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1 Le mercredi 6 septembre 2006
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Shaqiri.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre
9 déposition. Je vous rappelle que la déclaration solennelle que vous avez
10 prononcée au début de cette déposition est toujours valable aujourd'hui.
11 Maître Ackerman.
12 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 LE TÉMOIN: ABDYLHAQIM SHAQIRI [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Contre-interrogatoire par M. Ackerman : [Suite]
16 Q. [interprétation] Monsieur Shaqiri, je pense que nous avons encore ou
17 que j'ai encore beaucoup de questions à vous poser. J'aimerais juste vous
18 rappeler que je vais essayer de formuler des questions de telle sorte que
19 vous puissiez y répondre facilement. Si vous ne les comprenez pas, dites-
20 le-moi, je les reformulerai. Nous verrons si nous allons pouvoir aller
21 aussi vite que faire se peut en besogne.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, est-ce que vous
23 pourriez vous assurer de vous rapprocher du microphone, de faire en sorte
24 que votre voix passe bien dans le microphone. Nous allons les ajuster.
25 Voilà.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.
27 M. ACKERMAN : [interprétation]
28 Q. Hier, à la fin de votre déposition, M. Hannis vous a montré un
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1 document. Il s'agissait d'un rapport d'entretiens ou d'interviews. Il
2 s'agissait soit de l'OSCE, soit du GCI. Vous nous avez dit avoir reconnu le
3 fait que votre nom figurait sur ce document, et vous nous avez dit que vous
4 l'aviez signé. J'aimerais vous poser quelques questions à propos de ce
5 rapport justement. Car dans la fiche de renseignements supplémentaires que
6 le Procureur nous a transmise, il est indiqué que vous avez dit le 28 août
7 que la déclaration que vous aviez faite auprès du GCI ou de l'OSCE, vous
8 aviez dit que vous étiez épuisé lorsque vous avez fait cette déclaration.
9 Est-ce que cela est exact ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Puis-je supposer, à juste titre, que vous avez dit que vous étiez
12 épuisé lorsque vous avez fait ou lorsque vous avez participé à cet
13 entretien, ce qui fait que nous pouvons comprendre que certaines des choses
14 que vous avez dites à ce moment-là ne sont peut-être pas forcément exactes,
15 et que vous les avez tout simplement dites parce que vous étiez épuisé ?
16 R. Non, ce n'est pas exact.
17 Q. Donc, ce que vous avez dit pendant cet entretien correspondait à la
18 vérité et à la réalité et à ce que vous aviez observé ?
19 R. Oui.
20 Q. Pour autant que je sache, cette interview fut la première fois que vous
21 avez relaté au monde extérieur ou à un représentant d'une organisation
22 l'expérience que vous aviez vécue au Kosovo et la façon dont vous avez
23 quitté le Kosovo. Est-ce que cela est vrai ?
24 R. Oui.
25 Q. Apparemment, cette déclaration a été faite le jour où vous êtes arrivé
26 en Macédoine ou peut-être une journée plus tard. Est-ce que cela est
27 exact ?
28 R. Oui. Je l'ai fait deux jours plus tard.
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1 Q. Très bien. Alors, il y a un des éléments qui est contenu ou qui figure
2 dans cet entretien. Je dirais que la personne qui vous a interrogé, je
3 pense qu'il n'est que juste que vous entendiez ce qu'il a dit, ce que la
4 personne qui vous a interrogé a dit : "Les villageois ont entendu des
5 soldats qui parlaient russe."
6 Est-ce que vous avez dit à cette personne que vous aviez entendu des
7 soldats qui parlaient russe ou est-ce que ce sont d'autres villageois qui
8 vous ont dit à vous qu'ils avaient entendu des soldats parler russe ?
9 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela.
10 Q. Vous n'avez pas remarqué cela lorsque vous avez signé cette fiche ou ce
11 formulaire, le formulaire ou la fiche de votre interview ?
12 R. Non.
13 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu parler de soldats qui se seraient
14 trouvés dans votre village et qui se seraient exprimés en russe ?
15 R. Non.
16 Q. Est-ce que vous savez comment se fait-il que cela se soit glissé dans
17 ce rapport si vous ne l'avez pas dit vous-même à la personne qui vous
18 interviewait ?
19 R. Lorsque j'ai parlé avec ces trois officiers, des soldats serbes et ses
20 collègues, donc les autres officiers, l'appelaient Russ. Ce n'est pas la
21 population qui l'appelait comme cela; ce sont les soldats qui l'appelaient
22 Russ. Cela signifie "Russe" en albanais. C'était un officier serbe, et son
23 surnom, c'était Russ.
24 Q. Très bien. Toujours dans le cadre de la même interview, vous avez
25 relaté les événements du 6 avril 1999. D'après la personne qui vous a
26 interviewé, vous avez dit qu'il y avait 3 000 personnes qui étaient
27 alignées, qui se trouvaient sur la route principale et qui avaient été
28 menacées à bout portant par environ 100 paramilitaires. Est-ce que c'est
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1 bien cela que vous avez dit à cette personne ?
2 R. Non.
3 Q. Toujours d'après ce rapport, vous avez dit à la personne qui vous a
4 interviewé, que vers 14 heures le 6 avril, vous avez quitté votre village,
5 vous vous êtes dirigé vers Bujanovac.
6 R. Oui.
7 Q. Donc --
8 R. Oui.
9 Q. Parmi les éléments que j'ai mentionnés dans ce rapport, tout était
10 erroné, hormis ce dernier élément, ce que je viens de mentionner. Est-ce
11 que cela est vrai ?
12 R. Ce que vous avez mentionné en dernier, c'est exact. Pour ce qui est des
13 autres choses, je ne m'en souviens pas.
14 Q. Vous ne vous en souvenez pas ou cela est faux ? Je pense que m'avez dit
15 qu'il était faux de dire que les villageois avaient entendu quelqu'un qui
16 parlait russe, et que c'était également erroné de dire que le groupe avait
17 été menacé par quelque 100 paramilitaires qui les tenaient à bout portant,
18 au bout de leur fusil.
19 R. J'aimerais fournir une explication.
20 Q. Faites donc.
21 R. Je n'ai parlé qu'avec les officiers, les officiers serbes. Dans la
22 partie occidentale du village, toutefois, il y avait des soldats serbes qui
23 ont pillé le village, qui ont saccagé le village. Personne n'a dit qu'ils
24 parlaient russe, ils s'exprimaient en serbe. Alors, pour ce qui est de
25 votre question, de ce que vous m'avez dit à propos de ces 100 soldats ou de
26 cette centaine de soldats qui pillaient le village, cela est vrai. Cela
27 s'est passé dans la partie ouest du village. Mais la partie est du village,
28 elle, elle était intacte, et cela est vrai.
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1 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de votre première déclaration
2 au bureau du Procureur. Il s'agit de la déclaration du
3 25 avril 1999. Je vais y faire référence ainsi qu'à certains éléments de
4 votre déposition d'hier. A la page 6 de la déposition d'hier, et je
5 commencerai par la ligne 21, vous étiez en train de parler du
6 6 avril, dans votre village de Prilepnica. Vous avez un arrêt, vous aviez
7 dit que vous vous trouviez chez votre mère. Hier, vous nous avez dit, et je
8 cite : "J'ai entendu des tirs et des coups de feu qui venaient de tous les
9 côtés sur Prilepnica."
10 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela hier lors de votre
11 déposition ?
12 R. Oui.
13 Q. Puis, M. Hannis vous a demandé ce que vous aviez fait lorsque vous avez
14 entendu ces tirs. Voilà ce que vous avez dit et je cite à nouveau votre
15 déclaration : "Pour un moment, j'étais cloué sur place. Puis, après avoir
16 parlé avec certains de mes proches, j'ai décidé de me rendre vers la partie
17 sud du village, là où on entendait les tirs."
18 J'aimerais vous poser une première question à ce sujet. Vous avez dit que
19 vous aviez marché jusqu'à l'endroit où l'on entendait le tir. Est-ce que
20 cela signifie que vous avez entendu seulement un tir et qu'il ne s'agissait
21 pas de tirs multiples ?
22 R. Les tirs venaient de tous les côtés. Ils étaient nombreux, il n'en a
23 pas eu juste un. Moi, ainsi que d'autres, nous nous sommes dirigés vers le
24 sud du village, là où se trouve l'entrée du village parce que c'est de là
25 que provenaient les tirs. Dans ce genre de situation, il est naturel que
26 les gens soient effrayés. Mon ami s'est arrêté quelque part, j'ai poursuivi
27 mon chemin. Je dois dire qu'après avoir marché pendant 500 ou 600 mètres,
28 c'est là que j'ai rencontré le premier soldat qui avait les deux otages que
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1 j'ai mentionnés, Nazim Xhelili et Shefik Shaqiri.
2 Q. Vous nous avez dit que les villageois avaient peur, apparemment vous,
3 vous n'aviez pas peur puisque vous vous êtes dirigé vers l'endroit d'où
4 provenaient les tirs, donc vous vous n'aviez pas peur. Est-ce que cela est
5 exact ?
6 R. J'étais mort de peur également, mais il fallait bien que quelqu'un
7 aille parler à ces personnes. J'ai pu leur parler, mais il est évident que
8 j'avais également très peur.
9 Q. Dans votre déclaration au bureau du Procureur, dans la déclaration du
10 25 avril 1999, au paragraphe 9 de cette déclaration, vous aviez relaté aux
11 personnes qui vous ont interviewé en 1999, donc juste après ces événements,
12 le fait suivant : lorsque vous avez marché dans le village, à ce moment-là
13 vous avez vu deux soldats qui avaient arrêté deux villageois. Hier, lors de
14 votre déposition, à la page 7, ligne 5, vous avez parlé seulement d'un
15 soldat. Est-ce que vous pouvez nous dire comment se fait-il que vous avez
16 parlé de deux soldats en avril 1999 et qu'hier il n'était plus question que
17 d'un soldat ? Comment est-ce que vous pouvez expliquer ce changement ?
18 R. Il y avait plusieurs soldats, Maître, mais près des otages, il n'y en
19 avait qu'un, le soldat qui les menaçait de son fusil. Les autres soldats
20 étaient debout à quelque 10 ou 15 mètres. Je ne peux pas vous donner leur
21 nombre exact, mais ils étaient nombreux.
22 Q. Je pense que c'est moi qui n'ai pas été précis. Dans votre déclaration
23 d'avril 1999, une déclaration qui, d'après ce que vous nous avez dit hier,
24 vous a été relue et que vous avez signée. Pour ce qui est justement de la
25 formule que vous avez utilisée à ce sujet, voilà ce que vous avez dit :
26 "J'ai vu deux soldats qui portaient l'uniforme de l'armée serbe, deux
27 soldats qui avaient arrêté deux villageois."
28 Hier, vous avez décrit ce même incident, et vous nous avez dit qu'il n'y
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1 avait qu'un soldat qui avait arrêté deux villageois. La question que je
2 vous pose est comme suit : pourquoi est-ce que cela a changé entre le mois
3 d'avril 1999 et hier ?
4 R. La première fois, je me souvenais mieux du nombre de soldats qui était
5 présent là. Car pendant un moment, je ne me suis pas souvenu du soldat qui
6 était un peu à l'écart, mais ce qui est important pour moi c'est la
7 conversation que j'ai eue avec l'un de ces soldats. J'ai fourni la réponse
8 parce que je pensais à la personne avec qui j'avais parlé, parce que c'est
9 la question qui m'avait été posée : Avec qui avez-vous parlé ? J'ai répondu
10 : J'ai parlé à ce soldat. On ne m'a pas demandé combien de soldats j'avais
11 vus, en tout cas c'est comme cela que j'avais compris la question qui m'a
12 été posée.
13 Q. A un moment donné vous avez dit que ces villageois avaient été fait
14 otages contre une rançon. Quelle était la rançon qui avait été demandée ?
15 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir cette
16 référence, à cette rançon ?
17 M. ACKERMAN : [interprétation] Si je ne vous les donne pas maintenant, je
18 vous la donnerai ultérieurement.
19 M. HANNIS : [interprétation] Je la demande maintenant cette référence parce
20 que je me souviens des otages, mais je ne me souviens pas de rançon.
21 M. ACKERMAN : [interprétation] Je n'ai pas pris de note à ce sujet, mais
22 cela fait partie du compte rendu d'audience d'hier, page 8, et je pense
23 qu'il s'agit de la ligne 19. Le soldat qui détenait ces otages contre une
24 rançon.
25 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi est-ce que vous avez dit que
26 ces personnes avaient été faits otages contre une rançon ? Quelle était la
27 rançon qui avait été demandée ?
28 R. Non. Ils ne m'ont pas dit qu'ils avaient été retenus contre une rançon.
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1 C'étaient des otages, ils étaient agenouillés sur la route, le fusil était
2 dirigé vers eux, voilà ce que j'entends par ce mot "rançon".
3 Q. C'est pour cela qu'ils avaient été faits otages ? Qu'est-ce qui était
4 demandé pour qu'ils puissent être mis en liberté ?
5 R. Je vous dis, Maître, que Nazim Xhelili, lorsqu'il m'a vu marcher vers
6 eux, il s'est exprimé et il a parlé très fort et il a dit : Viens ici,
7 viens ici Hoxha. Il voulait un interlocuteur. Pour ce qui est de votre
8 question, pourquoi est-ce qu'ils les avaient faits otages, je n'en sais
9 rien. Je n'ai absolument pas d'information à ce sujet.
10 Q. Vous avez utilisé le mot "otage", pas moi, peut-être que vous vous
11 aviez l'intention d'utiliser le mot prisonnier, est-ce que ce mot serait
12 peut-être plus précis, plus exact ? Plutôt que de dire qu'ils avaient été
13 faits otages, ils avaient été faits prisonniers, parce que vous avez dit
14 qu'ils avaient été arrêtés.
15 R. Vous avez utilisé le mot "prisonnier". Pour moi la définition d'un
16 prisonnier c'est quelqu'un qui est détenu dans une prison, et non pas
17 quelqu'un qui est agenouillé par terre sur la route avec un fusil dirigé
18 vers lui. Pour moi, ce n'est pas un prisonnier. Cela, pour moi, il s'agit
19 d'un otage. Je ne sais pas quel autre substantif utiliser pour décrire
20 cette scène. Si vous avez le choix d'un autre substantif, qu'à cela tienne,
21 utilisez-le.
22 Q. Je vous en suis fort reconnaissant. Est-ce que vous savez pourquoi les
23 villageois avaient été arrêtés par ces deux soldats ?
24 R. D'après les informations que j'ai, lorsque les soldats serbes sont
25 entrés dans le village vers 8 heures, ils sont allés dans les maisons des
26 villageois. Ils y avaient trouvé des gens et ils avaient appréhendé 100 ou
27 150 villageois qu'ils avaient conduits dans une maison. Ils avaient pris
28 ces deux personnes, je les ai vues et ils les ont emmenées vers le centre
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1 du village.
2 Q. Qu'avaient-ils fait ? De quel délit ou de quel crime étaient-ils
3 responsables pour avoir été arrêtés ainsi ?
4 R. Ils ont été roués de coups et ils ont été emmenés là par les soldats.
5 Pourquoi ? Les soldats le savent, mais je ne le sais pas.
6 Q. Très bien. Hier, vous nous avez dit qu'outre le soldat ou les soldats
7 qui avaient détenu ces deux personnes, il y avait 12 ou 15 autres soldats
8 qui se trouvaient à proximité. Cela figure à la page 8, ligne 4. Puis, M.
9 Hannis vous a posé une question, à la ligne 16 : "Avez-vous vu des insignes
10 ou des écussons, ou des signes indiquant le grade de ces personnes sur les
11 uniformes ?"
12 Votre réponse a été comme suit, je vous cite : "Non, non. Ils n'avaient pas
13 de grades, je n'ai pas vu de signes représentatifs de grades."
14 Qu'en est-il des écussons, est-ce que vous avez vu des écussons ?
15 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas en avoir vu.
16 Q. Dans cette déclaration de 1999 que vous avez faite auprès du bureau du
17 Procureur, et je suppose que vous avez la possibilité de consulter à
18 nouveau cette version avant de commencer votre déposition hier, vous aviez
19 dit que ces personnes portaient, et je cite : "Un uniforme vert olive de
20 l'armée serbe de métier avec le béret noir et l'écusson en demi-cercle,
21 semblable à la Srpska Garda."
22 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?
23 R. Non, je n'ai pas dit cela. Je n'ai jamais mentionné de signes
24 distinctifs, et je n'ai jamais mentionné de béret noir.
25 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que cela ne figurait pas
26 dans votre déclaration du mois d'avril 1999 ou est-ce que vous me croyez
27 sur parole lorsque je vous dis que cela figure dans votre déclaration ?
28 R. La première phrase qui porte sur la couleur vert gris olive de
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1 l'uniforme, cela c'est vrai. Pour ce qui est de ce qu'ils avaient sur leur
2 couvre-chef ou d'insigne, cela, je ne l'ai jamais dit. Donc, c'est en
3 partie vrai.
4 Q. Est-ce que vous seriez surpris de voir que ces mots se trouvent dans la
5 déclaration que vous avez lue et signée ?
6 M. HANNIS : [interprétation] Il ne l'a pas lue cette déclaration, Monsieur
7 le Président, on lui a lue.
8 M. ACKERMAN : [interprétation] Je suis d'accord.
9 Q. On vous a lu cette déclaration et vous l'avez signée. Est-ce que vous
10 seriez surpris de voir que ces mots figurent dans la déclaration dont vous
11 nous avez dit qu'elle correspondait à vos souvenirs, déclaration que vous
12 avez faite quelques jours après l'événement ?
13 R. Si vous parlez de béret, quelle qu'en soit la couleur d'ailleurs, ou si
14 vous parlez d'insignes ou de grades, je ne l'ai pas dit. Je ne l'ai pas dit
15 à ce moment-là, je ne l'ai pas dit maintenant et ce serait, de toute
16 évidence, une grande surprise pour moi.
17 M. ACKERMAN : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait fournir au témoin
18 un exemplaire en B/C/S de sa déclaration, parce que je sais où il pourrait
19 trouver cette phrase dans la version B/C/S et il pourra la lire.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, écoutez --
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, vous pouvez me le donner en serbo-
22 croate également, le document.
23 M. ACKERMAN : [interprétation] J'aurais dû effectivement parler de "serbo-
24 croate", mais ici, par souci de commodité, nous parlons de B/C/S.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2288, si vous
26 voulez que cela soit affiché à l'écran.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] J'avais cru comprendre que cela ne fait pas
28 partie du système.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il ne s'agit pas de
2 l'entretien auquel il a été fait référence hier ?
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, non. Hier, il s'agissait du rapport du
4 GCI, alors que là, je parle de la déclaration du bureau du Procureur.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, celle du 25 avril.
6 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je m'excuse.
8 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous avons un exemplaire de cette
9 déclaration, et nous la lui avons transmise, Monsieur le Président.
10 Q. Monsieur, je pense que vous allez trouver cela --
11 R. On m'a donné une déclaration en anglais. Je ne comprends pas l'anglais.
12 Q. Je ne sais pas pourquoi c'est l'anglais qui vous a été donné, parce que
13 cela ne va pas vous être d'un grand secours, n'est-ce pas ?
14 R. Je souhaiterais l'avoir en serbo-croate ou en albanais.
15 Q. Nous allons essayer de trouver une copie en serbo-croate.
16 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous en avons une. Nous avons un exemplaire,
17 si M. l'Huissier veut bien venir le chercher.
18 [Le conseil de la Défense se concerte]
19 M. ACKERMAN : [interprétation]
20 Q. Le paragraphe entier vers le bas de la page, vous devriez y trouver ce
21 qui suit, c'est ce que vous avez dit : "…un béret noir comportant un
22 écusson avec des demi-cercles ressemblant à Srpska Garda."
23 Dites-moi si vous trouver cela dans le texte.
24 R. Je l'ai trouvé.
25 Q. C'était un écusson qui ressemblait à celui que vous avez prétendu voir,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Les insignes sur les couvre-chefs, sur les bérets, qui sont cités ici,
28 m'ont été montrés sur une photographie. On m'a posé la question : Est-ce
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1 que vous reconnaissez ces uniformes ou ces couvre-chefs ? J'ai dit : Oui.
2 Mais je n'entendais pas celui qui appartenait au soldat que j'ai cité.
3 C'est un malentendu ici.
4 Q. Lorsque ceci vous a été relu, ceci a été fait justement pour que vous
5 puissiez corriger ce genre d'erreur ou de malentendu, si c'est quelque
6 chose qui vous avait échappé.
7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, cela signifie que cela
8 lui a été relu correctement.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que nous devons supposer cela,
10 Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne sommes pas en droit de
12 supposer cela ?
13 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, il a déjà précédemment
14 indiqué dans son témoignage qu'il avait un problème avec l'interprète qui
15 n'était pas très bon.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est une question --
17 LE TÉMOIN : [interprétation] La déclaration m'a été lue en albanais et à ce
18 moment-là par l'interprète qui était de Macédoine. Je ne l'ai jamais revu
19 après cela.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette question-ci doit être soupesée.
21 Je crois que la question est tout à fait appropriée et on suppose que la
22 relecture qui aura été faite est tout à fait exacte. Si vous voulez prouvez
23 le contraire, évidemment, en temps utile, Monsieur Hannis, ce sera à vous
24 de prouver que les déclarations de témoins n'ont pas été relues
25 correctement.
26 Maître Ackerman.
27 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est simplement parce
28 que dans cette affaire, une référence précise a été faite à l'interprète.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends, Monsieur Hannis, mais ce
2 problème va être un problème récurrent, je suppose, à la manière dont ces
3 déclarations ont été prises.
4 Poursuivez, Maître Ackerman.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, simplement pour les
6 besoin du compte rendu d'audience, je vais vous rappeler, Madame, Messieurs
7 les juges, que c'est la deuxième fois que nous avons eu ce genre de
8 réaction par rapport à une déclaration qui n'a pas été relue correctement.
9 La première fois, on a prétendu que la déclaration avait été relue trop
10 rapidement, et si on veut utiliser ces déclarations, il faut -- ces
11 déclarations ont été signées et faites sous serment. Donc si cela lui a été
12 relu et qu'il le comprend, que pouvons-nous utiliser dans ce cas-là ?
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est difficile d'être dans la
14 position du Procureur, Maître Ackerman, s'il présente ces déclarations
15 prises par son bureau et qu'il pose des questions sur ces éléments-là, s'il
16 souhaite les minimiser, alors il a besoin de prendre les mesures
17 nécessaires pour faire en sorte que ceci soit fait correctement et ne pas
18 leur accorder l'importance qu'elles méritent.
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Je vous ai parlé non pas d'un béret noir, j'essaie de parler de cet
21 écusson avec des demi-cercles qui ressemblait à Srpska Garda. Il m'est
22 difficile de croire que ce serait une erreur dans votre déclaration, que
23 quelqu'un aurait mentionné cet écusson avec des demi-cercles et que cela
24 ressemblait à Srpska Garda, si vous-même n'en aviez pas parlé.
25 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, ceci n'est pas une
26 bonne façon de décrire sa déposition. On lui a demandé s'il le
27 reconnaissait, il a dit qu'il reconnaissait. Il dit que l'erreur a été
28 commise par ceux qui ont rédigé ce rapport et qui ont dit que c'était porté
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1 par des soldats avec lesquels il s'entretenait.
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a déjà fait sa déposition, Maître
4 Ackerman. Tout ce qu'on lui a demandé, c'était de savoir s'il reconnaissait
5 ce qu'on lui montrait, et il a dit que oui et que ceci n'a rien à voir avec
6 des soldats en particulier lorsqu'il a fait sa déposition et qu'il ne
7 s'agissait pas des soldats avec lesquels il avait parlé dans sa
8 déclaration. Voilà l'explication qui a été fournie.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien, Monsieur le Président -- ce qui
10 contredit la déclaration. Je vais vous lire ceci. Je vais lire ceci au
11 témoin.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Bien sûr que cela contredit la
13 déclaration et peut-être que vous n'en arriverez jamais au bout. Vous
14 n'arriverez jamais à boucler la boucle.
15 M. ACKERMAN : [interprétation] Peut-être pas, Monsieur le Président. Dans
16 ce cas-là, j'abandonnerai.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ce qu'il faut garder à
18 l'esprit, Monsieur Hannis -- Maître Ackerman, c'est ceci.
19 M. Hannis peut-être pour finir se satisfait des explications données par le
20 témoin même si cela engendre ou provoque un certain nombre de frustrations,
21 compte tenu des résultats que produit ce type d'exercice. D'autre part, il
22 peut y avoir des circonstances un peu particulière qui peuvent donner
23 naissance à un désaccord et dans ce cas, l'Accusation doit décider si elle
24 accepte que le témoin relate deux récits différents ou s'il décide de
25 fournir une explication qui peut être fournie si d'autres éléments de
26 preuve sont apportés. Il s'agit de choses difficiles lorsqu'il s'agit de
27 rendre un jugement final à ce stade. C'est un exemple, je crois, d'une
28 situation où la Chambre va devoir tenir compte du contexte dans lequel la
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1 déclaration elle-même a été prise et des éléments de preuve présentés et de
2 toutes les circonstances qui environnent cela pour pouvoir évaluer la
3 situation au mieux lorsqu'elle entend le témoin dans le prétoire, et à
4 savoir si ce que le témoin raconte est effectivement fiable.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais passer à un autre domaine, Monsieur
6 le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. On me rappelle que ce document
8 n'est pas dans le système électronique de la Chambre. Peut-être que vous
9 souhaitez le présenter tout de même, dans ce cas-là, vous devez le faire.
10 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous avons essayé de le saisir dans le
11 système électronique hier soir, Monsieur le Président, mais nous n'avons
12 pas réussi.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
14 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous avons réussi à saisir tous les autres
15 documents, mais nous avons eu un problème de communication, je ne sais pas
16 lequel.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Tout d'abord, est-ce que vous
18 souhaitez verser ce document au dossier ?
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Dans ce cas, nous allons prendre
21 la copie papier et lui attribuer un numéro IC pour l'instant, par
22 anticipation. Ensuite, vous allez pouvoir saisir ce document dans le
23 système, dans toutes les langues dans lesquelles ce document existe, tout
24 en notant que cela revient au même. Le numéro IC est le numéro, de façon à
25 ce qu'il n'y ait pas de confusion à cet égard et qu'on ne donne pas deux
26 numéros différents au même document.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Ce serait le 4D10. C'est exact, le dernier
28 document est le 4D9.
Page 2847
1 [Le conseil de la Défense se concerte]
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, on vient de me dire
3 qu'il est dans le système sous le numéro 4D5 et que son titre est
4 retranscription de notes manuscrites. Peut-être que c'est bien cela.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon, je crois que c'est quelque chose
6 qui vous incombe de résoudre. Vous pourrez voir cela avec le greffe plutôt
7 que de le faire dans le prétoire. Ce que nous allons faire pour l'instant,
8 c'est donner un numéro de cote au document que le témoin vient de lire.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro IC32, Madame, Messieurs
10 les Juges.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Poursuivons avec le contre-
12 interrogatoire.
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous
14 promets de me familiariser avec le système électronique utilisé par la
15 Chambre. Pardonnez-moi pour ce petit problème.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De toute façon, vous vous êtes adressé
17 à des personnes semi aveugles. Je comprends très bien votre problème.
18 M. ACKERMAN : [interprétation]
19 Q. Vous souvenez-vous avoir parlé de ce soldat qui portait ces deux
20 personnes. Vous avez décrit son uniforme comme étant -- vous souvenez-
21 vous ? Vous dites que cet homme avait un bandana sur la tête ?
22 R. Oui.
23 Q. Pourriez-vous nous décrire ce bandana ? A quoi cela ressemblait-il ?
24 R. Ce bandana était noir, qui avait été noué à derrière la tête, rien de
25 particulier.
26 Q. Au cours de cette conversation que vous avez eue avec les soldats, ils
27 ont précisé qu'ils souhaitaient fouiller et vous leur avez dit qu'ils
28 pouvaient le faire, qu'ils pouvaient fouiller le village s'ils le
Page 2848
1 souhaitaient, n'est-ce pas ?
2 R. Non, je ne me suis pas entretenu avec des soldats, mais avec un soldat,
3 au singulier.
4 Q. Je repose la même question au singulier, sans S. Avez-vous parlé avec
5 ce soldat de l'UCK ou des membres de l'UCK qui se cachaient dans le village
6 et vous leur avez dit qu'ils pouvaient fouiller le village s'ils le
7 souhaitaient ? C'est ce que vous avez dit ?
8 R. Non, je n'ai pas dit qu'ils étaient les bienvenus, mais il m'a donné
9 l'ordre de le faire. Il m'a dit qu'il fallait sortir du village et l'excuse
10 qu'il nous a donné, c'était de dire que l'UCK avait fait irruption dans le
11 village. Je peux vous citer ses propres en B/C/S, si vous le souhaitez.
12 Q. Non, ce n'est pas du tout ce que je vous demande. Je vous demande
13 maintenant de regarder la déclaration que vous avez sous les yeux, à la
14 page 3, au paragraphe 2. Vous devriez trouver quelque chose qui correspond
15 à ce qui suit. On vous a posé une question sur l'UCK, les armes et les
16 terroristes. "Je lui ai répondu que nous n'avions rien de la sorte, mais
17 qu'ils étaient tout à fait les bienvenus et pouvaient se mettre à fouiller
18 s'ils le souhaitaient."
19 Est-ce bien ce que vous avez dit ou non ?
20 R. Je leur ai dit : Il n'y a pas d'UCK, il n'y a pas d'armes. Je n'ai pas
21 dit : Vous êtes les bienvenus. Je leur ai dit : Vous avez le droit de
22 fouiller le village. Vous pouvez le faire, cela n'est pas un problème.
23 Q. Ma question que je vous pose est celle-ci : est-ce que vous voyez cela
24 dans votre déclaration où c'est marqué : "Ils étaient les bienvenus et
25 pouvaient fouiller s'ils le souhaitaient." Est-ce que vous voyez cela à la
26 page 2 ?
27 R. Je ne sais pas où se trouve ce paragraphe.
28 Q. Pardonnez-moi. Paragraphe 2, page -- non, page 2, paragraphe 3.
Page 2849
1 R. Je leur ai dit qu'il n'y a rien de tout cela dans notre village, mais
2 ils peuvent le fouiller s'ils le souhaitent.
3 Q. Merci.
4 R. Ceci n'a pas été traduit correctement. Je n'ai pas dit : Vous êtes les
5 bienvenus et vous pouvez vous mettre à fouiller. Je n'ai pas dit qu'ils
6 étaient les bienvenus. J'ai dit qu'ils pouvaient le faire s'ils le
7 souhaitaient.
8 Q. C'est une différence intéressante. C'est une déclaration à propos de
9 laquelle vous nous avez dit hier qu'elle vous avait été relue en albanais
10 et vous l'avez signée et vous avez juré sur votre honneur et d'après votre
11 conscience, qu'elle illustrait correctement l'entretien que vous avez eu,
12 n'est-ce pas ?
13 M. HANNIS : [interprétation] La question a été déjà posée et la réponse a
14 déjà été donnée.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je suis d'accord, Monsieur
16 Hannis.
17 Poursuivez, Maître Ackerman.
18 M. ACKERMAN : [interprétation]
19 Q. Ces deux soldats ou ce seul soldat que vous avez évoqué hier, pour
20 finir, vous a emmené pour rencontrer quelqu'un que l'on appelait le
21 commandant; c'est exact ?
22 R. Après en avoir informé mes gens en utilisant le haut-parleur de la
23 mosquée, je suis allé rencontrer ce soldat. Nous avons marché ensemble sur
24 200 mètres environ et au bout du village, il y avait les trois officiers ou
25 leur commandant, sur une distance de 150 à 200 mètres environ.
26 Q. Vous auriez pu simplement répondre par "oui" à ma question, nous
27 aurions pu avancer rapidement de la sorte. Essayez de le faire, s'il vous
28 plaît.
Page 2850
1 D'après votre déclaration, ce commandant vous a dit que le village va être
2 bombardé par l'OTAN, qu'ils vont poser des mines dans le village et qu'il
3 serait dangereux de rester et qu'il faudrait partir; est-ce exact ?
4 R. En partie, oui.
5 Q. En partie non ? Je cite surtout ce que vous avez dit dans votre
6 déclaration. Pourquoi cela ne va-t-il pas ?
7 R. J'ai reçu des informations comme quoi ce village serait bombardé par
8 l'OTAN. Nous allons empêcher cela par tous les moyens possibles. Ce que
9 vous venez de dire en albanais, en tout cas la façon dont ceci m'a été
10 interprété, est un peu différent. Il s'agit de deux choses différentes :
11 tout d'abord, on a été informé de cela; ensuite, ils vont bombarder.
12 Q. Très bien. On vous a dit que c'était dangereux de rester et que vous
13 devriez partir, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, d'après eux, c'est ce qui devait se passer.
15 Q. Dans votre déposition hier, page 18, ligne 24, vous avez dit : "Ils
16 vous ont dit", je suppose que c'est le commandant : "Ils allaient miner le
17 barrage ainsi que le village et que l'ordre venait d'en haut et qu'il était
18 important de respecter cet ordre."
19 Lequel de ces soldats vous a dit cela ?
20 R. Les trois officiers qui étaient là, ainsi que l'officier qui était là
21 au moment où nous avons été encerclés à Gjilan dans l'hôpital, ils ont
22 utilisé la même phrase.
23 Q. Tous les trois ont dit cela. Est-ce qu'ils l'ont dit ensemble ou
24 séparément ?
25 R. Non, pas tous ensemble, séparément. Tout d'abord, le premier a dit
26 cela, lorsque les trois officiers étaient ensemble.
27 Q. Lequel des trois vous a dit cela ?
28 R. A partir du 6 avril ou le 6 avril, je ne connais pas leurs noms. J'ai
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1 simplement décrit pour ce qui est de la date. Je ne sais pas leurs noms,
2 mais j'ai décrit les officiers.
3 Q. Vous avez dit que vous avez parlé avec ces officiers et vous nous avez
4 dit : "Ils nous ont dit cela." Est-ce qu'ils l'ont tous dit ou est-ce que
5 simplement il y a un seul qui l'a dit ? Est-ce que c'était celui qui se
6 trouvait à gauche ? Celui qui était au milieu ? Ou celui qui était à
7 droite ?
8 R. Celui du milieu.
9 Q. C'est celui qui également vous a dit que l'ordre était venu d'en haut
10 et qu'il était nécessaire d'exécuter cet ordre; c'est exact ?
11 R. J'ai surtout parlé avec celui qui était au milieu.
12 Q. C'est celui qui a dit ce que je viens de vous citer; c'est exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous n'avez jamais parlé du fait que le barrage devait être miné ou que
15 l'ordre venait d'en haut dans toutes les déclarations ultérieures à propos
16 de ce sujet-là. Hier, c'est la première fois que nous en avons entendu
17 parler, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est exact, lorsque j'ai fait ma première déclaration, je ne me
19 souviens pas si j'en ai parlé ou non.
20 Q. Vous avez eu l'occasion de revoir votre première déclaration, après
21 votre venue à La Haye pour faire votre déposition dans le cadre de cette
22 affaire, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. J'ai eu l'occasion de la relire, et comme je vous l'ai dit, j'ai
24 apporté quelques corrections. Il y avait des erreurs techniques à corriger.
25 Q. Nous allons y venir. Vous n'avez pas vu ces termes-là dans la
26 déclaration car vous n'en avez jamais parlé à personne. Ceci n'a jamais été
27 mentionné dans aucune des déclarations que vous avez faites au bureau du
28 Procureur ?
Page 2852
1 R. Non.
2 Q. Quand pour la première fois avez-vous parlé à un membre du bureau du
3 Procureur du fait que ce barrage devait être miné et que l'ordre venait
4 d'en haut ? Quand pour la première fois en avez-vous parlé à un
5 représentant du bureau du Procureur ?
6 R. Cela devait être le 19, le 18 ou le 19 avril, lorsqu'un représentant de
7 l'OSCE venant de Suisse avait mené l'entretien.
8 Q. Vous avancez que c'est quelque chose dont vous avez déjà parlé très
9 tôt, n'est-ce pas ?
10 R. La plupart des questions étaient des questions auxquelles il fallait
11 répondre par oui ou par non. On m'a demandé de donner des réponses courtes,
12 de répondre simplement à la question et de ne pas raconter tous les
13 événements qui s'étaient déroulés. On m'a simplement demandé d'être très
14 précis au niveau des réponses que je donnais. Comme je racontais mon
15 histoire, il m'interrompait de temps en temps, il me disait écouter, cela
16 suffit, inutile de poursuivre.
17 Q. Est-ce vrai --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants,
19 s'il vous plaît.
20 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez maintenant,
22 aujourd'hui, nous dire de façon ferme et définitive que cette déclaration a
23 été faite et recueillie par l'OSCE ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La première déclaration que j'ai faite
25 est une déclaration que j'ai faite à l'OSCE. J'ai également la carte de la
26 personne qui a mené cet entretien.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner
28 ce nom, s'il vous plaît ?
Page 2853
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
3 M. HANNIS : [interprétation] Cela se trouve dans les éléments
4 complémentaires que je vous ai remis, le nom s'y trouve.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur
6 Shaqiri. Ce sont des éléments dont je ne dispose pas, c'est exact ?
7 M. HANNIS : [interprétation] Vous n'avez peut-être pas reçu les éléments
8 complémentaires car c'est un témoin que nous interrogions en tant que
9 témoin viva voce.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autrement dit, ce ne sont pas des
11 informations confidentielles. Est-ce que vous pourriez me donner le nom que
12 vous avez sur la carte de visite, Monsieur Shaqiri, s'il vous plaît ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Thomas Hunecke.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez m'épeler ce
15 nom, le nom de famille s'il vous plaît ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que M. l'Huissier peut nous aider.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, H-u-n-e-c-k-
18 e.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.
20 Maître Ackerman.
21 M. ACKERMAN : [interprétation]
22 Q. Lorsque vous avez été interrogé par Catherine Driguet au mois d'avril
23 1999, est-ce que vous lui avez parlé de cette histoire et du fait que le
24 village serait miné et que l'ordre venait d'au-dessus ?
25 R. Je lui ai raconté cette historie, mais c'était difficile.
26 Q. Merci. Lorsque vous avez parlé avec Annette Murtagh en juin 2001, est-
27 ce que vous lui avez raconté cette histoire, le fait que le barrage devait
28 être miné et que l'ordre venait d'en haut ?
Page 2854
1 R. Oui.
2 Q. Lorsque le 28 août 2006, Keith Scully et Irina Dragulev et avec le
3 bureau du Procureur, leur avez-vous parlé de ce barrage qui serait miné et
4 de l'ordre qui venait d'en haut ?
5 R. Lors du dernier entretien que vous avez évoqué, j'ai surtout procédé à
6 des corrections techniques. La déclaration intégrale et la seconde qui est
7 celle que j'ai faite en 2001.
8 Q. Je crois que j'ai réussi à semer la confusion. Vous avez parlé au
9 bureau du Procureur en février 2002. C'est un interrogateur qui répond au
10 nom de Jan Pfundheller. C'est à ce moment-là que vous avez corrigé les
11 erreurs. L'autre déclaration, qui est celle du
12 28 août, lorsque vous vous êtes entretenu avec Keith Scully et Irina
13 Dragulev, c'est à ce moment là, c'est ce qu'on appelle des éléments
14 complémentaires d'information. Il ne s'agit pas de correction ni de
15 correction d'erreurs; il s'agit d'élément complémentaire d'information que
16 vous avez fournis et qui n'étaient pas contenus dans vos déclarations. Je
17 me demande simplement si c'est quelque chose que vous avez évoqué lors de
18 cet entretien que vous avez eu le 28 août, et si vous avez parlé du fait
19 que le barrage devait être miné et que l'ordre venait d'en haut ?
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
21 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection
22 quant à la façon dont ces éléments d'information complémentaires ont été
23 décrits.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur
26 Shaqiri. J'écoute M. Hannis.
27 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il va falloir regarder cette
28 feuille de renseignements complémentaires. Vous constaterez cela de vous-
Page 2855
1 même, qu'il s'agit bien de corrections d'erreurs.
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que M. Hannis a raison, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Il y a quelques erreurs, quelque corrections
6 d'erreur. Voyons peut-être trois sur 27 paragraphes.
7 Q. Vous souvenez-vous en avoir parlé à ce moment-là ?
8 R. Non.
9 Q. Au cours de votre déposition à propos de cet événement dans votre
10 village le 6 avril, hier, à la page 19, ligne 1 du compte rendu - et peut-
11 être que je vais vous expliquer quelque chose avant de poursuivre - savez-
12 vous que chaque mot que vous prononcez est enregistré et que ceci nous est
13 ensuite remis par écrit de façon à ce que nous puissions voir exactement ce
14 que vous avez dit hier. Est-ce que vous comprenez bien cela ?
15 R. Oui.
16 Q. Page 19, ligne 1 d'hier, en parlant des soldats, vous avez dit : "Ils
17 ne nous ont pas menacé de nous tuer, non, ils n'ont pas fait cela."
18 Je me demande comment vous arrivez à concilier cela avec une déposition que
19 vous avez faite précédemment. Ils vous ont dit qu'ils allaient vous tuer en
20 premier et que vous seriez le premier à être exécuté ?
21 R. Peut-être que ceci n'est pas très clair à vos yeux, mais je peux vous
22 fournir une explication. Les officiers que je suis allé voir, ces officiers
23 m'ont menacé. Ce ne sont pas les soldats qui m'ont menacé.
24 Q. Mais ces officiers n'ont pas menacé de tuer les habitants du village,
25 n'est-ce pas ? C'est cela que vous dites ?
26 R. Non, cela n'était que les officiers qui étaient sur la route. Ils
27 n'avaient rien à voir avec les autres habitants du village. Ils se sont
28 simplement entretenus avec moi.
Page 2856
1 Q. Bien. Je souhaite maintenant repartir un petit peu en arrière et passer
2 à la page 14, paragraphe 16, de votre déposition d'hier. C'est là où vous
3 parlez du soldat surnommé Russ. Vous nous avez dit hier - vous n'allez pas
4 le retrouver dans la déclaration que vous avez parce que je fais une
5 référence ici au compte rendu. Vous avez parlé de ce soldat qui était
6 surnommé Russ. Et Russ vous a dit qu'un ordre était arrivé de Belgrade, en
7 vertu de quoi les habitants du village devaient quitter Prilepnica.
8 Avez-vous jamais dit quelque chose à propos de Russ et du fait qu'il vous
9 ait dit qu'un ordre était arrivé de Belgrade ? En avez-vous parlé dans vos
10 déclarations préalables; oui ou non ?
11 R. Oui.
12 Q. Donc, oui. Vous prétendez que vous avez déjà cité le nom de Russ avant,
13 dans les déclarations que vous avez faites précédemment ?
14 R. Oui. Ma signature et mes notes. J'ai fait une déclaration que j'ai
15 rédigée de ma propre main, et je ne vois pas cette déclaration.
16 Q. Ecoutez, cela, c'est intéressant. Je ne sais pas où est cette
17 déclaration-là.
18 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si le
19 Procureur sait où se trouve cette déclaration qui a été rédigée à la main
20 par le témoin.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. ACKERMAN : [interprétation]
23 Q. A qui avez-vous remis cette déclaration ?
24 R. Aux gens qui sont là, au bureau, au bureau du Procureur. Je leur ai
25 remis la déclaration que j'avais rédigée à la main, et j'ai relaté dans le
26 détail ce qui était arrivé à mon village.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Ecoutez, ceci n'a jamais été communiqué à la
28 Défense. Je souhaite savoir où se trouve ce document.
Page 2857
1 M. HANNIS : [interprétation] Nous sommes en train de vérifier.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le titre de la déclaration -- cette
3 déclaration-ci est datée du 28 avril [comme interprété]. L'intitulé de la
4 déclaration, on parle ici de notes manuscrites prises au cours de
5 l'entretien. Je pense ici que c'est plutôt l'écriture de l'interrogateur.
6 M. HANNIS : [interprétation] Oui, ceci a été retranscrit et a été
7 communiqué, semble-t-il, le 27 mai 2005.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que le témoin semble faire
9 référence à autre chose.
10 M. HANNIS : [interprétation] Je vois un document qui est affiché. Il
11 semblerait que ce soit un document manuscrit en langue française. C'est
12 cette déclaration, le 25 avril 1999.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Enfin, la personne qui a mené
14 l'interview était française.
15 M. HANNIS : [interprétation] Donc, cela doit être peut-être ses notes
16 manuscrites.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, quand avez-vous
18 donné exactement cette déclaration manuscrite au bureau du Procureur ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est après que nous soyons rentrés au Kosovo,
20 en juillet ou en août 1999.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Ackerman, je pense que
22 vous n'aurez pas de réponse beaucoup plus précise que cela.
23 M. ACKERMAN : [interprétation]
24 Q. Depuis que vous avez donné cette déclaration manuscrite au bureau du
25 Procureur, l'avez-vous revue ?
26 R. Non.
27 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de la personne à qui vous avez
28 donné cette déclaration manuscrite ?
Page 2858
1 R. Il s'agissait d'un avocat albanais de Gjilan. J'ai peut-être sa carte
2 de visite avec moi, je vais vérifier. Son nom est Masar Morina.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrais-je voir cette carte de
4 visite, s'il vous plaît, Monsieur Shaqiri ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas sa carte de visite, mais je
6 connais son nom. C'est un Albanais de Gjilan. Il a rassemblé des
7 photographies et des déclarations. Donc, cela a été donné à Masar Morina,
8 qui était avocat de Gjilan.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quels étaient ces liens avec le bureau
10 du Procureur ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il coopérait avec le bureau du TPIY à
12 Pristina, et il a présenté au bureau du TPIY à Pristina tout ce qu'il avait
13 rassemblé. C'est ce qu'on m'a dit, en tout cas.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
15 Monsieur Ackerman, vous pouvez poursuivre.
16 M. ACKERMAN : [interprétation]
17 Q. Hier au cours de votre déposition, à la page 17 du compte rendu, ligne
18 5, vous avez dit que les soldats étaient en train de tirer en l'air et que
19 cela était dangereux, et que d'ailleurs, un soldat a été atteint par une
20 balle qui avait fait ricochet; c'est bien cela ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce quelque chose que vous avez dit pour la première fois hier ou
23 est-ce que cela se trouve dans vos déclarations écrites ?
24 R. Dans ma déclaration aussi, j'avais bien noté qu'un Albanais avait été
25 blessé. Cela, je ne l'ai pas dit hier, je l'ai oublié. Il y a deux
26 personnes qui ont été blessées; un Albanais et ce soldat aussi dont j'ai
27 parlé.
28 Q. Vous dites que ceci était contenu dans l'une des déclarations que vous
Page 2859
1 avez faites au bureau du Procureur ?
2 R. Oui. Le nom est là, d'ailleurs. C'est Nexhmedin Kazizi.
3 Q. Serait-ce dans la déclaration écrite que vous avez donné au sieur
4 Morina, si c'est bien son nom ?
5 R. Cela doit aussi se retrouver dans d'autres déclarations, ce Nexhmedin
6 Kazizi. Pour ce qui est du soldat serbe qui a été blessé, je ne connaissais
7 pas son nom.
8 Q. Mais vous déclarez que dans les déclarations faites au bureau du
9 Procureur, vous avez bien fait mention du fait que ce soldat serbe avait
10 été blessé ?
11 R. Oui, si je ne m'abuse, c'est bien cela.
12 Q. Si ce n'était pas dans votre déclaration, vous seriez assez surpris ?
13 R. Cela doit se trouver quelque part dans ma déclaration, dans l'une de
14 ces trois déclarations. Je suis certain que j'en ai parlé avec les
15 personnes qui faisaient l'interview.
16 Q. Bien. Je pense qu'avant la journée d'hier, vous avez eu l'occasion de
17 rencontrer M. Hannis pour parler de votre déposition en l'espèce, n'est-ce
18 pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la durée de cet entretien avec M.
21 Hannis ?
22 R. Une ou deux heures. Je n'ai pas vraiment regardé ma montre.
23 Q. Quand vous avez rencontré M. Hannis, lui avez-vous parlé de l'ordre qui
24 venait de Belgrade, du fait que les villages, enfin que le barrage allait
25 être miné ? Lui avez-vous parlé aussi de cet Albanais et du Serbe qui
26 avaient été blessés par des tirs en l'air dans votre village ? Est-ce que
27 vous avez parlé à M. Hannis de tout cela, quand vous l'avez rencontré pour
28 préparer la déposition ?
Page 2860
1 R. Non.
2 Q. Hier, vous nous avez parlé d'une personne appelée Gorolub Denic.
3 R. Gorolub Denic, tout à fait.
4 Q. Ce Goroblub Denic - c'est à la page 18, ligne 10 de votre compte rendu
5 d'hier - vous dites que c'était un Serbe de votre village, qui faisait
6 partie de l'armée, donc qui faisait partie des forces militaires qui
7 avaient commencé à tirer dans le village à
8 8 heures du matin, ce matin-là; c'est bien cela ?
9 R. Oui.
10 Q. Quand vous avez organisé un petit groupe pour aller à Gjilan pour
11 parler au poste de police, pour essayer de ne pas avoir à évacuer le
12 village, vous dites qu'il est allé avec vous, qu'il faisait partie de ce
13 groupe que vous aviez organisé, ce groupe qui allait plaider votre cause
14 auprès du chef de police pour qu'il modifie l'ordre d'évacuer le village;
15 c'est bien cela ?
16 R. Oui, il est venu avec nous, parce que c'était la seule façon pour nous
17 d'arriver à nous entretenir avec la police.
18 Q. Il était en tenue militaire et portait une arme ?
19 R. Oui, bien sûr. Oui, il avait une arme.
20 Q. Bien, voilà ce que je vous dis, voici ce que j'affirme. Ceci ne fait
21 pas partie d'aucune déclaration que vous avez donnée au bureau du
22 Procureur. D'après vous, tout cela est dans les déclarations que vous avez
23 faites devant le bureau du Procureur ?
24 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais que vous demandiez au conseil de
25 se référer au paragraphe 5 de la déclaration du témoin, faite le 25 avril
26 1999, pour voir s'il y a bien une référence à cet individu.
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, en effet. On parle bien de Goran Denic
28 dans cette déclaration. Je l'accepte.
Page 2861
1 M. HANNIS : [interprétation] Pourriez-vous voir quel est l'uniforme que
2 cette personne portait ? Je pense qu'il est aussi écrit s'il portait des
3 armes ou non.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Je suis désolé, mais je faisais référence à
5 la petite mission pour aller à Gjilan, quand il l'a accompagné.
6 Q. Vous ne l'avez mentionné dans aucune de vos déclarations que cette
7 personne est allée avec vous à Gjilan, n'est-ce pas ?
8 R. On l'a rencontré uniquement pour aller à Gjilan avec lui, c'est tout.
9 Q. Pourquoi fallait-il qu'il vous accompagne à Gjilan ?
10 R. Ecoutez, Monsieur, quand on vous menace de mort et quand on se sent en
11 danger, on essaie de trouver quelqu'un qui va vous aider, quelqu'un sur qui
12 on peut compter, et quelqu'un par le biais duquel on peut entrer en contact
13 avec une personne qui ait de l'autorité, qui peut vous aider à sauver votre
14 propre peau et la vie des autres.
15 Q. Très bien.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, la clarification, pour ce qui
17 est de la référence au paragraphe 5 de cette déclaration.
18 Dans la déclaration précédente, Monsieur Shaqiri, vous citez deux
19 personnes; Negovan Denic et Goran Denic. Ce n'est pas du tout la même
20 personne que Gorolub Denic ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous éclaircir
21 là-dessus ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont de la même famille. Ils viennent tous
23 de la même famille dans mon village. J'ai dit précédemment qu'il y avait
24 cinq ou six foyers serbes dans le village.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui, mais ce que j'essaie de
26 savoir exactement, c'est si Goran Denic est la même personne que la
27 personne que vous avez appelé Gorolub Denic hier.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Gorolub Denic, Goran Denic, oui, c'est la même
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1 personne. Gorolub et Goran, Goce Denic aussi. C'est trois noms que porte
2 une même personne : Gorolub, Goran ou Goce.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Dans cette déclaration, à la page 3, ligne
5 29 - et là, je parle de votre déclaration du 25 avril - vous dites qu'il y
6 avait environ 100 soldats autour du poste de commandement. Ils étaient tous
7 habillés de la même façon. Vous vous souvenez de cela ? Page 4, paragraphe
8 5 de la déclaration que vous avez sous les yeux, si vous voulez la lire.
9 R. Oui, c'est cela. Ils étaient à peu près une centaine. Il y avait à peu
10 près une centaine de soldats.
11 Q. Ils étaient tous vêtus de la même tenue ?
12 R. Les personnes que j'ai vues étaient toutes vêtues de la même tenue, cet
13 uniforme gris olive. Il y avait quelques exceptions. Goran et l'officier,
14 eux, ils étaient plutôt en tenue de camouflage.
15 Q. Bien. Mais dans la phrase suivante, vous dites : "Certains avaient des
16 foulards noirs autour de leur tête, d'autres avaient des bérets noirs."
17 Peut-on vraiment dire qu'ils étaient tous vêtus de façon identique ?
18 R. Quand ils sont passés devant moi, ceux qui venaient de l'ouest,
19 certains avaient des bandanas et d'autres avaient des bérets.
20 Q. Quand vous avez dit que ces 100 soldats étaient tous vêtus de la même
21 tenue, ce n'était pas correct; n'est-ce pas ?
22 R. Ils étaient à peu près habillés pareil.
23 Q. Ce que vous avez dit hier aussi et ce que vous avez écrit dans vos
24 déclarations est aussi à peu près correct ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Je soulève une objection ici. Il s'agit
26 d'ergotage.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur Hannis.
28 Monsieur Ackerman, vous pouvez continuer, néanmoins.
Page 2863
1 M. ACKERMAN : [interprétation]
2 Q. Vous avez quitté le village. Je vais aller jusqu'au moment où vous avez
3 quitté le village, donc vous étiez en route, vous aviez quitté le village,
4 vous aviez passé deux barrages routiers et vous avez dit qu'il y avait des
5 soldats qui tenaient ces barrages routiers. Vous voulez dire des militaires
6 serbes; n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Le premier barrage routier que vous avez rencontré, d'après ce que vous
9 avez dit hier, page 24, ligne 6, était à Kmetofc --
10 R. Oui.
11 Q. Quelle est la distance entre cela et Prilepnica ?
12 R. A vol d'oiseau, c'est 500 mètres, mais à pied il faut d'abord aller au
13 puits, ensuite retourner à Kmetofc, cela fait plutôt quatre ou cinq
14 kilomètres à pied.
15 Q. Mais c'est quand même assez proche.
16 R. Oui, c'est proche. Le village de Kmetofc est séparé de la route par à
17 peu près 50 à 60 familles serbes. Depuis notre village, il n'est pas à plus
18 de 600 mètres à vol d'oiseau.
19 Q. Soyons clairs. Vous y êtes allé avec ce petit groupe de personnes de
20 votre village qui avait été organisé, parce que les soldats vous avaient
21 dit qu'il fallait absolument évacuer le village suite à un ordre venu d'en
22 haut; c'est bien cela ?
23 R. Oui. A cause de cet ordre et aussi parce qu'on se sentait en danger, on
24 avait peur.
25 Q. Quand vous êtes arrivé à cet endroit, Kmetofc, il y avait un barrage
26 routier, où vous avez rencontré des militaires serbes dont on vient de
27 parler.
28 R. Oui.
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1 Q. Vous nous avez dit hier, à la page 24, ligne 12 : "La police a regardé
2 le convoi de ces gens et n'a rien fait, mais les soldats de l'armée, eux,
3 nous ont arrêtés."
4 Ensuite, vous nous avez dit qu'un soldat vous a demandé pourquoi vous
5 partiez et où vous alliez; c'est cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez dit à ce soldat que vous partiez suite à des ordres venus de
8 l'armée, c'est cela ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous nous avez dit que ce soldat, suite à ce que vous lui aviez dit, a
11 été assez surpris et il m'a dit : "On entend n'importe quoi, aujourd'hui."
12 C'est cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Un soldat qui est à vol d'oiseau à 500 mètres de votre village, à cinq
15 kilomètres de là par la route n'avait pas la moindre idée qu'il y avait eu
16 un ordre venant d'en haut selon lequel vous deviez absolument évacuer le
17 village; c'est ce que vous affirmez ?
18 R. Cela, je n'en sais rien.
19 Q. Sa remarque ne vous a pas mis un peu la puce à l'oreille, en vous
20 semant un peu le doute à propos de ce fameux ordre qui venait d'en haut.
21 Etant donné que ce soldat qui était si proche de votre village, lui, il
22 n'en avait jamais entendu parler ?
23 R. Il y avait l'armée régulière là-bas, comme je l'ai déjà dit. Ils
24 avaient quitté les casernes, ils étaient stationnés au village de Kmetofc.
25 Par le passé, on n'avait jamais eu aucun problème, on empruntait cette
26 route souvent. De là à savoir ce qu'ils savaient ou ce qu'ils ne savaient
27 pas, je ne peux rien vous en dire.
28 Q. Dans les deux barrages routiers que vous avez traversés ce jour-là en
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1 route vers votre destination, le personnel de l'armée que vous avez
2 rencontré ne vous a jamais causé de souci, n'est-ce pas ?
3 R. Non, absolument pas, pas au barrage routier.
4 Q. Dans la déclaration de juin 2001, vous nous dites la chose suivante, je
5 cite : "On a traversé deux barrages routiers et rien ne nous est arrivé. On
6 ne nous a pas demandé ni nos papiers d'identité ni d'argent, et je n'ai
7 entendu personne se plaindre d'avoir été maltraité à cet endroit-là."
8 C'est bien vrai ?
9 R. Oui. Oui, je répète, en effet, ils ne nous ont rien fait. Ils nous ont
10 juste escortés.
11 Q. Bien.
12 M. ACKERMAN : [interprétation] J'aimerais que M. le Greffier affiche la
13 pièce IC29 à l'écran. On va y venir.
14 Q. Avant d'arriver à Bujanovac, la police vous a dit qu'ils avaient reçu
15 l'ordre de vous renvoyer chez vous ?
16 R. Oui.
17 Q. Ils vous ont dit qu'il n'allait rien vous arriver ?
18 R. Correct.
19 Q. Suite à cela, vous n'avez pas encore plus mis en question les personnes
20 qui auparavant vous avaient dit de partir, cela ne vous a pas dit, à ce
21 moment-là, que les personnes qui vous avaient dit de partir n'avaient
22 absolument pas le pouvoir de vous le dire ?
23 R. Cela, je ne le sais pas.
24 Q. Vous voyez la carte sur l'écran, la IC29 ?
25 R. Oui.
26 Q. Comme vous nous l'avez dit hier, on vous a dit de rebrousser chemin
27 après avoir traversé la frontière et après avoir pénétré dans le territoire
28 serbe ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous n'avez eu aucun mal à traverser la frontière serbe, la frontière
3 avec la Serbie ?
4 R. C'est une frontière administrative uniquement. Il n'y avait personne
5 là-bas. Je l'ai déjà dit explicitement, ce n'est pas une frontière avec des
6 gardes, c'est juste une frontière administrative.
7 Q. Oui, bien sûr -- tout fait partie de la Serbie-et-Monténégro, il
8 n'empêche que c'était quand même la frontière qui délimitait le Kosovo du
9 reste de la Serbie, de la Serbie en tant que telle.
10 R. Oui, il y avait un panneau, un panneau qui disait Serbie-et-Monténégro
11 et de l'autre côté Kosovo. On peut le voir encore aujourd'hui, c'est
12 d'ailleurs en anglais. Encore aujourd'hui, il n'y a absolument personne, il
13 n'y a jamais eu personne qui garde cette frontière.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a vraiment un panneau qui dit
15 Serbie-et-Monténégro d'un côté ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait un panneau avec "Kosovo."
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends bien qu'il y a un
18 panneau qui dit "Kosovo" d'un côté, mais de l'autre côté cela dit "Serbie-
19 et-Monténégro" ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, je ne l'ai pas vu.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela m'étonne que vous en parliez
22 comme une frontière, je ne crois pas que vous y faisiez référence comme
23 cela, il me semble plutôt que c'est juste une frontière de la municipalité,
24 que justement cela correspond avec la limite du Kosovo; c'est bien cela ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a toujours eu comme un panneau qui dit
26 Kosovo quand on rentre au Kosovo et Serbie de l'autre côté, quand on rentre
27 en Serbie. La route en tant que telle se termine et il y a un pont qui
28 sépare la Serbie du Kosovo. C'est une frontière administrative, une
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1 frontière de municipalité, rien de plus.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais cela m'étonne quand même
3 qu'il y ait un panneau. Enfin, nous allons peut-être y revenir.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Il se pourrait en effet qu'il y ait un
5 panneau. En tout cas, il se pourrait qu'on y revienne.
6 Q. Après avoir reçu l'ordre par la police de rentrer chez vous, vous dites
7 que la plupart des personnes sont rentrées directement au village. Mais,
8 vous, vous avez passé la nuit à Dobercan avant de rentrer dans votre
9 village ?
10 R. Oui.
11 Q. Mais, vous y êtes rentré directement le lendemain ?
12 R. Oui.
13 Q. Dans votre déclaration de juin 2001 au bureau du Procureur, vous dites
14 que : "Tout le monde était rentré au village, à part deux familles."
15 Puis, le 5 février 2002, dans votre déclaration, ou du moins quand
16 vous avez apporté certaines corrections à votre déclaration, vous dites :
17 "Il y a plus que deux familles qui n'étaient pas rentrées au village."
18 Vous vous en souvenez ?
19 R. Oui.
20 J'aimerais m'expliquer. Quand nous sommes partis vers la Serbie, deux
21 familles sont allées à Ternovc. Les autres sont allées à d'autres villages,
22 par exemple je suis allé à Dobercan. Je savais que ces deux familles
23 étaient allées là-bas, mais cette nuit-là, certaines familles sont rentrées
24 dans notre village d'origine, d'autres sont restées en revanche dans
25 d'autres villages. On était un peu éparpillés partout.
26 Q. Cela a été le cas jusqu'au 13 avril quand vous êtes repartis ou est-ce
27 que toutes ces familles étaient revenues le 13 avril, oui ou non ?
28 R. On n'est pas partis le 13 avril. Le 13 avril, ce sont les officiers qui
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1 sont arrivés, qui sont venus pour nous donner l'ordre de partir.
2 Q. Oui, c'est mon erreur. J'en suis désolé parce que vous êtes partis le
3 jour suivant, n'est-ce pas, le 14 ?
4 R. Oui.
5 Q. Voici ma question, le 13, voire le 14 avril, est-ce que toutes les
6 familles étaient rentrées dans votre village d'origine ?
7 R. Certaines familles n'étaient pas rentrées. Les deux dont j'ai parlé, et
8 d'autres qui étaient parties dans l'intervalle. A peu près 90 % du village
9 était là.
10 Q. Les Serbes qui habitaient au village, ils étaient revenus ?
11 R. Les Serbes n'avaient pas quitté le village. C'était juste les familles
12 rom et les familles albanaises qui sont parties.
13 Q. Quand vous nous avez dit hier, suite aux questions de M. Hannis, que le
14 village avait été complètement vidé, ce n'était pas vrai, puisqu'il y avait
15 encore quelques familles qui y résidaient après que vous soyez partis la
16 première fois ?
17 R. Cela c'était le 6 avril jusqu'au 7 quand on est rentrés. A ce moment-
18 là, il y avait très peu de familles qui étaient rentrées au village. C'est
19 ce que je voulais dire, je ne parlais pas de la semaine entière.
20 Q. On va y revenir de toute façon pour essayer d'éclaircir un peu les
21 choses.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à
23 autre chose. Nous pourrions peut-être suspendre la séance.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En effet, ce serait tout à fait
25 opportun. Nous reprendrons à 4 heures cinq.
26 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.
27 --- L'audience est reprise à 16 heures 06.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.
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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Q. Très bien. Monsieur Shaqiri, lors de votre déposition hier, M. Hannis
3 vous a demandé pour la deuxième fois ou vous a parlé de la deuxième fois
4 quand vous avez quitté le village. Il s'agit de la page 40, ligne 19 du
5 compte rendu d'audience d'hier. Il vous a dit : "La deuxième fois, combien
6 de personnes faisaient partie du convoi ?"
7 Vous avez répondu : "Autant de personnes que la première fois."
8 Voilà ce que je souhaiterais vous demander : si plus de deux familles
9 n'étaient pas revenues dans votre village après la première fois, qui
10 étaient les autres personnes qui faisaient partie du convoi la deuxième
11 fois ? D'où venaient-elles, ces personnes ?
12 R. Il y a des gens qui sont venus dans notre village et qui venaient
13 d'autres endroits pendant cette semaine-là. Puis, il y avait des gens du
14 village de Kosac. Donc, il y avait même plus de personnes la deuxième fois.
15 En fait, je vous dis que nous avons laissé à la frontière 518 véhicules.
16 Q. Mais je ne posais pas de questions à propos des gens de Kosac; je vous
17 ai tout simplement demandé combien de gens faisaient partie du convoi, et
18 vous aviez répondu hier à M. Hannis qu'il y avait autant de personnes que
19 la première fois. Je pense que vous avez répondu. Vous avez dit qu'il y
20 avait d'autres personnes qui étaient arrivées dans votre village, ce qui
21 expliquait la différence; est-ce que cela est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Hier, M. Hannis vous a posé des questions à propos de la situation dans
24 votre village lorsque vous êtes revenu après la première fois. Vous êtes
25 revenu dans votre village, et vous lui avez dit que pendant votre absence,
26 les maisons avaient été pillées et incendiées. Cela se trouve à la page 32,
27 ligne 6. Puis, il vous a posé une autre question. Il vous a demandé si vous
28 aviez eu l'occasion de parler aux villageois qui étaient restés dans le
Page 2870
1 village le 6.
2 Vous avez répondu par l'affirmative.
3 C'est exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Puis, M. Hannis vous a demandé s'ils avaient pu vous raconter ce qui
6 s'était passé, s'ils avaient pu vous dire qui étaient les auteurs des
7 pillages, comment le pillage avait été fait.
8 Puis, vous avez décrit le pillage. Vous avez dit quelles parties du
9 village avaient été touchées, et ensuite, il vous demandé si vous saviez
10 qui était responsable.
11 Vous avez dit : "Nous savions tous pertinemment qui l'avait fait."
12 Puis, vous avez dit que vous étiez à quelques kilomètres de distance
13 à ce moment-là. En fait, il voulait savoir ce que vous avaient dit les
14 villageois qui étaient restés, ce qu'ils faisaient. Et là, vous avez
15 répondu : "Mais il n'y avait personne dans le village puisque personne
16 n'était resté."
17 Donc, hier, vous avez commencé par dire : Oui, il y a des gens qui
18 sont restés dans le village, et finalement, en fin de parcours, vous avez
19 fini par dire que personne n'était resté dans le village. Les deux thèses
20 ne peuvent pas être vraies, n'est-ce pas ?
21 R. J'aimerais fournir une explication. Je parlais des villageois qui
22 étaient restés là pendant la nuit, que la police a fait rentrés dans le
23 village pendant la nuit. Il n'y avait personne dans le village pendant la
24 journée. Il y a des familles qui sont revenues dans le village le 6 avril,
25 pendant la nuit. Ces familles, elles ont passé la nuit dans le village,
26 alors que nous, nous avons passé la nuit dans d'autres villages. Voilà ce
27 que j'entendais par cette réponse. Lorsque nous avons quitté le village
28 pendant la journée, il n'y a personne qui est resté dans le village. Mais
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1 pendant la nuit, il y a quelques familles qui sont revenues. Donc, il y a
2 une différence entre ce qui s'est passé la journée et ce qui s'est passé la
3 nuit.
4 Q. Lorsque M. Hannis vous a dit, à la ligne 6, page 32 : "Est-ce que vous
5 avez eu la possibilité de parler avec les personnes qui étaient restées
6 dans le village le 6 ?" Vous, vous pensiez qu'il parlait des personnes qui
7 étaient revenues le premier jour; c'est ce que vous nous dites maintenant.
8 Pour vous, c'était une question qui portait sur les villageois qui étaient
9 revenus avant que vous ne le fassiez vous-même, et non pas une question qui
10 portait sur les personnes qui étaient restées dans le village ? C'est cela
11 que vous nous dites maintenant ?
12 R. Vous ne m'avez pas bien compris. Je ne suis pas resté dans le village,
13 le 6. J'ai parlé aux personnes qui avaient passé la nuit dans le village
14 lorsque je suis rentré ou revenu dans le village le
15 7 avril.
16 Q. Donc, il y avait des villageois qui sont restés dans le village la nuit
17 du 6. Vous leur avez parlé à ces personnes lorsque vous êtes revenu ?
18 R. Oui. Je leur ai parlé le lendemain, d'ailleurs, comme je l'ai expliqué,
19 parce que le 6, je n'étais pas dans le village.
20 Q. Je suppose que lorsque vous avez dit à M. Hannis un peu plus tard que :
21 "Tout le monde avait quitté le village et que personne n'était resté." Ce
22 n'était pas exact, puisque maintenant, vous nous dites qu'il y a des gens
23 qui sont restés ?
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Ce n'est pas ce qui a été
25 dit jusqu'à présent. Ce qui a été dit, c'est que certains sont revenus le
26 soir du 6. Maître Ackerman, l'un des problèmes également, c'est que tout
27 commence par une question que M. Hannis n'aurait peut-être d'ailleurs
28 jamais dû poser. Parce que cela présuppose qu'il y a des personnes qui sont
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1 restées dans le village. Je ne sais pas si avant que la question ne soit
2 posée par M. Hannis, cela avait été établi.
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne le pense pas.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, même lors d'un contre-
5 interrogatoire particulièrement aiguisé, je ne suis pas toujours sûr que ce
6 que l'on - je pense que maintenant, c'est un peu contre-productif. Alors,
7 je ne sais pas si vous vous en rendez compte --
8 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne --
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a quelque chose auquel
10 vous voulez aboutir ?
11 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, il y a des choses auxquelles je vais
12 aboutir, Monsieur le Président. Je n'ai même pas commencé à parler du
13 moment où ils ont quitté le village, et il n'y a personne d'autre qui
14 souhaite plus que moi la fin de ce contre-interrogatoire, parce que je suis
15 absolument épuisé et il m'est très, très difficile de rester debout.
16 Q. Très bien. Alors maintenant, vous êtes rentré dans le village, vous y
17 êtes entré le 7 - et je vous rappelle que vous nous avez dit que la police
18 avait dit qu'elle avait reçu des ordres du chef de Gjilan, qui vous avait
19 demander de rentrer chez vous et que vous ne couriez aucun risque. Hier,
20 vous nous avez dit cela à la page 30, ligne 13, en disant : "J'ai été
21 heureux d'entendre ces propos et j'en ai informé la population. Je leur ai
22 dit de relayer la nouvelle à toutes les personnes du convoi et qu'il
23 fallait que nous rentrions chez nous."
24 C'est exact ?
25 R. Oui, c'est exact. Le 7 avril, au niveau du poste de contrôle,
26 lorsque nous avons franchi la frontière vers la Serbie, la police de
27 Kamenica me l'a dit.
28 Q. Oui. Puis ensuite, M. Hannis vous a posé des questions à propos des
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1 conditions de vie dans le village, lorsque vous êtes revenus, lorsqu'on
2 vous avait dit que vous ne couriez aucun risque, il vous a demandé si la
3 vie avait repris son cours normal. Voilà la réponse que vous lui avez
4 donnée au début de la ligne 4, page 34. Vous avez dit : "Non, non. La vie
5 n'était plus normale. Elle n'avait pas repris son cours normal. Tout le
6 monde faisait des efforts pour contacter des personnes ayant une certaine
7 autorité qui auraient été de nationalité serbe afin d'éviter de devoir
8 partir du village. Parce qu'il n'y avait aucune raison pour que nous en
9 partions. Puis ensuite, le 9 et le 10 avril, nous avons, avec la police de
10 la ville, assuré un tour de garde."
11 Donc, en dépit de ces propos fort réconfortants de la police, ils sont donc
12 -- enfin, vous saviez qu'ils allaient revenir le 13 pour vous expulser à
13 nouveau ? Si vous le saviez, comment est-ce que vous l'avez appris ?
14 R. Nous espérions ne jamais être contraints à devoir quitter le village et
15 nous pensions que les événements du 6 avril avaient été une erreur de la
16 part de l'armée. Mais lorsque nous avons vu que cet ordre s'est répété le
17 13 avril, je dois dire que nous avons perdu toutes nos illusions.
18 Q. Oui, mais à une réponse de M. Hannis, vous avez dit que les gens de
19 votre village contactaient des personnes ayant une certaine autorité pour
20 éviter de partir du village. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que vous auriez dû
21 repartir après être revenus le 7, le 8, le 9, le 10 ? Il n'y avait pas de
22 soldats qui vous disaient que vous deviez partir ? Pourquoi est-ce qu'ils
23 contactaient des Serbes pour éviter de devoir partir à nouveau ou est-ce
24 que vous avez inventé cela de toutes pièces ?
25 R. Non, je n'ai absolument pas inventé cela, Maître. Après les passages à
26 tabac, les pillages, les incendies qui se sont passés le
27 6 avril, nous n'étions plus les mêmes, bien sûr. Nous voulions, coûte que
28 coûte, nous sentir en sécurité et avoir la garantie que cela ne se
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1 reproduirait plus. Ce n'était pas le cas de tout le monde dans le village.
2 Je vous ai dit que nous étions entourés de sept villages serbes. Nous
3 avions toujours eu de bonnes relations avec. Je vous ai dit que dans ma
4 famille, nous avions été Hoxha ou imams depuis
5 150 ans, et il n'y avait eu aucun cas d'homicide ou de meurtre commis soit
6 par des Albanais ou par des Serbes. J'étais fier de mon peuple et de nos
7 voisins. Mais il y a eu des événements qui se sont déroulés le 6 avril. Il
8 s'agissait d'événements tout à fait peu civilisés et tout à fait amoraux.
9 De crainte que cela se reproduise à nouveau, nous pensions qu'en contactant
10 quelqu'un que nous connaissions à Gjilan, dans la milice, dans la police ou
11 dans d'autres endroits, nous pourrions ainsi nous assurer que cela ne se
12 reproduise pas et faire en sorte que la vie se poursuive le plus
13 normalement possible, parce que comme je vous l'ai dit, la vie n'avait pas
14 repris son cours normal. Si vous aviez été présent vous-même, je suis sûr
15 que vous auriez fait la même chose. Nous avions tous très peur.
16 Q. Lorsque vous nous avez dit hier que la vie n'avait pas repris son cours
17 normal, lorsque vous nous avez dit que : "Toutes les personnes essayaient
18 ou faisaient des efforts pour contacter des personnes ayant une certaine
19 autorité, personnes de nationalité serbe," c'était une exagération, n'est-
20 ce pas, de votre part, parce que tout le monde ne l'a pas fait ceci ? Vous
21 étiez tout simplement en train d'exagérer, n'est-ce pas ?
22 R. Non, je n'exagère pas. Lorsque je dis "tout le monde", je ne parlais
23 pas des personnes âgées ou des très jeunes personnes, mais je parlais des
24 personnes qui avaient des relations cordiales avec des Serbes et qui ont
25 essayé de trouver un moyen pour que nous ne soyons pas forcés de quitter
26 l'endroit. Il est absurde de dire et de penser que 3 000 personnes auraient
27 pu se rendre auprès de familles serbes pour leur demander une aide.
28 Q. Donc, lorsque vous dites "toute personne" et "tous les villageois", il
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1 ne faut pas entendre "toute personne". Vous ne voulez pas parler de tout le
2 monde ?
3 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que c'est très polémique, que c'est
4 une façon d'ergoter à nouveau.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Hannis.
6 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que c'est très polémique, ce qui
7 vient d'être dit.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vais pas vous interrompre et
9 vous arrêter, Maître Ackerman.
10 M. ACKERMAN : [interprétation]
11 Q. Est-ce que cela est exact, Monsieur ? En fait, on ne doit pas vous
12 prendre au pied de la lettre lorsque vous parlez de "tous les citoyens et
13 de toutes les personnes" ?
14 R. Non, je ne parle pas de tous les citoyens au sens littéral du terme,
15 mais je parle des personnes qui, comme je l'ai dit, avaient des relations
16 cordiales avec des Serbes ayant une certaine autorité. Je ne parle pas non
17 plus de tous les Serbes, parce qu'il serait absurde de dire tous les
18 citoyens et toutes les personnes serbes.
19 Q. Mais c'est ce que vous avez dit. Donc, ce que vous nous avez dit est
20 absurde. C'est ce que vous êtes en train de dire maintenant, n'est-ce pas ?
21 R. Ce que j'entendais, c'était certains citoyens ou nous, les villageois,
22 nous avons fait de notre mieux pour contacter des personnes ayant une
23 certaine influence, une autorité. Je peux vous assurer que nous avons
24 contacté Vlado, nous avons essayé de prendre contact avec Bora, nous avons
25 essayé de prendre contact avec le chef de la police, Peric.
26 Q. Oui, mais ce n'est pas la peine. Vous nous l'avez déjà dit, ce n'est
27 pas la peine de répéter, j'essaie de terminer. Je vais maintenant aborder
28 un autre thème. Pour bien mettre un terme à ce contre-interrogatoire,
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1 j'aimerais vous demander d'essayer d'être précis. Si vous ne voulez pas
2 parler de tout le monde, ne dites pas "tout le monde", parce que je ne
3 voudrais surtout pas que vous versiez dans l'absurdité à nouveau.
4 Vous parliez du 13 avril, jour où trois soldats sont venus chez votre
5 mère vous chercher. A propos de ces trois soldats, hier justement, vous
6 nous avez dit qu'ils vous avaient dit, et vous avez utilisé le mot "ils ont
7 dit", ce qui n'est probablement pas ce qui s'est passé. "C'est bien que
8 vous nous ayons trouvé".
9 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir des questions,
10 sans pour autant avoir les observations et les commentaires ?
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, je pense que votre
12 épuisement commence à être palpable. Je vous demanderais de vous en tenir à
13 des questions.
14 M. ACKERMAN : [interprétation]
15 Q. Vous avancez qu'ils vous ont dit : "C'est bien que vous nous ayons
16 trouvé, nous nous excusons, mais il y a un ordre émis par l'état-major
17 suprême de Belgrade suivant lequel Prilepnica doit être évacué." Cela se
18 trouve à la page 35, ligne 16.
19 Vous n'avez pas dit cela à Mme Driguet lorsqu'elle vous a interrogé
20 le 25 avril 1999, n'est-ce pas ?
21 R. J'ai indiqué le nom et le prénom du deuxième officier dans chacune de
22 mes déclarations.
23 Q. Ce n'était pas ma question. La question que je vous ai posée a été
24 posée afin de savoir s'ils vous ont dit : "Nous nous excusons, mais un
25 ordre a été émis par l'état-major suprême de Belgrade. Prilepnica doit être
26 évacué". Ce n'est pas ce que vous avez dit à Mme Driguet lorsqu'elle vous a
27 interviewé en 1999. Vous ne lui avez pas dit cela, n'est-ce pas ?
28 R. Je lui ai dit quels étaient les noms et les prénoms des deux officiers.
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1 Je l'ai dit d'ailleurs à toutes les personnes qui me l'ont demandé.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais Monsieur Shaqiri, la
3 question ne porte pas sur le nom de ces officiers. Elle porte sur le fait
4 suivant : il s'agit de cet ordre émis pas l'état-major suprême et ces
5 soldats vous ont dit qu'ils avaient reçu cet ordre. La question qui vous a
6 été posée est comme suit : Pourquoi est-ce que vous n'avez pas dit cela à
7 Mme Driguet qui vous a interviewé le 25 avril 1999 ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas mentionné
9 le mot "soldat". Lorsque ma belle-sœur est arrivée, elle nous a dit que les
10 soldats étaient entrés dans la cour, moi, je suis sorti --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, je pense qu'il y a peut-être un
12 problème d'interprétation, parce que je ne pense pas qu'il soit possible
13 que vous n'ayez pas compris trois fois. Je vais essayer de m'exprimer d'une
14 façon qui ne sera absolument pas ambiguë, pour que tout le monde puisse
15 comprendre. Me Ackerman souhaite savoir pourquoi vous n'avez pas dit à Mme
16 Driguet, qui vous a interviewé le 25 avril, pourquoi ne lui avez-vous pas
17 dit que les trois officiers militaires qui sont venus vous chercher le 13
18 avril vous ont dit qu'ils avaient reçu un ordre émanant de l'état-major
19 suprême de Belgrade, ordre suivant lequel Prilepnica devait être évacué.
20 Pourquoi est-ce que vous ne lui avez pas dit cela ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mme Driguet me l'a demandé et j'ai répondu à
22 ses questions. Elle m'a dit : "Ne répondez pas à ce que je ne vous demande
23 pas." Alors, je me suis contenté de répondre aux questions qu'elle me
24 posait. Dans le cas d'espèce, elle ne m'a pas demandé cela.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, c'est à vous.
26 M. ACKERMAN : [interprétation]
27 Q. Lorsque nous avons commencé le contre-interrogatoire ce matin et hier
28 après-midi, je vous ai dit de répondre aux questions que je vous posais, de
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1 ne pas donner d'autres renseignements. Je vous ai dit : Ecoutez ma
2 question, et si vous ne la comprenez pas, dites-le. Vous m'avez, pendant le
3 contre-interrogatoire, donné des renseignements alors que je ne vous les
4 demandais pas.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, Maître Ackerman, là, cela
6 devient de moins en moins clair. Je n'accepte pas qu'il s'agisse d'éléments
7 de preuve donnés comme nous l'avons entendu de la part d'autres témoins. Ce
8 n'est pas un témoin qui se lance dans le récit de sa vie chaque fois qu'une
9 simple question lui est posée. Je pense que ce n'est pas très juste que
10 d'indiquer cela, je pense qu'il faudrait peut-être aborder des sujets un
11 peu plus concis.
12 M. ACKERMAN : [interprétation] De toute façon, je vais pouvoir revenir là-
13 dessus pour préciser cette situation.
14 Q. Vous avez dit à Mme Driguet en 1999, que cette personne, Djilas, il
15 s'agissait de l'un des trois hommes, vous a dit qu'ils avaient reçu un
16 ordre de la part de l'armée serbe régulière, suivant lequel le village
17 devait être évacué et qu'il ne fallait que personne y reste. Est-ce que
18 vous vous souvenez lui avoir dit cela ? Est-ce que vous vous souvenez du
19 fait que vous ne lui avez pas parlé de quelque chose qui émanait de l'état-
20 major suprême à Belgrade ? Cela se trouve à la page 5, paragraphe 10 de
21 cette déclaration si vous comptez à partir du haut de la page, vous verrez
22 que vous trouverez cela. Peut-être que c'est le paragraphe 9, c'est le
23 paragraphe 9 ou 10 cela dépend comment vous comptez les paragraphes.
24 Indiquez-moi au moment où vous avez trouvé ce paragraphe.
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai trouvé le paragraphe. Mais la traduction
27 est erronée, tout à fait erronée.
28 Le 13 avril 1999, c'était un mardi -- un mardi vers 11 heures 30, il y a
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1 des soldats -- deux officiers, là il y a une erreur, qui sont arrivés chez
2 ma mère. Ils sont entrés chez ma mère, j'étais moi aussi et ils ont demandé
3 si l'imam était présent. Ils ont demandé à me voir.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la peine que vous
5 répétiez ce que vous nous avez déjà dit hier. Tout ce que nous regardons
6 maintenant, Monsieur Shaqiri, c'est ce qui a été dit avant et comment est-
7 ce que l'on peut mettre cela en parallèle avec la déposition.
8 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est le paragraphe 7 qu'il lit et non pas
9 le paragraphe 9, ce n'est pas le bon paragraphe. Il doit prendre deux
10 paragraphes plus bas, il y trouvera ce dont il est question, l'armée serbe
11 régulière.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que c'était le bon
13 paragraphe. Je ne vois pas d'ailleurs pourquoi nous n'aurions pas supposé
14 qu'il s'agissait du bon paragraphe. Il nous a dit que la traduction était
15 tout à fait erronée, c'est sa réponse.
16 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais c'est le paragraphe 7 qu'il a lu,
17 je lui ai dit de regarder le paragraphe 10. Peu importe si le paragraphe 7
18 est truffé d'erreurs, à moins que ce soit pour le serbo-croate et non pas
19 pour l'anglais.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le paragraphe de la version
21 anglaise que je dois consulter ? Moi, c'est le paragraphe 48 --
22 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est la page 5, paragraphe 49, si tout a
23 été numéroté de la même façon.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, 49.
25 Monsieur Shaqiri, en anglais, le paragraphe qui nous intéresse commence
26 comme suit : "Djilas est la personne qui parlait…" ensuite "Il m'a dit
27 qu'il avait des ordres de l'armée serbe régulière, ordre afin d'évacuer le
28 village."
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. C'est exact. Cette version, elle
2 est exacte.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
4 Maître Ackerman.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie.
6 Q. Nous pouvons en conclure que Djilas ne faisait pas partie de l'armée
7 serbe de métier puisqu'il fait référence à des ordres que lui a obtenus de
8 la part de cette armée serbe ?
9 R. C'était un avocat, un juge en fait. Il nous a dit, c'est en tout cas ce
10 qu'il nous a dit, nous représentons l'armée serbe de métier.
11 Q. Cet ordre suivant lequel le village devait être vidé et que plus
12 personne devait rester dans ce village, que les Rom, les Albanais, les
13 Serbes, tout le monde devait partir; c'est exact ? C'est cela qui a été
14 dit ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous savez que conformément à la loi de la République
17 fédérale de la Yougoslavie, loi qui prévalait à l'époque, est-ce que vous
18 savez qu'il était tout à fait autorisé qu'un commandant militaire donne
19 l'ordre d'évacuer un village en temps de guerre ? Est-ce que vous savez que
20 cela était tout à fait autorisé ?
21 R. Je n'en sais rien, mais c'est en tout cas l'ordre dont il a été
22 question.
23 Q. Djilas vous a dit également ce jour-là, puisque c'était votre
24 interlocuteur, que les soldats qui vous avaient donné l'ordre de partir le
25 6 avril étaient des paramilitaires. Vous nous l'avez dit hier, page 38,
26 ligne 4. Ensuite, vous avez dit : "Il ne m'était même pas venu à l'esprit
27 de les appeler une armée de paramilitaires. C'est ce que Djilas a dit,
28 c'est comme cela qu'il les a appelés, c'est comme cela qu'il a appelé cette
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1 formation du 6 avril."
2 C'est exact ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos d'une cellule de Crise
5 qui existait à cette époque-là à Gjilan ?
6 R. Non.
7 Q. Est-ce qu'il s'agit peut-être de la cellule de Crise dont vous parliez
8 hier lorsque vous avez dit que Bora Denic faisait partie de l'état-major
9 militaire à Gjilan. Est-ce que vous pensez que peut-être cela était la
10 cellule de Crise à Gjilan ?
11 R. Je ne sais pas.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardonnez-moi. Il y a quelque chose
13 que j'aimerais préciser. Me Ackerman semble s'être écarté de ce dont vous
14 parliez hier, lorsque vous avez fait référence au fait qu'on vous avait dit
15 que des ordres avaient été envoyés par l'état-major suprême de Belgrade.
16 Quel lien y a-t-il entre cela et le paragraphe que vous venez de lire, qui
17 parle d'un Djilas ayant reçu des ordres de l'armée serbe régulière, ordre
18 en vertu de quoi il fallait vider le village ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'il a dit en ma présence, que
20 l'ordre a été envoyé par l'état-major suprême de Belgrade pour que
21 Prilepnica soit évacué. Si vous le voulez, je peux vous le dire en serbe.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'hésite à poursuivre
23 dans cette voie-là.
24 Q. Page 21, ligne 1, du compte rendu d'hier. Une citation de vous, je
25 souhaite vous poser une question à ce sujet, vous avez dit : "L'armée
26 yougoslave était dans notre pays."
27 Vous souvenez-vous avoir dit cela ?
28 R. Je ne comprends pas votre question, qu'est-ce que vous voulez dire ?
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1 Vous parlez de quelle époque ?
2 Q. Je parle du mois d'avril 1999 qui est l'époque dont nous avons parlé
3 depuis que vous êtes ici. Vous avez dit eu égard à cette époque, je cite :
4 "L'armée yougoslave était là dans notre pays."
5 Je souhaite savoir ce que vous entendez par là, lorsque vous dites
6 "notre pays."
7 R. Par "notre pays", j'entendais que l'armée était dans notre
8 municipalité, mais non pas dans notre village.
9 Q. Pendant que vous faisiez référence à votre municipalité, vous en
10 parliez comme si c'était un pays; c'est ce que vous me dites ?
11 R. Une municipalité est une municipalité.
12 Q. Ensuite -- vous ne répondez pas à la question que je vous ai posée. Je
13 vous ai posé cette question-ci : qu'entendez-vous par cela, lorsque vous
14 dites que "l'armée était dans notre pays." Qu'est-ce que vous entendez par
15 "notre pays ?" De quel pays vouliez-vous parler ?
16 R. Je n'ai pas de pays à l'esprit particulièrement. Ma réponse porte sur
17 les dates du 6, du 13 et du 14 avril. Pour ce qui est de l'armée, c'était
18 l'armée yougoslave ou l'armée serbe et monténégrine. Cette armée-là était
19 toujours à Gjilan. L'armée a traversé Gjilan, est venue de Serbie pour
20 aller à Kosova. A ce moment-là, l'Anamorava, cette région, n'avait aucun
21 problème avec l'armée. Si quelqu'un vous dit qu'il y a eu un incident et
22 une altercation avec l'armée yougoslave - j'entends l'armée yougoslave qui
23 était cantonnée là - j'ai utilisé le terme de "yougoslave," pardonnez-moi,
24 mais c'est ce que j'ai appris à l'école. Lorsque j'ai appris tout cela, on
25 disait yougoslave.
26 Q. Ecoutez, je ne conteste pas ce que vous dites. L'endroit où vous viviez
27 à l'époque, votre municipalité, votre village faisait partie de la
28 République fédérale de Yougoslavie en avril 1999, n'est-ce pas ? Il n'y
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1 avait pas de Serbie-et-Monténégro encore. Il s'agissait encore de la
2 République fédérale de Yougoslavie, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. En ce qui me concerne, c'est exact, oui.
4 Q. Je vais maintenant repartir un petit peu en arrière. Prenez la page 40,
5 ligne 23 de votre déposition d'hier. Nous sommes maintenant à la date du 13
6 avril et peut-être le 14, mais je crois que c'est le 13. Vous nous avez dit
7 que : "L'armée a encerclé le village, car certains habitants du village ont
8 commencé à partir, et comme ils avaient encerclé le village, personne ne
9 pouvait partir."
10 Est-ce vrai ?
11 R. Oui, c'est vrai.
12 Q. Si un ordre avait été donné aux fins de vider entièrement le village,
13 pourquoi, à ce moment-là, le village était-il encerclé et ne permettant
14 pas, par conséquent, aux gens de quitter le village ? Cela n'a pas de sens.
15 Pourriez-vous vous expliquer là-dessus, s'il vous plaît ?
16 R. Oui. J'ai déjà dit que le 6 avril, nous nous sommes enfuis dans la
17 direction opposée, dans la direction de Bujanovc. Nous avions échappé au
18 danger une fois. Si l'armée n'avait pas été là, nous ne serions pas partis.
19 Cet ordre portait sur la journée du lendemain, non pas le 13, mais le 14.
20 D'après cet ordre, nous étions censés quitter le village le 14 sous
21 escorte. A ce moment-là, nous ne savions pas si nous allions être escortés
22 par la police ou par l'armée.
23 Q. En réalité, vous aviez demandé une escorte, n'est-ce pas ? Vous aviez
24 dit que vous ne partiriez pas sans escorte ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous avez dit que cela vous était égal. Que ce soit la police ou
27 l'armée qui vous escortait, cela vous était égal, pour autant que vous ayez
28 une escorte, n'est-ce pas ?
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1 R. J'ai dit que je n'allais pas prendre cette responsabilité-là, d'assumer
2 la responsabilité et de mener les gens hors du village. C'est ce que j'ai
3 dit et je peux le répéter. J'ai dit, effectivement, que cela m'est égal
4 quelles que soient les personnes qui nous escortent.
5 Q. Bien. Le 14 avril, vous avez dit dans votre déclaration de 2001, que 3
6 000 personnes environ ont quitté le village, ce jour-là, à bord de voitures
7 et de tracteurs et qu'ils étaient escortés par la police; c'est exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Il y a quelque chose qui a attisé ma curiosité un petit peu, et je ne
10 souhaite pas y consacrer trop de temps. Le 28 août, lorsque vous vous êtes
11 entretenu avec le bureau du Procureur et que vous avez évoqué vos
12 différentes déclarations, y compris les éléments d'information
13 complémentaires, c'est le deuxième paragraphe 22 de ce document, vous avez
14 dit que vous avez obtenu l'escorte voulue. Vous avez entendu quelqu'un à la
15 radio vous demander si vous aviez besoin d'essence ou d'un autobus. Vous
16 avez refusé tout autre forme d'assistance, hormis l'escorte. Autre forme
17 d'assistance qui vous a été proposée sous forme d'essence ou d'un autobus;
18 c'est exact ?
19 R. Non, ce n'est pas que je ne l'ai pas accepté. Je n'en avais tout
20 simplement pas besoin.
21 Q. Est-ce qu'on vous a proposé tout autre forme d'aide, hormis l'essence
22 et l'autobus ?
23 R. On m'a demandé si j'avais besoin d'aide, et j'ai répondu en disant que
24 non, je n'en avais pas besoin.
25 Q. Ma question était celle-ci : vous a-t-on proposé de l'aide sous une
26 autre forme, hormis l'essence et l'autobus ?
27 R. Non. Je ne sais pas.
28 Q. Dans ces éléments d'information complémentaires, toujours ce même
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1 document, apparemment, vous auriez dit ceci au bureau du Procureur. A un
2 moment donné, vous avez dit à l'escorte que vous n'alliez pas partir et
3 qu'un officier de police vous a conseillé de partir avec lui. Vous pensiez
4 que ceci avait été fait pour protéger les habitants du village. Et vous et
5 M. Shaqiri et cet officier de police, vous aviez dit qu'il avait reçu
6 l'ordre de vous escorter. Il semblait vous présenter ses excuses parce
7 qu'il devait le faire. C'est ce que vous avez dit à quelqu'un du bureau du
8 Procureur le
9 28 août; c'est exact ?
10 R. Non, ce n'était pas un officier, mais c'était un agent de la
11 circulation. Je n'ai jamais mentionné son nom auparavant, mais j'ai cité
12 son nom hier. J'ai parlé de ce policier, et ce policier fait partie des
13 forces de police à Kosova, le SHPK. Il travaille à Kamenica. C'est un homme
14 respecté. C'est un père de famille, et c'est vrai qu'il m'a dit qu'il était
15 désolé de devoir nous escorter. C'est un agent de la circulation qui vient
16 de Ranilluga. Peut-être que je n'en aurais pas parlé aujourd'hui, mais vous
17 m'avez contraint à le faire.
18 Q. J'espère que je ne vous ai pas contraint à faire quoi que ce soit
19 aujourd'hui, mais je vais vous poser cette question maintenant : ce que je
20 ne comprends pas --
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. Ce que je ne comprends pas, c'est si on demande une escorte, pourquoi
23 cette escorte est-elle désolée de devoir faire ce que vous lui avez demandé
24 de faire ?
25 R. Je cite : "Hoxha. Pardonne-moi, tu dois me suivre."
26 A savoir s'il en était désolé, je ne sais pas. Mais en tout cas, j'ai cité
27 ses propres termes. Je le connais depuis fort longtemps, et c'est toujours
28 quelqu'un que je connais.
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1 Q. Je vais essayer de passer rapidement sur les questions suivantes. Hier,
2 vous avez dit à M. Hannis que lorsque vous aviez quitté votre village et
3 que vous vous êtes dirigé vers le puits, vous deviez rencontrer l'escorte
4 que vous avez rencontrée, un autre groupe de personnes qui venait du
5 village de Kosac. Et hier, vous nous avez dit qu'il y avait 300 à 400
6 personnes. Vous avez même dit jusqu'à 600 personnes. Cela se trouve à la
7 page 41, ligne 16. Dans la déclaration que vous avez faite en 1999, vous
8 avez dit qu'il y avait 900 personnes faisant partie de ce groupe. Je
9 souhaitais simplement savoir lequel de ces chiffres est exact et le plus
10 précis; le chiffre que vous avez cité en 1999 ou le chiffre que vous nous
11 avez cité hier ?
12 R. Je dois ajouter quelque chose ici. Il y a 300 à 400 personnes à Kosac.
13 Mais j'ai également parlé du village de Kmetofc. Lorsqu'on m'a posé la
14 question, on m'a posé la question pour d'autres villages également. J'ai
15 dit qu'il y avait 900, voire 1 000 maintenant. A ce moment-là, il y avait
16 300 ou 400 personnes qui faisaient partie de ce convoi. Il y avait d'autres
17 personnes à qui on avait donné l'ordre de partir également. Il y avait
18 environ 3 000 personnes de Prilepnica et environ 1 000 personnes des autres
19 villages. Je ne sais pas quels sont les chiffres qui vous ont été donnés
20 par l'interprète.
21 Q. J'ai besoin de vous lire quelque chose maintenant, de vous relire ce
22 que vous avez dit. Dans votre déclaration, déclaration que vous avez faite
23 au bureau du Procureur, au mois d'avril 1999. Vous devriez pouvoir
24 retrouver ceci, je pense. Je vais voir si je peux le retrouver. Dans la
25 version anglaise, c'est le paragraphe 54. Vous dites qu'il est allé en
26 direction de Kosac -- vous êtes allé en direction de Kosac. C'est le
27 paragraphe 2, page 6. Est-ce que vous l'avez sous les yeux ? Vous avez dit
28 ceci, ensuite, vous avez parlé de Kosac. Vous avez dit que : "Les habitants
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1 de ce village, quelque 900 personnes, m'attendaient là, ayant reçu les
2 mêmes ordres leur intimant de quitter leur village."
3 Vous ne faites référence qu'aux gens de Kosac à ce moment-là. La question
4 que je tente de vous poser, en tout cas, je tente d'obtenir une réponse de
5 vous : pourquoi avez-vous parlé de 300 à 400, voire 600 hier et 900 à
6 l'époque, lequel de ces chiffres est le plus exact ?
7 R. Ce que j'ai dit hier et ce que j'ai dit à ce moment-là, dans ma
8 déclaration, je souhaite insister encore une fois là-dessus. Il y avait
9 d'autres maisons dans le village de Kosac. Je n'ai pas compté le nombre
10 d'habitants qui y sont. Le village de Kosac, à proprement parler, comporte
11 quelque 300 à 400 habitants, à savoir combien en partie de la colonne, je
12 ne sais pas.
13 Q. Bien. Je vais poursuivre, maintenant. Vous ne savez pas. Hier, à la
14 page 42, ligne 2, on vous a posé cette question-ci :
15 M. Hannis vous a demandé : "Après que les habitants du village de Kosac ont
16 rejoint votre convoi, où êtes-vous allés ?"
17 Vous avez répondu ceci : "Nous avons marché pendant quelque 50 à 60 mètres
18 avant d'atteindre la route principale."
19 Ma question est celle-ci : Pourquoi étiez-vous à pied, puisque vous aviez
20 dit que vous étiez dans une voiture ?
21 R. Oui.
22 Q. Pourquoi avez-vous dit que vous avez fait le trajet à pied sur ces 50 à
23 60 mètres avant d'arriver à la route principale ?
24 R. Non, n'étions pas à pied; nous étions à bord de véhicules. Le convoi
25 allait à pied, mais pas nous. Le convoi allait à pied et le convoi a marché
26 pendant quelque 50 à 60 mètres avant d'atteindre l'intersection des routes.
27 Q. Lorsque vous êtes arrivés à cet endroit, ce puits - vous nous avez dit
28 que vous avez rencontré un réserviste et vous lui avez dit que vous
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1 attendiez une escorte. Vous nous avez dit hier qu'il vous avait insulté.
2 R. Il se trouvait à la croisée des chemins. Lorsque la colonne s'était
3 mise en marche, je me trouvais à la tête de la colonne. Je me suis arrêté,
4 la colonne s'est arrêtée aussi. D'une voix très stricte, il a dit - je ne
5 vais pas tout dire car ce sont des propos insultants - il a dit : "Pourquoi
6 t'es-tu arrêté ici ?" Et il m'a injurié.
7 Q. Si ce sont des propos insultants, cela ne m'intéresse pas. Je voulais
8 savoir s'il s'était passé autre chose.
9 Je vais passer à une autre question. A la page 42 de votre déposition
10 d'hier, M. Hannis vous a posé cette question. Faites particulièrement
11 attention à la question qu'il vous a posée. "Après que les habitants du
12 village de Kosac rejoignent votre convoi où êtes-vous allés ?"
13 Je ne vous demande pas de répondre; je souhaite simplement vous dire que
14 c'est la question qu'on vous a posée, hier. D'accord ? L'intitulé : Je ne
15 réponds qu'aux questions qu'on me pose. En réponse à cette question, vous
16 avez répondu : "Je souhaite vous parler d'un petit détail. C'est une
17 Mercedes noire qui est arrivée. Elle appartenait à des officiers de haut
18 rang. Il y avait quatre personnes à bord de cette Mercedes. Je pense qu'il
19 s'agissait tous des généraux. Ils ont arrêté cette Mercedes. Je me trouvais
20 moi-même à 5 ou 6 mètres de ce véhicule puisque je parlais à ce soldat."
21 Vous n'avez évoqué ceci dans aucune autre déclaration avant cela, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Non, jamais.
24 Q. Quand pour la première fois avez-vous parlé au bureau du Procureur de
25 cette Mercedes noire ?
26 R. Jamais. Parce que ce n'est pas quelque chose que je reconnaissais, je
27 n'ai pas reconnu ces officiers. Ils se sont trouvés là à 8 heures 10, à
28 côté du puits. Ils ont dit quelques mots et ont parlé avec le soldat qui
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1 disposait d'une radio, et ensuite, ils sont repartis et ont poursuivi leur
2 chemin. Dans ma déclaration, j'ai toujours répondu aux questions qui
3 m'étaient posée. Je n'ai pas répondu à des questions qui ne m'ont pas été
4 posées.
5 Q. Ecoutez, les choses ne sont pas passées ainsi hier, n'est-ce pas ?
6 R. Non. Nous avons parlé de l'uniforme de ce soldat qui se trouvait là.
7 Donc, nous avons parlé pendant un certain temps. Je me souviens du moment
8 où ils sont arrivés, du moment où ils se sont entretenus avec ces
9 officiers. Si la question du soldat n'avait pas duré aussi longtemps, peut-
10 être que je ne m'en serais pas souvenu. Ils sont venus pendant un très
11 court laps de temps, ils sont partis. Des officiers, des soldats, ils se
12 déplacent toujours.
13 Q. Vous dites que vous pensiez qu'à bord de cette Mercedes il y avait des
14 généraux, quatre généraux. Vous maintenez toujours votre position là-
15 dessus ?
16 R. Non. En ce qui me concerne, des officiers de haut rang sont ceux qui
17 ont le grade de commandant et au-dessus. Ils ont posé aux épaules et au
18 niveau de leurs couvre-chefs, ils ont ces galons dorés. Cela devait être
19 des lieutenants-colonels ou des colonels ou au-dessus, mais cela n'était
20 certainement pas un échelon inférieur.
21 Q. Hier, vous avez parlé des soldats qui n'étaient pas des soldats de
22 l'armée régulière et qui se déplaçaient en voitures particulières. Vous ne
23 pensez pas qu'il s'agissait de soldats qui ne faisaient pas partie de
24 l'armée régulière, qui se déplaçaient en voitures particulières, en
25 l'occurrence ?
26 R. D'après vous, on m'a demandé quelle était la différence entre une armée
27 régulière et une armée qui n'est pas régulière. J'ai répondu en disant que
28 --
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1 Q. Ecoutez, là, vous vous perdez quelque part. Nous n'avons pas besoin de
2 partir dans cette direction-là.
3 R. Alors, c'est oui. Car ceux qui conduisaient des voitures particulières,
4 en tout cas, à mon sens, n'étaient pas des gens qui faisaient partie de
5 l'armée régulière.
6 Q. Il y a quelque chose qui vous permettrait de comprendre cela. S'il
7 s'agissait véritablement d'officiers de haut rang ou de généraux ou
8 d'hommes de cette trempe, ils auraient sans doute été entourés d'officiers
9 chargés de leur sécurité, n'est-ce pas ?
10 R. Je ne sais pas. C'est vous qui faites cette observation.
11 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, veuillez m'accorder
12 quelques instants, s'il vous plaît. Mon ordinateur s'éteint de temps en
13 temps et je ne peux pas suivre le compte rendu.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce qui me permet de poser une
15 question au témoin.
16 Monsieur Shaqiri, est-ce que vous dites en somme qu'il s'agissait de
17 personnes qui ne faisaient pas partie de l'armée régulière parce qu'ils
18 étaient à bord d'une voiture particulière ? Qu'est-ce que vous dites, en
19 réalité ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils portaient des uniformes de l'armée. Ils
21 avaient des galons dorés au niveau de leurs couvre-chefs et ils avaient des
22 grades militaires. Ils étaient à bord d'une Mercedes noire. Je ne sais pas
23 si c'était un véhicule militaire ou une voiture particulière, je ne sais
24 pas.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 Maître Ackerman.
27 M. ACKERMAN : [interprétation]
28 Q. Ceci était à une époque, n'est-ce pas, où l'OTAN était encore en train
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1 de bombarder la Serbie, la Yougoslavie, le Kosovo ? Il y avait des
2 centaines et des centaines d'avions de l'OTAN qui sillonnaient le ciel,
3 n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous n'exagérer pas trop
6 les choses.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je ne pense pas.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Des centaines, des centaines d'avions.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je ne pense pas.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je sais qu'ils sont partis en
11 mission à de nombreuses reprises, mais par rapport au nombre d'avions, je
12 ne sais pas, Maître Ackerman, si c'était des centaines et des centaines.
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne sais pas combien il y en avait dans le
14 ciel en même temps à la fois, Monsieur le Président. Je sais qu'il y en
15 avait beaucoup.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
17 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne souhaite pas trop me fier à ma
18 mémoire, mais je crois, que par rapport au nombre de missions, ces
19 missions, au total, représentaient quelque 7 000, je crois.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. Cela, c'est une question
21 à part.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Si vous divisez cela par le nombre de jours,
23 on peut estimer le nombre d'avions qui se trouvaient dans le ciel chaque
24 jour.
25 Q. Très bien. A la page 43 du compte rendu, c'est lorsqu'au milieu d'une
26 certaine confusion hier, nous avons parlé des uniformes. Je souhaite un peu
27 faire la clarté là-dessus si c'est possible. On vous a posé une question à
28 propos de cet officier qui vous avait insulté, et vous avez répondu à
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1 propos de cet officier, à la ligne 4, en disant : "C'était un réserviste
2 rattaché aux forces de police. Il portait un uniforme bleu, un uniforme
3 d'hiver, autrement dit, des vêtements lourds."
4 Question : Comment saviez-vous que c'était un réserviste par opposition à
5 un policier normal ?
6 Réponse : Parce que moi-même, j'ai porté le même uniforme pendant 15 ans."
7 Je crois, que là hier, nous sommes arrivés à comprendre, qu'en réalité,
8 vous n'avez pas porté ce même uniforme pendant 15 ans, n'est-ce pas ?
9 R. Je n'ai pas dit que c'était "le même uniforme"; j'ai dit que j'avais
10 gardé mon uniforme de réserviste pendant 15 ans. Peut-être que cela a été
11 mal interprété. J'ai dit que le mien était toujours vert, vert olive.
12 C'était l'uniforme du SM. Donc, je parle de cet uniforme vert et gris.
13 Q. En fait, vous dites que les interprètes dans ce prétoire ou la
14 sténotypiste a mal consigné ce que vous avez dit. Vous avez
15 dit : J'ai porté ce même uniforme pendant 15 ans. Ce n'est pas ce que vous
16 dites ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite signaler
19 qu'hier, pendant la pause, j'ai entendu d'une source un peu sensible que je
20 ne peux pas citer, qu'il y avait eu une erreur de commise au niveau de
21 l'interprétation, à savoir si oui ou non il avait un uniforme bleu ou
22 uniforme vert. Je ne parle ni le serbe ni l'albanais, donc je ne peux pas
23 vous le dire. En tout cas, j'ai reçu un élément d'information à cet égard.
24 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais poser la question au témoin.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin a clairement indiqué hier
26 que l'uniforme qu'il avait était vert. Donc, la question ne porte pas là-
27 dessus.
28 M. ACKERMAN : [interprétation] Apparemment, d'après ce que dit M. Hannis,
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1 l'erreur a été commise au niveau de l'adjectif "bleu." Lorsqu'il a répondu
2 en disant que c'était un uniforme bleu foncé, il a dit "bleu," et, en fait,
3 il aurait dit, "vert." C'est vrai ?
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, on va
5 vérifier au niveau du compte rendu.
6 M. ACKERMAN : [interprétation] 43, 4.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Vous n'avez la version qui
8 est à jour.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que vous parlé
10 du passage à 28:07, ligne 19 ?
11 M. HANNIS : [interprétation] Je regardais les lignes 18 et 19, en effet.
12 J'ai cru comprendre, qu'en effet, la réponse qui a été traduite a été qu'en
13 tant que réserviste, il portait un uniforme bleu.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de le lire. Je
15 vais juste regarder. Je vais poser la question à
16 M. Shaqiri.
17 Monsieur Shaqiri, l'homme, ce soldat de réserve qui vous aurait insulté au
18 carrefour, était un soldat de réserve, mais il faisait partie de quelle
19 unité ? Police ou l'armée ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. En tout cas, il avait un
21 uniforme bleu. Il était en communication radio avec son commandement.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites bien que l'uniforme était
23 bleu. C'est exactement ce qu'a dit le compte rendu. Donc, l'erreur n'est
24 pas là.
25 Maintenant, autre question. Quelle était la couleur de votre uniforme,
26 celui que vous avez soit gardé, soit porté pendant 15 ans ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] SMB, c'est-à-dire vert olive, vert foncé.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous arrête. Hier, vous avez parlé
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1 aussi de votre frère. Quelle était la couleur de son uniforme à lui ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] L'uniforme de réserviste, en bleu.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, on confirme bien ce
4 qui a été dit hier en ce qui concerne les couleurs. Vous pouvez poursuivre
5 maintenant à partir de cela. Souvenez vous que là-dedans, il y avait aussi
6 la référence à l'uniforme du frère.
7 M. ACKERMAN : [interprétation]
8 Q. Le Président vient de vous demander dans quelle arme servait la
9 personne qui vous a insulté. Vous avez dit que vous ne saviez pas. Or,
10 hier, vous avez dit au Président en réponse à une question de M. Hannis,
11 qu'il s'agissait d'un réserviste des forces de police. Alors, où est la
12 vérité ? Vous ne le savez pas ou si cet homme qui vous a insulté était un
13 réserviste dans les forces de police ?
14 R. Je l'ai dit hier. Au vu de son uniforme, j'ai parlé de police
15 militaire, pas de police, mais de police militaire. En tout cas, c'est
16 l'impression que j'en avais. Je ne sais pas, en revanche, si cela est vrai
17 ou pas. Donc, vous devez ajouter police militaire. Il ne s'agissait pas de
18 police.
19 Q. Vous avez quand même fait partie de l'armée. Donc, vous devez savoir
20 que la police militaire était en tenue d'uniforme, en tenue de l'armée
21 normale avec des ceinturons blancs. Vous le savez, n'est-ce pas ?
22 R. Je sais qu'il s'agit d'agents de la circulation, alors que l'autre
23 police, en tout cas de mon temps, portait ce type de tenue. La police
24 militaire avait ce type de tenue. Ils avaient souvent des motos aussi, des
25 motocyclettes.
26 Q. La police militaire portait des tenues militaires normales avec des
27 ceinturons blancs, et non pas des uniformes bleus. Si vous ne le savez pas,
28 dites-le-nous.
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1 R. De mon temps - je parle de mon temps - j'ai fait mon service national
2 en 1968-1969. Ceux qui avaient les ceinturons blancs, c'étaient les agents
3 de circulation de la police militaire. On les appelait les saobracan. Ils
4 étaient des agents de la circulation, mais ils faisaient partie de la
5 police militaire.
6 Q. En 1968 et 1969, quand vous avez fait votre service militaire, la
7 police militaire était en tenue bleue. C'est ce que vous dites ? Ce n'est
8 pas vrai ?
9 R. Cela fait quand même extrêmement longtemps. Beaucoup de temps s'est
10 écoulé depuis ce moment-là. A l'époque, les soldats qui étaient en caserne
11 utilisaient les mêmes uniformes, et en dehors de la caserne, ils portaient
12 ces ceinturons blancs.
13 Q. Passons à autre chose. A Kllokot -- puisque vous êtes allé à Kllokot,
14 dans la municipalité de Vitina, vous avez dû traverser là un barrage
15 routier où vous nous avez dit qu'il y avait à la fois des policiers et des
16 militaires. Vous avez dit et je cite : "Il aurait été impossible de passer
17 si on n'avait pas eu d'escorte." Cela se trouve dans votre déclaration de
18 juin 2001, à la page 4, paragraphe 14. Comment en êtes-vous arrivé à cette
19 conclusion, que si vous n'aviez pas eu d'escorte, vous n'auriez jamais pu
20 passer le barrage routier à Kllokot ? Il ne vous est absolument rien arrivé
21 pendant tout le voyage ?
22 R. Il s'agissait d'un barrage routier, enfin d'un point de contrôle où on
23 nous a insultés, où on a pointé des fusils sur nous. Si on n'avait pas eu
24 d'escorte, ils auraient sans doute arrêté le convoi et notre sort aurait
25 été bien pire. Fort heureusement, on n'a pas eu de problème puisqu'ils
26 étaient avec nous. Je remercie Jova.
27 Q. Vous dites qu'il y avait présence de militaires et de policiers à ce
28 point de contrôle, à ce barrage, et vous étiez escortés par la police.
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1 Donc, la police ne vous a pas ennuyés, si j'ai bien compris.
2 R. La police nous a escortés, cela, c'est vrai. A ce point de contrôle, il
3 y avait des personnes qui portaient à la fois des uniformes de police et
4 des uniformes militaires. Ils nous ont insultés au passage, pas uniquement
5 ceux qui étaient en tête de convoi; ils nous ont insultés pendant que tout
6 le convoi passait. Ces gens avaient une attitude extrêmement hostile face
7 au convoi. Ils étaient insultants. Ils proféraient des menaces. J'en suis
8 arrivé à la conclusion que si on n'avait pas eu d'escorte, "peut-être," et
9 je dis "peut-être," que notre sort aurait été bien pire. C'est mon opinion.
10 Q. Oui. Alors, "peut-être," là, je vous l'accorde. Ce que vous avez dit :
11 "On n'aurait pas pu passer." C'est quand même un petit peu différent. Je
12 vais passer à autre chose. Quand vous êtes arrivés près de la frontière,
13 vous êtes arrivés à une source et c'est là que vous avez rencontré un autre
14 officier qui vous a demandé d'où vous veniez et qui vous a demandé ce que
15 vous faisiez là.
16 R. On est arrivés à un autre point de contrôle.
17 Q. Cet officier vous a demandé d'où vous veniez et pourquoi vous étiez en
18 route ?
19 R. Oui. Il m'a demandé "Pourquoi est-ce que vous partez ?"
20 Q. Visiblement, il était vraiment étonné de vous voir arriver. Il ne
21 savait absolument pas que votre convoi allait débouché sur son point de
22 contrôle. Il était assez surpris de vous voir arriver.
23 R. Oui.
24 Q. A ce moment-là, ce soldat a commencé à vous frapper, et c'est Jova, le
25 policier, qui l'a arrêté.
26 R. Ecoutez, il s'agissait de l'officier à qui j'ai parlé. Il m'a ordonné
27 de descendre de ma voiture et de mettre tout le monde à la queue leu leu.
28 Q. Ce n'est pas du tout la question que je vous pose. Ma question était
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1 très simple : c'est bien Jova qui a empêché cette personne de vous frapper,
2 il l'a arrêté. Il a arrêté le mouvement de cet homme qui voulait vous
3 frapper.
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite, cet officier s'est excusé. L'officier qui était là s'est
6 excusé pour la personne qui vous avait frappé ?
7 R. Oui.
8 Q. Oui, mais vous étiez furieux. Vous n'avez pas voulu accepter ses
9 excuses et vous avez un petit peu - vous avez dit que dans ce cas-là, vous
10 ne feriez pas d'histoire si vous pouviez poursuivre votre chemin sans être
11 fouillés. Il a tenu sa promesse et vous a laissé passer sans que l'on vous
12 fouille; c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Maintenant, dans votre déclaration de juin 2001, vous avez dit à Mme
15 Murtagh, qui était en train de vous interviewer, que par la suite, vous
16 avez entendu que les autres personnes dans le convoi, eux ont été fouillés.
17 Ensuite, le 28 août, quand vous avez parlé au conseil du tribunal, ici,
18 vous avez dit qu'ils n'avaient pas été fouillés. Alors, est-ce que vous
19 avez appris quelque chose dans l'intervalle entre ces deux entretiens, à
20 savoir qui vous aurait fait changer d'avis à propos de cette fouille ?
21 R. Je voudrais expliquer un petit peu ce qui s'est passé. Les premiers 50
22 véhicules ont été escortés jusqu'au pré, donc jusqu'au poste de la police
23 des frontières. Ensuite, ils ont été escortés par la police des frontières,
24 ensuite il est parti. Quand la patrouille militaire n'était pas là -- dans
25 ce cas-là, ceux qui n'étaient pas sous escorte ont été fouillés, enfin ils
26 voulaient qu'on les pille. Quand il est revenu en revanche il est rentré en
27 conversation et les habitants lui ont dit : La colonne est en train de se
28 déplacer, mais n'est pas contrôlée. Ce que je veux dire, c'est qu'après
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1 l'intervention de ce policier, nous n'avons pas été fouillés.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas la question qui vous
3 avait été posée. La question qui vous avait été posée, c'est pourquoi est-
4 ce que dans votre déclaration de 2001, vous avez dit que tout le monde
5 avait été fouillé ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une erreur, Monsieur le
7 Président. C'étaient les personnes qui sont restées au point de contrôle --
8 les soldats qui sont arrivés voulaient les fouiller.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on ne veut pas réentendre ce
10 qui s'est passé. Ce que l'on veut comprendre plutôt, c'est pourquoi vous
11 donnez deux versions parfaitement différentes à deux occasions différentes.
12 C'est cela qu'on vous demande. Pourquoi vous nous dites maintenant qu'en
13 2001 vous n'avez pas dit que toutes les autres personnes du convoi avaient
14 été fouillées, c'est bien cela ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé. Là, vraiment, j'arrive plus du
16 tout à comprendre ce que l'on me demande.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Ackerman, qui a vu votre
18 déclaration de 2001, que je n'ai pas, dit que dans cette déclaration de
19 2001, vous déclarez qu'alors que vous n'avez pas été fouillé vous-même pour
20 des raisons que vous venez justement de nous donner, en revanche toutes les
21 autres personnes dans le convoi ont été fouillées. C'est ce que vous avez
22 dit en 2001. Pourquoi avez-vous dit cela en 2001 ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit cela en 2001; je ne l'ai
24 jamais dit.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous la moindre idée pourquoi
26 c'est maintenant incorporé dans votre déclaration, déclaration qui vous a
27 été lue dans votre propre langue et qui a été signée d'ailleurs, si j'ai
28 bien compris. Vous avez signé chaque page. Vous l'avez signée, elle vous a
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1 été lue dans votre propre langue, et ces mots sont dans cette déclaration.
2 Expliquez-nous comment ces mots ont bien pu arriver dans votre déclaration
3 de 2001.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne comprends
5 absolument pas. Il me faudrait la version albanaise.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Ackerman, je n'ai
7 même pas la version en anglais, alors --
8 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous pouvons vous aider. Il s'agit de la
9 pièce 4D6. Il faudrait l'afficher à l'écran. La version albanaise pour le
10 témoin, la version anglaise pour Messieurs et Mesdames les Juges. A la
11 version anglaise, il s'agit de l'antépénultième paragraphe de la page 6.
12 Pour ce qui est de l'albanais, je n'en ai aucune idée. Je ne sais
13 absolument pas où cela peut bien se trouver, je sais quand même où cela se
14 trouve dans la version en B/C/S. Je vois maintenant la première page qui
15 s'affiche à l'écran. Il faudrait aller à la page 6 et nous allons retrouver
16 le passage en question. On me dit que pour ce qui est de la version
17 albanaise, il s'agit du dernier paragraphe de la page 7.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai maintenant sous les yeux en serbe.
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Pour ce qui est du serbe, c'est page 6,
20 paragraphe 3. Je n'ai pas encore la page 6 sur mon écran, j'en suis
21 toujours à la page 1. Il s'agit d'une page où il y a écrit un 6 en bas, et
22 c'est en bas de cette page.
23 Q. Nous avons en serbe la page qui nous va --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je pensais qu'on avait
25 besoin de la version albanaise. Elle existe ou non ?
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, elle existe.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème, c'est quelque chose qui
28 est déjà arrivé lors d'un contre-interrogatoire, mais il faut avoir des
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1 références de page correcte pour chaque pièce. Ce n'est pas la page 6 de la
2 version albanaise qu'il vous faut. Il vous faut le numéro de la page qui
3 correspond à la version albanaise qui est dans le système. Je vois que vous
4 êtes quand même trois assis à table, vous êtes en train de travailler,
5 Monsieur Ackerman, peut-être que vos collègues pourraient, eux, essayer de
6 chercher avec diligence le passage.
7 M. HANNIS : [interprétation] En tout cas, j'ai une copie papier de la
8 version albanaise que l'on pourrait donner au témoin.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
10 M. ACKERMAN : [interprétation] Cela doit être l'avant-dernier paragraphe.
11 La version albanaise est à l'écran.
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer que pour ce qui est de la
13 version albanaise, il s'agit de la page 7, dernier paragraphe.
14 M. ACKERMAN : [interprétation] Page 7, le dernier paragraphe.
15 Q. Il faudrait regarder le dernier paragraphe. Je cite : "J'ai entendu par
16 la suite que le reste des personnes qui étaient parties ont été fouillées
17 par les autres soldats." Voilà ce qui est écrit dans cette déclaration du
18 19 juin 2001.
19 R. En albanais, ce n'est pas la même chose qui est écrit. Je vais vous le
20 lire, mot à mot, si nécessaire et les interprètes vont le traduire.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez lire mot à mot.
22 M. ACKERMAN : [interprétation]
23 Q. Procédez, c'est très bien. Allez-y.
24 R. "Un autre officier et Jova ont emmené le soldat qui m'avait frappé.
25 L'officier est venu et s'est excusé au nom du soldat. Mais je n'ai pas
26 accepté ses excuses. Je lui ai dit : C'est votre soldat, vous êtes
27 responsable de ses actions. Je lui ai dit : Vous devriez avoir honte de ne
28 pas être responsable de ces soldats, alors que j'ai endossé la
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1 responsabilité de 3 000 personnes. Je lui ai dit : Vous pouvez faire ce que
2 vous voulez, mais vous n'êtes pas des êtres humains. J'étais furieux et
3 suite à cette dispute avec l'officier, nous n'avons pas été fouillés et
4 aucun argent ne nous a été pris. L'officier a promis qu'il ne fouillerait
5 pas le convoi. Je veux vous convaincre que ceci n'est pas mon erreur, a-t-
6 il dit. Cet officier m'a ensuite escorté jusqu'à la frontière avec 50
7 véhicules. Chaque groupe de 50 véhicules a été escorté à la frontière par
8 d'autres officiers, la frontière était à quatre à cinq kilomètres. J'ai
9 entendu ensuite --"
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est justement cela qui nous
11 intéresse, c'est le passage suivant.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] "J'ai entendu, par la suite, que le reste des
13 gens avaient été fouillés par les autres soldats, bien que le soldat
14 m'avait promis qu'ils ne seraient pas fouillés."
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi est-ce que cette phrase se
16 trouve dans votre déclaration ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. On m'a informé que les soldats
18 étaient allés là pour fouiller le convoi, mais que grâce à l'intervention,
19 j'aurais pu dire le contraire mais je voulais dire la vérité, je suis là
20 pour dire la vérité. Donc grâce à l'intervention de l'officier serbe, ils
21 n'ont pas été fouillés. Je ne sais pas du tout pourquoi il y a cette
22 phrase, c'est une erreur, car j'ai entendu par la suite, de la part des
23 autres, que certains soldats avaient voulu, s'étaient approchés du convoi
24 pour les fouiller mais quand l'officier était arrivé, cela ce n'est pas
25 écrit, il les a repoussés et mes gens dans le convoi n'ont pas été
26 fouillés. Je le dis en pleine responsabilité, en tout connaissance de
27 cause.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
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1 M. ACKERMAN : [interprétation]
2 Q. Je crois que nous n'allons pas nous acharner là-dessus, je vais passer
3 à autre chose. Vous êtes ensuite rentré dans votre village, après la fin de
4 l'intervention de l'OTAN. Vous nous avez dit hier que vous avez trouvé le
5 village incendié, rasé, détruit, pillé, y compris la mosquée. C'est la page
6 57 du compte rendu, à la ligne 6. Dans votre déclaration, vous avez apporté
7 des corrections le 5 février 2002. Dans cette déclaration, vous avez fait
8 des modifications et des corrections à votre déclaration avec Han
9 Pfundheller, vous avez dit ce qui s'était passé. Vous dites que quand vous
10 êtes revenu à Prilepnica, 123 des 300 maisons du village avaient été
11 incendiés et pratiquement toutes les maisons du village avaient été
12 pillées.
13 Quelle est la vérité ? Où se trouve la vérité ? Le village a-t-il été
14 entièrement rasé et incendié jusqu'à ce qu'il n'en reste rien ou est-ce
15 qu'il n'y avait que 123 sur les 300 maisons qui aient été incendiées ?
16 R. Tout le village était détruit, le village entier était détruit, 123
17 maisons avaient été incendiées jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.
18 Q. Vous avez compté les maisons une par une ?
19 R. Non. Mais il y a des preuves dans la municipalité. La municipalité a
20 fait des calculs très professionnels de tous les dégâts causés par la
21 guerre.
22 Q. Pourquoi est-ce qu'hier vous nous avez dit que tout le village avait
23 été incendié jusqu'à ce qu'il ne reste rien. C'est ce que vous avez dit,
24 alors qu'en vérité il n'y avait que 123 maisons sur les 300 du village,
25 donc moins de la moitié des maisons du village qui avaient été incendiées
26 et réduites en cendres. Pourquoi avez-vous dit cela ?
27 R. Je ne sais pas comment tout cela ait été interprété. Le village a été
28 incendié, il a été pillé, il a été complètement détruit, 123 maisons ont
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1 été réduites en cendres.
2 Q. Dans le compte rendu d'hier, vous nous avez dit que le village avait
3 été réduit en cendres, ce n'est pas vrai. Vous dites donc que ce n'est pas
4 vrai, ce que vous avez dit hier ?
5 R. Ecoutez, il y avait des maisons qui n'étaient pas réduites en cendres
6 mais elles étaient détruites, elles étaient endommagées.
7 Q. Vous comprenez très bien là je veux en venir. A la page 57, ligne 6,
8 vous avez quand même dit à M. Hannis que vous avez retrouvé le village
9 réduit en cendres. Voici ma question : Vous lui avez dit ou vous ne lui
10 avez pas dit cela ?
11 R. Je n'ai pas dit "réduit en cendres." J'ai dit d'ailleurs qu'il y avait
12 123 maisons.
13 Q. Il s'agit donc encore d'une erreur d'interprétation qui a été consignée
14 au compte rendu. Ce sont les interprètes qui se seraient trompés.
15 R. Peut-être je n'en sais rien.
16 Q. Vous avez dit, oui ou non, que ce village avait été réduit en cendres,
17 vous l'avez dit ou vous ne l'avez pas dit ?
18 R. Je ne pense pas que j'aie dit réduit en cendres.
19 Q. Vous savez, on a une bande audio qui reprend vos paroles, vous voulez
20 que l'on y fasse référence pour voir exactement ce que vous aviez dit ?
21 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que là on s'acharne, je ne pense pas
22 que ce soit vraiment extrêmement utile pour les Juges de la Chambre.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, Monsieur
24 Hannis. Je trouve que c'est extrêmement utile en revanche. Je pense qu'il
25 faut en effet faire procéder à la vérification que suggère M. Ackerman.
26 M. ACKERMAN : [interprétation]
27 Q. Vous pensez qu'il faut que l'on vérifie ce que vous avez dit, vos
28 paroles exactes en albanais ?
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1 R. Si c'est bien ce que vous dites, je vais retirer ma réponse tout
2 simplement, puisqu'il est vrai que le village en entier n'a pas été réduit
3 en cendres.
4 Q. Qu'en est-il des maisons des Rom dans votre village, est-ce qu'elles
5 ont été réduites en cendres ?
6 R. Quand je suis revenu, elles étaient aussi incendiées.
7 Q. Qu'en est-il des maisons des Serbes ?
8 R. Je ne sais pas. A ce moment-là, je ne sais pas. En tout cas, par la
9 suite elles ont aussi été incendiées. Maintenant, elles sont brûlées. Quant
10 à savoir si elles avaient été incendiées, oui ou non, je ne sais pas. Je
11 peux vous dire qu'elles ont été incendiées, mais savoir si elles ont été
12 incendiées à 100 %, si 100 % d'entre elles ont été incendiées, là je ne
13 peux pas vous le dire.
14 Q. Y avait-il une église orthodoxe à Prilepnica ?
15 R. Non.
16 Q. Cette personne dont vous parlez dans votre déclaration du 25 avril
17 1999, ce Goran Denic qui est connu sous trois noms différents, savez-vous
18 que cette personne par la suite a été arrêtée avec d'autres civils pour
19 avoir mis le feu à Prilepnica ? Vous le saviez ?
20 R. Non.
21 Q. J'ai une dernière question à vous poser. Hier, au début de votre
22 déposition, M. Hannis vous a posé des questions sur votre service
23 militaire, vous avez dit j'étais au front, en première ligne, au peloton
24 des 20e Gardes. De quelle ligne de front parlez-vous, de quel front parlez-
25 vous en 1968, il n'y avait pas de guerre en 1968 que je sache ?
26 R. C'était une erreur. Je vais le redire en serbe. J'étais au régiment du
27 20e Garde, premier échelon en cas de guerre.
28 Q. Vous nous dites que ce "premier échelon" a été interprété en front,
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1 "ligne de front". C'est bien ce que vous dites ?
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit au témoin
3 de faire une évaluation de l'interprétation.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense en effet que vous avez raison, je
5 n'ai plus de questions.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est temps maintenant de faire une
7 autre pause et nous reprendrons à 18 heures 05.
8 --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.
9 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, vous voulez
11 intervenir ?
12 M. HANNIS : [interprétation] Oui, oui, à contrecoeur, mais je veux dire
13 quelque chose. A la page 27 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, Me
14 Ackerman a posé une question au témoin à propos d'une déclaration écrite
15 qu'il avait mentionnée et le nom du juriste était Masar Morina de Gjilan.
16 Lorsque nous avons entendu cette information, nous avons fait nos petites
17 recherches et nous avons découvert que cette déclaration manuscrite et sa
18 traduction anglaise n'avaient pas été communiquées à la Défense avant cette
19 journée. Pendant la pause, je leur ai donné un document papier de la
20 déclaration manuscrite en albanais et de la traduction anglaise. Il
21 semblerait qu'il s'agit d'un formulaire d'interview sur quatre pages,
22 j'aimerais attirer votre attention et j'aimerais attirer l'attention de la
23 Défense sur ce que nous avons fait, donc les mesures que nous avons prises.
24 Je voulais vous le dire aussi rapidement que possible.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez eu la possibilité
26 de voir si cela avait une incidence sur la déclaration ou sur la
27 déposition ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je peux vous indiquer qu'il s'agit d'une
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1 déclaration supplémentaire portant sur les mêmes événements. Il y a de
2 nombreux paragraphes qui sont semblables, pour ne pas dire identiques, mais
3 il y a des éléments qui sont différents, peut-être que la Défense voudra
4 poser des questions lors du contre-interrogatoire. Je dirais qu'il y a un
5 effet cumulatif, mais il appartient à la Défense qui sera bien mieux placée
6 que moi d'évaluer cela. Il s'agit de deux choses qu'il a dites à quelqu'un
7 à un moment donné qui ne se trouve pas dans les autres déclarations.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.
9 Maître Ackerman, que voulez-vous nous dire ?
10 M. SEPENUK : [interprétation] Vous préférez que ce soit Me Ackerman qui
11 s'exprime ?
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité de le lire. Il
14 s'agit de 17 pages, en feuille unique, en espacement très serré. On ne m'a
15 pas donné cet entretien dont M. Hannis parlait, l'entretien des 4 pages, je
16 ne sais pas ce dont il s'agit. Je ne souhaite pas poser de questions dans
17 le cas d'un contre-interrogatoire maintenant. D'ailleurs, peut-être que je
18 voudrai le faire demain, mais je dois vous dire que je suis assez perplexe,
19 pour ne pas dire angoissé, de voir qu'on nous présente cela si tardivement.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que cette angoisse est
21 certainement partagée par M. Hannis d'ailleurs.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, tout à fait. Je ne suis pas en train de
23 dire que c'est à dessein que nous n'avons pas obtenu ce document, mais
24 maintenant que nous l'avons, c'est un document qu'il faut que nous prenions
25 en considération, et enfin, ce que je souhaiterais, c'est que vous
26 m'accordiez la soirée pour étudier ce document, parce que je pense que cela
27 va avoir une incidence sur les questions que j'ai déjà posées ou sur les
28 questions que je veux poser. Donc, je pense que c'est véritablement,
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1 extrêmement important. Je veux dire, voilà un papier dans la mare [phon],
2 en quelque sorte. Je souhaiterais pouvoir différer les questions que
3 j'aimerais poser à ce sujet.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
5 Maître Bakrac, qu'en pensez-vous ? Vous voulez intervenir ?
6 M. BAKRAC : [interprétation] Je ne vais pas répéter ce que vient de dire Me
7 Ackerman. Je dois au moins aussi me familiariser avec ce document, d'autant
8 plus que je dois procéder au contre-interrogatoire et je ne vais pas
9 répéter tout ce que
10 Me Ackerman a déjà dit, de toute façon.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, avez-vous quoi que ce
12 soit à ajouter ?
13 M. SEPENUK : [interprétation] M. Hannis a dit nous avoir donné cette
14 déclaration que nous avons. Il a dit qu'il s'agissait d'une déclaration de
15 quatre pages.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense --
17 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne sais pas de quoi il s'agit maintenant.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un entretien, une interview, qui
19 est intitulée --
20 M. HANNIS : [interprétation] Qui est intitulé, "Questionnaire relatif aux
21 crimes de guerre commis au Kosovo." Et ce témoin est une des personnes
22 interviewées. Je viens de recevoir les copies maintenant, je vais les
23 donner à la Défense de suite.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela a un lien avec la
25 déclaration manuscrite ou est-ce que c'est tout à fait différent ?
26 M. HANNIS : [interprétation] Je --
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que vous avez dit que cela avait
28 un lien au départ, mais a priori, peut-être que cela n'a aucun lien.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire, parce que la
2 personne qui dirige les interviews est décrite comme membre de la
3 commission centrale chargée des crimes de guerre et chargée de compiler les
4 éléments de preuve. C'est le groupe auquel était rattaché M. Morina. Il
5 semblerait qu'il y a un lien. Mais je ne peux pas vous dire si cela a été
6 fait en même temps ou après ou avant d'ailleurs, ce document manuscrit dont
7 je vous parlais tout à l'heure.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
9 Une petite minute, je vous prie.
10 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que vous
12 pouvez m'expliquer comment cette situation a pu se dérouler comme ceci ?
13 M. HANNIS : [interprétation] Il va falloir que je fasse une petite enquête.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Personne ne suggère rien d'autre
15 hormis un accident de parcours pour le moment. Même s'il s'agit d'un
16 incident de parcours, il va falloir quand même que nous tirions les
17 enseignements de cette leçon.
18 M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait que je
20 m'exprime dans un anglais un peu plus simple. Personne ne parle l'anglais
21 plus simplement que je le fais d'ailleurs. Je ne sais pas si vous avez
22 remarqué. Mais bon, cela a été bien traduit. Il se peut que des objections
23 soient soulevées. Donc, je pense, Monsieur Hannis, effectivement, qu'il va
24 falloir que vous meniez une petite enquête et que vous nous expliquiez
25 demain ce qui s'est passé.
26 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je vais le faire. De toute façon, j'ai
27 besoin de savoir aussi, pour ma gouverne personnelle.
28 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, nous vous sommes
2 reconnaissants d'avoir attiré notre attention sur le fait qu'il y a une
3 autre déclaration que vous aviez rédigée. Cette déclaration a maintenant
4 été trouvée et repérée, mais elle n'a pas été communiquée aux avocats de la
5 Défense à temps. Ils l'ont reçue il y a un quart d'heure seulement. Ce qui
6 fait que vu les circonstances, il faut absolument que nous leur accordions
7 le temps suffisant pour qu'ils puissent lire cette déclaration. Puis, il y
8 a également des renseignements supplémentaires. Ainsi, ils pourront adapter
9 les questions qu'ils vous poseront. Il se peut d'ailleurs que cela
10 simplifie votre déposition ou la complique. Personne pour le moment ne peut
11 le savoir. Nous avons décidé qu'au vu des circonstances, la meilleure chose
12 à faire est de lever l'audience jusqu'à demain.
13 Donc, vous en avez terminé pour votre déposition aujourd'hui, mais
14 vous devrez revenir ici à 14 heures 15, tout comme aujourd'hui d'ailleurs.
15 Entre-temps - et j'insiste sur l'importance de cette question - il est
16 important, disais-je, que vous ne parliez à personne de votre déposition ou
17 de certains éléments de la déposition que vous venez de faire.
18 Nous nous retrouverons demain à 14 heures 15 et nous allons lever
19 l'audience.
20 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Ackerman.
22 M. ACKERMAN : [interprétation] Il y a certaines choses que nous pouvons
23 faire demain pour ne pas trop perdre de temps demain matin.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous devons avoir M.
25 Shaqiri dans le prétoire ?
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Non.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez partir, Monsieur Shaqiri,
28 et nous vous retrouverons demain.
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1 [Le témoin se retire]
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Cela va prendre quelques secondes plutôt que
3 quelques minutes. J'ai oublié de le faire à la fin de mon contre-
4 interrogatoire. Je voulais tout simplement que soit versées au dossier les
5 pièces suivantes : 4D8, 4D9, 4D4, 4D5 et 4D6 ainsi que 4D7. Voilà, je
6 souhaite que cela soit versé au dossier.
7 M. HANNIS : [interprétation] Pas d'objection de ma part.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
9 Est-ce que vous avez d'autres choses à dire ?
10 M. IVETIC : [interprétation] Il me semble qu'il s'agit de la pièce à
11 conviction P2288, le rapport de l'OSCE. Est-ce que cela a été présenté
12 comme élément de preuve ?
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Je viens de le faire.
14 M. IVETIC : [interprétation] Celle-là aussi, ce document aussi ? Très bien.
15 Alors, j'ai trouvé réponse à ma question.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, autre chose pour bien mettre la
17 touche finale. Je vois que le document IC29 est le 4D4. C'est cela, n'est-
18 ce pas ? IC32, me dit-on.
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, c'est cela. C'est le 4D4.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est la déclaration du 25 avril.
21 Est-ce que le mécanisme consistant à biffer une pièce à conviction existe ?
22 Est-ce qu'on peut supprimer le IC32 pour ne pas que cela engendre la
23 confusion la plus totale puisque vous aurez une autre cote.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, ce sera la cote que l'on attribuera
25 au prochain document IC.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardon ?
27 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais le problème, c'est que si, à
28 l'avenir il y a quelqu'un qui essaie de repérer le IC32, il ne va pas le
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1 trouver. Donc, je pense qu'il vaut mieux laisser cela avec la cote IC32.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande une petite seconde.
3 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, le compte-rendu
5 d'audience qui est en train d'être rédigé va préciser la situation pour
6 tout lecteur à l'avenir pour voir que la référence préalable au document
7 IC32 devra être remplacée par la cote 4D4. Il s'agit de la même pièce qui,
8 d'ailleurs, faisait déjà partie de la bibliographie du système
9 électronique.
10 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais est-ce que pour que tout cela soit
11 clair, est-ce que les personnes qui mettent à jour le compte-rendu
12 d'audience peuvent remplacer la cote IC32 par le 4D4.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais la réponse, c'est que cela
14 ne sert à rien parce que je parle de mémoire. Je pense que seul le Greffier
15 lui a donné cette cote. Il n'y a pas eu de questions posées à ce sujet. On
16 n'a pas demandé : Est-ce que l'on peut regarder le document IC32. Si cela
17 avait été le cas, je serais d'accord avec vous. Mais je pense que ce que
18 nous avons fait, c'est la meilleure solution pour régler ce problème.
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous savez, j'ai fait beaucoup de travail en
20 appel, et je dirais que l'une des plus grandes frustrations, c'est de
21 trouver une référence à un document qui n'est pas le document auquel on
22 s'attend. Cela peut se produire.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je suis sûr que la Cour d'appel
24 sera fascinée par ce dialogue que nous avons, et je suis sûr qu'ils vont
25 veiller au grain et qu'il seront conscients de ce problème.
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, j'en suis sûr.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Bakrac.
28 M. BAKRAC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, est-ce que
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1 vous pourriez m'accorder une petite minute, car je souhaiterais obtenir une
2 précision. Dans ce cas de figure, j'avais cru comprendre - et j'espère que
3 je vais pouvoir obtenir une explication - alors, avec ce témoin, lorsque
4 les documents sont versés au dossier et présentés au témoin, est-ce qu'ils
5 ne sont pas inclus automatiquement dans le dossier ou est-ce qu'il faut à
6 chaque fois verser cela au dossier, identifier cela ? Parce que nous ne
7 voulons pas que cela soit une perte de temps. Donc, à l'avenir, nous
8 souhaiterions éviter cela.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison dans ce
10 que vous avancez. Mais la pratique consiste à identifier le document en
11 faisant référence à sa cote pour qu'on puisse l'afficher sur l'écran. Et
12 une fois que le témoin a répondu aux questions, cela fait partie du dossier
13 puisque cela fait partie de l'audience et de la procédure. Il me semble
14 qu'il est nécessaire de traiter de ces documents de façon séparée, lorsque,
15 par exemple, Me Ackerman nous a invités à prendre en considération toute
16 une déclaration et qu'il avait décidé de ne pas contre-interroger le
17 témoin à propos d'un détail. Il voulait, en fait, que tout le contenu de
18 cette déclaration soit mis en parallèle avec la déposition du témoin dans
19 le prétoire. Lorsque vous avez ce genre de situation, il faut préciser la
20 question. Je suppose que ceux qui gèrent le système préfèrent voir que le
21 mot "versé au dossier" a été utilisé parce qu'ainsi cela supprime tout
22 doute. Les Juges vont, bien entendu, prendre en considération toute pièce à
23 conviction à laquelle il sera fait référence, dans la mesure où cela est
24 pertinent par rapport aux éléments de preuve qui nous sont présentés. Cela
25 fait partie automatiquement du dossier lorsque ces documents sont
26 présentés.
27 M. BAKRAC : [interprétation] Je vous remercie de votre explication et je
28 vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que c'est un peu prématuré
2 tout cela.
3 M. ACKERMAN : [interprétation] J'aurai le dernier mot peut-être. Lorsque je
4 faisais référence à un appel potentiel, vous auriez compris, j'espère, que
5 je faisais référence à un appel de la part du bureau du Procureur.
6 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Avec la permission de mes collègues,
7 j'aimerais ajouter quelque chose, Maître Ackerman. Lorsque que vous parlez
8 de la frustration pour vos confrères, c'est également une cause de
9 frustration pour nous, en fait. Cela, vous devez toujours l'accepter parce
10 que c'est la profession qui veut cela.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. C'est avec très grand
12 regret que je lève l'audience, et nous nous retrouverons à
13 14 heures 15.
14 --- L'audience est levée à 18 heures 27 et reprendra le
15 jeudi 7 septembre 2006, à 14 heures 15.
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