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1 Le vendredi 25 août 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 8 heures 59.
6 [Le témoin se retire du prétoire]
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter, j'ai demandé
8 qu'on demande au témoin de sortir parce que j'ai besoin de clarifier
9 certaines choses. Je voulais le faire par le biais du Juriste de la Chambre
10 mais je n'ai pas réussi à obtenir ma réponse. (expurgé)
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14 (expurgé)
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16 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si nous allons parler de ce genre de
18 détails, il faudrait mieux que nous soyons à huis clos partiel.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
20 partiel.
21 [Audience à huis clos partiel]
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11 Page 2342 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Draga.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez avec attention ce que je vais
15 vous dire, et après vous avoir lu cette déclaration très courte, il
16 faudrait que vous nous disiez : oui. Vous avez compris ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
19 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le déclare.
21 LE TÉMOIN: MUSTAFA DRAGA [Assermenté]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous pouvez maintenant vous
24 asseoir.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter, vous pouvez commencer.
27 Mme CARTER : [interprétation] Avant de commencer, j'aimerais attirer
28 l'attention de la Chambre sur le fait que le témoin va principalement
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1 traiter des paragraphes 72(C), paragraphe 77(B) et 75(F), de l'acte
2 d'accusation ainsi que le tableau (F).
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
4 Interrogatoire principal par Mme Carter :
5 Q. [interprétation] Monsieur Draga, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous
6 présenter ?
7 R. Mustafa Draga.
8 Q. Monsieur Draga, on a appelé votre nom de plusieurs manières au cours de
9 ces procédures. Pourriez-vous nous confirmer exactement comment on écrit
10 votre nom et votre prénom.
11 R. Je m'appelle Mustafa, Draga.
12 Q. Il y a donc un A à la fin de votre prénom et un A à la fin de votre
13 nom ?
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si on regarde le compte rendu, vous
15 voyez que là ce nom a été écrit de façon un peu différente, mais je pense
16 que nous devrions nous mettre d'accord pour dire que c'est une façon tout à
17 fait correcte de représenter la prononciation albanaise qui nous a été
18 donnée.
19 Mme CARTER : [interprétation] Très bien.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
21 Mme CARTER : [interprétation]
22 Q. Pourriez-vous aujourd'hui nous dire, Monsieur le Témoin, exactement ce
23 qui s'est passé en mars 1999 ? Cela dit, il semblerait qu'en 1998, il y
24 avait eu aussi quelques événements qui ont eu lieu dans votre village en
25 1998. Pourriez-vous nous dire depuis combien de temps vous habitiez dans le
26 village de Lecina.
27 R. J'y suis né. J'y ai habité toute ma vie.
28 Q. Avez-vous élevé une famille dans ce village ?
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1 R. Oui. J'y habitais avec ma famille dans ce village où je suis né.
2 Q. Combien de personnes de votre famille habitaient avec vous dans ce
3 village ?
4 R. Avant nous étions 20, mais il y en a dix qui n'habitent plus là et qui
5 sont maintenant en Allemagne.
6 Q. Il s'agit de vous, votre femme et de quelques enfants; c'est bien
7 cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Y a-t-il des enfants adultes ?
10 R. Oui.
11 Q. En 1998, vous nous avez dit précédemment que la situation au village a
12 empiré. Pourriez-vous nous dire exactement ce qui s'est passé en 1998, et
13 pourquoi vous avez commencé à avoir peur, vous et les membres de votre
14 famille ?
15 R. Nous avions peur parce que certains sont allés à Ulcinj, d'autres à
16 Mitrovica, d'autres sont partis dans la montagne. Ils nous arrêtaient dans
17 les rues. Ils nous tapaient dessus et ils nous tabassaient. Ils nous
18 maltraitaient. Tout le monde avait très peur de quitter sa maison.
19 Q. A l'époque, y avait-il des points de contrôle ou d'autres obstacles de
20 ce style qui auraient été mis en place soit dans votre village, soit à
21 côté ?
22 R. Non pas dans le village en tant que tel. Le plus proche c'était à
23 Junik, il y avait aussi à Mitrovica et ailleurs.
24 Q. Vous dites que vous étiez allé à Mitrovica. En allant entre
25 Mitrovica, êtes-vous passé par ce point de contrôle ?
26 R. Non. Je suis passé par la montagne. Je préférais passer par la
27 montagne. Je préférais ne pas passer par le point de contrôle.
28 Q. Vous dites que les villageois à l'époque ont été maltraités. Pourriez-
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1 vous un petit peu nous expliciter cela ?
2 R. Ils nous attrapaient dans les rues, et ils nous tabassaient, ils nous
3 maltraitaient. Les gens étaient obligés de quitter leurs maisons et de se
4 réfugier dans la montagne.
5 Q. Y avait-il des pilonnages ou ce style de choses qui se passaient dans
6 le village ?
7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je soulève une objection ici car il s'agit
8 d'un témoin viva voce et il faudrait que notre éminent collègue ne pose pas
9 de questions directrices.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter ?
11 Non, nous avons une objection.
12 Oui.
13 Mme CARTER : [interprétation] Je vais essayer de faire en sorte que mes
14 questions ne soient pas directrices. Je vais me reprendre.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, il va falloir que vous
16 reformuliez la question que vous venez de poser en tout cas.
17 Mme CARTER : [interprétation]
18 Q. Monsieur, pensez-vous que la Chambre ait besoin de savoir quoi que ce
19 soit d'autre à propos de ce qui s'est passé dans votre village en 1998 ?
20 R. Mon village n'a pas été incendié en 1998. Il l'a été en revanche en
21 1999.
22 Q. Passons à l'année 1999 quand les bombardements de l'OTAN ont commencé,
23 dans ces environs. En mars 1999, quel événement tout à fait extraordinaire
24 est intervenu ?
25 R. Ils ont commencé à incendier les maisons. Ils ont commencé le 25 mars
26 1999 et ils ont pilonné le village aussi. Le 26, je suis monté dans les
27 hauteurs vers Lecina. Avec ma femme, nous sommes restés au sous-sol quatre
28 ou cinq heures.
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1 Q. Oui, mais avant de passer au 26, passons au 25. Vous nous dites qu'il y
2 a des pilonnages qui ont commencé le 25. Mais qui pilonnait le village à
3 l'époque ?
4 R. Qui d'autre, c'était évidemment la police serbe et l'armée serbe.
5 Q. Pourquoi pensez-vous que c'était l'armée et la police serbe qui se
6 livraient à ce pilonnage ?
7 R. Parce qu'ils faisaient tout ce qu'ils voulaient pour nettoyer
8 ethniquement le pays.
9 Q. Le 25 mars, est-ce que vous saviez d'où venaient les pilonnages ? Est-
10 ce que vous êtes rendu compte ?
11 R. Cela venait de Padalishte et de Lecina, à peu près à un kilomètre pas
12 plus. C'est pour cela que nous avons quitté la maison. Et là où nous nous
13 sommes réfugiés, on a très bien vu le village être incendié et pilonné.
14 Q. Quand vous nous dites "le village," faites-vous référence à Lecina ou à
15 un autre village ?
16 R. Nous, on était dans notre quartier. Le village s'appelle Lecina. Mais
17 nous, nous étions à l'orée de ce village.
18 Q. Pourriez-vous nous dire quels villages ou quels lieux-dits ont été
19 pilonnés le 25 mars ?
20 R. Padalishte et certains quartiers de Lecina, la moitié de Lecina.
21 L'autre moitié, elle, a été pilonnée le lendemain, le 26.
22 Q. Lors de ce pilonnage, le pilonnage visait-il uniquement le village ou
23 le pilonnage était-il dirigé vers une zone plus étendue ?
24 R. Ils ont pilonné partout. D'abord, ils ont pilonné Lecina, ensuite, ils
25 l'ont incendié. Tout cela se faisait dans un rayon de
26 dix kilomètres.
27 Q. Vous nous avez dit le 26 mars, votre femme et vous, vous vous êtes
28 rendus dans un autre endroit. Où cela exactement ?
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1 R. Au village d'Izbica.
2 Q. Que se passait-il à Izbica à l'époque, si tant est qu'il s'y passait
3 quelque chose ?
4 R. Il ne se passait rien en ce jour-là. Mais le 28 mars, en revanche là,
5 il s'est passé quelque chose.
6 Q. Pourquoi vous êtes-vous réfugiés à Izbica ? Pourquoi pensiez-vous que
7 vous serez en sécurité à Izbica ?
8 R. Je suis allé à Izbica parce que j'avais l'impression qu'on y serait en
9 sécurité. Il y avait une forêt tout près et on pouvait facilement se
10 réfugier dans la forêt, alors que chez moi, il n'y avait rien pour
11 s'abriter, il n'y avait pas d'endroit où s'abriter.
12 Q. Combien de temps avez-vous été en sécurité à Izbica ?
13 R. Combien de temps je suis resté à Izibca ?
14 Q. Oui.
15 R. Le 26, on est allé à Izbica. On y est restés le 27. Le 28, il y a le
16 massacre, et ensuite, j'y suis resté pendant tous les combats. Puis, mes
17 fils sont partis, certains se sont rendus en Albanie.
18 Q. Vous nous dites que le 27 vous étiez encore dans le village. Vous étiez
19 dans le village en tant que tel ou étiez-vous aux alentours du village ?
20 R. On était dans le village.
21 Q. Vous logiez dans une maison ou vous étiez dehors ?
22 R. D'autres personnes sont restées dans leurs maisons, mais nous, on était
23 à l'extérieur, dans les montagnes et dans la forêt.
24 Q. Dans les montagnes et dans la forêt. Pourriez-vous nous dire à peu près
25 combien de personnes avaient trouvé refuge, là avec vous ?
26 R. On était deux ou trois. On n'osait pas être en groupes très importants,
27 parce que quand il y a du pilonnage, on préfère ne pas être en groupes
28 parce que c'est plus dangereux.
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1 Q. Vous êtes restés en petits groupes ou est-ce qu'à un moment vous vous
2 êtes rassemblés pour former un groupe plus important ?
3 R. Non, il n'y avait pas de grands groupes. On avait beaucoup trop peur de
4 se rassembler et de former un grand groupe.
5 Q. Juste avant le massacre, où étiez-vous avec votre famille ? Où vous
6 trouviez-vous exactement, vous et votre famille ?
7 R. J'étais à Izbica avec ma famille. On y était à partir du 26.
8 Q. Quand il y avait un engagement avec les forces serbes, où vous
9 trouviez-vous exactement ?
10 R. J'étais à Izbica, dans le village d'Izbica. J'y étais quand les forces
11 serbes sont rentrées dans le village.
12 Q. Vous étiez dans un bâtiment quelconque ou vous étiez à l'air libre ?
13 R. Quand les forces serbes sont rentrées, nous étions dans un pré avec
14 d'autres personnes. Puis, on s'est rendus. On a agité des drapeaux blancs,
15 quatre drapeaux blancs.
16 Q. Pourquoi êtes-vous allés dans ce près, dans ce champ ?
17 R. On s'est rassemblés là tous ensemble, parce qu'on pensait qu'ils ne
18 nous tueraient pas là.
19 Q. Quand vous dites "on, nous", vous pensiez à qui exactement ?
20 R. Il y avait beaucoup de familles de la municipalité de Klina. Au moins
21 20 000 personnes qui étaient tous là. Les fils sont partis dans la
22 montagne, mais j'étais là avec les autres membres de ma famille.
23 Q. Après que les fils soient partis dans la montagne, qui est resté dans
24 ce champ ?
25 R. Il est resté beaucoup de personnes, beaucoup de ceux qui se sont fait
26 massacrer.
27 Q. Dans ce champ, il y avait des hommes, des femmes, des enfants ? Pouvez-
28 vous nous décrire un petit peu qui se trouvait dans ce champ ?
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1 R. Oui. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants. On pensait à quoi
2 d'autre ?
3 Q. Pouvez-vous nous dire la différence entre les hommes qui sont partis se
4 réfugier dans la montagne et ceux qui sont restés dans le champ ?
5 R. Ce sont les vieux qui sont restés dans le champ. Ils pensaient qu'ils
6 ne se feraient pas tuer. S'ils avaient su qu'ils allaient se faire
7 massacrer, eux aussi seraient partis dans la montagne. La montagne était
8 tout près. Ils se seraient réfugiés là-bas.
9 Q. Combien de temps êtes-vous restés dans ce champ avant l'arrivée des
10 forces serbes ?
11 R. Du 27 au 28, jusqu'à 10 ou 11 heures à peu près. Je ne me rappelle pas
12 exactement de l'heure, mais c'est jusqu'à l'arrivée des forces serbes.
13 Q. Dans ce champ, pouvez-vous nous dire exactement quelles étaient les
14 conditions de vie ?
15 R. C'était épouvantable. Il pleuvait, il y avait de la boue. Je ne peux
16 pas vraiment vous décrire. C'était épouvantable et c'était des pires
17 conditions qui puissent exister.
18 Q. Vous aviez un abri quelconque ou alors vous étiez vraiment directement
19 sous la pluie ?
20 R. On était sous la pluie tout le temps, seulement pas abrités.
21 Q. Pourriez-vous nous décrire l'arrivée des forces serbes quand vous les
22 avez vues pour la première fois ?
23 R. Vous voulez que je vous décrire quoi exactement ?
24 Q. Quand vous avez vu arriver les forces serbes et que vous étiez tous
25 dans ce champ. Pourriez-vous nous décrire un tout petit peu ce qui s'est
26 passé ?
27 R. Quand les forces serbes sont arrivées dans le pré, ils sont arrivés de
28 tous les côtés. Ils nous ont demandé de l'argent. Toutes les personnes qui
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1 avaient de l'argent sur eux, bien sûr, leur ont donné de l'argent. Ils
2 m'ont demandé aussi de l'argent, mais je n'avais rien à leur donner. Alors,
3 ils m'ont tapé dessus. Ils ont commencé à séparer les hommes des femmes.
4 Q. Maintenant, j'aimerais, s'il vous plaît, que nous arrêtions ici pour
5 savoir exactement qui étaient ces forces serbes. Pourriez-vous nous décrire
6 les personnes qui vous ont encerclés dans ce pré ?
7 R. C'étaient des forces de la police et de l'armée. On n'osait même pas
8 les regarder dans les yeux pour les dévisager. Ils étaient très agressifs.
9 Q. Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que c'étaient des membres
10 de la police et de l'armée ?
11 R. A cause de leurs vêtements et de leur tenue.
12 Q. Pouvez-vous nous dire quel type de tenue ils arboraient ?
13 R. Ils étaient en camouflage.
14 Q. De quelle couleur était leur camouflage ?
15 R. C'était comme de l'herbe, vert comme l'herbe. Je suis sûr qu'ils savent
16 qui leur a donné ces vêtements.
17 Q. Ces personnes qui vous ont encerclés, étaient-ils tous en vert ou n'y
18 avait-il qu'une partie d'entre eux qui était en tenue verte ?
19 R. Je voyais que ceux qui étaient près de nous. Comme je l'ai dit, on
20 avait très, très peur de les dévisager.
21 Q. Quand vous étiez plus jeune, vous avez fait votre service national
22 obligatoire, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Peut-on dire que vous connaissez ou que vous pouvez reconnaître les
25 uniformes suite à votre service national ?
26 R. J'ai fait mon service national dans les années 1960. C'était quand même
27 il y a longtemps. Les uniformes ont changé. Quand j'étais jeune, les
28 uniformes étaient différents. Les choses ont vraiment changé.
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1 Q. Après avoir été encerclés par les soldats serbes dans ce pré, pourriez-
2 vous nous dire à peu près quelle était la superficie de ce champ ?
3 R. A peu près deux à trois hectares.
4 Q. Quand ces hommes en uniforme vert s'approchaient, étaient-ils vraiment
5 épaule contre épaule ou est-ce qu'ils étaient bien séparés les uns les
6 autres ? Est-ce qu'ils formaient une haie compacte ou est-ce qu'ils étaient
7 plutôt séparés ?
8 R. Ils sont venus comme ils voulaient. Ils n'avaient absolument pas peur
9 de nous.
10 Q. Monsieur, ce que j'essaie de comprendre, c'est combien de soldats vous
11 ont encerclés dans ce pré ?
12 R. Je ne peux vous dire. Ils étaient beaucoup. C'est tout ce que je puis
13 vous dire, un grand nombre d'entre eux.
14 Q. Très bien. Ils étaient plus de dix ?
15 R. Dix, vous vous moquer de moi ? Ils étaient 200 ou 300, voire plus.
16 Q. Après vous avoir encerclés, vous avez dit qu'ils commençaient à vous
17 rançonner. Ils rançonnaient tout le monde ou uniquement les femmes, les
18 hommes ?
19 R. Je les ai vus surtout demander de l'argent aux hommes, mais je ne
20 voyais pas tout. Comme je vous l'ai dit, on était en très, très grand
21 nombre dans ce pré.
22 Q. Quand ils ont commencé à rançonner les hommes, étiez-vous encore avec
23 les femmes à ce moment-là ou aviez-vous déjà été séparés en deux groupes ?
24 R. Ils nous avaient déjà séparés lorsqu'ils nous ont demandé de l'argent.
25 Ils nous avaient, de toute façon, rançonné même avant de commencer à nous
26 séparer. Ils avaient menacé d'incendier nos maisons et de prendre nos
27 tracteurs si nous ne leur donnions pas de l'argent.
28 Q. Qu'ont-ils fait après vous avoir demandé de l'argent ?
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1 R. Après cela, ils ont séparé les hommes des femmes. Ils ont dit aux
2 hommes de s'asseoir du côté droit, et ils ont demandé au reste d'aller vers
3 Turiqevc. Ils nous ont demandé de l'argent encore, ils nous ont insultés,
4 ils ont commencé à jeter nos couvre-chefs sur nous, puis ils ont envoyé un
5 groupe vers l'ouest. Ils nous ont envoyés nous, notre groupe vers l'est.
6 Q. Monsieur, j'aimerais vous poser une question. Lorsque vous faites
7 référence à ces deux groupes dont l'un a été envoyé vers l'ouest et vers la
8 droite, est-ce que vous faites référence seulement aux hommes ou est-ce que
9 vous faites référence aux hommes et aux femmes qui se trouvaient dans ces
10 deux groupes ?
11 R. Non. Ils ont dit aux femmes de se rendre, d'aller vers Turiqevc, alors
12 qu'un des groupes d'hommes a été envoyé vers l'ouest. Je me trouvais dans
13 le groupe qui a été envoyé en direction de l'est.
14 Q. Lorsque les femmes sont allées à Turiqevc, est-ce qu'il y avait des
15 hommes avec elles ou est-ce que tous les hommes avaient été ôtés de leur
16 groupe pour être placés dans l'un des groupes qui se rendait soit vers
17 l'ouest, soit vers l'est ?
18 R. Je n'ai pas vu d'hommes dans ce groupe d'hommes ce jour-là. Je n'en ai
19 pas vu.
20 Q. Lorsque les hommes ont été séparés des femmes, combien d'hommes se
21 trouvaient là ?
22 R. Je ne les ai pas comptés. Je n'osais pas regarder autour de moi. Mais
23 il y avait beaucoup d'hommes, peut-être 200, environ.
24 Q. Lorsque vous avez été séparés en deux groupes, combien d'hommes portant
25 l'uniforme se trouvaient avec chacun de ces groupes ?
26 R. Lorsque nous avons été emmenés vers l'est, on nous a dit d'aller vers
27 les hauteurs, vers les montagnes. Donc, nous avons été alignés. Ils nous
28 ont dit de marcher deux par deux, ils nous ont insultés, ils nous ont tirés
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1 dessus. Il y en a certains qui sont tombés par terre. Je suis tombé, Hajriz
2 Draga est tombé sur moi. Il a appelé au secours. Je n'avais pas d'eau, je
3 ne pouvais pas l'aider. Je suis resté là, par terre pendant un certain
4 temps, puis je me suis relevé et je me suis dirigé vers la montagne. Je
5 n'ai pas osé sortir de la forêt qui recouvrait la montagne.
6 Q. Lorsque vous dites qu'on vous a demandé de marcher deux par deux
7 jusqu'au lieu du massacre, est-ce que vous marchiez tout seul ou est-ce que
8 vous étiez escortés ?
9 R. Non, ils nous accompagnaient. C'est là où s'est déroulé ce massacre.
10 Les gens marchaient quand ils nous ont tirés dessus.
11 Q. Vous dites "qu'ils vous ont accompagnés." Est-ce qu'il s'agissait des
12 mêmes hommes qui portaient cette tenue de camouflage verte ou est-ce qu'il
13 s'agissait d'hommes différents ou est-ce que c'était une combinaison de ces
14 deux groupes d'hommes ?
15 R. Je suis venu ici pour dire la vérité. Lorsqu'ils nous ont escortés, je
16 n'ai pas osé les regarder, je n'ai pas osé regarder le type de vêtements
17 qu'ils portaient. En plus, ils ont commencé à nous tirer dessus.
18 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'apparence physique des hommes qui
19 vous ont scindés en deux groupes ?
20 R. Lorsque nous avons été divisés en deux groupes, ils avaient des tenues
21 de camouflage. Il y en avait un qui portait un uniforme noir.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'autres uniformes ?
23 R. Non, je ne m'en souviens. Je ne me souviens pas s'il y en avait
24 d'autres là où je me trouvais.
25 Q. Vous avez également indiqué que lorsque vous aviez été alignés, ils
26 vous jetaient vos couvre-chefs. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que
27 cela signifie en fait, quelle est l'insulte qui sous-tend ce geste ?
28 R. Bien, vous savez c'est une insulte. Ils jouaient avec nos chapeaux, nos
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1 couvre-chefs. Ils nous rouaient de coups. Alors pourquoi est-ce qu'ils ont
2 joué également avec nos chapeaux ?
3 Q. Monsieur, quelle est votre appartenance ethnique ?
4 R. Je suis Albanais et Musulman.
5 Q. Monsieur, les Serbes qui résidaient dans cette région, est-ce qu'ils
6 portaient eux aussi un couvre-chef ou est-ce que c'est quelque chose qui
7 est du ressort de votre groupe seulement ?
8 R. Ces couvre-chefs sont portés seulement par les Albanais. Mon père avait
9 l'habitude d'en porter un, mon grand-père en portait un. Mes fils ne
10 portent plus ce couvre-chef, mais les Serbes ne portent pas ce genre de
11 chapeaux que nous appelons "plis".
12 Q. Lorsqu'ils vous ont roués de coups, est-ce qu'ils vous disaient quelque
13 chose également ?
14 R. Oui, oui. Ils proféraient des insultes à notre égard, à l'égard de
15 Thaqi, de Rugova. Ils proféraient toutes sortes d'insultes.
16 Q. Puis vous avez indiqué qu'ils ont commencé à vous faire marcher vers un
17 endroit. Est-ce que vous pourriez décrire à la Chambre de première instance
18 comment s'est passé cela avant que le massacre n'ait lieu; comment s'est
19 déroulée cette marche.
20 R. Nous étions dans le pré. Nous avons été séparés les hommes des femmes.
21 On nous a demandé de nous aligner. Ils nous ont posé des questions. Ils
22 nous ont insultés. Comme je vous l'ai déjà dit, ils ont commencé à jouer
23 avec nos chapeaux. Ils se sont approchés de moi, puis ils nous ont dit de
24 nous diriger vers l'est. Il y a un autre groupe qui est allé vers l'ouest.
25 Milazim s'y trouvait dans ce groupe. Puis on nous a dit de nous diriger
26 vers le flanc de la montagne. Ils nous insultaient en proférant des
27 insultes telles que : Nique ta mère. Ils nous ont dit : Retournez-vous,
28 retournez-vous. Lorsque nous nous retournions, ils nous ont tiré dessus.
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1 Cela je ne l'oublierai jamais. C'est seulement le jour de ma mort que cela
2 sera à jamais effacé de ma mémoire. J'ai vécu ceci.
3 Q. Lorsqu'ils vous ont tiré dessus, combien d'hommes sont morts de ce fait
4 dans votre groupe ?
5 R. Je ne sais pas combien d'hommes ont été tués, parce qu'entre le 28 et
6 le 31 mars, nous n'avons pas osé revenir à cet endroit. Mais lorsque nous
7 les avons enterrés, nous avons comptés 147 corps.
8 Q. Vous nous avez dit que lorsque vous êtes tombé par terre, Hajriz Draga
9 est tombé sur vous. C'est cela, n'est-ce pas ?
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Pendant combien de temps avez-vous dû rester allongé par terre, dans un
12 pré jonché de corps, avec un de vos amis qui gisait sur vous ?
13 R. Environ une demi-heure au moins.
14 Q. Que s'est-il passé au cours de cette demi-heure pour que vous n'osiez
15 pas quitter le lieu où avait eu lieu ce massacre, que se passait-il autour
16 de vous ?
17 R. Lorsqu'ils nous ont exécutés, ils sont allés dans le pré. Mais nous,
18 nous ne savions pas qu'ils s'étaient rendus dans le pré.
19 Q. Et --
20 R. Parce que j'avais peur de regarder autour de moi, j'avais peur de
21 regarder où ils se trouvaient parce que j'avais peur qu'ils me tirent à
22 nouveau dessus. J'avais peur qu'ils me tuent.
23 Q. Après cette demi-heure, vous nous avez dit que vous avez pu quitter le
24 lieu du massacre. Où êtes-vous allé ?
25 R. Je me suis éloigné de 50 mètres en direction de la montagne et j'y suis
26 resté. J'avais peur de revenir et de regarder les corps. Je n'ai pas osé
27 aller regarder Hajriz, voir comment il allait, ce qu'il était advenu parce
28 que l'armée et la police étaient tout près.
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1 Q. Lorsque vous avez rampé jusqu'au bois, est-ce qu'il y avait d'autres
2 survivants parmi le groupe d'hommes où vous vous trouviez ?
3 R. Oui. Il y avait Musli Hajra de Klina. Il a pris ma main et il m'a
4 traîné vers la montagne. Nous sommes restés là et il a été tué un mois plus
5 tard. C'est lui qui m'a dit : Il faut que tu rampes. Viens ici, viens ici
6 parce que tout est en feu.
7 Q. Est-ce que vous avez vu les incendies dont il parlait ?
8 R. Depuis la montagne, nous ne pouvions voir que la fumée, rien d'autre,
9 ainsi que les gens.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Draga, rappelez-moi le nom de
11 la personne qui est tombée sur vous ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Hajriz Draga. Il venait de mon quartier,
13 c'était un cousin également.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il a été tué ou est-ce qu'il
15 a survécu ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était vivant au début et il est mort par la
17 suite.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le même jour donc ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le même jour.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A-t-il pu quitter l'endroit où il est
21 tombé par terre ou est-ce qu'il est mort sur place ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il est mort sur place. Il est mort à
23 l'endroit où il a été exécuté.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 Madame Carter.
26 Mme CARTER : [interprétation] Je pense comprendre ce que vous vouliez
27 savoir --
28 Q. Je dirais que vous avez indiqué que Hajriz dont le nom s'épelle H-a-j-
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1 r-i-z est l'homme qui est tombé sur vous; est-ce que cela est exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Lorsque vous êtes allé dans les bois, est-ce que vous avez trouvé
4 d'autres survivants du massacre dans ces bois ?
5 R. Hajzer Draga, lui, il a survécu également.
6 Q. Et Hajzer, cela s'épelle H-a-j-z-e-r, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. Hajzer Draga.
8 Q. Et l'homme de Lucine [comme interprété], ce n'est pas la même personne
9 que l'homme qui est tombé sur vous pendant le massacre, n'est-ce pas ?
10 R. Hajzer et Hajriz sont cousins, donc ils sont cousins d'un côté de leur
11 famille, mais ils sont également mes cousins. Nous avions tous des liens de
12 parenté.
13 Q. Qui d'autre avez-vous rencontré là ? Vous avez dit qu'il y avait Musli
14 Hajra et Hajzer Draga. Est-ce que vous vous souvenez d'autres personnes qui
15 auraient survécu et que vous auriez retrouvées dans les bois ?
16 R. Je n'ai vu personne d'autre. Je suis resté pendant trois ou quatre
17 jours avec Hajzer et avec Musliu Hajra et nous sommes restés dans les
18 montagnes.
19 Q. Quelles étaient les conditions qui prévalaient, les conditions de
20 survie pour vous dans ces montagnes ?
21 R. Vous pouvez imaginer. Nous n'avions rien à manger, rien à boire dans la
22 montagne. Il n'y avait rien pour nous.
23 Q. Vous avez également dit, Monsieur, que vous avez pu voir des spirales
24 de fumée qui s'élevaient, et vous pensiez qu'il s'agissait d'incendie dans
25 un village. Quel était le village à partir duquel vous avez vu s'échapper
26 cette fumée ?
27 R. La fumée venait du village d'Izbica, là où s'est passé le massacre. Je
28 pense également que les tracteurs brûlaient.
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1 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez nous décrire la configuration du
2 terrain dans cette région ? Sur quel type de hauteur vous trouviez-vous
3 pour pouvoir justement voir tout cela ?
4 R. Pendant que nous étions dans le pré, c'était un terrain plat. Puis
5 lorsque nous sommes montés vers le lieu de l'exécution, cela se trouvait à
6 une hauteur de 20 mètres par rapport au pré. On pouvait voir les maisons et
7 tout, en fait.
8 Q. Vous nous avez dit que vous avez dû rester dans cette montagne pendant
9 trois ou quatre jours. A quel moment sont parties les forces serbes ?
10 R. Les forces serbes sont parties et sont allées à Broj et à Vojnik. Elles
11 sont parties le 31 mars. Le 31, dans la soirée du 31 en fait, elles étaient
12 parties, et de ce fait, comme elles étaient parties, nous sommes allés
13 enterrer les victimes dans le pré.
14 Q. Lorsque le moment est venu d'enterrer les morts, est-ce qu'il y avait
15 d'autres personnes hormis les victimes du massacre qui ont dû être
16 enterrées ce jour-là ?
17 R. Nous avons enterré les personnes qui étaient mortes. D'ailleurs, ils
18 ont tué un homme qui avait 105 ans.
19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûre du nom. Les interprètes pensent
20 qu'il s'agit de Zade Draga.
21 Mme CARTER : [interprétation]
22 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner le nom de l'homme qui était âgé de
23 105 ans ?
24 R. Zade Dragaj. C'était une femme. C'était la mère de Hajzer.
25 Q. Est-ce qu'il y a d'autres femmes qui ont été tuées pendant ce
26 massacre ?
27 R. Oui. Il y avait d'autres femmes qui ont été tuées en route. Nous en
28 avons trouvé d'ailleurs à Jashanica. Il y avait une femme qui s'appelait
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1 Ashe Dragaj, et il y avait des femmes qui venaient d'autres endroits.
2 Q. Est-ce que vous connaissez une femme qui répond au nom de Zoje Osmana ?
3 R. Oui, parce que mon cousin a épousé sa fille.
4 Q. Savez-vous quel fut son sort ?
5 R. Elle a été paralysée et elle a été brûlée sur le tracteur.
6 Q. Où a-t-elle été brûlée sur le tracteur ?
7 R. Dans le pré d'Izbica, où nous étions.
8 Q. Est-ce que cela s'est passé pendant ou dans le cadre du massacre auquel
9 vous avez survécu ?
10 R. Oui, le même jour du massacre, les maisons et les tracteurs ont été
11 brûlés ce même jour.
12 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre est mort avec Mme Osmana ce jour-là ?
13 R. Il y avait d'autres personnes paralysées, Shaban Muslia, Zeqir Salihi
14 et une femme originaire de Vojnik. Ces quatre personnes se trouvaient sur
15 le tracteur.
16 Q. Est-ce que ces personnes ont connu le même sort que Mme Osmana ?
17 R. Oui, le même sort.
18 Q. D'après ce que vous avez dit, je crois comprendre que vous avez été
19 l'une des personnes qui avez dû enterrer les morts ?
20 R. Oui, j'ai participé aux obsèques ainsi que mes fils. Ils ont placé les
21 corps sur le tracteur. Toute personne qui pouvait aider le faisait.
22 Q. Combien de personnes ont été enterrées ce jour-là ?
23 R. Comment pourrais-je le savoir, mais je pense que ce jour-là il y en a
24 eu 147.
25 Q. Lorsque les corps ont été enterrés, est-ce qu'il y a eu des repères ou
26 des inscriptions qui ont été apposées sur le lieu de la sépulture ?
27 R. Ils ont mis des planches sur les tombeaux avec des numéros 1, 2, 3, et
28 cetera, et ils ont enterré sans cercueils, dans leurs vêtements tout
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1 simplement.
2 Q. Monsieur, est-ce qu'il y avait d'autres membres de l'UCK présents
3 au moment de l'enterrement ?
4 R. Oui, il y en avait. Ils ont participé aux funérailles.
5 Q. Comment se fait-il que l'UCK soit venu à participer à ces
6 enterrements ?
7 R. Je ne sais pas comment se fait-il qu'ils se trouvaient là. Il y avait
8 tant de gens. Ces personnes, il fallait les enterrer parce que les corps
9 commençaient à se décomposer. Les gens ne pouvaient plus reconnaître les
10 membres de leurs familles, leurs cousins, même leur père, ils ne pouvaient
11 pas le reconnaître. Ce n'était que par les vêtements qu'on pouvait les
12 reconnaître.
13 Q. Qu'avez-vous fait après cet enterrement ?
14 R. Après que nous les ayons enterrés, nous nous sommes dirigés vers la
15 montagne. Le 10 mai, trois personnes ont été tuées à Izbica, le 11, 14
16 personnes ont été tuées à nouveau.
17 Q. Comment savez-vous que ces personnes ont été tuées le 10 et le 11 ?
18 R. Je le sais, parce que j'étais dans la montagne et j'ai participé à
19 leurs enterrements. Je sais que le 11, mon épouse, ma fille et ma belle-
20 fille se sont entendu dire qu'il fallait qu'elles aillent en Albanie. C'est
21 le jour du massacre.
22 Q. Qui leur a dit d'aller en Albanie ?
23 R. La police serbe et l'armée, ceux qui ont exécuté le massacre. Ce sont
24 eux qui leur ont dit d'aller en Albanie.
25 Q. Monsieur, pendant combien de temps avez-vous dû survivre dans la forêt
26 de la montagne dans cette région ?
27 R. J'y suis resté jusqu'au jour de l'exhumation des corps. Avant
28 l'exhumation des corps, il y avait beaucoup de pilonnages, et je me suis
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1 rendu à Izbica à nouveau.
2 Q. Pour que nous comprenions de quelle période il s'agit, quel jour a eu
3 lieu ou quand est-ce qu'a eu lieu l'exhumation des corps ?
4 R. Ils ont commencé à les exhumer le 28 mai. Je ne sais pas combien de
5 temps cela a duré, mais cela a duré quatre ou cinq jours. Aucun des corps
6 n'est resté là.
7 M. IVETIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, ces documents
8 ne nous ont pas été communiqués avec le résumé 65 ter. Je suppose que ceci
9 relève des termes de la décision prise hier. Je voulais simplement que
10 cette objection soit consignée au compte rendu d'audience. Je suppose que
11 nous allons procéder comme hier avec le témoin.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, vous avez raison, Maître Ivetic.
14 Le problème, c'est que je n'ai pas sous les yeux le résumé 65 ter, donc je
15 ne peux pas juger moi-même de ce qu'il y a dedans ou non. Compte tenu de ce
16 qui s'est passé hier et compte tenu de ce que nous avons recommandé à la
17 Défense de faire s'il y avait des problèmes qui se posaient compte tenu du
18 fait que cette information est communiquée à ce stade, nous allons procéder
19 de la même façon puisqu'il s'agit du même cas de figure. C'est, en fait, un
20 élargissement des éléments fournis par ce témoin dans le cas de cette
21 déposition. Toutefois, il faut que cela soit clair, que l'Accusation, puis
22 le tour viendra à la Défense également, devront présenter les domaines
23 qu'ils ont explorés dans leur résumé 65 ter. Nous nous attendons à ce que
24 l'on ne sorte pas de ce cadre-là. A l'avenir, il faudra s'y conformer.
25 Je vous prie, allez-y, posez vos questions. Nous allons vous donner
26 la possibilité de le faire.
27 Mme CARTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Monsieur vous nous avez dit que le 28 mai à peu près, il y a eu
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1 exhumation des corps d'Izbica. Est-ce que vous avez vu ces exhumations ?
2 R. Non, nous n'avons pas vu cela, car ils ont tout d'abord pilonné le
3 secteur, et par la suite, ils ont exhumé les corps. Nous savions à partir
4 du jour où ils se sont mis à pilonner l'endroit ce qui allait advenir. Ils
5 ont exhumé les corps pendant la journée, puis ils n'ont pas travaillé de
6 nuit. A partir du moment ils avaient enlevé tous les corps, ce que j'ai vu
7 de mes propres yeux, c'est que pas un seul n'est resté sur place.
8 Q. Vous avez dit : "Ils ont pilonné et ils ont exhumé." Qui sont les
9 "ils", s'il vous plaît ?
10 R. Ce sont la police et l'armée serbe. Ce sont eux qui leur ont tiré
11 dessus, qui les ont abattus. Ce n'était pas les Albanais qui ont procédé à
12 l'exhumation.
13 Q. Monsieur, avant que votre famille ne retourne à la maison en juin, est-
14 ce que vous êtes resté dans les montagnes pendant toute cette période ?
15 R. Oui, jusqu'à ce que les forces de l'OTAN n'arrivent.
16 Q. Est-ce que vous avez pu rentrer chez vous à un moment donné, chez vous
17 à Lecina ?
18 R. Je n'ai même pas essayé de le faire. Pourquoi aurais-je essayé ? Tout a
19 été rasé.
20 Q. Vous dites : "Cela a été rasé." Est-ce que cela veut dire que vous avez
21 été en mesure de voir à un moment donné ce qui était advenu de votre
22 maison ?
23 R. Tout a été brûlé.
24 Q. Vous parlez seulement de votre maison ou des autres également ?
25 R. Je ne l'ai vu qu'une fois lorsque cela a été brûlé. Par la suite, je ne
26 suis plus retourné là-bas. Aucune maison n'est restée intacte à Lecina. Par
27 trois fois, ils sont rentrés dans le village et ils ont mis le feu.
28 Q. Vous avez également dit qu'il vous est arrivé de vous rendre à Izbica.
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1 Est-ce qu'à Izbica il s'est passé la même chose aux maisons ?
2 R. Seules quelques maisons n'ont pas été incendiées, mais la majorité ont
3 été brûlées.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter, d'après ce que je lis
5 ici, on dit que c'est après le départ du témoin de
6 Lecina, le 26 mars. Est-ce cela la date ?
7 Mme CARTER : [interprétation] A peu près.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'est plus revenu là-bas. C'est
9 ainsi que vous l'interprétez ?
10 Mme CARTER : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, si vous l'interprétez
12 autrement, il faudra demander une précision.
13 Mme CARTER : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur, vous n'avez pas pu retourner chez vous, mais est-ce que vous
15 avez eu la possibilité de vous rendre à Lecina pour voir l'endroit où avait
16 été auparavant votre maison ?
17 R. Je suis allé une fois voir la maison qui a été incendiée. C'était après
18 le massacre. A partir de ce moment-là, je n'avais plus aucune raison d'y
19 aller.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
21 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
22 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
23 questions pour ce témoin.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Madame Carter.
25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons procéder dans l'ordre suivant
26 : le général Lukic, le général Pavkovic, le général Lazarevic, le général
27 Ojdanic, M. Sainovic et M. Milutinovic.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Monsieur Ivetic.
2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur, je suis Dan Ivetic avec Branko
5 Lukic, Ozren Ogrizovic. Je représente le général Lukic dans la présente
6 affaire. Je vais vous poser quelques questions.
7 Monsieur, est-ce que vous comprenez, est-ce que vous parlez la langue
8 serbe ?
9 R. Non, je ne comprends pas cette langue.
10 Q. D'accord. Cette région ou cette vallée où se situe votre village, est-
11 ce que cette région porte un nom ?
12 R. Le village s'appelle Lecina.
13 Q. Donc, il y a le village de Lecina. Est-ce qu'il se situe dans la vallée
14 de Drenica, la vallée qu'on appelle la vallée de Drenica ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans la vallée de Drenica, est-ce qu'on pourrait dire qu'en 1998 et
17 1999, les soi-disant forces de l'UCK étaient présentes et qu'elles
18 agissaient dans la vallée ?
19 R. Il y a eu quelques membres de l'UCK, mais je n'ai jamais eu l'occasion
20 de les voir.
21 Q. S'agissant de la vallée de la Drenica, est-il vrai qu'en 1998 et au
22 début de 1999, certaines parties de ce territoire se sont trouvées placées
23 sous le contrôle de l'UCK ?
24 R. Nous ne nous trouvons pas à l'intérieur de cette vallée mais plutôt en
25 bordure. Essayez de comprendre où on se situait exactement.
26 Q. Je comprends cela, Monsieur. Dans cette zone au sens large dans les
27 environs, là où était votre village, est-ce qu'on aurait raison de dire
28 qu'une bonne partie de cette zone a été placée sous le contrôle de l'UCK en
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1 1998 et au début de l'année 1999 ?
2 R. Non, non. Ce n'était pas sous le contrôle de l'UCK. L'UCK n'a rien
3 contrôlé.
4 Q. Très bien. Votre village, le village de Lecina, en 1998 et 1999,
5 certains jeunes hommes, certains jeunes villageois étaient membres de
6 l'UCK; est-ce exact ?
7 R. Je ne sais pas qui. Je sais qu'il y en a eu quelques-uns, mais je ne
8 sais pas lesquels.
9 Q. Ces quelques hommes pour lesquels vous dites qu'ils étaient membres de
10 l'UCK dans votre village, est-ce qu'ils avaient une base ? Est-ce qu'ils
11 avaient un poste de commandement dans le village ?
12 R. Je n'en sais rien. Cela ne m'a même pas intéressé. Je n'ai pas cherché
13 à le savoir. Je me suis occupé de mes propres affaires, de ma famille. J'ai
14 vaqué à mes propres occupations. Je ne suis pas allé chercher ce que
15 faisait l'UCK.
16 Q. Je comprends que cela ne vous a peut-être pas intéressé de savoir ce
17 que faisait l'UCK, mais est-ce que vous avez vu, su, grâce à d'autres
18 villageois, que la 145e Brigade du soi-disant UCK était, en fait, basée
19 dans votre village et dans les environs ?
20 R. Je ne savais pas. Je ne sais pas qu'il y ait eu quoi que ce soit dans
21 mon village.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Draga, cela ne vous a jamais
23 préoccupé, puisque vous veilliez à la sécurité de votre famille beaucoup,
24 cela ne vous a pas préoccupé que la présence de l'UCK dans votre village
25 constitue une menace, un risque pour votre famille ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils ne m'ont rien fait. Ils ne
27 constituaient aucun danger pour moi.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cependant, vous n'avez pas pensé que
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1 les forces serbes risquaient d'attaquer l'UCK dans votre village, et que
2 par voie de conséquence, les autres villageois se seraient trouvés exposés
3 au danger ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde savait que les forces serbes
5 risquaient d'attaquer. C'est ce qui s'est produit, parce que sur le plan de
6 l'armement, il y avait une disproportion entre eux.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Envisageons une hypothèse. Imaginons
8 que vous ayez jeté l'UCK hors du village. Dans ce cas-là, ils n'auraient
9 pas attaqué ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce jour-là, à Izbica, il n'y avait pas d'UCK
11 sur place. Il y avait des personnes âgées, comme je vous l'ai dit, ils ont
12 fait ce qu'ils ont fait. Ils ont commis ce massacre. Tout le monde le sait.
13 Dieu merci. Maintenant, on rend justice et le monde entier peut voir ce qui
14 s'est passé à l'époque.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends parfaitement ce que vous
16 dites au sujet de cet événement. Ce n'est pas ce que je vous demande
17 maintenant. Je vous pose ma question au sujet d'autre chose, à savoir, la
18 présence de l'UCK dans votre village. Véritablement, j'aimerais savoir
19 pourquoi vous ne vous intéressiez pas à leur présence, parce que si vous
20 vous y étiez intéressé, peut-être que vous auriez essayé de les mettre
21 ailleurs pour que votre famille soit plus en sécurité ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma famille ne pouvait pas être en sécurité.
23 Depuis 1997, quand ils ont dressé ces postes de contrôle, nous avons
24 toujours eu les mêmes problèmes. Ils ont battu mes fils aux postes de
25 contrôle. Donc, jamais nous ne nous sommes plus sentis en sécurité.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
27 Maître Ivetic.
28 M. IVETIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur, vous dites que les forces de Serbie sont arrivées dans votre
2 région. Est-il vrai de dire que ces forces y sont arrivées avant 1999
3 précisément pour s'occuper de la menace que constituait l'UCK dans cette
4 zone ?
5 R. Monsieur, je n'ai pas entendu votre question.
6 Q. Excusez-moi, je vais reprendre. Monsieur, vous avez déposé en parlant de
7 la période qui a précédé l'année 1999. Vous avez dit qu'en 1997 et 1998,
8 les forces de Serbie sont venues dans votre région, là où se trouve votre
9 village. Ce que je vous demande, c'est de savoir si la raison pour laquelle
10 les forces serbes sont arrivées dans la zone était afin de s'occuper de la
11 menace que constituait l'UCK présent sur place; est-ce que bien cela ?
12 R. Les forces serbes, elles ne sont pas venues dans mon village
13 auparavant. Elles ne sont pas venues en 1997; elles sont arrivées en 1998.
14 Je vous ai dit, à chaque fois qu'ils vous voyaient dans la rue, ils vous
15 rouaient de coups, ils vous insultaient sans que vous ayez fait quoi que ce
16 soit, aucun mal.
17 Q. Il me semble que je vous ai posé une autre question. Je vais vérifier
18 dans le compte rendu d'audience. Je vous ai posé ma question au sujet des
19 forces serbes arrivant dans votre région, pas précisément dans votre
20 village. Alors en 1998, est-il exact de dire que c'est en réponse à la
21 menace que constituait l'UCK qui agissait dans la région que ces forces
22 sont arrivées ?
23 R. Je ne pense pas que ce soit exact.
24 Q. Très bien. Monsieur, savez-vous que dans la région où se situait votre
25 village, dans la région de la Drenica que l'UCK avait à sa disposition des
26 mitrailleuses, des mortiers, des lance-roquettes, d'autres pièces faisant
27 partie de l'armement lourd ?
28 R. Je ne le sais pas.
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1 Q. Très bien. Mais dans votre village, Monsieur, est-ce qu'il y avait
2 beaucoup de foyers dans votre village où on avait des armes à feu, des
3 armes de manière générale ?
4 R. Je n'en ai pas vues car la police serbe a organisé une collecte des
5 armes avant. Ils m'ont emmené au poste et ils m'ont battu. Ils m'ont
6 demandé ce qui en était des armes, mais on n'en avait pas. On n'en avait
7 plus puisqu'ils avaient tout pris auparavant.
8 Q. Très bien. Vous avez parlé de la police serbe. Est-ce que vous pouvez
9 me décrire les uniformes et les insignes que portaient ces membres de la
10 police serbe que vous venez de mentionner ? Qu'est-ce qu'ils portaient à ce
11 moment-là ?
12 R. Ils avaient des uniformes de police. Je n'ai pas prêté attention à
13 cela. Ce qui était mon principal souci, c'était de les fuir. C'était la
14 seule chose qui m'intéressait, c'est de trouver la manière la plus facile
15 pour leur échapper.
16 Q. Monsieur, vous venez de dire "qu'ils portaient des uniformes de
17 police." Pourriez-vous nous préciser ce que cela signifie, ce terme-là ?
18 Comment étaient ces uniformes ?
19 R. La police portait des vêtements foncés. Quand ils sont venus me
20 chercher, quand ils sont venus me prendre chez moi, j'étais dans la cour.
21 Cela ne m'est même pas venu à l'esprit d'examiner leurs vêtements.
22 Q. Lorsque vous dites "des vêtements foncés," il s'agit de quelle
23 couleur ?
24 R. Je ne peux décrire des couleurs. Vous le savez mieux que moi. Je vous
25 dis, ils m'ont emmené au poste de police, ils m'ont battu et à la maison,
26 ma famille n'en savait rien. Je n'ai pas examiné leurs vêtements.
27 Q. C'est ce que nous avons déjà entendu, Monsieur. Comment est-ce que nous
28 pouvons savoir que c'étaient des policiers serbes, puisque vous n'avez pas
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1 regardé leurs vêtements ?
2 R. Je savais cela puisque nous savions qui étaient les policiers,
3 puisqu'ils portaient un uniforme.
4 Q. Monsieur, vous connaissez cet uniforme. Alors tout simplement,
5 pourriez-vous nous le décrire ? Comme cela, on peut continuer avec d'autres
6 questions.
7 R. Ce n'était pas complètement noir, ce n'était pas non plus complètement
8 vert, mais comme je vous ai dit, tous les jours ils changeaient d'uniforme.
9 Cela ne m'est même pas venu à l'esprit de regarder leur uniforme quand ils
10 m'ont emmené au poste de police.
11 Q. Monsieur, est-ce qu'ils avaient des emblèmes, des écussons, quelque
12 chose sur leurs uniformes ?
13 R. Je n'ai pas vu cela. Ils m'ont mis dans cette pièce au poste de police
14 et --
15 Q. Très bien. Nous allons passer à autre chose. Pour revenir aux activités
16 de l'UCK en 1998, 1999, parmi les membres de votre famille, parmi vos
17 proches, est-ce qu'il y avait quelqu'un qui était membre de l'UCK en
18 1998 ou en 1999 ?
19 R. Au sein de ma famille, personne n'était membre de l'UCK.
20 Q. Très bien. Shaban Draga ou Shaban Dragaj, est-ce quelqu'un que vous
21 connaissez, est-ce quelqu'un qui vient du même village que vous ?
22 R. Je le connais.
23 Q. Très bien. Et Sadik Xhemajli, n'avez-vous jamais entendu parler de
24 lui ?
25 R. Oui, lui aussi, je le connais.
26 Q. D'accord. N'est-il pas vrai que Sadik Xhemajli était le commandant
27 local de l'UCK, c'est lui qui a pris part à l'enterrement d'Izbica et nous
28 y viendrons plus tard ?
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1 R. Il est vrai qu'il a pris part à l'enterrement, mais quant à savoir si
2 c'était le commandant ou pas, cela je ne le sais pas.
3 Q. D'accord. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir donné une déclaration
4 au Procureur de ce Tribunal et ce, en novembre 1999, et à ce moment-là vous
5 auriez parlé de Sadik Xhemajli en disant qu'il était le commandant local de
6 l'UCK, qui plus est, que c'était lui qui a organisé les obsèques à Izbica ?
7 R. C'est vrai. J'ai dit qu'il a pris part à l'enterrement, mais je n'ai
8 pas dit qu'il était le commandant. Cela c'est une erreur. Si je l'avais su
9 je l'aurais dit. Je me souviens avoir dit la première fois qu'il a pris
10 part à l'enterrement.
11 Q. D'accord. Passons maintenant à l'autre homme que j'ai mentionné, à
12 savoir, Shaban Draga. Comment est-ce que vous en êtes venu à connaître cet
13 homme ?
14 R. Shaban Draga est un voisin, il est originaire du même quartier, mais
15 maintenant cela fait 40 ans qu'il vit à Mitrovica.
16 Q. Est-ce qu'il y a un autre individu qui s'appelle Shaban Draga plus
17 jeune qui, en 1999, aurait eu entre 22 et 27 ans ?
18 R. Il n'y a pas d'autre Shaban à Lecina, non avec le nom de famille Draga.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, le moment se prête-t-il
20 bien à faire une pause ?
21 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 31 ligne 7 du compte rendu
25 d'audience, on n'a pas la fin de la réponse. On lit à partir de ce moment-
26 là, ce que j'ai entendu le témoin dire c'était : "Ils m'ont battu."
27 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise précise : "Si j'avais su,
28 je vous l'aurais dit."
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que vous êtes en train de me
2 demander.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je ne suis pas en train de vous
4 poser une question. Je suis juste en train de me référer au compte rendu
5 d'audience.
6 Nous allons lever l'audience pour 20 minutes et nous reprendrons à 10
7 heures 50.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
9 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, vous pouvez
11 poursuivre.
12 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
13 Q. Monsieur Draga, quand nous nous sommes quittés, nous parlions d'un
14 Shaban Dragaj ou Draga. Cette personne, Shaban Dragaj, était aussi
15 impliquée dans l'organisation des enterrements à Izbica qui ont eu lieu le
16 31 mars 1999 ?
17 R. Je ne l'ai pas vu, je n'ai pas vu Shaban là-bas.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter.
19 Mme CARTER : [interprétation] J'aimerais que l'on précise quelque chose,
20 puisque nous parlons de cet homme, ce Shaban Draga, que notre témoin
21 connaît depuis plus de 40 ans ou parlons-nous aussi de l'autre Shaban Draga
22 qui serait plus jeune ?
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais étant donné que le témoin
24 nous a déjà dit qu'il ne connaissait que le Shaban Draga âgé, je pense
25 qu'il ne peux pas en parler d'un autre.
26 Monsieur Ivetic.
27 M. IVETIC : [interprétation] Cela pourrait aussi être le plus jeune. Je
28 vais voir, je vais préciser ce point. Je pense qu'à l'aide de la prochaine
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1 réponse aux deux questions suivantes, nous aurons notre réponse.
2 Q. Monsieur, connaissez-vous une personne appelée Abedin Dragaj de
3 Lecina ?
4 R. Je connais Abedin.
5 Q. Abedin, qui est né en 1976, est votre neveu; c'est bien cela ?
6 R. Oui, c'est le fils de mon frère. Si vous parlez bien du même que celui
7 que je connais.
8 Q. Je pense que oui. Maintenant, j'aimerais rafraîchir votre mémoire à
9 propos de Shaban Dragaj, voir si vous en connaissez d'autres. Sachez que
10 votre neveu, Abedin Dragaj a fait des déclarations sous serment devant le
11 bureau du Procureur de ce Tribunal le 24 avril 1999.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter, vous avez une
13 objection ?
14 Mme CARTER : [interprétation] Je ne vois pas comment on peut rafraîchir la
15 mémoire de quelqu'un à l'aide du compte rendu ou d'une déclaration d'une
16 autre personne, surtout si cette autre personne ne va pas être citée devant
17 cette Chambre. Je pense que ce n'est pas une façon appropriée de lui
18 rafraîchir la mémoire.
19 M. IVETIC : [interprétation] Je n'utilise pas ce document, mais je pense
20 que lors d'un contre-interrogatoire, on peut quand même rafraîchir la
21 mémoire à l'aide de tous faits qui nous sont connus. Cela va lui rafraîchir
22 la mémoire. Oui ou non, je n'en sais rien, mais en tous cas, je pense que
23 la réponse nous aidera à savoir ce qu'il en est.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
25 Madame Carter, on est en train de le confronter avec ce qui a été dit
26 par une autre personne, et cela peut être fait sans qu'il ait référence à
27 qui est cette personne, à l'identité de cette personne ou au moment où
28 cette personne l'a dit. Je pense qu'en plus, cela aide, à mon avis, si on
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1 peut ajouter que ces allégations étaient faites dans le cadre d'une
2 déclaration. Donc, je rejette votre objection.
3 Monsieur Ivetic, vous pouvez poursuivre.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Oui, pour aider notre témoin, je pense que je vais reprendre la
6 question dès le départ pour être sûr qu'il n'y ait pas de confusion.
7 Q. Monsieur, je voudrais vous aider à rafraîchir votre mémoire. J'aimerais
8 savoir si vous connaissez un autre Shaban Dragaj. Or, sachez qu'Abedin
9 Dragaj a fait une déclaration devant le bureau du Procureur, une
10 déclaration sous serment, le 24 avril 1999. Dans cette déclaration, il
11 identifie un Shaban Draga qui serait officier de l'UCK, et qui était
12 présent à Izbica, avec lui dans les bois, du 26 au 27 mars 1999. Est-ce que
13 cela rafraîchit votre mémoire ? Est-ce que cela vous aide à vous rappeler
14 qu'il y a un autre Shaban Dragaj que celui que vous connaissez et qui
15 habite à Mitrovica depuis
16 40 ans, et donc il existe cet autre Shaban Dragaj qui serait officier de
17 l'UCK ?
18 R. Je vous ai déjà dit qu'il n'y a pas d'autre Shaban Dragaj à Lecina. Je
19 ne crois pas qu'il y a un autre Shaban dans d'autres villages. Alors,
20 certainement pas un autre Shaban Dragaj.
21 Q. Très bien. Votre neveu Abedin, était-il à Izbica les 26 et 27 mars
22 1999, qui sont des jours où vous avez dit vous-même avoir été à Izbica ?
23 R. Abedin n'était pas avec moi. Il était dans la montagne quelque part. Je
24 ne sais pas où est-ce qu'il était, mais il n'était pas avec moi.
25 Q. Oui, mais il était dans les montagnes qui encerclent Izbica, dans la
26 forêt; c'est bien cela ?
27 R. Oui, quelque part dans les montagnes, Sepa, Tushile, Rakinica. En tout
28 cas, il n'était pas avec moi.
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1 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant de poser ma
2 prochaine question, on vient de me faire part d'un problème sur le compte
3 rendu suite avec ma dernière question. A la ligne 25 de la page 35, le
4 compte tendu en anglais est rédigé de la façon suivante : "Il était dans
5 les montagnes autour de "I see details," en anglais. Cela devrait être, en
6 fait, Izbica. C'est juste pour que ce soit corrigé, que je vous l'ai fait
7 remarquer. Je poursuis mes questions.
8 Q. Monsieur, le 26, le 27 et même le 28 mars 1999, il est quand même
9 certain qu'il y avait énormément de combattants de l'UCK dans les forêts et
10 dans les montagnes qui entourent Izbica ?
11 R. Non, ce n'est pas vrai, parce que je n'ai pas entendu de combat. Il y
12 avait certains soldats, certes, cela je ne le nie pas, mais il y en avait
13 qu'une poignée.
14 Q. Auparavant, vous avez dit qu'il n'y en avait aucun à Izbica.
15 Maintenant, tout d'un coup, vous nous dites qu'il y en avait une poignée.
16 Pouvez-vous nous expliquer ?
17 R. Ils n'étaient pas à Izbica même; ils étaient dans les montagnes. Comme
18 je vous l'ai dit, ce jour-là, à Izbica, là où j'étais, là où je me
19 trouvais, il n'y avait pas de combattants. Il n'y avait pas de fusils. Je
20 n'ai pas entendu de tirs, je n'ai rien entendu. Je dis cela en toute
21 connaissance de cause.
22 Q. A nouveau, j'essaie de rafraîchir votre mémoire à l'aide de cette
23 déclaration écrite de votre neveu. Je vais d'ailleurs en lire un passage.
24 Je cite : "J'ai décidé d'emmener ma famille à Izbica, parce que d'abord
25 Izbica était dans la vallée, donc était moins exposé aux canons des Serbes,
26 et aussi parce qu'il y avait une plus forte présence de l'UCK à cet
27 endroit."
28 Est-ce que cela rafraîchit votre mémoire en ce qui concerne la
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1 présence des forces de l'UCK qui se trouvaient à Izbica pendant que vous y
2 étiez et que vous y êtes rendu avec d'autres personnes de votre village ?
3 Mme CARTER : [interprétation] Je suis tout à fait en désaccord avec ce type
4 de procédé pour rafraîchir la mémoire du témoin. Le conseil de la Défense,
5 certes, est en train de dire certaines choses au témoin, mais il est
6 évident que le témoin nous a bien dit qu'il n'était pas au même endroit que
7 son neveu. C'est comme cela. Donc, comment peut-on lui demander de
8 corroborer ce qu'a dit une autre personne qui a vu les choses d'un autre
9 angle et qui n'était pas au même endroit, qui a vu d'autres choses. Ils
10 étaient dans deux endroits séparés, et en plus, il n'y avait pas du tout
11 les mêmes occupations.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après vous alors, quel genre de
13 questions pourrait-il lui poser ?
14 Mme CARTER : [interprétation] Il devrait lui demander si Izbica était bel
15 et bien dans la vallée, donc moins exposé aux canons des Serbes. Il peut
16 poser cette question. Il peut demander s'il y avait une plus grande
17 présence de l'UCK. Certes, il peut lui poser aussi. Mais essayer de le
18 convaincre parce que son neveu a dit quelque chose, cela, c'est impossible.
19 On peut lui poser des questions, certes, mais il ne faut pas faire croire
20 au témoin qu'il n'est pas cohérent parce que ce n'est pas lui qui n'est pas
21 cohérent. Il s'agit de deux témoignages différents de deux personnes qui
22 n'étaient pas au même endroit faisant la même chose. Donc, on ne peut pas
23 dire qu'il y a incohérence entre les deux déclarations.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est vrai. C'est le rendre
25 responsable des propos de son neveu. Il est impossible quand même de faire
26 cela. Cela dit, lors des contre-interrogatoires de ce style, on a tendance
27 à utiliser des informations du style : Je sais par d'autres biais qu'il y
28 avait une présence importante de l'UCK à Izbica. Je ne pense pas qu'il y
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1 ait quoi que ce soit qui n'aille pas du tout avec la façon dont vous
2 contre-interrogez le témoin, mais malgré tout, cela ne me va pas vraiment,
3 Monsieur Ivetic. Nous ne sommes pas devant un jury, ici. Parce que là, ce
4 serait très certainement interdit. Je pense qu'il faudrait plutôt arrêter
5 un peu de tourner autour du pot et ne plus faire référence à cette
6 déclaration de quelqu'un d'autre, puisque la question est très simple, la
7 question que vous voulez poser. Alors, posez-lui la question de façon
8 simple sans faire référence à ce qu'a dit le neveu.
9 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.
11 M. IVETIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur le Témoin, vers les 25 mars 1999, les gens de votre village de
13 Lecina sont quand même partis pour aller à Izbica, parce qu'ils savaient
14 que là-bas il y avait une présence de l'UCK qui était plus forte, donc ils
15 allaient se sentir en sécurité ?
16 R. Non, ce n'est pas vrai.
17 Q. Bien. Je vous pose encore une autre question sur Izbica plus
18 particulièrement. N'est-il pas vrai que dans Izbica - tout d'abord, Izbica,
19 quand même, est situé sur deux élévations différentes. Il y a le bas Izbica
20 et le haut Izbica.
21 R. Oui.
22 Q. N'est-il pas vrai que dans Izbica le haut, si je puis dire, aux
23 environs du 25 et 26 mars 1999, il y avait présence de l'UCK qui,
24 d'ailleurs, tenait ce village, enfin du moins cette partie du village. Il y
25 avait un poste de défense qui avait été établi là pour aider au combat qui
26 avait eu lieu dans le coin ?
27 R. Ce n'est pas vrai.
28 Q. Bien. Autre question dans ce cas-là. Quand les civils d'Izbica sont
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1 revenus de Tushile, vers Izbica le bas, donc le côté plus bas du village,
2 n'est-il pas vrai que ce sont les combattants de l'UCK qui se sont réfugiés
3 dans les bois et dans les montagnes qui encerclent Izbica, donc ces hommes
4 que vous nous avez décrits comme étant les jeunes garçons, enfin les jeunes
5 hommes ?
6 R. Je n'ai pas vu de soldats dans les montagnes. Quand il y avait les
7 familles. Peut-être ils étaient très loin. En tout cas, je ne les ai pas
8 vus. Si je les avais vus, je vous l'aurais dit. S'ils avaient été là ce
9 jour-là peut-être qu'ils se seraient battus, mais il n'y a pas eu le
10 moindre coup de feu, ce jour-là.
11 Q. Pour ce qui est de ces combattants de l'UCK, vous dites que vous n'avez
12 pas vu de soldats, mais les combattants de l'UCK la plupart du temps sont
13 en tenue civile ?
14 R. Je n'en n'ai pas vu en civil. Je crois que l'UCK avait ses propres
15 uniformes, les uniformes de l'UCK.
16 Q. Très bien. Revenons maintenant à votre village de Lecina. Juste avant
17 votre départ pour Izbica, au début mars 1999, y avait-il des civils qui
18 étaient d'appartenance ethnique serbe dans votre village ?
19 R. Non, les Serbes sont partis plus tôt.
20 Q. Bien. Maintenant passons au début 1998. A ce moment-là, quand même dans
21 votre village, il y avait un quartier qui s'appelait Smigic et qui
22 possédait une population principalement serbe.
23 R. Oui, c'est vrai. Il y avait des Serbes qui habitaient à Smigic, mais
24 ils sont partis précédemment.
25 Q. Je vais vous poser des questions sur ces Serbes qui habitaient à
26 Smigic. Donc, Smigic, c'est un quartier de votre village; c'est bien cela ?
27 R. Oui.
28 Q. Cette partie du village qui s'appelle Smigic ou Zmigic, je ne sais pas
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1 très bien comment cela se prononce, pourriez-vous nous dire combien de
2 civils serbes habitaient dans cette partie du village avant qu'ils ne la
3 quittent ?
4 R. Comment pourrais-je savoir ? Je crois qu'il y avait environ dix à 12
5 foyers.
6 Q. Très bien. N'est-il pas vrai qu'en 1998, à un moment donné, l'UCK, dans
7 votre village natal a enlevé et assassiné plusieurs personnes qui venaient
8 de ces foyers de Smigic, c'est-à-dire, des civils d'appartenance ethnique
9 serbe ?
10 R. Non, je n'en sais rien. Je n'en n'ai pas entendu parler. A l'époque,
11 j'étais à Mitrovica.
12 Q. Vous ne vous occupiez pas de ce qui se passait dans votre village
13 natal ?
14 R. Non. Je voulais m'éloigner le plus possible de la menace, et je ne
15 suivais pas ce qui se passait dans mon village natal.
16 Q. Vous n'avez pas trouvé cela étrange que dix à 12 foyers du village
17 décident de plier bagage en 1998 et ce, tous en même temps, et en plus,
18 ayant tous la même appartenance ethnique, c'est-à-dire, Serbe ?
19 R. Non. Je n'ai pas trouvé cela étrange. Les Albanais aussi sont partis.
20 Les Albanais sont partis au Monténégro, sont partis où ils ont trouvé
21 refuge. Il y avait beaucoup plus d'Albanais qui sont partis que de Serbes
22 d'ailleurs.
23 Q. Cela dit, tous les Serbes de votre village sont partis après que l'UCK,
24 qui selon vous, n'était pas dans votre village, est intervenue dans votre
25 village, justement, pour assassiner plusieurs membres des familles qui
26 habitaient à Smigic ?
27 R. Je n'en n'ai pas entendu parler.
28 Q. Maintenant, je vais à nouveau faire référence à Abedin Draga. Or, dans
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1 sa déclaration écrite --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne va pas utiliser cette
3 déclaration. Posez votre question plus simplement.
4 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.
5 Q. Si M. Draga était bien là en 1998, sachez que M. Abedin Draga, lui, a
6 dit que cet endroit était sous contrôle de l'UCK et vous, vous ne pouvez
7 absolument pas corroborer ce qu'il nous dit ? Mais d'un autre côté, vous
8 n'avez aucune raison non plus de le contester puisque vous n'en savez rien;
9 c'est bien cela ?
10 R. Je ne sais pas à quel moment il est parti, mais en tout cas, Abedin
11 Draga était le premier à partir pour l'Albanie. Je ne sais pas ce qu'il a
12 écrit dans cette déclaration.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter.
14 Mme CARTER : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de parler à
15 notre commis et il semble que le conseil de la Défense ne nous ait donné
16 aucun document de ce style. L'utilisation de cette déclaration ou de toute
17 déclaration pour s'en servir lors du contre-interrogatoire de ce témoin est
18 tout à fait inappropriée puisque ces documents ne nous ont absolument pas
19 été communiqués en temps et en heure.
20 M. IVETIC : [interprétation] Lors de cette préparation de ce contre-
21 interrogatoire, je n'étais pas préparé à poser ce type de questions, mais
22 étant donné que la déposition est assez différente du résumé que nous avons
23 eu en titre du 65 ter, nous avons été surpris d'entendre des choses
24 auxquelles nous ne nous attendions pas. J'essaie d'aller au fond des choses
25 suite à la déposition viva voce de ce témoin. Fort heureusement, par chance
26 d'ailleurs, j'ai réussi à trouver ces éléments et ils m'aident.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'êtes pas très convainquant,
28 Monsieur Ivetic. J'ai l'impression quand même que vous êtes bien préparé
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1 pour ce contre-interrogatoire.
2 M. IVETIC : [interprétation] En effet, j'ai travaillé jusqu'à 5 heures du
3 matin.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous voulez utiliser ce document,
5 ils auraient dû les communiquer. La règle est quand même très claire.
6 M. IVETIC : [interprétation] Je n'utilise pas ce document. Je communique
7 juste des faits qui étaient dans ces documents.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est différent, mais je pense
9 qu'au contraire qu'il vaut mieux que vous posiez les questions directement
10 au témoin et que vous lui posiez des questions simples, que vous avez en
11 tête, plutôt que de faire référence sans cesse à cette déclaration qui n'a
12 pas été communiquée.
13 M. IVETIC : [interprétation] Très bien. C'est tout de même ma dernière
14 question de ce style, et je vais d'abord m'assurer qu'il a bel et bien
15 répondu à ma dernière question. Ensuite, je reviendrai à d'autres questions
16 qui ne feront pas référence à ce document.
17 [Le conseil de la Défense se concerte]
18 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que les questions ont trouvé leurs
19 réponses, donc je vais poursuivre le contre-interrogatoire.
20 Q. Monsieur le Témoin, ce matin, vous nous avez parlé d'une rencontre que
21 vous auriez eue avec la police serbe où, selon vous, ils vous auraient
22 maltraité. Je crois que c'était en 1997, voire en 1998. Si vous pouviez
23 vous concentrer là-dessus. Voici ma question : après cette rencontre, avez-
24 vous, oui ou non, porté plainte auprès d'un supérieur hiérarchique de ce
25 policier ?
26 R. A qui aurais-je pu porter plainte ? Vous croyez qu'il suffisait que
27 j'aille voir les gens qui m'avaient tabassé pour me faire re-tabasser à
28 nouveau ?
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1 Q. Monsieur, il y avait quand même l'OSCE, il y avait d'autres missions
2 internationales qui étaient au Kosovo-Metohija à ce moment-là. Vous auriez
3 pu porter plaintes auprès de ces organisations ?
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, y avait-il un système
5 mis en place pour porter plainte auprès de ces organisations ?
6 M. IVETIC : [interprétation] Je demande --
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ou est-ce qu'on est juste en train de
8 perdre du temps ? Vous savez, il faut quand même que vous concentriez votre
9 contre-interrogatoire sur les points essentiels, et ce qui est marginal, il
10 faut le laisser tomber. Vous croyez vraiment que poser ce type de questions
11 à ce témoin va nous servir à quoi que ce soit, va aider les Juges à
12 comprendre ce qui s'est vraiment passé en ce qui concerne, en tout cas, les
13 points qui nous intéressent ?
14 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que l'information aux accusés est
15 essentiellement essentielle dans cette procédure, suite aux questions
16 posées par l'Accusation. Je pense que j'ai le droit quand même de lui
17 demander s'il a essayé de porter plainte.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi vous vous acharnez puisqu'il
19 vous a déjà dit de toute façon qu'il n'avait pas pu porter plainte ? Alors
20 à quoi cela sert de faire tous ces effets de manches ? Peut-être que vous
21 et moi trouvons cela très amusant mais je ne vois pas du tout comment ce
22 témoin aurait même envisagé de porter plainte comme cela. Cela ne sert
23 absolument à rien.
24 M. IVETIC : [interprétation] Oui je suis un peu d'accord avec, mais sa
25 déclaration sous serment était très claire. Or, aujourd'hui il semble qu'il
26 nous ait dit d'autre chose. Je veux éclairer un peu les choses.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela dit, je pense que ni vous ni moi
28 n'avons été surpris que l'Accusation ait posé des questions un peu
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1 différentes de ce qui était dans la déposition du témoin.
2 M. IVETIC : [interprétation] En effet.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous voyons bien par la déclaration
4 viva voce de ce témoin qu'il aurait voulu dire beaucoup plus de choses que
5 ce qu'il avait mis dans sa déclaration.
6 M. IVETIC : [interprétation] Oui, mais quand même dans ce cas-là, cela
7 remet en question la validité et la valeur probante des autres déclarations
8 prises par le bureau du Procureur qui sont admises par tombereau.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais absolument pas, cela ne soulève
10 de questions qu'en ce qui concerne ce témoin-ci et celui-ci uniquement.
11 Maintenant vous pouvez poursuivre.
12 M. IVETIC : [interprétation] Très bien. Je prends tout cela en compte, et
13 je vais passer à autre chose.
14 Q. Si nous pouvions nous concentrer sur les événements d'Izbica et
15 notamment si nous pouvons nous concentrer sur la période à propos de
16 laquelle vous avez dit que les groupes des hommes ont été séparés. Peut-on
17 avancer qu'il y avait une personne parmi ces forces armées qui procédait à
18 la séparation de ce groupe en deux groupes ?
19 R. Il n'y avait pas une seule personne. Elles étaient beaucoup plus
20 nombreuses qu'une personne. Ils étaient assez nombreux.
21 Q. Oui, mais, je vous demande comment le groupe a été séparé en deux. Vous
22 avez fait référence à un homme qui portait un uniforme noir. Est-ce que
23 c'est lui qui a séparé ce groupe important en deux groupes, le groupe où
24 vous vous êtes trouvé et un autre groupe ?
25 R. Lorsqu'ils avaient déjà séparés les hommes des femmes, cette personne a
26 divisé le groupe des hommes en deux groupes en disant à l'un groupe d'aller
27 vers l'ouest et à l'autre groupe d'aller vers l'est.
28 Q. C'est justement de cet homme que je voulais parler. Est-ce qu'il est
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1 vrai qu'il n'y a eu qu'un seul homme qui a procédé à cette séparation du
2 groupe en deux ?
3 R. Lorsqu'ils procédaient à cette séparation au départ, ils étaient tous
4 là. Puis cette personne nous a dit de nous séparer en deux groupes, et il a
5 indiqué à un groupe qu'il devait partir vers une direction, à l'autre vers
6 l'autre direction et moi, personnellement, j'aimerais bien oublier cet
7 homme.
8 Q. Premièrement, vous avez dit qu'il y avait des forces de police et
9 d'autres forces présentes là. Cette personne qui vous a séparés en deux
10 groupes, est-ce qu'il s'agissait d'un officier de police ou d'autre chose ?
11 R. Je ne l'ai pas véritablement dévisagé.
12 Q. Vous avez mentionné aujourd'hui que Milazim se trouvait dans l'autre
13 groupe. Est-ce qu'il s'agit de Milazim Thaqi ?
14 R. Milazim se trouvait dans le groupe qui s'est dirigé vers l'ouest. Je me
15 trouvais dans le groupe qui se dirigeait vers l'est lorsqu'ils nous ont
16 séparés dans ce pré.
17 Q. Très bien. Est-ce que vous savez, Monsieur, que M. Thaqi a déposé ici
18 hier ?
19 R. Oui, je le sais.
20 Q. Au compte rendu d'audience à la page 42, lignes 5 à 7 et page 60, ligne
21 24, il a fourni une description très, très différente des vêtements qui
22 étaient portés par cet homme. Est-ce que vous pouvez réconcilier ce
23 décalage ? Comment est-ce que vous pouvez réconcilier ces deux avis ?
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Grand Dieu, comment est-ce qu'il peut
25 répondre à cette question ?
26 M. IVETIC : [interprétation] Très bien. Je vais poser une question
27 différente.
28 Q. Monsieur, peut-on dire que vous n'avez pas eu la possibilité de bien
Page 2387
1 regarder les personnes qui se trouvaient à Izbica et qui avaient des armes
2 et qui sont censées avoir été les auteurs de ces tirs, est-ce que je peux
3 dire que, par conséquent, vous ne savez pas véritablement à quelle force
4 ces personnes appartenaient ?
5 R. Milazim se trouvait à côté des hommes à qui on a dit d'aller vers
6 l'autre direction.
7 Q. Je vais vous poser une autre question : lors de votre interrogatoire
8 principal, vous avez dit que les forces serbes qui arrivaient à Izbica
9 incluaient les forces de police serbes. Comment se fait-il que vous ayez
10 été en mesure d'identifier des membres du ministère de l'Intérieur qui
11 faisaient partie des forces serbes si vous n'avez pas véritablement bien pu
12 regarder les uniformes ?
13 R. Je vous l'ai déjà dit et je vais me répéter. Je n'ai pas regardé les
14 uniformes. Je sais que l'armée serbe et la police serbe sont arrivées, et
15 je peux dire que je n'ai pas osé véritablement les regarder et encore moins
16 regarder leurs vêtements. Je ne comprends pas pourquoi vous me reposez
17 cette question à nouveau.
18 Q. Ce que j'essaie de savoir c'est ce qui vous permet d'avancer qu'il y
19 avait présence de la police. Sur quelle base vous fondez-vous ? Si vous ne
20 le savez pas, je peux passer à autre chose. Vous pouvez tout simplement me
21 dire que vous ne le savez pas, si vous ne le savez pas véritablement.
22 R. Je vous dis qu'il y avait présence de la police et de l'armée. Ils nous
23 ont séparés et ils nous ont tiré dessus. Qu'est-ce que je peux vous dire
24 d'autre ? Je vous dis ce qui s'est véritablement passé là-bas.
25 Q. Très bien. J'aimerais maintenant passer au lieu de sépulture. Lors de
26 votre interrogatoire principal, vous avez dit aux représentants du bureau
27 du Procureur qu'il y avait des personnes qui avaient été tuées en mai 1999.
28 Est-ce que les corps de ces personnes ont également été enterrés sur le
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1 même lieu de sépulture à Izbica en même temps que les personnes qui,
2 d'après ce que vous nous avez dit, ont été tuées au cours des événements
3 auxquels vous avez également participé et que vous nous avez décrits ?
4 R. Les personnes tuées lors du massacre ont été enterrées sur ce lieu.
5 Puis, il y a également d'autres personnes qui avaient été tuées ailleurs,
6 qui ont également été enterrées sur ce lieu de sépulture.
7 Q. Ce que j'essaie de savoir, c'est ce qui suit : ces personnes, donc leur
8 corps qui venaient de plusieurs endroits, et ce, sur une période de
9 plusieurs mois, donc ces corps ont été rassemblés en quelque sorte et ont
10 tous été enterrés sur ce lieu de sépulture à Izbica, alors qu'en fait, ces
11 personnes n'étaient pas toutes décédées de la même façon ?
12 R. Le premier jour du massacre, ils ont été enterrés à Izbica. Certains
13 ont été tués en chemin. La femme qui avait plus de 100 ans, par exemple. Le
14 11 mai, ils en ont tué trois; le 14 mai, ils en ont tué 11. Ils ont
15 également été enterrés au même endroit.
16 Q. Je suppose que vous répondez en quelque sorte par l'affirmative. Il y
17 avait des corps qui venaient d'autres endroits, qui étaient le résultat
18 d'autres incidents et qui ont tous été enterrés à Izbica. La période de
19 temps donc s'étale sur plusieurs mois. Est-ce que je peux considérer ce que
20 vous avez dit comme une réponse affirmative ?
21 R. Les personnes qui ont été tuées à Izbica ont été tuées à Izbica. Il n'y
22 a pas de personne tuée ailleurs dont le corps aurait été emmené et enterré
23 là.
24 Q. Il y a des gens qui ont été enterrés là-bas -- non, je me reprends. Il
25 y a des gens qui ont été enterrés là-bas pendant les mois qui ont suivi le
26 mois de mars 1999; c'est exact, n'est-ce pas ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cela, Monsieur.
28 Maître Ivetic, la réponse est claire comme de l'eau de roche.
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1 M. IVETIC : [interprétation] La première peut-être, mais pas la deuxième --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande pourquoi vous avez posé
3 la deuxième question, alors. Poursuivez.
4 M. IVETIC : [interprétation] Très bien. C'est ce que je vais faire.
5 Q. Pour ce qui est des personnes qui ont été enterrées à cet endroit, est-
6 ce que vous savez si des combattants de l'UCK ont également été enterrés
7 sur ce lieu de sépulture à Izbica avec les autres personnes ?
8 R. Je ne le sais pas.
9 Q. Bien. Le bureau du Procureur ou ses représentants vous ont posé des
10 questions ou une question à propos de l'exhumation de ces corps. Je pense
11 que vous avez dit lors de votre déposition que cela s'est passé sur
12 plusieurs jours et cela s'est passé pendant la journée. Compte tenu de vos
13 renseignements à propos de ces exhumations, quelles sont les personnes qui
14 ont procédé à ces exhumations ? En d'autres termes, est-ce qu'il y avait
15 présence de civils lors de ces exhumations ?
16 R. Je ne les ai pas vus. Je sais que c'est la police serbe ainsi que
17 l'armée serbe, parce qu'ils voulaient camoufler les traces de leurs crimes.
18 Personne n'était intéressé par l'exhumation de ces corps et par le fait
19 qu'ils allaient être emmenés à Belgrade ou à Mitrovica.
20 Q. Ecoutez, il me semblait que vous aviez de nombreux renseignements à
21 propos de ces exhumations. C'est ainsi que nous a été présenté votre
22 témoignage. Compte tenu des renseignements dont vous disposez, est-ce qu'il
23 vous a semblé que les personnes qui exhumaient ces corps n'ont pas fait
24 beaucoup d'efforts pour cacher ce qu'elles faisaient, puisque cela s'est
25 passé en pleine journée et sur une période de plusieurs jours ?
26 R. Ce que je vous ai dit est vrai.
27 Q. De qui tenez-vous ces renseignements à propos des exhumations qui ont
28 été effectuées à Izbica ?
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1 R. Premièrement, nous l'avons appris à cause des pilonnages. Puis, après
2 trois ou quatre jours, nous nous sommes rendus sur le lieu de sépulture et
3 nous n'avons pas vu un seul cadavre. Ils avaient tous été enlevés.
4 Q. Monsieur, je pense que lors de votre interrogatoire principal, vous
5 avez fait une référence très précise à l'heure où se sont déroulé ces
6 exhumations et au nombre de jours qu'il a fallu pour procéder à ces
7 exhumations. Quelle est la personne qui vous a transmis ces renseignements
8 très, très précis ?
9 R. Tout le monde l'a vu. Ceux qui partaient le soir. Lorsqu'ils sont
10 partis le soir, nous sommes allés voir ce qui s'était passé à la tombée de
11 la nuit.
12 Q. Vous nous dites, Monsieur, que tout ce que vous avez dit à propos des
13 exhumations, vous êtes en train de me dire, que rien de tout ce que vous
14 avez dit ne se fonde sur la constatation d'un témoin oculaire. Donc,
15 personne ne vous a dit : J'ai vu de mes propres yeux ces exhumations avoir
16 lieu ?
17 R. Vous pouvez poser la question vous-même. Les corps d'Izbica ont été
18 retrouvés dans d'autres endroits. Là, il s'agit de témoignage direct. Ils
19 ont été trouvé à Mitrovica, Batajnica.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Draga, nous savons qu'il se
21 peut qu'il existe des informations à ce sujet. Ce que vous demande le
22 conseil, c'est qui vous a parlé des exhumations, qui vous l'a dit. Il
23 souhaiterait savoir s'il s'agit d'une personne qui a vu elle-même ces
24 exhumations. Est-ce que vous pouvez y réfléchir, et est-ce que vous pouvez
25 nous dire si vous avez entendu cela de la bouche de quelqu'un qui aurait vu
26 ce qui s'est passé ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Gani les a vues. Puis ensuite, après deux ou
28 trois jours, j'y suis allé personnellement, parce qu'ils partaient le soir,
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1 et j'ai vu qu'il n'y avait plus de corps.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.
3 M. IVETIC : [interprétation]
4 Q. Lorsque vous dites "Gani," est-ce que vous pourriez nous donner de plus
5 amples renseignements à son sujet ? Qui est ce Gani ?
6 R. Il est d'Izbica. C'est là qu'il habite.
7 Q. Quel est son métier ? Est-ce que c'est un agriculteur ? Est-ce que
8 c'est un civil ?
9 R. C'est un agriculteur. Il travaillait à l'école. Il faisait office de
10 garde. Je ne sais pas s'il y est toujours d'ailleurs.
11 Q. Je vous remercie de votre déposition.
12 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec ce
13 témoin.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
15 Maître Ackerman.
16 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :
18 Q. [interprétation] Monsieur, je m'appelle John Ackerman, avec Aleksander
19 Aleksic, je représente le général Pavkovic dans ce procès. J'ai quelques
20 questions que je veux vous poser. Elles ne sont pas très nombreuses. Je
21 vais essayer d'être aussi clair que faire se peut. Si à un moment donné
22 vous ne comprenez pas mes questions, n'hésitez à me le dire et je
23 reformulerai ces questions pour que vous puissiez les comprendre. Est-ce
24 que cela vous convient ?
25 R. Oui.
26 Q. J'espère que les questions que je vais vous poser pourront trouver des
27 réponses succinctes et directes. Je pense que cela peut être le cas. Je
28 vais essayer de poser des questions pour que cela puisse se faire. Essayez,
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1 je vous prie, de répondre succinctement et nous pourrons ainsi travailler
2 rapidement. Est-ce que cela vous convient ?
3 R. Oui.
4 Q. Très bien. Durant votre déposition, au début, ce matin, à la page 7
5 vous parliez du 25 mars 1999 et vous avez expliqué qu'il y avait eu un
6 pilonnage de votre village. Voilà la question que j'aimerais vous poser :
7 vous n'avez jamais pu véritablement voir de visu les personnes qui
8 procédaient à ce pilonnage ?
9 R. Ils n'étaient pas très loin lorsqu'ils ont commencé à pilonner. Mais le
10 pilonnage s'est passé, les maisons ont pris feu immédiatement après. C'est
11 ce qu'on appelle la partie Cetikas [phon]. C'est à partir de là qu'ils ont
12 commencé à pilonner, ensuite, ils ont pilonné notre partie du village.
13 Q. Voilà, c'est exactement ce dont je vous parlais au début de mon
14 intervention. Visiblement, manifestement, vous n'avez pas compris ma
15 question. Parce que je ne réfute absolument pas le fait qu'il y avait eu un
16 pilonnage, parce qu'apparemment, c'est ce que vous avez entendu. La seule
17 chose que j'aimerais savoir, et répondez-moi par oui ou par non, ce que je
18 vous pose comme question, c'est que vous n'avez pas pu voir les personnes
19 qui étaient responsables du pilonnage au moment où le pilonnage s'est
20 produit, n'est-ce pas ?
21 Répondez-moi par oui ou par non.
22 R. Non, mais j'ai entendu les déflagrations du pilonnage. Puis, il y a des
23 obus qui sont tombés dans mon champ, dans notre champ. Comment est-ce que
24 j'aurais pu osé aller voir la personne responsable de ce pilonnage ? Il
25 n'aurait eu aucune merci pour nous.
26 Q. Merci. Vous avez --
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Ou plutôt, Monsieur le Président, avant que
28 je ne pose la question, j'aimerais soulever quelque chose. Je pense que ce
Page 2393
1 matin, Monsieur le Président, je vous ai entendu dire que l'Accusation a
2 donné à la Chambre des exemplaires de la déclaration de ce témoin. Je
3 suppose que vous l'avez en anglais. Si l'Accusation n'avait pas l'intention
4 de verser cela au dossier, je me demande pourquoi ils vous ont donné ce
5 document et sur quelle base lorsqu'ils ne vont pas l'utiliser ?
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Moi aussi je me suis posé la
7 même question, Maître Ackerman. Lorsque je me suis rendu compte que le
8 témoin était un témoin direct, j'ai donné comme consigne, qu'à l'avenir,
9 aucune déclaration ne devra nous être transmise lorsque le témoin vient
10 déposer directement. Ce sont des consignes qui ont déjà été transmises.
11 D'ailleurs, la même chose s'était produite avec un autre témoin, le K-62.
12 Je pense que cela s'est passé, parce que - je ne suis pas sûr pour ce
13 témoin, mais dans l'autre cas, le K-62, nous a été présenté au départ comme
14 un témoin au titre de l'article 92 bis. C'est pour cela que nous avions
15 donné la possibilité à ce que les éléments de preuve soient présentés de la
16 même façon, et c'est peut-être ce qui passe avec ce témoin.
17 Mme Carter va nous le dire.
18 Mme CARTER : [interprétation] Non, ce n'est pas la même situation
19 ici. Il y a le premier substitut du Procureur qui, au départ, s'occupait de
20 ce témoin et qui a présenté --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Tout ce que vous devez
22 me dire, c'est que ce témoin, pour ce témoin, il n'a jamais été question de
23 l'article 92 bis.
24 Mme CARTER : [interprétation] C'est exact.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, nous avons les deux cas
26 d'espèce. J'ai pris des mesures, et j'espère que vous aurez compris,
27 d'après les remarques que j'ai faites tout à l'heure à propos de cette
28 déclaration du témoin, que je ne vais absolument pas prendre en
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1 considération cette déclaration et non pas non plus le compte rendu
2 d'audience de Milosevic, à moins, bien entendu, que cela n'ait un lien avec
3 sa déposition aujourd'hui.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien, je pense que cela explique ---
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis le seul à avoir lu cette
6 déclaration, les autres Juges ne l'ont pas fait.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Je n'avais pas vraiment de préoccupation à
8 ce sujet à propos de ce témoin. Ce que je voulais savoir, c'est si cette
9 déclaration a été insérée dans le système avec un numéro ERN ? Je sais
10 qu'il existe une version albanaise avec une cote, mais je ne sais s'il y a
11 une version anglaise avec une cote.
12 Mme CARTER : [interprétation] Il semblerait qu'il n'y a pas de cote pour ce
13 jeu de documents.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la question qui vous est
15 posée, Madame Carter. La question qui vous est posée, c'est de savoir s'il
16 existe dans le système une version anglaise ainsi qu'une version albanaise.
17 Mme CARTER : [interprétation] Il existe une version anglaise. Je peux vous
18 donner le numéro ERN si vous le souhaitez.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit de savoir s'il s'agit d'une
20 pièce à conviction avec une cote P pour le système électronique.
21 Mme CARTER : [interprétation] Il s'agit du P224.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Je viens juste de consulter le P224, c'est
23 une version albanaise, à moins que je ne sache pas consulter. Il s'agit
24 d'un document de 13 pages, et il est tout en albanais.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Maître Ackerman, vous pouvez
26 considérer que les Juges de cette Chambre ne vont pas commencer à faire des
27 recherches dans le système électronique du Tribunal pour des déclarations
28 de témoins qui sont venus ici déposer directement afin de vérifier si ce
Page 2396
1 qu'ils ont dit correspond à leur déclaration. De toute façon, c'est la
2 dernière chose que l'on ferait, nous n'avons pas le temps de le faire.
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vois, qu'à force de tourner autour du
4 pot, je sème la confusion dans les esprits de tout le monde. Ce que je
5 voulais savoir, c'est si ce document fait partie du système avec une cote.
6 Si c'est le cas, ou plutôt, je souhaiterais faire verser ce dossier, je
7 voudrais qu'il soit admis.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Voilà, vous avez compris maintenant.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit du P2224.
11 M. ACKERMAN : [interprétation] Je souhaite que cela soit admis pour la
12 version anglaise du jeu de documents. Je vois maintenant que l'on hoche du
13 chef du côté de l'Accusation. Je me demande pourquoi est-ce que lorsque
14 j'ai fait une recherche P2224, tout ce que j'ai obtenu, c'est un document
15 albanais.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, on va mettre à
17 l'épreuve cette confiance, parce qu'on va voir, lorsque cela va être
18 affiché à l'écran dans un petit moment, on va peut-être voir s'il y aura la
19 version albanaise, et en addendum la version anglaise et la version B/C/S.
20 Si vous demandez à ce que cette cote soit affichée, vous allez obtenir
21 également la version anglaise.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est ainsi que les choses se passent. Bien,
23 je viens de faire montre de mon ignorance totale.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'êtes pas le seul. Il s'agit du
25 document 2224, c'est exact ?
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, je pense, 2224.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter, nous avons besoin de
28 vos lumières à nouveau.
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1 Mme CARTER : [interprétation] P2244.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous l'avez maintenant.
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je souhaiterais que ce document soit admis.
4 Si vous souhaitez attendre le moment où j'y fais référence, j'attendrai
5 avant de demander qu'il soit admis. Il vous appartient d'en décider,
6 Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, cela fait partie du dossier
8 jusqu'à présent. C'est ce que nous pensons à propos des pièces à
9 conviction. C'est un processus tout à fait normal pour ce qui est des
10 déclarations. Je suppose que vous allez confronter le témoin à la
11 déclaration.
12 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne veux pas passer beaucoup de temps lors
13 du contre-interrogatoire à le confronter à propos de tous les éléments.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non. Mais si vous voulez
15 qu'il soit admis dans son intégralité, ce document, et si l'Accusation n'y
16 voit pas de problème et tant que vous demandez l'admission, les Juges
17 prendront cela en considération.
18 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est ce que je souhaitais obtenir.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les Juges prendront en considération
20 ce que vous souhaitez.
21 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est ce que je vous demandais justement.
22 Q. Monsieur Draga, vous avez parlé avec un représentant du Procureur et
23 vous avez fait une déclaration en novembre 1999. Est-ce que vous vous
24 souvenez de ceci ?
25 R. Oui, je m'en souviens.
26 Q. Est-ce que je peux avancer la chose suivante. Ce que vous avez décrit,
27 cette description détaillée des événements, elle était beaucoup plus
28 précise il y a sept ans que maintenant. Vos souvenirs étaient beaucoup plus
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1 précis à l'époque ?
2 R. Non, non. Parce que je me souviendrai toujours du massacre. Je m'en
3 souviens même quand je dors.
4 Q. Cela, je le sais. Il y a certains faits de cette situation qui vont
5 rester à jamais gravés dans votre mémoire. Cela, je le pense. Pour ce qui
6 est des détails afférents à ce massacre, je pense que vous vous souveniez
7 beaucoup mieux des détails il y a sept ans que maintenant. C'est un fait,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Je m'en souvenais il y a sept ans et je m'en souviens encore
10 maintenant. Je m'en souviendrai toujours.
11 Q. Fort bien. Il y a sept ans, lorsque vous avez fait cette déclaration, à
12 un moment donné, à la fin de cet entretien, ce que vous avez dit vous a été
13 lu en albanais pour que vous puissiez le comprendre, et on vous a demandé
14 si tout les éléments de votre déclaration étaient exacts et correspondaient
15 à la vérité. Est-ce que les choses se sont passées comme cela ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous avez dit que cette déclaration était exacte compte tenu de vos
18 souvenirs et de la connaissance des événements que vous aviez, n'est-ce pas
19 ?
20 R. J'ai parlé de ce dont je me souvenais.
21 Q. Je vais donner lecture d'une partie de cette déclaration. C'est la fin
22 de votre déclaration. Il y a votre signature.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande si tout cela est bien
24 utile. Maître Ackerman, je suis sûr que si vous avez un problème technique,
25 l'Accusation va indiquer qu'il s'agit d'une déclaration faite par le
26 témoin.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas de problème
28 technique, Monsieur le Président. Je voulais tout simplement poser une
Page 2399
1 question.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais le problème est, autant en
3 parler maintenant d'ailleurs. Le problème, c'est que les témoins qui ont
4 fourni des déclarations ici considèrent très souvent ce genre de questions
5 comme une façon de contester la véracité de leurs propos. Ils ne se
6 concentrent pas comme nous, nous le faisons ou comme ils le font
7 d'habitude. Alors, je ne suis pas en train de vous dire ou de vous faire
8 part d'une remarque générale à propos de la façon dont vous devriez poser
9 des questions. Mais lorsqu'un témoin vient ici et lorsqu'on lui pose ce
10 genre de questions, ce que fait en général un témoin, c'est qu'il relate à
11 nouveau son récit. C'est pour cela que je vous suggère que l'on pourrait
12 peut-être aller à l'essentiel dans ce genre d'affaire. Peut-être que la
13 situation est différente lorsque vous avez affaire à un témoin
14 professionnel, dans un contexte différent.
15 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est une observation qui est tout à fait
16 exacte. C'est une observation que je me suis fait moi-même. En effet, il y
17 a un certain dilemme pour gérer ce genre de chose, mais enfin.
18 Q. J'aimerais vous poser cette question, Monsieur : la version anglaise de
19 la déclaration que j'ai ici devant moi, sur cette déclaration figure votre
20 signature à la page 3, en fin de page 3. Il est question de forces que vous
21 avez vues ce jour-là, lors de ces événements du 27 et du 28 mars, lorsque
22 vous dites que vous les avez vu avancer en votre direction et qu'ils
23 étaient à pied. C'est le jour où vous avez dit que le massacre s'était
24 passé. Voilà ce que vous avez dit : "J'ai vu qu'ils avaient tous le mot
25 serbe 'milicija' sur la manche de leur uniforme près de l'épaule."
26 Aujourd'hui, vous nous avez dit que vous n'aviez pas véritablement pu voir
27 les uniformes qu'ils portaient. Mais dans votre déclaration, vous avez même
28 pu identifier un mot qu'ils avaient sur leur manche, la manche de leurs
Page 2400
1 uniformes et qu'ils avaient tous. Est-ce que vous pourriez nous expliquer
2 cette différence, ce décalage avec ce que vous aviez dit il y sept ans,
3 entre ce que vous avez dit il y a sept ans et ce que vous avez dit aux
4 Juges aujourd'hui ?
5 R. Je ne sais pas ce qu'ils ont écrit dans ma déclaration. Ce que j'ai
6 dit, c'est qu'ils portaient des vêtements de la police. Comme je vous l'ai
7 déjà dit, je n'ai pas vraiment osé les examiner, regarder de plus près.
8 C'était un policier qui nous a emmenés de cet endroit sur le site où nous
9 avons été exécutés. Ils avaient les uniformes de la "milicija". Faisaient-
10 ils partie de la "milicija" ou pas, cela je ne le sais pas.
11 Q. Page 19, je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit. Lorsqu'on
12 vous a posé la question, vous avez dit qu'un homme âgé de 105 ans a été
13 tué. On vous a demandé le nom de cette personne, et vous avez dit que
14 c'était Zade Draga, une femme. Etait-ce un malentendu ? Avez-vous toujours
15 affirmé que c'était une femme ou vous avez plutôt dit que c'était un homme
16 et modifié pour dire que c'était une femme lorsqu'on vous a posé le nom ?
17 Je n'ai pas compris cela.
18 R. C'était une femme. L'erreur vient peut-être du fait que l'on ne m'a pas
19 bien compris. Mais je m'en souviens très bien puisqu'elle vivait près de
20 moi.
21 Q. Vous dites dans votre déposition, vous maintenez que Zade Draga était
22 une femme qui vivait dans votre voisinage ?
23 R. Oui.
24 Q. Qui était âgée de 105 ?
25 R. Oui, 105 ans.
26 Q. Si je vous soumettais que dans les tableaux fournis par le bureau du
27 Procureur et également dans l'acte d'accusation, lorsqu'il est question des
28 personnes qui ont été tuées à Izbica, on parle de Zade Dragaj, un homme âgé
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1 de 71 ans. Est-ce que vous connaissez un homme, Zade Dragaj, âgé de 71
2 ans ?
3 R. Non.
4 Q. Monsieur, lorsque l'Accusation a présenté à la Chambre l'information
5 disant que Zade Dragaj, un homme âgé de 71 ans, a été tué à Izbica, est-ce
6 que d'après vous c'est une erreur, ce n'est pas une information correcte ?
7 Mme CARTER : [interprétation] Avec tous mes respects, Monsieur le
8 Président, on invite le témoin à formuler des conjectures.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Pas du tout.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, vous n'allez pas
11 probablement avoir une réponse qui vous sera utile. Il serait peut-être
12 plutôt plus utile de demander, d'après le nom, s'il s'agirait d'un homme ou
13 d'une femme ?
14 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense qu'on m'a déjà répondu. Je ne pense
15 pas qu'il faille s'étendre là-dessus.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. ACKERMAN : [interprétation]
18 Q. Vous avez évoqué la présence de quelques membres de l'UCK dans votre
19 village. Les Juges vous ont posé des questions là-dessus, donc avant le
20 début du pilonnage. Vous avez dit qu'il y avait quelques membres de l'UCK
21 dans votre village. Je voudrais juste vous interroger un petit peu là-
22 dessus. Ces UCK, est-ce qu'ils portaient les uniformes ?
23 R. Oui, ceux qui étaient dans les rangs de l'UCK avaient un uniforme.
24 Q. Etaient-ils armés ?
25 R. Certains oui, d'autres n'avaient pas d'armes. Ils n'en n'avaient pas
26 suffisamment.
27 Q. Parfois étaient-ils en civil ?
28 R. Je ne les ai pas vus en civil.
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1 Q. A l'approche des forces serbes de votre village, qu'ont-ils fait ? Ont-
2 il combattu ces forces-là ? Qu'ont-il fait ?
3 R. Bien, ils sont partis.
4 Q. Si vous savez où ils sont partis, dites-le-moi. Sinon, dites-moi
5 simplement que vous l'ignorez.
6 R. Je ne sais pas où ils sont partis. Je n'étais pas avec eux.
7 Q. Très bien.
8 M. ACKERMAN : [interprétation] J'en ai terminé. Monsieur le Président, je
9 n'ai plus de questions.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Ackerman.
11 Vous souhaitez que la Chambre accepte le versement de la déclaration dans
12 sa totalité ?
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui. Sinon, il me faudra
14 30 minutes de plus pour parcourir certaines parties de cette déclaration
15 sur laquelle je souhaite attirer votre attention.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pourriez attirer l'attention de
17 la Chambre sur les discordances en temps voulu, Maître Ackerman.
18 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, je pense que ce serait plus efficace si
19 vous l'acceptez.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons
21 accepter le versement de la déclaration intégrale, même si on ne s'y est
22 référés que pour ce qui est de certaines portions.
23 Maître Bakrac ?
24 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'on vient de
25 faire le versement intégral de la pièce, je vais faire comme Me Ackerman.
26 C'est à un autre moment que je vais signaler les discordances. J'ai
27 quelques questions à poser à présent, si vous m'y autorisez.
28 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :
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1 Q. [interprétation] Monsieur Draga, je suis Mihajlo Bakrac, l'un des
2 conseils du général Lazarevic. Au début de votre déposition, vous avez dit
3 que vous aviez huit fils; est-ce exact ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Au moment des faits, donc la période qui nous intéresse dans cette
6 affaire, ce sont les années 1998 et 1999, vos fils, pour l'essentiel,
7 étaient en âge de combattre ? Ils étaient aptes à combattre ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. En outre, en écoutant votre déposition aujourd'hui, j'ai compris que
10 dans votre village, il y avait, en réalité, des membres de l'UCK; est-ce
11 vrai ?
12 R. Oui, c'est vrai.
13 Q. Monsieur Draga, ce que j'aimerais savoir, c'est la chose suivante : les
14 membres de l'UCK, est-ce que compte tenu du fait que vous aviez des fils
15 aptes à combattre, est-ce qu'ils leur ont demandé de se joindre à eux ?
16 Est-ce qu'ils sont venus demander cela à vous et à vos fils ?
17 R. Non, ils ne les ont pas rejoints parce qu'ils n'avaient pas d'armes.
18 S'ils avaient eu des armes, ils se seraient probablement joints à eux.
19 Q. Monsieur Draga, on est venu demander cela à vos fils, mais ils ne sont
20 pas joints à eux puisqu'ils n'avaient pas d'armes. Est-ce qu'on peut tirer
21 cette conclusion ?
22 R. Je ne sais pas qu'on soit venu leur demander de se rallier à eux, mais
23 comme ils n'avaient pas d'armes, ils ne se sont pas portés volontaires
24 puisqu'ils n'avaient pas d'armes.
25 Q. S'ils avaient eu une arme, ils auraient rejoint l'UCK, c'est certain.
26 C'est ce que vous dites ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, par deux fois on a eu
28 sa réponse. S'il vous plaît, essayez de procéder de manière un peu plus
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1 efficace de votre contre-interrogatoire.
2 M. BAKRAC : [interprétation] Je ferai ce que je peux, Monsieur le
3 Président.
4 Q. Monsieur le Témoin, n'avez-vous pas dit dans votre déposition, qu'en
5 1997, on vous a confisqué vos armes ? Qu'est-ce qu'on vous a confisqué ?
6 R. J'ai dit qu'on m'a emmené au poste de police, mais je n'avais pas une
7 arme que j'aurais pu leur remettre. Je redis ce que j'ai déjà dit
8 précédemment. Si j'avais eu une arme, ils ne m'auraient pas battu. Ils se
9 seraient contentés de prendre mon arme et ils m'auraient laissé partir.
10 Q. Donc, vous n'aviez aucune arme. Vous n'en n'aviez pas plus avant 1997 ?
11 R. Non, je n'en n'avais pas.
12 Q. Monsieur Draga, vous avez dit que vous avez pris part à l'enterrement
13 de ces 147 personnes. Compte tenu de cela, je voudrais savoir si toutes les
14 personnes enterrées étaient des personnes âgées, tous, ou est-ce qu'il y
15 avait parmi ces morts des jeunes ou plus jeunes ?
16 R. Il y a eu quelques personnes jeunes. Hajriz Draga, par exemple, il
17 avait 40 ans. Puis, il y avait des gens de Klina et de Skenderaj et
18 d'autres endroits. Il y avait des gens qui étaient jeunes.
19 Q. Monsieur Draga, un peu plus tôt dans votre déclaration, vous avez dit
20 que seuls des hommes âgés étaient restés tandis que les jeunes étaient
21 partis dans les bois. J'aimerais savoir où est la vérité ?
22 R. C'est vrai que dans notre groupe on était surtout des personnes âgées,
23 mais il y avait quelques jeunes. Je suis venu ici pour dire la vérité. Je
24 ne suis pas ici pour dire des mensonges. Je ne sais pas pourquoi vous
25 voulez présenter ma déposition comme consistant des mensonges.
26 Q. Monsieur Draga, moi aussi je suis ici pour faire éclater la vérité.
27 J'essaie de vous demander de m'aider à ce faire. Lorsque vous me dites que
28 seules des personnes âgées étaient restées et que les jeunes étaient partis
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1 dans les bois, et que ce sont les âgés qui ont été abattus. D'après ce que
2 je voie maintenant, il y avait des personnes jeunes parmi ces 147. Est-ce
3 qu'il y avait des combattants parmi eux ?
4 R. Dans le massacre d'Izbica, il n'y a eu aucun membre de l'UCK de tué. Il
5 y avait des enseignants. Je ne dirais pas que c'étaient des personnes
6 âgées.
7 Q. Monsieur Draga, nous avons vu ici qu'il y avait des professeurs parmi
8 les membres de l'UCK. Le fait que ces gens étaient des enseignants n'exclut
9 pas qu'ils étaient membres de l'UCK, n'est-ce pas ?
10 R. L'enseignant a été tué; il n'avait pas été membre de l'UCK, s'il
11 l'avait été, il ne se serait pas trouvé là.
12 Q. Très bien. Monsieur Draga, il ne me reste plus qu'une seule question.
13 Si je vous ai bien compris, vous dites que c'est l'armée et la police serbe
14 qui ont fait l'exhumation, que cela s'est passé de jour et qu'on les a
15 pilonnés; est-ce exact ?
16 R. Je vous ai déjà dit, et je vais le redire, quand ils ont voulu venir
17 pour exhumer les corps, tout d'abord ils ont pilonné ce secteur et ensuite
18 ils se sont rendus sur le site. Lorsque les pilonnages ont commencé, nous
19 avons compris qu'ils allaient faire cela parce que c'est exactement de cet
20 endroit-là qu'ils ont retiré les corps.
21 Q. Ils ont commencé par pilonner l'endroit où ils allaient prendre les
22 corps; c'est bien cela ?
23 R. Oui, c'est ce que j'ai dit et c'est ce que j'ai redit et c'est vrai.
24 Car tout ce qu'ils ont fait, à chaque fois ils ont d'abord pilonné et
25 ensuite ils ont fait ce qu'ils voulaient faire.
26 Q. Vous n'avez pas besoin de répéter.
27 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Maître Sepenuk.
2 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai pas de questions.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
4 Maître Fila.
5 M. FILA : [interprétation] Une seule question. Encore une fois au sujet de
6 l'information qui ne m'a pas été communiquée. Je demanderais au sujet de ce
7 que j'ignorais jusqu'à ce que je rentre dans ce prétoire. Je continuerai de
8 soulever ce point tant que l'Accusation ne changera pas d'attitude.
9 Contre-interrogatoire par M. Fila :
10 Q. [interprétation] Je représente ici, Monsieur Draga, M. Sainovic. Je
11 vais uniquement vous interroger au sujet de l'exhumation que vous venez de
12 mentionner puisque je n'ai pas pu me préparer pour ce contre-
13 interrogatoire.
14 M. FILA : [interprétation] Je me permets de rappeler que l'Accusation nous
15 a fourni des documents dans lesquels figure un rapport fait sur demande du
16 Procureur. Il s'agit du tribunal du district de Kosovo Mitrovica, qui a
17 tenté de procéder à l'exhumation des corps dont il s'agit.
18 Q. Est-ce que vous savez que le tribunal s'est rendu sur place et a essayé
19 de procéder à l'exhumation des corps, mais qu'il n'y est pas parvenu à
20 cause des pilonnages. Est-ce que vous le savez ?
21 R. Non, je n'en sais rien de cela. Je ne sais pas ce qu'ils seraient venus
22 chercher là-bas puisque c'est eux-mêmes qui l'ont fait.
23 Q. La seule chose que je vous ai demandée c'est de savoir si vous étiez au
24 courant du fait que c'est le tribunal qui l'a essayé. C'est la seule chose.
25 Puis une deuxième question à ce sujet. Vous avez dit que par la suite vous
26 vous êtes rendu sur place et que sur place, vous avez pu constater que tous
27 les corps avaient été emmenés. C'est à peu près deux mois après
28 l'enterrement; c'est bien cela, 25 mars, 28 mars. Vous ai-je bien compris ?
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1 R. Oui.
2 Q. Car à l'endroit où ils avaient été inhumés, il n'y avait plus rien,
3 c'est cela ? Il n'y avait plus rien qui permettrait de comprendre qu'une
4 inhumation avait eu lieu, là ou est-ce qu'il y avait un indice, une trace ?
5 R. Je sais qu'avant le 31 mars, il n'y avait pas de cimetière à cet
6 endroit. Et la totalité de ce pré a été utilisé pour inhumer les gens qui
7 se sont trouvés là. Donc, les gens ont rassemblé tous les corps et les ont
8 enterrés à cet endroit. Je l'affirme en pleine responsabilité.
9 Q. Je vous fais confiance absolument là-dessus, mais ce n'est pas cela que
10 je vous demande. Je vous demande complètement autre chose. A la fin du
11 pilonnage, à la fin de l'exhumation, vous avez dit que vous vous êtes rendu
12 personnellement sur place et que de vos propres yeux vous avez pu constater
13 que sur place, il n'y avait plus, ne serait-ce qu'un seul corps enterré.
14 Vous ai-je bien compris ?
15 R. Oui, c'est ce que j'ai dit et je peux le répéter, si vous voulez.
16 Q. Très bien. Maintenant je vous demande la chose suivante : a cet
17 endroit, où il n'y avait plus de cadavres, est-ce que vous avez vu quoi que
18 ce soit qui vous aurait permis de comprendre que précédemment il y avait eu
19 des cadavres ? Est-ce que vous avez aperçu des traces, des indices, quoi
20 que ce soit ?
21 R. Nous avons trouvé des vêtements, une main coupée. Des vêtements des
22 personnes qui avaient été enterrées à cet endroit se trouvaient sur les
23 lieux.
24 Q. Une main et des vêtements; c'est cela ?
25 R. Oui, oui. Une main et des vêtements, mais comme c'était assez
26 répugnant, je ne voulais pas continuer de regarder cela.
27 Q. Une autre question pour terminer. Vous ne comprenez pas le serbe du
28 tout ou vous comprenez un petit peu ?
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1 R. Non, non. Je ne comprends pas cette langue.
2 Q. Pas du tout ?
3 R. Non.
4 Q. Quand vous avez fait votre service militaire, vous vous serviez de
5 quelle langue pour vous faire comprendre, pour communiquer ?
6 R. En serbe.
7 Q. Mais vous dites que vous ne comprenez pas le serbe. Alors, vous l'avez
8 oublié entre-temps, peut-être ?
9 R. A l'époque, je ne connaissais pas bien la langue, c'était dans les
10 années 1960 et depuis lors, j'ai oublié tout ce que j'ai pu savoir à
11 l'époque.
12 Q. Lorsque je vous dis "bonjour" en serbe, est-ce que vous me comprenez ?
13 Ou "au revoir." Est-ce que vous connaissez quelques mots élémentaires ?
14 R. Non, je les ai oubliés.
15 Q. Mais ce policier qui vous a demandé de vous séparer en deux groupes et
16 qui a insulté vos mères, mais dans quelle langue est-ce qu'il vous a parlé
17 puisque vous dites que vous ne comprenez pas un seul mot de serbe ? Cela ce
18 sera ma dernière question. Merci.
19 R. Il nous insultait en serbe.
20 M. FILA : [interprétation] Dans mon système judiciaire, les avocats ne sont
21 pas autorisé à formuler de commentaires. Donc, il n'y a pas lieu que je le
22 fasse.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ici non plus, Maître Fila.
24 Maître O'Sullivan.
25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter.
27 Mme CARTER : [interprétation] Très brièvement, un point.
28 Nouvel interrogatoire par Mme Carter :
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1 Q. [interprétation] Monsieur Draga, vous avez dit que Shaban Draga est
2 quelqu'un qui se trouvait sur les lieux au moment des enterrements; est-ce
3 que vrai ?
4 R. Non. J'ai dit précédemment que Shaban Draga n'était pas là sur le lieu
5 de l'inhumation. Je vous ai dit que je connaissais Shaban Draga et non pas
6 qu'il était venu à l'enterrement.
7 Q. Et le seul Shaban Draga que vous connaissez c'est un homme âgé, ce
8 n'est pas quelqu'un qui a la vingtaine ?
9 R. Oui, c'est une personne âgée. Je ne sais pas quel est son âge, je ne
10 pourrai pas le dire précisément.
11 Q. Cet homme, est-ce qu'il est membre de l'UCK, est-ce qu'il ne l'a jamais
12 été ?
13 R. Je ne le sais pas.
14 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
15 Mme CARTER : [interprétation]
16 Q. Monsieur, vous avez fait une déclaration au bureau du Procureur, je
17 voudrais vous poser quelques questions à ce sujet. Au moment où vous avez
18 fait cette déclaration, et au moment où vous avez fait l'objet de la
19 procédure 92 bis, est-ce qu'on vous a donné lecture de cette déclaration
20 pour que vous compreniez ce qu'elle contient ?
21 R. Oui, on m'en a donné lecture.
22 Q. A ce moment-là, était-ce fait paragraphe par paragraphe en vous posant
23 des questions au sujet des portions du texte ou est-ce qu'on vous a donné
24 lecture de l'intégralité du texte en une seule fois pour vous poser la
25 question pour tout le texte, dans son ensemble ?
26 R. Non. Ils ont donné lecture de tout le texte en une fois.
27 Q. Si ce texte comportait quelque moindre discordance, et si on vous en a
28 donné lecture en une fois, est-ce que vous avez pris des notes --
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1 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est vraiment trop directeur.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais en plus il s'agit d'une
3 affirmation de la part de l'Accusation. C'est tout à fait inadéquat à ce
4 stade. L'objection est reçue.
5 Mme CARTER : [interprétation] Alors je n'ai plus rien à demander.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 Questions de la Cour :
9 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Monsieur Mustafa, j'ai une question à
10 vous poser. Vous avez dit que les gens qui ont donné de l'argent, qu'ils
11 ont été épargnés. Mais vous, vous n'aviez pas d'argent, vous n'en avez pas
12 donné. Alors, pourquoi est-ce qu'ils vous ont épargné ? Cela, c'est ma
13 première question.
14 R. Je crois que c'est Dieu qui m'a sauvé, aussi Hajriz Draga, qui est
15 tombé sur moi parce que les autres personnes qui n'ont pas été tuées du
16 premier coup et qui bougeaient encore, ont été tuées à nouveau. On leur a
17 tiré dessus pour être sûr qu'ils soient morts. Certains d'entre eux qui
18 avaient payé ont quand même été tués.
19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Avant d'enterrer les corps, avez-vous
20 accompli certains rites ou vous les avez juste enterrés comme cela dans des
21 tombes ? Vous dites que chacun a été enterré dans une tombe différente.
22 Cela a dû vous prendre énormément de temps. Pourriez-vous nous parler un
23 petit peu de cela ?
24 R. C'était un bon endroit parce que la terre était meuble. Cela a été
25 assez facile de creuser des fosses. Les gens trouvaient que c'était
26 approprié quand même de pouvoir enterrer les gens de façon correcte.
27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Draga, vous en avez donc fini
2 maintenant avec votre déposition. Merci d'être revenu ici pour redéposer.
3 Vous pouvez maintenant quitter le prétoire.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
5 [Le témoin se retire]
6 M. ACKERMAN : [interprétation] Pour ce qui est donc de la dernière partie
7 des questions supplémentaires de l'Accusation, il faudrait que nous
8 passions à la dernière page de la déclaration qui est maintenant versée au
9 dossier, en tant que P2244, la certification de l'interprète. J'aimerais
10 demander à l'Accusation s'ils considèrent maintenant que la certification
11 de la part de l'interprète n'est pas correcte, si donc ce document a été
12 certifié de façon erronée ?
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Carter.
14 Mme CARTER : [interprétation] Nous n'allons pas prendre de position à
15 propos de cela, mais à notre avis quand on lit à quelqu'un huit pages d'un
16 coup et quand ensuite on lui demande si tout est parfait et ensuite plus
17 tard, si on lui fait remarquer que certains détails ne sont pas identiques
18 à ce qu'il a dit lors de la déposition, je pense que c'est trop difficile.
19 Or, c'était pour cela que j'ai posé ces questions pour que l'interprétation
20 ne soit pas perturbée.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, il va falloir maintenant que nous
22 en débattions, quant à savoir si les divergences sont mineures ou ne le
23 sont pas. Mais cela nous le ferons plus tard.
24 Je vois votre position, Monsieur Ackerman. Vous, vous considérez que
25 l'Accusation va maintenant adhérer à une déclaration telle qu'elle a été
26 présentée et elle qu'elle a été prise surtout.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais je voudrais savoir quelle est la
28 procédure standard, parce que si on lit à un témoin, à toute vitesse, sa
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1 déclaration et qu'on lui dit ensuite de la signer, je pense que ces
2 déclarations ne devraient pas être admises au dossier ni versées au dossier
3 parce qu'elles ne sont pas fiables, c'est tout. En revanche, s'ils le font
4 plus lentement, cela irait mais il faudrait savoir quelle est la procédure;
5 est-ce qu'ils le font rapidement ou est-ce qu'ils suivent exactement la
6 procédure qui est de faire les choses lentement ?
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais l'ennui de votre argument
8 ici, c'est que l'Accusation ne s'est pas du tout basée sur la déclaration
9 et ici en plus, ils ne l'ont pas fait pour cette déclaration en particulier
10 pour des raisons que nous avons bien comprises, d'ailleurs. Cela ne sape
11 absolument pas la véracité des autres déclarations. De plus, vous avez eu
12 le droit de procéder à votre contre-interrogatoire. Il y a parfois des
13 moments où le témoin n'a pas besoin de venir déposer et on peut uniquement
14 utiliser sa déclaration. Dans ce cas-là, nous en sommes tous d'accord et
15 dans ces circonstances, bien sûr, là on peut mettre en cause la
16 déclaration.
17 C'est à vous, de toute façon, de vous assurer auprès de l'Accusation
18 si vous voulez vraiment que nous rentrions dans les détails à propos de
19 cette procédure. C'est à vous de voir cela avec l'Accusation, ce n'est pas
20 à nous de prendre cela en compte en ce moment.
21 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais il faudrait voir cet interprète,
22 Beznik Sokali, savoir si elle est disponible ou s'il est disponible et
23 voir exactement comment la procédure a été accomplie dans le cadre de ce
24 témoignage.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais c'est à vous de voir cela.
26 ce n'est pas du tout à nous de nous pencher là-dessus.
27 Maintenant, le témoin suivant. Madame Carter -- ou plutôt, Monsieur Hannis,
28 pourriez-vous nous dire à peu près combien de temps va prendre votre
Page 2414
1 interrogatoire ?
2 M. HANNIS : [interprétation] A mon avis, je vais avoir besoin d'environ
3 trois quarts d'heure pour l'interrogatoire principal. Il s'agit d'un témoin
4 au titre du 92 bis (D). Nous voudrions utiliser déjà le compte rendu de sa
5 déposition lors du procès Milosevic, ainsi qu'une des déclarations 89(F)
6 qui vient juste d'être préparée plutôt que le dossier 92 bis qui a été
7 précédemment présenté. Lors de la séance de récolement d'hier, nous nous
8 sommes rendu compte que la chronologie qui est dans la déclaration écrite
9 était un petit peu étrange. C'est pour cela que nous avons préparé une
10 nouvelle déposition.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Mais alors, ce témoignage
12 précédent, est-ce que cela comprend aussi la déclaration qui avait déjà été
13 donnée ?
14 M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous avons fourni à la
15 Défense une version qui montre quelles sont les modifications qui ont été
16 apportées à la première déclaration, et nous leur avons aussi fait
17 ressortir où il y avait eu ajout de nouveaux éléments, où il y avait eu
18 aussi des modifications, des déplacements d'éléments d'un paragraphe à
19 l'autre, et ce, afin que la déclaration suive le déroulement chronologique
20 des faits.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais puisque vous avez versé le
22 compte rendu, vous me dites qu'il incorpore automatiquement toutes les
23 pièces qui sont en relation avec cela. Donc ici, il s'agit de la
24 déclaration que le témoin avait faite, qui était une déclaration au titre
25 du 92 bis. Vous m'avez bien dit quand même que ce témoin avait été un
26 témoin 92 bis, précédemment ?
27 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, dans Milosevic, elle était témoin
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1 92 bis.
2 M. HANNIS : [interprétation] C'est cela.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui signifie que si vous versez le
4 compte rendu, cela va automatiquement demander que l'on verse aussi la
5 déclaration. Donc, vous me dites maintenant que vous ne voulez pas que la
6 déclaration soit incorporée aussi ?
7 M. HANNIS : [interprétation] Non, pas en l'espèce. Le compte rendu comporte
8 un numéro de pièce P2226 ou 2260. Non, c'est 2260, et la déclaration
9 écrite, c'est-à-dire, dans le dossier 92 bis (B) de l'affaire Milosevic
10 porte le numéro 2259. Ce que nous voudrions, cette fois-ci, c'est verser le
11 document 2260 qui est le témoignage du témoin, et ne pas verser le 2259,
12 mais plutôt verser une nouvelle pièce, c'est-à-dire, la déclaration 89(F)
13 qui a été signée ce matin.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, les accusés ne vont recevoir que
15 la déclaration 89(F), n'est-ce pas ?
16 M. HANNIS : [interprétation] Oui. La nuit dernière, nous leur avons dit que
17 notre intention était de procéder de la sorte. Alors, on était en train de
18 parler de l'ordre de présentation des témoins. On ne savait pas si ce
19 serait ce témoin qui serait cité suite au témoin que nous venons d'avoir ou
20 si c'était plutôt le médecin de la municipalité. Il semblerait que tout le
21 monde préférerait que ce soit cette femme qui témoigne en premier. Je leur
22 ai bien dit que ce serait difficile et que j'avais un petit dilemme à
23 propos de la règle des 48 heures concernant les déclarations 89(F). La
24 Défense m'a dit, que de toute façon, qu'ils étaient prêts de nous donner
25 une dérogation pour que nous procédions de cette façon. Etant donné l'heure
26 qui commence à tourner, le fait est que j'ai besoin de
27 45 minutes pour l'interrogatoire principal, il est bien évident, que de
28 toute façon, le contre-interrogatoire ne commencera pas avant lundi.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce témoin va demander un
2 long contre-interrogatoire, vous avez la moindre idée, Monsieur Visnjic ?
3 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, à notre avis, cela va prendre un bon
4 moment.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons
6 lever la séance et reprendre à 13 heures.
7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
8 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Madame Xhafa.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire
13 la déclaration solennelle en lisant à haute voix le document qui va vous
14 être mis sous les yeux.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN: FEDRIJE XHAFA [Assermentée]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir. Et surtout,
20 mettez-vous à l'aise avant que nous ne commencions.
21 Nous avons sous les yeux votre déclaration écrite, déclaration qui
22 relate des choses que vous devez nous dire maintenant. Nous avons aussi
23 copie de ce que vous avez dit quand vous avez témoigné dans un autre procès
24 ici même. Donc, nous savons déjà énormément de choses à propos des
25 événements dont nous nous occupons aujourd'hui. Le but de l'audience
26 aujourd'hui, c'est de permettre au conseil qui représente à la fois
27 l'Accusation et qui représente les conseils qui représentent les accusés de
28 vous poser des questions. Il s'agira, je l'espère, de questions très
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1 précises. Donc, écoutez de façon attentive les questions qui vous seront
2 posées et répondez à la question de façon précise. Tout d'abord, c'est
3 l'Accusation qui va vous poser des questions. Ce sera M. Hannis qui va
4 s'occuper de l'interrogatoire principal.
5 Maître Hannis, vous avez la parole.
6 M. HANNIS : [interprétation] Comme nous l'avons dit avant la pause, nous
7 allons procéder de la façon suivante avec ce témoin, en associant à la fois
8 le témoignage au titre du 92 bis (D), donc le compte rendu et la pièce 2260
9 6-0 et en partance aussi sur la base d'une déclaration 89(F) qui a été
10 signée aujourd'hui mais qui n'a pas encore eu de cote. Nous avons une
11 version anglaise et une version B/C/S à l'heure actuelle, et ces deux
12 versions ont été données au conseil de la Défense. Pour ce qui est de la
13 Chambre, il me semble qu'ils ont reçu des copies en anglais. La traduction
14 en albanais a été demandée mais n'a pas encore été reçue, malheureusement.
15 Nous demandons maintenant que l'on attribue une cote à ce document.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sera la prochaine cote de
17 l'Accusation et ce sera très certainement le 2274.
18 M. HANNIS : [interprétation] Je comprends --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrions-nous savoir de la part du
20 Greffier si c'est bien cette pièce-là.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, c'est bien la pièce P2274.
22 M. HANNIS : [interprétation] J'essaie seulement vous dire, Messieurs les
23 Juges, Madame le Juge, que ce témoin va principalement déposer en ce qui
24 concerne les paragraphes 72(M) comme Michel, et le paragraphe 73 portant
25 sur les déplacements forcés. Le paragraphe 75(I), le paragraphe 76 et le
26 paragraphe 77 de l'acte d'accusation.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
28 Interrogatoire principal par M. Hannis :
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1 Q. [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner votre nom,
2 Madame.
3 R. Je m'appelle Fedrije Xhafa.
4 Q. Madame Xhafa, si j'ai bien compris, en 1999 vous habitiez dans la
5 municipalité de Vucitrn. Pourriez-vous nous dire exactement quel était le
6 nom de votre village ?
7 R. C'était Saracak le bas.
8 Q. Pourriez-vous nous donner une estimation de la taille du village ?
9 R. A peu près 80 foyers.
10 Q. Son nom a-t-il changé maintenant par rapport au nom qu'il portant en
11 1999 ?
12 R. Oui. Maintenant cela s'appelle Mans i Ulet [phon], c'est-à-dire, Mans
13 le bas.
14 Q. Madame Xhafa, avant de venir témoigner ici dans le prétoire, au cours
15 de la semaine avez-vous rencontré les représentants du bureau du Procureur
16 pour étudier un petit peu vos précédentes déclarations ?
17 R. Oui, cette semaine, en effet.
18 Q. Au cours de cette révision que vous avez fait ensemble de la
19 déclaration, avez-vous demandé à mon équipe de modifier certaines choses à
20 propos de votre déclaration, car vous vouliez y rajouter certains points et
21 en modifier d'autres ?
22 R. Oui.
23 M. HANNIS : [interprétation] Si nous pouvions donner au témoin une version
24 en anglais, une copie papier de la pièce P2274, qui est une version en
25 anglais, il faudrait la lui donner pour que je puisse lui poser quelques
26 questions à ce propos.
27 Q. Madame Xhafa, je comprends bien que ce document est écrit en anglais.
28 Parlez-vous l'anglais ou est-ce que vous comprenez cette langue, ne serait-
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1 ce qu'un peu ?
2 R. Je parle un petit peu et je le comprends un petit peu aussi.
3 Q. Pourriez-vous regarder le document, regarder chaque page et voir si
4 vous le reconnaissez, bien qu'il soit rédigé en langue anglaise ?
5 R. Oui.
6 Q. Avez-vous regardé ce qui est porté de façon manuscrite sur chacune de
7 ces pages ?
8 R. Oui.
9 Q. Pourriez-vous nous dire exactement de quoi il s'agit, maintenant que
10 vous l'avez regardé ?
11 R. Il s'agit de ma signature, signature que j'ai apposée après avoir
12 effectué certains changements.
13 Q. Pour ce qui est des changements, est-ce que ce document vous a été relu
14 ce matin, en y incorporant les changements et ce, en albanais par un
15 interprète ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous avez considéré que les modifications que vous vouliez apporter à
18 votre déclaration précédente ont bien été consignées dans ce nouveau
19 document ?
20 R. Oui.
21 Q. Ce document reflète la vérité à propos des événements que vous avez
22 décrits et ce, bien sûr, dans la mesure où c'est bien ce dont vous vous
23 rappelez, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, tout à fait. C'est très précis.
25 Q. Merci.
26 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on verse le document 2274.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
28 M. HANNIS : [interprétation]
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1 Q. Madame Xhafa, comme le Juge vous l'a dit, nous avons ce document écrit
2 et nous avons aussi le témoignage que vous avez déjà donné dans le procès
3 Milosevic. Donc, je vais essayer d'aller très rapidement, de procéder avec
4 célérité. Au paragraphe 2 de cette déclaration, Madame Xhafa, vous dites
5 comment le 28 mars 1999, votre famille et vous ont quitté votre maison
6 parce que les forces serbes avaient commencé à incendier les maisons dans
7 votre village. Où vous êtes-vous rendus quand vous êtes partis de votre
8 village ?
9 R. Nous sommes partis du village le 28 mars, c'était un dimanche. Nous
10 sommes allés au village de Dumnica. Là nous y sommes restés une journée. Le
11 lendemain, nous sommes repartis de Dumnica vers Samodreza, et là j'y suis
12 restée très peu de temps. Ensuite on a poursuivi notre route jusqu'à
13 Vesekovc.
14 Q. Vous dites que vous êtes partis le 28. Vous dites que les forces serbes
15 étaient en train d'incendier les maisons ? Les avez-vous vues de vos
16 propres yeux ?
17 R. Oui. Ils ont commencé à mettre le feu à toutes les maisons dans Saracak
18 le haut. De ce fait, tous les villageois ont commencé à quitter le village
19 et nous nous sommes groupés à eux puisqu'il était très dangereux de rester
20 dans le village.
21 Q. Pourriez-vous décrire un petit peu les forces qui ont procédé à ces
22 incendies ? Pourriez-vous nous dire quelles étaient leurs tenues, leurs
23 uniformes, leurs équipements; s'ils avaient des armes ?
24 R. Comme les autres, d'abord mon village a été vidé. On avait des voisins
25 serbes, ils ont aussi quitté le village, eux, ils sont partis vers
26 Drenakovc [phon]. Puis après, on a tiré avec des armes lourdes. Je ne sais
27 pas quel genre d'armes c'était. En tout cas, on nous a dit qu'il y avait
28 des armes lourdes et on a commencé à avoir très, très peur. Comme je vous
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1 l'ai dit, on a vu les maisons incendiées donc on est parti.
2 Q. Mais avez-vous vu les personnes qui étaient en train de mettre le feu
3 ou les avez-vous vues ? Avez-vous leurs tenues ?
4 R. Non, je ne les ai pas vues parce qu'elles étaient très loin.
5 Q. Bien. Ensuite au paragraphe 4 de votre déclaration, vous dites que le
6 30 avril 1999, vous et votre famille êtes partis de Vesekovc à Sllakoc. Je
7 pense que ma prononciation est épouvantable.
8 R. Non, c'est à peu près comme cela que cela se prononce.
9 Q. Vous avez passé deux nuits là-bas et là les forces de l'UCK vous ont
10 dit que les forces serbes venaient vers vous depuis le nord, et c'est ainsi
11 que votre famille et vous ont décidé de rejoindre un convoi plus important
12 de personnes qui allaient vers Vucitrn; c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Ensuite aux paragraphes 5 à 9, vous décrivez ce qui s'est passé le 2
15 mai alors que vous étiez en convoi. Je crois que vous dites qu'à quatre
16 reprises différentes forces serbes, je crois que la plupart du temps, vous
17 y faites référence comme étant des policiers, se sont approchés du convoi
18 et ont eu affaire à votre famille, y compris une dernière fois où votre
19 frère Jetish a -- on a tiré sur votre frère Jetish et où on a aussi tiré
20 sur votre père en le tuant d'ailleurs; c'est bien cela ?
21 R. Oui.
22 Q. Quel était le nom de votre père, s'il vous plaît ? Pourrions-nous
23 savoir quel âge il avait à l'époque ?
24 R. Mon père s'appelait Miran, et il avait 71 ans.
25 Q. Votre frère Jetish, quel âge avait-il ou a-t-il ?
26 R. A l'époque, il avait 45 ans, je crois.
27 Q. A-t-il survécu après qu'on lui ait tiré dessus?
28 R. Oui.
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1 Q. Mais à l'époque, vous ne le saviez pas ?
2 R. Non. On croyait qu'il était mort. Pour cela on a poursuivi notre route.
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous interromps une minute, Maître
4 Hannis.
5 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Monsieur Ackerman.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, parce que la ligne 20
8 de la page 80, M. Hannis a parlé de la dernière rencontre et non pas
9 dernier pays, "encounter contre country" en anglais. Il faudrait donc
10 corriger le compte rendu en anglais.
11 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur Ackerman. Et je poursuis mes
12 réponses.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie de cela.
14 M. HANNIS : [interprétation]
15 Q. Comment avez-vous découvert que votre frère finalement n'était pas
16 mort après qu'on lui a tiré dessus ?
17 R. On s'en est rendu compte le 7 mai quand certaines de nos connaissances
18 sont arrivées au village de Kciq. Elles ont dit que quelqu'un de ce
19 village, je pense que c'est une femme qui avait à peu près 30 ans. Je ne me
20 souviens pas très bien comment elle s'appelait. Donc, elle est venue nous
21 voir dans la maison où nous résidions, et c'est elle qui nous a appris
22 qu'il était encore vivant.
23 Q. Quand l'avez-vous vu ensuite ?
24 R. Après la guerre, le 16 juin, je crois.
25 Q. Il a confirmé, à ce moment-là, ce qui était arrivé à votre père; c'est
26 à ce moment-là qu'il vous a dit si votre père avait oui ou non survécu ?
27 R. Il ne le savait pas ce qui est arrivé à notre père. On ne lui a pas dit
28 d'ailleurs pendant assez longtemps. Il pensait qu'il était en Albanie avec
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1 notre mère. Ce n'est qu'après une semaine qu'on lui a dit la vérité, qu'on
2 lui a dit que notre était mort.
3 Q. Vous nous dites dans votre déclaration qu'après tout cela, après cet
4 incident du convoi, le policier vous a dit de poursuivre votre route. Vous
5 avez continué à rouler avec votre tracteur et au bout d'un moment, vous
6 avez dû abandonner le tracteur ainsi que toutes vos affaires. Pourquoi ?
7 Pourquoi est-ce que vous avez laissé cela ?
8 R. Nous avons été obligés de le faire parce que si nous étions restés sur
9 le tracteur, nous aurions couru beaucoup plus de risques. Parce que la
10 police venait auprès de ces gens et les passait à tabac. Quelqu'un qui
11 passait par là nous l'a dit, et il nous a dit qu'il vaille mieux qu'on
12 laisse le tracteur. C'est pour cela que nous l'avons fait.
13 Q. Dans votre déclaration, vous dites que vous êtes arrivés jusqu'à la
14 périphérie de Vucitrn et la police vous a envoyés vers ce que vous décrivez
15 comme une coopérative agricole, le bâtiment, une coopérative agricole, et
16 là vous y avez passé la nuit; est-ce exact ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Dans votre déclaration il est dit que : le lendemain matin, les hommes,
19 dont l'âge était compris entre 15 et 60 ans, ont été séparés et ils ont été
20 conduits à la prison. Les gens qui avaient des tracteurs, on leur a dit
21 d'aller en Albanie. Puis les autres, on vous a dit d'aller vers quelle
22 ville ? Est-ce que vous pourriez me dire le nom de cette ville où on vous
23 avait dit d'aller ?
24 R. Les hommes ont été envoyés à la prison de Smrekonica alors que nous,
25 les autres, on nous a dit d'aller vers Smrekonica et vers le village de
26 Kciq.
27 Q. Lorsque vous êtes arrivés là-bas, que vous a-t-on dit de faire ?
28 R. Nous sommes restés dans une maison à Kciq.
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1 Q. Lorsque les combats se sont terminés, lorsque la guerre s'est terminée
2 et que l'OTAN est arrivée, est-ce que vous êtes repartis chez vous ?
3 R. Oui, après deux semaines nous sommes rentrés.
4 Q. Quel était l'état de votre maison ?
5 R. La maison avait été incendiée. Nous avons dû installer une tente dans
6 la cour de la maison, et c'est là que nous avons été logés.
7 Q. Merci. J'aimerais vous montrer une pièce à conviction. Il s'agit de la
8 pièce P38. C'est une carte qui va s'afficher sur votre écran dans un petit
9 moment, et lorsque cette carte sera affichée, j'aimerais demander l'aide de
10 M. L'Huissier, et je souhaiterais en fait que vous preniez le stylet de
11 l'ordinateur.
12 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense qu'il y a une autre erreur au
13 compte rendu d'audience et qu'il faut la signaler.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
15 M. ACKERMAN : [interprétation] Il s'agit de la ligne 20 -- page 82, ligne
16 23. Le témoin n'a pas dit que les hommes avaient été enlevés de la prison,
17 mais qu'ils avaient été conduits à la prison.
18 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je suis d'accord, merci.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
20 M. HANNIS : [interprétation]
21 Q. Est-ce que vous voyez maintenant cette carte affichée sur votre écran,
22 Madame.
23 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais que l'on agrandisse la partie
24 supérieure de cette carte ou même les deux tiers de la carte mais en
25 partant du haut. Nous allons essayer d'agrandir la carte, Madame, pour que
26 vous puissiez la lire.
27 Q. Est-ce que c'est un peu plus lisible maintenant ?
28 R. Oui, cela va.
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1 Q. Très bien. Mon écran est un peu lent. Est-ce que vous pouvez voir votre
2 village sur cette carte ?
3 R. Oui, je peux le voir.
4 Q. Est-ce que vous pourriez faire un petit rond autour de ce village et
5 mettre le chiffre numéro 1 auprès de ce cercle ?
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. Merci. Très bien. Vous avez dit que dans un premier temps vous vous
8 étiez rendus à Dumnica. Je ne pense pas que cela figure sur la carte, mais
9 ensuite vous dites que vous êtes allés à Samodreza. Est-ce que vous
10 pourriez faire un cercle et mettre le numéro 2 à côté de ce cercle ?
11 R. Je ne vois pas Dumnica, mais je peux voir Samodreza.
12 Q. Est-ce que vous pouvez faire un cercle autour de Samodreza. Est-ce que
13 vous pouvez y apposer le chiffre 2.
14 R. [Le témoin s'exécute]
15 Q. Merci. Je ne sais pas si vous pouvez voir Vesekocv sur la carte ?
16 R. Non, je ne le vois pas.
17 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous montrer où se trouvait le convoi
18 au moment où on a tiré sur votre père et votre frère ? Est-ce que vous vous
19 trouviez entre deux localités ? Est-ce que vous savez où vous vous trouviez
20 ce jour-là, le 2 mai ?
21 R. Nous nous trouvions entre Studime i Eperme et Studime i Poshtme,
22 quelque part par là.
23 Q. Est-ce que vous pouvez faire un cercle, puis mettre le chiffre 3 près
24 de ce cercle.
25 R. [Le témoin s'exécute]
26 Q. Très bien. Est-ce que vous pouvez nous montrer sur la carte où se
27 trouvait la prison ou la ville à laquelle vous avez fait référence comme
28 étant la prison et où est-ce que vous êtes allée pour inscrire votre
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1 nouveau domicile. Je pense qu'il s'agissait de Smrekonica ?
2 R. Oui, la prison, elle était à Smrekonica. Cela se trouve ici.
3 Q. Est-ce que vous pouvez mettre le chiffre 4 près de cet endroit.
4 R. [Le témoin s'exécute]
5 Q. Merci.
6 M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi.
7 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je vois Me Lukic qui s'est levé.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Monsieur Lukic.
9 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, cher confrère, nous
10 expliquer ou nous indiquer dans la déclaration du témoin, où elle fait
11 référence à la prison où elle s'est inscrite. Je pense que dans la
12 déclaration, il est question d'un dispensaire ou d'un hôpital.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a été dit que les hommes avaient
14 été conduits à la prison.
15 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. Je n'ai jamais voulu dire qu'elle
16 était allée elle-même en prison.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comme vous l'avez dit, Maître Lukic,
18 les femmes se sont rendues dans un endroit à Smrekonica pour s'inscrire.
19 M. HANNIS : [interprétation] C'est tout à fait exact. Cela se trouve au
20 paragraphe 13.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous prenez le paragraphe 11,
22 quatrième ligne, vous voyez ce qui est écrit : "J'ai appris par la suite
23 que tous les hommes avaient été emmenés à la prison de Smrekonica."
24 M. HANNIS : [interprétation]
25 Q. Puis, Madame Xhafa, une toute dernière chose, si vous pouviez faire un
26 cercle et écrire le chiffre 5 autour de Dobar Luka, là où vous dites que
27 vous avez séjourné ?
28 R. Oui.
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1 Q. Merci.
2 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait faire un cliché de cette
3 photo maintenant et lui attribuer une cote IC.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La prochaine cote, ou la cote suivante
6 IC et IC20.
7 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
8 Q. Madame Xhafa, Dobar Luka, dans quelle maison avez-vous séjourné avec
9 votre famille ? Est-ce que vous saviez qui habitait dans cette maison
10 auparavant ?
11 R. Oui. Il s'agissait de Sadi Shala, un habitant de ce village.
12 Q. Savez-vous quelle était l'appartenance ethnique de ce village avant le
13 début des combats en mars 1999 ?
14 R. Ils étaient tous Albanais.
15 Q. Est-ce que vous saviez ce qu'il était advenu des gens qui habitaient
16 dans ce village avant que vous, vous ne veniez séjourner dans ce village ?
17 R. Oui. Certaines personnes étaient restées dans le village. Ces personnes
18 nous ont dit que les gens avaient été envoyés en Albanie, qu'ils avaient
19 franchi la frontière et qu'ils se trouvaient en Albanie.
20 M. HANNIS : [interprétation] Je vous demanderais une petite minute,
21 Monsieur le Président.
22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
23 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions à poser
24 au témoin pour le moment.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez préciser
26 quelque chose à mon intention, Monsieur Hannis ?
27 M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec la déclaration 89(F) que j'ai
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1 reçue, il y a des documents.
2 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président. Je
3 pense que vous avez un document qui est la fiche d'inscription en albanais,
4 avec les cases qui ont été remplies en manuscrit. Vous avez également la
5 traduction anglaise du formulaire vierge. Vous avez également des
6 photographies de différentes tenues de camouflage qui sont très bien
7 camouflées d'ailleurs, parce que ce que l'on peut voir, ce sont quatre
8 carrés noirs.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est exact.
10 M. HANNIS : [interprétation] Notre intention était de les présenter en
11 addendum. En fait, ils faisaient partie d'une déclaration 92 bis qui
12 faisait partie de son compte rendu. Les photos des tenues de camouflage que
13 nous avons essayé d'identifier avec les versions originales en couleur, ont
14 été présentées, je pense, comme pièce à conviction numéro 18 dans l'affaire
15 Milosevic. Tout ce que nous avons pu obtenir de la part du Greffe et de nos
16 propres fichiers, c'est un exemplaire qui ressemble à ce que vous voyez.
17 Nous faisons des efforts pour trouver la version en couleur, ce qui sera
18 beaucoup plus logique pour tout le monde.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître O'Sullivan.
22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons procéder dans cet ordre : le
23 général Ojdanic, le général Pavkovic, le général Lazarevic, M. Sainovic, M.
24 Milutinovic et finalement le général Lukic.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
26 C'est à vous, Maître Visnjic.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Xhafa. Je suis Tomislav Visnjic, et je
2 représente le général Ojdanic. J'ai quelques questions à vous poser. Madame
3 Xhafa, vous avez fait une déclaration auprès des enquêteurs du bureau du
4 Procureur en 2001 ainsi qu'en 2002, juste avant de venir ici. Vous avez
5 témoigné à propos des événements dont vous avez parlé ici aujourd'hui.
6 J'aimerais vous poser la question suivante : j'aimerais savoir si vous avez
7 également fait une déclaration auprès d'un autre organisme ou auprès
8 d'autorités à propos de ces événements, le meurtre de votre père et les
9 blessures infligées à votre frère ?
10 R. Non, je n'ai fait aucune autre déclaration.
11 Q. Est-ce que vous savez que sur le territoire de votre municipalité, il y
12 a une commission chargée des crimes de guerre, une commission albanaise ?
13 R. Oui, je le sais.
14 Q. Vous ne leur avez pas parlé de ces événements ?
15 R. Non. Je n'ai pas eu le temps de le faire pour vous dire la vérité parce
16 que je travaille à temps plein. Donc, je ne les ai pas rencontrés.
17 Q. Est-ce que vous savez s'il y a des membres de votre famille, peut-être
18 certains membres de votre famille, qui ont parlé aux autorités de ces
19 événements ?
20 R. Peut-être, mais je n'ai posé la question à personne à ce sujet.
21 Q. Merci, Madame Xhafa. Dites-moi, Madame Xhafa, --
22 M. VISNJIC : [interprétation] Ou plutôt, je demanderais que l'on place ou
23 que l'on affiche à l'aide du prétoire électronique la pièce IC20.
24 Q. C'est la même carte, Madame Xhafa, que vous venez d'examiner. Vous avez
25 tracé des cercles autour de certaines localités sur cette carte. Il y a
26 quelque chose que l'on ne voit pas sur cette carte, mais d'après ce que
27 j'ai compris, c'est à Slavkovce que vous avez rejoint le convoi ?
28 R. Nous sommes partis de Sllakoc, et nous sommes entrés dans Studime.
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1 C'était en bordure de Studime i Eperme.
2 Q. Merci. Quelle est la distance, s'il vous plaît, approximative entre
3 Slavkovce et Studime le haut --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
5 M. HANNIS : [hors micro]
6 M. HANNIS : [interprétation] La pièce P38 nous permettrait probablement de
7 voir plus que ce que l'on voit ici.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, c'est possible.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à vous de décider.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Pour lundi, j'allais préparer une carte à
12 l'intention de Mme le Témoin. Je ne m'attendais pas à voir cette image-ci,
13 enfin cette carte-ci. Mon confrère semble avoir parlé du --
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le mieux, ce serait de reprendre la
15 pièce P38 et de l'examiner sous un format raisonnable pour que le témoin
16 puisse nous identifier les localités.
17 M. VISNJIC : [interprétation] Très bien.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir un peu,
19 s'il vous plaît.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Encore une fois, s'il vous plaît. Cela
21 suffira. Agrandissez.
22 Q. Madame Xhafa, vous voyez Slakovce sur cette carte ? C'est vers le
23 milieu.
24 R. Oui.
25 Q. Dites-moi, d'après vous, il y a quelle différence entre Slakvoce et
26 Studimlja le haut ? Est-ce que vous pouvez vous représenter les distances ?
27 Vous avez une idée de ces distances ?
28 R. Vraiment, je ne sais pas. On est allés de Sllakoc à Ceceli, de Ceceli à
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1 Studimlja, ce village-là. De Ceceli à Studimlja, je pense, que la distance
2 était de l'ordre de sept kilomètres.
3 Q. Donc, de Slakovce à Ceceli et de Ceceli à Studimlja. C'est cela que
4 vous dites. Ai-je raison ?
5 R. Il y a une route entre Sllakoc et Ceceli. Nous avons traversé une zone
6 montagneuse ou des collines, puis nous sommes arrivés à Studimlje. Je pense
7 que cette distance de Sllakoc à Ceceli, à Studime i Eperme, en tout, fait
8 sept kilomètres.
9 Q. Très bien. C'était un convoi qui comptait environ 50 000 personnes
10 d'après vos estimations; c'est cela ?
11 R. Oui, c'est ce que j'ai pensé, 30 000 à 50 000. C'est, bien sûr, une
12 évaluation.
13 Q. Quoi qu'il en soit, cette colonne ne s'interrompait pas de Slakovce
14 vers l'avant autant que vous ayez pu le voir ?
15 R. Oui. C'était une colonne très longue. Au niveau de la colline de
16 Studimlje, j'ai pu jeter un coup d'œil. De Studime i Eperme, je pouvais
17 voir jusqu'au Studime le bas. Je voyais des gens marcher. Certains étaient
18 à bord de tracteurs, de véhicules. C'était une colonne très longue.
19 Q. Vous voyiez la colonne qui s'étendait devant vous ?
20 R. Oui. Mais il y avait aussi les gens derrière nous.
21 Q. Très bien. Maintenant je voudrais tirer au clair un point. Je pense que
22 c'est un malentendu, mais tout de même. Dans le compte rendu d'audience,
23 dans l'affaire Milosevic, 4 148, numéro de la page. D'après vos souvenirs,
24 à quel moment avez-vous rejoint la colonne à Slakovce ?
25 R. Je ne comprends pas votre question. Est-ce que vous pouvez la
26 reprendre.
27 Q. Je reprends. Dans l'affaire Milosevic, vous avez dit dans votre
28 déposition que vous n'avez pas rejoint la colonne immédiatement constituée,
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1 mais que c'est plus tard, au cours de la journée, à Slakovci, que vous
2 l'avez rejointe. Dites-nous, à quel moment de la journée vous et le reste
3 de votre famille avez-vous pris votre place dans cette colonne de véhicules
4 qui avançait ?
5 R. C'était le 2 mai, dans l'après-midi. C'était le jour où nous avons
6 rejoint la colonne, où il y avait tant d'autres personnes.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous demande à quelle heure, à quel
8 moment de la journée ce jour-là avez-vous rejoint la colonne ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était dans l'après-midi, vers
10 13 heures ou 14 heures, probablement.
11 M. VISNJIC : [interprétation]
12 Q. Il était quelle heure quand vous êtes arrivés à Studimljs ?
13 R. A 16 heures.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, épuisez ce point, puis
15 nous allons lever l'audience.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Oui. Il me reste trois autres questions. Je
17 ne pense pas que j'aurai besoin de dépasser notre horaire habituel.
18 Q. S'agissant de cet endroit où vous êtes arrivés, comme vous dites, vers
19 16 heures, en fait, cela se situe entre Studimlja le haut et Studimlja le
20 bas ?
21 R. Oui.
22 Q. Il ne me reste plus qu'une seule question pour aujourd'hui. Dites-moi,
23 s'il vous plaît, dans cette remorque - c'est le paragraphe 4 de votre
24 déclaration - cette remorque qui était attachée au tracteur, vous dites
25 qu'il y avait tous les membres de votre famille. C'est uniquement les
26 hommes qui m'intéressent. Je vais vous donner lecture de leur nom pour voir
27 si j'ai bien compris. Il y avait votre père au volant, qui était avec vous.
28 Vos frères, Jetish et Fazil; et trois fils de Fazil; Ismet qui avait 20 ans
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1 à l'époque; Lavdim qui avait 13 ans; et Mirsad qui avait 16, à peu près.
2 Ai-je raison ?
3 R. Non, non, vous faites erreur. Sur le tracteur, il y avait Jetish, mon
4 père, Ismet, Lavdim. Mirsad et Fazli marchaient. Ismet, Mirsad et Lavdim
5 sont les fils de Jetish.
6 Q. Donc, Mirsad et Fazil marchaient à côté du tracteur, ils étaient avec
7 vous ?
8 R. Ils sont partis plus tôt. Fazil était à pied. Ils sont partis plus tôt,
9 ils étaient à pied, et nous, nous sommes partis un peu plus tard et nous
10 avons pris le tracteur. C'est ce que la police nous a dit de faire.
11 Q. A Studimlja le bas, c'est là que vous les avez retrouvés, comme vous
12 dites dans la déclaration du 2 mai ?
13 R. Nous avons vu Mirsad et Fazli et nous avons continué tous ensemble à
14 pied jusqu'à Vushtrri.
15 Q. Merci.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, j'en
17 ai terminé avec ce point.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, merci.
19 Madame Xhafa, il va falloir terminer pour aujourd'hui. Nous
20 reprendrons lundi. Vous allez continuer de déposer. Ce sera à 9 heures
21 lundi. Je vous demande de revenir pour lundi pour reprendre votre
22 déposition lundi. Mais il est très important pendant ce week-end que vous
23 ne parliez à personne de votre déposition, personne. Donc, vous ne parlez
24 ni de la déposition que vous avez faite ni de ce que vous allez dire à
25 l'avenir. Vous pouvez parler de tout ce que vous voulez, sauf de cela, s'il
26 vous plaît.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, j'ai compris.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons lundi matin à 9
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1 heures.
2 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi 28 août
3 2006, à 9 heures 00.
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