Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 9 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à tous. Nous allons reprendre

6 ce matin la présentation des moyens à charge. Qui va se charger de cela ?

7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour.

9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Le prochain témoin à charge est M. Mahmut

10 Halimi. C'est l'un des témoins qui déposera au sujet de Mitrovica. Il

11 témoignera de vive voix.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci, Madame Kravetz.

13 Peut-on faire rentrer M. Halimi dans le prétoire, s'il vous plaît ?

14 Mme KRAVETZ : [interprétation] En attendant que le témoin arrive, je

15 précise que la déposition du témoin concerne le paragraphe 72(f), 73 et 77

16 de l'acte d'accusation.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Halimi.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

21 solennelle en donnant lecture du texte qui vous est présenté.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 LE TÉMOIN: MAHMUT HALIMI [Assermenté]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

27 Monsieur Halimi, comme vous le savez, les représentants de l'Accusation et

28 les conseils des accusés vous poseront des questions. Les Juges pourront

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1 également vous poser des questions, mais de façon générale ce sont les

2 représentants des parties qui vous interrogeront. L'Accusation représentée

3 par Mme Kravetz va commencer son interrogatoire.

4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Interrogatoire principal par Mme Kravetz :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous pourriez

7 décliner votre identité pour les besoins du compte rendu d'audience ?

8 R. Je m'appelle Mahmut Halimi.

9 Q. Pourriez-vous nous donner votre lieu et votre date de naissance ?

10 R. Je suis né le 7 avril 1954 dans le village de Zhabar, dans la

11 municipalité de Mitrovica.

12 Q. Quelle est votre profession, Monsieur Halimi ?

13 R. Je suis titulaire d'un diplôme en droit et je travaille comme juriste à

14 Mitrovica.

15 Q. Où habitiez-vous en mars 1999 ?

16 R. En mars 1999, je vivais dans la rue Ceta e Minatoreve, au numéro 9, à

17 Mitrovica. Depuis la fin de la guerre, on appelle cela malheureusement la

18 partie nord de Mitrovica.

19 Q. Dans quel quartier de Mitrovica précisément se trouve cette rue.

20 R. C'est près de Kodro e Minatoreve, la colline des mineurs à Mitrovica.

21 Q. Vous avez dit qu'au mois de mars vous habitiez à Mitrovica. Est-ce qu'à

22 moment donné pendant le mois de mars vous avez dû quitter votre domicile ?

23 Il faut que vous répondiez à voix haute.

24 R. Oui. J'ai quitté ma maison le 25 mars 1999 aux environs de 6 heures 30,

25 7 heures moins le quart.

26 Q. Pourriez-vous dire en quelques mots pourquoi vous avez quitté votre

27 maison le 25 mars ?

28 R. Oui. Une femme m'a appelé vers 6 heures du matin, elle parlais serbe.

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1 C'était le 25 mars. Elle m'a conseillé de quitter ma maison aussi

2 rapidement que possible. Elle a dit, je cite : "Pars aussi vite que

3 possible. Tu ne sais pas ce qui t'attend, tu ne sais pas ce qui s'est

4 passé, quitte ta maison." Je suis parti avec mon épouse, mes quatre enfants

5 et ma mère qui, à l'époque, avait 75 ans. Nous sommes tous partis très

6 rapidement et nous nous sommes rendus en direction de Zhabar, mon village

7 natal qui se trouve à quelque trois kilomètres de Mitrovica à l'ouest.

8 Q. Où êtes-vous resté une fois que vous êtes arrivé au village de Zhabar ?

9 R. Mon frère aîné habite là-bas; je suis allé chez lui accompagné de ma

10 famille, nous sommes restés avec sa famille. C'est là que nous sommes

11 restés, dans sa maison.

12 Q. Vous avez dit que vous aviez reçu cet appel téléphonique d'une femme

13 qui vous a dit que vous ignoriez ce qui se passait et que vous deviez

14 quitter la maison. Lorsque vous êtes arrivé à Zhabar, est-ce que vous avez

15 appris ce qui se passait à Mitrovica, est-ce que vous avez compris la

16 raison pour laquelle cette femme vous avait appelé ?

17 R. Je souhaiterais tout d'abord faire le lien avec ce qui s'est passé

18 lorsque j'ai traversé la rivière Ibar pour me rendre à la nouvelle gare de

19 la ville de Mitrovica. Cette même femme m'a appelé et m'a dit : Est-ce que

20 tu es déjà parti ? Est-ce qu'ils sont venus chez toi ? Je croyais qu'elle

21 parlait de l'armée et des forces paramilitaires. Je lui ai dit que j'avais

22 traversé la rivière. Une fois arrivé à Zhabar, j'ai appris dans la nuit du

23 24 au 25 mars qu'Agim Hajrizi avait été tué chez lui.

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Excusez-moi.

26 Q. Ce n'est pas grave. Je sais qu'il vous est difficile d'évoquer ces

27 événements.

28 R. C'était mon collaborateur. Il a travaillé dur et il a beaucoup

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1 contribué à l'avenir du Kosovo. C'était un ami très proche. Il a été tué

2 ainsi que sa mère et son plus jeune fils qui, à l'époque, avait 12 ou 13

3 ans. Il n'avait même pas 13 ans. M. Latif Berisha, un professeur à

4 l'université de Pristina et président du LDK à Mitrovica, lui aussi a été

5 tué. C'est ainsi que j'ai appris ce qui s'était passé, je l'ai appris à

6 Zhabar. J'ai appris ce qui s'était passé dans la nuit du 24 au 25 mars,

7 cette nuit-là.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Halimi, lorsque vous dites

9 qu'Agim Hajrizi était votre collaborateur, c'est bien cela ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il était président ou chef des syndicats

11 de Trepca. J'étais juriste et je représentais les intérêts de ce syndicat,

12 Trepca.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous exerciez dans un cabinet privé

14 d'avocats en tant que juriste en mars 1999 ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Madame Kravetz, poursuivez.

18 Mme KRAVETZ : [interprétation]

19 Q. Monsieur Halimi, vous avez déclaré que vous vous étiez rendu au village

20 de Zhabar. Combien de temps êtes-vous resté là ?

21 R. Deux jours. Le troisième jour j'ai dû partir.

22 Q. Pourquoi avez-vous dû partir ?

23 R. J'ai dû partir parce que, d'après les informations que j'ai obtenues

24 des habitants de Tavnik à Mitrovica, les forces de sécurité me

25 recherchaient. Deux membres de l'armée de libération qui s'étaient

26 présentés à moi, qui portaient des vêtements civils et qui n'étaient pas

27 armés, je pense, car je n'ai pas vu d'armes sur eux. Ces personnes m'ont

28 dit que pour ma propre sécurité et pour celle des habitants du village, je

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1 devais partir pendant un jour environ. Je devais quitter le village. Vers

2 20 heures, nous sommes partis. Ces deux hommes, ces deux membres de l'armée

3 de libération dont je ne me souviens pas du nom. Je me souviens de leurs

4 visages et mon frère.

5 L'INTERPRÈTE : Correction.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux fils de mon frère, donc nous étions six

7 au total. Nous nous sommes rendus en direction de la montagne de Zhabar qui

8 était à quelque quatre kilomètres de l'endroit où je me trouvais. Donc je

9 suis allé dans la montagne.

10 Mme KRAVETZ : [interprétation]

11 Q. Monsieur Halimi, vous avez dit que deux membres de l'UCK étaient entrés

12 en contact avec vous. Est-ce que l'UCK était présente dans le village de

13 Zhabar ?

14 R. Ils y étaient de temps en temps pour éviter aux villageois d'être

15 menacés par les forces serbes. Il n'y avait pas de forces armées, mais il y

16 avait ce dispensaire de l'UCK dirigé par Bajram Rexhepi, un chirurgien.

17 Dans ce dispensaire, il soignait aussi bien les civils que les soldats qui

18 avaient été blessés à différents endroits pendant les combats.

19 Q. Vous nous avez dit que vous étiez allé dans les montagnes, accompagné

20 de plusieurs membres de votre famille et de ces deux soldats de l'UCK. Est-

21 ce que vous êtes revenu à Zhabar à un moment donné ?

22 R. Il y a peut-être un problème d'interprétation. Je ne suis pas allé dans

23 les montagnes avec ma famille. Mon épouse et mes enfants sont restés à

24 Zhabar, ce sont les fils de mon frère qui m'ont accompagné dans les

25 montagnes. J'y suis resté avec eux pendant six jours, après quoi j'ai

26 rejoint ma famille.

27 Q. Lorsque vous êtes retourné à Zhabar, combien de temps cette fois-ci y

28 êtes-vous resté avec votre famille ?

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1 R. J'y suis resté jusqu'au 14 avril 1999. Ce jour-là, vers 10 heures, car

2 je dois vous expliquer quelque chose. La maison de mon frère est située

3 très près de la rivière Ibar, on peut voir Suhadoll et le nouveau stade

4 depuis cet endroit. Cela se trouve de l'autre côté de la rivière. La vue

5 est très dégagée, si bien que nous observions ce qui se passait. Il y avait

6 d'autres personnes qui observaient également ce qui se passait car elles

7 craignaient pour leurs vies.

8 Depuis Suhadoll, les forces serbes se sont dirigées vers le nouveau stade.

9 J'ai vu deux véhicules blindés de transport de troupes qui ont commencé à

10 ouvrir le feu avec leurs mitrailleuses. Moi-même, j'ai été soldat il y a

11 quelque temps, mais je n'avais jamais vu de tels canons. Il s'agissait de

12 Praga. C'était consternant et ils tiraient en direction de la partie haute

13 du village. Il y a eu quatre à six coups tirés depuis les transporteurs de

14 troupes.

15 Q. Vous avez dit que vous aviez vu les forces serbes tirer sur le village

16 de Zhabar. Est-ce que vous pourriez nous décrire ces forces et nous dire

17 quels uniformes portaient les soldats ? Est-ce que vous avez pu voir cela

18 depuis l'endroit où vous vous trouviez ?

19 R. Vu la distance, je ne dirais pas que j'étais en mesure de voir leurs

20 uniformes car même si la vue était totalement dégagée, l'endroit se

21 trouvait à un kilomètre de distance environ. Comme je l'ai dit, j'ai vu ces

22 transporteurs de troupes et quelqu'un les conduisait. C'étaient des Serbes.

23 Je n'ai pas vu les uniformes.

24 Q. Comment vous et votre famille avez réagi lorsque ces forces ont

25 commencé à tirer sur le village de Zhabar ?

26 R. Je voulais partir, que pouvais-je faire d'autre ? En effet, mon fils

27 avait cinq ans, ma fille sept ans, ma mère avait 75 ans. Il nous fallait

28 quitter la partie basse de Zhabar pour nous diriger vers la partie haute de

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1 Zhabar. J'ai pu suivre la rivière Ibar et je me suis rendu dans la maison

2 qui était la plus proche de la forêt et des montagnes dans ce village. Je

3 parle de la partie haute de Zhabar. Mon frère m'a rejoint avec sa famille

4 et nous sommes restés là jusqu'au 17 avril. Ou plutôt, excusez-moi, je

5 crois qu'il s'agissait du 16.

6 Q. Vous nous avez parlé des tirs que vous avez observés le 14 avril et

7 vous avez déclaré que vous vous étiez ensuite rendu dans la partie haute de

8 Zhabar. Le lendemain, avez-vous pu voir quoi que ce soit d'inhabituel alors

9 que vous vous trouviez dans la partie haute de Zhabar ?

10 R. Depuis l'endroit où je me trouvais, dans la partie haute du village,

11 l'endroit était situé à environ 400 mètres de hauteur. Je pouvais voir,

12 depuis l'endroit où je me trouvais, la partie basse de Zhabar. Une partie

13 du village de Shipol et une partie de Mitrovica et de Tavnik. Je pouvais

14 également voir la route qui relie Mitrovica à Peje, à 300 mètres de la

15 réserve d'eau qui surplombe le village de Shipol. C'était le 15 avril 1999;

16 il était environ 10 heures, 10 heures 30. Je pouvais voir ce qui se passait

17 ainsi que les personnes qui étaient avec moi. J'ai pu voir que la

18 population se déplaçait en masse vers Zhabar. Il y avait des gens qui

19 venaient de la direction de Suhadoll qui est situé au nord-est de

20 Mitrovica, notamment du quartier de Tavnik, lui se trouve à l'est de

21 Shabar, donc ces gens se dirigeaient vers l'ouest. Il y avait des gens de

22 Shipol qui se dirigeaient également vers Zhabar et Shipol est également

23 situé au nord-est de Zhabar. La population se déplaçait en masse à pied, et

24 après 11 heures 30 ou midi, il y avait encore plus de gens. C'était un

25 triste spectacle que de voir cette foule se déplacer ainsi. Vers 14 heures

26 ou 14 heures 30, le village de Zhabar, qui faisait environ 150 kilomètres

27 carrés, on ne le voyait plus tellement il y avait de gens. On ne voyait

28 plus la terre à cause de la foule.

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1 Q. Vous avez dit que dans la matinée vous avez vu cette foule de personnes

2 qui commençait à se déplacer vers Zhabar. Est-ce que vous avez pu voir

3 pourquoi ces gens se dirigeaient vers Zhabar ?

4 R. Parce que les endroits que j'ai mentionnés, Shipol, Tavnik, une partie

5 de Mitrovica, Suhadoll, dans ces secteurs les forces serbes avaient fait

6 une percée. Je veux parler de l'armée et de la police qui expulsaient et

7 terrorisaient la population. Des personnes ont également été tuées les 14

8 et 15 avril à Rrhga e Kovaceve, plus de 26 Albanais ont été tués, tous des

9 jeunes gens, à l'exception d'une personne qui avait 52 ans. C'est à cause

10 de cette situation dramatique que les gens souhaitaient se rendre dans un

11 endroit plus sûr.

12 Q. Vous avez dit que les forces serbes se livraient à des expulsions,

13 contraignaient les gens à partir. Est-ce que vous avez pu voir cela de vos

14 propres yeux depuis la partie haute de Zhabar ou est-ce que vous avez

15 appris autrement ce qui s'était passé ?

16 R. J'ai moi-même fait cette expérience, je sais comme tout le monde que

17 les gens arrivaient sans cesse. Des gens de la partie basse de Zhabar

18 arrivaient dans la partie haute de Zhabar où je me trouvais. Ils nous

19 disaient que l'armée, la police, les paramilitaires les avaient expulsés de

20 chez eux. C'est pour cela qu'ils ont tous dû venir à Zhabar.

21 Q. Lorsque vous parlez de cette foule de personnes, combien de personnes,

22 selon vous, sont arrivées ce jour-là ? Combien de personnes qui avaient dû

23 quitter Mitrovica sont arrivées à Zhabar ce jour-là, d'après vos

24 estimations ?

25 R. Plus tard, alors que je suivais l'évolution de la situation, et si vous

26 me le permettez j'aurais quelques mots à dire à ce sujet, je peux vous dire

27 de quelle manière j'ai pu calculer grosso modo le nombre de personnes qui

28 sont parties. Mesdames et Messieurs les Juges, Madame le Procureur, il

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1 était environ 16 heures lorsque cette foule de personnes s'est transformée

2 en convoi et --

3 Q. Je vous interromps un instant. Vous avez dit que cette foule s'est

4 transformée en convoi. Ces personnes qui sont arrivées à Zhabar ont

5 constituées un convoi, qu'entendez-vous par là ?

6 R. Oui. Elles sont arrivées à Zhabar et lorsqu'elles ont quitté Zhabar, un

7 convoi a été constitué sur la route principale.

8 Q. Dans quelle direction se dirigeait ce convoi ?

9 R. Oui. Ce convoi se dirigeait vers la route de Peje en direction de

10 Shipol, c'est-à-dire la route principale qui mène de Mitrovica à Peje. Il y

11 a deux routes à cet endroit-là, deux routes qui mènent du carrefour dans la

12 partie basse de Zhabar, une se dirige vers l'école de Shipol et l'autre

13 mène également à l'école de Shipol mais c'est une route qui est un petit

14 peu plus longue. Les deux routes se rejoignent à l'école. Les gens qui se

15 déplaçaient à pied avaient emprunté la route la plus courte vers l'école

16 primaire de Shipol, alors que les voitures empruntaient la route la plus

17 longue. Comme je l'ai dit, les deux se rejoignaient à l'école. Il y avait

18 tant de gens à pied que la route n'était pas suffisante pour toute cette

19 foule.

20 Q. Quand les gens se dirigeaient vers l'école de Shipol, avez-vous vu des

21 forces serbes présentes à Zhabar ?

22 R. Oui. J'ai vu des forces serbes qui s'y trouvaient. C'étaient des forces

23 paramilitaires qui étaient cantonnées à l'hôtel Valoni dans la partie basse

24 de Zhabar. L'hôtel se trouve environ à 50 mètres de la route principale. A

25 ce moment-là en particulier, c'est-à-dire, entre 14 heures 30 et 16 heures,

26 on a entendu des coups de feu tirés par différents types d'armes. Plus

27 tard, j'ai appris que trois des habitants du village de Zhabar avaient été

28 tués ce jour-là. Plusieurs véhicules ont été brûlés et j'ai vu cela moi-

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1 même.

2 Q. Vous avez dit que vous avez vu des forces paramilitaires qui se

3 trouvaient là. Que voulez-vous dire exactement par forces paramilitaires ?

4 Pouvez-vous décrire quel type d'uniformes portaient ces paramilitaires ?

5 R. Oui. On peut faire la distinction entre les forces paramilitaires et

6 les forces de police ou les forces militaires d'après leurs vêtements,

7 leurs uniformes ainsi que l'équipement qu'ils portaient. Ils portaient des

8 bandanas sur la tête plutôt que des casquettes. La plupart d'entre eux

9 avaient le crâne rasé et portaient la barbe. Ils inspiraient la peur même

10 la terreur. Leurs armes étaient des armes très sophistiquées. Ils portaient

11 des armes à canon long, des armes d'une longueur entre un mètre 40 et un

12 mètre 60. C'étaient des fusils d'assaut avec des petits chargeurs. Voilà

13 comment on pouvait dire qu'il s'agissait d'unités paramilitaires.

14 Q. Outre ces forces que vous avez décrites comme des forces

15 paramilitaires, avez-vous vu d'autres hommes en uniforme à Zhabar lorsque

16 ces événements ont eu lieu ?

17 R. Je les ai vus de très près --

18 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'elle n'a pas saisi la date.

19 Mme KRAVETZ : [interprétation]

20 Q. Pourriez-vous répéter la date, s'il vous plaît, que l'interprète n'a

21 pas saisie ?

22 R. Il s'agissait du 15 avril, excusez-moi, non le 16 avril 1999. Après 11

23 heures peut-être 11 heures 20, comme je l'ai dit dans ma déposition, les

24 forces serbes ont réussi à forcer la colonne de gens qui partaient de la

25 partie basse de Zhabar et qui empruntaient la route la plus longue, à

26 continuer à bouger dans la direction de Peje, le long de la route qui

27 menait à Peje. Ceci je l'ai vu de mes propres yeux alors que j'étais sur la

28 route moi-même, la route que j'ai décrite précédemment qui menait vers

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1 l'école primaire de Shipol. Même le dernier véhicule a été incendié. Ceci

2 s'est produit aux environs de 11 heures et c'est à ce moment-là que les

3 forces serbes sont arrivées, la police, des forces paramilitaires, ainsi

4 que des militaires. La partie haute de Zhabar est divisée en deux parties,

5 une partie plane et une partie vallonnée. Ces forces y sont entrées et ont

6 commencé à incendier les maisons. Elles ont commencé à incendier des

7 maisons dans la partie basse de Zhabar. On voyait d'ailleurs la fumée s'en

8 échapper et on pouvait entendre des coups de feu. Les villageois ont quitté

9 le plateau de la partie basse de Zhabar. Il y avait également d'autres

10 personnes déplacées qui avaient quitté Zhabar, il ne s'agissait pas

11 seulement des habitants de Zhabar. Toutes ces personnes ont rejoint le

12 convoi et elles se sont dirigées vers Gaterat. Il s'agit d'un ensemble de

13 menuiserie. J'ai vu ce déplacement des mes propres yeux.

14 Q. Est-ce qu'il s'agit ici d'un groupe différent de personnes ? Vous avez

15 parlé d'un premier groupe de personnes qui avaient été envoyées en

16 direction de Shipol. Maintenant, vous parlez d'un autre groupe de personnes

17 qui a été envoyé vers l'ensemble de menuiserie ?

18 R. Oui, oui. Il s'agit d'un autre groupe comme je l'ai dit, parce que le

19 premier groupe continuait à se déplacer le long de la route de Peje. Il

20 s'agissait de ceux qui venaient de Zhabar e Ulet, ceux qui ont rejoint le

21 convoi dans la soirée et ils sont restés avec le convoi pendant toute la

22 nuit, ceux-là ont continué vers Peje. Immédiatement après l'expulsion des

23 habitants de la partie haute de Zhabar, c'est-à-dire la plaine de la partie

24 haute de Zhabar, trois ou quatre maisons ont été incendiées à cet endroit.

25 Q. Les gens sont partis, ils se sont dirigés vers cet ensemble de

26 menuiserie.

27 R. C'est là que j'ai réalisé qu'il n'y avait pas d'issues et que la même

28 chose allait nous arriver. C'est à ce moment-là que j'ai pris ma décision

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1 et que j'ai proposé à mon frère de partir.

2 Q. Puis-je vous interrompre ? Vous avez dit que les forces serbes avaient

3 commencé à incendier des maisons dans la plaine de la partie haute de

4 Zhabar, c'est à ce moment-là que vous avez décidé de partir. Où êtes-vous

5 allé quand vous avez décidé de partir ? Dans quelle direction ? Juste très

6 brièvement, Monsieur Halimi.

7 R. Dès que j'ai vu les gens qui quittaient la partie basse du village,

8 j'ai pris la décision immédiatement de partir. Mon frère et sa famille

9 ainsi que mon beau-frère dont la femme était enceinte à l'époque se sont

10 joints à moi. Nous sommes partis dans trois voitures. Lorsque nous étions

11 sur le point de rejoindre la route principale de Mitrovica-Zubin Potok qui

12 mène au Monténégro, nous avons été arrêtés par deux soldats, des soldats de

13 l'armée nationale yougoslave qui étaient très jeunes, je n'oublierai jamais

14 leurs visages. L'un d'entre eux tremblait de peur. On nous a donné l'ordre

15 de sortir de la voiture. Ce soldat s'est approché de moi et je me souviens

16 lui avoir dit, je cite : "Vous ne devez pas avoir peur, nous sommes tous

17 des civils. Nous essayons de sauver notre peau." Il m'a semblé qu'il se

18 calmait un tout petit peu et il m'a permis de remonter dans la voiture et

19 de poursuivre car, comme je l'ai dit, mes enfants étaient très jeunes. Ma

20 mère était très âgée et malade.

21 Cependant, ils ne m'ont pas permis de garder la voiture. J'ai pu récupérer

22 des effets dans la voiture. Ensuite, les forces militaires ont commencé à

23 envahir la partie haute de Zhabar. Je n'oublierai jamais la chose suivante.

24 Alors qu'on nous a permis de partir sur la droite de la route, il y avait

25 deux petits camions qui s'y trouvaient, et là j'ai remarqué cinq ou six

26 paramilitaires. Je peux dire qu'il s'agissait de paramilitaires puisque je

27 vous ai expliqué auparavant comment on les reconnaissait. Je les avais

28 d'ailleurs déjà vu précédemment à l'hôtel à Zhabar. Il y avait également

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1 une jeep militaire, ainsi qu'une mitrailleuse montée sur le toit de la

2 jeep. D'autres militaires pillaient des maisons abandonnées et chargeaient

3 tout ce qu'ils avaient pris dans les camions garés à proximité. Ces

4 paramilitaires avaient des bandanas, portaient des bandanas noirs; des

5 barbes assez longues; ils portaient des uniformes de couleur foncée. On

6 pourrait peut-être dire noirs, mais je ne suis pas sûr, c'était très

7 difficile de remarquer ceci ou d'en être certain étant donné les

8 circonstances. Cet individu en particulier portait un tee-shirt noir et il

9 portait deux couteaux dans les mains.

10 Q. Puis-je vous interrompre, Monsieur Halimi ? Pouvons-nous repartir en

11 arrière ? Vous disiez que les autres gens avaient été envoyés vers l'école

12 à Shipol et vers la scierie. Qu'est-il advenu de tous ces gens-là ? Où

13 sont-ils allés après avoir été envoyés dans cette direction ?

14 R. Il s'agit du groupe de gens que j'ai déjà décrit comme provenant de

15 Zhabar e Ulet, la partie basse de Zhabar. C'est ce groupe qui s'est

16 constitué en convoi le 15 avril et qu'on a forcé à rester, à passer la nuit

17 en plein air et qu'on a forcé le jour suivant à emprunter la route de Peje.

18 Vous m'aviez demandé auparavant combien il y avait de personnes. Sur la

19 base de la longueur dudit convoi ou plutôt des deux convois, il y avait

20 deux convois, un convoi de personnes qui se déplaçaient à pied et un convoi

21 de véhicules, mon estimation serait qu'il y avait 25 000 à 30 000

22 personnes.

23 Q. Avez-vous finalement rejoint le convoi de personnes qui empruntaient la

24 route vers Peje ?

25 R. Non. Nous sommes partis le lendemain. Eux sont partis le 16, alors que

26 nous qui nous trouvions dans la partie haute de Zhabar, nous avions passé

27 la nuit dans la scierie. Le lendemain, c'est-à-dire le 17 avril 1999, avant

28 midi, la police est arrivée et nous a ordonné de constituer un convoi en

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1 trois minutes et de partir immédiatement. Il n'y avait pas d'autres issues.

2 En trois minutes un convoi s'est formé et nous avons continué à marcher le

3 long de la route qui mène à Peje.

4 Q. Une fois que vous vous êtes engagé sur la route de Peje, dans quelle

5 direction est-ce que le convoi a continué, très brièvement ?

6 R. Vers l'Albanie. Tous les convois qui se dirigeaient dans cette

7 direction se sont finalement dirigés vers l'Albanie.

8 Q. Vous souvenez-vous quelles municipalités vous avez traversées en vous

9 dirigeant vers l'Albanie ?

10 R. Oui. Mitrovica. Nous sommes passés à proximité de Skenderaj, Klina e

11 Poshteme, le village de Rakoc, la municipalité d'Istog, de Gjurakoc. A

12 Gjurakoc, on nous a ordonné d'aller sur la gauche de la route, nous avons

13 continué sur la route vers Klina. Nous avons atteint le pont de Klina où il

14 y a un carrefour avec la route qui mène à Gjakova. Ensuite, nous avons

15 traversé Prizren, Zhur et Morina, c'est-à-dire la frontière entre le Kosovo

16 et l'Albanie.

17 Q. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour arriver à la frontière de

18 l'Albanie ?

19 R. Grâce au beau-fils de mon frère qui était mécanicien de profession,

20 nous avons eu la chance de trouver des véhicules abandonnés par des gens

21 qui étaient partis, véhicules abandonnés à cause de pannes ou autres

22 défauts techniques. Il a trouvé cette Golf et d'autres véhicules de la

23 marque Moskvitch. J'ai pris la Golf. J'avais huit ou neuf passagers dans

24 cette voiture. Mon frère et son beau-fils étaient dans une Moskvitch, je

25 tractais la Moskvitch. Nous nous sommes dirigés vers la frontière et nous

26 sommes arrivés au village de Zhur qui se trouve près de la frontière avec

27 l'Albanie, vers 19 heures, 19 heures 30.

28 Q. Pouvez-vous --

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1 R. Excusez-moi, permettez-moi de dire ceci. Le long de la route, nous

2 avons vu des gens qui avaient quitté le village de Zhabar le 16 avril en

3 convoi, ceux qui étaient partis à pied.--

4 Q. Monsieur Halimi, vous étiez en train de nous dire --

5 R. Je vous demande de m'excuser.

6 Q. Vous avez dit que vous aviez vu des membres de ce convoi qui étaient

7 partis à pied alors que vous vous dirigiez vers la frontière ?

8 R. Oui, oui. Nombre d'entre eux, et j'en ai vu beaucoup, marchaient des

9 deux côtés de la route. C'était un convoi extrêmement long avec une foule

10 de gens qui marchaient de part et d'autre de la route.

11 Q. Qu'est-il arrivé quand vous avez atteint la frontière, Monsieur Halimi.

12 Avez-vous pu traverser la frontière sans problèmes ?

13 R. Non parce que le convoi se déplaçait très lentement. De 19 heures à 22

14 heures, nous n'avons avancé que de 20 à 50 mètres. Après 22 heures environ,

15 je ne suis pas sûr de l'heure, cela aurait pu être à 23 heures. Nous avons

16 entendu une explosion très forte. Tous ceux d'entre nous qui se trouvaient

17 dans le convoi ont pensé qu'il s'agissait d'une bombe lancée par l'OTAN.

18 Nous attendions le moment où les forces serbes allaient se jeter sur nous

19 pour riposter. Le convoi s'est arrêté. Nous avons passé la nuit là et le

20 lendemain, c'est-à-dire le 18 avril vers 11 heures, le convoi a commencé à

21 se diriger vers la frontière albanaise. Je suis arrivé au poste-frontière

22 moi-même et là il y avait ces trois boîtes ou plutôt coffres. On était

23 censé y jeter nos papiers d'identité parce que la police disait que si on

24 trouve des passeports, des documents d'identité ou des permis de conduire

25 sur l'un d'entre vous, vous serez exécutés immédiatement.

26 Q. Est-ce que c'est quelque chose que la police vous a dit

27 personnellement, est-ce que vous avez entendu d'autres voix dire ceci ?

28 R. Si, si. La fenêtre de ma voiture était ouverte, nous avancions

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1 extrêmement lentement et les policiers longeaient toutes les voitures et

2 nous prévenaient. Avant d'arriver à la frontière même, à dix ou 15 mètres

3 avant la frontière, la police se dirigeait vers nous et nous disait que

4 nous devions abandonner nos documents d'identité ainsi que les plaques

5 d'immatriculation des voitures. Je dirais que ce n'était pas dans le coffre

6 dans lequel on jetait les documents d'identité mais plutôt c'était devenu

7 un tas de documents et de plaques d'immatriculation. Un des coffres était

8 censé contenir les papiers d'identité et l'autre les permis de conduire.

9 Q. Est-ce que vous avez donné vos papiers d'identité ainsi que les plaques

10 d'immatriculation des voitures que vous conduisiez ?

11 R. J'ai donné les plaques d'immatriculation. J'ai donné les documents

12 d'identité, permis de conduire. Heureusement, ce n'était pas fait exprès

13 mais puisque mon passeport se trouvait avec les documents d'identité de mes

14 enfants et que c'est ma femme qui les avait. Lorsque ma femme les a sortis

15 de son sac pour les lancer dans le coffre, mon passeport est resté

16 accidentellement dans son sac. En fait, nous étions tous censés jeter nos

17 documents dans ce coffre.

18 Q. Vous avez dit que vous avez vu la police, des policiers serbes à la

19 frontière qui vous ont ordonné de remettre vos documents. Alors que vous

20 vous dirigiez vers la frontière en convoi, avez-vous vu d'autres forces

21 serbes le long de la route ou en chemin ?

22 R. Oui. Non loin de la frontière, c'est-à-dire du côté gauche c'est-à-dire

23 la partie montagneuse ainsi que la partie basse étaient toutes gardées par

24 des forces régulières de la police alors que l'armée était de l'autre côté

25 de la frontière. Au poste-frontière, il y avait des forces de police

26 régulières.

27 Q. Quand vous avez dit que l'armée s'y trouvait, pouvez-vous décrire le

28 type d'uniforme que portaient les soldats ou l'armée pour autant que vous

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1 vous en souveniez ?

2 R. Oui, Madame le Procureur. J'ai fait mon service militaire avec la JNA

3 et j'ai également fait l'académie des officiers militaires de réserve donc

4 je connais les uniformes de la JNA. Les uniformes de l'armée étaient des

5 uniformes de camouflage verts avec un motif gris vert olive. C'est la

6 couleur qui ressemblait à la couleur des feuilles, des feuilles

7 jaunissantes. Je ne sais pas très bien comment donner une meilleure

8 description de cette couleur.

9 Q. Bien. Monsieur Halimi, êtes-vous retourné à Mitrovica après la guerre ?

10 R. Oui.

11 Q. Dans quel état se trouvait votre maison à votre retour ?

12 R. Je suis rentré le 11 juillet 1999. Quelques jours après mon arrivée,

13 j'ai pu aller voir ma maison. Elle avait été réduite en cendres et elle est

14 encore dans cet état aujourd'hui.

15 Q. Etait-ce la seule maison de votre quartier qui a été incendiée ou est-

16 ce que d'autres maison l'ont été également ?

17 R. Dans ce quartier, dans la rue Ceta e Minatoreve, ma maison avait été la

18 seule à être incendiée. Aucune autre maison n'avait été incendiée. Dans la

19 partie haute, en direction de la colline des mineurs Kodro e Minatoreve, il

20 y avait cinq ou six maisons qui avaient été également incendiées. Il s'agit

21 de la partie haute de ce quartier. Dans ce quartier, ma maison avait été la

22 seule à être incendiée. Les autres maisons incendiées étaient situées plus

23 loin.

24 Q. Est-ce que vous avez pu savoir qui avait incendié votre maison ?

25 R. Très franchement, je ne voulais pas le savoir. Je sais que le régime de

26 Milosevic et les disciples de ce dernier ainsi que les accusés en l'espèce

27 portent une lourde responsabilité pour cela. Ces événements sont le produit

28 de leurs actions.

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1 Q. Avant la guerre, y avait-il une mosquée à Mitrovica ?

2 R. Oui.

3 Q. Avant que vous ne quittiez Mitrovica, est-ce que cette mosquée avait

4 subi des dégâts ?

5 R. Il y avait quatre mosquées à Mitrovica et il n'y en a plus que trois

6 aujourd'hui. Les quatre mosquées ont été détruites. La quatrième était

7 presque au bord de la rivière Ibar. Elle a été rasée, il n'en reste rien.

8 Rien n'a changé aujourd'hui de ce point de vue.

9 Q. Avez-vous pu une fois que vous êtes rentré à Mitrovica découvrir qui

10 avait rasé cette mosquée ?

11 R. J'ai été très chagriné d'apprendre que c'était des entreprises ainsi

12 que des particuliers serbes qui avaient contribué à la destruction complète

13 de cette mosquée. D'après ce que j'ai entendu dire, ce sont des gens qui

14 n'ont pas quitté Mitrovica un seul instant. On pense également qu'il y a

15 une fosse commune à cet endroit et que les Serbes ont tout fait pour

16 dissimuler leurs actes. Les enquêteurs du TPI n'ont pas pu se rendre sur

17 les lieux parce qu'elle se trouve de l'autre côté du pont, du côté nord de

18 la ville et de la rivière Ibar. Je pense que tout cela a été fait

19 délibérément.

20 Q. Je vais maintenant passer à un sujet différent pour mes dernières

21 questions. Une fois que vous êtes rentré à Mitrovica, vous nous avez dit

22 qu'avant la guerre vous étiez juriste. Je vous demande si après votre

23 retour à Mitrovica, vous avez travaillé en tant que juge au tribunal

24 local ?

25 R. Bien, oui. Comme vous le savez sans doute, les Nations Unies ont mis en

26 place une administration intérimaire chargée de gouverner le Kosovo, et

27 c'est dans le cadre de ce gouvernement intérimaire que le tribunal a

28 commencé à travailler le 1er septembre 1999. Nous avons commencé à

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1 travailler dans le bâtiment qui existait déjà avant la guerre, dans la

2 partie nord de la ville et j'ai été nommé à mon poste ainsi que d'autres

3 personnes. J'y travaille depuis 22 mois.

4 Q. En votre qualité de juge du tribunal municipal local de Mitrovica, est-

5 ce que vous avez eu à entendre une affaire relative au meurtre de Agim

6 Hajrizi dont vous avez déjà parlé dans votre déposition ?

7 R. Oui. J'ai présidé le collège de juges chargés du procès mettant en

8 cause deux hommes, Lazar Gligorovski et Nenad Pavicevic. Ce procès s'est

9 terminé de la façon suivante : M. Lazar Gligorovski mis en accusation pour

10 avoir aidé et encouragé la commission d'un meurtre, en effet, il s'agissait

11 d'un triple meurtre, a été relaxé faute de preuves. Quant à M. Nenad

12 Pavicevic, d'ailleurs j'ai du mal à l'appeler monsieur tant ses mains sont

13 chargées de sang. Je me souviens de lui depuis son enfance, il a été mon

14 client il y a longtemps. Il a les mains ensanglantées et doit rendre compte

15 de ce qu'il a fait. Il a été condamné par contumace à 20 ans

16 d'incarcération, mais vit aujourd'hui à Belgrade, menant une vie très

17 agréable grâce à tous les objets qu'il a volés à des Albanais.

18 Q. Savez-vous si Nenad Pavicevic a commis d'autres crimes que le meurtre

19 de M. Hajrizi pendant la guerre de 1999 ?

20 R. Oui. Les preuves et les témoins abondent. Un témoin qui est venu

21 témoigner dans l'affaire Milosevic, Halit Barani était en possession

22 d'enregistrements et d'autres éléments de preuve documentaire et il y a

23 d'autres témoins également. Tout cela démontre qu'en dehors du meurtre de

24 M. Agim Hajrizi ainsi que de son fils et de sa mère, cet homme est

25 également responsable d'autres meurtres. Avec son collaborateur Ratko

26 Antonijevic, Boban, --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

28 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, si l'Accusation a

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1 l'intention de demander à ce témoin ce que d'autres témoins peuvent

2 éventuellement savoir au sujet d'autres affaires en justice, je pense que

3 ceci est inacceptable et que ce témoignage doit être arrêté.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Kravetz.

5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je lui demandais seulement s'il avait des

6 renseignements personnels quant au fait de savoir si Nenad Pavicevic avait

7 participé à la commission d'autres crimes. Je ne l'interrogeais pas au

8 sujet du témoignage --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous admettez la validité de

10 l'objection eu égard aux dernières parties des réponses du témoin pour le

11 moins. Passez à votre question suivante.

12 Mme KRAVETZ : [interprétation]

13 Q. Monsieur Halimi, savez-vous quelle était sa profession ? Je parle de

14 Nenad Pavicevic.

15 R. Il a toujours été policier à Mitrovica et travaillait au poste de

16 police de la ville.

17 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

18 les Juges, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Halimi, il y a deux ou trois

22 points sur lesquels vous pourrez sans doute m'apporter des explications

23 complémentaires. Vous avez dit qu'au moment où les deux familles étaient

24 parties, vous possédiez trois véhicules ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez également parlé de deux

27 soldats serbes, deux jeunes soldats qui vous avaient arrêté sur la route.

28 Vous avez indiqué qu'on vous avait confisqué votre véhicule. Mais qu'est-il

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1 arrivé aux deux autres véhicules ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Les trois véhicules ont été confisqués, le

3 mien, celui de mon frère et celui de son gendre. Ils ont été autorisés à

4 poursuivre leur chemin à pied.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé de votre frère qui

6 avait utilisé deux véhicules pour le voyage que vous avez fait ensemble

7 jusqu'à l'Albanie. Où a-t-il trouvé ces véhicules ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la voiture de son gendre. Nous avons

9 reçu l'ordre de nous joindre au convoi le 17, et nous sommes partis à pied.

10 Nous étions à 400 ou 500 mètres de l'école de Shipol, tout cela s'est passé

11 à notre arrivée dans les locaux de cette école. Les gens avaient laissé

12 leurs voitures qui avaient cessé de fonctionner pour diverses raisons --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Cela me suffit. Je voulais

14 simplement savoir --

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait là cinq ou six véhicules.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez déjà répondu à cette

17 question. Je voudrais simplement m'assurer qu'il n'y a pas eu de problèmes

18 d'interprétation. Vous avez parlé de Zhabar le haut et de Zhabar le bas.

19 Lorsque vous parliez de Zhabar le haut, vous avez évoqué une zone plate et

20 une partie du quartier vallonnée. Je vous demande si Zhabar le haut se

21 divise effectivement en deux zones tout à fait identifiables et connues

22 comme étant l'une, la zone plate et l'autre, la zone vallonnée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez raison. C'est cela.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Merci. Vous nous avez parlé

25 des quatre mosquées de Mitrovica et avez dit que les quatre avaient été

26 détruites. Vous avez parlé plus en détail de l'une de ces quatre mosquées

27 en disant qu'elle n'avait pas été reconstruite, que la situation était

28 inchangée. Les trois autres ont-elles été reconstruites ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Après la guerre, elles ont été

2 reconstruites.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Enfin, je n'ai pas très bien compris

4 vos explications quant aux raisons pour lesquelles la quatrième mosquée

5 n'avait pas pu être visitée par les représentants du TPI. Pourriez-vous

6 vous expliquer sur ce point ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cette mosquée était tout près du

8 pont qui enjambe l'Ibar qui sépare la ville en partie sud et partie nord.

9 Depuis la fin de la guerre, les affrontements ont été constants dans cette

10 zone. Il y a toujours eu des problèmes et il y en a encore aujourd'hui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour quelle raison précise dites-vous

12 que les enquêteurs du Tribunal n'ont pas pu se rendre en ce lieu ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] A cause de problèmes de sécurité parce que les

14 Serbes ne les laissaient pas passer.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous exprimez là des

16 conjectures personnelles ou est-ce que vous faites état de faits avérés ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis dire que je le sais, j'en suis sûr

18 parce que cela fait 22 mois que je travaille en tant que juge et j'ai eu

19 des contacts avec les enquêteurs du TPI.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que vous dites c'est que c'est une

21 zone inaccessible au Kosovo qui est exclusivement sous le contrôle des

22 Serbes qui refusent que les enquêteurs du TPI s'y rendent pour enquêter ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce que je pense et mon avis est

24 partagé par nombre d'autres citoyens albanais.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 Monsieur Hannis, je ne sais pas si vous pouvez apporter des

27 éclaircissements sur ce point à l'instant, mais il m'apparaît que c'est une

28 question qui mérite des explications complémentaires pour que nous soyons

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1 en mesure de déterminer si tel est réellement le cas.

2 M. HANNIS : [interprétation] Vous avez raison sur les deux points, Monsieur

3 le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 Maître Zecevic.

6 M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous suivons

7 l'ordre de l'acte d'accusation --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

9 M. ZECEVIC : [interprétation] Dans ce cas précis, la Défense de Milutinovic

10 n'a pas de questions pour ce témoin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

12 Maître Fila.

13 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de questions

14 pour ce témoin mais j'aimerais apporter quelques éclaircissements sur la

15 question que vous venez de poser. Peut-être pourrons-nous voir s'il y a

16 quelque part au Kosovo un mètre carré de terre où nous n'avons pas accès.

17 Je sais qu'il y a des endroits où nous ne pouvons pas nous rendre, mais je

18 ne savais pas qu'il y en avait où vous ne pouviez pas vous rendre. Est-ce

19 que nous nous comprenons bien ? Comment pouvez-vous dire que les forces ne

20 peuvent pas --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une seconde. La seule raison pour

22 laquelle j'ai posé cette question réside dans le fait que le témoin a parlé

23 d'une fosse commune. Je crains fort que vous n'ayez que peu de chance de

24 progresser dans la voie dans laquelle vous venez de vous engager. Pensez-

25 vous vraiment que les questions que vous vous apprêtez à poser ont une

26 chance d'obtenir des réponses valables ?

27 M. FILA : [interprétation] Je peux progresser car je connais le témoin

28 depuis pas mal de temps. Nous étions collègues. C'est un avocat, je suis

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1 avocat également. Il a été juge par la suite et j'ai comparu devant lui

2 dans un certain nombre de procès. Nous nous comprenons bien. Il est même

3 chargé de certains procès dans lesquels je travaille actuellement. Rien n'a

4 changé.

5 Contre-interrogatoire par M. Fila :

6 Q. [interprétation] Monsieur, je souhaitais vous poser la question

7 suivante : je suis d'accord avec votre avis selon lequel certaines enquêtes

8 ne peuvent être menées à bien du côté contrôlé par les Serbes comme nous

9 l'appelons temporairement -- de ce côté-là du pont, mais pouvez-vous

10 affirmer cela avec une certitude absolue ? Je pense que c'est peut-être un

11 peu exagéré, qu'en pensez-vous ? Il ne peut y avoir un mètre carré de

12 terrain où certaines personnes ne peuvent mettre le pied. Je veux parler

13 des représentants des forces internationales. Vous avez parlé

14 d'affrontements incessants dans cette zone. Nous avons entendu parler d'un

15 enfant albanais qui a jeté un objet de l'autre côté, il n'a pas pu le

16 récupérer. Des affaires de ce genre sont assez courantes, mais vous nous

17 dites que les forces internationales ne peuvent pas franchir le pont pour y

18 chercher ce qu'elles ont à y chercher ? C'est sur ce point que je vous

19 interroge, mais je ne veux en aucun cas laisser entendre que vous n'exercez

20 pas parfaitement vos fonctions de juge ?

21 R. Monsieur le Président, Monsieur, Mesdames les Juges, j'ai grand plaisir

22 à voir mon collègue dans ce prétoire. Je le connais depuis pas mal de

23 temps. J'ai dit que les raisons justifiant ma réponse étaient des problèmes

24 de sécurité. Je souhaite ardemment qu'on ne trouve pas là-bas une seule

25 victime. Ce serait mon plus grand bonheur qu'on n'y retrouve aucun cadavre.

26 Depuis la fin de la guerre, étant donné que des informations ont été reçues

27 selon lesquelles il se trouverait là-bas des cadavres et il y a encore pas

28 mal de personnes portées disparues, une enquête serait utile.

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1 M. FILA : [interprétation] Je remercie le témoin et je tiens à le saluer

2 une nouvelle fois.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Fila.

4 Maître Sepenuk.

5 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Contre-interrogatoire par M. Sepenuk :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Halimi. Je m'appelle Norman Sepenuk

8 et je suis l'un des conseils de la Défense du général Ojdanic. Vous avez

9 dit qu'après votre retour à Mitrovica vous aviez été engagé en qualité de

10 juge dans le cadre de l'administration intérimaire qui gouverne le Kosovo,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez ajouté que cela fait environ 22 mois que vous occupez ce

14 poste, n'est-ce pas ?

15 R. Exact.

16 Q. L'un des procès dans lesquels vous avez travaillé en l'an 2000 avait

17 pour co-accusés, comme vous l'avez indiqué, Lazar Gligorovski et Nenad

18 Pavicevic, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous étiez le président du collège de juges dans cette affaire, n'est-

21 ce pas ?

22 R. Oui. Oui, je l'ai déjà dit.

23 Q. Ce procès était mené pour déterminer la culpabilité ou l'innocence des

24 auteurs présumés du meurtre d'Agim Hajrizi, n'est-ce pas ? Il ne suffit pas

25 de hocher du chef, Monsieur, il faut prononcer les mots oui ou non.

26 R. Exact, exact.

27 Q. D'accord. Si j'ai bien compris, M. Hajrizi était un bon ami à vous ?

28 R. Oui. C'était un collaborateur très proche car comme je l'ai déjà

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1 expliqué, lorsque le régime Milosevic a licencié des employés en 1990, il y

2 avait à Trepca près de 3 500 personnes qui se sont retrouvées au chômage.

3 Je les ai représentées en compagnie d'une équipe d'autres juristes

4 bénévoles. J'avais du respect pour lui car il présidait le syndicat et nous

5 travaillions souvent en étroite collaboration.

6 Q. Je comprends. C'était un collaborateur et un ami très proche,

7 manifestement vous avez été ému par sa mort, n'est-ce pas; est-il permis de

8 s'exprimer en ces termes ?

9 R. Oui, mais cela n'a rien changé à la façon dont j'ai rendu la justice.

10 Q. Vous avez estimé que bien qu'étant un ami et un collaborateur proche,

11 comme vous l'avez dit tout à l'heure, puisqu'il avait du sang sur les mains

12 vous estimiez qu'il n'était plus une personne méritant d'être appelé

13 monsieur. Vous continuez à dire que, malgré ces circonstances, vous pouviez

14 être équitable et objectif dans votre prononcé de culpabilité ou

15 d'innocence par rapport à M. Nenad Pavicevic. Est-ce bien ce que vous dites

16 dans votre déposition ?

17 R. Oui, j'ai été très équitable.

18 Q. Est-ce que les autorités intérimaires savaient que lorsqu'elles vous

19 ont nommé en qualité de juge dans cette affaire, que vous étiez un ami

20 proche de M. Hajrizi ? Est-ce qu'elles vous ont demandé au préalable si

21 vous connaissiez peu ou prou M. Hajrizi ? Le leur avez-vous dit ?

22 R. Tous les habitants de Mitrovica connaissaient notre relation.

23 Q. Qui vous a nommé au poste de président du collège de juges dans cette

24 affaire ?

25 R. C'était Bernard Kouchner à l'époque. C'est lui qui a nommé les premiers

26 juges après l'arrivée des forces de l'OTAN.

27 Q. Bernard Kouchner savait-il que vous étiez un ami et un proche

28 collaborateur de M. Hajrizi ?

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1 R. Je ne crois pas me rappeler qu'il ait posé la question et nous ne l'en

2 avons pas informé car nous ne pensions pas que c'était important, compte

3 tenu du serment que nous avions prononcé en tant que juges quant à notre

4 obligation et à notre engagement de rendre la justice équitablement à

5 l'endroit de tous les citoyens.

6 Q. M. Pavicevic a été jugé par contumace, n'est-ce pas ? Il n'était pas

7 présent au procès ?

8 R. En effet.

9 Q. Si j'ai bien compris, il avait des avocats qui le représentaient,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Oui, il avait des avocats.

12 Q. Ces conseils qui le représentaient savaient-ils que vous étiez un ami

13 proche et un très proche collaborateur de M. Hajrizi ?

14 R. Oui, puisqu'ils étaient habitants de Mitrovica.

15 Q. Aucune objection n'a été soulevée par rapport à votre participation à

16 cette affaire ?

17 R. Non. Vous pourrez relire le procès-verbal des audiences. Il n'y a eu

18 aucune objection.

19 Q. M. Pavicevic était également un ancien client à vous, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Vous n'avez pas estimé qu'il y ait le moindre problème. Vous n'avez pas

22 estimé qu'il y avait, comme nous le disons dans notre jargon d'avocats, un

23 conflit d'intérêt ? Vous n'avez pas estimé que le fait pour vous de juger

24 de sa culpabilité ou de son innocence, alors qu'il avait été un de vos

25 clients, posait un problème d'éthique ? C'est bien ce que vous dites dans

26 votre déposition ?

27 R. Je ne crois pas qu'il y ait eu le genre de problème dont vous venez de

28 parler car je connaissais M. Pavicevic tout comme je connaissais Agim. Je

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1 l'avais considéré comme un ami par le passé. Il était voisin d'Agim

2 Hajrizi. Je l'avais représenté durant son procès pour divorce quatre ou

3 cinq ans avant 1999. Je ne pense pas que cela ait pu créer un conflit

4 d'intérêt ou que cela ait représenté une violation de l'éthique car j'étais

5 intervenu pour lui et son épouse qui divorçaient et qui souhaitaient se

6 répartir équitablement leurs biens.

7 Q. D'une part vous le considériez comme un ami et d'autre part vous le

8 considérez comme quelqu'un qui a les mains couvertes de sang et qui ne

9 mérite même pas qu'on l'appelle monsieur, n'est-ce

10 pas ? Vous agitez la tête, cela signifie-t-il oui ou non ?

11 R. Oui, mais lorsqu'il a choisi la voie du crime, en particulier depuis la

12 fin de 1998 et pendant toute l'année 1999, je n'ai plus eu le moindre

13 contact avec lui. Notre amitié a cessé d'exister en raison du fait qu'il

14 avait les mains couvertes de sang.

15 M. SEPENUK : [interprétation] Encore une ou deux dernières questions,

16 Monsieur le Président.

17 Q. Lorsque M. Kouchner vous a nommé à vos fonctions de juge, a-t-il posé

18 des questions sur votre passé professionnel en tant que juge à Mitrovica

19 ainsi que sur la période de votre jeunesse où vous aviez été conseil de la

20 défense ? Est-ce qu'il s'est enquis de votre passé ?

21 R. Bien sûr, il l'a sûrement fait. Peut-être est-ce le bureau régional de

22 l'OSCE qui s'est chargé de cette tâche pour commencer.

23 Q. Est-ce que la question des pots de vin a été évoquée à quelque moment

24 que ce soit ?

25 R. Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.

26 Q. Ce que je veux dire c'est que dans l'affaire Milosevic, vous avez

27 admis, répondant à une question de M. le Juge May, que vous aviez été

28 impliqué pour pots de vin à de très nombreuses reprises. Lorsque M. le Juge

Page 4472

1 May vous a posé cette question, vous avez

2 Répondu : Oui, j'ai été impliqué dans ce genre d'affaires un nombre

3 incalculable de fois. Est-ce que ce problème a été évoqué à quelque moment

4 que ce soit avant que M. Kouchner ne vous nomme à vos fonctions ?

5 R. C'est une réalité qui est de notoriété publique dans tout le Kosovo.

6 Les avocats albanais savaient qu'ils devaient payer des pots de vin aux

7 instances serbes. C'est une réalité qui nous a été imposée par le régime

8 Milosevic. C'est un des aspects imposés par ce régime. Puisque vous

9 insistez, je vais vous parler d'un cas précis très franchement.

10 Q. Je vous en prie, répondez à ma question. Est-ce que vous en avez parlé

11 à M. Kouchner ?

12 R. Je vais vous le dire, mais je dois m'expliquer. Je ne peux pas

13 continuer sans m'expliquer sur ce point. Que pensez-vous que peut signifier

14 la justice lorsqu'on voit un juge du tribunal régional de Mitrovica, qui

15 est un Serbe, venir tous les jours dans le cabinet des conseils de la

16 défense albanais en demandant à ces conseils albanais de faire le plein de

17 sa voiture en carburant.

18 Q. Ma question était la suivante : M. Kouchner savait-il que vous aviez

19 été impliqué, à de très nombreuses reprises, dans des affaires de pots de

20 vin, oui ou non ? Pouvez-vous répondre, Monsieur ?

21 R. Je ne dirais pas un nombre incalculable contrairement à vous, mais il y

22 a eu un certain nombre de cas de ce genre. Moi-même et mes collègues avons

23 été contraints d'agir ainsi en raison des circonstances. Il était

24 impossible d'obtenir la justice pour les Albanais en l'absence de

25 paiements. C'est une réalité qui était connue de l'OSCE, notamment du

26 Département chargé de la défense des droits de l'homme et des libertés.

27 Avant la guerre -- je tiens à m'expliquer sur ce point.

28 Q. Je vous interromps car nous sommes à cinq minutes de l'heure de la

Page 4473

1 pause. Je suppose que je peux considérer que votre réponse à la question de

2 savoir si vous avez parlé de cela à M. Kouchner avant votre engagement en

3 tant que juge est non, n'est-ce pas ? Quant à savoir si on peut qualifier

4 le nombre de cas de ce genre d'incalculable, je vous renvoie au compte

5 rendu de l'affaire Milosevic, lorsque le Juge May vous dit : "Il vient

6 d'être affirmé que vous aviez été impliqué dans des affaires de corruption

7 un nombre incalculable de fois, Monsieur Halimi. Ceci est-il vrai ou pas ?"

8 Vous répondez : "C'est bien le cas. Il était impossible d'échapper à

9 cela en raison de la nature du régime. Il était impossible de travailler

10 dans d'autres conditions sous ce régime-là."

11 C'est bien ce que vous avez dit dans votre déposition à l'époque,

12 n'est-ce pas, Monsieur ?

13 R. Oui. C'était un régime qui dans 97 % des cas fonctionnait par voie de

14 corruption. C'était un régime qui mentait à la population, qui mentait aux

15 Serbes et qui vivait de pots de vin, qui trompait tout le monde, mais les

16 Albanais en ont souffert le plus.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk, votre question ne

18 consistait pas à demander au témoin : Avez-vous parlé de cela à M.

19 Kouchner, mais vous avez demandé au témoin si M. Kouchner savait cela. Mon

20 interprétation de la réponse du témoin est contraire à la vôtre car sa

21 réponse a consisté à dire : C'était une réalité connue de l'OSCE.

22 J'aimerais poser moi-même une question au témoin sur ce sujet.

23 D'abord, Monsieur Halimi, Kouchner était-il un représentant de l'OSCE ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il était le premier représentant spécial

25 des Nations Unies au Kosovo.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Ma deuxième question est donc la

27 suivante : avez-vous la moindre raison de penser qu'il pouvait être au

28 courant de la pratique des pots de vin que vous venez de décrire ?

Page 4474

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il devait être au courant.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma troisième question est par

3 conséquent la suivante : s'agissant de votre nomination à vos fonctions de

4 juge, lui avez-vous effectivement dit que vous aviez été impliqué dans des

5 cas de corruption ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, je vais apporter

7 quelques explications complémentaires après quoi je répondrai à votre

8 question. L'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo n'avait

9 pas encore créé les fondations nécessaires à une bonne administration de la

10 justice et de la police au Kosovo. C'est l'OSCE qui, dans un premier temps,

11 avait été chargée de recueillir des renseignements, de mener des entretiens

12 et d'établir une présélection parmi les candidats aux postes de juges. Ce

13 sont des responsables de l'OSCE qui se sont installés au Kosovo déjà avant

14 la guerre et qui disposaient de nombreux rapports sur le sort que nous

15 vivions, nous, avocats et l'obligation dans laquelle nous nous trouvions de

16 travailler en dehors de tout gain personnel. Par conséquent, j'ai

17 personnellement informé les représentants de l'OSCE, moi-même comme mes

18 collègues d'ailleurs, de cette réalité pour autant que dans ma pratique

19 d'avocat mon chemin ait croisé le leur. Nous avons même parlé d'affaires

20 similaires et très flagrantes qui pouvaient se passer dans d'autres régions

21 du monde. Comment est-ce qu'un juge peut entrer dans le cabinet d'un avocat

22 albanais avec à la main un jerrycan de 20 litres en demandant à ces avocats

23 de le remplir de carburant ? Cela ne peut se produire nulle part ailleurs

24 au monde.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Halimi.

27 Je présente mes excuses aux interprètes pour ces quelques minutes de

28 dépassement d'horaire, mais il était important d'en terminer sur ce sujet.

Page 4475

1 Nous allons maintenant faire la pause et reprendre nos débats à 11 heures.

2 Monsieur Halimi, on vous indiquera dans quel endroit vous pouvez passer la

3 pause. Vous êtes attendu à nouveau dans ce prétoire à 11 heures.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

5 [Le témoin se retire]

6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 41.

7 --- L'audience est reprise à 11 heures 09.

8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Halimi, votre contre-

10 interrogatoire va se poursuivre. Le prochain conseil à vous interroger sera

11 Me Ackerman.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Halimi.

15 R. Bonjour.

16 Q. Je souhaiterais vous poser quelques questions au sujet de la déposition

17 que vous avez faite ce matin. Je vais m'efforcer de formuler mes questions

18 de façon à ce que vous y répondiez aussi brièvement que possible. A la page

19 4 du compte rendu d'audience de ce matin, vous avez mentionné un appel

20 téléphonique où on vous a dit que vous devriez quitter Mitrovica. Vous avez

21 déclaré que cette femme qui vous avait appelé vous avait également appelé

22 plus tard et vous avait demandé si vous étiez déjà parti car ils se sont

23 approchés de votre maison ? Vous avez répondu : Je crois qu'elle parlait de

24 l'armée et des forces paramilitaires, mais en fait vous ne savez pas de

25 quoi elle parlait ? Vous avez supposé qu'il s'agissait de cela, mais vous

26 ne le saviez pas vraiment.

27 R. J'en suis tout à fait certain car les événements qui se sont produits

28 par la suite ont indiqué que j'avais raison de penser cela.

Page 4476

1 Q. En réalité vous n'avez vu personne s'approcher de votre maison, vous

2 n'avez pas vu ce qui s'était passé à cet endroit, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact, je n'ai vu personne s'approcher de ma maison.

4 Q. Or, dans votre déclaration à la page 5, vous dites que : "Quarante

5 minutes après notre départ," je cite, "notre maison a essuyé des tirs

6 nourris pendant longtemps." C'est ce que vous avez dit dans votre

7 déclaration. Lorsque vous parlez "d'encerclement," est-ce que vous voulez

8 dire par là que des forces étaient déployées tout autour ou est-ce que vous

9 l'ignorez ?

10 R. Après mon retour au Kosovo, c'est-à-dire, après la fin de la guerre --

11 Q. Non, je ne vous demande pas ce qui s'est passé après votre retour; mais

12 je parlais du moment où vous avez été "encerclé." Lorsque vous parlez

13 "d'encerclement," est-ce que vous voulez dire que les forces se trouvaient

14 tout autour de votre maison ?

15 R. Comme je l'ai déjà dit, à ce moment-là ma maison était encerclée de

16 trois côtés par les forces serbes. Je ne sais pas s'il s'agissait de

17 l'armée, des forces paramilitaires ou de la police. Je ne sais pas, je ne

18 les ai pas vues.

19 Q. Lorsque vous dites que votre maison a essuyé des tirs nourris pendant

20 longtemps, là encore vous déclarez cela parce que quelqu'un vous l'a dit.

21 C'est ce que vous dites ?

22 R. Oui.

23 Q. Très bien.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, est-ce que cela

25 figure dans la déposition faite par le témoin aujourd'hui ?

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, dans la mesure où le témoin, à la page

27 4, paragraphe 1, a parlé des forces militaires et paramilitaires qui, selon

28 lui, s'approchaient de la maison.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais là j'ai seulement deux

2 transporteurs de troupes qui ont tiré quatre à six coups.

3 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est autre chose.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, certes, mais nous n'avons rien à

5 ce sujet, si vous souhaitez compléter la thèse de l'Accusation, il vous

6 appartient de le faire, si vous le souhaitez.

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, ce n'était pas mon intention; et

8 j'espère que ce n'est pas ce que j'ai fait.

9 Q. A la page 9 du compte rendu d'aujourd'hui, vous avez parlé de votre

10 séjour à Zhabar, vous dites qu'il y avait des gens qui venaient de

11 Mitrovica. Vous avez dit que les habitants de la partie basse de Zhabar se

12 rendaient vers la partie haute de Zhabar. Vous avez dit, je cite : "Ils

13 nous disaient que l'armée des paramilitaires et les policiers les avaient

14 expulsés de chez eux."

15 Lorsque vous dites : "Ils nous ont dit cela," qu'entendez-vous par "nous" ?

16 R. Vous savez que je n'étais pas le seul sur les lieux. Il y avait

17 beaucoup d'autres citoyens de la partie haute de Zhabar ainsi que des gens

18 qui étaient venus là pour les mêmes raisons que moi.

19 Q. Ce que je voulais savoir c'est la chose suivante : est-ce qu'il y a des

20 habitants de la partie basse de Zhabar qui sont venus vous trouver, vous-

21 même personnellement, pour vous dire que la police et les forces

22 paramilitaires les avaient expulsés de chez eux, donc l'armée, la police et

23 les paramilitaires. Est-ce que quelqu'un est venu vous trouver

24 personnellement pour vous informer de cela ?

25 R. Je n'étais pas seul. Il y avait un groupe de 10 à 20 personnes. Les

26 gens qui sont venus de la partie basse de Zhabar, ils étaient deux ou

27 trois, je ne m'en souviens pas exactement, mais ces gens-là nous ont dit

28 que les habitants de Mitrovica, de Suhadoll et Shipol venaient à Zhabar

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1 parce que les forces de police serbe les avaient expulsés de chez eux. Ce

2 fait a été avéré par la suite. Comme je vous l'ai expliqué, on a commencé à

3 tirer de tous les côtés. Trois personnes ont été tuées et dans l'après-

4 midi, on a contraint les gens à former un convoi et à partir.

5 Q. Vous avez répondu à ma question. Merci.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends votre position sur

7 ce point, Maître Ackerman.

8 Mais, Monsieur Halimi, pourriez-vous nous dire une fois de plus ce que l'on

9 vous a dit au sujet de l'identité des personnes qui expulsaient les gens de

10 chez eux ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les trois unités qui oeuvraient de concert,

12 c'est-à-dire les forces de police régulière, les forces militaires

13 régulières et diverses unités paramilitaires qui se trouvaient dans la

14 région de Mitrovica. Ces trois entités ont œuvré de concert.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Maître Ackerman.

17 M. ACKERMAN : [interprétation]

18 Q. Il y a quelques instants en réponse à une question que je vous ai

19 posée, vous avez répondu que c'étaient les forces serbes qui expulsaient

20 les gens de chez eux. Maintenant, vous dites que ce sont ces trois forces

21 qui oeuvraient de concert. Maintenant, je voudrais vous poser la question

22 suivante : est-ce que quelqu'un vous a décrit les forces régulières, les

23 forces de la VJ de façon telle que vous en avez conclu que les forces

24 militaires régulières ont pris part à ces événements de quelque manière que

25 ce soit ?

26 R. Vous devez bien comprendre que j'ai vécu à Mitrovica jusqu'au 18 avril

27 1999. Ces forces ne sont pas arrivées au début des frappes aériennes de

28 l'OTAN.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous êtes en train de nous parler de

2 ce que d'autres personnes vous ont dit. Veuillez vous concentrer là-dessus,

3 c'était là l'objet de la question. On vous a demandé ce qui vous avait été

4 dit. La question était la suivante : est-ce que quelqu'un vous a décrit des

5 forces militaires régulières, des forces de la VJ d'une façon telle qu'on

6 vous en avez conclu que les forces militaires avaient pris part à ces

7 événements ? Est-ce que vous pourriez répondre à cette question bien

8 précise, s'il vous plaît ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Dans les réponses que j'ai faites jusqu'à

10 présent, je suis bien conscient du fait que j'ai évoqué les forces de

11 police. Mais comme vous me demandez de répondre de façon plus concrète au

12 sujet de l'identité des responsables, je vous ai fourni une réponse. Je

13 déclare cela sur la base des informations que nous avons reçues des

14 personnes lorsque nous étions là-bas. Je ne sais pas si j'étais bien clair.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maître Ackerman.

16 M. ACKERMAN : [interprétation]

17 Q. Si j'ai bien compris, vous étiez dans un groupe composé d'une dizaine

18 de personnes. Où se trouvait ce groupe au moment où les personnes en

19 question vous ont raconté leur expérience ?

20 R. Nous étions à proximité de la maison où logeait ma famille, à quelque

21 20 mètres de cette maison dans la partie élevée de la partie haute de

22 Zhabar.

23 Q. Est-ce que vous étiez dans cette maison ou au rez-de-chaussée ?

24 R. Il y avait un endroit d'où on pouvait voir ce qui se passait.

25 Q. Ces gens qui venaient de la partie basse de Zhabar vous ont trouvé là

26 et vous ont parlé ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Comment vous ont-ils décrit les forces militaires de la VJ ? Qu'ont-ils

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1 vu et que vous ont-ils raconté ?

2 R. Eux aussi avaient obtenu ces informations de la bouche de personnes qui

3 s'étaient rassemblées à Zhabar e Ulet, selon ces informations, les forces

4 serbes les avaient expulsés et les avaient contraints de quitter leurs

5 maisons. Je crois que je l'ai déjà expliqué. Il n'y a rien que je puisse

6 ajouter.

7 Q. Vous nous dites maintenant qu'ils vous ont raconté quelque chose que

8 quelqu'un d'autre leur avait raconté; c'est bien cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Peut-être que quelqu'un d'autre leur avait raconté que quelqu'un

11 d'autre leur avait raconté, et cetera. Vous ne savez pas qui a raconté

12 cela, ni comment, vous l'ignorez ?

13 R. Sauf le respect que je vous dois, Maître, si vous étiez à ma place,

14 vous comprendriez de quoi je parle ? Si vous aviez entendu ces cris, si

15 vous aviez vu la fumée qui s'élevait des maisons, si vous aviez vu toutes

16 ces horreurs, vous sauriez que quelque chose d'affreux se passait là-bas.

17 Les gens confirmaient tout simplement tout ce que nous pouvions voir de nos

18 propres yeux.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais en quoi cela nous aide à

20 comprendre qui a fait cela ? Nous voulons savoir qui a fait cela davantage

21 que ce qu'ils ont fait.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce sont les forces

23 serbes qui sont responsables, personne d'autre. Lorsque je parle des

24 "forces serbes," je parle des unités paramilitaires de la police et de

25 l'armée qui oeuvraient de concert - personne d'autre. Ce ne sont pas les

26 citoyens eux-mêmes qui auraient pu faire cela.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons nous prononcer sur la base

28 de preuves fiables. Quelles sont les informations concrètes que vous pouvez

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1 nous fournir et qui nous permettraient d'identifier les responsables de ces

2 actes, qu'il s'agisse de la police de l'armée ou des forces paramilitaires,

3 compte tenu du fait que ces trois unités étaient déployées et actives dans

4 différentes régions du Kosovo. Me Ackerman vous demande précisément ce

5 qu'on vous a dit. Il semblerait que ce que l'on vous a dit, c'est que les

6 forces serbes étaient impliquées. Vous avez formulé des conjectures au

7 sujet de ces forces serbes. Ai-je raison de dire cela?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à souligner que j'étais convaincu à

9 l'époque et je le suis encore aujourd'hui qu'aucune autre force n'aurait pu

10 être responsable de cela. Par ailleurs, les tirs, les explosions qui ont eu

11 lieu en ville et dans d'autres secteurs alors que la population se

12 dirigeait vers Zhabar. Et troisièmement, les récits des gens qui quittaient

13 leurs maisons. Tout cela me permet de conclure cela. Je n'ai pas pu

14 rassembler ces éléments d'information mais les gens fuyaient leurs

15 domiciles et racontaient ce qui se passait.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous n'êtes pas en mesure de

17 répondre à la question bien concrète que je vous ai posée, je ne peux rien

18 faire de plus.

19 Poursuivez, Maître Ackerman.

20 M. ACKERMAN : [interprétation]

21 Q. Je crois que vous nous avez déjà dit que vous étiez à quelque distance

22 de là. Vous ne pouvez pas, n'est-ce pas, nous dire quelle force précise de

23 la VJ vous avez vue à Zhabar à ce moment-là ? Vous nous avez dit que vous

24 étiez trop loin pour pouvoir reconnaître les uniformes, est-ce que j'ai

25 raison de conclure cela ?

26 R. Lorsque j'ai quitté la partie haute de Zhabar pour emprunter la route

27 principale qui mène à la côte adriatique, c'est la première fois que j'ai

28 rencontré deux soldats. Il y avait d'autres soldats qui étaient déployés ça

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1 et là. Voilà ce que j'ai vu.

2 J'ai vu ces soldats et c'est au même endroit que j'ai vu les paramilitaires

3 et les policiers.

4 Q. Je vais y revenir, vous avez répondu à ma question et je vous en

5 remercie. A la page 13 du compte rendu d'audience de votre déposition

6 aujourd'hui, vous avez parlé de ces jeunes soldats que vous aviez vus. Vous

7 avez dit qu'ils étaient effrayés que c'étaient des jeunes soldats de la VJ.

8 Lorsque vous leur avez dit que vous étiez tous des civils et que vous

9 essayiez de sauver votre peau, vous avez dit qu'ils ont semblé se calmer

10 quelque peu. Apparemment, ce dont ils avaient peur c'était de l'UCK ?

11 R. Je ne sais pas dans quelle mesure je peux répondre à votre question.

12 Quant au fait de savoir de quoi ils avaient peur, je crois que c'était à

13 cause de leur âge. Je crois qu'ils n'avaient pas plus de 20 ans. En tout

14 cas, le soldat à qui j'ai parlé était âgé d'environ 18 ans.

15 Q. Lorsque vous leur avez dit que vous n'étiez que des civils, que vous

16 n'étiez pas armés, que vous ne constituiez pas une menace, cela les a un

17 peu calmés; c'est ce que vous avez déclaré aujourd'hui, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Une fois arrivé à la frontière, vous nous avez dit aujourd'hui à la

20 page 17, ligne 10 du compte rendu, je cite : "J'ai remis les plaques

21 d'immatriculation, les pièces d'identité, le permis de conduire.

22 Heureusement, ce n'était pas calculé, mon passeport se trouvait avec les

23 documents de mes enfants qui étaient avec mon épouse. Lorsque mon épouse a

24 sorti ces documents de son sac pour les jeter dans le coffre, mon passeport

25 est resté dans son sac par hasard."

26 Finalement, vous avez traversé la frontière muni de votre passeport,

27 si je vous ai bien compris ?

28 R. Je ne sais pas quel est l'objet de votre question. Est-ce que vous

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1 voulez savoir si j'ai montré mon passeport au poste-frontière ou si mon

2 passeport est resté dans le sac de mon épouse ? Je n'ai pas sorti mon

3 passeport pour le montrer au représentant des autorités à la frontière.

4 Q. Avant cela, vous nous avez dit à la page 16, ligne 20 du compte rendu

5 que la police vous avait dit, je cite : "Si nous trouvons des passeports,

6 des pièces d'identité ou des permis sur l'un quelconque d'entre vous, vous

7 serez exécutés sur place." C'est ce qu'on vous a dit ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous n'avez vu personne être ainsi exécuté, n'est-ce pas ?

10 R. Non.

11 Q. Dans la déclaration que vous avez faite au représentant du bureau du

12 Procureur le 24 août 2001, page 14, ce que vous dites à ce sujet, au sujet

13 du moment où vous avez franchi la frontière, vous avez déclaré : "Afin de

14 ne pas retarder les choses à la frontière, nous nous étions préparés en

15 enlevant les plaques d'immatriculation et en préparant les pièces

16 d'identité. J'ai dit au représentant de la police des frontières que mon

17 permis de conduire m'avait été confisqué, mais je l'avais dans ma poche.

18 Nous avons présenté quelques pièces d'identité, mais nous en avons gardé

19 d'autres. J'étais prêt à leur donner si nécessaire les papiers pour ma

20 Mercedes Benz et les papiers d'assurance pour cette voiture."

21 J'en conclus que vous aviez votre permis de conduire dans la poche et que

22 vous l'avez gardé dans la poche lorsque vous avez franchi la frontière ?

23 R. Comme je l'ai déjà dit, j'avais dans la poche une pièce d'identité et

24 mon permis de conduire. J'ai remis cela à la police. J'ai jeté ces

25 documents dans les coffres qui se trouvaient au poste-frontière. Tandis que

26 les documents qu'avait ma femme, en fait, je lui ai dit de préparer tous

27 les documents et je lui ai dit de tout donner s'ils les demandaient. Il

28 s'agissait d'un moment très pénible et ce n'était pas ma priorité à ce

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1 moment-là.

2 Q. Dans votre déclaration vous avez dit que vous avez dit à la police que

3 votre permis de conduire avait déjà été confisqué, que vous ne l'aviez pas

4 avec vous alors que vous l'aviez dans votre poche. C'est ce que vous dites

5 dans votre déclaration. Cela laisse à penser que vous aviez votre permis de

6 conduire lorsque vous avez franchi la frontière ?

7 R. Vous devriez examiner plus attentivement la déclaration que j'ai faite

8 en août 2001. Un laissez-passer et un permis de conduire ce sont deux

9 choses différentes. Les papiers de la voiture c'est encore autre chose.

10 Pour ce qui est de mon permis de conduire, je leur ai donné. Il s'agit de

11 documents différents. Il y avait les papiers de la voiture et il y avait le

12 permis de conduire.

13 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut être plus

14 attentifs, mais c'est vous qui devez être plus attentif selon moi. Je vous

15 ai posé une question au sujet de votre permis de conduire. Vous avez dit

16 dans votre déclaration que vous leur aviez dit qu'il vous avait déjà été

17 confisqué, mais en réalité vous l'aviez dans la poche. Vous leur avez menti

18 puisque ce document n'avait pas été confisqué. Vous avez donné cela aux

19 gens qui menaçaient de vous exécuter si vous essayiez de franchir la

20 frontière avec ces documents ? Essayez d'écouter attentivement mes

21 questions.

22 R. Je l'ai déjà dit et je vous le répète. Il s'agissait pour nous de

23 moments très pénibles. Il m'était difficile de me concentrer sur ce que je

24 faisais et sur ce que ma femme faisait. Je croyais que je leur avais donné

25 tous les papiers, tout ce que j'avais dans ma poche, je le leur ai donné.

26 Q. Est-ce qu'il y a des raisons particulières pour lesquelles vous avez du

27 mal à répondre à ma question ? Je comprends qu'il s'agissait de moments

28 pénibles pour vous, mais j'ai devant moi une déclaration faite au

Page 4486

1 représentant du bureau du Procureur dans laquelle vous dites : "Je leur ai

2 dit que j'avais déjà donné mon permis de conduire mais je l'avais en

3 réalité dans ma poche." Ma question est tout à fait simple. Est-ce que vous

4 leur avez menti à ce sujet ? Est-ce que vous leur avez donné votre permis

5 de conduire ou est-ce que vous l'avez gardé dans votre poche ? Est-ce que

6 vous pourriez répondre à cette question, ce n'est pas vraiment difficile ?

7 R. Je vous présente mes excuses à vous et aux Juges de la Chambre, peut-

8 être que j'ai oublié ce détail. Beaucoup de temps s'est passé. Sept années

9 se sont écoulées depuis mais je ne vois pas vraiment de différence.

10 J'essaie d'être tout à fait honnête dans mes réponses.

11 Q. Vous ne pouvez pas répondre à cette question même si j'ai essayé de la

12 simplifier autant que c'est possible. C'est bien cela ?

13 R. Je vous ai donné ma réponse à ce propos. C'est exactement la même chose

14 que ce que j'ai dit quand j'étais devant l'enquêteur et je répète la même

15 chose aujourd'hui.

16 Q. Avec tout le respect que je vous dois, vous ne m'avez pas donné une

17 réponse. Voulez-vous que je vous pose la question de nouveau ou est-ce que

18 vous avez refusé de me répondre ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, est-ce que vous

20 avez une copie en albanais de cette déclaration ?

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne l'ai pas, Monsieur le Président.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne refuse pas de répondre à votre question.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons une version en anglais,

24 n'est-ce pas ?

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, je l'ai.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est --

27 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, si cela peut être

28 d'une assistance quelconque à la Chambre, j'ai une copie en albanais de la

Page 4487

1 déclaration.

2 M. ACKERMAN : [interprétation] J'apprécierais que l'on montre au témoin ce

3 paragraphe. Je ne sais pas où il se trouve dans la version en albanais mais

4 c'est à la page 14 de la version en anglais. Cela commence par les mots,

5 ici je cite : "In order not to delay the procedure ---"

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous --

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que ce n'est pas si important d'en

8 parler, Monsieur le Président. Maintenant que nous y sommes, je crois que

9 nous devons conclure avec ce point.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Allez-vous laisser le témoin

11 examiner l'exemplaire de cette déclaration qui se trouve à la page 14 vers

12 la fin de la déposition.

13 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, oui. C'est sur une autre page, une

14 demie page plus loin qu'où cela se trouve sur la version en anglais. C'est

15 près de la fin.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez examiner la fin de votre

17 déposition. Vous allez voir un paragraphe qui commence par les mots : "In

18 order not to delay the procedure…" Dans la version en anglais. Il s'agit du

19 passage de la frontière.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Pour vous faciliter la tâche, pour trouver

21 l'endroit, il y a l'heure précise qui est mentionnée c'est-à-dire à 22

22 heures. Il est dit : "Nous avons entendu une détonation assez forte." C'est

23 deux paragraphes en dessous de cela.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez trouvé le

25 paragraphe correspondant, Monsieur Halimi ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors une seconde. L'huissier va

28 mettre ce paragraphe sur le rétroprojecteur pour que nous puissions tous le

Page 4488

1 voir et vous allez nous en donner lecture. Veuillez en donner lecture tout

2 haut -- attendez une seconde. On va le voir apparaître à l'écran qui se

3 trouve devant vous.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela va apparaître à l'écran devant

6 vous.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois très clairement.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voulez-vous en donner lecture ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] "A la frontière, j'ai vu un grand coffre."

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas le bon paragraphe.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] "J'ai vu à la frontière une caisse contenant

12 des plaques d'immatriculation de véhicules."

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un instant.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] -- "qui passaient."

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous cherchons à retrouver le passage

16 qui faisait référence à comment faciliter le passage à la frontière, la

17 préparation du passage à la frontière.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] "Pour ne pas ralentir le passage à la

19 frontière." Il s'agit de ce paragraphe-là ?

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, je m'en souviens.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez en donner lecture.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite : "Pour ne pas être ralenti par la

24 procédure lors du passage à la frontière, nous nous étions préparés. Nous

25 avions ôté les plaques d'immatriculation des véhicules et nous avions les

26 documents d'identité prêts. J'avais dit à la police que mon permis de

27 conduire m'avait été enlevé mais il se trouvait dans ma poche. Nous avons

28 donné des pièces d'identité mais nous avons réussi à en garder d'autres. Je

Page 4489

1 me suis préparé à les donner."

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Arrêtez-vous là. Ceci suggère que vous

3 avez réussi à garder votre permis de conduire. Ce que M. Ackerman vous

4 demande de faire, c'est d'expliquer la contradiction entre cette

5 déclaration-là et le témoignage que vous avez fait aujourd'hui selon lequel

6 vous avez jeté votre permis de conduire dans la caisse ou le coffre qui

7 était destiné à recueillir les permis de conduire. Pourriez-vous clarifier

8 cela, s'il vous plaît ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Comme je vous l'ai

10 dit c'était il y a longtemps. Je m'en tiens à ma déposition selon laquelle

11 c'est ceci qui s'est passé. Il est clair que j'ai menti à la police et que

12 j'ai gardé mon permis de conduire. Je m'en souviens maintenant. Je vous

13 demande de bien vouloir m'excuser. Je demande à l'avocat de la Défense de

14 bien vouloir m'en excuser. Je m'en souviens maintenant que ce que j'ai dit

15 aux enquêteurs du Tribunal en août 2001, était exact.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Monsieur Ackerman, veuillez poursuivre.

18 M. ACKERMAN : [interprétation]

19 Q. Dans votre témoignage aujourd'hui vous dites que vous avez menti à un

20 officier de police qui vous a dit que si on trouvait un permis de conduire

21 sur vous vous alliez être exécuté immédiatement; est-ce exact ?

22 R. Oui. A l'époque, ma vie n'avait pas la moindre valeur, elle ne valait

23 même pas deux centimes.

24 Q. Bien. Nous allons poursuivre sur un autre point maintenant.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il une cote qui a été donnée aux

26 déclarations, Monsieur Ackerman ? Est-ce qu'il y a un numéro de référence

27 dans votre système ou sur votre exemplaire papier ?

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Juste sur l'exemplaire papier, Monsieur le

Page 4490

1 Président. A ma connaissance cela ne se trouve dans le système.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Kravetz, est-ce qu'il porte un

3 numéro de référence P.

4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

5 l'intention de demander le versement de cette déclaration au dossier. Il

6 n'est pas dans le système.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas, nous allons garder la

8 version en albanais et lui donner un numéro IC.

9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce portera le numéro IC74,

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

13 M. ACKERMAN : [interprétation]

14 Q. Maintenant, alors que vous vous rendiez de Zhabar vers l'Albanie, vous

15 avez parlé de postes de contrôle que vous avez passés. Dans votre

16 déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur, à la page 12 dudit

17 texte, vous avez indiqué ici et je

18 cite : "A ces postes de contrôle, des atrocités ont été commises par les

19 militaires." C'est vrai, n'est-ce pas ?

20 R. C'est vrai. Il n'y avait pas d'atrocités qui ont été commises, mais il

21 y avait des passages à tabac et des pillages.

22 Q. Mais vous n'avez pas été passé à tabac, n'est-ce pas ?

23 R. Non. Je n'ai pas été passé à tabac.

24 Q. Vous n'avez vu personne être passé à tabac, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Où avez-vous vu quelqu'un être passé à tabac ?

27 R. A l'entrée de Prizren.

28 Q. Par qui, des paramilitaires ?

Page 4491

1 R. Des paramilitaires. Il s'agissait d'une unité paramilitaire avec une

2 Opel Calibra.

3 Q. Oui, vous avez bien décrit cela.

4 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on peut demander d'allumer le second micro du

5 témoin. Merci.

6 M. ACKERMAN : [interprétation] On dirait qu'ils sont allumés tous les deux.

7 Q. Quand vous avez quitté Prizren, vous avez dit --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le micro s'est éteint à nouveau.

9 M. ACKERMAN : [interprétation]

10 Q. A la sortie de Prizren --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. ACKERMAN : [interprétation]

13 Q. A la page 14 de votre déclaration, vous avez dit qu'il faisait très

14 sombre. Vous avez allumé vos phares mais ensuite un soldat de la VJ vous

15 avait dit de faire attention parce que l'OTAN pourrait vous voir et lancer

16 des bombes sur vous. Vous avez dit qu'à partir de ce moment-là, vous avez

17 gardé vos phares éteints; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez cru à cet avertissement et vous avez éteint vos phares pour

20 éviter toute éventualité d'être la cible de bombes des Nations Unies; est-

21 ce exact ?

22 R. Oui, bien sûr. Trois ou quatre jours auparavant, une tragédie s'était

23 produite dans le village de Prizren où un convoi de réfugiés a été la cible

24 de bombardements de l'OTAN. J'ai craint d'être l'objet de bombardements par

25 erreur.

26 Q. J'ai une dernière question qui fait également référence à votre

27 déposition. A la page 14, vous parlez du fait que vous avez passé la nuit

28 sur une route près d'un restaurant de boissons et que vous avez également

Page 4492

1 vu des soldats de la VJ là. Ces soldats vous ont dit que vous n'aviez pas

2 de craintes à avoir parce qu'il n'y avait pas de paramilitaires dans les

3 environs. Vous alliez être en sécurité mais qu'il fallait faire attention

4 aux mines parce qu'il y avait des mines de part et d'autre de la route;

5 est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Je vous remercie.

8 M. ACKERMAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

10 Monsieur Cepic.

11 M. CEPIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'ai

12 seulement l'une ou l'autre question à poser à ce témoin.

13 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Halimi. Je m'appelle Djuro Cepic, un

15 des avocats préposés à la Défense de M. Lazarevic. Aujourd'hui au cours de

16 votre témoignage, à la page 5 du document, environ vous dites que vous avez

17 quitté le village de Zhabar en ayant deux soldats UCK sans uniforme qui

18 sont venus vous chercher à votre maison et qui vous ont escortés, vous et

19 votre famille, vers les montagnes; est-ce exact ?

20 R. Non, pas ma famille directe. Comme je vous l'ai expliqué, il s'agissait

21 de mon frère, de ses deux fils, de son beau-fils ainsi que ces deux

22 membres. Ma famille était restée dans la maison de mon frère. Je vous l'ai

23 déjà dit auparavant.

24 Q. C'est ce que je voulais dire, Monsieur Halimi. Quand vous vous êtes

25 dirigé vers les collines, vous étiez là avec d'autres membres de l'UCK;

26 est-ce exact ?

27 R. Non. Il n'y avait pas de membres de l'UCK qui se trouvaient là. Des

28 intellectuels de Mitrovica, la plupart d'entre eux s'étaient réfugiés là.

Page 4493

1 Q. Très bien. Je vous remercie. Merci beaucoup. Passons maintenant à la

2 période avant le début du conflit armé. Vous avez coopéré en tant que

3 juriste avec la Mission de l'OSCE. Vous avez également coopéré avec la

4 Mission de vérification au Kosovo qui a précédé la Mission de l'OSCE. Vous

5 avez envoyé des rapports bihebdomadaires sur des incidents. Pour le compte

6 rendu d'audience, auriez-vous l'obligeance de donner une réponse verbale et

7 ne pas opiner du chef.

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. En tant que reporter, vous avez envoyé des rapports bihebdomadaires sur

10 des crimes ou des incidents qui ont été commis dans la zone de Mitrovica au

11 Kosovo; est-ce exact ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Vous avez également informé ou du moins je présume que vous avez envoyé

14 un rapport donnant des informations sur les incidents du 8 janvier 1999,

15 date à laquelle il y a eu une action terroriste au cours de laquelle huit

16 membres de la JNA qui ont été kidnappés près de Stari Trg; est-ce exact ?

17 R. Oui, bien sûr. Je n'appellerais pas cet incident, un acte terroriste.

18 C'est votre talent qui vous fait dire cela.

19 Q. Essayez-vous de dire que cet incident n'était pas un acte terroriste ?

20 Est-ce cela ce que vous essayez de nous dire ?

21 R. Ce n'était absolument pas un acte de terrorisme. Il y avait deux

22 formations. L'UCK, ceux qui ont capturé les soldats serbes et le monde

23 entier sait comment ils ont été traités et qu'ils ont été relâchés. Ils ont

24 été relâchés sains et saufs et ils sont retournés vers leurs familles.

25 J'aimerais clarifier ce point en disant que les officiers, les plus hauts

26 gradés de l'OSCE ont traité de cette affaire.

27 Q. Je vous remercie beaucoup. Nous en avons entendu assez. Cette réponse

28 suffit. C'est moi qui pose les questions ici. Quel genre de coopération au

Page 4494

1 niveau personnel avez-vous eu avec l'UCK ?

2 R. Excellente.

3 Q. Merci. C'était ma dernière question.

4 M. CEPIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Monsieur Ivetic.

7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Mon nom est Dan Ivetic. Je suis un

10 des avocats qui représentent Sreten Lukic dans cette affaire. J'ai quelques

11 questions que j'aimerais vous poser et auxquelles j'aimerais que vous me

12 répondiez. Maintenant, vous avez mentionné aujourd'hui un incident qui a eu

13 lieu le 17 avril au cours duquel vous avez dit que la police est arrivé et

14 a dit aux gens de former un convoi ou une colonne en trois minutes.

15 Maintenant je voudrais vous demander, avez-vous vu personnellement des

16 policiers arriver et donner ces instructions ou est-ce que c'est quelque

17 chose dont vous avez eu connaissance par ouï-dire ?

18 R. Ceci s'est produit le 17 avril. Il était environ 13 heures, 14 heures,

19 je les ai vus de mes propres yeux. Je n'étais qu'à cinq mètres de là, ils

20 criaient. Ils ne s'exprimaient pas poliment en disant : s'il vous plaît,

21 venez par ici ou par là. Non, ils criaient.

22 Q. Avez-vous reconnu l'un ou l'autre des policiers qui ont participé à

23 cet incident ?

24 R. Je les ai vus, mais je ne les connaissais pas. Il m'est impossible de

25 me souvenir de qui ils étaient.

26 Q. Pourriez-vous nous dire comment ces individus étaient accoutrés ?

27 R. Oui, ils portaient des uniformes de camouflage dont la couleur

28 dominante était la couleur typique des uniformes de police, c'est-à-dire,

Page 4495

1 bleu, bleu foncé, c'étaient des uniformes de camouflage.

2 Q. Avez-vous remarqué des insignes, des emblèmes sur leurs uniformes ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de ces emblèmes ou insignes qui

5 étaient sur leurs uniformes ?

6 R. Oui. Sur l'épaule, ils portaient les insignes de leurs rangs, en jaune.

7 Sur la poitrine, du côté droit ou du côté gauche, peut-être en haut, sur

8 l'épaule gauche, il y avait l'aigle blanc, ainsi que l'inscription "MUP

9 Serbie." Ceci était leur insigne, l'insigne des forces de police.

10 Q. Le compte rendu d'audience fait état du haut du bras gauche ou droit.

11 En fait, vous étiez en train de montrer votre bras droit; est-ce exact ?

12 Est-ce que vous savez sur quel bras se trouvait l'insigne de l'aigle blanc

13 avec les mots "MUP Serbie" ?

14 R. A vrai dire, je ne me souviens pas exactement sur quel bras de

15 l'uniforme cela se trouvait, mais c'était sur l'un des deux.

16 Q. Si vous ne vous rappelez pas sur quel bras se trouvaient ces insignes,

17 vous vous rappelez tout de même les insignes que vous venez de décrire à

18 notre intention, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, je viens de vous les décrire.

20 Q. D'accord. Mon confrère, Me Cepic, vous a posé des questions au sujet de

21 la période pendant laquelle vous expédiez des rapports aux représentants de

22 la Mission de l'OSCE, c'est-à-dire, la Mission de vérification du Haut

23 Kosovo. J'aimerais vous poser rapidement quelques questions au sujet des

24 incidents survenus pendant cette période précisément. D'abord, est-ce que

25 vous avez eu l'occasion de découvrir, à moins que vous n'ayez fait rapport

26 à la Mission KVM ou KDOM, des 50 membres de familles albanaises à peu près

27 dont le patronyme était Shefqet, Semaseladin [phon] et Kadrija qui ont

28 évacué et ont quitté leurs domiciles et leurs villages le 2 janvier 1999 ou

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1 environ à cette date, suite aux attaques directes dues aux membres de ce

2 qu'il est convenu d'appeler l'UCK ?

3 R. Pouvez-vous m'aider en me disant où cela s'est passé ? Parlez-vous

4 d'incidents survenus dans la zone de Mitrovica ou dans quel village, je

5 vous prie ?

6 Q. Dans le village de Sipolje ?

7 R. Shipol ? Je ne suis pas au courant de quelque chose de ce genre qui

8 serait survenu dans le village de Shipol.

9 Q. Très bien. Qu'en est-il de l'enlèvement d'un officier de la sécurité

10 locale, Ajeti Sherafedin, Albanais de souche, à la date du 15 mars 1999 ou

11 aux environs de cette date, dû également à des membres de l'UCK ? Est-ce

12 que vous avez eu connaissance de cet événement, ou est-ce que vous avez

13 fait rapport de cet événement à l'OSCE dans le cadre des rapports réguliers

14 que vous transmettiez au sujet d'actions criminelles commises dans la

15 municipalité ?

16 R. Pour autant que je le sache, je n'étais pas seul. Nous étions quatre

17 chargés de diverses zones du territoire. Je m'occupais de la justice dans

18 le quartier nord de Mitrovica. Je connaissais Sherafedin Ajeti qui

19 dirigeait la prison de Mitrovica. Il a également contribué à l'organisation

20 de la police locale. C'était un alcoolique. J'étais désolé pour lui. Je ne

21 sais pas ce qu'il est advenu de lui. Je n'en sais vraiment rien.

22 Q. Très bien. Je vous pose à présent la question suivante : répondant à

23 mon confrère au sujet d'autres enlèvements, vous avez déclaré qu'il ne

24 s'agissait pas d'actes terroristes. Suis-je en droit de dire, à moins que

25 vous ne soyez également de cet avis, qu'à l'époque les enlèvements de

26 personnes constituaient des actes criminels, sinon des actes terroristes ?

27 R. Le cas évoqué par votre confrère est survenu non loin de Bajgora où

28 agissaient des unités de l'UCK. Ces membres de l'UCK ont capturé huit

Page 4497

1 soldats de l'armée qui ensuite, sur intervention de l'OSCE, ont été

2 relâchés.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'était pas l'objet de la question,

4 Monsieur. La question portait sur les enlèvements. Considérez-vous que les

5 enlèvements constituent des actes criminels ? Telle était la question.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Les enlèvements sont des actes criminels. Mais

7 dans les circonstances de guerre, comme vous le savez, il existe des

8 conventions internationales et lorsque deux armées se battent l'une contre

9 l'autre, des soldats peuvent être faits prisonniers. Ces personnes étaient

10 des prisonniers de guerre. C'est en cette qualité que je les considérais.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui n'a rien à voir avec les

12 enlèvements, objet de la question.

13 Monsieur Ivetic.

14 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il s'agissait de captures de prisonniers.

16 M. IVETIC : [interprétation]

17 Q. Je crois pour ma part avoir parlé de l'enlèvement d'Ajeti Sherafedin

18 dont vous avez indiqué avoir eu connaissance, mais quoi qu'il en soit, je

19 vais passer à autre chose.

20 Je vais maintenant vous interroger au sujet de deux événements survenus le

21 13 mars 1999, en vous demandant plus particulièrement si vous êtes au

22 courant de l'explosion d'une bombe dans un marché de primeurs, à Kosovska

23 Mitrovica, dans les premières heures de l'après-midi, qui a blessé 41

24 personnes et en a tué trois. Ces blessés et ces morts étant de tous les

25 groupes ethniques, particulièrement Serbes, Albanais et Rom. Est-ce que

26 vous avez eu connaissance de cet incident et est-ce que vous en avez fait

27 rapport à l'OSCE dans le cadre de vos rapports quotidiens ?

28 R. Oui, mais l'OSCE a eu connaissance de ce fait avant que je ne me rende

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1 sur les lieux. Parmi les blessés, il n'y avait aucun Serbe et aucun Rom. On

2 n'a dénombré parmi les blessés qu'un seul serbe de Bosnie. Tout le monde

3 était au courant.

4 Q. Je vais maintenant vous interroger au sujet d'une autre bombe qui a

5 explosé à peu près au même moment dans le marché de primeurs de Podujevo

6 faisant trois morts et 23 blessés. Avez-vous été au courant de cet incident

7 attribué à l'UCK ?

8 R. Je n'ai pas compétence pour réagir à des questions de cette nature,

9 mais j'aimerais informer les Juges de cette Chambre que vous êtes en train

10 de m'insulter et je peux répondre à cette question. Les hommes assis

11 derrière vous savent qui étaient les assaillants et qui ont été les

12 victimes dans le cadre de cet incident qui n'était qu'une répétition de

13 l'incident de Sarajevo.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Halimi, pouvez-vous, je vous

15 prie, répondre à la question. Il ne vous appartient pas de décider à

16 quelles questions vous souhaitez répondre et à quelles questions vous ne

17 souhaitez pas répondre. Compte tenu de l'expérience qui est la vôtre, vous

18 devriez le savoir. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons aucun moyen de

19 connaître les renseignements qui font l'objet des questions qui vous sont

20 posées, à moins que vous ne répondiez à ces questions. Je vous prierais de

21 bien vouloir répondre à la question.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] L'explosion qui a eu lieu au marché de

23 Mitrovica après l'enquête --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question est la suivante : avez-

25 vous connaissance de l'explosion d'une bombe à peu près au même moment dans

26 le marché de primeurs de Podujevo qui a tué trois personnes et en a blessé

27 23 ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en ai simplement entendu parler dans le

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1 cadre des informations diffusées par les médias.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi vous a-t-il été si difficile

3 de répondre à cette question ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez bien entendu la

5 question posée par le conseil de la Défense, qui a dit que c'étaient des

6 membres de l'UCK qui avaient lancé cette bombe, c'est ce qui m'a irrité.

7 C'est en ces termes que le conseil a posé sa question et c'est la raison

8 pour laquelle je demande la protection de la Chambre, Monsieur le

9 Président.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question était la suivante : avez-

11 vous connaissance de cet incident attribué à l'UCK ? Telle était la

12 question. Pourriez-vous nous aider en répondant à cette question puisque

13 vous vous êtes contenté de dire en avoir entendu parler dans les médias.

14 Maintenant, nous pouvons passer à autre chose qui peut-être sera plus

15 instructif.

16 Maître Ivetic.

17 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Q. Enfin, je vais vous interroger au sujet d'un incident similaire survenu

19 dans la même période. Avez-vous eu connaissance et avez-vous fait rapport

20 d'une attaque de roquette le 18 janvier 1999, roquette à main, contre un

21 véhicule de la police du SUP de Kosovska Mitrovica qui a fait cinq

22 blessés ?

23 R. Vous m'aideriez en me situant l'endroit plus précisément. Je ne sais

24 pas où cela s'est passé.

25 Q. Je crois savoir que cela s'est passé dans les limites de la

26 municipalité de Kosovska Mitrovica. A la date du 18 janvier 1999, attaque à

27 la roquette contre un véhicule de police. Je crois savoir que cela s'est

28 passé dans la rue Save Kovacevica. Etes-vous en train de me dire qu'il y a

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1 eu de nombreuses attaques contre les véhicules de la police à l'aide de

2 roquettes à main à Kosovska Mitrovica ? Est-ce que c'était un incident

3 courant ou cela n'a-t-il eu lieu qu'une seule fois ?

4 R. Il y a eu plusieurs cas. Je suis au courant d'un cas de ce genre qui a

5 eu des conséquences graves. Un cas de ce genre a eu lieu sous le pont, sur

6 la route menant à Peje, mais la date était antérieure. Cela a eu lieu en

7 1996 ou 1997 d'après moi. Au cours de cet incident, un prisonnier qui

8 faisait l'objet d'un transfert d'une prison à une autre a été tué. Les

9 auteurs de l'acte n'ont pas été identifiés --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question portait sur un jour

11 particulier de janvier 1999, qui est la période qui nous intéresse, 1996 et

12 1997 ont peut-être une certaine pertinence à nos yeux, mais 1999 est

13 particulièrement important pour nous. Pouvez-vous nous dire si vous êtes au

14 courant d'attaques à la roquette contre des véhicules de la police à

15 Kosovska Mitrovica en janvier 1999, ou à peu près à ce moment-là ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé à Shipol, c'est exact, dans

17 le cadre d'une action de guérilla menée par l'UCK. L'UCK a reconnu cet acte

18 publiquement par voie de communiqué. L'UCK a effectivement reconnu avoir

19 mené une attaque contre la police.

20 M. IVETIC : [interprétation]

21 Q. D'accord. Merci. Vous avez dit avoir "collaboré de façon excellente"

22 avec l'UCK. Compte tenu du fait que vous connaissiez les activités de

23 l'UCK, est-ce un fait que ce groupe était présent dans la ville de Kosovska

24 Mitrovica et y a opéré au moins à partir du début de 1999, sinon avant déjà

25 et jusqu'à la date où a commencé le bombardement de l'OTAN ?

26 R. Il existait des unités de guérilla à Mitrovica qui agissaient de temps

27 en temps, mais aucune de ces unités n'y était stationnée. Les unités de

28 l'UCK étaient stationnées à Vaganice tout près de Mitrovica ainsi que dans

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1 le village de Pirce, c'est à partir de ces bases que l'UCK menait des

2 actions y compris à Mitrovica et pas seulement à Shipol. La route reliant

3 Mitrovica à Peje traverse le village de Shipol.

4 Q. D'accord. Vous avez parlé de deux villages situés au voisinage de

5 Mitrovica. Avez-vous connaissance d'une présence de l'UCK ou d'une activité

6 de l'UCK dans la région environnant le village de Zhabar, par exemple ?

7 R. Non.

8 Q. Qu'en est-il du village de Shipol dont vous venez de parler ? A quelle

9 distance se trouve le village de Shipol ou le secteur de Shipol du village

10 de Zhabar ?

11 R. Pour vous dire la vérité et avec l'autorisation de la Chambre,

12 j'aimerais décrire plus en détail l'emplacement de Shipol. A la sortie de

13 Mitrovica commence le village de Shipol qui s'étend sur trois kilomètres

14 jusqu'au réservoir d'eau. Tout dépend de ce qui vous intéresse plus

15 particulièrement. Zhabar se trouve à deux ou trois kilomètres de Shipol et

16 Shipol s'étend sur trois ou quatre kilomètres. Toute cette zone s'appelle

17 Shipol.

18 Q. D'accord. Qu'en est-il du village de Cicavica, avez-vous connaissance

19 d'une présence de l'UCK à Cicavica ?

20 R. Cicavica se trouve dans une zone boisée qui fait partie de la

21 municipalité de Vushtrri. Un secteur limité qui s'appelle Unaza fait partie

22 de Drenica et pas de Mitrovica.

23 Q. Mais Cicavica est près de Mitrovica, n'est-ce pas ? Vucitrn ou Vushtrri

24 est mitoyen de Mitrovica, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Il y a 13 ou 14 kilomètres entre Mitrovica et Vushtrri. En face de

26 Vushtrri commence la colline de Cicavica. On trouve à cet endroit la

27 rivière de Sitnica ensuite les collines de Cicavica.

28 Q. D'accord. Nous parlons bien de la même région. Je vous interroge

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1 maintenant au sujet de la zone de Cicavica. Avez-vous connaissance d'une

2 présence de l'UCK dans cette zone, oui ou non ?

3 R. Oui, il s'y trouvait des unités.

4 Q. D'accord. Un membre de l'UCK à Cicavica, Ismet Hoxha, a été un de vos

5 clients, n'est-ce pas ?

6 R. Ismet Hoxha n'a jamais été mon client. Je le connais en tant que

7 policier qui a travaillé à Vushtrri jusqu'à 1990, date à laquelle tous les

8 policiers albanais de souche ont perdu leur emploi. Je le connais parce que

9 j'ai également représenté les intérêts de policiers de Vushtrri devant les

10 tribunaux dans le cadre de plaintes pour violation de leurs droits.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic. Je suppose que vous

12 n'avez pas d'autres questions au sujet des éléments d'information fournis

13 par ce témoin dans le cadre de l'interrogatoire principal ?

14 M. IVETIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le temps court, comme je l'ai déjà

16 expliqué, il y a tout de même des limites au nombre de questions que vous

17 pouvez poser à ce témoin au sujet des actions de l'UCK évoquées par

18 l'Accusation. Nous sommes tenus de respecter un certain équilibre

19 raisonnable entre le temps alloué à l'Accusation et le temps que vous

20 utilisez vous-même.

21 M. IVETIC : [interprétation] Je comprends.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je supposais que vous alliez passer à

23 autre chose sinon je vous aurais interrompu avant. Je croyais que vous

24 alliez passer à d'autres éléments évoqués au cours de l'interrogatoire

25 principal.

26 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore des

27 questions au sujet de ces questions.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Allez-y, Maître Ivetic.

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1 M. IVETIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur, vous avez été interrogé au sujet d'un procès intenté à Nenad

3 Pavicevic qui a été condamné pour le meurtre d'Agim Hajrizi. J'aimerais

4 vous poser quelques questions au sujet de ce procès et de ce verdict.

5 D'abord, n'est-ce pas un fait que la Chambre de première instance a conclu

6 que l'accusé avait agi délibérément et en raison d'une haine ethnique et

7 avait tué les victimes, que c'était la haine ethnique qui l'avait motivé

8 dans son action ?

9 R. Je ne sais pas si vous avez un exemplaire du jugement sous les yeux car

10 si vous l'aviez vous pourriez voir que ce crime a été qualifié de meurtre.

11 Q. Oui, je le sais bien. N'est-il pas exact que les motifs invoqués pour

12 ce meurtre ont été déterminés comme étant la haine ethnique de l'auteur de

13 l'acte et que c'est à ce motif que l'auteur des actes a été condamné ? Je

14 parle de Nenad Pavicevic.

15 R. Les éléments de preuve nous ont amenés à cette conclusion.

16 Q. D'accord. N'est-ce pas un fait également que les seuls éléments de

17 preuve pris en compte par la chambre de première instance pour prononcer ce

18 verdict s'appuyaient sur la déposition de la veuve d'Agim Hajrizi alors que

19 trois autres témoins entendus au cours du procès ont été considérés comme

20 dépourvus de crédibilité ?

21 R. C'est ce qui explique le verdict prononcé à l'égard de Lazar

22 Gligorovski et qui a été un verdict de relax.

23 Q. S'agissant de M. Gligorovski, il a été relaxé parce qu'il avait déjà

24 fait un certain temps en prison mais il n'a pas été jugé totalement

25 innocent de toutes les accusations retenues contre lui dans cette affaire,

26 n'est-ce pas ?

27 R. C'est exact. Il a été déclaré coupable de détention illégale d'armes

28 découvertes à son domicile au moment de son arrestation. Je crois me

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1 rappeler qu'il était en possession d'un fusil automatique et de plusieurs

2 autres armes. Je ne me souviens pas de tous les détails ainsi que de

3 quelques grenades à main.

4 Q. M. Gligorovski ainsi que M. Pavicevic étaient tous deux des voisins

5 situés géographiquement très près du domicile des Hajrizi, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Gligorovski plus particulièrement était Albanais de souche, ce n'était

8 pas un Serbe. Il ne travaillait pas au poste de police de Kosovska

9 Mitrovica, n'est-ce pas ?

10 R. Gligorovski était Macédonien, ce n'était pas un Albanais de souche.

11 Q. Excusez-moi. C'est mon erreur, je voulais dire Macédonien. Est-il exact

12 également qu'il n'était pas policier mais peintre au centre médical du 30

13 juillet. Nous lisons également dans le jugement prononcé à son encontre que

14 ses voisins le connaissaient comme alcoolique susceptible de poser des

15 problèmes et qu'il avait coutume de tirer des coups de feu de temps en

16 temps avec son fusil automatique dans le village ?

17 R. Oui, c'est exact. C'était un habitant de Mitrovica, je le connaissais

18 depuis son enfance.

19 Q. Je vous demande si ce n'est pas un fait que Gligorovski et Pavicevic,

20 avant l'incident qui a causé la mort de M. Hajrizi, avaient déjà eu à

21 plusieurs reprises des problèmes avec la famille Hajrizi et s'étaient

22 disputés avec les membres de cette famille et notamment avec Agim ?

23 R. Le motif de tout cela était l'activité d'Agim, ce qu'il faisait.

24 Q. Très bien. Une dernière question sur ce point après quoi j'aurai sans

25 doute encore deux questions à vous poser avant d'en terminer.

26 Voici la dernière question que j'aimerais vous poser au sujet du

27 jugement en question. N'est-il pas exact que la Chambre n'a entendu aucun

28 témoin direct ou objectif susceptible d'établir un lien entre les actes de

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1 ces voisins et une quelconque autorité supérieure à Kosovska Mitrovica, en

2 particulier la police de Kosovska Mitrovica ?

3 R. Tout d'abord, tous les habitants de Mitrovica et en particulier les

4 témoins entendus au cours du procès savaient que Nenad Pavicevic, Boban et

5 d'autres accusés n'avaient jamais travaillé en tant que policiers au poste

6 de police de Mitrovica. Par ailleurs, nous avons disposé d'éléments de

7 preuve démontrant que la nuit en question, ils étaient revêtus d'uniformes

8 et qu'ils ont provoqué la tragédie dont vous avez entendu parler.

9 Q. D'accord, merci. J'ai encore deux questions à vous poser et pour ce

10 faire je reparlerai du hameau ou du lotissement de Sipolje. Avez-vous eu

11 connaissance d'attaques qui ont eu lieu en avril 1999 et plus précisément

12 le 6 avril, le 14 avril et le 17 avril 1999 à Sipolje. Attaques au cours

13 desquelles des combattants armés de l'UCK ont attaqué et tué plusieurs

14 policiers au cours de chacun de ces incidents respectifs. Avez-vous eu

15 connaissance de cela ?

16 R. Des combats ont effectivement eu lieu dans ce secteur de Shipol. Ces

17 attaques étaient des attaques sporadiques de très courte durée. Les deux

18 parties se sont rendues coupables de meurtres et d'assassinats. Ce qui est

19 véritablement tragique, c'est ce qui s'est passé le 14 avril, date à

20 laquelle 26 civils innocents, des jeunes, ont été exécutés dans la rue

21 Kovac de la façon la plus violente qu'il soit.

22 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes, page 64 ligne 25 du compte rendu

23 d'audience, il convient de compléter la réponse du témoin de la façon

24 suivante : "Et d'autres accusés n'étaient pas membres de la police au poste

25 de police de Mitrovica par le passé."

26 M. IVETIC : [interprétation] D'accord. J'essaie de bien comprendre ce que

27 vient de dire l'interprète.

28 Q. J'ai encore une question. Vous avez évoqué l'incident survenu le 14

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1 avril, vous n'avez pas été témoin oculaire de cet incident, n'est-ce pas,

2 au cours duquel 26 jeunes gens ont été tués dans la rue Kovac. Vous n'avez

3 pas vu cet événement de vos yeux ?

4 R. Non, je n'ai pas vu cela. En tant que juge d'instruction, après la

5 guerre, en même temps que des représentants du CCIU --

6 M. IVETIC : [interprétation]

7 Q. Ce qui m'intéressait c'était simplement si vous aviez été témoin

8 oculaire ou pas, je manque de temps. Je vais vous poser ma dernière

9 question qui porte sur le climat général régnant à Mitrovica après le

10 départ de l'OSCE.

11 Est-ce que vous avez eu connaissance d'une quelconque animosité ou

12 éventuellement de tensions opposant les diverses communautés présentes à

13 Kosovska Mitrovica ? Je vous rappellerais d'emblée cette fête

14 d'anniversaire à laquelle vous avez participé ainsi que les appels

15 téléphoniques dont vous avez parlé dans votre entretien avec les

16 représentants du bureau du Procureur en août 2001. Avez-vous eu la preuve

17 de quelque tension que ce soit opposant les diverses communautés ethniques

18 de Mitrovica après le départ de l'OSCE et après le début du bombardement de

19 l'OTAN au Kosovo ?

20 R. Ce n'a pas duré longtemps, je crois que c'était l'anniversaire de mon

21 fils ce jour-là, le 21 mars. Ce jour-là, l'OSCE s'apprêtait à partir en

22 raison de l'éventualité d'une attaque menée par l'OTAN contre les forces

23 serbes. Avant cela il n'y avait pas de querelles entre les habitants serbes

24 et les habitants albanais. Il n'y avait pas de problèmes entre le régime de

25 Milosevic et les citoyens albanais.

26 Q. Bien. Au cours de la fête que vous avez mentionnée, vous avez été

27 menacé par quelqu'un d'autre au téléphone. Oui ou non ?

28 R. Oui.

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1 Q. Bien.

2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de m'avoir

3 accordé du temps supplémentaire, je n'ai pas d'autres questions à poser au

4 témoin.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez une date en

6 tête ?

7 M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il a parlé du 21 mars, je m'appuie

8 sur ce qu'a déclaré le témoin.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

10 M. IVETIC : [interprétation] En fait, il me reste une question sur ce

11 point, au sujet du 21.

12 Q. Est-ce que vous avez rapporté cet incident à la police étant donné que

13 vous dites dans votre déclaration que vous connaissiez tous les policiers

14 de haut rang de la ville ?

15 R. Je ne me suis pas adressé aux policiers mais je suis allé le voir le

16 lendemain dans la municipalité.

17 Q. Vous parlez de la personne qui d'après vous vous a appelé ?

18 R. Oui.

19 Q. Il a nié qu'il vous avait appelé, n'est-ce pas ?

20 R. Lorsque nous sommes arrivés au portail, à l'issue de notre conversation

21 il m'a dit : "Je suis désolé, j'ai dû me tromper, j'étais saoul."

22 M. IVETIC : [interprétation] Bien. Je n'ai pas d'autres questions à poser à

23 ce témoin, merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

25 Y aura-t-il des supplémentaires ?

26 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai que quelques questions à poser,

27 Monsieur le Président. Je ne sais pas quand vous souhaitez suspendre

28 l'audience.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous allons faire une

2 pause maintenant et nous reprendrons à 13 heures 05.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

4 --- L'audience est reprise à 13 heures 08.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Kravetz. Excusez-moi, le témoin

6 n'est pas encore entré.

7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, en attendant l'arrivée

8 du témoin, je souhaiterais que l'on parle du calendrier.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait faire cela après

10 la déposition du témoin ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Kravetz, allez-y.

14 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Nouvel interrogatoire par Mme Kravetz :

16 Q. [interprétation] Monsieur Halimi, dans le cadre de votre déposition,

17 vous avez déclaré que lorsque vous aviez quitté la partie haute de Zhabar

18 pour rejoindre le convoi, vous aviez été arrêté par deux soldats de la VJ.

19 Outre ces deux soldats de la VJ, avez-vous vu d'autres soldats de la VJ

20 lorsque vous avez rejoint le convoi ?

21 R. Oui. Comme je l'ai expliqué plus tôt, lorsque nous avons laissé les

22 trois véhicules sur place et que nous avons continué à pied, sur le côté

23 droit de la route, j'ai vu des membres des forces paramilitaires. Lorsque

24 nous sommes arrivés au niveau de la route goudronnée que l'on appelle

25 l'autoroute de l'Adriatique, le long de la route des deux côtés, il y avait

26 des unités régulières de la police. C'est la police qui était chargée de la

27 sécurité de la route.

28 Q. Je voulais parler de soldats de la VJ, en avez-vous vu d'autres,

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1 d'autres soldats que ceux que vous avez mentionnés ?

2 R. Comme je l'ai dit, les autres soldats étaient alignés vers la partie

3 haute de Zhabar. Il y en avait beaucoup. Je ne sais pas combien au juste.

4 Q. Sur la route, avez-vous rencontré à quelque moment que ce soit des

5 membres de la VJ ?

6 R. Oui. Il y avait des soldats. Ils étaient déployés le long de la route

7 dans le village de Runik en direction de Rakosh. Sur le côté gauche de la

8 route, pas sur la route elle-même, il y avait cette ligne téléphonique

9 jusqu'au village de Vitak. Cela fait environ quatre kilomètres. J'ai vu des

10 soldats, des réservistes.

11 Q. En réponse à une question qui vous a été posée par Me Ackerman lors du

12 contre-interrogatoire, vous avez déclaré qu'au poste de contrôle les

13 membres de la VJ ne s'étaient pas livrés à des atrocités, seulement à des

14 actes de pillage et de passages à tabac. Je crois que cela figure à la page

15 4 du compte rendu de votre déposition aujourd'hui. Est-ce que vous avez vu

16 des soldats de la VJ qui se livraient à des actes de pillage, tandis que

17 vous vous rendiez en Albanie ?

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense qu'on déforme les propos du témoin.

19 Je ne crois pas que le témoin ait dit que la VJ se soit livrée à des

20 passages à tabac ou à des pillages. Je me trompe, peut-être mais je ne

21 crois pas qu'il ait dit cela.

22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il me semble que le témoin a déclaré que les

23 membres de la VJ ne s'étaient pas livrés strictement à des atrocités

24 seulement à des actes de pillage et à des passages à tabac. Lors du contre-

25 interrogatoire, on lui a posé des questions au sujet des passages à tabac,

26 et là je lui demande ce qu'il en est. C'est au bas de la page 49.

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Ensuite, il a ajouté que c'étaient des

28 membres des forces paramilitaires qui étaient responsables.

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1 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il a répondu à une question au sujet des

2 passages à tabac. Je souhaitais savoir s'il avait vu des membres de la VJ

3 se livrer à des actes de pillage ?

4 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne pense pas que cela soit autorisé dans

5 le cadre des questions supplémentaires. Là, il s'agit d'un autre sujet. Le

6 Procureur aurait dû évoquer cela lors de l'interrogatoire principal.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me tais mais ce n'est pas parce que

8 je ne m'intéresse pas à la question. J'essaie simplement d'en savoir

9 davantage. Un instant, s'il vous plaît. Le témoin a répondu qu'il n'y avait

10 pas eu d'atrocités commises, seulement des actes de pillage et des passages

11 à tabac. Le témoin a ajouté que personnellement il n'avait pas été passé à

12 tabac. Ensuite, on lui a demandé :

13 "Question : Vous n'avez vu personne être frappé ?

14 "Réponse : Si.

15 "Question : Où ?

16 "Réponse : A l'entrée de Prizren.

17 "Question : Par qui ?

18 "Réponse : Des militaires. Il y avait une unité paramilitaire avec

19 une Opel Calibra."

20 Pour le moment, il n'a pas été question de passages à tabac par les

21 membres de la VJ.

22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, mais ma question ne porte pas sur les

23 passages à tabac, mais le témoin a parlé de pillages. Ma question portait

24 là-dessus.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous devriez d'abord demander au

26 témoin s'il a vu des actes de pillage ?

27 Mme KRAVETZ : [interprétation] Très bien.

28 Q. Monsieur Halimi, alors que vous étiez dans le convoi en route vers

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1 l'Albanie, est-ce que vous avez été témoin d'actes de pillage ?

2 R. Oui, Madame le Procureur. J'ai déjà expliqué cela. Le premier pillage

3 s'est produit dans le village de Brabonic. En quittant Shipol, on va à

4 Lushta. Il y a ensuite Brabonic. A cet endroit se trouvait un poste de

5 contrôle. C'est la police qui se trouvait à ce poste de contrôle. Des deux

6 côtés du poste de contrôle, il y avait des membres de l'armée. Je me

7 trouvais à la queue du convoi et la distance qui séparait le poste de

8 contrôle de l'endroit où je me trouvais était d'environ un kilomètre ou un

9 peu plus peut-être. Je n'ai pas vu personnellement qui ils avaient

10 brutalisé ou avaient commis ces actes de pillage.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sont les pillages qui nous

12 intéressent, Monsieur Halimi, et non pas les passages à tabac. Ceci a été

13 bien clair. Par ailleurs, nous souhaitons savoir ce que vous avez vu

14 personnellement. Est-ce que vous nous déclarez que vous n'avez pas été

15 témoin oculaire d'actes de pillage ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas à cet endroit.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez vu des actes de

18 pillage ailleurs ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous en

21 parler?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela s'est passé à Perroni i Keq. Dans le

23 village de Klina, dans la municipalité de Skenderaj, sur la route de Peje.

24 Il y a une route abrupte qui se trouve à cet endroit qui fait environ 700

25 mètres. Le convoi a été arrêté. Nous nous sommes arrêtés également. Des

26 soldats sont sortis de leur véhicule du côté gauche de la route, sur le

27 côté gauche de la route vers Peje. Ils ont pointé leurs canons vers les

28 voitures en disant : donnez-nous l'argent et l'or.

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1 Mme KRAVETZ : [interprétation]

2 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

3 R. J'ai vu qu'ils avaient réussi à obtenir beaucoup d'argent et des objets

4 de valeur, ensuite ils sont partis.

5 Q. Merci, Monsieur Halimi.

6 R. Les quatre dernières voitures n'ont pas été pillées. Nous étions à la

7 queue du convoi et il n'y a pas eu de pillage.

8 Q. Pendant le contre-interrogatoire, on vous a posé une question au sujet

9 de Nenad Pavicevic. Je souhaiterais obtenir quelques éclaircissements sur

10 ce point. Lorsque M. Agim Hajrizi a été assassiné, Nenad Pavicevic était-il

11 membre de la police de Mitrovica ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez également évoqué quelqu'un du nom de Boban. Est-ce que vous

14 connaissez son nom de famille, le nom de famille de cette personne à

15 laquelle vous avez fait référence en parlant de Boban durant votre contre-

16 interrogatoire ?

17 R. Peut-être m'en souviendrais-je plus tard, mais pour le moment je ne

18 m'en souviens pas. Je me souviens de cet homme depuis son enfance, depuis

19 qu'il avait 12 ans. C'est un grand et costaud comme moi-même.

20 Q. Je m'en tiendrai à cela. Merci beaucoup.

21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

22 questions.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.

24 Monsieur Ackerman.

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Puis-je poser une question ?

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au sujet de quoi ?

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Sur ce nouveau témoignage faisant état de

28 pillages.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous permettre de poser une

2 question, mais je ne considère pas que ceci soit un nouveau témoignage.

3 Vous avez soulevé un point qui faisait référence à la déposition et le

4 témoin a donné une réponse sur le point du pillage et les passages à tabac.

5 Il semble tout à fait raisonnable pour le bureau du Procureur de continuer

6 à poser des questions sur ce point. Néanmoins, pour éviter toute iniquité,

7 je vous vous permettre de poser une question.

8 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

9 vais poser la question.

10 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ackerman :

11 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez parlé de soldats qui

12 étaient sortis de leurs véhicules, qui ont pointé leurs fusils vers la

13 direction des voitures et qui disaient : De l'argent et de l'or. Pouvez-

14 vous décrire ces soldats ? A quoi ressemblaient-ils ?

15 R. Ils portaient des vêtements typiques de l'armée ou de l'armée

16 régulière, des uniformes tels que je les ai décrits précédemment.

17 Q. Avez-vous vu des insignes sur leurs uniformes ?

18 R. Oui, oui. On pouvait voir des insignes.

19 Q. Quels étaient ces insignes ? Décrivez-les.

20 R. C'étaient les mêmes insignes que ceux que j'ai décrits précédemment.

21 Q. Veuillez les décrire maintenant.

22 R. Je peux vous le dessiner. Il y avait un insigne ou plutôt un badge avec

23 un arc de cercle qui portait l'inscription Vojska Jugoslavija. Il y avait

24 également l'aigle blanc sur l'insigne qui était sur la manche. C'était le

25 symbole du drapeau serbe.

26 Q. Quel âge avaient ces personnes ?

27 R. Ils étaient jeunes, 25 ou 26 ans, pas plus âgés que cela.

28 Q. Merci. C'est tout ce que j'ai à dire.

Page 4515

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Halimi, ceci conclut votre

4 témoignage. Laissez-moi vous remercier encore d'être venu au Tribunal pour

5 déposer. Vous êtes maintenant libre de partir.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de m'avoir invité à témoigner.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, votre calendrier

9 d'ordonnance, est-ce que Mme Kravetz va s'en charger ?

10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Avant d'appeler le prochain témoin et de

11 l'interroger, il y a deux documents dont je voudrais demander le versement

12 au dossier. Ce sont les documents P260 [comme interprété] par lequel je

13 demandais l'assistance. Le numéro 1097 et la pièce P2335 qui est en fait

14 une réponse à cette demande d'assistance. Cette demande d'assistance et la

15 réponse qui lui a été apportée traitent de quatre individus. L'un deux a

16 été mentionné dans la déposition du témoin; les trois autres ont également

17 été mentionnés dans la déposition d'un précédent témoin qui a témoigné sur

18 des événements ayant trait à la municipalité de Mitrovica. Il s'agit de Mme

19 Afrodita Hajrizi.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

21 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que c'est un document à l'encontre

22 duquel j'ai soulevé une objection précédemment avec un autre témoin. Je

23 voudrais répéter ou soulever à nouveau la même objection. Je ne sais pas si

24 cette objection peut être confirmée, si l'on peut me confirmer que les

25 mêmes individus étaient ceux qui figurent sur la liste et s'ils portent les

26 mêmes noms.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est document qui nous a déjà été

28 présenté auparavant ?

Page 4516

1 Mme KRAVETZ : [interprétation] C'est le même document. Le document, la

2 réponse à la demande d'assistance. Il s'agit du même document mais nous

3 avons les individus --

4 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûre de la traduction.

5 Mme KRAVETZ : [interprétation] -- ou une partie qui a trait à Kosovska

6 Mitrovica sur la première page dudit document. C'est une réponse au TPIY à

7 la demande d'assistance numéro 1097.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvons-nous voir la pièce 2335 alors,

9 s'il vous plaît ? Pourriez-vous l'agrandir ? Oui, juste assez pour que l'on

10 puisse y lire les noms.

11 A quel titre voulez-vous utiliser ce document ? Ne le bougez pas, s'il vous

12 plaît, pour que nous puissions encore voir les noms.

13 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais demander le versement de ces

14 pièces au dossier en rapport avec le témoignage du témoin Mme Afrodita

15 Hajrizi qui a mentionné quatre individus qui figurent sur la liste dans ce

16 document. C'est une réponse à une demande d'assistance. M. Halimi fait

17 référence au premier, c'est-à-dire à l'individu qui est mentionné ici.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Ivetic a dit qu'il a soulevé une

19 objection quant à l'utilisation de ce document auparavant. Est-ce qu'on a

20 déjà tenté de présenter cette réponse auparavant ?

21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, pas la réponse. Je crois que M. Ivetic

22 fait référence à la réponse qui a été demandée quand on a fait une demande

23 de versement au dossier par rapport à Mala Krusa; est-ce exact ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

25 Bien, Monsieur Ivetic, est-ce que vous vous objectez à l'utilisation

26 du document ?

27 M. IVETIC : [interprétation] Essentiellement, Monsieur le Président, c'est

28 le même document et pour autant que je puisse dire il a été obtenu par les

Page 4517

1 mêmes voies. Il n'y a pas d'information --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est une réponse séparée. C'est

3 une réponse qui a trait à quatre personnes. Je ne crois pas que nous ne

4 l'ayons vue auparavant.

5 M. IVETIC : [interprétation] C'est la première page du document auquel nous

6 avons fait objection auparavant. Le document ou la page à laquelle nous

7 avons fait objection, c'est la page 6 du même document.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

9 M. IVETIC : [interprétation] Essentiellement, Monsieur le Président, cette

10 information ne nous permet pas d'identifier les personnes comme étant

11 exactement les mêmes parce que les noms de familles sont identiques. Il ne

12 s'agit pas de la même période à laquelle il est fait référence par les

13 personnes qui ont été identifiées ici comme étant dans cette position. A

14 cet égard, c'est une question très ouverte et ceci n'a pas nécessairement

15 une valeur probante. Je ne sais pas dans quelle mesure les autres noms ont

16 été mentionnés par l'autre témoin puisque j'étais en train de préparer

17 encore un autre témoin et n'étais pas dans le prétoire durant le témoignage

18 de Mme Hajrizi. Je crois qu'étant donné les problèmes que nous avons

19 rencontrés avec la réponse de Mala Krusa qui a été amenée de la même

20 manière, je crois que l'exactitude et la valeur probante de l'information

21 est également en question sans qu'il y ait de plus amples informations.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvons-nous voir le haut du document,

23 s'il vous plaît ? Arrêtez-vous là. Merci. Pouvons-nous maintenant voir la

24 pièce P260 ? Est-ce cette pièce-là ?

25 Mme KRAVETZ : [interprétation] Le 2360.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 2360. Merci.

27 Il n'y a pas de date qui se trouve mentionnée pour la période sur

28 laquelle vous voulez de plus amples informations.

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1 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, il n'y a pas de date, Monsieur le

2 Président. Il n'y a qu'une indication des noms des personnes sur lesquelles

3 nous voulons plus d'informations. Ceci c'est une demande standard, demande

4 d'assistance envoyée par le bureau du Procureur ainsi que d'autres réponses

5 qui ont été envoyées. L'une d'elles, celle de Mala Krusa qui a déjà été

6 versée au dossier, était une réponse à une demande similaire d'assistance.

7 Tous ces documents ont été envoyés en même temps.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Nous considérons que ces

11 documents peuvent être versés au dossier. La question de poids dépend de

12 l'information qu'ils contiennent. L'information qui se trouve sur ces

13 documents est fiable quand elle est prise en considération avec d'autres

14 détails de la déposition des témoins.

15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 C'était tout ce dont je voulais traiter. Je pense que M. Hannis veut

17 s'adresser à la Cour.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Hannis. Je sais de

19 manière informelle que nous avons fait des demandes au sujet de changements

20 de l'horaire de demain pour que nous puissions tenir audience dans la

21 matinée. Je sais que votre programme doit également être modifié à cause du

22 témoin. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est, s'il vous plaît ?

23 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le témoin suivant

24 est M. Dashi. Celui qui le suivra c'est Veton Surroi qui est un politicien

25 d'Albanie du Kosovo. C'est également un membre de la délégation qui a

26 participé aux négociations internationales. Un problème de calendrier avec

27 lui. Il est ici. Nous pensions le faire comparaître demain, mais mercredi

28 il doit quitter le pays pour quelque chose qui était arrangé au préalable.

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1 Je voudrais vous suggérer de le mettre en première position et de changer

2 l'ordre de comparution. Nous allons commencer et essayer de finir avec lui.

3 Je voudrais réduire le temps de l'interrogatoire peut-être à 15 minutes et

4 laisser la Défense profiter du temps restant de la séance pour le contre-

5 interrogatoire.

6 Si nous ne sommes pas en mesure de terminer avec ce témoin demain,

7 Monsieur le Président, j'ai envisagé avec lui de trouver un jour où il

8 pourrait revenir ici pour le contre-interrogatoire. Ce serait le 25 octobre

9 qui est la date la plus proche à laquelle il serait disponible.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

11 Maintenant si la Chambre allait se tenir demain matin plutôt que

12 demain après-midi, --

13 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

15 M. ZECEVIC : [interprétation] M. Hannis nous a informé qu'il a l'intention

16 de changer l'ordre de passage des témoins. Il a dit la chose suivante :

17 oui, mais ceci serait dans le cas où la Chambre siégera dans l'après-midi.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous allons siéger demain

19 après-midi étant donné les circonstances --

20 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas vraiment le choix, je

22 suppose.

23 Le témoin suivant, Monsieur Scully, n'est-ce pas ?

24 M. SCULLY : [interprétation] Monsieur le Président, le prochain témoin sera

25 Muharrem Dashi. Etant donné l'heure avancée, je crois que nous n'allons pas

26 avancer beaucoup. Est-ce que vous voulez continuer.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

28 M. SCULLY : [interprétation] Très bien.

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1 Monsieur Dashi est un témoin oculaire. Son témoignage a trait à Kacanik

2 plus spécifiquement au paragraphe 72(k), avec l'ordonnance K, 73, 75(k) et

3 77.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 Bonjour Monsieur Dashi.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voulez-vous donner lecture de la

9 déclaration solennelle en donnant lecture du document qui se trouve devant

10 vous, s'il vous plaît.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: MUHARREM DASHI [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir s'il vous

16 plaît.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dashi, vous allez entendre

18 des questions qui vous seront posées par les représentants des diverses

19 parties participant à ce procès à commencer par le représentant de

20 l'Accusation, à savoir M. Scully.

21 M. SCULLY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Interrogatoire principal par M. Scully :

23 Q. [interprétation] Monsieur Dashi, pourriez-vous décliner vos noms et

24 prénoms et épeler votre nom de famille pour le compte rendu d'audience.

25 R. Muharrem Dashi.

26 Q. Où êtes-vous né, Monsieur Dashi ?

27 R. A Stagov, dans le village de Stagov, municipalité de Kacanik.

28 Q. Combien de temps avez-vous vécu dans ce village ?

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1 R. Toute ma vie. J'y réside encore aujourd'hui.

2 Q. Etes-vous allé à l'école dans le village de Stagovo ?

3 R. Je suis allé à l'école primaire de Stagovo ensuite au lycée à Kacanik

4 et à l'université à Pristina.

5 Q. Jusqu'à 1999, quelle était votre profession ?

6 R. J'étais enseignant à temps partiel. J'ai également eu un emploi dans

7 une société privée lorsque je n'ai plus pu travailler en tant

8 qu'enseignant.

9 Q. En 1999, quelle était votre situation familiale ?

10 R. J'étais marié. J'ai quatre enfants aujourd'hui.

11 Q. J'aimerais appeler votre attention sur le mois de mai 1999, au début

12 du mois de mai 1999, combien y avait-il d'habitants dans le village de

13 Stagovo ?

14 R. Selon les statistiques établies par moi-même et mes collègues, le

15 village de Stagov comptait 182 foyers, à peu près 1 600 habitants.

16 Q. En mai 1999, outre les personnes qui habitaient dans ce village en

17 permanence, est-il arrivé une population supplémentaire dans le village, à

18 ce moment-là ?

19 R. Oui. En mai 1999, un grand nombre de personnes ont déferlé sur Stagov

20 qui a fini par abriter 3 000 habitants à cause de toutes ces personnes

21 venues d'ailleurs. Il y a une gare ferroviaire à Stagov et les gens

22 affluaient sur ce village en raison de la situation difficile.

23 Q. Si vous le savez, d'où venait la majorité de ces personnes ?

24 R. Ces personnes venaient des villages environnants, Kovacevc, Nik,

25 Dubrava, et cetera.

26 Q. Vous avez dit que ces personnes étaient arrivées à Stagov en raison de

27 la situation difficile. Quelle était cette situation, je vous prie ?

28 R. Les gens subissaient des persécutions un peu partout. Ils étaient

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1 empêchés de circuler puisque la grande route était coupée. Il était très

2 difficile pour la population de se fournir en vivres. Il faut mentionner

3 également la répression qui s'exerçait en permanence.

4 Q. Au début de l'année 1999, l'UCK était-elle présente à Stagov ?

5 R. Il n'y avait aucune présence de l'UCK dans le village en 1999.

6 Q. Plus tard, au cours de cette même année, au mois de mai 1999, est-ce

7 qu'une unité de l'UCK était présente à Stagov ?

8 R. En raison des tensions et étant donné qu'un civil qui porte une arme

9 n'est plus considéré comme un civil, la théorie a commencé à courir selon

10 laquelle il était préférable de porter un fusil que d'être massacré. Une

11 unité a été créée dont le but était de défendre la population contre la

12 répression.

13 Q. Si vous le savez, à quel moment précis cette unité s'est-elle créée ?

14 R. Dix jours avant le début de l'offensive sur Stagov.

15 Q. Vous parlez de la première partie du mois de mai 1999; c'est bien cela

16 ?

17 R. Oui, avant le début de l'attaque. L'attaque a eu lieu le 21 mai. Dix

18 jours avant l'attaque, des gens se sont procurés des armes, je ne sais pas

19 comment mais par des voies diverses. En tout cas, ces personnes ont acquis

20 des armes et se sont déclarées prêtes à défendre la population dans la

21 mesure du possible.

22 Q. Combien de personnes comptait-on dans cette unité créée en mai 1999 ?

23 R. Tout à fait au début et à la fin également, il n'y avait pas plus que

24 11 ou 12 hommes, d'après moi dans cette unité.

25 Q. Comment ces hommes étaient-ils armés ?

26 R. Ils possédaient des fusils automatiques notamment des kalachnikovs et

27 des V-500. Je ne connais pas la marque exacte mais voilà quelles étaient

28 les armes dont ils disposaient.

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1 Q. Qu'est-ce qu'un V-500 ?

2 R. C'est une arme qu'on tient à la main et qui tire des obus.

3 Q. Combien d'armes légères possédaient cette unité ?

4 R. Trois.

5 Q. Est-ce qu'elle possédait également des fusils mitrailleurs

6 automatiques ?

7 R. Elle possédait un fusil automatique, un fusil mitrailleur ainsi qu'un

8 V-500. Je ne sais pas très bien comment je pourrais mieux décrire cette

9 dernière arme.

10 Q. A votre connaissance, c'est à cela que se limitaient les armes en la

11 possession de l'unité ?

12 R. C'était tout.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Scully, il y a quelques

14 instants, le témoin a répondu que l'unité possédait trois V-500 et

15 maintenant il dit un V-500. Pouvez-vous tirer cela au clair ?

16 M. SCULLY : [interprétation]

17 Q. Combien de V-500 possédait cette unité ?

18 R. Un V-500 et trois obus. Je ne sais pas comment mieux expliquer la

19 chose ?

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette explication suffira. Je vous

21 remercie.

22 M. SCULLY : [interprétation]

23 Q. Si vous le savez, cette unité créée à Stagov en mai 1999 avait-elle des

24 rapports avec les autres éléments de l'UCK ?

25 R. Je ne sais rien à ce sujet.

26 Q. En dehors de cette unité présente dans le village de Stagov, y avait-il

27 d'autres formes de présence de l'UCK dans les environs ?

28 R. Absolument pas.

Page 4524

1 Q. Comment s'appelait l'unité stationnée dans le village de Stagov ?

2 R. L'unité créée à Stagov l'a été spontanément. Elle n'avait pas un nom

3 particulier. Quant à la 162e Brigade de l'UCK, la Brigade d'Adem Bajrami,

4 elle opérait dans la municipalité de Kacanik dans les environs de cette

5 municipalité, en périphérie. Plus tard, elle a été baptisée, Brigade Agim

6 Bajrami.

7 Q. Mais la 162e Brigade, a-t-elle été présente à quelque moment que ce

8 soit dans le village de Stagov ?

9 R. Non, c'était impossible.

10 Q. Pourquoi était-ce impossible ?

11 R. Je pense que cette question mérite d'entrer dans les détails. Juste à

12 côté de Stagov se trouve la grande route et il y a aussi une voie de chemin

13 de fer. La grande route était coupée par les forces serbes. Il n'était pas

14 possible pour la population de circuler.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Scully, je pense que nous

16 devons nous interrompre maintenant, si cela vous convient ?

17 M. SCULLY : [interprétation] Pas de problème.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dashi, je crains fort que

19 nous soyons contraints de lever l'audience car un autre procès se déroule

20 dans ce même prétoire à partir de 14 heures 15. Nous sommes arrivés à la

21 fin de notre audience d'aujourd'hui. Par conséquent, il vous faudra revenir

22 pour la fin de votre déposition et cela se passera mercredi. Vous êtes

23 invité à revenir dans ce prétoire mercredi matin à 9 heures du matin pour

24 la suite du contre-interrogatoire. Entre-temps, puisque votre déposition a

25 déjà commencé et que vous êtes déjà officiellement un témoin, il vous est

26 interdit de discuter de quelque point que ce soit de votre déposition avec

27 qui que ce soit jusqu'à la fin de votre déposition. Vous pouvez parler avec

28 qui vous voulez de tout ce que voulez, mais pas des éléments faisant partie

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1 de votre déposition. Nous vous retrouvons ici mercredi à 9 heures du matin,

2 Monsieur.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je lève l'audience jusqu'à 14 heures

5 15 demain.

6 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mardi 10 octobre

7 2006, à 14 heures 15.

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