Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 19 février 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

6 Avant d'entendre les témoins de ce jour, j'aimerais que nous passions

7 rapidement à huis clos partiel pour évoquer une question précise.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

9 [Audience à huis clos partiel]

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24 [Audience publique]

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin que nous devons entendre ce

27 matin, le Dr Baccard, est un témoin dont l'annonce de l'audition a entraîné

28 le dépôt par le conseil de Me Lukic d'une requête aux fins d'exclusion des

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1 éléments de preuve fournis par ce témoin de son rapport et de sa

2 déposition, parce que cela sort du cadre couvert par l'acte d'accusation.

3 Il y a quatre éléments qui sont évoqués dans cette requête. L'Accusation a

4 eu la possibilité de répondre avant ce matin et elle a décidé de ne pas

5 répondre.

6 Ceci ne met pas forcément un terme à cette question, Monsieur Stamp. Est-ce

7 que vous souhaiteriez répondre à cette requête selon laquelle quatre des

8 domaines abordés par le Dr Baccard ne correspondent pas à l'acte

9 d'accusation ?

10 M. STAMP : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à la requête.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On arrive bien à déterminer de quel

12 document il s'agit. C'est un peu plus difficile pour ce qui est du

13 témoignage même du témoin. Ce que je propose que nous fassions dans les

14 jours à venir, c'est de déterminer les passages concernés.

15 Ceci peut se faire à l'amiable. Vous pourriez trouver ces passages et

16 nous indiquer à quel document cela fait référence, mais cela nous semble

17 assez facile finalement, la question des documents, n'est-ce pas ?

18 Maître Ivetic.

19 M. IVETIC : [interprétation] Oui, effectivement. Mais j'ai malheureusement

20 autre chose à dire. En examinant les documents joints, j'ai remarqué que la

21 pièce P206 évoquait quatre sites supplémentaires qui ont fait l'objet d'un

22 examen médico-légal. Il s'agit de Brusnik, Nevoljane, Skenderaj et

23 Mitrovica Sovido. Cela ne figurait pas dans ma requête mais ce sont

24 également des sites qui ne sont pas mentionnés dans l'acte d'accusation et

25 qui ne font l'objet d'aucune déclaration de témoin.

26 Je voudrais simplement signaler à l'Accusation que j'estime qu'il faut

27 également exclure ces sites-là. Pour l'instant, j'ai réussi à déterminer de

28 quels documents précis il s'agissait. Je pense que M. Stamp et moi-même,

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1 nous pouvons en arriver à nous mettre d'accord sur les parties du

2 témoignage qui porte sur cette question. Cela permettrait même d'éviter

3 d'aborder ces points-là pendant l'interrogatoire principal et pendant le

4 contre-interrogatoire. Je pense que c'est tout à fait faisable. Je vais

5 m'interrompre ici parce qu'il y a encore deux autres éléments que je

6 souhaite évoquer.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que votre requête écrite

8 délimite la totalité de votre objection.

9 M. IVETIC : [interprétation] Oui, avant que je ne consulte mes collègues et

10 que j'examine les documents qui ont été utilisés pour préparer le rapport.

11 J'ai un certain nombre d'objections techniques. Je pourrais les évoquer

12 maintenant.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On va d'abord évoquer ce que vous avez

14 mentionné en premier lieu.

15 Il semble, Monsieur Stamp, que l'on vous signale qu'il y a une partie

16 du document P206 qui traite de quatre autres sites qui ne figurent pas dans

17 l'acte d'accusation.

18 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre tout

20 de suite à cette question, Monsieur Stamp ?

21 M. STAMP : [interprétation] Nous n'allons pas nous appuyer sur ces éléments

22 de preuve parce que certaines équipes médico-légales se sont rendues sur de

23 nombreux sites et ont préparé des rapports pour chacun de ces sites. Nous

24 n'allons pas les évoquer nous-mêmes pendant l'audition du témoin.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 Maître Ivetic, autre chose.

27 M. IVETIC : [interprétation] Premièrement, il y a certaines parties des

28 pièces P206, P207 et P208, je pourrais même vous dire précisément de quoi

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1 il s'agit. Cela a trait au début de chacun des documents consacrés à ces

2 sites. Une partie du texte qui s'intitule "Faits", et c'est une version des

3 événements tels qu'ils sont présentés par les enquêteurs du bureau du

4 Procureur aux équipes médico-légales qui ont travaillé sur place. Selon moi

5 et selon au moins un de mes confrères avec qui j'ai évoqué la chose d'une

6 manière détaillée, nous estimons qu'il n'est pas correct d'utiliser

7 l'article 94 bis du Règlement de la sorte en faisant paraître les

8 déclarations d'un enquêteur du bureau du Procureur de manière écrite, en

9 expliquant pourquoi ce sont les raisons pour lesquelles on a dû mener à

10 bien des examens médico-légaux sur place. Nous estimons qu'il n'est pas

11 souhaitable que ceci soit représenté par écrit de cette manière. On ne sait

12 pas sur quoi s'appuient les enquêteurs du bureau du Procureur pour faire

13 ces affirmations. Nous pouvons partir du principe que cela repose sur des

14 déclarations de témoin que nous avons entendues, mais peut-être aussi des

15 témoins que nous n'avons pas entendus.

16 Si bien que tout ce qui est dans les rapports médico-légaux et qui

17 fait référence à des faits devrait être exclus. Ce sont des faits que les

18 enquêteurs du bureau du Procureur présentent aux équipes médico-légales

19 sans qu'il y ait eu vérification auparavant.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un exemple, s'il vous plaît.

21 M. IVETIC : [interprétation] Oui, par exemple, dans la pièce 206 avec le

22 site Izbica, à la page 5. Dans le premier paragraphe on peut lire :

23 "D'après les informations qui ont été fournies par les enquêteurs du TPIY,

24 le 27 mars 1999, les forces de la Republika Srpska et de la République

25 fédérale de la Yougoslavie ont attaqué le village d'Izbica. Ils ont

26 rassemblé environ 150 personnes qu'elles ont abattues sur trois sites

27 autour du village. Les forces serbes ont exhumé les corps qu'elles avaient

28 préalablement enterrés pour les amener dans un autre endroit."

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1 C'est la première partie de la pièce P206, il s'agit d'une affirmation

2 faite par un enquêteur du bureau du Procureur. Quand on lit le rapport, il

3 y a des parties de ce rapport qui ne confirment pas le nombre de personnes

4 concernées parce que cette première partie du rapport ne repose sur aucun

5 examen médico-légal. On se contente simplement de répéter ce qu'a dit

6 l'enquêteur du bureau du Procureur.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Monsieur Stamp, on nous dit que nous avons eu au début de certains rapports

9 médico-légaux un paragraphe qui reprend des informations fournies par les

10 enquêteurs du TPIY. C'est une sorte d'information de contexte qui est

11 présentée par voie d'introduction au reste du document. Est-ce qu'on peut

12 considérer qu'il s'agit de quelque chose qui n'est pas souhaitable ?

13 M. STAMP : [interprétation] Il est habituel que les légistes, les

14 pathologistes, et cetera reçoivent des informations sur le contexte dans

15 lequel ils vont intervenir.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense, Maître Ivetic, que vous

17 pouvez partir du principe que la Chambre de première instance est capable

18 de faire la différence entre ces passages-là et de ce qu'aurait encore

19 avoir entendu dire le légiste, et qui aurait pu l'amener à identifier tel

20 ou tel corps en examinant certains documents, et cetera. Lorsqu'il s'agit

21 manifestement d'informations fournies par l'enquêteur pour donner le

22 contexte, on va traiter ce passage en tant que tel. Cela ne sera pas

23 considéré comme des éléments de preuve à proprement parler.

24 Pour éviter toute incertitude, nous allons ordonner à l'Accusation et

25 l'équipe Lukic, ce jusqu'à mercredi soir au plus tard, de nous fournir un

26 document dans lequel ils se seront mis d'accord sur les passages du compte

27 rendu d'audience de la déposition du Dr Baccard dans une affaire précédente

28 et qui sont concernés par l'objection que nous évoquons ainsi que tous

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1 documents et extraits du compte rendu d'audience dans la Chambre ne devrait

2 obtenir aucun compte.

3 Est-ce qu'on a ainsi résolu la question ?

4 M. IVETIC : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir au sujet de

5 la pièce P210, c'est un petit peu différent.

6 Il s'agit d'un rapport de balistique où il est question d'une grande

7 diversité d'armes. On nous fournit des informations techniques au sujet des

8 armes concernées. Tout au long de ce rapport, on voit des implications

9 surgir, nous indiquant par exemple, "qu'il s'agit d'une arme qui n'est pas

10 utilisée par des unités régulières; cependant, vu le nombre important

11 d'armes de ce type en circulation, il est possible de les utiliser pour

12 armer des unités paramilitaires, et ceci dans un laps de temps très court.

13 Il est très probable que cette arme a été utilisée sur le théâtre des

14 opérations."

15 Premièrement, le Dr Baccard intervient ici en tant qu'expert, mais dans un

16 domaine très précis. Or, ce rapport balistique dépasse son domaine

17 d'expertise. De plus, il n'y a aucune indication médico-légale que ces

18 armes aient été utilisées. Pourtant, on nous parle ici dans ce rapport de

19 toutes sortes d'armes et on part du principe qu'elles ont été utilisées par

20 des forces paramilitaires ou par d'autres Serbes. Manifestement, ceci n'est

21 pas mentionné par le Dr Baccard dans son rapport de synthèse. Mais c'est

22 cependant une pièce à conviction assez volumineuse qui nous est soumise par

23 le bureau du Procureur, qui n'a pas été établi, ce rapport, par le Dr

24 Baccard. C'est un certain Franck Pages qui en est l'auteur. Si bien que

25 moi-même ainsi que certains autres membres des équipes de la Défense

26 estimons que cette pièce ne devrait pas être versée par le truchement du Dr

27 Baccard, parce que je ne pense pas que le Dr Baccard soit en mesure de

28 répondre ou d'évoquer les informations qui figurent dans ce rapport et les

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1 sources des affirmations qui sont présentées dans ce rapport.

2 Je ne sais pas si l'Accusation a l'intention de s'appuyer véritablement sur

3 ce document, mais en tout cas il figure dans la liste 65 ter des pièces

4 qu'ils ont l'intention de présenter par l'intermédiaire de ce témoin. Voilà

5 la dernière question préliminaire que je souhaitais évoquer.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.

7 Monsieur Stamp, quelle est votre position sur ce document ?

8 M. STAMP : [interprétation] L'Accusation a l'intention de s'appuyer sur

9 cette pièce à conviction. Certaines des conclusions du Dr Baccard et sa

10 confirmation des conclusions des experts français s'appuient sur des

11 éléments qui figurent dans cette pièce. Il n'est pas inhabituel; il n'est

12 même pas approprié ou justifié qu'un médecin légiste obtienne des

13 informations de la part d'autres spécialistes, par exemple des spécialistes

14 de la balistique, pour évaluer les éléments de preuve ou les éléments qui

15 lui sont soumis.

16 Si vous examinez le curriculum vitae du Dr Baccard, vous verrez qu'un de

17 ses domaines de spécialité c'est la balistique lésionnelle, c'est-à-dire

18 qu'il s'agit de l'examen d'une blessure pour déterminer par quel type de

19 projectile elle a été causée. Il est tout à fait justifié que ce médecin

20 légiste examine un rapport de balistique pour voir si cela peut permettre

21 de confirmer ou non les rapports médico-légaux qu'il a été amené à évaluer.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agira peut-être d'une question

23 qu'il faudra aborder le moment venu. Il est possible que le Dr Baccard y

24 fasse référence dans ses propres conclusions, mais il faudra faire voir si

25 le rapport initial a été préparé et présenté de la manière appropriée. Nous

26 verrons ce qu'il en est le moment venu, Me Ivetic nous le signalera et nous

27 réserverons notre position sans doute jusqu'à la fin du contre-

28 interrogatoire pour voir dans quelle mesure ce document peut nous permettre

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1 d'évaluer la déposition du Dr Baccard.

2 Je crois que nous en avons terminé. Maintenant, faisons entrer le témoin.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En quelle langue avez-vous l'intention

7 de parler dans votre déposition ?

8 LE TÉMOIN : J'ai demandé à parler ma langue maternelle, c'est-à-dire le

9 français.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez, je vous prie, prononcer la

11 déclaration solennelle par laquelle vous vous engagez à dire la vérité.

12 Veuillez lire le petit carton qui vous est présenté.

13 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la

14 vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: ERIC BACCARD [Assermenté]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

17 LE TÉMOIN : Merci, Votre Honneur.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

19 Interrogatoire principal par M. Stamp :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Pouvez-vous premièrement

21 nous indiquer votre nom et votre profession actuelle ?

22 R. Je m'appelle Eric Baccard. J'exerce actuellement les fonctions de

23 coordinateur des activités médico-légales et criminalistiques au bureau du

24 Procureur de la Cour pénale internationale.

25 Q. De profession, pouvez-vous nous dire quelle est votre profession ?

26 R. Ma profession initiale est médecin légiste, "Forensic

27 pathologist."

28 Q. Le 31 janvier 2002, où étiez-vous employé et à quel titre ?

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1 R. Le 31 janvier 2002, je ne saurais le dire avec certitude, mais il me

2 semble que je devais être sous contrat en tant que médecin légiste chef du

3 bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

4 Q. A ce titre, est-ce que vous avez préparé un rapport ?

5 R. Oui, c'est exact. J'ai préparé un rapport. Oui, c'est exact. J'ai

6 préparé un rapport, mais cette préparation s'est déroulée sur plusieurs

7 mois. Je pense entre six et sept mois depuis 2001 jusqu'au dépôt du rapport

8 en 2002.

9 Q. Ceci, c'était le 31 janvier 2002, la date du dépôt ?

10 R. C'est exact.

11 Q. De quoi traitait ce rapport ? Sur quoi porte-t-il ?

12 R. Ce rapport portait sur les opérations d'expertise incluant les examens

13 de levée de corps, les autopsies et des examens de scènes de crime

14 effectués par plusieurs équipes médico-légales qui ont travaillé au Kosovo

15 en 1999.

16 M. STAMP : [interprétation] Le rapport en question est la pièce P1809.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document sera versé au dossier,

18 Monsieur Stamp, sous réserve de l'exclusion de ce rapport de certains

19 passages sur lesquels vous-même et Me Ivetic allez vous mettre d'accord

20 d'ici mercredi soir puisque ce sont des passages qui ne concernaient pas

21 l'affaire ici présente.

22 M. STAMP : [interprétation] Merci.

23 Passons immédiatement à la page 81 ou 82 -- 81 du rapport.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que le rapport se voit

25 attribuer une cote aux fins d'identification avant son dépôt définitif, une

26 fois qu'on aura décidé quels passages doivent être exclus.

27 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait.

28 Q. Pages 80 à 81 du rapport. Il s'agit là, Monsieur, de votre curriculum

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1 vitae.

2 Je vois ici que vous avez plusieurs spécialisations en médecine médico-

3 légale, psychiatrique, toxicologie, et cetera. Je vois également que vous

4 avez au moins deux diplômes en balistique lésionnelle.

5 R. Un seul diplôme de balistique lésionnelle, ce sont des études que j'ai

6 suivies à la faculté de Marseille. J'ai également un diplôme de

7 criminalistique ou de police scientifique que j'ai suivi à la faculté de

8 Paris.

9 Q. Oui, je m'excuse. Effectivement, vous avez un diplôme en

10 balistique lésionnelle, et vous êtes également expert auprès de la cour

11 d'appel. Il y a également un diplôme que vous avez en anthropologie médico-

12 légale, n'est-ce pas ?

13 R. Je suis expert auprès la cour d'appel de Grenoble, oui. Je suis surtout

14 expert national agréé par la cour de cassation, qui est la cour suprême

15 française. En ce qui concerne l'anthropologie médico-légale, j'ai subi une

16 formation mais je n'ai pas de diplôme d'anthropologie médico-légale.

17 Q. Vous êtes également président de la Société française de

18 balistique lésionnelle ?

19 R. J'étais président, puisque ce rapport date de quelques années.

20 Q. Est-ce que vous avez déposé sur ce qui figure dans votre rapport dans

21 l'affaire Slobodan Milosevic le 21 mai 2002 ? Est-ce qu'au cours de cette

22 déposition vous avez précisé un certain nombre de points qui figurent dans

23 le rapport ?

24 R. Monsieur le Procureur, j'ai déposé deux jours en mai 2002. J'ai

25 également déposé une journée ultérieurement. Je ne me souviens plus si

26 c'était en juin ou juillet 2002, sur un autre site.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, un instant.

28 Docteur Baccard, on nous a remis le rapport que vous avez préparé qui

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1 portait sur les expertises réalisées en 1999. Or, on vient de faire

2 référence à ce curriculum vitae qui figure dans le rapport. Il y a beaucoup

3 de choses qui ont changé depuis. Nous savons que vous occupez le même poste

4 maintenant, mais à la Cour pénale internationale. Nous aimerions avoir une

5 nouvelle version, une version mise à jour de votre CV. Nous allons avoir

6 une pause un peu plus tard, une pause d'environ une demi-heure, et au lieu

7 d'essayer de vous demander de vous souvenir de tout ce qui s'est passé

8 d'important depuis votre déposition dans l'affaire Milosevic, il serait

9 utile que pendant cette pause vous preniez cinq minutes pour pouvoir, après

10 la pause, nous donner une mise à jour quant à ce qui s'est passé depuis

11 l'établissement de ce rapport.

12 M. STAMP : [interprétation] En fait, ce nouveau CV existe. Je ne pensais

13 pas qu'il y avait de différences avec celui qui figure dans le rapport, à

14 l'exception du poste qu'occupe maintenant notre témoin à la CPI. Mais nous

15 avons un exemplaire de ce CV.

16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

17 M. STAMP : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait le télécharger.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux voir votre

19 exemplaire, s'il vous plaît ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Votre Honneur. Le seul événement

21 depuis la rédaction du CV antérieur est représenté par ma prise de fonction

22 à la Cour pénale internationale en octobre 2004.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En 2002, lorsque vous avez terminé ce

24 rapport et que vous avez déposé, étiez-vous employé à plein temps dans le

25 bureau du Procureur ici ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais employé, Votre Honneur, à temps plein.

27 J'ai travaillé sous forme de contrat à durée déterminée. A de très

28 nombreuses reprises et après 2002, j'ai continué à travailler comme

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1 consultant médico-légal pour le bureau du Procureur, toujours sous forme de

2 contrat, pour superviser des autopsies faites en Macédoine ou en Croatie.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un peu plus tôt ce matin, on vous a

4 demandé quelle était la fonction que vous occupiez. Vous avez dit que vous

5 étiez pathologiste en chef -- ou pardonnez-moi, plutôt le coordonnateur

6 auprès de la CPI pour toutes les activités médico-légales et criminelles.

7 Ma question est celle-ci : est-ce que le rôle que vous jouez à la CPI est

8 le même que celui que vous avez joué ici ? Autrement dit, est-ce que vous

9 étiez un consultant ? Est-ce que vous travaillez à plein temps pour la

10 CPI ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Votre Honneur, je travaille actuellement à

12 temps plein depuis octobre 2004 au sein du bureau du Procureur de la Cour

13 pénale internationale. Mon activité déborde le cadre purement médico-légal

14 et criminalistique puisque je m'occupe également de superviser les

15 activités des systèmes géographiques et d'imageries satellites.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Entre le 31 janvier 2002 et le mois

17 d'octobre 2004, y a-t-il eu d'autres évolutions de taille dans votre

18 carrière qui devraient être portées à notre connaissance ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Hormis le fait d'avoir travaillé pour le

20 bureau du Procureur du TPIY à plusieurs reprises, j'ai repris des activités

21 d'expert en France et travaillé pour différentes juridictions françaises

22 qu'il s'agisse de juridictions civiles ou de juridictions pénales.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je constate que vous avez été

24 consultant pour l'Institut médico-légal pour la période qui vient d'être

25 évoquée; c'est exact ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, oui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, je crois que ceci

28 pourrait être téléchargé dans notre système.

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1 Veuillez, s'il vous plaît, nous donner la cote. Ceci nous permet

2 évidemment d'avoir une connaissance un peu plus approfondie de l'expérience

3 du Dr Baccard. Veuillez poursuivre.

4 M. STAMP : [interprétation]

5 Q. Vous avez indiqué que vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic à

6 deux reprises - puis-je vous rappeler les dates, s'il vous plaît - la

7 première fois c'était le 21 mai 2002, et la fois d'après, c'était le 15

8 juillet 2002.

9 R. En ce qui concerne le premier témoignage, si mes souvenirs sont exacts,

10 il s'est déroulé sur deux jours. Cela doit être le 21 et le 22 mai 2002.

11 Q. A la première date de votre déposition, vous avez témoigné à propos de

12 ce que contient votre rapport du 31 janvier 2002; c'est exact ?

13 R. C'est exact, Monsieur le Procureur.

14 Q. Avez-vous préparé un autre rapport ?

15 R. C'est exact, Monsieur le Procureur. Le bureau du Procureur-- je pense

16 qu'il s'agit de M. Dirk Ryneveld - m'a soumis le 22 mai 2002 des documents

17 qui consistaient en un rapport effectué par les médecins légistes français

18 concernant un autre site qui n'avait pas été porté à ma connaissance pour

19 la préparation du premier rapport. Cet autre site a fait l'objet d'un

20 addendum à mon rapport.

21 Il s'agissait d'un rapport d'autopsie effectué par le Pr Lecomte et le Dr

22 Vorhauer, ainsi qu'un rapport d'examens de scène de crimes. Il s'agissait

23 du site de Cirez qui avait été investigué les 2 et 3 juillet 1999 par

24 l'équipe française.

25 Q. Votre rapport est daté du 22 mai ?

26 R. Le 23 mai. D'après la copie que j'ai, il s'agit du 23 mai 2002.

27 M. STAMP : [interprétation] Messieurs les Juges, le rapport en annexe a

28 déjà une cote qui est le numéro P384.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu ?

2 M. STAMP : [interprétation] Le compte rendu pour le 21 et le 22 mai, c'est

3 la pièce P2747. Je crois que ceci va être téléchargé dans le système

4 électronique du prétoire dans quelques instants, pour les 21 et 22 mai

5 ainsi que le 15 juillet. C'est la pièce P2747.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. STAMP : [interprétation] Je suppose que l'ordre ici ne porte pas sur la

8 déposition du témoin aujourd'hui.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu aura une cote

10 provisoire de même que le rapport d'origine. Le rapport complémentaire peut

11 néanmoins être admis.

12 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 Q. Est-ce que nous pourrions maintenant nous reporter à votre premier

14 rapport. On constate d'après ce rapport que celui-ci analyse un certain

15 nombre de rapports préparés par d'autres médecins légistes au Kosovo en

16 1999. C'est simplement pour précision. Avez-vous participé à ces enquêtes

17 sur le terrain au Kosovo en 1999 ?

18 R. Ma réponse est négative, Monsieur le Procureur. En 1999, j'ai travaillé

19 pour le TPIY, mais en Bosnie et en Croatie.

20 Q. On constate d'après votre rapport que ces enquêtes sur le terrain ont

21 été effectuées par un certain nombre d'équipes internationales. La

22 méthodologie utilisée par ces équipes étaient-elles les mêmes et

23 incohérentes ou est-ce qu'elles étaient différentes par moment ?

24 R. C'était le but de la mission qui m'avait été confiée par M. Dirk

25 Ryneveld. Il s'agissait d'analyser les protocoles, les procédures, les

26 méthodologies observées par ces différentes équipes sur le terrain, et

27 effectivement certaines d'entre elles pouvaient différer les unes des

28 autres. La conclusion générale était que ces différences ne remettaient pas

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1 en cause les conclusions qui figuraient à l'issue de ces rapports.

2 Q. Avant d'évoquer ceci, avez-vous également examiner et vérifier les

3 qualifications professionnelles des experts en question, ceux qui ont

4 préparé ces rapports sur le terrain au Kosovo ?

5 R. Monsieur le Procureur, systématiquement, les qualifications de ces

6 collègues ont été vérifiées. Si vous souhaitez me voir développer ce point,

7 je peux dire que ces équipes étaient composées de confrères médecins

8 légistes qui avaient dans leurs pays la direction d'un institut médico-

9 légal, qui avaient une notoriété nationale et internationale, qui étaient

10 des auteurs de publications scientifiques, qui étaient parfaitement

11 renommés et dont le professionnalisme correspondait à ce que l'on était en

12 droit d'attendre pour ce type de mission.

13 Q. Je vais maintenant parler d'autre chose. Pour ce qui est des différents

14 éléments que vous avez utilisés pour votre rapport, les critères en matière

15 de médecine légale s'appliquaient. Est-ce que ces critères correspondent

16 aux normes utilisées dans un contexte international ?

17 R. Effectivement, ces critères correspondaient à ce qui était utilisé en

18 matière internationale. Il y avait, comme je l'ai mentionné antérieurement,

19 certaines différences tenant notamment à l'utilisation ou non d'examens

20 radiographiques. Dans un cas, le cas de l'équipe anglaise où il avait été

21 procédé non pas à une autopsie avec un examen des organes internes mais à

22 une combinaison d'un examen externe et d'un examen radiographique.

23 Q. Est-ce que vous avez constaté eu égard à certains des rapports préparés

24 pour les différents sites qu'il y avait des discordances ou des erreurs qui

25 auraient pu avoir une incidence sur les conclusions générales de ces

26 rapports ?

27 R. Je crois qu'il faut situer ces rapports et les opérations d'expertise

28 qui ont été menés en 1999 dans le contexte qui était alors le leur, c'est-

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1 à-dire celui d'une opération menée dans l'urgence, avec les moyens du bord,

2 avec des installations souvent très sommaires, en dehors de toute salle

3 d'autopsie équipée, parfois avec des autopsies pratiquées sur une porte

4 supportée par des tréteaux à la place d'une table d'autopsie et parfois

5 sans eau, et cetera.

6 Ceci pour dire qu'effectivement, compte tenu d'une part du nombre de

7 victimes examinées, des erreurs ont été retrouvées dans ces rapports. J'en

8 ai retrouvées à la lecture de ces rapports ou en comparant par exemple, les

9 albums photographiques et des descriptions figurant dans les rapports. Tout

10 ceci a été noté dans des annexes pour chacun des rapports, ces annexes

11 figurant à la suite de mon rapport de synthèse. Je dois dire qu'il

12 s'agissait de discordances que je qualifierais de mineures et qui ne

13 remettaient pas en cause le diagnostic portant sur les blessures ou sur les

14 causes et circonstances de la mort. C'était des erreurs minimes, des péchés

15 véniels qui ne remettaient pas du tout en cause les conclusions générales

16 que mes confrères ont retenues.

17 Q. Merci, Docteur. Avant de passer aux différents sites en particulier,

18 puis-je vous poser quelques questions d'ordre général. Ces autopsies

19 avaient été faites deux à trois mois après la mort de ces personnes et bon

20 nombre de corps ont été exhumés. Pourriez-vous vous étendre un petit peu

21 là-dessus, la partie de votre rapport qui parle de l'état des corps, et le

22 fait que pour certain de ces corps il ne restait plus que des squelettes,

23 certains étaient plus ou moins décomposés. Quels étaient les défis pour les

24 personnes qui devaient faire ces analyses médico-légales ?

25 M. IVETIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je dois m'opposer

26 à la première partie de cette question : "Ces autopsies qui ont été faites

27 deux à trois mois après que ces personnes ont été tuées et les corps ont

28 été exhumés." Je crois que de poser la question de cette manière ne permet

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1 pas de poser le fondement pour savoir comment ces personnes sont décédées,

2 comment ces corps ont été retrouvés. Je pense que le médecin ne pourra pas

3 car on parle toujours d'un temps donné. Compte tenu des circonstances, on

4 ne peut pas toujours donner les détails de façon aussi précise. La manière

5 dont le Procureur pose sa question, je crois que c'est difficile de

6 répondre de façon trop précise. Si la question est posée dans ce sens-là,

7 c'est une affirmation. A mon avis, cela manque de fondement.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous vouliez être très

9 précis, Monsieur Stamp, ou est-ce que c'était simplement une question ?

10 M. STAMP : [interprétation] C'est une question générale.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'êtes pas en train de laisser

12 entendre qu'il s'agit de deux à trois mois en particulier, n'est-ce pas ?

13 M. STAMP : [interprétation] Non, pas du tout.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout ce que vous dites c'est qu'étant

15 donné le temps passé, qu'il y a eu de la terre sur les corps et quelquefois

16 les corps ont été brûlés, l'examen médico-légal présentait peut-être plus

17 de défis qu'à l'ordinaire. Vous demandez simplement que le docteur puisse

18 faire des commentaires à cet égard.

19 M. STAMP : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez en parler, s'il

21 vous plaît, Dr Baccard.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez bien résumé le problème. Le médecin

23 légiste, l'expert en général, est confronté à des difficultés croissantes

24 au fur et à mesure que le temps passe après le décès de la victime. On a à

25 notre disposition des renseignements qui diminuent au fur et à mesure que

26 l'état de conservation du corps d'une personne s'altère. Il est facile de

27 faire des constatations très productives lorsqu'on est en présence d'un

28 corps frais. L'autopsie va être plus difficile lorsque le corps est

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1 putréfié avec tous les stades de putréfaction que l'on peut rencontrer.

2 Ensuite, avec une difficulté croissante, on va avoir à traiter de corps

3 momifiés, c'est-à-dire dont la peau va subir une déshydratation mais il

4 restera au moins la peau. Un stade de difficulté supplémentaire est

5 rencontré lorsqu'on a des corps "squelettonisés", où il ne restera plus de

6 tissus mous et où on n'a plus que du squelette. Enfin, on a des difficultés

7 qui sont très importantes lorsqu'on est en présence de ce que l'on appelle

8 des restes humains, de "body parts" ou de corps qui sont détruits

9 partiellement par le feu, par exemple.

10 On comprendra très facilement que si on a une blessure par exemple au

11 niveau abdominal, que cette blessure altère la peau, les masses musculaires

12 et les organes sans aucune atteinte du squelette. Lorsqu'on aura en face de

13 soi un corps "squelettonisé", c'est-à-dire un squelette, on aura aucune

14 trace sur la victime. A ce moment-là, on est obligé de s'aider d'un

15 faisceau d'arguments qui sont les constatations faites au niveau de

16 l'environnement immédiat; c'est-à-dire des vêtements. On va pouvoir trouver

17 sur des vêtements des "defects", c'est-à-dire des trous qui pourront être

18 plus ou moins évocateurs de traversée par des projectiles. Ces trous

19 pourront être entourés d'une tâche de sang qui confirme, outre l'aspect qui

20 est plus ou moins caractéristique, qu'il y a bien eu une blessure et que

21 cette blessure a saigné. On peut retrouver également à proximité immédiate

22 du squelette des projectiles déformés qui peuvent être plus ou moins

23 rapportés à une affaire en espèce.

24 M. STAMP : [interprétation]

25 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant nous rapporter à votre rapport qui

26 traite de la région de Bela Crkva, s'il vous plaît.

27 M. STAMP : [interprétation] Cela se trouve à la page 27, au paragraphe

28 75(B), ceci porte sur certaines régions citées dans l'acte d'accusation.

Page 10114

1 Q. Il s'agit de l'exhumation, d'une autopsie, qui a été faite par une

2 équipe britannique. Vous avez indiqué qu'ils utilisaient plutôt des examens

3 externes et radiologiques. Au point 2.2.2.2., la méthodologie utilisée,

4 lorsque vous parlez de dépistage fluoroscopique, c'est bien cela que vous

5 entendiez ? C'est ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est cela ?

6 R. C'est exact, Monsieur le Procureur.

7 Q. Vous avez également examiné les rapports d'autopsie. Vous avez constaté

8 que les causes du décès des 54 victimes qui ont été exhumées étaient

9 surtout dues à des blessures par balles. Il s'agit à la page 29, au

10 2.2.4.1.

11 R. --

12 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher à

13 l'écran la pièce P0097, s'il vous plaît ?

14 Madame, Messieurs les Juges, compte tenu des consignes qui m'ont été

15 données par la Chambre, je ne propose pas de passer en revue tous les

16 rapports d'autopsies. Il y a juste une ou deux questions que je souhaite

17 poser, des questions assez longues du reste, à propos de certains points

18 des rapports.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est un bon exemple,

20 Monsieur Stamp. Je crois qu'il serait approprié que vous traitiez de ceci

21 rapidement. Regardez un petit peu sur quoi se concentre le contre-

22 interrogatoire, à ce moment-là vous pourrez traiter de ces questions-là au

23 cours des questions supplémentaires.

24 M. STAMP : [interprétation] Oui, effectivement.

25 Si nous pouvons passer à la page 4 de ce document, s'il vous plaît.

26 Q. Ici, nous avons un tableau qui concerne les victimes qui ont été

27 identifiés et un résumé des causes du décès. Par exemple, la quatrième

28 personne à partir du bas c'est Nesim Popaj, la cause du décès sont des

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1 blessures par balles multiples. Au-dessus, vous avez Shendet Popaj, cause

2 du décès, blessure par balle à la tête.

3 R. Les blessures par armes à feu étaient prédominantes dans cet

4 échantillon de victimes puisque cela concernait 98 % des cas.

5 Q. Le document que nous avons ici concerne les "documents utilisés à

6 l'appui" de votre rapport, c'est comme cela que c'est intitulé au point

7 2.2.1 à la page 27.

8 R. Si c'est une question, la réponse est oui.

9 Q. En général, comment procédiez-vous aux identifications lorsque vous

10 faisiez les autopsies ?

11 R. Je vous rappelle, Monsieur le Procureur, que je n'ai pas participé à

12 ces autopsies. Je n'ai pas fait ces autopsies. D'après ce qui figure dans

13 le rapport du Pr Vanezis, l'identification a été faite par les proches des

14 victimes. Au moment où le Pr Vanezis a procédé à ces opérations d'autopsie,

15 il y avait 42 victimes qui avaient été identifiées par des parents, par de

16 la famille, par des proches, sur 54; 12 restaient non identifiées.

17 Q. Est-ce que nous pourrions passer à la page --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document, compte tenu de son titre

19 que vous nous avez révélé lorsque vous nous avez montré la première page,

20 est-ce que ceci ne pourrait pas indiquer que des officiers de police aient

21 participé à l'identification des corps ?

22 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 49 du

23 même document, s'il vous plaît.

24 M. IVETIC : [interprétation] De quel document s'agit-il ? Parce que deux

25 documents ont été évoqués.

26 M. STAMP : [interprétation] Le P97.

27 Est-ce que nous pourrions repartir à la page 47, rapidement s'il vous

28 plaît, page 48.

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1 Q. Nous constatons ici qu'une partie des documents est une

2 déclaration d'un membre de l'équipe britannique, le détective et policier

3 Clive Donner. Si vous voulez bien vous reporter à la page suivante, est-ce

4 que vous voyez au milieu de la page : "A la date du 30 juin 1999, j'étais

5 là avec Sabri Popaj. J'étais à la morgue, et par l'intermédiaire de

6 l'interprète Arben Abdullahu, nous avons identifié les corps

7 susmentionnés," et il y a une liste des corps. A titre d'exemple, les

8 cinquième et sixième à partir du bas de la page, Nesim Popaj et Shendet

9 Popaj. Est-ce que vous voyez cela ?

10 De façon générale, est-ce que ceci est la méthode d'identification

11 utilisée lors de ces autopsies ?

12 R. Oui, c'est ce que je résumais précédemment en disant que

13 l'identification avait été faite par les proches.

14 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, avant de passer à un

15 autre document, je voudrais simplement indiquer qu'il existe des rapports

16 relatifs à Mala Krusa - à savoir notamment la pièce P110 - je pense que

17 l'on peut suivre ces rapports qui concernent divers sites. Je n'ai pas

18 l'intention de les passer en revue l'un après l'autre, bien que je pense

19 que nous pourrions parler de Djakovica, donc il est question dans la pièce

20 P249. On en trouve mention dans le rapport en question à la page 33 -- ou

21 plutôt, je vous prie de m'excuser, à la page 35. Je m'excuse encore, il

22 s'agit de la page 37.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela commence en page 33 -- non, non,

24 c'est un autre secteur. La rue Milosh Giliq.

25 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais signaler au préalable que ce

26 rapport, comme l'indique le Dr Baccard dans son rapport d'expert, constitue

27 la pièce P249, et a été établi par William Rodriguez, le médecin chef des

28 forces terrestres américaines; mais on y trouve mention du site qui nous

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1 intéresse aux côtés d'autres sites qui sont traités également. Je pense que

2 c'est encore un exemple de la situation déjà évoquée par mon collègue, Me

3 Ivetic.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devrions intervenir en cours de

5 description de la situation.

6 Vous dites que la pièce P249 a été décrite par le Dr Baccard dans son

7 rapport. Où est-ce que cela figure dans le rapport ?

8 M. STAMP : [interprétation] Le document n'est pas identifié en tant que

9 pièce 249, mais on en trouve mention à la page 37, 2.5.1, "Des documents à

10 l'appui." Il est fait mention du rapport établi par William C. Rodriguez,

11 médecin chef chargé des enquêtes spéciales pour les forces armées

12 terrestres américaines en date du 13 octobre 1999." Pièce P249 est

13 mentionnée dans ce document. Nous nous contenterons d'en examiner quelques

14 parties. Je pense que la tâche ne sera pas trop compliquée.

15 Q. Il y a une ou deux questions que je voudrais poser au sujet de ce

16 rapport, Docteur Baccard, rapidement.

17 D'abord, vous avez dit que toutes les victimes sauf une étaient des

18 femmes à moins que le sexe n'ait pas pu être déterminé. Si nous consultons

19 ce rapport en divers endroits, nous voyons que le médecin chef décrit des

20 cadavres partiellement "squelettonisés" ou des parties de corps, par

21 exemple en page 2, nous lisons que la structure du menton correspond à

22 celle d'une femme adulte. "Quant aux parties de corps décrites en section

23 4, il parle de fragments qui permettent d'identifier une femme."

24 En l'espèce, il s'agit de parties de corps calcinés, et je vous demande si

25 la récupération de ces parties de corps permet de déterminer le sexe ?

26 R. Oui. Ma réponse sera générale. Effectivement, il est possible en

27 fonction du type des parties de squelettes récupérées de déterminer le

28 sexe. Sur le plan anthropologique, anthropologie médico-légale bien sûr,

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1 certaines pièces anatomiques sont très significatives quant à la

2 détermination du sexe. Il s'agit notamment du crâne, avec notamment la base

3 du crâne au niveau des apophyses mastoïdes et des condyles occipitaux. Mais

4 également, comme vous l'avez dit plus tôt, du menton, soit les angles de la

5 mandibule, soit la symphyse mentonnière. Il y a aussi ce qui a une valeur

6 extrêmement discriminante sur le plan sexuel, les ossements du bassin et

7 notamment la symphyse pubienne, qui est un très bon indicateur au niveau du

8 sexe.

9 A côté de ces deux grands groupes d'ossements qui permettent une

10 détermination du sexe avec une valeur significative réelle, il y a d'autres

11 critères qui ont une valeur probante moins importante qui tiennent à

12 l'aspect de robustesse globale des ossements, notamment des os longs, du

13 fémur, et cetera.

14 On peut avoir aussi des indications avec des dents qui peuvent être

15 plus ou moins évocatrices. Mais les deux grands groupes d'ossements qui

16 permettent de porter un diagnostic de sexe se situent au niveau du crâne

17 d'une part, et au niveau du bassin d'autre part.

18 Q. Encore une question rapide. Le médecin chef a retrouvé des parties de

19 corps d'au moins 12 enfants. Sans passer en revue les divers exemples cités

20 dans le rapport, je vous demande de quelle façon générale la détermination

21 de leur qualité d'enfant a été faite. Je sais bien que la taille des os

22 peut intervenir, mais pourriez-vous dire quelque chose de plus au sujet de

23 la façon dont la différence entre un adulte et un enfant s'établit ? Que

24 pouvez-vous dire de la détermination de l'âge lorsqu'on est en présence de

25 parties de cadavres ?

26 R. Sur le plan squelettique, mis à part la taille des ossements qui peut

27 être un critère très trompeur parce qu'il y a des adultes qui sont de

28 petite taille et des enfants qui sont également de grande taille, on se

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1 base plutôt sur les cartilages, c'est-à-dire soit les cartilages

2 articulaires, soit les cartilages de conjugaison et on a la possibilité,

3 notamment au niveau de la fusion des différentes parties d'un os, d'établir

4 une chronologie de l'âge, avec là aussi des valeurs qui sont différentes

5 sur le plan statistique et significatif en fonction du type d'ossements

6 considérés. La symphyse pubienne, l'aspect des surfaces articulaires est un

7 très bon indicateur de l'âge, la fusion des sutures du crâne également.

8 L'aspect de l'extrémité interne des clavicules, l'extrémité interne des

9 côtes, notamment de la quatrième côte, certains ossements du bassin, et

10 cetera, et cetera, les ossements du poignet aussi. Tout ceci contribue à

11 donner une estimation de l'âge lorsqu'on est en présence de squelette.

12 Q. Merci, Docteur. Il est noté dans votre rapport ainsi que dans le

13 rapport du Dr Rodriguez, et ce à plusieurs endroits, que des signes

14 d'activités d'animaux ont été remarqués sur ces ossements et sur ces restes

15 humains. Selon le Dr Rodriguez, les ossements en question ainsi que les

16 parties de cadavres ont présentés des signes de morsures à divers endroits.

17 Est-il possible que certaines de ces morsures aient été causées par ces

18 animaux ?

19 R. La présence de ce qu'on appelle le "scavenging" est une des difficultés

20 supplémentaires dont nous parlions tout à l'heure quant au nombre

21 d'informations et de renseignements apportés par des autopsies tardives. Il

22 est vrai que le Dr Rodriguez a été confronté là à beaucoup de difficultés

23 tenant compte d'une part à la squelettonisation des corps; deuxièmement, au

24 fait que ces ossements étaient plus ou moins calcinés; troisièmement, que

25 des animaux avaient rongé une partie de ces ossements.

26 Q. Est-il possible que des animaux aient déplacé les fragments de corps ?

27 R. C'est tout à fait possible.

28 Q. Merci. J'aimerais que nous avancions. Avant de passer à autre chose,

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1 j'aurais encore quelques points à évoquer sur le même sujet. Penchons-nous

2 sur la pièce P249 relative à Djakovica, page 2 où nous lisons, je cite :

3 "Examen du lieu de crime et des restes humains associés à ce lieu, cet

4 examen a eu lieu du 25 au 27 mai 1999."

5 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

6 Juges, si nous examinons les dates qui sont citées dans ce document, vous

7 constatez que nous y trouverons la date du 26 juin 1999. Il est manifeste

8 que la date figurant en haut du rapport est erronée. Je voulais simplement

9 signaler ce point.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. STAMP : [interprétation]

12 Q. Aux pages 5316 à 5317 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic

13 où l'on trouve la transcription de votre déposition, vous dites que les

14 blessures constatées ont été, dans la plupart des cas, provoquées par des

15 explosions. Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire le compte rendu

16 français de votre déposition dans l'affaire Milosevic ? Ceci correspond-il

17 fidèlement à ce que vous avez dit ou à ce que vous avez voulu dire ? En

18 d'autres termes, êtes-vous effectivement d'avis que les blessures ont été

19 principalement causées par des explosions. Si oui, il y a-t-il un fondement

20 à votre avis ?

21 R. Non, Monsieur le Procureur. Effectivement, mon attention a été attirée

22 par cette discordance lors de mon témoignage dans l'affaire Milosevic. J'ai

23 déposé en français, j'ai le transcript en français et ma réponse à cette

24 question était négative. Je n'ai pas pu dire que ces blessures étaient

25 vraisemblablement causées par des explosions. Je pense qu'il s'agit d'une

26 erreur de traduction du français en anglais.

27 Q. Merci. Passons rapidement au lieu portant le nom d'Izbica. Ce lieu a

28 présenté de nombreuses difficultés en raison de la rareté des éléments

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1 pouvant faire l'objet d'un travail d'autopsie. Dans votre rapport, au point

2 2.7.5., page 44, vous indiquez que la cause du décès a été particulièrement

3 difficile à déterminer en raison de cette pauvreté d'éléments à examiner.

4 Vous dites que vous étiez limités dans vos observations de photographies et

5 de séquences vidéo. Je crois que c'est à l'annexe à la page 93 que vous

6 dites que le diagnostic ne pouvait pas être prononcé de façon certaine.

7 La question que j'aimerais vous poser est la suivante : eu égard aux

8 constatations faites, à savoir que certaines personnes ont été tuées à bout

9 portant, ce que semble indiquer les marques de brûlure sur la peau, je vous

10 demande s'il y a effectivement été constaté que ces personnes ont été tuées

11 à une distance faible et si cette constatation a un certain degré de

12 certitude scientifique.

13 R. Oui, le cas Izbica est un cas difficile, Votre Honneur, dans la mesure

14 où les expertises menées par l'équipe médico-légale française se sont

15 heurtées au fait que très peu de restes humains ont été mis en évidence. Il

16 a été retrouvé des vêtements et des restes humains. Sur ces restes humains,

17 il n'était pas possible de mettre en évidence des blessures. Par contre,

18 sur les vêtements certains portaient des "defects" qui étaient compatibles

19 avec des orifices d'entrée de projectiles d'armes à feu. Certains de ces

20 trous avaient des bords brûlés, ce qui a conduit les experts en balistique

21 à dire que les tirs, dans ces cas, avaient été effectués à très courte

22 distance. Cela c'est le premier point.

23 Le deuxième point, à côté de ces rapports d'examen directs de la scène du

24 crime, il m'a été communiqué une bande vidéo. Sur cette bande vidéo, il

25 existait des vues de rangée de victimes sur lesquelles une certaine

26 constatation pouvait être faite. Il ne s'agissait pas de prises de vue

27 faites de façon scientifique. Il s'agissait de prises de vue qui étaient

28 limitées parce que les victimes étaient toutes allongées sur le dos. Les

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1 victimes étaient habillées. Uniquement certaines régions anatomiques

2 étaient visibles. Les prises de vue étaient parfois floues, faites à

3 distance sans échelle de référence permettant de mesurer ces blessures. En

4 résumé, seules certaines images étaient interprétables sur le plan médico-

5 légal.

6 Le troisième point que je voudrais souligner c'est qu'il ne s'agissait que

7 d'une analyse de documents photographies et vidéos. En aucun cas ceci ne

8 saurait prétendre à remplacer une autopsie ou un examen de victime. C'est

9 une valeur qui est une valeur limitée. Ceci étant posé, j'ai pu dire des

10 choses.

11 Première chose, c'est que c'est bande avait l'air authentique, sincère dans

12 la mesure où on pouvait voir des détails qui sont des détails qui ne

13 peuvent pas être inventés, qui correspondaient soit à des phénomènes de

14 putréfaction ou des phénomènes liés au positionnement des victimes. Tout

15 ceci était parfaitement cohérent et apparaissait sincère parce que j'avais

16 considéré aussi l'hypothèse d'une possible falsification d'une mise en

17 scène.

18 Deuxièmement effectivement, sur certains de ces plans de vue, il y avait

19 des blessures qui étaient compatibles. Je n'ai jamais utilisé le terme

20 "certitude" dans mon rapport. J'ai uniquement dit que telle ou telle image

21 était compatible avec des blessures provoquées par armes à feu. Sur

22 certaines de ces blessures provoquées par des projectiles d'armes à feu, il

23 y avait des signes qui pouvaient être soit des zones de brûlure, soit des

24 zones de dépôt de poudre, soit des empreintes ou du relief du canon de

25 l'arme qui pouvait faire penser à des tirs soit à bout touchant, soit à

26 très courte distance.

27 Q. S'agissant de ces cas dont vous faites état dans votre rapport, ces cas

28 où on a trouvé des traces de brûlure sur les vêtements ou sur la peau, la

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1 conclusion selon laquelle ces personnes auraient été tuées à courte

2 distance, est-elle scientifiquement fondée à votre avis ?

3 R. Je n'ai pas la possibilité de répondre directement à cette question. Il

4 s'agissait de constatations qui ont été faites par des experts. Je n'ai pas

5 eu à ma disposition les vêtements pour pouvoir les examiner. D'autre part,

6 les photos n'étaient pas accessibles. Je n'avais pas la possibilité de

7 procéder à un deuxième examen.

8 Ce que j'ai pu noter c'est que ces conclusions ont été portées par

9 des experts qui sont renommés dans leurs pays, qui ont l'habitude de ce

10 type d'examen de façon routinière et que je n'ai aucune raison de mettre en

11 doute leurs conclusions.

12 M. STAMP : [interprétation] J'indiquerais aux Juges que le témoin dans sa

13 dernière réponse a fait référence à une vidéo. La vidéo a été versée au

14 dossier en l'espèce par l'intermédiaire du témoin Liri Loshi, la vidéo

15 ainsi que des clichés tirés de cette vidéo. J'indique également à la

16 Chambre qu'on lit dans le rapport que ces vidéos concernent des situations

17 où les cadavres n'ont pas été récupérés.

18 Q. Docteur, parmi les éléments que vous avez examinés, il y avait n'est-ce

19 pas un rapport balistique ? Vous en trouverez mention dans votre rapport,

20 un rapport balistique établi par l'équipe d'experts français ?

21 R. J'ai eu à ma connaissance le rapport intitulé "Etat des lieux,"

22 "Forensic Examination," rédigé par le commissaire divisionnaire Dominique

23 Gaillardon et ses collègues. Votre Honneur, il y a une erreur de

24 traduction. Ce n'est pas le commissaire divisionnaire Gaillardon et ses

25 collègues qui m'ont donné ce document. Ce document m'a été donné par le

26 bureau du Procureur.

27 Q. Y avait-il un rapport balistique au nombre des documents qui vous ont

28 été soumis, un rapport balistique établi par une équipe française ? Vous

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1 avez souvenir de cela ?

2 R. Il me semble que oui.

3 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour être précis, il

4 importe de signaler qu'il y avait deux rapports. L'un qui faisait partie du

5 chapitre autopsie en tant que tel et qui concerne la balistique lésionnelle

6 et un autre qui concerne un autre domaine de la balistique. Il y a une

7 différence entre ces deux éléments.

8 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur la pièce

9 à conviction P00210.

10 Version française, s'il vous plaît, page suivante.

11 Q. Vous rappelez-vous avoir reçu et utilisé ce document, Docteur ?

12 R. Oui, cela semble familier, effectivement.

13 Q. Je vois en pages 47 et 48 de votre rapport que vous faites état des

14 constatations après observation des lésions. Je vous demande si ces

15 observations concordent avec la possibilité que ces blessures aient été

16 dues à des tirs d'armes dont le calibre était de 7,62. En page 46, vous

17 évoquez également le rapport français dans lequel il est signalé que des

18 étuis de projectiles de calibre 7,62 ont été utilisés dans les

19 constatations en question, en haut de la page 46.

20 M. IVETIC : [interprétation] Si cela est une question, je dirais que ce qui

21 figure dans le rapport est rendu de façon un peu déformée. Je lis pour ma

22 part que ces éléments seraient "compatibles avec des projectiles de 7,62 ou

23 de 12 millimètres de calibre", si je ne me trompe.

24 M. STAMP : [interprétation]

25 Q. Pour le moment, ce n'est pas cette partie du rapport qui m'intéresse.

26 Je vous demande, Docteur, si l'équipe de médecins légistes français a

27 procédé à une analyse balistique de certains des projectiles découverts

28 dans les fosses et sur les lieux, pour les aider à tirer les conclusions

Page 10126

1 qu'ils ont tirées ?

2 R. Oui, Monsieur le Procureur, c'est exact. Juste de manière à répondre à

3 la remarque précédente, en page 45 et 46 de mon rapport, 2.7.4.2, "Type

4 d'arme," il est bien mentionné que les diamètres des "defects" figurant sur

5 les vêtements sont compatibles avec du calibre 12, qui ne veut pas dire 12-

6 millimètres, mais du calibre 12 et du calibre 7,62. Ceci est bien

7 mentionné. Il n'y a pas de discordance.

8 Q. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une seconde, je vous prie.

10 Maître Ivetic, la différence que vous avez indiqué ne semble pas avoir une

11 grande importance.

12 M. IVETIC : [interprétation] Non, je voulais simplement signaler que dans

13 la phrase écrite il était question de 7,62 et de 12. Je suis d'accord avec

14 ce que vient de dire le témoin.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le rapport que nous examinons stipule

16 qu'il peut y avoir concordance. Vous avez ajouté n'est-ce pas que des

17 douilles de calibre 7,62 ont été découvertes également ?

18 M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La pause a lieu à moins quart

22 aujourd'hui, Monsieur Stamp.

23 M. STAMP : [interprétation] D'accord.

24 Q. Docteur, est-ce que nous pourrions maintenant nous pencher sur la

25 partie de votre rapport où il est question du lieu dont le nom est Kotlina

26 à Kacanik ? Pièce P00361.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à ce nouveau sujet, je

28 vais faire une remarque. Il n'y a pas de problème à ce qu'elle figure au

Page 10127

1 compte rendu d'audience. C'est bien la pièce P210 qui a fait l'objet de

2 votre demande spécifique, Maître Ivetic, c'est celle que nous sommes en

3 train d'examiner ?

4 M. IVETIC : [interprétation] Elle est mentionnée comme étant une des pièces

5 en question. Nous ne savons pas quelles sont les constations qui vont être

6 évoquées dans la déposition orale. Des constatations balistiques ont été

7 faites. Elles sont mentionnées dans ce rapport au sujet d'Izbica. Je crois

8 le --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la référence au point 2.7.6.2 est

10 une référence à la pièce P210 si je ne m'abuse, n'est-ce pas ?

11 M. IVETIC : [interprétation] Difficile à dire, Monsieur le Président. Il y

12 a trois rapports de médecins légistes français portant sur Izbica qui tous

13 traitent de l'examen des restes humains et des vêtements découverts sur les

14 lieux. Donc, je ne sais pas.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le rapport balistique est bien la

16 pièce P210 ?

17 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Celle qui est désignée comme étant un

18 rapport balistique.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Il apparaît clairement à

20 l'écoute de la déposition du témoin qu'une partie de ce rapport balistique,

21 en tout cas, doit être recevable en tant que pièce à conviction.

22 M. IVETIC : [interprétation] Effectivement.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Encore une fois, même si vous vous

24 opposez au versement de l'intégralité du document, il faut que le versement

25 de certaines parties de ce rapport fasse l'objet d'un accord, d'un agrément

26 ou à défaut d'un refus d'agrément. Mais en tout cas, est-ce que c'est bien

27 qui s'est entendu entre vous et M. Stamp que certaines parties du document

28 seront discutées et versées ?

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1 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que c'est ce que nous sommes parvenus

2 à décider, effectivement.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

4 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Stamp, au sujet de Kacanik.

5 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Il y a eu quatre lieux d'exhumation à Kacanik. Le premier lieu est le

7 site de Kotlina, qui est évoqué en page 49 -- non, 48 de votre rapport. Là,

8 nous sommes en présence d'une situation où il est indiqué que 84 % des

9 résultats d'autopsie tendent vers la conclusion selon laquelle ces

10 personnes auraient été tuées par les conséquences d'une explosion. Ceci

11 figure au paragraphe 2.9.4.2.

12 J'aimerais maintenant que nous parlions rapidement de deux passages de la

13 pièce à conviction 361, à commencer par la page 6 de cette pièce. Nous

14 voyons, là, Monsieur, une liste de noms et ce sont bien les noms des

15 personnes dont les corps ont été récupérés dans les deux puits et qui ont

16 été identifiés. Ce sont bien leurs noms qu'on trouve dans cette page et la

17 page suivante; n'est-ce pas ?

18 R. Monsieur le Procureur, c'est exact. Vingt et une personnes étaient

19 identifiées, dont les noms apparaissent sur ce document, alors que cinq

20 sont restées, du moins au moment où j'ai écrit mon rapport, sont restées

21 non identifiées.

22 M. STAMP : [interprétation] Passons rapidement si possible à la page 9 de

23 cette même pièce à présent.

24 Q. Ceci est bien un rapport d'autopsie que vous avez examiné. Dans cette

25 partie du rapport il est question des restes humains d'Izijah Loku, n'est-

26 ce pas ?

27 R. C'est exact.

28 M. STAMP : [interprétation] J'indique à la Chambre qu'on trouve ici des

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1 constatations résultant d'autopsies pratiquées sur des cadavres et des

2 parties de cadavres d'un certain nombre de personnes, dont les noms

3 figurent dans un tableau. On retrouve ce tableau annexé à l'acte

4 d'accusation.

5 Q. Docteur, je ne vais pas examiner en détail tous ces rapports

6 d'autopsie. J'aimerais que vous vous penchiez sur la page 42 du document

7 que vous avez examiné. En page 42, on trouve la liste des indices retrouvés

8 sur les lieux. Je vous poserai la question suivante à ce sujet : il est

9 courant en médecine légale d'envoyer les indices découverts sur les lieux

10 dans un laboratoire où ils feront l'objet d'examens chimiques et

11 scientifiques complémentaires, n'est-ce pas, Docteur ?

12 R. --

13 Q. Si vous regardez ce qu'on lit au bas de la page, vous verrez que

14 certains des indices récupérés dans le secteur 5 étaient des "débris

15 calcinés de murs de la partie supérieure du puits; et dans le secteur 6,

16 des restes de vêtements qui devaient faire l'objet d'analyses

17 complémentaires pour y rechercher des traces de produits incendiaires ou

18 explosifs." Page suivante, nous voyons qu'il est également fait état de

19 "débris calcinés ou de débris résultant d'une explosion," au point 19. En

20 page 88 de la même pièce, au milieu de la page, nous lisons les mots

21 suivants : "Eléments échantillonnés pour analyse, échantillons 5, 6 et 19",

22 qui correspondent à ce que nous venons de dire.

23 Page 91, maintenant. Les constatations faites par le chimiste en chef de

24 l'équipe des légistes autrichiens, le Dr Hirz, figurent au milieu de la

25 page. Je cite : "La présence de TNT a pu être établie dans certains

26 échantillons, notamment l'échantillon 6 et l'échantillon 19, à l'aide d'une

27 méthode chromatographique plus sensible. Dans l'échantillon 5, il n'est pas

28 exclu qu'il y ait eu présence de traces de TNT."

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1 Alors, Docteur, est-ce que cette méthode, cette façon de procéder est une

2 méthode standard, une méthode courante pour examiner des indices récupérés

3 sur les lieux d'un crime, des fragments, des débris, des différents

4 éléments ?

5 R. Monsieur le Procureur, premièrement, je découvre aujourd'hui les

6 résultats de cet examen qui, comme on peut le voir sur mon rapport, ne

7 m'avaient pas été communiqués à l'époque.

8 En ce qui concerne votre question, à savoir s'il est d'usage de

9 soumettre ce type d'échantillon à une analyse auprès d'un laboratoire

10 qualifié en détection de traces d'explosifs, oui cela fait partie dans ce

11 contexte-là de ce qui doit compléter les constatations d'autopsie et

12 d'examen de scène de crime. En ce qui concerne la question plus spécifique

13 concernant les méthodes, je ne suis pas un expert en explosifs ni en

14 chimie. J'ai une connaissance qui est une connaissance généraliste des

15 méthodes utilisées. Effectivement, la spectrométrie de masse ou la

16 chromatographie en phase gazeuse font partie de méthodes standard qui sont

17 utilisées dans ce type d'analyse. N'étant pas expert, je ne peux pas

18 développer davantage ce sujet.

19 Q. Merci. En tout cas, vous avez bien répondu à la question que je vous

20 posais. C'est donc une pratique tout à fait usuelle de soumettre ce genre

21 d'éléments à une analyse chimique en dehors de la scène de crime, n'est-ce

22 pas ?

23 R. C'est affirmatif.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, quel est l'état des

25 éléments récupérés sur place que le témoin n'a pas discuté d'après vous ?

26 M. STAMP : [interprétation] Ceci n'est qu'une partie du rapport des

27 médecins légistes autrichiens, dont je pensais qu'ils avaient été soumis au

28 témoin parce qu'ils faisaient partie du rapport global.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudra peut-être que vous

2 réfléchissiez à la question et vous en aurez le temps puisque l'heure de la

3 pause est arrivée.

4 Docteur Baccard, l'huissier va vous montrer l'endroit où vous allez passer

5 la pause. Nous allons suspendre maintenant et vous pouvez quitter le

6 prétoire.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 11

9 heures 15.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.

11 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, c'est à vous.

14 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 J'aimerais que l'on présente la pièce P361 à nouveau.

16 Q. Pendant que cette pièce est préparée, Docteur, s'agissant de Kotlina à

17 la page 48 au point 2.8.1, dans les "Documents joints, ceci est basé sur

18 les rapports du Groupe II de l'équipe d'enquête sur les lieux du crime

19 autrichienne."

20 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on nous présente la première page

21 de la pièce 361. Première page, je vous prie, page 2.

22 Q. En haut dans l'encadré du haut, on voit : "Groupe II, scène de crime

23 Kosovo, 1999." Est-ce que c'est le rapport que vous avez reçu, Docteur ?

24 R. Il me semble que oui.

25 Q. Ce rapport contient les rapports d'autopsie que je vous ai montrés. On

26 y trouve également une liste des éléments qui ont été récupérés sur le site

27 et qui ont été envoyés pour analyse chimique. Vous dites que vous n'avez

28 pas passé en revue cette partie-là du rapport. Est-ce que je peux conclure,

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1 à juste titre, que dans ce cas-là vous avez passé en revue comme source

2 d'information les rapports d'autopsie mais pas les documents qui avaient

3 trait à la demande d'analyse chimique des objets trouvés sur les lieux ?

4 R. Je dois dire que durant la pause, j'ai essayé de me souvenir de ce

5 dossier qui date de plus de quatre ans. Je suis moins affirmatif. Il est

6 possible qu'effectivement, ces résultats d'examen chimique m'aient été

7 montrés. Compte tenu de mon profil professionnel, je me suis attaché à ce

8 qui relevait de ma spécialité, c'est-à-dire des rapports d'autopsie. Je ne

9 peux dire avec certitude, si oui ou non, les résultats d'examens chimiques

10 figuraient ou non dans le rapport qui m'a été communiqué.

11 Q. Fort bien.

12 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

13 Juges, je peux simplement vous dire que le rapport sur les analyses

14 chimiques fait partie du document dans son ensemble, un document très

15 volumineux. La demande pour l'analyse des objets trouvés se trouve à la fin

16 du document.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, la demande d'analyse cela c'est

18 une chose, mais il y a également les résultats. En quoi cela affecte-t-il

19 les conclusions qu'on trouve à la page 51 du rapport du Dr Baccard ? Est-ce

20 que ceci a trait à Kacanik ou seulement une partie ?

21 M. STAMP : [interprétation] Kotlina simplement.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En quoi ceci affecte-t-il la

23 conclusion que l'on trouve au point 2.9.5 ?

24 M. STAMP : [interprétation] Ceci confirme la conclusion, à savoir que 84 %

25 des victimes étaient décédées suite à une explosion. Plus encore, ceci

26 confirme Hazbi Loku qui a déposé en l'espèce et qui dit avoir vu les hommes

27 précipités dans les puits dans lesquels on a ensuite lancé des explosifs.

28 Je crois qu'au moment de sa déposition on s'est interrogé sur ce qu'il

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1 avait vraiment dit avoir vu sur ces explosifs. Il y avait un certain doute

2 à ce sujet.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce doute, il peut être éliminé si vous

4 parvenez à vous mettre en accord vous-même avec Me Ivetic. Il est possible

5 que vous arriviez à trouver un terrain d'entente et qu'il ne soit pas

6 difficile de vous mettre d'accord, vu les analyses chimiques. Le Dr Baccard

7 n'est pas sûr, il nous l'a dit, d'avoir vu les résultats de ces analyses. A

8 ce moment-là, le mieux ce serait peut-être que vous parveniez à un accord

9 avec votre confrère sur ce point.

10 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

11 LE TÉMOIN : Votre Honneur, si je peux ajouter quelque chose. Dans mon

12 rapport, il est fait référence à des données diagnostiques qui reposent

13 essentiellement sur l'autopsie et l'examen externe, mais également à la

14 présence de "shrapnel", c'est-à-dire d'éclats métalliques. Je n'ai pas fait

15 référence à une confirmation chimique. Il me semble que c'est un élément

16 nouveau que je découvre maintenant mais qui vient en plus. De toute façon,

17 d'après les rapports de mes confrères, la concordance des lésions

18 anatomiques et la présence de "shrapnel" était suffisante pour affirmer le

19 diagnostic de décès par explosif.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Docteur.

21 Monsieur Stamp.

22 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant au site

23 de Dubrava.

24 Monsieur le Président, s'agissant de Dubrava et du lieu où se sont déroulés

25 ces crimes, nous avons des rapports d'exhumation qui sont compréhensibles

26 et des rapports d'autopsie. Tout ceci me paraît assez clair à moins que

27 vous ne jugiez utile que je revienne sur ces rapports d'autopsie, je

28 pourrais peut-être passer à un autre site.

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1 Pour ce qui est de Dubrava, il y a deux rapports d'exhumation, P371

2 et P370, ainsi qu'un rapport d'autopsie sur les personnes identifiées qui

3 figurent en annexe de l'acte d'accusation. De plus, pour ce qui est Vata

4 Slatina, les choses restent en état. Si je continue l'examen du tableau que

5 je vous ai fourni, vous passez ensuite à Stagovo. Pour Stagovo, nous avons

6 un autre rapport qui a été établi par l'équipe d'identification des

7 victimes de catastrophe, une équipe suisse, avec l'autopsie de personnes

8 dont les noms figurent à l'acte d'accusation. Je ne pense pas qu'il soit

9 nécessaire de passer en revue tous ces rapports d'autopsie.

10 Si vous êtes d'accord, ce que je pourrais faire, c'est de présenter à

11 la Chambre une liste des pages qui sont pertinentes pour nous tirer de ces

12 rapports d'autopsie. Beaucoup de ces rapports sont extrêmement volumineux.

13 En ce qui a trait véritablement aux autopsies, cela n'occupe que quelques

14 pages du rapport qui est très long parce qu'il y a de nombreuses autres

15 informations, des photographies, des croquis, et cetera. Ensuite, vous avez

16 la narration des autopsies elle-même.

17 Vu ce qui m'a été indiqué précédemment à la Chambre à ce sujet, je

18 souhaiterais procéder de la sorte, à moins que vous ne souhaitiez que je

19 repasse en revue tous les rapports d'autopsie.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, nous ne le souhaitons pas.

21 Il est nécessaire que vous nous disiez exactement quelles sont les pièces à

22 conviction auxquelles fait référence le témoin, les pièces dont il s'est

23 servi pour chacune des parties de son rapport.

24 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vous dis pas qu'il faut le

26 faire tout de suite, mais il aurait été fort utile que cette liste ait déjà

27 été préparée, une liste sur laquelle figurait les pages d'un document que

28 vous nous décrivez, d'un rapport qui est extrêmement volumineux et dont

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1 nous n'avons besoin de consulter que quelques pages.

2 C'est ce qui va falloir que vous fassiez notamment avec Me Ivetic

3 d'ici mercredi, nous donner une liste des pièces à conviction auxquelles

4 fait référence ce rapport, et nous indiquer quelles sont les pages précises

5 qui nous intéressent, nous, véritablement.

6 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre chose. Est-ce que vous allez

8 poursuivre l'interrogatoire du témoin ou est-ce que vous en avez terminé ?

9 M. STAMP : [interprétation] Il me reste encore deux sujets de thème à

10 aborder, mais cela ne prendre pas beaucoup de temps. Il s'agit de Vucitrn.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

12 M. STAMP : [interprétation]

13 Q. Vous évoquez le site de Gornja Sudimlja dans la municipalité de

14 Vucitrn, à la page 67 de votre rapport. Dans l'affaire Misolevic, à la page

15 5 263, vous avez dit que de manière générale on est en mesure de déterminer

16 qu'il y a eu erreur dans la détermination de la cause du décès à partir des

17 pièces qui vous sont fournies. Si vous vous reportez à l'annexe 7, page

18 149. Cela commence à la page 147, pas à la page 149, comme je l'ai dit.

19 Quand vous parlez du cas C16, vous dites dans les paragraphes de la

20 conclusion, que "la cause du décès n'est pas une blessure au niveau du

21 thorax parce que le tir est tangentiel et superficiel, ce n'est pas une

22 blessure pénétrante. La cause du décès est une blessure au niveau du crâne

23 et du cerveau."

24 Est-ce que vu votre expérience et l'examen des pièces qui vous ont

25 été présentées, est-ce que c'est un cas où vous pouvez vous-même en arriver

26 à une conclusion quant à la cause du décès sur la base des éléments qui

27 vous été présentés ?

28 R. Tout à fait. Lorsque les deux blessures sont décrites et qu'elles sont

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1 accompagnées de photos qui sont pertinentes, il est tout à fait possible de

2 dire que la blessure thoracique a priori n'a pas provoqué de lésion

3 d'organe vitale et que la cause du décès doit être rapportée au contraire à

4 la blessure crânienne qui s'accompagnait de lésions irréversibles, comme il

5 a eu une blessure cérébrale.

6 Q. Pour ce qui est toujours de ce site, vous avez fait état de nombreuses

7 erreurs. Est-ce que ces erreurs affectent la conclusion globale pour ce

8 site, notamment la conclusion selon laquelle une partie très importante des

9 victimes avaient reçu une balle dans le dos ?

10 R. Effectivement, les documents que j'avais à ma disposition, notamment

11 les photographies, m'ont permis de mettre en évidence quelques

12 discordances. Une fois ces discordances notées, en tenant compte de ces

13 discordances, les conclusions globales demeuraient valides.

14 Q. J'ai fait référence à l'une des conclusions qui disait que la plupart

15 des personnes avaient reçu une balle dans le dos. Il y en a une autre

16 conclusion importante à 2.12.6.4 où vous dites que :

17 "La majorité des blessures se trouvent au niveau du tronc de la

18 région abdominale et thoracique, et 58 % se trouvent au niveau de la tête

19 et du cou dans la région cervicale céphalique, aussi dans les membres

20 inférieurs, seulement 5 %. Ceci doit être interprété en tenant compte des

21 circonstances dans lesquelles les tirs ont été portés."

22 Cela aussi, ce sont des conclusions qui n'ont pas été affectées par

23 les discordances que vous avez mentionnées.

24 R. Non, parce que les pourcentages dont je fais état sont des pourcentages

25 que j'ai calculés moi-même à partir de l'ensemble de ces éléments en tenant

26 compte des discordances relevées.

27 Q. Merci. S'agissant du site de Suva Reka, il s'agit d'une exhumation

28 d'une fosse commune ou d'un charnier dont on avait déjà exhumé les corps.

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1 Ou présenté autrement : il y avait, selon vous, seulement deux corps qui

2 étaient identifiables. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y avait

3 seulement deux corps dont il était possible de les identifier ?

4 R. J'ai été confronté à la lecture des différentes pièces qui étaient en

5 ma possession, c'est-à-dire plusieurs rapports, rapports d'anthropologie du

6 Dr Black, rapport d'autopsie du Dr Milewski, rapport d'anthropologie du Dr

7 Black à une autre date, et cetera, à des discordances qui tenaient compte

8 du fait que des descriptions de groupes de restes humains ne concordaient

9 pas. Compte tenu de ces discordances, j'ai préféré laisser ceux qui étaient

10 douteux et ne garder que ceux qui étaient retrouvés dans chacun des records

11 et qui ne prêtaient donc pas à confusion.

12 Q. Conséquence, vous n'avez pu déterminer la cause du décès que de Faton

13 Berisha et de Fatime Berisha ?

14 R. Tout à fait, puisque les autres groupes de restes humains se trouvaient

15 dans un tel état, ils étaient mélangés entre eux et aucuns de ces restes ne

16 portaient de lésions qui permettaient d'en déduire la cause du décès.

17 M. STAMP : [interprétation] Comme je l'ai dit précédemment, Monsieur le

18 Président, le rapport relatif à Cirez, qui concerne huit femmes, a déjà été

19 versé au dossier. C'est la pièce P383. Je n'ai rien à ajouter. Je n'ai plus

20 de questions à poser au témoin.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, pour le compte rendu

22 d'audience, vous n'avez pas, je vous le rappelle, posé les questions

23 habituelles au témoin qui consistent à lui demander si on lui présentait

24 les mêmes éléments de preuve et si on lui posait les mêmes questions il

25 répondrait de la même façon.

26 M. STAMP : [interprétation] Effectivement. Je ne l'ai pas fait. Je vais le

27 faire. Merci, Monsieur le Président.

28 Q. Quand vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, est-ce que vous avez

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1 répondu en disant toute la vérité aux questions qui vous ont été posées et

2 est-ce que vous répondriez aujourd'hui de la même façon si on vous reposait

3 les mêmes questions ?

4 R. Bien sûr, Monsieur le Procureur. Oui.

5 Q. Merci beaucoup.

6 M. STAMP : [interprétation] Avant de me rasseoir, je me permets de vous

7 signaler que le CV du témoin, le CV mis à jour a été maintenant téléchargé

8 dans le système et il porte la cote P2784.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 Maître O'Sullivan.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'ordre de l'acte

12 d'accusation. Je n'ai pas de questions.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

14 M. FILA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

16 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai quelques

17 questions à poser.

18 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Je m'appelle Tomislav

20 Visnjic. Je suis le conseil de la Défense du général Ojdanic. J'ai un

21 certain nombre de questions à vous poser. Comme tout profane, je vais tout

22 d'abord vous poser des questions d'ordre général. Je vais vous demander de

23 me répondre à des questions qui vont ensuite me permettre de vous poser

24 d'autres questions.

25 Est-il exact que la distance de tir est établie sur la base des traces de

26 poudre provoquées par l'explosion ?

27 R. Oui, c'est exact, mais pas uniquement. C'est un des critères qui permet

28 d'établir la distance, mais ce n'est pas le seul. Il peut y avoir également

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1 des traces qui sont en rapport avec des constituants de la munition. Comme

2 des demi-bourres annulaires pour certains projectiles, comme du matériel de

3 remplissage de type bille de polystyrène pour des grains de chevrotines,

4 mais également des lésions qui sont liées au gaz même, par exemple, dans un

5 tir à bout touchant appuyé, on aura des lésions qui ne sont pas connectées

6 à des dépôts de poudre mais qui sont des déchirements des chambres de

7 mines, et cetera.

8 Q. En dehors des traces d'explosions, des traces de poudre qui

9 montreraient qu'il y a des particules de poudre qui n'ont pas brûlé

10 éventuellement, en dehors des traces de métal également, en dehors de tout

11 ce que vous venez d'évoquer dans votre réponse, est-ce qu'il y a des

12 éléments qui permettent d'établir la distance à laquelle la balle a été

13 tirée ? C'est sur la base de ces éléments qu'on se fonde; c'est bien cela ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous

16 pourriez, je vous prie, répéter ce que vous avez dit au sujet des

17 constituants de munition ?

18 LE TÉMOIN : Oui, tout à fait, Votre Honneur. J'ai dit, en dehors des dépôts

19 de poudre, la poudre est un des éléments constitutifs d'une munition, mais

20 ce n'est pas le seul. Il y a des éléments internes qui peuvent une bourre,

21 c'est-à-dire le constituant qui est situé entre le projectile ou les

22 projectiles multiples et la poudre, et il peut y avoir du matériel de

23 remplissage pour certains types de chevrotines, notamment américaines, qui

24 ne sont pas de la poudre et qui stabilisent ces chevrotines et ces éléments

25 sont projetés également dans l'air au moment du coup de feu.

26 Par exemple, pour les tirs à bout touchant appuyé, on a des lésions

27 caractéristiques qui sont liées à l'expansion brutale des gaz sous la peau

28 qui donnent des plaies déchirées, et ceci sans qu'on retrouve des traces de

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1 poudre particulièrement. Donc la poudre, les projections de poudre font

2 partie des éléments qui permettent de déterminer une distance de tir, mais

3 ce ne sont pas les seuls.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Maître Visnjic, à vous.

6 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Q. Est-il exact, Docteur, que lorsqu'on parle de bout touchant cela

8 signifie que le canon de l'arme à feu manuelle, lorsque le projectile a été

9 tiré, que le canon s'appuyait sur la surface du corps ou d'un vêtement, à

10 moins que la distance entre la surface du corps ou du vêtement et le canon

11 de l'arme ne soit que de quelques millimètres; est-ce bien cela ?

12 R. C'est exact, oui.

13 Q. Est-il exact que lorsqu'on parle de bout portant, cela signifie que le

14 canon de l'arme à feu, au moment où le projectile est tiré, était à une

15 distance de 15 à 20 centimètres de la surface du corps ou de la surface du

16 vêtement lorsqu'on parle de revolvers modernes, de 50 à 70 centimètres

17 lorsqu'on parle de revolvers plus anciens, et d'un mètre à un mètre et demi

18 lorsqu'on parle d'un fusil ?

19 R. La réponse est négative. Je ne sais pas si la traduction est exacte,

20 mais bout portant ne correspond pas à ces distances de tirs qui rentrent

21 plutôt dans le cadre des courtes distances.

22 Q. Ma question portait sur une distance courte relative.

23 R. Il faut préciser que ces subdivisions sont tout à fait théoriques.

24 Elles dépendent de plusieurs facteurs; elles dépendent du type d'arme,

25 elles dépendent de la longueur du canon, elles dépendent de la charge de

26 poudre, et elles dépendent effectivement de facteurs dont vous avez parlé,

27 qui sont l'interposition de vêtements pour les dépôts.

28 M. STAMP : [interprétation] Avant de passer à la question suivante -- il y

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1 avait un erreur au compte rendu d'audience en anglais. Elle vient d'être

2 corrigée. Excusez-moi, Monsieur le Président.

3 M. VISNJIC : [interprétation]

4 Q. Est-il exact que dans tous les cas où il n'y a pas de traces d'explosif

5 ou de poudre, les scientifiques et les spécialistes de la balistique, ainsi

6 que les experts en médecine légale, sont d'accord pour dire que le

7 projectile a été tiré à une certaine distance ?

8 R. La réponse ne peut pas être totalement affirmative, parce qu'il peut y

9 avoir d'autres facteurs qui rentrent en ligne de compte, qui sont aussi le

10 fait des conditions météorologiques, il y en a plusieurs, les dépôts de

11 fumée par exemple peuvent être lavés, et l'existence d'une cible

12 intermédiaire, comme un écran ou des vêtements, peuvent empêcher qu'il y

13 ait sur le corps des traces qui soient trouvées. Donc, il faut pondérer

14 cette réponse en tenant compte de tous ces facteurs.

15 Q. Docteur, ces facteurs que vous venez d'évoquer ne peuvent qu'amener à

16 une conclusion plus "conservatoire" encore, quant à la détermination de la

17 distance à laquelle la balle a été tirée. Est-ce que je suis en droit de

18 dire ce que je viens de dire ?

19 R. Je ne comprends pas le terme "conservatoire."

20 Q. Je vais reformuler. Selon la méthodologie appliquée par vous, quelle

21 est la distance que l'on pourrait considérer comme une distance moyenne

22 disons, s'agissant de déterminer si un tir a été tiré de près à l'aide d'un

23 fusil ?

24 R. Là également, je regrette, il n'est pas possible de donner de réponse.

25 Ceci dépend des différents facteurs que j'ai énoncés plus tôt, à savoir la

26 longueur du canon, l'existence ou non à l'extrémité du canon d'un appareil

27 spécial, qui peut être un silencieux, un réducteur de bruit, ou alors un

28 cache-éclair, la charge de poudre, si la quantité de poudre est plus ou

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1 moins importante, et les conditions météo en ce qui concerne le dépôt des

2 fumées.

3 Q. Existait-il dans la littérature spécialisée des normes peut-être, des

4 normes quant à la distance maximale à laquelle ce genre de conclusion peut

5 être déterminé ?

6 R. La réponse est négative. Les experts en armes et munitions pour établir

7 une distance qui soit chiffrée font des tirs, ce qu'on appelle des tirs

8 comparatifs en utilisant la même arme si cela est possible, ou alors un

9 type d'arme tout à fait similaire, et des munitions qui, si possible,

10 appartiennent au même lot de munitions, ou si elles ne sont pas

11 disponibles, des munitions similaires. On a besoin d'avoir pour donner des

12 réponses chiffrées, on a besoin d'avoir plus d'éléments et de procéder à

13 des tirs comparatifs. Sinon, on en reste à des approximations qui sont

14 celles dont on a fait mention plus tôt, à savoir tirs à bout touchant, bout

15 portant, courte distance, intermédiaire, et ceci dépend des armes.

16 Q. Docteur, je vais maintenant vous interroger au sujet du travail

17 accompli par l'équipe de spécialistes français en 1999. Connaissez-vous la

18 méthode qu'ils ont utilisée pour déterminer la distance et quels sont les

19 facteurs qu'ils ont pris en compte pour déterminer la distance d'un tir

20 dans le cadre de leur travail ?

21 R. Vous faites référence à un dossier particulier ou c'est une demande

22 générale, une question générale ?

23 Q. Je parle du rapport de l'équipe des spécialistes français au sujet de

24 Gornja Studimlja, par exemple.

25 R. En ce qui concerne les distances de tir, ce qui apparaît dans le

26 rapport en question, sont basées sur l'existence ou non de brûlures au

27 niveau des trous retrouvés dans les vêtements ou de dépôts de poudre.

28 Q. Docteur, à la lecture de votre déposition dans l'affaire Milosevic,

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1 j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas responsable du travail de la

2 mission française en 1999. Vous avez repris la responsabilité de ce travail

3 en 2000 seulement. Est-ce que c'est bien cela ?

4 R. Oui, c'est tout à fait exact. J'ajouterais juste une précision

5 complémentaire en ce qui concerne l'activité exercée en 2000, il ne

6 s'agissait pas d'une responsabilité d'une mission française, mais de la

7 responsabilité des équipes multidisciplinaires et internationales qui ont

8 été mises en place par le bureau du Tribunal pénal international pour l'ex-

9 Yougoslavie. Cela comprenait des experts de nationalités différentes, et

10 non pas uniquement français.

11 Q. Merci. Est-il exact également que lorsqu'on est en présence d'un

12 cadavre putréfié, il est impossible de déterminer exactement la distance à

13 laquelle le projectile a été tiré ?

14 R. En général, c'est très difficile, ceci étant lié au phénomène de

15 transsudation qu'on va avoir sur la peau et desquamation, c'est-à-dire de

16 la partie superficielle de l'épiderme qui va s'enlever par lambeau. Ceci

17 peut être quand même déterminé au niveau des vêtements qu'une victime peut

18 porter.

19 Q. Est-il également exact, Docteur, qu'il est éventuellement possible de

20 déterminer la distance d'un tir très proche au vu des traces que l'on

21 trouve sur les os, dans le crâne par exemple ou sur les os en général,

22 notamment lorsqu'on est en présence de traces de couleur noir, qui démontre

23 la présence d'une substance de couleur noir lorsque le cadavre est déjà en

24 partie putréfié ou totalement putréfié ?

25 R. Alors en ce qui concerne les tirs à bout touchant appuyés, on peut

26 avoir effectivement ce qu'on appelle une zone de tatouage qui n'est pas sur

27 la peau mais qui est sur la surface externe de l'os qui est sous-jacent. A

28 ce moment-là, cette zone de tatouage de poudre va être protégée par la

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1 peau, et c'est en profondeur sur la surface externe de l'os qu'on va la

2 retrouver et qu'on va constater la présence de grains de poudre incrustés

3 sur la surface externe de l'os.

4 D'autres signes existent cliniques, qui sont pêle-mêle. L'empreinte de la

5 bouche du canon de l'arme, lacération de l'orifice d'entrée, existence

6 d'une chambre de mine en situation sous-cutanée, et cetera.

7 Q. Merci, Docteur. Suis-je en droit de dire qu'à la lecture du chapitre

8 2.12.3 de votre rapport, il est permis de dire que tous les cadavres

9 découverts à Gornja Sudimlja étaient déjà putréfiés. Paragraphe 2.12.3.2, à

10 l'exception de deux de ces cadavres dont il est fait une mention

11 particulière.

12 R. C'est exact.

13 Q. Suis-je en droit de dire, Docteur, qu'il est également impossible,

14 après examen visuel simplement de l'orifice d'entrée et de l'orifice de

15 sortie, de déterminer l'origine d'une balle ou son calibre ?

16 R. Une prudence extrême doit être conservée sur ce point. On peut avoir

17 une orientation, être orienté vers tel ou tel type de calibre, mais il n'y

18 a pas de parallélisme scientifique entre un diamètre d'orifice d'entrée et

19 un calibre. Des phénomènes multiples sont liés à l'élasticité des tissus

20 traversés, sont liés au mouvement du projectile, il y a des facteurs de

21 résistance, des différents matériaux traversés.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic, vous venez de citer

23 un paragraphe 2.12.3.2, je ne parviens pas à trouver ce paragraphe dans ma

24 version du texte. Je constate que dans ce chapitre la numérotation des

25 paragraphes n'est pas suivie. Est-ce que peut-être ce paragraphe figure

26 sous un autre numéro dans ma version du texte ?

27 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'aurais dû

28 indiquer que la numérotation n'est pas dans un ordre séquentiel. C'est

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1 pourquoi que j'ai essayé de citer les numéros de paragraphes et les numéros

2 de pages dans mon interrogatoire. Je pense que ceci se retrouve sous le

3 titre "État des corps" au bas de la page 2.12.5.2 dans votre version.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 2.12.5.1 ? Merci.

5 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, selon ce dont je

6 dispose en traduction, ce passage devrait se trouver en page 76 du document

7 158, mon confrère me dit à l'instant que ce n'est pas un point de référence

8 valable.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 76 ?

10 M. VISNJIC : [interprétation] Non, Maître Ivetic vient de me dire que cette

11 référence n'était pas valable. Je vous ai cité une référence qui était

12 d'une version traduite ne correspondant pas au document qui a été introduit

13 dans le système e-court du prétoire électronique. La référence au numéro de

14 paragraphe devrait suffire, je suppose.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre exemplaire, vous parlez

16 d'un numéro de paragraphe qui est 2.12.3.2., c'est bien cela ?

17 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, c'est ce paragraphe, effectivement. Ce

18 paragraphe dans la version originale du texte correspond au "2.12.5.2". Je

19 pense que cela devrait régler le problème. Le numéro que j'ai cité étant

20 celui d'une traduction, Monsieur le Président. Il est possible que

21 l'original ait été établi en français, et qu'ensuite ait eu lieu une

22 traduction en anglais et que ce soit cela qui ait causé ces différences de

23 numérotation qui se sont aggravées ensuite avec la traduction en B/C/S.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai l'impression qu'on peut

25 transposer le 3 en 5. Ce n'est pas tout à fait clair, mais nous allons

26 poursuivre. Veuillez poursuivre, je vous prie.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai, dans mon exemplaire, qui a été rédigé en

28 anglais, la même numérotation que Me Visnjic, à savoir cet aspect est dans

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1 le paragraphe 2.12.3.2, "Status of Bodies."

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro, je

3 vous prie ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] 2.12.3.2.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Maître Visnjic, à vous.

7 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Docteur, eu égard à la pièce P334, qui est un rapport établi par la

9 mission française, j'aimerais que vous vous penchiez sur ce document qui

10 fera l'objet d'un certain nombre de questions de ma part, après quoi, je

11 vous soumettrai deux rapports d'autopsie. Ma question est la suivante : sur

12 quoi s'appuie-t-on pour affirmer qu'une proximité immédiate correspond à

13 une distance de 50 centimètres, si l'on tient compte du fait qu'il y a un

14 instant nous avons été d'accord pour dire qu'une distance immédiate ou

15 absolue correspondait à une situation dans laquelle l'arme était appuyée

16 sur la peau ou sur un vêtement ou à quelques millimètres de la peau ou du

17 vêtement ?

18 M. VISNJIC : [interprétation] Page 51 de la pièce 334, qui est le rapport

19 de la mission française L11 ou C13.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible qu'il y ait un

21 problème d'interprétation. En anglais on lit : "Un tir à très courte

22 distance." Problème d'interprétation ou de traduction. C'était un rapport

23 français, n'est-ce pas ? Maître Visnjic, ce rapport était-il en français ?

24 M. VISNJIC : [interprétation] C'est un rapport français. En effet, Monsieur

25 le Président. Ce qui est en cause, c'est la traduction.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous

27 disposez de la version originale en français de ce rapport ?

28 LE TÉMOIN : Non, Votre Honneur, c'est une version anglaise qui figure sur

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1 mon écran.

2 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, la version française

3 existe également dans le système du prétoire électronique. On pourrait

4 peut-être l'afficher sur les écrans à la place de la version serbe, ce qui

5 nous permettrait de vérifier, car ce même terme sera utilisé à plusieurs

6 reprises.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je crois que ce serait bien,

8 Maître Visnjic, on pourra voir d'abord comment on peut comparer le libellé

9 français et le libellé anglais pour commencer.

10 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que M. l'Huissier veuille bien

11 afficher la page française du rapport sur les écrans. Je crois que le

12 numéro de la page est le même.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les termes utilisés sont identiques à

14 ce que l'on trouve dans la version anglaise. Pouvez-vous nous dire, Maître

15 Visnjic, quels sont les termes utilisés par ce même fragment de phrase en

16 Serbe ?

17 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, au niveau de la

18 conclusion il est dit "le projectile est du 12 et le tir a été effectué à

19 très courte distance, à savoir 50 centimètres environ."

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Posez votre question maintenant que

21 nous comprenons ce qui est dit dans les différentes langues.

22 M. VISNJIC : [interprétation]

23 Q. Docteur, lorsque vous lisez ce rapport d'autopsie, je vous demande, ce

24 qui a servi de base à la conclusion selon laquelle la balle en question

25 était tirée à très courte distance, c'est-à-dire à 50 centimètres environ ?

26 R. Je ne suis pas l'expert qui a fait l'autopsie. Il m'est difficile de

27 dire quels sont les éléments sur lesquels mon confrère s'est basé pour

28 cette réponse. D'après ce que j'ai vu dans ce rapport, il y avait un expert

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1 en armes et en munitions qui était présent au temps et au lieu de

2 l'autopsie. Je pense que ce sont ses constatations qui ont conduit à cette

3 conclusion.

4 Q. Docteur, dans la description de cette autopsie ou dans un document que

5 vous auriez pu avoir sous les yeux, y a-t-il des bases justifiant de telles

6 conclusions ? Est-ce que ces fondements sont décrits ? Regardez par exemple

7 cette partie du rapport, trois pages.

8 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais que le témoin voit la page 2 et la

9 page 3 de ce document, les deux pages suivantes qui ne sont pas forcément

10 la page 2 et la page 3, en français.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En français, de préférence.

12 M. VISNJIC : [interprétation] Le numéro des pages est d'après moi, le

13 numéro 52 et le numéro 53.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crains fort que ce qu'on nous

15 montre soit toujours en anglais, Maître Visnjic.

16 M. VISNJIC : [interprétation] Je dispose ici d'une version française,

17 Monsieur le Président. Je pourrais la remettre au témoin sur papier.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 M. VISNJIC : [interprétation]

20 Q. J'aurais la même question à vous poser au sujet du rapport L2, 34. Je

21 vous fais remettre immédiatement les deux rapports.

22 Docteur, dans ces deux rapports, y a-t-il des éléments qui nous

23 permettraient de conclure aux mêmes conclusions que l'équipe française, à

24 savoir que la balle a été tirée à très courte distance ?

25 R. Il y est indiqué sur l'écran une distance de 50 centimètres. Je crois

26 qu'il aurait été préférable que l'expert indique que ce tir était

27 compatible avec, plutôt que donner un chiffre de distance qui, encore une

28 fois, ne peut être affirmé qu'en possession de l'arme et des munitions en

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1 cause.

2 Ceci étant, il y a des éléments qui permettent de dire

3 qu'effectivement ce tir a été tiré à très courte distance. Ces éléments

4 font référence notamment à l'existence de brûlures noirâtres au pourtour.

5 Ceci indique qu'effectivement la bouche du canon de l'arme se trouvait à

6 très courte distance de la peau.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on trouve une telle

8 constatation dans les deux rapports ?

9 LE TÉMOIN : Votre Honneur, en ce qui concerne le rapport concernant le

10 dossier L2, C34, dans la région thoracique il est précisé qu'il existe un

11 orifice d'entrée situé dans la région thoracique droite paramédiane haute,

12 de 8 à 9 millimètres de diamètre environ, avec des brûlures noirâtres au

13 pourtour. En ce qui concerne l'autre rapport, le dossier L1, C13, il est

14 mentionné que le tir est à cinquante centimètres environ, courte distance.

15 Mais on ne dispose pas des éléments sur lesquels l'expert s'est appuyé pour

16 cette conclusion.

17 M. VISNJIC : [interprétation]

18 Q. Il est question d'un cadavre qui a été modifié par putréfaction, n'est-

19 ce pas ? Je parle de rapport L2, C34.

20 R. C'est exact.

21 Q. Merci. Je vous demande maintenant de vous pencher sur un autre

22 document que l'on retrouve également dans la pièce P334, il s'agit du

23 rapport L1, C12, page 47 du rapport.

24 M. VISNJIC : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de bien

25 vouloir remettre le texte en français au témoin.

26 Q. Docteur, dans ce rapport il est dit que la balle a été tirée à une

27 distance relative, c'est-à-dire à une distance inférieure à deux mètres. Y

28 a-t-il un quelconque fondement justifiant une telle constatation, une telle

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1 conclusion dans ce rapport ?

2 R. Je n'en ai pas retrouvé.

3 Q. Merci. Puisque nous parlons de cela, Docteur, de ce rapport L1, C12,

4 cette autopsie, il est écrit ici que le calibre de la balle est de 5,45-

5 5,56. Est-ce que vous avez une idée de ce qui a servi à déterminer le

6 calibre du projectile ?

7 R. Je n'en ai pas retrouvé de trace dans le rapport de l'expert. Je pense

8 que c'est quelque chose qui est plus ou moins déduit des dimensions de

9 l'orifice d'entrée, mais c'est une supputation de ma part.

10 Q. Il y a un instant, nous étions d'accord pour dire que le diamètre de

11 l'orifice d'entrée ne permet pas de déterminer le calibre d'une balle,

12 n'est-ce pas ? Scientifiquement, je veux dire.

13 R. En ce qui me concerne, la réponse est positive. J'aurais certainement

14 adopté plus de prudence dans la formulation en parlant de compatibilité

15 avec, plutôt que d'utiliser le présent et d'être affirmatif. Mais encore

16 une fois, je n'étais pas sur les lieux, je n'étais pas présent à

17 l'autopsie.

18 Q. Merci, Docteur. Oui, bien sûr, je suis au courant et c'est ce qui me

19 pousse à vous demander des éclaircissements.

20 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au

21 témoin une autre partie de la même pièce à conviction, page 4 cette fois-

22 ci. C'est le rapport concernant l'autopsie L1, C3 qui se trouve en fait à

23 la page 11, excusez-moi. J'ai ici la version française du texte qui peut

24 être remise au témoin.

25 Q. Docteur, dans cette autopsie, il n'est pas fait mention d'un orifice de

26 sortie de la balle à la surface de ce cadavre; suis-je en droit de dire ce

27 que je viens de dire ?

28 R. Votre Honneur, si, il est mentionné un orifice de sortie. Puisque je

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1 relis le rapport de mon confrère, il est dit : le larynx est perforé avec

2 un orifice d'entrée de 8 millimètres dans l'aile du cartilage thyroïde

3 gauche et une sortie au niveau de l'aile du cartilage thyroïde droit;

4 présence de plaies des vaisseaux du cou, notamment artère carotide droite

5 et gauche est mentionnée. Donc un orifice de sortie.

6 Q. Oui, effectivement, c'est mentionné au niveau de la description de

7 l'autopsie, mais on n'en trouve pas mention dans les conclusions. Cela

8 m'avait échappé. Quoi qu'il en soit, est-il permis de penser qu'il reste

9 des tissus mous au niveau de la lésion, au niveau de la plaie même en dépit

10 de la putréfaction ?

11 R. Il s'agit de supputation. L'état du cou est décrit comme étant déjà

12 très altéré avec des parties molles putréfiées et hémorragiques.

13 Q. Merci, Docteur. Suis-je en droit de dire que les éléments présents ici

14 ne suffisent pas à déterminer le calibre de la balle, les éléments

15 mentionnés dans cette partie du texte ?

16 R. Je ferai la même remarque que précédemment. La logique scientifique

17 voudrait que l'on parle plutôt de compatibilité avec tel type de calibre

18 plutôt que de démontrer une certitude.

19 Q. Merci, Docteur.

20 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais à présent qu'on soumette au témoin

21 le rapport L1, C5, page 19. J'ai ici les pages en question en français.

22 Q. Docteur, je vais vous faire remettre deux rapports en même temps, avec

23 également le rapport L1, C14. Dans ces deux rapports, il est dit qu'en se

24 fondant sur l'examen visuel ou en se fondant sur l'observation de l'orifice

25 d'entrée, il a été possible de déterminer que les munitions utilisées

26 étaient du 12, ce qui sans doute signifie de calibre 12.

27 Voici ma question : si l'on tient compte de la puissance de frappe d'un

28 projectile de calibre 12 et si l'on tient compte du fait que dans ce texte

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1 il est affirmé que la balle a été tirée d'une distance relative, suis-je en

2 droit de dire qu'il est très vraisemblable, très probable que dans ces

3 conditions la balle ne serait pas restée à l'intérieur du corps mais

4 qu'elle en serait sortie, même si elle avait heurtée au passage un os ?

5 R. Encore une fois, je n'étais pas présent au moment de l'autopsie, et

6 donc, je me prononce d'après la lecture du rapport. L'interprétation qui

7 est donnée par l'expert à qui ce fait n'a pas échappé, à savoir qu'il n'y

8 avait pas d'identification d'orifice de sortie. L'interprétation de

9 l'expert est une fragmentation du projectile.

10 Q. Docteur, en vous fondant sur votre expérience, est-il permis qu'il est

11 fort vraisemblable ou fort probable qu'une balle de calibre 12 aurait

12 traversé le corps et serait sortie du cadavre si cette balle avait été

13 tirée à la distance qui est mentionnée dans ce rapport ?

14 R. Tout peut se voir, y compris le fait qu'un projectile de calibre 12 ne

15 ressort pas du corps.

16 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur le rapport

17 d'autopsie L1, C9 qui se trouve en page 33 de la pièce P334.

18 Docteur, si nous lisons ce qui figure au niveau de la conclusion de ce

19 rapport qui tient compte des autres éléments caractérisant cette autopsie,

20 est-ce qu'il vous semble possible que deux personnes, à moins que ce ne

21 soit qu'une seule personne, aient tirées ces deux projectiles en même temps

22 à une distance aussi courte ?

23 R. En ce qui concerne des circonstances de tir ici, également tout peut se

24 voir.

25 Q. Avons-nous un fondement, Docteur, qui permettrait de confirmer la

26 distance de tir et le calibre du projectile dans le cas décrit ici dans ce

27 rapport ?

28 R. Je pense que mon confrère a sans doute voulu opposer deux plaies

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1 différentes par leur orifice d'entrée. L'une qui avait un orifice d'entrée

2 de petite dimension de l'ordre de 8 millimètres de diamètre auquel

3 correspondait un orifice de sortie, ceci au niveau du crâne. Deuxièmement,

4 au niveau du cou à un orifice d'entrée qui était beaucoup grand puisqu'il

5 mesurait 1,8 centimètres de diamètre sans orifice de sortie

6 individualisable.

7 Encore une fois, c'est une interprétation de rapport puisque je

8 n'étais pas présent sur place pour examiner le corps, c'étaient deux

9 constatations tout à fait différentes.

10 Q. Merci, Docteur. Docteur, sur la base des descriptifs que l'on

11 trouve dans ces rapports d'autopsie relatifs à Gornja Sudimlja, est-il

12 permis de déterminer le temps de séjour des cadavres dans la terre ou y a-

13 t-il quelque chose qui permette de dire que le décès a eu lieu à peu près

14 au même moment pour tous ces cadavres et à peu près au même endroit ?

15 R. Sur un plan général, il est toujours très difficile de déterminer

16 la durée pendant laquelle un cadavre a été inhumé parce qu'elle dépend de

17 facteurs qui sont extrêmement variables, qui tiennent à la nature du sol,

18 s'il est riche en roche, quelle est la concentration en eau, si le corps

19 est inhumé dans des vêtements ou est dévêtu, s'il y a un linceul, un

20 linceul plastique, s'il y a un cercueil, et cetera. Il y a énormément de

21 facteurs qui vont influer sur les phénomènes de putréfaction et l'on n'a

22 pas actuellement de tables scientifiques qui permettent de faire une

23 corrélation entre l'état d'avancement de la putréfaction et la durée du

24 séjour.

25 Dans le rapport de mes confrères, les seules mentions qui figurent

26 sont relatives à un état de putréfaction prononcé ou plus ou moins

27 prononcé; ce qui ne permet d'avancer quelque hypothèse que ce soit sur une

28 approximation au niveau de la durée de séjour.

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1 Q. Si j'ai bien compris, votre réponse est non; n'est-ce pas ?

2 R. En l'état actuel de la science, non, et en l'absence d'éléments plus

3 descriptifs dans le rapport d'autopsie.

4 Q. Merci.

5 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande maintenant le rapport d'autopsie,

6 L2, C22, qui se trouve en page 81 de la pièce P334.

7 Q. Docteur, sur la base d'un examen visuel d'une plaie, est-il possible de

8 déterminer la nature de l'arme qui a tiré, et si oui, quels sont les

9 critères qui existent pour ce faire éventuellement dans la littérature

10 spécialisée ? Je parle bien du rapport d'autopsie, L2, C22, pour poser

11 cette question.

12 R. Est-ce que la question fait référence à l'arme à feu, à sa marque, à

13 son calibre ou au fait qu'il s'agisse d'une arme automatique ou un tir en

14 rafale ?

15 Q. Nous lisons ici dans les conclusions. C'est la phrase qui m'intéresse.

16 Je cite : "Sur la base de l'examen visuel, il est conclu que c'est un fusil

17 automatique Kalashnikov qui a tiré à une distance relative." Ce sont ces

18 deux fragments de phrase qui m'intéressent. Est-il possible de tirer la

19 conclusion qu'on lit ici sur la base du descriptif de l'autopsie qui

20 précède dans ce rapport d'autopsie ?

21 R. Il est certain qu'en l'absence de l'arme ou des munitions, je ne

22 m'hasarderais pas personnellement à évoquer un nombre de marque d'armes à

23 feu. Je note simplement que dans la version française, entre parenthèses,

24 le terme "Kalachnikov" est suivi d'un point d'interrogation, ce qui me

25 laisse supposer que l'expert a considéré cela comme une hypothèse.

26 Q. Suis-je en droit de dire également qu'il n'existe aucun fondement non

27 plus pour déterminer la distance du tir ?

28 R. Je crois qu'il faut bien faire la distinction entre les constatations

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1 d'autopsie et les éléments figurant dans le rapport qui permettent de juger

2 du diagnostic qui a été porté, de l'interprétation de ces constatations. Il

3 est certain que ces rapports sont assez concis. Le seul élément que je

4 noterais pour la distance de tir, c'est le fait que je retrouve dans le

5 chapitre "région thoracique," la mention de véritable chambre de mines, qui

6 pourrait faire envisager effectivement un tir pratiquement à bout touchant.

7 Encore une fois, je manque d'éléments pour pouvoir le dire. J'ignore

8 quelles ont été les constatations sur les vêtements, s'il y avait des

9 traces de poudre dedans.

10 Q. Docteur, puisque vous venez d'évoquer ce fait, suis-je en droit de dire

11 par conséquent, dans ce rapport les dégâts subis par les vêtements ne sont

12 pas décrits, les conséquences du contact entre le projectile et les

13 vêtements ? Je ne parle pas d'ailleurs uniquement de ce rapport d'autopsie,

14 mais du travail global de l'équipe française. De façon générale, on n'a pas

15 de description des conséquences sur les vêtements du tir de projectile ?

16 R. Dans ce cas L2, C22, non. Il n'y a pas de constatation au niveau des

17 vêtements, hormis l'existence de trois impacts au niveau de la chemise de

18 la victime, trois impacts qui semblent assez rapprochés puisque les régions

19 dans lesquelles ils se situent sont voisines. Il n'y a pas de constatations

20 négatives ou positives sur l'existence de dépôt de poudre ou de dépôt de

21 fumée.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où se trouve la mention "trois impacts

23 sur la chemise de la victime" ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la version française du rapport L2, C22,

25 il est indiqué au paragraphe vêtement, le cadavre était vêtu d'une chemise

26 bleue à rayons rouges, avec trois impacts tiers moyen, tiers inférieur,

27 paramédian en droit.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Merci.

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1 Maître Visnjic, ceci conduirait sans doute à penser que votre question

2 assez générale recevra pour réponse une déclaration consistant à dire que

3 ces rapports d'autopsie comportent bien de temps en temps un descriptif des

4 vêtements.

5 M. VISNJIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. De temps

6 en temps, les vêtements sont mentionnés. Ce qu'on ne trouve pas dans ces

7 rapports -- mais bon. Je vais soumettre deux ou trois autres exemples au

8 témoin dans mes questions à venir et les conclusions en ressortiront

9 d'emblée.

10 Le rapport L2, C63, page 57 de la pièce 334.

11 Q. Si un morceau de métal s'est incrusté au niveau de l'orifice d'entrée,

12 alors que le projectile ait resté intact après avoir traversé le cadavre,

13 est-ce que cela signifie que le projectile a traversé au préalable un

14 obstacle métallique ?

15 M. VISNJIC : [interprétation] Cette fois, il s'agit de la pièce P332.

16 Excusez-moi. Page 71 de la version originale du texte.

17 Monsieur le Président, je vois que l'heure de la pause est arrivée. Peut-

18 être pourrait-on suspendre ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais vous avez posé une question

20 au témoin. Vous l'avez interrogé au sujet de la présence d'une toute petite

21 particule de métal, alors que le projectile est intact à la sortir du corps

22 ce qui pourrait signifier que le projectile a traversé un obstacle

23 métallique. Le Dr Baccard va, nous l'espérons, faire la lumière sur ce

24 point.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui s'affiche sur

26 mon écran ce sont des photos assez difficilement identifiables. Aucune

27 référence à ce que vient de dire Me Visnjic.

28 M. VISNJIC : [interprétation] Je viens d'indiquer, Monsieur le Président,

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1 que nous étions en train de parler maintenant d'une nouvelle pièce à

2 conviction par rapport à la question précédente, à savoir la pièce P332.

3 P332, page 71 de la version originale et non plus de la pièce 334. Quant au

4 numéro de la page, il s'agit de la page 57 de la version traduite.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le bon document que nous avons

6 sur les écrans ?

7 M. VISNJIC : [interprétation] Non. L2, C63.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Reprenons après la pause déjeuner.

9 Vous aurez ce document sous les yeux après la pause déjeuner.

10 Docteur Baccard, je vais maintenant vous inviter à quitter le prétoire,

11 accompagné de M. l'Huissier. Nous suspendons pour reprendre nos travaux

12 dans une heure environ.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons à 13 heures 45.

15 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 46.

16 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

19 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

20 Q. Docteur, nous avons avancé sur le plan technique et nous avons

21 maintenant sous les yeux un rapport d'autopsie L2, C63, qui est extrait de

22 la pièce P332. Ma question était la suivante : s'il existe une particule de

23 métal dans la peau au niveau de l'orifice d'entrée et si le projectile

24 après avoir traversé le corps reste intact, est-ce que cela signifie

25 qu'auparavant le projectile avait traversé un obstacle métallique ?

26 M. VISNJIC : [interprétation] Pourrait-on faire le point sur la version en

27 français pour que le témoin puisse voir la conclusion ? Merci.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en ce qui concerne les conclusions de mon

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1 confrère, il est dit que la présence de cet éclat métallique se trouve dans

2 une petite perforation sous-jacente. Je pense qu'il y a deux lectures

3 possibles, soit il s'agit sous-jacente sur le plan de la surface de la

4 peau, donc c'est situé au-dessous, soit alors c'est sous-jacente, c'est-à-

5 dire plus en profondeur. Deux hypothèses peuvent être formulées, soit le

6 projectile a fragmenté lors du franchissement de la barrière cutanée, soit

7 alors c'est une fragmentation préalable. Mais en l'absence de photographies

8 ou de schémas, il faudrait tourner la page et voir ce qu'il y a comme

9 autres pièces.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je ne comprends pas.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il serait possible de voir

12 l'intégralité du rapport, c'est-à-dire le schéma corporel qui doit

13 l'accompagner à la page suivante.

14 M. VISNJIC : [interprétation] C'est la page suivante en français.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le schéma, effectivement il y a un petit

16 éclat qui est situé au-dessous de l'orifice d'entrée de l'aisselle gauche,

17 il est difficile de répondre à cette question sans avoir d'examen de ce

18 petit éclat, à savoir s'il provient d'une partie de fragment de projectile

19 ou si c'est un éclat d'autre nature.

20 M. VISNJIC : [interprétation]

21 Q. Sur la base de tous ces éléments, est-ce qu'on peut rendre une

22 conclusion ? Est-ce qu'on peut en déduire la distance de tir du

23 projectile ?

24 R. Est-ce qu'il me serait possible d'avoir le rapport version papier,

25 parce que je vois écran par écran et c'est assez difficile d'interpréter

26 sur la base d'éléments isolés ?

27 Je pense que les conclusions de mon confrère concernant, selon ses termes,

28 un tir à courte distance sont surtout liées à l'existence à une chambre de

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1 mine thoracique gauche.

2 Q. Est-ce que c'est suffisant pour arriver à des conclusions scientifiques

3 sur la base de ces éléments ?

4 R. Il est certain qu'on attendrait plus de renseignements sur la base du

5 rapport, mais encore une fois, c'est un examen du rapport et ce n'est pas

6 un examen du corps lui-même. Mon interprétation personnelle est limitée à

7 cause de ce fait.

8 Q. Merci, Docteur.

9 M. VISNJIC : [interprétation] Ma question suivante et j'ai deux exemplaires

10 en français et je souhaiterais que ces exemplaires soient remis au témoin

11 afin d'accélérer les choses. Il s'agit de la même pièce.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je dis qu'il est difficile de se

13 prononcer sans avoir d'analyse de ce fragment, ce que je veux dire, cette

14 personne étant habillée de plusieurs vêtements, y compris un blouson, je ne

15 vois pas dans le rapport de mention sur ce fragment. Est-ce que c'est un

16 fragment métallique qui provient du blouson comme, par exemple, une

17 fermeture Eclair ou est-ce que c'est un fragment métallique qui provient du

18 projectile ? Je n'ai pas d'éléments.

19 M. VISNJIC : [interprétation]

20 Q. Sous les yeux, vous avez la pièce L11, C68. Page 91, texte en français;

21 page 72 de la version en B/C/S. Et L2, C67 qui se trouve à la page 165 en

22 français et j'ai la question suivante à vous poser :

23 Quels sont les paramètres qui ont été utilisés pour affirmer qu'une

24 fracture impactée au niveau de la tête était due à un coup donné par une

25 crosse de fusil ? Est-ce que ceci n'aurait pas pu être dû à une chute et

26 aux conséquences de cette chute contre une surface dure, la surface du sol

27 ou un autre objet, une structure qui se trouverait sur le sol ?

28 R. Je pense que les arguments qui ont conduit mon confrère à attribuer à

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1 une crosse d'arme la fracture avec embarrure sont vraisemblablement les

2 dimensions de cette embarrure ainsi que la forme. J'ai été moi-même

3 confronté au Kosovo à des fractures qui étaient typiques de crosses d'armes

4 et qui reproduisaient le contour de crosses d'armes avec, y compris, les

5 vis qui maintenaient la plaque de couche.

6 Q. Est-ce qu'on peut le voir sur cette photographie ? L2, C68 et L2,

7 C67 ?

8 R. La disposition, ce sont des photocopies en noir et blanc dont la

9 qualité permet aucune interprétation scientifique.

10 Q. Merci.

11 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on présente au témoin la

12 pièce L2, C50; page 19 en français. Page 19 -- ou page 15 de la version en

13 B/C/S.

14 Q. Je voudrais vous poser la question suivante : les blessures

15 situées dans le dos, est-ce que ce sont des blessures qui auraient pu être

16 obtenues dans une phase de combat, alors que la victime était encerclée par

17 des forces ennemies ?

18 R. Il ne m'est pas possible de faire des interprétations sur les

19 circonstances de ces blessures avec les éléments dont je dispose. Ce qui

20 est mentionné par l'expert, c'est qu'il s'agit d'un tir à courte distance

21 et que les orifices d'entrée sont situés au niveau dorsal. Chacun est libre

22 ensuite d'en faire les interprétations qu'il estime appropriées.

23 Q. Est-ce qu'il y a suffisamment d'éléments pour dire que le tir a été

24 réalisé à courte distance et est-ce qu'on peut affirmer quoi que ce soit au

25 sujet du calibre des projectiles ?

26 R. On se retrouve dans la même problématique que précédemment, à savoir

27 qu'au niveau du rapport il n'y a pas d'éléments qui permettent de savoir

28 sur quels critères l'expert s'est basé pour affirmer qu'il s'agissait d'un

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1 tir à courte distance. Ce qui ne veut pas dire que ces éléments

2 n'existaient au moment de l'autopsie, et la même remarque en ce qui

3 concerne le calibre.

4 Q. Il n'y a rien qui est sur ce sujet dans les rapports que vous

5 interprétez pour nous.

6 R. Non. Il n'y aucun élément qui permet de confirmer ou d'infirmer ce que

7 dit mon confrère. Je pense qu'il est suffisamment qualifié pour endosser la

8 responsabilité de ses conclusions.

9 Q. Docteur, dans la pièce P206 à la page 10, votre confrère déclare que

10 d'après les déclarations des témoins, le point de contrôle serbe se

11 trouvait à environ 1,7 kilomètres du cimetière, qui a 300 kilomètres vers

12 Vucitrn et Gornja Sudimlja, et qu'il s'agissait d'un site d'exécutions.

13 Mais lorsque les enquêteurs du bureau du Procureur sont allés réaliser une

14 enquête sur ce soi-disant site d'exécutions, ils n'ont trouvé que cinq

15 douilles de calibre 7,62 et de 9 millimètres. Est-ce que cela peut indiquer

16 que les personnes dont les corps ont été retrouvés à Gornja Sudimlja, au

17 cimetière en fait, ces personnes ont été tuées ailleurs ?

18 R. Je ne peux pas absolument répondre à cette question. Il n'y a aucun

19 élément qui permet de répondre à cette question dans le rapport. En tout

20 cas, rien qui relève de ma compétence.

21 Q. Merci. Une chose encore, Docteur. Dans votre rapport, vous reprenez la

22 conclusion de l'expert médico-légal qui a réalisé l'expertise de Gornja

23 Sudimlja, et il est dit que : "D'après le médecin légiste, la plupart des

24 victimes ont été abattues à -- que les tirs ont été réalisés à courte

25 distance."

26 J'ai la question suivante à vous poser : est-il exact de dire que vu l'état

27 des corps puisqu'on a dit que c'étaient des corps qui étaient en état de

28 décomposition et vu les informations qui sont disponibles dans les rapports

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1 d'autopsie, peut-on dire qu'il est difficile de rendre des conclusions

2 scientifiquement valables selon lesquelles les victimes par la plupart ont

3 été l'objet de tirs de courte portée ?

4 R. Pas vraiment, il y a une différence encore une fois entre

5 l'interprétation du rapport et les constatations d'autopsie proprement

6 dite. J'ai bien dit dans les conclusions de mon rapport concernant ce site,

7 que les tirs ont été généralement effectués à courte distance, en

8 l'attribuant à mes confrères. Ce n'est pas une opinion que j'ai reprise

9 pour moi-même parce que je n'ai pas trouvé dans le rapport d'éléments me

10 permettant d'avoir une deuxième lecture pour infirmer ou pour confirmer ces

11 constatations. Ce qui ne veut pas dire que ces constatations soient

12 inexactes, elles sont de la responsabilité de mes confrères. Je n'ai pas

13 eu, quant à moi, d'éléments me permettant d'apprécier si elles étaient

14 fondées ou non fondées.

15 Q. Puis-je en conclure que sur la base de ces conclusions il est

16 impossible d'affirmer ou de confirmer que ces personnes avaient fait

17 l'objet de tirs à courte distance ?

18 R. A mon avis, cela ne fait pas partie des éléments que j'ai étudiés dans

19 mon rapport. Mon rapport, si vous reprenez ce qui y figure, est divisé en

20 deux parties. Une partie qui tient à une étude statistique des groupes de

21 victimes c'est-à-dire leur sexe, leur âge, l'existence ou non d'habits

22 civils, et cetera, ainsi que des éléments qui sont des éléments médico-

23 légaux concernant le type de blessures qu'elles présentaient, à quel niveau

24 ces blessures se situaient et quelles étaient les causes de la mort ainsi

25 que l'arme responsable.

26 Lorsque j'ai mentionné qu'il s'agissait de tirs à courte ou très courte

27 distance, j'ai très nettement attribué ces conclusions à mes confrères.

28 Q. Merci. S'agissant des armes qui ont été utilisées pour tuer ces

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1 personnes, est-il exact qu'il est absolument impossible de déterminer le

2 calibre de ces armes vu la méthodologie utilisée et les techniques

3 utilisées par ces experts ?

4 R. De manière générale, des renseignements d'ordre général peuvent être

5 tirés des constatations autopsie, c'est-à-dire en ce qui concerne un

6 diamètre d'orifice d'entrée ou l'importance de dégâts atomiques, on pourra

7 être orienté vers tel ou tel groupe de calibre ou des projectiles à très

8 haute vitesse, par exemple. Si l'on veut déterminer un calibre d'une arme,

9 il faut que ces constatations se fassent sur un projectile qui est extrait

10 du corps et qui sera soumis à un examen d'expert qui permettra d'identifier

11 ce projectile et éventuellement, si ultérieurement on a d'autres

12 projectiles ou l'arme elle-même, d'établir des tirs de comparaison et de

13 pouvoir identifier avec certitude l'arme en cause.

14 Q. Docteur, cela n'est pas votre domaine de spécialités. Cela c'est

15 quelque chose qui relève plutôt des experts en matière de balistique,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Si vous faites référence à l'examen d'armes et munitions, c'est le

18 domaine d'expertise des experts en armes et en munitions. La balistique est

19 un élément à part. C'est la science du mouvement du projectile dans l'air

20 qui est un élément encore différent.

21 Q. Merci. Docteur, passons au site Bela Crkva. A ce sujet, j'ai quelques

22 questions très brèves à vous poser.

23 Est-il exact que les rapports d'autopsie ne contiennent aucune information

24 au sujet de la direction du projectile quand il est entré dans le corps, du

25 trajet des balles dans le corps et que celui qui a réalisé l'autopsie n'a

26 pas inclus ces éléments ?

27 R. En ce qui concerne ce site, les précisions suivantes concernent les

28 blessures provoquées par des projectiles d'armes à feu, c'est-à-dire le

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1 nombre de projectiles et la localisation de l'orifice d'entrée.

2 Si je peux ajouter quelque chose, je pense qu'en absence d'autopsie -

3 puisque c'est le cas où un examen externe a été réalisé et associé à un

4 examen radiographique - seules ces conclusions pouvaient être validement

5 tirées.

6 Q. A partir de la description des blessures dans le rapport d'autopsie

7 pour le site Bela Crkva, est-il possible de déterminer la position relative

8 des assaillants et de la victime, la distance à partir de laquelle les

9 projectiles ont été tirés ? Est-il possible de déduire d'autres types

10 d'information de ce genre ?

11 R. En ce qui concerne les éléments que je viens de dire, la majorité des

12 orifices d'entrée se situaient sur la partie avant du tronc. Je n'ai pas

13 souvenir, mais il faudrait que je me réfère au rapport d'autopsie lui-même

14 s'il était mentionné une distance de tir à cet endroit. Je crois que ce

15 sont les seuls éléments concernant le point que vous soulevez figurant dans

16 ce rapport.

17 Q. Merci. Le site en question, c'est Kotlina. C'est la pièce 361.

18 Est-ce qu'on peut dire avec une certaine certitude de quel type de

19 mines constituent les engins explosifs, autrement dit, des bombes, des

20 obus, des grenades, des roquettes, qui ont provoqué les blessures qui sont

21 décrites ici ?

22 R. Je n'ai pas trouvé dans le rapport de mes confrères des renseignements

23 concernant le type d'explosifs utilisé. Ceci pourrait être déterminé à

24 partir des fragments de "shrapnel" extraits du corps des victimes, si cela

25 était fait.

26 Q. Et que dans le puits ou autour du puits, on a découvert des parties

27 d'explosifs qui avaient explosé ?

28 R. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu des éléments de ce type, en sachant que

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1 je me suis focalisé sur ce qui relevait de ma spécialité, à savoir la

2 médecine légale.

3 Je répète à l'attention de l'interprète, je disais que je me suis

4 focalisé sur ma spécialité, à savoir la médecine légale.

5 Q. Merci. Est-ce que les blessures provoquées par des engins explosifs,

6 obus ou mines par exemple --

7 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que l'on montre au témoin la page

8 10. Je suis en train de parler du cadavre numéro 1.

9 Q. Est-ce que les blessures provoquées par des obus ou des mines par des

10 engins explosifs, qu'on a constatées sur ce cadavre, est-ce que ces

11 blessures ont été provoquées du vivant de la personne ou après sa mort ?

12 R. Est-ce qu'il serait possible d'avancer l'écran, d'aller en page 2 et en

13 pages suivantes ?

14 Je pense que le caractère anti-mortem, le caractère vital des

15 blessures, a été exploré par mon confrère. Je vois in contrario qu'il a

16 fait la distinction avec des blessures par balle qui, elles, ont été

17 causées en post mortem compte tenu de l'absence de signes d'hémorragie

18 vitale.

19 A l'intention de l'interprète, c'est de signe vital, d'hémorragie vitale,

20 et non pas létale.

21 Q. Si j'ai bien compris votre réponse - et je suis sur l'écran également -

22 votre réponse a consisté à dire que les blessures dues à ces explosifs ont

23 été subies par la victime de son vivant ?

24 R. Je pense que les conclusions de mon confrère le disent, parce qu'in

25 contrario, il a fait la distinction avec une blessure au niveau de la

26 hanche gauche -- non. Des blessures par balle ont été mentionnées comme

27 étant probablement causées en post mortem, puisqu'il n'y avait pas

28 d'hématome correspondant. Il a bien vérifié si le caractère était ante ou

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1 post mortem.

2 Q. Est-ce que les traces de feu sur le cadavre sont dues à l'explosion

3 d'un engin explosif ou à une autre cause éventuellement ?

4 R. Je n'ai pas d'élément qui me permette de répondre à cette question dans

5 le rapport.

6 Q. Si je vous ai bien compris, lorsque vous avez répondu à ma question

7 précédente, vous avez dit que les blessures par balle avaient sans doute

8 été provoquées en post mortem. D'ailleurs, c'est écrit dans le rapport.

9 Est-ce qu'on trouve dans le rapport une réponse à la question de savoir si

10 les blessures dues à des engins explosifs ont été provoquées durant la vie

11 de la victime ?

12 R. On ne le trouve pas sous forme positive. Le fait que ceci soit

13 mentionné de façon négative pour d'autres blessures me laisse à penser que

14 ce point, qui est un point abordé systématiquement lors d'une autopsie, a

15 bien été vérifié par mon confrère.

16 Q. Merci.

17 M. VISNJIC : [interprétation] Page 14 à présent. Je demande qu'on l'affiche

18 à l'écran. Il est question du cadavre numéro 5.

19 Q. Est-ce que l'absence de plaies sur les cadavres permet de penser que le

20 corps des victimes a été transporté après leur mort, si on compare cette

21 situation à celle de personnes qui présentent des orifices d'entrée et de

22 sortie de balles ou dues à des explosifs ?

23 R. Je n'interprète pas le court rapport d'autopsie qui figure sur l'écran

24 comme étant révélateur d'une absence de blessures. Il est mentionné qu'il

25 existe des marques d'explosion et de feu au niveau du corps. Le centre de

26 l'explosion se situait dans la région stomacale. Pour moi, ceci indique

27 clairement qu'il y avait une blessure au niveau de cette région.

28 M. STAMP : [interprétation] Une explication complémentaire. Le témoin a vu

Page 10170

1 la dernière partie du rapport d'autopsie concernant ce corps. Je crois qu'à

2 la page précédente de ce rapport, on a une indication du lieu où le cadavre

3 a été découvert. Peut-être serait-il utile de montrer cette page au témoin

4 pour qu'il dispose de toutes les informations nécessaires.

5 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord.

6 LE TÉMOIN : Oui. En fait, il y a beaucoup de plus de lésions qu'indiquées

7 dans la page suivante puisqu'il s'agirait plutôt de ce qu'on appelle "body

8 part", puisque d'après ce que je lis, il s'agissait d'un torse avec une

9 tête et les deux bras, et qu'en outre, il y avait une perte de tissus au

10 niveau du bras gauche dans la région du coude et de l'avant-bras. Ceci

11 correspond à des blessures qui sont nettes.

12 M. VISNJIC : [interprétation]

13 Q. Ma question portait sur l'absence d'orifices d'entrée due à des balles

14 sur ces cadavres. Est-ce que cette absence d'orifices d'impacts de balles

15 pourrait démontrer que ces personnes auraient été tuées en un lieu

16 différent de celui où les cadavres ont été retrouvés ?

17 R. Il n'est pas possible de répondre à cette question.

18 M. VISNJIC : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît, pour le

19 témoin, à savoir la page 11, cadavre numéro 2. Page 11 de la traduction,

20 cadavre numéro 2.

21 Q. Est-ce que les blessures dues à un projectile tiré par une arme de

22 poing, est-ce que ces blessures ont été infligées à la victime de son

23 vivant ou post mortem ?

24 R. Est-ce qu'il est fait référence ici à ce qui est décrit comme étant

25 [interprétation] "Petits fragments de chair décomposée et de restes

26 osseux."

27 Q. Il est question à ce moment-là du cadavre numéro 2, donc d'une victime.

28 Ma question consistait à vous demander si les blessures provoquées par ce

Page 10171

1 projectile tiré par une arme de poing ont été infligées à la victime de son

2 vivant ou après sa mort ?

3 R. [en français] Ce n'est pas ce qui a été affiché sur mon écran puisque

4 c'est ce que je viens de dire qui y figure. Cela doit être la page d'avant.

5 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande l'affichage des deux pages, page

6 10 et page 11.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que votre question

8 concernait le cadavre numéro 2.

9 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 LE TÉMOIN : C'est celui de Mme ou M. Kuqi Minah ? Non, c'est un autre nom.

11 M. VISNJIC : [interprétation] Non, c'est un autre nom.

12 L'INTERPRÈTE : La fin de la phrase de Me Visnjic n'a pas pu être entendue

13 par les interprètes car deux personnes parlaient en même temps.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question consiste à se demander si

15 ces blessures dues à un projectile tiré par une arme de poing ont été

16 infligées à la victime de son vivant ou après sa mort ?

17 LE TÉMOIN : J'ai affiché actuellement le corps numéro 1, celui de Mme Koqi

18 Minah sur mon écran. Je n'ai pas de corps numéro 2.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais pourquoi on n'arrête pas de nous

20 afficher la page concernant le cadavre numéro 1, puisque nous parlons du

21 cadavre numéro 2.

22 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

23 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, le problème vient du

24 fait que le rapport traitait du cadavre numéro 2 avant de traiter du

25 cadavre numéro 1. Ce qui a créé la confusion.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous avions tout à l'heure le

27 rapport concernant le cadavre numéro 2 à l'écran. Il a disparu.

28 M. VISNJIC : [interprétation] Page 9.

Page 10172

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà, nous y sommes. Merci.

2 LE TÉMOIN : Est-ce qu'on peut descendre ?

3 Est-ce qu'on pourrait me montrer la suite ? Merci. Maintenant

4 l'autopsie. Et la page suivante, s'il vous plaît.

5 Quelle était votre question ? Parce que je n'ai pas vu de --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question consistait à vous demander

7 si les blessures provoquées par le projectile avaient été infligées avant

8 ou après la mort ?

9 LE TÉMOIN : Est-ce qu'on pourrait revenir à la page -- est-ce qu'il serait

10 possible d'avoir le rapport en papier, la version papier ou alors me

11 laisser la possibilité de changer les pages d'écran parce que --

12 M. VISNJIC : [interprétation] Je pourrais remettre le document papier au

13 témoin, mais je retire ma question de toute façon, car dans mon esprit

14 s'est créé également une certaine confusion vis-à-vis de cette question.

15 Pour ne pas compliquer la situation, je renonce à ma question.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'aurais une question à poser à titre

17 personnel pour mieux comprendre. Je crois que les choses pourraient être

18 rendues plus simples par une explication venant de vous, Monsieur l'Expert,

19 au sujet de savoir ce qui peut caractériser ces deux situations opposées,

20 post et ante mortem, dues à une blessure par arme à feu. S'il y a des

21 différences, vous pourriez peut-être nous les exposer, ensuite, même pour

22 quelqu'un qui n'est pas spécialiste, ce serait très facile de déterminer si

23 une blessure a été provoquée avant ou après la mort d'après la description.

24 Cela nous aiderait tous à mieux comprendre, je crois. Je pense qu'il est

25 certain qu'il doit y avoir une différence car le corps n'est pas dans le

26 même état cadavérique et il y a la position du corps qui est différente

27 avant et après la mort. Je vous remercie.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Votre Honneur. Les signes sur

Page 10173

1 lequel l'expert se base pour affirmer le caractère ante mortem ou post

2 mortem d'une blessure sont essentiellement des signes liées de façon à être

3 simple et synthétique à des traces d'hémorragie au niveau de cette

4 blessure. S'il y a une hémorragie périphérique, c'est ante mortem ou pari

5 mortem, et s'il n'y a rien, si la blessure n'a pas saigné, c'est post

6 mortem parce que la personne était déjà morte au moment où on lui a infligé

7 cette blessure. Voilà schématiquement la différence entre les blessures

8 ante mortem et les blessures post mortem.

9 M. VISNJIC : [interprétation]

10 Q. Merci. Nous allons essayer de procéder comme suit : dans les pages 16,

11 27 et 30, il est question des cadavres 7, 14 et 16. Nous lisons que le

12 cadavre de cette personne a été fracturé par un objet contondant. Ma

13 question est la suivante : est-ce que ce genre de blessure aurait pu être

14 infligée à la victime lorsque celle-ci est tombée au sol sur une surface

15 dure, par exemple, ou est-ce que cela aurait pu être provoqué par un choc

16 avec le tronc d'un arbre ou un autre objet ?

17 R. Je suis obligé de me référer à chacun des rapports, et je ne peux pas

18 donner une réponse générale. Donc, si l'on peut m'afficher.

19 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai les pages en

20 question. Je pourrais les faire remettre au témoin.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, cela permettrait peut-être

22 d'accélérer un peu les choses.

23 LE TÉMOIN : Monsieur le Président, c'est une version en serbo-croate.

24 M. VISNJIC : [interprétation] Désolé. Je n'ai que la version en serbo-

25 croate. Nous sommes condamné au système de prétoire électronique.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le cadavre numéro 7, son rapport est

27 affiché à l'écran, alors déroulons pour voir l'intégralité du rapport,

28 après quoi nous pourrons passer au cadavre 14 et au cadavre 16, où que se

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1 trouvent les rapports les concernant. Est-ce qu'on peut dérouler à l'écran,

2 s'il vous plaît ?

3 LE TÉMOIN : Les pages suivantes. En ce qui concerne ce cadavre, il n'y a

4 pas d'éléments permettant de répondre à la question de Me Visnjic.

5 Le cadavre suivant.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cadavre 14, s'il vous plaît.

7 LE TÉMOIN : Etant entendu qu'il y a des traces d'explosion et des traces de

8 feu, mais en ce concerne la question spécifique sur une force exercée par

9 un instrument contondant, il n'y a pas d'éléments qui permettent de

10 répondre à cette question.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Déroulons un peu plus parce que

12 là nous voyons un passage du texte qui concerne les vêtements, et cetera.

13 Voyons la suite, passons à la page suivante, s'il vous plaît.

14 LE TÉMOIN : En ce qui concerne la question portant sur l'existence de

15 l'objet contondant, la fracture du crâne n'est pas décrite de façon à

16 permettre d'identifier cet objet contondant. Je vois que mon confrère n'a

17 pu se déterminer en faveur d'une origine ante ou post mortem. Il existait,

18 par contre, des traces d'explosion et de feu ainsi qu'une blessure par

19 balle au niveau de l'épaule gauche.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cadavre numéro 16, s'il vous plaît. Le

21 voici le rapport à l'écran.

22 LE TÉMOIN : Page suivante. Cela concerne le cadavre 17. Ici aussi, l'expert

23 n'a pu se prononcer en faveur d'une origine ante ou post mortem de la

24 lésion constatée au niveau du crâne, par contre, il a constaté qu'il

25 s'agissait d'une "body part", de restes humains incomplets qui portaient

26 des traces d'explosion et de feu.

27 M. VISNJIC : [interprétation] Merci. Page 32 à présent.

28 Monsieur le Président, j'en arrive lentement à la fin de cette série

Page 10175

1 de questions. Page 32 du texte traduit, il est question du cadavre 19.

2 Q. Ma question est la suivante : pour quelle raison l'arme ou les

3 armes qui ont infligé ces blessures à la victime n'ont pas été

4 identifiées ?

5 R. Est-ce qu'il s'agit du cadavre de Loku Naser ?

6 Q. Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne correspond pas, Maître

8 Visnjic, n'est-ce pas ? Je croyais vous avoir entendu parler du cadavre 19.

9 M. VISNJIC : [interprétation] Non -- oui, oui, le cadavre 19.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Naser Loku est le numéro 20.

11 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, mais, c'est le cadavre F.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, excusez-moi.

13 LE TÉMOIN : Il y a eu prélèvement de fragments de projectile au niveau de

14 la colonne vertébrale lombaire. Je ne pense pas en avoir eu des résultats.

15 M. VISNJIC : [interprétation]

16 Q. Exact. Mais il n'y a pas détermination, il n'y a pas identification de

17 l'arme ou des armes qui sont en cause dans ce cas, n'est-ce pas ? Ma

18 question portait sur cette absence d'identification de l'arme.

19 R. Je n'ai pas les résultats de cet examen. Je peux vous donner une

20 réponse d'ordre général sans me référer à ce cas particulier ou si vous me

21 donnez les résultats de cet examen, je peux vous donner mon interprétation

22 personnelle. Sur un plan général, le fait de ne pouvoir identifié une arme

23 à partir d'un fragment de projectile peut être lié à l'état même de ce

24 projectile, soit parce qu'il est en quantité insuffisante, soit parce qu'il

25 est extrêmement dégradé, ceci ne permettant pas une identification. Je peux

26 essayer de répondre de façon plus approfondie, si vous me communiquez les

27 résultats de l'examen de l'expert en armes et munitions.

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Ne croyez-vous pas qu'une autre

Page 10176

1 difficulté vient du fait qu'ici, la partie du corps concernée est la région

2 abdominale, qui est une région molle et que l'apparence des blessures est

3 différente selon les cas ? On n'en sait davantage lorsque la partie touchée

4 est une partie osseuse, donc une partie dure, n'est-ce pas ? Alors que s'il

5 s'agit d'une partie molle, je crois savoir qu'il est plus difficile de

6 déterminer l'arme utilisée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne les projectiles ou les

8 fragments de projectiles retrouvés, je fais référence à ce qui est dénommé

9 matériel numéro 17, c'est-à-dire un fragment de projectile qui était

10 retrouvé dans la colonne vertébrale lombaire. C'est quelque chose qui a été

11 retrouvé à cet endroit au niveau de l'os, où il se trouvait

12 vraisemblablement inclus. A ce moment-là, il y a un risque de détérioration

13 du projectile, justement à cause du choc du leurre contre une surface qui

14 est dure. Si ce projectile avait été retrouvé dans les parties molles, très

15 vraisemblablement il aurait été beaucoup mieux préservé justement. Il y

16 aurait eu un effet d'amortissement alors qu'ici, il y a eu très

17 vraisemblablement aussi une fragmentation contre cette surface dure.

18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

19 M. VISNJIC : [interprétation] Page 33. Cadavre numéro 20.

20 Q. Est-ce que la plaie à la gauche du cou aurait pu être provoquée par un

21 engin explosif ?

22 R. Je n'ai pas les photos à ma disposition ici. La description figurant

23 dans le rapport d'expertise est assez concise. Il n'y figure que la

24 localisation et le fait que cette blessure était en rapport avec un

25 instrument tranchant. Je pense que ce diagnostic a été fait par mon

26 confrère, sur la base d'éléments qui sont des éléments classiques qui

27 tiennent au niveau de l'aspect des bords de la blessure. Des instruments

28 tranchant laissent en général des bords qui sont nets, bien déterminés. Une

Page 10177

1 explosion ou des blessures causées par un "shrapnel" vont laisser des bords

2 qui sont beaucoup plus hachurés.

3 Q. Vous n'excluez pas la possibilité que je viens d'évoquer ?

4 R. J'ai tendance à faire confiance à l'expert qui est tout à fait à même

5 de faire la distinction entre blessure provoquée par un instrument

6 tranchant et blessure provoquée par un "shrapnel" ou une explosion. Je n'ai

7 pas de raison de mettre sa parole en doute.

8 Q. Merci.

9 M. VISNJIC : [interprétation] La dernière page de cette pièce à conviction

10 qui m'intéresse est la page 41. J'aimerais qu'on commence par montrer au

11 témoin la page 40. Il y est question du cadavre 25.

12 Q. Ma question est la suivante. Est-ce que la blessure que l'on voit dans

13 la partie droite de la jambe, blessure par balle, aurait pu être provoquée

14 durant un combat ? Est-ce que la cause de la mort a été déterminée comme

15 une perte de tout le sang que contenait le corps en raison d'un mauvais

16 bandage ?

17 R. C'est deux faits qui sont abordés indépendamment dans le rapport. Il

18 est dit premièrement que le bandage de cette blessure était artisanal, en

19 tout cas, non professionnel; d'autre part que la cause du décès est en

20 rapport avec une hémorragie externe. Je n'ai pas d'élément qui me permette

21 de critiquer, de confirmer ou d'infirmer les conclusions de ce médecin

22 légiste.

23 Q. Merci. Docteur Baccard, je vais maintenant vous poser des questions

24 relatives à un autre lieu, à savoir Izbica. J'évoquerais également ce que

25 vous avez dit dans votre déposition au sujet de l'enquête menée sur place

26 par les légistes sur la base d'une vidéo. Page 5 254 du compte rendu

27 d'audience de l'affaire Milosevic, vous avez déclaré que le recours à cette

28 méthode avait ses limites. Vous avez déclaré :

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1 "En ce qui nous concerne, il est hors de question pour nous de

2 qualifier ce genre d'examen, d'examen d'expert. C'est simplement une source

3 d'informations utilisée par la médecine légale. Simplement une source

4 d'informations que nous utilisons lorsque nous ne pouvons pas voir le

5 cadavre nous-même. Ensuite, il nous faut utiliser d'autres renseignements à

6 notre disposition."

7 Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit dans votre déposition dans

8 l'affaire Milosevic à la page 5 254 du compte rendu d'audience ?

9 R. Absolument, Maître Visnjic. Il s'agit ici d'un examen de documents

10 photographiques et vidéographiques fait par un expert, mais qui ne peut

11 être en autre cas assimiler un rapport d'expert. Il y a une différence qui

12 est liée à la valeur des informations qui sont fournies. D'un côté,

13 l'expert pathologue [phon] qui travaillera à partir d'un corps en trois

14 dimensions, avec la possibilité de palper, de faire une autopsie, de faire

15 des dissections et d'utiliser différents moyens à sa disposition, comme la

16 radiographie; de l'autre côté, on travaille à partir de documents

17 vidéographiques et photographiques qui sont eux-mêmes pris par des

18 photographes non professionnels avec tout ce que cela limite.

19 Q. Merci, Docteur Baccard. Encore quelques petites questions relatives à

20 un autre lieu, à savoir Cirez. Est-ce que sur la base d'un rapport

21 d'autopsie, on peut déterminer la cause de la mort lorsqu'on est en

22 présence de cadavres qui ont passé plus de deux mois dans l'eau; si oui,

23 est-ce que vous pourriez nous en dire davantage sur ce sujet ?

24 R. Est-ce qu'il s'agit d'une question générale ou d'une question qui se

25 rapporte à ce rapport en particulier ?

26 Q. C'est une question générale.

27 R. Le fait d'avoir sur la table d'autopsie un cadavre qui a séjourné

28 plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois dans l'eau constitue

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1 effectivement une difficulté supplémentaire, mais permet tout à fait de

2 déterminer les causes et les circonstances d'un décès.

3 Q. Est-ce que dans le cas concret qui nous intéresse - maintenant je parle

4 du rapport que vous avez sous les yeux - est-ce que dans ce cas précis

5 l'autopsie à elle seule a pu permettre de déterminer que la mort était due

6 à une noyade ou est-ce que cette conclusion se fonde sur d'autres données;

7 si oui, lesquelles ?

8 R. En ce qui concerne les renseignements figurant dans le rapport

9 d'autopsie, je n'ai pas d'élément qui me permet de répondre à cette

10 question. Il est noté dans le rapport de mes confrères que le diagnostic du

11 décès était une noyade ante mortem. Je n'ai pas de précision sur la manière

12 qu'ils ont observée pour arriver à ce diagnostic.

13 Q. Si je vous proposais une autre possibilité, à savoir si je vous disais

14 que la mort n'était pas due à une noyade, est-ce que vous pourriez répondre

15 à cela, est-ce que vous répondriez la même chose en disant que vous ne

16 disposez pas de suffisamment d'éléments pour vous prononcer ?

17 R. Je me suis basé sur les conclusions de mes confrères, et je n'ai pas

18 d'élément qui me permet de remettre en doute leurs conclusions.

19 Q. Merci. Docteur, encore une question seulement. Est-ce qu'à l'issue d'un

20 séjour de deux mois dans l'eau il est possible de faire la différence entre

21 le sang et les liquides corporels dus à la putréfaction sur le cadavre ?

22 R. Tout dépend de la localisation de ce sang. On peut avoir des aspects

23 très différents entre des transsudats de putréfaction et du sang qui dépend

24 si ce sang est préservé, se trouve dans des cavités qui sont plus ou moins

25 préservées de la putréfaction.

26 M. VISNJIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Visnjic.

28 Maître Ackerman.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

3 M. BAKRAC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

5 M. IVETIC : [interprétation] J'ai des questions, Monsieur le Président.

6 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Je m'appelle Dan Ivetic. Je

8 suis conseil de la Défense de Sreten Lukic. J'aurai quelques brèves

9 questions à vous poser, que j'essayerai de vous poser rapidement, pour que

10 nous puissions en conclure dans le temps qui m'est imparti.

11 D'abord, quelques questions de contexte qui ont déjà été abordées

12 aujourd'hui. Monsieur, pendant que vous travailliez pour le bureau du

13 Procureur de ce Tribunal, est-ce que vous aviez un bureau ou un espace de

14 travail dans les locaux du Tribunal, ici même ?

15 R. J'ai eu des bureaux. J'ai travaillé avec plusieurs équipes d'enquête.

16 J'ai changé de localisations à l'intérieur de cet immeuble de façon à être

17 située dans les salles où ces équipes d'enquête travaillaient. J'avais un

18 bureau à ma disposition, oui. La réponse est affirmative.

19 Q. Merci. A cette époque-là, est-ce que vous perceviez un salaire ou des

20 honoraires réguliers de consultations pour le travail que vous avez fait au

21 service du bureau du Procureur de ce Tribunal ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous sous-

23 entendez une contestation au sens précis du terme, contestation de

24 l'intégrité du témoin en vous fondant sur le fait qu'il a travaillé pour le

25 bureau du Procureur ?

26 M. IVETIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pensez-vous que ce serait une démarche

28 raisonnable à appliquer à ce témoin ?

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1 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de contester cela.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, quelle est la

3 signification de poser au témoin la question de savoir combien il était

4 payé ?

5 M. IVETIC : [interprétation] Non, je lui demande s'il était payé ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, s'il était payé. Quelle est

7 la raison de cette question, à moins que vous ne souhaitiez mettre en cause

8 son intégrité ?

9 M. IVETIC : [interprétation] Cela concerne la crédibilité du témoin de

10 façon générale, eu égard à ses conclusions. Cela concerne l'évaluation de

11 sa crédibilité. Je crois que c'est un des éléments à prendre en compte,

12 face à n'importe quel témoin expert.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, nous sommes face à une différence

14 culturelle dont je dois tenir compte eu égard à la façon dont on interprète

15 les témoins experts, une différence entre ce qui passe ici et ma

16 juridiction nationale. Nous nous voyons contraints d'admettre, puisque cela

17 vient d'être dit, qu'à moins qu'il n'y ait une divergence importante qui

18 affecte la crédibilité générale d'un expert, je pense que dans le système

19 judiciaire dans lequel nous fonctionnons il conviendrait de partir du

20 principe qu'il n'est pas nécessaire de contester sa crédibilité.

21 M. IVETIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que vous

22 aurez remarqué que dans le système judiciaire d'où je viens, on conteste

23 beaucoup de choses.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement, j'évalue simplement si

25 cela est juste ou pas dans le cas du système dans lequel nous fonctionnons

26 ici.

27 M. IVETIC : [interprétation] Je comprends. Si cela peut vous aider, c'était

28 ma dernière question de ce genre.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En général, lorsque j'interromps,

2 c'est la tendance.

3 M. IVETIC : [interprétation] Vous avez un très bon timing, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que je puis vous

6 empêcher de poser les questions que vous souhaitez poser, allez-y.

7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous avez pu mémoriser ma

9 question ou est-ce que vous souhaitez que je la répète ?

10 R. Non, non, il n'y absolument rien de confidentiel dans les précisions

11 que je vais vous apporter. Je n'ai jamais fait partie du staff du bureau du

12 Procureur. Je n'ai jamais eu de "fixed-terms contract". J'ai toujours été

13 payé comme consultant dans le cadre de contrats dont le plus long s'est

14 situé durant l'année 2000, de février à octobre. Tout le reste du temps,

15 j'ai travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée dont les durées

16 étaient variables d'une semaine à deux mois, trois mois. Entre chacun de

17 ces contrats, je regagnais la France où je reprenais mon activité d'expert

18 judiciaire, notamment auprès de la cour de cassation. J'étais toujours

19 inscrit en France comme expert judiciaire.

20 Q. Merci, Monsieur. J'aimerais maintenant que nous parlions d'Izbica dont

21 vous avez déjà parlé avec mon confrère il y a quelques instants.

22 D'abord, vous avez parlé avec Me Visnjic que vous aviez visionné une

23 cassette vidéo. Je crois qu'il y a un élément qui mérite d'être explicité,

24 peut-être en raison de la traduction.

25 Suis-je en droit de dire que les cassettes vidéo et les photographies

26 que vous avez examinées et qui montrent des cadavres d'Izbica, est-ce que

27 ces éléments visuels n'ont pas été pris ou filmés par quelqu'un qui avait

28 la formation de médecine légale nécessaire eu égard à la nécessité de

Page 10184

1 préserver les éléments que l'on découvre, notamment les parties de corps ?

2 R. Je ne peux pas répondre à cette question dans la mesure où cette

3 précision n'a pas été portée à ma connaissance. Ce que l'on m'a expliqué

4 c'est que la personne qui avait réalisé cette prise de vue était un médecin

5 qui s'appelait Liri Loshi. Les documents que j'ai eus à ma disposition sont

6 décrits dans mon rapport, V001733 jusqu'à V002398. J'ignore quelle était la

7 formation de ce médecin. Tout ce que je peux dire c'est que les angles de

8 prise de vue, elle-même, ne correspondaient absolument pas à un standard

9 rencontré en matière de photographie scientifique ou de prises de vue

10 médico-légales. Il s'agissait davantage d'un simple reportage que de

11 photographies à valeur scientifique. C'est d'ailleurs ce qui a limité les

12 constatations qui ont pu être faites sur ce document.

13 Q. D'accord, Docteur, je crois pouvoir dire que nous en sommes arrivés à

14 la même conclusion sur ce point. Je peux passer à autres choses.

15 S'agissant de cette cassette vidéo, vous avez témoigné dans l'affaire

16 Milosevic, page 5 253 du compte rendu d'audience, lignes 14 à 18, vous avez

17 dit que s'agissant de l'examen fait par vous de cette cassette vidéo vous

18 n'étiez pas en mesure de conclure à une certitude suffisante sur le plan

19 médical ou sur le plan de médecine légale quant à l'apparence extérieure de

20 ces cadavres filmés sur le lieu d'exécution, n'est-ce pas ?

21 R. Monsieur le Président, il me semble qu'il y a une différence entre le

22 texte anglais qui surgit sur mon écran et la traduction en français que

23 j'ai dans mon casque. D'après le texte anglais, il semble que je ne pouvais

24 pas conclure avec un degré de certitude médicale ou médico-légale que les

25 corps figurant dans la vidéo ont été filmés au niveau du site où

26 l'exécution a eu lieu. C'est bien cela ?

27 M. IVETIC : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

Page 10185

1 LE TÉMOIN : Ma réponse est affirmative, tout à fait. Je ne bénéficiais pas

2 des éléments permettant de me prononcer à ce sujet.

3 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

4 Q. En fait, Docteur, l'examen que vous avez fait des cassettes vidéo dont

5 vous disposiez, même s'il s'assortissait des limites dont vous venez de

6 parler, présentait des signes permettant de penser que certains des

7 cadavres en question avaient été déplacés après la mort avant d'être

8 filmés, n'est-ce pas ?

9 R. Pour certains d'entre eux la réponse est également affirmative,

10 puisqu'on voyait sur certains cadavres la présence de lividité, c'est-à-

11 dire de zones du corps où le sang s'est accumulé sous l'effet de la

12 pesanteur qui était dans une position discordante par rapport à la position

13 dans laquelle ils étaient filmés. Je m'explique, sur certains cadavres la

14 lividité se trouvait au niveau de la face antérieure du visage, alors que

15 ces cadavres étaient retrouvés coucher sur le dos, ce qui ne concordait pas

16 avec la position de la lividité. D'autre part, il y avait des zones de

17 pression, c'est-à-dire des zones blanchâtres, ischémiques qui témoignaient

18 du fait que ce corps avait reposé sur une surface dure. Troisièmement, il y

19 avait également sur certaines images, des débris végétaux ou des petits

20 cailloux, des petits graviers qui étaient plus ou moins incrustés dans la

21 peau, tout ceci m'avait amené à penser que, dans certains cas, des corps

22 avaient été retournés de façon à pouvoir avoir une meilleure vision de leur

23 visage.

24 Q. Merci, Docteur. Vous avez décrit la plupart des catégories qui

25 m'intéressaient, mais il y en a deux autres qui m'intéressent spécialement,

26 que vous évoquez dans votre rapport, et dont j'aimerais parler avec vous.

27 Pièce à conviction P155, annexe numéro 5, page 115 de la version anglaise,

28 je ne suis pas sûr que la pagination française corresponde à la pagination

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1 anglaise. Je vous indique que je vais lire la version anglaise, et j'espère

2 que les interprètes parviendront à vous faire comprendre ce que je dis. Je

3 cite : "Sur le visage de cette victime de sexe masculin et âgé, on constate

4 la présence d'un hématome au niveau de la joue droite et des dermabrasions

5 linéaires parallèles permettant de penser que le visage a été enfoncé dans

6 le sol."

7 Est-ce que vous seriez d'accord avec l'idée qu'on ne peut pas avec un degré

8 de certitude médicale ou médico-légale totale exclure la possibilité que ce

9 cadavre a été déplacé d'un lieu tout à fait différent pour être replacé à

10 l'endroit où il a été filmé ?

11 R. Est-ce que je pourrais voir la référence de la photographie à laquelle

12 fait allusion ce paragraphe ?

13 Q. Oui, Docteur. ID 03.09. Je crois qu'on le voit à l'écran mais en

14 anglais, toujours, bien sûr.

15 R. Oui, je noterais toutefois qu'il s'agit d'une dermabrasion qui est

16 d'une surface très limitée, qui est une dermabrasion qui est transversale

17 par rapport à la tête de la victime, et qui se situe uniquement au niveau

18 de la joue droite. S'il y a eu déplacement, ceci est compatible avec un

19 déplacement qui est très limité sur le sol.

20 Pour informer le Tribunal de façon plus complète, un déplacement de

21 quelques centimètres peut suffire à provoquer cet aspect. A partir du

22 moment où la peau de la victime frotte contre une surface avec quelques

23 aspérités comme celles qu'on peut rencontrer sur un sol.

24 Q. Merci, Docteur. Encore une question maintenant. Page 100 de la version

25 anglais, la photographie a le numéro ID 01.24A dans le rapport, et je vais

26 lire la description et je cite :

27 "Ici encore la direction du flux (vers le haut et légèrement vers

28 l'avant) ainsi que le lieu de la lividité post mortem (sur la partie

Page 10187

1 frontale du visage avec une zone de pression au niveau de la mandibule

2 gauche) indique que la position du cadavre était différente de celle que

3 l'on voit sur la photographie et indique également qu'il y a eu

4 mobilisation après le moment où s'est établie la lividité cadavérique

5 (environ trente heures après la mort)."

6 Pourriez-vous expliquer ceci à quelqu'un qui n'est pas un spécialiste

7 puisque c'est mon cas, est-ce que cela signifie que le cadavre a été

8 déplacé par quelqu'un plus de trente heures avant d'être photographié ?

9 R. Classiquement, les lividités sont fixes et immuables après trente

10 heures, j'ai fait allusion à ce qu'était une lividité qui correspondait à

11 une coloration anormale de la peau liée à la stase veineuse et capillaire

12 du sang sous l'effet de la pesanteur, au bout de trente heures, ces

13 lividités ne vont plus bouger. Un tel aspect peut très bien se rencontrer

14 dans le simple retournement du corps. Point n'est besoin d'avoir un

15 déplacement très important sur plusieurs mètres pour avoir de telles

16 lésions. Le simple fait de retourner une victime qui était face contre

17 terre et de la mettre le dos au sol peut suffire à provoquer cet aspect.

18 Q. Sur la base des éléments médico-légaux, vous n'êtes pas en mesure

19 d'exclure une autre possibilité comme, par exemple, la possibilité que le

20 corps ait été déplacé sur une longue distance, n'est-ce pas ?

21 R. Tout à fait et en tout cas, certainement pas à partir d'une source

22 d'information comme celle qui est à ma disposition, c'est-à-dire des

23 photographies extraites d'une vidéo elle-même prise par un non

24 professionnel.

25 Q. Merci, Monsieur. J'aimerais maintenant que nous abordions un autre

26 aspect du rapport dans lequel vous décrivez les constatations faites par

27 l'équipe française au lieu d'inhumation à Izbica. Au moment de

28 l'exhumation, il a été question de 139 tombes, mais suis-je en droit de

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1 dire que des éléments de preuve médico-légaux confirment que seul 127 de

2 ces tombes contenaient effectivement des restes humains à quelque moment

3 que ce soit ?

4 Avant de répondre, Docteur, pour que tout soit clair, on parle d'inhumation

5 et pas d'exhumation.

6 R. Il s'agissait des renseignements figurant dans le rapport de l'équipe

7 française, à savoir que ces 139 tombes se situaient au site décrit. Je n'ai

8 pas d'autres éléments. Le nombre minimum de victimes était celui de 127. Ce

9 sont des données qui apparaissent dans le rapport du Pr Lecomte et du Dr

10 Vorhauer. Ces données provenant de témoignages et provenant des

11 exhumations, mais je n'ai pas d'éléments informatifs additionnels.

12 Q. Je vais vous interroger au sujet des conclusions que vous avez pu tirer

13 suite à l'examen que vous avez fait du travail accompli par vos collègues

14 et des éléments médico-légaux à leur disposition. Sur la base des éléments

15 et indices découverts sur le lieu d'Izbica, suis-je en droit de dire qu'il

16 n'est pas permis d'exclure la possibilité que certaines de ces tombes aient

17 été en fait des lieux d'inhumation secondaires, et non les lieux

18 d'inhumation primaires ?

19 R. Aucun élément permettant de renseigner la question ne figure dans le

20 rapport.

21 Q. Pas de problème, Docteur. L'équipe française, lorsqu'elle a travaillé à

22 Izbica, a également examiné des restes de vêtements découverts sur les

23 lieux d'inhumation, vous en avez parlé quelque peu. Conviendrez-vous avec

24 moi pour dire que l'examen de vêtements photographiés simplement est une

25 méthode très imparfaite et très insuffisante pour déterminer avec une

26 quelconque certitude la cause d'un décès et le type de lésion qui a pu être

27 infligé à un cadavre ou un autre ?

28 R. J'en conviens bien volontiers. Il faut aussi prendre connaissance et

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1 prendre conscience de la situation dans laquelle l'expert se trouve

2 lorsqu'il n'a à sa disposition aucun corps, uniquement des restes humains.

3 Il est forcé d'obtenir ses informations de sources additionnelles dont

4 faisait partie la bande vidéo, dont faisaient partie également les

5 vêtements, dont faisaient partie les quelques restes présents sur le site,

6 ainsi que les tombes et l'examen du site lui-même. Certainement, cela ne

7 remplace pas la valeur d'une autopsie ou d'un examen de levée de corps

8 complet.

9 Q. Vous avez déjà dit quelques mots du sujet que j'avais abordé au cours

10 de l'interrogatoire principal, ainsi qu'au cours du contre-interrogatoire

11 auquel mon confrère a procédé. Dans votre rapport, vous reprenez ce que

12 l'on peut lire également dans le rapport établi par l'équipe de médecins

13 légistes français présente à Izbica; à savoir que l'examen de certains de

14 ces vêtements endommagés permettait de penser que le décès avait été dû à

15 un tir de fusil de calibre 7,62 ou dont l'âme avait un diamètre de 12.

16 S'agissant de ces catégories - je crois qu'on en trouve la liste également

17 dans la conclusion de la pièce P209, à savoir le rapport d'Izbica dont les

18 auteurs sont le Dr Walter Vorhauer et le Pr Dominique Lecomte - s'agissant

19 de ces catégories - je précise que nous n'avons pas encore entendu parler

20 de cette catégorie d'âmes égale à 12 jusqu'à présent - est-ce qu'il est

21 exact de dire qu'il s'agit d'arme de chasse ou de fusil à pompe, et non de

22 fusil automatique ou semi-automatique ?

23 R. Je ne comprends pas la question. Quelle est la question ? Est-ce que

24 cela se réfère à ce que représente une arme de calibre 12 ? Je ne comprends

25 pas la question. Est-ce que vous pouvez la formuler différemment ?

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien cela la question, n'est-ce

27 pas ?

28 M. IVETIC : [interprétation] Oui.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est-à-dire, je n'ai pas compris la question.

2 Quelle est la question ?

3 M. IVETIC : [interprétation]

4 Q. Je vais essayer de reformuler. Est-ce qu'un fusil de calibre 12 est en

5 général un fusil à pompe ou un fusil de chasse, et non un fusil semi-

6 automatique ou automatique de type militaire, si vous le savez ?

7 R. Oui. Un fusil dit de calibre 12 correspond à une arme qui peut être

8 aussi bien un fusil à pompe qu'un fusil de chasse, à canon superposé, à

9 canon juxtaposé, à canon simple, ou associé à d'autres canons avec d'autres

10 calibres. Il peut exister des fusils, des armes de chasse, dites à

11 répétition, mais c'est une répétition manuelle. Je pense que votre question

12 ne fait pas appel à ce type de répétition, mais à une répétition

13 automatique. Ai-je raison d'interpréter votre question dans ce sens ?

14 Q. Là encore, vous et moi, même si nous n'utilisons pas les mêmes termes,

15 semblons avoir tiré la même conclusion. Je parlais de fusils de chasse et

16 de fusils à pompe. C'est en tout cas par ces mots que je décris des armes

17 de calibre 12. Je pense que nous sommes d'accord sur ce point.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas sûr. On a déjà fait

19 référence à des calibres 7,62 et à des calibres 12. Mais on utilisait le

20 mot calibre, "caliber" en anglais, alors que le terme qui a été utilisé

21 tout à l'heure était le terme "bore" en anglais, "âme" en français, qui

22 concerne en général de toutes petites portions d'une cartouche.

23 M. IVETIC : [interprétation] Cela pourrait être également des armes à tir

24 unique ou à tir multiple.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Alors, tout est clair.

26 M. IVETIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de m'être appuyé sur

27 la terminologie d'un rapport balistique, Monsieur le Président, alors que

28 je m'y étais opposé précédemment. Je suis un peu hypocrite en agissant

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1 ainsi, mais voilà d'où j'ai tiré mes renseignements.

2 Q. S'agissant des éléments de preuve médico-légaux qui ont été découverts

3 sur les lieux, aucune des cartouches récupérées n'a été retrouvée sur les

4 mêmes lieux que les vêtements. Autrement dit, aucune des cartouches n'a été

5 retrouvée sur les lieux d'inhumation. Est-ce que cela ne semble pas

6 indiquer que l'utilisation d'armes de calibre 12 ne peut être exclue comme

7 cause potentielle de certains des dégâts que l'on a pu constater sur les

8 vêtements de certaines de ces victimes ?

9 R. Je pense que ce qui figure dans le rapport des experts est basé sur le

10 diamètre des déchirures au niveau des vêtements. Les cartouches qui sont

11 collectées ont un autre élément, et elles concernaient, si mon

12 interprétation est exacte, le calibre 7,62.

13 Il y est fait allusion au calibre 12 basé sur l'aspect des déchirures des

14 vêtements.

15 Q. Oui, c'était exact. Encore, nous aboutissons vous et moi au même point.

16 Parlons maintenant de ces munitions de calibre 7,62 qui ont été découvertes

17 en divers lieux à Izbica.

18 Dans le rapport de l'équipe française, il est indiqué qu'au nombre

19 des cartouches retrouvées, on trouvait diverses armes de fabrication

20 yougoslave, semble-t-il, mais également des munitions d'origine chinoise,

21 n'est-ce pas ? J'appelle votre attention sur la pièce P210, page 36 où je

22 crois qu'on a une synthèse du travail de l'équipe française qui parle de

23 ces munitions chinoises avec inscription de l'année 1964 sur la cartouche.

24 Vous rappelez-vous, Monsieur, cette découverte de munitions chinoises

25 également ?

26 R. C'est une partie du rapport sur laquelle je ne me suis pas attardé

27 n'étant pas expert en armes et munitions.

28 Q. D'accord.

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1 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il est 15

2 heures 30. C'est bien l'heure, n'est-ce pas ?

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est 15 heures 30.

4 M. IVETIC : [interprétation] J'ai encore une quinzaine de questions à poser

5 au témoin.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, ceci met une fin à

7 notre audience d'aujourd'hui. Il va vous falloir revenir demain pour la fin

8 de votre audition. Nous reprendrons nos travaux demain à 9 heures du matin.

9 Entre-temps, je vous rappelle, comme cela vous a sans doute déjà été

10 rappelé, qu'il importe au plus haut point que vous ne discutiez avec

11 personne, absolument personne de votre déposition entre maintenant et la

12 suite de votre déposition demain matin. Vous pouvez discuter de tous les

13 sujets que vous souhaitez discuter avec qui vous voulez, sauf le contenu de

14 votre déposition. Je vous demanderais de bien vouloir quitter le prétoire

15 avec l'aide de M. l'huissier. Nous nous retrouvons demain à 9 heures.

16 [Le témoin se retire]

17 --- L'audience est levée à 15 heures 30 et reprendra le mardi 20 février

18 2007, à 9 heures 00.

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