Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 18 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [L'accusé Milutinovic est absent]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre témoin suivant, Monsieur

7 Marcussen.

8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Le témoin suivant est Sabit Kadriu. Mais

9 avant l'entrée du témoin dans le prétoire, j'aimerais évoquer devant vous,

10 rapidement une autre question. Nous demandons, comme nous l'avons indiqué

11 dans nos écritures, que le témoin soit transformé de témoin de vive voix à

12 un témoin entendu à la fois de vive voix et au titre de l'article 92 ter.

13 Nous demandons l'admission de la déclaration préalable signée par le témoin

14 le 10 décembre 2000. En accord avec Me Norman Sepenuk, nous avons décidé de

15 ne pas demander l'admission d'un paragraphe particulier qui se trouve à la

16 page 11 de la déclaration du témoin, à peu près au milieu de la page qui

17 commence par les mots : "C'est l'offensive de septembre qui m'a poussée à

18 penser que," et cetera, et cetera. Ce paragraphe sera exclu de l'élément de

19 preuve dont nous demandons l'admission au dossier.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Soyez rassuré de savoir que j'ai écrit

21 entre parenthèses, "nous ne nous laisserons pas menés sur cette voie."

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Que je sois rassuré --

23 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a un point que j'ai oublié

25 d'évoquer, je vois que M. Milutinovic est absent, et ceci me pose question.

26 Maître O'Sullivan, je suppose qu'il n'y a pas de problème à ce

27 sujet ?

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un autre point que j'aimerais tirer au

2 clair avant de commencer l'audition du témoin suivant, Monsieur Marcussen.

3 La dernière partie de la déclaration préalable se compose pour l'essentiel

4 de listes de noms. Je situe bien la première liste qui comporte 104 noms

5 dans l'acte d'accusation, mais pouvez-vous m'aider pour la suite. A partir

6 de la page 24, qu'en est-il ?

7 M. MARCUSSEN : [interprétation] Un certain nombre d'incidents ont eu lieu

8 qui ne figurent pas dans l'acte d'accusation. Nous demandons que des

9 documents liés à certains de ces incidents soient admis au dossier en tant

10 qu'éléments de preuve situant le contexte des événements de Vushtrri.

11 Certains éléments de preuve ont déjà été versés au dossier lors de

12 l'audition du Dr Gexhaliu, qui a parlé de certains d'entre eux. Mais ce que

13 je voudrais faire aujourd'hui, c'est obtenir des éclaircissements au sujet

14 de l'incident du 22 mai, auquel si je suis bien informé, le témoin a

15 participé dans le cadre de l'enquête, et il a quelques éléments

16 d'information quant au sort des personnes portées disparues et pourra nous

17 parler des éléments découverts dans le cadre de l'enquête des légistes.

18 Mais je ne pense pas consacrer beaucoup de temps aujourd'hui à cette partie

19 de l'affaire.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Mais la déclaration

21 préalable va sans doute être admise, comme vous le savez, et il faudra que

22 nous l'utilisions. Vous avez confirmé ma pensée, à savoir que les éléments

23 ajoutés ne peuvent être que des éléments situant le contexte des

24 accusations précises dont il est question dans la déclaration préalable.

25 M. MARCUSSEN : [interprétation] En effet. Ces éléments supplémentaires ont

26 pour but de relier le contenu de la déclaration préalable au fait de savoir

27 si, oui ou non, il y a eu une campagne militaire, et de donner une idée

28 plus générale de ce qui s'est passé au niveau national, enfin, au niveau du

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1 Kosovo, de dire quelques mots sur la nature exacte de cette campagne

2 militaire, mais également des conséquences de celle-ci dans la municipalité

3 de Vushtrri. Mais comme je l'ai dit, vous avez absolument raison, ce sont

4 des incidents qui ne figurent pas dans l'acte d'accusation. Nous

5 n'établirons pas de liens avec la réalité des crimes faisant l'objet des

6 poursuites.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Le témoin peut entrer dans le

8 prétoire.

9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je respecte la coutume en indiquant les

10 paragraphes de l'acte d'accusation concerné par cette déposition. Il s'agit

11 des paragraphes 25 et 26, 72(m), 75(i), 77(d), 88, 90, 94, 95 et 96; ainsi

12 que du tableau I.

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kadriu.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous lire la déclaration

17 solennelle à haute voix grâce au document qui vous est tendu en cet

18 instant.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: SABIT KADRIU [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, vous pouvez vous asseoir.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, les Juges de la

25 Chambre ont sous les yeux votre déclaration préalable très longue, que vous

26 avez relue au préalable. Nous connaissons les grandes lignes de votre

27 déposition déjà faite devant ce Tribunal. Vous êtes ici, toutefois,

28 aujourd'hui pour permettre à la Défense de traiter certains points avec

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1 vous, si elle souhaite des éclaircissements, d'ajouter éventuellement

2 certains éléments ou de contester certains d'entre eux. Bien sûr, dans

3 votre déposition orale, nous espérons que vous vous concentrerez sur les

4 réponses précises qu'il convient que vous apportiez aux questions précises

5 que la Défense vous posera. Finalement ce que nous souhaitons, ce sont des

6 ajouts éventuels aux informations dont nous disposons déjà, plutôt que de

7 simples répétitions de ce que nous connaissons déjà. La première personne

8 qui vous interrogera sera le représentant de l'Accusation, M. Marcussen.

9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Interrogatoire principal par M. Marcussen :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kadriu.

12 R. Bonjour.

13 Q. Monsieur Kadriu, avez-vous fait une déclaration devant les

14 représentants du bureau du Procureur en décembre 2000 ?

15 R. Oui.

16 Q. Cette déclaration vous a-t-elle été relue à l'époque ?

17 R. Oui.

18 Q. L'avez-vous signée ?

19 R. Oui.

20 Q. Il y a peu de temps, avez-vous eu la possibilité de la relire à

21 nouveau ?

22 R. Oui.

23 Q. A-t-il été constaté qu'un paragraphe manquait dans la version albanaise

24 du texte ?

25 R. Oui, c'est exact. Un paragraphe manquait.

26 Q. Vous a-t-on fourni un projet de traduction de ce paragraphe que vous

27 avez pu lire ?

28 R. Oui. Je l'ai reçu, je l'ai lu, et je l'ai signé.

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1 Q. La traduction de votre déclaration que vous avez lue, à laquelle s'est

2 ajoutée la traduction de ce paragraphe manquant au départ, rend-elle compte

3 fidèlement des événements comme vous en avez le souvenir ?

4 R. Je pense que oui.

5 Q. Si je devais vous poser des questions par rapport à l'intégralité du

6 texte de votre déclaration préalable, vous demander ce que vous savez de

7 ces événements, vous apporteriez les mêmes réponses que celles que l'on

8 trouve par écrit dans la déclaration ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais demander au dossier le versement

11 de la déclaration préalable en tant que pièce P2377 ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous avons saisi dans le système e-court la

14 traduction albanaise du paragraphe manquant au départ qui, bien sûr, ne

15 modifie en rien la version en B/C/S et la version anglaise du texte.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce paragraphe a une cote

17 particulière ?

18 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non. C'est une annexe qui a été ajoutée au

19 dossier existant déjà dans le système électronique pour éviter la

20 dispersion des pièces à conviction.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 M. MARCUSSEN : [interprétation]

23 Q. Monsieur Kadriu, où habitiez-vous en mars 1998 ?

24 R. En mars 1998, j'habitais chez moi avec ma famille dans le village de

25 Brusnik.

26 Q. Quelle est la distance qui sépare le village de Brusnik de celui de

27 Prekaz ?

28 R. Brusnik est à peu près à 17 kilomètres de Prekaze, peut-être un peu

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1 moins, 14 à 17 kilomètres.

2 Q. Vous dites dans votre déclaration préalable que le 3 mars, vous avez

3 entendu des tirs de canon et d'autres pièces d'artillerie venant de Prekaz.

4 Vous avez pensé, dites-vous, qu'il s'agissait probablement d'une offensive

5 qui se déroulait dans la zone où résidait la famille Jashari. Vous avez

6 essayé d'en savoir plus au sujet de ce qui se passait, vous dites avoir

7 rencontré des gens de Dubofc ?

8 R. [aucune interprétation]

9 Q. Où avez-vous rencontré ces personnes ?

10 R. J'étais représentant du Conseil des droits humains et liberté, notre

11 mission était d'être là au moment où des incidents survenaient. Je me suis

12 rendu à Dubofc et au-delà, pour voir ce qui se passait à Prekaze, car ce

13 village ne pouvait pas être aperçu du village où je me trouvais, car les

14 montagnes de Cicavica séparent les deux villages.

15 Q. Merci. Ne revenez pas sur les détails qui figurent déjà par écrit dans

16 votre déclaration. Il y a un point sur lequel j'aimerais approfondir la

17 question. Vous dites dans votre déclaration que vous avez rencontré

18 certaines personnes, je me demandais simplement à quel endroit vous les

19 avez rencontrées, d'où elles venaient si vous le savez ?

20 R. En fait, j'ai quitté le village à l'aube, un bus provenant de Dubofc

21 traversait notre village, j'envisageais de le prendre pour me rendre à

22 Vushtrri. Mais des personnes sont descendues du bus, dont des réfugiés qui

23 avaient quitté ce village. C'est la première fois que j'ai entendu parler

24 de cela. J'avais entendu les coups de feu, mais c'était la première fois

25 que j'entendais que l'armée et la police serbe avaient encerclé des

26 villages dans le secteur de Prekaze et qu'elles avaient encerclé la famille

27 Jashari. C'est la première fois que j'ai entendu parler de cet incident,

28 j'avais déjà entendu des coups de feu.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, la question qui vient

2 de vous être posée est très simple. Elle consiste à vous demander à quel

3 endroit vous avez discuté avec ces personnes originaires du Dubofc. Vous

4 répondez que cela s'est passé dans votre village.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement, dans mon village.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela fait quatre mots. En réalité,

7 nous avons probablement quatre pages au compte rendu d'audience, des

8 renseignements qui ne faisaient pas l'objet de la question de l'Accusation.

9 Je vous demanderais, si vous voulez bien, de vous concentrer sur la

10 question posée et d'y répondre précisément, car les Juges ont déjà de très

11 nombreux renseignements à leur disposition. Ce qui justifie ma demande,

12 c'est que si nous devons faire justice à toutes les accusations qui nous

13 sont soumises dans l'acte d'accusation, nous devons avancer assez

14 rapidement, et nous sommes limités dans le temps. C'est regrettable, mais

15 c'est une réalité, je le crains. Donc, il faut se concentrer sur les

16 questions qu'évoque l'Accusation. Je vous invite à le faire. Sinon, nous ne

17 pourrons pas rendre correctement la justice.

18 Monsieur Marcussen.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'essayais d'expliquer, Monsieur le Président.

20 Je pensais avoir été convoqué ici pour témoigner au sujet de ces

21 événements, et je voulais être concret dans mes propos.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, je ne mets pas en

23 cause votre bonne volonté, mais je vous en prie, ne perdez pas de vue ce

24 que je viens de vous dire, car en dépit du fait que la plupart des témoins

25 qui viennent ici souhaitent nous dire des choses très nombreuses au sujet

26 de ce qu'ils ont vécues, ils ne faut pas malheureusement, faute de temps,

27 revenir sur ce que nous savons déjà. C'est très important. Je vous prie

28 d'en tenir compte.

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1 Monsieur Marcussen.

2 M. MARCUSSEN : [interprétation]

3 Q. Monsieur Kadriu, vous dites que ce sont des gens qui sont descendus de

4 l'autobus qui vous ont parlé des événements. Vous ont-ils dit quelles été

5 les forces qui participaient aux opérations qu'ils étaient en train de

6 fuir ? Vous pouvez répondre simplement par oui ou par non.

7 R. Oui.

8 Q. D'après ces personnes, quelles étaient les forces impliquées ?

9 R. Selon eux, il s'agissait de l'armée yougoslave, car elle disposait

10 d'artillerie et de chars, mais également la police, des forces combinées.

11 Q. Merci bien. Autre explication complémentaire au sujet de ces

12 événements, et c'est l'étape suivante de votre enquête. Vous dites dans

13 votre déclaration écrite que vous êtes allé à Skenderaj, que vous avez

14 essayé de mieux comprendre ce qui s'était passé à partir de cette localité,

15 puis vous dites avoir vu des cadavres à Skenderaj. J'aimerais que vous

16 nous donniez plus de détails sur la façon dont étaient disposés ces

17 cadavres. Vous dites que la police ne gardait pas cet endroit. Qu'est-ce

18 que cela vous indiquait ?

19 R. Il est vrai que trois jours plus tard, après les coups de feu, des

20 représentants du conseil aux droits de l'homme, et moi avec eux, nous nous

21 sommes rendus dans les alentours de Skenderaj. Dans un entrepôt de

22 construction, les corps de la famille Jashari et d'autres victimes de

23 l'offensive avaient été placés là et nous avons fait des photos --

24 Q. Nous allons nous interrompre un instant. Vous dites "qu'ils ont placé

25 ces cadavres à cet endroit." De qui s'agit-il, si vous le savez ?

26 R. La police serbe, bien entendu.

27 Q. Pourquoi dites-vous cela ?

28 R. Parce que les corps de la famille Jashari -- je vais dire que toute la

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1 zone avait été encerclée par la police, si bien que personne ne pouvait

2 pénétrer l'endroit. Donc, ce sont eux qui ont dû emmener les corps. Les

3 corps étaient découpés, et cetera, et ils les ont placés dans cet entrepôt

4 de construction. Et pas loin de cet entrepôt se trouvait des maisons où

5 étaient les forces de police, à peu près 100 mètres de l'endroit où se

6 trouvaient les cadavres. C'était un petit peu surprenant pour nous. Ils ont

7 dû nous laisser voir ces corps pour des raisons qui leur sont propres.

8 Q. Vous expliquez dans votre déclaration préalable que vous avez enquêté

9 sur une autre affaire impliquant des assassinats. Je vous demande si

10 normalement dans le cadre de vos enquêtes, vous aviez accès aux cadavres,

11 au cas où il y en aurait ?

12 R. C'est intéressant et c'était surprenant pour nous de voir qu'on nous

13 autorisait à voir les corps. Une foule de gens est d'ailleurs venue et a vu

14 les cadavres. Je pense qu'il s'agissait du début des opérations, et de ce

15 fait, la police et l'armée voulaient semer la panique, effrayer la

16 population. Car si vous pouviez voir ces corps, c'était un spectacle

17 horrible.

18 Q. Est-ce que les cadavres --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'attendez pas la réponse à votre

20 question, Monsieur Marcussen ?

21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, vous avez répondu à

23 une question qui ne vous était pas posée. Ce qu'on vous a demandé, c'est si

24 normalement vous aviez la possibilité de voir les cadavres lorsque vous

25 faisiez une enquête sur un meurtre.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse était oui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais alors pourquoi est-ce que cela

28 vous a surpris dans le cadre de cette enquête particulière de pouvoir voir

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1 les cadavres ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'avant cette opération, nous n'étions

3 pas autorisés à voir les corps. On ne montrait pas les cadavres avant.

4 Donc, jamais auparavant n'avions-nous pu voir les corps. Il ne s'agissait

5 pas seulement de nous, mais de toutes les personnes. Toute la population a

6 pu voir les corps ce jour-là.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Monsieur Marcussen, vous pouvez poursuivre.

9 M. MARCUSSEN : [interprétation]

10 Q. Les photographies de ces cadavres ont-elles été diffusées par les

11 médias, si vous le savez ?

12 R. Oui, à la télévision publique.

13 Q. Quel média ?

14 R. A l'époque, c'était la Radiotélévision de Pristina, mais nous

15 regardions la station de télévision de Pristina basée à Tirana, parce que

16 lorsque la station a été fermée à Pristina, elle a été transférée à Tirana.

17 C'est sur cette station que nous avons regardé l'opération.

18 Q. Je ne sais pas si c'est un problème d'interprétation, mais ce que je

19 vous ai demandé c'est si les médias avaient diffusé les photographies des

20 cadavres, et vous êtes en train de répondre en parlant d'opérations --

21 R. Oui. Oui. Nous avons pu voir cela à la télévision. Je me souviens que

22 ces corps ont été montrés sur d'autres stations de télévision, notamment

23 Sky News. Certaines images ont été diffusées, mais il s'agissait d'extraits

24 très brefs, et je me souviens de Sky News.

25 Q. Merci.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous dire ce que montrait

27 cette séquence de Sky News ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de séquences très brèves

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1 montrant cet entrepôt. Ils ont d'abord montré des images de l'opération

2 contre la famille Jashari, ensuite cette séquence sur des gens qui

3 faisaient la queue pour se rendre dans l'entrepôt.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que sur ces images on

5 voyait des cadavres, des corps sans vie ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] De manière superficielle seulement. On

7 montrait surtout les gens qui faisaient la queue, qui étaient attroupés, et

8 il y avait également des commentaires, mais je ne comprends pas très bien

9 l'anglais. Tout ce dont je me souviens, c'était cette foule qui faisait la

10 queue pour attendre son tour pour voir la famille Jashari.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, vous pouvez

12 poursuivre.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation]

14 Q. On pourrait maintenant parler d'autre chose que les cadavres, mais qui

15 a toujours un lien avec ce qui s'est passé en février et mars 1998. A votre

16 connaissance, y avait-il des gens qui fuyaient les zones des combats ?

17 R. A partir de 1998, à partir de mars 1998, de nombreuses personnes ont

18 quitté la zone où les Serbes menaient cette opération.

19 Q. Avez-vous participé à l'enregistrement de certains de ces cadavres dans

20 le cadre de l'action de votre municipalité ?

21 R. Oui.

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demanderais que la deuxième page de la

23 pièce P8 soit soumise au témoin. Bien. Merci.

24 Q. Regardez l'écran, vous voyez qu'un document y apparaît, reconnaissez-

25 vous ce document ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvez-vous attendre ma question --

28 R. [aucune interprétation]

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1 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ma commis aux audiences me dit à très juste

2 titre que nous devrions placer la version anglaise du texte sur l'écran, et

3 que ce que nous voyons actuellement est la page 4. Donc, j'indique que cela

4 figure en page 4 de la version anglaise.

5 Q. Monsieur Kadriu, pourriez-vous brièvement nous dire ce qu'est ce

6 document ?

7 R. Ce document indique le nombre de personnes qui ont quitté ces villages,

8 et vous avez la liste des villages ici de la municipalité de Skenderaj,

9 mais il s'agit également de villages de la municipalité de Vushtrri. Ils

10 ont quitté cette région. Ils se sont rendus dans notre ville ou dans des

11 villages situés aux alentours de notre ville. Il s'agit là d'une liste de

12 villages qui sont au nombre d'une vingtaine, et vous avez les chiffres

13 relatifs aux réfugiés qui ont quitté ces régions. Et au bas, vous avez le

14 nombre total des personnes que nous avons enregistrées, car il était

15 difficile de se rendre dans chaque maison pour pouvoir enregistrer tous

16 ceux qui étaient partis. Mais ceci reflète la situation à ce moment-là.

17 Q. Merci. Encore une dernier question sur ce document, même si vous y avez

18 sans doute déjà répondu. Avez-vous fourni des renseignements à la Croix-

19 Rouge, qui sont inclus dans ce décompte ?

20 R. Oui. La Croix-Rouge menait également sa propre enquête, et nous

21 échangions des informations avec elle. Nous étions en étroite coopération

22 avec la Croix-Rouge.

23 Q. Merci.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un document de la Croix-Rouge,

25 n'est-ce pas, Monsieur Marcussen ?

26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, en effet, oui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

28 M. MARCUSSEN : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Kadriu, dans votre déclaration écrite vous décrivez également

2 une opération militaire menée en juin 1998, une opération d'envergure. Vous

3 estimez que 40 000 réfugiés à peu près sont arrivés dans votre municipalité

4 suite à cette offensive. Avez-vous également participé à l'enregistrement

5 de ces réfugiés arrivés à ce moment-là ?

6 R. Bien, les militants du Conseil des droits de l'homme et de liberté

7 ainsi que la Croix-Rouge et d'autres organisations ont participé à

8 l'enregistrement de ces gens. Mais les personnes venaient surtout dans les

9 villages de notre municipalité. Nous estimions leur nombre à

10 approximativement 40 000, car ils étaient logés à Fushe Kosova, Obilic,

11 Mitrovica, Skenderaj, donc c'est une estimation.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, je ne vais pas tarder

13 à perdre patience. Une question très précise vient de vous être posée, et

14 encore une fois vous n'y avez pas répondu. Avez-vous personnellement

15 participé à l'enregistrement, telle était la question, l'enregistrement de

16 ces réfugiés arrivés au mois de juin ? Nous connaissons déjà le nombre.

17 Nous savons que vous n'étiez pas le seul à procéder à ces enregistrements.

18 Ce que nous voulons savoir c'est si vous avez personnellement fait partie

19 du groupe qui enregistrait ces personnes.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai dit.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Vous voyez comme c'est facile

22 finalement.

23 Monsieur Marcussen, vous pouvez poursuivre.

24 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Les réfugiés ont-il reçu à manger -- pour l'instant, je ne vous parle

26 que de la nourriture ?

27 R. Oui, bien entendu. Il fallait les alimenter.

28 Q. Qui distribuait de la nourriture aux réfugiés ?

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1 R. En plus des familles qui les aidaient, il y avait également

2 l'organisation Mère Teresa, qui avait une représentation à Vushtrri à

3 l'époque, qui donnait à manger aux réfugiés.

4 Q. Les autorités officielles, est-ce qu'elles distribuaient des vivres aux

5 réfugiés ?

6 R. Non.

7 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous poser quelques brèves questions au

8 sujet de l'attaque de votre village le 22 septembre 1998. Vous dites dans

9 votre déclaration écrite que très tôt le matin vous avez vu des chars

10 prendre position aux abords de votre village. Où vous trouviez vous lorsque

11 vous avez vu ces chars ?

12 R. Ce matin-là, j'étais chez moi. Quand nous avons reçu l'information

13 selon laquelle nous étions encerclés et nous avons entendu le bruit des

14 chars, nous nous sommes mis en route et nous voulions nous préparer à

15 partir, surtout moi qui était membre du Conseil aux droits de l'homme.

16 Q. Je vais vous interrompre. Pourriez-vous décrire en peu de mots l'aspect

17 des chars que vous avez vus. D'abord, est-ce qu'ils avaient des roues ou

18 est-ce qu'ils avaient des chenilles ?

19 R. Les chars que nous avons vus étaient de plusieurs types. J'ai vu de

20 gros chars au cimetière du village. Ensuite, j'ai vu un Praga, c'est ainsi

21 qu'appelait ce type de char, l'armée yougoslave, il avait des canons de

22 grande taille. J'ai vu un transporteur monté sur roues, avec des roues en

23 caoutchouc, et d'autres véhicules motorisé qui étaient proches les uns des

24 autres et ils étaient positionnés vers Cicavica où l'opération allait avoir

25 lieu.

26 Q. Ces chars, de quelle couleur étaient-ils ?

27 R. Les chars étaient verts, vert gris olive. Les polices étaient en train

28 de faire des recherches dans les rues alors que les chars étaient un petit

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1 peu plus loin.

2 Q. Bien. Avant que nous ne parlions des personnes qui sont arrivées dans

3 la ville, je vous demande si tous ces véhicules que vous venez de décrire

4 était de la même couleur, à savoir que cette couleur, gris vert olive,

5 qu'on appelle couleur SMB ?

6 R. [aucune interprétation]

7 Q. Ensuite, vous dites aussi que des personnes sont arrivées dans votre

8 village, et vous dites que ces personnes étaient des policiers. Quel était

9 l'aspect de l'uniforme porté par ces hommes ?

10 R. Je les avais vus précédemment sortir des maisons. Je les ai vus dans

11 deux maisons en construction. J'ai vu des policiers en uniforme de

12 camouflage vert et en uniforme de camouflage bleu. Ils portaient des

13 casques sur leurs têtes et des gilets pare-balles. Ces gilets pare-balles

14 n'étaient pas assortis à la couleur de leurs uniformes, parfois.

15 Q. Ces hommes que vous avez vus qui portaient un uniforme vert, étaient-ce

16 également des policiers d'après vous, parce que c'est ce qu'on lit au

17 compte rendu d'audience en anglais ?

18 R. Oui, c'était la police qui fouillait les maisons et expulsait les

19 habitants des maisons, alors que les militaires étaient plus loin, étaient

20 sur leurs positions et observaient le terrain.

21 Q. Comment savez-vous que ces hommes en uniforme vert appartenaient à la

22 police ?

23 R. La police serbe portait trois types d'uniformes, voire davantage.

24 Parfois, elle portait des uniformes de camouflage bleu, parfois, des

25 uniformes de camouflage vert, et parfois, des uniformes, bleu uni, des

26 uniformes qu'elle portait auparavant, avant les années 1990.

27 Q. Mais y a-t-il quelque chose de particulier que vous avez vu sur ces

28 hommes en uniforme vert qui vous pousse à dire que c'étaient des

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1 policiers ? Avez-vous vu des inscriptions sur leurs uniformes ? Est-ce

2 qu'ils avaient des insignes particuliers vous poussant à penser cela ?

3 R. J'avais déjà vu ces insignes auparavant, je n'ai pas vu ces insignes.

4 Je n'étais pas assez proche. C'est l'impression que j'avais, parce que nous

5 avions vu les policiers souvent. Auparavant, il n'était pas difficile pour

6 nous de les reconnaître.

7 Q. Dernière question sur cet événement. Vous avez fui personnellement,

8 vous avez dit aux hommes jeunes de fuir également vers les montagnes.

9 Pourquoi leur avez-vous dit cela ?

10 R. Je craignais pour la vie de ces jeunes car ces opérations débouchaient

11 habituellement sur des tueries. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré

12 aux jeunes hommes de fuir pour sauver leurs vies.

13 Q. Page 8 de votre déclaration écrite, à partir du paragraphe 3 et

14 jusqu'au paragraphe 11, vous donnez de nombreux détails d'une enquête qui a

15 eu lieu, et vous fournissez des détails au sujet des personnes qui ont été

16 tuées et des dégâts constatés dans un certain nombre de villages. Alors,

17 j'ai une question très courte à ce sujet. Est-ce vous qui êtes allé

18 personnellement dans toutes les localités dont le nom figure dans votre

19 déclaration écrite ?

20 R. Oui. Je me suis rendu dans tous les endroits répertoriés ici. J'ai

21 visité tous ces endroits dans les trois jours.

22 Q. Vous parlez de "nous" dans votre déclaration écrite. Qui vous

23 accompagnait, si des gens vous accompagnaient ?

24 R. Il y avait un collègue à moi, un autre militant du Conseil aux droits

25 de l'homme et aux libertés. Parfois, nous étions deux, parfois, nous étions

26 trois, selon les possibilités de circulation que nous avions.

27 Q. Merci. Avez-vous conservé des notes ou d'autres documents personnels au

28 sujet de ces événements de cette période ?

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1 R. Oui. En ce qui concerne les endroits que j'ai visités et les corps que

2 j'ai vus, je tenais des notes que je fournissais au Conseil aux droits de

3 l'homme.

4 Q. Quand vous avez fait votre déclaration devant les représentants du

5 Procureur en décembre 2000, avez-vous consulté vos notes pour parler de

6 tous ces événements ?

7 R. Oui, c'est exact, car il est impossible de se souvenir de tout. C'est

8 la raison pour laquelle j'ai consulté mes notes.

9 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous parlions des événements survenus

10 au mois de mars, c'est-à-dire à partir du 27 mars 1999, précisément. J'ai

11 des questions bien précises à vous poser à ce sujet pour apporter des

12 éclaircissements sur un certain nombre de sujets.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Mais au préalable, j'informe les Juges de

14 la Chambre qu'à la page 12, paragraphe 3, les annexes à la déclaration

15 préalable sont évoquées. Vous avez déjà vu ces annexes, à savoir le dessin

16 de camouflage des uniformes. Vous trouverez un exemplaire dans la pièce

17 IC42, Mesdames, Messieurs les Juges.

18 Q. Excusez-moi, Monsieur Kadriu, je reviens maintenant à vous. Vous

19 expliquez dans votre déclaration écrite avoir reconnu un des policiers qui

20 est arrivé le 1er avril. Vous l'avez identifié en disant qu'il s'appelait

21 Dragan Petrovic. Comment connaissez-vous son nom ?

22 R. Tous les habitants de la municipalité de Vushtrri connaissent Dragan

23 Petrovic car il était connu pour terroriser et soumettre des violences sur

24 les citoyens de Vushtrri. C'est le même Dragan Petrovic qui se rendait

25 souvent dans l'école où je travaillais pour nous arrêter et nous emmener au

26 commissariat pour nous interroger. Je n'étais pas le seul à le connaître;

27 tous les habitants de la municipalité le connaissaient.

28 Q. Mais vous avez été arrêté et interrogé par lui, c'est ainsi que vous

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1 avez retenu son nom; c'est bien cela ?

2 R. Lorsqu'il nous emmenait au commissariat pour nous y interroger, il nous

3 insultait et ordonnait à ces subalternes d'enregistrer nos données

4 personnelles.

5 Q. Vous a-t-il dit son nom ? Est-ce lui qui vous a dit comment il

6 s'appelait, soit au moment de votre arrestation, soit au moment où il vous

7 a interrogé ? Comment savez-vous son nom ?

8 R. Nous connaissions tout simplement son nom. A partir de 1990, nous avons

9 eu des problèmes fréquents avec Petrovic. Parfois, Petrovic et Ljubisa

10 Simic signaient les déclarations que nous étions amenés à faire.

11 Q. Un peu plus loin dans votre déclaration écrite, vous dites avoir vu un

12 homme dont le nom est Ali Mernica. Vous dites qu'il a été emmené, vous

13 pensez qu'il a été abattu. Alors, vous expliquez que cet homme avait prêté

14 certaines de ces maisons pour qu'elles servent d'écoles quand l'école a

15 fermé en 1991. Est-ce que vous avez enseigné aux enfants dans cette école,

16 dans l'une ou l'autre de ces maisons ?

17 R. Ali Mernica a mis à disposition trois ou quatre de ses magnifiques

18 maisons pour que nous les utilisions comme écoles albanaises pendant des

19 années.

20 Q. Avez-vous eu avant les événements de 1999 la possibilité de le

21 rencontrer personnellement ?

22 R. Oui, à plusieurs reprises.

23 Q. Merci. Dans votre déclaration écrite vous parlez également du fait que

24 lorsque vous vous êtes retrouvé en prison, vous avez reconnu là-bas un

25 certain nombre de personnes. Pourriez-vous, très brièvement, en quelques

26 mots à peine, décrire ces personnes ? D'abord, Dusko Janjic, dans quelles

27 conditions avez-vous fait sa connaissance ?

28 R. C'était lors de mon deuxième séjour en prison. Après notre arrestation,

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1 on nous a emmenés à la prison de Smrekovnica. J'ai reconnu à ce moment-là

2 Janjic, que je connaissais déjà, c'est lui qui dirigeait l'équipe qui

3 enregistrait notre identité avant que nous soyons envoyés en prison.

4 Q. D'où savez-vous son nom ?

5 R. Je connaissais son nom parce qu'en 1995 et 1997, lorsque j'ai été

6 arrêté à cause de mes activités au sein du Conseil aux droits de l'homme et

7 aux libertés, pour mes activités en tant qu'enseignant albanais, il m'avait

8 convoqué à un interrogatoire pour me poser des questions au sujet de mes

9 activités au sein du Conseil aux droits de l'homme et aux libertés.

10 Maintenant, je me souviens de son nom complet, Dusko Janjic.

11 Q. Qu'en est-il de l'homme dont vous dites dans votre déclaration écrite

12 qu'il s'appelle Simic ? Dans quelles conditions avez-vous fait sa

13 connaissance ?

14 R. Simic était l'adjoint du commissaire de police Janjic. Je le

15 connaissais, parce qu'il se rendait également dans nos classes, dans nos

16 écoles parallèles, interrompait les cours. Je sais qu'un jour il a

17 maltraité l'une de mes collègues en la giflant devant les étudiants. Il

18 s'agissait de Ljubisa Simic.

19 Q. Mais dans votre déclaration vous ne dites pas quel est le prénom de M.

20 Simic. Vous rappelez-vous ce prénom aujourd'hui ?

21 R. C'est Ljubisa Simic. C'est possible que j'aie oublié, parce que parfois

22 cela m'arrive. Je ne me souviens pas des noms.

23 Q. Dans la prison, il y avait deux autre hommes que vous cités, et je vais

24 maintenant vous interroger au sujet de Zoran Vukotic. Dans quelles

25 conditions avez-vous fait sa connaissance ?

26 R. Avant 1998, Zoran Vukotic travaillait à l'administration du tribunal

27 municipal de Vushtrri. Ensuite, il a été mobilisé dans la police. C'était

28 un monstre, un criminel qui passait à tabac ou maltraitait tous ceux qu'il

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1 voulait. C'est la raison pour laquelle il n'a pas été difficile de le

2 reconnaître dans la prison, car il a reproduit ce qu'il faisait ailleurs

3 dans la prison. Il a également maltraité les prisonniers.

4 Q. Comment avez-vous appris son nom ? J'ai compris que selon vous, c'était

5 quelqu'un de connu, mais comment ? Dans quelles conditions avez-vous appris

6 son nom ?

7 R. Ce n'était pas difficile de connaître son nom. Notre municipalité ne

8 compte pas un nombre excessivement élevé d'habitants. Tout le monde connaît

9 tout le monde, pour ainsi dire. En tant que membre du Conseil aux droits de

10 l'homme et aux libertés, je me suis intéressé à lui. Je me suis posé la

11 question de savoir pourquoi il était si connu. C'était le fils de Danilo

12 Vukotic.

13 Q. Sasa Manojlovic, dans quelles conditions avez-vous fait sa

14 connaissance ? Je vous demande vraiment de nous dire très précisément quel

15 est l'élément qui justifie que vous connaissiez son nom ?

16 R. Je ne connaissais pas Sasa Manojlovic auparavant. Je l'ai rencontré

17 pour la première fois lorsque j'ai été envoyé à la prison de Smrekonica.

18 Avec Vukotic, ils infligeaient des violences brutales aux détenus. Un autre

19 collègue, un professeur qui était en prison avec moi et d'autres habitants

20 du village de Drvar, dont venait Sasa Manojlovic, nous ont parlé de lui,

21 car ils savaient très bien qui il était.

22 Q. Dans cette prison, quel était le nombre de détenus dans la cellule où

23 vous vous trouviez vous-même ?

24 R. Au début, nous n'étions pas si nombreux. Plus tard, nous nous sommes

25 trouvés au nombre de 63 dans une seule cellule. La prison était pleine,

26 même les couloirs. Il n'y avait plus aucun espace.

27 Q. Quelle était à peu près la taille de votre cellule ?

28 R. Quatre mètres sur trois, quatre mètres sur quatre. Je n'ai pas mesuré,

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1 mais c'est l'impression que j'ai.

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demande que l'on soumette au témoin la

3 pièce P46.

4 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

5 R. Je reconnais ce document.

6 Q. Est-ce bien un document que vous avez découvert et remis au bureau du

7 Procureur de ce Tribunal ?

8 R. Je l'ai trouvé au bureau de l'assemblée municipale, plus précisément

9 dans les bureaux de la Défense du peuple. Il n'y a pas que ce document, il

10 y a d'autres documents que j'ai ici avec moi.

11 Q. Quand avez-vous trouvé ces documents ?

12 R. Je ne sais pas exactement quel jour, mais c'était tout de suite après

13 la fin de la guerre.

14 Q. Est-ce vous qui avait ramassé ces documents personnellement ?

15 R. En tant que président de la commission d'enquête sur les crimes de

16 guerre, c'était mon rôle de recueillir ce document que nous avons consigné

17 dans les archives de notre municipalité.

18 Q. Pouvez-vous dire à quel endroit vous avez trouvé ces documents ? Est-ce

19 que vous les avez trouvés sur un bureau, dans un classeur, dans une

20 armoire, où cela ?

21 R. Ces documents-ci ont été retrouvés dans un tiroir dans le bureau numéro

22 9. Au début, nous ne pensions pas qu'il s'agissait de documents importants,

23 mais par la suite ils se sont avérés importants. Certains amis qui

24 connaissent les Serbes mieux que moi m'ont aidé à les traduire. C'est à ce

25 moment-là que je suis rendu compte de leur importance et que les ai séparés

26 des autres documents qui étaient consignés dans les archives.

27 Q. Ce document est une demande d'approvisionnement destinée à la prison

28 dans laquelle vous étiez détenu. On y trouve une liste d'un certain nombre

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1 d'articles, farine, sucre, haricots et têtes de bétail destinées à être

2 abattues. Est-ce que vous receviez de la viande dans les repas qu'on vous

3 servait en prison ?

4 R. Non.

5 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais que nous examinions maintenant

6 la pièce P53.

7 Q. Est-ce que c'est également un document qui a été trouvé par vous ?

8 R. Oui.

9 Q. Ce document porte la date du 16 mai 1999. On y lit que 830 000 hommes

10 au total ont été arrêtés. Est-ce que ce nombre correspond d'après vous à

11 peu près au nombre de prisonniers qui se trouvaient dans la prison où vous

12 vous trouviez vous-même ?

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que le chiffre est 830.

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Qu'est-ce que j'ai dit ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 830 000.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, ce serait quand même pas mal, ce

17 serait beaucoup.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement.

19 M. MARCUSSEN : [interprétation] 830.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la prison où je me trouvais, il y avait à

21 peu près 2 000 personnes. Le document que vous venez de projeter indique le

22 nombre de détenus à la prison de Smrekovnica. Ce chiffre indique le nombre

23 de détenus au début. Plus tard, lorsque les gens étaient ramenés des

24 convois de réfugiés se rendant vers l'Albanie, lorsque ces gens étaient

25 transférés à la prison de Smrekovnica, le nombre a augmenté et a atteint

26 les 2 000.

27 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci. J'aimerais à présent que nous

28 examinions la pièce P2386 pour définir les événements survenus avant votre

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1 arrestation.

2 Q. Je vous demande encore une fois si c'est un document que vous avez

3 trouvé personnellement ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vous demanderais d'abord, et cela se trouve au premier paragraphe du

6 texte -- enfin j'indique au préalable que ce document évoque les réfugiés

7 arrivés à Vushtrri le 30 mai. On y lit que 30 000 réfugiés à peu près sont

8 arrivés à ce moment-là dans cette localité. Le texte est signé par le

9 président du conseil municipal. Ceci correspond-il à peu près à ce que vous

10 savez être le nombre des réfugiés ?

11 R. Oui, c'est bien cela. Même sans avoir vu ce document, lorsque j'ai fait

12 ma déclaration écrite je vous ai donné ce chiffre, c'est-à-dire environ 30

13 000 personnes.

14 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais vous poser des questions au sujet

15 d'autres documents que vous avez trouvés. Ensuite je reviendrai à vos

16 enquêtes.

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout d'abord, pouvons-nous voir la pièce

18 P1335, s'il vous plaît. Merci.

19 Q. Ce document c'est aussi un des documents que vous avez trouvé ?

20 R. Oui.

21 Q. Il s'agit d'une décision de nommer Slobodan Doknic comme président de

22 la cellule de Crise. Slobodan Doknic, vous le connaissez ?

23 R. Oui, oui, je le connais très bien.

24 Q. D'où le connaissez-vous ?

25 R. Je le connaissais auparavant, il était mon professeur de serbo-croate

26 lorsque j'étais à l'école secondaire. Par la suite, nous étions collègues.

27 Nous avons travaillé ensemble à l'école supérieure de Muharrem Bektashi à

28 Vushtrri.

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1 Q. Est-ce la même personne dont vous parlez dans votre déclaration à la

2 page 4, troisième paragraphe, qui vous a dit que l'école avait été fermée ?

3 R. C'est la même personne.

4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ensuite je vous demanderais de nous montrer

5 la pièce P447.

6 Q. Il s'agit d'un document que vous avez trouvé ici aussi ?

7 R. Oui.

8 Q. Il s'agit d'une liste de membres qui ont été nommés à la cellule de

9 Crise de la municipalité. Le document est daté 17 juin 1998. Parmi les noms

10 répertoriés en tant que membres de la cellule de Crise, y a-t-il des

11 Albanais ?

12 R. Non, non, pas d'Albanais sur cette liste. Excusez-moi une seconde. Dans

13 le coin en haut à droite, il est marqué "narodna obrana", cela veut dire

14 Défense populaire, et en dessous il est écrit qu'il s'agit d'un document

15 confidentiel. C'est en haut à droite sur ce document.

16 Q. Oui. Merci. Cela se retrouve dans la traduction du document également.

17 Je voudrais maintenant --

18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai fait une faute,

20 et grâce aux bons efforts du personnel du Tribunal, nous avons la bonne

21 pièce sur l'écran, même s'il y a un problème dans le compte rendu

22 d'audience. A la page 25, ligne 14, il faut lire pièce P477.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pouvons-nous maintenant voir la pièce

25 P1334, s'il vous plaît ?

26 Q. Ce document, c'est aussi un document que vous avez trouvé dans le

27 bâtiment municipal ?

28 R. Oui, avec les autres documents que vous avez montrés.

Page 5079

1 Q. Ce document-ci, il s'agit d'une commission pour le recensement dans

2 votre municipalité. Il a été rédigé par le personnel de la cellule de Crise

3 le 3 mai. Ce serait le lendemain de l'arrivée du convoi dans lequel vous

4 vous trouviez qui venait du nord de Vushtrri ?

5 R. Oui, c'est bien cela.

6 Q. Quelle est l'origine ethnique de ces personnes qui font partie de cette

7 commission ?

8 R. A l'exception d'une personne qui est Albanaise, les autres sont tous

9 des Serbes ou des Monténégrins.

10 Q. Maintenant, je devrais vous demander si vous le savez, quelle est la

11 composition ethnique de votre municipalité avant les grands mouvements de

12 population ? Je veux parler de 1998, bien sûr.

13 R. Quasiment à 100 % Serbes et Monténégrins. Lorsqu'on a révoqué

14 l'autonomie du Kosovo, les travailleurs albanais de l'administration ont

15 été renvoyés. Ils n'en restaient que quelques-uns. Parmi ceux qui sont

16 restés, nous trouvons le nom de la personne d'origine albanaise que l'on

17 trouve sur cette liste.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que la réponse est une

19 réponse à la question de la composition des fonctionnaires de la

20 municipalité.

21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, je pense.

22 Q. Dans le ==

23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président.

24 M. LUKIC : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic.

26 M. LUKIC : [interprétation] Je pense que ceci a été très mal traduit. Cela

27 n'a rien à voir avec la commission de recensement. Il s'agit d'une

28 commission d'enregistrement. Alors, ce qu'ils allaient enregistrer, on ne

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1 le voit pas très clairement dans ce document. En Serbe, vous ne dites pas

2 "popisna komisija", vous dites "komisija za popis stanovnistva", ce qui est

3 quelque chose de tout à fait différent. Ce document ne sert pas à prouver

4 le dossier de l'Accusation.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez avoir raison Monsieur

6 Lukic, mais je pense que vous pouvez voir cela lors du contre-

7 interrogatoire. Merci d'avoir attiré notre attention sur ces difficultés.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous l'expliquer, Mesdames

9 et Messieurs les Juges ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, allez-y.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque ces commissions de recensement ont été

12 formées, c'est que le gouvernement serbe voulait savoir combien de

13 personnes avaient été expulsées et combien de personnes étaient restées sur

14 place. Le 3 mai, c'est cette commission, je ne sais pas si toutes les

15 personnes qui apparaissent dans cette liste en étaient membres, cela je ne

16 peux pas le voir, mais c'est la commission qui enregistrait le nombre de

17 personnes qui étaient expulsées et celles qui étaient d'Albanie.

18 Evidemment, ce n'est pas écrit sur le document. On n'écrit pas l'objectif

19 de cette commission sur ce document, mais c'était bien cela l'objectif de

20 cette commission.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 Monsieur Marcussen.

23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je crois que nous allons passer à la pièce

24 suivante, P487. Pourrons-vous voir la deuxième page, s'il vous plaît ?

25 Merci.

26 Q. Monsieur Kadriu, est-ce qu'il s'agit ici aussi d'un document que vous

27 avez récupéré dans la mairie ?

28 R. Oui.

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1 Q. De quoi s'agit-il ?

2 R. Ce document a été trouvé dans un carnet de note. Il s'agit des notes et

3 des personnes qui étaient mobilisées à l'époque. C'est ce que nous avons

4 trouvé et que nous avons remis aux enquêteurs du Tribunal.

5 Q. Le haut du document est écrit en alphabet cyrillique, puis les noms

6 sont écrits en alphabet latin ?

7 R. Oui. Je ne sais pas. C'est ce que nous avons trouvé. C'est le document

8 tel que nous l'avons trouvé, et nous l'avons remis aux enquêteurs. Je ne me

9 suis pas penché longuement sur ce document. Parfois, il y avait des choses

10 en alphabet cyrillique, et parfois c'était écrit en alphabet latin.

11 Q. Avant de venir ici aujourd'hui, avez-vous eu la possibilité de lire les

12 noms qui figurent dans cette liste ?

13 R. Oui.

14 Q. Et --

15 R. Lorsque je suis venu ici pour déposer dans l'affaire Milosevic, j'ai

16 confirmé tous ces noms. Il y avait des références croisées à d'autres

17 documents que nous avons également trouvés au sujet de cette mobilisation

18 de personnes.

19 Q. Quelle est l'origine ethnique des personnes que vous retrouvez dans

20 cette liste, si vous pouvez en juger d'après les noms ?

21 R. Si je ne me trompe pas, ce sont tous des Serbes et Monténégrins. Cela

22 fait longtemps que je n'ai plus vu ce document.

23 Q. Je voudrais revenir à une question que j'avais posée auparavant et

24 qu'il faudrait approfondir. Dans votre municipalité, combien y avait-il de

25 Serbes, d'Albanais et de Rom qui vivaient-là, si vous avez une idée du

26 pourcentage entre différents groupes ?

27 R. Je ne pourrais pas vous donner une réponse exacte. Je sais qu'environ

28 90 % ou même plus étaient Albanais. Les autres étaient des Serbes, des Rom,

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1 et cetera.

2 Q. Merci.

3 R. Il y avait un recensement qui a été effectué en 1981. J'étais tout

4 jeune à l'époque, mais il n'y a pas eu de recensement par la suite.

5 Q. Merci. Revenons à votre déclaration écrite. Au début de la page 21,

6 vous faites une liste des victimes du massacre du convoi le 2 mai 1999.

7 Vous avez dit auparavant que vous aviez mené des enquêtes sur ce qui s'est

8 passé dans votre municipalité. Avez-vous également enquêté sur le massacre

9 du convoi du 2 mai ?

10 R. Je me trouvais personnellement dans ce convoi du 2 mai. Par la suite,

11 j'ai enquêté sur cette affaire, parce que je n'ai pas pu tout voir lorsque

12 je me trouvais dans le convoi. Il fallait faire d'autres enquêtes par la

13 suite.

14 Q. Bien sûr. Votre expérience dans ce convoi est décrite ici dans votre

15 déclaration. Cela fait partie de vos éléments de preuve. Avez-vous réalisé

16 des enquêtes seul ou y avait-il d'autres personnes qui vous aidaient ?

17 R. Nous avons fait cette enquête avec les représentants de la commission

18 d'enquête. J'étais le chef de cette commission, mais il y avait d'autres

19 membres. Tous les 15 jours, nous avions une réunion et nous discutions de

20 chaque affaire séparément. Nous échangions des informations, des rapports,

21 et nous discutions de toutes les affaires. Cela se faisait tous les 15

22 jours.

23 Q. Comment avez-vous pu réunir les noms que vous avez dans votre

24 déclaration ? Est-ce que vous avez interrogé les témoins des massacres, par

25 exemple ?

26 R. Oui. Nous avons auditionné les témoins de ce massacre. Mesdames et

27 Messieurs les Juges, si vous voulez les dossiers, j'ai les dossiers de

28 chacun des témoins et de ce qu'ils ont dit. Si le Collège voulait voir ces

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1 dossiers, je peux vous les fournir.

2 Q. Vous ou d'autres membres de la commission qui ont auditionné les

3 témoins, avez-vous des déclarations écrites de ces témoins ?

4 R. Oui, oui. Nous posions des questions et nous prenions des notes. Nous

5 avons tout écrit. Dans la marge de gauche, les témoins signaient la

6 déclaration, et l'enquêteur signait à droite de la déclaration écrite. Je

7 ne sais pas si nous avons des dossiers pour absolument toutes les victimes,

8 mais pour la plupart, oui. Vous devez également avoir un dossier de ma

9 déclaration lors de l'affaire Milosevic avec un croquis de l'endroit, le

10 nom des personnes, et cetera. J'imagine que cela se trouve au Tribunal.

11 Q. Oui, oui, nous l'avons, mais nous n'allons pas verser cette pièce au

12 dossier en l'espèce.

13 Lorsque vous avez déclaré en décembre 2000, lorsque vous avez fait votre

14 déclaration au bureau du Procureur et que vous avez donné tous ces noms

15 dans votre déclaration, avez-vous consulté les différents dossiers pour

16 élaborer cette liste de noms qui est reprise dans la déclaration écrite ?

17 R. Oui. Avec les enquêteurs si je me souviens bien, oui, oui.

18 Q. Vous expliquez dans votre déclaration que certains de ces cadavres ont

19 été exhumés. Savez-vous où ces exhumations ont eu lieu ?

20 R. Immédiatement après la guerre. Je ne me souviens pas du mois, peut-être

21 juillet, août. Il y avait une équipe française qui a réalisé ces

22 exhumations, et non seulement à Studime, mais également dans d'autres

23 fosses communes. Pour cette affaire c'était à Studime donc l'exhumation a

24 eu lieu, à Studime. Nous n'avions pas beaucoup d'information de la part de

25 cette équipe qui a réalisé l'exhumation.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, où se trouve la

27 référence à l'exhumation dans la déclaration écrite ?

28 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que c'est après la liste de

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1 personnes. J'espère ne pas me tromper, ce n'est apparemment pas cela.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela peut ne pas avoir d'importance,

3 mais il doit y avoir d'autres éléments de preuve qui reprennent les noms

4 des personnes que l'on trouve dans le tableau I ?

5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, j'ai prévenu par courriel mes

6 collègues que j'allais proposer de verser au dossier les rapports des

7 légistes français après la déposition de ce témoin et indiquer où il y

8 avait un endroit où les victimes avaient été enterrées.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, je

10 voudrais poser une question au témoin.

11 Bajram Mulaku était-il membre de votre comité pour les droits de l'homme et

12 les libertés ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, Bajram Mulaku était président ou

14 vice-président du parti LDK, mais pas de mon organisation.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je voudrais que l'on montre la pièce P333,

17 page 13.

18 Q. Monsieur Kadriu, il s'agit de photos en noir et blanc.

19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pouvons-nous zoomer sur la photo du haut,

20 s'il vous plaît ? Ce n'est pas une photo de toute bonne qualité.

21 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet endroit ?

22 R. Oui. Il s'agit d'une photo de la zone entre Studime e Eperme et Studime

23 e Poshtme où a eu lieu le massacre du 2 mai. C'est à l'entrée de la fosse

24 commune.

25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette photo n'étant pas très bonne, je ne

26 vais pas approfondir là-dessus.

27 Q. C'est bien l'endroit où vous avez trouvé cette fosse commune ?

28 R. Oui, oui, c'est bien cela. C'est plus proche de Studime e Eperme.

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1 Q. On peut voir une route sur cette photo, comme un trait horizontal. De

2 quel côté de cette route avez-vous trouvé cette fosse commune, derrière les

3 arbres ou vers le bas de la photo ?

4 R. Cette fosse se trouve au-delà du fleuve. Il y a un petit fleuve ici,

5 mais on ne le voit pas très bien sur cette photo. Cette photo n'est pas

6 très bonne, mais c'est au-delà du fleuve. Il y a un monument là. Nous avons

7 érigé un monument pour commémorer les victimes de ce massacre.

8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Alors, essayons de voir la page suivante et

9 de voir la photo du bas.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Est-ce que je peux poursuivre mes

11 commentaires ? Ceci est clair.

12 M. MARCUSSEN : [interprétation]

13 Q. S'agit-il de l'entrée à l'endroit où cette fosse commune était

14 trouvée ?

15 R. Oui, c'est bien l'entrée. Maintenant, il y a un pont à cet endroit.

16 Maintenant, l'aspect est différent de ce que l'on voit sur cette photo.

17 Cette photo doit avoir été prise tout de suite après la guerre parce qu'on

18 y a construit un pont. Il y a aussi les monuments dont je vous ai parlé.

19 Q. Merci, Monsieur Kadriu. Une dernière question --

20 R. Bienvenue.

21 Q. -- qui porte sur les enquêtes auxquelles vous avez participé. Il s'agit

22 du massacre de 74 personnes le 22 mai. Dans votre déclaration écrite vous

23 dites que ces 74 personnes sont disparues. Depuis votre déclaration écrite,

24 avez-vous reçu des informations au sujet du destin de ces personnes ?

25 R. Oui. Lorsque j'ai témoigné, à ce moment-là on ne savait rien de ces

26 personnes. Elles étaient disparues. Nous soupçonnions qu'elles avaient été

27 tuées, mais nous n'avions aucune preuve. Entre-temps, cinq cadavres sont

28 revenus de Batajnica 5. La plupart de ces 74 personnes ont été enterrées

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1 dans le cimetière pour les victimes des crimes de guerre. A l'époque, nous

2 ne savions pas que ces victimes avaient été exécutées le 22 mai. Cela s'est

3 passé dans une rue qui s'appelle maintenant la rue du 22 mai, ensuite elles

4 ont été envoyées à la fosse commune de Batajnica à Belgrade. Chaque cadavre

5 avait un chiffre et il était écrit "Batajnica". Tous les cadavres n'ont pas

6 été envoyés, mais la plupart d'entre eux.

7 Q. Merci.

8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Dernière pièce pour aujourd'hui, la pièce

9 P2393.

10 Q. Monsieur Kadriu, reconnaissez-vous ce document ?

11 R. Ce document comprend les noms des personnes qui ont été supprimées et

12 les corps de ces cadavres sont allés à Batajnica. Nous avons gardé ces noms

13 de ces personnes lorsque les corps ont été retournés.

14 Q. Avez-vous préparé la liste ?

15 R. Oui, avec un collègue, nous avons rédigé cette liste. Ce n'est pas la

16 liste de tous les cadavres qui sont revenus. Ces personnes ont été tuées le

17 22 mai, bien sûr, mais nous n'avons fait la liste que des corps qui sont

18 revenus.

19 Q. Merci.

20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et

21 Messieurs les Juges, j'ai terminé mon interrogation de ce témoin.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-vous au sujet de cet événement

23 donner des éléments de preuve de ce qui s'est passé à Batajnica 5 ?

24 M. MARCUSSEN : [interprétation] Si, je suis au courant, je crois savoir que

25 des éléments de preuve relatifs à tous les sites de Batajnica vont être

26 soumis à la Chambre. Tout d'un coup, j'ai un doute à l'esprit. En tout cas,

27 c'est ce que j'ai cru comprendre.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que c'est un événement qui ne

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1 figure pas à l'acte d'accusation, n'est-ce pas ?

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] En effet.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne change rien à ce que j'ai dit ce

5 matin. Ce qui vient d'être évoqué, n'est évoqué qu'à titre de complément

6 d'élément de preuve dans la mesure où la déclaration écrite indique que ces

7 personnes sont portées disparues et que le témoin dit savoir que ces

8 personnes sont décédées.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand a été effectué le travail sur le

10 site de Batajnica 5 ?

11 M. MARCUSSEN : [interprétation] 2002-2003, je pense.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en 2002.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous allez traiter de cette

15 question du versement au dossier des documents et notamment du tableau ?

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Si un moment opportun se présente, je peux

17 le faire quand nous aurons terminé le contre-interrogatoire du témoin.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous devriez aborder

19 cette question avant le contre-interrogatoire, au cas où des problèmes

20 surgiraient.

21 M. MARCUSSEN : [interprétation] D'accord. Je demande le versement au

22 dossier des rapports des médecins légistes français qui ont travaillé à ces

23 exhumations suite au massacre du 2 mai. Les pièces à conviction concernées

24 sont la pièce P331, 332, 333 et 334. Je demande également le versement du

25 rapport sommaire de l'équipe de légistes français qui constitue la pièce

26 P206, ainsi que des pages pertinentes qui sont les pages 10 à 18 de ce

27 rapport. Egalement, le versement au dossier du rapport balistique relatif à

28 ce site particulier que l'on trouve à la page 40 de la pièce P210. Je

Page 5089

1 demande également le versement au dossier des pièces à conviction

2 intégrales ainsi que des portions de pièces à conviction que je viens de

3 citer.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que sont les pièces P331 à 334 ?

5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce sont les rapports intégraux des médecins

6 légistes ayant travaillé à ces exhumations qui présentent un certain nombre

7 d'éléments d'information au sujet des cadavres, et notamment la cause de la

8 mort.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

10 Maître Visnjic.

11 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, une question ou plutôt

12 un commentaire. Si j'ai bien compris, le bureau du Procureur va entendre un

13 autre témoin au sujet du rapport des médecins légistes qui fera également

14 l'objet d'un contre-interrogatoire de la part de la Défense. Je ne sais pas

15 si notre contre-interrogatoire se limitera à ce document, au tableau en

16 d'autres termes. Je ne sais pas si ce n'est pas la Défense qui devrait,

17 suite au contre-interrogatoire, en demander le versement au dossier.

18 Techniquement parlant, il me semble que puisque nous allons procéder à ce

19 contre-interrogatoire de l'expert de l'Accusation au sujet des rapports de

20 légistes, c'est à nous qu'il appartiendrait de demander le versement au

21 dossier de ce document.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci, si la Chambre ne fait pas droit

23 à votre requête demandant le rejet des rapports de ces experts. Est-ce que

24 vous laissez entendre que votre requête ne concerne pas ces rapports

25 d'expert ?

26 M. VISNJIC : [interprétation] Un instant seulement, Monsieur le Président.

27 Je vous prie.

28 [Le conseil de la Défense se concerte]

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1 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce serait sans doute

2 utile que je demande le report de la décision de la Chambre sur ce point

3 particulier tant que les Juges ne se sont pas prononcés sur le sort à

4 réserver à notre requête.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai bien compris ce que vous voulez

6 dire, Maître Visnjic.

7 Monsieur Marcussen, est-ce qu'il est certain qu'un témoin sera entendu par

8 le biais duquel ces documents pourront être versés au dossier ?

9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que par le mot "certain" vous

10 voulez parler de la situation où il ne serait pas fait droit à la requête

11 de la Défense. En tout cas, nous nous proposons d'entendre un témoin qui

12 parlera et auxquels seront soumis tous les rapports de médecins légistes

13 ayant participé à ces exhumations particulières et pas à toutes.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'une des difficultés s'agissant de la

15 requête présentée par Me Visnjic, c'est que vous avez un certain nombre

16 d'alliés du côté de la Défense, et qu'en fait vous êtes contre cette

17 requête. Donc, la situation n'est pas noir et blanc.

18 M. MARCUSSEN : [interprétation] En effet.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quoi qu'il en soit, nous allons

20 réfléchir à votre proposition s'agissant de l'admission du tableau, et nous

21 rendrons notre décision un peu plus tard dans la journée.

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] M'autorisez-vous à ajouter quelques mots ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

24 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je sais que l'heure tourne. Je voudrais

25 également demander l'admission d'un élément dont je fais état dans notre

26 notification de ce témoin, mais qui n'a pas été évoqué oralement ce matin.

27 Le témoin a identifié un certain nombre de policiers, et je demanderais que

28 les noms qui figurent en page 4 de la pièce P2235 et qui sont évoqués, si

Page 5091

1 je ne m'abuse, dans la réponse relative à l'identification des auteurs de

2 ces actes dans d'autres pages de ce document, soient versés au dossier par

3 le biais de ce témoin, compte tenu que d'autres témoins en ont également

4 parlé. Je demande le versement au dossier de la page 4 de cette pièce à

5 conviction également.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, avez-vous un

7 commentaire ?

8 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, pour le compte

9 rendu d'audience, nous présentons les mêmes objections que celles que nous

10 avons soulevées par rapport à ces documents.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Compte tenu que le problème qui se

12 pose maintenant est un problème de poids à accorder à ces éléments en temps

13 utile, et que vous aurez la possibilité de vous exprimer avant notre

14 décision définitive sur la valeur de ces documents, la situation est

15 claire.

16 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, une fois que nous aurons

18 réfléchi à l'admission ou pas de ces documents, nous rendrons notre

19 décision, mais elle viendra ultérieurement.

20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, il nous faut faire la

22 pause. Donc --

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Président, j'ai

24 une requête à présenter car j'ai apporté des diapositives du Kosovo où l'on

25 voit le massacre de la famille Jashari. Si la Chambre souhaite visionner

26 ces diapositives, je peux les mettre à sa disposition en tant que preuve

27 matérielle.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, connaissez-vous

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1 l'existence de ces diapositives ?

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je suis au courant de l'existence de ces

3 photographies, et M. Kadriu a eu la gentillesse d'apporter ces

4 photographies à notre demande. Quand je les ai regardées hier, j'ai décidé

5 de ne pas en demander le versement à ce stade tardif. Je vous remercie.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

7 Monsieur Kadriu, je pense que chacun apprécie à leur juste valeur les

8 efforts que vous déployez pour nous fournir le maximum

9 d'éléments d'information. Les questions sur lesquelles nous avons à nous

10 prononcer ne pourront pas l'être plus facilement, je le crains, grâce aux

11 éléments dont vous nous demandez l'examen.

12 Dans la procédure qui nous intéresse ici, c'est aux parties, à savoir

13 à l'Accusation et à la Défense, qu'il appartient normalement de demander le

14 versement au dossier d'éléments de preuve matériels tels que les

15 diapositives dont vous venez de parler. M. Marcussen a indiqué qu'après

16 avoir réfléchi à la situation, et en ne perdant pas de vue le Règlement qui

17 s'applique, il estime qu'il n'est pas nécessaire de demander le versement

18 au dossier de ces photographies. Donc, nous allons aller dans son sens. Si

19 un représentant de la Défense a une position différente, vous pourrez sans

20 doute répondre à des questions que la Défense vous posera sur ce point.

21 Mais pour le moment, nous vous remercions de votre initiative, mais nous ne

22 pensons pas que ces photographies ajouteraient quoi que ce soit aux

23 éléments de preuve qui nous sont nécessaires pour nous prononcer sur les

24 questions cruciales de cette affaire.

25 M. l'Huissier va vous accompagner hors du prétoire pour une pause de 20

26 minutes.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez quitter le prétoire avant que

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1 nous ne le quittions nous-même. Je vous remercie.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprenons nos débats dans 20

5 minutes, peu après 11 heures.

6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.

7 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic.

9 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant l'entrée du témoin

10 dans le prétoire, j'aimerais vous demander quel est le temps imparti à la

11 Défense, puisque ce témoin est à cheval sur deux catégories, témoin de vive

12 voix et témoin 92 ter.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que proposez-vous en l'espèce ?

14 M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas. Il faudrait voir avec les

15 autres équipes de défenseurs.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un peu difficile parce qu'avec

17 des témoins qui parlent des faits et qui sont présentés au titre de

18 l'article 92 ter, en général, c'est une demi-heure seulement. Nous pouvons

19 peut-être régler le problème. Nous pouvons considérer que des exceptions

20 sont possibles à la règle. Que proposez-vous ?

21 M. LUKIC : [interprétation] Je pense que l'Accusation conviendra avec moi

22 qu'elle n'a pas abordé de nombreux éléments qui figurent dans la

23 déclaration écrite de ce témoin en se concentrant uniquement sur des points

24 déterminés. Donc, je pense que nous aurons pas mal de points autres que

25 ceux abordés par l'Accusation à évoquer avec le témoin aujourd'hui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela ne nous aide pas beaucoup.

27 M. LUKIC : [interprétation] Au titre de l'article 92 ter.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que proposez-vous ?

Page 5094

1 M. LUKIC : [interprétation] Lorsque nous interrogeons des témoins 92 ter,

2 nous disposons, en général, de deux fois plus de temps que l'Accusation, si

3 j'ai bien compris ?

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

5 M. LUKIC : [interprétation] Mais je ne sais pas si nous aurons besoin de

6 deux fois plus de temps.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ferez de votre mieux pour

8 terminer l'audition de ce témoin aujourd'hui.

9 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et si possible avant la fin de la

11 journée. Cela me paraît raisonnable.

12 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous des commentaires du côté de

14 l'Accusation, Monsieur Marcussen ?

15 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous avons une

16 déclaration préalable de 32 pages, qui effectivement, est plus étoffée que

17 pas mal d'autres déclarations.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne nous pose pas vraiment de

19 problèmes. Le problème pour les Juges réside davantage dans la façon de

20 gérer cette affaire sur le plan administratif. L'Accusation a disposé d'un

21 temps forfaitaire, la Défense, non. Mais nous nous rendons compte des

22 difficultés. Nous devons nous adapter aux exigences particulières de

23 l'audition de chaque témoin. Nous espérons que l'audition de témoins à

24 venir pourra peut-être durer moins longtemps que le maximum prévu par le

25 Règlement. Donc, nous pouvons rattraper le temps perdu. Nous verrons au fil

26 de l'interrogatoire.

27 Maître O'Sullivan ?

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. O'SULLIVAN : [interprétation] L'ordre d'apparition des conseils sera :

2 le conseil du général Lukic, puis le conseil du général Pavkovic, le

3 conseil du général Lazarevic, le conseil du général Ojdanic, le conseil de

4 M. Milutinovic et le conseil de M. Sainovic.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, c'est à vous.

6 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kadriu. Je m'appelle Branko Lukic,

9 et je suis le conseil de la Défense de M. Lukic dans la présente affaire.

10 R. Bonjour.

11 Q. Je vais essayer d'aborder des points précis de votre déposition

12 aujourd'hui. Lorsque vous avez parlé de la pièce P8, vous avez cité le

13 chiffre de 30 000 réfugiés, à peu près, en ajoutant que l'Etat n'avait pas

14 fourni de vivres à ces réfugiés. Avez-vous demandé à ce que des vivres

15 soient distribués aux réfugiés ?

16 R. A cette époque, il était absurde de demander des vivres à l'organisme

17 qui vous avait expulsé de votre maison. Les gens étaient expulsés sous la

18 menace des armes, et non seulement ils n'osaient pas s'approcher de leurs

19 bureaux --

20 Q. Merci, merci. Mais ensuite, l'Accusation vous a soumis la pièce P2386,

21 document dans lequel on lit que des vivres ont été demandés pour 30 000

22 personnes aux autorités. Est-ce qu'une demande a été présentée dans ce sens

23 à ce moment-là ou est-ce que c'est l'Etat lui-même qui a fait cette offre ?

24 R. Le document retrouvé à l'endroit que j'ai évoqué précédemment précise

25 que le gouvernement avait coutume d'indiquer dans un document que des

26 vivres avaient été demandés ou distribués. Mais en réalité, ce n'était pas

27 le cas. La population était affamée et mangeait parfois des racines pour

28 pouvoir survivre. Dans mon village lors de l'été 1998 lorsque les gens ont

Page 5096

1 fui Drenica --

2 Q. Donc, vous dites dans votre déposition que la pièce qui vous a été

3 soumise par l'Accusation aujourd'hui est inexacte. Est-ce ce que vous dites

4 dans votre déposition ?

5 R. Non. La pièce à conviction présentée par l'Accusation est un document

6 du gouvernement, mais ce document n'est pas exact. Le document précise

7 qu'il y a lieu d'alimenter les détenus et les réfugiés. Or, dans la

8 pratique, ce n'était pas le cas.

9 Q. Vous avez parlé de Smrekovnica, nous reviendrons sur le point dont nous

10 discutions à l'instant, un peu plus tard. Je vais continuer à vous poser

11 des questions sur d'autres aspects de votre déposition aujourd'hui. Combien

12 de membres de votre convoi ont été envoyés à Smrekovnica, si vous le

13 savez ?

14 R. Le convoi était composé d'à peu près 30 000 personnes, mais lorsque

15 l'on nous a séparés de nos familles pour être envoyés en prison, je ne sais

16 pas combien nous étions. Je peux dire que nous étions nombreux. Les camions

17 étaient pleins de prisonniers envoyés en détention ce jour-là. Il y avait

18 des camions qui avaient été confisqués et qui ont été utilisés pour le

19 transfert vers la prison de Smrekovnica. Plus tard --

20 Q. Merci. S'il y a quelque chose que vous ne sachiez pas, dites-le sans

21 hésiter. Dites que vous ne savez pas.

22 R. Veuillez m'excuser. Je voudrais expliquer quelque chose. Plus tard,

23 certains gardes nous ont dit que --

24 Q. Excusez-moi. Un instant, je vous prie. Il y a un système qui fonctionne

25 ici, le Président de la Chambre, M. le Juge Bonomy, vous l'a expliqué. Ce

26 système est le suivant, nous vous posons des questions et vous répondez aux

27 questions posées. Si la partie adverse, à savoir l'Accusation, croit que

28 vous avez besoin d'expliquer davantage un point particulier, elle vous

Page 5097

1 interrogera à ce sujet. Mais nous n'avons que peu de temps pour des

2 explications de ce genre. Nous disposons de votre déclaration écrite. Nous

3 avons entendu votre déposition orale. Les comptes rendu d'audience sont

4 disponibles. Nous essayons de terminer votre audition aujourd'hui. Merci.

5 R. Je vous en prie, j'essaie de répondre à ma manière, pas à votre

6 manière.

7 Q. Monsieur Kadriu, je vous pose ma question suivante. Puisque vous ne

8 m'avez pas dit savoir quel était le nombre de personnes qui avaient été

9 envoyées à Smrekovnica, je vous demande si vous connaissez le nombre

10 d'hommes qui étaient présents dans la colonne dont vous faisiez partie et

11 qui avançaient ? Si vous le savez, dites-le. Si vous ne le savez pas, dites

12 que vous ne savez pas.

13 R. Non, je ne sais pas combien d'hommes se trouvaient dans le convoi.

14 Q. Merci. Merci.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Savez-vous à peu près quel était le

16 pourcentage des personnes se trouvant dans le convoi qui étaient des

17 hommes ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on part du principe qu'il y avait à peu

19 près 30 000 personnes dans ce convoi, les documents qui ont été montrés ici

20 indiquent ce chiffre, on pourrait dire que 10 000 d'entre eux étaient des

21 hommes, puisque le convoi était également composé d'hommes, de femmes, de

22 personnes âgées, d'enfants et cetera.

23 M. LUKIC : [interprétation]

24 Q. Merci. Sur ces 10 000 personnes, il n'y a pas plus de 800 personnes qui

25 ont été envoyées à Smrekovnica, n'est-ce pas ? Je lis le chiffre de 830

26 dans le document.

27 R. Oui. Mais en l'espace de trois jours, ce nombre est passé à 2 000

28 détenus. Il y a un document qui évoque le nombre de 2 000 détenus.

Page 5098

1 Q. Mais je suppose qu'il y avait des gens qui arrivaient à Smrekovnica de

2 divers endroits, pas seulement du secteur où vous habitiez, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Oui, il y avait des cas.

4 Q. Merci. Au début de votre déclaration écrite, vous dites que votre frère

5 était responsable de la logistique pour l'UCK à Tirana.

6 L'INTERPRÈTE : Signe affirmative de la tête du témoin.

7 M. LUKIC : [interprétation]

8 Q. Est-ce que son travail consistait, entre autres, à s'approvisionner en

9 équipement divers pour l'UCK ?

10 R. Oui.

11 Q. Merci.

12 R. Pas des armes, mais il s'agissait surtout d'enregistrer les volontaires

13 qui venaient d'ailleurs pour combattre au Kosovo. Il s'agissait de

14 questions liées au traitement.

15 Q. Merci.

16 R. Mon frère étudiait à Tirana, du fait qu'il étudiait à Tirana, il était

17 devenu persona non grata au Kosovo. Il n'était pas autorisé à y rentrer.

18 Q. Cela figure dans votre déclaration écrite, nous disposons de ces

19 informations. Vous dites que vous souhaitiez l'instauration d'une

20 République de Kosovo, que vous avez participé au mouvement de libération de

21 la région. Est-ce que votre volonté concernait tous les territoires habités

22 par des Albanais de souche, à savoir, y compris la Grèce, la Macédoine, le

23 Monténégro, la Serbie méridionale et l'ensemble du Kosovo ?

24 R. Non, pas la Grèce, mais les autres territoires habités par des Albanais

25 comportaient des organisations de ce type. Nous demandions la création de

26 la République du Kosovo dans le cadre de la Yougoslavie. Nous ne voulions

27 pas une république, mais nous voulions l'indépendance du Kosovo.

28 Q. Nous savons cela. Merci. Vous étiez également membre du Conseil des

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1 droits de l'homme, créé en 1990. Qui étaient les membres de ce conseil ?

2 R. Est-ce que vous parlez du conseil central ou de la branche dans

3 laquelle je travaillais ? La question n'est pas claire.

4 Q. Je parle de la branche dans laquelle vous travaillez, celle qui fait

5 l'objet de votre déposition.

6 R. Initialement, il y avait un grand nombre de membres, à peu près 70

7 membres du Conseil des droits de l'homme et des libertés. Il s'agissait de

8 membres passifs, pour ainsi dire, ensuite, les dirigeants étaient au nombre

9 de sept. Maxhuni était président de la branche. Par la suite, sa maison a

10 fait l'objet d'une perquisition. Compte tenu du danger, il a déménagé en

11 Albanie. Ensuite, je l'ai remplacé en tant que président du conseil.

12 Q. Merci. Sommes-nous en droit de conclure que tous les membres de ce

13 Conseil des droits de l'homme étaient Albanais ?

14 R. Il y avait également deux Turcs qui étaient des membres, mais il n'y

15 avait pas des représentants des autres minorités.

16 Q. Vous vous occupiez des atteintes aux droits de l'homme. Vous

17 concentriez-vous sur les atteintes aux droits de l'homme subies par des

18 catégories bien précises de la population ? Par exemple, est-ce que vous

19 suiviez simplement les atteintes aux droits de l'homme dont étaient

20 victimes les Albanais ?

21 R. Non. Nous étions l'organe qui menait des enquêtes sur les violations

22 des droits de l'homme. Mais dans la majorité des cas, c'était les droits

23 des Albanais qui faisaient l'objet de violations. Pour ce qui était des

24 Serbes, ils étaient protégés par le gouvernement serbe, qui leur donnait

25 des terrains, des maisons. Un jour, un garde forestier a été tué, j'ai

26 déposé un rapport au Conseil serbe de la défense des droits de l'homme et

27 des libertés. Je pensais qu'il s'agissait d'un meurtre, j'ai signalé

28 l'incident au conseil. Je voulais souligner également que si de tel cas

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1 s'était présenté, j'aurais mené une enquête à leur sujet.

2 Q. Merci.

3 R. Je vous en prie.

4 Q. A un autre endroit dans votre déposition vous dites que des gens ont

5 été tués au Kosovo, que par la suite ces personnes ont été qualifiées de

6 victimes de guerre en Bosnie et en Croatie. Alors, je ne comprends pas très

7 bien cette partie de votre déclaration écrite. Est-ce que vous dites dans

8 votre déposition qu'une personne pouvait être tuée ou, en tout cas, pouvait

9 mourir au Kosovo, et qu'après tout, les autorités auraient déclaré que

10 cette personne avait en fait été tuée en Bosnie et en Croatie ?

11 R. Non, non. Il doit avoir une confusion. En l'occurrence, je parle des

12 jeunes enrôlés à la JNA. Lorsque la guerre en Bosnie et en Croatie a

13 éclaté, les jeunes du Kosovo ne voulaient pas se rendre coupables de

14 meurtres d'innocents, de ce fait, ils ont été persécutés par les hommes de

15 Pavkovic. Ces hommes ont été rapatriés au Kosovo dans des cercueils. Plus

16 tard, nous allions mener une enquête sur ces cas. C'est cela que je voulais

17 dire.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi un instant. Quelle est la

19 page de la déclaration préalable du témoin qui est concernée ? Je me

20 souviens avoir lu cela quelque part.

21 M. LUKIC : [interprétation] Dans la version anglaise, c'est la page 4,

22 paragraphe 5. Pour la version albanaise, même numérotation; ainsi que pour

23 la version en B/C/S.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

25 M. LUKIC : [interprétation]

26 Q. Est-ce que vous dites dans votre déposition aujourd'hui, par

27 conséquent, que les gens qui refusaient d'être incorporés dans les rangs de

28 l'armée étaient tués ?

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1 R. S'il s'agissait d'être dans l'armée, personnellement j'ai été dans

2 l'armée en 1987 et 1988 pour mon service militaire. Mais lorsque la JNA

3 était impliquée dans les meurtres des civils en Croatie, ils ne voulaient

4 être enrôlés dans la JNA. Ils avaient des réticences, ils ne voulaient pas

5 tuer des civils innocents.

6 Q. Mais ce que je vous demandais c'est si quelqu'un pouvait être tué pour

7 avoir refusé d'être incorporé dans les rangs de l'armée. Parce que je crois

8 que c'est cela que vous avez dit il y a quelques instants.

9 R. Oui. Sur trois corps, nous avons trouvé des impacts de balle,

10 notamment, le corps d'un jeune homme du village de Reznik portait des

11 blessures par balle, il a été tué. C'est la raison pour laquelle nous

12 pensons que les officiers tuaient les soldats.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, ce que vous dites,

14 c'est que des Albanais incorporés dans les rangs de la JNA, s'ils

15 refusaient de faire ce qu'on leur disait de faire, revenaient dans des

16 cercueils; est-ce bien ce que vous dites ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. Ils ne voulaient pas

18 participer à la guerre en Croatie. Les officiers de la JNA tuaient les

19 soldats albanais qui faisaient partie des rangs de l'armée à cette époque.

20 Il existe de nombreux cas de soldats originaires du Kosovo dont les corps

21 ont été rapatriés dans des cercueils. Je veux expliquer que dans la

22 doctrine --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est tout ce que j'ai besoin

24 d'entendre de votre bouche pour le moment, Monsieur Kadriu. Pour le moment,

25 nous poursuivrons le contre-interrogatoire.

26 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Q. Maître Kadriu, est-ce que vous vous prononciez dans le même sens,

28 lorsque vous étiez confronté à des assassinats au Kosovo également, c'est-

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1 à-dire que chaque fois que vous trouviez une blessure par balle ou des

2 traces de blessures sur un cadavre, vous partiez du principe que la

3 personne en question avait été victime d'une exécution ?

4 R. Non, pas à chaque fois. Par exemple, il y a le corps d'une personne qui

5 était tuée à cause d'un obus, cela a été confirmé qu'elle avait été tuée,

6 que cette personne avait été tuée à la suite d'un bombardement. Les experts

7 médico-légaux examinaient les corps. Si vous me le permettez, Maître Lukic,

8 je vais vous donner des explications. L'armée yougoslave existait pour

9 défendre l'ennemi de l'extérieur, pas pour tuer sa propre population. Les

10 soldats du Kosovo considérait les civils croates comme faisant partie de la

11 population de la Yougoslavie.

12 Q. Monsieur Kadriu, nous entrons maintenant dans un débat qui n'a rien à

13 voir avec mon contre-interrogatoire. Je ne vous ai pas parlé d'éclats

14 d'obus ou de blessures de ce genre. Je vous demande si chaque fois que vous

15 trouviez un indice montrant qu'une personne avait été tuée par balle, vous

16 en tiriez la conclusion que cette personne avait été exécutée ? C'était

17 cela ma question.

18 R. Non, pas chaque fois.

19 Q. Merci, merci. Avançons. Alors, vous dites que c'était en 1991 que, pour

20 la première fois, vous avez entendu parler de l'UCK. Connaissiez-vous les

21 objectifs de l'UCK ?

22 R. Oui, effectivement. Les violences, l'oppression exercée par la police,

23 l'armée et les autres dispositifs mis en place à la disposition du

24 gouvernement yougoslave occupent en conséquence que la population a fui ses

25 foyers pour se réfugier dans les montagnes. Nous ne voulions pas la guerre,

26 ils ne nous laissaient pas en paix dans nos maisons. Ils nous passaient à

27 tabac devant nos familles, devant nos mères, nos sœurs. Mon père a été

28 passé à tabac en présence de mes sœurs. C'est la raison pour laquelle nous

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1 avons dû prendre les armes pour nous défendre. C'était une question de

2 défense.

3 Q. Bien. Nous sommes dans ces conditions en droit de conclure que vous

4 faisiez partie de l'UCK, n'est-ce pas ? Puisque vous avez dit : "Nous avons

5 dû prendre les armes et nous défendre."

6 R. Non. Personnellement, je n'étais pas membre de l'UCK. Si j'avais été

7 membre de l'UCK, je vous l'aurais dit. Je ne l'étais pas. J'étais membre du

8 Conseil de la défense des droits de l'homme et des libertés. Cela aurait

9 été un honneur d'être membre de l'UCK, mais je ne l'ai pas été.

10 Q. Merci, merci. Est-il exact que dès 1986 l'UCK a mené des actions contre

11 la police, par exemple, à Gornji Klina, non loin de votre village de Bukos,

12 l'UCK a attaqué un poste de contrôle tenu par la police en tuant deux

13 policiers de Serbica. Ceci est-il exact ?

14 R. Il n'y avait pas de poste de police dans le village de Bukosh.

15 Cependant, la police, assistée par l'armée, se rendait parfois dans les

16 villages, harcelait les gens. Les gens se protégeaient et --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, s'il vous plaît, s'il

18 vous plaît, écoutez la question. Ce qui vous a été demandé, c'est : si vous

19 étiez au courant du fait que deux policiers avaient été tués à un poste de

20 contrôle du village de Bukos en 1996 ? Est-ce que vous êtes au courant ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis au courant. Mais, Mesdames et

22 Messieurs les Juges, il n'y avait pas de poste de police là-bas.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, un instant, vous dites

24 "Pas de poste de contrôle." Me Lukic va obtenir des éclaircissements de

25 votre part. Ecoutez la question de Me Lukic, je vous prie.

26 M. LUKIC : [interprétation]

27 Q. Ces hommes ont été tués dans le village de Gornja Klina, qui est tout

28 près de votre village de Bukos, n'est-ce pas ?

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1 R. Maître Lukic, je pense que vous vous trompez, car Klina est éloigné de

2 mon village. Il y a un autre Klina dans la municipalité de Skenderaj. Si

3 vous voulez dire, Prekaze, effectivement, Prekaze est situé près de mon

4 village. Mais Bukos, oui Bukos est situé près de mon village.

5 Q. Alors est-ce que vous êtes au courant du fait qu'en 1996, à Bukos, des

6 membres de l'UCK, dirigés par Adem Jashari et accompagnés de Milahim et de

7 Meho Zeka, ont attaqué un poste de contrôle de la police ?

8 R. Non, c'est inexact. Cela ne s'est pas passé au village de Bukos en

9 1996. Je suis sûr qu'il n'y a pas eu d'attaque menée contre les forces

10 serbes à l'époque.

11 Q. Vous ne savez pas donc ?

12 R. Je pense que vous avez des informations erronées. Je suis sûr qu'il n'y

13 a pas eu d'attaque de ce type en 1996. C'était en mars 1999. Ce n'était pas

14 une attaque, c'était de la légitime défense. Maître Lukic, vous n'avez pas

15 l'information correcte.

16 Q. Vous n'êtes pas au courant d'une attaque à Gornja Klina ?

17 R. Non.

18 Q. Vous dites que vous ne savez pas ou que cela ne s'est pas passé ?

19 R. Non, j'ai dit simplement que je n'en n'ai pas connaissance.

20 Q. Merci. Saviez-vous qu'Adem Jashari était un des dirigeants de l'UCK

21 déjà en 1996 ?

22 R. Je sais qu'il était un des dirigeants de l'UCK, mais je ne sais pas

23 quand il l'est devenu.

24 Q. Merci. Etes-vous au courant du fait qu'en 1998, l'UCK était si

25 puissante qu'elle tenait tout le territoire de Drenica, conformément à ce

26 que vous dites dans votre déclaration écrite ? Sommes-nous par conséquent

27 en droit de conclure qu'à ce moment-là, il n'y avait pas de forces serbes

28 dans ce secteur ?

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1 R. En 1998, à l'exception des routes qui étaient sous la maîtrise des

2 forces serbes, il n'y avait pas de présence serbe dans le village. Il est

3 vrai que les routes principales étaient aux mains des forces serbes.

4 Q. Savez-vous si les membres de l'UCK habitaient dans les secteurs qu'ils

5 contrôlaient ?

6 R. Pourriez-vous répéter la question ?

7 Q. Est-il exact que les membres de l'UCK ne se contentaient pas d'investir

8 les collines et les forêts, mais qu'ils s'installaient dans les villages

9 lorsqu'ils contrôlaient ces villages ? Par exemple, ils installaient leur

10 quartier général, dans les écoles de ces villages ?

11 R. Ils ne se trouvaient pas habituellement dans les écoles, mais ils

12 avaient leur camp, par "eux" j'entends l'UCK. Ils ne se trouvaient pas dans

13 les zones résidentielles ou dans les maisons des habitants. S'il y avait

14 une maison vide que quelqu'un avait construite, ils s'y installaient. Ils

15 ne restaient pas chez les habitants. Peut-être parfois ont-ils utilisé les

16 écoles. Ce que vous dites, ce que vous présentez comme une pratique

17 habituelle, je pense que ce n'était pas le cas.

18 Q. Merci. Je citais ce comportement à titre d'exemple. Je n'ai pas dit que

19 c'était un comportement régulier. Je vous demande à présent si en 1998 et

20 1999, il y avait des membres de l'UCK qui ne revêtaient pas leurs

21 uniformes. Etes-vous au courant de cela ?

22 R. C'est possible, car il y avait de nombreuses personnes qui voulaient

23 rejoindre les rangs de l'UCK, et il n'y avait pas suffisamment d'uniformes

24 pour en donner à tout le monde.

25 Q. Merci. Vous évoquez également dans votre déclaration écrite les

26 événements survenus le 28 février 1999.

27 M. LUKIC : [interprétation] Qui se trouvent dans la version anglaise du

28 texte, page 5, paragraphe 5, alors que dans la version albanaise ce passage

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1 se trouve en page 5, paragraphe 4.

2 Q. Vous dites dans ce passage avoir entendu des tirs d'artillerie

3 provenant de Cirez et Likosane. Je vous demande en conséquence si vous avez

4 entendu dire que ce jour-là l'UCK a attaqué une patrouille régulière de la

5 police, soit dans le village de Cirez, soit dans le village de Likosane ?

6 R. J'ai entendu les tirs d'artillerie serbes. C'était à l'aube. Ils

7 tiraient sur Qirez et Likoshane. Je ne savais pas que l'on bombardait ces

8 villages à ce moment-là. J'ai entendu les tirs d'artillerie distinctement.

9 Plus tard, lorsque je me suis rendu là-bas, j'ai entendu que l'armée et la

10 police ensemble avaient attaqué ces deux villages. Il y a d'autres villages

11 qui ont fait l'objet d'attaques plus tard. Dans ces deux villages, des

12 personnes ont trouvé la mort.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, la question qui vous

14 a été posée consistait à vous demander quand vous avez entendu parler du

15 meurtre de ces deux policiers ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en n'ai pas entendu parler. Plus tard,

17 j'ai entendu qu'il y a eu une fusillade, mais je n'ai pas entendu parler du

18 meurtre des deux policiers.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que nous lisons dans votre

20 déclaration c'est ce qui suit, je cite : "Selon eux, il s'agissait

21 d'habitants de Cirez et de Likosane. La veille, il y avait eu échange de

22 tirs entre l'UCK et les Serbes et deux policiers serbes avaient été tués à

23 Cirez."

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'ai peut-être entendu plus tard

25 qu'il y a eu une fusillade. Lorsque j'ai fait ma déclaration, je m'en

26 souvenais mieux. C'est quelque chose que j'ai entendu par d'autres, pas

27 quelque chose dont j'ai eu connaissance personnellement. Toutefois,

28 personne n'a parlé du corps de ces deux policiers. Les médias serbes n'en

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1 n'ont pas fait état. On ne disait rien au sujet du meurtre de ces

2 policiers.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous comprenez pourquoi

4 cette question vous est posée parce que vous avez signé une déclaration

5 dans laquelle vous dites que certaines personnes que vous aviez rencontrées

6 vous avaient dit qu'il y avait eu échange de tirs entre l'UCK et les

7 Serbes, et que deux policiers serbes avaient été tués à Cirez. Tout ce que

8 M. Lukic souhaite apprendre de votre bouche, c'est si vous avez découvert

9 cet événement le jour même ou à un autre moment. C'est tout ce qu'il vous

10 demande. C'est très simple. Vous dites que vous ne vous souvenez pas. Il

11 serait utile que vous le disiez clairement. Ceci est-il exact ? Est-ce que

12 vous ne vous souvenez pas ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'avais entendu parler de cette

14 fusillade. Plus tard, comme je le dis dans ma déclaration, j'ai appris que

15 les deux policiers avaient été tués. Ce n'est pas quelque chose que j'ai pu

16 vérifier par moi-même. C'est quelque chose qui m'a été rapporté.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les mots "plus tard" ne figurent pas

18 dans votre déclaration écrite. C'est la raison précisément pour laquelle Me

19 Lukic vous interroge afin de savoir exactement à quel moment vous en avez

20 entendu parler, à quel moment vous l'avez appris. Je crois être en droit de

21 conclure sur la base de votre réponse que vous ne vous souvenez pas. Ceci

22 est-il exact ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, je ne m'en souviens pas. Tout

24 ce que je peux dire c'est que ce n'est que plus tard.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Merci.

26 Maître Lukic, veuillez poursuivre.

27 M. LUKIC : [interprétation]

28 Q. Vous n'avez pas assisté à ces affrontements de Cirez. Vous n'en n'avez

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1 pas été témoin oculaire ?

2 R. Non. Je me suis rendu à Qirez plus tard. Si j'avais été là au milieu du

3 conflit, je ne serais pas ici pour en parler aujourd'hui.

4 Q. Cela, nous ne pouvons pas en être sûr. Est-il exact que vous n'avez pas

5 vu les cadavres des hommes qui ont été tués ?

6 R. Non. Pour les personnes qui ont été tuées, la famille Ahmeti et Sejdiu,

7 cela s'est produit un ou deux jours après la bataille ou la fusillade qui a

8 eu lieu là-bas. Nous avons également pris des photographies des corps des

9 victimes. Je peux vous les montrer si vous le voulez.

10 Q. Savez-vous si ces hommes qui ont péri participaient aux affrontements

11 du côté de l'UCK ?

12 R. Non. Dans la famille Ahmeti, aucun des membres n'était membre de l'UCK.

13 Il en va de même pour les frères Sejdiu. Il y a un membre de la famille

14 Nebiu -- deux membres de cette famille qui n'appartenaient pas à l'UCK,

15 mais qui étaient armés pour protéger leurs maisons. Je sais que pour ce qui

16 est des familles Sejdiu et Ahmeti, aucun des membres de ces familles

17 n'était membre de l'UCK. La famille Nebiu résistait et était armée, mais je

18 ne sais pas s'ils étaient membres de l'UCK.

19 Q. Toutes les personnes qui ont été tuées au cours de cet incident se

20 trouvaient en réalité physiquement tout près du lieu de conflit, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Ce n'était pas un champ de tir. Il s'agissait de villages habités. Les

23 choses se passaient dans les maisons des habitants. Les gens étaient forcés

24 de quitter leur famille. Par exemple, il y a une femme qui a été touchée

25 par un obus dont la moitié du crâne a été arrachée. Il s'agissait d'un

26 endroit très peuplé.

27 Q. Je suppose que cet obus n'est pas arrivé d'un lieu situé tout près,

28 mais qu'il est arrivé d'un lieu situé à une certaine distance et qu'il

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1 visait les positions à partir desquelles on tirait sur les forces serbes,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Ecoutez, les Serbes ont fait irruption dans le village et ont fouillé

4 la maison des Nebiu, qui ont résisté. Pour ce qui est de la femme que j'ai

5 évoquée, Mme Rukija, elle a été tuée par un obus antiaérien. Elle se

6 trouvait au deuxième étage de sa maison. Elle a été touchée et la partie

7 supérieure de son crâne avait été arrachée lorsque je l'ai vue. C'est un

8 corps dont je me souviens.

9 Q. Merci. Vous parlez également de l'état dans lequel étaient ces

10 cadavres. Les cadavres de la famille Ahmeti ont-ils été effectivement

11 envoyés à l'hôpital de Pristina ? Y a-t-il eu autopsie de ces cadavres ?

12 R. Ce qui a été dit à ce moment-là, et je le sais car la foule s'est

13 rassemblée là-bas pour l'enterrement, les corps ont été retenus à Pristina.

14 Les tombes avaient été creusées. Nous attendions 23 corps qu'il fallait

15 enterrer, pas seulement la famille Ahmeti. Il y avait également des enfants

16 que nous voulions inhumer.

17 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-il exact que les cadavres de

18 la famille Ahmeti ont été envoyés à l'hôpital de Pristina et qu'une

19 autopsie a été réalisée sur ces corps ? Est-ce que vous le savez ? Si vous

20 ne le savez pas, dites-le également.

21 R. Je ne sais pas où ils étaient, à Pristina ou ailleurs. Je sais que les

22 corps ont été restitués plus tard. Ils portaient les marques de l'autopsie.

23 Je ne peux pas dire si les corps ont été autopsiés à Pristina ou ailleurs.

24 Les corps furent rendus assez tard en soirée.

25 Q. Merci. Vous dites dans votre déclaration écrite que vous suspectez que

26 certaines femmes de la famille Ahmeti auraient été victimes de viols. Dans

27 les rapports qui ont été adressés au conseil dont vous étiez membre, est-ce

28 que vous précisez le nom de ces femmes ?

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1 R. Ecoutez --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, pourriez-vous, je

3 vous prie répondre à la question ?

4 M. LUKIC : [interprétation]

5 Q. Ma question était la suivante : dans votre rapport adressé au conseil,

6 avez-vous fait état du fait que ces femmes avaient été violées et avez-vous

7 fait figurer leurs noms ?

8 R. Nous n'avons pas indiqué les noms. Nous avions tout simplement indiqué

9 que cela était possible. C'est, si vous voulez, un des aspects culturels

10 aux traditions du pays. Nous voulions envoyer une femme pour interroger ces

11 femmes. En tant qu'hommes, nous ne pouvions pas nous-mêmes interroger ces

12 femmes. Vous pouvez imaginer combien il est difficile pour une victime de

13 viol de déclarer qu'elle a été victime d'un viol.

14 Q. Avez-vous envoyé cette femme auprès de la femme victime de viol pour

15 l'interviewer ?

16 R. Non, nous n'avons envoyé personne. J'ai demandé au comité central de

17 dépêcher un médecin, une femme médecin, mais je n'ai pas eu d'indication

18 quant à la suite qui a été donnée à cette demande.

19 Q. Merci. Vous dites que les Jashari étaient souvent visés par les

20 attaques des Serbes car ils opposaient à celles-ci une résistance armée;

21 ceci est-il exact ?

22 R. La famille Jashari avait fait l'objet d'attaques précédentes sans

23 qu'elle oppose une quelconque résistance. Il est difficile de savoir s'il y

24 a eu résistance ou non et de quelle nature était cette résistance. Nous ne

25 pouvions pas entendre les coups de feu éventuels qu'ils tiraient car avec

26 les tirs de l'armée il était impossible d'entendre quoi que ce soit et nous

27 ne pouvions pas pénétrer dans la zone.

28 Q. Ce qui est exact, Monsieur, n'est-il pas en réalité que les Jashari

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1 mettaient en œuvre une stratégie agressive et non défensive ? Ils faisaient

2 partie de gens qui attaquaient la police et les civils en réalité ?

3 R. Lorsque Jashari a été tué, il était chez lui. La question était que

4 faisaient les forces serbes chez lui ? Ce n'était pas la première fois que

5 sa maison avait été encerclée. Même en 1998 des femmes de la famille

6 Jashari ont été blessées.

7 Q. Exact. Ce n'était pas non plus la première fois qu'Adem Jashari,

8 accompagné de ses frères et de certains amis à lui, attaquaient la police

9 serbe et les forces serbes. Ceci est-il exact ? C'est en raison de cela

10 qu'ils étaient sans arrêt pourchassés; ceci n'est-il pas exact ?

11 R. Où cela exactement ? Où ces attaques ont-elles eu lieu ? Où Adem

12 Jashari et ses frères ont-ils mené des attaques ? Alors je n'ai pas

13 d'informations à ce sujet.

14 Q. Je vous ai interrogé au sujet d'un cas de ce genre, et vous avez dit ne

15 pas avoir d'information à ce sujet. Continuons.

16 R. Pourriez-vous me dire quand ils ont attaqué et où ?

17 Q. Merci. Je vais maintenant poursuivre. Quand je vous ai interrogé au

18 sujet de l'incident de Gornja Klina, vous m'avez dit ne pas être au

19 courant. Ce qui a donné lieu à la mort d'Adem Jashari, c'était en fait un

20 incident, un affrontement qui l'a opposé, lui et un autre membre de l'UCK

21 et aux forces serbes, à un moment où il s'opposait à ces forces. Ceci est-

22 il exact ?

23 R. Non, ce n'est pas exact. Ce sont les Serbes qui ont attaqué avec leur

24 artillerie. On ne peut pas résister à des forces serbes munies de chars et

25 d'artillerie avec des fusils automatiques. Ce serait absurde.

26 Q. Est-il exact que des coups de feu partaient de la maison des Jashari

27 vers les forces serbes ?

28 R. Non, c'est inexact. De loin, ils bombardaient la maison à l'aide de

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1 pièces d'artillerie, ensuite ils sont entrés. Pavkovic peut mieux vous

2 expliquer comment les choses ont été faites.

3 Q. Vous dites aujourd'hui qu'on n'a pas tiré de coups de feu au départ de

4 la maison des Jashari sur les forces serbes; c'est bien cela ?

5 R. Je ne pense pas que cela eut été possible. Je n'étais pas là. Mais

6 étant donné l'artillerie lourde dont disposaient les Serbes, je ne pense

7 pas qu'Adem Jashari aurait pu leur résister. Il n'aurait pas pu faire cela

8 sans une armée de chars et d'artillerie avec de simples armes automatiques.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, dans votre

10 déclaration, vous dites : "Nous avons entendu que les forces serbes et que

11 la police serbe avaient entouré la maison et que les Jashari avaient

12 résisté. Que ce n'est que le troisième jour que les Serbes ont réussi à

13 vaincre la résistance lorsque les Jashari étaient à court de munition."

14 Alors voulez-vous retirer cette partie de votre déposition ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'étais pas là,

16 personne n'était là. Il s'agit de quelque chose, en fait j'ai pensé que

17 cela s'est passé comme cela. Plus tard, j'y ai réfléchi et je pense qu'Adem

18 Jashari ne pouvait absolument rien faire contre ces forces. Adem Jashari a

19 été tué le premier jour. Cependant les forces serbes continuaient de

20 pilonner l'endroit jusqu'au troisième jour, le 7, lorsque l'infanterie est

21 arrivée.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je me trompe si je dis que

23 vous avez enquêté sur cette affaire ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai fait une enquête plus tard, même

25 récemment, j'ai appris qu'Adem Jashari avait été tué le premier jour.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez signé une déclaration que je

27 viens de vous lire et qui dit que les Jashari n'avaient plus de munitions.

28 Nous pouvons penser qu'il s'agit de balles ou de projectiles qu'on utilise

Page 5114

1 dans une arme. Est-ce que je me tromperais si je concluais que vous avez

2 conclu que les Jashari n'avaient plus de munitions et que c'est pour cela

3 qu'ils ne pouvaient plus résister ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, je pensais

5 avant qu'Adem Jashari avait été tué le dernier jour, mais maintenant j'ai

6 un avis différent à ce sujet. D'autres personnes aussi pensent différemment

7 au sujet de cet événement. J'ai appris qu'Adem Jashari avait été tué le

8 premier jour et qu'il n'aurait pas pu résister les autres jours. Je pensais

9 parce que l'artillerie serbe continuait de pilonner pendant trois jours,

10 c'est pour cela que je pensais qu'il avait été tué le troisième jour. Ce

11 n'était pas le cas puisqu'il a été tué le premier jour.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais bien que vous ne disiez les

13 choses qu'une seule fois. Au début de votre déposition, on vous a demandé

14 si vous aviez eu la possibilité de vérifier votre déclaration et de voir si

15 elle était exacte votre déclaration, et vous avez sous serment dit qu'elle

16 était correcte et exacte. Maintenant vous dites que ce n'est plus le cas

17 puisque vous avez appris de nouvelles informations.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque j'ai fait cette

19 déclaration, c'est ce dont j'avais connaissance à l'époque. Même

20 aujourd'hui, je ne suis pas convaincu à 100 % de la version que je vous

21 donne aujourd'hui. Ce sont des choses que je pense aujourd'hui. Mais vous

22 savez il y en a qui dise qu'Adem Jashari a été tué le premier jour,

23 d'autres disent qu'il n'a pas été tué le premier jour, nous ne pouvons pas

24 savoir exactement ce qui s'est passé parce que personne n'était présent.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela veut dire que vous ne pouvez pas

26 nous donner des éléments de preuve fiables sur la manière dont Jashari et

27 la famille Jashari est morte ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] La façon dont ils sont morts, oui, parce que

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1 j'ai des photos, j'ai des diapos, il y avait ce pilonnage continu. Je ne

2 sais pas quand Adem est mort et quand les autres membres de sa famille sont

3 morts. Même les forces serbes ne savent pas quand Adem Jashari est mort, si

4 c'était le premier ou le deuxième jour, parce qu'ils ont continué à

5 pilonner pendant trois jours sans arrêt. La famille Jashari était sous ce

6 pilonnage pendant trois jours et lorsque Adem Jashari est mort, cela

7 personne ne le sait. La seule survivante c'est une fille qui s'appelle

8 Besarta, je pense.

9 Maître Lukic ?

10 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Lors de votre enquête, avez-vous interrogé cette petite fille qui,

12 d'après vous, est la seule survivante de cet événement ?

13 R. Besarta était dans une très mauvaise situation. Elle était très petite

14 à l'époque et elle n'a pas pu nous donner des informations. Nous avons

15 parlé avec cette petite fille, mais il n'y a pas eu d'interrogatoire

16 officiel parce qu'elle était vraiment très, très jeune, et c'était

17 impossible d'en obtenir des informations.

18 Q. Merci. Saviez-vous qu'Adem Jashari, au début des combats, a tué un

19 membre des forces spéciales qui était venu pour essayer de l'arrêter ?

20 R. Non, je ne le savais pas.

21 Q. Merci. Saviez-vous qu'Adem Jashari n'a pas permis à son frère Hamza de

22 se rendre, même s'il voulait le faire, mais qu'Adem l'a menacé de le tuer ?

23 R. Comment savez-vous cela ? Etiez-vous là dans la maison ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à la question, Monsieur

25 Kadriu. Aviez-vous connaissance de cela ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne le savais pas, ce n'est pas comme

27 cela que les choses se sont passées.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne savez pas, point final.

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1 Maître Lukic.

2 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Si vous ne savez pas quelque chose, vous ne pouvez pas affirmer que

4 cette chose ne s'est pas produite, soit que vous savez, soit que vous ne

5 savez pas. Sur la façon dont j'ai connaissance de cela, je peux vous le

6 dire, c'est un témoin du bureau du Procureur qui l'a dit. Poursuivons et

7 écoutez mes questions et essayer d'y répondre. Je ne vous ai pas posé de

8 questions.

9 R. Monsieur Lukic, écoutez-moi. Votre commentaire est absurde. Comment

10 quelqu'un peut-il dire quelque chose comme cela ?

11 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas comment

12 le contrôler ?

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si, on l'a sous contrôle. Passez à la

14 question suivante.

15 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Dans votre déclaration écrite, page 7 en anglais, paragraphe 4; en

17 albanais également, vous dites que les forces serbes pensaient qu'il y

18 avait des forces de l'UCK à Cicavica, et c'est la raison pour laquelle

19 elles bombardaient les collines. Est-ce que les forces serbes pensaient

20 simplement qu'il y avait des forces de l'UCK ou est-ce qu'il y avait bel et

21 bien des forces de l'UCK ?

22 R. Cela, c'était en 1998 ou début 1999. A cette époque, il n'y avait pas

23 de présences serbes dans le secteur. Plus tard, il y a eu des pilonnages

24 des villages parce qu'elles voulaient effrayer la population. Ce sont les

25 gens de Pavkovic qui l'ont fait; je le sais, ils ont pilonné.

26 Q. Dans votre déclaration écrite, page 7, paragraphe 5, vous dites --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à cette question-là,

28 dans le compte rendu d'audience, il est écrit : "A l'époque, il n'y avait

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1 pas de présences serbes dans le secteur."

2 C'est bien ce que vous avez dit, Monsieur Kadriu ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Où cela ?

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de répondre.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de 1999 --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez-moi un instant. Dans votre

7 dernière réponse, vous dites : "A l'époque, cela s'est passé début 1998,

8 début 1999. A l'époque, il n'y avait pas de présences serbes dans le

9 secteur."

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je voulais dire qu'il n'y avait pas de

11 forces de l'UCK. C'est une faute, je voulais dire, UCK.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Maintenant, les choses sont

13 claires et logiques.

14 Maître Lukic.

15 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Vous avez également dit, page 7, cinquième paragraphe de votre

17 déclaration écrite, que la guerre entre les Serbes et l'UCK a commencé à

18 Drenica autour de juin 1998, et que cette zone était dominée par l'UCK à

19 cette époque. C'est bien cela ?

20 R. Oui, oui. C'est bien exact pour Drenica, mais pas pour l'autre partie

21 de Cicavica.

22 Q. Etant donné les combats entre l'UCK et les forces serbes, à cette

23 époque-là il y avait déjà 40 000 personnes qui sont parties de Vucitrn et

24 Mitrovica, n'est-ce pas ?

25 R. Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît; elle n'a pas l'air

26 complète ?

27 Q. Est-il correct de dire qu'étant donné le conflit entre l'UCK et les

28 forces serbes, environ 40 000 personnes sont parties de Srbica et Vucitrn ?

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1 R. Non. On ne peut pas affirmer cela. Il y a eu des combats entre les

2 forces de l'UCK et les Serbes, mais les forces serbes faisaient pression

3 sur la population civile, Monsieur Lukic. L'UCK, c'étaient des unités de

4 guérillas qui se déplaçaient et qui ne se battaient pas sur un front, mais

5 les forces serbes, elles, faisaient pression sur la population civile.

6 Q. Est-il correct de dire que ce conflit s'est étendu et a compris Sajice,

7 Galice, Osljane, Zilivoda, qui constituent toute la partie occidentale de

8 la municipalité de Vucitrn ?

9 R. Oui, oui, la partie occidentale. Par la suite, dans cette partie, il

10 est vrai que par-ci par-là, des unités de l'UCK ont commencé à s'installer

11 et à être formées.

12 Q. Après cette offensive et les combats entre l'UCK et les forces serbes,

13 les gens sont rentrés chez eux, n'est-ce pas ?

14 R. De quelle offensive parlez-vous ?

15 Q. 1998.

16 R. Oui. Cela s'est passée entre le 22 et le 24 septembre. La population

17 commençait à revenir dans certains villages, pas partout. Par exemple, dans

18 mon village les gens sont revenus, pas partout, parce qu'il y en a qui ne

19 pouvaient pas rentrer chez eux puisque leurs domiciles étaient incendiés et

20 brûlés.

21 Q. Dans votre déclaration, page 8, quatrième paragraphe en anglais, même

22 page pour l'albanais, vous dites que vous êtes allés à Galica dans la

23 municipalité de Vucitrn, que vous avez trouvé 11 cadavres là, mais vous

24 n'aviez pas vu comment ces personnes étaient mortes, n'est-ce pas ?

25 R. Non, non, ce n'est pas vrai. Pas à Galice, à Cicavica, dans les

26 montagnes. Nous les avons trouvés des les montagnes de Cicavica, mais nous

27 les avons enterrés à Galice. C'étaient des jeunes qui venaient de Galice,

28 et il y avait des enfants parmi les victimes.

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1 Q. Il y avait trois jeunes de 16 ans parmi les victimes. Nous avons vu

2 cela.

3 R. 16 ans, 17 ans, 22 ans, et cetera.

4 Q. Bien. Une personne de 20 ans, dans un état de guerre, ce n'est pas un

5 enfant; une personne de 20 ans peut prendre les armes.

6 R. Non, il s'agissait de civils. La logique serbe c'est que puisqu'ils

7 étaient Albanais, ils étaient tous soldats. Donc n'importe qui --

8 Q. Oui. Mais d'accord, mais répondez à ma question. Vous n'avez pas vu

9 comment ces personnes sont mortes, oui ou non ?

10 R. Non, je n'ai vu que des cadavres --

11 Q. Personne n'a vu comment ces personnes sont mortes ?

12 R. Non, personne n'a pu le dire, mais on entendait les cris. Sabit Mehmeti

13 et deux ou trois personnes qui étaient avec lui pouvaient entendre les cris

14 au moment du massacre de ces personnes. Ils se cachaient dans les montagnes

15 qui étaient toutes proches et ils ont pu entendre les cris. Pour ce qui est

16 de l'inhumation de ces cadavres, je suis allé avec beaucoup d'autres

17 villageois pour les enterrer à Galice.

18 Q. Personnellement, vous ne savez pas si ces personnes étaient armées ou

19 non, n'est-ce pas ?

20 R. Je suis sûr que ces personnes n'étaient pas armées. Ces jeunes de 16

21 ans, c'étaient pas mes élèves, mais des élèves à l'école où j'étais

22 enseignant. C'étaient des civils qui avaient fui la terreur serbe, la

23 violence serbe, et qui s'étaient cachés dans les montagnes.

24 Q. Et ils étaient de Galice ?

25 R. Oui, c'est bien cela.

26 Q. Ce n'est pas votre village, n'est-ce pas ?

27 R. C'est bien cela. Mais cela se trouve quand même dans ma municipalité et

28 ce n'est pas très loin de mon village.

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1 Q. Pouvez-vous affirmer avec certitude aujourd'hui que ces personnes

2 n'étaient pas armées au moment où elles ont été tuées ou elles sont mortes;

3 et si vous pouvez l'affirmer, j'aimerais savoir sur la base de quoi ?

4 R. Je suis convaincu à 100 % que non seulement ces 14 personnes, que nous

5 avons enterrées à Galice, mais beaucoup d'autres personnes, qui ont

6 également été tuées ce jour-là, n'étaient pas armées. J'en suis convaincu à

7 100 % parce que je connaissais certaines des victimes, par exemple, un père

8 et deux de ses fils ont été tués. Un fils de 16 ans et un fils de 17 ans.

9 Je peux vous donner leurs noms Gani Ademi, Fatmir Ademi, il y en a un qui a

10 16 ans, l'autre qui a 17 ans. S'il vous plaît, ce sont des enfants.

11 Pourquoi, insistez-vous, Monsieur Lukic, aussi fort sur cette affaire parce

12 que je sais très bien que vous pensez que ce n'était pas comme cela.

13 C'étaient des civils.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Lukic ne croit rien en l'espèce,

15 Monsieur Kadriu; il représente des parties, mais on ne peut pas l'accuser,

16 lui, de penser des choses. Il représente des personnes qui pensent des

17 choses. Voilà le moment est venu de faire une pause. Et nous allons nous

18 revoir dans une demi-heure.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

22 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

23 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je demande qu'on fasse entrer le

25 témoin.

26 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic.

28 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 Q. Monsieur Kadriu, nous allons essayer d'arriver au terme de votre

2 déposition avant la fin de l'audience, mais je crains fort si nous

3 poursuivons au rythme actuel, que nous n'y parvenions pas. C'est pourquoi

4 je vous demanderais d'écouter attentivement mes questions et d'y répondre

5 le plus précisément possible sans explication indue, de façon à ce que nous

6 nous efforcions de terminer votre audition aujourd'hui.

7 Pour gagner du temps, je vais sauter certains passages de votre

8 déclaration écrite, et je vous interroge maintenant au sujet d'un passage

9 qui se trouve en page 13, paragraphe 3 de la version anglaise, qui

10 correspond à la page 12, dernier paragraphe, de la version albanaise. A cet

11 endroit, vous parlez de votre travail et vous dites que vous avez entendu

12 des policiers hurler. Vous dites également que ces policiers, vous les avez

13 entendu dire qu'ils se rendaient au cimetière. Vous ajoutez qu'au cimetière

14 d'où des civils étaient en train de partir, il ne se trouvait aucun

15 policier. Vous y avez vu des représentants de l'agence de tourisme Hajra

16 Tours et vous avez vu des autobus gérés par cet agence, qui étaient en

17 train de quitter Vucitrn, par conséquent. Vous avez dit que les chauffeurs

18 de ces autobus disaient aux personnes qui se trouvaient à bord, qu'elles

19 devaient partir de Vucitrn pour aller en Macédoine. Ce que je vous demande,

20 c'est la chose suivante : vous n'avez pas obéi aux conseils qui vous

21 étaient donnés par les chauffeurs de ces autobus. Vous n'êtes pas allé en

22 Macédoine, n'est-ce pas ?

23 R. Il est vrai qu'il n'y avait pas de police au cimetière. Les policiers

24 évacuaient la ville et emmenaient des gens vers le cimetière. Je pense

25 qu'il y avait trois bus de l'entreprise Hajra Tours. Les chauffeurs nous

26 ont déclaré qu'ils étaient obligés par la police d'emmener ces gens en

27 dehors de la ville pour les emmener en Macédoine. Certains sont montés dans

28 le bus, mais il n'y avait pas de la place pour tout le monde, donc certains

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1 se sont rendus à pied dans la direction de la Macédoine. Je n'ai pas été en

2 Macédoine. Je suis allé dans la région de Shala e Bajgores. J'ai attendu le

3 soir pour continuer. C'est ainsi que je me suis rendu dans des villages

4 dans la région de Shala e Bajgores.

5 Q. Il est certain que nous ne terminerons pas aujourd'hui si vous

6 poursuivez ainsi.

7 R. Monsieur Lukic, je suis venu ici pour déposer, et on ne peut pas

8 répondre à vos questions par oui et par non. Certaines questions appellent

9 des explications.

10 Q. Donc, vous avez répondu à ma question en disant que vous n'avez pas

11 obéi aux conseils du chauffeur d'autobus qui vous disait de partir pour la

12 Macédoine, mais que vous êtes allé dans une autre direction. Où s'est

13 rendue votre famille ?

14 R. Ma famille a monté dans le bus. Après deux ou trois kilomètres, ma mère

15 s'est rendue compte de mon absence et a demandé aux autres membres de la

16 famille de descendre du bus. Ils sont descendus du bus et sont restés à

17 l'extérieur de la ville, près du cimetière. Ils ont été logés dans la

18 maison de certains oncles jusqu'à la fin de la guerre.

19 Q. Donc, votre famille non plus n'a pas suivi les conseils du chauffeur

20 d'autobus, n'est-ce pas, et n'est pas allée vers la Macédoine ?

21 R. Effectivement.

22 Q. Merci.

23 R. Ils ont suivi le conseil, mais comme je n'étais pas là, ma mère a fait

24 descendre la famille du bus. Mes parents, ma sœur, sont descendus du bus et

25 ont interrompu leur voyage.

26 Q. Merci. Personne ne vous a empêché quant à vous de partir pour Gornja

27 Sudimlja, n'est-ce pas ?

28 R. J'ai pris le risque. C'était dangereux de traverser la rue principale,

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1 nous avons couru ce risque et je suis arrivé à cet endroit.

2 Q. Vous êtes allé vers Gornja Sudimlja, qui à l'époque était une

3 forteresse de l'UCK, n'est-ce pas ?

4 R. La route va de Studime le haut, vers Studime le bas. C'est cette

5 route-là que nous avons suivie.

6 Q. Vous vous êtes dirigé vers la maison de Musa Terbujna, commandant de

7 l'UCK, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. Je voulais passer la nuit, mais la maison de Musa Terbujna, qui

9 est un ancien collègue à moi qui était enseignant, était pleine. Je ne me

10 souviens pas si j'ai demandé de la nourriture et je me suis rendu à

11 Cecilia. Mais je pense que j'ai demandé à la mère de mon collègue un peu de

12 nourriture et que j'ai continué. Je me souviens que sa maison était pleine

13 de réfugiés qui avaient quitté les villages aux alentours.

14 Q. Considérez-vous qu'il est absolument indispensable dans la présente

15 affaire que les Juges sachent qu'on vous a proposé de la nourriture ou que

16 l'on vous a demandé ou est-ce que vous pensez que ce qui est indispensable

17 pour les Juges, c'est que vous répondiez aux questions qui vous sont

18 posées, alors que pour le moment, vous évitez de répondre à des questions

19 cruciales, dans l'espoir que vous parviendrez à raccourcir votre

20 interrogatoire ?

21 R. Je ne sais pas ce que cela signifie pour vous, mais pour moi,

22 l'alimentation était importante.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, je vous interromps,

24 Monsieur Kadriu.

25 Monsieur Marcussen, que vouliez-vous dire ?

26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Le témoin a répondu.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, le témoin n'a pas répondu. Ce

28 qu'a dit, Me Lukic, était parfaitement justifié.

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1 Monsieur Kadriu, pourriez-vous, je vous prie vous contenter de répondre aux

2 questions qui vous sont posées ? Nous disposons déjà de nombreux éléments

3 d'information dans votre déclaration écrite sur lesquels il est absolument

4 inutile que vous y reveniez. Ce dont nous avons besoin, c'est que vous ne

5 répondiez que dans le cadre des éléments abordés par celui qui vous

6 interroge.

7 Monsieur Lukic, vous pouvez poursuivre.

8 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Dans ces villages, celui de Gornja Sudimlja et de Cecilia, il y avait

10 pas mal de membres de l'UCK et également pas mal de civils, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact. Je ne sais pas combien il y avait de soldats, mais il y

12 avait des soldats.

13 Q. Ce secteur à l'époque n'était pas sous le contrôle des forces serbes,

14 mais bien sous le contrôle de l'UCK. Ceci est-il exact ?

15 R. Il y avait certaines parties de la région sous le contrôle des forces

16 serbes. Je pense que jusqu'à Samadrexha, les forces serbes étaient

17 présentes, mais ailleurs elles n'étaient pas présentes, notamment à Studime

18 et à Cecilia.

19 Q. L'UCK a opposé une résistance armée jusqu'à la fin du mois d'avril

20 1999, comme vous le dites dans votre déclaration écrite, page 4, paragraphe

21 1 de la version anglaise. Quand l'attaque qui a duré jusqu'à la fin du mois

22 d'avril 1999 a-t-elle commencé ? Pendant combien de temps l'UCK a-t-elle

23 opposé une résistance armée aux forces serbes dans ce secteur ?

24 R. La zone montagneuse de Shala e Bajgores était peuplée d'Albanais. Je ne

25 sais pas s'ils étaient en très grand nombre, je ne sais pas pendant combien

26 de jours l'UCK a continué à résister, les forces avançaient sans cesse et

27 venaient de partout, depuis Podujeva, Mitrovica, et Srbica. Elles avaient

28 pris des positions importantes dans ces villages.

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1 Q. Pouvons-nous convenir, vous et moi, que cette résistance armée a duré

2 au moins jusqu'à la fin mars, sinon jusqu'à la fin avril 1999 ?

3 R. Non. Il y avait une résistance qui prenait la forme d'une guérilla

4 jusqu'à la fin du mois de mai. Il y avait certains noyaux armés qui

5 résistaient, ici et là.

6 Q. Merci. Est-il exact que l'UCK a fait savoir à la population qu'elle ne

7 réussissait plus à s'opposer aux forces serbes ? Est-il exact que l'UCK a

8 proposé à la population civile de quitter le secteur qui, jusque-là, était

9 sous son contrôle ?

10 R. Oui.

11 Q. La population a-t-elle suivi ce conseil de l'UCK, et a-t-elle commencé

12 à quitter la région, le secteur ?

13 R. L'armée a dit à la population : Nous ne pouvons plus vous protéger,

14 rendez-vous en ville. Lorsque nous sommes partis, nous l'avons fait parce

15 qu'il y avait des tirs d'artillerie, des obus tombaient à Sllakofc, et on

16 ne pouvait rester nulle part. L'infanterie avançait également. En général,

17 il y avait d'abord un pilonnage d'artillerie, ensuite l'infanterie

18 avançait. Il ne nous restait pas d'autres solutions que de nous rendre dans

19 la direction de Vushtrri.

20 Q. Au moment où vous avez quitté ce secteur, vous n'avez aucun contact

21 avec les forces serbes ? Mais vous obéissiez aux conseils et instructions

22 de l'UCK, n'est-ce pas ?

23 R. Non. Personne n'aurait suivi les instructions de l'UCK si les obus

24 serbes n'étaient pas en train de tomber. Ce sont les tirs d'artillerie qui

25 ont fait que chaque famille, chaque tracteur, chaque personne se déplaçant

26 à pied, soient partis. Si l'on nous avait laissés en paix là-bas, nous

27 n'aurions pas suivi ces instructions car il n'y avait aucune raison de le

28 faire.

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1 Q. Etes-vous au courant du fait que l'UCK a donné des consignes de même

2 nature à des populations civiles, d'autres secteurs également ?

3 R. Je ne sais pas.

4 Q. Merci. A votre arrivée à Cecilia, je fais référence à ce qui est écrit

5 dans votre déclaration, page 14, paragraphe 5, vous n'y avez trouvé que

6 quelques rares membres de l'UCK, alors que dans une période antérieure,

7 Cecilia était un bastion de l'UCK. Vous n'étiez pas à Cecilia quand les

8 civils ont quitté le village pour se diriger vers Vucitrn, n'est-ce pas ?

9 R. L'Armée de libération du Kosovo a fait une retraite vers une route qui

10 conduisait vers Dumnica. Je l'ai appris plus tard, alors que la population

11 continuait en direction de la ville. Il s'agit de deux routes qui ont des

12 directions opposées. On peut le voir sur une carte.

13 Q. Tous les membres de l'UCK, ont-ils pris la direction de Dumnica ou

14 certains d'entre eux se sont-ils mêlés à la population civile après avoir

15 quitté et jeté leurs uniformes et leurs armes ?

16 R. Je ne les ai pas vus jeter les uniformes. Personne n'a jeté son

17 uniforme. Je sais qu'ils ont ramassé les blessés et sont partis en

18 direction de la région de Dumnica. C'est cela qui s'est passé. Personne n'a

19 enlevé son uniforme.

20 Q. Est-ce que les membres de l'UCK se déplaçaient par conséquent en

21 uniforme quand ils se mêlaient à la colonne de civils ?

22 R. Non. Cela ne s'est pas produit. N'oubliez pas, Maître Lukic, que nous

23 les civils, poursuivions notre voyage, mais il y avait un autre poste de

24 l'UCK à Studime; Cecilia et Studime sont deux villages différents.

25 Q. Etes-vous en train de dire dans votre déposition ici même aujourd'hui

26 que toutes les unités ont quitté Cecila pour se diriger vers Dumnica, afin

27 de tenter une percée ?

28 R. Effectivement.

Page 5128

1 Q. Savez-vous combien de ces hommes sont tombés au cours de cette percée ?

2 R. Je ne comprends pas votre question. Quelle tentative de percée ?

3 Q. Pour effectuer une percée qui les aurait permis de sortir de

4 l'encerclement dû aux forces serbes, je suppose qu'à un moment où à un

5 autre, il y a dû avoir contact entre eux et les forces serbes, des combats.

6 Je vous demande si vous savez, si vous êtes au courant de l'existence

7 éventuelle de tels combats, si vous savez combien d'hommes sont

8 éventuellement tombés durant ces combats ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le 12

10 mai, nous avons inhumé un soldat qui était le fils du frère d'un de mes

11 amis. Nous avons assisté à l'enterrement.

12 Q. Merci, merci. Nous avons votre déclaration écrite. Il s'agit du neveu

13 de Fadil répondant au nom de Beqiri, et qui était soldats de l'UCK. Ce que

14 je souhaite savoir, c'est qu'est-il advenu des soldats de Gornja Sudimlja

15 dont vous avez parlé ?

16 R. Nous allons vers Dumnica, ils allaient également vers Dumnica. Nous

17 allions à Vushtrri, ils allaient à Dumnica. J'ai appris plus tard que tous

18 se sont rendus à Dumnica. Les derniers soldats n'ont pas permis au convoi

19 de faire demi-tour, car ils savaient que les forces serbes nous verraient

20 si nous empruntions un chemin de travers. Ils nous ont dit de ne pas

21 emprunter la route en question, parce qu'il y avait une mitrailleuse dans

22 la colline.

23 Q. Nous avons tout cela dans votre déclaration écrite. Ce que je voulais

24 vous entendre dire, c'est ce qu'il était advenu des membres de l'UCK.

25 D'après ce que vous dites, aucun membre de l'UCK n'a quitté Sudimlja pour

26 rejoindre le convoi de civils. Etes-vous sûr de cela ou est-ce que peut-

27 être l'un ou l'autre d'entre eux l'a quand même fait ?

28 R. Je suis sûr qu'ils n'étaient pas là, les soldats de l'UCK.

Page 5129

1 Q. Vous savez avec une certitude totale qu'aucun de ces soldats de l'UCK

2 n'était dans le convoi de civils ?

3 R. Aucun soldat de l'UCK n'osait se joindre aux convois, parce qu'ils

4 auraient été exécutés. Ils le savaient. C'est la raison pour laquelle ils

5 ont emprunté la direction d'un endroit où ils seraient plus en sécurité.

6 Chacun le savait et nous savions que nous aurions des problèmes avec les

7 forces serbes. Nous ne savions pas qu'ils nous tueraient, mais nous savions

8 qu'ils nous arrêteraient, qu'ils nous interrogeraient, il était impossible

9 pour les soldats de l'UCK de rejoindre le convoi. C'était absurde.

10 Q. Vous avez dit également qu'un peu plus tard la police avait effectué

11 des vérifications d'identité sur les personnes qui faisaient partie du

12 convoi à un moment où vous étiez tous regroupés au même endroit, et vous

13 avez dit que cette police établissait des listes d'hommes, de femmes et

14 d'enfants, n'est-ce pas ?

15 R. Pas dans le convoi, Maître Lukic.

16 Q. Le lendemain matin.

17 R. Effectivement, le lendemain.

18 Q. Nous lisons qu'un certain nombre de personnes qui faisaient partie de

19 votre convoi ont été séparés du convoi à ce moment-là pour être emmenés

20 vers une prison située à Smrekovnica. Est-il exact que les responsables des

21 interrogatoires que vous avez subis à Smrekovnica étaient habillés en

22 civils ?

23 R. Oui.

24 Q. Ces personnes vous ont-elles interrogé quant à votre éventuel

25 appartenance à l'UCK ?

26 R. Non. Lorsqu'ils ont pris des notes, nous étions dans le convoi.

27 Lorsqu'ils ont enregistré nos noms, ils n'ont pas fait davantage. Ils ne

28 demandaient pas si on était d'ici ou de là. Janjic, qui appartenait aux

Page 5130

1 forces de sécurité me connaissait, m'a posé une question dans le genre : Où

2 est-ce que vous y étiez ? Pourquoi étiez-vous là ? Comme je l'ai dit, il

3 m'a reconnu et les gens ont effectivement appris mon nom.

4 Q. Merci, mais ma question portait sur le moment où on vous a interrogé

5 dans la prison, dans la prison de Smrekovnica.

6 R. Oui, quelques jours plus tard.

7 Q. Vous maintenez toujours que ces personnes qui vous interrogeaient dans

8 la prison de Smrekovnica étaient habillées en civil ?

9 R. Il y avait deux personnes portant un uniforme, les autres étaient en

10 civil. Il y avait également une secrétaire qui prenait des notes. Il y

11 avait deux hommes en uniforme.

12 Q. Au cours de cet interrogatoire que vous avez subi à Smrekovnica, vous

13 a-t-on interrogé pour savoir si vous étiez membre de l'UCK ?

14 R. Oui. Je voudrais expliquer quelque chose ici. Vous posez la question,

15 je vous prierais d'écouter l'explication que j'avance. J'ai été capturé à

16 Studime, entre les deux Studime, haut et bas.

17 Q. On vous a dit qu'en fait, vous veniez de Cicavica. Tout cela, je peux

18 le lire dans votre déclaration écrite. Vous avez évoqué l'incident relatif

19 à Ali Mernica, vous dites que vous ne savez pas si les uniformes que

20 portaient ces hommes armés étaient de couleur uni ou de plusieurs couleurs,

21 ou des uniformes de camouflage. Est-ce que vous avez vu éventuellement des

22 insignes ou des écussons sur ces uniformes ?

23 R. Oui. C'était le 3 mai. En plus des policiers en uniforme, il y avait

24 d'autres policiers qui portaient les uniformes plus anciens. Et ils avaient

25 des insignes sur l'épaule de plusieurs couleurs, rouge, bleu, et d'autres

26 couleurs. Je ne me souviens plus bien des couleurs.

27 Q. Merci. Quand vous parlez de l'assassinat de personnes appartenant au

28 convoi, qui selon vous, a eu lieu le 2 mai 1999, et en annexe de votre

Page 5131

1 déclaration, nous avons également la liste de toutes les personnes qui

2 d'après vous ont été tuées, à ce moment-là, est-il exact que nous pouvons

3 conclure que vous n'avez pas vu qui a tué ces personnes et de quelle

4 façon ?

5 R. L'armée et la police serbe les ont tuées, ceux qui sont intervenus. Qui

6 d'autre aurait pu les tuer ? Nous étions encerclés par les forces serbes,

7 tant l'armée que la police. Plus tard, ils sont passés avec leur propre

8 convoi, avec leurs propres véhicules blindés.

9 Q. Ce que je vous demandais, c'était si vous aviez vu cela de vos yeux ?

10 R. J'ai vu la police et l'armée.

11 Q. Avez-vous été témoin oculaire des assassinats ?

12 R. Je n'ai pas vu les tueries. J'ai vu une personne qui a été tuée.

13 Q. Oui, cela nous le savons. C'est écrit dans votre déclaration écrite.

14 Dans la même partie de votre déclaration écrite, vous ajoutez que vous

15 n'avez pas pu voir qui était l'auteur de l'acte en question parce qu'il

16 faisait sombre et que vous n'avez pas pu non plus distinguer l'uniforme

17 porté par ces hommes; ceci est-il exact ?

18 R. Effectivement, c'est exact. Mais la police militaire était là, qui

19 d'autre aurait-ce pu être ? C'est également eux qui nous ont emmenés à la

20 prison.

21 Q. Sommes-nous en droit de conclure que tous les meurtres dont vous parlez

22 dans votre déclaration écrite, et d'ailleurs vous citez les noms de

23 personnes dont vous dites qu'elles ont été assassinées à ces occasions,

24 sommes-nous en droit de conclure que vous n'avez vu aucun de ces meurtres

25 de vos yeux, n'est-ce pas ?

26 R. J'étais au massacre de Studime. J'ai entendu les coups de feu, comme je

27 vous l'ai dit parce que le convoi était séparé en deux parties et on a pu

28 entendre les coups de feu jusqu'à Vushtrri. J'ai vu des mes yeux un garçon

Page 5132

1 tué devant moi. Plus tard, lorsque nous avons mené l'enquête nous avons

2 rencontré des témoins oculaires, qui connaissaient les tueurs et j'ai des

3 dossiers pleins de documents --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Maître Lukic, c'est la loi du rendement minimum qui est en train de

6 l'emporter. Vous posez des questions qui ont des réponses tout à fait

7 manifestes à la lecture de la déclaration écrite.

8 M. LUKIC : [interprétation] J'en termine, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Kadriu, vous dites avoir vous-même fait les photographies de

10 la famille Ahmeti et de la famille Jashari. En réalité ces photographies

11 n'ont été faites qu'après l'autopsie réalisée sur les cadavres, n'est-ce

12 pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Merci. J'ai encore une seule question à vous poser. Page

15 1 676 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, lors de votre

16 déposition, vous dites, je cite : "Nombre de personnes ont décidé de

17 chercher refuge loin de Vucitrn en Albanie ou en Macédoine." Est-ce que

18 vous maintenez ces dires durant votre déposition d'aujourd'hui ici ?

19 R. Il fallait bien aller quelque part car il était impossible de rester en

20 place lorsque les forces serbes sont entrées, car elles maltraitaient les

21 gens devant leurs propres familles. Il fallait donc aller quelque part,

22 soit en Albanie, soit en Macédoine. Ce sont les Serbes qui nous disaient où

23 aller. Ce sont les policiers qui nous disaient d'évacuer l'endroit et

24 d'aller quelque part où nous voulions, mais de ne pas rester là. Et

25 certains nous ont ordonné de nous rendre en Albanie.

26 Q. Mais ce que je vous demandais c'est si ce que vous avez déclaré dans

27 votre déposition dans l'affaire Milosevic tient toujours ou pas ?

28 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

Page 5133

1 Q. Est-il également exact que votre famille est restée à Vucitrn jusqu'à

2 la fin de la guerre ?

3 R. Oui, après avoir subi des mauvais traitements. Notre famille a fait

4 l'objet de mauvais traitements et nous avons été envoyés là-bas.

5 Q. Merci. Merci.

6 M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

7 Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur Kadriu, d'autres conseils de la Défense vont vous interroger à

9 présent.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 Monsieur Marcussen, est-ce que ces photographies ont été versées au

12 dossier ?

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non.

15 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y a certains éléments du compte rendu

16 d'audience qui demandent quelques éclaircissements complémentaires. Nous le

17 ferons le moment voulu. Je ne voulais pas interrompre le contre-

18 interrogatoire.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 Maître Aleksic, c'est à vous.

21 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Contre-interrogatoire par M. Aleksic :

23 Q. [interprétation] Monsieur Kadriu, bonjour. J'ai seulement quelques

24 petites questions à vous poser. Savez-vous jusqu'à quelle année les jeunes

25 hommes albanais ont continué à faire leur service militaire dans les rangs

26 de la JNA ? Si vous ne le savez pas, dites que vous ne le savez pas.

27 R. Vous voulez dire les recrues ?

28 Q. Oui, pour service militaire.

Page 5134

1 R. Je pense que jusqu'aux années 1990, peut-être 1987, 1989, 1988 et

2 jusqu'à 1989.

3 Q. Merci. Aujourd'hui, pendant l'interrogatoire mené par Me Lukic, à la

4 page 48, c'était le contre-interrogatoire, vous avez dit que les hommes de

5 Pavkovic, enfin vous avez fait un commentaire sur leurs commentaires vis-à-

6 vis des recrues. A ce moment-là, vous vouliez dire aussi la période 1988 et

7 1989. Est-ce que c'était une métaphore ? Je ne veux pas vous poser une

8 question directive.

9 R. M. Pavkovic était officier à cette époque-là aussi et je pense qu'il

10 occupait un poste assez élevé dans la hiérarchie militaire, et Sainovic

11 aussi. Si Milutinovic avait signé Rambouillet, la situation ne serait pas

12 ce qu'elle est aujourd'hui, mais il ne voulait pas.

13 Q. Monsieur, l'heure passe et je voudrais vous demander de vous concentrer

14 sur vos réponses. Vous avez témoigné devant ce Tribunal dans l'affaire

15 Milosevic les 6, 7, et 8 mars 2000; c'est bien cela ?

16 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige -- 2002.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas des dates mais je me

18 souviens de l'année, 2002.

19 M. ALEKSIC : [interprétation]

20 Q. Merci. Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire s'agissant de

21 votre déposition. Il s'agit du compte rendu d'audience du 8 mars 2002.

22 R. Merci de me le rappeler.

23 Q. Vous avez été contre-interrogé par M. Milosevic ainsi que par les

24 Amicus Curiae. Aux pages 1 776 et 1 777, lignes 1 à 6, vous avez dit ceci,

25 M. Milosevic vous a posé la question suivante : "Savez-vous combien

26 d'attaques terroristes ont été réalisées au Kosovo-Metohija depuis 1991

27 jusqu'à juin 1999 ?" Et vous avez répondu : "Je n'ai pas connaissance de

28 ces attaques parce que l'appareil d'Etat était entre vos mains et vous

Page 5135

1 l'utilisiez à vos propres fins."

2 R. Oui, il y avait une hiérarchique, il y avait une pyramide.

3 Q. On n'a pas le temps, répondez. Vous avez dit cela, oui ou non ?

4 R. Oui. Milosevic était l'homme principal, ensuite, Sainovic, Milutinovic

5 et les autres. Et je pense que Sainovic avait un rôle très important.

6 J'essaie de répondre --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, ce que vous dites, ce

8 n'est pas une réponse à la question. Ecoutez la question, s'il vous plaît.

9 Répondez aux questions. On ne vous demande pas quel est votre avis quant à

10 la culpabilité des personnes accusées ici présentes. On vous pose une

11 question bien précise. On vous demande si vous aviez connaissance

12 d'attaques de l'UCK ? C'est tout. Alors, limitez-vous à une réponse.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Le conseil

14 me pose des questions et il fait des commentaires. S'il fait des

15 commentaires, il faut que je puisse faire des commentaires aussi.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quels commentaires ? Dites-moi quels

17 commentaires il a fait.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne permet pas d'expliquer et de donner mes

19 réponses.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Expliquer, non. On vous pose une

21 question précise que vous devez écouter et à laquelle vous devez répondre.

22 Vous ne faites aucun bien à ce procès avec ce genre de comportement. Il

23 faut répondre aux questions que l'on vous pose.

24 Maintenant, Maître Aleksic, si vous sentez un besoin de poser ces

25 questions, faites-le. Mais pourquoi si c'est dans le compte rendu, pourquoi

26 voulez-vous poser cette question ? Ensuite, vous recevez toute une

27 explication de la part du témoin parce qu'il pense qu'on s'attend à ce

28 qu'il explique ce qu'il en est.

Page 5136

1 M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

2 permettez, la raison de ces questions et de la raison pour laquelle j'ai

3 cité ces parties du compte rendu d'audience, c'est parce que nos confrères

4 du bureau du Procureur n'ont pas demandé le versement au dossier de cette

5 question de Milosevic, et cela ne fait pas partie de leurs pièces --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais oui, mais vous avez l'occasion de

7 le faire, le moment venu. Ce n'est pas la peine de le demander au témoin.

8 Vous pouvez proposer de demander le versement au dossier, le moment venu,

9 mais ce n'est pas une question que vous devez poser au témoin, ou alors

10 s'il n'y a pas d'autres façons de traiter de cette question alors, posez-

11 lui la question.

12 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

13 poursuivre sur cette question qui n'a rien à voir avec la déclaration et le

14 compte rendu d'audience.

15 Q. Monsieur Kadriu, après les événements de 1999, étiez-vous un militant

16 politique en 2000 et 2001 ?

17 R. Oui, pendant un an, j'étais militant.

18 Q. Et en 2000 et 2001, étiez-vous membre d'un parti politique ?

19 R. Oui.

20 Q. Pouvez-vous nous dire quel est ce parti ?

21 R. J'étais membre de l'alliance pour l'avenir du Kosovo.

22 Q. L'alliance pour l'avenir du Kosovo. Pendant que vous étiez membre pour

23 cette organisation, étiez-vous président du conseil municipal, ou étiez-

24 vous le leader de ce parti de la municipalité de Vucitrn et étiez-vous

25 candidat lors des élections municipales du 28 octobre 2000 ?

26 R. Au début, je n'étais pas président. C'était quelqu'un d'autre qui était

27 président. Ensuite, c'est moi qui suis devenu président et oui, j'étais

28 candidat aux élections. Mais qu'est-ce que cela a à voir ? Je suis venu ici

Page 5137

1 pour déposer au sujet de crimes de guerre, mais pas de ce qui s'est passé

2 après la guerre.

3 Q. Pouvez-vous me dire qui est le président de ce parti, Monsieur Kadriu ?

4 R. Je ne sais pas parce que je ne suis plus membre, cela fait trois ans

5 que je ne suis plus membre de ce parti.

6 Q. Excusez-moi, Monsieur Kadriu, je vais paraphraser ou reformuler la

7 question. Qui était le président de ce parti en 2000 et 2001 ? Quel est le

8 nom de cette personne ?

9 R. Monsieur le Président, est-ce que je dois répondre à ces questions sur

10 une période qui porte sur l'après-guerre ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi vous ne voulez pas y

12 répondre ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que ce sont des questions tendancieuses.

14 C'est une question, c'est une provocation.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui est une provocation, là-

16 dedans ? Il vous demande le nom du président d'un parti.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une provocation parce que je suis venu

18 pour déposer sur les années de guerre, et non sur ce qui s'est passé après

19 la guerre.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On peut poser n'importe quelle

21 question qui est pertinente pour les questions sur lesquelles nous devrons

22 prendre des décisions. Et si l'une de ces questions peut être liée à la

23 fiabilité de la déposition d'une personne, et si cette personne a des

24 intérêts particuliers qui peuvent, par la suite, avoir une influence sur

25 notre évaluation de la fiabilité de ces éléments de preuve, les conseils

26 ont le droit d'explorer d'autres questions qui sont liées à l'intérêt des

27 témoins dans les affaires du Kosovo. Maintenant, je ne sais pas si ce qui

28 va être dit à la fin de cette affaire, basé sur la réponse aux questions

Page 5138

1 qu'on vous a posées, mais si vous n'avez pas de raisons liées à la sécurité

2 de la personne impliquée, ou s'il y a d'autres questions qui peuvent avoir

3 une influence sur votre sécurité ou celle d'autres membres du public, vous

4 devez répondre à la question.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que cela soit intéressant en

6 l'espèce, parce que ce sont mes affaires personnelles après la guerre.

7 C'est quelque chose de différent.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, ce n'est pas à vous

9 de décider cela. Répondez à cette question, s'il vous plaît.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, c'était quoi la question ? Si vous

11 pensez, Mesdames et Messieurs les Juges que c'est important, je vais y

12 répondre.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous essayez de me faire croire

14 maintenant que vous ne vous souvenez pas de la question ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne me souviens pas de la question.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une question à laquelle vous

17 résistez tellement, vous ne voulez pas répondre et maintenant vous dites

18 que vous ne vous souvenez pas de la question ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas du libellé exact de la

20 question. Alors, le conseil pourrait-il la répéter, s'il vous plaît ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Aleksic, posez à nouveau votre

22 question.

23 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, bien sûr.

24 Q. Monsieur Kadriu, vous avez dit qu'en 2000 et 2001, vous étiez membre de

25 l'alliance pour l'avenir du Kosovo, et que pendant un certain moment, vous

26 étiez président du conseil municipal. Pouvez-vous dire à cette Chambre qui

27 était, à ce moment-là, président de l'alliance pour l'avenir du Kosovo ?

28 R. Au début, lorsque le parti a été formé, le président était Ramush

Page 5139

1 Haradinaj.

2 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

3 questions.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic.

5 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

7 Q. [interprétation] Monsieur Kadriu, je m'appelle Djuro Cepic, un des

8 conseils de M. Lazarevic. J'ai quelques questions à vous poser. Tout

9 d'abord, abordons la question du convoi et de ce qui s'est passé les 2 et 3

10 mai 1999. Page 78, onzième et douzième ligne, vous avez dit que vous avez

11 vu le MUP et les forces de la VJ qui passaient par le convoi, et vous avez

12 fait une description très détaillée dans votre déclaration écrite qui porte

13 sur l'année 2000. Dans cette déclaration, à partir de la page 16, vous

14 avez décrit d'une façon détaillée tout ce qui s'est passé avec ce convoi.

15 Vous avez aussi parlé de votre détention à la prison de Smrekovnica. Nulle

16 part dans votre déclaration vous avez mentionné l'armée de Yougoslavie par

17 rapport à ce convoi. D'où cela vient aujourd'hui ? Est-ce que quelqu'un

18 vous a suggéré ce que vous devriez dire aujourd'hui?

19 R. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas si je l'ai mentionné oui ou non dans

20 ma déclaration; cependant, personne ne m'a rien suggéré. Je suis sûr que

21 l'artillerie et des forces motorisées et d'autres forces combinées étaient

22 là. C'était clair qu'il y avait des forces militaires, parce que la police

23 n'a pas de chars ou d'armes antiaériennes.

24 Q. Oui, Monsieur, mais vous n'avez pas mentionné cela dans votre

25 déclaration, et vous avez accepté cette déclaration écrite. Vous l'avez

26 signée. Ce sont des faits qui se sont passés en 1999. Votre déclaration a

27 été signée en 2000. Permettez-moi de finir. Votre déclaration vous l'avez

28 faite en 2000, par la suite, vous avez déposé dans l'affaire Milosevic. Et

Page 5140

1 les détails que vous avez décrits aujourd'hui n'ont jamais été mentionnés

2 jusqu'à aujourd'hui. C'est là-dessus que porte ma question, Monsieur

3 Kadriu.

4 R. Dans ma déclaration, j'ai toujours dit "les forces serbes." Je ne

5 voulais pas faire de distinguos entre ces forces, parce qu'elles étaient

6 combinées et elles se déplaçaient partout ensemble. C'est pourquoi

7 j'utilisais le terme "forces serbes."

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi dites-vous, Monsieur Cepic,

9 que ce qu'il y a à la page 16 ne porte pas sur l'armée ?

10 M. CEPIC : [interprétation] Si vous me le permettez, page 16, premier

11 paragraphe, on parle de l'approche de forces serbes. Au deuxième

12 paragraphe, deuxième page --

13 Q. Permettez-moi de continuer, Monsieur Kadriu --

14 M. CEPIC : [interprétation] Puis-je continuer, Monsieur le

15 Président ?

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

17 M. CEPIC : [interprétation] au paragraphe 2, il dit qu'il ne pouvait pas

18 faire le distinguo parce qu'il ne voyait pas bien quels étaient les

19 uniformes serbes de ceux qui se trouvaient en tête du convoi. Il a dit :

20 "Comme je l'ai déjà expliqué, il faisait sombre et je ne voyais pas quel

21 était le genre d'uniforme qu'ils portaient." Ensuite, il dit : "Nous sommes

22 entrés dans le hangar," et ensuite il dit à la page 17, au premier

23 paragraphe : que tout le secteur était entouré par des personnes en

24 uniformes bleus. Mais on ne parle pas de la zone.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, est-ce que vous pouvez

26 dire que dans les paragraphes précédents dans la page, on ne fait pas

27 référence à la police.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai utilisé comme terme, c'est "forces

Page 5141

1 serbes."

2 M. CEPIC : [interprétation] Je suis d'accord, mais si vous le permettez --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, continuez.

4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je crois qu'on mentionne des véhicules

5 militaires ici.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où cela ?

7 M. MARCUSSEN : [interprétation] A la page 16, deuxième paragraphe. "On

8 pouvait entendre le bruit des tracteurs et de véhicules lourds militaires."

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous avez la réponse du

10 témoin. Il dit qu'il fait référence aux forces serbes à l'époque.

11 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Pouvons-nous, par conséquent, conclure que le soir où vous n'avez pas

13 pu voir ou vous ne pouvez pas distinguer les uniformes, comme vous l'avez

14 dit dans votre déclaration; c'est bien cela ? Il s'agit du 2 mai. Je parle

15 du 2 mai.

16 R. Oui, c'est bien cela. Ce n'était pas facile de voir ces uniformes,

17 parce qu'il faisait noir.

18 Q. Merci.

19 R. Cependant, lorsque nous sommes arrivés en ville, les forces serbes se

20 déplaçaient dans des véhicules blindés. Je vous remercie moi aussi.

21 Q. Merci, Monsieur Kadriu, mais je ne vous ai pas posé de questions là-

22 dessus. Je vous posais une question au sujet de quelque chose d'autre, et

23 vous avez donné des réponses claires à ce sujet. Mais maintenant, remontons

24 à Prekaz et aux événements du 3 mars 1999, et à l'arrestation -- pardon,

25 1998, et l'arrestation d'Adem Jashari. Aujourd'hui, à maintes reprises,

26 vous avez dit qu'on avait utilisé les tirs d'artillerie et que la maison

27 d'Adem Jashari avait été la cible de ces tirs pendant trois jours. C'est

28 illogique, Monsieur Kadriu, mais j'aimerais aussi vous proposer ceci.

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1 L'armée et l'artillerie n'étaient pas impliqués dans ces faits, et

2 n'étaient pas impliqués dans l'arrestation d'Adem Jashari. J'aimerais bien

3 entendre votre commentaire là-dessus, parce que je ce que je dis là, c'est

4 une affirmation.

5 R. Oui. C'est ce que vous dites, Monsieur, mais je vais vous dire quelque

6 chose. Mon village --

7 Q. Monsieur, une seconde. C'est ce que des témoins du bureau du Procureur

8 ont déclaré. Ce ne sont pas mes mots. Etes-vous de Prekaz, oui ou non ?

9 R. Non, je ne suis pas de Prekaze, et je l'ai déclaré dans ma déclaration.

10 Q. Etiez-vous à Prekaz ce jour-là ?

11 R. Non, personne ne pouvait aller à Prekaze ce jour-là. Excusez-moi, je

12 veux expliquer ici --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, une seconde. Vous avez

14 posé une question, et ensuite vous avez empêché le témoin de répondre à

15 cette question. Il faut rectifier cela.

16 Monsieur Marcussen --

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, c'était une situation que nous avons

18 connu plusieurs fois aujourd'hui. C'était la même chose que je voulais

19 signaler.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kadriu, on vous a demandé de

21 faire un commentaire sur l'affirmation qui a été faite selon laquelle il

22 n'y avait pas de pièces d'artillerie lourdes qui ont attaqué la maison de

23 la famille Jashari. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous affirmer qu'il y avait de

25 l'artillerie lourde, parce qu'on pouvait les entendre. On entendait les

26 véhicules. De chez moi, on les entendait. On entendait le bruit des armes

27 antiaériennes pendant trois jours consécutifs. Je suis tout à fait

28 responsable de ce que j'affirme.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic, nous allons poursuivre

2 demain.

3 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous calculer plus ou moins

5 combien de temps vous aurez besoin pour votre contre-interrogatoire

6 demain ?

7 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez,

8 j'aurais encore besoin de 15 minutes environ.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

10 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'on en aura

11 fini à la fin de la première séance, et entre-temps nous allons contacter

12 le bureau du Procureur. Je crois que nous pourrons finir l'autre témoin

13 également; donc, nous n'aurons plus rien d'autre après cela. Nous devrions

14 pouvoir terminer le témoin suivant demain.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

16 Monsieur Kadriu, vous allez poursuivre votre déposition demain. Nous ne

17 pouvons pas continuer aujourd'hui, parce qu'il y a une autre affaire dans

18 cette Chambre cet après-midi. Donc, il faut poursuivre votre déposition

19 demain à 9 heures. En attendant, vous ne pouvez pas discuter des éléments

20 de preuve avec quiconque. Vous ne pouvez pas discuter des éléments de

21 preuve de votre déposition ou de ce que vous allez dire demain. Vous pouvez

22 parler d'autre chose avec d'autres personnes, mais pas de votre déposition.

23 Vous pouvez, s'il vous plaît, quitter la Chambre maintenant et nous nous

24 reverrons ici demain matin à 9 heures.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

26 [Le témoin se retire]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Chambre se retire.

28 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 19

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1 octobre 2006, à 9 heures 00.

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