Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 6347

1 Le lundi 13 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour. Nous allons passer à huis

6 clos en attendant que le témoin n'entre dans le prétoire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Mesdames,

8 Messieurs les Juges.

9 [Audience à huis clos]

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 [Audience publique]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

16 Bonjour, Monsieur Tanic. J'aimerais aborder certains sujets avant que vous

17 ne repreniez votre déposition. Nous allons d'abord aborder ces questions.

18 Maître Visnjic, le Royaume-Uni a demandé que soit prorogé le délai de temps

19 qui lui est accordé avant de pouvoir répondre à votre requête au titre de

20 l'article 54 bis. Acceptez-vous qu'ils aient davantage de temps pour

21 répondre ?

22 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cela n'est pas un

23 problème. Nous avons déjà étudié les documents que nous avons reçus, et il

24 se peut que notre requête ait été entièrement prise en considération. Mais

25 pour le moment, je ne peux pas vous le dire parce que cela est encore à

26 l'étude.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons peut-être proroger cette

28 période de façon indéfinie et il vous appartiendra d'attirer notre

Page 6348

1 attention sur ce fait lorsque vous serez prêt à traiter cette requête, mais

2 il y aura une ordonnance écrite à cet égard.

3 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Deuxièmement, une requête a été

5 présentée pour la troisième fois pour des mesures de protection

6 supplémentaires pour le témoin K56. Au vu de la date qui a été proposée

7 pour la déposition du témoin, la Défense devrait réagir et répondre au plus

8 tard vendredi de cette semaine, à savoir le 17 novembre.

9 Puis, en dernier lieu, pour ce qui est des éléments de preuve que

10 nous étions en train d'examiner lorsque nous avons levé l'audience

11 vendredi, il s'agit de la recevabilité d'éléments de preuve par ouï-dire.

12 Il s'agit de savoir ce que d'aucuns ont dit à propos de l'accusé M.

13 Sainovic. La Chambre de première instance a estimé qu'il s'agissait là

14 d'une question particulièrement épineuse à élucider. Nous avons finalement

15 décidé que ces éléments de preuve sont recevables et admissibles, mais

16 lorsqu'il s'agit de ce genre d'éléments de preuve, pour ce qui est de la

17 présentation de ces éléments de preuve et lorsqu'il s'agit d'un élément

18 extrêmement important qui pourrait contribuer à présenter des éléments de

19 preuve eu égard à la responsabilité pénale de cet accusé, pour cela, pour

20 ce qui est de la présentation de ces éléments de preuve, c'est une autre

21 question. Nous pensons que cela va être pour nous matière à réflexion, et

22 en temps voulu, nous rendrons notre décision. Pour le moment, nous avons

23 décidé d'entendre ces éléments de preuve.

24 Monsieur Hannis, vous allez donc pouvoir reprendre, et M. Tanic, n'oubliez

25 pas que la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

26 déposition est valable. Si vous devez revenir demain et après-demain, cette

27 déclaration sera toujours valable.

28 Monsieur Hannis, vous avez la parole.

Page 6349

1 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

2 LE TÉMOIN: RATOMIR TANIC [Reprise]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 Interrogatoire principal par M. Hannis : [Suite]

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tanic. Lorsque nous avons terminé

6 vendredi, je pense que nous étions en train de parler d'une mission

7 d'enquête diligentée au Kosovo; il s'agissait du général Perisic et de

8 Jovica Stanisic qui en faisaient partie. Vous souvenez-vous du moment où

9 cette mission a eu lieu ?

10 R. D'après mes souvenirs, cela s'est passé au début de l'année 1998. Je

11 pense que vous trouverez la période précise dans ma déclaration.

12 Q. Vous souvenez-vous si cela s'est passé avant l'attaque menée contre la

13 propriété de la famille Jashari ?

14 R. Pour autant que je m'en souvienne, oui, mais il faudrait peut-être que

15 vous vérifiiez cela dans ma déclaration. Je n'ai pas de dates que je

16 pourrais consulter ici.

17 Q. Vous avez indiqué que M. Sainovic a participé à cette mission. Avant

18 qu'il n'y participe, est-ce que le général Perisic ou M. Stanisic vous

19 avait dit s'ils avaient préalablement demandé à d'autres représentants du

20 gouvernement de les accompagner dans le cadre de ce déplacement ?

21 R. D'après ce que je sais, et je l'ai entendu de la part du général

22 Perisic, ils avaient prévu d'emmener M. Zoran Lilic. Ils voulaient qu'il

23 participe à cette mission, et ce, afin de renforcer les efforts déployés

24 pour essayer d'empêcher qu'il n'y ait une guerre au Kosovo.

25 Q. Savez-vous pourquoi ils préféraient M. Lilic par rapport à M.

26 Sainovic ?

27 R. M. Lilic est une personne honnête qui jouissait de la réputation d'être

28 l'une des personnalités les plus éminentes, qui préconisait qu'une solution

Page 6350

1 soit trouvée pour empêcher la guerre, ce que l'on ne peut pas dire de M.

2 Sainovic. En tout cas, c'est ce que m'a dit M. Perisic.

3 Q. Après cette mission d'enquête, savez-vous si Perisic ou Stanisic a

4 présenté des recommandations à Slobodan Milosevic à propos du Kosovo ? Dans

5 un premier temps, répondez-moi par l'affirmative ou la négative.

6 R. Oui.

7 Q. Comment le savez-vous ? Quelle était votre source ?

8 R. Ce n'est pas seulement Perisic qui m'a relaté cela. Je l'ai appris à

9 l'époque par différentes filières, par le truchement, par exemple, de la

10 direction de mon parti et par d'autres sources. J'étais au courant de leurs

11 recommandations avant que je ne parle de la mission avec Perisic. C'était

12 une recommandation qui était publique.

13 Q. Pourriez-vous rappeler à l'intention de la Chambre de première instance

14 quelles étaient certaines de ces recommandations ?

15 R. La première recommandation fondamentale visait à ce que l'UCK soit

16 déclarée officiellement comme organisation terroriste, parce que jusqu'à ce

17 moment-là, l'UCK était appelée organisation terroriste de façon officieuse,

18 en quelque sorte. Cela était différent de l'appellation officielle donnée à

19 cette organisation. Puis, il y avait une autre recommandation qui visait

20 tout l'Etat du Kosovo où l'état d'urgence devait être déclaré, ce qui

21 aurait pu légitimer l'utilisation de l'armée des unités de police spéciale

22 parce qu'ils étaient capables de séparer les terroristes de la population

23 civile. Puis, la troisième recommandation visait en quelque sorte à mettre

24 en vigueur, et ce, le plus rapidement possible, les résolutions qui

25 existaient déjà et qui étaient des résolutions politiques qui visaient le

26 Kosovo.

27 Il fallait que Milosevic les signe. Tout le monde savait à Belgrade que

28 cela existait. Il s'agissait d'envisager une autonomie de base pour le

Page 6351

1 Kosovo avec la convocation d'élections et la mise au point de mesures de

2 confiance. Ces mesures étaient censées faire partie d'un jeu d'un ensemble

3 de mesures, et l'on pensait qu'elles suffiraient pour régler le problème du

4 terrorisme. Il s'agissait de faire la part des choses par rapport à cela,

5 la situation politique au Kosovo, et d'essayer de gérer ces deux situations

6 en parallèle, cela afin de régler le problème pour la communauté

7 internationale, pour les Albanais du Kosovo, et afin de minimiser également

8 les victimes dans les deux camps. Cela, d'ailleurs, tenait compte de

9 certaines de mes recommandations, recommandations que j'avais présentées à

10 la direction de mon parti et à Mihajlovic.

11 Q. Est-ce que vous savez si ces recommandations ont été suivies par M.

12 Milosevic ?

13 R. Non, non. Ni lui ni ses associés les ont suivies. L'UCK n'a jamais été

14 déclarée officiellement organisation terroriste, à l'époque. L'état

15 d'urgence n'a jamais été mis en vigueur parce qu'il aurait ainsi permis

16 l'utilisation légitime de l'armée et la police. Certaines décisions ont été

17 prises ultérieurement, et ce, par la commission du Kosovo. Il s'agissait

18 par exemple de l'utilisation de forces spéciales de police. Je dois dire

19 que cela est passé en quelque sorte par une chaîne de commandement privée.

20 Pour ce qui est de la solution politique du problème, ni Milosevic ni ceux

21 qui l'entouraient ne voulaient absolument entendre parler de cet accord.

22 Ainsi, ils ont tout simplement fait en sorte que l'opinion populaire au

23 Kosovo devienne de plus en plus radicale.

24 Q. Vous avez mentionné que l'un des objectifs des recommandations visait à

25 minimiser le nombre des victimes dans les deux camps au Kosovo. Que se

26 passait-il au Kosovo qui signifie qu'il y avait comme conséquences des

27 victimes au Kosovo en 1998 ?

28 R. A ma connaissance, les unités de police étaient utilisées de façon peu

Page 6352

1 professionnelle. Elles étaient utilisées pour combattre le terrorisme. Le

2 terrorisme albanais avait pour habitude de se mélanger avec la population

3 civile, ce qui est utilisé d'ailleurs comme stratégie dans le monde entier.

4 Mais il faut qu'il y ait des mesures qui soient prises pour faire en sorte

5 de faire la part des choses entre les terroristes et la population civile.

6 Au lieu de cela, malheureusement, très souvent nos unités ont pris des

7 mesures et ont mené à bien des opérations afin d'essayer d'éliminer ces

8 terroristes. Ils l'ont fait avec comme résultat un grand nombre de victimes

9 civiles, bien que la police ait su au départ qu'il y aurait peut-être des

10 victimes civiles. Alors bien entendu, il y a eu des victimes dans notre

11 camp et également au sein de la police, mais je l'ai dit, il y avait une

12 chaîne de commandement privée qui émanait de Milosevic, qui passait par

13 différents échelons, ce qui fait que cela s'est soldé par un véritable

14 chaos et avec un nombre qui augmentait de plus en plus pour ce qui est des

15 victimes dans les deux camps.

16 On ne savait pas comment l'armée aurait pu être utilisée puisqu'il

17 n'y avait pas d'état d'urgence. L'armée était utilisée ici et là, et cela,

18 contrairement à la constitution, ce qui a fait que le pays a plongé dans

19 une situation de plus en plus grave et qu'en même temps, cela ne faisait

20 qu'alimenter en quelque sorte l'extrémisme albanais. Je n'ai participé à

21 aucun combat là-bas, donc je ne peux pas parler de crimes précis, mais

22 c'est une impression quand même que je partageais et qui était partagée par

23 d'aucuns également. Je dois vous dire que je suis assez sûr que le chef de

24 la sécurité et le chef des forces armées partageaient ce point de vue. Le

25 problème le plus grave était justement cette chaîne de commandement qui

26 était absolument parallèle.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Fila.

28 M. FILA : [interprétation] Je dirais, Monsieur le Président, que je ne sais

Page 6353

1 pas d'où vous viennent ces questions. Une fois de plus, il s'agit

2 d'impressions, d'avis, de points de vue. On ne nous donne aucune source

3 précise. Je n'ai jamais vu ce genre de témoignage jusqu'à présent,

4 d'ailleurs je ne sais pas très bien où cela va nous mener. J'aimerais

5 toutefois vous rappeler que M. le Juge May partageait mon point de vue. Il

6 a partagé mon point de vue lorsque ce témoin est venu déposer ici la

7 dernière fois. Regardez les mots qu'il utilise, les propos qu'il tient. Je

8 ne sais vraiment pas où cela nous conduit, et c'est pour cela que je

9 soulève une objection.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, j'ai des sources d'information --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie, ne parlez pas tant

12 que nous n'ayons pas réglé le problème. Vous aurez la possibilité de vous

13 exprimer plus tard lorsque d'autres questions vous seront posées.

14 Vous avez autre chose à dire, Maître Fila ?

15 M. FILA : [interprétation] Non, non. Je voulais tout simplement vous

16 expliquer ce qui me dérange pour le moment.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

18 M. HANNIS : [interprétation] Je peux tout à fait poser quelques questions.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous pourriez peut-

20 être dans un premier temps répondre à cette objection, puisqu'il a été

21 suggéré que l'on demande de façon tout à fait aléatoire des questions au

22 témoin sans pour autant se concentrer sur les questions pertinentes à ce

23 procès ?

24 M. HANNIS : [interprétation] Non. C'est une question qui visait les

25 victimes civiles au Kosovo en 1998.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela n'a pas donné beaucoup de

27 résultats. Puis, il est question de cette chaîne de commandement ou de

28 cette structure parallèle qui nous tombe du ciel, en quelque sorte.

Page 6354

1 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agissait d'une réponse qui n'était pas

2 véritablement une réponse à ma question.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, c'est vrai que cela ne nous

4 permet pas véritablement de procéder de façon méthodique. Je pense qu'il

5 faudrait envisager un interrogatoire un peu plus ciblé, Monsieur Hannis.

6 M. HANNIS : [interprétation] Je vais m'évertuer de le faire.

7 Q. Monsieur Tanic, à propos de ces victimes civiles parmi les Albanais du

8 Kosovo en 1998, est-ce qu'il s'agissait en quelque sorte d'un secret

9 d'Etat ?

10 R. Pour l'essentiel, oui.

11 Q. Est-ce que cela ne faisait quand même pas l'objet d'une certaine

12 publicité dans les médias; il en était question ?

13 R. Certains cas ont effectivement fait l'objet de publication dans les

14 médias.

15 Q. Cette question des victimes parmi la population albanaise du Kosovo,

16 est-ce que l'attention de M. Milosevic a été attirée sur ce problème ? Dans

17 un premier temps, répondez-moi tout simplement par oui ou par non.

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire comment cela a été fait, qui a

20 attiré son attention là-dessus, comment est-ce que son attention a été

21 attirée sur ce problème ?

22 R. Dans un premier temps, nous l'avons fait, nous les membres de la

23 direction du partie, mais d'après ce que je sais, M. Stanisic et M. Perisic

24 lui ont indiqué cela, et au nom de leurs services officiels.

25 Q. Comment est-ce que vous avez attiré son attention là-dessus, vous qui

26 apparteniez à cette nouvelle démocratie ?

27 R. Nous l'avons fait de façon écrite, mais je pense qu'il y a également eu

28 des conversations à ce sujet.

Page 6355

1 Q. Est-ce que vous avez jamais eu, vous personnellement, une conversation

2 avec M. Milosevic à ce sujet ?

3 R. Oui.

4 M. ACKERMAN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Ackerman.

6 M. ACKERMAN : [interprétation] Ecoutez, je reprends l'intervention de Me

7 Fila. La réponse qui a été apportée, la réponse à la ligne 14 : "Il y a eu

8 des conversations également," ce n'est pas très utile --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais cela s'est passé, Maître

10 Ackerman. M. Hannis comprend cela, il va poser d'autres questions. Peut-

11 être que cela ne nous permettra pas véritablement d'élucider la question,

12 mais il a choisi dans le cadre du temps qui lui était imparti pour

13 l'Accusation d'essayer d'obtenir de la part du témoin des réponses à propos

14 de cela, et maintenant il se rend compte qu'il doit cibler certains

15 éléments essentiels et il essaie de le faire. S'il n'y arrive pas et que

16 nous nous retrouvons avec cette réponse qui est très évasive et très vague,

17 bien entendu que nous nous pencherons sur la question.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais je vois qu'il est question de

19 beaucoup d'impressions et de choses qui se sont peut-être, peut-être pas

20 passées.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, je pense que M.

22 Hannis est parfaitement conscient de la situation.

23 Poursuivez, Monsieur Hannis.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Si vous avez eu une conversation avec M. Slobodan Milosevic à ce sujet,

26 est-ce que vous pourriez nous dire, Monsieur Tanic, quand est-ce que cela

27 s'est passé, comment est-ce que cette conversation s'est déroulée ?

28 R. Cela s'est passé avant l'année 1998 --

Page 6356

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne poursuivez pas cette réponse, ne

2 continuez pas, parce que M. Hannis vous pose des questions à propos de

3 l'année 1998, donc il va vous poser d'autres questions.

4 M. HANNIS : [interprétation]

5 Q. Vous nous dites que vous avez eu une conversation avant l'année 1998.

6 Est-ce que c'était une conversation qui portait sur le problème des

7 opérations de police et de la population civile des Albanais du Kosovo ?

8 R. Non. Cette conversation portait sur la façon de résoudre le problème,

9 étant donné que pendant le second semestre de l'année 1997, le terrorisme a

10 commencé à s'aggraver, à devenir de plus en plus important. Déjà, il y

11 avait des discussions à propos de la façon de faire la part des choses

12 entre les terroristes et les civils. Il m'est très difficile de parler sans

13 les notes que j'ai prises, j'aimerais vérifier certaines dates. Ce sont des

14 événements qui se sont déroulés il y a plus d'une décennie. La Défense peut

15 véritablement utiliser cette faiblesse de ma part, mais sans ma propre

16 déclaration, il m'est difficile quand même de me souvenir des dates.

17 Q. Faites abstraction des dates pour le moment, mais j'aimerais que vous

18 nous indiquiez quand même quelle fut la quintessence de cette conversation,

19 puisqu'il était question de séparer la population civile des terroristes et

20 de faire la différence entre les deux.

21 R. Tout ce que j'ai dit, tout cela, toute cette histoire s'était répétée

22 depuis des années, depuis des mois, une solution politique, déclarer l'UCK

23 une organisation terroriste, l'envoi de forces spéciales, la proclamation

24 de l'état d'urgence. Voilà autant de facteurs qui, pour la vie politique

25 serbe --

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, écoutez les questions

27 qui vous sont posées et répondez aux questions qui vous sont posées. Ce

28 n'est pas la peine de revenir sur des choses dont vous nous avez déjà parlé

Page 6357

1 de façon générale, parce que M. Hannis essaie de préciser certains faits

2 afin que nous les prenions en considération. Je vous demanderais de nous

3 aider, Monsieur Tanic.

4 Monsieur Hannis, poursuivez.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Vous aviez déjà répondu, vous avez dit que c'était pendant le deuxième

7 semestre de l'année 1997, qu'il y avait déjà un débat à ce sujet et que le

8 problème consistait à séparer les terroristes des autres. Est-ce que vous

9 avez eu une conversation avec M. Milosevic à ce sujet, à propos de ce

10 problème ?

11 R. Oui, oui, une conversation brève.

12 Q. Pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a dit à ce sujet ?

13 R. Il nous a tout simplement dit que la population albanaise se ralliait

14 aux terroristes et que le problème, c'était le nombre d'Albanais, qu'il

15 faudrait que ce chiffre soit ramené à un niveau raisonnable. Mais nous ne

16 parlons pas de Milosevic, ici, je pense.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense, Monsieur Tanic, qu'il va

18 falloir que je vous explique pourquoi vous avez été convoqué ici. Nous

19 voulons entendre ce que vous avez à dire à propos de questions qui vous

20 sont posées par les conseils. Il ne vous appartient pas de nous dire ce que

21 vous avez envie de nous dire et il ne vous appartient pas à vous de décider

22 si des questions afférentes à Milosevic sont pertinentes dans cette

23 affaire. Je vous demanderais de vous limiter à répondre aux questions qui

24 vous sont posées. Ainsi, nous effectuerons un certain progrès.

25 Parce qu'il ne faut pas oublier que l'Accusation s'est vu impartir un

26 certain temps, et vous savez qu'il y a quand même une certaine

27 préoccupation internationale à propos de la durée de ces affaires, des

28 affaires ici. Je vous demanderais de nous prêter main-forte pour que nous

Page 6358

1 puissions véritablement régler les problèmes présentés par l'acte

2 d'accusation. Je vous demanderais de bien vouloir apporter votre

3 contribution à la Chambre de première instance.

4 Monsieur Hannis, je vous en prie.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Est-ce que vous avez eu des conversations avec le général Perisic à

7 propos des recommandations qu'il avait présentées à Slobodan Milosevic,

8 recommandations qui portaient sur le problème de la province du Kosovo ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous avez eu cette

11 conversation avec lui ? Est-ce que vous vous souvenez de l'endroit où vous

12 vous trouviez lorsque vous avez eu cette conversation ?

13 R. Cela s'est passé pendant le printemps de l'année 1999.

14 Q. Vous vous souvenez où a eu lieu cette conversation ?

15 R. Chez lui.

16 Q. Lors de cette conversation, est-ce qu'il vous a montré une lettre qu'il

17 avait rédigée à l'intention de M. Milosevic, lettre dans laquelle il

18 exposait ses griefs, ses doléances, et dans laquelle également il suggérait

19 des recommandations ?

20 R. Oui.

21 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce à

22 conviction P17, je vous prie. Je m'excuse, il s'agit de la pièce 717. Je

23 m'excuse, donc c'est la pièce 717, P717.

24 Q. Lorsque vous lui avez parlé de cette lettre, est-ce qu'il vous a dit si

25 Milosevic avait réagi de façon positive à l'une ou l'autre de ses

26 recommandations ?

27 R. Oui. Il m'a relayé les observations de M. Milosevic qui n'étaient pas

28 d'ailleurs positives.

Page 6359

1 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que soit affichée la version

2 anglaise sur l'écran pour nous et je souhaiterais que la version B/C/S soit

3 affichée pour le témoin. Je souhaiterais que l'on prenne la page 2 de ce

4 document pour la version B/C/S -- non, je m'excuse, je pense que c'est la

5 page 3 du document.

6 Q. Est-ce que vous voyez ceci apparaître à l'écran, Monsieur Tanic ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

9 R. Oui.

10 Q. De quoi s'agit-il ?

11 R. Il s'agit d'une lettre d'avertissement du général Perisic à l'époque où

12 il était chef d'état-major de l'armée de Yougoslavie. Ce document est

13 adressé à Milosevic et informe M. Milosevic de ce qui se passe vraiment et

14 des problèmes qui se présentent dans le contexte de ce conflit au Kosovo.

15 C'est une lettre qui est identique à d'autres lettres que nous avons

16 envoyées et que les services de Sécurité ont envoyées et auxquelles j'ai

17 déjà fait référence.

18 Q. Puis-je vous inviter à porter votre attention sur l'élément 126 décrit

19 par M. Perisic comme étant une liste de faits, y compris une tendance à

20 utiliser l'armée yougoslave à l'extérieur des institutions du système,

21 séparant les unités de l'armée yougoslave de l'armée et essayant de

22 commander des unités de l'armée yougoslave par des personnes qui n'y sont

23 pas autorisées ? Est-ce que vous avez discuté de chacun de ces points avec

24 le général Perisic ?

25 R. Oui, oui, c'est une liste très exhaustive.

26 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante en version

27 B/C/S et garder la même page en version anglaise ?

28 Q. Monsieur Tanic, vous allez peut-être pouvoir nous apporter votre

Page 6360

1 concours. Je crois qu'il y a eu une petite erreur de traduction dans la

2 version anglaise, ou en tout cas, un mot manque. Dans la version B/C/S, au

3 haut de la page, à l'intitulé 1(A), pourriez-vous faire lecture de cette

4 première ligne, paragraphe 1, alinéa A ?

5 R. "La situation au Kosovo-Metohija aurait pu être résolue." Il est dit :

6 "Premièrement, tendance de l'armée en dehors des institutions et du

7 système" --

8 L'INTERPRÈTE : L'interprète invite le témoin à lire plus lentement.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] -- "la situation au Kosovo-Metohija" --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez lire plus lentement le texte,

11 parce que lorsque vous lisez un texte, vous avez tendance à lire beaucoup

12 plus vite et à parler beaucoup plus vite. Veuillez ralentir quelque peu.

13 Veuillez reprendre A, s'il vous plaît.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] "La situation au Kosovo-Metohija aurait pu

15 être résolue en introduisant un état d'urgence à temps, à savoir le 28

16 avril 1998, lorsque je vous ai envoyé la proposition écrite figurant dans

17 l'annexe numéro 1, dans la mesure où vous n'en avez pas pris compte" --

18 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que le terme "urgence" manque dans la

19 version anglaise; le terme "emergency" manque dans la version anglaise.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 M. HANNIS : [interprétation]

22 Q. Monsieur Tanic, au point (a) [comme interprété], il y a une traduction

23 d'un texte, et il y est parlé de VSO. Est-ce que vous pourriez nous dire à

24 quoi correspond cette initiale VSO ? Il y a une explication dans la

25 traduction anglaise, mais je tiens à être absolument certain qu'il s'agit

26 bien de la bonne explication.

27 R. Conseil suprême de la Défense.

28 Q. Dans le compte rendu, il est indiqué BSO, mais je crois que c'est VSO,

Page 6361

1 V pour Victor, et non pas B, lorsque je l'ai dit. Puis, au bas de ce

2 paragraphe, au paragraphe (b), le général Perisic évoque trois raisons pour

3 lesquelles l'utilisation de l'armée yougoslave de cette façon-là n'est pas

4 défendable. La façon dont il propose de résoudre le problème est --

5 pourriez-vous faire lecture du texte, s'il vous plaît ?

6 R. "La VJ, l'armée de Yougoslavie ne peut pas être utilisée, et ce,

7 pour trois raisons au moins."

8 Q. Pourriez-vous aller un peu plus bas et dire ce qu'il propose comme

9 solution, ce que le général Perisic propose comme solution au problème ?

10 R. Non, je ne le vois pas, donc je ne peux pas le lire.

11 Q. Pardon. Il va falloir que l'on passe un peu plus bas dans la version

12 B/C/S du texte à la projection.

13 R. "Proposition de solution : utiliser l'armée de Yougoslavie de façon

14 licite de manière à défendre la ceinture de frontière, les équipements

15 militaires et les unités militaires, ne pas l'utiliser pour quelque autre

16 tâche que ce soit ou ne pas déclarer la situation, tel cela est prévu par

17 la constitution, et l'usage de la force. La position est claire, mais il

18 faut que nous ayons une décision politique claire, parce que si l'assemblée

19 fédérale ou le cabinet de la République de Yougoslavie ne souhaite pas ou

20 n'est pas en mesure de parvenir à cette décision, qui a le droit d'assumer

21 une telle responsabilité.

22 "Point 2, séparer les unités de la VJ de l'armée yougoslave" --

23 Q. Point 2, il évoque quelques griefs quant à certaines brigades, des

24 Brigades des Gardes qui ont été séparées du fait de la décision de M.

25 Milosevic. Ces Brigades des Gardes, de quoi s'agit-il ? Est-ce que vous

26 pouvez nous le dire ? Est-ce que vous en savez quelque chose ?

27 R. Malheureusement, je n'ai pas les compétences requises pour répondre à

28 cette question.

Page 6362

1 Q. Je vais vous poser une autre question.

2 M. HANNIS : [interprétation] La page suivante du texte en version B/C/S,

3 pourrait-on l'afficher, s'il vous plaît ? Restons sur la même page en

4 version anglaise, en revanche.

5 Q. Point 3, il s'agit d'un grief évoqué quant à la tentative visant à

6 commander l'armée yougoslave par une personne non autorisée à le faire. Au

7 paragraphe 3(a), on fournit un exemple qui fait référence à l'exemple de

8 Decani ou Orahovac. Est-ce que vous avez des informations sur ce qui a pu

9 se passer à Decani ou Orahovac, s'agissant de cette tentative visant à

10 commander par des personnes non autorisées qui ont décrit la volonté

11 d'apporter un appui à des unités de l'armée yougoslave ?

12 R. Oui. Pour cette chaîne de commandement privée, pour cette mission au

13 Kosovo qui ensuite s'est rebaptisée elle-même Commission pour la lutte

14 contre le terrorisme, du fait de cette chaîne de commandement parallèle,

15 les instructions parvenaient de Belgrade, instructions indiquant que

16 l'armée devait offrir plus de mortiers de 120 millimètres, de lance-

17 roquettes à la police, ainsi que d'autres équipements qui, au titre de

18 notre législation, pour ne même pas citer la convention de Genève, sont

19 interdits.

20 Il est interdit d'utiliser de telles armes contre les populations

21 civiles à moins que ne soit déclaré l'état d'urgence. Le général Perisic,

22 c'est en tout cas ce qu'il m'a dit au moment où il était confronté à des

23 problèmes de ce type, et cela s'est produit à plusieurs reprises, a

24 interdit cela. Puis, un fonctionnaire du service de Sécurité m'a indiqué

25 que le MUP avait demandé à l'armée d'intervenir et que l'armée s'était

26 exécutée, et ce, d'une façon qui ne servait strictement à rien dans la

27 lutte contre le terrorisme, mais qui avait eu pour conséquence des victimes

28 civiles.

Page 6363

1 Q. Au 3(b) --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que nous

3 allons en entendre davantage à propos de cette commission au Kosovo, cette

4 Commission pour la lutte contre le terrorisme ?

5 M. HANNIS : [interprétation] Oui, nous en parlerons davantage par la suite.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Au 3(b), il est fait état de la tentative par la partie civile de

9 l'état-major de commander un Corps d'armée. Il indique que la

10 responsabilité du commandement du Corps d'armée est d'évaluer la situation,

11 de prévoir des opérations pour le MUP et l'armée yougoslave, et ce, en

12 coopération avec les membres civils de l'état-major et du MUP, et de faire

13 rapport à Sainovic et Minic.

14 Tout d'abord, pourriez-vous nous dire qui était Minic, Milomir Minic ?

15 R. Milomir Minic était également un des collaborateurs les plus proches de

16 Milosevic, tout comme M. Sainovic.

17 Q. Monsieur Minic occupait-il un poste de gouvernement ?

18 R. J'ai du mal à m'en souvenir. Il occupait sûrement un poste, mais il

19 m'est difficile de me souvenir très précisément duquel. M. Perisic les

20 décrivait tous deux comme étant membres de cette commission.

21 Q. Qu'en saviez-vous, de cette commission ? La source de vos informations

22 est-elle le général Perisic, de vos informations à propos de cette

23 commission ?

24 R. Non. J'avais entendu parler de cette commission précédemment, au moment

25 même où elle avait été établie.

26 Q. Vous souvenez-vous plus ou moins de la date à laquelle elle a été

27 établie et à quel moment vous en avez entendu parler pour la première

28 fois ?

Page 6364

1 R. J'ai entendu parler de son existence au moment où elle a été créée.

2 Pour autant que je puisse me souvenir, et je n'ai pas mes notes sous mes

3 yeux, donc il m'est difficile de me rappeler exactement quelle était la

4 date, mais je crois que c'était à la fin de 1997 ou au début 1998. Quoi

5 qu'il en soit, c'était à l'époque où Milosevic, avec ses collaborateurs,

6 avait rejeté une commission politique pour le Kosovo. Il n'était pas en

7 mesure d'assurer la mise en œuvre et l'exécution de ces politiques au

8 Kosovo par des canaux légaux parce qu'il y avait là une résistance qu'on y

9 opposait, puisque chacun savait qu'il y avait une solution politique

10 éventuelle.

11 Dans la mesure où il ne pouvait bénéficier d'appui pour les

12 institutions politiques, il a établi ces institutions parallèles dont la

13 Commission pour le Kosovo, dont les membres étaient Sainovic et Minic,

14 entre autres.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, où dans votre

16 déposition écrite faites-vous référence à cela ?

17 M. HANNIS : [interprétation] La commission, Monsieur le Président ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

19 M. HANNIS : [interprétation] Je vais vérifier. Je crois que c'est entre les

20 paragraphes 81 et 85, si je ne m'abuse; début de 1982, création de la

21 commission, est-il dit.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un autre intitulé, mais c'est la

23 même commission.

24 M. HANNIS : [interprétation] Oui, vous vous souviendrez que dans la

25 déclaration liminaire, il avait été dit qu'il y avait un organisme auquel

26 on faisait référence, mais en n'utilisant que deux ou trois noms

27 différents, mais il s'agit du même organisme.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez nous donner quelques

Page 6365

1 instants.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, à plusieurs

4 reprises vous avez indiqué que vous n'aviez pas accès ici à vos notes. Est-

5 ce que vous avez des notes manuscrites que vous auriez prises au moment où

6 se sont déroulés ces événements ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je faisais référence à ma déposition

8 écrite de 1999, début 2000.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 Maître O'Sullivan, les Juges estiment à titre provisoire que lorsque l'on

11 s'occupe d'un si grand nombre de questions sur une période aussi longue et

12 si longtemps après que se soient déroulés les événements, il y aurait peut-

13 être lieu de donner au témoin la possibilité d'avoir sous les yeux sa

14 déposition écrite, de manière à ce que nous puissions être informés de

15 façon complète du déroulement des événements, gardant bien entendu présent

16 à l'esprit qu'il sera aidé par des déclarations qu'il aurait faites par

17 d'autres occasions. Mais cela va peut-être à l'encontre de la justice

18 d'empêcher qu'interviennent les précisions qu'une référence faite à la

19 déposition écrite pourrait apporter. Est-ce que vous y auriez une

20 objection, avant que nous ne prenions notre décision finale ?

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Au

22 départ, ce témoin devait intervenir sans déclaration écrite sous les yeux,

23 puis ensuite il a été décidé qu'au titre du 92 ter, il pourrait avoir la

24 déclaration sous les yeux, les 45 paragraphes. Cela avait été dit dans les

25 intérêts de la justice.

26 Il a été décidé que ce témoin soit entendu en prétoire, et cela,

27 selon nous, fait partie du poids de la preuve, et sa crédibilité est

28 affectée. Nous estimons qu'il ne devrait pas avoir la déclaration écrite

Page 6366

1 sous les yeux.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci étant dit, nous demandons de nos

3 témoins qu'ils se souviennent d'événements qui, dans le cas de la

4 déposition dont nous discutons à présent, se sont déroulés il y a de cela

5 huit ans. A mesure que le temps passe, les souvenirs s'effacent peu à peu

6 de la période au cours de laquelle on lui a demandé de concentrer son

7 attention sur le souvenir qu'il avait gardé des événements et de le coucher

8 sur papier, et ce document pourra lui permettre de mieux se souvenir des

9 événements.

10 C'est là quelque chose de très différent de la décision que nous

11 avons prise précédemment, qui était qu'en remplacement à sa déposition

12 orale, nous n'allions pas reprendre l'ensemble de la déclaration écrite. Il

13 se pose donc la question de savoir si, effectivement, empêcher le témoin de

14 faire référence à quelque chose qui est après tout son propre document

15 irait à l'encontre de l'intérêt de la justice.

16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je ne peux que répéter ce que je vous

17 disais tout à l'heure. Bien entendu, il y a eu récolement par le bureau du

18 Procureur les 4 et 5 novembre par ce document. Il est venu au Tribunal

19 vendredi avec ce document. Il se peut qu'il ait relu toute sa déclaration

20 écrite pendant le week-end, ce n'est pas impossible; vous pouvez le lui

21 demander.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, le conseil m'invite à

23 vous demander si vous avez relu votre déclaration pendant le week-end.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais je n'ai pas essayé à dessein de

25 mémoriser les dates. J'ai regardé les processus et les événements, mais je

26 ne souhaiterais pas que la Défense me mette au défi parce que je me suis

27 trompé de date. Je parle d'événements politiques, mais je ne peux pas me

28 souvenir de chaque date ou de chaque heure. Je peux difficilement dire :

Page 6367

1 non, la commission n'a pas été établie à la fin de 1997, mais au début de

2 1998; par conséquent, vous, Tanic, vous n'y connaissez rien, pourrait me

3 dire la Défense. Mais la raison pour laquelle je n'ai pas mémorisé les

4 dates, c'est parce que je ne savais pas que je n'allais pas pouvoir

5 consulter ma propre déclaration.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 Maître Fila.

8 M. FILA : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président,

9 Monsieur et Mesdames les Juges, j'ai deux raisons. D'abord, le paragraphe

10 53 fait référence à la commission pour la première fois, mais il semblerait

11 que cela ne plaise pas beaucoup à M. Hannis parce que cela établit un lien

12 avec un certain nombre d'événements. Examinons le paragraphe 53 de très

13 près. Examinons ce qu'il y est dit à propos de cette mission qui est la

14 commission.

15 Deuxièmement, le témoin a eu l'occasion de revoir sa déclaration écrite

16 pendant le week-end, et à mesure que M. Hannis posait de nouvelles

17 questions à propos de ce sur quoi déposerait le témoin, nous avons des

18 demandes ou des requêtes complémentaires d'altération au titre du 65 ter.

19 Soyons précis. Il se peut que le témoin fasse quelques erreurs de quelques

20 mois, et si c'est le cas, nous l'accepterons. Personne ne pense qu'il doit

21 être à même de donner la date précise. De petits écarts avec la réalité

22 peuvent être tout à fait tolérés, mais il faut qu'il nous présente des

23 informations, et nous voulons vérifier que ces informations sont crédibles.

24 Si vous examinez le paragraphe 53, vous verrez où et à quelle date une

25 commission a été établie. Monsieur Hannis, il y a un autre paragraphe qui

26 correspond à ce que dit le témoin. Je m'oppose à ce que l'on donne au

27 témoin l'occasion d'avoir sous les yeux sa déclaration écrite.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

Page 6368

1 Maître Visnjic.

2 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous essayons ici de

3 voir dans quelle mesure le témoin est capable de relayer de façon fiable ce

4 qu'il a entendu de la bouche d'autres. Je crois que nous voyons qu'il ne

5 peut même pas relayer de façon fiable ce que lui-même a dit simplement en

6 complément de ce qui a été dit par Me O'Sullivan et Me Fila.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais c'est une insulte. Je sais

8 bien qu'en tant que témoin, je n'ai pas le droit de me prononcer, mais je

9 crois que c'est une insulte que d'affirmer que je ne suis pas capable de

10 relayer fidèlement des informations.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, je vous demanderais de

12 bien vouloir comprendre que le conseil doit - c'est là son devoir -

13 m'apporter des explications quant à la base sur laquelle il s'oppose à la

14 proposition que nous formulons.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, vous souhaitiez

17 intervenir ?

18 M. HANNIS : [interprétation] Oui, si vous m'y autorisez. Il y a là un

19 certain nombre de questions qui me tiennent à cœur intellectuellement

20 aussi. Par le passé, j'avais une excellente mémoire en mesure, dit-on. Je

21 ne me souviens pas avoir eu une excellente mémoire. Parfois, je ne me

22 souviens même pas de ce qui s'est passé hier ou si j'ai bien frotté mes

23 aisselles au moment de prendre ma douche. Mais là, c'est un problème qui se

24 pose dans tous les tribunaux qui fonctionnent avec des témoins qui viennent

25 déposer pour des événements notamment qui se sont déroulés il y a si

26 longtemps. Aux Etats-Unis, il y a plusieurs façons de régler ce genre de

27 question.

28 Soit on rafraîchit la mémoire du témoin, ou l'on donne au témoin la

Page 6369

1 possibilité d'examiner sa déclaration écrite, une déclaration qu'il aurait

2 faite à un moment plus proche des événements. Cela lui donne l'occasion de

3 l'examiner, éventuellement cela rafraîchit sa mémoire. S'il le fait, il

4 peut ensuite mettre de côté sa déclaration écrite; cela, c'est une

5 possibilité. L'autre possibilité, c'est de dire : "Je sais que j'ai fait

6 une déclaration écrite il y a de cela cinq, six ou huit ans, et si je

7 pouvais l'examiner, cela rafraîchirait ma mémoire. Mais même à la lecture

8 du document, cela ne rafraîchit rien. Mais je sais qu'à ce moment-là, ma

9 mémoire était fiable et je pense pouvoir l'utiliser."

10 On peut l'utiliser par opposition à la déposition, mais dans d'autres

11 situations et dans l'intérêt de la justice, dans l'intérêt de la recherche

12 de la vérité par ce Tribunal, il ne serait pas injuste à l'égard de la

13 Défense ou du Tribunal de permettre au témoin de revoir sa déclaration

14 écrite afin de s'assurer que cela rafraîchit bien ou ne rafraîchit pas sa

15 mémoire.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous rendrons une décision sur ce

19 point en l'absence du témoin, donc nous allons passer en audience à huis

20 clos et inviter le témoin à quitter le prétoire jusqu'à ce que nous

21 rendions notre décision.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

23 [Audience à huis clos]

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 6370

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, donnez la déclaration

6 au témoin pour qu'il puisse la consulter, se rafraîchir la mémoire. Cela ne

7 va pas dans le sens de l'intérêt de la justice. Ce serait contraire à une

8 décision que nous avons rendue précédemment au sujet de la déclaration.

9 Cependant, il arrivera et il est peut-être déjà arrivé que par souci de

10 précision dans la relation de la chronologie des événements, il serait

11 peut-être utile à ce moment-là que le témoin puisse consulter sa

12 déclaration pour se rafraîchir la mémoire, donc nous allons faire preuve de

13 compréhension et nous accepterons qu'on lui permette de consulter des

14 passages précis dans les situations que vous avez vous-même définies. Mais

15 nous ne souhaitons pas que sur la base d'un défaut, d'une défaillance de sa

16 mémoire s'agissant d'un événement ou de toute une série d'événements, nous

17 ne souhaitons pas qu'il puisse à ce moment-là systématiquement consulter sa

18 déclaration.

19 Il faudra que ce soit lorsque le besoin s'en fera sentir pour une

20 raison bien précise, si bien que nous estimons que sa déposition aura plus

21 de valeur s'il s'exprime librement sans consulter sa déclaration ou en la

22 consultant le moins possible. Veuillez donc garder cela à l'esprit et

23 intervenir dès que vous estimez qu'il sera nécessaire pour lui ou utile de

24 consulter sa déclaration. Nous-mêmes, nous pourrons peut-être nous en

25 rendre compte nous-mêmes, mais nous ne pensons pas qu'il doive

26 systématiquement consulter sa déclaration.

27 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons retourner en audience à

Page 6371

1 huis clos pour faire rentrer le témoin.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

3 [Audience à huis clos]

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, nous avons statué, et

15 c'est notre décision qui régira la suite de votre déposition.

16 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

17 Nous avons une pièce actuellement à l'écran, et j'aimerais que nous

18 passions à la page suivante en anglais et qu'on descende un petit peu sur

19 la page en B/C/S.

20 Q. Monsieur Tanic, avant cette digression, nous étions en train de parler

21 de la lettre du général Perisic au paragraphe 3, où il émettait des

22 protestations parce que certaines parties ou intervenants civils voulaient

23 commander la VJ. Au paragraphe 3, il explique que le commandant du Corps de

24 Pristina doit planifier ce qu'on lui ordonne de faire, à la demande de

25 Sainovic, Minic et du MUP, la planification et la réalisation est entre ses

26 mains. Est-ce que Perisic vous a fait part de difficultés qui découlaient

27 de cette manière de faire ?

28 R. Il m'a dit ce qu'il avait écrit. Il m'a dit que le résultat, c'était

Page 6372

1 qu'on employait de manière inefficace l'armée de la Yougoslavie, qu'il y

2 avait beaucoup de victimes et que les résultats étaient médiocres.

3 S'agissant de Sainovic et Minic, ils donnaient également des ordres au MUP,

4 et je le savais avant que Perisic ne me le dise. Ces deux hommes

5 transmettaient les messages de Milosevic dans le cadre des décisions prises

6 par l'armée ou par la police. Je le savais précédemment, mais M. Perisic me

7 l'a confirmé.

8 Q. Quelle était la source de vos informations avant que le général Perisic

9 ne vous en fasse part ?

10 R. Les services de Sécurité de l'Etat ou de la Sûreté de l'Etat ainsi que

11 des collaborateurs bien intentionnés de Milosevic, le chef de mon parti

12 également. Il s'agit de plusieurs sources, trois ou quatre sources situées

13 à des échelons différents, mais tout le monde me confirmait exactement la

14 même chose, y compris le facteur relatif à la participation internationale,

15 mais je ne pense pas que le moment soit venu d'en parler.

16 Q. Je vais maintenant passer au paragraphe 4, où il s'agit de contourner

17 certains échelons de commandement dans le cadre des négociations

18 officielles et de la répartition des missions. Le général Perisic s'est

19 plaint du fait que Milosevic, même si en tant que chef de l'Etat, il avait

20 le droit de s'entretenir avec qui il voulait au sein de la VJ, le général

21 Perisic cependant proteste, parce que ceci se fait sans la connaissance du

22 chef d'état-major de l'armée. Qui était chef d'état-major à l'époque ?

23 R. Le général Perisic.

24 Q. Dans le même ordre d'idées, est-ce que le général Perisic vous a parlé

25 de démarches qu'il avait entreprises lui-même en 1998 pour maintenir son

26 contrôle sur les unités de la VJ et savoir ce que ces unités de la VJ

27 faisaient au Kosovo ?

28 R. Oui, il a émis un ordre écrit selon lequel aucun équipement de l'armée,

Page 6373

1 y compris les pièces d'artillerie lourde, ne pouvait être déplacé d'un

2 centimètre à la demande de qui ce soit, que ce soit Sainovic, Minic ou le

3 MUP, si lui-même n'y avait pas consenti. Parce qu'on utilisait des

4 manigances. On disait : déplacez votre char d'un mètre. Comme cela, le char

5 pouvait viser une maison civile, alors que l'armée ne voulait pas le faire.

6 Voilà le genre de chose qui se passait.

7 Q. Est-ce que le général Perisic vous a dit si cette mesure avait porté

8 ses fruits, résolu le problème ?

9 R. Il a dit que cela a été efficace pendant un certain temps, mais ensuite

10 le général Perisic a été remplacé au moment où M. Stanisic a quitté son

11 poste, ainsi que Mijatovic, son adjoint. Tout ceci à cause des difficultés

12 semblables, et cela correspond à ce dont j'avais parlé avec Mijatovic au

13 sujet des services de la Sûreté de l'Etat. Ils avaient une prise de

14 position semblable à celle de l'armée de la Yougoslavie. Ils estimaient que

15 Milosevic était en train d'essayer de déclencher une guerre là-bas, en bas.

16 Sainovic et Minic, selon eux, participaient à tout cela.

17 Q. J'ai oublié les termes exacts que vous avez utilisés, mais vous nous

18 avez parlé précédemment d'une chaîne hiérarchique ou une chaîne de

19 commandement illégale ou du fait qu'on essayait de contourner la voie

20 hiérarchique habituelle. Vous en souvenez-vous ?

21 R. En Serbie, on appelle cela la chaîne de commandement privée. Bien

22 entendu, c'est illégal. On utilise le terme de "privée", mais tout le monde

23 connaissait son existence. Enfin, ceux qui connaissaient son existence

24 disaient que c'était la voie hiérarchique ou la chaîne de commandement

25 privée de Sloba.

26 Q. Pouvez-vous nous en parler, de cette chaîne de commandement privée ?

27 Pouvez-vous nous dire qui y participait ?

28 R. S'agissant des civils, il y avait Sainovic, Minic en ce qui concernait

Page 6374

1 les affaires intérieures, Milutinovic pour ce qui est des relations avec la

2 communauté internationale, mais cela, c'est encore autre chose. Etant donné

3 que Milosevic ne pouvait pas s'assurer le soutien des institutions

4 constitutionnelles pour la guerre au Kosovo, il a utilisé ses amis. Il a

5 donné des directives à la police, qui fournissait des informations fausses

6 ou prétendait qu'il y avait sur place des terroristes, qu'il fallait les

7 arrêter, ce qui augmentait le nombre de terroristes et le nombre de nos

8 policiers qui se faisaient tuer. Voilà la politique de traîtrise mentionnée

9 par Perisic.

10 Ces victimes, elles étaient utilisées par Milosevic pour accentuer la

11 spirale de violence, avec notamment l'incident de Jashari à Prekaz. Il y a

12 beaucoup d'autres exemples. Je n'ai participé à rien de tel, mais ces

13 informations étaient crédibles. C'est ainsi qu'on fonctionnait. On

14 provoquait des victimes serbes pour entraîner une réaction, ensuite

15 c'étaient les massacres qui s'ensuivaient. Les Albanais, eux, disaient

16 qu'il fallait bien qu'ils se battent pour garantir leur liberté. C'est

17 ainsi que Milosevic a fait des terroristes albanais des combattants de la

18 liberté.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un journaliste aurait pu nous dire la

20 même chose, et cela aurait eu exactement pour nous la même valeur que les

21 déclarations d'un journaliste. Il faudrait, pour que nous attachions une

22 valeur quelconque à ce que nous dit le témoin, que sa déposition soit un

23 peu plus substantielle.

24 M. HANNIS : [interprétation] Bien.

25 Q. Monsieur Tanic, M. Perisic vous a-t-il donné des exemples de cette

26 chaîne de commandement privée, de la manière dont elle fonctionnait avec la

27 VJ ?

28 R. C'est ce que j'ai dit. Il téléphonait pour dire qu'il fallait déplacer

Page 6375

1 un char de deux mètres. C'est ce que j'ai dit. C'est vrai, le Président dit

2 qu'un journaliste aurait pu écrire tout cela, mais moi, mes informations

3 étaient beaucoup plus crédibles. Un agent des services de Sécurité m'a

4 donné des exemples qui allaient dans le même sens, à Decani.

5 Q. Je vous interromps. Est-ce que le général Perisic a appris que

6 certaines personnes placées sous ses commandements avaient fonctionné dans

7 le cadre de cette chaîne de commandement privée sans que lui-même le

8 sache ? Est-ce qu'il l'a appris ultérieurement ?

9 R. Oui, il a dit que c'était M. Pavkovic.

10 Q. Est-ce que le général Perisic vous a dit qu'il avait fait quoi que ce

11 soit pour prendre des mesures disciplinaires contre Pavkovic suite à ce

12 genre d'activités ?

13 R. Oui. Il n'est pas entré dans les détails s'agissant des mesures prises,

14 mais en tout cas, la personne en question a été démise de ses fonctions peu

15 après.

16 Q. Qui a été démis de ses fonctions ? Pavkovic ou Perisic ?

17 R. Perisic.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, est-ce qu'on vous a

19 donné des exemples précis de réactions du général Pavkovic à l'existence de

20 cette chaîne de commandement officieuse ou informelle ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit qu'il avait réagi en mettant en

22 garde verbalement Milosevic, mais comme cela n'a pas porté ses fruits, il a

23 couché tout cela sur le papier. Mais il a été décidé qu'il s'agissait d'un

24 secret d'Etat, et cela n'a jamais été publié. On sait bien ce que cela a

25 donné ensuite; il a été démis de ses fonctions. Pendant un certain temps,

26 ses ordres écrits sont restés en vigueur, interdisant donc le déplacement

27 de tout équipement de l'armée, mais après qu'il ait été démis de ses

28 fonctions, cela n'a plus eu aucune valeur.

Page 6376

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous m'avez peut-être mal compris,

2 mais apparemment, vous n'avez pas d'informations de ce type. Je voulais

3 savoir si vous pouviez donner des exemples de ce qu'aurait fait le général

4 Pavkovic ayant appris l'existence de cette chaîne de commandement

5 officieuse et s'il avait appris que quelqu'un avait ordonné quoi que ce

6 soit dans ce cadre-là.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas bien compris. Excusez-moi, j'avais

8 mal compris. Je croyais que vous parliez de Pavkovic, et pas de Perisic.

9 Excusez-moi. D'après ce que m'a dit Perisic, Pavkovic avait tendance à

10 obéir à Sainovic et à faire intervenir les unités militaires pour aider le

11 MUP. De cette façon, on utilisait, de manière limitée, certes, les mortiers

12 par exemple ou les chars. De manière limitée, certes, mais c'était quand

13 même de manière anticonstitutionnelle.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas d'exemples concrets,

15 précis à nous donner ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il n'a pas été précis en la matière. Il

17 s'agissait dans notre conversation d'un échange d'information, mais il y a

18 d'autres sources qui m'ont donné des exemples relatifs à Decani.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

20 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Au cours de 1998 ou de 1999, dans vos contacts avec le SDB, est-ce que

22 vous avez obtenu des informations au sujet de l'opération Fer à cheval; oui

23 ou non ?

24 R. Non, je n'ai pas reçu d'informations du SDB, mais en revanche, j'en ai

25 reçu de Perisic.

26 Q. Au moment où vous avez eu cette discussion et où il vous a montré la

27 lettre en question ?

28 R. Oui. Il s'agit de trois conversations extrêmement longues qui ont duré

Page 6377

1 pour chacune cinq à six heures.

2 Q. En deux mots, que vous a-t-il dit au sujet de l'opération Fer à cheval

3 et de quoi s'agissait-il exactement ?

4 R. Il m'a dit ce que je savais déjà, à savoir que notre armée avait prévu

5 de faire des manœuvres pour simuler un certain nombre d'opérations, et le

6 surnom de cette opération, c'était l'opération Fer à cheval. C'était un

7 plan en cas d'urgence qui avait été développé par l'ex-JNA, cela datait de

8 Tito, avec par exemple l'éventualité d'une attaque venant du sud-est. Au

9 cas où la population albanaise prenne la partie de l'agresseur, on avait

10 défini des axes, cinq ou six axes pour éliminer les bastions éventuels

11 albanais qui auraient pu être contrôlés par l'ennemi. C'est le genre de

12 plan dont dispose toute armée en cas de situation d'urgence, et on avait

13 prévu diverses directions pour avancer. Si on les regardait, cela

14 ressemblait à un fer à cheval; c'est pour cela qu'on avait surnommé

15 l'opération de ce nom, mais ce n'était pas l'intitulé officiel de

16 l'opération en question.

17 Q. Vous connaissez cet intitulé officiel ?

18 R. Non. Il n'est pas entré dans les détails à ce point-là.

19 Q. Merci. J'aimerais qu'on parle ensemble d'octobre 1998. Vous souvenez-

20 vous avoir assisté à une réception à l'ambassade d'Allemagne ?

21 R. Si cela figure dans ma déclaration, c'est que j'y ai participé.

22 Q. Je vais vous poser la question de la manière

23 suivante : est-ce que vous connaissez un dénommé Vladimir

24 Stambuk ?

25 R. Oui. Je me souviens, maintenant. Oui, je connais ce monsieur et je vois

26 de quoi vous voulez parler. Il s'agissait effectivement d'une réception --

27 Q. Mais auparavant, expliquez aux Juges de la Chambre qui était ce

28 monsieur et quel était son poste.

Page 6378

1 R. Vladimir Stambuk, c'est quelqu'un qui a fait une thèse. C'était le

2 principal idéologue de la gauche yougoslave unie, la JUL, J-U-L, qui était

3 sous la direction de Mira Markovic, la femme de Milosevic. C'était un de

4 ses collaborateurs les plus proches et c'était vraiment un de ses proches,

5 "un de ses proches les plus proches", quasiment un intime.

6 Q. Vous souvenez-vous s'il occupait un poste au gouvernement, et dans ce

7 cas, quel poste ?

8 R. Non, j'ai du mal à m'en souvenir parce que je connaissais plusieurs

9 centaines de personnes. Je crois qu'il a occupé plusieurs postes. Il me

10 semble que c'était un des adjoints ou un remplaçant au gouvernement. Sauf

11 erreur de ma part, je ne voudrais surtout pas qu'on me demande des comptes

12 parce que je me serais trompé. En tout cas, c'était quelqu'un qui avait

13 beaucoup d'influence, c'était un des Faucons en Serbie.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il a fait une remarque un petit peu

15 inhabituelle au cours de cette réception ?

16 R. Oui, très inhabituelle puisqu'il a fallu que j'essaie d'intervenir pour

17 l'empêcher de continuer.

18 Q. Qui était présent lorsqu'il a tenu ces propos ?

19 R. Donelly, l'ambassadeur britannique, ainsi que l'ambassadeur allemand,

20 Gruber.

21 Q. Qu'est-ce qu'il a dit ?

22 R. Nous étions quatre; il y avait Stambuk, il y avait les deux

23 ambassadeurs que j'ai mentionnés précédemment, il y avait moi-même. J'ai

24 fait ce que j'ai pu. J'essayais de discuter avec les ambassadeurs pour les

25 convaincre de ne pas bombarder la Yougoslavie. A ce moment-là, Stambuk a

26 dit verbatim : "Peu nous importe quelques bombes de l'OTAN." Les deux

27 ambassadeurs étaient complètement stupéfaits, ils étaient pantois,

28 complètement surpris d'entendre un membre de l'élite politique déclarer que

Page 6379

1 finalement, cela ne le gênait pas beaucoup. Il a dit que nos dirigeants ne

2 s'opposeraient pas finalement à quelques bombes. C'était complètement

3 incroyable.

4 Q. Est-ce que vous vous êtes entretenu en tête-à-tête plus tard, au cours

5 de la même réception, avec M. Stambuk ?

6 R. Oui. Je l'ai pris à part, dans la mesure du possible. J'ai demandé à

7 Gruber et à Donelly de ne tenir nullement compte de ces propos. Ils m'ont

8 regardé, un petit peu surpris, parce que d'après notre législation, ce

9 genre de chose était passible d'une peine de prison. J'ai demandé à Stambuk

10 ce qui lui prenait, ce qu'il voulait dire quand il avait affirmé que cela

11 ne le gênait pas, finalement, qu'il y ait un petit peu de guerre. A ce

12 moment-là, il m'a fait une petite explication sur la doctrine en vigueur.

13 Il m'a dit que j'étais un imbécile ainsi que le président de mon parti,

14 Mihajlovic. J'étais stupide parce que j'avais quitté le gouvernement. Il a

15 dit que quelques bombes du pacte de l'OTAN, cela ferait un excellent

16 prétexte pour éliminer notre position, pour nettoyer les Albanais.

17 Puisque nos usines ne fonctionnaient pas de toute façon, cela pouvait

18 aussi être utilisé comme une excuse. C'était une véritable doctrine. Il a

19 essayé de m'expliquer les avantages que nous pourrions retirer d'un

20 bombardement dont notre pays serait la cible. J'étais complètement

21 abasourdi. Je n'avais jamais entendu quoi que ce soit de ce genre, en tout

22 cas pas aussi explicitement. Je lui ai demandé s'il en avait déjà parlé à

23 quelqu'un, de tout cela, ou si c'était son opinion personnelle. Il m'a dit

24 que c'était l'opinion de la famille. Quand il a dit cela, il faisait

25 référence à Mira, à Milosevic, ainsi qu'à certains amis. Il a dit que Dusan

26 et moi-même, nous ne devions pas faire les imbéciles, que nous devions

27 retourner au gouvernement, que de toute façon il y aurait un peu de guerre

28 et que cela pourrait être quelque chose qui pourrait tourner à notre

Page 6380

1 avantage. Une conversation vraiment hallucinante. J'ai établi un document

2 suite à cette conversation et je l'ai envoyé au service de Sûreté de l'Etat

3 parce qu'il s'agissait ni plus ni moins que de trahison.

4 Q. Est-ce que vous avez eu une réponse de la part du SDB, ou est-ce qu'il

5 s'est passé quelque chose suite à ce rapport ?

6 R. Rien. L'agent en question m'a dit qu'ils étaient au courant de propos

7 de ce type tenus par les collaborateurs de Milosevic, qu'il y avait des

8 gens qui circulaient en disant : "Bon, un petit peu de guerre, cela ne peut

9 pas nous faire de mal." Ils étaient stupéfaits aussi, mais à l'époque, je

10 crois que ce n'était plus Stanisic qui était à la tête du service, c'était

11 Markovic. Ils avaient les mains liées. Beaucoup de gens craignaient de

12 perdre leur poste, donc finalement, cela n'a strictement rien donné. Mais

13 ils m'ont confirmé le fait que ces informations, ils en avaient déjà reçu

14 de semblables de la part d'autres sources. Ce n'était pas quelque chose de

15 nouveau. Nous, on a été complètement surpris.

16 Q. A la fin du mois d'octobre 1998, un accord a été conclu entre M.

17 Milosevic et Holbrooke. Il s'agissait d'un accord au sujet de la mise en

18 place de la Mission de vérification du Kosovo également. Je voudrais savoir

19 si vers cette période, vous vous souvenez s'il y a eu des changements parmi

20 les collaborateurs les plus proches de M. Milosevic et les plus importants.

21 R. Je n'ai pas compris votre question, puis je n'ai pas mes notes sous les

22 yeux. Est-ce que vous pourriez reformuler votre question ?

23 Q. Vous nous avez dit qu'un certain nombre de personnes avaient été

24 remplacées. Est-ce que cela s'est passé à l'époque aussi ? Vous aviez déjà

25 parlé précédemment de M. Stanisic, de M. Perisic. Est-ce que vous vous

26 souvenez à peu près de la période où tout cela s'est produit ?

27 R. Oui, cela y est, maintenant, je comprends. C'était peu après l'accord

28 Milosevic-Holbrooke.

Page 6381

1 Q. Qui a-t-on choisi pour remplacer le général Perisic à la tête de

2 l'état-major de la VJ ?

3 R. Pavkovic, le général Pavkovic.

4 Q. En êtes-vous certain ? Est-ce lui vraiment qu'on a nommé au poste de

5 chef d'état-major ?

6 R. Non, excusez-moi. Vous avez raison. Pavkovic était chef du Corps de

7 Pristina. Il s'agit de Dragoljub Ojdanic; c'est lui qui a remplacé Pavkovic

8 --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce que vous

10 pourriez nous donner une date approximative, la date de la réception au

11 cours de laquelle vous avez eu cette conversation avec M. Stambuk ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela figure dans ma déclaration, me semble-t-

13 il, on peut le vérifier. Auriez vous l'amabilité de me rafraîchir la

14 mémoire sur ce point ? Je me souviens des événements dans leur suite

15 chronologique simplement.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez parlé d'une

17 conversation au cours de laquelle quelqu'un a dit que finalement, quelques

18 bombes de l'OTAN seraient les bienvenues. Cela s'est passé à quel moment

19 par rapport au début du bombardement de l'OTAN ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela y est, j'ai compris. Cela s'est passé à

21 la période pendant laquelle des tentatives désespérées étaient entreprises

22 pour empêcher les bombardements; cela s'est passé un ou deux mois avant le

23 conflit avec l'OTAN au maximum, un ou deux mois avant la guerre.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le moment est venu pour nous de nous

25 interrompre. D'abord, nous allons passer à huis clos avant que vous ne

26 quittiez le prétoire, Monsieur Tanic.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

28 [Audience à huis clos]

Page 6382

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

17 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Monsieur le Président, au vu de la dernière question que vous avez posée au

19 témoin à propos du moment où s'est déroulé cet événement à la réception de

20 l'ambassade de l'Allemagne, j'aimerais avec votre permission pouvoir

21 montrer au témoin sa déclaration, lui montrer le paragraphe 94 et lui

22 demander si cela lui rafraîchit la mémoire à propos du moment où cela s'est

23 passé.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, je pense que vous pouvez

25 poser cette question au témoin en évoquant la déclaration.

26 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

27 Q. Oui, Monsieur Tanic, au moment où vous avez fait cette déclaration, je

28 vous ai indiqué qu'il s'agissait du paragraphe 94, vous dites que cette

Page 6383

1 réception à l'ambassade s'est passée en octobre 1998. Vous avez dit à M. le

2 Juge Bonomy un peu plus tôt que vous pensiez que cela s'était passé un ou

3 deux mois seulement avant le début des bombardements. Maintenant que vous

4 avez vu cette date, comment est-ce que vous réconciliez ces deux points de

5 vue ? D'après vous, laquelle des dates est exacte, et pourquoi ?

6 R. Ecoutez, j'y ai réfléchi pendant la pause et je suis sûr que la date du

7 mois d'octobre 1998 est plus exacte. J'avais évoqué une date qui aurait

8 précédé de deux mois les bombardements, alors que cela s'est passé trois ou

9 quatre mois avant les bombardements. Ecoutez, je m'excuse, mais nous avons

10 eu moult réunions et conversations à ce moment-là. Le mois d'octobre 1998

11 correspond à la date exacte, d'après ce dont je me souviens, mais cela

12 pourrait être vérifié, bien entendu.

13 Q. Est-ce que dès le mois d'octobre 1998, les gens en Serbie parlaient

14 d'une éventuelle campagne de bombardements de l'OTAN ?

15 R. J'avais obtenu ces renseignements de la part de sources occidentales

16 extrêmement crédibles, et ce, sept mois avant les bombardements. J'ai

17 transmis ce renseignement au service de la sûreté. D'ailleurs, ils l'ont

18 pris très au sérieux. Puis, par la suite, nous nous sommes rendu compte

19 qu'il y avait de plus en plus de renseignements de ce style, ce qui

20 signifie qu'en Serbie, l'élite politique à laquelle j'appartenais savait

21 que si aucune solution politique n'était trouvée au probable du Kosovo, il

22 était plutôt vraisemblable qu'il y ait une intervention de l'OTAN.

23 Bien entendu, ce n'était pas l'homme de la rue en Serbie qui évoquait

24 ce genre de chose, mais seulement un cercle d'initiés qui faisaient partie

25 du cercle des politiciens, des agents du renseignement, et cetera, et

26 cetera. L'homme de la rue, il avait peur, bien entendu, que ce conflit

27 n'éclate, mais il ne disposait pas de ces informations. Je m'excuse d'avoir

28 commis une erreur pour ce qui est de la date, mais il ne faut pas oublier

Page 6384

1 qu'il y a quand même un certain nombre d'événements qui se sont déroulés à

2 ce moment-là.

3 M. HANNIS : [interprétation] Nous allons maintenant aborder le paragraphe

4 86 de votre déclaration, et je le dis à l'intention du conseil de la

5 Défense.

6 Q. J'aimerais savoir, Monsieur Tanic, si vous savez, vous personnellement,

7 si les accusés ou l'un des accusés aurait participé aux événements ou

8 aurait été partie prenante aux événements qui ont trait à l'incident qui

9 s'est déroulé à Racak à la mi-janvier 1999 ?

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. C'est un

11 point qui ne fait plus partie de l'acte d'accusation, donc il ne faudrait

12 pas poser des questions dans le cadre de la présentation des moyens à

13 charge à ce sujet.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je n'aborde pas cette question pour parler de

16 --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la peine de poursuivre

18 cela. Je l'ai déjà lu, cela. J'ai pris en considération ce point. J'entends

19 Me O'Sullivan, je comprends ce qu'il nous dit, mais je dirais que cet

20 élément de preuve ou ces éléments de preuve sont pertinents pour ce qui est

21 de la responsabilité pénale. Je prends note de ce que vous nous avez

22 indiqué, Monsieur Hannis, puisque vous nous dites que vous n'allez pas

23 aborder l'épisode lui-même à proprement parler.

24 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

25 Q. Monsieur Tanic, vous vous souvenez de ma question ?

26 R. Oui. Pour ce qui est de ce fâcheux incident, je dois dire que j'en ai

27 parlé avec le service de la Sûreté de l'Etat et j'en ai parlé également

28 avec le président de mon parti, Mihajlovic, car nous savions que cela

Page 6385

1 représentait une escalade du conflit. Le service de la sûreté m'a indiqué,

2 d'après d'ailleurs les scénarios que j'ai déjà décrits, qu'il y avait des

3 renseignements qui prêtaient à confusion et où il était fait de M.

4 Sainovic, mais que les frères Jashari qui étaient des contrebandiers et des

5 criminels auraient pu être arrêtés par nos unités précédemment, mais qu'ils

6 n'avaient pas pu le faire --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez. Je pense que là, vous n'êtes

8 pas véritablement sur la même longueur d'ondes que M. Hannis.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je comprends votre intervention, Monsieur le

10 Président. Peut-être qu'il faudrait que je formule une autre question, mais

11 je comprends également la réponse que l'on essayait de me présenter.

12 Q. Monsieur Tanic, il faut savoir que l'événement relatif aux frères

13 Jashari s'est passé bien avant cet événement de Racak, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, oui. C'est moi qui suis dans l'erreur. Je m'excuse. Vous savez, il

15 y a un grand nombre d'événements qui se sont déroulés. Mais pour Racak,

16 oui, là il y a une cassette, une cassette qui émane de sources serbes. Il

17 s'agit du service de la Sûreté d'Etat. C'est une cassette qui a été acquise

18 à la suite d'interception de communications, et l'on peut entendre sur

19 cette cassette que M. Sainovic échange des points de vue et donne des

20 instructions à M. Lukic à propos d'opérations de combat dans ce village,

21 puis ensuite il est question de suppression de traces.

22 J'ai pu écouter cette cassette, et par la suite, par le truchement de

23 sources serbes ou grâce au truchement de sources serbes, cela est devenu en

24 partie public, cette information afin de faire état des problèmes qui

25 provenaient justement de cette chaîne de commandement parallèle. Puis, par

26 la suite, j'ai reçu des confirmations de la part de sources occidentales

27 suivant lesquelles ils disposaient également de cassettes qui montraient

28 que M. Sainovic avait transmis des informations à M. Lukic, informations

Page 6386

1 qu'il n'aurait pas dû lui transmettre, et M. Lukic n'aurait pas dû les

2 écouter ou l'écouter. Peut-être que M. Lukic se berçait d'illusions en

3 pensant que cela correspondait à la situation, mais il faut savoir que M.

4 Sainovic, lui, ne se berçait absolument d'aucune illusion. Cela a commencé,

5 bien entendu, avec Prekaz et Jashari, puis ensuite il y avait Racak, par la

6 suite.

7 Q. Est-ce que les services de Sûreté avaient placé sur écoute ou est-ce

8 qu'ils écoutaient les conversations téléphoniques de M. Sainovic ?

9 R. Le service de la Sûreté d'Etat supervisait ou contrôlait toutes les

10 conversations dans la mesure où il pouvait le faire du point de vue

11 technique. Pour ce qui est de M. Minic et de M. Sainovic, étant donné

12 qu'ils avaient tendance à relayer les ordres privés de Milosevic même

13 lorsqu'ils allaient à l'encontre ou lorsqu'ils desservaient les intérêts de

14 la Serbie, ils faisaient l'objet d'opérations de surveillance dans la

15 mesure du possible.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Moi aussi, j'ai quelques questions à

17 poser à ce sujet. Il en est peut-être que vous n'avez pas terminé vos

18 questions ?

19 M. HANNIS : [interprétation] Non, non. Je vous en prie --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a des questions qui s'adressent à

21 vous, Monsieur Hannis. Est-ce que des efforts ont été faits pour identifier

22 ou localiser cette cassette ?

23 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, des efforts ont été

24 faits pour essayer de trouver une cassette, une cassette de cette

25 conversation à partir d'une source différente. Nous n'avons pas pu

26 l'obtenir. Lorsque je parle de source différente, je parle de la source qui

27 est à la base de l'interception, donc il ne s'agit pas de la SDB.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que des efforts ont été faits

Page 6387

1 pour l'obtenir auprès de la République de la Serbie ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si des efforts ont été faits

3 pour obtenir cette cassette bien précise, parce que ce n'est que lors de la

4 séance de récolement avec le témoin le week-end dernier qu'il nous a

5 indiqué qu'il avait écouté une cassette, un exemplaire de la cassette qui

6 avait été préparé par le SDB, par opposition à ce que nous croyions, à

7 savoir, nous pensions que c'était le fruit d'une interception.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela suit peut-être ce que vous avez

9 dit. Il y a des informations récentes qui vous ont été communiquées suivant

10 lesquelles des sources occidentales ont des cassettes montrant les

11 instructions qui ont été données par M. Sainovic à M. Lukic.

12 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de cela, il s'agit

13 d'instructions à M. Lukic.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

15 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si ces cassettes existent, il faudrait

17 peut-être faire des efforts pour essayer de les récupérer.

18 M. HANNIS : [interprétation] Nous sommes tout à fait conscients de ce qui a

19 été publié par un journal de New York en janvier 1999 à propos d'une

20 conversation interceptée entre M. Sainovic et au moins l'un des autres

21 accusés, mais il ne s'agit pas de M. Lukic, en l'occurrence. Des efforts

22 ont été déployés pour essayer d'abord de voir quelle était la véracité de

23 l'article du journal et pour essayer de voir si la cassette existe, où se

24 trouve-t-elle, mais nous n'avons pas été en mesure de le faire.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, vous avez au moins répondu à

26 la question principale que je me proposais de poser à M. Tanic, mais je

27 vais toutefois lui poser cette question.

28 Où avez-vous eu accès ou comment se fait-il que vous ayez eu accès à cet

Page 6388

1 enregistrement ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'un des bureaux officiels du service de

3 la Sûreté de l'Etat, nous parlions du problème. Ils ont dit : "Ecoutez,

4 vous pouvez entendre vous-même quel est le chaos qui règne là-bas." J'ai

5 entendu une partie de la cassette, pas l'intégralité de la cassette, et ils

6 en avaient un certain nombre. Je dirais, à l'intention de l'Accusation et

7 de la Chambre de première instance, pour vous être utile, que je pense

8 qu'ils ont publié une partie de cette cassette sur la radio B-92, car je

9 sais que quelques mois plus tard, j'ai entendu quelque chose qui me

10 semblait familier. Je me suis dit : "Cela, c'est ce que j'ai déjà entendu."

11 Je savais que tous les problèmes venaient de cette chaîne de commandement

12 parallèle, et ils voulaient attirer l'attention là-dessus.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Limitez-vous aux questions que je vous

14 pose, parce que cela va entraîner ou avoir des répercussions sur d'autres

15 questions. Je vais aborder cela si M. Hannis a épuisé ce thème pour le

16 moment, car il semble supposer qu'il s'agissait d'un enregistrement d'une

17 conversation téléphonique. Est-ce que vous connaissez ou est-ce que vous

18 savez à quoi correspondait cet enregistrement ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, c'est le type d'enregistrement

20 habituel, lorsque des communications sont enregistrées ou sont placées sur

21 écoute. Je ne suis pas un expert technique de ce genre de chose et je suis

22 sûr que je n'ai pas entendu l'intégralité de la casette. Je suis sûr qu'il

23 y a beaucoup plus d'informations dans cet enregistrement, mais cela, je

24 l'ai dit afin d'illustrer mon propos.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais des conversations peuvent

26 être enregistrées dans des conditions différentes. Est-ce que vous savez

27 s'il s'agissait d'une conversation téléphonique ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Il s'agissait d'une

Page 6389

1 conversation téléphonique.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous peut-être être un peu

3 plus précis pour ce qui est de la teneur de la conversation ? De quoi

4 s'agissait-il ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, c'est difficile parce que cela

6 commençait par une conversation générale, et ils ne m'ont pas fait écouter

7 tout l'enregistrement. D'après la tournure de la conversation, il était

8 évident que Sainovic donnait certaines instructions à M. Lukic et qu'il

9 s'agissait d'enlever des cadavres, puis auparavant, il était question de

10 certaines activités de combat. J'ai été informé par le service qu'il

11 s'agissait d'une conversation entre Sainovic et Lukic. Je ne connaissais

12 pas M. Lukic à ce moment-là, je ne peux pas véritablement vous dire à qui

13 étaient les voix que l'on entendait.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela est valable pour les

15 deux voix de la conversation ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que je n'ai qu'une connaissance

17 très superficielle de Sainovic. Je dois dire que cela est valable pour les

18 deux voix. Toutefois, ce qui est essentiel, c'est que cette partie de

19 l'enregistrement a ensuite fait l'objet d'une diffusion publique.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui vous fait conclure que

21 la conversation avait quoi que ce soit à voir avec Racak ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Racak fut mentionné pendant la conversation.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

24 Monsieur Hannis.

25 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

26 allons aborder un autre thème.

27 Q. Aux paragraphes 54 à 69. En mars 1999 et plus précisément le 22 et le

28 23 mars, un ou deux jours avant le début des bombardements de l'OTAN, est-

Page 6390

1 ce que vous savez si Vuk Draskovic a essayé d'empêcher cette campagne

2 aérienne de l'OTAN qui était sur le point d'être déclanchée ?

3 R. Oui.

4 Q. Pourriez-vous, dans un premier temps, dire à l'intention des Juges de

5 la Chambre de première instance qui était Draskovic et quelle était sa

6 fonction à ce moment-là ?

7 R. A ce moment-là, il était le vice-président de la Yougoslavie, et

8 c'était une personnalité extrêmement connue. Ce n'est pas la peine

9 d'aborder les détails, mais à ce moment-là, il était vice-président.

10 Q. Qu'est-ce qu'il essayait de faire ? Quelles étaient ses propositions,

11 et ce, afin d'empêcher le début de la campagne de l'OTAN ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

13 M. ZECEVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Peut-être

14 que les interprètes pourraient corriger, parce qu'il est écrit maintenant

15 au compte rendu d'audience qu'il était vice-président de la Yougoslavie,

16 alors que le témoin a dit vice-président du gouvernement de la Yougoslavie.

17 Je pense que cela justement correspond à la fonction de vice-premier

18 ministre, donc je pense que c'est la première traduction qui était la

19 bonne. Maintenant, nous avons un problème pour le compte rendu d'audience -

20 -

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie d'être intervenu,

22 mais je pense que cela pourra être corrigé ultérieurement.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, je vous remercie.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, cela a été consigné au

25 compte rendu d'audience, donc il n'y aura pas de problème.

26 Monsieur Hannis, poursuivez.

27 M. HANNIS : [interprétation]

28 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était sa proposition et

Page 6391

1 comment il se proposait d'empêcher la campagne de bombardements de l'OTAN ?

2 R. Il avait la même proposition que Mihajlovic et moi-même, mais nous ne

3 faisions pas partie du gouvernement. Mihajlovic lui a demandé de

4 s'intéresser au problème, mais Vuk Draskovic l'aurait fait de toute façon.

5 En quoi est-ce que cela consistait ? Nous savions que l'OTAN était prête à

6 intervenir en Yougoslavie sous les auspices des Nations Unies et du Conseil

7 de sécurité, étant donné que Milosevic était en train de leurrer la

8 population en Yougoslavie en disant que l'OTAN voulait intervenir en

9 Yougoslavie au nom de l'OTAN. Vuk Draskovic en a parlé avec Mihajlovic et

10 moi-même.

11 Il a préparé une proposition que son groupe de députés a présentée.

12 Il s'agissait d'accepter la présence des unités de l'OTAN, mais sous les

13 drapeaux des Nations Unies et avec un mandat des Nations Unies. Il fallait

14 ainsi signer la solution politique que j'ai mentionnée tant de fois, qui

15 d'ailleurs existait depuis tant d'années et que finalement Milosevic a fini

16 par accepter avec Holbrooke, d'ailleurs. Il s'agissait de présenter tout

17 cela à la session de l'assemblée qui fut une session décisive, et ce, avant

18 que ne se produise l'intervention de l'OTAN. Il y a eu toute une kyrielle

19 de réunions, des réunions avec Vuk Draskovic, avec d'autres personnes

20 également, et il en a parlé avec Milosevic. Milosevic a ajouté de sa propre

21 initiative que la souveraineté de la République fédérale de la Yougoslavie

22 devrait être respectée. Il était question de sécession, donc cela était

23 censé être adopté par l'assemblée. Holbrooke attendait à Belgrade la

24 décision de l'assemblée afin de voir s'il rentrerait à Washington armé de

25 la décision de la Serbie pour la paix ou armé de la décision du régime de

26 Milosevic en faveur de la guerre. Il faut savoir que Vuk Draskovic a

27 déployé des efforts énormes pour empêcher le conflit, mais je ne témoigne

28 pas en son nom. Toujours est-il que voilà, voilà quelle était la teneur de

Page 6392

1 cela.

2 Q. Vous avez indiqué que M. Milosevic a apporté une modification à la

3 proposition de M. Draskovic, et il a ajouté une phrase qui portait sur le

4 respect de la souveraineté de la Yougoslavie et de la Serbie. Est-ce que ce

5 fut le seul changement qu'il a apporté à ce moment-là ?

6 R. Oui, ce fut le seul changement, car Milosevic a fait comme si tout

7 était bien. Il a même promis, d'ailleurs, d'émettre des instructions pour

8 que cela soit adopté à la séance de l'assemblée,et nous sommes tous rentrés

9 chez nous fort contents en pensant qu'il n'y allait pas y avoir de guerre,

10 mais le lendemain, les choses ont pris une autre tournure.

11 Q. La proposition préconisée par M. Draskovic envisageait la possibilité

12 de la présence des troupes des Nations Unies qui auraient ainsi, en quelque

13 sorte, supervisé la situation; est-ce bien cela ?

14 R. Oui. Oui, avec le mandat du Conseil de sécurité et au nom des Nations

15 Unies, ils auraient fait office de force de séparation, et d'ailleurs, ils

16 auraient même coordonné leurs efforts avec le Corps de Pristina, pour

17 conserver le Corps de Pristina là. Voilà.

18 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher la

19 pièce à conviction P2483 et mettre les deux versions en parallèle ? Ce sera

20 très utile.

21 Q. Est-ce que vous avez vu ce document à ce moment-là, Monsieur Tanic ?

22 R. Oui, bien sûr. J'ai même participé à la rédaction de ce document. Ce

23 n'est pas moi qui étais l'auteur principal du document; c'étaient Draskovic

24 et Mihajlovic.

25 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons prendre la deuxième

26 page de la version en B/C/S, je vous prie ?

27 Q. Il s'agit d'un exemplaire qui a été dactylographié à partir du document

28 d'origine, où il y a eu des modifications apportées à la main; c'est cela ?

Page 6393

1 R. Est-ce que je pourrais voir également la première page, je vous prie ?

2 Oui, oui. Cela m'a maintenant rafraîchi la mémoire et je peux maintenant

3 préciser ce qu'a ajouté Milosevic de sa propre main.

4 Q. Je pense qu'il faudrait que nous vous montrions une autre pièce à

5 conviction, la pièce P710, parce que je crois comprendre, d'après votre

6 déclaration, qu'il y avait une version dactylographiée qui a été établie à

7 partir de la télécopie d'origine parce qu'elle n'était pas tout à fait

8 lisible.

9 R. Oui, oui.

10 Q. Et si --

11 R. Sur la proposition de Rambouillet avec certaines corrections qui ont

12 été apportées, et Milosevic a ajouté une référence au respect, à la

13 souveraineté, à l'intégrité de la République fédérale de la Yougoslavie;

14 les soldats étrangers devraient être placés sous les drapeaux des Nations

15 Unies. Milosevic a adopté cela parce que nous faisions également partie des

16 troupes des Nations Unies, à savoir l'armée yougoslave. Il n'y aurait qu'un

17 obstacle à ce que cela se passe sur le territoire de la RFY.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela signifie qu'il s'agit

19 d'un document différent, lorsque vous dites il s'agit de la proposition de

20 Rambouillet ?

21 M. HANNIS : [interprétation]

22 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer cela, Monsieur Tanic ?

23 R. Non. Ce n'est pas un document différent. Je viens juste de rappeler les

24 éléments essentiels du document, mais cela préconisait la signature de

25 l'accord de Rambouillet ainsi que la présence de troupes étrangères placées

26 sous le drapeau des Nations Unies avec un mandat du Conseil de sécurité.

27 C'est la présence des soldats étrangers qui posait problème. L'accord

28 politique lui-même n'était pas un problème ou, en tout cas, pas un problème

Page 6394

1 essentiel.

2 C'est la modalité, les modalités d'application qui posaient problème.

3 Plus tard, lorsque cette formule a été trouvée, lorsqu'on a établi le lien

4 avec les Nations Unies, je pense qu'il y a eu un accord oral, d'après ce

5 que je sais en tout cas. Cela n'a pas été consigné par écrit, c'était tout

6 simplement une proposition suivant laquelle l'accord de Rambouillet devait

7 être signé, qu'il fallait supprimer les dispositions qui auraient miné la

8 souveraineté de la RSFY pour que les soldats étrangers arrivent sous les

9 auspices des Nations Unies et avec le drapeau des Nations Unies.

10 M. HANNIS : [interprétation] Si vous pouvez passer au bas des deux pages.

11 Q. Vous avez le paragraphe 6 où il est fait référence au fait que ce

12 projet d'accord a été proposé par M. Draskovic le 22 mars, indiquant que

13 les Serbes étaient tout à fait disposés à signer le projet d'accord qui

14 avait été établi à Rambouillet, mais que cela n'a jamais été signé; est-ce

15 que cela est exact ?

16 R. Premièrement, il ne s'agissait pas de la proposition de Vuk Draskovic,

17 c'était une proposition qui émanait de tous les dirigeants politiques de la

18 Serbie qui étaient pour la paix. Vuk Draskovic était le vice-premier

19 ministre de la RFY, et en tant que tel, il a eu le courage de le consigner

20 dans un document plutôt que de présenter cela comme une suggestion

21 individuelle. Il y avait beaucoup de personnes qui se sont ralliées à cette

22 proposition. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, je

23 répondrai par l'affirmative en disant qu'effectivement, l'intention était

24 de signer l'accord de Rambouillet à condition que la disposition relative à

25 la troisième république soit supprimée. Cela ne faisait pas partie des

26 exigences à Rambouillet. Il faut savoir que la pomme de discorde portait

27 sur l'arrivée des soldats étrangers qui étaient censés faire partie de

28 l'accord de paix.

Page 6395

1 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 2 des

2 versions anglaise et B/C/S, s'il vous plaît ?

3 Q. A la page 2 de la version en B/C/S --

4 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche le haut du

5 document.

6 Q. Est-ce que vous pourriez nous indiquer où M. Milosevic a posé son

7 amendement manuscrit ? Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui est dit

8 par cet amendement ?

9 R. Cela suit la phrase où il est question du Conseil de sécurité dans le

10 cadre d'un accord politique et cela inclut la garantie de l'accord, et il

11 est dit : en respectant la souveraineté de la Serbie et de la République

12 fédérale de la Yougoslavie. C'est l'écriture de Milosevic que nous avons

13 là.

14 Q. Merci. Que s'est-il passé le lendemain ? Est-ce que la proposition a

15 été acceptée ?

16 R. Comme vous pouvez le voir, il s'agit d'un projet de conclusion.

17 Milosevic avait promis que cela serait accepté, mais le lendemain, la

18 situation a pris une tournure tout à fait différente. Il faut savoir que

19 M. Milutinovic avait essayé de convaincre l'assemblée, ou plutôt, il a

20 indiqué à l'assemblée que l'accord politique n'était pas un problème, que

21 nous pourrions avoir un accord politique. Pour la première fois après tant

22 d'années, nous avons pu entendre que cela était possible, que l'on pourrait

23 avoir un accord politique positif au Kosovo --

24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Ce qui est dit à l'assemblée, c'est une

25 question publique. Ce n'est pas la peine de poser des questions afin que

26 l'on demande des interprétations et qu'on demande de déchiffrer cela. C'est

27 un discours public qui fut prononcé, que vous pouvez tout à fait lire comme

28 tout le monde. Ce témoin n'est pas compétent pour faire des interprétations

Page 6396

1 à propos de propos tenus par d'autres, et certainement pas ici dans ce

2 prétoire.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pensez qu'il essayé de

4 fournir une opinion à propos de ses propos ? Je pense qu'il s'était écarté

5 de cela. D'ailleurs, Maître O'Sullivan, il est tout aussi vrai que vous

6 pouvez attirer son attention sur ces propos exacts si vous pensez qu'il n'a

7 pas pris cela en considération. En principe, vous avez raison, mais je ne

8 sais pas. Si jamais il faisait des efforts pour essayer en quelque sorte de

9 glorifier ce qui a été dit sans que cela soit fondé, nous interviendrons.

10 Je ne pense pas que cela se passe maintenant. Je n'accepte pas votre

11 objection.

12 Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation]

14 Q. Monsieur Tanic, est-ce que vous aviez terminé ?

15 R. Oui, alors juste pour me remémorer ce que j'étais en train de dire,

16 j'étais en train de dire que l'accord politique n'était pas un problème, et

17 Milutinovic a indiqué que les troupes de l'OTAN insistaient et souhaitaient

18 pénétrer sur le territoire de la Serbie et du Kosovo seulement sous les

19 auspices des Nations Unies et en tenant compte d'un mandat des Nations

20 Unies. Cela n'était pas exact, car M. Milutinovic n'a tout simplement pas

21 dit la vérité. Pour la première fois, il a reconnu que l'accord politique

22 n'était pas un problème, et Milosevic était assez contrarié après, mais

23 ensuite il a repris avec la partie de la fin en essayant de divulguer des

24 informations erronées. Il a mentionné l'ultimatum et il n'a pas mentionné

25 le fait que le Corps de Pristina pourrait être autorisé à rester et à

26 coopérer avec les soldats des Nations Unies, et ce, afin de mettre en

27 vigueur ou de faire en sorte qu'il y ait la paix.

28 Puis, il a présenté cela comme un ultimatum militaire, la proposition a été

Page 6397

1 rejetée, Holbrooke est reparti avec la décision de la Serbie qui était une

2 décision de guerre. Cela s'est basé sur une interprétation erronée et des

3 informations erronées. M. Milutinovic a participé à tout cela, parce qu'il

4 n'était pas exact que l'OTAN insistait pour avoir son propre drapeau et son

5 propre mandat. Il avait toujours été question du mandat du Conseil de

6 sécurité, du drapeau des Nations Unies et du Corps de Pristina qui auraient

7 eu l'autorisation de rester au Kosovo sur le terrain.

8 Q. Je vais vous interrompre et je vais passer à ce qui a suivi le début de

9 la campagne de l'OTAN. Après ce début de campagne, est-ce que vous-même,

10 est-ce que vous avez fait des efforts personnels pour essayer de parvenir à

11 un accord de paix et pour faire en sorte d'arrêter les bombardements; oui

12 ou non ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre ce que vous avez fait à ce

15 sujet ? Est-ce que vous avez eu l'autorisation de vous déplacer en dehors

16 de la Serbie pour pouvoir véritablement essayer de lancer ou d'amorcer ce

17 processus ?

18 R. Il ne faut pas oublier tous les contacts fort nombreux que j'avais eus

19 avec eux. Il faut savoir que M. Mihajlovic ainsi que la SDB étaient

20 extrêmement intéressés, car ils voulaient trouver une solution pacifique

21 pour mettre un terme à la guerre. Ils m'ont donc donné la possibilité de

22 quitter le pays, bien que cela ne soit pas autorisé à ce moment-là. Je dois

23 dire que c'est l'un de leurs fonctionnaires qui m'a permis de sortir du

24 pays, et on m'a donné un mandat, le service de Sûreté m'a octroyé un mandat

25 pour que grâce à mes contacts personnels avec l'ouest, j'essaie de mettre

26 un terme à la tragédie qui était une véritable tragédie pour notre peuple.

27 Par la suite, j'ai appris qu'une autre personne a été envoyée sur le

28 terrain avec la même mission. Si vous voulez que je vous dise exactement ce

Page 6398

1 que j'ai fait, je dois vous dire que ma réponse sera plutôt longue. Bien

2 entendu, les services de Sûreté m'ont donné ce mandat avec l'aval de

3 Milosevic, parce que sinon, cela aurait été hors de question.

4 Q. Je vais vous poser cette question. Vous avez commencé votre réponse en

5 faisant référence à vos nombreux contacts et vous faisiez référence aux

6 contacts que vous aviez eus avec les services de Sûreté étrangers ou les

7 gouvernements occidentaux ?

8 R. Les gouvernements occidentaux, oui, et les services de Sûreté

9 occidentaux, et je travaillais activement sur le dossier du Kosovo, et ce,

10 depuis quatre ou cinq ans. Chacun le savait, chacun savait que j'étais un

11 personnage crédible dans le cadre des discussions, tant chez nous qu'à

12 l'étranger. Pour être plus précis, trois gouvernements occidentaux étaient

13 associés, et un service de Sûreté occidental l'était également, un service

14 de Renseignements.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on passe au

16 paragraphe 121, ceci a trait aux paragraphes 121 à 127 de sa déclaration

17 écrite.

18 Q. Suite à cela, est-ce que vous avez eu la possibilité, puisque vous

19 étiez engagé dans ce processus, de recevoir des propositions ou des ordres

20 dont vous auriez pu vous faire le relais en Serbie et que vous auriez pu

21 remettre à M. Milosevic ?

22 R. Oui. Deux sources occidentales très crédibles m'en ont apporté la

23 confirmation. J'ai reçu des propositions très précises, très précisément

24 définies, visant à mettre fin à la guerre, même si tout cela se faisait

25 dans le plus grand secret. Par la suite, M. Lilic a reçu de même, et je

26 peux décrire ces propositions de façon détaillée. Il s'agissait de

27 propositions occidentales dans lesquelles il est indiqué que l'OTAN ne

28 mettrait pas fin à ses attaques, mais il y est proposé une suspension

Page 6399

1 progressive des attaque accompagnée simultanément d'un retrait de nos

2 forces du Kosovo. Il n'était pas prévu que le Corps de Pristina reste sur

3 le terrain. L'assemblée était la dernière possibilité offerte de rester au

4 Kosovo, donc nos troupes devaient simultanément se retirer du Kosovo,

5 simultanément avec la suspension et l'interruption des bombardements par

6 l'OTAN.

7 La période initiale devait se monter à 24 heures, et s'il y avait respect

8 des conditions, elle allait être prolongée de 24 heures de plus, puis de 48

9 heures, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y ait cessation complète. L'on a

10 envisagé une diminution de la fréquence des bombardements, et il ne

11 s'agissait pas d'y mettre fin complètement. Grâce aux accords d'Holbrooke

12 dont tout le monde se souvient, on pouvait mettre en place tout cela dès

13 que les bombes ont commencé à tomber sur le pays. Cela incluait différents

14 pays, les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Italie, et cetera, et plus

15 particulièrement le G8 était associé à cela. Cela aurait eu pour

16 conséquence la fin du conflit. Nous sommes au mois de mars, fin mars, début

17 avril. J'en suis certain, parce que mon anniversaire est au début du mois

18 d'avril.

19 Q. Vous dites que le message a été relayé à M. Milosevic. De quelle façon

20 ce message a-t-il été relayé ? Est-ce que vous l'avez fait vous-même ou par

21 le truchement d'un tiers ?

22 R. C'est là deux sources des plus élevées à l'ouest qui me l'ont indiqué.

23 Par les services de Sûreté officiels de l'Etat, j'ai relayé cette

24 information qui a été relayée ensuite à M. Milosevic. Puis, je me suis

25 rendu compte par la suite qu'au même moment, il avait présenté la même

26 proposition via Lilic par les canaux allemand et autrichien, et à l'époque,

27 j'ai informé Mihajlovic qui lui aussi a relayé le message à Milosevic. Je

28 l'ai relayé à Milutinovic, et ainsi de suite.

Page 6400

1 Dans ce cas-là, quoi qu'il en soit, Milosevic savait très bien quelle était

2 ma mission, il était au courant, sinon il ne m'aurait pas laissé quitter le

3 pays et m'entretenir avec des acteurs de l'étranger. Ces personnages

4 étrangers ne se seraient pas entretenus avec nous, avec moi, pardon, sans

5 que Milosevic ne soit d'accord. C'était quelque chose qui se faisait dans

6 le plus grand secret, à l'époque. Cela ne relevait certainement pas de la

7 sphère publique. Puis, lorsque j'ai expliqué cela au TPIY, cela s'est fait

8 également dans le plus grand secret. En 1999, à la fin du mois de mars,

9 l'OTAN était prêt à mettre fin à ses attaques.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au compte rendu, la traduction nous

11 dit que vous avez fait passer le message, relayé le message par le

12 truchement des canaux et des services de Sûreté à Milosevic. "Ensuite, je

13 me suis aperçu que dans le même temps, il offrait la même proposition via

14 Lilic par les canaux allemand et autrichien." Est-ce que c'est bien ce que

15 vous avez dit ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'a pas offert la même proposition, il a

17 reçu la même proposition.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. Savez-vous quelle a été la réponse de M. Milosevic à cette offre que

21 vous avez relayée par le truchement des canaux de la Sûreté d'Etat et à

22 cette même offre qu'il aurait reçue de la part de M. Lilic ? Est-ce que

23 vous savez quelle a été sa réponse à l'offre ?

24 R. Oui, absolument. Dans mon cas, il a dit : "Reporte à plus tard, reporte

25 à plus tard. Vérifie à nouveau. Vois si ce sont des mensonges." C'était

26 parfaitement irrationnel comme réponse. Puis, ensuite, j'ai entendu dire

27 que Lilic s'est retrouvé dans très exactement la même situation même s'il

28 était beaucoup plus proche de Milosevic. Encore une fois, je suis retourné

Page 6401

1 à l'étranger plus tard, et là, la réponse était négative. Milosevic

2 n'entendait pas accepter la proposition, mais plutôt optait pour une

3 prolongation de la guerre.

4 Q. De ce point de vue-là, là il s'agit des paragraphes 108 à 117 et 118,

5 au cours de cette campagne de bombardements de l'OTAN, est-ce que vous avez

6 eu l'occasion d'avoir des entretiens personnels avec Milosevic à propos des

7 bombardements et à propos des victimes civiles serbes ?

8 R. J'ai eu un bref entretien. Je peux difficilement vous fournir des

9 informations spécifiques et détaillées, mais je me souviens qu'il avait dit

10 qu'il fallait des victimes civiles pour justifier tout cela. Il est mort,

11 maintenant, mais d'autres étaient présents, responsables des services de la

12 Sûreté de l'Etat, et c'est à ce Tribunal qu'il appartiendra de vérifier la

13 véracité des mes propos. Mais Milosevic, quoi qu'il en soit, a simplement

14 dit qu'il fallait bien qu'il y ait des victimes civiles parmi la population

15 serbe si l'on voulait justifier tout cela.

16 Il était parfaitement incapable d'accepter la proposition de paix ou

17 de trêve de l'OTAN, et l'OTAN s'est vu offrir la possibilité de lui tendre

18 la main pendant la guerre et après la guerre aussi. C'est une épouvantable

19 tragédie qui a eu lieu pour la population, du fait de Milosevic et des ses

20 amis, et c'était certainement une tragédie sans nom pour les victimes

21 albanaises du Kosovo. Les deux peuples souffriront longtemps, à l'avenir.

22 Q. En suivi, vous avez dit : il faudrait bien qu'il y ait des

23 victimes civiles parmi les Serbes pour justifier tout cela. Qu'est-ce qu'il

24 entendait par là, selon vous ? Est-ce que vous pouvez l'expliquer ? Est-ce

25 que lui-même a expliqué ce qu'il entendait par là ? Parce que je n'en

26 comprends pas le sens. Comment cela justifiera tout cela, selon vous ?

27 R. Il s'agissait de montrer que le pacte de l'OTAN, ce sont des criminels,

28 des animaux. Il avait la liste des cibles de l'OTAN. Il aurait pu évacuer

Page 6402

1 les civils, et pourtant il ne l'a pas fait. Il savait très bien que la

2 radiotélévision serbe serait une cible trois ou quatre jours avant le

3 bombardement. Je le lui ai dit moi-même comme d'autres le lui ont dit, mais

4 il n'a pas procédé à l'évacuation du personnel. Bien au contraire, il a

5 retiré tout le mobilier du bâtiment dont était la propriétaire sa fille. Il

6 a simplement permis qu'il y ait des victimes serbes et il voulait qu'il

7 brosse un portrait indiquant que c'est bien l'OTAN qui est l'agresseur.

8 M. FILA : [interprétation] C'est la même chose, c'est toujours la même

9 chose. On parle, on parle, une histoire, une autre histoire. Je ne

10 comprends pas. De quels meubles, de quel mobilier parle-t-on ? Ce n'est pas

11 une réponse à la question qui a été posée. Je ne pense pas qu'il faudrait

12 poursuivre.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait simplement d'illustrer mes

14 propos.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, une décision doit être

16 prise quant à l'objection qui a été formulée. Je crois que cela fait partie

17 du problème, le fait qu'il y ait eu une omission, et si j'ai bien compris,

18 il s'agit là de la question la plus pertinente en la matière.

19 Vous avez dit, Monsieur Tanic, il savait -- vous avez dit puisqu'il

20 savait à propos de la radiotélévision serbe deux ou trois jours avant que

21 la radiotélévision serbe soit bombardée. Je pense que ce que vous vouliez

22 dire très exactement, c'est qu'il savait que les bâtiments de la

23 radiotélévision serbe allaient être bombardés; est-ce exact ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Il le savait quatre jours

25 avant.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, ensuite, vous avez poursuivi en

27 indiquant que vous-même vous avez joué un rôle. Pourriez-vous répéter, s'il

28 vous plaît ?

Page 6403

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre jours avant le bombardement prévu de la

2 radiotélévision serbe, j'étais moi-même à l'étranger, et des amis m'ont dit

3 - nous avions de nombreux amis à l'étranger qui pouvaient faire une

4 distinction entre la Serbie d'une part et le régime de Milosevic de l'autre

5 - on m'a dit, dans le cadre d'un entretien téléphonique sécurisé -- enfin,

6 d'abord, on m'a dit que cela allait se passer, et ensuite, dans un

7 entretien téléphonique sur une ligne sécurisée, je me suis fait le relais

8 de cette information à Belgrade. Ensuite, j'ai appris que d'autres sources

9 s'étaient faites le relais de cette information-là. La radiotélévision

10 serbe n'a pas été évacuée --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, cette déclaration du

12 témoin à propos de son association directe dans une chaîne d'événements

13 dont il prétend qu'ils ont conduit ensuite à l'évacuation du bâtiment avant

14 qu'il ne soit bombardé, cela me semble être parfaitement pertinent et cela

15 me semble être une question dont il a des connaissances à titre personnel.

16 Il ne s'agit pas simplement d'informations semblables aux informations

17 contre lesquelles vous avez formulé une objection précédemment.

18 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur

19 les Juges, je n'essaie pas de faire une distinction entre les éléments

20 importants et non importants. Je dis simplement la chose suivante : le

21 témoin doit répondre aux questions de M. Hannis. Or, M. Hannis aurait

22 certainement fini par poser la question, mais le témoin continue et

23 continue sans interruption. Puis, ensuite, nous avons les questions de

24 compte rendu, il y a le secret militaire, le secret d'Etat, quelqu'un lui

25 dit quelque chose, on ne sait pas qui c'est. Qu'est-ce qu'il a à voir avec

26 le secret d'Etat ? Cela, c'est quelque chose qui est l'affaire des

27 fonctionnaires publics. Pourquoi est-ce qu'il ne peut pas révéler la source

28 si c'était un secret d'Etat ? L'objection que je formule, elle est à

Page 6404

1 l'encontre de la façon dont il formule ses réponses.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous prenons bonne note de vos

3 remarques. M. Hannis sait très bien que des informations dont on ne

4 communique pas le nom de l'auteur ne peuvent avoir aucune influence sur

5 l'opinion que se fera la Chambre et des détails supplémentaires qui lui

6 semblent être d'importance non plus.

7 M. Tanic, ce serait utile et cela restera utile pour nous si vous

8 pouviez vous limiter dans vos réponses à une réponse directe à la question

9 posée. Plus votre réponse sera spécifique, plus elle sera utile pour cette

10 Chambre.

11 M. HANNIS : [interprétation]

12 Q. Outre la radiotélévision serbe et les événements que vous avez

13 évoqués, les services de Sûreté SDB ont-ils également reçu des informations

14 ayant trait à d'autres cibles à venir des bombardements de l'OTAN ? Une

15 réponse très simple : oui ou non.

16 R. Oui.

17 Q. Ont-ils répercuté cette information et l'ont-ils relayée auprès de

18 Milosevic ?

19 R. Il m'est difficile d'imaginer qu'ils aient pu ne pas le faire. Je n'ai

20 rien vu. Je n'ai pas vu d'informations être remises ou relayées directement

21 auprès de M. Milosevic, mais j'ai du mal à imaginer que cette information

22 ne lui soit pas parvenue.

23 Q. Ils étaient tenus de relayer cette information, n'est-ce pas ?

24 R. Absolument, ils y étaient tenus. Il y a encore beaucoup de gens très

25 honnêtes qui travaillent encore là, notamment après l'élimination de

26 Stanisic, et même chose pour l'armée.

27 Q. Je souhaiterais passer au paragraphe 123 de votre déclaration écrite, à

28 présent. Avez-vous eu connaissance d'un effort qui aurait été fait à la fin

Page 6405

1 du mois de mars ou au début du mois d'avril en 1999, effort déployé par le

2 Vatican et visant à aider à apporter une solution aux hostilités ?

3 R. Oui, j'en ai eu connaissance. J'ai été moi-même associé aux discussions

4 avec eux ainsi qu'avec le ministère des Affaires étrangères du Vatican, qui

5 a adressé le même message de paix à Milosevic, le cardinal Sodano.

6 Q. Est-ce que cette proposition contenait un cessez-le-feu ou un cessez-

7 le-feu provisoire, dans son texte ?

8 R. Oui, un cessez-le-feu unilatéral et le début du retrait de nos forces.

9 Par ailleurs, la fréquence des bombardements devait être revue à la baisse.

10 Le cessez-le-feu unilatéral devait intervenir au cours de la période

11 pascale catholique.

12 Q. Lorsque vous parlez d'un "cessez-le-feu unilatéral", oui, mais de quel

13 côté ? Quel était le côté qui devait cesser le feu ?

14 R. Notre côté, le côté yougoslave. Il s'agissait de mettre fin à toute

15 activité de combat, et l'on était censé commencer le retrait, tandis que

16 dans l'intervalle, l'OTAN devait mettre fin aux bombardements de manière à

17 permettre de créer des conditions préalables à l'entrée de la KFOR et de

18 ses troupes qui étaient déjà amassées aux frontières. Je souhaiterais tout

19 de même signaler à ce stade-ci que je n'ai rien lu à propos de tout cela

20 avant de venir au Tribunal à La Haye; par conséquent, le seul moyen que

21 j'avais de le savoir, c'était d'être associé à ces événements. Je

22 souhaiterais demander au conseil de la Défense de ne pas m'insulter

23 davantage en disant que les choses dont je me fais l'écho ici, je les ai

24 lues dans la presse.

25 Q. Monsieur Tanic, permettez-moi de vous poser quelques questions à propos

26 de ce qui était censé se produire au cours de la Pâques catholique. Est-ce

27 que vous savez si M. Milosevic avait accepté au départ cette proposition

28 visant à mettre en œuvre un cessez-le-feu devant commencer au cours de la

Page 6406

1 Pâques catholique ?

2 R. Oui. Il aurait promis n'importe quoi, mais il n'a jamais rien fait.

3 Q. Est-ce que ce cessez-le-feu a eu lieu au cours de la Pâques catholique;

4 oui ou non ?

5 R. Non.

6 Q. Lorsque ce cessez-le-feu n'est pas intervenu, est-ce que vous avez

7 vous-même essayé d'apprendre pourquoi ce cessez-le-feu n'a pas été mis en

8 œuvre ce jour-là ?

9 R. Bien entendu, le président de mon parti, Mihajlovic et d'autres. Puis,

10 je souhaiterais dire quelque chose à propos de ma dernière réponse. Des

11 offres avaient été faites visant à libérer des soldats capturés. Cela

12 faisait partie de la proposition. Nous avons fait tout effort nécessaire,

13 Draskovic, Lilic et d'autres nombreux ont fait des efforts.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de prisonniers capturés; à

15 qui faites-vous référence ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait deux ou trois pilotes

17 américains capturés à l'époque. Je souhaitais simplement préciser un petit

18 peu les choses parce qu'on pourrait voir apparaître une version écrite de

19 ceci demain, et on dira : "Vous voyez, Monsieur Tanic, il n'y connaît

20 rien."

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

22 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

23 Q. Qui avez-vous contacté pour essayer de savoir pourquoi le cessez-le-feu

24 n'avait pas été mis en œuvre à la Pâques catholique, comme vous aviez pensé

25 que cela allait être le cas ?

26 R. Le service de Sûreté, Milosevic lui-même; Mihajlovic a contacté

27 Milutinovic, et je suppose qu'il a contacté Milosevic également. Vous

28 pourriez peut-être vous-même rafraîchir ma mémoire, parce qu'à l'époque

Page 6407

1 j'essayais de sauver ma propre peau. C'était un jeu risqué que je jouais.

2 Il était risqué pour moi ainsi que pour beaucoup d'autres. Peut-être

3 pourrait-on m'autoriser à relire ma déclaration écrite.

4 Q. Avant d'en arriver là, permettez-moi de vous poser une question

5 supplémentaire : M. Mihajlovic a-t-il participé aux entretiens avec qui que

6 ce soit quant aux raisons pour lesquelles les choses ne se sont pas faites

7 tel que cela avait été proposé ?

8 R. Bien, nous avons téléphoné à Milutinovic du cabinet, mais ce n'était

9 pas facile. On ne pouvait pas parler normalement au téléphone. Ensuite, il

10 y a eu la conversation avec Milutinovic quant aux raisons pour lesquelles

11 le cessez-le-feu n'avait pas été mis en œuvre. Milutinovic a répondu qu'il

12 y avait encore des questions en suspens là-bas au Kosovo et qu'il faudrait

13 attendre la Pâques orthodoxe. Selon moi, nous n'avions rien à faire là-bas,

14 si ce n'est commettre d'autres crimes, éliminer d'autres traces, tuer

15 d'autres personnes sans aucune raison parce qu'il y avait des bombardements

16 intenses à l'époque et on ne pouvait rien faire d'un point de vue

17 militaire, bien entendu.

18 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un entretien de visu ou bien est-ce qu'il

19 s'agissait d'un entretien téléphonique ?

20 R. Par des moyens de communication. Je vous l'avais dit, Milutinovic était

21 au poste de commandement. Je ne sais pas si Mihajlovic et Milutinovic ont

22 eu l'occasion de se rencontrer par la suite. Mihajlovic m'a dit qu'il avait

23 des choses à dire. Il avait dit qu'il avait eu des entretiens de visu, mais

24 je n'y étais pas présent. Je ne pouvais pas y être présent. Mihajlovic m'a

25 confirmé bien entendu qu'il avait eu d'autres réunions, mais je ne vais pas

26 essayer de vous dire des choses qui ne sont jamais que du ouï-dire, ici.

27 Pour autant que je le sache, M. Milutinovic était à un poste de

28 commandement, et nous, membres du cabinet, avions du mal à le retrouver.

Page 6408

1 Draskovic essayait de trouver Bulatovic tandis que la situation était

2 véritablement chaotique, mais cela, vous pouvez bien l'imaginer.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà qui soulève un certain nombre de

4 questions également pour moi.

5 M. HANNIS : [interprétation] Je ne suis pas sûr --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous entendez poursuivre, veillez à

7 ce que --

8 M. HANNIS : [interprétation]

9 Q. Je ne comprends pas votre réponse. Vous évoquez la réponse de

10 Milutinovic qui indique qu'il y avait encore des questions en suspens ou

11 des choses non réglées là-bas, en bas. C'était une question à propos de M.

12 Milutinovic. Mais tout d'abord, qui a participé à cet entretien avec M.

13 Milutinovic ?

14 R. Mihajlovic, et j'ai eu l'occasion d'écouter par des moyens de

15 communication.

16 Q. Ces moyens de communication, quels étaient-ils ? Un téléphone, une

17 radio ?

18 R. C'était une ligne téléphonique spéciale. Je ne suis pas un expert en

19 technologie, mais c'est le souvenir que j'en ai gardé.

20 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, vous souhaitiez

21 intervenir à propos d'autre chose ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. On a fait référence au cabinet.

23 Vous avez indiqué la chose suivante : "Nous, au cabinet, nous avions du mal

24 à le trouver." Qu'entendez-vous par cabinet, lorsque vous y faites

25 référence ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Le bureau de Mihajlovic.

27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font noter que "cabinet" et "bureau" se

28 traduisent de la même façon en B/C/S.

Page 6409

1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais membre également du bureau --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. On aurait pu avoir l'impression

3 qu'il avait encore un poste gouvernemental, mais à ce moment-là, Mihajlovic

4 n'est plus membre du gouvernement. Merci.

5 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

6 Je vous propose de passer au paragraphe 143.

7 Q. Monsieur Tanic, du fait de votre relation avec les services de Sûreté

8 SDB, est-ce que vous avez eu connaissance du fait que M. Milosevic avait

9 quelque contrôle que ce soit sur les services de Sécurité, de Sûreté de

10 l'Etat ?

11 R. Il avait un contrôle complet, tant à l'époque de M. Stanisic qu'à

12 l'époque de M. Rade Markovic, mais c'étaient deux services différents.

13 Lorsque M. Rade Markovic en est devenu le chef, ce n'était plus le même

14 service de Sûreté que cela l'était à l'époque de M. Stanisic. Mais dans les

15 deux cas, M. Milosevic exerçait un contrôle complet.

16 Q. Comment le savez-vous ?

17 R. Excusez-moi, mais je ne comprends pas votre question, maintenant. Nous

18 nous connaissions depuis de si nombreuses années. Est-ce que vous souhaitez

19 un moyen de preuve spécifique ?

20 Q. Je vais commencer par une question à propos de la chaîne de

21 commandement au sein des services de Sûreté d'Etat. Qui était le chef des

22 services de Sûreté d'Etat en 1998 ? Vous nous l'avez dit précédemment.

23 R. Oui. Oui, c'est vrai, je vous l'ai dit. Après que M. Stanisic eut été

24 remplacé, ce fut M. Radomir Markovic qui devint chef de ces services. Il

25 était l'homme des services de Sécurité publique qui n'avait jamais

26 travaillé dans le domaine du renseignement, puis Uros Suvakovic, un des

27 idéologues du SDS qui ne connaissait strictement rien à quoi que ce soit en

28 matière de travail de renseignements, et il était l'homme principal en

Page 6410

1 charge du service. Uros Suvakovic, tel était son nom.

2 Q. Qui était le supérieur hiérarchique ou le patron de M. Markovic et

3 précédemment de M. Stanisic ? S'agissait-il du ministre de l'Intérieur ?

4 R. Théoriquement, oui, mais dans la pratique en Serbie, cela n'était

5 jamais respecté. Formellement, juridiquement aussi, absolument, Vlajko

6 Stojiljkovic était son supérieur hiérarchique, mais on peut difficilement

7 imaginer Stanisic ou Markovic respecter quelque instruction que ce soit

8 venant de sa part. Dans les faits, Milosevic, c'est lui qui était le

9 supérieur hiérarchique, mais juridiquement parlant de jure, c'était

10 effectivement le ministre de la Police ou ministre de l'Intérieur.

11 Q. Savez-vous quel était le poste qu'occupait M. Stojiljkovic avant de

12 devenir ministre de l'Intérieur ?

13 R. Je le connaissais assez bien. Il a avait occupé le poste de président

14 de la chambre de commerce, et en cette qualité, nous avons eu l'occasion de

15 discuter d'un certain nombre de projets économiques. En fait, c'était un

16 homme d'affaires.

17 Q. Dans l'organigramme du gouvernement de Serbie et de Yougoslavie, qui

18 était le patron du ministère de l'Intérieur ? Qui désignait le ministre de

19 l'Intérieur, à supposer que vous le sachiez ?

20 R. Le ministre de l'Intérieur n'est pas élu, il est désigné. Je sais bien

21 qu'il y a une différence entre l'anglais et le serbe, ici, mais en

22 principe, cela devrait être le gouvernement serbe, pour autant que je

23 connaisse le droit. Mais cela n'était jamais respecté, personne n'y

24 accordait beaucoup d'attention, là-bas.

25 Q. Monsieur Tanic, je souhaiterais maintenant que nous passions à l'époque

26 où vous avez quitté la Serbie. Pouvez-vous nous dire très brièvement

27 pourquoi vous avez quitté la Serbie et comment il se fait que soyez devenu

28 témoin protégé vivant dans un autre pays ? Pourriez-vous le dire à la

Page 6411

1 Chambre de première instance ?

2 R. Tout de suite après la capitulation de Kumanovo, je me suis tout à fait

3 bien rendu compte de ce qui était en train de se passer. J'ai commencé à

4 travailler sur un livre sur le Kosovo qui s'intitulait, "Conflit du Kosovo

5 : Une guerre fabriquée de toutes pièces." C'est ce que j'affirmais parce

6 que j'étais convaincu que Milosevic et ses acolytes avaient tout préparé à

7 l'avance. Mais je voulais, avant d'écrire mon livre, procéder à quelques

8 vérifications parce qu'il fallait que je vérifie tout cela. Je portais des

9 accusations extrêmement graves. A priori, cela pouvait relever du domaine

10 de la science-fiction, mes accusations. Je suis instruit, je suis un

11 intellectuel. Je m'en rendais compte, donc j'ai commencé à avoir des

12 entretiens avec les personnes adaptées qui savaient pour vérifier mes

13 conclusions une deuxième fois, pour ne pas me laisser induire en erreur par

14 la force de la tragédie.

15 J'ai donc commencé à m'entretenir avec des représentants des services

16 de Sécurité. J'ai essayé d'avoir accès aux documents figurant dans les

17 archives concernant les victimes des deux côtés. J'ai demandé à Perisic de

18 voir ce qu'il en était du point de vue militaire de la situation, pour voir

19 si cela correspondait avec mes informations reçues de la part des services

20 de Renseignements et autres. Je suis allé à Rome avec Monseigneur Paglia,

21 il représentait le Groupe de contact. Je voulais vérifier et voir ce que

22 Milosevic lui avait effectivement dit. Entre-temps, il était devenu évêque.

23 Je lui ai expliqué ce que je voulais vérifier, et nous avons parlé. J'ai

24 parlé également avec un certain nombre d'ambassadeurs. Tout de suite après

25 ma dernière conversation avec Perisic, la veille de la tentative

26 d'assassinat de Vuk Draskovic, sur la route principale d'Ibarska, j'ai été

27 enlevé en pleine rue, en plein jour. Je m'étais bien rendu compte qu'on

28 avait bloqué la rue, mais quand je me suis rendu compte, c'était trop tard.

Page 6412

1 Ils m'ont attrapé. Ils m'ont poussé dans une fourgonnette. Ils m'ont fait

2 une piqûre pour m'endormir. Mon épouse aussi a été enlevée.

3 On s'est rendu compte plus tard que ceux qui avaient fait cela,

4 c'étaient les unités chargées des opérations spéciales, et nous avons été

5 torturés dans une prison privée pendant un jour et demi. Il ne s'agissait

6 pas d'une prison légale. Nous avons été interrogés. On m'a demandé ce que

7 j'étais en train de faire dans le cadre de la préparation de ce livre. On

8 m'a demandé si je me rendais compte de ce que c'était, ce que les

9 Britanniques avaient à faire là-dedans, est-ce que c'est la première fois

10 qu'ils en entendaient parler. On m'a demandé si Perisic voulait préparer un

11 coup d'Etat avec Stanisic. Je me suis retrouvé soumis à des pratiques de

12 torture dignes de ce qui se passe en Amérique du Sud. On voulait savoir si

13 Perisic voulait faire un coup d'Etat avec Stanisic.

14 Comme Curuvija avait été liquidé de la même manière et comme je

15 savais comment il fonctionnait, j'étais sûr qu'ils allaient me tuer.

16 Soudain, on nous a libérés, ma femme et moi. Elle, elle avait été enlevée

17 deux heures après moi, et par la suite, j'ai appris que ceci avait eu lieu

18 peu de temps avant une tentative d'assassinat menée contre Vuk Draskovic

19 sur la route principale d'Ibarska, une tentative d'assassinat qui avait

20 échoué. On était en train de tuer carrément des gens. J'essaie de vous

21 expliquer pourquoi j'ai quitté le pays.

22 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman.

24 M. ACKERMAN : [interprétation] Le témoin parle beaucoup trop vite pour que

25 les interprètes puissent suivre, j'en suis sûr. Si vous regardez la ligne

26 3, page 64, vous vous rendrez compte qu'il a parlé d'Amérique latine,

27 plutôt --

28 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

Page 6413

1 M. ACKERMAN : [interprétation] En tout cas, je pense que le compte rendu

2 d'audience ne reflète pas ses propos et je pense que le témoin devrait

3 ralentir.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vais demander à M. Tanic de

5 ralentir même si d'habitude, nous, quand c'est trop vite, on nous le fait

6 savoir d'une autre manière.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Monsieur Tanic, veuillez poursuivre. Je comprends bien que c'est une

9 événement marquant dans votre existence, mais essayez d'être concis et de

10 nous dire ce qui s'est passé après votre enlèvement et après cette torture

11 que vous avez subie. Que s'est-il passé après votre mise en liberté ?

12 R. J'ai été libéré et je me suis rendu compte à ce moment-là que tout ceci

13 était le fait des unités de la JSO et que nous avions été libérés du fait

14 de la chance, parce qu'ils n'avaient réussi à tuer Draskovic. Ils étaient

15 en train de me jouer un petit jeu, je ne veux pas entrer en détail.

16 Quelques heures plus tard, je me suis rendu compte qu'on nous avait mis, ma

17 femme et moi, en cage; c'est comme cela qu'on dit. C'est-à-dire que nous

18 étions soumis à une surveillance continue. Ma femme, par exemple, allait à

19 Bar, sur la côte du Monténégro, elle y est allée pour vendre des terrains.

20 Ils l'ont suivie, on s'en est rendu compte. C'était impossible de

21 boire un verre, de boire un coca-cola sans qu'on nous surveille. C'est ce

22 je voulais dire quand je dis qu'on était en cage. Cela avait été la même

23 chose pour M. Curuvija, qui était mort depuis lors. J'étais menacé, je m'en

24 suis rendu compte. Ils étaient au courant pour mon livre. Ils savaient que

25 j'avais coopéré avec le Tribunal de La Haye. Peut-être qu'ils avaient des

26 informations à ce sujet, cependant ils ne m'ont jamais posé de question sur

27 ce point, je dois dire. Je suis parti du pays pour sauver ma peau, c'est

28 tout. Je me suis servi d'un prétexte qui paraissait acceptable. Je me suis

Page 6414

1 muni de quelques centaines de marks allemands, de deux valises. Sinon, cela

2 aurait pu susciter les soupçons.

3 Je dois ajouter que j'ai parlé de tortures. Si je l'ai fait, ce n'est

4 pas pour susciter votre pitié, mais nous avons véritablement été soumis à

5 des mauvais traitements. Ma femme a été frappée, étranglée, on l'a obligée

6 à se déshabiller. Ils venaient me voir en me disant : "On va violer ta

7 femme, on va vous tuer, à moins que tu admettes que Perisic, Stanisic et

8 Jovic veulent mener un coup d'Etat. Pourquoi est-ce que tu écris ce livre ?

9 Milosevic n'est pas un traître," et cetera. C'était n'importe quoi. Je me

10 suis rendu compte que Milosevic leur avait donné ces informations fausses.

11 Cet enlèvement, qui est le fait d'une unité de la JSO, est confirmé par un

12 livre de M. Mijatovic, chef adjoint des services de la Sûreté de l'Etat.

13 Il décrit la situation de manière un peu différente, mais il

14 reconnaît que j'ai été kidnappé avec ma femme par la JSO. Sous Rade

15 Markovic, c'était un escadron de la mort. Ensuite, ils ont liquidé ou tenté

16 de liquider beaucoup de monde, comme vous êtes peut-être au courant de ce

17 fait, et je le sais parce que pendant des années, j'avais été proche non

18 pas de cette unité-là, mais j'étais très au courant de ce type de

19 problèmes. J'ai quitté le pays parce que je ne voulais pas mourir, sinon on

20 m'aurait tué. Cela a été le cas, d'ailleurs, pour d'autres personnes plus

21 tard. Ou j'aurais échoué en prison alors que j'étais complètement innocent.

22 Q. Après votre départ du pays, sans entrer dans les détails, il est exact,

23 n'est-ce pas, que certains services de Sécurité occidentaux avec qui vous

24 aviez eu des contacts vous ont aidé ? Vous avez déposé dans l'affaire

25 Milosevic et vous avez bénéficié d'une réinstallation dans un pays tiers,

26 n'est-ce pas ?

27 R. Oui. J'ai immédiatement été accueilli par le gouvernement hongrois et

28 par les services de Renseignements occidentaux ou un service qui,

Page 6415

1 malheureusement, a été mentionné. Enfin, j'ai obtenu l'aval de ce service.

2 On m'a accueilli. Nous avons pu nous remettre physiquement, parce que nous

3 étions dans un état épouvantable. Ces gens me connaissaient depuis

4 longtemps. Ils savaient que je disais la vérité. On ne m'a pas accueilli

5 pour que je dépose, pour que je témoigne, mais pour que moi-même et ma

6 femme, nous puissions survivre. Si je suis venu déposer, c'est parce que je

7 suis convaincu que tout ce que j'ai à dire, c'est la vérité et que le

8 régime de Milosevic, c'est une poignée d'hommes qui sont à l'origine d'une

9 stratégie aussi bien pour les Serbes que pour les Albanais du Kosovo. Je

10 suis convaincu qu'il s'agit d'une trahison, une trahison envers leur propre

11 pays. Ils le savaient pertinemment, parce que je n'ai caché mon point de

12 vue à Belgrade. Je parlais publiquement de tout cela.

13 Q. Merci.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais que vous nous apportiez des

15 précisions au sujet d'une expression que vous avez utilisée au début de

16 cette réponse. Vous avez parlé de "la capitulation de Kumanova."

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Excusez-moi. De quel type d'explication

18 parlez-vous ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais savoir ce dont vous parlez

20 exactement quand vous utilisez cette expression.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il avait rejeté toutes les propositions de

22 paix. A ce moment-là, il a signé la capitulation de Kumanovo, parce que

23 dans l'intervalle, le Tribunal de La Haye avait établi un acte d'accusation

24 contre lui. Il savait que les forces de l'OTAN allaient venir le chercher.

25 Il a signé la capitulation de Kumanovo. Ce n'était pas un accord de paix,

26 il s'agissait d'une capitulation par rapport aux solutions qui étaient

27 offertes précédemment. N'importe quel expert pourrait le démontrer. Cela

28 s'appelle l'accord de Kumanovo; c'est cela qui a mis un terme aux

Page 6416

1 bombardements de la République fédérale de Yougoslavie par les avions de

2 l'OTAN.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

4 M. HANNIS : [interprétation]

5 Q. Monsieur Tanic, encore deux sujets que je souhaiterais aborder avec

6 vous. Quand vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, M. Milosevic a

7 avancé que vous n'étiez personne sur le plan politique, qu'il était

8 impossible que vous ayez vu, rencontré les personnes que vous dites avoir

9 rencontrées. Il vous est impossible de savoir ce que vous dites. J'aimerais

10 vous présenter une pièce, une photographie qui porte la cote P522.

11 J'aimerais que vous disiez aux Juges de la Chambre qui l'on peut voir sur

12 ces photographies. Sur la photographie du haut, pouvez-vous nous dire qui

13 l'on peut voir ? Quelles sont les personnes que vous reconnaissez ?

14 Veuillez nous indiquer si vous commencez la description des personnes que

15 l'on voit sur cette photographie à partir de la droite ou à partir de la

16 gauche.

17 R. Premièrement, nous avons ici M. Milosevic quand il était encore

18 président de la Serbie. Cette photographie a été prise à l'occasion d'une

19 réunion qui avait lieu chaque année entre tous les partis de la coalition.

20 M. Milosevic est au milieu. A droite, on me voit moi. On voit clairement

21 qu'il s'agit là d'une réunion officielle de la délégation de la nouvelle

22 démocratie --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Monsieur Tanic.

24 Faites attention à bien parler dans le micro. C'est pour cela qu'on vous a

25 interrompu.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à droite, complètement à droite.

27 C'est moi qui porte des lunettes. Je suis le seul à porter des lunettes. A

28 côté, il y a M. Karadjole, Goran Karadjole, l'adjoint Mihajlovic ou le

Page 6417

1 conseil Mihajlovic; Ceda Mirkovic, du Parti de la démocratie libre; M.

2 Mihajlovic, à côté de Milosevic; M. Milosevic aujourd'hui décédé. Derrière

3 lui, nous avons M. Radulovic, et derrière, on voit le chef de cabinet de M.

4 Mihajlovic, Ivan Djordjevic. Nous avons ensuite deux dames dont j'ai oublié

5 les noms malheureusement, parce que personnellement, je ne faisais pas de

6 politique pour entretenir des amitiés particulières. Ensuite, nous avons M.

7 Zagorac, le comité exécutif de la nouvelle démocratie et deux conseillers

8 de M. Mihajlovic.

9 M. HANNIS :

10 Q. Est-ce que --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, avant de

12 poursuivre, est-ce que vous vous rendez compte que cette photo, elle est

13 diffusée ?

14 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais elles ont déjà été rendues

15 publiques.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce que je veux vous rappeler,

17 c'est qu'on peut peut-être les voir à l'extérieur, ces photos.

18 M. HANNIS : [interprétation] J'en ai parlé avec le témoin.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

20 M. HANNIS : [interprétation] Cela ne le gêne pas, mais il serait encore

21 mieux que l'image ne soit pas diffusée.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sous pli scellé, cette pièce ?

23 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Oui, Monsieur, c'est ce que nous

24 demandons.

25 Maintenant, examinons la photographie qui se trouve en dessous de celle-ci.

26 Q. Pouvez-vous nous dire qui l'on voit, ici ? On va commencer par la

27 gauche.

28 R. Il y a là le cabinet de M. Milutinovic quand il était ministre des

Page 6418

1 Affaires étrangères. Je suis à gauche avec M. Goran Karadjole, M.

2 Mihajlovic, M. Milutinovic au milieu et Cedo Mirkovic. Photo prise à

3 l'occasion d'une réunion de travail. Vous voyez que l'atmosphère est

4 détendue, non pas parce qu'on avait bu, mais parce qu'on avait pu échanger

5 nos points de vue.

6 Q. C'est à peu près à quelle période ou à quel moment que cette photo a

7 été prise ?

8 R. Il m'est difficile de m'en souvenir, mais il y a beaucoup de photos sur

9 la nouvelle démocratie. Je crois que c'était lors de la première réunion

10 officielle avec Milutinovic. M. Mihajlovic le respectait beaucoup parce que

11 c'était un diplomate expérimenté, et nous essayions d'entretenir avec M.

12 Milutinovic de bonnes relations de travail, parce qu'il travaillait sur les

13 mêmes questions que M. Mihajlovic et moi-même. L'idée forte, là, c'était

14 d'utiliser ensemble nos forces dans l'intérêt du pays, parce que M.

15 Milutinovic avait beaucoup de connaissances, et le fait qu'il était un

16 partisan de Milosevic ne signifie que ce n'était pas un personnage

17 chevronné ni un homme intelligent. Je le respecte beaucoup.

18 Puis, à droite, nous avons M. Ricardo Sosa, ambassadeur italien.

19 C'est une photographie intéressante parce qu'à l'époque, M. Sosa, c'était

20 le seul ambassadeur qui restait, le seul ambassadeur d'un des pays de

21 l'OTAN qui était resté sur place alors que l'OTAN procédait aux

22 bombardements. Il est resté à Belgrade, et c'est par lui que se faisaient

23 des négociations secrètes. Il a eu des rencontres avec Draskovic, moi-même

24 et sans doute avec M. Milutinovic et d'autres. Il est sans doute à même de

25 confirmer tout ce qui a trait aux propositions de paix de l'OTAN, toute la

26 problématique de l'accord politique de Rambouillet. C'était un des acteurs

27 très présents dans cette tentative de résoudre les difficultés. Milutinovic

28 avait une très bonne opinion de lui et il était très heureux de la

Page 6419

1 nomination de Ricardo Sosa au poste d'ambassadeur de l'Italie à Belgrade.

2 Q. Merci. J'en ai terminé de mes questions au sujet des photographies.

3 M. HANNIS : [interprétation] Il y a encore un thème que je souhaiterais

4 aborder avec le témoin, mais j'aimerais que nous passions à huis clos

5 partiel pendant quelques instants. A ce sujet, je ne sais pas si vous

6 préférez que nous le fassions tout de suite, ou est-ce que cette

7 conversation devrait avoir lieu juste avant la pause, puisqu'au moment de

8 la pause, on passe à huis clos de toute manière ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, on va tout de suite en parler.

10 M. HANNIS : [interprétation] Bien, je vous remercie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce faire, huis clos partiel.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

13 [Audience à huis clos partiel]

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 6420

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 Monsieur Hannis.

23 M. HANNIS : [interprétation]

24 Q. Monsieur Tanic, est-il exact qu'en 1977, vous avez été condamné par le

25 tribunal du district de Belgrade et vous avez été condamné à un an et deux

26 mois de prison, une peine qui a été réduite à six mois suite à une

27 procédure d'appel, ou plutôt sept mois ? Est-il vrai qu'au bout du compte,

28 vous avez purgé six mois de cette peine ?

Page 6421

1 R. Oui. J'ai été condamné à six mois de prison, ou plutôt sept mois de

2 prison. Le jugement de première instance n'a pas lieu d'être parce qu'il a

3 été annulé par la cour suprême. On m'a condamné à sept mois de prison en

4 recommandant ma remise en liberté au bout de cinq ou six mois, parce qu'il

5 s'agissait d'un délit qui n'avait pas été commis, mais il existait un

6 soupçon sur l'éventualité de la perpétration dudit acte. Mais tout cela

7 nous renvoie à l'année 1976, c'est-à-dire il y a 30 ans.

8 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D030565. En anglais,

9 cela a été traduit par le terme "pillage", mais quand je me suis entretenu

10 avec mes assistants linguistiques, ils m'ont expliqué que cela pouvait

11 également être traduit par "cambriolage" ou "attaque à main armée". Je ne

12 suis pas sûr.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites que c'est le document

14 1D, et cetera, donc c'est un document des accusés ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

16 M. HANNIS : [interprétation] Cela ne peut pas être 30.565, enfin j'espère

17 que non.

18 M. HANNIS : [interprétation] Je vous ai donné lecture du numéro de

19 référence qui figure en bas de page --

20 Excusez-moi, je vous ai donné le numéro ERN.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. C'est clair, maintenant,

22 c'est 1D34.

23 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos et nous

25 resterons à huis clos jusqu'au retour du témoin.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 [Audience à huis clos]

28 (expurgé)

Page 6422

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 [Audience publique]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître O'Sullivan.

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Voici l'ordre. Je serai le premier, M.

15 Sainovic ensuite, général Pavkovic, général Ojdanic, le général Lukic et le

16 général Lazarevic pour finir.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie et je vous en prie,

18 Maître O'Sullivan.

19 Contre-interrogatoire par M. O'Sullivan :

20 Q. [interprétation] Monsieur Tanic, vous connaissez Veton Surroi, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous savez qu'il s'agit d'un rédacteur de journal et d'un intellectuel

24 extrêmement respecté ?

25 R. Oui, et c'est également une personnalité politique.

26 Q. Dans la déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur, vous

27 avez déclaré avoir rencontré M. Surroi en 1989. Vous dites que vous l'avez

28 rencontré plusieurs fois et que vous êtes un de ses amis. Voilà la question

Page 6423

1 que j'aimerais vous poser : quelle impression avez-vous de lui ? Est-ce

2 qu'il s'agit d'un homme honnête, d'un homme intègre ? Que pouvez-vous nous

3 dire à son sujet ?

4 R. A l'époque où je le connaissais, il s'agissait d'une personne

5 intelligente et honnête. Bien sûr, il représentait le point de vue des

6 Albanais. Je ne sais pas, je ne peux pas vous parler de lui maintenant

7 parce que maintenant, cela fait au moins sept ans que je ne le vois plus.

8 Q. Vous avez la pièce P2361 qui correspond à l'entretien du bureau du

9 Procureur avec Veton Surroi, et j'aimerais citer la page 9. A la page 9 de

10 sa déclaration, M. Surroi parle de la réunion de la fondation Bertelsmann à

11 Rhodos, en septembre 1996. Vous y avez assisté, ainsi que M. Surroi.

12 Monsieur Tanic, M. Surroi a déposé dans cette affaire, et voilà ce qu'il a

13 dit :

14 "Ratomir Tanic, conseiller de Mihajlovic, assistait également à cela.

15 Tanic a dit qu'il avait des contacts directs avec Milosevic, mais je ne

16 l'ai pas cru. Cela fait longtemps que je me méfie de M. Tanic."

17 Pourquoi est-ce que vous pensez que M. Surroi a dit cela à votre

18 sujet ?

19 R. Je pense que c'est une question que vous devriez poser à M. Surroi, et

20 non pas à moi. Je ne sais pas ce à quoi il pense.

21 Q. Est-ce qu'il a dit cela parce que cela fait longtemps que vous êtes

22 malhonnête et que vous ne dites pas la vérité ?

23 M. HANNIS : [interprétation] Là, on lui demande de se livrer à des

24 conjectures, on lui demande ce à quoi pensait M. Surroi.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, je lui demande si cela fait partie de

26 son histoire personnelle. Est-ce que cela fait longtemps qu'il est

27 malhonnête ?

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, j'accepte votre

Page 6424

1 question, mais je ne pense pas que la réponse va véritablement éclairer

2 notre lanterne.

3 Répondez à la question, Monsieur Tanic, la question que je vais

4 reformuler peut-être et qui sera comme suit : est-ce que vous avez

5 l'habitude d'être malhonnête et de ne pas faire l'objet de confiance ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si vous écoutez les bruits qui courent et

7 les ragots, certes, mais si vous vous basez sur les faits, non.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

9 Q. Vous êtes né le 6 avril 1966 et vous êtes le fils de Lazar, n'est-ce

10 pas ?

11 R. Je vois qu'il est question de 1966 au compte rendu d'audience alors

12 qu'il s'agit de 1956.

13 Q. C'est moi qui ai fait l'erreur. Il s'agit de l'année 1956. Est-ce que

14 vous avez vécu à Belgrade pendant toute votre vie d'adulte jusqu'au moment

15 où vous êtes parti en 1999 ?

16 R. Oui, pour l'essentiel.

17 Q. J'aimerais vous poser une question à propos de vos antécédents

18 scolaires et de votre éducation. J'aimerais vous poser une question à

19 propos du moment où vous viviez encore en Serbie jusqu'en 1999. Au moment

20 de votre déposition dans l'affaire Milosevic, vous avez dit que vous avez

21 terminé l'école primaire et que vous saviez lire et écrire; est-ce que cela

22 est exact ?

23 R. Oui, puisqu'il a insisté pour avoir des renseignements sur mes

24 antécédents scolaires justement. Toutefois, je ne me suis pas senti dans

25 l'obligation de parler de l'enseignement dont j'avais bénéficié puisque je

26 n'étais pas là en tant qu'expert.

27 Q. Il est exact de dire que vous avez suivi les cours de l'école

28 élémentaire et que vous savez lire et écrire, n'est-ce pas ?

Page 6425

1 R. Oui, c'est exact, mais j'ai également terminé un ou deux autres cours

2 dans ma vie.

3 Q. Une fois de plus dans l'affaire Milosevic, il s'agit de la pièce à

4 conviction 1D27 du 15 mai 2002, page 5 027. Voilà la question qui vous est

5 posée : "Vous êtes en train de nous dire que vous avez un niveau d'école

6 secondaire jusqu'au lycée. Vous êtes allé jusqu'au lycée ?"

7 "Réponse : Non, je n'ai pas terminé les cours du lycée de l'école

8 secondaire.

9 "Question : Quels cours avez-vous suivis ?

10 "Réponse : J'ai suivi les cours d'une école secondaire en économie.

11 "Question : Ecole d'économie niveau secondaire; c'est cela ?

12 "Réponse : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Il faudra que nous

13 convoquions un expert pour évaluer ce niveau d'enseignement. Je n'ai pas à

14 répondre à des questions qui n'ont rien à voir avec ce procès."

15 Vous avez admis que vous avez un niveau d'enseignement qui correspond

16 à l'enseignement primaire; c'est cela ?

17 R. Oui. Par la suite, j'ai déclaré que j'avais obtenu un diplôme

18 d'économie de l'école secondaire.

19 Q. La semaine dernière, lorsque vous avez témoigné, vous avez dit qu'au

20 milieu des années 1970, et ce, jusqu'au début des années 1990, vous avez

21 travaillé comme commerçant dans une institution fédérale. Vous vous

22 souvenez avoir dit cela ?

23 R. Oui, bien sûr.

24 Q. Quelle était votre spécialité en tant que commerçant ?

25 R. Vous voulez dire quelle était ma spécialité professionnelle ou à la

26 suite de l'enseignement dont j'ai bénéficié ? J'ai une maîtrise de science

27 politique. Pour ce qui est de la profession, je ne peux répondre parce que

28 cela fait partie du programme de protection de témoins; on m'a forcé à

Page 6426

1 m'acquitter de certains emplois. J'ai étudié dans plusieurs écoles. J'ai

2 des diplômes universitaires.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous a posé une question eu égard à

4 votre situation avant ce programme de protection.

5 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

6 Q. C'est le milieu des années 1970, c'est cela qui m'intéresse. Parce que

7 vous avez dit au Procureur qu'à partir de la moitié des années 1970

8 jusqu'au début des années 1990, vous avez travaillé dans une institution

9 fédérale et vous avez dit que vous étiez en quelque sorte commerçant.

10 J'aimerais savoir quelle était votre spécialité.

11 R. A ce moment-là, j'avais un diplôme de l'école secondaire. J'étais agent

12 technique dans le domaine de l'économie. J'avais également commencé à

13 étudier dans d'autres cours. Au moment où j'ai été questionné par M.

14 Milosevic, je n'étais absolument pas disposé à répondre à ses questions. Je

15 pourrais le faire maintenant, si vous le souhaitez.

16 Q. Quelle était votre spécialité professionnelle ?

17 R. Je pense avoir répondu. J'ai dit que j'étais assistant technique en

18 économie. C'est comme cela que nous appelons cette profession en Serbie.

19 Toute personne qui a un diplôme en sciences économiques de l'école

20 secondaire a ce titre.

21 Q. Quelle était l'institution fédérale pour laquelle vous avez travaillé ?

22 R. C'était l'association des usines laitières de la Yougoslavie.

23 Q. Si vous étiez technicien, pourquoi est-ce que vous vous êtes présenté

24 dans l'affaire Milosevic comme étant homme d'affaires ?

25 R. Parce qu'après, je suis devenu homme d'affaires. J'ai commencé à

26 produire des biens à l'étranger. Ensuite, j'étais un petit industriel et je

27 n'ai pas travaillé pour cette institution au début des années 1980, mais

28 plutôt à la fin des années 1980. C'est pour cela que je me suis présenté

Page 6427

1 comme homme d'affaires.

2 Q. Est-ce que vous avez votre propre entreprise ?

3 R. Oui, tout à fait.

4 Q. Vous avez une entreprise ou vous en avez plusieurs ?

5 R. Cela n'intéresse absolument pas cette Chambre parce que ce qui est

6 essentiel, c'est que nous produisions des biens. Au départ, nous avons

7 fabriqué des biens et nous faisons partie d'une entreprise étrangère.

8 Ensuite, mon associé et moi-même avons établi d'autres entreprises.

9 Q. Est-ce que vous avez une entreprise ou plusieurs ? Comment répondez-

10 vous à cette question ?

11 R. Je pense que lors de ma carrière d'homme d'affaires, il y avait deux

12 entreprises. J'étais le propriétaire de l'une de ces entreprises; je n'y ai

13 pas véritablement accordé beaucoup d'attention parce que cela n'était pas

14 une carrière pour moi. Je faisais cela pour faire vivre ma famille. C'est

15 tout.

16 Q. Vous nous dites maintenant que vous aviez deux entreprises; c'est

17 cela ?

18 R. Oui, c'est ce que l'on pourrait dire.

19 Q. Pièce 1D2 --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, je pense qu'il est

21 assez facile de répondre de façon simple et directe à ce genre de question.

22 Jusqu'à présent, je dois dire que je suis très intrigué par les réponses

23 que vous avez apportées. Je ne comprends pas très bien quelles étaient vos

24 activités professionnelles. N'oubliez pas que la crédibilité et la

25 fiabilité des documents que vous avez donnés au Tribunal sont importantes.

26 C'est très important pour cette affaire. Tout ce que vous dites fait partie

27 de cette fiabilité, de cette crédibilité. Je pense qu'il faudrait essayer

28 de répondre de la façon la plus complète et la plus précise que possible

Page 6428

1 aux questions posées par Me O'Sullivan.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

3 Q. Vous avez la pièce 1D27. Il s'agit d'un compte rendu d'audience dans

4 l'affaire Milosevic, compte rendu du 15 mai 2002, et à la page 5 028,

5 Monsieur Tanic, vous avez dit que vous aviez trois entreprises. Pourquoi

6 avoir mentionné ce chiffre de trois si vous n'en aviez que deux ?

7 R. Parce que l'une des entreprises était appelée par Milosevic comme une

8 maison d'édition; ce qu'elle n'était pas, d'ailleurs. Je n'étais que l'un

9 des propriétaires de cette entreprise. Je ne peux pas dire que cette

10 entreprise m'appartenait.

11 Q. Vous possédiez deux entreprises et vous aviez en quelque sorte une

12 association avec cette troisième entreprise; c'est cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pourriez me donner le nom de l'une ou l'autre de ces

15 entreprises, parmi les trois en question ?

16 R. L'une s'appelait Evropa Press. Il s'agissait de l'entreprise que

17 Milosevic appelait une maison d'édition. Il y avait une autre entreprise --

18 Q. Une question à propos d'Evropa Press. Quand est-ce que cette maison

19 d'édition a été établie ?

20 R. Je ne peux pas vous le dire. Je pense que cela s'est fait en 1996 ou

21 1997, peut-être 1997 ou peut-être un peu plus tard, enfin, pendant cette

22 période. Non, je suis sûr d'une chose, elle n'a pas été créée en 1996.

23 Q. Quel était le siège officiel de cette entreprise ? Quelle était son

24 adresse ? Dans quelle rue se trouvait-elle et à quel numéro de la rue ?

25 R. Elle se trouvait en plein centre-ville. J'oublie le nom de la rue,

26 maintenant. C'était une rue qui était en pente, qui était près de Zeleni

27 Venac, au troisième étage.

28 Q. Vous me dites que vous ne savez pas dans quelle rue se trouvait cette

Page 6429

1 entreprise, alors qu'il s'agit de la ville où vous avez grandi ?

2 R. Oui, j'ai oublié le nom de la rue. Vous savez, cela fait huit ans que

3 je n'habite plus dans cette ville. Toutefois, c'est une rue qui relie

4 Terazije vers le marché de Zeleni Venac et c'est une rue pentue.

5 Q. Est-ce que cette compagnie a été dissoute, et le cas échéant, quand ?

6 R. Cela s'est passé après trois ou quatre mois -- non, après six mois.

7 Q. Vous nous avez dit que vous étiez propriétaire de deux entreprises.

8 Donnez-nous le nom au moins de l'une de ces entreprises qui vous

9 appartenait.

10 R. Il y en avait une qui s'appelait Djils [phon]. C'était la filiale d'une

11 entreprise étrangère. Avec l'aide de l'entreprise en Italie, nous

12 fabriquions des produits de beauté. Ensuite, l'entreprise Djils a commencé

13 à fabriquer ses produits à Belgrade.

14 Q. Vous étiez le propriétaire de cette entreprise ?

15 R. Oui.

16 Q. Où se trouvait-elle à Belgrade, dans quelle rue, quel numéro ?

17 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, c'était à la même adresse

18 qu'Evropa Press. Nous avions des dispositions d'associés s'agissant du

19 loyer à payer. et je souhaitais aider l'autre entreprise, Evropa Press,

20 pour le paiement du loyer à payer pour les locaux.

21 Q. L'entreprise a-t-elle disparu, et si c'est le cas, à quel moment ?

22 R. Oui. Après quelques vols, puis il y a eu des problèmes qui sont

23 survenus et l'entreprise a cessé d'exister. A ce moment-là, je n'y avais

24 plus aucun intérêt de toute façon. Oui, elle a disparu, cette entreprise.

25 Q. Quand ?

26 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens tout simplement pas. Je

27 n'essaie pas d'éviter votre question. C'est une entreprise qui n'a pas

28 existé très longtemps. Elle n'a existé que pendant un an, un an et demi. Je

Page 6430

1 crois que non, à vrai dire, non, je ne me souviens pas de la date.

2 Q. La deuxième entreprise dont vous étiez propriétaire, comment

3 s'appelait-elle ?

4 R. Non, cette autre entreprise, je n'en étais pas propriétaire. J'étais un

5 des membres fondateurs, et elle s'appelait Finestetik.

6 Q. Quand fut-elle fondée ?

7 R. 1988 à peu près.

8 Q. Est-ce qu'elle a été démantelée ? Si oui, à quel moment ?

9 R. Oui. Un des employés a commis un vol. Un rapport a été présenté, et la

10 décision des fondateurs a été de démanteler l'entreprise suite à cet acte

11 criminel, et la propriété s'est passée autour de l'acteur principal de

12 l'entreprise.

13 Q. En quelle année ?

14 R. 1998.

15 Q. Quel était le siège et quelle était son adresse ?

16 R. C'était la rue dont le nom était rue du 7 juillet, près d'une pizzeria.

17 Je ne sais pas exactement le nom actuel.

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je souhaiterais que les documents soient

19 distribués au bureau du Procureur ainsi qu'au témoin. Le nom figure en tête

20 du document, à la première page.

21 Q. Monsieur Tanic --

22 R. Oui, je vous en prie.

23 Q. -- vous parlez de 1977 et de la condamnation au pénal sous le coup de

24 laquelle vous êtes tombé.

25 R. Oui, effectivement.

26 Q. Cette condamnation, c'était une condamnation pourquoi ?

27 R. C'était une condamnation pour tentative de commettre un délit. Cela n'a

28 jamais été le cas, pour autant que je m'en souvienne. En fait, c'était une

Page 6431

1 tentative de vol. En tout cas, c'est ainsi qu'ils l'ont baptisée. Vous

2 savez, la peine a été commuée il y a de cela 25 ans, et je crois qu'il

3 faudrait que vous sachiez que cela n'a plus aucune valeur.

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] ID40, il s'agit de l'intercalaire 10 d'une

5 copie papier. Il y a deux documents à l'intercalaire 10, un document en

6 anglais et un document en B/C/S. Il s'agit du code pénal de la République

7 fédérale socialiste de Yougoslavie de 1973.

8 Q. Monsieur Tanic, vous allez peut-être préférer la suivre dans votre

9 langue. Il s'agit de la deuxième page dans la version en B/C/S du document.

10 Vous verrez l'article 16. Vous le voyez ? Article 16, à l'intercalaire 10,

11 vous avez le document, en principe, devant vous.

12 R. Oui. Je vous en prie.

13 Q. Référez-vous à la deuxième page de la version en serbe, en bas à

14 droite. Vous voyez ce texte ?

15 R. Oui.

16 Q. L'article 16, Pénalités pour tentatives de crimes. Voyez-vous cela ?

17 R. Oui. Cela confirme qu'il s'agissait bien d'une tentative, et non pas

18 d'un crime commis.

19 Q. Je vous propose maintenant d'examiner l'article 255 sur la page

20 suivante.

21 R. Oui, effectivement, il s'agit d'un délit sérieux, à savoir le vol.

22 Q. Pour plus de 30 000 dinars, c'est exact, sera puni, passible d'une

23 peine de cinq ans d'emprisonnement. Voyez-vous cela ?

24 R. Oui. Je le vois, mais j'ai été condamné à une peine de sept mois qui a

25 été annulée il y a de cela 25 ans. Vous parlez là d'un jugement non

26 existant. Vous savez très bien qu'est-ce que vous êtes en train de

27 faire ici; c'est un délit au pénal.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de bien écouter

Page 6432

1 les questions. Répondez à ces questions comme si elles témoignaient d'un

2 minimum d'intelligence. N'essayez pas de faire le tri entre ce qui est

3 valable et ce qui ne l'est pas quant aux critiques adressées à votre

4 position.

5 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

6 Q. Je vous demanderais de vous reporter à l'article 258 où il est dit

7 "fraude".

8 R. Oui. Vols, fraudes et le reste, mais on ne vous condamne pas à sept

9 mois pour cela. Il est dit qu'on aurait dû me condamner à cinq ans. J'ai

10 été condamné à sept mois. Je n'ai certainement pas commis de vols passibles

11 d'une peine de cinq ans par lesquels je n'aurais reçu que sept mois. Cela

12 confirme que je ne suis pas coupable.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, vous ne lisez pas le

14 tout. Ce n'est pas à vous qu'il appartient d'interpréter pour nous tout

15 cela. Il n'est pas dit : pour le chef d'accusation tentative de vols, le

16 crime est passible de cinq ans de prison. Je vous demanderais donc de bien

17 vouloir vous concentrer sur les questions qui vous sont posées et de vous

18 contenter d'y répondre.

19 Maître O'Sullivan, je vous en prie, poursuivez.

20 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

21 Q. Je propose de passer à la page suivante, l'article 306, "Falsifications

22 de documents officiels."

23 R. Oui.

24 Q. Revenons à l'intercalaire numéro 1, si vous le voulez bien à présent.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Code 1D34.

26 Q. Il s'agit du certificat que M. Hannis vous a montré, et vous devriez

27 avoir sous les yeux les versions serbe et anglaise. Dans l'intercalaire 1,

28 le crime qui est décrit comme vous le voyez en serbe est "pljacke" qui

Page 6433

1 s'écrit p-l-j-a-c-k-e, et "pljacke", c'est bien vol, n'est-ce pas ?

2 R. Non. Vol et vol à main armée, ce n'est pas la même chose. Vol à main

3 armée, c'est bien plus grave que simple vol, et "pljacke", c'est vol à main

4 armée.

5 Q. Dans le certificat, je ne vous demanderai pas de vous faire part de vos

6 commentaires. Vous voyez, vous avez été condamnée en vertu des articles que

7 nous avons examinés, les 255, 258 et 306. Vous le voyez, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, je le vois parfaitement bien.

9 Q. 1D34, 1D31, pardon. Pièce à conviction 1D31 à l'intercalaire 2, là

10 encore, version anglaise et version serbe. Monsieur Tanic, vous avez là

11 sous les yeux la carte de membre de votre parti, Nouvelle démocratie. En

12 page 1 525 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, vous dites

13 que c'est un document : "C'est une photocopie de mon document d'adhésion.

14 La signature correspond à la mienne, mais le statut, non."

15 Maintenant, avec M. Milosevic, dans l'affaire Milosevic, vous avez

16 dit que vous n'étiez qu'un partisan de Nouvelle démocratie; est-ce exact ?

17 Vous vous souvenez que dans l'affaire Milosevic, vous avez indiqué que

18 votre statut n'était pas celui de membre, mais celui de sympathisant; c'est

19 exact ?

20 R. Oui, mais ce document est un faux.

21 Q. Mais il a été adopté dans l'affaire Milosevic, il a été reconnu, alors

22 pourquoi aviez-vous dit que vous aviez un diplôme universitaire alors que

23 vous n'en aviez pas ?

24 R. Non, je ne l'ai pas mis là. J'ai dit que ce document était un faux. La

25 signature, enfin, la signature ressemble à la mienne, mais le document dans

26 son intégralité est un faux. Je n'ai pas accepté ce document comme étant un

27 vrai, et je demanderais à la Défense de ne pas me faire dire des choses que

28 je n'ai pas dites, d'autant que tout le monde sait que je n'étais pas un

Page 6434

1 sympathisant de Nouvelle démocratie, mais que j'étais un membre de l'équipe

2 dirigeante interne du parti et que j'ai coopéré de façon étroite avec M.

3 Mihajlovic. Ensuite, on a pu le lire dans les journaux.

4 Je n'étais pas un sympathisant. Je donnais des interviews à propos de

5 Nouvelle Démocratie à la télévision, dans les médias, j'étais un

6 conseiller. Je n'ai jamais prétendu être diplômé d'université par écrit

7 même si mes études étaient très complètes. J'ai fait de nombreuses études

8 universitaires.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous indiqué sur le formulaire

10 que vous étiez titulaire d'un diplôme universitaire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, non. Je n'utilise pas

12 des caractères d'imprimerie pour remplir le formulaire. Je n'utilise jamais

13 les caractères d'imprimerie. J'ai même beaucoup de mal à utiliser les

14 caractères d'imprimerie.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites ceci, que le nom que vous

16 avez mis ou qui apparaît sur le formulaire n'a pas été écrit par vous ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Le nom et le numéro de téléphone,

18 c'est la routine, mais il y a des choses qui ont été ajoutées. Pale, je

19 n'ai jamais été résident dans cette municipalité, puis après on a ajouté

20 des choses telles que mon diplôme universitaire. C'est la raison pour

21 laquelle je dis que c'est un faux. Il est dit que je suis inscrit à la

22 municipalité de Pale alors que je n'y ai jamais vécu. J'ai juste mis mon

23 nom, mon adresse et mon numéro de téléphone parce que cela se fait de façon

24 routinière. Vous les indiquez de manière à ce que les gens sachent quelle

25 est votre adresse.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est également votre signature,

27 ici.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ressemble très probablement beaucoup à ma

Page 6435

1 signature, donc oui, je peux reconnaître que c'est la mienne.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous aurons besoin maintenant de

4 l'intervention de l'huissier afin que des exemplaires de la déposition ou

5 de la déclaration du témoin lui soient remis aussi bien en anglais qu'en

6 B/C/S. Il se peut que nous ayons à nous reporter à ces documents

7 ultérieurement.

8 Q. La semaine dernière, au cours de votre déposition, quand on vous a

9 interrogé au sujet de la pièce P2480, on vous a interrogé au sujet des

10 paragraphes 4 et 5 que je vais lire rapidement. Ensuite, je vais vous poser

11 des questions. Au paragraphe 4, page 2, je cite :

12 "En tant que membre du Parti ND et en tant que conseiller spécial de

13 Dusan Mihajlovic, le président de ND, Nouvelle démocratie, donc conseiller

14 en matière de relations internationales et pour ce qui était du Kosovo, on

15 m'a choisi afin de mener des négociations discrètes avec les Albanais du

16 Kosovo. J'ai reçu cette habilitation directement de Milosevic au cours

17 d'une réunion que j'ai eue avec lui et Dusa Mihajlovic vers 1995. Je pense

18 qu'on m'a choisi pour occuper ce poste parce que j'avais de bons contacts

19 et de bonnes relations avec des représentants albanais du Kosovo" --

20 R. Excusez-moi, cela se trouve à quelle page en version serbe ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que, dans la déclaration en

22 serbe, les paragraphes sont également numérotés ? Parce que si c'est le

23 cas, on peut dire au témoin que c'est le paragraphe numéro 4.

24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le témoin n'a pas la version où les

25 paragraphes sont numérotés, mais c'est la page 3 en B/C/S, premier

26 paragraphe.

27 M. HANNIS : [interprétation] Je dispose d'une version de la déclaration des

28 paragraphes numérotés.

Page 6436

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Toutes nos excuses.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai trouvé. Merci.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il fait bon que vous gardiez aussi

5 l'exemplaire que vous présente l'huissier parce que c'est une version où

6 les paragraphes sont numérotés. Si on lit d'autres paragraphes, cela pourra

7 vous aider.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

9 Q. Je poursuis la lecture de votre déclaration.

10 "Je crois que j'ai été choisi pour occuper ce poste parce que j'avais de

11 bons contacts et de bonnes relations avec des représentants en Albanie et

12 du Kosovo ainsi qu'avec des représentants de la communauté internationale,

13 et j'ai été homologué par le SDB, chargé des questions de sécurité. En

14 résumé, j'étais habilité à mener ces négociations, et cette autorisation en

15 politique venait de trois sources : premièrement, de Milosevic;

16 deuxièmement, du SDB; puis de mon parti, qui faisait partie officiellement

17 du gouvernement. Le gouvernement de la République de Serbie n'a jamais été

18 consulté au sujet de ces négociations." Fin de lecture du premier

19 paragraphe qui m'intéresse.

20 Première phrase du paragraphe suivant, je cite : "J'ai été le principal

21 négociateur au cours de ces négociations discrètes."

22 Je vous ai remis la version en B/C/S du document. Est-ce que vous avez sous

23 les yeux le paragraphe numéro 5 ?

24 R. Oui. Oui, j'ai vu cette déclaration, et le passage où j'explique

25 pourquoi on m'a choisi est tout à fait conforme à la réalité.

26 Q. Est-ce que vous avez trouvé le paragraphe 5 en serbe ? Oui ou non ?

27 R. Oui.

28 Q. Veuillez, je vous prie donner lecture lentement de la première phrase

Page 6437

1 de ce paragraphe en langue serbe.

2 R. "J'étais le principal négociateur au cours de ces négociations

3 discrètes, le négociateur en chef." Est-ce qu'on va maintenant me demander

4 des comptes à cause des erreurs de traduction ? J'ai expliqué à l'envie ce

5 qu'il en était lors de ma déposition avec le président de mon parti.

6 J'étais un des négociateurs les plus heureux, dirons-nous, dans les

7 négociations.

8 Q. [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, il est manifeste que

10 vous souhaiteriez bien que nous échangions nos sièges respectifs, mais cela

11 ne se produira pas, donc je vais vous demander de répondre aux questions

12 qui vous sont posées, tout simplement.

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

14 Q. Maintenant --

15 R. La traduction n'est pas exacte. Voilà ce que je voulais répondre. La

16 traduction ne correspond pas à l'essence de ce qui est dit en serbe, au

17 sens véritable, parce qu'il semble que j'ai dit à ce moment-là que j'étais

18 le chef négociateur en chef et que je mentais. Je ne suis pas responsable

19 de cette traduction qui change la signification du texte.

20 Q. Votre explication --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Maître O'Sullivan.

22 Je ne comprends pas ce que vous nous dites. Vous venez de donner

23 lecture, donc justement, on vous a demandé d'en donner lecture dans votre

24 langue pour que cela puisse être traduit de la manière la plus exacte qui

25 soit afin de supprimer toute erreur de traduction. Mais ce que vous avez

26 lu, cela correspond exactement à ce qui a été traduit dans la version en

27 anglais dont nous disposons, donc je ne comprends pas très bien où vous

28 voulez en venir.

Page 6438

1 M. HANNIS : [interprétation] Il y a une légère différence, parce que les

2 interprètes interprètent "négociateur en chef", alors que dans la

3 déclaration écrite, c'est écrit "négociateur principal".

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a vraiment une grande différence,

5 Monsieur Hannis.

6 M. HANNIS : [interprétation] Ce n'est pas tout à fait les mêmes mots, quand

7 même.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela se passe tout le temps quand on a

9 des traductions. Il y a pour exprimer un même concept plusieurs mots qui

10 peuvent être appliqués, et forcément, on ne va pas toujours traduire le

11 même concept, le même mot par le même mot dans la langue cible, donc le

12 sens quant à lui reste identique dans la traduction.

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

14 Q. Peut-être pourriez-vous lire le document avec beaucoup d'attention ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Auparavant, j'aimerais bien savoir ce

16 que le témoin voulait dire quand il a dit que la traduction était

17 trompeuse.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais dit que j'étais le négociateur

19 en chef, négociateur en chef au sens officiel, parce que cela aurait été

20 des élucubrations de ma part. On pourrait le vérifier en deux temps, trois

21 mouvements. J'ai dit que j'étais un des meilleurs négociateurs. Enfin,

22 j'étais le meilleur négociateur, c'est moi qui engrangeais les meilleurs

23 résultats. Mais je n'ai jamais dit que j'ai été le principal ou le

24 négociateur en chef. Cela aurait été complètement abusif de ma part, et la

25 Défense ne cesse de m'attribuer ce genre de déclarations fantasmatiques.

26 Tout le monde sait que le négociateur en chef, c'était Slobodan Milosevic,

27 et Ratko Markovic en son nom. Je ne suis pas fou.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, vous avez signé cette

Page 6439

1 déclaration au moyen d'un pseudonyme, si bien que semblez avoir donné votre

2 aval à la manière dont on a consigné vos propos dans cette déclaration.

3 Nous savons maintenant que la version en anglais correspond de manière

4 précise aux termes qui avaient été employés en serbe. Vous avez déjà

5 expliqué que selon vous, vous étiez un des meilleurs négociateurs avec

6 Mihajlovic. Vous reconnaissez qu'il y avait cinq ou six autres négociateurs

7 en jeu, mais on en a déjà entendu parler. Vous avez eu tout le temps de

8 nous en parler.

9 Au cours du contre-interrogatoire, les conseils de la Défense sont

10 tout à fait en droit de vous poser des questions conformément à leurs

11 points de vue, et il serait bon que vous vous concentriez sur les questions

12 et que vous y répondiez au mieux. L'approche que vous adoptez, votre façon

13 de répondre entraîne la confusion, a entraîné la confusion, puisque vous

14 avez semblé vouloir dire qu'il y avait eu une erreur de traduction vers

15 l'anglais. Or, ce que vous nous dites, c'est que vous avez accepté que dans

16 votre langue on décrive de manière inexacte ce qu'il en était à ce moment-

17 là.

18 Continuez, Maître O'Sullivan.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

20 Q. Examinons un peu plus ce qu'il en est, Monsieur Tanic. Cette

21 déclaration, vous l'avez signée avec un pseudonyme et vous l'avez donnée en

22 anglais, n'est-ce pas ? Si on regarde la première page, la page de

23 couverture, on voit que la langue dans laquelle a été mené l'entretien,

24 c'est l'anglais ?

25 R. Oui.

26 Q. Le 4 et le 5 novembre 2006, vous avez rencontré les représentants du

27 bureau du Procureur ici à La Haye et vous avez passé en revue cette

28 déclaration en vous aidant également d'une traduction en serbe, et vous

Page 6440

1 n'avez apporté aucun complément, aucune correction à cette phrase. Je cite

2 : "J'étais le principal négociateur dans ces négociations discrètes." Vous

3 n'avez apporté aucune correction à cette phrase, n'est-ce pas ?

4 R. Excusez-moi. J'ai attiré l'attention du Procureur sur ce fait, et il

5 peut le confirmer.

6 Q. A qui avez-vous signalé la chose ?

7 R. J'ai attiré l'attention de M. Hannis sur le fait qu'il risquait d'y

8 avoir une petite confusion s'agissant de celui qui était ou non le

9 négociateur principal et qu'en serbe, on peut dire que quelqu'un est le

10 principal auteur ou acteur de quelque chose si c'est celui qui obtient les

11 meilleurs résultats.

12 Q. Vous en avez parlé à M. Hannis, lui avez expliqué que c'était votre

13 position ?

14 R. Non. On a parlé de ce problème parce qu'il apparaît clairement dans ma

15 déclaration que j'ai dit qu'au sens officiel, c'était Ratko Markovic qui

16 était le négociateur en chef.

17 Q. Non, écoutez ma question. Vous nous dites que les 4 et 5 novembre,

18 quand vous avez rencontré M. Hannis, il y avait là erreur de formulation.

19 Ce terme de "négociateur principal" constituait une erreur de formulation.

20 Vous le lui avez dit ? C'est ce qui m'a semblé vous entendre dire.

21 R. Oui. M. Hannis lui-même a mis cela sur le tapis, et j'étais tout à fait

22 prêt à ce qu'on précise la chose. M. Hannis, je lui ai dit que selon moi,

23 il y avait une différence dans le sens profond dans la formulation dans les

24 deux langues.

25 Q. Monsieur Tanic, M. Hannis nous a versé un document que j'ai ici en

26 main, et veuillez me regarder. Je suis ici à votre gauche. Regardez-moi.

27 R. Je suis obligé d'être assis comme cela, dans ce sens-là.

28 Q. Monsieur, je vous demande de me regarder. J'ai un document ici dans ma

Page 6441

1 main. C'est une feuille d'information supplémentaire qui nous a été remise

2 par le Procureur suite à la réunion que vous avez eue avec lui le 4 et le 5

3 novembre. Or, si je regarde cette déclaration, je vois qu'il n'y est fait à

4 aucun moment référence à une correction ou à un ajout conformément à ce que

5 vous venez d'évoquer. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que

6 M. Hannis nous a induit en erreur, ou est-ce que vous êtes en train de

7 mentir ? Ce n'est pas plutôt cela, le cas ?

8 M. HANNIS : [interprétation] Je reconnais que cela ne figure pas dans la

9 feuille d'information supplémentaire, mais cela ne veut pas pour autant

10 dire que j'ai induit le Conseil en erreur ou que le témoin mente.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il y a une autre possibilité, c'est que M.

12 Hannis fait preuve de négligence. Allons un peu plus loin, ou plutôt

13 faisons la pause.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Cela vous donnerait également la

15 possibilité de réfléchir plus avant à cette question avant de poursuivre.

16 Monsieur Tanic, nous allons en terminer pour aujourd'hui. Malheureusement,

17 nous ne pouvons pas poursuivre parce qu'il y a une audience dans une autre

18 affaire dans le même prétoire cet après-midi. Il va donc falloir que vous

19 reveniez demain pour poursuivre votre déposition, demain à 9 heures du

20 matin. Rappelez-vous ce que je vous ai déjà dit vendredi. Il est essentiel

21 que vous ne discutiez avec strictement personne de votre déposition.

22 Je vais vous demander maintenant -- non, mais attendez avant de

23 quitter le prétoire, nous allons passer à huis clos.

24 M. LE GREFFIER : Nous sommes en audience à huis clos.

25 [Audience à huis clos]

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 6442

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 14 novembre

10 2006, à 9 heures 00.

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28