Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1979

1 Le lundi 21 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Madame Fazliu.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au début de votre déposition, vous

9 avez prononcé une déclaration solennelle en vertu de laquelle vous alliez

10 dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Vous êtes toujours

11 tenue de respecter cette déclaration pour la fin de votre déposition ce

12 matin.

13 LE TÉMOIN: HADIJE FAZLIU [Reprise]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est maintenant Me Aleksic qui va

16 procéder au contre-interrogatoire.

17 Maître Aleksic ?

18 M. ALEKSIC : [interprétation] Je vous remercie. Nous n'avons pas de

19 questions à poser à ce témoin. Nous avons consulté les autres conseils de

20 la Défense ce week-end et nous n'avons pas de questions à poser à ce

21 témoin. Je vous remercie.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maître Visnjic ou

23 Maître Sepenuk, avez-vous des questions ?

24 M. SEPENUK : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

26 Maître Fila ?

27 M. FILA : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions, Monsieur le

28 Président.

Page 1980

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic ?

2 M. CEPIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai quelques

3 questions à poser.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Fazliu.

8 R. Bonjour.

9 Q. Je m'appelle Me Djuro Cepic, je suis le conseil de la Défense pour le

10 général Lazarevic, et nous représentons la Défense du général Lazarevic

11 avec mon confrère.

12 Vous avez fait une déclaration le 21 octobre 2001. Il s'agit de la

13 page 4 de la version en B/C/S, de la page 4 et du dernier paragraphe de la

14 version anglaise et du paragraphe 3 et de la page 5 de la version

15 albanaise.

16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes souhaiteraient que vous ralentissiez un peu,

17 Maître.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez ralentir, je

19 vous prie, les interprètes vous l'ont demandé.

20 M. CEPIC : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le Président.

21 Q. Vous avez déclaré, Madame, que juste avant Djakovica, vous avez vu que

22 toute la ville était la proie des flammes; est-ce que cela est exact ?

23 R. Oui, il s'agit du quartier par lequel je passais. C'était un quartier

24 dans la direction du centre parce que la police ne nous avait pas autorisés

25 à nous rendre vers la périphérie. J'ai vu dans ce quartier que les

26 bâtiments et les immeubles étaient incendiés.

27 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il n'était pas sûr de se

28 rendre dans les quartiers de la ville qui étaient la proie des flammes;

Page 1981

1 est-ce que cela n'est pas une conclusion logique ?

2 R. Oui, mais c'est la police qui nous a dit d'emprunter cette direction.

3 Je ne connais pas bien la ville. C'est la police qui nous a fourni cette

4 direction.

5 Q. Merci. Au paragraphe suivant, vous dites que vous saviez qu'il y avait

6 des filles de ce village et d'autres villages qui avaient été emmenées et

7 qui avaient été violées, mais vous n'avez pas été témoin de cela. Vous en

8 avez entendu parler seulement, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous revenions à la journée du 26 mars

11 1999, et je vais dire que plusieurs références y sont faites. Vous avez

12 également fait une référence à ce jour lors de votre déposition ici. Est-ce

13 que vous savez que ce jour-là, vers 16 heures, ou pour être plus précis

14 vers 16 heures 30, dans le village de Likovic, les personnes suivantes ont

15 été tuées : un policier, ou plutôt des policiers, au pluriel, Milan

16 Pavlovic, Dusan Trifunovic, M. Zivkovic, Dragivoj Gajic, ainsi que Radisa

17 Krikovic [phon] et plusieurs autres personnes ont été très gravement

18 blessées ?

19 R. Non, je ne le sais pas. Ils vivaient dans un quartier différent du

20 mien.

21 Q. Merci. Est-ce que vous savez que le 1er avril 1999, dans le village de

22 Brocna [phon], qui se trouve également près de votre village, le policier

23 Rasevic [phon] a été tué et deux autres policiers ont essuyé des blessures

24 très, très graves ?

25 R. Je n'ai pas compris le nom du village. De quel village s'agissait-il ?

26 Q. Brocna ?

27 R. Il n'y a pas de village qui s'appelle ainsi près de mon village.

28 M. CEPIC : [interprétation] Donnez-moi un petit moment pour que je trouve

Page 1982

1 le nom de ce village en albanais, je vous demande une petite seconde

2 d'indulgence.

3 Q. Il s'agit de Broje [phon] en albanais.

4 R. Je ne sais pas ce qui s'est passé là-bas.

5 Q. Est-ce que vous savez que dans ce village ou dans cette région, il y

6 avait deux brigades importantes de l'UCK ? Plus précisément, la 101e

7 Brigade, qui se trouvait à Srbica.

8 M. CEPIC : [interprétation] Je dirais aux fins du compte rendu d'audience,

9 il s'agit de la page 4 de la ligne 2, que j'ai fait état de la 111e Brigade

10 et non pas de la 101e Brigade.

11 J'ai dit la 111e, parfait. Il y avait également la 113e Brigade dans le

12 village Lipovac. Est-ce que vous le savez cela ?

13 R. A Broje, il n'y avait pas la brigade que vous avez mentionnée, la 111e

14 Brigade parce que la police était cantonnée là-bas. Je ne sais pas s'il y

15 en avait ailleurs, mais il n'y en avait pas à Broje.

16 Q. J'ai fait référence à Srbica, et non pas à Broje, pour ce qui de la

17 présence de la 111e Brigade de l'UCK.

18 R. Je ne pense pas qu'à cette époque-là, il soit possible que cette

19 brigade ait été présente. Je ne pense que les choses se sont passées comme

20 cela.

21 Q. Est-ce que vous êtes informée de façon générale sur les formations

22 militaires ?

23 R. Non. Tout simplement ce que j'ai entendu dans la presse.

24 Q. Merci.

25 M. CEPIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

26 Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Cepic.

28 Monsieur Hannis ?

Page 1983

1 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Je vous remercie, Madame

3 Fazliu, vous êtes arrivée au terme de votre déposition. Je vous remercie

4 d'être venue au Tribunal pour présenter cette déposition. Vous pouvez

5 maintenant disposer.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, qui est votre témoin

9 suivant ?

10 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit d'Abdullah Salihu.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande si je peux vous demander

12 de m'aider à propos de ce témoin justement. La déclaration que nous avons

13 reçue commence par une référence à des événements de 1998. Est-ce que vous

14 pourriez m'indiquer quels sont les chapitres de l'acte d'accusation qui

15 font référence à cela ?

16 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas ce document sous la main.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai eu quelques problèmes à faire

18 coïncider les dates et les endroits entre la déclaration et ces événements

19 précis de 1998 et l'acte d'accusation, et j'espérais que vous soyez à même

20 de préciser tout cela pour moi.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, pour ce qui

22 est de l'année 1998, sa déposition n'a pas trait à des événements bien

23 précis, mais plutôt au paragraphe 96 où il est question de la période qui

24 va du mois de février 1998 jusqu'au mois de mai 1998. Il y avait environ 15

25 000 Albanais du Kosovo qui s'étaient enfuis. A la mi-octobre, les Nations

26 Unies avaient estimé qu'il y avait environ 285 000 personnes qui avaient

27 fait l'objet de déplacement interne au sein de la province. Il ne s'agit

28 pas de références précises à sa municipalité ou aux 20 000 personnes

Page 1984

1 auxquelles il fait référence.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Hannis, je

3 vois que dans l'acte d'accusation il est question de

4 200 000. Est-ce qu'il s'agit d'une coquille ?

5 M. HANNIS : [interprétation] Il avait apporté une correction lors de sa

6 déposition dans l'affaire Milosevic en indiquant qu'il fallait remplacer le

7 chiffre de 200 000 par 20 000.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Salihu.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir prononcer

11 la déclaration solennelle. Je vous demande de nous lire le document qui

12 vous est donné maintenant.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: ABDULLAH SALIHU [Assermenté]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

18 place.

19 Monsieur Salihu, nous avons déjà une déclaration ainsi qu'un compte rendu

20 de la déposition que vous avez déjà faite, que vous avez faite auparavant.

21 Nous disposons déjà d'un certain nombre de renseignements à propos de votre

22 déposition. Lors de cette phase de la procédure, nous allons donner la

23 possibilité aux représentants de l'Accusation ainsi qu'aux conseils de la

24 Défense qui représentent les accusés la possibilité de vous poser des

25 questions. Il s'agira peut-être de questions qui permettront de préciser

26 certains éléments de votre déposition, qui permettront d'expliciter

27 certaines choses et qui permettront également de contester parfois. Car

28 dans le cadre du système qui nous régit, les conseils de la Défense ont la

Page 1985

1 possibilité de poser des questions et de contester ainsi les éléments de

2 preuve. Ne soyez pas surpris s'ils vous posent des questions qui contestent

3 ce que vous avez déjà dit. La première personne qui vous posera des

4 questions est M. Hannis, représentant de l'Accusation.

5 Monsieur Hannis ?

6 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

7 Interrogatoire principal par M. Hannis :

8 Q. [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner votre nom

9 complet ?

10 R. Abdullah Salihu.

11 Q. D'après votre déclaration, Monsieur Salihu, je crois comprendre que

12 vous êtes né et que vous avez grandi et que vous avez passé toute votre vie

13 dans le village de Baks, qui se trouve dans la municipalité de Skenderaj;

14 est-ce que cela est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. J'aimerais dans un premier temps vous montrer un exemplaire de votre

17 déclaration. Il s'agit de la pièce à conviction P2255. Je souhaiterais

18 transmettre une copie papier de ce document au témoin. Je souhaiterais,

19 Monsieur, que vous consultiez cette déclaration, déclaration que vous avez

20 faite au bureau du Procureur.

21 Q. Les interprètes n'ont pas entendu votre réponse. Est-ce que vous

22 pourriez répéter cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer à l'intention de la Chambre que cela

25 est exact et que cela correspond à votre déposition ?

26 R. Oui.

27 Q. Je sais que lorsque vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic, vous

28 aviez apporté une correction, une correction à la première page où il est

Page 1986

1 question du nombre de personnes qui s'étaient rassemblées dans la région de

2 Cicavica. Dans la déclaration, cela avait été consigné comme 200 000

3 personnes mais ce chiffre n'est pas exact; c'est cela ?

4 R. Oui. Le chiffre est le chiffre de 20 000. Donc, c'est

5 20 000 personnes au lieu de 200 000 personnes.

6 Q. Je vous remercie. Nous souhaiterions verser cela au dossier, Monsieur

7 le Président.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit tout simplement de

9 la déclaration que vous versez au dossier ou du compte rendu d'audience

10 également ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'il serait utile de verser au

12 dossier le compte rendu d'audience également. Puis-je consulter ma consoeur

13 un petit moment, je vous prie ?

14 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

15 M. HANNIS : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse. Non, non. Nous

16 voulions en fait procéder comme s'il s'agit d'une déclaration au titre de

17 l'article 89(F), compte tenu de sa déclaration écrite seulement.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien ce que j'avais cru

19 comprendre. Je voulais juste faire remarquer que cela fait partie

20 maintenant de la procédure, Monsieur Hannis.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

22 Q. Quelle était de façon approximative la taille de votre village en

23 1998 ? Combien de foyers y avait-il ?

24 R. Avant 1998, il y avait dans notre village quelque 130 ou 140 foyers.

25 Q. Vous savez combien de personnes ou combien d'habitants résidaient dans

26 ces maisons ?

27 R. Environ 2 000 habitants.

28 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des villageois ?

Page 1987

1 R. Albanais.

2 Q. Je vois d'après votre déclaration que vous étiez "hodja", si je

3 prononce bien ce terme.

4 R. Oui.

5 Q. En quoi consiste exactement cette fonction ?

6 R. Un "hodja" est un homme religieux. C'est un représentant du clergé

7 musulman. Il dirige la population. Au Kosovo, il y a des Musulmans, des

8 Catholiques ainsi que des Orthodoxes, mais je suis Musulman, moi-même.

9 Q. Merci. Dans votre déclaration, vous décrivez les événements de l'année

10 1998 ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire où se trouve la région de Cicavica par

13 opposition, ou par rapport plutôt à votre village de Baks ?

14 R. La région de Cicavica est à trois kilomètres de mon village, à l'est du

15 village où j'habite. Il y a plusieurs villages autour, Kozica, Kasniaus

16 [phon], Kasalic [phon], ainsi que d'autres villages.

17 Q. Vous avez décrit comment la plupart des villageois ont quitté la zone,

18 vivaient dans la montagne, dans la forêt. En haut de la page 3 de la

19 version anglaise, vous expliquez que 80 % des gens n'avaient pas d'endroit

20 où ils pouvaient séjourner et que les organisations internationales

21 fournissaient une aide de base, notamment des bâches en plastique. Quelles

22 étaient les organisations internationales qui vous aidaient à l'époque ?

23 R. Oui. Il y avait des organisations internationales, Caritas, par

24 exemple, qui était une de ces organisations. Il y avait une organisation

25 suisse également. Il y avait plusieurs organisations qui nous ont aidés.

26 Elles ont amené des vivres, de la farine, des bâches pour couvrir les toits

27 des maisons qui avaient été endommagés.

28 Q. Est-ce qu'il y avait une présence de l'UCK dans votre village pendant

Page 1988

1 l'automne 1998 jusqu'au printemps 1999 ?

2 R. Il y avait neuf membres de notre village.

3 Q. Est-ce qu'ils habitaient dans le village à ce moment-là ? Est-ce qu'ils

4 y étaient dans le village ?

5 R. Ils vivaient près du village, pas dans le village. Ils avaient des

6 tours de garde, donc ils assumaient les tours de garde. Ils gardaient le

7 village et ils résidaient dans différentes maisons.

8 Q. Pendant le printemps de l'année 1999, vous mentionnez que l'OSCE --

9 R. Oui.

10 Q. -- a quitté la région. Est-ce que vous vous souvenez du moment où cela

11 s'est passé ? Est-ce que cela s'est passé longtemps avant le bombardement

12 de l'OTAN ?

13 R. Je ne m'en souviens pas exactement, mais je dirais deux ou trois mois

14 auparavant. C'est après que l'OSCE est partie que les gens ont obtenu des

15 armes, notamment surtout dans la municipalité où j'habitais ainsi qu'à

16 Qires. Les gens avaient des armes, et nous avons dû aller vers les

17 montagnes.

18 Q. Lorsque vous dites les gens ont obtenu, ont tous obtenu des armes

19 notamment dans la municipalité où vous habitiez, de quelles personnes

20 parlez-vous ?

21 R. Je n'ai pas compris votre question.

22 Q. Je m'excuse. Lors de votre réponse précédente, vous avez dit --

23 R. J'entendais l'armée serbe. L'armée serbe est arrivée avec des armes,

24 avec des chars, avec des véhicules de transport de troupes, et ils sont

25 arrivés dans la municipalité de Qires. Il y avait des bus, il y avait des

26 paramilitaires.

27 Q. Oui. Je vois dans votre déclaration au deuxième paragraphe de la page 3

28 de la version anglaise, vous mentionnez le fait que les paramilitaires sont

Page 1989

1 arrivés. Est-ce que vous pourriez nous décrire ce que vous entendez par des

2 forces paramilitaires par opposition aux forces régulières de la VJ ou

3 forces de police ? Quelle était la différence avec ces paramilitaires ?

4 Est-ce qu'ils étaient différents ?

5 R. Oui, ils étaient différents. Pendant toute cette période et jusqu'à la

6 fin de la guerre, j'ai vu trois types de vêtements, de tenue vestimentaire

7 qu'ils portaient. Il y avait l'uniforme de l'armée régulière. J'avais été

8 membre de l'armée yougoslave auparavant, il y a belle lurette. J'avais vu

9 cet uniforme. Normalement, les soldats sont jeunes alors que les

10 paramilitaires avaient 35, 40, voire 50 ans. Ils avaient des cheveux longs,

11 ils portaient la barbe, ils portaient des bandanas, des foulards. Ils

12 avaient le visage dessiné ou maquillé. Une partie était des réservistes.

13 Parce que lorsque nous avons été faits otages dans le village --

14 L'INTERPRÈTE : Dans le village dont le nom n'a pas été saisi par

15 l'interprète.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Un village qui se trouvait près de Kamaran

17 [phon]. Ils nous ont expliqué que l'armée les avait recrutés par la

18 contrainte et leur avait dit d'aller se battre au Kosovo.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. Je vous interromps un peu. J'aimerais vous poser deux ou trois

21 questions. Quel est le nom du village où vous aviez été tenu otage par les

22 réservistes ?

23 R. Vukovc.

24 Q. Y avait-il un moyen pour vous de faire une différence entre ceux que

25 vous avez décrits comme réservistes et ceux que vous avez décrit comme

26 paramilitaires ? Vous parlez des réservistes de la VJ ?

27 R. Oui. Les réservistes portaient le même uniforme. C'était une sorte

28 d'uniforme gris.

Page 1990

1 Q. Le même type d'uniforme que pour les membres réguliers de la VJ ?

2 R. Non.

3 Q. Excusez-moi, je ne comprends plus. Pouvez-vous m'expliquer la

4 différence entre les membres réguliers de la VJ, les militaires de carrière

5 de la VJ, les réservistes dont vous nous avez parlé et les paramilitaires ?

6 Il s'agit des trois groupes de personnes dont vous nous avez parlé.

7 R. Oui. L'armée régulière yougoslave avait un uniforme en trois couleurs,

8 l'uniforme de camouflage vert et gris et jaune. Les paramilitaires, ils

9 portaient le même uniforme, mais ils avaient des barbes, des cheveux longs.

10 Ils avaient des brassards rouges, bleus ou jaunes. Les réservistes avaient

11 des uniformes gris.

12 Q. Merci. Je comprends bien mieux maintenant. Vous avez dit qu'à partir du

13 moment où l'OSCE est partie, les paramilitaires sont arrivés dans votre

14 zone. Vous et d'autres villageois, vous avez cherché à vous mettre à l'abri

15 dans la forêt. Vers le milieu de la page 3, vous en parlez en version

16 anglaise. Vous dites que c'était vers le 28 avril.

17 R. Oui.

18 Q. Vous dites que l'OTAN a attaqué l'entreprise de ferronickel à Gllogoc.

19 Est-ce que vous pouvez nous dire tout d'abord comment vous l'avez appris ?

20 Est-ce que vous l'avez vu vous-même ?

21 R. Oui.

22 Q. Les entreprises ferronickel, qu'était-ce ? Que fabriquaient-ils ?

23 R. L'entreprise, l'usine ferronickel, c'était un endroit où ils traitaient

24 nickel, où ils produisaient du nickel à partir des minerais de nickel. A

25 partir du moment où les Serbes avaient jeté dehors le personnel qui

26 travaillait, les employés qui travaillaient dans l'usine, cela a été

27 utilisé comme une caserne.

28 Q. Qui l'a utilisée comme caserne ?

Page 1991

1 R. A partir du moment où on a chassé les travailleurs, les employés, avant

2 le début de la guerre, les ouvriers ont été licenciés, renvoyés. Ils ont

3 perdu leur travail. L'armée serbe et les paramilitaires serbes se sont

4 servis de cette usine pour en faire leur caserne.

5 Q. Merci. Vous décrivez dans votre déclaration ce qui s'est passé le

6 lendemain le 29 avril. Vous et un petit groupe d'hommes, vous avez été

7 capturés dans un secteur que vous identifiez comme étant Fush e Molles. En

8 trois mots, F-u-s-h e M-o-l-l-e-s. Qu'est-ce ? Est-ce une rivière, une

9 montagne ?

10 R. C'est une montagne. D'un côté, il y a la montagne et de l'autre côté,

11 il y a une colline et il y a un champ entre les deux qui s'appelle Fush e

12 Molles et cela signifie "champ de pommes ou pommeraie." Je peux vous

13 montrer sur une carte où se situent les localités étant Novo Sel [phon],

14 Likoshan et plusieurs autres.

15 Q. J'ai la carte, nous allons vous demander de nous présenter des

16 localités.

17 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que l'on peut avoir la pièce P615. Je

18 pense que c'est la page 18. L'atlas du Kosovo.

19 Q. Monsieur Salihu, je pense que vous l'aurez sur l'écran.

20 Est-ce que vous voyez, Monsieur Salihu, votre village Baks ?

21 R. Oui. Baks est ici.

22 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur l'Huissier peut vous donner le crayon

23 pour que vous vous en serviez.

24 Q. Est-ce que vous pouvez tracer un cercle autour de votre village

25 sur l'écran ?

26 R. C'est ici que cela se situe.

27 Q. Est-ce que vous pouvez tracer un cercle autour de Qires ?

28 R. [Le témoin s'exécute]

Page 1992

1 Q. Il me semble que vous avez parlé d'un triangle entre Baks, Qires et un

2 troisième village Vrboc ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous pouvez tracer un cercle autour de celui-ci ?

5 R. Je n'arrive pas à voir Vrboc ici. Je pense que c'est par ici mais je

6 n'arrive pas à le retrouver.

7 Q. Si vous regardez au sud de Baks, sur la gauche, n'est-ce pas Vrboc ? Je

8 n'arrive pas à bien lire ce qui est écrit mais cela pourrait être cela.

9 R. Oui. Voilà, Vrboc est ici ainsi que Stutica, Dushets, Likoshan,

10 Glanasella, Fush e Molles. C'est bien cette zone ici. Skatova [phon] et

11 Vijetera [phon] est ici pendant que nous, nous étions ici.

12 Q. Est-ce que vous pouvez inscrire un X et tracer un cercle autour de cet

13 endroit pour montrer où vous avez été capturé ?

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Merci.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fush e Molles, j'ai bien peur que cela

17 n'apparaît pas clairement.

18 M. HANNIS : [interprétation] Je vois ce que vous voulez dire, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on lit effectivement cela

21 dans ce cercle ?

22 M. HANNIS : [interprétation]

23 Q. Monsieur Salihu, lorsque que vous avez mentionné Fush e Molles, vous

24 avez placé un cercle autour de quelque chose sur la carte qui porte un nom

25 différent. Est-ce que vous pouvez nous lire à peu près ce que vous avez

26 indiqué ?

27 R. Fush e Molles se situe ici entre ces villages. C'est au milieu là où se

28 situe le X. C'est l'endroit que l'on appelle Fush e Molles.

Page 1993

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est clair.

2 M. HANNIS : [interprétation] Je vois. Est-ce que nous pouvons enregistrer

3 ceci et lui donner un numéro IC.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC13.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

7 Q. Monsieur Salihu, dans votre déclaration vous dites comment vous avez

8 été capturé, ce qui vous est arrivé à vous, à d'autres hommes. On vous a

9 emmené avec un groupe plus important dans une mosquée, la mosquée de Qires,

10 et vous décrivez ce qui vous est arrivé là-bas, à vous et aux autres

11 hommes, vous le décrivez en détail. Puis en haut de la page 5, de la

12 version anglaise, vous dites qu'on a incendié la mosquée, qu'elle avait été

13 incendiée pendant l'offensive précédente. Est-ce que le toit était encore

14 en place à ce moment-là ?

15 R. Oui.

16 Q. Je voudrais vous présenter une pièce, c'est une photo, pièce P1801.

17 Vous allez la voir s'afficher à l'écran devant vous, vous nous direz, s'il

18 vous plaît, de quoi il s'agit.

19 R. C'est la mosquée du village de Qires, c'est là qu'on nous a détenus

20 pendant une nuit après avoir été capturés à Fush e Molles. Cela c'était

21 vers 15 heures, on nous a emmenés ici. C'est à peu près à trois kilomètres

22 de l'endroit de notre capture. Quand nous sommes arrivés à la mosquée, la

23 mosquée était incendiée. Les fenêtres, la porte, tout ce qui était en bois

24 avait été incendié. On nous a gardé là pendant une nuit, c'était la nuit du

25 vendredi. Le lendemain, le samedi, on nous a emmené à Gllogoc, c'était un

26 endroit à peu près à quatre kilomètres de Gllogoc, un endroit qui

27 s'appelait Shavarina. On nous a réservé un mauvais traitement. On nous a

28 battu --

Page 1994

1 Q. Avant de passer à cela --

2 R. -- dans la mosquée.

3 Q. Je dois vous poser une autre question au sujet de cette photo. La nuit,

4 le 29 avril 1999, où on vous a détenu ici, est-ce que la mosquée avait

5 l'allure qu'on voit ici ?

6 R. Oui.

7 Q. Les murs s'étaient déjà écroulés ?

8 R. Non, non. Pas encore. Quinze jours avant que les forces serbes ne se

9 retirent du Kosovo, ils ont été endommagés. La mosquée a été incendiée, il

10 n'y avait plus de fenêtres, de portes. Tout ce qui était en bois a brûlé

11 mais les murs en briques tenaient toujours, ils étaient debout et le

12 minaret, quant à lui a été détruit aussi.

13 Q. Les dégâts que l'on voit ici, qui ont été portés aux murs, est-ce que

14 cela s'est passé après votre passage, après le 29 avril ?

15 R. Oui. C'était vers la fin du mois d'avril. Ou plutôt en mai, c'est en

16 mai que l'on a détruit cela.

17 Q. Comment est-ce que vous l'avez appris qu'il y a eu ces dégâts qui se

18 sont produits par la suite ?

19 R. J'en ai entendu parler. Je savais ce qui en était de mon village et des

20 villages autour de Cicavica. Nous étions sous les tentes. Je pense que

21 c'est le troisième jour qu'ils l'ont détruit, à l'aide de mines, de bombes.

22 Q. Qui vous l'a dit ?

23 R. Mes cousins, mes oncles, d'autres villageois, mais je ne l'ai pas vu

24 moi-même. J'ai juste entendu dire que cela a été détruit.

25 Q. Merci. Pendant votre détention là-bas, vous avez dit que vous étiez 176

26 en tout. Comment savez-vous le nombre précis ?

27 R. Nous étions regroupés en trois groupes. Dans le premier groupe une

28 cinquantaine de personnes, dans le deuxième à peu près le même nombre. Dans

Page 1995

1 la soirée, nous nous sommes trouvés dans la mosquée et ils nous ont dit que

2 le lendemain matin on allait tous nous fusiller s'il venait à manquer

3 quelqu'un. Donc j'ai retenu le nombre, on était 176. Ils nous ont comptés.

4 Q. Dans votre déclaration vous décrivez ce qui s'est passé le lendemain.

5 Vous dites qu'un certain nombre d'entre vous ont été placés à bord de trois

6 camions et emmenés vers Gllogoc, vers Shiverina [phon] ?

7 R. Shavarina.

8 Q. Merci. Vous décrivez dans votre déclaration comment on a exécuté le

9 groupe qui se trouvait à bord du premier camion et comment un homme est

10 arrivé à bord d'une jeep, un militaire. Il a eu une conversation avec ceux

11 qui ont tiré. Est-ce que vous pouvez décrire cette personne qui est arrivée

12 avec cette jeep et qui s'est adressée aux hommes qui vous détenaient et qui

13 ont commis l'exécution, la fusillade ? C'était un paramilitaire, un membre

14 de la VJ ou un policier ?

15 R. Quand ils nous ont emmenés de Qires à Shavarina, nous étions à bord de

16 trois camions, comme je l'ai dit. On a fait descendre les hommes du premier

17 camion, ils ont été alignés. C'était un grand groupe.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Salihu, la question est très

19 précise. Ce serait plus utile si vous pouviez la réécouter et répondre à

20 cette question.

21 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

22 Q. Monsieur Salihu, pour le moment, ce qui m'intéresse c'est de savoir si

23 vous pouvez nous décrire la personne qui est arrivée à bord de la jeep, à

24 partir du moment où on a fusillé ce groupe d'hommes. Est-ce que c'était un

25 paramilitaire, un membre de la VJ ou un policier. Est-ce que vous étiez en

26 mesure de le savoir d'après son aspect ?

27 R. Ce n'était pas un policier. Ce n'était pas non plus un membre d'une

28 unité paramilitaire. C'était un membre régulier de l'armée. Je ne sais pas

Page 1996

1 ce qu'il leur a dit. Je n'ai pas pu l'entendre. Mais à partir du moment où

2 il a parlé à ce groupe, les tirs se sont arrêtés. Je pense que 30 personnes

3 ont été tuées et les autres deux camions ont été emmenés à Drenica.

4 Q. Et dans votre déclaration --

5 R. Je ne sais pas si c'est clair ce que je viens de dire.

6 Q. Oui, je vous remercie. Dans votre déclaration, vous fournissez quelques

7 détails, vous dites que les deux autres camions pleins d'hommes, qui

8 étaient encore en vie, ont été emmenés à Gllogoc. Vous dites ce qui vous

9 est arrivé à vous. Vous avez été emmené au poste de police puis au bâtiment

10 du cinéma et vous avez été battu. Vous mentionnez Rahman Topilla, un homme

11 qui faisait partie de votre groupe qui a été tué ?

12 R. Oui, je m'en souviens. On nous a emmenés à Gllogoc. On a été battus

13 pendant toute la journée. On a été enchaînés au mur, on nous a enchaînés

14 les mains derrière nos dos. Puis le troisième jour, un paramilitaire est

15 arrivé de la gare qui se situait à environ 100 mètres, et il s'est adressé

16 aux policiers près de nous en serbe. "Donne-moi les hommes qui

17 m'appartiennent", a-t-il dit. Le paramilitaire tenait le raki dans une main

18 et un fusil dans l'autre. Ils ont pris de côté Rahman Topilla, à dix mètres

19 de nous et c'est là qu'ils l'ont fusillé, sur place.

20 Q. Je voudrais vous poser plusieurs questions à ce sujet. Est-ce que vous

21 comprenez, est-ce que vous parlez le serbe ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous dites que le paramilitaire a demandé qu'on lui donne les hommes

24 qui lui appartiennent à lui. Ensuite, vous dites qu'ils ont pris Rahman et

25 qu'ils l'ont emmené et qu'ils l'ont mis de côté. Qui sont "eux," qui l'ont

26 emmené à dix mètres, il y avait une personne, plusieurs personnes ?

27 R. Oui. Rahman est le seul qui a été emmené et qui a été tué par balle.

28 Nous y sommes restés pendant six jours.

Page 1997

1 Q. J'aimerais savoir combien de personnes ont emmené Rahman de côté, une

2 personne ou plusieurs ?

3 R. Il y avait juste un paramilitaire serbe, comme je l'ai dit, qui est

4 arrivé de la gare ferroviaire de Gllogoc. Il avait un fusil automatique

5 dans une main et du raki dans l'autre. Il n'y avait qu'une seule personne,

6 c'est-à-dire qu'il n'y avait que lui. Il s'est adressé au policier et il a

7 dit : "Donnez-moi la personne qui m'appartient." Le policier lui a dit :

8 "Prends qui tu veux." Puis, il a pris Rahman, il l'a emmené à dix mètres de

9 l'endroit où nous étions et il lui a tiré dessus. Il y avait juste une

10 personne.

11 Q. Le policier avec qui il s'est entretenu, vous pouvez le décrire ? Il

12 avait quel type d'uniforme ?

13 R. Il portait un uniforme habituel de la police.

14 Q. Qu'est-ce qu'un uniforme normal de policier à vos yeux ? On nous a

15 parlé de différents uniformes de police ici. Un uniforme "normal," qu'est-

16 ce que pour vous ?

17 R. C'était bleu, il y avait un petit mélange de couleurs, il y avait du

18 noir.

19 Q. On nous a décrit aussi des uniformes bleues uni comme étant des

20 uniformes de police et aussi des uniformes de camouflage.

21 R. Oui, c'était un uniforme de camouflage. C'est ce que voulais dire.

22 Q. Merci. Vous nous dites que vous êtes resté au poste de police, qu'on

23 vous a battu, qu'on vous a interrogé et que le septième jour, des camions

24 sont arrivés, qu'ils vous ont emmené à Vukovc et c'est là que vous êtes

25 resté jusqu'à la fin des combats, à la mi-juin 1999. Vous dites aussi

26 comment les réservistes de la VJ vous ont traité lorsque vous deviez

27 travailler au niveau des tranchées, et cetera.

28 Est-ce que vous avez eu des conversations avec le réserviste de la VJ

Page 1998

1 ou les réservistes qui étaient entre les mains de qui vous vous êtes trouvé

2 là-bas ?

3 R. Oui. Franchement, quand ils nous ont emmenés à Vukovc, ils nous ont

4 donné à manger pendant que nous étions là parce que pendant huit jours on

5 n'avait rien mangé. Ils nous ont donné des cigarettes et ils nous ont bien

6 traités, sauf quatre paramilitaires dans ce groupe de réservistes. Les

7 réservistes nous ont bien traités. Nous sommes restés là entre 37 et 40

8 jours.

9 Q. Oui, dans votre déclaration, vous décrivez -- excusez-moi, Monsieur --

10 R. Et nous leur avons parlé et ils nous ont dit qu'ils ne sont pas venus

11 pour libérer cette région, mais pour l'occuper, qu'on les a forcés à venir

12 là-bas, qu'ils ne le voulaient pas. Ils ont dit : "C'est votre pays et nous

13 ne voulons pas vous forcer à creuser des tranchées, mais il nous faut bien

14 le faire," et ils nous ont donné la nourriture. Ils ont dit qu'on les a

15 forcés à venir là-bas et se battre contre les Albanais. Et j'éprouve du

16 respect pour les gens à qui j'ai parlé là-bas. Comme je l'ai dit, d'autres

17 nous ont maltraités de manière violente mais pas là-bas. Jusqu'au bout,

18 jusqu'à la fin, nous étions en bons termes avec eux.

19 Q. Très bien. Juste quelques petites choses avant la fin, Monsieur Salihu.

20 Est-ce que vous avez des séquelles des passages à tabac que vous avez subis

21 pendant que vous étiez capturé ?

22 R. Je ne suis pas le seul à avoir souffert. J'ai eu quatre côtes cassées.

23 Ma jambe, mon pied ont été blessés. Tout simplement, quand ils m'ont envoyé

24 à la mosquée pour que j'y sois exécuté, j'aurais préféré être exécuté à

25 l'époque plutôt que d'avoir survécu à tout cela, et grâce à l'OTAN, grâce

26 au Dieu, tout s'est bien passé, tout s'est bien terminé.

27 Q. La dernière --

28 R. Mais je souffre toujours.

Page 1999

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 2000

1 Q. La dernière question. Je voudrais vous montrer encore une fois la

2 carte, la carte P615, à la page 18. Sur cette carte, M. Salihu, je vais

3 vous demander de nous montrer la région où les gens qui étaient dans le

4 camion ont tiré.

5 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander de zoomer la carte au niveau

6 de Gllogoc. Voilà c'est à peu près ici. Merci.

7 Q. Sur cette carte, êtes-vous en mesure de voir l'endroit où vous avez vu

8 l'exécution de ces hommes ? Où se trouvait cette fosse ?

9 R. C'était ici, à Chatova Vijetera [phon]. C'est là-bas que cela se

10 trouvait.

11 Q. Dans votre déclaration, vous avez décrit la façon dont ils ont tiré sur

12 ces hommes et comment ils sont tombés dans le trou puisqu'ils étaient au

13 bord. Est-ce que ceux qui ont tiré ont fait quoi que ce soit après qu'ils

14 sont tombés dans le trou ?

15 R. Ils les ont enlignés en trois lignes et chacun était responsable d'une

16 ligne de gens et après les avoir tués, ils ont jeté deux ou trois grenades

17 à main dans le trou pour être sûr que personne n'ait survécu.

18 Q. Je voudrais vous demander de nous montrer une autre localité ici, la

19 localité où on vous a emmené pour y creuser les tranchées avec les

20 réservistes. Je pense que vous avez parlé de Vukovc. Est-ce que vous voyez

21 cet endroit sur la carte ?

22 R. Oui. C'est la route entre Kamaran et Peja ou Pristina-Peja; c'est sur

23 cette route-là.

24 Q. Pourriez-vous faire un cercle dans cette région, même si c'est

25 approximatif, si vous arrivez à retrouver cet endroit ?

26 R. Non, je ne pense pas que ce soit ici. Vous devriez agrandir un peu

27 cette carte du côté de Drenac, enfin la partie basse de la carte.

28 Q. Est-ce que vous voyez le village de Kamaran ici sur cette carte ?

Page 2001

1 R. Le village de Kamaran, oui, c'est ici, oui. Je le vois. C'est Vukovc,

2 c'est juste là, à côté, dans la vallée de Lapusnik.

3 Q. Merci.

4 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander qu'on fasse un arrêt sur

5 image de ce qui apparaît sur l'écran et d'accorder le prochain numéro à

6 cette pièce.

7 Q. Je n'ai pas d'autres questions pour vous.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera la pièce IC14.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur O'Sullivan ?

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai pas de questions. Nous allons

11 procéder de la sorte : le général Pavkovic, M. Sainovic, le général Lukic,

12 le général Lazarevic et le général Ojdanic.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Ackerman ?

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Avant de

16 commencer, je vais demander que l'on place sur le rétroprojecteur la pièce

17 P1801.

18 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

19 Q. [interprétation] Monsieur Salihu, je vous souhaite bonjour. Je

20 m'appelle John Ackerman. Je suis ici au nom du général Pavkovic. Je n'ai

21 que quelques questions à vous poser et je vais essayer de vous les poser

22 rapidement. Je vais vous demander de répondre brièvement et précisément et

23 nous allons terminer très rapidement avec les questions.

24 R. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez au sujet de

25 ce que j'ai dit dans ma déclaration.

26 Q. Au cours de votre déposition aujourd'hui, si mes souvenirs sont exacts,

27 vous nous avez dit qu'il y avait à peu près 176 personnes qui ont été

28 capturées à cet endroit Fush e Molles ?

Page 2002

1 M. HANNIS : [interprétation] Non, non, je ne pense qu'il ait dit cela.

2 C'était le nombre de personnes dans la mosquée.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

4 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien.

5 Q. Vous arrivez dans la mosquée, la mosquée que vous pouvez voir ici sur

6 l'écran à présent, est-ce que vous la voyez ? Est-ce que vous voyez cette

7 mosquée sur l'écran ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous avez dit que 176 personnes ont passé la nuit dans ce bâtiment ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. Je vais vous poser quelques questions au sujet de cet incident que vous

12 avez décrit. Vous avez dit que les paramilitaires étaient venus avec une

13 bouteille d'eau de vie dans une main, puis dans l'autre main ils avaient

14 une arme. Ils ont cherché quelqu'un et ils voulaient tuer cette personne.

15 Quand vous parlez du "raki", en réalité, vous parlez d'une bouteille

16 d'alcool, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Maintenant, je voudrais parler avec vous de votre déposition dans

19 l'affaire Milosevic. Dans l'affaire Milosevic, vous avez dit aux Juges que

20 vous regrettiez à présent de ne pas être UN membre de l'UCK. Est-ce que

21 vous pensez toujours la même chose ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Pourriez-vous nous dire la référence de la

23 page ?

24 M. ACKERMAN : [interprétation] Page 4 621.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Je voudrais vous expliquer

26 quelque chose.

27 Q. Je pense que vous avez tout simplement répondu à ma question. Si le

28 Procureur veut vous poser d'autres questions, il peut. Vous avez dit que

Page 2003

1 vous pensez toujours la même chose.

2 Vous avez dit aussi dans l'affaire Milosevic que l'UCK n'était pas

3 dangereuse. C'est-ce que vous avez dit à la page 4 613. Vous avez dit : "Je

4 sais que l'UCK défend les gens autant que possible et autant qu'ils en

5 étaient capables." J'imagine que vous considérez que l'UCK est une

6 organisation qui chérissait la paix et qu'ils ne faisaient rien d'autre que

7 défendre les gens. C'est ce que vous pensez ?

8 R. Oui.

9 Q. Ce n'était pas un groupe de rebelles dangereux qui voulaient créer un

10 état indépendant du Kosovo ?

11 R. Soit ils étaient rebelles ou des extrémistes. C'étaient des gens qui

12 aidaient la population, la pauvre population en danger. Ils faisaient ce

13 qu'ils pouvaient pour aider les gens, les vieux, les enfants. Ils voulaient

14 aider la population, la population qui souffrait. Ce n'étaient pas des

15 paramilitaires.

16 Q. N'est-il pas exact que l'UCK était une organisation militaire qui s'est

17 rebellée contre le gouvernement de la Serbie et qui tuait les gens en le

18 faisant, en demandant l'indépendance du Kosovo; n'est pas exact ?

19 R. Non, ceci n'est pas exact. Ils n'ont pas tué des gens. Ils ne sont pas

20 allés en Serbie attaquer les gens qui sont là-bas. Ce sont les Serbes qui

21 sont venus chez nous pour nous attaquer, pour attaquer nos maisons, pour

22 tuer nos gens. Vous ne pouvez pas changer l'histoire, le cours de

23 l'histoire. Nous, nous ne sommes pas allés chez eux; ils sont venus chez

24 nous. Ils nous ont chassés de chez nous, de notre pays. Plus d'un million

25 de personnes a été forcé de quitter le Kosovo.

26 Q. Bien, Monsieur, vous non plus vous ne pouvez pas changer le cours de

27 l'histoire. Le Kosovo n'était pas un pays; c'était une province de la

28 Serbie.

Page 2004

1 M. HANNIS : [interprétation] C'est une question ou c'est un discours ?

2 M. ACKERMAN : [interprétation] Ce n'est pas un discours, c'est une

3 question.

4 Q. Kosovo faisait partie de la Serbie, n'est-ce pas ? Ils ne sont pas

5 venus dans votre pays; ils sont venus dans leur pays. C'était une province

6 qui faisait partie de la Serbie, n'est-ce pas ?

7 R. Non, ce n'est pas exact. Je n'ai jamais eu ma maison en Serbie. J'avais

8 ma maison dans le village de Baks. Je n'étais pas envoyé à Belgrade; ce

9 sont les gens de Belgrade qui sont venus pour me chasser de chez moi. Ceci

10 n'a jamais été une partie de la Serbie et ne le sera jamais.

11 Q. Le nom l'UCK, l'Armée de la libération du Kosovo, c'est ce que cela

12 veut dire, l'UCK, n'est-ce pas ? Ce n'est pas une armée de la défense du

13 Kosovo ?

14 R. Le président du Kosovo, M. Ibrahim Rugova, l'a très bien expliqué.

15 C'est un groupe de gens qui protégeait leurs maisons, leurs foyers. Ils

16 l'ont appelée l'Armée de la libération du Kosovo. Je ne peux pas vous en

17 dire davantage.

18 Q. J'ai encore une question, Monsieur. Je voudrais savoir, si aujourd'hui

19 en déposant ici ou au moment où vous avez fourni votre déposition au bureau

20 du Procureur, si vous teniez autant à la vérité qu'au moment où vous avez

21 décrit ce qui était vraiment l'UCK ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne peut pas répondre à cette

23 question, Monsieur Ackerman. C'est un commentaire. Vous aurez un meilleur

24 moment pour faire ce genre de commentaire.

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Dans ce cas-là, je n'ai pas d'autres

26 questions.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

28 Monsieur Fila ?

Page 2005

1 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai qu'une question à

2 poser. C'était juste pour clarifier un terme. Je pense que ceci serait

3 utile pour tout le monde.

4 Contre-interrogatoire par M. Fila :

5 Q. [interprétation] Monsieur, à la troisième page, à l'avant-dernier

6 paragraphe en B/C/S -- est-ce que vous me comprenez si je parle le serbe ?

7 Vous avez dit que ce groupe de paramilitaires qui vous a encerclés et

8 emprisonnés, qu'ils arboraient des emblèmes de Seselj sur leur manche

9 droite. Qu'est-ce que c'est cet emblème de Seselj ?

10 R. Oui.

11 Q. Mais qu'est-ce que c'est ?

12 R. C'était plus petit que ceci. C'était en métal. On pouvait y lire le

13 "groupe de Seselj ou le groupe militaire de Seselj." C'est comme cela

14 qu'ils s'appelaient entre eux.

15 Q. C'est comme cela qu'ils s'appelaient entre eux ?

16 R. Je l'ai vu de mes propres yeux. J'ai passé 40 jours avec eux.

17 M. VISNJIC : [interprétation] A la page 27, paragraphe 3 du compte rendu

18 d'audience, c'est le témoin qui dit que c'est comme cela qu'ils

19 s'appelaient entre eux. Ce n'était pas une question.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez dire que toute la page 27,

21 enfin les lignes 1 à 4, c'est juste la suite de la réponse.

22 M. VISNJIC : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci va être corrigé.

24 Monsieur Fila ?

25 M. FILA : [interprétation]

26 Q. Pour conclure, vous avez vu ces badges en métal disant qu'il s'agissait

27 là de l'armée de Seselj, n'est-ce pas ?

28 R. Non. Ce n'était pas vraiment écrit sur les badges que c'était l'armée

Page 2006

1 de Seselj. Il y avait un aigle. C'était écrit "les groupe de Seselj." Quand

2 on les appelait pour partir vers une action, ils disaient : "Allez, venez

3 ici le groupe de Seselj." En serbe. C'est comme cela qu'ils les appelaient.

4 C'était un badge en métal avec un aigle, puis le drapeau yougoslave.

5 Q. D'après vous, c'était les gens de Seselj ?

6 R. Oui.

7 Q. Donc, ce sont des gens avec lesquels vous avez passé 40 jours ? Vous

8 avez dit, que vous avez passé 40 jours avec eux.

9 R. Oui. Trente-sept jours même, plus précisément.

10 Q. Bien. Quand vous avez dit qu'ils vous ont volé 600 deutsche marks,

11 qu'ils ont volé aussi vos documents. Vous avez dit que les Serbes les ont

12 tout simplement jetés. Qui sont ces Serbes ? Etait-ce les gens de Seselj ou

13 d'autres Serbes ?

14 R. C'étaient les gens de Seselj, les hommes de Seselj. Il y avait aussi

15 les paramilitaires qui étaient là. Il y avait trois différents groupes là-

16 bas. Quand on nous a capturés à Fush e Molles, j'avais 600 deutsche marks

17 dans ma poche, j'avais du tabac et j'avais aussi une montre.

18 Q. J'ai voulu tout simplement que ceci soit bien clair. Vous avez parlé

19 des "Serbes". Il y a huit millions de Serbes, et je fais partie de ces

20 Serbes-là. Là, vous avez dit que : "Les Serbes ont jetés vos documents."

21 Vous n'avez pas dit que les paramilitaires ont jeté vos documents. Est-ce

22 que vous comprenez ce que je veux dire par là ? Je vous ai demandé une

23 clarification, mais je n'ai pas d'autre question.

24 R. Pour moi, les paramilitaires, c'étaient les Serbes. Vous pouvez parler

25 de paramilitaires, de l'armée normale, mais ils étaient tous Serbes, n'est-

26 ce pas ? Ils étaient tous Serbes ?

27 Q. Mais vous avez des Serbes qui ne font pas partie des paramilitaires ?

28 R. Mais tous ceux qui étaient là --

Page 2007

1 Q. Je vous ai compris, oui. Tous ceux qui étaient là étaient des Serbes.

2 R. Tous ceux qui sont venus au Kosovo étaient Serbes. C'étaient des

3 paramilitaires, les gens qui faisaient partie de l'armée et l'armée de

4 Seselj, et tout cela dans cet endroit que j'appelle Fush e Molles. Ils ont

5 pris 600 deutsche marks, ils ont pris mes cigarettes, ils ont pris ma

6 montre.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Fila.

8 Monsieur Lukic.

9 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Salihu. Je m'appelle Branko Lukic.

11 Avec M. Ivetic et M. Ogrizovic, je représente le général Lukic devant ce

12 Tribunal.

13 Je vais vous poser quelques questions concernant votre déposition

14 préalable et aussi concernant votre déposition dans l'affaire Milosevic.

15 Mais je voudrais commencer par ce que vous nous avez dit aujourd'hui.

16 A la page 9, ligne 8, vous avez parlé de la région de Cicavica. Votre

17 village et les villages que vous annotez aujourd'hui, est-ce que tous ces

18 villages faisaient partie de la même région ?

19 R. Les villages que j'ai mentionnés qui sont autour de Fush e Molles, ils

20 sont au nombre de quatre. La municipalité de Skenderaj, puis il y en a

21 quatre au niveau du village de Drajnoc [phon]. Mais ils étaient autour de

22 Cicavica, effectivement.

23 Q. Merci. A la page 9, ligne 23, vous avez parlé de neuf membres de l'UCK.

24 Est-ce que ces gens ont vécu dans votre village, enfin pendant qu'ils

25 étaient membres de l'UCK ? Est-ce qu'ils dormaient dans ce village ?

26 R. Oui, ils habitaient avec la population. Ils faisaient partie de la

27 population. Evidemment, ils dormaient là-bas, oui. Mais ils ne pouvaient

28 pas rester là-bas pendant l'offensive sur Cicavica. Personne n'était là

Page 2008

1 pendant les combats. Ils ont vécu dans ces villages pendant les 30 années

2 qui ont précédé le conflit. Ils ont tous été expulsés.

3 Q. Bien. Nous allons revenir sur les combats plus tard.

4 A la page 12, ligne 23, vous avez parlé de cette usine du fer et

5 nickel. Est-ce que tous les ouvriers de l'usine ont été licenciés ?

6 R. Oui, oui, tous.

7 Q. Quelle que soit leur appartenance ethnique, ils ont été licenciés

8 puisque l'usine ne fonctionnait plus tout simplement ?

9 R. L'usine a été fermée à cause des mesures qui ont été imposées par la

10 Serbie. C'est pour cela. Je le sais, je le sais très bien ce qui s'est

11 passé au Kosovo avant la guerre. Il y avait toutes ces mesures de force

12 imposées par la Serbie.

13 Q. Merci. A quoi ressemble un uniforme de police ordinaire, normale ?

14 R. Je peux le décrire facilement. Les Albanais faisaient partie de la

15 police à l'époque. Mais à partir du moment où les Albanais étaient expulsés

16 de la police, les uniformes ont changé. C'étaient des uniformes bleus, et

17 par la suite, c'étaient des uniformes de camouflage mais avec une

18 prédominance bleue. Je ne sais pas qui a décidé de l'expulsion de la

19 police, peut-être que vous, vous le savez. Peut-être que vous sauriez me

20 l'expliquer.

21 Q. Malheureusement, ce n'est pas à moi de vous expliquer quoi que ce soit,

22 mais vous êtes là pour me fournir des explications. Est-il exact que les

23 policiers albanais ont quitté la police et que la Serbie a essayé de garder

24 les Albanais au sein de cette force mais ils ont refusé de le faire ? Nous

25 avons entendu des dépositions à cet effet devant cette même Chambre de

26 première instance.

27 M. HANNIS : [interprétation] Ce sont des questions bien complexes, et nous

28 ne voyons pas de quelle période il s'agit exactement. Il lui demande aussi

Page 2009

1 de nous dire qu'il est d'accord que nous, nous avons entendu une déposition

2 à ce sujet.

3 M. LUKIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.

5 M. LUKIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous que les policiers albanais au Kosovo ont

7 quitté la police après 1989 ?

8 R. D'après ce que j'ai entendu dire, je l'ai vu à la télé d'ailleurs. Ils

9 ont été expulsés par la force. Ils n'ont pas quitté la police de leur

10 propre gré. Dans ma déclaration, je parlais d'un policier. C'était un

11 civil, U-d-b-a, et il a essayé d'aider les Albanais. Il m'a aidé. Il s'agit

12 de Momir Piljevic. Je pense qu'aujourd'hui il habite --

13 Q. Je ne vous ai pas posé cette question-là. Vous avez vu cela sur quelle

14 chaîne de télévision ? Où est-ce que vous avez vu que l'on expulsait les

15 Albanais de la police ? Donnez-nous une date, s'il vous plaît, ou au moins

16 une période ?

17 R. Le monde entier en parlait. Je ne saurais vous donner les dates

18 exactes, les détails, mais c'était cité sur la BBC, sur la Voix de

19 l'Amérique. Beaucoup de stations ont parlé de cela.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, c'est à vous de voir

21 si vous voulez continuer dans ce sens parce que j'ai l'impression que nous

22 divergeons par rapport à ce qui est vraiment l'essence de vos questions.

23 C'est à vous de décider. Vous avez tout à fait le droit de continuer, mais

24 je me demande si cela va nous aider vraiment par rapport à la question que

25 vous posez en ce moment au témoin.

26 Toujours est-il que vous pouvez réfléchir à ce sujet. Nous allons prendre

27 une pause. Nous allons reprendre nos travaux dans 20 minutes.

28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

Page 2010

1 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic ?

3 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Q. Monsieur Salihu, je vous demanderais de répondre de façon concise à mes

5 questions dans la mesure du possible. Si nous devons vous demander une

6 précision, la Chambre peut vous demander cette précision ou le Procureur

7 peut le faire, et je fais ceci afin de ne pas trop perdre de temps et

8 d'étudier votre déclaration le plus vite possible.

9 A la page 21, ligne 5, vous dites que vous avez creusé des tranchées. Avez-

10 vous été en mesure d'effectuer ce travail de la même façon que les autres

11 personnes qui se trouvaient à côté de vous et qui creusaient des tranchées

12 également ?

13 R. Oui, oui, tout le monde creusait des tranchées. Nous étions 16 en tout

14 au même endroit. Nous étions un groupe de 16, et on nous a demandé de faire

15 la même chose. Nous avons tous travaillé de la même façon.

16 Q. Par conséquent, vous quatre côtes cassées ne vous ont pas trop

17 importunées. Vous aviez également une jambe cassée et toutefois vous avez

18 creusé des tranchées tout comme les autres, alors que vous nous avez dit

19 que vous aviez l'objet de ces blessures juste avant.

20 R. Cela est vrai. Je peux tout à fait vous montrer mes côtes ainsi que les

21 blessures sur ma jambe, mais je dois vous dire que nous avons travaillé

22 dans la mesure de nos moyens. L'armée s'est très, très bien comportée à

23 notre égard à cet endroit-là.

24 Q. Merci. Est-ce que vous savez s'il y a des personnes de votre village

25 qui ont été tuées en tant que membres de l'UCK ?

26 R. Non. Ils étaient là pour porter assistance à la population, pas pour la

27 tuer. Non, non, non, personne n'a tué personne.

28 Q. Non. Je vous ai demandé si vous saviez si quelqu'un de votre village a

Page 2011

1 été tué en tant que membre de l'UCK, alors qu'il combattait pour l'UCK ?

2 R. Oui, par l'armée serbe, deux personnes.

3 Q. Merci. Vous savez probablement que pendant l'automne 1998, la Mission

4 de vérification du Kosovo est arrivée et qu'elle était dirigée par M.

5 William Walker; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. A la page 3 de la version anglaise, paragraphe premier de la page 3, il

8 s'agit du paragraphe premier, page 3 de la version albanaise, --

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : il s'agit de la page 3, pour la

10 version albanaise et de la page 3, paragraphe 11 de la version B/C/S.

11 M. LUKIC : [interprétation]

12 Q. Vous dites dans ce paragraphe que pendant l'hiver 1998, 1999 : "Nous

13 vivions dans la peur constante parce qu'il y avait des pilonnages quasiment

14 tous les jours."

15 Est-ce que vous pensez que nous pouvons corroborer cela si nous

16 étudions le rapport établi par la Mission de vérification du Kosovo ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment pensez-vous que ce témoin va

18 répondre à cette question ?

19 M. LUKIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le

20 Président. Je vous remercie.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 M. LUKIC : [interprétation]

23 Q. Dans la région où vous habitiez, avez-vous vu des membres de la Mission

24 de vérification du Kosovo ?

25 R. Oui, oui, il y en avait. D'ailleurs, ils étaient tout à fait bienvenus

26 parce que lorsque nous les avons vus, nous pensions que nous allions être

27 libérés. C'est ce que nous pensions.

28 Q. Est-ce que vous savez que les forces serbes n'ont pas pu mener à bien

Page 2012

1 d'activités à moins qu'elles ne notifient au préalable la Mission de

2 vérification au Kosovo ?

3 R. Je n'ai pas demandé à ces personnes qui faisaient partie de la Mission

4 de vérification du Kosovo ce qu'elles faisaient. Toutefois, les forces

5 serbes étaient tout à fait indifférentes à la présence ou non de la Mission

6 de vérification du Kosovo, parce que dans certains villages, qui se

7 trouvaient assez éloignés de l'endroit où se trouvait la mission, ils

8 faisaient ce qu'ils voulaient.

9 Q. Par conséquent, vous pensez qu'il y a eu des mesures prises par les

10 forces serbes sans pour autant que la Mission de vérification au Kosovo en

11 soit informée ? C'est ce que vous nous dites, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. C'est ce que je dis.

13 Q. Merci. Est-ce que vous savez que dans la zone de Cicavica, il y avait

14 la 114e Brigade de l'UCK qui était active ?

15 R. Oui. Je le sais. Je le savais. Cela ne s'appelait pas une brigade. Je

16 ne pense pas. Je pense que vous avez tort d'appeler cela une brigade. Je

17 pense que cela s'appelait le Groupe 14, parce qu'il y avait quatre ou cinq

18 villages qui s'étaient en quelque sorte mis ensemble et ils essayaient de

19 protéger une partie de la population dans ces villages.

20 Q. Samir Lushtaku, Beqim Jashari [phon], et un autre Nerudin Lushtaku,

21 est-ce que ce sont des noms qui évoquent quelque chose pour vous ?

22 R. Je connais Sami Lushtaku. C'est un ami. Nuredin Lushtaku, c'est une

23 connaissance, c'est tout. Sami Beqiri [phon], je ne suis pas très sûr du

24 nom, mais je ne pense pas que je connaisse cette personne qui répond au nom

25 de Sami Beqiri. Et d'ailleurs, ce n'est pas Samir, c'est Sami Lushtaku.

26 Q. Oui, tout à fait, Sami Lushtaku ?

27 R. Oui, je le connais.

28 Q. Savez-vous qu'il commandait la 114e Brigade ?

Page 2013

1 R. Non, non, il ne le faisait pas. Ce n'était pas un commandant. Je ne

2 pense pas que vous déteniez des informations exactes.

3 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer la pièce D67

4 au témoin, je vous prie ? Et la page 27. J'aimerais dans un premier temps

5 voir la première page du document.

6 L'INTERPRÈTE : -- les interprètes font remarquer qu'il s'agit du document

7 6D67 --

8 M. LUKIC : [interprétation] Nous avons les documents en version anglaise et

9 en version albanaise mais malheureusement nous n'avons pas pu repérer le

10 texte albanais puisqu'il s'agit de coupures de presse, ce qui fait que la

11 numérotation des pages n'est pas la même dans les deux textes.

12 Q. Enfin à la page première, il est indiqué qu'il s'agit d'une interview

13 qui a eu lieu avec Sulejman Salimi [phon] "commandant et commandant adjoint

14 de la Force de protection." Il s'agit d'une interview avec l'un des

15 dirigeants de l'UCK. A la page 27 de ce document, au dernier paragraphe de

16 la page 27, et je vais vous en donner lecture en anglais pour que vous

17 puissiez entendre l'interprétation. "Les unités de toutes les brigades

18 avoisinantes ont participé à l'attaque qui fut menée à bien contre les

19 forces serbes et qui a été lancée à partir de Skenderaj. Une unité de la

20 114e Brigade dirigée par Sami Lushtaku, Beqim Jashari, et Nuredin Lushtaku

21 a participé à l'attaque à Prekaz et dans les environs de Skenderaj."

22 Monsieur Salihu, qu'avez-vous à dire ?

23 R. Oui, je ne comprends pas cela, très bien. Est-ce qu'ils ont combattu à

24 Prekaz ou bien, où est-ce qu'ils l'ont fait ?

25 Q. Là, il est question des combats à Prekaz, mais puisqu'il s'agit d'une

26 déclaration qui émane d'un haut représentant de l'UCK, il est évident que

27 Sami Lushtaku ainsi que Beqir Jashari, et Nuredin Lushtaku commandaient la

28 114e Brigade.

Page 2014

1 M. HANNIS : [interprétation] Ce n'est pas exact. Il est question "d'une

2 unité de la 114e Brigade."

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur Hannis, il

4 est question d'une unité de la 114e Brigade.

5 M. LUKIC : [interprétation]

6 Q. Oui, oui, une unité qui faisait partie de la 114e Brigade.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais lorsque l'on prend un

8 mauvais départ, il est difficile d'ajuster le tir après.

9 M. LUKIC : [interprétation] J'ai pris un mauvais départ parce que pour le

10 moment je n'ai qu'une jambe.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez donné lecture de cet extrait. Vous

12 pouvez poser la question à la personne idoine. Je ne suis pas la personne

13 idoine pour répondre à cette question. Je ne sais pas que répondre à cette

14 question. Je vous ai indiqué ce que j'ai vu et ce que j'ai entendu.

15 M. LUKIC : [interprétation]

16 Q. Très bien, j'accepte votre réponse.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que cela pourrait quand même

18 être un peu précisé dans une certaine mesure.

19 Car, Monsieur Salihu, vous avez dit que vous connaissiez Sami

20 Lushtaku ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je le connais.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous saviez qu'il était

23 membre de l'UCK ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous savez s'il dirigeait

26 une section d'unité de la 114e Brigade ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'il dirigeait. Je ne sais

28 pas quelle section il dirigeait. Comme je l'ai dit, il s'agissait de

Page 2015

1 personnes qui s'étaient regroupées pour protéger la population mais je ne

2 sais pas qui les dirigeait. Je ne faisais pas partie de ce groupe, donc je

3 ne peux pas véritablement vous le dire.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 Maître Lukic, poursuivez.

6 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Q. A la page suivante, à la page 28 et au premier paragraphe de cette page

8 28, puisque vous aviez parlé de l'usine de ferronickel --

9 R. Oui.

10 Q. A la deuxième phrase, voilà ce qui est indiqué dans le texte, je vais

11 vous en donner lecture, je vais vous lire le texte anglais pour minimiser

12 le nombre de langues utilisées. "Le pilonnage des villages autour de

13 Cicavica a commencé à partir de l'usine de ferronickel. Nos soldats ont

14 opposé une résistance continue mais les énormes forces serbes ont réussi à

15 avancer à partir d'Oshlan jusqu'à Qires, le troisième jour. Ils ont réussi

16 à avancer sur Qires seulement le quatrième jour de l'attaque."

17 Monsieur Salihu, est-ce que nous pouvons voir d'après ce qui est dit que

18 l'UCK n'était pas exactement une organisation qui se livrait à des

19 activités humanitaires mais une organisation qui participait activement aux

20 combats menés contre les forces serbes ?

21 R. Non. Ce n'est pas vrai. Ils n'avaient pas d'armes ou d'armement pour se

22 battre. Ils ont été avec la population jusqu'au dernier jour. Ils n'avaient

23 qu'une Kalachnikov ou des armes légères. Ils n'avaient pas de chars ou

24 d'armes lourdes. Ils défendaient tout simplement leurs domiciles et ce,

25 jusqu'à la fin. Ils n'avaient pas les armes pour se battre. Il y avait

26 cette usine de poudre de fusil à Skenderaj.

27 Q. Monsieur Salihu, nous allons essayer de prouver que l'UCK disposait

28 d'armements lourds mais je ne vais pas vous poser ce genre de questions. Ce

Page 2016

1 que j'aimerais vous demander c'est ce qui suit : il est donc manifeste que

2 les forces serbes n'ont pas pu avancer pendant trois ou quatre jours parce

3 que l'UCK résistait à ces forces ou est-ce que vous pensez que cette

4 personne ne dit pas tout simplement la vérité ?

5 M. HANNIS : [interprétation] Je ne pense pas que ce témoin soit en mesure

6 de répondre à cette question.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur

8 Hannis.

9 Maître Lukic, le témoin vous a indiqué de façon très claire que d'après ce

10 qu'il sait, il ne peut pas répondre aux questions précises que vous posez,

11 Maître Lukic. Je dois dire que je suis vivement encouragé par mes collègues

12 à vous indiquer ce qui suit. En général, nous n'avons pas l'habitude de

13 nous fonder sur des articles de presse. Alors je sais qu'il y a moult

14 références qui sont faites ici à des articles de presse, dans d'autres

15 procès également dans ce Tribunal. Il se peut qu'il soit approprié, dans le

16 cas où une personne a accordé un entretien, il se peut qu'il soit approprié

17 donc de contester ce que la personne dit à partir de l'entretien qu'il a

18 accordé. Cela peut être une utilisation judicieuse d'un article de presse.

19 Mais utiliser des entretiens publiés par la presse, accordés par d'autres

20 personnes dans le cadre du contre-interrogatoire d'un témoin, je ne pense

21 pas que cela va nous donner beaucoup de résultats. Je sais qu'au vu des

22 circonstances, au vu des règles cela peut parfois être autorisé, mais je

23 pense qu'il serait peut-être plus utile de vérifier l'exactitude de

24 l'article de presse.

25 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. De

26 toute façon, je n'ai plus qu'une question à poser et je pense que vous

27 m'autoriserez à poser cette question.

28 Q. Lorsque les forces serbes progressaient en direction de votre village,

Page 2017

1 est-ce que vous avez pu observer à partir de l'usine de ferronickel,

2 qu'elles étaient en quelque sorte retardées par les forces de l'UCK et

3 qu'elles n'ont pas pu progresser pendant trois ou quatre jours ?

4 R. C'est une question qui prête vraiment à confusion. Comment est-ce que

5 vous pouvez pilonner lorsque vous vous trouvez à 15 kilomètres de distance

6 et ensuite l'UCK aurait pu les attaquer lorsqu'ils nous bombardaient ?

7 Lorsqu'ils nous ont bombardés, nous sommes partis tout simplement. Nous ne

8 pouvions pas lutter contre l'armée. Il a tout simplement fallu que nous

9 nous enfuyions pour sauver nos vies. Avant que l'infanterie n'entre dans le

10 village, le village a d'abord été bombardé pendant quatre, cinq heures, et

11 ensuite l'infanterie est arrivée. Nous avons dû partir et nous n'avons rien

12 pu voir.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, cette partie de

14 l'article auquel vous avez fait référence, commence par "le pilonnage des

15 villages autour de Cicavica a été lancé à partir de l'usine de

16 ferronickel." Ce qui suggère que les forces se trouvaient dans l'usine de

17 ferronickel, alors qu'il me semble que vous avez formulé la question sous

18 un autre angle. Ce qui peut peut-être expliquer pourquoi le témoin est

19 quand même un tant soit peu intrigué par la question.

20 M. LUKIC : [interprétation] J'ai l'article en question où il est dit qu'il

21 y avait des forces qui étaient cantonnées dans ce secteur.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les forces serbes, n'est-ce pas ?

23 M. LUKIC : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est bien l'expression que

25 j'avais.

26 M. LUKIC : [interprétation] Je vais passer à autre chose.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui explique évidemment pourquoi

28 l'OTAN bombardait ce secteur.

Page 2018

1 M. LUKIC : [interprétation] Oui, de toute évidence.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ainsi que les choses se sont

3 passées.

4 M. LUKIC : [interprétation] Dans cet article, il est question de la

5 coopération entre l'OTAN et l'UCK, mais ceci étant, je vais respecter vos

6 consignes et je vais laisser cela de côté pour le moment.

7 Q. A la page 4, paragraphe 2 de la version anglaise, et à la page 5,

8 paragraphe premier de la version albanaise, à la page 4, paragraphe 3 de la

9 version en B/C/S, vous parlez des avions de l'OTAN qui survolait le secteur

10 où vous vous trouviez.

11 A quelle altitude volaient les avions de l'OTAN ?

12 R. Oui, c'est ce que j'ai dit dans ma déclaration. Lorsqu'on nous a

13 emmenés à cet endroit qui s'appelle Fush e Molles, ils nous ont emmenés

14 dans une prairie. Les Serbes nous ont roués de coups, et après cela, ils

15 nous ont alignés sur deux rangées, puis ils nous ont demandé de nous

16 allonger par terre.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question n'avait rien à voir avec

18 les détails de cet événement. Il s'agissait de savoir si vous connaissiez

19 ou si vous pouvez nous dire l'altitude de vol des avions de l'OTAN.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, j'ai commencé à expliquer ce qui

21 s'était passé au moment où les avions de l'OTAN --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la peine, Dites-nous tout

23 simplement l'altitude de vol des avions de l'OTAN. Nous avons le détail des

24 événements dans le document que nous avons, mais nous ne savons pas à

25 quelle altitude volaient ces avions. C'est ce que nous aimerions savoir.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, ils volaient assez haut. Parce qu'en

27 fait, on les voyait tout petits, les avions. Donc, ils étaient assez hauts

28 dans le ciel.

Page 2019

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

2 Maître Lukic ?

3 M. LUKIC : [interprétation]

4 Q. Comment se fait-il qu'ils survolaient en faisant des cercles à cette

5 altitude ? Parce que pour faire un cercle à cette altitude, il faut que

6 l'avion aille jusqu'en Roumanie et revienne pour faire son cercle.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que vous devriez poser cette

8 question à des gens qui peuvent répondre à ce genre de question, Maître

9 Lukic. Ce n'est pas une question à poser à ce témoin.

10 M. LUKIC : [interprétation]

11 Q. Oui, mais Monsieur, saviez-vous, nous pensons et nous avançons que les

12 avions de l'OTAN ne pouvaient par survoler ce secteur, justement parce

13 qu'ils se trouvaient à une altitude de 10 000 mètres.

14 M. HANNIS : [interprétation] Il n'y a aucune preuve présentée pour cette

15 altitude de plus de 10 000 mètres.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il se peut qu'ils aient volé à 10 000 mètres,

17 mais leurs cibles se trouvaient à notre niveau, là où nous, nous nous

18 trouvions.

19 M. LUKIC : [interprétation]

20 Q. Voilà ce que je vous dis : il n'était pas possible que les avions de

21 l'OTAN volent en faisant des cercles.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez passer à autre chose,

23 Maître Lukic. Ce n'est pas une question que vous pouvez poser à ce témoin.

24 Vous avez sa déposition. Dans sa déposition, il avance ce qu'il dit avoir

25 vu. Le fait que vous pensiez peut-être que cela n'est pas exact ou vous

26 pensez que cela est absolument saugrenu ou ridicule, c'est quelque chose

27 qu'il faudra aborder plus tard.

28 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

Page 2020

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 2021

1 Q. Monsieur Salihu, vous avez dit que vous n'étiez pas membre de l'UCK;

2 est-ce exact ?

3 R. Je n'en étais pas membre.

4 Q. Connaissiez-vous tous les membres de l'UCK dans le secteur de

5 Cicavica ?

6 R. Non, je ne les connaissais pas tous. Quelques-uns d'entre eux, parce

7 qu'il n'y en avait pas beaucoup dans notre secteur. Juste quelques-uns.

8 Q. Lorsque pour ces hommes qui se sont trouvés dans la mosquée, ces 176,

9 vous dites qu'ils étaient tous des civils, en fait, vous ne pouvez pas

10 exclure --

11 M. HANNIS : [chevauchement] …

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient tous des civils.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, je n'ai pas entendu

14 votre commentaire.

15 M. HANNIS : [interprétation] Ils étaient, me semble-t-il, 176, d'après sa

16 déposition.

17 M. LUKIC : [interprétation] Oui, j'ai dit 176.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On a consigné le chiffre de 186. Est-

19 ce que vous pouvez reposer la question, Monsieur Lukic ?

20 M. LUKIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Salihu, puisque vous ne savez pas qui étaient les membres de

22 l'UCK, vous ne pouvez pas affirmer non plus que ces 176 hommes n'étaient

23 pas membres de l'UCK.

24 R. Non, c'est exact. Car les membres de l'UCK, ils ne se seraient pas

25 trouvés là-bas en vie. Car quelqu'un qui avait une arme, il se faisait

26 plutôt tuer que de se laisser prendre. Donc, ce que je suis en train de

27 dire, c'est qu'on était des civils, femmes, enfants, personnes âgées. C'est

28 nous qui étions rassemblés. Ils ne pouvaient pas capturer, attraper les

Page 2022

1 membres de l'UCK. Nous étions tous des civils. Nous n'étions pas membres de

2 l'UCK, nous n'étions pas armés. C'est pourquoi j'ai dit à Milosevic que je

3 regrettais de ne pas avoir été membre de l'UCK, car je n'aurais pas eu des

4 côtes cassées ou une jambe blessée ou je n'aurais pas été roué de coups

5 comme je l'ai été. Nous, qui nous nous sommes trouvés dans la mosquée,

6 c'était juste le commun des mortels, des gens simples.

7 Q. Vous avez également dit dans l'affaire Milosevic qu'il n'y a pas eu de

8 combattants de l'UCK à Cicavica. Vous l'avez dit

9 page 4 611.

10 R. Oui, je l'ai dit à l'époque et je le redis. La population de Cicavica

11 était expulsée de Gllogoc à Skenderaj. Il y a une vingtaine de villages

12 d'où la population a été chassée. Cela a pris deux jours, 170 personnes ont

13 été tuées à Cicavica. C'était tous des civils. Un bébé d'un mois a été tué.

14 Q. S'il vous plaît, Monsieur Salihu, pourriez-vous faire un effort pour

15 répondre à mes questions ?

16 Dans le secteur de Cicavica, avant les événements que vous êtes en train

17 d'évoquer, est-ce qu'il y avait des membres de l'UCK ?

18 R. Dans le secteur de Cicavica, pendant l'offensive du mois de septembre

19 1998, il n'y avait pas de membres de l'UCK, pas d'armée. Il n'y a eu que

20 l'expulsion de la population de toute cette zone, Gllogoc, Skenderaj, les

21 gens sont partis à cause des pilonnages. Nous avons été bloqués à l'endroit

22 que je vous ai décrit.

23 Q. Je vous remercie. Il suffira que vous nous disiez où vous étiez et le

24 fait que les membres de l'UCK n'étaient pas là, puis nous pouvons aller de

25 l'avant.

26 Dans l'affaire Milosevic, page 4 615, vous avez dit que l'UCK s'est

27 toujours trouvée à l'extérieur du village. Comment se fait-il que quelque

28 chose qui n'est absolument pas quelque part, qui ne s'y trouve pas, se

Page 2023

1 situe à l'extérieur du village ?

2 R. Ils étaient à l'extérieur du village, car s'il y avait eu là ces hommes

3 en arme, alors toute la population aurait été tuée. Il n'y avait pas de

4 combats; il n'y avait que des pilonnages. Et là, je parle de l'offensive du

5 mois de septembre 1998.

6 Q. Revenons à cette partie de votre déclaration où vous avez dit que dans

7 le secteur de Cicavica il n'y avait pas de membres de l'UCK. Est-ce que

8 vous maintenez ce que vous avez dit là, Monsieur Salihu ?

9 R. Est-ce que vous savez ce que sait que Cicavica, tout d'abord ?

10 Cicavica, c'est une montagne, 14 kilomètres de long, 10 kilomètres de

11 large. Les expulsions qui ont eu lieu pendant l'offensive --

12 Q. Je vous remercie, Monsieur Salihu. A Cicavica, pour laquelle vous nous

13 dites que ses dimensions sont de 14 sur

14 10 kilomètres, y a-t-il eu des combattants de l'UCK ?

15 R. Non. Il n'y avait pas de soldats là-bas. Ils étaient dans les villages

16 mais pas dans la montagne de Cicavica. Il y a eu des gens qui ont été

17 expulsés et qui se sont trouvés dans la montagne de Cicavica.

18 Q. Les membres de l'UCK et leurs unités étaient répartis dans les

19 villages. Donc, ils étaient dans les villages, c'est là qu'ils étaient

20 stationnés et non pas sur les flancs de la montagne de Cicavica.

21 R. Non. Ce que je vous ai dit aujourd'hui - et je vais reprendre - à

22 Prlovc, il y avait un endroit où il y avait la 114e, Baks, Qires. Tous les

23 villages autour de Cicavica avaient un endroit, mais ce n'était pas à

24 Cicavica, c'était à Prelloc. A Cicavica, c'était l'endroit où se sont

25 trouvés les gens qui avaient été expulsés de Skenderaj et d'autres

26 endroits. Donc, cette armée ne pouvait pas se mélanger à la population, car

27 si les Serbes avaient vu ou si les Serbes voyaient une personne armée, il

28 se pouvait qu'ils tuent 100, 200, 300 personnes sur les lieux.

Page 2024

1 Q. C'étaient des points de combats ?

2 R. Des points, il y avait là des relèves de garde, parce que parfois les

3 Serbes arrivaient de nuit. En fait, non, on ne les appelle pas des unités;

4 on les appelle des points.

5 Q. Quand ils montaient la garde, les membres de ces points, de ces Pika

6 [phon], étaient dans les villages ?

7 R. Ils rentraient chez eux, puis quand ils étaient astreints pour monter

8 la garde, ils y allaient. Comme j'ai dit, tous les villages de cette zone,

9 ils étaient éloignés à trois ou quatre kilomètres l'un de l'autre, et ils

10 avaient cette organisation. Ils ont pris ces dispositions. Ils ne pouvaient

11 pas se battre; ils n'avaient que des armes légères, des Kalachnikovs. Ils

12 ne pouvaient pas s'opposer au pilonnage.

13 Q. Je vous remercie. Page 4 616 du compte rendu dans l'affaire Milosevic.

14 Vous lui avez dit, d'après ce qui est noté sur cette page, que d'après ce

15 que vous savez, il n'y a pas eu un seul soldat de l'UCK de tué. Or

16 aujourd'hui, on vous a entendu évoquer au moins deux cas de morts, de

17 soldats de l'UCK.

18 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que cela concerne toute la période ou

19 l'offensive de septembre ? Ce n'est pas tout à fait clair pour moi.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez préciser,

21 Maître Lukic ?

22 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 Q. Monsieur Salihu, dites-nous, s'il vous plaît, maintenant, ces deux

24 hommes pour lesquels vous avez dit aujourd'hui qu'ils ont perdu la vie en

25 tant que combattants de l'UCK, est-ce qu'ils sont tombés en tant que

26 membres de l'UCK, et si oui, à quel moment ?

27 R. Les deux que j'ai mentionnés - Milosevic ne m'a pas demandé qui a été

28 tué et à quel moment. Il m'a demandé combien il y avait de soldats dans mon

Page 2025

1 village. C'est le 30 avril, à Fush e Molles que ces deux ont été tués, et

2 ils n'étaient pas en train de combattre.

3 Q. Merci. Page 4 618 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic,

4 vous avez dit que les soldats, que les combattants de l'UCK n'ont pas

5 combattu. Est-ce que c'est ce que vous maintenez aujourd'hui ?

6 R. Oui, je maintiens. Il n'est pas vrai que j'ai dit qu'ils n'avaient pas

7 combattu. Ils se sont battus, mais ils défendaient leurs propres foyers.

8 Vous n'avez pas à me poser cette question.

9 Q. Là, je dois vous la poser, car je vois que vous avez changé d'opinion.

10 Ce n'est plus la même chose que ce que vous avez dit dans l'affaire

11 Milosevic. Où est la vérité alors ? D'après vous, les membres de l'UCK ont-

12 ils combattu contre les forces serbes ou non ?

13 R. Ma position --

14 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir la ligne de la page en

15 question à laquelle se réfère mon confrère ?

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est où ?

17 M. LUKIC : [interprétation] Ligne 6, page 4 618, jusqu'à ligne 8. Le Juge

18 May a demandé, "si pendant cette période l'UCK, d'après ce que vous avez pu

19 voir, a tiré des coups de feu ? Est-ce que vous avez vu des coups de feu de

20 la part de l'UCK ?"

21 Le témoin : "Non, ils n'ont pas ouvert le feu."

22 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait, c'est ce que j'allais dire. Ce

23 n'est pas la même chose.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, effectivement, c'est tout à fait

25 différent.

26 M. LUKIC : [interprétation] Mais c'est la zone où il vivait, où il se

27 trouvait. Il était présent. Il a nécessairement vu le feu ouvert contre les

28 forces serbes.

Page 2026

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est une question plus

2 spécifique, précise, dans un contexte précis. Je ne pense pas que vous

3 pouvez tirer des conclusions à partir de là. Disons que les combattants de

4 l'UCK n'ont pas combattu. Cependant, vous avez d'autres éléments

5 aujourd'hui, qui vous permettraient davantage de questions là-dessus. Je ne

6 pense pas que ceci vous soit utile de citer le compte rendu d'audience,

7 mais ceci ne vous empêche pas de poser la question que vous voulez poser.

8 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

9 Q. Monsieur Salihu, avez-vous vu personnellement des soldats, des

10 combattants de l'UCK ouvrir le feu, riposter vers les positions serbes et

11 les forces serbes ?

12 R. Je les ai vus. Comme je l'ai déjà dit, je connaissais Sami Lushtaku.

13 Vous m'avez posé des questions à son sujet.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous nous engageons dans une direction

15 différente de ce que vous auriez peut-être souhaité. Nous souhaitons

16 savoir, Monsieur le Témoin, si vous avez vu, vous, des membres de l'UCK

17 ouvrir le feu ou riposter vers les positions serbes ? C'est une question

18 simple. Ne nous parlez pas d'autre chose, juste ce que vous vous en savez.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non je n'en ai pas vu parce que nous n'étions

20 pas armés, la population n'était pas armée. Nous n'étions pas ensemble avec

21 l'UCK.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voyez comment on peut répondre

23 très simplement aux questions.

24 Maître Lukic.

25 M. LUKIC : [interprétation]

26 Q. Monsieur Salihu, est-ce que vous avez entendu quelqu'un dire qu'il y a

27 eu des combats entre l'UCK et les forces serbes ?

28 R. Tout ce que vous dites est contraire à la vérité.

Page 2027

1 Q. Je vous demande simplement si quelqu'un d'autre vous en a parlé ?

2 R. Je n'ai pas eu le temps.

3 Q. Donc personne ne vous a dit qu'il y aurait eu des combats entre l'UCK

4 et les forces serbes ?

5 R. Mais les forces serbes nous pilonnaient. Bien sûr, il y avait des

6 combats. Cela aurait été impossible qu'il n'y ait pas de combat, mais nous,

7 nous étions la population civile, nous n'étions pas en mesure de nous

8 battre contre l'armée serbe.

9 Q. Je ne vous demande pas si les civils se battaient contre les forces

10 serbes. Avez-vous entendu dire que les forces de l'UCK aient combattu les

11 forces serbes, l'avez-vous entendu dire, oui ou non ?

12 R. J'en ai entendu parler.

13 Q. Est-il exact que vous en avez entendu parler à partir du moment où vous

14 êtes parti à Glogovac quand on vous a détenu dans le cinéma, que des gens

15 qui sont arrivés du terrain vous ont dit que des combats étaient en cours;

16 est-ce exact ?

17 R. J'en ai entendu parler avant qu'on ne parte pour Gllogoc, mais on nous

18 a fait prisonniers. Comment aurais-je entendu quelque chose, je ne pouvais

19 pas m'adresser aux Serbes pour leur poser la question puisqu'ils nous

20 rouaient de coups tout le temps.

21 Q. Pendant que vous étiez à Glogovac, on vous a transféré au cinéma; est-

22 ce exact ?

23 R. C'était un bâtiment de la municipalité à côté du cinéma; il y avait le

24 poste de police, le poste principal qui était juste de l'autre côté de la

25 rue.

26 Q. Etiez-vous à l'intérieur du bâtiment ?

27 R. Oui, dans le couloir du cinéma, toute la journée. La nuit, ils nous

28 faisaient descendre dans la cave.

Page 2028

1 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : on nous a dit de nous allonger

2 par terre et le sol était en béton.

3 M. LUKIC : [interprétation]

4 Q. Donc, vous étiez allongé par terre pendant que vous étiez dans ce

5 bâtiment; c'est exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Le policier qui vous gardait, quel uniforme portait-il ? Des insignes ?

8 Est-ce que vous pourriez nous en parler ?

9 R. C'étaient des uniformes de camouflage habituel, de camouflage.

10 Q. Avait-il un grade ?

11 R. Oui, il avait un grade. J'ai fait mon service militaire mais nous

12 n'avions pas les mêmes grades à ce moment-là. Les grades ont changé. Je ne

13 sais pas quel grade il avait, mais il avait des insignes sur lui, oui.

14 Q. Etait-ce à l'épaule ou à la poitrine ?

15 R. C'était sur sa poche à la poitrine.

16 Q. Est-ce qu'il avait un couvre-chef ?

17 R. Oui, il en avait un.

18 Q. Avait-il un badge de police et comment était-il ?

19 R. La police du poste de Gllogoc, de la municipalité. Tout le monde les

20 connaissait là-bas mais je n'ai pas vu la couleur de leurs yeux. Je ne

21 pouvais pas aller prendre des photos de ces gens.

22 Q. Est-ce que vous connaissez ce policier ?

23 R. Momir Piljevic, c'est l'homme que je connaissais. C'est lui qui nous a

24 interrogé.

25 Q. Il vous a interrogé mais qui vous a gardé ? Au sujet de l'incident

26 lorsqu'on a emmené cet homme.

27 R. Il y a des gens qui le connaissent, qui savent qui c'est. Il y en avait

28 beaucoup qui le connaissait.

Page 2029

1 Q. Vous étiez allongé par terre, il y avait un homme qui est arrivé avec

2 un fusil et avec une bouteille de boisson alcoolique et il a fait sortir

3 l'un d'entre vous. Vous, par terre, qu'est-ce que vous avez pu voir de tout

4 cela ?

5 R. Certains étaient allongés sur le sol en béton et d'autres à

6 l'intérieur sur le sol en béton. J'ai vu très bien, de mes propres yeux,

7 comment on l'a abattu. Il y a d'autres témoins qui ont vu cet incident

8 également.

9 Q. Vous venez de nous dire que vous étiez à l'intérieur du bâtiment, que

10 c'était là que vous étiez par terre, allongé. Maintenant, vous nous dites

11 que vous avez vu, de vos propres yeux, comment cet homme a été tué. Comment

12 est-ce que possible ?

13 R. C'était possible car je ne suis pas resté pendant une heure mais

14 pendant sept jours. Le troisième jour, lorsqu'ils nous ont emmenés là-bas,

15 on était par terre sur le sol en béton mais c'était à l'extérieur et ils

16 nous assénaient des coups.

17 Q. S'il vous plaît. S'il vous plaît.

18 Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous étiez à l'extérieur du

19 bâtiment ?

20 R. Au début, j'ai dit que pendant toute la journée on est resté à

21 l'extérieur. Ce n'est que dans la soirée qu'on nous faisait entrer. Lorsque

22 Rahman Topilla a été tué, c'était vers 10 heures ou 11 heures du matin. Il

23 a été abattu, on lui a tiré entre les yeux. Il y avait un sol en béton à la

24 fois à l'intérieur et à l'extérieur.

25 Q. Page 49, ligne 10, c'est une partie de votre déposition. On vous a

26 demandé : "Etiez-vous à l'intérieur du bâtiment ? Vous avez répondu : "Oui.

27 C'était dans le couloir du cinéma toute la journée. Et la nuit on nous

28 faisait descendre dans la cave." D'après cette partie-là de votre

Page 2030

1 déposition --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a une erreur dans la traduction

3 pour ce qui est du sous-sol.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit sous-sol.

5 M. LUKIC : [interprétation]

6 Q. D'après ce qu'on lit ici, dans cette partie de votre déposition, vous

7 étiez dans le couloir du cinéma toute la journée. Maintenant vous nous

8 dites que vous étiez à l'extérieur toute la journée jusqu'à la soirée. L'un

9 de ces deux choses n'est pas exacte. Laquelle, Monsieur Salihu ?

10 R. Non, ce que vous dites n'est pas vrai. J'ai tout très bien expliqué et

11 je peux le refaire.

12 Q. Je n'affirme rien. Je me contente de donner lecture de votre propre

13 déclaration.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que le témoin l'explique.

15 Monsieur Hannis ?

16 M. HANNIS : [interprétation] Page 49, d'après ce que je voie au sujet

17 d'avoir été dans la cave, il n'y a pas de référence possible à ce moment où

18 l'individu a été sorti pour être tué.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout à fait, mais le témoin veut

20 maintenant expliquer la situation. Allez-y, Monsieur Salihu.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils nous ont emmené à Gllogoc, à cette

22 municipalité et c'était vers 16 heures. Ils nous ont battus jusqu'à à peu

23 près 19 heures du soir. Ensuite, ils nous ont fait entrer dans l'auditoire

24 du cinéma. Par terre, c'était du béton et à l'extérieur aussi c'était du

25 béton par terre. Le lendemain, ils nous ont fait sortir et ils nous ont

26 attaché les mains derrière le dos et ils ont commencé à nous rouer de coups

27 toute la journée on était là. Puis le soir, ils nous ont forcé à revenir à

28 l'intérieur du cinéma. C'est ce que j'ai dit dans ma déposition et je ne

Page 2031

1 l'oublierai jamais. C'est comme cela que cela s'est passé.

2 Rahman Topilla, il a été tué vers 10 heures du matin et on n'était

3 pas à l'intérieur à ce moment de la journée, on était à l'extérieur. Cela a

4 duré six ou sept jours avant qu'on échange de lieu. Pendant toute la

5 journée, on était à l'extérieur jusqu'à ce qu'on nous force à rentrer à

6 l'intérieur. Ils nous crachaient dessus tout le temps et ils nous

7 injuriaient et ils prononçaient des noms affreux. Je l'ai entendu et je

8 l'ai vu de mes propres yeux. Ce que j'ai dit dans ma déclaration c'est tout

9 ce que j'ai vécu personnellement.

10 Vous me dites : "Vous étiez à l'extérieur, à l'intérieur," mais je crois

11 avoir été clair. La nuit on était à l'intérieur. Le jour, on était à

12 l'extérieur. Le soir on nous ramenait à l'intérieur. Cela c'est quelque

13 chose qui a duré pendant sept jours.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Salihu, la personne qui a été

15 tuée, Topilla, où étiez-vous lorsqu'il a été tué ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions tous à l'extérieur. Il n'y avait

17 personne à l'intérieur à ce moment-là. On nous a forcés de sortir et on

18 nous a passés à tabac toute la journée.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Concentrez-vous sur la question que je

20 vous ai posée. Où étiez-vous exactement à l'extérieur, quand vous dites à

21 l'extérieur, vous étiez où exactement ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions dans la cour du poste de police et

23 du bâtiment municipal. Il n'y avait qu'une rue qui séparait les deux.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous étiez dans quelle position au

25 moment où il a été tué ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous formions un cercle et nous étions assis

27 par terre.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic ?

Page 2032

1 M. LUKIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Salihu, je vais vous poser une question. Quelque chose qui

3 vous concerne. Est-ce que vous avez jamais été condamné dans les cadres

4 d'une procédure au pénal ?

5 R. Oui. Cela est arrivé une fois mais cela n'a rien à voir avec l'UCK ou

6 quoi que ce soit.

7 Q. Pourriez-vous nous dire comment écrit-on votre nom ? Epelez-le s'il

8 vous plaît.

9 R. Je m'appelle Abdullah Salihu.

10 Q. Quand la personne qui travaille pour ce Tribunal, l'employé du Tribunal

11 a pris votre attestation en utilisant votre carte d'identité sans doute,

12 votre nom là n'est pas écrit de la même façon que la façon dont il a été

13 écrit dans vos déclarations préalables.

14 On peut même trouver des différences entre les versions écrites en

15 albanais et les versions écrites en B/C/S et en anglais.

16 Dans l'attestation qui a été prise par un employé de ce Tribunal, on

17 peut épeler votre nom comme ceci : A-v-d-u-l-l-a Salihu. Est-ce que c'est

18 bien comme cela que l'on écrit votre nom ? Vous vous appelez Avdulla et pas

19 Abdullah ?

20 R. Ce n'est pas Avdulla mais Abdullah et dans tous mes documents c'est A-

21 b-d. Abdullah.

22 Q. Et le nom de votre père est Nebih, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, exact.

24 Q. Vous êtes né le 17 janvier, quelle année, s'il vous plaît ?

25 R. 1954.

26 Q. Est-ce que vous avez été condamné par le tribunal municipal de Pristina

27 et ceci le 24 mars 1971 ?

28 R. Oui, je l'ai déjà dit. Je ne me souviens plus de la date.

Page 2033

1 Q. Est-ce que vous avez aussi été condamné par le tribunal du district de

2 Pristina ?

3 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ici parce que je

4 me demande si ces documents nous ont été communiqués ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas vrai.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic ?

7 M. LUKIC : [interprétation] Nous avons posé la question. Nous n'avons pas

8 les documents. Vous savez ce sont les informations que nous avons reçues.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je me demande vraiment quelle est la base de

10 ceci. Est-ce que c'est vraiment de la bonne foi puisqu'il s'agit là d'une

11 condamnation qui date de 1971. Il aurait eu 16 ans à l'époque.

12 M. LUKIC : [interprétation] 1981.

13 M. HANNIS : [interprétation] C'est le transcript.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est clair dans le transcript.

15 M. HANNIS : [interprétation] A l'époque, il n'était pas majeur.

16 M. LUKIC : [interprétation] J'ai posé une question au sujet de 1981. Je

17 n'ai pas vérifié le transcrite. Pourriez-vous répondre, Monsieur le

18 Témoin ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, vous avez la réponse. La réponse

20 est, "non." Donc, je pense que l'affaire est close.

21 M. LUKIC : [interprétation]

22 Q. En 1997, est-ce qu'un rapport pénal vous concernant a été fait, et ceci

23 concernant la Loi sur les munitions et les armes à feu ? Est-ce que l'on

24 vous a pris des armes en 1997 dans le cadre d'une saisie d'armes ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Laissez-le répondre à la première

26 partie de la question d'abord.

27 M. HANNIS : [interprétation] A nouveau, est-ce que nous avons un document ?

28 M. LUKIC : [interprétation] Je suis en train de poser la question.

Page 2034

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez le document,

2 Monsieur Lukic ?

3 M. LUKIC : [interprétation] Non. J'ai posé une question, c'est tout.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous devez avoir une base pour poser

5 cette question.

6 M. LUKIC : [interprétation] J'ai une base mais je n'ai pas de document.

7 M. HANNIS : [interprétation] S'il n'a pas de document, alors nous ne savons

8 pas d'où il tient cette information. J'ai quelques soucis à ce sujet. Des

9 questions comme celles-ci, il faudrait qu'elles soient posées avec une base

10 solide.

11 M. LUKIC : [interprétation] C'est pour cela que je lui pose la question.

12 Lui, il sait si on lui a saisi des armes ou non. C'est pour cela que je lui

13 pose la question. S'il n'est pas au courant d'une éventuelle procédure au

14 pénal le concernant --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi ne posez-vous pas la question

16 directement alors. Demandez-lui s'il a fait l'objet d'une saisie d'armes en

17 1997.

18 M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai pas de document. Je n'ai pas posé une

19 question au sujet de document, mais je lui ai posé la question.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, effectivement. Vous avez dit

21 qu'en 1997, il y a eu un rapport pénal le concernant.

22 M. LUKIC : [interprétation] Je lui ai demandé s'il était au courant de

23 cela.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est un document, et vous ne

25 l'avez pas, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas mentionné ce document. Ce que

26 vous voulez savoir, c'est si on lui a saisi des armes oui ou non.

27 M. LUKIC : [interprétation] C'est exact.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En 1997.

Page 2035

1 M. LUKIC : [interprétation] C'est exact.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Hannis, il peut poser

3 cette question, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que vous en pensez ?

4 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais mon problème --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je sais quel est votre problème.

6 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'accepte pas votre objection.

8 Vous pouvez lui poser la question de savoir si on lui a confisqué des

9 armes oui ou non.

10 M. LUKIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Salihu, en 1996, en 1997, est-ce que l'on vous a saisi des

12 armes ?

13 R. Non.

14 Q. Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.

16 Monsieur Bakrac ?

17 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

18 Q. [interprétation] Par rapport aux questions qui ont déjà été posées, je

19 n'ai que quelques questions à vous poser. Je m'appelle Maître Bakrac. Je

20 suis ici en tant que conseil du général Vladimir Lazarevic. Dans votre

21 déclaration, vous avez parlé d'une offensive qui a eu lieu au mois de

22 septembre en 1998 au niveau de la montagne de Cicavica. Est-ce que vous

23 saviez que les Serbes à l'époque, à cette occasion, ont arrêté à peu près

24 420 membres de l'UCK, et la plupart d'entre eux ont fait l'objet des

25 procédures au pénal ?

26 R. Non, je n'étais pas au courant de cela. Je ne suis pas au courant de

27 cela. Je ne sais pas combien de personnes ont été arrêtées. Je pensais

28 qu'ils étaient à peu près au nombre de 40, et ils ont été libérés deux

Page 2036

1 jours plus tard à Gllogoc. Ils les ont passés à tabac, et ensuite, ils les

2 ont laissés repartir deux jours plus tard. A peu près 80 personnes ont été

3 tuées. Mais en ce qui concerne les 400 membres de l'UCK, non je ne suis pas

4 au courant de cela.

5 Q. Merci, Monsieur Salihu.

6 R. Est-ce que je peux ajouter quelque chose ?

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez la prochaine question, s'il

8 vous plaît.

9 Maître Bakrac ?

10 M. BAKRAC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Salihu, dans votre déclaration préalable, à la page 5 en

12 anglais, troisième paragraphe, à la page 6 en albanais, vous avez dit : "Le

13 lendemain matin, le 30 avril 1999, quatre jeeps militaires sont venues

14 devant la mosquée. Trois d'entre eux étaient de couleur verte. Il y en

15 avait un qui était blanc et c'était un Land Rover." La question que je vous

16 pose est comme suit : est-ce qu'il y avait des marques ou des instructions

17 sur ces véhicules ?

18 R. Non, il n'y en avait pas.

19 Q. Vous avez dit que le véhicule blanc était une Land Rover. Est-ce que

20 vous savez pour les autres quatre-quatre quelle était leur marque ?

21 R. C'étaient des véhicules de l'armée. C'est tout ce que je sais. En ce

22 qui concerne le blanc, il n'y avait pas de plaque d'immatriculation, pas de

23 signe et d'inscription là-dessus.

24 Q. Monsieur Salihu, si ces trois quatre-quatre n'avaient pas des

25 inscriptions, et si vous ne savez pas quel type de véhicules c'était,

26 comment vous pouvez dire avec certitude qu'il s'agissait de véhicules

27 militaires ?

28 R. Les jeeps de l'armée avaient une plaque d'immatriculation. C'était bien

Page 2037

1 clair. J'ai fait l'armée, j'étais en mesure de reconnaître les plaques de

2 l'armée. Je ne pouvais pas les lire, donc je ne peux pas vous donner les

3 plaques d'immatriculation exactement, enfin leur numéro.

4 Q. Merci, Monsieur Salihu. A la suite, dans ce même paragraphe, vous avez

5 dit que l'officier serbe qui commandait avait les cheveux longs, des

6 cheveux noirs, et ce qui le caractérisait, c'est qu'il n'avait qu'une seule

7 dent dans sa mâchoire supérieure. Il était maigre, il mesurait à peu près

8 192 centimètres, de peau mate et il avait un foulard rouge autour de la

9 tête. Est-ce que ceci ne correspond pas à la description des

10 paramilitaires ?

11 R. Oui, plus ou moins. Oui, c'était un paramilitaire.

12 Q. Merci, Monsieur Salihu.

13 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions,

16 Monsieur Sepenuk ?

17 M. SEPENUK : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

19 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Nouvel interrogatoire par M. Hannis :

21 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, M. Ackerman vous a posé quelques

22 questions au sujet de votre déposition dans l'affaire Milosevic. Vous avez

23 dit que vous regrettiez de ne pas avoir été un membre de l'UCK. Vous avez

24 dit cela à la page 24, ligne 10. Vous avez confirmé cela aujourd'hui. A ce

25 niveau-là, donc page 24, ligne 10 du compte rendu d'audience, vous vouliez

26 expliquer quelque chose. Est-ce que vous vous souvenez ce que c'était ?

27 R. J'ai voulu dire que si j'avais été membre de l'UCK, et bien, je

28 n'aurais pas été capturé comme cela parce qu'ils n'ont pas vraiment capturé

Page 2038

1 vivant les membres de l'UCK. Pour me sauver, et bien, aujourd'hui, je me

2 porterais mieux si j'avais été membre de l'UCK à l'époque.

3 Q. J'avais une autre question à vous poser. M. Bakrac, qui vient de vous

4 poser ces dernières questions, vous a demandé si vous étiez au courant de

5 l'arrestation de 420 membres de l'UCK après l'offensive de Cicavica, et

6 vous avez demandé d'ajouter quelque chose. Je vous demande de l'ajouter

7 maintenant, s'il vous plaît ?

8 R. Non. C'est tout simplement que je n'ai pas vraiment compris où se

9 trouvait le rapport entre la question posée et ce que j'avais à dire. Parce

10 que j'ai dit qu'entre 170 et 180 personnes avaient été tuées, qu'à peu près

11 40 ou 50 personnes avaient été amenées, et ceci, pendant cette période qui

12 a duré deux jours. C'est ce que j'ai dit.

13 Q. Je vous remercie. C'est effectivement quelque chose qui figure dans

14 votre déclaration préalable.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. M. le

17 Juge Chowhan a quelques questions à poser au témoin.

18 Questions de la Cour :

19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai voulu vous demander si vous

20 étiez l'imam de la mosquée ?

21 R. J'ai commencé à travailler dans la mosquée en 2001, ou plutôt 2003,

22 parce qu'en 2001, nous avons construit la mosquée. Donc, j'ai commencé à y

23 travailler en 2003. J'ai travaillé pendant le mois de Ramadan. J'ai

24 travaillé à Jashanica. C'est un village près de Klina. J'ai travaillé

25 pendant un an, et maintenant, je travaille dans la mosquée du village, de

26 mon village.

27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Qu'est-ce que vous y faisiez ?

28 Qu'est-ce que vous y faisiez, oui ?

Page 2039

1 R. Bien, vous avez les rites islamiques. Nous les pratiquons, nous

2 célébrons les vendredis, et cetera.

3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Qu'est-ce que vous y faites

4 exactement ?

5 R. Nous prions dans la mosquée, cinq fois par jour. Ensuite, nous rentrons

6 chez nous, ensuite, nous sommes libres après la prière.

7 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Le travail, quel est votre travail ?

8 Est-ce que vous êtes un "muezzin" ou est-ce que vous faites autre chose ?

9 R. Non, je suis un imam.

10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] C'est vous qui faites les prières ?

11 R. Oui, c'est moi qui dis les prières, qui mène les prières, pour ainsi

12 dire.

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Ensuite, je voulais savoir ce qui est

14 arrivé à Mirsad, c'est la personne qui est recherchée dans le village.

15 R. La police nous a capturés. Ils nous ont emmenés à Qires. Là-bas, il y

16 avait une photo, une photo d'un Bosniaque.

17 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] C'est lui, Mirsad ? C'était bien

18 lui ?

19 R. Les policiers avaient cette photo dans leurs mains. Ils ont dit : Cela,

20 c'est Mirsad. Il faut qu'il retourne en Bosnie.

21 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais il n'a pas été emprisonné, il

22 n'a pas été capturé ?

23 R. Non, puisqu'il n'était pas là.

24 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Qu'est-il arrivé à ces neuf personnes

25 membres de l'UCK de votre village ? Est-ce que vous avez appris quel était

26 leur sort par la suite ? Vous avez dit que deux d'entre eux ont été tués.

27 Mais que s'est-il passé, qu'est-il arrivé aux autres ?

28 R. Ils sont toujours vivants. Ils sont chez eux, dans leur maison.

Page 2040

1 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Donc, sept d'entre eux sont chez

2 eux ?

3 R. Oui.

4 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que vous avez été examiné à

5 cause de cette fracture, comme vous dites, à la jambe ?

6 R. Oui.

7 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Des cicatrices, est-ce que vous avez

8 des cicatrices ? Est-ce que cela se voit ? Vous avez toujours des

9 cicatrices qui témoignent de cette blessure ?

10 R. Oui.

11 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Aussi bien au niveau de votre

12 poitrine qu'au niveau de votre jambe ?

13 R. Oui, oui.

14 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous en remercie.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Salihu, vous en avez terminé

16 avec votre déposition. Je vous remercie d'être venu au Tribunal. Vous

17 pouvez maintenant disposer.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir écouté.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin suivant, Emin Kabashi, est-

21 ce qu'il est ici ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Oui, oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Peut-être qu'il pourrait

24 venir après la pause.

25 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est ce que j'aurais demandé.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons reprendre à

27 12 heures 45.

28 Je me posais une question. Est-ce que vous pourriez peut-être attirer

Page 2041

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 2042

1 notre attention lors de l'interrogatoire de ce témoin, sur les paragraphes

2 auxquels vous avez fait référence.

3 M. HANNIS : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous voulez que je le

4 fasse au début, avant que le témoin n'arrive ?

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, ce serait assez judicieux.

6 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que je dois dire qu'avec ce

8 dernier témoin, il a été assez difficile d'établir le lien entre sa

9 déposition et l'acte d'accusation. Donc, j'aimerais obtenir une certaine

10 orientation à ce sujet.

11 M. HANNIS : [interprétation] Je peux dire que M. Kabashi, donc le témoin

12 suivant, va présenter une déposition eu égard aux paragraphes 72(G) et

13 72(G)(i).

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un petit moment. Oui, pour

15 moi, il s'agit d'un seul et même -- non, il ne s'agit pas d'un petit -- il

16 s'agit d'un petit (1), en fait. Ce n'est pas un petit (i).

17 M. HANNIS : [interprétation] Il se peut que j'aie mal lu.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela peut compliquer la chose. Vous

19 savez, cela n'a l'air de rien comme cela, mais si on confond un chiffre et

20 une lettre, cela peut poser des problèmes.

21 Très bien. Je souhaiterais que le témoin soit dans le prétoire pour 12

22 heures 45, heure à laquelle nous allons reprendre l'audience.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kabashi.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je souhaiterais vous prononciez la

Page 2043

1 déclaration solennelle, que vous lisiez le document qui vous a été donné

2 maintenant.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 LE TÉMOIN: EMIN KABASHI [Assermenté]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

8 place.

9 Monsieur Kabashi, nous avons votre déclaration complète dans laquelle vous

10 relatez les événements. Nous avons également le compte rendu d'audience

11 lorsque vous étiez venu déposer au Tribunal. Nous avons et nous disposons

12 de nombreux renseignements. Mais aujourd'hui, le but est de donner la

13 parole aux conseils qui vont vouloir vous poser des questions pour obtenir

14 de plus en plus renseignements. Ne soyez pas surpris si ce que vous dites

15 est parfois contesté. C'est le système dans lequel nous opérons qui veut

16 cela.

17 Le premier juriste qui vous posera des questions est le représentant du

18 Procureur, Monsieur Hannis.

19 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

20 allons procéder avec ce témoin en tant que témoin 92 bis. Nous avons le

21 compte rendu d'audience, qui est la pièce à conviction P2251 et sa

22 déclaration sera versée au dossier comme faisant partie de sa déposition.

23 Il s'agit de son témoignage. Il s'agit de la pièce P2250. Nous allons

24 verser ces documents maintenant.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous en prenons bonne note, Monsieur

26 Hannis. Vous considérez qu'il va déposer conformément au paragraphe 2, de

27 l'article 92 bis ?

28 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

Page 2044

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

2 Interrogatoire principal par M. Hannis :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kabashi. Je souhaiterais juste

4 confirmer quelques détails.

5 R. Bonjour.

6 Q. -- tous ces détails se trouvent dans votre déclaration écrite. Je crois

7 comprendre que vous avez un doctorat. Est-ce que vous pourriez nous dire

8 quels sont vos diplômes ?

9 R. J'ai un doctorat en sciences philosophiques. J'ai obtenu mon diplôme à

10 l'Université de Pristina.

11 Q. Docteur Kabashi, avant que vous ne veniez ici, est-ce que vous avez eu

12 la possibilité, la semaine dernière, de rencontrer des représentants du

13 Procureur, de consulter votre déclaration et d'y apporter toute correction

14 qui vous a semblé nécessaire ?

15 R. Oui. Mais il n'a pas été nécessaire d'apporter des corrections ou de

16 procéder à des modifications.

17 Q. Hormis quelques petits détails dont nous avons parlé, je vous poserai

18 des questions à ce sujet ultérieurement, j'aimerais vous demander ce qui

19 suit : votre déclaration commence avec la date du 25 mars 1999, une journée

20 après le début des bombardements de l'OTAN. Vous décrivez comment une bombe

21 a été jetée à l'intérieur de votre maison le 25 mars. Où se trouvait

22 exactement votre domicile ?

23 R. Ma maison était et est toujours d'ailleurs, après qu'elle a été

24 réparée, elle est dans la ville de Fushe Kosova. Cela se trouve dans la

25 partie ouest de Pristina, à quelque sept kilomètres de Pristina.

26 Q. Est-ce que le nom serbe de cette ville est Kosovo Polje ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez mentionné comment une bombe a été jetée à l'intérieur de

Page 2045

1 votre maison, que vous avez reçu un appel téléphonique anonyme. Est-ce que

2 vous pourriez nous donner des détails à propos de cet appel que vous avez

3 reçu peu de temps avant que la bombe n'ait été jetée chez vous ?

4 R. Ce jour-là, j'étais allé chez moi à cause du mauvais état de santé de

5 ma mère. Personne ne pouvait s'occuper d'elle. Pendant que j'étais chez

6 moi, alors que je m'occupais d'elle, j'ai reçu plusieurs appels

7 téléphoniques mais il n'y avait personne à l'autre bout du téléphone. Mais

8 à un moment donné, pendant l'un de ces appels, quelqu'un s'est exprimé en

9 serbe et m'a dit, "Vous, vous attendez l'OTAN, vous allez être tués. Vous

10 devez aller en Albanie, et cetera, ce genre de chose."

11 Q. Est-ce que vous parlez serbe, est-ce que vous comprenez le serbe ?

12 R. Oui, très bien.

13 Q. Donc, vous narrez cet événement dans votre déclaration. Je souhaiterais

14 que nous prenions le premier paragraphe de la page 3 de la version

15 anglaise. Vous mentionnez que cette nuit-là, vous avez entendu dire qu'il y

16 avait eu 44 personnes tuées dans votre quartier, cette nuit-là. Quelle

17 était l'appartenance ethnique des personnes qui ont été tuées le 25 mars ?

18 R. Dans mon quartier, il y avait essentiellement des Albanais et toutes

19 les personnes tuées étaient albanaises. Il y avait d'ailleurs parmi ces

20 personnes des personnes âgées, des femmes, des enfants. J'en connaissais

21 certains personnellement, parce que c'étaient mes voisins.

22 Q. Connaissez-vous le pourcentage de la population non-albanaise qui

23 vivait dans ce quartier ?

24 R. Dans mon quartier, 80 % ou même 85 % des habitants étaient albanais.

25 Q. Dans votre déclaration, vous décrivez comment, après cet événement,

26 vous avez séjourné chez un voisin, puis ensuite vous êtes allé à Pristina.

27 Vous et votre groupe, vous êtes allés dans le quartier Dragodan, à

28 Pristina. J'aimerais vous montrer une carte, si nous pouvons présenter la

Page 2046

1 pièce à conviction P13.

2 Docteur Kabashi, je pense que cela va être affiché bientôt à l'écran, il

3 s'agira d'une carte. J'aimerais vous demander si vous reconnaissez ce qui

4 est affiché sur votre écran.

5 Je ne sais pas, il faut peut-être agrandir cela un peu.

6 Est-ce que nous pouvons faire défiler cela vers le bas ?

7 R. Oui, il s'agit d'une carte de Pristina. Il faudrait peut-être la faire

8 défiler encore plus vers le bas si vous voulez montrer le quartier de

9 Dragodan.

10 Q. Je pense que c'est la fin de la carte, là.

11 R. Est-ce que vous ne pouvez pas encore descendre vers le bas ?

12 Q. Je ne sais pas si le quartier de Dragodan se trouve sur cette carte.

13 R. Non. Dragodan ne se trouve pas sur cette carte.

14 Q. Si le bas de la page c'est le sud, dans quelle direction se trouve

15 Dragodan par rapport à cela ?

16 R. Dragodan devrait se situer dans la direction du nord entre le quartier

17 de Lakrishta et le quartier de -- le deuxième quartier --

18 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'elle n'a pas saisi le nom.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. [aucune interprétation]

21 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Visnjic ?

23 M. VISNJIC : [interprétation] Si vous faites défiler cette carte jusqu'au

24 bas, je pense que vous verrez que vous trouverez ce nom-là.

25 M. HANNIS : [interprétation]

26 Q. [aucune interprétation]

27 R. Maintenant, je le vois. Je le vois. Voilà Dragodan là. C'est un

28 quartier de Pristina où il y a de nombreuses collines, c'est assez pentu.

Page 2047

1 Cela a été construit après les années 1970.

2 Q. Vous avez dit que vous y avez passé trois jours avant que l'armée et la

3 police spéciale n'arrivent par infraction par la porte principale. Est-ce

4 que vous pourriez nous dire ce que vous entendez par "la police spéciale" ?

5 Qu'en est-il de leur uniforme, de leur apparence, de leur équipement ?

6 Comment est-ce que vous pouvez les distinguer de la police régulière ?

7 R. Ils étaient avec l'armée, mais c'est la police qui a cassé la porte, la

8 police spéciale. Ils portaient un uniforme différent. Ils avaient des armes

9 différentes. Ils portaient un masque. Ils avaient de la peinture sur le

10 visage. Voilà ce en quoi ils étaient différents de la police normale que

11 nous avions vue à Fushe Kosova à d'autres moments.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, dans la mesure où vous vous en

13 souvenez, quelles étaient les différences pour les uniformes ?

14 R. Leurs uniformes étaient plus sombres que ceux portés par la police

15 normale. Ils avaient également de la peinture sur le visage, certains

16 portaient des masques. Ceux qui ne portaient pas de masques avaient des

17 signes de peinture sur le visage et de ce fait, nous ne pouvions pas les

18 reconnaître. Certains avaient des fusils automatiques et des couteaux, et

19 ils portaient également des casquettes de baseball, ou en tout cas des

20 casquettes qui étaient très semblables à des casquettes de baseball, et

21 nous savions qu'il s'agissait de force de la police serbe spéciale.

22 Q. Est-ce que ces hommes portaient des insignes ? Est-ce qu'il y avait des

23 écussons sur leurs uniformes ? Est-ce que l'on pouvait discerner leurs

24 grades ?

25 R. Je ne suis pas sûr des grades. Je ne les ai pas véritablement observés

26 de très près. Mais sur leurs manches, ils avaient les insignes de la

27 police, par opposition aux soldats qui avaient des insignes de l'armée.

28 Q. Lorsque vous parlez de l'armée, est-ce que vous faites référence à la

Page 2048

1 VJ ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire leurs uniformes ?

4 R. Ils étaient de couleurs plus claires, plus claires qu'un uniforme de la

5 police. Il s'agissait de camouflage, puis il y avait des écussons. Ils ne

6 portaient pas de masques. Ils avaient cet insigne du côté gauche et sur

7 l'insigne il était inscrit "soldat de l'armée yougoslave."

8 Q. Avant que ces policiers et ces soldats n'arrivent à l'endroit où vous

9 étiez à Dragodan, est-ce que vous avez eu la possibilité d'observer ce qui

10 se passait dans la banlieue ou le quartier de Dragodan, de Pristina ? Est-

11 ce que vous avez pu observer cela pendant ces trois jours ?

12 R. Bien que je sois à Dragodan pendant ces trois jours et ces trois nuits,

13 en fait, c'était trois nuits et deux jours parce que le troisième matin, on

14 nous a fait sortir de cet endroit. Je me suis un peu déplacé. Je

15 connaissais cet endroit. Je connaissais cette zone et j'ai vu que les gens

16 étaient expulsés de leurs foyers. J'ai vu que la maison d'un docteur très,

17 très connu à Pristina avait été pilonnée. J'ai vu des intellectuels qui

18 avaient quitté leurs foyers et qui étaient partis ailleurs, des

19 professeurs, des médecins, des docteurs, des gens comme cela.

20 Q. Est-ce que vous avez pu voir comment les gens étaient expulsés et qui

21 étaient les auteurs de ces expulsions ?

22 R. Règle générale, les gens étaient expulsés par la police, mais à

23 Dragodan, l'armée était présente également. Ils se rendaient dans certains

24 quartiers qu'ils encerclaient, puis ensuite ils se rendaient dans les

25 maisons où il y avait encore des gens qui habitaient là. Ils leur disaient

26 de sortir dans la rue et ils leur montraient quelle direction emprunter.

27 C'était ce qui se passait normalement. C'était la procédure qui était

28 suivie à cette époque-là.

Page 2049

1 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres hommes portant l'uniforme qui se

2 déplaçaient dans Pristina et autour de Pristina, hormis la police spéciale

3 et l'armée dont vous nous avez parlé ?

4 R. Pas seulement à Pristina, mais également à Fushe Kosova et dans

5 d'autres quartiers de Pristina d'ailleurs, y compris Dragodan. Nous avons

6 vu, pendant ces journées, d'autres types d'uniformes et d'autres personnes

7 qui étaient armées et qui, d'après les renseignements dont nous disposons,

8 incluaient la presse et la télévision serbe. Donc, nous savions qu'il

9 s'agissait des

10 hommes d'Arkan, des hommes de Frenki Simatovic, et cetera, et cetera. Ils

11 étaient différents des autres formations, également du fait de l'uniforme

12 qu'ils portaient.

13 Q. Est-ce que vous les avez vus, vous-même, et en quel sens est-ce qu'ils

14 étaient différents des autres formations ?

15 R. Je n'en ai pas vu un ou deux. J'ai vu plusieurs unités. Ils portaient

16 un uniforme plus foncé. Ils portaient des casquettes. Or, c'était

17 différent. Les hommes de Frenki, ils portaient des bérets, des bérets avec

18 un ruban rouge et leurs armes étaient différentes de celles de la police

19 spéciale.

20 Q. Mais en quoi est-ce que leurs armes étaient différentes de celles de la

21 police ? Est-ce que vous pouvez nous le dire ?

22 R. Ils avaient essentiellement des fusils automatiques, probablement des

23 Kalachnikov, des fusils avec lunettes télescopiques.

24 Q. Dans votre déclaration, vous avez indiqué que ces hommes sont arrivés,

25 vous ont fait sortir de la maison de Dragodan, et que vous êtes allé

26 ailleurs et que vous y êtes resté pendant un certain temps. Combien de

27 temps y êtes-vous resté ? Je pense que dans votre déclaration, vous avez

28 dit que vous avez séjourné avec la famille de Qamil Berisha.

Page 2050

1 R. Pour autant que je m'en souvienne, d'après ce dont je me souviens après

2 sept ans, je pense qu'il s'agissait d'une nuit parce que le lendemain, vers

3 midi, on nous a dit de partir et nous sommes allés dans une maison qui se

4 trouvait dans le même quartier, la maison d'Ajazi. C'était un correspondant

5 de Radio Pristina. Puis le lendemain matin, la police ainsi que l'armée

6 sont arrivées. Ils nous ont fait sortir de cet endroit après les combats

7 qui s'étaient déroulés dans cette partie de la ville où nous nous

8 trouvions.

9 Q. Où est-ce que la police vous a envoyés à ce moment-là ?

10 R. La police avait dit à tous les habitants de ce quartier d'aller au

11 centre de Pristina, dans la rue principale. C'est Kodra e Diellit en

12 albanais que cela s'appelle, auparavant cela s'appelait Venrac [phon]. Puis

13 à partir de cet endroit, on nous a dit d'aller vers la route principale.

14 Sur la gauche, il y a la Madrasah, l'école islamique et à la droite, il y a

15 la gare ferroviaire, et à Venrac, il y a un pont qui enjambe la voie

16 ferrée. J'ai pu voir qu'il y avait un char ce jour-là. Le convoi dont je

17 faisais partie a été divisé en deux, et ce, à la suite d'un ordre qui a été

18 lancé à partir de ce char. Donc, la partie du convoi où je me trouvais,

19 s'est entendu dire qu'elle devait aller en Albanie.

20 Q. Nous voyons dans votre déclaration que vous êtes allé jusqu'à la gare

21 ferroviaire.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais vous poser une autre

23 question, Monsieur Kabashi. De quelle gare s'agissait-il ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de la gare de Pristina. Pristina

25 n'a qu'une gare.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a également une gare à

27 Fushe Kosova ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] La gare de Fushe Kosova est une gare

Page 2051

1 internationale. Les trains internationaux passent par là, alors que la gare

2 de Pristina, elle se trouve avant que vous n'arriviez à Fushe Kosova, donc

3 de Pristina à Fushe Kosova.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Ensuite, vous décrivez comment on vous a placé à l'intérieur d'un

7 train, et comment avec toutes les autres personnes qui étaient expulsées,

8 vous êtes allé jusqu'à la frontière avec la Macédoine où vous avez dû, à ce

9 moment-là, sortir du train et franchir la frontière à pied, est-ce que cela

10 est exact ?

11 R. Oui, c'est ainsi que les choses se sont passées. On peut très bien

12 relater tout cela en deux phrases. Mais ce qui s'est passé là-bas et ce que

13 nous avons vécu avec l'horreur du déplacement, de l'expulsion, le fait de

14 quitter votre propre pays, c'est quelque chose que vous ne pouvez

15 certainement pas raconter en deux phrases. Effectivement, les choses se

16 sont passées comme vous l'avez dit. Après deux ou trois jours passés à la

17 gare, je me trouvais dans le dernier groupe qui a été placé dans un train

18 pour marchandise. Nous avons été envoyés vers Hani i Elizit, puis ils nous

19 ont dit de sortir du train à ce moment-là et de marcher à l'intérieur de la

20 voie ferrée, parce que si nous marchions à l'extérieur de la voie ferrée,

21 le terrain était miné.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Soyez assuré, Monsieur Kabashi, que

23 nous avons une description complète et intégrale de ce que vous avez dit à

24 ce sujet. Nous avons également la déclaration écrite et le compte rendu.

25 Donc, il ne s'agit pas de décrire en deux phrases et de pouvoir expliquer

26 tout cela en deux phrases.

27 Oui, Monsieur Hannis ?

28 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je comprends ce que vous dites, Dr

Page 2052

1 Kabashi. Mais vous comprenez que les Juges, eux, disposent d'une

2 déclaration écrite et de votre témoignage précédent. Donc, je vais un peu

3 vite en besogne parce qu'ils disposent de tous les détails. Je ne veux

4 surtout pas minimiser ou dénigrer votre vécu et votre expérience en quoi

5 que ce soit.

6 Vous dites également dans votre déclaration, vous avez fait une déclaration

7 à propos du bombardement de l'OTAN. Vous dites que le bombardement de

8 l'OTAN n'a sujet pas eu d'incidence pour les zones résidentielles de

9 Pristina. Comment est-ce que vous avez pu observer cela ou tirer cette

10 conclusion ?

11 R. Ce n'est pas que j'aie dégagé certaines conclusions. Je n'ai pas

12 véritablement procédé à une analyse; je ne peux vous parler que des choses

13 que j'ai vues à Pristina. Le seul bâtiment qui a été endommagé à Pristina

14 est le bâtiment de la police. Cela s'est passé la deuxième nuit pendant que

15 je trouvais à Dragodan. A vol d'oiseau, je me trouvais seulement à 500

16 mètres de ce commissariat. Je pouvais voir et je pouvais entendre les voix,

17 et essentiellement les voix des policiers qui quittaient l'endroit.

18 Q. Merci. Excusez-moi. Vous avez commencé à répondre.

19 R. Oui. J'étais en train de dire que dans toute la ville de Pristina --

20 excusez-moi, il n'y avait pas de bâtiment militaire. La seule chose qui a

21 été pilonnée ou bombardée, c'était le poste de police de Pristina et la

22 prison.

23 Q. Dans votre déclaration préalable, vous parlez du tribunal qui aurait

24 été bombardé également. Est-ce qu'il constituait une partie du poste de

25 police ou de la prison ?

26 R. Ils sont l'un à côté de l'autre. Même après la reconstruction de ce

27 bâtiment, c'est toujours tout réuni. Le tribunal, la prison, tout cela.

28 Q. Dans votre déclaration, page 5 dans la version anglaise, dans le

Page 2053

1 dernier paragraphe, vous dites que c'est le chaos qui régnait à la gare

2 ferroviaire et que vous y avez passé trois jours et trois nuits. Vous dites

3 qu'il y a eu autant de gens qui ont été forcés à monter à bord des trains

4 qu'il y en a eu qui sont morts, tellement ils ont été poussés. Comment est-

5 ce que vous le savez ?

6 R. Je l'ai vu de mes propres yeux, car j'étais là, comment dirais-je, l'un

7 des observateurs de ce drame qui a eu lieu là-bas. On a forcé les gens à

8 monter à bord des trains pour qu'ils ne soient pas tués, pour qu'ils ne

9 soient pas roués de coups. Il y avait un tel chaos qui s'est installé, que

10 les gens se sont fait écraser par les autres, et parfois, même par des

11 trains, renversés par un train. J'ai vu de mes propres yeux comment, à

12 partir du moment où le train est parti, et bien, comment les gens ont été

13 écrasés.

14 Q. Pendant cette période-là, il y avait entre cinq et douze trains qui

15 partaient tous les jours.

16 R. Oui, je les ai comptés pendant tout ce temps que j'ai passé là-bas. Je

17 ne pouvais compter tous les autocars, mais j'ai compté tous les trains. Il

18 faut savoir que j'étais dans le dernier groupe de personnes qu'on a forcées

19 à quitter Pristina. Tous les jours, il y avait de cinq à douze trains qui

20 partaient avec plein de voitures.

21 Q. Est-ce que vous pouvez estimer à peu près le nombre de personnes qui

22 ont été embarquées à bord de ces trains ? En l'espace de ces trois jours,

23 est-ce que c'est des centaines, des milliers, des dizaines de milliers ?

24 R. Il ne s'agit pas de centaines ou de milliers; c'est des dizaines de

25 milliers de personnes qui ont été expulsées de Pristina pendant ces trois

26 jours.

27 Q. Parmi les gens que l'on a fait monter à bord de ces trains et les gens

28 que vous avez croisés lorsque vous avez traversé la frontière lorsque vous

Page 2054

1 êtes allé dans ce camp de réfugiés que vous avez mentionné, est-ce qu'il y

2 avait des Serbes dans ce groupe de personnes qui ont été placées à bord des

3 trains ou est-ce que c'était juste des Albanais pour autant que vous le

4 sachiez ?

5 R. Je me souviens bien de cet événement. Je m'en souviens bien encore

6 aujourd'hui, je le revis encore. Non, je n'ai pas croisé de Serbes parmi

7 ces gens. J'ai été très surpris lorsque j'ai croisé trois gitans ou Rom à

8 Bllaca. Il n'y en avait que trois, et je ne peux pas comprendre pourquoi

9 ils étaient avec nous.

10 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

11 questions pour le Dr Kabashi pour le moment.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 Monsieur O'Sullivan ?

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de

15 questions à poser à ce témoin. Nous allons procéder comme

16 suit : le général Pavkovic, M. Sainovic, général Lazarevic, le général

17 Lukic, le général Ojdanic.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman ?

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

21 Q. [interprétation] Monsieur Kabashi, je suis John Ackerman. Je représente

22 le général Pavkovic dans ce procès. Je vais vous poser quelques questions.

23 J'espère qu'il vous sera aisé d'y répondre simplement, brièvement. Si tel

24 est le cas, nous allons faire cet exercice en peu de temps. Sinon, il nous

25 faudra bien plus de temps. Donc, cela dépendra de votre coopération. Est-ce

26 que je peux compter sur celle-ci ?

27 R. Cela dépend du niveau de coopération sur lequel vous comptez.

28 Q. Je suis tout à fait d'accord avec votre réponse qui me paraît

Page 2055

1 parfaitement sensée.

2 Pour commencer, parlons de cette période qui suit immédiatement le

3 moment où vous avez dit que votre maison a été attaquée. Vous êtes allé à

4 Pristina. C'est dans la maison de Qemal Avdiu que vous êtes resté dans le

5 quartier Dragodan de Pristina; c'est bien cela ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Ce quartier de Dragodan de Pristina, comme vous nous l'avez dit, vous

8 l'avez montré sur la carte, c'est un quartier qui se trouve en bordure de

9 Pristina sur une colline; c'est bien cela ?

10 R. Oui, c'est la périphérie de la ville, du côté nord, nord-ouest. Il y

11 avait là beaucoup de gens à ce moment-là. C'était très peuplé.

12 Q. Il me semble que vous avez dit dans votre déclaration que de cet

13 endroit vous étiez en mesure de voir la ville de Pristina, que c'était

14 assez facile ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Est-ce qu'il y a un dépôt de pétrole à un endroit sur cette colline,

17 dans le quartier de Dragodan ?

18 R. A l'époque, ce n'était pas à côté de cette zone. Avant qu'on ne pénètre

19 dans Dragodan, on traverse un pont, on tourne à gauche. Près du pont sur la

20 droite, il y avait une station d'essence. En fait, cela ne faisait pas

21 vraiment partie de Dragodan. On appelait cela le quartier de l'hôpital.

22 Q. Est-ce que vous savez si l'OTAN a bombardé un dépôt de pétrole quelque

23 part dans le quartier de Dragodan ?

24 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.

25 Q. Très bien. Vous étiez pendant trois jours dans la maison de Qemal

26 Adviu, et à ce moment-là, d'après vous, l'armée et la police spéciale ont

27 fait irruption à la porte principale de la maison. J'aimerais savoir

28 combien d'hommes il y avait à ce moment-là ?

Page 2056

1 R. Dans la maison où je me suis trouvé, il y avait huit policiers et

2 quatre soldats. Je les ai comptés moi-même parce que j'ai eu suffisamment

3 de temps pour faire cela. Des deux côtés de la voie, de la route, dans ce

4 quartier, on nous a chassés des maisons. Il y en a eu des dizaines de plus.

5 Je ne peux pas vous dire exactement combien, mais je dirais 40 ou 50 dans

6 la rue, dans son ensemble.

7 Q. Je voudrais parler de ces quatre soldats que vous dites avoir vus là-

8 bas. Je pense que vous avez dit qu'ils portaient des uniformes de

9 camouflage bleu clair ?

10 R. Oui, c'était le cas.

11 Q. D'après vous, ils avaient quel âge, la tranche d'âge de ces quatre ?

12 R. Cela aurait pu être de 22 à 27 ans.

13 Q. Il y en avait qui portaient une barbe ou des cheveux longs ?

14 R. Non, pas les soldats.

15 Q. Est-ce qu'ils auraient eu des écharpes, des bandanas, des brassards ?

16 R. Il y en avait qui avaient des casques, mais je n'ai pas vu d'écharpes

17 autour de leurs têtes.

18 Q. La VJ, vous devriez le savoir, n'est-ce pas, n'a pas d'uniforme bleu

19 clair. Ne le savez-vous pas ?

20 R. Non, je n'ai pas dit qu'eux portaient des uniformes bleus.

21 Q. Page 4 de votre déclaration en anglais, vers le haut, vous dites : "Les

22 soldats portaient des uniformes de camouflage bleus, qui étaient de couleur

23 plus claire que ceux de la police." D'après ce que vous auriez dit dans

24 votre déclaration - et vous avez prêté serment et vous l'avez confirmé -

25 vous dites bel et bien qu'ils portaient des uniformes de camouflage bleus.

26 R. C'étaient des uniformes de camouflage. C'est parce que c'étaient des

27 uniformes de camouflage qui semblaient être de couleur plus claire que les

28 uniformes de police réguliers.

Page 2057

1 Q. Vous dites ici,"bleus." Maintenant, vous le contestez; vous dites que

2 vous ne voulez pas dire bleus.

3 R. Je ne le rejette pas. Mais ce n'était pas la même couleur bleue que la

4 couleur des uniformes de police. C'étaient des uniformes de camouflage. Les

5 insignes étaient différents et tout l'uniforme était différent. Ils

6 semblaient être de couleur plus claire que le bleu régulier des autres

7 uniformes.

8 Q. Encore une fois, je vais vous reposer ma question. Vous le savez,

9 n'est-ce pas, que la VJ ne porte pas les uniformes bleu clair de

10 camouflage ? Ce ne sont pas des uniformes de la VJ ?

11 R. Eux-mêmes nous ont dit qu'ils étaient des soldats. Ils nous ont dit :

12 "Nous sommes des soldats." A l'épaule, ils portaient les écussons de

13 l'armée yougoslave.

14 Q. Savez-vous que les groupes paramilitaires avaient pris l'habitude de

15 porter des insignes de l'armée yougoslave juste pour prêter à confusion ?

16 R. J'ai lu des choses allant dans ce sens, mais je n'ai jamais vu moi-même

17 ce genre de groupes.

18 Q. Il est possible que ceci vous soit arrivé sans que vous le sachiez,

19 n'est-ce pas ?

20 R. C'est possible.

21 Q. Je voudrais maintenant parler de ce moment où vous êtes allé à la gare

22 ferroviaire. Vous dites page 4 de la version anglaise de votre déclaration,

23 qu'à la gare ferroviaire, vous avez vu une liste et que cette liste avait

24 été dressée à l'aide des ordinateurs. Donc, vous avez vu un écran

25 d'ordinateur et qu'une liste s'affichait ? C'est ce que vous être en train

26 de dire ?

27 R. Non. Il n'y avait pas d'écran d'ordinateur sur la route à ce moment-là.

28 Un policier a sorti de sa poche une liste qui avait été imprimée. C'était

Page 2058

1 une liste informatisée et c'était un logiciel en langue anglaise. Ce

2 n'était ni en albanais ni en serbe. Il y avait une liste de noms compilés,

3 enfin tapés sur ce papier. C'était avant qu'on aille à la gare ferroviaire,

4 pendant qu'on était dans cette colonne. La police avait des postes de

5 contrôle et elle posait des questions aux gens.

6 Q. Donc, c'est un policier qui vous a montré la liste?

7 R. Il nous a posé la question au sujet des noms, puis j'ai vu la liste et

8 j'ai vu les noms sur la liste.

9 Q. S'il vous a montré la liste, est-ce qu'il vous a invité à examiner

10 cette liste ? Comment est-ce que vous avez vu votre nom ?

11 R. C'était dans sa main. Je l'ai vue et je me tenais juste à côté de lui,

12 l'officier qui nous a arrêtés ou le policier qui nous a arrêtés. L'autre

13 policier avait cette liste de noms et il posait des questions au sujet des

14 noms des gens.

15 Q. Donc, vous étiez par-dessus son épaule pour avoir la liste, en vous

16 tenant juste à côté de lui ?

17 R. Oui.

18 Q. Ce policier devait avoir une attitude plutôt amicale pour vous laisser

19 regarder la liste qu'il tenait comme cela. Est-ce que c'est bien la manière

20 dont vous décririez son attitude ?

21 R. Je n'étais pas derrière son dos, si c'est cela que vous entendez par

22 là. J'étais à côté de lui, je me tenais à côté de lui. Je ne sais pas de

23 quel genre de gars il s'est agi, comment il était. Puisqu'il nous a laissés

24 passer en vie, j'en déduis que c'était un gars qui était bien. Là, je parle

25 tout simplement de notre survie.

26 Q. Vous n'avez aucune idée de la nature de cette liste, quelle était

27 l'importance, la signification de cette liste ?

28 R. Ce ne sont pas seulement des conjectures, je sais de quoi il s'est agi.

Page 2059

1 A Pristina et dans d'autres villes, à ce moment-là, on cherchait des gens.

2 Si on les retrouvait soit on les tuait, soit on les mettait en prison à ce

3 moment-là. Dans ce groupe de noms qui figurait sur la liste, j'ai vu des

4 noms de plusieurs personnes que je connaissais et j'ai vu mon nom

5 également.

6 Q. Est-ce que l'intitulé de la liste était "liste des hommes destinés à

7 liquidation" ou quelque chose de comparable ?

8 R. Non, je n'ai pas vu le titre en haut de la page.

9 Q. Vous avez peut-être tout simplement spéculé. Vous avez deviné que

10 c'était probablement la liste des gens qu'ils essayaient de capturer,

11 qu'ils essayaient de vous capturer vous en particulier ?

12 R. Bien, je savais, puisqu'il y a eu beaucoup de cas semblables qui se

13 sont produits à Pristina. On envoyait les gens en prison si on les

14 attrapait.

15 Q. Vous devinez cela, parce que vous savez qu'il y a eu beaucoup de cas

16 semblables à Pristina, pas parce que vous le savez vraiment; n'est-ce pas

17 exact ?

18 R. Oui, si vous voulez. On peut dire cela comme cela.

19 Q. Enfin, vous seriez même d'accord avec moi là-dessus, n'est-ce pas ?

20 R. A l'époque, il ne s'agissait pas de savoir si je voulais ou ne voulais

21 pas quelque chose. Ce dont j'étais convaincu, c'est que je pensais, j'ai

22 forgé mon opinion sur ce qui s'est passé vraiment. Les gens ont été

23 arrêtés. Ils ont été tués. Ils ont été renvoyés.

24 Q. Bien, je ne sais pas quel était leur nombre, mais trois fois avant ce

25 moment-là, vous avez dit que les portes de la maison dans laquelle vous

26 vous trouviez étaient forcées, que vous étiez jeté en dehors de la maison.

27 S'ils vous cherchaient vraiment, et bien, ils vous ont trouvé les trois

28 fois. Il semble qu'ils vous ont trouvé les trois fois ?

Page 2060

1 R. Deux fois, oui, mais pas la troisième fois. Deux fois, les policiers

2 m'ont parlé, mais c'est la troisième fois que j'ai vu la liste des noms.

3 C'était au point de contrôle.

4 Q. Bien. Nous allons avancer un peu. Dans votre déclaration, page 6 en

5 anglais, vous parlez du Kosovo, du fait de quitter le Kosovo, et cetera.

6 Vous dites que la population n'était pas du tout défendue, était

7 complètement dépourvue de toute défense.

8 R. C'est exact.

9 Q. Si un témoin nous disait que l'UCK défendait les peuples, aurait-il

10 tort ? Est-ce que la population était vraiment défendue par l'UCK ?

11 R. Les colonnes des gens n'étaient pas défendues, non. Personne ne

12 défendait ces gens-là. Les gens protégés par l'UCK se trouvaient dans

13 d'autres régions de Kosovo.

14 Q. Nous allons être plus précis que cela. Je fais référence à une partie

15 de votre déclaration. Si on l'examine, il me semble que vous parlez de

16 façon générale du Kosovo, de la situation au Kosovo. Vous dites : "Je ne

17 voulais pas quitter le Kosovo. Nous sommes partis, parce que nous avons été

18 forcés de partir par ce que la police serbe a fait ou par ce qu'ils nous

19 ont dit et parce que l'armée a fait et nous a dit. En tant que famille,

20 nous n'étions pas organisés pour nous battre. Je ne vois pas qui pouvait

21 rester à Kosovo alors qu'il était menacé par des armes." Donc là, vous ne

22 parlez pas de colonnes de gens, vous parlez de la population en général.

23 Vous dites que la population n'était pas du tout défendue. Un autre témoin

24 nous a dit aujourd'hui que c'est justement l'UCK qui défendait la

25 population. Je voulais savoir quel est votre point de vue là-dessus.

26 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que c'est une spéculation là. Ceci

27 fait l'objet d'une argumentation. Il a dit qu'il est parti, qu'ils sont

28 partis en tant que famille parce qu'ils n'étaient pas organisés pour se

Page 2061

1 battre. Je ne pense pas du tout qu'il est fait référence clairement à toute

2 la population du Kosovo.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, de toute façon, le témoin a déjà

4 accepté que l'UCK était présente au Kosovo. Donc,

5 M. Ackerman, je ne vois vraiment pas où vous voulez en venir.

6 M. ACKERMAN : [interprétation] J'en ai fini de cette question.

7 Q. Est-ce que vous étiez membre de l'UCK ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous saviez combien il y avait de membres de l'UCK au moment

10 où l'UCK était la plus nombreuse ?

11 R. Je n'en ai aucune idée. Cela ne m'a jamais intéressé, je n'étais jamais

12 intéressé par les statistiques, si vous voulez.

13 Q. Quand vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, à la page 4 018, vous

14 avez dit aux Juges de la Chambre que vous étiez devenu membre de l'UCK

15 parce que, je cite : "J'ai vu que la seule façon pour notre peuple de

16 gagner leur liberté était en utilisant les armes à feu." C'est ce que vous

17 avez dit, n'est-ce pas ?

18 R. A ce que je sache, oui, que je m'en souvienne. En tout cas, cette

19 pensée que vous venez de citer était bien la pensée que j'avais à l'époque.

20 Q. Vous avez dit que depuis 1997, au moment où vous avez rejoint les rangs

21 de l'UCK, que vous avez préparé beaucoup de littérature, que vous avez fait

22 beaucoup de choses, fourni beaucoup de choses pour expliquer aux autres

23 qu'il y avait uniquement -- qu'il n'y avait que la guerre qui pouvait nous

24 apporter la liberté; est-ce exact ?

25 R. Ce que j'ai dit aux autres, n'est peut-être pas complètement exact.

26 Mais c'est vrai que je l'ai dit aux étudiants. Je l'ai dit pendant ces

27 années où j'avais le droit d'enseigner. C'était pour moi la raison

28 principale pour avoir rejoint les rangs de l'UCK. Ce que j'ai dit à mes

Page 2062

1 étudiants, justement.

2 Q. Est-ce que vous pensez que vous avez inspiré un certain nombre de vos

3 étudiants pour prendre les armes et pour faire la guerre aux Serbes ?

4 R. Oui, effectivement. Je pense que presque tous les soldats que j'ai

5 rencontrés étaient probablement mes étudiants. Je les connais parce qu'ils

6 appartiennent à ce groupe d'âge. Donc, la plupart d'eux étaient

7 effectivement mes étudiants, oui.

8 Q. J'imagine qu'on peut dire alors que vous avez eu du succès dans ce que

9 vous disiez lorsque vous leur enseigniez ? Et donc, l'objectif de l'UCK

10 était pour faire la guerre aux Serbes et pour gagner la liberté pour les

11 Albanais du Kosovo par la force des armes.

12 R. Non. Pas faire la guerre aux Serbes. Faire la guerre, il s'agissait de

13 faire la guerre aux occupants, à la force qui occupait notre pays.

14 Q. Qui étaient ces occupants si ce n'était pas les Serbes ? Des gitans ?

15 R. Il s'agissait du gouvernement serbe, des autorités militaires et des

16 autorités de l'Etat serbe.

17 Q. Très bien. J'accepte la clarification que vous venez de faire.

18 Je voudrais revenir sur l'attaque menée contre votre maison. Tout au

19 début, vous avez dit qu'on a jeté une grenade, une bombe sur votre maison.

20 Vous avez dit que ceci a été fait par la police et par les habitants du

21 cru; est-ce exact ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Pouviez-vous voir qui étaient ces gens qui ont jeté la bombe sur votre

24 maison, avant qu'ils le fassent ?

25 R. Non, je ne les ai pas vus. Je ne les ai pas vus avant qu'ils ne fassent

26 cela. Si j'avais vu, j'aurais fait quelque chose.

27 Q. Donc, vous devez être d'accord avec moi pour dire que vous ne savez pas

28 exactement qui a jeté la bombe sur votre maison puisque vous n'avez pas vu

Page 2063

1 les auteurs de cet acte avant.

2 R. Je dois vous fournir une explication. Je ne les ai pas vus avant qu'ils

3 ne jettent la bombe, mais je les ai vus après, après l'avoir jetée. Parce

4 que ma maison est construite de la sorte que je puisse voir la route de

5 différents endroits dans ma maison. Donc, vous pouvez voir les gens au

6 moment où ils partent, où ils quittent la maison. En plus, j'ai entendu la

7 voix des gens que je connaissais. C'étaient mes voisins depuis longtemps.

8 Et en plus, je connaissais les gens qui travaillaient là-bas.

9 Q. Vous dites en gros que c'était peut-être un de vos voisins qui a jeté

10 la bombe sur votre maison ?

11 R. Pas un de mes voisins, plusieurs de mes voisins, deux ou trois. Je ne

12 sais pas lesquels exactement. Je ne sais pas lequel exactement a jeté la

13 bombe puisqu'ils étaient tous autour de la maison.

14 Q. A la page 4 039 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, vous

15 avez dit qu'après avoir jeté la bombe, ils ont tiré sur la fenêtre.

16 Ensuite, vous dites ce qui suit : "Pensant que moi ou quelqu'un d'autre, un

17 autre membre de ma famille allait se trouver près de la fenêtre." Vous ne

18 pouviez pas savoir ce qu'ils avaient en tête à l'époque, ce qu'ils

19 pensaient exactement ?

20 R. Je ne me souviens pas ce que j'ai dit exactement, qui d'entre nous se

21 tenait debout. Mais c'est vrai que je me souviens de l'événement. Je m'en

22 souviens très bien. Je pourrais vous le décrire à nouveau. J'étais dans le

23 couloir --

24 Q. Vous n'avez pas besoin de répéter cela puisque les Juges peuvent le

25 lire. De toute façon, je pense que vous n'aviez pas l'intention de dire à

26 l'époque dans votre déposition dans l'affaire Milosevic que vous saviez

27 exactement ce que les gens à l'extérieur de la maison pensaient ou est-ce

28 que vous saviez ce qu'ils pensaient ?

Page 2064

1 R. Ils savaient que j'étais membre de l'UCK.

2 Q. Bien --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, je pense que là nous

4 retrouvons un autre exemple de conclusions que quelqu'un peut tirer par

5 rapport à certaines circonstances et par rapport aux connaissances que la

6 personne peut avoir de la situation.

7 De toute façon, vous voyez l'heure, et je vais vous demander de

8 trouver un moment où vous souhaitez vous arrêter jusqu'à demain.

9 M. ACKERMAN : [interprétation] De toute façon, je vois que je ne peux pas

10 aller plus loin que cela.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A moins que vous vouliez vraiment

12 compléter une question, nous pouvons nous arrêter.

13 M. ACKERMAN : [interprétation] J'ai encore dix ou 15 minutes de questions à

14 poser. J'ai besoin encore de dix à 15 minutes pour poser des questions que

15 je veux lui poser. Je pense que nous devrions nous arrêter tout simplement.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

17 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

19 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais demander à la Défense de nous dire

20 de combien de temps ils ont encore besoin pour terminer le contre-

21 interrogatoire de ce témoin.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que qui que ce soit peut le

23 dire ?

24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons pouvoir le dire à M. Hannis

25 après la pause.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, Monsieur O'Sullivan.

27 Monsieur Kabashi, je dois vous dire que nous nous voyons obliger

28 d'interrompre la séance d'aujourd'hui, puisqu'il y a un autre procès qui se

Page 2065

1 tient dans ce même prétoire cet après-midi.

2 Nous allons lever la séance jusqu'à demain, et demain nous allons

3 travailler, commencer nos travaux à 2 heures 15. Il est important de vos

4 rappeler que vous ne devez discuter avec qui que ce soit de votre

5 déposition ici. Ceci se réfère aussi bien à la déposition que vous faites

6 ici en l'espèce et la déposition que vous avez pu faire dans d'autres

7 affaires. Est-ce que vous m'avez compris ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je l'ai lu d'ailleurs dans le Règlement

9 du Tribunal.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons nous

11 voir à nouveau demain à 14 heures 15.

12 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le

13 mardi 22 août 2006, à 14 heures 15.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28