucoup plus que cela.

  5   Je ne me répéterai pas sur ce point.

  6   Deux conclusions ont été tirées par la Chambre de première instance

  7   eu égard au mens rea, dont l'une concerne le traitement cruel et les actes

  8   inhumains infligés à des victimes de vol, et aux paragraphes 66 et 67 de

  9   son mémoire en réponse, Sredoje Lukic laisse entendre que les conclusions

 10   de la Chambre ne sont pas fondées sur les éléments de preuve enregistrés.

 11   Sauf le respect que je dois à chacun ici, toute une série de crimes ont été

 12   organisés et commis par un groupe restreint. Sredoje Lukic savait que les

 13   crimes qui devaient être commis étaient une attaque contre la dignité

 14   humaine de ces victimes et qu'elle provoquerait une angoisse très

 15   importante une fois que toutes ces personnes auraient été départies de

 16   leurs objets de valeur. Il était présent au moment où Milan Lukic a exigé

 17   que les objets de valeur soient abandonnés par ces personnes sous l'effet

 18   de la menace. Il a constamment eu l'intention de commettre ces crimes.

 19   Passons maintenant au meurtre. La Chambre a également conclu que Sredoje

 20   Lukic savait que les personnes qu'il avait contribué à faire entrer et à

 21   enfermer dans la maison d'Adem Omeragic seraient tuées suite à l'incendie

 22   de la maison, une fois que la maison serait en flammes, et qu'il savait

 23   également que ses actes et son comportement contribueraient à la commission

 24   de ce meurtre.

 25   Encore une fois, la Chambre a tenu compte de l'ensemble des

 26   événements ce jour-là. Sredoje Lukic déclare que tout ce qu'il est

 27   raisonnable de conclure, c'est qu'il a apporté son aide aux personnes qui,

 28   d'après lui, auraient planifié le transfert effectué ce jour-là. Ceci


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  1   figure dans son mémoire en appel au paragraphe 179. Nous n'avons rien

  2   entendu de ce genre aujourd'hui, mais ceci démontre à quel point l'argument

  3   de Sredoje Lukic quant à sa présence est cynique. Aucun élément de preuve

  4   n'a démontré que le groupe de Milan Lukic ait pris dans l'après-midi ou la

  5   soirée autre chose que des mesures destinées à assurer le transfert de ces

  6   personnes. Bien au contraire, tous les éléments de preuve démontrent que

  7   leur objectif était de persécuter ces personnes et de commettre des crimes

  8   graves contre les victimes.

  9   En fait, la Chambre de première instance a conclu très précisément

 10   que le transfert allégué le lendemain n'était qu'une ruse pour entraîner

 11   ces personnes là où on voulait les amener. Et la Chambre a conclu qu'il

 12   existait un climat de discrimination, paragraphes 1 027 du jugement et

 13   suivants. Sredoje Lukic savait que la détention de ces personnes était

 14   illégale et que rien ne pouvait justifier le vol dont elles ont été

 15   victimes ainsi que l'humiliation subie par les femmes et les enfants. Il

 16   n'y avait aucun objet à les enfermer dans une pièce dont la moquette était

 17   imbibée d'accélérant, le seul objet étant celui de les tuer. Et sa

 18   participation au déplacement de ces personnes, au fait qu'elles ont été

 19   traînées comme un troupeau jusqu'à la maison, suffisait à l'informer des

 20   intentions de Milan Lukic au moment où la porte a été fermée derrière eux

 21   et où l'odeur s'est fait sentir et que finalement les flammes sont

 22   apparues.

 23   M. Knoops dit qu'il n'a pas pu apporter son aide ou ses

 24   encouragements parce qu'il n'a pas contribué à allumer l'allumette ou à

 25   tirer sur les victimes, mais ce n'est pas cela qui constitue le critère. Le

 26   critère à prendre en compte c'est est-ce qu'il savait qu'un meurtre

 27   résulterait de tous ces actes ? La Chambre de première instance a jugé à

 28   bon escient, sur la base de toutes les circonstances qu'elle a examinées,


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  1   de tout ce qu'il est arrivé à ces victimes, de l'odeur régnant dans la

  2   maison et de tout ce qui s'était passé plus tôt dans la journée, qu'il

  3   s'agissait d'un acte criminel qui ne pouvait avoir comme seul résultat que

  4   le meurtre de ces victimes.

  5   Un autre facteur, c'est la façon organisée dont ces crimes ont eu

  6   lieu, et en particulier le meurtre. Le meurtre a eu lieu la nuit. Le

  7   meurtre aurait pu avoir lieu dans l'après-midi, mais il a eu lieu la nuit.

  8   Donc les torches électriques étaient nécessaires. Il fallait qu'il y ait de

  9   la lumière pour que ces hommes puissent faire ce qu'ils avaient l'intention

 10   de faire. Les torches électriques n'ont été utilisées qu'à une seul fin :

 11   assurer le déplacement de ces personnes depuis la maison Memic jusqu'à la

 12   maison Omeragic en éclairant toutes ces personnes qui sautaient par les

 13   fenêtres avant de recevoir les balles, et ce, dans le but de garantir que

 14   tout le monde serait tué. Il est arrivé en compagnie du groupe avec une

 15   torche électrique, il est arrivé avec des armes et il a participé, comme il

 16   lui était demandé de le faire, à garantir le succès de l'opération.

 17   Ses actes, je le soutiens, justifient les conclusions de la Chambre

 18   de première instance selon lesquelles Sredoje Lukic savait que le sort

 19   réservé aux Musulmans était celui qu'ils ont vécu et que Milan Lukic avait

 20   l'intention de les tuer. Sur la base des éléments de preuve, je soutiens

 21   que la Chambre était totalement en droit de conclure que Sredoje Lukic

 22   savait quel serait le sort réservé aux victimes dans l'après-midi et dans

 23   la soirée et que sa participation favoriserait le projet. Il avait

 24   l'intention nécessaire d'apporter son concours et ses encouragements à

 25   cette opération.

 26   Dans les arguments développés cet après-midi, Sredoje Lukic a encore

 27   une fois repris les arguments qui demandent - et à mon avis, c'est tout à

 28   fait inacceptable - d'organiser un nouvel examen des éléments de preuve. Il


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  1   a présenté une nouvelle fois l'ensemble des arguments qui avaient été

  2   présentés au procès. Il a encore une fois évoqué ces arguments dans son

  3   mémoire en appel et ils ont reçu réponse dans le mémoire en réponse de

  4   l'Accusation. Ces arguments dans le mémoire en appel et ces arguments oraux

  5   dans le prétoire n'ajoutent rien à ce qui a déjà été fait et n'apportent

  6   aucun concours. C'est ce que je soutiens à la Chambre d'appel pour ses

  7   délibérations.

  8   Je vais vous donner trois exemples rapidement. D'abord, eu égard aux

  9   contradictions alléguées dans la déposition de VG-38, Sredoje Lukic évoque

 10   les arguments qu'il avait déjà évoqués au procès, paragraphes 62 à 69, 80

 11   et 81 de son mémoire en clôture. Ces arguments ont déjà été pris en compte

 12   dans les paragraphes 417, 582, 583 et 601 du jugement. Il reprend les mêmes

 13   arguments aux paragraphes 49, 81 à 84, 97 à 101 de son mémoire en appel. Et

 14   ils ont déjà reçu réponse aux paragraphes 40 à 41, 57, 62 à 65 du mémoire

 15   en réponse de l'Accusation.

 16   Même chose pour les contradictions alléguées dans la déposition de

 17   VG-84. Il a déjà évoqué les arguments, paragraphes 113 à 121, paragraphes

 18   126 à 131 de son mémoire en clôture. Ces arguments ont été pris en compte

 19   dans le jugement, paragraphes 403 à 407, paragraphes 590 et 604. Il reprend

 20   ces mêmes arguments aux paragraphes 45 à 48 de son mémoire en appel,

 21   paragraphes 72 à 78 et paragraphes 102 à 106, et la réponse de l'Accusation

 22   se trouve aux paragraphes 35 à 39, et 66 à 67 de son mémoire en réponse.

 23   Eu égard aux contradictions alléguées de la déposition de Huso

 24   Kurspahic, il a déjà évoqué ces arguments aux paragraphes 179 à 183 de son

 25   mémoire en clôture. La Chambre a tenu compte de ces arguments aux

 26   paragraphes 387 et 591 de son jugement. Et lui reprend les mêmes arguments

 27   aux paragraphes 53 à 57 de son mémoire en appel, arguments qui ont reçu

 28   réponse aux paragraphes 42 à 44 et paragraphe 68 de la réponse de


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  1   l'Accusation.

  2   Ce que je souhaite souligner, c'est que la grande majorité de tous

  3   ces arguments avaient déjà été proposés à la Chambre de première instance,

  4   toutes ces questions relatives à l'identification qui, en fait, demandaient

  5   à la Chambre de revoir dans le détail les éléments de preuve présentés

  6   pendant la procès et de remplacer le pouvoir discrétionnaire de la Chambre

  7   de premier appel par le pouvoir discrétionnaire de votre Chambre d'appel,

  8   donc de vous mettre dans une position difficile, n'ayant pas eu les témoins

  9   devant vous, n'ayant pas entendu les témoins, n'ayant pas entendu

 10   l'ensemble des dépositions pour resituer les éléments de preuve dans leur

 11   contexte, travail que la Chambre de première instance a bien accompli, et,

 12   par conséquent, la Chambre d'appel ne devrait pas avoir à revenir sur ce

 13   travail à moins que cela ne soit absolument indispensable. A notre avis, ce

 14   n'est pas indispensable en l'espèce.

 15   Je voudrais maintenant aborder quelques problèmes d'identification. Je

 16   vérifie combien de temps il me reste.

 17   Je voudrais souligner avant tout que la Chambre a conclu à l'unanimité que

 18   Sredoje Lukic était présent dans la rue Pionirska pendant la journée et la

 19   nuit en tant que membre du groupe Lukic et qu'elle a fondé ses conclusions

 20   sur de nombreux éléments de preuve qui se corroboraient mutuellement. Et

 21   les preuves apportées ne sont pas aussi faibles que Me Knoops voudrait le

 22   laisser penser, ou que Me Cepic voudrait le laisser penser, quand on prend

 23   en compte l'ensemble des éléments de preuve plutôt que de considérer chacun

 24   comme s'il était placé dans un microscope.

 25   Sredoje Lukic a été identifié par plusieurs témoins, notamment VG-38,

 26   VG-18, VG-84 et, comme nous l'avons entendu, Hasib Kurspahic également. Une

 27   fois que la Chambre a entendu la déposition du fils de Hasib Kurspahic et a

 28   pris connaissance de celle du père, elle a conclu que toutes les


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  1   dépositions des témoins étaient fiables et crédibles.

  2   VG-18 et VG-84 ont entendu Milan Lukic se présenter en personne après

  3   avoir pénétré dans la maison Memic, juste avant le vol dont ont été

  4   victimes les Musulmans. Sredoje Lukic conteste ceci en reprenant les

  5   arguments déjà développés pendant le procès en première instance selon

  6   lesquels VG-18 et VJ-84 auraient présenté des dépositions différentes quant

  7   à la façon dont cette présentation a été entendue par eux. La Chambre,

  8   comme je l'ai déjà dit, a remarqué les différences en question, ceci figure

  9   aux paragraphes 588 à 590 du jugement, et limitait ses conclusions à ce qui

 10   est sans contradiction dans les dépositions de VG-18 et VG-84, à savoir que

 11   ces deux personnes ont entendu Sredoje Lukic se présenter lui-même. Et je

 12   soutiens que puisque les deux témoins ont déclaré qu'elles étaient ensemble

 13   au moment où elles l'ont entendu se présenter, la Chambre était en droit

 14   d'aboutir à la conclusion à laquelle elle a abouti. Il n'était pas

 15   indispensable, contrairement à ce que l'appelant indique, de déterminer à

 16   quel endroit de la pièce exactement les deux personnes se trouvaient.

 17   L'appelant affirme également que VG-13 et VG-38 étaient avec VG-18 et VG-

 18   84, mais n'ont pas entendu les mêmes mots au moment où l'homme s'est

 19   présenté. Ceci figure dans le mémoire en appel au paragraphe 40. Cet

 20   argument repose sur une prémisse fausse, parce que VG-18 n'a pas dit que

 21   VG-13 et VG-38 étaient juste à côté d'elle lorsqu'elle a entendu Sredoje

 22   Lukic se présenter. Au lieu de cela, elle a simplement fait savoir que VG-

 23   13 et VG-38 étaient dans la même pièce de la maison Memic à ce moment-là.

 24   La simple présence dans la même pièce ne signifie pas que les témoins ont

 25   nécessairement entendu et vu exactement les mêmes choses, notamment si l'on

 26   tient compte de la foule qui se trouvait dans cette pièce.

 27   Les deux témoins ont identifié Milan et Sredoje Lukic comme étant présents

 28   sur les lieux. Ce fait élimine la possibilité qu'un seul des accusés était


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  1   présent dans la rue Pionirska au moment de la commission des crimes. Et

  2   c'est sur cette base que la Chambre a résolu les difficultés liées à

  3   l'identification, étant donné qu'une personne a dit : Je les ai entendus

  4   tous les deux se présenter. Je les ai vus tous les deux, et cetera. Donc la

  5   Chambre a limité ses conclusions et sa prise en compte des éléments de

  6   preuve aux éléments de preuve qui démontraient la présence, mais n'a pas

  7   tenu compte des éléments de preuve relatifs aux actes et comportements de

  8   l'accusé, mais sa présence a bel et bien été avérée.

  9   Hasib Kurspahic connaissait personnellement Milan [sic] Lukic. Il l'a

 10   identifié comme étant l'un des auteurs des actes commis dans la rue

 11   Pionirska. Hasib a dit à son fils Huso que Milan [sic] Lukic était l'un des

 12   auteurs. Ceci figure au compte rendu d'audience. Et Hasib était en bons

 13   termes avec lui.

 14   Les conclusions tout à fait soigneuses et raisonnables de la Chambre

 15   par rapport aux témoins d'identification sont aux paragraphes 586 à 591 et

 16   suivants du jugement.

 17   Par ailleurs, il est très significatif qu'un policier de la région,

 18   Sredoje Lukic, ait été bien connu par au moins dix victimes qui ont péri.

 19   Ces victimes l'ont identifié à l'intention des survivants, c'est ce qui est

 20   dit dans la déposition de VG-38, mais cela ne figure pas dans la déposition

 21   de VG-18 et VG-84, pendant les événements qui ont précédé les meurtres.

 22   Comme l'a expliqué VG-84 au cours du contre-interrogatoire lorsqu'on lui a

 23   demandé dans quelle condition elle avait fait la connaissance de Sredoje

 24   Lukic, elle a répondu, je cite :

 25   "… deux hommes sont entrés dans la maison, Milan Lukic et Sredoje

 26   Lukic. Il y avait un homme plus âgé et tous mes voisins et amis qui se

 27   trouvaient dans la maison avec lui, ainsi que 20 à 25 % d'entre eux en tout

 28   cas connaissaient Sredoje Lukic, qui était un policier, semble-t-il.


Page 162

  1   J'étais enfant à l'époque et je ne le connaissais pas…

  2   "Question : Donc vous dites que 20 à 25 % de vos voisins qui se trouvaient

  3   dans la maison Memic et qui étaient avec vous connaissaient Sredoje Lukic ?

  4   "Réponse : Oui. Tous les deux. Sredoje et Milan. Je dis simplement qu'ils

  5   les connaissaient en gros. Je ne suis pas au courant des détails. J'avais

  6   moins de 14 ans. Je n'ai pas vérifié qui exactement les connaissait, mais

  7   20 à 25 % des personnes qui étaient là dans la maison, connaissaient les

  8   deux hommes qui sont entrés dans le pièce -- ou plutôt, non, les trois

  9   hommes, parce que le troisième est resté dans le couloir.

 10   "Question : Pourquoi est-ce que vous avez cru ce que vous ont dit vos

 11   voisins quand ils ont affirmé que c'était effectivement Sredoje Lukic ?

 12   "Réponse : Eh bien, pourquoi ne pas les croire ?" Je pense qu'il y a là une

 13   faute de frappe. Je poursuis la citation : "La ville n'avait pas une

 14   population très importante, 10 000 personnes environ. C'était une petite

 15   ville." Et je crois qu'il parle de Visegrad.

 16   L'explication de bon sens fournie par VG-84 a été créditée par la

 17   Chambre au paragraphe 590 du jugement.

 18   Sredoje Lukic conteste également la conclusion de la Chambre selon

 19   laquelle les victimes qui ont péri dans la rue Pionirska ont identifié

 20   Sredoje Lukic à l'intention des témoins qui ont survécu. Encore une fois,

 21   son argument repose sur une prémisse erronée. En fait, les témoins qu'il

 22   cite à l'appui de son argument ont tous déclaré avoir entendu de la bouche

 23   d'autres victimes que Sredoje Lukic était présent.

 24   Par exemple, Sredoje Lukic affirme au paragraphe 12 de son mémoire en

 25   réponse que VG-101 n'a jamais parlé de Sredoje Lukic. En fait, VG-101 a

 26   déclaré que les autres lui avaient dit que Sredoje Lukic était dans la

 27   maison Memic au côté de Milan Lukic, et pourtant Sredoje Lukic ne l'a pas

 28   contre-interrogé sur cette déclaration faite dans la pièce à conviction


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  1   1D36 en page 4.

  2   Sredoje Lukic affirme également que VG-101 a déclaré qu'elle n'avait

  3   jamais discuté de l'identité des quatre auteurs des crimes. En fait - et

  4   ceci figure dans son mémoire en réponse au paragraphe 13 - en fait,

  5   lorsqu'on l'a interrogée au sujet de l'identité des auteurs des crimes,

  6   elle a répondu, je cite :

  7   "Oui. Ils disaient tous qu'ils les connaissaient. Nous savions tous

  8   qui étaient ces hommes et quelles étaient leurs fonctions."

  9   La Chambre a donc, de façon tout à fait valable, pris en compte le

 10   fait que les victimes connaissaient Sredoje Lukic et l'ont identifié pour

 11   les survivants qui sont venus témoigner.

 12   Alors, quelle est la déposition de Sredoje Lukic pour la période du

 13   transfert ? La Chambre a pris un grand soin dans l'évaluation des éléments

 14   de preuve qui démontrent la présence de Sredoje Lukic et sa participation

 15   au transfert des victimes jusqu'à la maison Omeragic. Prenez la conclusion

 16   de la Chambre de première instance au sujet du traitement infligé aux

 17   victimes, témoignage de VG-38, par exemple. VG-38 a décrit le fait que

 18   Sredoje et Milan, aux côtés de Mitar Vasiljevic et de Milan Susnjar, ont

 19   participé au transfert. Les auteurs des crimes se déplaçaient sur le

 20   parcours, qui était de 20 à 30 mètres, pour ce transfert. Paragraphe 601 du

 21   jugement.

 22   Et même si la Chambre de première instance a conclu que VG-38 ne

 23   connaissait pas Milan et Sredoje Lukic avant le 14 juin 1992, d'autres

 24   membres du groupe Koritnik qui connaissaient les Lukic les avaient

 25   identifiés tous les deux à l'intention de VG-38 pendant les événements de

 26   l'après-midi dans la maison Memic, au moment où les conditions de

 27   luminosité étaient meilleures. Par ailleurs, VG-38 connaissait Mitar

 28   Vasiljevic et Milan Susnjar de vue et était donc capable de les distinguer


Page 164

  1   de Milan Lukic et de Sredoje Lukic, comme ceci est indiqué dans le mémoire

  2   en réponse de l'Accusation. La Chambre a agi avec le plus grand soin. Elle

  3   ne s'est pas appuyée sur le témoignage de VG-38 s'agissant de la définition

  4   exacte des actions commises par Milan Lukic et Sredoje Lukic, mais elle a

  5   conclu que la déposition de VG-38 établissait effectivement que les deux

  6   Lukic étaient présents pendant le transfert.

  7   VG-38 déclare que la participation de Sredoje Lukic au transfert

  8   correspond et est confirmé par les récits de Hasib Kurspahic et de VG-84.

  9   Hasib Kurspahic, comme je l'ai déjà dit, connaissait Sredoje Lukic

 10   bien. Il l'a reconnu comme étant l'un des hommes qui ont participé au

 11   transfert de nuit. Au paragraphe 605 du jugement. Il a expliqué à son fils

 12   Huso que le groupe Lukic avait formé un alignement entre les maisons et

 13   escorté le groupe Koritnik jusqu'à la maison d'Omeragic. Paragraphe 362 du

 14   jugement. VG-84 a également déclaré que Sredoje et Milan Lukic sont revenus

 15   dans les maisons Memic dans la soirée, qu'ils étaient armés et présents

 16   pendant le transfert. Paragraphe 604 du jugement. Et d'autres éléments de

 17   preuve directs étayent la conclusion de la Chambre, paragraphe 23 du

 18   mémoire de l'Accusation et paragraphes 597 à 607 du jugement. Donc les

 19   éléments de preuve sont nombreux qui ont pris en compte, et une fois

 20   entendues les dépositions des témoins, la Chambre était en droit de

 21   s'appuyer sur ces récits qui étaient mutuellement corroborants. Sredoje

 22   Lukic était présent, armé, il a participé au transfert des victimes qui a

 23   eu pour résultat la commission des crimes, le crime de meurtre notamment, à

 24   la maison Pionirska. Ce fait a constitué la conclusion de la majorité des

 25   Juges.

 26   Il y a encore un point que je voudrais souligner, c'est la présence

 27   de Sredoje Lukic pendant la période durant laquelle les crimes ont été

 28   commis à la rue Pionirska. Ceci constitue une conclusion unanime de la


Page 165

  1   Chambre. Le Juge Robinson n'émet un avis dissident que sur le point de

  2   savoir si son comportement est synonyme de contribution substantielle dans

  3   l'aide et les encouragements, autrement dit, est-ce qu'il a participé au

  4   transfert.

  5   Sredoje Lukic conteste également -- ou plutôt, il conteste

  6   l'identification de Sredoje Lukic pendant le transfert, et d'autres

  7   éléments de preuve indirects permettent de répondre à cette contestation,

  8   qui viennent étayer la conclusion de la Chambre de première instance quant

  9   à sa participation. En effet, VG-84 déclare, je cite :

 10   "Il y avait de la lumière devant la maison. Ils avaient des torches

 11   électriques. Tout avant été préparé à l'avance." Et parlant de la maison

 12   Omeragic, c'est en page 1 285 du compte rendu d'audience. Le témoin indique

 13   que dans la maison Omeragic le sol était inondé d'accélérant qui a accéléré

 14   les flammes lorsque Milan Lukic a mis le feu. Paragraphes 559 à 560. Le

 15   groupe était armé, organisé et préparé.

 16   Dans ce contexte, il ne peut exister d'explication innocente pour

 17   justifier la présence de Sredoje Lukic à la rue Pionirska. Même s'il ne

 18   portait pas l'uniforme, Sredoje Lukic avait été policier et il était peut-

 19   être encore policier à ce moment-là, paragraphe 1 090. Il avait été

 20   policier à Visegrad avant la guerre et continuait à exercer en cette

 21   qualité pendant la guerre. Il aurait dû empêcher la commission des crimes.

 22   Au lieu de quoi, il a choisi d'aider à la commission des crimes de Milan

 23   Lukic, son cousin, et d'autres qui ont effectué le transfert de ces

 24   personnes jusqu'à un lieu déjà préparé à l'avance pour leur exécution.

 25   Les arguments de Sredoje Lukic aujourd'hui ainsi que dans son mémoire

 26   ne démontrent pas que la Chambre de première instance aurait commis la

 27   moindre erreur ou abusé de son pouvoir discrétionnaire en prononçant la

 28   culpabilité de ces hommes pour les crimes en question. Il n'y a eu aucune


Page 166

  1   erreur dans la conclusion selon laquelle les témoins décédés qui

  2   connaissaient Sredoje Lukic en tant que policier ou en tant que voisin ont

  3   pu déclaré ce qu'ils ont déclaré aux témoins survivants au sujet de son

  4   identité. La Chambre a entendu les récits des survivants qui ont réussi à

  5   fuir, elle a soigneusement évaluer leurs dépositions et elle a

  6   convenablement appliqué les principes juridiques indispensables, aussi bien

  7   par rapport à l'identification qu'en déterminant que Sredoje Lukic a en

  8   toute connaissance de cause apporté une contribution substantiellement à

  9   ces horribles crimes commis contre les victimes musulmanes de la rue

 10   Pionirska. La condamnation prononcée par la Chambre de première instance à

 11   l'encontre de Sredoje Lukic pour aide et encouragement est totalement

 12   raisonnable et étayée par les éléments de preuve, et de l'avis de

 13   l'Accusation, l'appel interjeté au sujet de cette condamnation devrait être

 14   rejeté.

 15   S'il n'y a pas de questions de la Chambre, je vais rendre la parole à M.

 16   Schuster.

 17   M. SCHUSTER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   je vais présenter les arguments concernant Uzamnica. Je vais répondre aux

 19   points soulevés par Me Cepic durant la matinée et je répondrai aux

 20   questions que vous avez posées au début de l'audience durant le cadre de ma

 21   présentation.

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre en première instance

 23   a conclu correctement que Sredoje Lukic s'était rendu au camp d'Uzamnica à

 24   plusieurs reprises et avait battu les prisonniers musulmans avec des

 25   bâtons, avec ses poings ainsi qu'avec également des perches très longues.

 26   Trois témoins ont identifié Sredoje Lukic comme étant leur assaillant. Vous

 27   aviez Dervisevic et Kustura, qui connaissaient Sredoje Lukic avant la

 28   guerre parce que c'était un officier de police. L'un d'entre eux,


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  1   Dervisevic, a également déposé qu'il le voyait souvent au bar local à

  2   Visegrad. La référence du compte rendu d'audience est 1 999.

  3   Quant au troisième témoin, Berberovic, il a appris auprès des autres

  4   co-détenus du camp qu'il s'agissait bien de Sredoje Lukic. Et j'en veux

  5   pour preuve également le paragraphe 186 [comme interprété] dans l'affaire

  6   Rukundo, à savoir qu'une Chambre d'appel peut utiliser des dépositions

  7   d'autres témoins concernant l'identité d'une autre personne. Même si il y a

  8   des incohérences au niveau des témoins, compte tenu des circonstances de

  9   leur détention, tout ceci a été pris en compte par les Juges de la Chambre

 10   de première instance.

 11   Ce que Sredoje Lukic essaie de faire, c'est, en fait, d'isoler de

 12   manière artificielle des éléments de preuve, des éléments de preuve que les

 13   Juges de la Chambre ont considérés dans leur ensemble. Ce faisant, Sredoje

 14   Lukic ne fait que répéter ce qu'il a avancé durant le procès en première

 15   instance. Mais tous ses arguments ont été pris en compte par la Chambre de

 16   première instance, et ceci ne fait montre d'aucune erreur de la part de

 17   cette Chambre de première instance. Pour ce qui est des détails, je

 18   voudrais vous demander de consulter notre mémoire. Je voudrais revenir sur

 19   trois points que la Défense de Sredoje Lukic a mentionnés ce matin et je

 20   voudrais également répondre aux questions que vous avez soulevées, Monsieur

 21   le Président, Messieurs les Juges.

 22   Pour ce qui est de la question des déclarations précédentes de Dervisevic

 23   et Kustura, ça a été discutée exclusivement par les Juges de la Chambre. La

 24   déclaration précédente de Kustura de novembre 1994 est un document de trois

 25   pages où Kustura parle d'événements qui se déroulent sur deux ans. Il ne

 26   mentionne pas Sredoje Lukic, et encore une fois, il s'agit d'un document de

 27   trois pages qui décrit les événements qui se sont déroulés sur une période

 28   de deux ans. Au contraire, en fait, il a donné plus d'une centaine de pages


Page 168

  1   de déposition viva voce devant les Juges de la Chambre de première instance

  2   et il a confirmé à plusieurs reprise aux Juges de la Chambre que c'était

  3   Sredoje Lukic qui était une des personnes qui l'avaient roué de coups.

  4   Encore une fois, je l'ai déjà mentionné, Kustura le connaissait avant la

  5   guerre car c'était un officier de police.

  6   Les Juges de la Chambre de première instance ont également discuté

  7   des explications de Kustura pour ne pas avoir mentionné Sredoje Lukic plus

  8   tôt. Au paragraphe 834, il est reconnu qu'ils n'avaient pas été satisfaits,

  9   mais ils ont considéré la déposition -- examiné la déposition de Kustura

 10   avec les contre-interrogatoires qui ont été menés, et ceci était une

 11   corroboration des éléments de preuve suite à des dépositions d'autres

 12   témoins. De la même manière, au paragraphe 813 du jugement, les Juges de la

 13   Chambre de première instance ont mentionné que Dervisevic n'avait pas

 14   mentionné Sredoje Lukic dans des déclarations précédentes, mais ils se sont

 15   rappelé que dans sa déposition viva voce, il avait confirmé qu'il était

 16   certain que c'est lui qui l'avait battu. C'est au paragraphe 813 du

 17   jugement.

 18   Comme j'ai mentionné précédemment, Dervisevic connaissait Sredoje

 19   Lukic avant la guerre car celui-ci était un officier de police. De plus,

 20   dans une déclaration qui a été donnée en 2008, il a confirmé qu'il avait

 21   été battu par Sredoje Lukic. Il s'agit de la pièce à charge P111.

 22   Les Juges de la Chambre d'appel ont confirmé que c'était à un juge

 23   des faits de résoudre les différences entre les dépositions viva voce d'un

 24   témoin et ses déclarations écrites préalables. Et je voudrais faire

 25   référence au jugement Renzaho, où il est mentionné que les Juges de la

 26   Chambre de première instance ont le pouvoir discrétionnaire d'accepter les

 27   dépositions d'un témoin nonobstant les incohérences entre les dépositions

 28   viva voce et les déclarations précédentes.


Page 169

  1   En ce faisant, les Juges de la Chambre étaient le mieux à même

  2   d'évaluer la déposition. Les Juges de la Chambre ont entendu les trois

  3   témoins qui ont confirmé que Sredoje Lukic était au camp et rouait de coups

  4   les co-détenus du camp d'Uzamnica.

  5   A ce stade, je voudrais revenir sur la planche photo qui a été

  6   mentionnée par vous, Messieurs les Juges. A ce stade, on ne sait pas si la

  7   planche photo qui a été montrée au Témoin Berberovic contenait une photo de

  8   Sredoje Lukic. La Chambre a conclu que ce n'était probablement pas dans la

  9   planche photo. C'est au paragraphe 838 du jugement. On ne sait pas

 10   exactement ce qui est advenu de cette planche photo, ce qui est malheureux,

 11   mais les Juges de la Chambre ont pris en compte ceci. Dans le jugement, au

 12   paragraphe 805. Et ils ont fait remarquer que dans cette situation, on ne

 13   pouvait pas évaluer quelque chose qui n'avait pas été versé au dossier.

 14   Ceci ne peut pas non plus être utilisé en appel pour miner les

 15   conclusions d'une Chambre de première instance. Mais quoi qu'il en soit, il

 16   s'agit d'éléments qui sont hautement à décharge. Puisque les Juges de la

 17   Chambre se sont fié sur les dépositions de Dervisevic et de Kustura

 18   lorsqu'ils ont déterminé que Sredoje Lukic se trouvait au camp et que ceci

 19   a été, donc, corroboré par Berberovic.

 20   J'en viens au troisième point, c'est-à-dire le Témoin VG-25, un

 21   témoin déposant en vertu de l'article 92 quater qui n'a jamais vu Sredoje

 22   Lukic au camp. Il s'agit de quelque chose qui figure dans sa déclaration.

 23   Mais la Chambre a pris en compte cette déclaration. Le VG-25 n'a été détenu

 24   au camp qu'à la fin du mois de novembre 1992, mais le Témoin Berberovic a

 25   déposé qu'il avait vu Sredoje Lukic trois ou quatre fois après son

 26   arrestation en août 1992, c'est-à-dire bien avant novembre.

 27   Dervisevic a confirmé qu'il avait été battu par Sredoje Lukic en juillet ou

 28   en août, ou à la fin de 1993. Kustura, de son côté, a confirmé dans sa


Page 170

  1   déposition qu'un des passages à tabac avait eu lieu à la fin du mois

  2   d'octobre, encore une fois avant novembre, lorsque VG-25 est devenu un co-

  3   détenu au camp. Les Juges de la Chambre se sont donc penchés précisément

  4   là-dessus, comme ils devaient le faire, au paragraphe 834.

  5   Ceci est également lié à votre autre question. Vous nous avez demandé

  6   si la question de la détention de Milan Lukic, qui est mentionnée dans le

  7   sixième motif d'appel, avait eu un impact sur l'appel de Sredoje Lukic. La

  8   réponse est négative. Milan Lukic a soulevé une question concernant

  9   l'endroit où il se trouvait en 1993. Il a des éléments de preuve qui

 10   montrent qu'effectivement, il était incarcéré pour une partie de cette

 11   année après la fin du mois de mars; cependant, ceci n'a aucune conséquence

 12   sur la fiabilité des témoins. Les Juges de la Chambre étaient au courant du

 13   fait que les détenus ne disposaient pas de calendrier, ni n'avaient-ils la

 14   possibilité de consigner les dates sur un papier et, par conséquent, de

 15   déterminer exactement à quel moment de l'année ils se trouvaient. Ceci

 16   figure au paragraphe 830 du jugement.

 17   De plus, un des témoins, Dervisevic, a mentionné que Lukic n'était

 18   pas là durant sa détention parce qu'il était également détenu. Encore une

 19   fois, ceci correspond à l'emprisonnement supposé de Milan Lukic ou à son

 20   emprisonnement, en fait, en 1993.

 21   Pour cette raison, les Juges de la Chambre ont conclu correctement

 22   qu'il y avait peut-être des incohérences limitées dans les dépositions des

 23   témoins, mais que ceci n'avait pas de conséquence sur leurs témoignages

 24   convaincants.

 25   Monsieur le Président, ceci a également été décidé dans l'article 115

 26   concernant Milan Lukic et nous pensons qu'il faudrait prendre les mêmes

 27   considérations pour les dépositions des témoins liés à l'endroit où se

 28   trouvait Sredoje Lukic.


Page 171

  1   Il est évident qu'il y aura des différences entre différents témoins

  2   oculaires, et les Juges de la Chambre d'appel ont accepté qu'une Chambre de

  3   première instance peut accepter raisonnablement certaines parties d'une

  4   déposition d'un témoin et en rejetant d'autres. Il s'agit de l'arrêt de la

  5   Chambre d'appel dans l'affaire Kupresic, paragraphe 33.

  6   La Chambre s'est acquittée de son obligation en examinant

  7   soigneusement les éléments de preuve. Et au vu de cette évaluation, le fait

  8   que Sredoje Lukic avance qu'il n'était pas présent au camp d'Uzamnica et

  9   que les coups qui ont été proférés là-bas n'ont pas été proférés par lui

 10   devrait être rejeté.

 11   Ce qu'il avance ici devrait être rejeté.

 12   Ceci conclut l'appel de l'Accusation

 13   L'INTERPRÈTE : Le dernier intervenant n'ayant pas fourni une copie du

 14   document qu'il vient de lire aux interprètes de cabine française.

 15   M. SCHUSTER : [interprétation]  Si vous avez des questions, n'hésitez pas à

 16   les poser.

 17   M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.

 18   J'inviterais maintenant le conseil de Sredoje Lukic à présenter leurs

 19   arguments en réplique. Je vous rappelle que vous disposez de 30 minutes

 20   pour ce faire.

 21   M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges. Je vais essayer d'être rapide, et Me Knoops prendra la relève.

 23   Tout d'abord, je voudrais rappeler que l'Accusation a répondu à notre appel

 24   comme s'ils prenaient la parole devant une Chambre de première instance et

 25   qu'ils présentaient leur réquisitoire, plutôt que de prendre la parole

 26   devant une Chambre d'appel. Ils ont également présenté certains postulats

 27   et certains arguments que la Chambre de première instance n'a pas acceptés,

 28   alors que nous avons cité les paragraphes pertinents dans le jugement et


Page 172

  1   dans d'autres éléments de preuve.

  2   Mon collègue de la partie adverse, M. Schuster, dans ses arguments,

  3   s'est penché sur le camp d'Uzamnica, et je voudrais tout d'abord parler du

  4   motif numéro 6 de l'appel de Sredoje Lukic.

  5   Nous sommes fermement convaincus -- donc il s'agit des branches 6(E)

  6   et 6(F), et nous pensons que ceci a un impact important sur notre position

  7   parce qu'au vu de la déposition d'Adem Berberovic et d'Islam Kustura devant

  8   les Juges en première instance consistant à dire que Sredoje Lukic et Milan

  9   Lukic s'étaient rendus au camp d'Uzamnica, ceci n'est pas possible si Milan

 10   Lukic était, en fait, incarcéré dans un quartier pénitentiaire à Belgrade,

 11   à 400 kilomètres de Visegrad et, donc, du camp d'Uzamnica. Voilà donc

 12   l'impact potentiel du moyen d'appel numéro 6 de Milan Lukic dans notre

 13   appel.

 14   En ce qui concerne les autres témoins qui ont déposé dans le cadre de

 15   cet incident, je voudrais rappeler à mon collègue de la partie adverse, M.

 16   Schuster, qu'à la page 124, lignes 24 et 25, il a dit que les choses

 17   n'étaient pas très claires quant à la planche photo, à savoir qu'il ne

 18   savait pas si ceci avait été présenté au Témoin Adem Berberovic. Je

 19   voudrais rappeler à l'attention de tout le monde la déposition du

 20   responsable en chef du département des enquêtes, M. Ib Jul Hansen, qui a

 21   déposé en première instance et qui a expliqué très précisément qu'aucune

 22   photo de Sredoje Lukic n'avait été utilisée dans une procédure visant à

 23   l'identifier. J'en veux pour preuve le paragraphe 252 de notre mémoire en

 24   appel.

 25   De plus, le Témoin VG-25 connaissait très bien Sredoje Lukic avant

 26   l'incident, et il a été catégorique en disant qu'il n'avait pas vu Sredoje

 27   Lukic au camp d'Uzamnica. Par conséquent, il n'y a aucune identification

 28   irréfutable de Sredoje Lukic dans le cadre de cet incident.


Page 173

  1   Pour ce qui est de l'incident de la rue Pionirska, comme je l'ai dit,

  2   mon collègue de la partie adverse s'est borné à répéter des arguments

  3   présentés durant le procès en première instance. Dans nos tableaux, nous

  4   avons présenté les conclusions très clairement des Juges en première

  5   instance et des conclusions pour chacun de ces témoins, des quatre témoins

  6   auxquels se sont fié les Juges de la Chambre de première instance et qui

  7   permettaient de déterminer la présence de Sredoje Lukic durant ces

  8   incidents.

  9   Notre position est que ces dépositions ne sont pas crédibles et

 10   présentent énormément de contradictions. Je vais vous donner un exemple. Il

 11   y a seulement deux témoins qui connaissaient bien Sredoje Lukic avant les

 12   incidents, à savoir VG-13 et Hasib Kurspahic. Ces deux témoins sont

 13   considérés comme étant crédibles pour les Juges de la Chambre, mais aucun

 14   de ces deux n'a fourni des éléments laissant penser que Sredoje Lukic était

 15   présent durant cet incident. Ceci est en contradiction complète avec la

 16   déposition du fils, VG-38, qui venait d'apprendre que Sredoje Lukic aurait

 17   été là-bas. Ceci est totalement illogique parce que d'un côté vous avez la

 18   déposition de la mère, VG-13, qui connaissait Sredoje Lukic avant cet

 19   incident et qui n'a pas vu Sredoje Lukic durant cet incident, et vous avez

 20   d'autre part la déposition du Témoin VG-38 qui soi-disant aurait eu vent

 21   par d'autres personnes que Sredoje Lukic était présent.

 22   Et puis, il y a également énormément de contradictions dans la

 23   déposition de Huso Kurspahic, dont la seule source d'information était son

 24   père décédé, Hasib Kurspahic. Sa seule source d'information était un

 25   entretien qu'avait accordé Hasib Kurspahic 24 jours après les incidents.

 26   Huso Kurspahic était un officier professionnel de police et il avait

 27   possibilité pendant trois ans d'accompagner son père vers un poste de

 28   police de façon à fournir de nouvelles informations. Donc la seule source


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  1   dont nous disposons est celle que j'ai mentionnée, et, par conséquent, il

  2   serait déraisonnable de conclure que la déposition de Huso Kurspahic est

  3   plus importante ou couvre plus d'éléments que les explications fournies

  4   dans son entretien par M. Hasib Kurspahic.

  5   Par conséquent, je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'examiner

  6   nos tableaux et d'examiner également différents paragraphes de notre

  7   mémoire en appel où nous citons les différents éléments qui ne semblent

  8   pas, en fait, coller avec les conclusions.

  9   Je vous remercie, et je vais maintenant donner la parole au Pr

 10   Knoops.

 11   M. KNOOPS : [interprétation] Merci beaucoup.

 12   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais présenter cinq

 13   arguments, cinq réponses, à ce qu'a avancé l'Accusation.

 14   Tout d'abord, l'argument concernant le fait que nous cherchons à

 15   avoir un nouveau procès ici. Même lorsque des arguments sont avancés en

 16   première instance, la jurisprudence de ce Tribunal veut que les Juges d'une

 17   Chambre d'appel examinent les mêmes éléments pour ce qui est identification

 18   par des témoins oculaires dans des circonstances difficiles. Il s'agit du

 19   paragraphe 39 de l'arrêt en appel dans l'affaire Kupreskic, qui parle du

 20   fait qu'il faut procéder avec une prudence extrême; et l'obligation

 21   également de fournir une opinion motivée qui semble être absente dans

 22   l'affaire de Sredoje Lukic, en première instance.

 23   Et puis, la Chambre d'appel, dans le paragraphe 40, explique qu'une

 24   identification par des témoins oculaires, dans le cas où elle serait

 25   considérée comme n'étant pas raisonnable, devrait être examinée par une

 26   Chambre d'appel. Elle mentionne sept possibilités au paragraphe 40, c'est-

 27   à-dire : lorsqu'il y a des incohérences dans la déposition ou dans les

 28   caractéristiques physiques qui sont décrites au moment des événements; et


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  1   il y a également certains objets qui auraient été en possession du

  2   défendeur tels que, par exemple, soi-disant, le port d'une arme. Et puis,

  3   vous avez la sixième possibilité qui est mentionnée par la Chambre d'appel

  4   dans l'affaire Kupreskic qui demande à réexaminer la totalité des éléments

  5   de preuve lorsque ceux-ci ne sont pas jugés comme étant suffisants pour

  6   procéder à des conclusions.

  7   Donc, avec tout le respect que je me dois d'avoir vis-à-vis de mes

  8   collègues de l'autre côté du prétoire, nous ne demandons pas un nouveau

  9   procès en première instance. Il s'agit simplement de principes qui avaient

 10   déjà été adoptés par la Chambre d'appel.

 11   Lorsque, par exemple, le Témoin VG-84, qui est appelé à comparaître

 12   régulièrement par l'Accusation, il s'agit d'un jeune garçon de 13 ans, que

 13   disent les Juges en première instance ? Il s'agit du paragraphe 490, qui

 14   est également cité par l'Accusation. Il n'y a aucune valeur que l'on peut

 15   accorder à sa déposition pour les actions spécifiques de M. Milan Lukic ou

 16   de M. Sredoje Lukic. Je répète, aucun poids peut être accordé à sa

 17   déposition.

 18   Et il est mentionné qu'il n'était pas non plus en mesure de voir Sredoje

 19   Lukic, alors que celui-ci s'est présenté. En fait, il a entendu quelqu'un

 20   qui présentait cette personne comme étant Sredoje Lukic.

 21   Alors, la question que je vous pose : lorsque vous présentez

 22   quelqu'un, lorsque vous ne voyez pas cette personne, est-ce que vous pouvez

 23   considérer qu'il s'agit d'une identification formelle ? Est-ce qu'il n'est

 24   pas possible que le nom d'une personne soit utilisé à mauvais escient ?

 25   Donc, sans identification en bonne et due forme, le fait que l'on entende

 26   quelqu'un présenter quelqu'un d'autre comme étant cette personne, cela ne

 27   peut pas être accepté dans un Tribunal comme étant une présentation d'une

 28   personne suffisante, puisque ces deux personnes semblaient s'être


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  1   identifiées mutuellement. Ce n'est pas la manière de procéder -- ce n'est

  2   pas la bonne manière de procéder à l'identification d'une personne. La

  3   présentation n'est pas complète, si l'on peut dire. Et, par conséquent, si

  4   on traite de ces éléments de preuve sans avoir une identification directe

  5   par témoin oculaire, il est totalement justifié que la Défense demande à la

  6   Chambre de réexaminer les éléments qui auraient des conséquences sur

  7   l'affaire en l'espèce.

  8   Alors, en fait, l'Accusation semble se comporter de la même manière que la

  9   Défense, mais en même temps l'accusait d'avoir ce même comportement. C'est-

 10   à-dire que l'Accusation demande également d'une certaine manière que l'on

 11   ait un nouveau procès. Alors, l'Accusation doit se souvenir que les étapes

 12   1, 3 et 5 n'ont fait l'objet d'aucune conclusion par la Chambre de première

 13   instance. En fait, ils vous disent : Voyez, vous avez tous les événements

 14   qui se sont déroulés, y compris les étapes 2 et 4, et ceci devrait vous

 15   emmener à la conclusion qu'il s'agissait d'actes visant à aider et

 16   encourager.

 17   Mais ceci ne rentre pas dans le périmètre de l'appel à l'Accusation

 18   parce que l'Accusation n'a fait appel que sur deux erreurs juridiques, et

 19   non des erreurs de fait. Seulement des erreurs de droit. Et d'ailleurs,

 20   dans son mémoire, l'Accusation a déclaré que la Chambre avait fait erreur

 21   en n'acceptant pas des éléments de preuve crédibles pour les étapes 1, 3 et

 22   5. Ceci signifie que l'Accusation n'a plus aucun droit, puisqu'elle a

 23   décidé de ne pas faire usage de ce droit. Elle aurait pu utiliser des

 24   éléments de preuve pour les étapes susmentionnés, pour aller dans le sens

 25   de ce qui a été la conclusion de la Cour. Donc, si vous voulez,

 26   l'Accusation fait l'opposé de ce qu'elle souhaiterait faire.

 27   Troisièmement, revenons à ces cinq étapes. Etape numéro 1 tout d'abord, VG-

 28   115 a été considéré comme n'étant pas crédible. On ne pouvait donc pas


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  1   accorder de poids à toute identification supposée de MM. Milan Lukic et

  2   Sredoje Lukic qui rassemblaient les personnes et les faisaient avancer. Les

  3   Juges en première instance n'ont simplement pas accepté que ces accusés

  4   rassemblaient des personnes et les faisaient avancer dans la première

  5   étape, c'est-à-dire paragraphe 569 [comme interprété]. Quant à la deuxième

  6   étape, c'est-à-dire le présumé cambriolage. Dans le paragraphe 593 du

  7   jugement, les Juges en première instance ont conclu que M. Sredoje Lukic

  8   était armé et présent, mais qu'il n'y avait pas de participation.

  9   L'Accusation ne cite pas correctement les éléments de preuve acceptés par

 10   la Chambre de première instance en disant qu'il était présent, armé, mais

 11   qu'il participait, alors que dans le paragraphe 593 du jugement, les Juges

 12   de la Chambre mentionnent qu'il n'y  pas de participation. Nous passons

 13   maintenant à l'étape numéro 3, c'est-à-dire les fouilles corporelles et le

 14   départ -- bien sûr, on peut toujours utiliser la présentation PowerPoint.

 15   J'en étais à l'étape numéro 3 qui est utilisée par l'Accusation pour

 16   décrire la totalité des événements, c'est-à-dire les fouilles corporelles

 17   et le départ des femmes. Le paragraphe 594 stipule bien qu'il n'y a pas de

 18   participation, pas de participation, VG-13, 108 et 1 084, paragraphe 596,

 19   Milan Lukic a fait partir les femmes, mais Sredoje Lukic n'est pas

 20   mentionné. Donc l'Accusation ne peut pas utiliser des arguments pour cette

 21   étape-là.

 22   Quant au transfert maintenant, qui est l'étape suivante. L'Accusation

 23   avance que si quelqu'un n'est pas en mesure de faire une distinction entre

 24   ces deux accusés, il peut faire des descriptions concernant les armes qui

 25   étaient portées. Mais on peut se demander si ceci est permissible en vertu

 26   des lignes directrices qui découlent de l'arrêt dans l'affaire Kupreskic, à

 27   savoir qu'en cas d'éléments de preuve qui sont en conflit les uns avec les

 28   autres, il faut procéder avec une extrême prudence. Troisièmement, un


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  1   garçon de 13 ans, VG-84, était la seule personne à ce stade du transfert

  2   qui a mentionné des éléments concernant les armes et il a fait en fait une

  3   confusion entre les accusés et les armes qu'ils portaient, des armes

  4   automatiques ou des fusils à lunette. Donc il y a eu en fait deux erreurs

  5   d'identification qui ont été faites par un garçon de 13 ans. Mais on a

  6   quand même considéré que sa déposition était crédible et on a donc décidé

  7   que M. Lukic était armé durant la quatrième étape, c'est-à-dire l'étape du

  8   transfert. Et c'est la question importante à laquelle les Juges en appel

  9   devront répondre, à savoir : est-ce qu'en fonction des lignes directrices

 10   qui découlent de l'arrêt Kupreskic on peut considérer qu'il s'agit d'un

 11   critère acceptable ?

 12   L'Accusation avance que M. Lukic était dans la maison lorsque le

 13   cambriolage a eu lieu. Ceci n'est pas une déposition. M. Lukic n'était pas

 14   dans la maison, c'est le paragraphe 593, et c'est ce qu'a conclu les Juges

 15   de la Chambre, mais ça n'a pas été contesté par l'Accusation en appel. Donc

 16   elle n'a aucun droit à rouvrir la discussion à ce sujet.

 17   Et puis, la dernière étape, c'est-à-dire la maison qui est incendiée, les

 18   tirs. L'Accusation dit que même s'il n'était pas présent, cela pourrait

 19   cependant être qualifié d'une forme de participation. C'est ainsi que je

 20   comprends l'argument présenté par l'Accusation. Et les Juges de la Chambre

 21   en première instance n'ont même pas conclu que Sredoje Lukic était présent

 22   durant la cinquième étape de ces incidents. Paragraphe 609, VG-13, aucun

 23   crédit n'a été accordé à sa déposition. Paragraphe 610, VG-38, les Juges de

 24   la Chambre de première instance n'étaient pas convaincus qu'il avait vu

 25   Sredoje Lukic durant la cinquième phase. Alors, étant donné qu'il s'agit

 26   des conclusions de la Chambre, ceci ne peut pas être remis en question par

 27   l'Accusation.

 28   Et puis, mon quatrième argument qui m'amène à répondre à l'Accusation


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  1   concernant l'élément quantitatif qui permet de déterminer des actions qui

  2   visent à aider et encourager. L'Accusation a trois arguments, c'est-à-dire

  3   : une présence armée, une réputation en tant qu'officie de police local, et

  4   puis troisièmement, "il a rassuré les coauteurs en participant à ces actes

  5   en étant à leurs côtés."

  6   Une façon de rassurer qui aurait dû être autre chose qu'un agissement

  7   pacifique, c'est ce qui découle des éléments de preuve. Synonyme de

  8   contribution passive. Ce n'est pas quelque chose qui peut être admis en

  9   vertu de la jurisprudence à moins qu'il n'y ait un encouragement verbal,

 10   alors que l'accord tacite - d'après la jurisprudence du conseil de contrôle

 11   après la Deuxième Guerre mondiale, deuxième édition, page 215 de l'ouvrage

 12   du Juge Cassese sur le droit pénal international - l'accord tacite ne

 13   permet pas de justifier le fait d'aider et d'encourager. C'est quelque

 14   chose qui doit être accompagné d'encouragements verbaux ou d'autres actions

 15   tangibles pour qu'il y ait d'acceptation de la qualification de la part de

 16   l'Accusation que quelqu'un ait rassuré quelqu'un d'autre ou les principaux

 17   auteurs.

 18   La réputation d'un policier est quelque chose que nous avons déjà abordé.

 19   M. Lukic avait une forme d'autorité et la simple présentation sans

 20   identification à proprement parler ne permet pas de justifier d'un élément

 21   de preuve et de dire qu'il était sur les lieux du crime.

 22   Pour finir, Messieurs les Juges, vous m'avez demandé au cours de ma

 23   présentation, Monsieur le Président, de donner une définition --

 24   M. LE JUGE GUNEY : Il vous reste cinq minutes.

 25   M. KNOOPS : [interprétation] -- de la présence constructive. Souvenez-vous

 26   de la question. Je vais être honnête.

 27   Il me reste cinq minutes, Monsieur le Président. Je vous remercie.

 28   La définition de présence constructive est quelque chose qui pourrait être


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  1   étayée par quelqu'un par la suite. Dans Perkins et Boyce, j'ai essayé, en

  2   fait, de me pencher sur tous les textes. Perkins et Boyce est un ouvrage

  3   que j'ai utilisé lorsque j'ai fait mes études universitaires. Cela ne

  4   figure pas dans cet ouvrage qui parle de jurisprudence. Mais ceci doit être

  5   décidé au cas par cas. Mais je pense que si on regarde la logique qui sous-

  6   tend la doctrine de présence constructive, eh bien, il s'agit de quelqu'un

  7   qui est présent. Et dans Furundzija, c'est intéressant, parce que la

  8   Chambre d'appel a admis le fait d'aider et d'encourager parce que les deux

  9   accusés, je cite, " pouvaient mutuellement très bien se voir."

 10   Je peux vous donner la citation exacte. Je crois que cela se trouve -- je

 11   vais vous donner le paragraphe -- oui, c'est dans l'arrêt. Dans l'affaire

 12   Furundzija, vous trouverez l'observation qui est faite par les Juges en

 13   appel, à savoir que les accusés, y compris l'accusé qui a été accusé

 14   d'avoir aidé et encouragé, eh bien, que les deux accusés pouvaient très

 15   bien se voir, ce qui souligne ce principe ou cette logique qui sous-tend la

 16   doctrine de présence constructive. Et dans le contexte de l'intention, aux

 17   paragraphes 129 à 130, vous trouverez les huit indices de la raison pour

 18   laquelle la Chambre en appel a décidé que M. Vasiljevic a aidé et

 19   encouragé. Je vous encourage fortement à relire ces indices. Et ces indices

 20   n'existent pas en l'espèce. On peut les inventer, comme le fait

 21   l'Accusation, mais dans le cas qui nous intéresse, ils n'existent pas.

 22   Je vous remercie beaucoup.

 23   Paragraphe 120 de la décision dans Furundzija rendue par la Chambre d'appel

 24   le 21 juillet 2000, le paragraphe 120 :

 25   "Lorsque l'acte d'un accusé contribue à l'objectif de l'autre, que les deux

 26   ont agi simultanément au même endroit," par rapport à l'emplacement

 27   géographique et la pertinence de cet emplacement, je cite, "et alors qu'ils

 28   pouvaient très bien se voir l'un et l'autre pendant un certain temps,


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  1   l'argument en vertu de quoi il n'y avait pas d'objectif commun ne peut pas

  2   être retenu ou justifié."

  3   Bien au contraire, ici, Monsieur le Président, vous constaterez que

  4   la réponse est celle de la présence constructive. Ils agissaient de façon

  5   simultanée, pouvaient très bien se voir l'un l'autre et ont agi sur une

  6   longue période de temps. Il s'agit en fait des conditions minimums pour

  7   qu'il ait aidé et encouragé dans le cadre de la présence constructive. Donc

  8   la réponse, vous la trouverez dans l'arrêt Furundzija. On peut dire

  9   beaucoup de choses dans cette affaire, mais ce qui n'est pas présent au

 10   dossier en tant qu'élément de preuve, c'est que pendant les vols, les deux

 11   accusés qui étaient présumés présents ne pouvaient pas "très bien se voir

 12   l'un l'autre", parce que M. Sredoje Lukic était à l'extérieur du lieu du

 13   crime, à l'extérieur de la maison.

 14   Merci.

 15   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Maître.

 16   Il est maintenant l'heure de mettre un terme à cette première journée

 17   d'audience. Si les parties n'ont pas d'observations ou de questions, je

 18   crois que l'audience peut donc être ajournée.

 19   Nous nous -- y a-t-il des observations ou des questions à 

 20   poser ? J'en vois aucune.

 21   Nous nous réunirons demain à 10 heures, dans la même salle d'audience, pour

 22   entre la suite de la présentation des arguments des parties.

 23   [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]

 24   M. LE JUGE GUNEY : Oui, il vient d'indiquer que l'audience va se

 25   tenir dans le "courtroom" numéro I [sic]. Merci.

 26   --- L'audience est levée à 18 heures 00 et reprendra le jeudi 15

 27   septembre 2011, à 10 heures 00.

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