Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 13 décembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Chambre va siéger cet après-midi en

6 l'absence du Juge Chowhan qui est absent pour des raisons personnelles. Les

7 autres Juges de la Chambre ont décidé qu'il allait dans l'intérêt de la

8 justice de procéder de la sorte. La situation, d'ailleurs, sera exactement

9 la même demain. Demain, Mme le Juge Nosworthy sera également absente, et

10 ce, pour des raisons personnelles urgentes.

11 Qui est votre témoin suivant, Monsieur Hannis ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Le témoin suivant est le général Klaus

13 Naumann.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Bonjour, Monsieur Naumann.

17 LE TÉMOIN : [hors micro]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir

19 prononcer la déclaration solennelle en nous donnant lecture du document qui

20 vient de vous être donné.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 LE TÉMOIN: KLAUS NAUMANN [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, et veuillez vous

26 asseoir, je vous prie.

27 Nous avons reçu un certain nombre de documents, notamment le compte rendu

28 d'audience de votre déposition dans l'affaire Slobodan Milosevic dans la

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1 Chambre de première instance. Nous sommes déjà assez bien informés des

2 moyens de preuve que vous avez présentés. Mais vous êtes venu ici,

3 l'Accusation vous a décrit comme un témoin vivant, pour citer l'anglais.

4 Très honnêtement, je ne peux pas dire que nous ayons des témoins morts,

5 mais nous allons en temps voulu étudier ces documents et nous verrons dans

6 quelle mesure nous les étudierons dans leur intégralité en fonction des

7 questions qui vont vous être posées et des réponses que vous apportez.

8 Monsieur Hannis.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais dire qu'il s'agit d'un témoin

10 qui va déposer en direct, un témoin viva voce, et c'est un témoin également

11 qui va déposer au titre de l'article 92 ter. Il va parler à propos des

12 paragraphes qui sont indiqués dans la notification au témoin, je dirais aux

13 fins de l'article 92 ter, que nous nous proposons d'utiliser sa déposition

14 dans l'affaire Milosevic les 13 et 14 juin 2002 ainsi que le résumé de sa

15 séance de récolement de juin 1999 et mars 2002. Pour commencer, je

16 souhaiterais fournir au témoin un document papier de sa déposition dans

17 l'affaire Milosevic. Je dirais qu'il s'agit de la pièce à conviction P2512.

18 Interrogatoire principal par M. Hannis :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Général.

20 R. Bonjour.

21 Q. Avez-vous eu la possibilité avant de venir ici de parcourir à nouveau

22 vos dépositions dans l'affaire Milosevic ?

23 R. Oui, tout à fait.

24 Q. Lorsque vous l'avez fait, est-ce que vous avez dû apporter certaines

25 corrections au compte rendu d'audience ?

26 R. Il y avait quelques coquilles dont nous avons parlé, d'ailleurs.

27 M. HANNIS : [interprétation] Permettez-moi de transmettre au témoin des

28 copies ou un exemplaire de la pièce P2561. Il s'agit en fait de la fiche

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1 d'informations supplémentaires.

2 Q. Général, j'aimerais vous demander si vous reconnaissez ce document.

3 R. Tout à fait.

4 Q. A propos, il s'agit donc des corrections apportées au compte rendu

5 d'audience ainsi que des corrections qui y ont été apportées ainsi que des

6 informations supplémentaires que vous vouliez apporter après ce que vous

7 avez dit.

8 R. Il s'agit des modifications, effectivement, et le document tient compte

9 des informations supplémentaires.

10 Q. Après avoir apporté ces corrections, êtes-vous satisfait des

11 corrections qui y ont été apportées et est-ce que vous êtes en mesure de

12 nous dire si le compte rendu d'audience a été modifié pour tenir compte de

13 ce que vous avez dit ? Est-ce que les réponses que vous apporterez sont les

14 mêmes que celles que vous avez abordées sous serment ?

15 R. Oui.

16 Q. J'ai un autre document, le document P1767. Il s'agit des notes de

17 l'entretien qui a été mené à bien avec vous, ainsi que des notes de votre

18 séance de récolement du 17 juin 1999, du 25 et du 26 mars 2002. Cela s'est

19 passé avec les représentants du bureau du Procureur. J'aimerais savoir si

20 vous avez eu la possibilité de consulter ces documents avant aujourd'hui.

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui a apposé sa signature dans le

23 coin inférieur droit de chaque page ?

24 R. Ce sont toutes mes signatures.

25 Q. Très bien. Après avoir étudié ces documents, est-ce que vous êtes

26 convaincu que cela représente exactement ce que vous avez dit lors de votre

27 déposition ?

28 R. Cela représente exactement ce que j'ai dit, tout à fait.

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1 Q. Vous apporteriez les mêmes réponses aujourd'hui si les mêmes questions

2 vous étaient posées ?

3 R. Tout à fait.

4 Q. Au paragraphe 36, il est fait référence à une liste présentée en

5 annexe. Il s'agit des activités de la VJ, des activités serbes. Je dois

6 vous dire que le bureau du Procureur n'a pas cet exemplaire, ce document.

7 Je sais que vous l'aviez fourni à l'époque, mais nous n'avons pas été en

8 mesure de localiser ce document.

9 M. HANNIS : [interprétation] Nous avons, Mesdames, Messieurs les Juges,

10 mené à bien notre petite enquête, mais nous n'avons pas réussi, comme je

11 l'ai déjà dit, à localiser ledit document pour le moment.

12 Je vois que Me Cepic s'est levé, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Cepic.

14 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais avec

15 votre aval vous dire, après ce que vient de dire M. Hannis, mon estimé

16 confrère, que je pense que ce paragraphe, le paragraphe 36, devrait être

17 expurgé, devrait être supprimé de cette pièce à conviction, de ce document.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous vous fondez pour dire

19 cela sur le fait qu'il n'y a pas de liste ?

20 M. CEPIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

22 Maître Fila.

23 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire que ce

24 document me préoccupe un tant soit peu, non pas parce que je suis préoccupé

25 par l'inclusion intégrale des propos de M. Naumann, mais voilà ce qui me

26 préoccupe. Dans un premier temps, je pense, en fait, vous voyez qu'il

27 s'agit d'un document confidentiel, donc il devrait porter un cachet. Puis

28 deuxièmement, nous ne savons pas qui a rédigé le document. Il n'y a pas de

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1 signatures hormis celle de M. Naumann. La troisième raison que j'aimerais

2 avancer est comme suit : visiblement, ce document n'a pas été rédigé par M.

3 Naumann. Cela n'a pas été fait sous le secret ou sous serment, plutôt, donc

4 il s'agit d'une conversation, d'un entretien entre M. Naumann et quelqu'un

5 d'autre.

6 Nous voyons les paragraphes, les conclusions, les têtes de chapitre,

7 et cetera. Mais si ce document venait à être versé au dossier, je pense

8 qu'il faudrait seulement faire référence aux propos de M. Naumann et à ses

9 idées, à ses réflexions, que ce soit confidentiel ou non, d'ailleurs, et

10 nous devons savoir absolument qui a rédigé ce document. Il y a des titres

11 un peu partout. Vous voyez, le rôle de l'OTAN, paragraphe 29, paragraphe

12 40, paragraphe 35. Je dois dire que c'est le format ou la forme de ce

13 document qui me préoccupe un tant soit peu. C'est assez peu habituel. Je ne

14 vais pas insister, mais je pense tout à fait, M. Naumann, qui nous dit

15 qu'il répéterait la même chose aujourd'hui, mais je dois vous dire que dans

16 le système que je connais, ce n'est pas un document qui pourrait être

17 considéré comme acceptable.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, je pense que nous pouvons

19 dire sans trop nous avancer que dans de nombreuses juridictions, cela ne

20 pourrait pas être accepté pour présenter ce document. Toutefois, ici, le

21 règlement est différent, et il s'agit de savoir si un document doit être

22 présenté à la Chambre de première instance dans l'intérêt de la justice, à

23 moins que vous ne soyez en mesure d'identifier quelque chose qui irait à

24 l'encontre de l'intérêt de la justice. Mais lorsque nous voyons ce

25 document, je ne vois pas, enfin, à partir de ce que vous avez dit, ce n'est

26 pas une base pour l'exclure. Nous avons entendu l'intervention de Me Cepic

27 qui a mis en avant une raison bien précise, mais s'il y en a d'autres, il

28 faudrait les dire.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Je crois comprendre que Me Fila parlait de

2 l'ensemble des notes à propos de l'entretien --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, tout à fait.

4 M. HANNIS : [interprétation] Alors que Me Cepic ne faisait référence qu'à -

5 -

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je comprends tout cela.

7 M. HANNIS : [interprétation] Je m'excuse.

8 M. FILA : [interprétation] D'abord, je ne sais pas qui a rédigé ce

9 document. Nous sommes maintenant à même de savoir qui est l'auteur du

10 document, mais il faudrait peut-être quand même savoir quels ont été les

11 autres. Puis, il faut savoir que ce n'est pas M. Naumann qui a rédigé les

12 titres, donc cela ne peut pas être accepté parce que vous avez le titre,

13 par exemple, du chapitre 1, et vous voyez pour les chapitres 35 et 40 ce

14 qui se passait. C'est pour cela que je soulève une objection à propos de

15 l'ensemble du document. Toutefois, je crois M. Naumann lorsqu'il nous dit

16 qu'il dirait exactement la même chose aujourd'hui. Mais toutefois, je

17 continue à avoir des objections et à être assez sceptique à propos de ce

18 document.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Naumann, est-ce que vous

20 pensez que les titres du document tiennent compte de la teneur des

21 paragraphes auxquels ils correspondent ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les titres

23 correspondent tout à fait à la teneur des paragraphes en question.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous réfutons les deux objections et

27 nous allons admettre l'intégralité des trois documents. Maître Fila,

28 j'espère que les observations que vous avez faites à propos des titres --

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1 vous avez fait ces remarques, j'espère que vous êtes maintenant rassuré.

2 Notre intention est de savoir qui était présent lors de l'entretien, lors

3 de l'interrogatoire principal. Pour ce qui est de l'objection de Me Cepic,

4 je dois vous dire que j'avais justement l'intention d'étudier cette

5 question, et cela sera certainement fait pendant l'interrogatoire.

6 Cela va peut-être avoir une incidence sur le poids des propos qui

7 seront tenus, mais il ne faut pas oublier non plus qu'il y a eu contre-

8 interrogatoire lors du procès précédent à ce sujet. Toutefois, en règle

9 générale, pour ce qui est des interventions des deux conseils, je pense que

10 ce qu'il faut retenir, c'est le poids à apporter à ces documents plutôt que

11 l'admissibilité de ces documents ou d'extraits de ce document.

12 Monsieur Hannis, je vous en prie.

13 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie. Alors je vais aborder

14 un autre sujet qui est associé à ce document.

15 Q. A propos des notes de votre entretien et de votre séance de

16 récolement, le document P1767, Général, savez-vous qui a participé à la

17 préparation dudit document ?

18 R. Cela a été fait par M. Ryneveld qui a fait cela.

19 Q. Il s'agit de M. Ryneveld du bureau du Procureur ?

20 R. [aucune interprétation]

21 Q. Mais est-ce qu'il y avait d'autres personnes ?

22 R. Non.

23 Q. Général, je souhaiterais que vous nous donniez votre nom aux fins du

24 compte rendu d'audience.

25 R. Je m'appelle Klaus Naumann.

26 Q. Je crois comprendre que vous êtes à la retraite. Vous étiez soldat de

27 métier pour l'armée allemande, et ce, à partir de 1958 jusqu'à quelle

28 année ?

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1 R. J'ai été militaire de métier dans les forces allemandes à partir du

2 mois d'octobre 1958 jusqu'au 31 mai 1999.

3 Q. Quelle est votre activité professionnelle à l'heure actuelle,

4 Monsieur ?

5 R. Je m'acquitte de tous ces engagements non rémunérés que l'on doit

6 acquitter après la retraite. Par exemple, je suis membre du comité ou du

7 conseil de supervision de la fondation Konrad Adenauer en Allemagne. Je

8 pourrais vous en citer une ou deux autres, de ces associations. Je suis

9 président du comité de contrôle d'une entreprise allemande qui s'appelle

10 OWR et dont l'activité principale se concentre sur l'équipement et le

11 matériel des brigades de pompiers et des forces armées, et ce, dans le

12 domaine de la défense NBC.

13 Q. Qu'entendez-vous par NBC ?

14 R. La défense nucléaire biologique et chimique.

15 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous parler de votre carrière

16 militaire ?

17 R. C'est en 1958 que je suis devenu militaire. Au départ, je m'étais

18 consacré aux études archéologiques, puis il y a eu le soulèvement hongrois

19 en 1956. Je suis devenu militaire, soldat de métier. Cela a commencé par

20 deux années de cours auprès de l'académie militaire des forces armées. Il

21 s'agissait de l'école d'artillerie, donc j'ai fait partie de l'artillerie.

22 Puis, ensuite, en 1951, j'ai fait partie du Bataillon d'instruction pour

23 l'artillerie autopropulsée et j'ai eu plusieurs fonctions depuis moniteur,

24 instructeur jusqu'à officier.

25 Je dois dire que j'ai changé en 1955. J'ai été ensuite transféré à

26 Duelmen qui est un carrefour ou qui est à la croisée des chemins. Il s'agit

27 d'un fort. Là, ensuite, j'ai été officier dans le 7e Régiment d'artillerie.

28 A partir de là, j'ai été choisi pour suivre les cours au collège de l'état-

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1 major, et cela a duré deux années et demie à Hambourg. A la fin de ce

2 cours, j'ai eu ma première affectation auprès du ministère de la Défense.

3 Il s'agissait de planification à long terme et du département de

4 planification à long terme avant que je ne sois choisi par le vice-chef

5 d'état-major, qui m'a choisi pour deux ans pour être son officier de

6 l'état-major.

7 Puis, j'ai travaillé pour le G3, qui est plus ou moins le niveau de

8 chef d'état-major d'une brigade de blindés à Koblenz. Ensuite, j'ai été à

9 Koblenz et à Hesse, où j'ai commandé un bataillon d'artillerie

10 autopropulsé. Il s'agissait de la partie nord d'Hesse. A la suite de cela,

11 je suis reparti au ministère de la Défense et j'étais responsable de la

12 gestion du personnel des officiers de l'état-major général de l'armée

13 allemande. Puis, j'ai été affecté à Bruxelles. J'étais colonel pour la

14 section "polmil". Il s'agissait de la représentation militaire allemande

15 auprès de l'OTAN. Cela a duré jusqu'en 1983, de 1981 à 1983, puis j'ai

16 suivi les cours à Londres dans le Collège royal. Il s'agissait d'études de

17 défense. Après sept années d'études, j'ai commencé l'année qui a

18 correspondu à l'expérience la plus fascinante de ma vie de soldat, car j'ai

19 été choisi pour commander une brigade d'infanterie mécanisée qui était

20 cantonnée à Ellwangen.

21 Après deux années de commandement, j'ai dû repartir au ministère de

22 la Défense. J'ai été promu au grade de général de brigade, tout en étant

23 responsable de la planification à long terme des forces allemandes, ce que

24 j'ai fait jusqu'en 1998. Puis, j'ai été nommé -- en fait, c'est ce que les

25 Américains appellent le J5. Il s'agit de chef d'état-major adjoint pour la

26 politique militaire, les opérations, le contrôle des armes, la stratégie

27 nucléaire, au sein du ministère de la Défense à Bonn. Après, j'ai été

28 choisi pour être le général commandant le 1er Corps allemand à Muenster, à

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1 la suite de quoi je suis devenu chef d'état-major de la Défense pour

2 l'Allemagne. C'est ainsi qu'en octobre 1991, j'ai commencé cette

3 affectation, et cela s'est terminé le 6 février 1996.

4 Je dois dire que ce fut une période absolument fascinante pour moi,

5 car j'ai assisté à la dissolution des forces allemandes de l'Allemagne de

6 l'est, à la réunification de mon pays et au déploiement, au premier

7 déploiement des forces armées allemandes en Somalie, au Cambodge, puis en

8 Yougoslavie -- ou en ex-Yougoslavie, pour me corriger.En février 1996, j'ai

9 assumé ma dernière affectation militaire en tant que président du comité

10 militaire de l'OTAN. Il s'agissait d'une fonction de président, une

11 fonction qui est décrite dans le document P1767.

12 Q. Est-ce qu'il y a une position supérieure au sein de l'OTAN à celle de

13 président ?

14 R. Non.

15 Q. A partir de quand est-ce que vous avez assumé cette fonction ?

16 R. A partir du 14 février 1996 jusqu'au 6 mai 1999.

17 Q. Est-ce qu'il s'agit en général d'une période fixe pour ce genre de

18 mandat ?

19 R. Non, c'est un mandat de trois ans, et comme nous en avons déjà parlé,

20 normalement on m'aurait demandé de rester un peu plus longtemps pour deux

21 raisons, parce que d'abord il y avait les préparations du 50e sommet de

22 l'OTAN, il s'agissait d'un sommet anniversaire à Washington en avril 1999.

23 Il faut savoir qu'il y avait un nouveau concept stratégique qui était sur

24 le point d'être accepté par les chefs d'Etat, puis il y avait, de façon

25 sous-jacente, la crise en ex-Yougoslavie, au Kosovo, ce qui fait que mes

26 supérieurs hiérarchiques politiques à l'OTAN ont tiré la conclusion que je

27 devais rester un peu plus longtemps à cette fonction.

28 Q. Comment est-ce qu'on en est choisi pour cette fonction ? Qui choisit le

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1 président ? Comment cela se passe ?

2 R. D'après ce que je sais, il s'agit de la seule fonction quatre étoiles

3 pour laquelle vous êtes élu, mais en contraste très net avec le monde

4 politique, il n'y a pas de campagne électorale qui précède cette

5 nomination. Ce sont vos collègues, les chefs des états-majors de défense de

6 ce qui était à l'époque 16 nations à l'OTAN qui observent leurs collègues,

7 qui discutent et tout à coup qui arrivent près de vous et vous disent :

8 qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous aimeriez être le nouveau

9 président ? Dans mon cas, ce sont les chefs d'état-major américains et

10 britanniques qui avaient pris les premiers contacts en 1994.

11 Je suis ensuite reparti auprès de mon gouvernement pour voir s'il

12 serait d'accord, et il fallait que la décision soit prise au niveau le plus

13 élevé possible en Allemagne, au niveau du chancelier. Lorsque le chancelier

14 Kohl a donné son aval, là j'ai dû obtempérer, en quelque sorte, et j'ai dû

15 accepter d'entrer dans l'arène des lions, et j'ai été choisi en octobre

16 1994.

17 Q. Ceux qui ont voté pour vous --

18 R. Il s'agissait des chefs de l'état-major --

19 Q. -- c'étaient des homologues ?

20 R. -- des 16 nations.

21 Q. Nous savons qu'entre 1998 et 1999, l'OTAN a commencé à s'intéresser au

22 Kosovo et a commencé à être engagée au Kosovo. Comment est-ce que cela

23 s'est passé ? Qui a attiré l'attention de l'OTAN sur le Kosovo ?

24 R. Une alliance de défense telle que l'OTAN a pour devoir et pour

25 obligation d'étudier la situation stratégique, et il y a quand même un

26 certain périmètre stratégique. L'ex-Yougoslavie n'était après tout pas si

27 loin que cela du territoire de l'OTAN, et je pense que le territoire

28 commençait à être touché par la tragédie de l'ex-Yougoslavie, car nous

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1 avions des centaines de milliers de réfugiés qui arrivaient dans notre

2 pays.

3 Je me souviens qu'en Allemagne, par exemple, il y a eu un chiffre

4 record, quelque 400 000 réfugiés à un moment donné. Lorsque nous avons pris

5 conscience des émeutes, des perturbations qui ont commencé au début de

6 l'année 1998, c'est là que le Kosovo a été à l'ordre du jour des ministres

7 des Affaires étrangères lors de leur sommet du Luxembourg en 1998. Je pense

8 que c'est la première fois que l'OTAN a véritablement eu une discussion

9 politique à propos du Kosovo. Bien sûr qu'il y avait eu d'autres

10 discussions qui avaient précédé cela, mais là nous nous sommes posé la

11 question compte tenu des informations qui étaient mises à notre

12 disposition.

13 Q. Est-ce que l'OTAN savait qu'en avril 1998, il y a eu la résolution

14 numéro 1 160 du Conseil de sécurité, qui avait été adoptée le 31 mars à

15 propos du Kosovo ?

16 R. Bien sûr que nous suivions de très près les événements et l'évolution

17 de la situation au sein des Nations Unies. Bien sûr que nous avions pris

18 bonne note de cette résolution.

19 Q. Tout comme pour les autres résolutions du Conseil de sécurité, celle du

20 23 septembre 1998, par exemple ?

21 R. Oui.

22 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit, Mesdames et Messieurs les Juges,

23 des pièces à conviction qui ont déjà été versées au dossier sur ordonnance

24 de la Cour. Il s'agit des pièces P455 et 456. Q. Quelles furent les

25 mesures adoptées par l'OTAN en 1998 à propos de ce problème ?

26 R. Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères, je pense que

27 l'OTAN n'a rien fait d'autre hormis exprimer une préoccupation importante,

28 et l'OTAN également a indiqué au monde extérieur que s'il y avait poursuite

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1 ou si la situation perdurait au Kosovo, s'il y avait escalade de la

2 violence, cela pourrait avoir une incidence sur la sécurité de l'OTAN.

3 Q. D'après vos dépositions précédentes, Général, nous savons que vous avez

4 participé à trois visites séparées à Belgrade à la fin de l'année 1998 et

5 au début de l'année 1999, et ce, pour avoir des réunions à propos du Kosovo

6 avec M. Milosevic. Lors de la première mission, et vous étiez avec le

7 général Clark et le secrétaire général de l'OTAN, M. Javier Solana, il

8 s'agissait de votre mission du 15 octobre. Quel était le point de vue du

9 général Clark ?

10 R. Le général Clark était la personne la plus haut placée dans la

11 hiérarchie de l'OTAN. Il est juste en dessous du président du comité

12 militaire bien qu'il n'y ait pas de ligne directe de commandement. La

13 chaîne de commandement va depuis le secrétaire général jusqu'au commandant

14 suprême des forces alliées Atlantique et Europe. Toutes les décisions

15 politiques du Conseil de l'OTAN qui sont présidées par le secrétaire

16 général de l'OTAN sont converties en des directives par le comité

17 militaire. Cela est destiné au commandant suprême des forces alliées Europe

18 et Atlantique. Je dois vous dire que le président ne fait pas partie de la

19 chaîne de commandement. C'est justement l'une des particularités

20 d'organisation telle que l'OTAN.

21 Q. Quel était l'objectif de cette première réunion du 15 octobre ?

22 R. Cette réunion était la conséquence directe de la négociation de M.

23 Holbrooke avec feu M. Milosevic. Holbrooke, comme vous vous en souviendrez

24 peut-être, était revenu de ces réunions avec Milosevic - je pense que cela

25 s'était passé le 12 et le 13 octobre 1998 - donc il a fait son rapport. Il

26 a fait état de certains progrès dans le domaine politique. Il a demandé à

27 l'OTAN de se mettre d'accord à propos l'ACTORD, l'ordre d'activation.

28 Q. Qu'est-ce que cela signifie ?

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1 R. Cela signifie qu'à partir du moment où il y a accord, le secrétaire

2 général de l'OTAN a tout à fait le droit de faire usage des forces qui sont

3 décrites dans l'ordre d'activation sans pour autant demander aux nations un

4 accord politique. A ce moment-là, le secrétaire général a toutes les

5 possibilités de faire usage de la force et d'envoyer une délégation aux

6 nations de l'OTAN.

7 Q. Est-ce q'il y avait quelqu'un d'autre avec vous ? Bon, il y avait

8 Solana, il y avait Clark et il y avait vous ?

9 R. Il y avait M. Michael Durkee qui, je pense, est appelé par les

10 Américains le conseiller politique du commandant suprême des forces

11 alliées.

12 Q. Travaillait-il pour le général Clark ?

13 R. Il travaillait pour le général Clark. Ne me demandez pas si c'était en

14 tant qu'OTAN ou en tant qu'Américain.

15 Q. Y en a-t-il d'autres ?

16 R. Nous avions quelques-uns de nos collaborateurs qui étaient avec nous,

17 mais ils ne prenaient pas part aux discussions qui avaient lieu avec M.

18 Milosevic.

19 Q. Pourriez-vous nous dire -- d'après votre déposition écrite au

20 paragraphe 4, vous dites que le général Perisic et M. Milutinovic étaient

21 présents avec M. Milosevic pendant ces réunions de quatre ou cinq heures le

22 15 octobre. Est-ce que tous les deux étaient présents lorsque vous-même, le

23 général Clark et M. Solana aviez averti M. Milosevic de l'utilisation

24 disproportionnée de la force contre les Albanais de souche et que cela

25 devait s'arrêter au Kosovo ?

26 R. Oui, je pense qu'ils étaient tous les deux présents.

27 Q. Est-ce que ces conversations se déroulaient en anglais ou est-ce qu'il

28 y avait interprétation ?

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1 R. L'ensemble de ces conversations avait lieu en anglais.

2 Q. Est-ce que le général Perisic parlait anglais ?

3 R. Je ne sais pas. Je suppose qu'il était capable de comprendre l'anglais.

4 Q. Bien.

5 R. Il ne parlait pas -- oui. Il parlait anglais puisqu'à une réunion qui

6 eu lieu plus tard, nous étions dans son bureau et il a parlé anglais.

7 Q. M. Milutinovic ?

8 R. Pour autant que je m'en souvienne, M. Milutinovic parle couramment

9 l'anglais.

10 Q. Bien. Vous dites que dans ces discussions, vous-même et les

11 représentants de l'OTAN avez présenté des éléments de preuve à M. Milosevic

12 sur ce que l'OTAN considérait comme étant les déploiements excessifs des

13 forces du MUP ou de la police et de l'armée au Kosovo. Dans votre

14 retranscription de ce que vous avez dit à la page 6 969 commençant à la

15 ligne 22, vous mentionnez le nombre d'unités de la police et le nombre

16 d'unités de l'armée. Dans ce paragraphe plus précisément, est-ce que les

17 "nombres" ont trait au nombre de policiers et de soldats qui se trouvaient

18 là ou est-ce que vous vous référez à des moyens d'identifier les unités ?

19 R. Je pense que dans la discussion où nous avons parlé tous les deux, nous

20 couvrions les identifiants d'unité et nous parlions de la force totale en

21 personnel des forces qui étaient déployées sur place.

22 Q. Bien.

23 M. HANNIS : [interprétation] Pourrait-on s'il vous plaît montrer au témoin

24 la pièce P454 par le prétoire électronique e-court ?

25 Q. Avant que nous ne passions à la réunion suivante, Général, je

26 souhaiterais vous montrer un document. Vous verrez si vous pouvez nous dire

27 ce que c'est. Peut-être que cela prendra un moment avant d'apparaître à

28 votre écran. Maintenant, je vois qu'il semble qu'il y ait une version

Page 8249

1 française.

2 R. Il n'y a pas de problème, je peux le lire.

3 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous aller à la page suivante ?

4 Encore une page, s'il vous plaît. Je pensais que j'avais une version en

5 anglais.

6 Q. Je vous présente mes excuses, Général. Je pense que je n'ai pas donné

7 le bon numéro. Je vais essayer de le retrouver en anglais plus tard. Bien,

8 ici je vois quelque chose, là. Je ne sais pas si vous avez lu ce document

9 dans le passé.

10 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire descendre un

11 peu la page, s'il vous plaît ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu ce document dans le passé, mais pas

13 lors de procès au Tribunal.

14 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire ce que c'est ?

15 R. C'est un accord de vérification que le général Clark et moi-même, je

16 pense, le général Perisic ou le ministre de la Défense de l'ex-Yougoslavie

17 avons élaboré, plus ou moins, en mise en œuvre de l'accord Holbrooke.

18 Q. Bien. Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez discuté ou à quoi

19 vous êtes parvenus lors de cette visite du 15 octobre ?

20 R. Cela n'a pas été discuté en détail, non.

21 Q. Bien. Passons maintenant à la réunion suivante. Vous êtes retourné à

22 Belgrade le 24 et le 25 octobre 1998, d'après votre déposition ?

23 R. Oui.

24 Q. Que s'est-il passé qui vous a conduit à retourner si rapidement là-

25 bas ?

26 R. Le Conseil de l'OTAN a décidé de nous envoyer à nouveau là-bas pour

27 présenter un dernier avertissement aux dirigeants yougoslaves pour qu'ils

28 répondent aux demandes de l'OTAN qui étaient de réduire les forces

Page 8250

1 excessives de la police et les forces militaires qui se trouvaient au

2 Kosovo, pour leur expliquer, si je puis ainsi m'exprimer, expliquer à M.

3 Milosevic et à son équipe quels moyens de l'OTAN étaient donnés avec

4 l'ordre d'activation et ce que ceci pourrait vouloir dire pour la

5 Yougoslavie.

6 Q. Bien. Je suppose que vous avez déjà répondu à ma prochaine question.

7 Pourquoi est-ce que vous-même et Clark avez été choisis pour cette tâche ?

8 R. Il y a eu une longue discussion à l'OTAN à ce sujet. Le Conseil de

9 l'OTAN est parvenu à la conclusion que ceci pourrait ajouter une

10 crédibilité supplémentaire à ce que je pourrais appeler l'ultimatum que

11 l'OTAN était sur le point de donner, si c'étaient deux militaires qui

12 venaient et qui expliquaient aux dirigeants yougoslaves ce que signifierait

13 l'activation.

14 Q. Pourriez-vous nous expliquer, en termes simples, quelle était la nature

15 de l'ultimatum que vous-même et Clark alliez donner à M. Milosevic ?

16 R. Suivant les habitudes des militaires, nous avons utilisé un langage

17 très direct et dit à M. Milosevic que dans les 48 heures, l'OTAN pouvait

18 bombarder la République de l'ex-Yougoslavie, à moins que nous ne puissions

19 voir et vérifier une réduction vérifiable du déploiement des forces

20 additionnelles au Kosovo et une fin aux hostilités.

21 Q. Est-ce que vous avez parlé avec lui de l'existence d'un ordre

22 d'activation et de ce que cela voulait dire ?

23 R. Lui-même, je veux dire M. Milosevic, était parfaitement au courant du

24 fait que l'ordre d'activation existait. Je pense qu'il en était au courant

25 lorsque nous nous sommes réunis le 15 octobre, à savoir qu'un accord

26 s'était fait sur l'acte d'activation. Je pense également, tout au moins

27 d'après ce que M. Solana m'a dit lors d'un débriefing qu'il m'a donné avec

28 M. Milosevic et auquel je n'étais pas présent et Clark n'était pas présent,

Page 8251

1 qu'il avait expliqué à M. Milosevic l'ordre d'activation, ce qu'il voulait

2 dire, et quelle serait la conséquence du non-respect de ce qui était

3 demandé.

4 Q. Dans votre déposition, à la transcription à la page 6 977 commençant à

5 la ligne 9, vous nous dites que vous-même et Clark êtes arrivés à Belgrade.

6 Vous avez rencontré l'ambassadeur Miles et Shaun Byrnes du US-KDOM.

7 Ensuite, vous vous êtes réunis à Bijeli Dvori, le palais blanc. Qui d'autre

8 y avait-il du côté de l'OTAN ? Est-ce que Mike Durkee était là ?

9 R. Mike Durkee était là ainsi que certains de mes collaborateurs. Dans mon

10 cas, j'étais accompagné par mon assistant militaire, le colonel Bischof

11 [phon].

12 Q. Vous mentionnez, à la page 6 993, à la ligne 7 du compte rendu, au

13 paragraphe 26 des notes d'audition, qu'à cette réunion M. Sainovic vous a

14 été présenté comme étant l'homme responsable pour le Kosovo. Est-ce que

15 vous vous rappelez qui vous l'a présenté et en quelle qualité ? Qui a dit

16 cela à son sujet ?

17 R. D'après mes souvenirs, c'était Milosevic lui-même qui l'a présenté de

18 cette manière.

19 Q. Est-ce que ceci a été dit en anglais ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que c'était la première fois que vous rencontriez M. Sainovic ?

22 R. Oui.

23 Q. Il ne s'était pas trouvé à la réunion du 15 octobre, pour autant que

24 vous vous en souveniez ?

25 R. Pour autant que je m'en souvienne, non.

26 Q. Bien. Aux paragraphes 12 et 13 de vos notes, lors de votre audition au

27 bureau du Procureur, vous dites comment en tant que groupe vous avez

28 expliqué à M. Milosevic que la seule façon d'éviter une intervention de

Page 8252

1 l'OTAN était de réduire le nombre des policiers et des soldats au Kosovo et

2 d'arrêter d'utiliser des forces disproportionnées à l'égard de la

3 population civile. Vous lui avez dit qu'il n'avait plus que 48 heures pour

4 réaliser cela. Qui avait mis ce délai de 48 heures ? Ceci avait trait à

5 quoi ?

6 R. Le délai de 48 heures avait été fixé par le Conseil de l'OTAN. Si vous

7 essayez de comprendre la situation telle qu'elle existait alors, les

8 nations qui faisaient partie de l'OTAN commençaient vraiment à perdre

9 patience. Elles avaient à nouveau menacé d'utiliser la force de façon à

10 obliger à une cessation des hostilités, mais ceci sans résultat. Pour

11 finir, elles avaient décidé : nous allons maintenant lancer un ultimatum.

12 Notre tâche à nous était de présenter ce message.

13 Q. Dans votre déposition écrite, au paragraphe 18 et dans ce que vous avez

14 dit dans votre déposition verbale à la page 6 973 à la ligne 2 et

15 suivantes, vous décrivez les efforts que vous avez tous déployés pour

16 essayer de façonner une sorte d'accord.

17 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous montrer au témoin la pièce à

18 conviction P395 ? Elle est déjà présentée, Monsieur le Président. A propos

19 de la transcription, notre pièce 395 est la même que la pièce 94 comme

20 pièce à conviction dans le procès Milosevic, intercalaire numéro 3 auquel

21 il fait référence à la page 6 985, lignes 14 et 15.

22 Q. Après avoir passé la nuit sur place, vous êtes revenu le lendemain

23 matin et vous aviez un accord qui était signé ?

24 R. C'est cela.

25 Q. Est-ce que vous reconnaissez qu'il s'agit du document que l'on voit à

26 l'écran maintenant, Général ?

27 R. Oui, je reconnais ce document très bien, oui.

28 Q. Est-ce que votre nom figure sur ce document ?

Page 8253

1 M. HANNIS : [interprétation] Si l'on peut faire descendre le document et

2 voir le reste des signatures.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mon nom est bien en bas de la page à

4 gauche.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Est-ce que vous avez vu également toutes les autres personnes qui ont

7 signé à ce moment-là ?

8 R. Oui.

9 Q. C'est le nom de qui que l'on voit et qui n'a pas de bloc de signature ?

10 R. Cela, c'est la signature de M. Milosevic.

11 Q. Vous décrivez dans votre déposition --

12 R. Je pense que j'ai décrit comment ceci s'est fait et pourquoi nous avons

13 insisté pour que lui-même signe ce document.

14 Q. Cela allait être ma question. Pourquoi est-ce que vous-même et le

15 général Clark insistiez tellement pour qu'il soit un signataire ?

16 R. Sur la base de tout ce que nous avions appris lors de notre

17 participation à cette crise du Kosovo, et Clark plus tôt au cours de sa

18 participation aux négociations de Dayton, notre appréciation était que la

19 seule chance pour un accord d'être exécuté et mis en œuvre, c'était si

20 personnellement accepté par M. Milosevic. C'était la raison pour laquelle

21 nous avons insisté que lui-même le signe.

22 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous montrer maintenant au témoin la

23 pièce suivante, le P394 ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous passez à un autre sujet --

25 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a un certain nombre de choses que

27 je voudrais éclaircir à ce sujet.

28 M. HANNIS : [interprétation] Certainement.

Page 8254

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si on revient à la question des 48

2 heures, est-ce que ce délai de 48 heures, c'était le temps qu'il fallait

3 pour activer l'ACTORD, ou est-ce que ceci a trait à autre chose ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Le temps de réaction, si c'est cela que

5 vous voulez dire, Monsieur le Président, le temps de réaction aurait été

6 plus court que 48 heures.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que c'est que ce délai de 48

8 heures ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons vu le nombre de forces qui se

10 trouvaient dans la province du Kosovo. Nous avions fait une estimation du

11 temps qu'il faudrait pour restaurer ces forces puisque nous ne voulions pas

12 imposer quoi que ce soit à la partie yougoslave qui n'aurait pas pu être

13 exécuté. Nous pensions que 48 heures seraient suffisantes pour redéployer

14 ces forces du Kosovo en Serbie proprement dite. A cette fin, c'est un délai

15 de 48 heures qui a été établi.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'elle a été mentionnée le 24

17 octobre ou est-ce qu'elle avait déjà été invoquée le 15 octobre ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Celle-ci a été mentionnée pour la

19 première fois le 24 octobre.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est simplement à cause de la façon

21 dont c'est formulé ici. Il est dit : "Vous avez 48 heures pour exécuter

22 ceci", ce qui ne donne pas l'impression que ce soit une traduction exacte

23 de ce qui s'est passé. Cela donne l'impression que vous dites : vous avez

24 48 heures pour appliquer.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons expliqué à la réunion du 24,

26 Monsieur le Président : vous avez 48 heures pour réaliser.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, au paragraphe 15 qui suit

28 ce paragraphe 12, vous dites que vous avez dit à Milosevic quelle était la

Page 8255

1 teneur d'un rapport concernant le bombardement d'un village par de

2 l'artillerie. Pouvez-vous vous rappeler quel village c'était ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne m'en

4 souviens pas. Je sais que j'ai obtenu ces renseignements lors de mon vol

5 vers Belgrade. Ceci a été corroboré par les renseignements de l'OTAN à

6 l'époque. C'est pour cette raison que je l'ai mentionné comme étant un

7 exemple de réaction et de réponse disproportionnée.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce type d'information vous parvenait

9 de quelles sources ? Je ne vous demande pas d'être précis, c'est juste la

10 nature des sources que je souhaiterais établir.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas vous dire quelle était la

12 source exacte, mais le temps dépend pour ces renseignements des

13 informations qui lui sont fournies par les nations membres. Les rapports

14 des nations membres, sans nous dire si c'est pour nous à l'OTAN, sans dire

15 à l'OTAN si ceci est le résultat de renseignements recueillis par des

16 personnes ou des renseignements techniques ou de l'imagerie aérienne, mais

17 l'habitude est également de ne jamais prendre pour argent comptant ce qu'un

18 seul pays dirait dans un seul rapport. Nous demandons à ce moment-là à

19 d'autres s'ils ont des renseignements analogues, et c'est à ce moment-là,

20 lorsque nous avons la corroboration des renseignements par une autre

21 nation, que nous acceptons cela comme étant du renseignement accepté par

22 l'OTAN.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que des éléments de preuve

24 concernant le bombardement d'un village comprendraient des sources humaines

25 qui évoquaient leur expérience personnelle pour des membres de l'OTAN ?

26 Est-ce que ceci pourrait comprendre également des images aériennes ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'imagerie aérienne avait été en mesure de

28 détecter le bombardement du village, cela serait inclus.

Page 8256

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était ma question essentielle.

2 Comment pouvez-vous détecter qu'un village a été bombardé ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que vous avez bien sûr une façon

4 plus large des renseignements humains. Vous avez des gens qui sont sur le

5 terrain. Vous avez des observateurs diplomatiques. A ce moment-là, le KDOM

6 se trouvait dans le pays. Vous pouvez également obtenir des renseignements

7 par l'un ou l'autre des habitants de cette zone qui pouvait informer les

8 gens du KDOM en disant : vous voyez, ceci a eu lieu. Dans l'un ou l'autre

9 cas, nous pouvions voir des indications de bombardement par des images

10 aériennes, mais ce n'était pas nécessairement le cas, et nous pouvions

11 éventuellement surveiller l'ensemble des villages et des villes au Kosovo

12 par de l'imagerie aérienne.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Hannis.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Q. En ce qui concerne ce rapport, au paragraphe 13 duquel vous dites qu'il

17 était possible que Perisic n'ait pas encore été au courant de ceci parce

18 que cela venait tout juste de se produire, c'était donc un incident tout

19 récent.

20 R. Comme je l'ai dit plus tôt, cela nous avait été communiqué au cours de

21 mon vol vers Belgrade comme un incident qui s'était produit. Lorsque j'ai

22 dit cela dans ma déclaration, qu'il était possible que M. Perisic n'ait pas

23 été au courant, je me référais à l'expérience que j'avais acquise pendant

24 ma carrière militaire selon laquelle tous les renseignements sur un élément

25 de preuve unique ne sont pas immédiatement portés à la connaissance du chef

26 d'état-major général.

27 Q. La question posée précédemment par le Juge Bonomy au paragraphe 12 au

28 bas de la page 3, il est dit que M. Milosevic avait été informé. "Monsieur

Page 8257

1 le Président," on avait dit "le pistolet est armé, le chien est armé. La

2 pendule tourne, et vous avez 48 heures pour vous acquitter de ce qui est

3 demandé." Est-ce que dans votre déposition, ceci devrait bien se lire par

4 "et vous avez 48 heures pour faire le nécessaire" ?

5 R. Oui. Je pense que ce serait plus exact puisque nous lui avions déjà dit

6 : nous avons encore 48 heures.

7 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

8 pièce à conviction 394 ?

9 Q. En plus de cette déclaration que vous venez de voir à l'écran, que vous

10 avez signée et que M. Milosevic a signée notamment, est-ce qu'il y avait

11 des accords supplémentaires auxquels on était parvenu au cours du week-end

12 du 24 et du 25 ?

13 R. Il y avait un accord, un accord complémentaire sur le nombre de points

14 de contrôle, qui avait été établi par M. Shaun Burns.

15 M. HANNIS : [interprétation] La pièce 394 à l'écran, Monsieur le Président,

16 c'est la pièce 94, intercalaire 3, qui avait servi dans le procès

17 Milosevic.

18 Q. Est-ce que c'était le document dont vous vouliez parler, Général ?

19 R. Oui.

20 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous voir le P432 ?

21 Q. Est-ce que vous savez - je ne suis pas sûr si je le prononce

22 correctement - M. Geremek ou Jovanovic, qui sont-ils ? C'est un document

23 qui va apparaître.

24 R. Bien.

25 Q. Dans un moment.

26 R. Je sais qui est Geremek, c'était le ministre polonais des Affaires

27 étrangères, et Jovanovic était le ministre des Affaires étrangères de la

28 Yougoslavie.

Page 8258

1 Q. Est-ce que vous étiez au courant d'un accord avec Geremek ?

2 R. C'était pour la vérification de la Mission de vérification au Kosovo.

3 Q. Est-ce que vous avez déjà vu cet accord ?

4 R. J'ai déjà vu cet accord.

5 Q. Est-ce que ce document à l'écran, c'est bien celui-là ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vous remercie. Encore une fois, Général, avant que je ne passe à

8 d'autres questions, je pense que ceci est peut-être la version anglaise

9 pour les questions que je vous ai posées un peu plus tôt.

10 M. HANNIS : [interprétation] Le P440, pourrions-nous le voir à l'écran ?

11 Il semble que ce soit une lettre de couverture. Et si nous pouvions

12 voir la page suivante.

13 Q. Reconnaissez-vous ce que c'est ?

14 R. Oui. Je crois que c'est l'accord Clark, Perisic.

15 Q. Ceci avait trait à la surveillance aérienne ?

16 R. Surveillance aérienne, oui.

17 Q. Est-ce qu'il avait été conclu avant le week-end ? Vous vous en

18 souvenez ?

19 R. Pour autant que je m'en souvienne, ceci avait été élaboré le 15 octobre

20 1998.

21 Q. Bien.

22 R. Avant le week-end.

23 Q. Maintenant, au paragraphe 25 de vos notes d'audition à la page 6 991 de

24 votre déposition, vous décrivez un incident qui a eu lieu après que

25 l'accord ait été signé avec M. Milosevic, M. Sainovic et le général

26 Djordjevic, vous-même et Clark, lorsque M. Milosevic a prononcé des paroles

27 pour dire apparemment que ce serait -- qu'une solution au problème du

28 Kosovo serait trouvée au printemps.

Page 8259

1 Pourriez-vous dire aux membres de la Chambre ce que vous vous rappelez et

2 la façon dont ceci a été dit ? C'est décrit dans votre déposition écrite,

3 mais peut-être pourriez-vous nous dire aujourd'hui ce que vous vous

4 rappelez.

5 R. Ceci, c'était après qu'il eût demandé à M. Milosevic de signer l'accord

6 qu'il avait élaboré au cours de la nuit, et lorsque M. Milosevic nous a

7 offert à boire lors d'une procédure antérieure, j'ai appris que ce n'était

8 pas du "slivovitz", alors que c'étaient mes souvenirs, mais que c'était une

9 sorte d'alcool de pêche, mais bien sûr que je ne suis pas expert en ce qui

10 concerne les alcools, donc il faudra que vous m'excusiez pour cette petite

11 inexactitude.

12 Q. Je pense qu'il avait dit précisément qu'il s'agissait d'alcool de

13 poire.

14 R. Je ne sais pas. En tous les cas, ceci était de la poire ou de la pêche,

15 je ne sais pas. En tous les cas, je pense que ce n'est pas si important.

16 Mais ensuite, il a mentionné plus ou moins en passant, et c'était un peu

17 une surprise pour nous tous, qu'il était vraiment déterminé, décidé à

18 trouver une solution à ce problème avec les Kosovars, qu'il n'a pas appelés

19 de façon très amicale. Il a employé des mots tels que "meurtriers",

20 "bandits", "violeurs". D'après mes souvenirs, il a dit : je trouverai une

21 solution finale le printemps prochain, le printemps de l'an prochain ou au

22 printemps de 1999.

23 Vous pouvez imaginer ce que les termes "solution finale" peuvent vouloir

24 dire pour un Allemand. Je suis devenu vraiment un peu nerveux et je lui ai

25 demandé : que voulez-vous dire par "solution finale" ? Il a dit : nous leur

26 ferons ce qu'ils ont fait. Je crois qu'il a dit : en 1946 à Drenica, leur

27 faire ce qu'ils ont fait.

28 Q. Est-ce que vous savez de quoi il parlait ?

Page 8260

1 R. Non, je n'en avais aucune idée. J'ai souvent dit par la suite que cela

2 avait été l'une de nos plus graves erreurs en Europe occidentale, de ne pas

3 avoir examiné l'histoire de cette partie de l'Europe. En l'occurrence,

4 c'était vraiment sur le pas de notre porte. Je ne savais pas, nous avons

5 demandé, et il nous l'a expliqué. Si je me rappelle correctement, il a dit

6 que c'était très simple. On les a tous réunis et on les a tués, on les a

7 fusillés.

8 Q. Maintenant, vous et Clark étiez présents lorsque ceci a été dit. Qui

9 d'autre était là ?

10 R. Pour autant que je m'en souvienne, mais je n'en suis pas absolument

11 sûr, il se peut aussi qu'il y ait eu Mike Durkee qui était là.

12 Q. Du côté serbe, y avait-il quelqu'un d'autre ?

13 R. Du côté serbe, je pense qu'il y avait le général Djordjevic, M.

14 Milutinovic. Je ne suis pas absolument sûr qu'il y ait eu M. Sainovic, mais

15 je peux l'imaginer.

16 Q. Bien. Y a-t-il eu des réactions pour ceux qui ont entendu ces

17 commentaires ?

18 R. Non, aucune réaction dont je me souvienne.

19 Q. Personne n'a rien dit ?

20 R. C'était un de ces cas où il y avait leur attitude habituelle qui était

21 de ne rien dire lorsque M. Milosevic parlait.

22 Q. Bien.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] A moins qu'on ne leur demande de dire quelque

25 chose.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

27 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez une page pour ce

Page 8261

1 qui est du compte rendu sur cette question ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pense que c'est

3 la page 6 991 où ceci est dit. Je pourrais revérifier. Oui, je pense que

4 cela commence à la ligne 8, que la ligne 8 est un bon point de départ. Est-

5 ce que vous l'avez retrouvée ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je l'ai retrouvée.

7 Le général a-t-il sous les yeux les notes de l'interview qui avaient été

8 prises dès le 17 juin?

9 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sont les notes de récolement; c'est

11 bien cela ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Naumann, s'il vous plaît,

14 pourriez-vous regarder le paragraphe 24 de votre document, enfin, de ce

15 document ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelqu'un a noté tout cela, et je

18 pense que vous dites bien que les mots qui ont été utilisés sont les

19 suivants puisque ce sont tout ce qui se trouve entre guillemets dans ce

20 paragraphe.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, c'est ce dont je me rappelle de cet

22 incident, ce sont mes souvenirs.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'interprétation a enregistré vos

24 souvenirs de façon un peu différente. Enfin, au compte rendu, maintenant,

25 c'est noté de façon un peu différente. Je me demande s'il n'y aurait pas un

26 malentendu, en tout cas en ce qui concerne le compte rendu de ce jour.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais revenir en arrière dans l'écran

28 pour voir ce que j'ai dit si je savais le faire.

Page 8262

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous dire ce que vous avez dit

2 exactement. Vous avez dit, et je cite : "Je vais trouver une solution

3 finale. Vous pouvez imaginer ce que le mot 'solution finale' signifie quand

4 on est Allemand."

5 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Or, ceci ne se trouve pas dans ce

7 paragraphe 24 et ceci ne se retrouve pas non plus dans le compte rendu du

8 procès Milosevic.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait huit ans, vous savez, mais je ne

10 sais pas pourquoi je ne l'ai pas dit à l'époque parce que je suis presque

11 sûr qu'il a prononcé ces mots "solution finale".

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est quand même très frappant. Cela

13 me paraît bizarre que vous ne l'ayez pas évoqué précédemment.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai peut-être juste mentionné et je l'ai

15 négligé quand j'ai vu la rédaction écrite de l'interview.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lors du contre-interrogatoire de M.

17 Milosevic, il a été le sujet, savoir si Clark ou vous y avez fait

18 référence, tout ceci a été évoqué. Il y a eu des discussions à propos du

19 livre de Clark. Le problème, évidemment, c'est que toutes les personnes qui

20 sont impliquées ici ont visiblement écrit un livre.

21 Alors j'imagine que vous aussi vous avez écrit un livre là-dessus ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit un livre, certes, mais ce n'est pas

23 sur la Yougoslavie.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tant mieux, voilà qui me rassure. Mais

25 en ce qui vous concerne personnellement, avez-vous déjà évoqué ce

26 commentaire qui aurait été fait par M. Milosevic où que ce soit ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai prononcé un discours, je crois, à

28 l'automne 1999 au commandement de l'école militaire à Hambourg. J'ai parlé

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1 un peu de mes expériences en ce qui concerne la crise de Yougoslavie et les

2 enseignements que j'en avais tirés.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que la date n'est pas

4 correcte au compte rendu. C'était quand exactement ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à l'automne 1999, donc à l'automne, et

6 non pas en avril, mais à l'automne.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais tout ce rapport que vous

8 avez fait des événements qui étaient arrivés, vous avez sans doute dû faire

9 rapport à l'OTAN, bien sûr ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, quand nous sommes retournés

11 nous avons fait rapport au secrétaire général de l'OTAN, nous avons fait un

12 rapport oral. Ensuite, nous avons aussi fait un rapport oral devant le

13 Conseil de l'OTAN et nous avons fait passer le message comme quoi nous

14 pensions que, visiblement, l'accord ne suffirait pas à résoudre la crise,

15 mais que le problème kosovar allait bientôt être résolu, cela dit.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais les termes mêmes de la

17 conversation n'ont pas été repris verbatim à l'OTAN ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Si. Il me semble que cela a été repris. Nous

19 avons dit exactement ce que le président Milosevic avait dit au secrétaire

20 général.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, vous pouvez y aller.

22 M. HANNIS : [interprétation]

23 Q. Vous avez fait un rapport oral ?

24 R. En effet.

25 Q. C'étaient vous et Clark ?

26 R. Oui, il y avait moi, Clark, puis aussi le chef du cabinet.

27 Q. Mais qui serait cette personne ?

28 R. C'était un Espagnol qui s'appelait Domek [phon]. Son nom de famille

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1 était Domek [phon].

2 Q. Très bien. Après l'accord, quand l'accord a été signé, vous êtes

3 retourné à Bruxelles, cela se trouve à la page 6 994, ligne 4 et suite,

4 ainsi qu'au paragraphe 28 de vos notes. Vous dites bien que vous êtes

5 rentré à Bruxelles, vous avez fait rapport de ce qui était arrivé, et

6 décision a été prise de ne pas mettre en œuvre l'ACTORD, A-C-T-O-R-D,

7 l'ACTORD, en tout cas pas à ce moment-là. Il semble qu'au départ, les

8 Serbes ont en effet respecté l'accord et ont retiré un certain nombre de

9 leurs policiers, environ 6 000; c'est cela ?

10 R. Entre 5 000 et 6 000.

11 Q. Très bien. Mais à la page 6 995, qui commence à la ligne 15, vous avez

12 vu qu'ils n'avaient pas poursuivi le respect de l'accord et qu'en novembre,

13 à nouveau, il y avait déjà eu des rapports comme quoi l'accord avait été

14 enfreint. Pouvez-vous nous dire quelles étaient ces infractions à l'accord

15 qui ont été rapportées ? Est-ce que cela avait à voir avec les forces en

16 présence au Kosovo, avec l'utilisation disproportionnée de la force ?

17 R. Les deux. Nous avons tout d'abord assisté à un emploi disproportionné

18 de la force, nous avons vu qu'un grand nombre de points de contrôle avaient

19 été mis en place, de nouveau points de contrôle, et qu'il y avait des

20 redéploiements de forces, aussi. Je l'ai déjà dit, d'ailleurs. Ce n'était

21 pas le côté yougoslave qui déclenchait les incidents, c'étaient les

22 Albanais, c'étaient les Kosovars qui menaient l'initiative là. Ils

23 essayaient de tirer parti de ce vide qui avait été laissé par les Serbes

24 une fois qu'ils se furent retirés suite à l'accord, donc ils se sont

25 engagés, ils ont pris le contrôle de ces poches où il n'y avait plus

26 présence serbe. Parfois, ils étaient assez provocants, d'ailleurs, disant

27 par exemple qu'il s'agit ici de la République du Kosovo, et cetera, de ce

28 style.

Page 8265

1 Le côté serbe a réagi. C'était assez compréhensible qu'ils réagissent, on

2 comprenait qu'ils réagissent. Mais ce qu'on comprenait mal, en revanche,

3 c'était la façon dont ils réagissaient, plutôt. A nouveau, on voyait à

4 nouveau qu'il y avait emploi de la force, puis contre-emploi de la force

5 qui se renforçait. Il y avait visiblement une escalade qui allait bientôt

6 ne plus être contrôlable.

7 Q. Mais vous dites que la façon dont ils réagissaient parfois n'était pas

8 compréhensible. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

9 R. Oui, on l'a vu. C'était souvent abordé dans de nombreuses

10 conversations. Ils avaient tendance à avoir une approche tellement forte,

11 extrêmement violente. Il n'y allait pas de main morte. C'était quelque

12 chose, un emploi de la force qu'on n'emploie pas dans nos pays à nous.

13 Quand il y a activité terroriste ou activité criminelle dans nos pays, on

14 essaie de résoudre le problème à l'aide de la police, mais pas en engageant

15 immédiatement des forces militaires ou paramilitaires qui utilisent la

16 force brute et brutale pour résoudre le conflit. C'était vraiment cet

17 emploi vraiment disproportionné de la force que nous avons remarqué à

18 plusieurs reprises.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle était la mesure ? Mais quand

20 même ici la menace terroriste qui pesait, à mon avis, était-elle identique,

21 d'après vous, ou plus forte que la menace terroriste qui aurait pu menacer

22 les pays européens de leur propre expérience nationale ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait différent des menaces terroristes

24 qu'on a vues dans des pays d'Europe. Peut-être que c'est un peu identique à

25 ce qui s'est passé en Irlande du Nord ou dans la partie basque de

26 l'Espagne. Pour ce qui est de mon pays, en tout cas, on n'a jamais vu cela.

27 Parfois, il y a des actes terroristes qui sont menés contre une seule

28 personne, contre un individu, mais pas contre le pays en tant que tel. Il

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1 n'y a jamais de tentatives de contrôler une bonne partie du territoire.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les différents accords qui avaient été

3 signés ne laissaient pas de possibilité pour traiter avec l'UCK. Y avait-il

4 un plan de l'OTAN où on essayait de traiter un petit peu avec l'UCK dans un

5 environnement qui serait plus propice à la négociation ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, je pense que vous avez atteint ici

7 notre talon d'Achille, si je puis dire. En effet, je le dis très

8 franchement et très ouvertement et j'espère que suis franc et direct. Nous

9 avons fait une erreur. Quand je dis nous, je pense et je fais ici allusion

10 à la direction politique de l'OTAN. Nous avons fait une erreur quand nous

11 avons appelé l'UCK un groupe de terroristes au printemps 1998. Vous le

12 verrez d'ailleurs dans les documents de l'OTAN comme la réunion des

13 ministres des Affaires étrangères. Quand on a une fois appelé l'UCK un

14 groupe de terroristes, je pense que cela nous a autoparalysés, cela nous a

15 empêchés d'utiliser les instruments qui étaient à notre disposition pour

16 traiter avec eux, puisqu'au sein de l'OTAN, il n'y a aucune possibilité

17 d'avoir un contact direct avec des terroristes.

18 Parce qu'il faut qu'on obtienne un consensus, un consensus de 16 pays

19 à l'époque pour avoir une décision. Etant donné que certains pays de l'OTAN

20 eux-mêmes avaient traité avec des terroristes au sein de leur territoire,

21 ils ont dès le départ refusé de traiter avec tout groupement de

22 terroristes. Cela, c'est notre talon d'Achille, puisque nous avions quand

23 même un instrument qui était utile qui aurait pu nous permettre

24 d'entretenir des contacts pour négocier, et cetera, avec l'UCK, mais

25 l'instrument que nous avons utilisé pour ce qui est de la Yougoslavie,

26 c'est-à-dire de menacer de forces militaires et de représailles militaires,

27 n'était pas applicable aux Kosovars. Cela a été notre propre erreur, c'est

28 vrai.

Page 8267

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 Monsieur Hannis, avant que j'oublie quelque chose, je crois qu'il y a

3 quelque chose d'assez distinct qu'il faut que nous traitions.

4 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au paragraphe 22, vous êtes en train

6 de traiter de différents documents. L'un est le fameux accord Clark-

7 Naumann-Milosevic-Djordjevic-Sainovic, donc il s'agit d'un document qui est

8 en deux parties, n'est-ce pas ? Il y a d'abord une déclaration --

9 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- qui contient des détails. Ce

11 document possède-t-il une cote ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit, je crois, du document 440.

14 M. HANNIS : [interprétation] C'est 395.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites 395, mais est-ce que le 395

16 reprend à la fois la page de signature et l'accord ?

17 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait. Le 395 contient à la fois la page

18 de signature et l'accord.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

21 Q. Si j'ai bien compris, l'OTAN avait un problème puisqu'elle avait

22 déclaré que l'UCK n'était pas qu'un groupement de terroristes. Du fait des

23 règles internes de l'OTAN, elle s'était interdite de ce fait de négocier

24 directement avec l'UCK; c'est bien cela ?

25 R. Tout à fait, puisqu'il fallait que nous demandions aux pays, aux

26 nations individuelles de contacter l'UCK. On ne pouvait pas traiter

27 directement avec eux.

28 Q. Très bien. Je dois vérifier le compte rendu pour votre réponse. A la

Page 8268

1 page 31, ligne 19, je crois que je n'ai pas entendu la même chose que ce

2 qui a été noté. Vous étiez en train de dire comment vous réagissiez dans

3 les pays occidentaux aux menaces terroristes à l'aide de police, sans

4 employer des forces paramilitaires ou militaires qui utilisaient une "force

5 brutale, tout à fait une force brutale". C'est bien ce que vous aviez dit ?

6 R. Oui, tout à fait. Une force tout à fait brutale.

7 Q. Pouvez-vous nous donner un exemple de ces violences employées par les

8 Serbes contre l'UCK au Kosovo ?

9 R. On a vu tant de fois - je crois qu'on en a parlé, d'ailleurs, avec nos

10 interlocuteurs serbes - in jour, ils ont fait venir une compagnie de chars

11 devant un village et ont commencé à pilonner le village. Ensuite, ils sont

12 rentrés dans le village. Il me semble qu'il s'agit là vraiment d'un emploi

13 parfaitement disproportionné de la force quand on essaie de régler un

14 trouble de nature terroriste.

15 Q. Au cours de votre carrière militaire, je pense que vous êtes presque un

16 spécialiste de l'artillerie ?

17 R. Oui, je le pense.

18 Q. Imaginons qu'on ait un incident où on a un tireur embusqué qui tire sur

19 un convoi de police ou un convoi militaire. Quelle est la réponse, la

20 réaction adéquate ?

21 R. Si c'est un tireur individuel, on essaie de le désarmer, de le

22 neutraliser au maximum en utilisant, mettons, un char ou un APC avec un

23 véhicule de transport de troupes blindé avec une mitrailleuse, mais

24 certainement pas avec une compagnie entière.

25 Q. Bien. Maintenant, pour ce qui est de l'information que vous avez

26 obtenue en novembre, décembre 1988 à propos des infractions que vous avez

27 constatées à l'accord, vous nous dites que vous avez fait un troisième

28 voyage à Belgrade pour voir M. Milosevic le 19 janvier 1999.

Page 8269

1 R. Oui.

2 Q. Vous y êtes allé avec le général Clark aussi ?

3 R. Oui, la composition du groupe était à peu près la même, mais à Belgrade

4 on a rencontré l'ambassadeur Walker, qui était à l'époque à la tête de la

5 Mission de vérification de l'OSCE.

6 Q. Avait-il été déclaré persona non grata, déjà ?

7 R. Oui, tout à fait, parce qu'il avait pris la parole suite à ce qui

8 s'était passé à Racak d'une façon qui, selon Milosevic, lui avait semblé

9 parfaitement inacceptable.

10 Q. Très bien. Qui est allé voir Milosevic ? C'est vous, Clark, Durkee

11 aussi ? Y avait-il d'autres personnes ? Y avait-il votre aide de camp, par

12 exemple ?

13 R. Oui, il était dans l'antichambre.

14 Q. Qui y avait-il avec M. Milosevic, du côté serbe ?

15 R. Je crois qu'il y avait M. Milutinovic, M. Sainovic.

16 Q. Je crois que dans votre déclaration écrite, vous mentionnez une autre

17 personne qui était en train de prendre des notes.

18 R. Oui, c'était quelqu'un qui faisait partie du cabinet de

19 M. Milosevic, un dénommé Bugarcic ou quelque chose comme cela.

20 Q. Très bien. Au paragraphe 36 de votre déclaration et à la page 7 007 au

21 début de la ligne 11, vous dites que vous tous de votre côté aviez

22 mentionné à Milosevic qu'il y avait un nombre important de policiers qui

23 étaient à nouveau rentrés au Kosovo, qu'il y avait une utilisation

24 disproportionnée de la force à la fois par la police et par les forces

25 militaires, qu'il y avait des unités blindées qui se trouvaient en dehors

26 de leur garnison.

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez donné une liste à Milosevic où il y avait environ 10

Page 8270

1 infractions à l'accord qui étaient notées. On essaie encore de récupérer

2 cette liste. Pour l'instant, on ne sait pas où elle est. Est-ce que vous

3 vous souvenez des incidents qui étaient mentionnés sur cette liste ?

4 R. Oui, il s'agit d'une liste qui avait été mise en œuvre, qui avait été

5 rédigée au QG de l'OTAN. Là, on avait vraiment noté les incidents et les

6 infractions les plus flagrantes de l'accord qu'on avait repérés entre

7 décembre 1998 et janvier 1999 et qu'on avait obtenus par le biais des

8 renseignements de l'OTAN. Je crois qu'on avait plus d'incidents que cela,

9 un plus grand nombre, mais on a pris les 10 plus frappants. Là, il y avait

10 des infractions évidentes de l'accord.

11 Q. Racak était-il sur la liste ?

12 R. Oui, il me semble que oui, mais là je n'y mettrais pas ma main à

13 couper.

14 Q. Très bien. Qu'en est-il de Podujevo en décembre 1998 ? Etait-il sur la

15 liste ?

16 R. Oui, cela, je me souviens, il était sur la liste. Il me semble bien.

17 Q. Vous vous souvenez de la nature de l'incident ?

18 R. Je m'en souviens très vaguement. Je crois que c'était à nouveau aussi

19 l'emploi la force, c'est tout.

20 Q. Au paragraphe 39 de vos notes, je pense que c'est vos notes manuscrites

21 que vous avez prises lors de 1997 qui avaient été transcrites, vous avez

22 parlé un petit peu des cette dernière réunion en points qui ont été

23 discutés. Il y avait le TPIY, l'OSCE et le HOM. Qu'est-ce que le HOM, s'il

24 vous plaît ?

25 R. C'est le chef de la mission, "head of mission".

26 Q. C'est la MVK --

27 R. Oui, cela, c'est le chef de la mission, M. Walker. On a essayé de

28 persuader M. Milosevic qu'il fallait que l'ambassadeur Walker reste dans le

Page 8271

1 pays.

2 Q. Une autre note encore un peu plus loin. "Un incident qui avait été

3 déclenché par le MUP et par la VJ suite à l'accord du 25 octobre." Vous

4 vous en souvenez ?

5 R. Oui, je m'en souviens. J'en ai déjà parlé. Je vous ai dit qu'il y avait

6 des incidents qui étaient plutôt déclenchés par l'UCK, et non pas par les

7 forces yougoslaves - les forces yougoslaves, c'est la VJ - ni par les

8 forces de police qui sont les forces du MUP.

9 Q. Oui, mais quelle est votre source d'information ? Pourquoi est-ce que

10 vous savez que cet incident n'avait pas été déclenché par le MUP ou par la

11 VJ ? Est-ce que c'est l'OTAN qui vous avait donné l'information ?

12 R. Dans ces informations qui étaient basées sur des observations provenant

13 des vérificateurs de l'OSCE ainsi que des gens de la KDOM qui étaient

14 encore plus ou moins en fonction et plus ou moins indépendants.

15 Q. Il faudrait que nous allions un peu moins vite pour les interprètes. Il

16 y a une note, et je cite : "Ne veut pas travailler, coopérer avec le TPIY

17 et n'a aucun respect de l'accord." Vous vous souvenez à quoi vous faisiez

18 référence, ici ?

19 R. Oui, pour ce qui est du TPIY, nous voulions que le Juge Arbour, qui

20 était à Skopije et en Macédoine, ait le droit de rentrer en Yougoslavie

21 pour essayer de faire son enquête indépendante sur ce qui s'est passé à

22 Racak. Dans mes notes, on voit bien qu'il n'est pas d'accord pour laisser

23 le Juge Arbour entrer en Yougoslavie. Il n'est pas d'accord avec une

24 implication éventuelle du TPIY. Pour ce qui est du non-respect, c'est ce

25 que j'ai écrit dans mes notes, si je me souviens bien, c'est parce que

26 l'ex-République de Yougoslavie ne respectait pas l'accord du 25 octobre.

27 Q. C'est la dernière fois que vous avez rencontré Milosevic ?

28 R. Oui, c'est la dernière fois.

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1 Q. Je vous remercie --

2 R. Enfin, non, pas tout à fait puisque je l'ai aussi rencontré ici dans le

3 prétoire.

4 Q. Vous avez raison. Ce n'est pas vraiment une réunion, là. C'est un peu

5 différent. Général, je crois que tout le reste de votre témoignage se

6 trouve dans les documents écrits que vous avez soumis.

7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

8 questions.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

10 Monsieur Naumann, dans ces différentes notes que vous avez faites, il y a

11 une référence qui est intitulée : "Respect. Pas un seul incident n'est

12 déclenché par le MUP ou la VJ." Ensuite, vous poursuivez : "Admis de ne pas

13 être en plein respect, mais exprime un désir de revenir à une approche plus

14 graduelle. C'est impossible maintenant que Podujevo est de plus en plus

15 nettoyée ethniquement."

16 On fait référence à quelque chose qui serait arrivé à cet accord du 25

17 octobre ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut que je retourne sur mes notes pour

19 savoir. Il me semble que le côté serbe exprimait ici qu'ils aimeraient en

20 revenir à l'accord du 25 octobre, mais graduellement. Ils avaient besoin de

21 plus de temps pour arriver à gérer la situation. Il faut que je regarde mes

22 notes quand même. Pour ce qui est de la référence à Podujevo, cela indique

23 qu'ils avaient commencé à entamer ce qu'on a appelé le nettoyage ethnique

24 de certains villages. Les chiffres qui nous ont été donnés, je crois que 18

25 villages avaient déjà été plus ou moins nettoyés. Le nombre total des

26 villages était 72, si je me souviens. C'est pour cela que j'ai écrit cela,

27 il me semble, 18 sur 72.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais si c'est arrivé le 19

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1 janvier, on n'arrive pas à réconcilier cela avec l'attitude de Milosevic

2 puisqu'il niait qu'il y ait eu la moindre infraction. Il niait toute

3 responsabilité, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas du tout où est l'incohérence.

5 C'est vrai qu'il niait. Il niait toute erreur de conduite de la part des

6 forces militaires et de police serbes, en tout cas en ce qui concerne

7 l'incident de Racak. Il nous a accusés d'avoir utilisé de la désinformation

8 pour ce qui est de Racak.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais du côté serbe il y a un

10 désir d'en revenir à un respect de l'accord, et ce, graduellement. C'est

11 complètement incohérent avec l'attitude dont vous nous avez parlé à propos

12 de Milosevic qui était de nier tout emploi systématique de la force, de

13 nier que les forces se conduisaient de façon non appropriée. Vous dites que

14 Milosevic aussi considérait que l'augmentation des mouvements de troupe est

15 absolument essentielle.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

17 Monsieur le Président, je ne vois pas du tout l'incohérence. Quand vous

18 voyez le paragraphe final de cet accord qu'on a appelé Naumann-Clark où

19 l'on parle du droit à l'autodéfense, c'est là qu'on trouve la clé. On avait

20 bien compris qu'il y avait un droit à l'autodéfense qui était tout à fait

21 normal pour tout Etat. L'Etat a le droit de se défendre. Il y avait une

22 interprétation tout à fait différente de la proportionnalité.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, je vous comprends. C'est autre

24 chose que j'ai à vous demander. Dans vos notes, vous avez noté la chose

25 suivante, je cite : "Admis de ne pas respecter." Alors, qui a donc admis

26 qu'il ne respectait pas l'accord ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que dans mes notes, ce que j'ai

28 écrit, pour ce qui est des nombres, des chiffres, des effectifs, en effet,

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1 il ne respectait pas l'accord. Au Kosovo, il y avait plus de forces que ce

2 qui avait été prévu dans l'accord du 25 octobre. Nous n'avions aucun accord

3 en ce qui concerne la proportionnalité en revanche.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Certes, bien, bien. J'ai autre chose

5 que j'aimerais savoir. Je sais que février a été un mois où vous avez été

6 très occupé avec des négociations, négociations qui ont échoué, certes,

7 mais dans le déroulement chronologique des événements tels qu'ils sont

8 relatés par vous-même, il y a un trou en face du 19 janvier directement au

9 23 mars, où la décision a été prise d'agir. La décision a-t-elle été prise

10 le 19 janvier ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument pas.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui a fait que la décision a

13 été bel et bien prise le 23 mars ? Qu'est-ce qui s'est passé dans

14 l'intervalle ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'on peut comprendre pourquoi il y a

16 un tel trou dans mes notes, puisque plus ou moins après Racak on a pris une

17 décision politique. On a décidé que ce n'était plus à l'OTAN d'être le

18 pilote, si je puis dire, et que cela devait plutôt maintenant être le

19 Groupe de contact, nouveau Groupe de contact nouvellement établi qui devait

20 prendre la tête des opérations. On a eu les négociations de Rambouillet,

21 les négociations de Paris, et l'OTAN ici n'a pas participé.

22 On a été informés, certes, mais on n'était plus chargés des

23 négociations. Quand ces négociations ont échoué - mais je crois que la

24 dernière visite de l'ambassadeur Holbrooke à Belgrade le 23 mars qui a

25 marqué la fin de tout, enfin, de la solution politique - à ce moment-là

26 l'OTAN, bien sûr, est à nouveau rentrée en jeu. Mais là, on n'avait plus du

27 tout d'alternative. La seule chose qu'il fallait faire, c'était de prendre

28 la main étant donné qu'il n'y avait pas de solution politique possible.

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1 Tout avait échoué, question politique.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudrait savoir s'il y a eu

3 une autre évaluation qui a été faite au sujet de la situation, et ce, au

4 sein de l'ex-Yougoslavie avant qu'une décision n'ait été prise d'exécuter

5 la menace.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était un processus

7 d'évaluation permanente, et le Conseil de l'OTAN a participé aux

8 discussions portant sur la situation. Mais comme j'ai essayé de le dire, ce

9 n'était pas eux la force motrice à ce moment-là. D'ailleurs, à ce sujet, de

10 dirais que cela a été pénible pour ce qui était de maintenir la cohésion au

11 sein de l'OTAN, parce qu'il y avait le Groupe de contact qui s'est réuni,

12 il y avait quatre membres de l'OTAN - le Royaume-Uni, les Etats-Unis,

13 l'Allemagne et la France - et il y avait également, qui participait au

14 Groupe de contact, la Russie, qui n'était pas membre de l'OTAN.

15 Il faut savoir que la création de ce Groupe de contact avait déclenché des

16 discussions qui n'étaient pas toujours très agréables parmi les alliés. Il

17 y en avait d'aucuns qui pensaient ne pas être membres à part entière. Les

18 pays qui ne faisaient pas partie du Groupe de contact continuaient

19 toutefois à penser qu'il fallait qu'ils participent à la prise de décision

20 pour ce qui était de l'utilisation de la force au Kosovo. Je pense qu'il y

21 a eu quand même quelques altercations, quelques fissures au sein de l'OTAN

22 à ce moment-là, au sein de l'alliance, mais nous avons continué à prendre

23 en considération la situation dans l'ex-Yougoslavie, mais ce n'était pas

24 comme si nous avons eu une interruption de six semaines au cours desquelles

25 nous n'aurions pas participé aux discussions. D'ailleurs, nous avions

26 essayé de participer. A partir du moment où nous avions compris que s'il y

27 avait eu un accord pacifique à Rambouillet ou à Paris, l'OTAN aurait dû

28 s'occuper ou se charger de certains éléments de la mise en application de

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1 l'accord. Mais il n'y a pas eu d'accord politique portant sur la

2 participation de l'OTAN, donc nous ne pouvions véritablement rien faire.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Naumann.

4 Je pense que le moment est venu de faire la pause. Puisque nous

5 devons avoir une pause, je vous demanderais de bien vouloir suivre

6 M. l'Huissier. Nous vous reverrons lorsque nous reprendrons l'audience.

7 [Le témoin se retire]

8 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE BONOMY : [hors micro] Monsieur Zecevic.

11 M. ZECEVIC : [interprétation] Il y a juste quelque chose dans le compte

12 rendu d'audience, page 39, ligne 24. Il est dit, il est écrit : "Et nous a

13 accusé d'avoir utilisé des informations par la force", alors que je pense

14 que le témoin faisait référence à de "fausses informations", en anglais.

15 Voilà, c'est tout.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

17 Nous reprendrons à 16 heures 25.

18 --- L'audience est suspendue à 16 heures 03.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 27.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, quel sera l'ordre

21 pour le contre-interrogatoire, je vous prie ?

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, voici l'ordre : le

23 général Ojdanic, le général Pavkovic, le général Lazarevic, M. Sainovic, le

24 général Lukic et M. Milutinovic.

25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 Le premier conseil qui va procéder au contre-interrogatoire sera Me

28 Sepenuk, et ce, au nom de M. Ojdanic.

Page 8277

1 Monsieur Sepenuk.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

3 Contre-interrogatoire par M. Sepenuk :

4 Q. [interprétation] Général, comme l'a dit le Président, le Juge Bonomy,

5 je suis conseil de la Défense pour le général Ojdanic et je m'appelle Me

6 Norman Sepenuk. Bonjour.

7 R. Bonjour.

8 Q. Général, je voudrais commencer par ce que vous avez dit à propos du 7

9 juin 2000. Vous étiez en train de témoigner devant le comité de la défense

10 de la chambre des communes et cela faisait partie de l'enquête sur les

11 leçons à tirer du Kosovo. D'ailleurs, je vous dirais qu'il s'agit de la

12 pièce à conviction de la Défense 3D777. Je vais vous en donner lecture,

13 Monsieur. Je cite, voilà ce que vous avez dit :

14 "Je pense que nous pouvons dire en toute équité que Milosevic a respecté

15 l'engagement qu'il avait pris auprès du général Clark et auprès de moi-même

16 le 25 octobre 1998. Il a retiré les forces et il a retiré la police, alors

17 il se peut qu'il y ait quelques divergences à propos du chiffre 200 ou 400

18 policiers plus ou moins, mais ce n'est pas ce qui est le plus important. Il

19 a plus ou moins respecté son engagement. L'UCK a pris place puisqu'il y

20 avait un vide, étant donné qu'il y avait eu retrait des forces serbes. Cela

21 a déclenché une escalade. J'ai indiqué cela au Conseil de l'OTAN en octobre

22 et en novembre. Dans la plupart des cas, je dirais que l'escalade vient des

23 Kosovars, et non pas des Serbes."

24 Je suppose que vous vous souvenez avoir dit cela, Monsieur. Il faut

25 que vous répondiez par oui ou non.

26 R. Oui, oui, je me souviens d'avoir eu ces propos et je pense que cela est

27 tout à fait conforme à ce que j'ai dit plus ou moins un peu plus tôt.

28 Q. Général, étant donné que vous n'étiez pas vous-même sur le terrain, je

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1 suppose que vous n'étiez pas sur le terrain au Kosovo ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Je suppose que vous vous fondez pour faire ce genre de déclaration,

4 telle que la déclaration que je viens de lire, vous vous fondez sur des

5 rapports qui émanaient du terrain et qui émanaient essentiellement de la

6 KDOM puis, plus tard, de la Mission de vérification du Kosovo; est-ce que

7 c'est exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Lors de l'affaire Milosevic, vous avez dit que pendant les mois de

10 novembre et décembre 1998, il y a encore eu des rapports relatifs aux

11 violations de l'accord de cessez-le-feu de la part des forces serbes et de

12 la part de l'UCK également; c'est exact ?

13 R. Oui, c'est exact, Maître Sepenuk.

14 Q. Lors du procès Milosevic, à la page 6 995, voilà ce que vous avez dit à

15 propos de cette période de novembre, décembre. Vous avez dit, et je cite :

16 "Je devrais véritablement dire par souci d'équité et compte tenu des

17 meilleures informations que j'avais obtenues du terrain de la KDOM et, plus

18 tard, de la Mission de vérification du Kosovo, que de nombreux incidents

19 ont été déclenchés par l'UCK qui, manifestement, essayait d'exploiter le

20 vide laissé par le retrait des forces de sécurité serbes et qui ont ensuite

21 procédé à des incursions pour assumer le contrôle de ces régions ou de ces

22 zones. Ils ont également lancé des provocations qui ont parfois été

23 violentes."

24 Est-ce que cela correspond à ce que vous avez dit dans l'affaire

25 Milosevic ?

26 R. C'est exact.

27 Q. Général, pendant l'année ou vers la fin de l'année 1998 - et j'enchaîne

28 à la suite d'une des questions posées par M. le Juge Bonomy - peut-on dire

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1 que ni l'OSCE, ni l'OTAN, ni M. l'ambassadeur Hill, ni personne,

2 d'ailleurs, n'avait réussi à mettre un terme de façon positive aux

3 provocations de l'UCK ?

4 R. Oui, c'est l'impression que j'avais à cette époque-là.

5 Q. Peut-on dire également que la perspective à l'avenir des provocations

6 de l'UCK était beaucoup plus vraisemblable ? Là, je vous rappelle qu'il

7 s'agit du mois de décembre 1998, car il est de notoriété publique que l'UCK

8 menaçait de tuer tout Albanais qui aurait signé tout accord négocié par M.

9 l'Ambassadeur Hill de la KDOM des Etats-Unis. Est-ce que vous vous en

10 souvenez, Monsieur ?

11 R. Je ne m'en souviens pas.

12 Q. Je vous pose cette question parce que nous avons ici un témoin qui

13 s'appelle le général Drewienkiewicz. Je suppose que vous savez de qui il

14 s'agit. Vous le connaissez ? On le connaît également sous le général DZ.

15 Vous le connaissez ?

16 R. Non.

17 Q. Vous ne connaissez pas le général DZ ?

18 R. Non. Qui est-il ?

19 Q. Le général Drewienkiewicz, est-ce que cela évoque quelque chose dans

20 votre mémoire ? Il faisait partie d'une équipe de trois hommes --

21 R. C'était l'ambassadeur britannique.

22 Q. Il est Britannique.

23 R. Non. C'est le général britannique qui était adjoint de la Mission de

24 vérification du Kosovo.

25 Q. Tout à fait. C'était le chef des opérations.

26 R. Maintenant, je me souviens de son surnom.

27 Q. C'est justement, alors qu'est-ce que c'était ?

28 R. Oui, c'est cela, DZ.

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1 Q. Il a témoigné et il a fait une déclaration en indiquant précisément

2 qu'au mois de décembre 1998, l'UCK avait menacé de tuer toute personne qui

3 aurait signé un accord avec l'ambassadeur Hill. Vous ne le savez pas, cela,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est exact. Je dirais également que ces propos n'ont jamais été

6 présentés aussi clairement à l'OTAN.

7 Q. Très bien. A la fin de cette année, il s'agissait d'essayer de limiter

8 les provocations de l'UCK. Cette perspective s'éloignait à grands pas au

9 moment où l'UCK a déclaré : "1999 sera l'année de l'indépendance pour le

10 Kosovo." Vous vous en souvenez, de cela ?

11 R. Je ne me souviens pas qu'ils aient cité l'année 1999. Cela a toujours

12 été leur objectif. C'était évident.

13 Q. C'était leur objectif ?

14 R. C'était leur objectif à l'époque.

15 Q. C'était à l'époque leur objectif, l'indépendance du Kosovo ?

16 R. Oui.

17 Q. Pour passer à l'année 1999, j'aimerais vous poser une série de

18 questions qui vont couvrir la période allant du mois de janvier jusqu'au

19 début de la guerre afin de déterminer la connaissance que vous avez du

20 sujet. Vous avez dit juste avant la pause, si je ne m'abuse, à la page 37,

21 ligne 22, ligne 23, vous dites quelle est la source de vos informations. Il

22 s'agissait d'un incident qui avait été déclenché par le MUP ou par la VJ ou

23 par les vérificateurs de l'OSCE et par la KDOM qui était toujours

24 opérationnelle sur le terrain; est-ce que c'est bien cela ?

25 R. Oui, c'est cela.

26 Q. Voilà ce que je voudrais faire, prendre ou analyser les différentes

27 sources de vos informations afin de voir ce que vous saviez véritablement

28 afin de vous permettre de conclure ou de tirer telle et telle conclusion.

Page 8281

1 Je veux pouvoir déterminer si la portée de votre connaissance relative aux

2 provocations de l'UCK peut être déterminée. Je veux pouvoir déterminer si

3 vous avez tiré des conclusions de façon raisonnable puisque vous avez parlé

4 de l'utilisation de la force disproportionnée. Général, vous êtes une

5 personnalité très connue, éminente, un général quatre étoiles. Vous avez

6 une carrière remarquable. Je voudrais savoir ce que vous saviez de ce qui

7 se passait sur le terrain.

8 J'aimerais que nous commencions par le 2 janvier 1999. Nous pouvons

9 afficher à l'écran ces documents, si vous le souhaitez, si l'Accusation le

10 souhaite ou si la Chambre le souhaite. Je vais vous donner lecture de

11 l'extrait en question. Il s'agit d'une évaluation du 2 janvier 1999. Il

12 s'agit de la MVK.

13 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir le document ?

14 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, tout à fait. Il s'agit de la pièce à

15 conviction de l'Accusation 407, page 100. Est-ce que vous pourriez, je vous

16 prie, afficher cela à l'écran ? Non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit;

17 P407, page 100. Il s'agit du livre bleu de l'Accusation. Nous avons vérifié

18 cela hier soir. Je pense que c'est la bonne page, sinon il y a encore des

19 têtes qui vont tomber, Monsieur le Président.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P407.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Bien. Est-ce que vous l'avez, Monsieur

22 Hannis ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je vois, c'est l'évaluation 2

24 janvier 1999. C'est ce que vous cherchez ?

25 M. SEPENUK : [interprétation] Oui. Ce n'est pas le premier document qu'ils

26 ont affiché. Maintenant, nous l'avons, effectivement.

27 Q. Vous voyez ce document, Général ?

28 R. Oui, tout à fait.

Page 8282

1 Q. Il s'agit de l'évaluation de la cellule de fusion de la MVK.

2 "Il y a des indications suivant lesquelles l'UCK va devenir beaucoup plus

3 unifiée dans le cadre d'une structure de commandement centralisé. Des

4 unités de l'UCK ont maintenant été identifiées par des patrouilles de la

5 MVK, et ce, suivant des affectations de différentes unités. Des zones de

6 responsabilité sont ajustées par l'UCK. Il y a des groupes qui pourraient

7 peut-être être placés sous un contrôle centralisé."

8 Vous souvenez-vous avoir reçu ce rapport ?

9 R. Je me rappelle avoir reçu un rapport identique qui n'avait pas le même

10 libellé, d'ailleurs. Mais vous devriez peut-être comprendre le mécanisme

11 qui permet de présenter des rapports au QG de l'OTAN. Lorsque j'obtenais

12 ces renseignements, par exemple, il s'agissait de renseignements résumés,

13 condensés, qui ne faisaient pas seulement référence à une source, mais à

14 plusieurs sources ou à au moins deux sources, mais c'est une information

15 que je peux confirmer.

16 Q. Là, il s'agit du 2 janvier 1999, et je vais faire une très légère

17 digression. Nous avons le document. Je vais vous donner lecture de ce

18 document que l'on peut placer ou afficher à l'écran si nécessaire. Il

19 s'agit de la pièce à conviction de l'Accusation 2 460. Il s'agit du rapport

20 d'un certain colonel Bislim Zyrapi. Vous savez de qui il s'agit ?

21 R. Non.

22 Q. Vous ne savez pas qui est le colonel Bislim Zyrapi ?

23 R. Non. Je peux vous assurer que c'est un nom qui n'a jamais figuré dans

24 aucun rapport de l'OTAN ou rapport secret.

25 Q. Pour votre gouverne, Monsieur, je vous dirais qu'il était le chef de

26 l'état-major général de l'UCK, et c'est une fonction qui a commencé pour

27 lui au début du mois de novembre 1998. Il a eu cette fonction et il l'a

28 assumée jusqu'en avril. Il avait une position ou une fonction de

Page 8283

1 responsabilité au sein de l'UCK, mais bon, je suppose que vous ne savez pas

2 de qui il s'agit.

3 R. Non. A ce sujet, comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, nous n'avions

4 pas de contacts avec l'UCK.

5 Q. Mais vous pensiez certainement que votre devoir était d'apprendre le

6 plus que possible à propos de l'UCK, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, leurs intentions, leurs capacités, mais pas forcément les grandes

8 personnalités de l'UCK.

9 Q. Mais vous aviez des liens avec l'UCK, et ce, à partir de l'OSCE et de

10 la KDOM qui se trouvaient sur le terrain, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. L'OSCE avait des contacts avec l'UCK, tout comme la KDOM.

12 Q. Très bien. Alors pour revenir à cette pièce à conviction, il s'agit

13 d'un rapport de l'état-major général le 28 décembre 1998, quelques jours

14 précédant cette évaluation du mois de janvier 1999, où il est question

15 d'une unification de l'UCK, et dans ce rapport, à la page 2, il est dit --

16 c'est à la page 3 :

17 "A la suite de l'offensive de l'ennemi," et il fait référence à

18 l'offensive des forces serbes qui a connu son apogée en octobre 1998, "à la

19 suite," disais-je, "de l'offensive ennemie, du repositionnement des forces,

20 ce qui signifie repositionnement des forces de l'UCK, ce repositionnement a

21 été effectué dans toutes les zones opérationnelles, et nous pouvons dire

22 maintenant en tout attitude que le territoire contrôlé par nos unités est

23 plus important qu'avant l'offensive de l'ennemi."

24 Est-ce que tout cela vous rafraîchit la mémoire ? Est-ce que vous

25 vous souvenez de la fin de l'année où l'UCK avait déployé des positions qui

26 avaient été libérées ou laissées libres par le MUP et par la VJ et qu'ils

27 avaient plus de contrôle dans le pays qu'auparavant ? Est-ce que cela vous

28 rafraîchit la mémoire, Général ?

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1 R. Je ne peux pas vous fournir une confirmation à ce sujet, mais ils

2 avaient effectivement essayé de remplir le vide qui avait été créé par le

3 retrait des forces serbes. Il s'agissait de certaines positions qui avaient

4 été négociées dans l'accord du 25 octobre. Je l'ai déjà dit, d'ailleurs.

5 Q. A la page 4 de la même déclaration, le colonel Bislim Zyrapi poursuit

6 et parle de propositions pour l'utilisation d'unités tactiques et unités

7 opérationnelles pour les activités de combat à l'avenir. Il dit, je cite :

8 "Les propositions suivantes émanant des rapports écrits du commandant ont

9 été prises en considération." La première de ces propositions étant comme

10 suit : "Agir en groupes commando dans les villes et à l'intérieur des zones

11 où l'ennemi est actif, couper les lignes d'approvisionnement de l'ennemi

12 par le biais d'actions de diversion en essayant de frapper toujours les

13 forces de l'ennemi, et ce, afin d'infliger, de provoquer une insécurité

14 tout le temps et partout."

15 Je sais que vous n'avez pas obtenu un exemplaire de ce rapport et que vous

16 n'avez jamais traité avec le colonel Zyrapi, mais est-ce que vos sources,

17 les sources de renseignement que vous aviez à l'OTAN ou les sources KDOM ou

18 MVK vous ont également transmis l'essence ou la quintessence de ce que je

19 viens de lire, à savoir que l'UCK était prête à attaquer partout et à

20 n'importe quel moment ?

21 R. Comme je l'ai déjà dit, Maître Sepenuk, un peu plus tôt, nous avions

22 l'impression dans la plupart des cas que les incidents étaient déclenchés

23 par l'UCK.

24 Q. Je vous remercie.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir, je

26 vous prie, une cote pour ce document ?

27 M. SEPENUK : [interprétation] C'est le 24.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Pardon. Je le sais, 2 460.

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1 Vous l'aviez donnée, cette cote.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, oui. Il va y avoir un certain nombre de

3 pièces à conviction que je vais présenter. Je peux tout à fait les faire

4 afficher à l'écran. Il n'y a aucun problème à ce sujet.

5 Q. Pour revenir à cette évaluation du 2 janvier 1999, Général, vous l'avez

6 toujours à l'écran. Il est dit :

7 "L'on voit apparaître une tendance intéressante, car la VJ coopère de

8 plus en plus avec l'OSCE, et l'UCK devient de plus en plus belligérante et

9 coopère moins pour ce qui est de leurs positions de sécurité. Puis, tout

10 porte à croire également que l'UCK a un objectif maintenant ou essaie

11 d'obtenir ou d'atteindre de façon de plus en plus ferme son objectif, à

12 savoir un Kosovo entièrement indépendant."

13 Essayez de vous rappeler, de vous souvenir de l'année 1999, Général.

14 Est-ce que vous avez reçu ce genre d'information ? Est-ce que cela est

15 conforme à vos souvenirs ?

16 R. Ce dont je me souviens, Maître Sepenuk, c'est que nous étions parvenus

17 à la conclusion suivant laquelle l'UCK était effectivement plus active, ils

18 étaient plus actifs que la VJ et le MUP à ce moment-là, et qu'ils

19 essayaient donc de prendre, de saisir l'initiative. Puis, bien entendu

20 l'objectif politique qui était d'accéder à l'indépendance ou d'obtenir

21 l'indépendance, je l'ai déjà dit, d'ailleurs, un peu plus tôt, était

22 quelque chose que l'on voyait imprimé dans les journaux quasiment tous les

23 jours, plus ou moins.

24 Mais je ne peux pas véritablement confirmer que nous avions un accord

25 complet au sein de l'OTAN. Je ne dirais pas que c'était une évaluation

26 partagée par tous les membres de l'alliance. Je pense que nous avons

27 présenté la situation de façon assez semblable, parce qu'en général,

28 c'étaient les rapports de l'OSCE et des missions de vérification qui

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1 étaient nos sources.

2 Q. Et ce que je vous ai lu était une évaluation de la MVK ?

3 R. Oui.

4 Q. Bon, je vais --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, je m'excuse. Est-ce

6 que ces rapports arrivaient directement à l'OTAN ou est-ce qu'ils vous

7 parvenaient par l'entremise des Etats membres ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions un accord avec l'OSCE pour obtenir

9 les rapports directement.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 Maître Sepenuk.

12 M. SEPENUK : [interprétation] Oui.

13 Q. Nous allons maintenant passer à la semaine du 8 janvier 1999.

14 M. SEPENUK : [interprétation] Je souhaiterais que le greffier d'audience

15 affiche la pièce P407, page 156, je vous prie. Oui, voilà.

16 Q. Général, ce que vous voyez sur votre écran est à nouveau une évaluation

17 de la MVK pour le 8 janvier 1999, et il est question d'une embuscade bien

18 exécutée et menée contre une patrouille du MUP près de Suva Reka. Il y a

19 trois membres du MUP qui ont été tués, un certain nombre de personnes, des

20 membres du MUP qui ont été blessés. Il est indiqué que cela ne fait que

21 confirmer les menaces lancées par l'UCK voulant des représailles contre les

22 patrouilles du MUP et de la VJ à leurs postes de contrôle. "Il semblerait

23 que l'UCK ne reconnaît plus le cessez-le-feu, et il est très vraisemblable

24 que l'UCK frappe à nouveau en utilisant les mêmes tactiques."

25 Est-ce que cette information vous indique que l'UCK ne reconnaissait pas le

26 cessez-le-feu, qu'elle n'était pas partie à cet accord et qu'elle ne

27 reconnaissait pas le cessez-le-feu ?

28 R. Une fois de plus, Maître Sepenuk, je ne dirais pas cela de façon

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1 générale. C'est une évaluation qui a été présentée à l'OTAN, certes. Nous

2 avions des informations de temps à autre, et parfois nous pouvions, d'après

3 ces évaluations, tirer la conclusion que l'UCK ne reconnaîtrait plus le

4 cessez-le-feu. Il faut savoir que cela a été écrit de la même évaluation.

5 Il faut savoir que les forces serbes ont réagi en établissant un poste de

6 contrôle supplémentaire, ce qui fait qu'il y avait escalade contre escalade

7 constante. Il y avait une violence latente qui était constamment renforcée.

8 Parfois, il n'était pas facile de savoir qui avait déclenché cela et qui

9 réagissait.

10 Q. Général, comme vous voyez dans le rapport, il est indiqué qu'il y a eu

11 un autre poste de contrôle qui a été établi. Lorsque le poste de contrôle a

12 été établi, l'UCK a saisi cette occasion pour frapper. A nouveau, l'assaut

13 mené à bien par l'UCK contre ce poste de contrôle indique que l'UCK a

14 extrêmement confiance en elle-même et elle est tout à fait disposée à

15 attaquer en des lieux multiples. Je vous parle du degré de confiance. Il

16 s'agit d'une organisation qui ne montre aucune disposition à ne pas faire

17 usage de la violence ?

18 R. Une fois de plus, je ne pense pas qu'il faille généraliser la

19 situation. Ce genre d'incident s'est produit, certes, il est décrit de

20 façon exacte, là. Il y a eu d'autres fois où c'est exactement l'inverse qui

21 s'est produit. J'ai l'impression lorsque je lis ces évaluations que dans

22 une certaine mesure, elles se concentrent sur certains événements

23 ponctuels. Il y a dans certaines évaluations une généralisation d'un

24 événement qui s'est déroulé localement. On a l'impression que c'est une

25 généralisation qui est valable pour toute la province, ce qui n'est pas

26 forcément la vérité.

27 Q. Merci de votre observation, mais je pense que ce que vous venez de dire

28 va certainement être précisé par la prochaine pièce à conviction qui est la

Page 8288

1 pièce 3D473.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Pièce 3D473.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il faut que le document soit communiqué.

4 M. SEPENUK : [interprétation] Il a été communiqué.

5 M. HANNIS : [interprétation] Ce document ne figure pas sur la liste des

6 documents que j'ai reçue de votre part. Il y a un 3D374, certes, mais il

7 n'y a pas de 3D473.

8 M. SEPENUK : [interprétation] Ecoutez, je pense que je dois passer à autre

9 chose, Monsieur le Président.

10 Q. C'est un communiqué de presse intitulé : "Actions irresponsables de

11 l'OSCE" et "Actions irresponsables de l'UCK". Il est question d'une

12 embuscade qui a été planifiée méticuleusement dont nous avons déjà parlé.

13 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du document 473 ? Est-ce

14 qu'il a été communiqué ? Je n'ai absolument aucun exemplaire. Je ne sais

15 pas de quoi il s'agit.

16 M. SEPENUK : [interprétation] C'est un document qui fait partie du système,

17 et une fois de plus --

18 M. HANNIS : [interprétation] Nous n'avons pas reçu de notification à propos

19 de ce document.

20 M. SEPENUK : [interprétation] J'avais cru comprendre que ce document avait

21 été communiqué.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que voulez-vous que nous fassions,

23 Monsieur Hannis.

24 M. HANNIS : [interprétation] Ecoutez, j'aimerais quand même voir un

25 exemplaire de ce document.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il se trouve maintenant affiché à

27 l'écran.

28 M. HANNIS : [interprétation] Bien.

Page 8289

1 M. SEPENUK : [interprétation] Il est affiché à l'écran.

2 Vous l'avez trouvé ? Très bien, merci.

3 Q. Dernier paragraphe de ce document, Général, l'avant-dernier paragraphe

4 pour commencer indique :

5 "Ces opérations de l'UCK sont une contradiction directe des promesses

6 solennelles émanant de l'UCK qui avait indiqué qu'ils allaient maintenir

7 l'accord de cessez-le-feu et qu'ils allaient faire preuve de retenue. La

8 MVK souhaite indiquer de façon claire qu'elle trouve la réaction des

9 autorités yougoslaves face à ces provocations de l'UCK extrêmement sobre.

10 Les représentants des autorités yougoslaves ont fait preuve d'une volonté

11 de coopération au vu de la situation actuelle."

12 Voilà, il me semble qu'il s'agit d'une réaction générale et d'une

13 observation qui porte sur des réactions face aux provocations de l'UCK. Il

14 ne s'agit pas d'une petite zone seulement. Vous n'êtes pas d'accord avec

15 moi, Général ?

16 R. Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec vous. Je vous dirais que

17 c'est une observation rendue publique par l'OSCE, ce que vous venez de nous

18 présenter. J'ai déjà essayé d'indiquer cela un peu plus tôt tout comme je

19 l'avais dit dans l'affaire Milosevic. Lorsque nous avons présenté au

20 président Milosevic des exemples de réactions disproportionnées des Serbes,

21 nous avions également des exemples qui auraient pu permettre de tirer une

22 conclusion semblable, mais à l'inverse, si vous voyez ce que je veux dire.

23 Q. Très bien. Ce que je vous demande, Monsieur, c'est de faire des

24 observations à propos de documents bien précis et de déclarations précises

25 de la MVK. Sinon, on peut rester ici ad vitam eternam pour parler de

26 l'usage de la force, et cetera. Je vous demande de vous en tenir aux

27 questions que je vous pose et aux documents que je vous montre.

28 M. SEPENUK : [interprétation] Je souhaiterais maintenant que soit affichée

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1 à l'écran la pièce à conviction 407, toujours de l'Accusation, page 158.

2 Q. Général, il s'agit d'une évaluation pour le 8 janvier 1999. Voilà ce

3 qui est dit : "L'UCK semble utiliser à son avantage la présence de l'OSCE

4 et provoque de plus en plus dans le cadre de leurs opérations."

5 Est-ce que ce n'est pas ce qui correspond à la réalité des

6 événements ?

7 R. C'est une déclaration, Maître Sepenuk, que j'ai entendue lorsque nous

8 sommes allés à Belgrade le 19 janvier 1999. Comme je l'ai déjà dit un peu

9 plus tôt, vous pourriez tout à fait indiquer le contraire. Ce jour-là,

10 lorsque l'on prend en considération l'incident qui a fait l'objet de

11 notification, cela, c'est une chose, et le lendemain, cela pourrait être le

12 contraire.

13 Q. Oui, mais il ne s'agit pas de M. Milosevic qui s'exprime là, c'est une

14 déclaration de la MVK.

15 R. Bien sûr que je le sais, cela. Ce que j'aimerais vous dire, Maître,

16 c'est qu'il y a certainement d'autres jours, pas forcément le 8 janvier,

17 mais le 10 ou le 11 janvier, où la déclaration est la même, mais tout à

18 fait inverse, à savoir les coupables, ce sont les Serbes.

19 Q. Si cela est le cas, M. Hannis s'en occupera très bien. Là, je vous

20 parle de la réalité de ce jour-là. Je vais vous montrer une autre pièce à

21 conviction, toujours le document P407, page 345.

22 Général, vous voyez que le titre, c'est événements importants. Janvier 1999

23 toujours, vous voyez qu'il est indiqué :

24 "Augmentation de l'activité de l'UCK. Une patrouille a fait état

25 d'une très forte présence de l'UCK et d'une augmentation importante du

26 nombre de combattants de l'UCK dans le district de Prizren. Les forces de

27 police de l'UCK occupent de nombreux postes de contrôle et les dirigeants

28 de l'UCK ont exprimé leurs préoccupations, car ils ont quelques problèmes à

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1 retenir leurs combattants."

2 C'est exact, Monsieur ?

3 R. Une fois de plus, Maître Sepenuk, cela correspond exactement à ce que

4 j'ai indiqué un peu plus tôt. Il y a eu de nombreux incidents qui ont été

5 provoqués par l'UCK également. Si vous voyez la période, c'est une période

6 où nous n'étions plus la force motrice.

7 Q. Oui, mais vous obteniez encore les rapports ?

8 R. Oui, oui, oui, nous obtenions les rapports, mais ce n'était plus nous

9 qui donnions le temps.

10 Q. Peut-être que vous ne donniez plus le temps, mais j'essaie d'établir la

11 base factuelle de vos conclusions puisque vous avez dit qu'il y avait usage

12 disproportionné de la force. J'aimerais montrer à la Chambre de première

13 instance contre quoi réagissaient les forces serbes, d'où mes questions,

14 Monsieur. Nous allons maintenant consulter l'évaluation pour le 14 février

15 1999. Il s'agit du document 3D374. Si vous aviez l'amabilité de tourner le

16 document. Merci

17 Général, il s'agit d'une évaluation de la MVK pour le 14 février 1999, et

18 il est question de la situation militaire et politique, et voilà ce qui est

19 écrit :

20 "Même avec les opérations terroristes et les opérations militaires

21 déployées sur une petite échelle au cours des derniers jours, le Kosovo est

22 resté relativement calme, la raison étant probablement la réunion de

23 Rambouillet, chaque camp voulant être perçu comme souhaitant la paix pour

24 la région."

25 "Par ailleurs, certains des incidents peuvent être considérés comme des

26 actes de provocation essentiellement de la part de l'UCK, qui essaie de

27 provoquer des opérations ou des réactions de la part de l'autre camp, ce

28 qui pourrait être exploité pour sa dimension ou dans l'arène

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1 internationale."

2 Est-ce que l'on peut dire, et cela était reconnu généralement, que

3 l'un des objectifs de l'UCK était de provoquer des réactions de l'autre

4 côté afin d'obtenir un traitement favorable de la part du comité

5 international. Vous êtes d'accord avec cela ?

6 R. Je n'exclurais pas cette possibilité, mais cela n'en est qu'une.

7 Q. Puis, j'ai encore une ou deux autres pièces à conviction à vous

8 montrer, la première étant la pièce 3D179. Général, ceci, c'est un rapport

9 consolidé pour ce qui est du respect par les parties au Kosovo vers la fin

10 des entretiens de Rambouillet et la deuxième partie,le commencement de la

11 deuxième partie des entretiens de Paris, les deuxièmes entretiens de Paris.

12 Ceci couvre la période qui va du 23 février au 11 mars 1999, donc nous

13 continuons à bouger, là.

14 Il est dit au tout début du premier paragraphe : "Des attaques non

15 provoquées par l'UCK contre la police ont continué, et le nombre de

16 victimes subies par les forces de sécurité a augmenté." Vous avez remarqué

17 cela ?

18 R. Oui. Je note cette appréciation. Je pense que je me souviens, mais en

19 revanche, il faudrait également noter - ceci est dans le même paragraphe -

20 que le nombre de forces déployées en dehors des casernes a été également

21 augmenté, de sorte que nous nous sommes à nouveau posé cette question de

22 violence, du fait de déclencher de la violence et de causer des réactions

23 contre cette violence. Je pense que cela décrit assez bien ce que les deux

24 côtés ont essayé de faire pour influencer les instances internationales.

25 Q. Certainement, y a-t-il une raison pour laquelle vous avez regardé du

26 côté du Procureur, ou est-ce que j'ai mal compris ? Pourquoi est-ce que

27 vous êtes allé lui regarder ?

28 R. Non, non. On ne me donne pas d'instructions.

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1 Q. Non, je ne pense pas que ce soit le cas. Vous êtes bien au-dessus de

2 cela.

3 Mais, certainement, Général, vous ne voulez pas quand même créer une

4 équivalence entre le fait que les unités yougoslaves soient en dehors des

5 casernes à des attaques contre la police serbe et les violations du cessez-

6 le-feu, n'est-ce pas ?

7 R. Je n'ai créé pas d'équivalence de cela, ne vous méprenez pas sur ce que

8 je dis. Mais si vous regardez la situation dans laquelle se trouvaient les

9 deux parties, j'essaie simplement de comprendre ce qui se passe de chaque

10 côté. J'ai essayé à l'époque et je suis encore en train d'essayer

11 maintenant de voir qu'une partie, qu'un des côtés a déclenché un incident,

12 et à ce moment-là l'autre partie réagit peut-être de façon maladroite. Si

13 vous regardez ensuite l'échelon suivant, l'escalade, c'est ce dont j'ai

14 parlé plusieurs fois, qui à l'évidence fait que les deux côtés n'étaient

15 pas capables d'avoir la situation, de contrôler la situation.

16 Q. Là encore, j'essaie simplement d'explorer la base factuelle pour

17 certaines de vos conclusions. Ce rapport, incidemment, Mon Général,

18 contient de nombreuses allégations, et je ne sais pas si nous avons le

19 temps de le regarder de façon détaillée, mais il y a de très nombreuses

20 allégations concernant les violations du cessez-le-feu, des meurtres par la

21 police ou de la police, un certain nombre d'enlèvements de Serbes, de

22 civils serbes, un certain nombre de meurtres de collaborateurs, de

23 prétendus collaborateurs, des Albanais. M. Hannis pourra contester cela,

24 mais je ne sais pas s'il le fera, mais en tous les cas le rapport est plein

25 de ce genre de chose. Je voudrais vous poser seulement une question en ce

26 qui concerne ceci, et ceci est à la page 2 de ce rapport.

27 M. SEPENUK : [interprétation] Si l'huissier pouvait simplement retourner.

28 Q. Je voudrais essayer d'abord, avant d'en finir avec cette dépêche, vous

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1 n'avez pas été au courant de cette période qu'il y avait un certain nombre

2 d'enlèvements, de meurtres, pas seulement des forces de sécurité, mais

3 également de civils serbes, et du fait qu'on ait tué des prétendus

4 collaborateurs albanais. Est-ce que ceci vous est parvenu dans votre

5 position à l'OTAN ?

6 R. J'ai appris cela. J'ai appris qu'un grand nombre de meurtres de

7 policiers serbes avaient eu lieu. Je pense que j'ai dit cela dans ma

8 déposition que j'ai faite devant la Chambre et qu'il y a également eu un

9 certain nombre d'événements très fâcheux qui ont eu lieu.

10 Q. Y compris le fait que des civils serbes -- qui comprenaient les civils

11 serbes et des prétendus collaborateurs albanais ?

12 R. Les collaborateurs prétendus, je n'en ai pas parlé. Des serbes civils,

13 bien, c'est assez difficile d'établir une différence très nette, une

14 distinction très nette entre civils et parfois un policier qui est en

15 civil, pour ce qui est de la police. Mais je pense que le point essentiel,

16 c'était qu'il y avait beaucoup de violence et de cruauté commises par les

17 Albanais à l'égard des Serbes dans cette zone.

18 Q. Et leurs compatriotes ?

19 R. Cela, je n'ai rien comme élément de preuve.

20 Q. Vous ne savez pas que des meurtres de l'UCK de collaborateurs albanais,

21 vous n'êtes pas au courant de cela ?

22 R. Nous avons entendu parler de cela, mais ce n'était pas un fait qui

23 revêtait une influence cruciale pour nos délibérations.

24 Q. Est-ce que ce n'était pas un fait qui a été mis à votre connaissance

25 par vos sources de renseignements ?

26 R. Comme je vous l'ai dit, dans le cours des discussions ou des

27 tentatives, il faut essayer d'apprécier quelle était la partie qui avait

28 raison et celle qui se trompait. Les meurtres parmi les Albanais n'étaient

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1 pas un facteur auquel nous attachions une plus haute priorité.

2 Q. Est-ce que vous y aviez attaché une priorité du tout ?

3 R. Nous avons vu que dans cette partie de l'Europe et, malheureusement, un

4 très grand nombre de violence avait eu lieu qui n'avait pas eu lieu dans le

5 reste de l'Europe, qui n'était pas connue dans le reste de l'Europe.

6 Q. Est-ce que ce serait une autre façon de dire qu'effectivement vous

7 étiez au courant de meurtres de collaborateurs albanais ou non ?

8 R. Nous avons entendu parler de cela, mais nous n'avions pas de

9 renseignements qui pouvaient le corroborer.

10 Q. Vous en avez effectivement entendu parler ?

11 R. Nous en avons entendu parler.

12 M. HANNIS : [interprétation] Cette question a été posée plusieurs fois et

13 il y a répondu plusieurs fois, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je ne pense pas qu'à un

15 moment quelconque de ces questions vous aviez dépassé les bornes et nous

16 avons bien ces réponses.

17 Poursuivez, Maître Sepenuk.

18 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Je voudrais maintenant vous poser une question sur ce mémorandum. Il

20 est question à la page 2, vous voyez : "Un nouvel engagement militaire qui

21 est devenu progressivement actif depuis le mois de février, comme ceci est

22 apparent, l'UCK, et d'autres régions, s'est déplacé vers le sud-ouest de

23 Kacanik vers la frontière de la République fédérative de Yougoslavie près

24 de la Macédoine."

25 Il est question d'environ 2 000 personnes qui se auraient quitté Kacanik,

26 qui se seraient enfuies de Kacanik et qui avaient essayé de traverser la

27 frontière de la Macédoine vers la Yougoslavie. D'une façon générale, ce que

28 ce paragraphe dit - tout au moins d'après ce qu'il me semble, Général, et

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1 je vous suggère cela - c'est que l'UCK tentait de fournir une route d'accès

2 pour une invasion de l'OTAN par la terre, par ce secteur de Kacanik-

3 Kotlina. Est-ce que vous avez connaissance de cela ?

4 R. Non. Je n'ai pas connaissance de cela et je peux vous assurer que ce

5 qui est de notoriété publique, Monsieur Sepenuk. C'est que l'OTAN n'a

6 jamais eu l'intention d'attaquer avec des forces terrestres depuis la

7 Macédoine vers le Kosovo.

8 Q. Bien. Est-ce que c'était également l'appréciation de la MVK,

9 l'appréciation de la Mission de vérification de Kosovo ?

10 R. La MVK savait exactement que nous n'avions aucune intention, nous

11 n'avions jamais eu cette intention, et incidemment les dirigeants

12 politiques de l'OTAN à tous les niveaux ont dit et redit maintes fois que

13 nous n'utiliserions pas de forces terrestres.

14 Q. Bien, mais j'ai des renseignements en sens contraire, Monsieur. Je

15 voudrais que vous regardiez la pièce 3D386. Pendant qu'on la présente,

16 c'est une déclaration qui est faite par John Clark, et Christopher John

17 Clark était officier d'opérations de la MVK pour le Kosovo. Sa

18 responsabilité était la gestion et la coordination des patrouilles sur le

19 terrain au Kosovo. Il donnait les missions à ces patrouilles de façon

20 quotidienne.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Si l'huissier voulait bien également passer à

22 la page 8 de ce rapport, je serais reconnaissant, et simplement la vérifier

23 de telle sorte que nous puissions voir les deux dernières lignes. Je vous

24 remercie.

25 Q. Vous remarquerez au début des deux dernières lignes, Général, que ce

26 que dit M. Stewart -- M. Clark dit :

27 "Bien que vers la fin de février ou début mars 1999, les forces de

28 l'UCK s'étaient infiltrées, aient été vues au Kosovo, après qu'elles soient

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1 venues au Kosovo, nous les avons identifiées, nous avons placé une équipe

2 auprès d'eux."

3 Puis, cela se poursuit en disant au bas du paragraphe suivant :

4 "L'appréciation ou l'évaluation de la MVK à ce moment-là était que l'UCK

5 tentait de fournir un accès pour une invasion au sol par l'OTAN par ce

6 secteur."

7 Ce que vous soutenez, c'est que ce que dit cet homme concernant la

8 situation sur le terrain, il n'avait pas compris ? Il s'était trompé ?

9 R. Il était en train de faire une hypothèse concernant quelque chose sur

10 lequel nous n'avions aucune justification du tout, puisqu'il n'y avait

11 aucun plan de l'OTAN de se rendre au Kosovo avec des forces terrestres.

12 Q. Vous n'êtes pas en accord avec cela ? Vous êtes en désaccord avec

13 cela ?

14 R. Je pense que cette déclaration de cette appréciation de la MVK, à mon

15 avis, c'est de la spéculation, une hypothèse qui est totalement infondée,

16 qui ne se base sur rien.

17 Q. Bien. Je vous remercie. Pour finir --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La véritable question, je suppose, est

19 que nous devrons peut-être examiner de savoir si les autorités yougoslaves

20 auraient pu avoir justification, auraient pu être justifiées à se former

21 une idée de ce genre.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas dans quelle mesure cette

23 appréciation, Monsieur le Président, était partagée par les autorités

24 yougoslaves, mais je suppose que c'était le cas, puisque l'OSCE est une

25 organisation assez transparente. Mais,= les autorités yougoslaves savaient

26 depuis tout en haut de la pyramide que les nations de l'OTAN n'avaient

27 aucune intention politique d'aller avec des forces terrestres en

28 Yougoslavie. Ils savaient également qu'on avait explicitement exclu que des

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1 forces terrestres seraient utilisées au Kosovo pour une opération imprévue,

2 une opération de secours.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce type de situation dans

4 laquelle se trouvait l'OTAN, toutefois, est-ce qu'il est commun, habituel,

5 d'annoncer vos intentions de cette manière et de s'attendre à ce que l'on

6 soit cru par les opposants, les adversaires potentiels ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est-à-dire, Monsieur le Président, ce n'est

8 pas commun. Tout ce que je peux dire, en toute sincérité, c'est qu'en tant

9 que militaire, je n'étais pas du tout heureux avec cette déclaration,

10 puisque vous vous rappelez peut-être qu'un célèbre général allemand avait

11 dit une fois que dans un conflit, le meilleur des plans est sans valeur dès

12 que le premier contact avec l'ennemi a eu lieu." C'était Mauker [phon], et

13 je pense que ceci est toujours vrai.

14 De sorte que toute votre planification doit être basée sur la

15 possibilité qu'on soit prêt à faire en sorte qu'une opération militaire

16 aille jusqu'au bout. Nous, les militaires de l'OTAN, nous n'avions pas

17 cette possibilité à partir du moment où les forces terrestres étaient

18 exclues par une décision politique. Nous avions accepté cela.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

20 Maître Sepenuk.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Q. Ce dernier document que je voudrais vous montrer, Général, est le

23 document P641, et c'est une annexe à une déclaration faite par le général

24 Drewienkiewicz, le général DZ, qui est l'objet d'une appréciation des

25 attitudes de l'UCK à la date du 15 mars 1999. C'est environ une semaine ou

26 plus d'une semaine avant que la guerre n'ait commencé.

27 M. SEPENUK : [interprétation] Si l'huissier veut bien mettre la page 3. On

28 voit K0078050. Bien. Si vous pouvez à ce moment-là faire défiler pour qu'on

Page 8299

1 voie le bas de la page, s'il vous plaît. Je vous remercie.

2 Q. Il est question tout d'abord -- je lis avec vous, je ne vois pas, mais

3 c'est assez bref. Ce rapport commence par : "Appréciation ou évaluation des

4 attitudes de l'UCK à la date du 15 mars 1999." Incidemment, il s'agit d'un

5 rapport de David Wilson. Dans la déposition, on montre qu'il était un

6 représentant de l'OSCE, et un autre représentant de l'OSCE, le général,

7 l'UCK, d'un des représentants de la MVK à l'UCK.

8 Il dit : "Leur alliance de commandement," se référant à l'UCK, "et le

9 contrôle de l'état-major général aux commandants de zone et en dessous

10 semblent efficaces de façon générale." Puis, il dit, c'est cela que vous

11 avez devant vous : "Evénements récents." Il parle de Kacanik dans le Kosovo

12 méridional et de l'activité de l'armée serbe dans la région frontalière de

13 Kacanik. "Les combattants de l'UCK se déplacent dans la zone. Ceci a

14 inévitablement conduit à des affrontements avec les forces de sécurité, et

15 éventuellement à un plan, à une opération militaire très appuyée pour les

16 supprimés, les faire partir de cette zone."

17 Il poursuit en disant : "Au cours de la préparation de cette

18 opération, le commandant de la brigade de l'UCK dans ce secteur a refusé de

19 laisser le commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR,

20 d'évacuer les personnes déplacées, les IDP de ce secteur. Ceci a été

21 considéré comme une tentative cynique d'utiliser des civils albanais comme

22 boucliers humains."

23 Il cite un certain nombre d'autres événements concernant le fait que l'UCK

24 aurait gardé prisonnier un soldat serbe.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Si vous regardez à la page suivante, s'il

26 vous plaît, avec l'aide de l'huissier.

27 Q. Garder prisonnier un soldat serbe à la suite d'une embuscade sur les

28 hauteurs de Dulje, des tirs.

Page 8300

1 Il dit : "L'état-major général de l'UCK a admis qu'un employé de la

2 police albanaise avait été arrêté par le service de sécurité de l'UCK parce

3 que c'était un espion, et il a été gardé à leur centre d'information. C'est

4 la première fois que l'UCK a reconnu avoir une unité de police dans

5 l'ensemble de la région qui procède à ce type d'opération. Là encore,

6 l'état-major général n'était pas disposé à reconnaître ceci par rapport aux

7 enlèvements de terroristes et que ce n'était pas à leur bénéfice."

8 Comment est-ce que cette information vous est parvenue, si ce n'est pas

9 sous cette forme ou sous une autre ? Avez-vous entendu parler de cela,

10 Général ?

11 R. Pas de façon détaillée, devrais-je dire, mais ceci correspond plus ou

12 moins à ce que j'ai également dit au procès Milosevic, à savoir que l'UCK a

13 essayé de combler un vide qui s'était créé, plus ou moins, a essayé de le

14 combler avec une autorité semi-territoriale.

15 Q. Maintenant, nous nous trouvons à peu près à une semaine de la guerre,

16 et étant donné le dernier rapport et étant donné que nous avons le

17 témoignage ici du colonel Zyrapi, dont la solution, c'était que la guerre a

18 commencé, l'UCK avait l'avantage de pouvoir se déplacer en procédant à une

19 sorte de guérilla, une sorte d'armée de guérilla par rapport à une armée

20 plus organisée, beaucoup plus forte de quelque 17 000 à 18 000 hommes,

21 combiné, si nécessaire, avec l'avantage qu'a la guérilla de pouvoir faire

22 des opérations d'attaques et de retraits rapides avec l'appui de milliers

23 d'Albanais kosovars.

24 Est-ce que c'est une description qui correspond bien, Général ?

25 R. Je pense que si je regarde les événements qui se sont déroulés, je ne

26 dirais pas que c'est une bonne description. Je considérerais que --

27 Q. Vous êtes en désaccord avec --

28 R. Je pense que --

Page 8301

1 Q. Est-ce que vous connaissez cette personne ?

2 R. Je ne connaissais pas cette personne, mais ceci correspond, enfin,

3 votre déclaration correspond à la théorie selon laquelle certains de l'UCK

4 considéraient l'OTAN comme leur force aérienne. Nous ne nous considérions

5 jamais comme cela.

6 Q. En fait, Général, lorsque je vous ai suggéré ce qui s'était passé ici,

7 c'était que l'accord Holbrooke et ensuite l'accord Naumann-Clark, l'accord

8 Naumann-Clark-Milosevic avait permis à l'UCK, qui se trouvait être soumise

9 à des pressions très fortes à l'automne 1998, de retrouver sa position

10 tandis que les forces yougoslaves se retiraient pour respecter et pour

11 exécuter l'accord au lieu de maintenir, pourrait-on dire, comme l'exigeait

12 la Résolution #1199 du Conseil de sécurité, les forces de l'UCK

13 poursuivaient leur offensive. Les forces yougoslaves répondaient, et c'est

14 pour cela,

15 Général, que la Yougoslavie a été bombardée.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

17 M. HANNIS : [interprétation] Nous n'en avons pas non plus de notre côté,

18 mais j'objecte, je voudrais --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est bien entendu la dernière

20 plaidoirie. Je ne pense pas que vous ayez besoin de répondre à cela,

21 Monsieur Naumann, à moins que vous n'en sentiez particulièrement la

22 nécessité.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à mon avis, ceci est

24 une appréciation de Me Sepenuk qui, à l'évidence, n'est pas partagée par

25 les dirigeants politiques des 16 nations de l'OTAN.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

27 Maître Ackerman.

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie.

Page 8302

1 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

2 Q. [interprétation] Général Naumann, mon nom est John Ackerman. Je

3 représente le général Pavkovic. Je crois que vous ne connaissez pas le

4 général Pavkovic et que vous ne l'avez jamais rencontré; est-ce exact ?

5 R. Non, je ne pense pas le connaître.

6 Q. Je voudrais maintenant que nous parlions de certaines choses que vous

7 avez dites lors de l'interrogatoire principal et lors du contre-

8 interrogatoire que vous venez juste d'achever.

9 Vous avez parlé du fait que l'OTAN n'avait pas de plan en vue d'une attaque

10 terrestre. Est-ce que vous êtes au courant d'un certain nombre d'opérations

11 appelées "arrow" 1 et "arrow" 2, flèche 1 et flèche 2 ?

12 R. Non.

13 Q. Bien. Aujourd'hui, vous nous avez dit que lors d'entretiens avec

14 Milosevic, vous l'avez entendu employer les mots "solution finale". Avant

15 aujourd'hui, vous aviez eu au moins deux possibilités de lire des

16 déclarations, au moins une possibilité de lire votre déposition relatée à

17 Milosevic et d'y apporter des corrections et vous n'avez apporté aucune

18 correction à ce sujet. Il me semble que ce sont là des mots que quiconque a

19 étudié l'histoire du XXe siècle réagirait immédiatement comme étant des

20 mots qui ont pour origine le IIIe Reich et ce qui s'est passé à ce moment-

21 là, ce qui s'y est passé. Je pense que vous êtes d'accord; ce serait

22 particulièrement vrai pour quelqu'un comme le général Clark ?

23 R. Quelle est la question ?

24 Q. Ce terme de "finale", je pense ?

25 R. Je ne sais pas dans quelle mesure le général Clark est au courant de

26 l'histoire européenne comme nous-mêmes, Européens, le sommes.

27 Q. Bien. L'expression "solution finale" est bien connue dans le monde

28 entier, cette expression. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui aurait

Page 8303

1 provoqué une réaction immédiate du général Clark ?

2 R. Pour moi, comme je l'ai dit aujourd'hui, évidemment c'est comme une

3 sonnerie d'alarme, mais je ne sais pas si ceci était vrai pour le général

4 Clark ou non.

5 Q. Bien. Je pense que ceci est vrai pour tout le monde dans cette salle

6 d'audience. Lorsque vous l'avez dit aujourd'hui, vous avez eu une réaction

7 très inquiète de tout le monde aujourd'hui parce que nous avons tous réagi

8 à cela, et je pense que le général Clark aussi aurait réagi --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, Maître Ackerman, cette

10 question en ce qui concerne le témoin, il y a répondu dans la mesure où il

11 le pouvait. La question générale, c'est que vous pouvez présenter vos

12 hypothèses.

13 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Q. Ce que je trouve curieux, Général, c'est que le général Clark ait parlé

15 de cet incident de façon assez détaillée en citant Milutinovic dans ses

16 livres et que ces mots "solution finale" n'y apparaissent pas. Est-ce que

17 vous êtes au courant du fait que --

18 M. HANNIS : [interprétation] Je ne suis pas sûr qu'il ait cité Milutinovic,

19 Monsieur le Président.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, je voulais dire Milosevic. Je

21 voulais dire Milosevic, c'est une erreur. Nous faisons tous des erreurs.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai lu le livre du général Clark. Je sais

23 qu'il ne mentionne pas l'expression "solution finale". Mais étant obligé

24 comme je le suis aujourd'hui, enfin, comme cette procédure a commencé, je

25 ne peux que déclarer quels sont mes souvenirs. Mes souvenirs sont "solution

26 finale", et je regrette d'avoir négligé cela, évidemment, lorsque j'ai lu

27 cette déclaration un peu plus tôt.

28 M. ACKERMAN : [interprétation]

Page 8304

1 Q. Une autre chose dont vous avez parlé brièvement aujourd'hui à la page

2 32, ligne 12, vous avez parlé de l'erreur qui avait été faite en se

3 référant à l'UCK comme étant un groupe de terroristes et comment ceci avait

4 tendance à gêner les possibilités de l'OTAN de s'occuper de cette

5 situation. Je comprends que votre position, c'est que ce n'était pas un

6 groupe de terroristes, mais qu'à cause des positions de l'OTAN, une fois

7 que vous les aviez appelés un groupe de terroristes, à ce moment-là vous

8 vous trouviez pieds et poings liés. Parce qu'en faisant de la politique de

9 non-négociation avec des terroristes, à ce moment-là vous ne pouviez pas

10 leur parler ?

11 R. C'est exact, nous ne pouvions pas leur parler. Ceci n'exclut pas que

12 j'aie été d'accord avec l'appréciation en avril 1998, comme je l'ai dit

13 également devant le Tribunal. Je n'ai jamais considéré l'UCK comme un cœur

14 d'ange.

15 Q. Pour finir, en ce qui concerne la déposition faite aujourd'hui, votre

16 déposition aujourd'hui, en revenant à cette question de ne pas utiliser les

17 forces terrestres de l'OTAN, vous avez dit que malheureusement c'était une

18 décision qui avait été faite à la suite de la discussions des membres de

19 l'OTAN, et je comprends que cette décision avait à voir avec le fait qu'on

20 ne voulait pas risquer des vies des forces terrestres de l'OTAN dans une

21 telle situation.

22 R. Cela, c'est votre appréciation. Les nations au moment de le faire ne

23 nous ont jamais communiqué les raisons pour lesquelles ils avaient pris

24 cette décision.

25 Q. Bien. Je voudrais maintenant vous poser des questions sur différentes

26 questions qui ont trait à l'attitude de l'OTAN à l'égard des problèmes du

27 Kosovo. Je pense vous serez d'accord avec moi pour commencer qu'un Etat

28 souverain a le droit absolu de faire régner l'ordre et la loi à l'intérieur

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1 de ses frontières.

2 R. Je suis tout à fait d'accord.

3 Q. Et qu'un groupe des terroristes ou des insurgés terroristes qui

4 essaient de prendre le pouvoir et de créer une partie indépendante d'un

5 Etat, de créer l'indépendance dans une partie du territoire, violent le

6 droit, la loi, et constituent un objectif légitime des efforts pour

7 rétablir l'ordre et la loi.

8 R. Ceci, je pense, est une appréciation qui vraisemblablement ne pourrait

9 pas être partagée dans tous les cas. Cela dépend beaucoup de l'attitude

10 d'un Etat et de la façon dont il traite ses citoyens. Si un Etat utilise la

11 répression de ses citoyens, ceci peut conduire à des réactions de la part

12 de ces citoyens qui font l'objet de cette répression. Lorsqu'un Etat agit

13 de telle sorte, de cette façon, une façon qui serait illégale, ceci peut

14 être considéré comme des activités terroristes, mais je pense que c'est un

15 débat hautement politique qui peut varier d'un pays à l'autre.

16 Q. Supposons que j'aie raison et qu'il s'agisse d'une insurrection

17 légitime, enfin d'une insurrection de terroristes et qu'un Etat puisse

18 maintenir le droit et l'ordre en essayant de mettre fin à cette

19 insurrection, est-ce qu'il appartient vraiment à cet Etat souverain, avec

20 ses forces et ses unités, les unités qui veulent l'accomplir, de restaurer

21 l'ordre et la loi, que ce soit avec de la police militaire, avec de la

22 police ou des militaires ou une combinaison des deux ? N'est-ce pas vrai ?

23 R. Là encore, Maître Ackerman, nous entrons dans un débat qui, je pense,

24 est une question d'interprétation de la souveraineté nationale qui, très

25 évidemment, n'est plus partagée par les Nations Unies. Si je vois les

26 choses correctement, plus récemment, lorsque nous parlons de la

27 responsabilité de protéger comme faisant partie de l'interprétation moderne

28 de la souveraineté.

Page 8306

1 Mais comme je n'appartiens pas aux juristes internationaux qui

2 doivent juger de cette interprétation moderne de la souveraineté ou non, je

3 pense que nous devrions en rester là. Vous vous êtes référé à une

4 interprétation de la souveraineté qui permet à un chef d'Etat ou à des

5 gouvernements de faire à ses habitants, ses citoyens, ce que le chef d'état

6 veut faire, c'est-à-dire --

7 Q. Vous m'avez mal compris parce que ce n'est pas ce que je suis en train

8 de suggérer.

9 R. Mais tout au moins, je voudrais dire que ce n'est pas ma façon de

10 comprendre la souveraineté nationale.

11 Q. Ce n'est pas la mienne non plus et je regrette que je vous aie induit

12 en erreur à cet égard.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne continuiez sur cette

14 question, peut-être vous attribuez sur la question une insurrection

15 légitime et une action de terroristes ? Je suppose que vous ne vouliez pas

16 dire cela ?

17 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je ne voulais pas dire cela.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je vous remercie.

19 Maître Ackerman.

20 M. ACKERMAN : [interprétation]

21 Q. Ce que je suis en train d'essayer d'établir avec vous, Général, c'est

22 que s'il y a du terrorisme dans un pays ou une insurrection terroriste

23 comme vous l'avez parfois dit, il appartient aux dirigeants de ce pays de

24 déterminer quelle est la combinaison des forces de police ou de forces

25 militaires à utiliser pour supprimer cette insurrection. Je ne suggère pas

26 qu'ils puissent tout simplement commencer à exterminer tout le monde à

27 droite et à gauche, des civils et tout le reste. Je parlais des forces

28 qu'ils peuvent utiliser du fait que cela dépend de cette --

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1 R. Pour autant qu'ils agissent de façon qui respecte les normes établies

2 du droit international et aussi longtemps que l'on réponde de façon

3 proportionnée, à ce moment-là j'aurais tendance à être d'accord avec vous.

4 Q. Ce serait approprié lorsque vous avez un type d'insurrection de

5 terroristes d'utiliser des forces militaires pour réaliser ces objectifs,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Cela dépend de chaque Etat. C'est une décision que chaque Etat doit

8 prendre individuellement. Ceci dépend aussi beaucoup du type de forces

9 qu'un tel Etat a à sa disposition. Dans de nombreux cas, les forces de

10 police pourraient être suffisantes.

11 Q. Ce que je viens de vous suggérer, c'est pratiquement les mots précis

12 que vous avez utilisés dans un discours que vous avez fait en Israël le 12

13 septembre 2005, en ce qui concerne l'utilisation de forces militaires pour

14 combattre le terrorisme, n'est-ce pas ?

15 R. Je ne sais pas de quel discours vous voulez parlez. Je ne sais pas si

16 vous êtes en train de sortir les choses de leur contexte. Je n'appartiens

17 pas à ces personnes qui pensent que les forces militaires sont l'instrument

18 qui convient pour combattre le terrorisme.

19 Q. C'est un discours que vous avez fait à Herzelia en Israël en 2005. Vous

20 devez sûrement vous en souvenir, d'avoir fait ce discours ?

21 R. Je m'en souviens.

22 Q. Vous avez dit dans ce discours : "Les militaires doivent être prêts à

23 appuyer la police pour combattre le terrorisme lorsqu'ils sont appelés à le

24 faire."

25 R. Hm-hm.

26 Q. Bien.

27 R. Oui, je n'ai pas le moindre problème avec cette déclaration. Pour

28 appuyer les forces de police pour combattre le terrorisme, c'est quelque

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1 chose de tout à fait normal. Si vous imaginez qu'on a -- et je me référais

2 à la situation dans mon propre pays, à savoir si une attaque terroriste

3 pouvait être lancée, il y avait également été question d'utilisation de

4 l'aviation. Les forces de police allemandes ne sont pas équipées pour

5 traiter d'avions qui attaqueraient. Dans de tels cas, conformément à notre

6 droit, l'Etat serait en droit de demander aux militaires d'appuyer la

7 police pour défendre le pays.

8 Q. Vous n'avez rien dit de ce genre dans le discours que vous avez fait.

9 Ce n'est qu'aujourd'hui que vous dites cela ?

10 R. Non.

11 Q. Là, vous étiez en train de parler -- le titre de votre discours,

12 c'était : du bon usage des militaires pour combattre le terrorisme. C'est

13 de cela que vous avez parlé, de l'utilisation des militaires pour combattre

14 le terrorisme. Vous n'avez pas parlé d'attaques aériennes ?

15 R. Pourriez-vous, s'il vous plaît, mentionner que j'ai dit --je pense que

16 vous avez parlé d'en appui de la police, du fait d'appuyer la police.

17 Q. Certainement, j'ai précisément cité cela. Je pense que c'était juste à

18 votre égard.

19 R. [aucune interprétation]

20 Q. Je voudrais vous parler de votre point de vue de ce qui est et de ce

21 qui n'est pas un objectif militaire légitime. Je pense que vous serez

22 d'accord pour une situation dans laquelle les activités terroristes se

23 déroulent plus particulièrement dans le type d'une insurrection de

24 terroristes, dont vous avez parlé en Israël, que si des tirs sont dirigés

25 contre vos forces à partir d'un bâtiment, à ce moment-là ce bâtiment

26 devient un objectif militaire légitime.

27 R. Pas nécessairement, Maître Ackerman. Si les forces de police sont

28 suffisantes pour faire face à ce type de menace, à ce moment-là il n'est

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1 pas nécessaire d'inclure les militaires dans cette opération.

2 Q. Bien, enlevons le mot militaire. Cela devient simplement un objectif

3 légitime, n'est-ce pas ?

4 R. Cela devient un objectif légitime, cela, c'est d'accord. A ce moment-

5 là, la question est de savoir ce qui est proportionné à la menace et ce qui

6 ne l'est pas.

7 Q. Nous allons y venir, vous pouvez me croire, nous allons y venir. Vous

8 êtes d'accord que ceci serait vrai si un bâtiment devenait un objectif,

9 s'il était utilisé comme un endroit d'où on pouvait diriger des tirs contre

10 vos soldats, même si c'était une mosquée ou une église ?

11 R. Bien entendu, je dois être d'accord, sans cela je renierais tous les

12 principes que nous avons utilisés pour légitime défense tout au long de ma

13 vie.

14 Q. Alors qu'en est-il si ce bâtiment, plutôt que d'être utilisé pour

15 diriger les tirs sur vos forces, il y avait simplement quelqu'un qui tenait

16 un émetteur-récepteur et donnait des renseignements concernant

17 l'emplacement de vos forces et dirigeait les tirs d'un autre endroit ? Est-

18 ce que cela devient un objectif légitime, à ce moment-là ?

19 R. D'un point de vue juridique, vraisemblablement, oui.

20 Q. S'il s'agit d'un bâtiment qui n'a pas de personnel militaire du tout,

21 mais il s'agit de civils qui sont en train de transmettre des

22 renseignements militaires en ce qui concerne les forces opposées ?

23 R. Il pourrait être très difficile d'établir quelle serait exactement la

24 situation de telle façon que l'on puisse justifier l'utilisation d'une

25 force létale.

26 Q. C'est possible. C'est tout à fait possible. Nous pourrons probablement

27 parler encore de cela un peu plus tard. Maintenant, je crois que vous serez

28 d'accord pour que nous revenions au premier exemple, à savoir d'un bâtiment

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1 à partir duquel des tirs sont dirigés contre vos forces. Il serait

2 approprié d'attaquer ce bâtiment avec des forces d'infanterie classiques et

3 d'envoyer ces forces à ce bâtiment pour se débarrasser du tireur. Ce serait

4 une façon de le faire, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, cela serait une façon.

6 Q. Ceci mettrait certainement en danger les vies de ces forces qui

7 seraient envoyées là-bas vers ce bâtiment dans la mesure où ils

8 deviendraient eux-mêmes des cibles pour ceux qui tirent sur eux ?

9 R. Ceci pourrait avoir lieu, effectivement.

10 Q. Une autre façon d'attaquer ce bâtiment et cette personne qui tire à

11 partir de ce bâtiment serait de tirer avec des pièces d'artillerie sur ce

12 bâtiment, n'est-ce pas ?

13 R. Je pense que dans un tel cas où on n'aurait pas des informations très

14 fiables, ce serait probablement une façon assez disproportionnée de réagir

15 à cela.

16 Q. Bien. Pour se fonder sur des renseignements, vous avez des gens qui

17 vous tirent dessus qui sont dans ce bâtiment. Si vous ne pouvez pas faire

18 tirer votre artillerie sur ce bâtiment à ce moment-là, comment est-ce

19 qu'une bombe de l'OTAN lâchée à 15 000 pieds en théorie, comment pourrait-

20 on sauver la vie de leur pilote en faisant cela ? C'est quelque chose de

21 légitime dans un cas et dans l'autre pas ?

22 R. La question de la légitimité de l'action de l'OTAN au Kosovo était une

23 question qui a fait l'objet d'enquête internationale de variétés diverses.

24 Pour autant que je puisse m'en souvenir, la légitimité de l'action de

25 l'OTAN n'a jamais été remise en question.

26 Q. Bien. Cela, c'était le point de ma question. Cela va bien que l'OTAN

27 puisse bombarder à partir de 15 000 pieds pour protéger la vie de leur

28 pilote ? Pourquoi est-ce que ce ne serait pas le cas pour que de

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1 l'artillerie à un kilomètre de là puisse protéger les vies de vos soldats ?

2 R. Nous n'avons pas bombardé à partir de 15 000 pieds pour protéger la vie

3 de nos pilotes. Nous avons utilisé des avions militaires contre des

4 objectifs militaires de façon à obliger au respect du droit international,

5 de façon à faire que les hostilités prennent fin et de permettre le retour

6 de près d'un million de personnes qui avaient été expulsées de chez eux. Je

7 pense qu'il y a là une légère différence.

8 Q. Pourquoi est-ce que l'OTAN a expliqué à des personnes qui étaient

9 intéressées à cela comment ils ont bombardé à 15 000 pieds, que c'était

10 pour garder leurs pilotes pour faire qu'ils ne soient pas la cible de

11 missiles et de tirs antiaériens ? Pourquoi aurait-on expliqué cela si ce

12 n'était pas la raison ?

13 R. Je ne sais pas ce que vous êtes en train de citer. Dans nos

14 délibérations du côté militaire de l'OTAN, cet aspect que vous venez juste

15 de mentionner n'était pas un élément décisif.

16 Q. Bon, je vais probablement retrouver ceci et si je ne réussis pas à

17 terminer aujourd'hui, certainement je pourrais vous dire de quoi il s'agit

18 dans la matinée. Si vous aviez la capacité, disons qu'il y a plusieurs

19 bâtiments à partir desquels des personnes sont en train de diriger les tirs

20 contre vos soldats, si vous aviez la capacité d'avoir une frappe aérienne,

21 ce serait d'accord ? Est-ce que cela conviendrait ?

22 R. Vous êtes en train de parler d'une opération terrestre dans laquelle

23 vous demandez un appui aérien ?

24 R. Oui, dans ce cas.

25 Q. Ce cas n'a aucune ressemblance avec la campagne au Kosovo dont nous

26 parlons puisque l'OTAN n'a pas engagé de forces terrestres.

27 Q. Mais je veux parler du point de vue technique.

28 R. Mais vous êtes en train de parler d'un cas hypothétique --

Page 8312

1 Q. Oui.

2 R. -- les forces terrestres allaient combattre d'autres forces terrestres.

3 A ce moment-là, il serait légitime de demander un appui aérien. C'est ce

4 que nous faisons tous.

5 Q. Est-ce que c'est une opération légitime dans une opération militaire,

6 n'est-ce pas, d'essayer de poursuivre cette opération d'une façon qui

7 protège la vie de vos propres soldats et de vos propres forces ?

8 R. Oui, si c'est bien la façon dont je comprends les choses, la façon dont

9 les pays de l'OTAN comprenaient les choses à l'époque, il faut faire tout

10 en sorte pour protéger ses propres forces. Mais nous avions toujours à

11 l'esprit aussi l'objectif d'essayer de réduire les dégâts qui seraient

12 infligés aux personnes, aux ressortissants du pays dans lesquelles les

13 opérations militaires sont en train de se tenir.

14 Q. La protection des personnes dans la mesure du possible, il aurait sans

15 doute -- préférait faire une campagne de frappe aérienne en rase-mottes

16 plutôt que de bombarder le pays à l'aide de bombes à fragmentation qui

17 étaient lancées de 15 000 pieds ?

18 R. Oui, vous n'avez sans doute jamais volé en rase-mottes, sinon je pense

19 que vous ne diriez pas cela du tout. Il est beaucoup plus facile de diriger

20 son tir avec précision en altitude de 10 000 pieds que si on est en rase-

21 mottes parce que là, c'est très difficile d'identifier les cibles. Il

22 faudrait essayer que vous pilotiez un jour, puis vous pourriez ainsi, je

23 pense, modifier votre déclaration. Vous devriez essayer de voler à 15

24 mètres au-dessus du sol, et vous verriez, cela fait une grande différence.

25 Q. Oui, mais je ne suis pas en train de dire qu'il fallait faire du rase-

26 mottes à 15 mètres du sol, sauf qu'il aurait peut-être été préférable que

27 le pilote puisse vérifier sa cible avant de la détruire.

28 R. Mais il doit le faire même s'il est à 15 000 pieds.

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1 Q. Mais il ne voit rien.

2 R. Oui, mais il a d'autres façons, il a beaucoup d'autres moyens dans le

3 cockpit qui lui permettent de savoir exactement où est la cible, qui lui

4 permettent d'atteindre sa cible avec énormément de précision.

5 Q. On va y venir, on va y venir. Poursuivons. Etes-vous d'accord avec la

6 déclaration suivante, je cite : "Une cible légitime est une cible qui

7 permet effectivement de contribuer à la réussite d'une action militaire et

8 dont la destruction partielle ou totale, dont la capture ou la

9 neutralisation dans les circonstances qui règnent à l'époque, permettent

10 d'obtenir un avantage militaire essentiel" ?

11 R. J'accepte la question en principe, mais il faut quand même envisager la

12 question de proportionnalité.

13 Q. Vous êtes d'accord avec moi quand je vous dis que la question de la

14 proportionnalité correspond à la détermination de la façon d'appliquer

15 justement la force ?

16 R. C'est exactement cela, en effet.

17 Q. Par exemple, si vous décidez d'attaquer un camp de réfugiés parce que

18 les gens sont en train de tricoter des chaussettes pour l'armée, cela c'est

19 parfaitement disproportionné, n'est-ce pas ?

20 R. Il ne faut pas imaginer que l'on attaque délibérément un camp de

21 réfugiés.

22 Q. En revanche, si vous êtes en train d'attaquer un entrepôt de munitions

23 et que malheureusement il y a un fermier qui est en train de labourer son

24 champ juste à côté et qu'il est tué dans l'attaque, il y avait quand même

25 une cible légitime et le malheureux fermier n'est qu'un dommage collatéral,

26 n'est-ce pas ?

27 R. Monsieur Ackerman, en effet, il est tout à fait légitime d'attaquer un

28 entrepôt de munitions, et les dégâts collatéraux, en effet, interviennent,

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1 mais les personnes responsables des opérations militaires sont toujours

2 extrêmement désolées de tout dommage collatéral qui pourrait être infligé.

3 Malheureusement, on ne peut pas les exclure. C'est comme cela. Quand on

4 regarde les statistiques de la campagne aérienne au Kosovo, on voit que les

5 dommages collatéraux ont été très faibles et que de nombreux observateurs

6 indépendants étaient d'accord et ont témoigné d'ailleurs pour dire que

7 l'OTAN a fait tout ce qui était en son possible pour éviter un maximum de

8 dommages collatéraux.

9 Q. Oui, mais il faudrait que nous en parlions. On va y venir. Vous voulez

10 parler de statistiques ? Croyez-moi, je vais vous trouver les statistiques.

11 Malheureusement j'ai perdu ma page. Ce n'est d'ailleurs pas moi qui l'ai

12 perdue, c'est mon assistant qui a perdu ma page.

13 Etes-vous d'accord avec les statistiques suivantes, et je cite : au

14 cours de la campagne des bombardements, les avions de l'OTAN ont effectué

15 38 400 sorties et 10 000 et quelques sorties de frappe. Au cours de ces

16 frappes aériennes, 23 614 munitions aériennes ont été larguées et 500

17 civils environs ont été tués. Connaissez-vous ces statistiques ?

18 R. Oui, je les connais. Tout ce que je puis vous dire, c'est que 500

19 civils, c'est 500 de trop.

20 Q. Voilà, nous sommes tous d'accord, bien sûr. Mais maintenant, en parlant

21 de ces deux exemples parfaitement extrêmes, les fameux réfugiés qui

22 tricotent des chaussettes pour les soldats et l'attaque sur un entrepôt de

23 munitions, je voulais vous donner une illustration assez extrémiste où,

24 d'un côté, j'ai un objectif légitime, et un autre, une cible non légitime.

25 Malheureusement, rien n'est blanc et noir, on est toujours un peu dans le

26 gris comme --

27 R. Non, je ne suis pas d'accord avec votre évaluation, je ne suis pas

28 d'accord avec vous quand vous dites que tout est à peu près gris. Ce n'est

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1 pas vrai qu'on est toujours dans le milieu, ce n'est pas vrai.

2 Q. Bien, il faudrait qu'on y revienne dans ce cas-là. Etes-vous d'accord

3 avec autre chose ? Je cite : "Il est beaucoup plus facile de formuler le

4 principe de proportionnalité en théorie que de l'appliquer en pratique

5 parce que les circonstances qui existent sont souvent des comparaisons de

6 quantité qui ne peuvent pas vraiment être comparées. On ne peut pas évaluer

7 la valeur d'une vie humaine par rapport à un objectif militaire et de

8 l'utilité de la capture d'un objectif militaire." Vous êtes en accord avec

9 moi ?

10 R. Je ne suis pas absolument sûr avec cette généralité. Il est extrêmement

11 difficile d'appliquer le principe de proportionnalité; cela, c'est certain.

12 Q. Très bien. Une caserne militaire hébergeant les soldats ennemis où,

13 bien sûr, il y aussi énormément de civils qui travaillent aussi pour

14 fournir la logistique, pour faire la cuisine, pour être dans les

15 buanderies, et cetera, ne signifie pas que cette caserne n'est plus une

16 cible uniquement parce qu'il y a des non-combattants qui se présentent à la

17 caserne ?

18 R. C'est un établissement militaire, donc une caserne militaire est bel et

19 bien une des cibles qui peut être attaquée. Mais là encore, il faut prendre

20 en compte les dommages collatéraux non nécessaires et il faut bien entendu

21 éviter au maximum d'infliger des dommages collatéraux non nécessaires.

22 Q. Je crois bien. Bien sûr, nous sommes dans un monde asymétrique, et

23 maintenant des terroristes vont établir des semblants de casernes dans des

24 zones civiles, où il y a des civils au Kosovo, par exemple. Ce sont ces

25 fameux hameaux familiaux qui ont servi dans ce but. Donc, ils y dorment la

26 nuit, par exemple, ils y mangent, mais en pratique c'est une caserne. C'est

27 donc une cible légitime, n'est-ce pas ?

28 R. Je ne me souviens pas de cible qui ressemble à ce dont vous avez parlé.

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1 Lors de la campagne de l'OTAN, nous n'avons jamais ciblé ce type

2 d'établissement.

3 Q. Mais une décision d'attaquer un type de cible comme cela dont j'ai

4 parlé, donc ce hameau où se cachent des terroristes, doit être basée sur

5 des renseignements, sur une surveillance pour savoir exactement quelles

6 sont les conditions qui y règnent. Vous êtes d'accord avec moi sans doute

7 pour dire que le commandant dans cette situation doit faire de son mieux

8 pour obtenir les informations les plus fiables possibles avant d'agir ?

9 R. Oui, et j'imagine que c'est votre opinion.

10 Q. Mais la question la plus importante, c'est la mesure dans laquelle le

11 commandant militaire doit mettre, doit exposer au danger ses propres forces

12 pour limiter les victimes civiles et les dommages infligés aux civils ?

13 C'est une question très importante que tout commandant doit se poser, bien

14 sûr ?

15 R. Tout à fait.

16 Q. Prenons l'hypothèse --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, vous avez déjà fait

18 remarquer qu'ici, dans cette procédure, le problème, c'est le manque de

19 temps. Passer en revue toutes sortes d'hypothèses, toutes sortes de

20 problèmes qui font l'objet d'interprétation juridique ne semble pas être la

21 meilleure façon d'utiliser le témoin que nous avons dans le prétoire, alors

22 qu'il y a énormément de situations de fait que l'on pourrait étudier parce

23 que ce sont des situations dont il a eu une connaissance directe dans le

24 cadre de son travail. Ce serait bien quand même qu'on en arrive directement

25 au sujet.

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Mais j'y arrive, j'y arrive, Monsieur le

27 Président, mais je tiens à vous dire qu'à mon avis, la partie la plus

28 essentielle du témoignage de ce témoin, c'est qu'à son avis, l'action des

Page 8317

1 forces serbes était disproportionnée par rapport à la situation sur le

2 terrain. C'est un problème juridique, c'est de droit, ici. Il faut savoir

3 ce qui est disproportionné et ce qui ne l'est pas. Je pense que je peux

4 entrer dans les hypothèses pour savoir ce qui est disproportionné, comment

5 définir une riposte disproportionnée et avoir son opinion là-dessus.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais puis-je vous donner un exemple,

7 un exemple qu'on n'a pas encore pris en compte, en tout cas pas encore ? A

8 Racak, par exemple, vous pourriez tout simplement donner les faits de Racak

9 au général, du point de vue serbe en tout cas, et voir son opinion.

10 Pourquoi est-ce que vous êtes en train de tourner autour du pot avec vos

11 hypothèses, alors que vous avez toutes sortes d'exemples qui existent, qui

12 sont extrêmement pertinents et qui vous permettraient d'avoir son

13 témoignage ? Le témoin n'est pas ici en tant que témoin expert.

14 M. ACKERMAN : [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Son témoignage n'est utile que par

16 rapport aux points qu'il a vécus de façon personnelle.

17 M. ACKERMAN : [interprétation] Si la Chambre est prête à ignorer son point

18 de vue selon lequel certaines de ces attaques étaient une riposte

19 disproportionnée, et ce, parce qu'il n'est pas un expert, dans ce cas-là je

20 n'ai plus rien à lui dire.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il y a quand même énormément de

22 faits dont il pourrait nous parler. Vous devriez peut-être le confronter

23 avec tout cela parce que jusqu'à présent, nous n'avons absolument rien eu à

24 ce propos.

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense que ma question suivante va

26 répondre à votre demande puisque nous allons maintenant rentrer dans le vif

27 du sujet. C'est une hypothèse, certes, mais vous allez voir à quoi je fais

28 allusion, Messieurs et Mesdames les Juges.

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1 Q. Imaginez que vous êtes un commandant. Vous avez des informations comme

2 quoi dans un village, il y a énormément d'ennemis qui sont cantonnés. Vous

3 avez décidé d'attaquer ce village, mais vous savez qu'il y a des civils

4 dans ce village, donc pour épargner les civils, vous commencez par tirer à

5 l'artillerie au-dessus du village dans l'espoir de faire peur aux civils

6 pour que les civils quittent le village, donc sauvent leur vie, sauvent

7 leur peau, si je puis dire.

8 Est-ce qu'à votre avis, c'est une façon correcte de procéder ?

9 R. Non. Non, ce n'est pas une façon correcte de procéder, si j'étais

10 commandant militaire et si je me retrouvais dans cette situation. Mais si

11 je le puis, Monsieur le Président, j'aimerais faire deux remarques bien

12 générales avant de répondre à la question de M. Ackerman. Tout d'abord,

13 quand je parle de l'utilisation proportionnelle de la force, je fais

14 référence à une évaluation, une évaluation à laquelle est arrivé le Conseil

15 de l'OTAN après avoir étudié la situation. C'est un accord auquel sont

16 arrivés les 16 pays membres de l'OTAN. Il n'y a pas que moi en tant que

17 personne qui parle. Là, c'est l'OTAN, le Conseil de L'OTAN.

18 Deuxièmement, pour ce qui est de clarifier le rôle du président du comité

19 militaire dans la sélection des cibles, je ne sais pas. Ma mission et celle

20 du général Clark étaient de sélectionner des cibles individuelles. Ma

21 mission était de donner des conseils au général Clark pour lui dire : cette

22 catégorie de cibles est approuvée par le Conseil de l'OTAN, et de suivre

23 ensuite s'il ne débordait pas de ces lignes directrices qui lui avaient été

24 données. Je n'ai jamais étudié les cibles individuellement, à moins qu'on

25 en arrive à un moment où il y avait un risque important de dommages

26 collatéraux.

27 Pour vous donner un exemple, puisque j'ai l'impression que vous aimez

28 beaucoup les exemples, le général Clark, à un moment, est venu me voir. Il

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1 voulait que l'on bombarde le QG de la police au centre de Belgrade, donc le

2 commissariat central dans Belgrade. Je pense qu'il avait une justification

3 tout à fait correcte pour faire cela. C'est la seule fois que j'ai été

4 vraiment impliqué dans un ciblage bien particulier. Je lui ai dit : à quoi

5 ressemble la cible, et pouvez-vous nous dire quels sont les environs ? Je

6 ne veux pas qu'il y ait de dommages collatéraux. Dites-moi combien de

7 munitions vous allez employer pour atteindre votre but tactique.

8 Alors, il m'a donné toutes ces informations, et je lui ai dit : non, sur la

9 base de ces informations, je ne recommanderai pas au secrétaire général de

10 l'OTAN de vous donner le feu vert pour cette opération, car le risque de

11 dommages collatéraux infligés à l'hôpital de Belgrade est beaucoup trop

12 important. Donc, retournez à la table à dessein, recommencez avec vos

13 objectifs de ciblage et essayez de me trouver une autre solution où le

14 risque sera réduit. C'est la seule fois, Monsieur Ackerman, où j'ai étudié

15 de près une cible individuelle. Sinon, je n'étais là que pour m'assurer que

16 l'on restait uniquement dans les limites qui nous avaient été autorisées

17 par les politiques et m'assurer qu'il n'y aurait pas de débordement.

18 Q. Merci. Tout d'abord, je tiens à dire que nous sommes tous

19 reconnaissants d'avoir pris la bonne décision.

20 R. Oui. Le bâtiment a bel et bien été bombardé finalement, mais il n'y a

21 pas eu de dommages collatéraux. En effet, je trouve que c'est une bonne

22 chose.

23 Mais pour répondre à votre question maintenant, dans la situation que vous

24 avez décrite, je pense que l'utilisation de l'artillerie dans une situation

25 comme cela, en tant que première réaction, serait disproportionnée.

26 Q. Oui, mais pourtant ce n'est pas dirigé contre une cible puisqu'il tire

27 en l'air.

28 R. Si vous ne pouvez pas neutraliser un objectif dans une situation comme

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1 cela, il faudrait utiliser plutôt les forces d'infanterie d'abord et

2 attaquer le village, attaquer le village à l'aide de l'infanterie, parce

3 que les cibles dont vous avez parlé ne demandent absolument pas que l'on

4 engage l'artillerie et les chars. Alors nous avons peut-être une

5 compréhension tout à fait différente de la proportionnalité.

6 Q. Mais comment protégez-vous les civils dans ce cas si vous savez que les

7 insurgés sont en civil, déposent leurs armes dès qu'ils voient un

8 militaire ? On n'arrive plus à faire la différence entre un civil et un

9 militaire.

10 R. Oui, c'est difficile. Cela, je suis d'accord avec vous. Mais quand

11 j'étais étudiant au Collège royal des hautes études de la défense à

12 Londres, ils nous ont emmenés dans leur camp d'entraînement où ils

13 s'entraînaient pour l'insurrection en Irlande du Nord. Il y avait

14 exactement ce type de situation.

15 Nous, on faisait des patrouilles individuellement avec des tirs. Ce

16 n'étaient pas des balles à blanc, c'étaient de vraies balles. Chacun de

17 nous qui a atteint un civil échouait l'examen, n'avait pas la moyenne, donc

18 je tiens à vous dire qu'on peut éduquer ces soldats pour éviter d'infliger

19 des dommages collatéraux et on punit ceux qui font des erreurs.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est du bombardement dont

21 nous parlions précédemment, donc le bombardement du commissariat central de

22 Belgrade, qui avait l'autorité pour prendre la décision de lancer

23 l'attaque ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur le Président, puisque

25 c'était l'une des premières attaques sur le centre de Belgrade, il fallait

26 que le feu vert vienne du secrétaire général.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela a dû être un accord --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Un accord politique, au niveau politique.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'accord a été donné contrairement à

2 l'avis que vous aviez donné ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, non, ils se sont basés sur les conseils

4 que j'ai donnés.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Maître Ackerman.

7 M. ACKERMAN : [interprétation]

8 Q. Revenons-en à ce village que vous attaqueriez visiblement plutôt à

9 l'aide de l'infanterie, au départ. D'après vous, quel est le nombre maximum

10 de pertes que vous vous autoriseriez avant de modifier votre tactique ?

11 Combien de soldats allez-vous sacrifier avant de décider d'utiliser

12 l'artillerie ?

13 R. Monsieur Ackerman, c'est encore une décision qu'on ne peut pas prendre

14 dans un scénario hypothétique. Il faut voir ce qui arrive sur le terrain.

15 Q. C'est exactement là que je veux en venir.

16 R. Le but est toujours de protéger les vies humaines et le maximum de vies

17 humaines, en plus des deux côtés délibérément.

18 Q. J'imagine, dans une situation où on pouvait avoir, mettons, un

19 mégaphone, en disant : civils, civils, quittez la ville, on va commencer à

20 tirer sur les troupes qui sont dans la ville. C'est peut-être une autre

21 solution peut-être pour protéger les civils.

22 R. Oui, cela a été fait en guerre. Cela arrive tout le temps.

23 Q. Oui, mais si on fait cela, après les civils peuvent venir ici dans ce

24 prétoire et dire : ils m'ont dit que si je ne quittais pas le village, ils

25 me tueraient.

26 R. Vous voulez dire les gens ?

27 Q. Oui, les gens dont vous essayez de sauver les vies. Cela pourrait

28 arriver, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, en effet, cela pourrait arriver.

2 Q. Si une unité militaire, quelle qu'elle soit, décide de prendre un

3 bâtiment civil ou un hameau civil comme il y en avait au Kosovo ou il y en

4 a encore au Kosovo, d'ailleurs, les forces militaires ne sont-elles pas

5 obligées tout d'abord de faire partir les civils de cette enceinte afin de

6 les protéger, donc afin qu'ils ne soient pas utilisés comme bouclier

7 humain, n'est-ce pas ?

8 R. De toute façon, l'utilisation de bouclier humain, à mon avis, ne peut

9 jamais être tolérée. Il n'y a aucune situation qui autorise l'emploi de

10 bouclier humain, à mon avis.

11 Q. Très bien.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Pensez-vous maintenant, Monsieur le

13 Président, qu'il serait temps de lever la séance pour la journée, puisqu'il

14 est 18 heures ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En effet, je pense que le moment est

16 venu de lever la séance. Je suis juste en train de relire la dernière

17 question. Vous n'allez pas poursuivre, peut-être, à propos de la conduite

18 appropriée qui devrait être adoptée par la force militaire adverse s'il ne

19 se passe rien ?

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je pense que je ne vais pas poursuivre.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

22 Dans ce cas-là, nous avons épuisé tout le temps d'audience. Monsieur

23 Naumann, nous reprendrons demain à 9 heures du matin. Monsieur le Général

24 Naumann, il est très important que vous ne parliez à personne pendant la

25 nuit de votre déposition que vous avez faite et que vous vous apprêtez à

26 faire demain. Vous pouvez parler d'autre chose, mais absolument pas de

27 votre déposition. Je vous souhaite une bonne nuit et nous reprendrons donc

28 à 9 heures demain matin. Vous pouvez quitter le prétoire escorté de

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1 l'huissier.

2 [Le témoin se retire]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est de la durée des

4 contre-interrogatoires, je pense que nous ne sommes plus du tout dans les

5 temps. Pour ce qui est du contre-interrogatoire, sachez qu'il faut

6 absolument que les contre-interrogatoires se terminent dans les délais qui

7 vous ont été impartis même si vous allez avoir beaucoup de mal pour cela.

8 De toute manière, nous reprendrons demain.

9 --- L'audience est levée à 18 heures 03 et reprendra le jeudi 14 décembre

10 2006, à 9 heures 00.

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