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1 Le mercredi 8 août 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Professeur Markovic.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous vous sentez
9 bien aujourd'hui. Nous allons poursuivre avec l'interrogatoire de M.
10 Zecevic.
11 Maître Zecevic, vous avez la parole.
12 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons
13 réussi hier soir à retrouver le site Web du ministère de la Défense de la
14 RFY. Il s'agit de la loi sur la défense qui figure à l'intercalaire 63,
15 P984 ici, et nous avions un petit problème avec le deuxième paragraphe. Ce
16 document est en serbe, mais d'après ce qu'on voit sur le site Web, il est
17 tout à fait clair que l'article en question contient trois paragraphes.
18 Nous pouvons remettre des exemplaires à toutes les parties présentes, et le
19 professeur pourra commenter le texte si la Chambre nous y autorise.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, je pense que ce
21 serait tout à fait intéressant de faire ainsi. On pourrait peut-être lui
22 accorder une cote aux fins d'identification.
23 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Je me suis
24 posé la question s'il y avait trois paragraphes ou non --
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre ce
26 questionnement avec Me Zecevic. Nous allons pouvoir tirer cela au clair.
27 Nous avons le professeur ici, et nous allons décider de l'admissibilité par
28 la suite. Je pense qu'il serait sage d'accorder une cote aux fins
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1 d'identification pour le moment, puis nous verrons ce qui en est à l'avenir
2 de la question de recevoir la pièce.
3 Est-ce que vous avez des exemplaires, s'il vous plaît ?
4 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, nous avons plusieurs exemplaires.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC133.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit l'intercalaire 69 ?
7 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, j'ai dit l'intercalaire 63. Il s'agit de
8 l'article 4. C'est la pièce P984.
9 Excusez-moi, je n'ai pas gardé une copie pour moi. Pouvez-vous m'en
10 remettre un exemplaire, s'il vous plaît ?
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois où est le problème. Je vois ce
12 point. Il suffit de jeter un coup d'œil sur le document.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous n'entendrons qu'un bref commentaire de
14 la part du professeur. Cela suffira, je pense.
15 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 Interrogatoire principal par M. Zecevic : [Suite]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément ce que j'ai supposé hier, si
19 vous vous en souvenez, dans l'exercice de l'ensemble des travaux de
20 l'alinéa 2, énumérés sous huit points : "Le président de la république
21 prend des ordres, des commandements et des décisions," c'est précisément ce
22 que j'avais supposé hier.
23 Pour ce qui est de l'ensemble de ces fonctions énumérées en huit points de
24 l'alinéa 2.
25 M. ZECEVIC : [interprétation]
26 Q. Professeur, en d'autres termes : "En commandant l'armée, le président
27 de la république…" Ce sont les premiers termes de l'alinéa 2 ?
28 R. Oui. "… et dans le cadre de l'exercice de chacune de ces huit
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1 fonctions, il prend des ordres, des commandements et des décisions."
2 Q. C'est ce qui figure à l'alinéa 3 ?
3 R. Oui, c'est l'alinéa 3.
4 Q. Je vous remercie. Merci.
5 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous
6 souhaitez que je pose d'autres questions là-dessus ?
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ceci nous satisfait.
8 Quant au document lui-même, nous nous pencherons sur les remarques de M.
9 Hannis en temps voulu.
10 M. ZECEVIC : [interprétation] L'adresse Web du site où nous avons trouvé le
11 document figure en haut de la première page. Merci.
12 La Chambre nous a demandé hier de fournir la décision constitutionnelle à
13 laquelle s'est référé le professeur Markovic. Hélas, je dois dire que nous
14 n'avons pas pu retrouver cette décision particulière, puisque s'agissant du
15 journal officiel, une décision de la cour constitutionnelle de Yougoslavie
16 pour 1991 contient sept pages. La description du texte ne nous a pas permis
17 d'identifier la décision constitutionnelle précise à laquelle s'est référé
18 le professeur. Bien entendu, nous n'avions pas suffisamment de temps pour
19 parcourir l'ensemble des textes.
20 Ce que je propose, c'est que l'on fournisse la liste de documents publiés
21 par le journal officiel pour 1991 portant sur les décisions de la cour
22 constitutionnelle, pour que le professeur puisse s'y pencher pendant l'une
23 des pauses. Ceci lui permettra de se rafraîchir la mémoire et de retrouver
24 la décision en particulier que nous souhaitons fournir à la Chambre.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je trouve que votre proposition est
26 excellente, Maître Zecevic.
27 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous avons prévu des exemplaires pour nos
2 collègues de l'Accusation, pour le greffe et pour le témoin, M. le
3 Professeur.
4 Q. Professeur, c'est la liste des décisions que vous aurez l'occasion de
5 consulter pendant l'une des pauses, peut-être que vous aurez l'amabilité de
6 nous commenter cela par la suite, de nous dire laquelle des décisions, à
7 votre sens, devrait être celle dont nous avons parlé, si vous voulez bien.
8 Professeur, pendant la présentation des moyens de preuve de l'Accusation,
9 nous avons reçu ici un certain nombre de textes législatifs adoptés pendant
10 la période qui a précédé la constitution de 1992, plus précisément entre
11 1988 et 1992. L'Accusation pour sa part affirme au point 85 de l'acte
12 d'accusation que c'est au début de l'année 1989 que le gouvernement de la
13 RSFY a initié un processus qui avait pour objectif d'enlever l'autonomie au
14 Kosovo. Je suppose qu'ils entendent par là le gouvernement de la Serbie,
15 non pas de la RSFY, et qu'il s'agit d'une erreur qui s'est glissée dans le
16 texte, que l'on prive le Kosovo de l'autonomie qui lui a été conférée par
17 la constitution de 1974.
18 Professeur, je vous invite à examiner l'intercalaire 72, 1D125. C'est un
19 document qui est intitulé le Livre bleu. La date qu'il porte est celle du
20 11 mars. C'est le 11 mars que ce livre a été publié, 1977, à savoir la
21 présidence de la République socialiste de Serbie venait de constituer un
22 groupe, un groupe de travail, un organe qui se livrait à une estimation de
23 la position constitutionnelle par rapport --
24 M. ZECEVIC : [interprétation] Cela vient probablement de moi, page 5, ligne
25 8, la présidence de la République socialiste de Serbie. Il convient de
26 corriger ce qui figure à la ligne 8, page 5, où l'on lit : "présidence de
27 la RSFY." Remplacez par "Serbie."
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est l'intercalaire 72 ?
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous n'avons pas la page 5 en
3 anglais.
4 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, non, je faisais
5 référence au compte rendu d'audience, page 5, ligne 8, on lisait : "La
6 présidence de la RSFY," or il faudrait remplacer cela par "La présidence de
7 la République socialiste de Serbie." Page 5, ligne 8 du compte rendu
8 d'audience, c'est à cela que je pensais.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
10 M. ZECEVIC : [interprétation]
11 Q. Ainsi donc, la présidence de la République socialiste de Serbie met sur
12 pied un groupe de travail qui apprécie la position constitutionnelle de la
13 République socialiste de Serbie et des Provinces autonomes de Vojvodine et
14 du Kosovo qui faisaient partie de la République socialiste de Serbie, et
15 ce, conformément aux dispositions de la constitution adoptée en 1974.
16 Professeur, la première page de ce document, au tout début de celui-ci,
17 c'est également le premier paragraphe de l'introduction nous dit que la
18 présidence de la République socialiste de Serbie, lors de sa réunion du 16
19 janvier 1974, a lancé une initiative afin que l'on réfléchisse sur des
20 questions de l'organisation constitutionnelle de la république en se
21 penchant en particulier sur la mise en œuvre des fonctions qui relèvent des
22 intérêts de la république en tant qu'un tout, dans son ensemble.
23 Professeur, le 16 janvier 1975, c'est combien de mois après l'adoption de
24 la constitution de 1974 ?
25 R. Si mes souvenirs sont bons, la constitution de 1974 a été adoptée au
26 mois d'avril, donc à peine une année s'est écoulée depuis l'entrée en
27 vigueur de cette constitution.
28 Q. La raison pour laquelle la présidence a pris cette initiative, est-ce
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1 que vous pourriez nous en parler très brièvement ?
2 R. La raison a été la suivante : il y a eu une position contradictoire des
3 provinces autonomes qui n'existaient qu'au sein de l'une de six républiques
4 fédérées. Donc des provinces autonomes existaient au sein du régime
5 constitutionnel de la République de Serbie. Donc, les provinces étaient
6 représentées au niveau de la fédération à titre indépendant tout en faisant
7 partie intégrante de la république. Donc elles étaient représentées au
8 niveau de la fédération comme si elles avaient été des membres à part
9 entière de la fédération. La constitution, par ailleurs, des provinces
10 autonomes conférait pratiquement les mêmes attributions que celles de la
11 république, donc les droits et les obligations de la république au sein de
12 la fédération, au sein de la RSFY, ne pouvaient se réaliser que sur le
13 territoire qui sortait à l'extérieur des provinces autonomes; donc la
14 Serbie propre, ce territoire stricto sensu de Serbie hors provinces
15 autonomes. C'est ce qui a entraîné la question de l'égalité de la
16 République de Serbie par rapport aux autres républiques au sein de la
17 Fédération yougoslave.
18 Q. Il s'agit de documents particulièrement volumineux. Nous n'avons
19 signalé ici que des portions particulièrement pertinentes du document. Il
20 me semble que le texte comporte une centaine de pages, n'est-ce pas,
21 Professeur ?
22 R. Oui. C'est ce qu'on avait l'habitude d'appeler le Livre bleu. Pendant
23 longtemps il n'a pas été communiqué au public, d'ailleurs on lit en page de
24 garde qu'il s'agit d'un document "strictement confidentiel" et de ce point
25 de vue là, du point de vue de cette approche qui met en question la
26 constitution de la Serbie par rapport à celle de la fédération, on y voit
27 une critique de la situation.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait nous
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1 préciser exactement ce qu'est le Livre bleu pour que l'on puisse replacer
2 ça dans le contexte.
3 M. ZECEVIC : [interprétation]
4 Q. Professeur, vous venez d'entendre la question posée par M. le Juge
5 Bonomy, seriez-vous en mesure de nous expliquer ce que constitue de fait le
6 Livre bleu ?
7 R. Le Livre bleu c'est une étude analytique et critique de la position
8 constitutionnelle de la République de Serbie au sein du régime
9 constitutionnel tel que précisé par la constitution de 1974. Cette étude,
10 cette analyse a été effectuée par un groupe de travail composé de deux
11 professeurs, deux universitaires, professeurs de la faculté des sciences
12 politiques à l'époque, le Pr Najdan Pasic et le Pr Radislav Ratkovic. Le
13 groupe de travail se composait d'un nombre de fonctionnaires d'Etat. Je me
14 souviens de M. Veljko Markovic et Milivoj Draskovic, à l'époque, il était
15 ministre serbe de la Justice.
16 Dans cette étude, c'est d'une manière monographique sur plusieurs
17 dizaines de pages que l'on présente, de manière très documentée, la
18 question de la position constitutionnelle de la Serbie qui fait l'objet de
19 l'étude et on tire un certain nombre de conclusions. Si je me souviens bien
20 l'une de ces conclusions - je ne sais pas si elle figure ici dans les
21 extraits que vous avez fournis - donc l'une de ces conclusions dit que la
22 position constitutionnelle de la Serbie au sein de la fédération, telle
23 qu'elle se présente à ce moment-là qui constitue l'expression de
24 l'autodétermination des peuples yougoslaves, cette position enfreint aux
25 droits du peuple serbe à l'autodétermination. Par ailleurs --
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que ceci nous suffira,
27 Professeur, pour le moment. Voyons les questions que Me Zecevic souhaite
28 vous poser.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation]
2 Q. Professeur, nous avons fourni ici quelques conclusions. Page 3 du
3 document, il s'agit du troisième paragraphe dans la traduction. Dans le
4 Livre bleu c'est page 89, dans l'angle supérieur droit, vous trouverez la
5 pagination. Il s'agit du paragraphe 2, qui commence par : "Ces
6 contradictions qui n'ont pas trouvé de solution."
7 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous commenter ces trois
8 ou quatre contradictions qui sont énumérées ici en cette page, et cela se
9 poursuit à la page suivante ?
10 R. Il est dit ici que cette position constitutionnelle de la République de
11 Serbie entraîne comme conséquence le fait que trois systèmes différents
12 voient le jour en République de Serbie, et que ces trois systèmes
13 s'écartent de plus en plus et qu'ils ne sont harmonisés entre eux. Nous
14 avons un système dans une province autonome et dans l'autre province
15 autonome, et le troisième, en Serbie propre, qui elle n'est pas constituée
16 sous forme de province autonome. Or, la totalité de ce territoire est
17 englobé par la République de Serbie. Donc nous avons trois systèmes
18 judiciaires différents.
19 Il est dit que ceci favorise l'enfermement, le repli, et non pas
20 l'intégration de ces trois entités, à savoir les provinces qui bénéficient
21 de toutes les attributions de l'étaticité [phon]. D'un point de vue
22 constitutionnel et d'un point de vue législatif, et également du point de
23 vue de l'exécutif et de la justice, elles agissent, elles se constituent et
24 fonctionnent comme entités autonomes, indépendantes. Par conséquent, en
25 République de Serbie, on voit la création d'Etats au sein d'un Etat. En
26 tant qu'entité fédérale, elle - la Serbie - possède des attributs de
27 l'Etat, et au sein de la Serbie, elle a des Etats, l'existence de provinces
28 qui fonctionnent comme des Etats. D'après ce qu'on lit ici, ceci entraîne
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1 une sécession de fait du territoire économique de la République de Serbie,
2 et c'est quelque chose qui a menacé l'unité du marché au République de
3 Serbie.
4 Le fait que les provinces se dotent de tous les attributs de l'Etat a
5 entraîné des différences considérables sur le plan de l'éducation, sur le
6 plan de la circulation de l'information, des activités culturelles,
7 sportives et autres, le repli dans le cadre territorial des deux provinces
8 autonomes. Les provinces autonomes sont représentées au niveau de la
9 fédération indépendamment de la République de Serbie, non pas en tant que
10 faisant partie de la délégation de la République de Serbie, c'est quelque
11 chose qui remet en question la possibilité qu'a la République de Serbie de
12 faire part de ses prises de position, de ses intérêts, et cetera, de la
13 même façon que sont en droit de le faire les cinq autres républiques
14 membres de la Fédération yougoslave. Telles sont les conclusions de cette
15 étude, de cette analyse. Ce qui manque, c'est ce qu'on trouve à la fin du
16 Livre bleu.
17 A savoir qu'au sein d'une fédération plurinationale qui, de par sa
18 création, constitue l'expression de l'autodétermination des peuples
19 yougoslaves, que c'est quelque chose qui remet en question
20 l'autodétermination du peuple serbe, qui constitution l'un des peuples
21 constitutifs yougoslaves de cette fédération.
22 Q. Professeur, très brièvement, pourriez-vous nous fournir une explication
23 ? Quelle est la raison pour laquelle on a créé les provinces autonomes, les
24 Provinces de Vojvodine et du Kosovo au sein de la République de Serbie ?
25 R. La première raison est celle-ci : c'est pour des raisons historiques;
26 la seconde, ce serait le contexte ethnique; et la troisième raison, la
27 spécificité de ces régions au plan économique, et leur rapport avec la
28 Serbie. Lorsque les provinces autonomes ont été créées, elles ont été
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1 créées en 1945 pour la première fois. Elles ont été créées pour ces
2 raisons-là. Dès le premier jour, ces provinces ont fait partie de la
3 République de Serbie. De toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie et de
4 l'ex-Fédération yougoslave, la République de Serbie était la seule à avoir
5 en son sein deux provinces autonomes.
6 Q. Monsieur le Professeur, vous avez évoqué la composition ethnique de ces
7 dernières. Quelle était l'importance de cette composition ethnique ? Dans
8 quelle mesure ce facteur-là a-t-il eu une grande incidence sur la création
9 de ces provinces autonomes ?
10 R. Dans ces deux provinces autonomes, il y avait des minorités ethniques.
11 La minorité ethnique, dans le cas du Kosovo, était surtout représentée par
12 les Albanais. Il y avait également une minorité hongroise dans la Province
13 autonome de Vojvodine où il y avait également d'autres minorités ethniques.
14 Cependant, d'aucuns de la région dont nous venons ont une vision erronée de
15 la Province de Kosovo-Metohija.
16 Ce ne sont pas seulement les Albanais sur le territoire qui jouissent
17 de cette situation, mais c'est la population tout entière du Kosovo-
18 Metohija. En fait, c'est une population mixte, si je puis m'exprimer ainsi.
19 Il y a un certain nombre de différences entre les minorités ethniques au
20 Kosovo. La région est très particulière en termes historiques également.
21 Par conséquent, l'autonomie du Kosovo-Metohija n'est pas quelque chose qui
22 ne concerne que la minorité ethnique albanaise. Ceci ne constitue pas une
23 solution par rapport à la position qui est la leur au Kosovo-Metohija.
24 C'est pour toutes ces raisons que je viens d'évoquer qu'il est important de
25 comprendre pourquoi le Kosovo-Metohija ont joui de cette autonomie au sein
26 de la République de Serbie.
27 Q. Tout ce que vous nous dites à propos du Kosovo, inutile de dire mutatis
28 mutandis, s'applique également à Vojvodine, n'est-ce pas, quelle que soit
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1 la composition ethnique de la Vojvodine où la population serbe est en
2 majorité ?
3 R. Oui, c'est exact. Mais dans cette région-là aussi nous constatons qu'il
4 y a également un certain nombre de minorités ethniques. De surcroît, il y a
5 davantage de minorités ethniques différentes en Vojvodine qu'au Kosovo-
6 Metohija.
7 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je souhaite une précision, s'il vous
8 plaît. La Yougoslavie était composée d'unités fédérales et la Serbie
9 comportait ces provinces autonomes qui d'après vous étaient relativement
10 indépendantes.
11 Pourquoi ces unités fédérales ne pouvaient-elles avoir ce même
12 statut, à savoir être autonomes comme c'était le cas de ces provinces
13 autonomes à l'intérieur de la Serbie ? Pouvez-vous m'expliquer cela ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Les points où ces provinces ont été créées, il
15 se trouve qu'elles se situaient sur le territoire de la Serbie. C'est cela
16 l'explication. La Fédération yougoslave était l'expression même du droit à
17 l'autodétermination de tous les peuples qui constituaient cette fédération,
18 à savoir les Serbes, les Croates, les Slovènes et Monténégrins, les
19 Bosniens, les Macédoniens. Les Serbes ne pouvaient pas exercer leur droit à
20 l'autodétermination en Vojvodine, ni au sein d'un territoire habité par des
21 Albanais, car les Albanais n'étaient pas Yougoslaves. C'est la raison pour
22 laquelle la Fédération yougoslave comprenait ces différentes républiques,
23 ou plutôt ces unités fédérales qui étaient l'expression même du droit à
24 l'autodétermination des peuples.
25 M. ZECEVIC : [hors micro]
26 Pardonnez-moi.
27 Q. Monsieur le Professeur, tous ces différents groupes ethniques avaient
28 leurs propres Etats ?
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1 R. A l'époque, cela s'appelait des nationalités car le terme de
2 "minorité," avait une connotation péjorative. Chaque groupe ethnique avait
3 son pays natal. Les Albanais avaient l'Albanie qui était le pays voisin à
4 l'époque. J'entends la minorité albanaise qui se trouvait en RSFY, et la
5 même chose vaut pour la minorité hongroise également. Il y avait une
6 frontière entre la RSFY et la Hongrie.
7 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Professeur.
8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Puis-je poser une question ?
9 Monsieur le Professeur, je souhaite savoir quels seraient les facteurs qui
10 seraient déterminants ? Dans quelle mesure un groupe spécifique à
11 l'intérieur de la Serbie serait ou deviendrait un peuple constitutif par
12 rapport à un groupe ou une minorité ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des facteurs purement ethniques qui
14 étaient décisifs en la matière. Un groupe ethnique devait appartenir au
15 groupe slave du sud. Ces groupes ont été réunis au sein d'un Etat fédéral
16 tout d'abord appelé RFY, ensuite appelé RSFY, la République socialiste
17 fédérative de Yougoslavie. C'était cette spécificité ethnique qui servait
18 de point de repère pour mettre en place cette Fédération yougoslave. Ceci a
19 été adopté par AVNOJ lors de la décision qui a été prise en 1943 qui était
20 une ligue antifasciste en Yougoslavie, un conseil national de libération,
21 un parlement provisoire en quelque sorte qui a été créé pendant la guerre
22 de libération contre le fascisme. La décision a été prise à ce moment-là
23 par ce conseil, une décision qui précisait qu'une fois la guerre terminée,
24 on mettrait en place une fédération au sein de laquelle seraient
25 représentés les différents peuples yougoslaves de différents groupes comme
26 je viens de les énumérer. Il y aurait des républiques, et ces républiques
27 seraient des unités fédérales qui feraient partie de la fédération.
28 La première constitution qui a été mise en place après la Deuxième Guerre
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1 mondiale, la constitution de la République nationale fédérale de
2 Yougoslavie a été adoptée en 1946. Cette décision a été adoptée lors de la
3 2e Session de l'AVNOJ, session au cours de laquelle ont été préparés les
4 premiers textes normatifs et constitutionnels de cette constitution.
5 Pendant toute la durée de la Fédération yougoslave, cette décision a servi
6 de fondement dans la fédération. C'est l'idée fondatrice, si vous voulez,
7 de la Fédération yougoslave.
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur.
9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.
10 M. ZECEVIC : [interprétation]
11 Q. Monsieur le Professeur, pour revenir au Livre bleu. Vous nous avez déjà
12 expliqué à quelle conclusion était parvenu le groupe de travail ? D'après
13 ce que j'ai compris, la seule façon qui permettait de légiférer en 1977
14 après une période de trois ans, après la constitution, après la création de
15 la constitution de 1974, la seule façon permettant de gérer cette période
16 de transition était d'amender la constitution de Serbie; est-ce exact ?
17 R. Oui, l'amendement de la constitution de la Serbie, effectivement, était
18 une raison et il fallait également amender la constitution de la fédération
19 parce que dans ce Livre bleu, on indiquait que les provinces autonomes
20 étaient représentées au sein de la fédération en contournant la République
21 de Serbie que l'on critiquait. Par conséquent, ces provinces étaient
22 représentées directement, étaient des sujets de la fédération, alors que la
23 constitution de 1974 indiquait qu'il y avait une disposition particulière
24 déclarant que ces provinces n'étaient pas des unités fédérales; néanmoins,
25 elles étaient représentées au sein de la fédération si c'étaient des unités
26 fédérales.
27 Q. Monsieur le Professeur, les amendements apportés à la constitution de
28 1974, j'entends la constitution de la fédération, celle de la RSFY. Quand
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1 ces amendements ont-ils été adoptés ?
2 R. Les amendements à la constitution ont été adoptés en deux phases, à
3 deux époques différentes. La première fois, lorsque le principe du travail
4 collectif et de prise de décision a été adopté et, la deuxième fois en
5 1988. La constitution de la RSFY de 1974 a été amendée à deux reprises. La
6 première fois, huit amendements ont été adoptés, et la deuxième fois, il y
7 a eu 12 amendements, à peu près. Je ne me souviens pas du chiffre exact. Il
8 y avait un certain nombre d'amendements qui ont été apportés à la
9 constitution de 1974 de la RSFY.
10 Q. Les amendements apportés à la constitution de la RSFY qui ont été
11 adoptés en 1988, par rapport à la situation qui est décrite dans le Livre
12 bleu, correspondaient à une situation qui avait changé.
13 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là.
14 Q. La constitution fédérale a été amendée afin de la faire correspondre à
15 la situation qui était celle à l'époque, à savoir que ces deux provinces
16 autonomes ne pouvaient pas fonctionner de façon indépendante.
17 R. Les amendements à la constitution fédérale ne changeaient en rien la
18 position des provinces autonomes à l'intérieur de la fédération par rapport
19 à la constitution. La position des provinces autonomes au sein de la
20 République de Serbie a été changée par les amendements apportés à la
21 constitution serbe de 1989, et ces amendements ont été adoptés après les
22 amendements apportés à la constitution fédérale.
23 Q. Les amendements apportés à la constitution de Serbie en 1989 étaient
24 nécessaires, et si je ne me trompe pas, c'est quelque chose qui avait été
25 déjà admis en 1977, si on regarde les conclusions du Livre bleu, n'est-ce
26 pas ?
27 R. Oui, le Livre bleu était un document officiel. Ce n'était pas un
28 document qui avait été rendu public, mais pour ce qui est des milieux
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1 universitaires, les universitaires avaient très sévèrement critiqué ces
2 positions-là, dès le moment où les amendements ont été adoptés en 1971,
3 amendements apportés à la constitution de 1963. Pendant toute la période de
4 1974 au cours de laquelle la constitution avait été mise en place, les
5 universitaires, les milieux universitaires avaient fortement critiqué la
6 position des provinces autonomes au sein du système constitutionnel. Un
7 certain nombre de journaux ou articles publiés par la faculté de droit de
8 Belgrade en 1971 ont été frappés d'interdiction parce qu'on y trouvait des
9 critiques des amendements apportés en 1971. Ces amendements ont posé les
10 fondements de la constitution de 1974.
11 Q. Monsieur le Professeur, les amendements apportés à la constitution de
12 la Serbie en 1989 traitaient de façon identique la position des provinces
13 autonomes, la Vojvodine et le Kosovo, de la même façon, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, parce que la situation des provinces autonomes devait être traitée
15 de façon uniforme. Ces provinces n'avaient pas un statut différent. Ces
16 provinces avaient le même statut au sein de la fédération et au sein de la
17 Serbie.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Professeur, avant
19 l'amendement de la constitution de Serbie, quelles modifications ont dû
20 être apportées à la constitution de la RSFY ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Les changements qui ont été introduits en 1978
22 portaient surtout sur le système économique. Il s'agissait de libéraliser
23 le régime de la propriété individuelle, et n'enfreignaient en rien le
24 statut des provinces autonomes au sein de la fédération.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma question portait plutôt sur ceci.
26 Quelles modifications devaient être apportées à la constitution de la RSFY
27 pour que la constitution de Serbie puisse être modifiée, puisse être
28 amendée afin de modifier le statut des provinces autonomes ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] La constitution de la République de Serbie a
2 été modifiée non seulement pour modifier le statut, mais pour repartir les
3 pouvoirs et compétences de chacun différemment entre les provinces
4 autonomes et la république. La constitution fédérale n'a pas été évoquée à
5 ce moment-là. La constitution serbe était en droit de le faire parce que
6 cela relevait des pouvoirs constitutionnels de la République de Serbie.
7 Donc même après les amendements apportés en 1989, les provinces autonomes
8 avaient exactement le même statut au sein de la fédération. Il y avait
9 simplement eu une redistribution des pouvoirs entre les provinces et la
10 République de Serbie. Les amendements ont été fortement critiqués.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci, c'est une question à part. Me
12 Zecevic a entamé cette partie de son interrogatoire principal en vous
13 posant une question. Que devait-on faire si la constitution de Serbie
14 devait être modifiée ? Vous l'avez corrigé. Vous avez dit que c'était la
15 constitution de la RSFY et la constitution de Serbie qui devaient être
16 modifiées. Maintenant, d'après ce que vous dites, tout ce qui a été fait et
17 qui modifiait le statut des provinces autonomes relevait exclusivement de
18 la compétence de la Serbie, de la République de Serbie, c'est ainsi que la
19 question vous avait été posée à l'origine. Est-ce que j'ai bien compris ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, la constitution de Serbie ne peut
21 pas régir le statut des provinces autonomes au sein de la fédération, parce
22 que ceci est régit par la constitution fédérale. La constitution de Serbie
23 --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez vous arrêter là, s'il vous
25 plaît. Avant 1989, est-ce que des amendements ont été apportés à la
26 constitution fédérale qui auraient influé sur le statut des provinces
27 autonomes ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, à vous.
2 M. ZECEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Professeur --
4 R. Mais, dans ces intercalaires quelque part, vous trouverez les
5 conclusions de l'assemblée fédérale de 1989, conclusions qui commentent les
6 amendements apportés à la constitution de la République ont commenté les
7 changements constitutionnels effectués en Serbie.
8 Q. Monsieur le Professeur, j'y viens, procédons étape par étape, si vous
9 le voulez bien.
10 Monsieur le Professeur, l'adoption des amendements à la constitution de
11 Serbie s'est faite dans les deux provinces, ensuite au sein de l'assemblée
12 de la République de Serbie; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant, s'il vous plaît, regarder
15 l'intercalaire numéro 73, 1D751 ? Il s'agit de conclusions auxquelles est
16 parvenue l'assemblée fédérale de la RSFY le 3 mars 1989. Monsieur le
17 Professeur, je dois fournir une explication étant donné que nous ne
18 disposons pas de traduction en anglais encore. Je dois un petit peu
19 expliquer la teneur de cette page.
20 R. Permettez-moi de vous corriger. Des conclusions ont été rendues le 1er
21 mars, et ceci a été publié au journal officiel le 3 mars.
22 Q. Merci. La présidence de la RSFY est parvenue à ces conclusions après,
23 par voie de décision, avoir introduit un certain nombre de mesures qui
24 s'appliquait à la Province autonome du Kosovo en raison de troubles dans la
25 région dans le courant du mois de février de l'année 1989. Je souhaitais
26 d'abord vous poser cette question : d'après la constitution de la RSFY, la
27 présidence avait le droit d'introduire des mesures exceptionnelles sur le
28 territoire de la RSFY; est-ce exact ?
Page 13086
1 R. Oui, tout à fait. Elle était en droit de le faire d'après ses pouvoirs
2 constitutionnels.
3 Q. Ces conclusions, auxquelles est parvenue l'assemblée de la RSFY le 1er
4 mars, comme vous nous l'avez précisé, évoquent précisément ces mesures
5 exceptionnelles qui peuvent être prises par la présidence et par voie de
6 décision.
7 R. Oui.
8 Q. Dans le préambule de ce document, on peut lire ceci : "Afin de
9 préserver l'ordre constitutionnel, l'ordre public, la sécurité personnelle
10 ainsi que la sécurité des biens et la sécurité de tous les citoyens et des
11 biens appartenant à l'Etat, et étant donné de la situation qui se détériore
12 à grand pas dans la Province socialiste autonome du Kosovo, l'assemblée de
13 la RSFY, conformément à l'article 153, des règles de procédure," je ne vais
14 pas lire la suite de ce document, "le 1er mars 1989 adopte par la présence
15 les conclusions suivantes.
16 "1. L'assemblée de la RSFY appuie les mesures spéciales adoptées par la
17 présidence de la RSFY. Ceci rentre dans le cadre de ses compétences
18 inscrites dans la constitution afin de préserver et protéger l'intégrité
19 territoriale et l'ordre constitutionnel de la RSFY, afin de garantir
20 l'ordre public, la liberté de travailler et de vivre sur le territoire et
21 en vue de normaliser la situation dans la Province socialiste autonome du
22 Kosovo."
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est votre question, Maître
24 Zecevic ?
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Je me posais la question, Monsieur le
26 Président, à savoir si je devrais lire les trois paragraphes avant de
27 demander au professeur de les commenter ? En ce moment, je lis ce passage
28 car nous ne disposons pas de la traduction. C'est la seule raison pour
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1 laquelle je suis en train d'effectuer cette lecture.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que ces passages ne sont
3 pas suffisamment éloquents par eux-mêmes, est-ce qu'ils ont besoin d'être
4 commentés ?
5 M. ZECEVIC : [interprétation] Certains d'entre eux, oui.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Dans ce cas, définissez les
7 extraits qui demandent un commentaire et interrogez le témoin à ce sujet,
8 ce serait utile.
9 M. ZECEVIC : [interprétation]
10 Q. Professeur, il ne fait aucun doute que la traduction de ce passage va
11 parvenir aux Juges dans quelques temps, les Juges pourront lire eux-mêmes
12 les conclusions qui figurent aux points 5, 6, 7, 8 et 9, mais pour ce qui
13 nous concerne je vous prierais de bien vouloir commenter les conclusions
14 que l'on trouve au point 10 de ce document. Ou plutôt, excusez-moi, les
15 points 1 et 10, c'est-à-dire le passage dont je viens de donner lecture et
16 le passage numéro 10.
17 R. Dans la conclusion --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, prenez d'abord
19 connaissance de la conclusion numéro 10, ensuite vous commenterez.
20 M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-être, pourrais-je moi-même en faire la
21 lecture ?
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela m'importe peu, que ce soit vous
23 ou le témoin, mais quelqu'un doit lire la conclusion 10 de façon à ce que
24 le professeur puisse la commenter.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 La conclusion numéro 10 se lit comme suit, je cite : "L'assemblée de la
27 RSFY souligne que les amendements apportés à la constitution de la RSFY
28 avaient pour but de permettre l'application des réformes du système
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1 économique et politique, et ces amendements n'ont rien changé aux principes
2 fondamentaux de la constitution de la RSFY de 1974.
3 "L'assemblée de la RSFY estime que par les amendements adoptés à la
4 constitution de la République socialiste de Serbie, amendements adoptés par
5 l'assemblée de cette République socialiste de Serbie, garantissent l'unité
6 indispensable et la communauté d'esprit de toutes les forces autogérées de
7 la Serbie socialiste, ceci conformément aux positions adoptées par le 13e
8 Congrès de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Ces amendements sont
9 significatifs non seulement pour la République socialiste de Serbie et pour
10 les provinces autonomes socialistes, mais également pour la réalisation des
11 idées constitutionnelles de la Fédération yougoslave et pour la stabilité
12 de tout le pays. Ces amendements ne changent rien au statut des provinces
13 autonomes socialistes prévu par la constitution de la République socialiste
14 de Serbie ou l'esprit de camaraderie qui la caractérise. La procédure
15 d'amendement de la constitution de la République socialiste de Serbie doit
16 se conclure le plus rapidement possible." Je suis arrivé au terme de cette
17 conclusion numéro 10.
18 Q. Professeur, est-ce que vous pourriez commenter brièvement le premier
19 paragraphe et le dixième paragraphe de ces conclusions qui ont été rendues
20 le 1er mars 1989 ?
21 R. Au premier paragraphe, l'assemblée de la RSFY soutient les mesures
22 spéciales qui sont adoptées par la présidence de la RSFY, et déclare que la
23 présidence a pris des mesures qui sont tout à fait conformes aux pouvoirs
24 qui lui sont conférés par la constitution. Cette conclusion est
25 particulièrement importante si l'on pense à la nature du système
26 constitutionnel en vigueur à l'époque. En effet, à ce moment-là la
27 Yougoslavie était un pays socialiste, et le principe de division du pouvoir
28 n'y avait pas cours. C'est l'unité des pouvoirs qui était le principe en
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1 vigueur, et l'assemblée est définie par la constitution à l'époque comme
2 l'organe suprême du pouvoir, conformément au principe d'unicité du pouvoir
3 qui avait cours dans l'Union soviétique existante à l'époque et dans
4 d'autres pays socialistes. Donc, il ne pouvait y avoir division du pouvoir,
5 ce qui devait exister, c'était l'unicité du pouvoir. C'est la raison pour
6 laquelle l'assemblée est définie comme l'organe suprême du pouvoir et de
7 l'autogestion.
8 L'importance de ce que nous lisons ici réside dans le fait que tout
9 vient de l'assemblée de la RSFY, qui est l'organe suprême du pouvoir, je le
10 répète. Voilà ce que j'avais à dire par rapport au premier paragraphe.
11 Quant au paragraphe 10, nous y trouvons évoquée la position de l'assemblée
12 de la RSFY, dont je répète, que celle-ci est l'organe suprême du pouvoir,
13 pouvoir qui lui a été conféré par la constitution de la RSFY et par la
14 constitution de la République de Serbie. Dans ce paragraphe 10, nous lisons
15 que les amendements apportés à la constitution de la RSFY, amendements
16 adoptés conformément aux conclusions de l'assemblée, permettent d'appliquer
17 les réformes du système économique et politique, et que ces amendements,
18 tout importants qu'ils soient, ne changent rien aux principes fondamentaux
19 que l'on trouvait définis dans la constitution de 1974.
20 Puis, eu égard aux amendements apportés à la constitution de la
21 République de Serbie, et eu égard à la conclusion relative aux amendements
22 apportés à cette constitution, je parle ici des amendements dont nous
23 parlions tout à l'heure, à savoir les amendements votés en 1989, il est
24 donc dit dans ce paragraphe 10 que ces amendements ont été votés par
25 l'assemblée de la RSFY, et que les deux assemblées des deux provinces
26 autonomes vont avoir à donner leur assentiment par rapport à ces
27 amendements. Si nous laissons de côté l'aspect idéologique de la question,
28 à savoir que ces amendements étaient conformes aux positions adoptées lors
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1 du 13e Congrès de la Ligue des Communistes yougoslaves, ce qui importe ici
2 sur un plan juridique, c'est que l'assemblée déclare que ces amendements ne
3 changent rien au statut des provinces autonomes socialistes.
4 Autrement dit, l'assemblée de la RSFY, qui est l'organe suprême du
5 pouvoir, considère que les amendements apportés à la constitution de la
6 République socialiste de Serbie en 1989 ne modifient aucunement la position
7 des provinces autonomes socialistes, elles-mêmes définies par la
8 constitution. C'est la raison pour laquelle l'assemblée de la RSFY appelle
9 à l'achèvement du processus d'amendement de la constitution de la
10 République socialiste de Serbie dans les plus brefs délais.
11 La seule étape restante encore à couvrir de ce point de vue, c'est la
12 nécessité pour les assemblées des deux provinces socialistes autonomes de
13 donner leur accord à l'amendement de la constitution de la République
14 socialiste de Serbie, puisque telle était la procédure prévue en cas
15 d'amendement de la constitution de la Serbie par la constitution de 1974.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ligne 11 de la page actuellement à
19 l'écran du compte rendu d'audience. Je pense qu'il conviendrait de lire
20 assemblée de la République de Serbie plutôt qu'assemblée des deux provinces
21 autonomes."
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Je dirais Serbie, mais nous pouvons demander
23 au professeur de commenter.
24 Q. Professeur, lorsque vous parliez des amendements apportés à la
25 constitution de la République de Serbie --
26 R. Oui.
27 Q. Vous avez dit en parlant des amendements discutés il y a quelques
28 instants --
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, non, non. Ce
2 qu'on lit à l'écran est tout à fait convenable, mais il faudrait lire 1988.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais Maître Zecevic, vous ne pouvez
4 pas jouer sur tous les tableaux. Les Juges ont besoin d'une précision. Ce
5 que l'on peut lire actuellement à l'écran ne semble pas convenir.
6 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président.
7 Q. Professeur, vous avez dit, je cite : "Et si nous parlons des
8 amendements apportés à la constitution serbe qui évoquent les amendements
9 constitutionnels dont nous parlions il y a quelques instants", à savoir les
10 amendements votés en 1989, ceux-ci ont été adoptés par l'assemblée de la
11 RSFY, n'est-ce pas ?
12 R. Non, non, non. Ces amendements ont été votés par l'assemblée de la
13 République socialiste de Serbie.
14 Q. Merci bien, Professeur.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous
16 présente mes excuses pour cette confusion.
17 Q. Professeur, il y a un instant alors que vous commentiez le paragraphe
18 10 de ces conclusions, est-il permis pour quiconque vous écoute de conclure
19 qu'en 1989 les amendements à la constitution de Serbie n'ont eu aucun
20 méfait, n'ont aucunement influé sur les droits des Provinces autonomes du
21 Kosovo-Metohija du point de vue de l'autonomie ?
22 R. Absolument, c'est exact. C'est une conclusion tout à fait claire, et
23 c'est la conclusion qu'a atteinte l'assemblée de la RSFY. Il est écrit ici
24 que ces amendements n'affectent en rien, ne modifient en rien la situation
25 des provinces autonomes socialistes, statut donné à ces provinces par la
26 constitution de la RSFY.
27 Q. Merci, Professeur. Ce qui veut dire que ni le Kosovo ni la Vojvodine
28 n'a été privé de leur autonomie, mais qu'il y a eu redistribution des
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1 compétences entre les divers organes des provinces autonomes d'une part et
2 la République de Serbie d'autre part, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Tout ceci dans le cadre des compétences de la République de Serbie
4 qui avait un statut d'égalité avec les autres unités fédérales au sein de
5 la fédération.
6 Q. Professeur, je vous remercie de toutes ces explications. Je vous
7 prierais maintenant de vous pencher sur l'intercalaire 5 qui constitue la
8 pièce P855. Il s'agit de la constitution de Serbie datant de 1990.
9 R. J'ai trouvé le texte.
10 Q. Je vous prierais de bien vouloir commenter à notre intention le
11 paragraphe 47 de la constitution serbe; où il est question de la
12 citoyenneté.
13 R. Oui, l'article 47 traite de la citoyenneté au sein de la République de
14 Serbie.
15 "Tout citoyen de la République de Serbie jouit de la citoyenneté de
16 la République de Serbie, et les citoyens de la République de Serbie ne
17 peuvent être privés de cette citoyenneté, ne peuvent être exilés ou
18 extradés."
19 C'est une protection qui réside dans le lien juridique créé entre les
20 citoyens et l'Etat, et ce lien c'est la citoyenneté. Plus loin dans cet
21 article, nous lisons que : "La citoyenneté est acquise et enlevée selon des
22 modalités prévues par la loi." On ne voit pas ici le détail des modalités
23 permettant d'acquérir ou de perdre sa citoyenneté aux termes de sa
24 citoyenneté. La constitution se contente de définir ce qu'est la
25 citoyenneté et quelle est l'importance, quel est le champ de protection qui
26 est garanti aux citoyens de Serbie.
27 Q. Merci, Professeur. Je vous prierais maintenant de vous pencher, si vous
28 le voulez bien, sur l'intercalaire 6 qui constitue la pièce 856, et dont la
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1 traduction constitue la pièce 1D139. Il s'agit de la constitution de la
2 République fédérale yougoslave, et je vous demanderais de vous pencher plus
3 particulièrement sur l'article 17 de celle-ci, je vous prie.
4 R. [aucune interprétation]
5 Q. [aucune interprétation]
6 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'avait pas allumé mon micro. Il reprend
7 donc la traduction à une réponse antérieure.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce qui était intéressant pour cette
9 fédération c'était l'existence d'une citoyenneté double, à savoir
10 citoyenneté de la fédération et citoyenneté des républiques qui sont les
11 unités de cette fédération. Dès lors qu'un citoyen était citoyen d'une
12 unité fédérale il jouissait également de la citoyenneté de la fédération.
13 Q. Qu'en est-il du paragraphe 2 ?
14 R. C'est ce qu'on peut lire au paragraphe 2 de l'article 17. Quant au
15 paragraphe 3, on y trouve la description du champ de protection garanti par
16 la fédération qui est identique au champ de protection dont les citoyens
17 jouissaient en vertu de la constitution de Serbie. A savoir donc, un
18 citoyen yougoslave ne pouvait être privé de sa citoyenneté, exilé ou
19 extradé. Ce sont des protections que l'on trouvait définies également dans
20 la constitution de Serbie.
21 Q. Merci, Professeur. Ensuite, le paragraphe suivant se lit comme suit, je
22 cite : "La citoyenneté yougoslave est réglementée par la loi fédérale",
23 n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Je vous prierais maintenant de vous rendre à l'intercalaire 71, pièce
26 1D226 pour la traduction, qui constitue la loi sur la citoyenneté
27 yougoslave. Vous avez trouvé ce texte, Professeur ?
28 R. Oui.
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1 Q. C'est la loi sur la citoyenneté yougoslave. Nous avons vu qu'un
2 paragraphe de la constitution concernait cette loi fédérale, et l'article 1
3 se lit comme suit, je cite : "La citoyenneté peut être acquise selon les
4 modalités suivantes," et suit ensuite la liste des conditions définies par
5 cette loi, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. C'est tout à fait ce que prévoyait la constitution, c'est-à-dire
7 les modalités selon lesquelles la citoyenneté peut être acquise et les
8 modalités selon lesquelles un citoyen pouvait perdre sa citoyenneté, tout
9 ceci étant réglementé par la loi.
10 Q. A l'article 3, on trouve une énumération des modalités permettant de
11 mettre un terme à une citoyenneté. Est-ce que vous pourriez commenter ce
12 paragraphe, je vous prie ?
13 R. Trois situations sont prévues, l'une, c'est la privation de
14 citoyenneté; mais il y aussi la possibilité pour le citoyen de renoncer à
15 sa citoyenneté; et la troisième possibilité c'est une possibilité régie à
16 des traités internationaux. Ce qui est important ici, c'est que la
17 citoyenneté peut disparaître ou être révoquée uniquement pour une personne
18 qui est déjà citoyenne d'un autre pays, d'un pays étranger, ou au moins
19 uniquement en présence d'une preuve ou de certains indices montrant que
20 cette personne s'apprête à acquérir une citoyenneté d'un pays étranger.
21 Personne ne peut rester sans patrie et sans citoyenneté simplement parce
22 que la citoyenneté yougoslave aurait cessé d'exister.
23 Q. Professeur, il y a une chose que j'aimerais savoir. La perte de
24 citoyenneté et la renonciation à la citoyenneté impliquent que la personne
25 concernée doit présenter une demande explicite ou faire une déclaration aux
26 fins de renoncement à la citoyenneté yougoslave ou de cessation de celle-
27 ci, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, c'est ce qu'on peut lire à l'article 19 et à l'article 24 de cette
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1 loi. La citoyenneté ne peut cesser, il ne peut y avoir renonciation à la
2 citoyenneté en l'absence d'une demande expresse, pas plus que dans le cas
3 où un citoyen n'aurait pas lui-même présenté cette demande expresse,
4 demande de ne plus être en possession de la citoyenneté yougoslave.
5 Q. La troisième modalité en l'espèce -- je suppose qu'elle n'a pas besoin
6 d'être commentée. C'est en cas de signature d'un traité international,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Oui, traité ratifié et confirmé.
9 Q. Professeur, sans perdre de vue ce que vous venez de nous dire, à savoir
10 que la disparition de la citoyenneté ou la renonciation à celle-ci ne peut
11 se faire que sur demande explicite et sans équivoque présentée par la
12 personne concernée, nous voyons qu'il y a tout de même une exception à
13 cette règle, n'est-ce pas ? Au paragraphe 34 de cette loi -- l'article 34
14 plutôt. Pourriez-vous commenter cet article, s'il vous plaît.
15 R. Cet article se lit comme suit : "La disparition ou la renonciation à la
16 citoyenneté yougoslave ne peut être obtenue en temps de guerre, il ne sera
17 fait droit à aucune demande en temps de guerre ou dans une situation de
18 menace imminente de guerre ou d'état d'urgence."
19 Donc dès lors que des circonstances extraordinaires prévalent en
20 Yougoslavie, et pendant toute la durée de cette situation, un citoyen
21 yougoslave reste citoyen yougoslave. Nous venons de parler il y a un
22 instant de disparition de la citoyenneté ou de renonciation à celle-ci, et
23 maintenant nous nous rendons compte que ces deux modes de perte de
24 citoyenneté sont les deux modes principaux pour la disparition de la
25 citoyenneté yougoslave.
26 Q. Mais il y a aussi le troisième mode qui repose sur la signature d'un
27 traité international, donc au total il y a trois modalités, n'est-ce pas ?
28 R. Les traités internationaux ne sont pas en général couverts par la loi.
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1 Les traités internationaux sont par nature internationaux.
2 Q. Professeur, si je vous ai bien compris, s'agissant de l'article 34 de
3 cette loi, même si un citoyen présente explicitement la demande de perte de
4 citoyenneté, personne ne verra sa demande acceptée au cas où existe l'une
5 des trois situations extraordinaires citées précédemment, n'est-ce pas ?
6 R. En effet.
7 Q. Très bien. Professeur, tout renseignement relatif à la citoyenneté
8 yougoslave est conservé par écrit dans des registres de citoyenneté, n'est-
9 ce pas ?
10 R. Oui. Ces registres sont publics et sont considérés comme des documents
11 publics.
12 Q. Imaginons la situation suivante : Un citoyen yougoslave quitte le
13 territoire yougoslave et il perd ses papiers d'identité, son passeport, par
14 exemple, ou son passeport lui est confisqué. Essayons de nous placer une
15 seconde dans cette situation. Dans ce cas, ce citoyen yougoslave ne perdra
16 pas sa citoyenneté simplement parce qu'il a perdu ses papiers d'identité,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Non, il ne perd pas sa citoyenneté. Même chose pour n'importe qui,
19 n'importe quel citoyen qui perd sa carte d'identité simplement. Le citoyen
20 en question va se faire délivrer un nouveau document d'identité. C'est tout
21 ce qui va se passer. Il arrive à tout le monde de perdre son passeport.
22 Tous les jours des passeports se perdent, un peu partout dans le monde. Ce
23 qui ne veut pas dire que les personnes qui ont perdu leurs passeports
24 cessent d'être citoyens de leur pays. La citoyenneté ne peut en aucun cas
25 disparaître dans d'autres conditions que celles qui sont strictement
26 prévues par la loi. Ces situations sont au nombre de trois en l'espèce,
27 comme nous venons de le voir : renonciation, perte de citoyenneté, ou
28 signature d'un traité international.
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1 Q. Merci beaucoup, Professeur. Passons maintenant à autre chose, je vous
2 prie. Je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 9, qui est la
3 constitution de la RSFY datant de 1974.
4 R. Très bien.
5 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
6 [Le conseil de la Défense se concerte]
7 M. ZECEVIC : [interprétation] P1623, c'est cela la pièce dont il s'agit.
8 Q. L'une des valeurs de la constitution sur lesquelles reposait la
9 constitution était le droit de gestionnaire des travailleurs et l'idée de
10 l'autogestion, n'est-ce pas, Professeur ?
11 R. Oui, c'était l'une des caractéristiques principales de la constitution
12 de 1974, qui portait dans son intitulé la caractérisation du régime. A
13 savoir, il s'agissait d'un Etat socialiste qui s'appelle République
14 socialiste fédérative de Yougoslavie. L'un des traits principaux de cet
15 Etat et de ce système était ce que vous venez de me demander.
16 Q. Merci. L'article 46, s'il vous plaît, de la constitution de la
17 République socialiste fédérative de Yougoslavie, la constitution de 1974.
18 Un instant, s'il vous plaît. Pour replacer cela dans le contexte. La
19 conception de la propriété dans la RSFY de l'époque était la conception de
20 la propriété sociale. C'était cela la forme de propriété dominante ?
21 R. Oui, c'était cela la forme de propriété dominante. C'était une forme de
22 monopole sur le plan de la propriété, n'est-ce pas, la propriété sociale ?
23 Q. L'Etat, en agissant par entremise de ses organes, protégeait la
24 propriété sociale, n'est-ce pas ?
25 R. La propriété sociale et les droits autogestionnaires des travailleurs
26 qui se servaient de moyens de travail qui étaient dans la propriété sociale
27 étaient des caractéristiques principales de ce régime qui caractérisait la
28 République socialiste fédérative de Yougoslavie.
Page 13099
1 Q. Est-ce que vous pourriez à présent nous commenter brièvement l'article
2 46, Professeur.
3 R. L'article 46 figure dans le chapitre de la constitution qui précise le
4 système économique du pays. L'intitulé est : Le système socio-économique
5 du pays ou de l'Etat, qui protège ces deux caractéristiques du système.
6 C'est la deuxième partie de la constitution, chapitre premier, système
7 socio-économique, et c'est là que figure l'article 46. Il convient
8 d'interpréter cet article dans ce contexte-là, dans le contexte des
9 articles qui l'entourent. C'est là qu'est précisé le mécanisme de
10 protection des droits autogestionnaires des travailleurs et de la propriété
11 sociale.
12 Q. Je vous remercie, Professeur. A présent, je vais vous inviter à nous
13 commenter les articles 129, 130 et 131 en son alinéa 1, là où il est
14 question de la protection sociale des droits sociaux et de la propriété
15 sociale. Nous avons des précisions sur des droits qui sont énoncés à
16 l'article 46 de la constitution, n'est-ce pas ?
17 R. Oui. Le principe de base de ces dispositions est l'article 129 en son
18 alinéa 1 où il est précisé que : "Les droits autogestionnaires des
19 travailleurs ainsi que la propriété sociale bénéficient d'une protection
20 sociale particulière."
21 A l'article 130, cette protection sociale particulière est précisée
22 et opérationnalisée.
23 Il est dit que si: "Dans l'organisation du travail associé, c'est la
24 forme de travail principale, en utilisant des moyens de travail relevant de
25 la propriété sociale, s'il y a entrave aux relations autogestionnaires ou
26 si des intérêts sociaux sont violés aussi, l'organisation ou la communauté
27 en question ne remplit pas ces obligations prévues par la loi. Alors dans
28 ce cas-là, l'assemblée de la communauté sociopolitique, en général c'est la
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1 municipalité, dans des conditions prévues par la loi dissoudra le conseil
2 ouvrier qui est l'organe autogestionnaire, organisera des élections pour
3 constituer cet organe, en élire des membres, dissoudra les organes
4 exécutifs ainsi que les travailleurs qui occupent des postes de direction,
5 mais nommera également des organes temporaires, provisoires ayant des
6 droits et des obligations prévues par la loi, ou bien de manière
7 temporaire" --
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Professeur, nous
9 sommes en mesure de lire cela par nous-mêmes. Vous êtes un expert. Je
10 voudrais préciser juste un point. Vous êtes en train de commenter les
11 articles 129 et 130, et non pas comme ceci figure à la page 31, ligne 22,
12 les articles 129 et 139, n'est-ce pas ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 130.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
15 Est-ce que vous avez une question à poser là-dessus, Maître Zecevic ?
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Juste une question.
17 Q. En vertu de cette loi, Professeur, il existe un organe d'Etat, il
18 existe le procureur qui se charge de défendre le système autogestionnaire
19 dans des conditions que vous venez de lire lorsqu'il y a une entrave ou un
20 trouble dans le fonctionnement du travail autogestionnaire ?
21 R. Oui, tout à fait. Il était censé protéger les droits autogestionnaires
22 des travailleurs ou la propriété sociale.
23 Q. Un instant, s'il vous plaît.
24 R. Dans son ensemble, ce mécanisme est prévu pour appliquer les
25 dispositions de l'article 10 qui se lit comme suit : "Dans son ensemble le
26 système économique yougoslave se fonde sur le travail autogestionnaire
27 s'exerçant librement sur des moyens relevant de la propriété sociale et se
28 fonde sur le travail autogestionnaire des travailleurs." Ce sont les deux
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1 composantes principales, telle est la substance du système économique
2 yougoslave, la propriété sociale et l'autogestion.
3 Q. Merci.
4 R. Les articles 129, 130 et 131 disposent des mécanismes de protection
5 pour protéger ces deux valeurs fondamentales du système économique de
6 l'Etat.
7 Q. Merci, Professeur. Très brièvement, il nous reste cinq minutes. Je
8 voudrais que l'on se reporte à l'intercalaire 74, P1848, c'est la
9 constitution de la République socialiste de Serbie, les articles qui nous
10 intéressent sont les articles 143 et 144.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la question ?
12 M. ZECEVIC : [interprétation] Je voudrais juste confirmer qu'il s'agit là
13 de quelque chose qui est identique.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai supposé que telle serait la
15 question ? Mais ce n'était pas tout à fait clair.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Mais, il nous faut établir cela puisque nous
17 avons le niveau de la république, le niveau de la fédération.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas le fait que vous ayez
19 examiné une autre constitution qui me préoccupe. C'est qu'il faut focaliser
20 vos questions. On avait l'impression que vous alliez inviter le professeur
21 à nous donner lecture des articles 143 et 144, et ce n'était pas ce qu'il
22 fallait faire.
23 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, non, non.
24 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
25 M. ZECEVIC : [interprétation]
26 Q. Professeur, dans les articles 143 et 144 de la constitution de la
27 République de Serbie, on trouve dans le préambule la même protection des
28 droits autogestionnaires et de la protection sociale. Il s'agit de
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1 l'adoption, de l'emprunt de la même solution que nous avons vue dans la
2 constitution fédérale. Il n'y a pas lieu d'apporter quelque explication que
3 ce soit, puisque la constitution de la République de Serbie devait être en
4 harmonie et conforme avec la constitution de la RSFY, n'est-ce pas ?
5 R. Oui. La constitution de la Serbie reproduit les solutions adoptées par
6 la constitution fédérale.
7 Q. Très bien. Merci. Professeur, pour mettre en œuvre ces dispositions
8 constitutionnelles, il était nécessaire d'adopter des lois régissant des
9 modalités de protection de la propriété sociale, c'est-à-dire des modalités
10 d'opérationnalisation de la protection de la propriété sociale et des
11 droits autogestionnaires ?
12 R. Oui, tout à fait, c'était cela l'intitulé de des lois en question.
13 Q. Je vous remercie. Je vous invite à examiner la première de la série de
14 ces lois ayant été adoptées, à l'intercalaire 75, 1D130. Il s'agit de la
15 loi sur des mesures provisoires afin d'assurer la protection sociale des
16 droits autogestionnaires et de la propriété sociale, loi adoptée par
17 l'assemblée de la Province autonome socialiste de Kosovo le 27 décembre
18 1977, publiée dans le journal officiel de la Province autonome du Kosovo,
19 le 28 décembre 1977. Les articles qui nous intéressent sont les articles 1,
20 3, 8 et 25. Mais, Professeur, c'est un commentaire d'ordre général que je
21 vous invite à faire. Cette loi opérationnalise la protection fournie par la
22 constitution à la propriété sociale et aux droits autogestionnaires des
23 travailleurs sur le territoire de la Province autonome du Kosovo en 1977,
24 n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est cela.
26 Q. Je vous remercie, Professeur.
27 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment se prête
28 peut-être à faire une suspension d'audience.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, encore une fois le moment
2 de la pause est arrivé. Vous allez suivre M. l'Huissier, qui va vous
3 raccompagner et qui va vous montrer où vous pouvez attendre; et nous allons
4 reprendre à 11 heures 15.
5 [Le témoin quitte la barre]
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.
7 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, vous avez la parole.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Nous avons regardé l'intercalaire numéro 75 dans la pièce 1D130. Je
11 vous demande de bien vouloir vous reportez à l'intercalaire 76, s'il vous
12 plaît, qui est la pièce 1D455. Il s'agit de la loi sur les amendements
13 apportés au texte de loi sur les mesures de protection provisoire
14 appliquées à la protection sociale des droits à l'autogestion, de la
15 propriété sociale et de la propriété d'Etat. Cette loi a été adoptée par
16 l'assemblée de la Province autonome socialiste du Kosovo lors de sa session
17 tenue le 30 décembre 1986, et ce texte a été publié dans la Gazette
18 officielle de la Province autonome socialiste du Kosovo numéro 52 à la date
19 du 31 décembre 1986. Les articles susmentionnés sont les articles 1, 4, 7,
20 12, 14 et 20. Je ne souhaite pas aborder dans le détail la teneur de ces
21 articles. Cette loi modifie quelques dispositions du texte de loi précédent
22 que nous avons déjà vu et y ajoute quelques éléments. Cette loi a été
23 également adoptée afin de protéger les valeurs constitutionnelles des biens
24 de l'Etat et des droits à l'autogestion des travailleurs sur le territoire
25 du Kosovo, est-ce exact ?
26 R. Oui. Parce que le Kosovo, en tant que province autonome, avait son
27 propre pouvoir législatif, pouvoir législatif autonome. Comme la
28 république, elle se devait de développer les différentes instances
Page 13104
1 mentionnées dans la constitution fédérale. Par conséquent, les amendements
2 ont été apportés au texte de loi.
3 Q. Monsieur le Professeur, ces deux lois, comme nous pouvons le constater
4 à la lecture du journal officiel, ces deux textes de loi ont été promulgués
5 par l'assemblée de la Province autonome socialiste du Kosovo, est-ce
6 exact ?
7 R. Oui, parce que c'était la seule instance de la province qui disposait
8 d'un pouvoir législatif.
9 Q. Ces deux textes ont été promulgués avant les amendements qui ont été
10 apportés à la constitution de la Serbie en 1989; est-ce exact ?
11 R. Oui, on le constate lorsqu'on regarde ici les dates. Cette loi a été
12 adoptée en 1986, et les amendements ont été adoptés en 1989.
13 Q. Mais le texte de loi précédent ?
14 R. Ce texte de loi a été adopté déjà en 1977, mais vous m'avez posé une
15 question à propos des amendements et une loi sur les mesures provisoires de
16 protection sociale et de défense des droits à l'autogestion et des biens
17 appartenant à l'Etat, ceux-ci ont été promulgués en 1967, alors que la loi
18 sur l'amendement de la loi a été promulguée en 1986, et en 1989 la
19 constitution de Serbie a été amendée.
20 Q. On peut en conclure que ces deux textes, le texte de loi 1977 et le
21 texte de loi de 1986, ces deux textes ont été promulgués conformément à la
22 procédure alors en vigueur et étaient conformes à la constitution de la
23 Province autonome socialiste du Kosovo et avaient pour objet de faire
24 appliquer les dispositions de la constitution fédérale; est-ce exact ?
25 R. Oui.
26 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Je vous demande maintenant de bien
27 vouloir regarder l'intercalaire numéro 78, pièce 1D -- veuillez m'excuser,
28 s'il vous plaît. C'est l'intercalaire numéro 76. Il faut les regarder dans
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1 le bon ordre. Pardonnez-moi. Le 76, nous l'avons déjà vu. L'intercalaire
2 numéro 78, 1D133. Il s'agit du même texte de loi, texte portant sur les
3 mesures provisoires de la protection sociale et des droits à l'autogestion,
4 ainsi que des biens appartenant à l'Etat dans la Province autonome
5 socialiste de Vojvodine. Ceci a été promulgué le 21 mars 1990 et publié
6 dans le journal officiel de la Province autonome socialiste de Vojvodine,
7 le numéro 9, le 31 mars 1990. Nous allons évoquer ici les articles 2, 5, 6,
8 7 et 8, c'est exact, 2, 5, 6, 7 et 8.
9 Je suppose qu'il s'agit d'un cas identique. Il y a un texte de loi qui est
10 promulgué par l'assemblée de la province, texte qui porte sur la protection
11 des institutions et des valeurs inscrites à la constitution de l'Etat
12 fédéral; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Pour finir, l'intercalaire 77, 1D458. Il s'agit du texte de loi sur les
15 mesures provisoires portant sur les mesures provisoires de protection
16 sociale et des droits à l'autogestion et de la propriété sociale de la
17 République de Serbie. Ce texte a été promulgué par l'assemblée de la
18 République socialiste de Serbie et publié au journal officiel de la
19 République de Serbie le 28 octobre 1989, au numéro 49. Nous allons ici
20 évoquer les articles 1, 2, 8, 9 et 11.
21 Cette loi a été promulguée par l'assemblée de la République socialiste de
22 Serbie, afin de créer de nouvelles dispositions de la constitution de la
23 République fédérative socialiste de Yougoslavie en 1974; est-ce exact,
24 Monsieur le Professeur ?
25 R. Oui.
26 Q. Monsieur le Professeur, tous ces textes de loi, y compris le texte de
27 la constitution, par ce biais-là, l'Etat entend par ces organes protéger la
28 propriété sociale et les droits à l'autogestion des travailleurs; est-ce
Page 13106
1 exact ?
2 R. Oui. Comme nous l'avons déjà expliqué pour ces différentes raisons,
3 parce qu'il s'agissait de poser le fondement d'un nouvel ordre économique
4 dans l'ensemble du pays.
5 Q. L'organe responsable de ces nouvelles mesures était un bureau du
6 procureur social chargé de l'autogestion, cet organe existait au niveau de
7 la république et existait également au niveau des provinces autonomes
8 socialistes ?
9 R. Oui.
10 Q. Monsieur le Professeur, nous avons constaté que dans ces textes
11 certaines mesures ont été adoptées, mesures que vous avez vous-même
12 évoquées lorsque vous avez parlé du texte de la constitution. Vous avez
13 laissé entendre que celles-ci géraient la gestion des entreprises, les
14 organes chargés de la gestion, le fait que de nouvelles personnes ont été
15 nommées à d'autres postes; est-ce exact ?
16 R. Oui. Ces mesures ont quelque peu limité l'autogestion, parce que
17 l'autogestion avait été enfreinte, abusée si vous voulez, de même que la
18 propriété sociale.
19 Q. Toutes ces mesures ont été promulguées en tenant compte du texte de loi
20 et avaient pour but de protéger le droit à l'autogestion des travailleurs
21 ainsi que de la propriété qui était entre les mains de l'Etat; est-ce
22 exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Il ne s'agissait pas à utiliser ces mesures comme mesures de
25 discrimination contre quiconque; est-ce exact ?
26 R. Oui. Le seul objectif dans l'adoption de ces mesures, d'après la
27 constitution et la législation en vigueur, était de protéger la propriété
28 sociale ainsi que les droits à l'autogestion des travailleurs, en utilisant
Page 13107
1 des moyens de production qui étaient entre les mains de l'Etat.
2 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Retournons au texte de la constitution
3 de la République de Serbie du 28 septembre 1990, intercalaire numéro 5,
4 P855. Je crois qu'avant-hier, au début de cet échange que nous avons eu,
5 nous avons parlé de l'importance de la constitution de la République de
6 Serbie du 28 septembre 1990, celle-ci a marqué une différence par rapport
7 au postulat posé par la constitution précédente et les fondations du
8 système économique qui était alors un système économique social, n'est-ce
9 pas, Monsieur le Professeur ?
10 R. Oui.
11 Q. La constitution de Serbie abolit l'autogestion, ainsi que les
12 prud'hommes et le rôle prépondérant joué par la Ligue des Communistes, et
13 introduit, plutôt, précise que toute forme de propriété doit se faire sur
14 un pied d'égalité, garantit la propriété privée, introduit une économie de
15 marché, introduit une démocratie parlementaire multipartite, une économie
16 de marché, l'indépendance du système judiciaire, ainsi que les libertés
17 civiques. Je crois que j'ai donné la liste de tous les éléments ici.
18 R. Oui, cette constitution a marqué un écart ou une différence
19 fondamentale avec l'ordre étatique et social précédent. La définition
20 idéologique du "socialisme" a été abandonnée, ceci était l'expression même
21 de la "République de Serbie." C'est la raison pour laquelle elle a été
22 appelée ainsi.
23 Q. A cause de ce changement, lorsque nous avons commencé à entamer ce
24 sujet, nous avons indiqué que certains textes de loi ont cessé d'être en
25 vigueur. Parmi ces textes qui ont cessé d'être en vigueur, il y avait les
26 textes que nous venons d'évoquer, ceux qui portent sur la protection de la
27 propriété sociale et des droits à l'autogestion des travailleurs; est-ce
28 exact ?
Page 13108
1 R. Oui, pour la bonne et simple raison que ces derniers ne faisaient plus
2 partie, n'étaient plus cités comme des catégories dans la constitution
3 alors en vigueur.
4 Q. Ce bureau du procureur d'autogestion a cessé d'exister; est-ce exact ?
5 R. Oui.
6 Q. En guise d'illustration, veuillez regarder l'intercalaire numéro 79,
7 s'il vous plaît, 1D136. Il s'agit de la loi sur l'abrogation de la loi sur
8 l'adoption de mesures provisoires aux fins de garantir la protection
9 sociale et les droits à l'autogestion. Mesures provisoires adoptées en vue
10 de garantir la protection sociale ou l'autogestion, ainsi que la propriété
11 entre les mains de l'Etat. Ceci déclare qu'à la date du 31 décembre ces
12 mesures et ces nouvelles lois ne seront plus appliquées, et ceci vaut
13 également pour les Provinces autonomes socialistes du Kosovo et de la
14 Vojvodine.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaite ajouter quelque chose par rapport
16 au transcript. J'ai besoin de dire quelque chose à la page 41, ligne 11, la
17 date est celle du 31 décembre 1991, c'est la date à laquelle je venais de
18 faire référence.
19 Q. Donc ces lois que nous avons évoquées étaient en vigueur au Kosovo -
20 j'entends les lois sur la protection des biens sociaux et la protection des
21 droits des travailleurs à l'autogestion - ces dernières étaient en vigueur
22 en 1977 et en 1986, ont été amendées. A partir de la date du 31 décembre
23 1991, ces textes de loi ont cessé d'être en vigueur ?
24 R. Oui, ce qui découle de l'article de 1.2, à propos du Kosovo-Metohija.
25 Q. Merci. La même chose vaut pour les textes législatifs en vigueur dans
26 la Province autonome socialiste de Vojvodine au paragraphe 3, et les textes
27 semblables valaient aussi pour la République de Serbie, n'est-ce pas, au
28 point 1 ?
Page 13109
1 R. Oui.
2 Q. A l'article 2, on peut lire que les mesures provisoires qui ont été
3 adoptées conformément à cette loi entreront en vigueur ou seront encore en
4 vigueur jusqu'à la date du 31 décembre 1991 et pas au-delà ?
5 R. Oui.
6 Q. A moins que l'assemblée ne les abroge avant cette date; est-ce exact ?
7 R. C'est exact.
8 Q. La même chose s'applique aux mesures provisoires portant sur les
9 organisations et les communautés se trouvant sur les territoires qui font
10 l'objet de circonstances particulières. Ces derniers cessent d'exister à la
11 date du 31 décembre 1991 également, est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Donc le territoire sur lequel il y avait des circonstances
14 exceptionnelles était en réalité la Province autonome du Kosovo; est-ce
15 exact ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Toutes ces mesures, ces mesures que nous venons d'évoquer, sont des
18 mesures qui ont été abordées par un certain nombre de témoins ici dans ce
19 prétoire, et ces mesures ont cessé d'être appliquées à partir du 31
20 décembre 1991; est-ce exact ?
21 R. Oui, c'est ce qui découle de cet article 3, de ce texte de loi.
22 Q. Est-ce que nous pourrions maintenant regarder l'intercalaire numéro 48,
23 s'il vous plaît ?
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons comprendre
25 qu'il s'agit de l'illustration d'un des effets de l'amendement apporté à la
26 constitution de la République de Serbie, par voie de conséquence, l'organe
27 qui traite de ces mesures maintenant dans ces trois domaines est la
28 république et c'est la République de Serbie, et l'assemblée provinciale n'a
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1 plus de compétence pour exercer son pouvoir en la matière; c'est exact ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ceci signifie que la propriété sociale ne
3 jouit plus d'une protection particulière - c'est la raison pour laquelle
4 cette protection avait été mise en place à l'origine - mais, que tous types
5 de propriété sont mis sur un pied d'égalité et l'autogestion n'est plus une
6 catégorie distincte comme elle l'était dans la constitution de 1990. Donc
7 ces deux caractéristiques de ce nouvel ordre économique qui relevaient de
8 l'ancienne constitution ont cessé d'exister lorsque la nouvelle
9 constitution de 1990 a été créée, parce qu'on a introduit de nouvelles
10 formes d'économie de marché, de libre entreprise et cetera, qui ne
11 figuraient pas dans l'ancienne constitution, mais qui figurent dans la
12 nouvelle.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas entendu la fin.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Si je puis vous être utile, Monsieur le
15 Président, parce qu'il est évident que le professeur n'a pas compris votre
16 question.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, d'après ce que j'ai compris dans
18 la première partie de ce que vous avez dit, les différentes lois qui ont
19 été créées ont été mises en place aux fins de faire appliquer la
20 constitution fédérale. Maintenant, nous nous retrouvons dans une situation
21 où les provinces ne semblent pas avoir un quelconque contrôle sur ces
22 nouveaux textes de loi, cela relève de la République de Serbie et de son
23 assemblée, et non pas de différentes assemblées.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, simplement pour gagner
25 du temps, parce que si je me souviens nous avons parlé de la constitution
26 fédérale et tout de suite après de la constitution serbe avec ces
27 dispositions de l'article 142 --
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] -- 3 et 4.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
3 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous n'avons pas abordé cela. Lorsque nous
4 avons parlé de l'implication des dispositions de la constitution fédérale,
5 il s'agissait de faire appliquer automatiquement, en même temps, les
6 dispositions de la constitution serbe en même temps.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'entends bien. Mais l'organe qui a
8 des compétences pour la Province du Kosovo pour mettre en œuvre la
9 constitution adoptée et les textes de loi était l'assemblée du Kosovo.
10 Maintenant, nous constatons que c'est la République de Serbie et son
11 assemblée qui rappellent ces ordonnances, c'est sans doute parce que
12 l'amendement apporté à la constitution en 1990 a retiré ce pouvoir à
13 l'assemblée du Kosovo pour redonner ce pouvoir à l'assemblée de la
14 République de Serbie. Je souhaitais une précision sur ce point. Le témoin a
15 dit que cela n'était pas le cas. Peut-être qu'il pourrait nous l'expliquer
16 davantage.
17 M. ZECEVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Professeur, je vous demande de bien vouloir expliquer ceci.
19 Est-ce que vous avez compris la question ?
20 R. Oui, j'ai compris la question cette fois-ci. Conformément à la
21 constitution de 1990, les provinces ne jouissaient plus d'aucun pouvoir
22 législatif. Ces provinces pouvaient rendre des décisions. Leurs assemblées
23 pouvaient rendre les décisions, mais ne pouvaient plus légiférer en aucune
24 manière. Ces provinces n'avaient plus compétence pour adopter une nouvelle
25 constitution ou des statuts.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
27 Maître Zecevic.
28 M. ZECEVIC : [interprétation]
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1 Q. Intercalaire numéro 80, s'il vous plaît. C'est la pièce 1D137. Il
2 s'agit de la loi sur l'abolition du bureau du procureur social chargé des
3 questions d'autogestion, articles 1 et 5. Cette loi met un terme à cet
4 organe qui était censé lancer des procédures pour protéger la propriété
5 sociale et les droits d'autogestion des travailleurs; est-ce exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Dans le cas qui nous intéresse ici à l'article 5, on peut lire que
8 cette loi s'appliquera également en Vojvodine et au Kosovo; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Maintenant, le dernier point qui se trouve à l'intercalaire numéro 81.
11 Monsieur le Professeur, c'est la pièce 1D138. Il s'agit de la loi qui
12 amende la loi portant sur les mesures de protection à appliquer à la
13 protection sociale, à l'autogestion, au droit à l'autogestion et à la
14 propriété de l'Etat. En somme, cela porte sur la propriété de l'Etat, et
15 cette loi proroge simplement le délai au-delà duquel cette loi est censée
16 ne plus être en vigueur. Donc au lieu de parler de la date du 31 décembre
17 1991, que nous évoqué plus tôt, cette loi devait cesser d'exister à la date
18 du 31 décembre 1992; est-ce exact, Monsieur le Professeur ?
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. C'est certainement après la date du 31 décembre 1992. On ne pouvait
21 plus introduire des mesures provisoires visant à protéger la propriété
22 sociale et les droits à l'autogestion des travailleurs sur l'ensemble du
23 territoire de la Serbie, y compris dans les Provinces autonomes du Kosovo
24 et de la Vojvodine; est-ce exact ?
25 R. Oui.
26 Q. Merci, Monsieur le Professeur.
27 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous sommes arrivés au terme de
28 l'interrogatoire principal du Pr Markovic. Il y a une question que vous
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1 avez soulevée, Monsieur le Président, à propos des ministères -- à propos
2 des ministères qui ont été créés en Serbie en 1991. Ceci se retrouve à
3 l'intercalaire numéro 17, 1D456. Si je me souviens bien, Monsieur le
4 Président, vous avez posé une question qui était comme suit : d'après le
5 professeur, pourquoi s'agissait-il d'autorités de réserve, d'autorités
6 annexes de la République de Serbie ? Pourquoi les ministères en question
7 ont-ils véritablement été créés en 1991, alors qu'ils ont cessé d'exister
8 en 1993 suite aux amendements qui ont été apportés à la constitution de la
9 République fédérale de Yougoslavie ?
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci portait sur le ministère de la
11 Défense, le ministère des Affaires étrangères et le ministère chargé des
12 Questions internationales et du Développement économique.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, les trois ministères qui relèvent de la
14 compétence d'un Etat international.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai fait quelques recherches, et plaise la
17 Cour, je peux peut-être vous présenter certains faits qui permettront peut-
18 être au professeur de se rafraîchir la mémoire.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
20 M. ZECEVIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur le Professeur, vous souvenez-vous de la question qui vous a
22 été posée par M. le Juge Bonomy à propos de la loi qui avait été adoptée
23 sur la création de ministères, adoptée par la République de Serbie le 5
24 février 1991 et, par la suite, amendée lorsque ces trois ministères ont
25 cessé d'exister en 1993 ? Vous en souvenez vous ?
26 R. Oui, je m'en souviens.
27 Q. Monsieur le Professeur, la Chambre de première instance vous a posé une
28 question vous demandant pourquoi ces ministères avaient été créés en Serbie
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1 si de tels ministères existaient déjà au niveau de la République fédérale
2 socialiste de Yougoslavie, c'était un Etat fédéral. Je souhaite maintenant
3 vous demander ceci : vous souvenez-vous à quel moment la République de
4 Slovénie a organisé un plébiscite et a déclaré qu'elle était souveraine et
5 indépendante en tant que république ? Vous en souvenez-vous ?
6 R. Bien sûr je m'en souviens. A l'époque, j'étais juge de la cour
7 constitutionnelle de Yougoslavie, cet acte a été un des documents qui a été
8 soumis à la cour constitutionnelle pour appréciation.
9 Q. Vous rappelez-vous la date ?
10 R. C'est beaucoup demander ça. Je ne me rappelle pas la date exacte, mais
11 ce dont je me souviens, c'est que j'étais membre de la cour
12 constitutionnelle à l'époque, et que cet acte a été soumis à appréciation.
13 Mais la date exacte, je ne m'en souviens pas.
14 Q. Professeur, le 23 décembre 1990, est-ce que cela pourrait être la date
15 en question ?
16 R. Oui, c'est possible. Il y a eu toute une série d'actes qui ont été
17 adoptés par la République de Slovénie, ensuite par la République de Croatie
18 qui peu à peu se séparait de l'Etat fédéral. Tous ces actes ont été soumis
19 à la cour constitutionnelle de Yougoslavie pour appréciation.
20 Q. Merci, Professeur. Vous rappelez vous, Professeur, qu'en décembre 1990
21 également, la Croatie -- la République de Croatie a adopté sa constitution
22 ?
23 R. Oui, je le sais. Elle l'a fait comme la République de Slovénie avait,
24 en septembre 1989, apporté certains amendements à sa constitution par
25 lesquels elle établissait la priorité de sa constitution et de ses lois par
26 rapport à la constitution et aux lois de la République fédérale de
27 Yougoslavie. Elle déclarait que sur le territoire de Slovénie, la
28 constitution et les lois fédérales ne pouvaient s'appliquer qu'à condition
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1 de ne pas être en contradiction avec la constitution et les lois de
2 Slovénie. Elle a interverti un principe juridique qui était la condition
3 même de l'existence de la Fédération yougoslave, comme de tout autre
4 fédération, à savoir que le droit fédéral a suprématie sur le droit des
5 unités constituant cette fédération. La Slovénie, à l'inverse, a créé une
6 priorité de son droit à elle sur le droit de la fédération.
7 Q. Professeur, je ne sais pas si vous vous rappelez que ces amendements
8 apportés à la constitution slovène en 1989 étaient en tout état de cause
9 contraires aux solutions apportées dans le cadre de la constitution de la
10 RSFY, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, absolument. C'est ce qu'a déclaré la cour constitutionnelle.
12 Q. Professeur, vous avez dit --
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais finalement la date à laquelle la
14 constitution slovène a été adoptée ne ressort pas clairement du débat qui
15 précède.
16 M. ZECEVIC : [interprétation]
17 Q. Professeur, les amendements apportés à la constitution slovène, dont
18 vous venez de parler il y a un instant, qui étaient en contradiction nette
19 avec la constitution fédérale puisque ces amendements qui donnaient la
20 primauté à la constitution slovène sur la constitution fédérale datent de
21 1989, n'est-ce pas ?
22 R. De septembre 1989. Toutes les républiques, y compris la République de
23 Serbie, ont, en 1989, apporté des amendements à leur constitution
24 respective en raison du fait que la fédération avait révisé sa constitution
25 en 1988 en y apportant un certain nombre d'amendements. Donc, les
26 amendements apportés aux constitutions des républiques découlaient de la
27 révision de la constitution fédérale puisqu'il fallait créer une
28 concordance entre les constitutions des républiques et la constitution
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1 fédérale. La Slovénie a tiré parti de cette occasion pour entamer une
2 sécession progressive par rapport à la fédération, qui a été mise en œuvre
3 par la voie d'une série d'actes officiels adoptés par la République de
4 Slovénie.
5 Q. Ces amendements, la Slovénie les a adoptés avant l'adoption par la
6 Serbie de la constitution de 1990, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. En décembre 1990, la République de Croatie a elle aussi adopté sa
9 propre constitution; vous vous rappelez cela ?
10 R. Je me le rappelle.
11 Q. Après quoi, d'ailleurs je devrais même dire avant cela, le 5 octobre
12 1990, la Croatie a voté une loi relative à la structure de l'administration
13 de la république qui équivaut à notre loi sur les ministères, créant de ce
14 fait son bureau des Affaires étrangères, son ministère de la Défense
15 également. Vous vous rappelez cela ?
16 R. Oui.
17 Q. Les ministères ont été créés en Serbie en février, ou plutôt, c'est la
18 loi qui a été votée à ce moment-là, la loi figurant dans la pièce 1D456,
19 intercalaire 17. Cette loi a été votée en février 1991 par la République de
20 Serbie et elle découle de ce qui s'était passé en Slovénie en 1989 et en
21 Croatie en octobre 1990, à savoir que ces républiques, l'une et l'autre,
22 avaient transféré les compétences de la fédération sur leur république
23 respective, n'est-ce pas ? Et elles avaient créé leur propre législation
24 d'Etat, pourrait-on dire. C'est bien cela, Professeur ?
25 R. Oui.
26 Q. Ce que nous voyons ici c'est une espèce de dualisme entre les instances
27 des républiques d'une part, qui fonctionnaient toujours en Slovénie et en
28 Croatie, ainsi que plus tard en Serbie, et les organes fédéraux qui ne
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1 fonctionnaient plus, mais existaient toujours et ont continué à exister
2 jusqu'aux environs d'avril 1992, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact. La sécession menaçait, ainsi qu'une désintégration
4 complète du pays, et ces instances fédérales ont continué à exister
5 jusqu'en 1992, aussi longtemps que la constitution de 1974 a continué à
6 être en vigueur, et jusqu'au moment où la constitution de la République
7 fédérale de Yougoslavie a été adoptée en 1992, plus précisément en avril
8 1992.
9 Q. Après quoi, les ministères dont nous venons de parler - je veux parler
10 du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense et du
11 ministère des Rapports économiques avec les pays étrangers - ont cessé
12 d'exister en Serbie puisqu'ils étaient sous la juridiction de la République
13 fédérale de Yougoslavie, n'est-ce pas, Professeur ?
14 R. Après quoi, des amendements ont été introduits dans la loi sur les
15 ministères, stipulant que ces trois ministères devaient cesser d'exister.
16 Q. On trouve ces amendements à l'intercalaire 18, correspondant en
17 traduction à la pièce 1D142, publiés au journal officiel dans sa livraison
18 67 en 1993.
19 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'espère que ces
20 explications complémentaires suffiront à la Chambre.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zecevic. Les
22 Juges ont un commentaire à faire au sujet des pièces à conviction versées
23 jusqu'à présent, et nous continuerons à appliquer ce qui s'est fait depuis
24 le début du procès, à savoir que les documents utilisés sous une forme ou
25 une autre durant le procès sont admis en tant que pièces à conviction pour
26 peu qu'ils aient une pertinence. C'est un principe qui s'appliquera à tous
27 les éléments soumis par vous qui n'ont pas encore été versés au dossier.
28 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il y a au moins deux documents,
2 si je me souviens bien, qui ne sont pas accompagnés de traduction, n'est-ce
3 pas ?
4 M. ZECEVIC : [interprétation] En effet, les traductions sont attendues dans
5 les plus brefs délais, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Mais il faudra qu'aujourd'hui à
7 la pause déjeuner vous en trouviez les références et que vous puissiez me
8 donner ces références par la suite. Nous indiquerons précisément que les
9 traductions sont attendues pour ces documents, qui ne seront pas admis en
10 tant que pièces à conviction tant que la traduction -- oui, Monsieur Hannis
11 --
12 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que je
13 pourrais vous donner ce renseignement immédiatement. C'est le document que
14 l'on trouve à l'intercalaire 19, 1D750.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Qui est la loi sur les Affaires étrangères
17 dans le cadre des compétences qui sont celles des organes de
18 l'administration fédérale, journal officiel livraison numéro 56 de 1981,
19 élément 601; et le deuxième document est l'intercalaire 73, 1D759, à savoir
20 les conclusions de l'assemblée fédérale de la RSFY, point 131, paru au
21 journal officiel de la RSFY dans sa livraison numéro 13 en 1989. Voilà les
22 deux documents -- pour le compte rendu d'audience, j'indique que j'ai dit
23 1D751 et non 759. Intercalaire 73, 1D751, page 52, ligne 13 du compte
24 rendu, la correction s'impose.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 Monsieur Hannis.
27 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais m'exprimer
28 au sujet du document LS, mais il faudrait que je revoie ma liste. Je pense
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1 que certains documents sont déjà accompagnés de traductions partielles,
2 peut-être pourrais-je avoir une objection. Il y a un ou deux documents qui,
3 de ma part, pourraient faire l'objet d'une question quant à leur
4 provenance, car ils ne viennent pas de journaux officiels et ne
5 s'accompagnent pas d'un sceau. Peut-être font-il partie de la déposition de
6 l'expert, mais c'est à vous d'en décider.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très utile, mais il aurait été utile
8 également de parler de toutes les pièces abordées jusqu'à présent, car nous
9 ne sommes peut-être pas tout à fait sur la même longueur d'onde. Il est
10 possible qu'après la pause du déjeuner vous apportiez des éclaircissements
11 quant à la relation entre ces documents et le rapport de l'expert, ensuite
12 nous pourrons, je l'espère, résoudre définitivement le problème. Jusqu'à ce
13 moment-là, ces documents seront enregistrés aux fins d'identification sous
14 la cote 1D750 et 751 et nous avons déjà fait de même pour le document
15 IC133.
16 Veuillez poursuivre, Maître Zecevic.
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous demande
18 simplement un instant.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Zecevic.
20 M. ZECEVIC : [interprétation] Je peux poursuivre si les classeurs ont été
21 distribués.
22 Q. Professeur, le 5 août de cette année vous avez fait une déclaration au
23 titre de l'article 92 ter dont la cote ici est 1D753. Cette déclaration
24 porte sur les faits et les documents qui vous ont été présentés et qui
25 figurent à l'annexe 1 de cette déclaration. Vous vous rappelez cela ?
26 R. Oui, je me rappelle. C'est tout à fait ça.
27 Q. Ces faits et ces documents vous les connaissez, et chaque fois que l'on
28 vous a soumis un document vous avez, dans votre rapport, apporté une brève
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1 explication au sujet de ce document, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Cette déclaration faite par vous est véridique et exacte selon ce que
4 vous savez et selon vos convictions. Au cas où on vous interrogerait à
5 nouveau au sujet de ces mêmes documents je vous demande si vous fourniriez
6 les mêmes explications et les mêmes réponses à leur sujet ?
7 R. Oui.
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les
9 Juges, nous demandons le versement au dossier de la déclaration du
10 professeur au titre de l'article 92 ter, pièce 1D753, à l'exception des
11 documents relatifs au quotidien Politika, je peux vous énumérer quels sont
12 ces documents immédiatement, si vous le souhaitez, dont la Défense ne
13 demande pas l'admission.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.
15 [Le conseil de la Défense se concerte]
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me propose de
17 suivre la liste qui figure dans vos classeurs car l'annexe à la déclaration
18 du témoin n'est pas identique à cette liste.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous pourrions peut-être en rester là
20 et reprendre ce point après la pause déjeuner. Ce serait le plus simple.
21 Vous pourrez au préalable soumettre votre liste au greffier.
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que ce que
24 vous avez dit il y a une minute ou deux s'applique aux autres documents qui
25 sont mentionnés dans la déclaration du témoin ?
26 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que je
27 pourrais vous apporter des explications complémentaires après la pause
28 déjeuner au sujet des documents qui feront l'objet d'une objection de ma
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1 part.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez pour le moment, Maître
3 Zecevic, poursuivez vos questions et nous reviendrons à ces aspects formels
4 par la suite.
5 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,
6 j'apprécie.
7 Q. Professeur, vous êtes devenu membre du gouvernement de la République de
8 Serbie en 1994, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 1, pièce 1D385,
11 document qui date du 18 mars 1994. Décret de nomination du président et du
12 vice-président du gouvernement de la République de Serbie ainsi que des
13 ministres de la république. Ce gouvernement c'est bien celui dont vous
14 étiez vice-premier ministre en 1994, et je vois que votre nom figure dans
15 ce décret au point 3, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Merci. Ce décrit a paru au journal officiel, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. C'est un décret de l'assemblée ?
20 R. Oui, car nous avons été nommés par l'assemblée.
21 Q. Je vous remercie. A la lecture de ce document, nous voyons que vos
22 fonctions étaient celles de vice-président du gouvernement, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Quel était le nombre total de vice-présidents, Professeur ?
25 R. A la lecture de cette décision le nombre des vice-présidents au total
26 était de cinq.
27 Q. Professeur, dites-moi, dans le détail de la structure de ce
28 gouvernement est-ce que chacun des vice-présidents avait ses propres
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1 devoirs ?
2 R. Les vice-ministres étaient en relation directe avec le président du
3 gouvernement. Ils n'avaient pas leurs attributions propres et leurs tâches
4 leur étaient confiées par le président du gouvernement. Pour ma part, par
5 exemple, j'ai été chargé de m'occuper des affaires législatives et
6 juridiques.
7 Q. Vous vous êtes occupé du système administratif et juridique pendant
8 toute la durée, c'est ce que le premier ministre Marijanovic vous avait
9 chargé de faire, et vous vous êtes occupé de ce travail depuis votre
10 nomination en tant que vice-ministre du gouvernement jusqu'à la fin de
11 votre mandat en 2000, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, d'abord jusqu'en 1998, date à laquelle le gouvernement a subi un
13 remaniement et un nouveau gouvernement a été mis en place, et dans le cadre
14 de ce nouveau gouvernement j'étais encore une fois vice-premier ministre,
15 et ce gouvernement était toujours dirigé par M. Marijanovic. J'ai donc reçu
16 les mêmes responsabilités au sein de ce second gouvernement, à savoir
17 m'occuper du système législatif et juridique de la République de Serbie.
18 Q. Merci beaucoup. Pendant l'existence de ce deuxième gouvernement, à
19 partir de mars 1998, vous vous êtes vu confier une certaine responsabilité
20 par le premier ministre. Pourriez-vous vous expliquer plus précisément
21 quant à la nature de cette responsabilité ?
22 R. Excusez-moi, quel intercalaire devrais-je examiner ?
23 Q. D'abord essayez de vous rappeler quelle était la nature de cette
24 responsabilité ?
25 R. Quelle responsabilité et à quelle date ?
26 Q. Mars 1998 ?
27 R. Oui, mars 1998, le premier ministre du gouvernement serbe de l'époque
28 m'a confié la responsabilité de procéder à des pourparlers avec les partis
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1 et les associations albanais, ou plus précisément j'ai été chargé de
2 diriger une délégation gouvernementale dont faisaient partie les ministres
3 Ratomir Vico, Andrija Milosavljevic et un autre ministre.
4 Q. Professeur, je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 3,
5 pièce 1D078 qui est l'annonce du gouvernement en date du 11 mars 1998 et
6 dans laquelle on trouve une conclusion adoptée lors de la réunion
7 gouvernementale du 10 mars. Est-ce bien ce dont vous étiez en train de
8 parler, Professeur ?
9 R. Oui, c'est tout à fait cela. C'est l'annonce qui a rendu publiques ces
10 conclusions. J'étais chargé de diriger la délégation du gouvernement de la
11 République de Serbie, délégation qui comptait, outre moi, trois autres
12 ministres dont je viens de parler, et notre mission était de parlementer
13 avec les dirigeants des partis albanais, aux fins de résoudre certaines
14 questions pratiques concernant la vie quotidienne des populations du
15 Kosovo-Metohija.
16 Q. Professeur, en 1996, vous rappelez-vous si le gouvernement a créé un
17 groupe spécial chargé d'appliquer l'accord portant sur le retour des élèves
18 et professeurs albanais dans les écoles de la Province autonome du Kosovo-
19 Metohija ?
20 R. Oui, je m'en souviens. Ce groupe a été créé afin de normaliser la
21 situation dans les écoles et les universités. M. Goran Percevic et M.
22 Dobroslav Beletic, ainsi que M. Ratomir Vico, ont participé à ce travail
23 avec moi.
24 Q. J'aimerais vous demander maintenant de vous pencher sur l'intercalaire
25 2, pièce P714, qui est le journal officiel de la Serbie, parution du 12
26 septembre 1996. Le document porte le numéro 933, c'est une décision. Est-ce
27 la décision dont vous venez de parler ?
28 R. Oui, on voit les trois noms que j'ai cités, à savoir M. Ratomir Vico,
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1 qui était ministre du gouvernement; M. Goran Percevic, et M. Beletic.
2 Q. Merci, Professeur. Le 10 mars, le chef du gouvernement de la République
3 de Serbie, M. Marijanovic, vous a chargé à l'époque de vous mettre à la
4 tête de cette délégation chargée de négociations avec les Albanais de
5 souche kosovare. A ce moment-là, est-ce que cette problématique vous était
6 familière ? Je veux dire, est-ce que vous étiez déjà engagé dans des
7 pourparlers avec les chefs de file albanais afin de trouver des solutions
8 aux problèmes de fonctionnement de la Province autonome de Kosovo-Metohija
9 ?
10 R. Non, jamais auparavant je n'avais eu à traiter du Kosovo-Metohija.
11 C'était la première fois qu'on me chargeait d'une mission ayant à voir avec
12 le Kosovo-Metohija.
13 Q. Professeur, aujourd'hui, avez-vous des informations vous disant que des
14 pourparlers de quelque sorte que ce soit aient eu lieu entre les chefs de
15 file des Albanais kosovars et des membres de partis politiques de Serbie au
16 cours des années 1996 et 1997 ?
17 R. Je ne vois pas à quel pourparler vous faites référence.
18 Q. A l'époque où on vous a nommé à la tête de cette délégation, saviez-
19 vous que des pourparlers, des contacts étaient en cours avec les chefs de
20 file des Albanais kosovars pendant les années 1996 et 1997 ?
21 R. Je n'ai pas pris par à ce genre de pourparler. Comme je vous l'ai dit,
22 j'ai été chargé pour la première fois le 10 mars 1998 de me pencher sur ces
23 questions-là.
24 Q. Est-ce que vous avez entendu dire que ce genre d'entretien ou de
25 pourparler avait lieu ?
26 R. Je suppose que cela a eu lieu puisque le Kosovo-Metohija est un foyer
27 de crise politiquement parlant, cela l'a été quasiment tout temps depuis le
28 début des années 1980.
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1 Q. Professeur, connaissez-vous un dénommé Tanic, M. Tanic ?
2 R. Dans les médias, j'ai rencontré ce nom. C'était quelqu'un qui occupait
3 le devant de la scène. Je pense qu'il était le porte-parole de l'Alliance
4 civique, et en particulier de la Nouvelle Démocratie. Une seule fois, je
5 l'ai rencontré. C'était lors d'un déjeuner organisé par l'ambassadeur
6 d'Allemagne, l'ambassadeur de la Grande-Bretagne a assisté à ce même
7 déjeuner. Pour ce qui est des contacts physiques et matériels avec cet
8 homme, c'est la seule fois que cela était. Sinon, je l'ai vu à la
9 télévision, puisque c'est quelqu'un qui bénéficiait d'une couverture
10 médiatique très importante.
11 Q. Professeur, vous est-il jamais arrivé de prendre part à des pourparlers
12 avec des Albanais kosovars en la compagnie de ce monsieur ?
13 R. Non, absolument jamais. Il n'était chargé d'aucune fonction au sein du
14 gouvernement. Il n'occupait aucun poste publique. Encore une fois, une
15 seule fois j'ai eu l'occasion de rencontrer cet homme physiquement, c'était
16 lors d'un déjeuner réuni par l'ambassadeur allemand, M. Gruber.
17 Q. En d'autres termes, vous n'avez jamais recueilli son avis au sujet des
18 entretiens, des négociations. Vous n'avez pas cherché à accorder vos
19 positions ?
20 R. Non, je ne vois pas pourquoi, puisque je n'avais aucun contact avec ce
21 monsieur.
22 Q. Je vous remercie, Professeur. Professeur, vous avez été nommé dirais-je
23 à la tête de cette délégation. C'était le 10 mars 1998 que cela a eu lieu.
24 Qu'avez-vous entrepris par la suite ? Cette délégation du gouvernement de
25 la République de Serbie, qu'a-t-elle entrepris dans un premier temps ?
26 R. Premièrement, cette délégation a convoqué une réunion à Pristina, où
27 elle devait rencontrer des représentants des Albanais du Kosovo-Metohija.
28 Ceci devait amorcer ce qu'on a appelé le processus politique, en d'autres
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1 termes, il fallait commencer à résoudre des problèmes qui se posaient
2 réellement dans la vie de tous les jours des citoyens du Kosovo-Metohija.
3 Une réunion a été convoquée par cette délégation par voie de communiqué
4 public, et également par courrier à des adresses privées des dirigeants de
5 partis politiques kosovars. Il me semble que la réunion a été convoquée
6 pour le 12 mars 1998, pas plus tard que cela. Mais, ils ne sont pas venus à
7 cette réunion.
8 Q. Avançons doucement. Professeur, la première réunion que vous avez
9 convoquée était celle convoquée pour le 12 mars 1998 à Pristina. Vous êtes
10 venu assister à cette réunion, et eux ils ne sont pas arrivés.
11 R. Oui. Seule notre délégation est arrivée. Ceci étant dit, au moment où
12 on a mis sur pied cette délégation, le gouvernement avait lancé un appel à
13 tous les partis politiques représentés à l'assemblée nationale pour nommer
14 un représentant des clubs de députés afin qu'il assiste à ces entretiens, à
15 ces pourparlers, et ce pour s'assurer qu'il y ait l'unicité dans l'approche
16 de l'assemblée nationale envers la solution aux problèmes du Kosovo-
17 Metohija. Le groupe des Hongrois de Vojvodine a envoyé son représentant, ce
18 monsieur s'est joint à la délégation du gouvernement.
19 Q. Professeur, dites-nous, s'il vous plaît, ce communiqué qui a été lancé
20 par le gouvernement, à l'intercalaire 3, 1D078, du 11 mars, et la décision
21 du chef du gouvernement s'agissant de vous et de vos trois collègues, de
22 vous nommer au sein de la délégation, la raison, pour autant que vous le
23 sachiez, était laquelle ?
24 R. Dans le cadre de mon travail de recherche, je me suis longtemps penché
25 sur la question des autonomies territoriales dans différents pays, et je
26 suis auteur de nombreuses publications là-dessus. C'est en particulier pour
27 ce qui est de l'Italie et de l'Espagne que j'ai étudié la question de
28 l'autonomie, également pour l'URSS de l'époque, donc je suppose que j'ai
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1 été nommé là puisque je connaissais la question, le problème d'autonomie
2 territoriale. M. Andrija Milosavljevic, en particulier, connaissait la
3 situation qui prévalait en Kosovo-Metohija.
4 M. Vico est un ministre qui d'ores et déjà avait été chargé de mener
5 les négociations qui avaient pour but de normaliser la situation dans
6 l'éducation au Kosovo-Metohija, et M. Sedlak, qui était, lui, membre d'une
7 minorité nationale, était ministre chargé des droits de l'homme et des
8 droits de minorités au sein du gouvernement de Serbie. Sans aucun doute,
9 c'est cela qui a incité le chef du gouvernement, M. Marijanovic, à composer
10 ainsi la délégation pour mener les pourparlers avec les représentants des
11 Albanais kosovars.
12 Q. Je vous remercie de m'avoir apporté cette réponse, mais je vous
13 demande ce qui a motivé le chef du gouvernement à agir ainsi.
14 R. Qu'est-ce qui l'a motivé à engager ces pourparlers. C'était de
15 procéder par voie pacifique, par voie de négociations politiques pour
16 trouver une solution au Kosovo-Metohija. Puisqu'à l'époque, il y avait déjà
17 une escalade du conflit au Kosovo-Metohija. Cela a été une offre lancée
18 pour procéder de manière civilisée, au recours aux moyens politiques par
19 voies de négociations et entretiens des parties intéressées. C'était cela
20 la raison principale. D'ailleurs, la communauté internationale, quant à
21 elle, a lancé ce genre d'appel à la République de Serbe, d'agir ainsi.
22 Q. Professeur, si je vous ai bien compris, la politique adoptée par le
23 gouvernement consistait à agir par mesures politiques, par entretiens,
24 pourparlers, afin de résoudre la situation qui prévalait au Kosovo à ce
25 moment-là ?
26 R. Absolument. C'est ce qui ressort de la persévérance de cette
27 délégation, qui n'a pas ménagé ses efforts, même au prix de harcèlement
28 physique, car --
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1 Q. On y viendra.
2 R. Plus d'une dizaine de fois, nous nous sommes rendus là-bas. Nous
3 n'avions pas de cesse d'essayer de résoudre la situation par des voies
4 pacifiques, politiques.
5 Q. Professeur, nous sommes en mars 1998, c'était là la position du
6 gouvernement ?
7 R. Oui, le 10 mars 1998, la première moitié du mois de mars 1998.
8 Q. Vous étiez vice-premier ministre jusqu'en 2000. Ce genre d'approche et
9 l'attitude politiquement parlant adoptée par le gouvernement, est-ce qu'il
10 a connu une modification à un moment quelconque ?
11 R. Non. Il n'y a pas eu de changement pour ce qui est de l'attitude du
12 gouvernement. D'ailleurs, on le voit bien dans le fait que le gouvernement,
13 et par la suite, l'assemblée nationale, ont accepté les négociations de
14 Rambouillet, et le gouvernement a nommé une délégation pour se charger des
15 négociations à Rambouillet. Le gouvernement a toujours privilégié des
16 moyens politiques afin de résoudre les questions brûlantes au Kosovo-
17 Metohija.
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure.
19 Excusez-moi. De toute évidence, je suis pressé.
20 Q. Professeur, le 12 mars, cette réunion a été convoquée, vous vous y êtes
21 rendu, tandis que la délégation des représentants albanais ne s'est pas
22 présentée. J'aimerais savoir si le lendemain, le 13, vous y êtes allé
23 également ?
24 R. Oui, le lendemain également. J'ai vérifié, c'était un jeudi et un
25 vendredi. Puis, nous y sommes allés lors de chacune des journées ouvrables
26 par la suite, en convoquant des réunions aux chefs de file, aux dirigeants
27 des partis politiques albanais, à Pristina, bien entendu.
28 Q. Donc, les 12 et 13, un jeudi et un vendredi, puis à partir du lundi qui
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1 suit, du 16 au 20, tous les jours, vous vous êtes rendus dans ce bâtiment ?
2 R. Vidovdanska, numéro 2, c'est cela l'adresse. Je l'ai mémorisée puisque
3 je m'y suis rendu tant de fois. Mais les chefs de file politiques albanais
4 ne sont jamais venus assister à ces réunions. Par la suite, il y a eu des
5 représentants d'autres communautés nationales qui sont venus participer à
6 cela.
7 Q. Progressons pas à pas, s'il vous plaît, Professeur. On y viendra.
8 R. Très bien.
9 Q. Professeur, est-ce que vous vous souvenez de la déclaration faite par
10 le président de la République de Serbie du 18 mars 1998 ?
11 R. Oui, je m'en souviens, et cette déclaration s'inscrit dans la suite
12 précisément de ces efforts, on cherche à encourager ces entretiens, à
13 apporter son soutien à une solution pacifique et politique aux problèmes du
14 Kosovo-Metohija. C'est encore une fois un appel lancé, en plus de l'appel
15 lancé par le gouvernement. Donc, le président de la république, qui est
16 l'organe qui aux termes de la constitution incarne l'unicité de l'Etat, à
17 son tour, invite les dirigeants albanais à prendre part à ces négociations,
18 à ce processus.
19 Q. 1D079, à l'intercalaire 5, s'il vous plaît, Professeur. Est-ce que vous
20 pouvez examiner cette pièce.
21 R. Oui, je l'ai sous les yeux.
22 Q. C'est bien la déclaration que vous venez de mentionner ?
23 R. Oui. Vous trouvez ce que je viens de dire au deuxième paragraphe : "Je
24 m'adresse aux dirigeants des partis politiques de la minorité nationale
25 albanaise au Kosovo-Metohija d'agir sans hésitation et sans condition et
26 d'accepter une dialogue politique. En ma qualité de président de la
27 République de Serbie, je m'engage à être le garant de ces entretiens, de
28 ces pourparlers, sur les principes de l'intégrité territoriale, qui doit
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1 être préservée dans la République de Serbie, négociations portant sur le
2 Kosovo-Metohija en tant que partie intégrante de la République de Serbie."
3 Q. Professeur, comment est-ce que vous avez interprété les propos du
4 président lorsqu'il affirme qu'il est prêt à agir en tant que garant des
5 entretiens entre les chefs de file de la minorité albanaise et la
6 délégation de la République de Serbie ?
7 M. ZECEVIC : [interprétation] J'étais en train d'attendre le compte rendu
8 d'audience.
9 Q. Vous avez la parole, Professeur. Je vous en prie.
10 R. Oui, j'ai compris. Le président de la république garantit ce qui aura
11 fait l'objet d'un accord sera mis en œuvre. Puisque cette déclaration
12 représente un texte un peu plus volumineux, on y énumère ce à quoi s'attend
13 le président de la république, comme étant le fruit escompté de ces
14 négociations. Il est dit que la République fédéral de Yougoslavie est un
15 Etat européen attaché à des principes et à des valeurs européennes, on
16 souligne la conviction que l'avenir des citoyens du Kosovo-Metohija n'est
17 pas dans un repli ethnique, culturel, religieux, dans les divisions, mais
18 au contraire dans la vie commune. Par conséquent, dans cette déclaration le
19 président de la république annonce l'esprit dans lequel ces entretiens
20 devraient se dérouler, et il se déclare prêt à garantir la mise en œuvre de
21 ce qui aura été convenu.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Professeur, hier vous nous avez
23 dit que le président avait des pouvoirs très limités. Quelles sont ses
24 attributions qui lui permettraient de garantir le succès de ces entretiens
25 ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit pas d'attributions, mais il s'agit
27 d'une position éthique. Le président de la république, élu au suffrage
28 direct par l'ensemble des citoyens, se porte garant de l'exécution d'un
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1 accord. Il représente l'Etat serbe et il incarne, il personnifie son
2 unicité. C'est en cette qualité-là qu'il a agit ici. Bien entendu, il n'a
3 pas de compétences et d'attributions déterminées à sa disposition. Mais
4 tout ceci se situe sur un terrain éthique, tout comme les entretiens
5 politiques. Donc, les représentants du gouvernement et les chefs des partis
6 politiques albanais vont s'asseoir autour de la même table. Il ne s'agit
7 pas d'organes d'Etat qui mèneront des négociations.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, vous avez la parole.
9 M. ZECEVIC : [interprétation]
10 Q. Professeur, au retour de Pristina le 20, pendant ces sept fois à partir
11 du 12, où vous êtes allé à assister à la réunion, jamais aucun représentant
12 albanais ne s'est manifesté ? C'est bien cela ?
13 R. Deux seuls représentants de la communauté albanaise se sont présentés,
14 mais ils n'étaient pas des dirigeants, ils n'étaient pas à la tête des
15 partis majoritaires. M. Faik Jashari et M. Sokol Qusha. Mais ils ne
16 faisaient pas partie des partis politiques dominants qui réunissaient la
17 majorité des Albanais de souche kosovare. Ils étaient plutôt à la tête de
18 partis politiques de moindre importance.
19 Q. S'agissant des partis politiques majeurs, vous entendez parmi leurs
20 leaders avant tout le Dr Rugova qui n'est plus parmi nous ?
21 R. Oui, c'était le parti politique dominant au Kosovo réunissant les
22 Albanais kosovars.
23 Q. A l'intercalaire 6, la décision P909 dont vous avez déjà parlé, c'est
24 le deuxième gouvernement dont vous avez été premier ministre ?
25 R. Vice-premier ministre.
26 Q. Le chef du gouvernement, c'était de nouveau encore Marijanovic ?
27 R. Oui. J'occupais le même poste au sein de ce gouvernement que
28 précédemment au sein du gouvernement précédent.
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1 Q. Professeur --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le document 1D909.
3 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] P909. Il y a une erreur dans la
5 transcription. Il a été noté comme étant le document 5909, mais il s'agit
6 du P909.
7 M. ZECEVIC : [interprétation] P -- P5000.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, P909.
9 M. ZECEVIC : [interprétation]
10 Q. Professeur, le 31 mars il y a eu une déclaration donnée par le
11 gouvernement portant sur le Kosovo; vous vous en souvenez ?
12 R. Oui.
13 Q. C'est l'intercalaire 8, 1D082. Vous voulez bien nous commenter cette
14 déclaration fournie par le gouvernement ? Si je vois bien, il s'agit d'un
15 nouvel appel lancé à l'adresse des dirigeants albanais pour qu'ils viennent
16 assister aux réunions et aux entretiens.
17 R. Oui. On réitère l'appel, le gouvernement le fait suite à une série
18 d'échecs encourus par la délégation du gouvernement. Ceci étant dit, on
19 constate ici que les déclarations du président de la République de Serbie
20 ont été bien accueillies sur le plan international, et on lance encore une
21 fois un appel à ce qu'un dialogue soit amorcé sans aucune condition et sans
22 atermoiements avec des représentants de toutes les minorités nationales,
23 puisque les autres minorités nationales, en plus de la majorité albanaise,
24 demandaient de prendre part à ces négociations.
25 Il est dit ici que la seule méthode de solution de problèmes au Kosovo-
26 Metohija est la méthode politique, en s'inspirant des normes européennes
27 régissant les droits de l'homme et des citoyens, mais également en
28 respectant les droits des membres des minorités nationales. Le gouvernement
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1 détaille sa position ici et il explique comment il envisage ces entretiens.
2 C'est un petit peu plus fourni cette déclaration. Si elle est traduite en
3 anglais, vous en conviendrez avec moi qu'il n'y a pas lieu de l'interpréter
4 ici.
5 Q. Tout à fait. Professeur, est-ce que vous avez commencé de lancer des
6 invitations par écrit aux dirigeants albanais ?
7 R. Pour éviter le fait qu'on ne s'adresse pas à des individus à titre
8 personnel, les lettres de convocation ont été envoyées par courrier aux
9 adresses personnelles d'Ibrahim Rugova, d'Adem Demaqi, de Medunjanin
10 Beqiri, Marko Krasniqi, et cetera, un nombre assez considérable
11 d'individus. Dans le dernier paragraphe de cette déclaration, on retrouve
12 tous leurs noms.
13 Q. Merci, Professeur.
14 R. Si vous m'y autorisez, j'ai une correction à apporter. Ici, nous voyons
15 : "La composition de la délégation." Puisqu'il y a eu un changement de
16 gouvernement, là nous sommes le 31 mars 1998, donc on change une
17 composition de la délégation, à savoir on y compte le Pr Milovan Bojic en
18 tant que vice-premier ministre du gouvernement, et M. Tomislav Nikolic
19 également en tant que vice-premier ministre. Pour ce qui est des anciens
20 membres, vous retrouvez toujours M. Andrija Milosavljevic, M. Ivan Sedlak
21 et moi-même. Quant au président de la République fédérale de Yougoslavie,
22 il a nommé son envoyé spécial, et cet envoyé spécial est le Pr Vladan
23 Kutlesic, qui est le vice-premier ministre fédéral. On voit une extension
24 considérable pour ce qui est d'une augmentation du nombre des membres de la
25 délégation puisque nous avons ici en plus l'envoyé spécial du président de
26 la République fédérale de Yougoslavie.
27 Q. Juste une question avant d'en terminer. Le Pr Vladan Kutlesic, pouvez-
28 vous nous préciser quelles étaient ses fonctions ?
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1 R. Le Pr Vladan Kutlesic était à l'époque vice-premier ministre fédéral.
2 Q. Et par ailleurs il était professeur ?
3 R. Oui, il est devenu professeur -- excusez-moi, il ne l'est plus
4 maintenant, mais il est devenu professeur à la faculté des sciences
5 politiques il y a six mois il a changé de poste, et maintenant il est
6 professeur à l'Université Megatrend.
7 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure encore
8 une fois.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le moment est venu de la pause
10 déjeuner. Professeur, s'il vous plaît, vous suivrez M. l'Huissier, vous
11 quitterez le prétoire et vous reviendrez dans une heure à 13 heures 45.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 --- L'audience est levée pour la pause déjeuner à 12 heures 46.
14 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que la
17 Chambre de première instance souhaitait traiter de la pièce 1D753, à savoir
18 la déclaration 92 ter du Pr Markovic.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Hannis nous a dit qu'il
20 allait présenter certains arguments à ce propos que nous pouvons examiner,
21 mais vous nous avez dit que vous alliez expliciter la question.
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les questions sur les articles du
24 Politika.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Mesdames, Messieurs les Juges. Nous
26 n'avons pas demandé le versement au dossier du paragraphe 17 de la
27 déclaration du Pr Markovic, paragraphe 17, pages 12 à 13. Ainsi tous les
28 articles du journal Politika sont énumérés ici, à l'exception de la pièce
Page 13136
1 1D046 qui est l'article du Politika du 19 novembre qui s'est glissé par
2 erreur ici. Ceci a déjà été versé précédemment pendant la présentation des
3 moyens à charge de l'Accusation par l'intermédiaire du Témoin Petritsch.
4 Donc, ce document a déjà été admis.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Inutile de l'admettre à nouveau.
6 M. ZECEVIC : [interprétation] Certainement pas.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Nous allons utiliser l'original.
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Très bien. Nous n'allons pas demander le
9 versement au dossier du paragraphe 17 de ces deux pièces.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lors de l'interrogatoire de M.
11 Markovic est-ce que vous avez demandé le versement de certaines de ces
12 pièces ?
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, du tout.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est de -- bon, tout
15 d'abord, je vais donner la parole à M. Hannis.
16 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, ayant parcouru la
17 liste, il y a un certain nombre de points que j'avais signalés parce que
18 les éléments qui figuraient sur la liste 65 ter ne figurent pas ici, donc
19 tous les problèmes que j'avais avec les pièces disparaissent d'un seul
20 coup. Je ne sais pas ce qu'il en est de la pièce 1D748 qui se trouve au
21 regard du numéro 80 sur la liste des pièces dans les classeurs rouges dans
22 l'attente d'une traduction. Je crois que nous avons abordé tous les autres
23 points.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que la règle est très claire
25 à cet égard. Si un document est cité comme moyen de preuve et même s'il n'a
26 pas été traduit en anglais, il ne sera pas admis à moins que cela ne
27 soulève une question particulière et que cela suffit à faire en sorte que
28 le document sera traduit, et qu'après l'avoir entendu en interprétation aux
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1 Juges, que cela n'est pas nécessaire de le faire traduire davantage. Mais
2 en l'absence de ce type de décision, c'est au parti qui présente la pièce
3 de faire en sorte qu'elle soit présentée en anglais avant d'en demander le
4 versement.
5 Quelle est l'annexe A, précisément ? Qu'est-ce que cela représente, Maître
6 Zecevic ?
7 M. ZECEVIC : [interprétation] L'annexe A est une liste de tous les
8 documents, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'index pour tous les classeurs ?
10 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, c'est l'index pour tous les classeurs.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. C'est celui-là sur lequel vous
12 faites référence, c'est exact ?
13 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est exact. En réalité, la déclaration 92
14 ter comporte 17 paragraphes, et nous demandons le versement au dossier du
15 paragraphe 17 qui est cité aux pages 12 et 13 de la déclaration 92 ter du
16 témoin.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, en réalité ce que
18 l'on a fait, on a inclus dans la déposition du Pr Markovic tous ces
19 documents, hormis ceux qui sont cités au paragraphe 17. Tous ces documents
20 figurent dans la déclaration 92 ter du témoin. Je pense qu'au vu de ceci,
21 il semble être tout à fait authentique, et je crois qu'à vos yeux ceci
22 devrait être le cas. Tout ceci ne sera au bout du compte qu'une affaire
23 d'interprétation.
24 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est des documents
26 mentionnés ici dans la déposition en tant qu'expert, il n'y a pas d'autres
27 éléments, hormis les trois documents qui n'avaient pas été traduits, n'est-
28 ce pas ?
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1 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que c'est exact, Monsieur le
2 Président. En tout cas, j'ai pris des notes lorsqu'il a témoigné. J'ai
3 regardé la liste et je crois qu'il n'y a rien. Il y a certains documents à
4 propos desquels j'ai des questions, mais je n'ai pas de questions quant à
5 l'authenticité de ces derniers.
6 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, Monsieur
9 le Président, mais s'il y a une autre question que je devrais soumettre aux
10 Juges de la Chambre dont je devrais tenir informer les Juges de la Chambre.
11 Ceci se trouve à l'intercalaire numéro 3[comme interprété]. C'est la pièce
12 qui porte sur la loi sur la VJ, pièce P984, nous avons un problème avec les
13 paragraphes, article 4, paragraphes 2, 3, 4. Nous avons consulté ceci sur
14 internet.
15 D'après ce que j'ai compris, la réaction de mon éminent confrère, M.
16 Hannis, du bureau du Procureur, il me semble que ceci nous pose problème,
17 je crois. Ce que nous avons fait dans l'intervalle, nous avons contacté le
18 comité chargé des questions juridiques auprès de l'assemblée nationale de
19 Serbie. C'est le seul organe qui est en mesure de nous fournir les
20 originaux de toutes les lois débattues devant l'assemblée.
21 Mais, à cause des vacances l'assemblée ne va se réunir avant la date
22 du 25 août. Donc, je suppose qu'après le 25 août, nous aurons une
23 explication officielle quant à cette loi sur la VJ, en particulier, sur
24 l'article 4 qui pose problème ici aujourd'hui, ce comité est chargé des
25 questions juridiques devant l'assemblée nationale de Serbie.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette pièce sera marquée aux fins
27 d'identification jusqu'au moment où vous présenterez des arguments
28 ensemble.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Chambre, si vous n'êtes pas en
3 mesure de présenter des arguments ensemble, ce sera à vous en fait de
4 modifier le statut de ce document.
5 M. ZECEVIC : [interprétation] Je comprends fort bien, Monsieur le
6 Président. Merci beaucoup. Je voulais simplement tenir informer la Chambre
7 de première instance.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ces circonstances-là, la règle
9 générale veut que ce qui s'applique à ces pièces, s'applique à toutes les
10 pièces qui ont été citées pendant la déposition jusqu'à présent par le Pr
11 Markovic. Elles seront donc versées dans la mesure où elles sont
12 pertinentes par rapport aux questions qui ont été posées dans le cadre de
13 son interrogatoire.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvons-nous faire revenir le témoin
16 maintenant, s'il vous plaît ?
17 [Le témoin vient à la barre]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.
19 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Monsieur le Professeur, comment vous sentez-vous ?
21 R. Fatigué.
22 Q. Je vous crois sur ce point. Monsieur le Professeur, pour ce qui est de
23 la déclaration faite par le gouvernement serbe à propos du Kosovo le 31
24 mars 1998, nous en avons parlé. Vous souvenez-vous de la Résolution #1160
25 du Conseil de sécurité des Nations Unies à cette date-là ?
26 R. Oui.
27 Q. Pouvez-vous regarder l'intercalaire numéro 9, s'il vous plaît, P0455.
28 Monsieur le Professeur, pourriez-vous parler lentement, s'il vous plaît,
Page 13140
1 parce qu'il faut attendre que soit affiché le document pour que les
2 interprètes puissent l'utiliser.
3 Monsieur le Professeur, le voyez-vous ? Monsieur le Professeur, à la page
4 1, il y a la Résolution #1160 qui prend acte de la déclaration faite par le
5 président de la Serbie, déclaration du président sur la situation au
6 Kosovo. A la page 2, le Conseil de sécurité des Nations Unies invite les
7 parties, à savoir la République fédérale de Yougoslavie, ainsi que les
8 dirigeants du Kosovo, de faire un certain nombre de choses et de prendre
9 certaines mesures.
10 R. Oui.
11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous commenter brièvement les points 1,
12 2, 3, 4, 5, 6 et 8 de ladite résolution, à la lumière des dispositions
13 prises par le gouvernement serbe jusqu'à la date du 31 mars, lorsque vous
14 avez été nommé membre de cette délégation chargée des négociations. Qu'a
15 fait le gouvernement avant que cette résolution ne soit adoptée ?
16 R. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, par le truchement de cette
17 résolution, demande au gouvernement de Belgrade de proposer un véritable
18 dialogue politique aux dirigeants albanais du Kosovo. Cette résolution a
19 été adoptée le 31 mars 1998, et le gouvernement de Belgrade avait déjà
20 proposé un dialogue politique à ces derniers avant cette date, le 10 mars.
21 Le 12, nous nous étions déjà rendus à Pristina. Il est, de surcroît,
22 indiqué qu'une solution politique à la question du Kosovo devait être
23 trouvée par le dialogue, et ils s'adressent aux dirigeants albanais
24 kosovars de condamner toute action terroriste. Ils se félicitent de
25 l'accord sur la question d'éducation. Nous avons déjà parlé de cet accord.
26 Le gouvernement avait mis en place une équipe de négociateurs en 1996.
27 Ils demandent à tous les pays, afin d'assurer la paix et la stabilité au
28 Kosovo, soit de faire cesser, soit d'empêcher tout envoi d'armes à la
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1 République fédérale de Yougoslavie, y compris le Kosovo, et demandent aux
2 citoyens de ce territoire, y compris le Kosovo et tous les citoyens de ce
3 territoire. Ce que cette résolution décrit c'est en réalité ce que le
4 gouvernement de Serbie avait déjà fait. Ce qui est important, au vu de
5 cette résolution, c'est les qualificatifs utilisés dans le préambule, à
6 savoir qu'il faut condamner toute opération terroriste, action terroriste
7 menée par l'UCK. Donc, depuis ce forum international, un message avait été
8 envoyé à l'UCK, message qui condamnait les méthodes utilisées par les
9 terroristes.
10 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Le texte de la résolution et ce que la
11 résolution demande aux parties de faire et ce qu'elle demande au
12 gouvernement de Serbie de faire ce sont des choses dont le gouvernement
13 s'était déjà acquitté au préalable, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Après cela, au mois d'avril, vous vous êtes rendu au Kosovo à plusieurs
16 reprises, n'est-ce pas ? Vous avez essayé de rencontrer les dirigeants
17 albanais du Kosovo ?
18 R. Oui, c'est ainsi que les choses se sont passées.
19 Q. Vous souvenez-vous si, oui ou non, vous vous êtes rendu à Pristina le 7
20 avril pour des pourparlers ?
21 R. Oui, je me suis rendu à cette date-là à Pristina également.
22 Q. Le 7 avril, est-ce que l'ensemble de la délégation a voyagé en même
23 temps que vous ou non ? Comment les choses se sont-elles passées ?
24 R. Le président de la République de Serbie, M. Milan Milutinovic, a voyagé
25 le 7, ainsi que l'ensemble de la délégation qui avait été mise en place par
26 le gouvernement serbe, encore une fois ayant le même objectif en tête. Nous
27 pensions qu'une délégation renforcée comme celle-ci pourrait peut-être nous
28 recueillir des réactions plus favorables auprès des dirigeants au Kosovo,
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1 dirigeants albanais, et que ceci créerait un nouvel élan et lancerait le
2 dialogue politique.
3 Q. Monsieur le Professeur, vous souvenez-vous qu'à cette occasion-là le
4 président Milutinovic a fait une déclaration ?
5 R. Oui, je m'en souviens.
6 Q. Je vous demande de bien vouloir vous reportez à l'intercalaire numéro
7 10, qui est en réalité la pièce 1D083.
8 R. Oui.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le document
10 en question et l'avoir à l'écran par l'intermédiaire du système
11 électronique ? 1D83. Merci.
12 Q. Monsieur le Professeur, s'agit-il là de la déclaration que nous venons
13 d'évoquer ?
14 R. Oui. C'est la déclaration qui a été faite par le président Milutinovic
15 à Pristina le 7 avril 1998.
16 Q. Veuillez lire la dernière phrase du premier paragraphe, s'il vous
17 plaît, qui commence par : "En venant ici aujourd'hui…"
18 R. "En venant ici aujourd'hui, je souhaitais souligner l'importance que
19 nous attachons à de tels pourparlers."
20 Q. Veuillez nous expliquer ceci, ce que l'on entend par cela.
21 R. Comme je l'ai dit dans ma réponse à la question précédente, étant donné
22 que la délégation était une délégation renforcée, étant donné que le
23 président de la République de Serbie était venu à ces pourparlers, d'aucun
24 pensait que ceci constituerait un élan, que ceci encouragerait les
25 dirigeants albanais à répondre à cette invitation, et le président qui au
26 terme de la constitution incarne l'unité même de la république, souligne
27 l'importance qu'il accorde à ces pourparlers, en montrant ainsi que l'Etat
28 serbe souhaite s'entretenir sérieusement avec les Albanais.
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1 Non seulement les représentants du gouvernement sont présents, mais le
2 président lui-même est présent. Ce qui atteste du sérieux de ces
3 négociations, étant donné qu'on envoie le président de la république.
4 Q. Merci. Dans sa déclaration, le président réitère son souhait, en
5 réalité, il répète la position qui est la sienne, en déclarant que l'avenir
6 du Kosovo ne se soldera pas par un enfermement ou une division, mais au
7 contraire doit s'ouvrir davantage. Il indique qu'il n'est pas satisfait du
8 fait que les représentants albanais ne sont pas venus; est-ce exact ?
9 R. Les représentants albanais ne sont pas venus, malgré le fait qu'il y
10 ait une délégation aussi importante, que la délégation ait été ignorée, le
11 président précise que la Serbie est tout à fait disposée à engager à un
12 dialogue, et que le président est tout à fait disposé à les rencontrer à
13 tout moment à Belgrade.
14 Q. Merci.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle façon les Albanais ont-ils
16 été notifiés de cette réunion du 7 avril ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont toujours reçus une notification, parce
18 qu'ils se sont plaints du fait que les invitations ne leur parvenaient pas
19 chez eux, à leurs domiciles. L'invitation leur parvenait par des annonces
20 faites en public. A partir de ce moment-là, les invitations étaient
21 toujours envoyées personnellement à leurs domiciles. La liste des invités a
22 déjà été évoquée. Il s'agit d'un nombre assez important de dirigeants
23 politiques albanais que nous avons cités avant la pause, non seulement il
24 s'agissait d'une invitation faite publiquement, mais ces invitations ont
25 également été envoyées personnellement aux domiciles de chacun.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Savez-vous quand les invitations ont
27 été lancées, quand l'annonce a été faite en public et quand ces invitations
28 ont-elles été envoyées au domicile des personnes en question ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas répondre à cette question,
2 parce que c'est une question technique. Je ne m'occupais pas de cela, mais
3 je pense que les invitations étaient envoyées en temps utile. La ville se
4 trouve dans le même pays, la poste peut disposer du courrier comme il se
5 doit. Il y avait certainement une façon sûre de faire parvenir ce type de
6 courrier. Je sais que les documents devaient être -- il y avait des
7 récépissés quand on recevait ce type d'invitation, M. Rugova en
8 particulier, devait signer un reçu à chaque fois qu'il recevait ce type
9 d'invitation, ou en tout cas, son chef d'état-major devait signer un reçu.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suppose que vous vous livrez à des
12 conjectures quand vous parlez de la façon dont les invitations ont été
13 remises à leurs destinataires ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, je ne suis pas en train de me livrer
15 à des conjectures, parce M. Veljko Odalovic m'a montré un reçu qui avait
16 été signé par le chef de cabinet de M. Rugova, M. Merovci. C'est un reçu
17 qui précisait, ou un récépissé qu'il avait reçu cette invitation, et M.
18 Odalovic me l'a montré. Mais, comme j'étais à la tête de la délégation, je
19 ne m'occupais pas de ces questions techniques. Par conséquent, je ne sais
20 pas quelle méthode a été utilisée pour l'envoi de ces invitations. Mon rôle
21 consistait à mener les pourparlers.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous laissez entendre que ceci a
23 été fait par les services de la poste. Je ne sais pas si en la matière,
24 vous ne vous livrez pas à des conjectures.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle type de technologies a été utilisées,
26 je n'en sais rien. Quelle méthode a été utilisée, je ne sais pas si cela a
27 été envoyé par courrier, par la poste, ou par tout autre moyen, je ne sais
28 pas.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, c'est à vous.
2 M. ZECEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Professeur, brièvement, je souhaite que nous reparlions de
4 l'intercalaire numéro 8, la pièce 1D82. Il s'agit là d'une déclaration
5 faite par le gouvernement de la République de Serbie sur la question du
6 Kosovo et de Metohija. A la page 2, les deux derniers paragraphes, qui, à
7 mon sens, expliquent quel type de méthodes ont été utilisées pour envoyer
8 ces invitations.
9 R. Oui. Dans la déclaration du 31 mars 1998, les représentants des
10 différents partis politiques de la minorité albanaise sont invités à se
11 rendre à une réunion qui se tiendra dans sept jours. C'est la réunion du 7
12 avril 1998, à Pristina, dans la Vidovdanska, dans la rue, au numéro 2. Sept
13 jours avant la réunion, ils savaient que cette réunion devait avoir lieu,
14 il y avait cette invitation qui avait été lancée publiquement, mais le
15 gouvernement de la Serbie a également envoyé des invitations par écrit aux
16 représentants des différents partis politiques de la minorité albanaise, et
17 aux personnalités, et on donne ici la liste de toutes les personnes en
18 question.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, merci. Merci, vous avez répondu
20 à ma question.
21 Maître Zecevic.
22 M. ZECEVIC : [interprétation]
23 Q. Professeur, puisque nous sommes en train de parler de lettres, j'avais
24 une question préalable à vous poser encore. Après le 7 avril, est-ce que
25 vous êtes retourné à Pristina pour de tels pourparlers durant le mois
26 d'avril ?
27 R. Oui.
28 Q. Vous rappelez-vous la date, peut-être ?
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1 R. Je crains de faire erreur si je devais vous donner une date exacte,
2 mais je sais que nous y sommes allés en mars et en avril, d'ailleurs moi-
3 même j'y suis retourné pour discuter avec M. Fehmi Agani au mois d'août, et
4 ce dernier d'ailleurs n'est toujours pas venu à cette réunion.
5 Q. Professeur, vous rappelez-vous, si peut-être vous ne seriez pas allé à
6 Pristina le 16 avril 1998 ?
7 R. Oui, en effet.
8 Q. Aucun des représentants albanais n'est venu à ces réunions, n'est-ce
9 pas, comme vous venez de le dire, malgré les invitations publiques et les
10 invitations personnelles ?
11 R. Malgré les invitations publiques et les invitations personnelles. Ces
12 invitations je les ai signé, chacune d'entre elles.
13 Q. Merci. Professeur --
14 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre.
15 Manifestement, ces réunions étaient des réunions très sérieuses qui
16 faisaient suite aux décisions du Conseil de sécurité. Etait-il suffisant
17 d'envoyer ces lettres par la poste ? Parce qu'en généra, il y a des gens
18 qui interviennent, des médiateurs, des gens qui essaient de rapprocher les
19 parties en présence, des gens qui interviennent pour agir à des fins de
20 persuasion et convaincre les personnes intéressées de venir à de telles
21 réunions. Vous savez sans doute qu'envoyer des convocations par la poste
22 dans de telles situations est peut-être un peu léger. C'est pourquoi j'ai
23 pensé à vous demander si peut-être autre chose encore avait été fait. Je
24 vous remercie.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire encore une fois que je ne
26 suis pas sûr que ces invitations aient été envoyées par la poste. C'est
27 simplement une hypothèse de ma part, mais il est possible également
28 qu'elles n'aient pas été envoyées par la poste. Il est possible que toutes
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1 ces invitations aient été adressées à leurs destinataires par le biais de
2 M. Veljko Odalovic qui peut-être est allé porter ces lettres
3 personnellement à l'adresse de chacune des personnes concernées. Je ne sais
4 pas quelle est la méthode qui a été utilisée physiquement pour transmettre
5 ces lettres. Mais si quelqu'un envoie une invitation polie --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Markovic, nous
7 connaissons votre position sur ce point. La question qui vient de vous être
8 posée porte sur quelque chose d'un peu différent, à savoir si confrontés à
9 une question aussi importante, on ne pourrait pas s'attendre à ce qu'un
10 médiateur, un négociateur, un intermédiaire soit envoyé pour veiller à ce
11 que la réunion puisse se tenir, plutôt que de vous voir, vous, dit chef de
12 la délégation, décider de la date de la réunion, envoyer les invitations et
13 vous attendre à ce que chacune des personnes invitées vienne à la réunion ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que vous voulez dire
15 par intermédiaire. Toutes les personnes concernées d'un côté comme de
16 l'autre vivaient dans le même pays. Pristina se trouve dans la République
17 de Serbie. Les Albanais étaient citoyens de la République de Serbie. Donc,
18 quel aurait pu être l'intermédiaire nécessaire ? Je ne comprends pas très
19 bien. Le gouvernement et le président de la république avaient l'intention
20 de rencontrer ces Albanais. Ils auraient pu proposer un lieu et une date à
21 leur convenance, mais il était tout à fait manifeste que leur intention
22 était de ne pas s'entretenir directement avec des représentants du
23 gouvernement de la République de Serbie ou avec une délégation de cette
24 république.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 M. ZECEVIC : [interprétation]
27 Q. Professeur --
28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Professeur,
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1 vous aviez signé ces invitations, et vous vous êtes rendu sur place
2 également. Puis, les Albanais ne se sont pas présentés. Est-ce que vous
3 avez pensé à ce moment-là à vérifier si les courriers avaient délivrés, si
4 quelqu'un avait été envoyé pour les remettre à leurs destinataires ?
5 Manifestement, il y avait un autre groupe dans le même pays qui négociait
6 par le bais d'intermédiaires ou d'amis communs. Ce n'est pas une pratique
7 qui a cours dans le domaine international, mais dans le domaine national.
8 Même dans une maison, il peut arriver que quelqu'un vienne servir de
9 médiateur. Je me demandais quelle était l'attitude qui a été prise ? Est-ce
10 que personne n'a vérifié ou n'est allé rappeler aux personnes invitées la
11 date de la réunion pour les convaincre d'envoyer quelqu'un à leur place ou
12 d'y aller eux-mêmes. Après tout, la question était d'importance, et moi-
13 même quand j'entends la déclaration du président, je me rends compte qu'il
14 était très sérieux par rapport à cette question. Quelqu'un aurait dû faire
15 quelque chose. Pourquoi est-ce que cela n'a pas été fait ? Pourquoi est-ce
16 que personne n'est allé vérifier si les destinataires avaient bien reçu les
17 courriers qui leur ont été envoyés et quelles mesures éventuelles ont été
18 prises ensuite ?
19 Est-ce que tout cela était un exercice superficiel ? Est-ce que la
20 question ne s'est pas posée dans votre esprit ? Je vous serais
21 reconnaissant de bien vouloir m'éclairer sur ce point car vous avez été un
22 acteur important et même le participant le plus important à tout cela,
23 personne d'autre n'est mieux placé que vous pour répondre à cette question.
24 Je vous remercie de votre patience.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que M. Fehmi Agani a témoigné
26 et qu'il a dit que les Albanais avaient toujours reçu ces invitations, mais
27 que c'est très délibérément qu'ils ne se sont pas rendus à ces réunions,
28 car ils n'avaient pas le désir de le faire. Le problème ne réside pas
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1 simplement dans la technique qui a été utilisée pour acheminer ces
2 courriers ou dans la question de savoir si ces invitations ont été reçues
3 physiquement par leurs destinataires, mais il s'agit bien d'un problème
4 politique. Les Albanais ne voulaient pas assister à ces réunions parce que
5 cela signifiait de leur part un acquiescement quant au fait que le Kosovo-
6 Metohija faisait partie de la République de Serbie. Cela eut été synonyme
7 de reconnaissance de la République de Serbie. Par conséquent, la question
8 n'était pas de savoir si les destinataires avaient reçu ces invitations,
9 mais les Albanais défendaient fermement le point de vue qu'il ne fallait
10 pas y participer.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, même si cela ne répond pas tout
12 à fait à la question, je pense que nous pouvons passer à autre chose.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Professeur Markovic, vous avez dit
14 que vous aviez signé personnellement ces invitations. Combien de préavis
15 étaient garantis dans ces invitations ? C'est ma première question. Est-ce
16 que vous vous rappelez quels étaient les délais prévus entre l'envoi des
17 courriers et la date de la réunion ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] On peut le voir à la lecture de la déclaration
19 gouvernementale, l'envoi est effectué sept jours à l'avance.
20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ma question suivante est celle-ci
21 : normalement, lorsqu'on met à la boîte aux lettres une lettre, un
22 courrier, comme par exemple votre invitation, il y a tout de même un délai
23 entre l'arrivée dans la boîte aux lettres de l'endroit où résident les
24 destinataires et l'arrivée entre les mains du destinataire en question.
25 C'est un sujet différent qui fait l'objet de ma question ici. J'aimerais
26 savoir quel était ce délai ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après mon expérience personnelle, la lettre
28 est reçue le lendemain de la date de son envoi.
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Puis, si ces courriers n'avaient
2 pas été postés, si un autre moyen avait été utilisé pour les faire parvenir
3 à destination, quelle est en général la durée de transmission d'un système
4 de livraison de correspondance utilisée chez vous ? Est-ce que ce délai
5 aurait été de quelques jours ou est-ce que normalement une livraison par un
6 tel moyen aurait été immédiate, qu'en est-il exactement ? Si vous ne savez
7 pas, dites que vous ne savez pas.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense me rappeler ce qui s'est passé. Le
9 chef de la région du Kosovo était M. Veljko Odalovic. Je crois me rappeler
10 que les invitations lui ont été adressées à lui et qu'une équipe qu'il
11 avait mise en place personnellement a organisé la livraison de ces
12 invitations aux adresses des personnes invitées à participer à ces
13 réunions. Je sais que M. Odalovic m'a montré la signature du chef de
14 cabinet de M. Rugova qui confirmait avoir bien reçu l'invitation, mais je
15 ne l'ai pas sur moi cette confirmation, bien sûr. M. Odalovic l'a peut-être
16 encore en sa possession, je ne sais pas.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup, Professeur
18 Markovic.
19 Merci, Maître Zecevic, vous pouvez poursuivre.
20 M. ZECEVIC : [interprétation]
21 Q. Professeur, vous avez adressé ces courriers de la même façon à tous les
22 destinataires potentiels, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, absolument de la même façon.
24 Q. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, certains Albanais sont tout
25 de même venus. Je crois me rappeler que vous avez prononcé deux noms, les
26 noms de deux partis politiques albanais qui n'étaient pas les principaux
27 partis politiques albanais. Donc, deux représentants de partis minoritaires
28 ont répondu à l'invitation, n'est-ce pas ?
Page 13152
1 R. La meilleure illustration du fait que ces invitations ont bel et bien
2 été reçues, c'est le fait que M. Faik Jashari et M. Sokol Qusha sont venus
3 comme prévu. La même remarque vaut pour les représentants de la minorité
4 nationale Rom et de la minorité égyptienne, ainsi que de la minorité
5 turque, un certain Guber, et de la minorité Gorani, Zenel Abedin Kures
6 [phon]. Tous ces représentants ont reçu leur invitation et ils sont venus à
7 la réunion, ce qui veut dire que le système de livraison du courrier ou de
8 ces invitations a bien fonctionné.
9 Q. Merci beaucoup, Professeur. Vous rappelez-vous si personnellement vous
10 avez envoyé une lettre en avril 1998 à Ibrahim Rugova ?
11 R. En effet, j'ai envoyé une lettre à Ibrahim Rugova et à Fehmi Agani.
12 Q. Vous rappelez-vous la date ?
13 R. J'aurais quelques difficultés à me rappeler la date exacte, mais je
14 sais que j'ai envoyé ces lettres.
15 Q. Pourriez-vous nous dire quel était le contenu de la lettre que vous
16 avez envoyée à M. Ibrahim Rugova et à M. Fehmi Agani ?
17 R. Je ne pourrais le faire que si vous pouviez me soumettre cette lettre,
18 car il est tout de même difficile de tout mémoriser.
19 Q. Il s'agit de l'intercalaire 11, pièce 1D18, page 349 du prétoire
20 électronique, paragraphe 6, c'est la lettre dont vous êtes l'auteur, qui
21 date du 26 avril 1998; la reconnaissez-vous, Professeur ?
22 R. Oui, je la reconnais. C'est une lettre assez longue que j'ai envoyée à
23 M. Rugova et dans laquelle je présentais les grandes lignes des points
24 proposés à l'ordre du jour, du dialogue de la réunion. Je répète dans cette
25 lettre que je suis convaincu que la violence n'est pas un outil approprié
26 pour réaliser les objectifs politiques et que telle était également la
27 position de l'Etat de Serbie. Je précise aussi quels sont les éléments sur
28 lesquels devrait porter ce dialogue entre la délégation de l'Etat et les
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1 représentants de toutes les minorités nationales, de toutes les minorités
2 ethniques du Kosovo-Metohija, y compris, cela va sans dire, de la majorité
3 albanaise. Il existe une traduction anglaise de cette lettre; voilà quelle
4 était en substance la teneur de ce courrier.
5 Q. Dans cette lettre, Professeur, vous parlez d'une réunion prévue pour le
6 28 avril 1998, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, telle était ma proposition à M. Rugova.
8 Q. Dites-moi, le 28 avril 1998, les représentants des partis albanais
9 sont-ils venus à cette réunion à Pristina ?
10 R. Le 28 avril, si je me souviens bien - et je ne peux être certain
11 d'avoir tout gardé en mémoire, car il y a eu 16 ou 17 réunions à Pristina
12 avec un certain laps de temps entre chacune d'entre elles. Nous sommes
13 parvenus à rencontrer des représentants des partis politiques albanais au
14 siège de l'association littéraire du Kosovo-Metohija, c'est M. Fehmi Agani
15 qui dirigeait la délégation albanaise ce jour-là pendant que moi-même je
16 dirigeais la délégation serbe. Je crains fort de me tromper si je devais
17 vous donner une date exacte, mais nous sommes allés 16 ou 17 fois au
18 Kosovo-Metohija dans l'intention de les rencontrer, et nous n'y sommes
19 parvenus qu'une seule fois.
20 Q. Mais que penseriez-vous du 22 mai, réunion au siège de l'association
21 des écrivains de Pristina, est-ce que cela vous rappelle quelque chose,
22 Monsieur ?
23 R. Oui, oui, oui, c'était en mai. Je m'en souviens. Il y avait de très
24 nombreux représentants des médias nationaux et des médias étrangers. Cette
25 réunion a été très solennelle, mais sans discussion approfondie entre les
26 deux parties. En même temps, c'est la seule fois que nous sommes parvenus à
27 nous réunir à l'issue de ces très nombreux efforts que nous avons déployés
28 pour ouvrir un dialogue politique et mettre en place un véritable dialogue
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1 politique avec les représentants de la communauté albanaise.
2 Q. Professeur, vous avez dit que la réunion avait lieu le 22 mai et que le
3 défunt Fehmi Agani y avait assisté. Vous rappelez-vous qui d'autre a
4 participé à cette réunion du côté albanais ?
5 R. M. Veton Surroi, Blerim Shala, je crois, puis Mahmut Bakalli, M.
6 Kelmendi. Voilà, ce sont quelques-uns des noms de participants que j'ai
7 encore en mémoire, en dépit des neuf ans qui se sont écoulés depuis.
8 Q. Merci, Professeur. Professeur, vous rappelez-vous une réunion entre le
9 président Milosevic et le président Yeltsin en juin 1998 à Moscou ?
10 R. Je sais qu'une déclaration conjointe a été publiée à l'issue de cette
11 réunion, déclaration signée à Moscou. D'ailleurs, je fonde mon souvenir
12 uniquement sur ce qu'en ont dit les médias, car personnellement je n'ai pas
13 été impliqué dans cette réunion.
14 Q. Mais vous rappelez-vous la teneur de cette déclaration signée par les
15 présidents Yeltsin et Milosevic ?
16 R. Je m'en souviens, oui. La teneur de cette déclaration était conforme
17 aux lignes directrices de la position défendue par notre gouvernement,
18 c'est-à-dire priorité aux solutions pacifiques dans le but de résoudre les
19 problèmes par des moyens politiques.
20 Q. Cette déclaration levait également toutes les restrictions susceptibles
21 d'imposer sur les émissaires diplomatiques de pays étrangers s'agissant
22 d'établir des contacts au Kosovo, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, c'était une des demandes qui a été acceptée dans cette
24 déclaration.
25 Q. Un libre accès a été garanti aux organisations humanitaires dans toutes
26 les régions du Kosovo, et parmi ces organisations il y avait la Croix-Rouge
27 internationale, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, c'est un des éléments que l'on trouvait dans cette déclaration, je
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1 m'en souviens très clairement.
2 Q. Encore plus important, vous rappelez-vous que la République fédérale
3 yougoslave se disait prête à accueillir en Serbie l'OSCE ?
4 R. Oui.
5 Q. Merci. Professeur, dites-moi, cette déclaration que vous venez
6 d'analyser à l'instant très rapidement, reflète-t-elle la position et la
7 politique du gouvernement serbe à l'époque ?
8 R. Elle reflétait, pas seulement la politique et la position du
9 gouvernement, mais également la politique et la position de tous les
10 intervenants politiques à cette époque-là. C'était une position sur
11 laquelle tout le monde était d'accord, à savoir la nécessité de régler tous
12 les problèmes par la voie politique.
13 Q. Professeur, vous rappelez-vous qu'au mois d'août vous avez envoyé une
14 lettre à Fehmi Agani ?
15 R. Oui, en effet, au mois d'août j'ai invité M. Fehmi Agani à participer à
16 une rencontre. C'était de ma part une tentative d'établir, à partir de ce
17 moment-là, des contacts individuels, car M. Fehmi Agani était professeur
18 d'université, tout comme moi. C'était donc un de mes collègues, et je
19 pensais que cette similitude professionnelle entre lui et moi, d'autant
20 plus d'ailleurs que c'était moi qui proposais de me rendre à Pristina, je
21 pensais que, sur la base de cette similitude entre nous, il serait tout à
22 fait d'accord pour répondre favorablement à mon invitation lui proposant
23 des pourparlers informels.
24 Q. Professeur, pourriez-vous vous rendre à l'intercalaire 17, pièce 1D061.
25 Je vous demande si c'est bien la lettre que vous avez envoyée au Pr Agani
26 que l'on trouve à cet intercalaire 17, ainsi que l'annonce publique que
27 vous avez faite par la suite ?
28 R. Oui, c'est bien cela. D'ailleurs je vois à l'instant en page 1 ce qui
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1 me permet de répondre à la question qui m'a été posée précédemment quant
2 aux voies qui ont été utilisées pour expédier ces courriers. Car je vois
3 que figure ici le nom de l'expéditeur, les références le concernant, la
4 date de réception de la lettre, ou plutôt de l'invitation. Et M. Agani, à
5 la page précédente, dit clairement : "Nous avons reçu votre lettre." Non,
6 mais j'essayais simplement de répondre à la question qui m'a été posée tout
7 à l'heure et à laquelle j'ai été incapable de répondre avec certitude.
8 Donc, ces lettres ont bien été reçues.
9 Q. Professeur, prenons les choses une par une, car nous avons un certain
10 nombre de problèmes techniques qu'il nous faut résoudre maintenant. Cette
11 lettre est un des documents pour lesquels nous n'avons pas encore de
12 traduction anglaise. Je vous demanderais donc d'essayer de vous concentrer
13 sur cette lettre, dont vous êtes l'auteur, qui date du 17 août 1998.
14 Pourriez-vous en prendre connaissance.
15 R. La lettre est tout à fait simple. Je m'adresse à M. Agani en lui disant
16 : "Cher Pr Agani," car nous étions collègues, donc cette façon de
17 m'adresser à lui est un signe de solidarité entre nous.
18 Et je poursuis en disant : "Eu égard à votre lettre du 17 août de
19 cette année, j'ai le plaisir de vous dire toute ma satisfaction eu égard au
20 désir que vous exprimez également de voir nos pourparlers reprendre dans
21 les plus brefs délais. Qu'il en soit ainsi."
22 Par conséquent, je propose de le rencontrer dès le lendemain, mardi 18 août
23 à 14 heures à Pristina, à l'adresse Vidovdanska numéro 2. Je lui dis que je
24 suis impatient d'obtenir sa réponse, et puis la formule de politesse, au
25 nom du gouvernement de Serbie, et je signe la lettre.
26 Q. Donc, c'est une lettre dont vous êtes l'auteur ?
27 R. Oui, c'est une lettre envoyée par moi, qui porte ma signature.
28 Q. Passons à la page suivante où on voit une annonce publique dans
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1 laquelle est rendu public le texte de la lettre dont vous venez de donner
2 lecture, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Professeur, vous évoquez dans ce courrier une lettre que le Pr Agani
5 vous a envoyée. Je vous demanderais maintenant de vous rendre à
6 l'intercalaire 16, pièce 1D064, et c'est un document qui s'accompagne d'une
7 traduction.
8 R. J'ai répondu à cette lettre le même jour.
9 Q. Et ?
10 R. Et j'ai prévu la rencontre pour le lendemain. J'ai été l'un des
11 participants qui a fait le voyage de Belgrade à Pristina. M. Agani, lui,
12 était déjà à Pristina.
13 Q. Le Pr Agani, dans sa lettre, évoque la médiation de l'ambassadeur Hill
14 qui est en contact constant avec Belgrade et Pristina et qui fait la
15 navette entre les deux villes. C'est ce qu'affirme clairement M. Agani dans
16 la dernière phrase de la lettre, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Qu'en est-il de votre lettre en réponse rédigée le même jour ? Avez-
19 vous accepté de le rencontrer ? Est-ce que ceci n'indique pas que vous
20 n'aviez absolument aucun problème quant au fait que l'ambassadeur allait
21 servir de médiateur au cours de cette réunion ?
22 M. HANNIS : [interprétation] Objection.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie, je vous en prie. La
24 question est vraiment terriblement directrice. Venez-en aux faits.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
26 Q. Professeur, quelle a été votre réponse à la proposition faite dans la
27 lettre que M. Agani vous a envoyée le 17 août 1998 ?
28 R. Je disais accepter sa proposition de rencontre et je proposais que nous
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1 nous rencontrions le lendemain à Pristina.
2 Q. Dans votre lettre, vous ne mentionnez pas la médiation de M.
3 l'ambassadeur Hill. Quelle était votre position sur ce projet de médiation
4 de la part de cet ambassadeur, M. Hill ?
5 R. D'abord, M. Hill n'était pas un ambassadeur accrédité auprès de la
6 République fédérale de Yougoslavie. Il était accrédité dans un autre pays,
7 en République de Macédoine. Il avait déjà assisté sans être assis autour de
8 la table, mais il avait déjà assisté à la réunion qui s'était tenue à
9 Pristina, au siège de l'Association des écrivains du Kosovo, à la réunion
10 dont nous avons parlé il y a un instant.
11 Je n'ai pas jugé utile de mentionner le nom de M. l'ambassadeur Hill
12 parce que je ne voyais pas très bien pourquoi il eut été indispensable que
13 ce soit justement lui, M. Hill, qui serve de médiateur durant ces
14 pourparlers entre M. Agani, représentant des Albanais du Kosovo, et moi-
15 même, représentant du gouvernement serbe.
16 Q. Professeur, il y a quelques instants nous avons parlé de cette réunion
17 qui s'est tenue le 22 mai, réunion avec Fehmi Agani, Blerim Shala, Veton
18 Surroi, Mahmut Bakalli, Kelmendi qui s'est tenue au siège de l'association
19 des écrivains à Pristina, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. A cette occasion, je vous ai posé une question. Je vous ai demandé qui
22 ont été les personnes présentes. Vous venez de vous rappeler à l'instant
23 que l'ambassadeur Hill était présent lui aussi ?
24 R. Oui, sauf qu'il n'était pas assis autour de la même table. Il était
25 présent dans l'immeuble, dans le bâtiment, mais il n'était pas réuni avec
26 les autres.
27 Q. Pourriez-vous nous l'expliquer, s'il vous plaît. Je ne voudrais pas
28 vous poser de questions orientées. Professeur, quel a été le rôle joué par
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1 l'ambassadeur Hill s'agissant de cette réunion qui s'est tenue à Pristina
2 le 22 mai, le savez-vous ?
3 R. Je vais vous le dire, mais je suis absolument certain que ma mémoire ne
4 flanche pas. J'y suis allé, je m'y suis rendu avec la délégation qui
5 comportait tous ses membres, donc la deuxième composition de la délégation.
6 Dans un couloir, M. Veton Surroi s'est adressé à moi. Il m'a demandé si
7 j'étais partant pour avoir un entretien avec l'ambassadeur Hill dans une
8 des pièces dans les locaux de cette institution des écrivains. J'ai refusé.
9 J'ai dit que nous étions là pour rencontrer la délégation des Albanais
10 kosovars et non pas M. Hill. Voilà. Ça n'est pas allé plus loin, cette
11 rencontre, ce jour-là. A l'occasion, je n'ai pas vu M. l'ambassadeur Hill,
12 mais je suppose qu'il était là puisque M. Veton Surroi m'a proposé de le
13 rencontrer et de lui parler.
14 Q. Professeur, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui a fait l'objet des
15 entretiens le 22 mai avec les représentants des Albanais, lors de cette
16 réunion que vous venez de mentionner ?
17 R. Je dois dire que la réunion n'a pas été particulièrement fructueuse. Il
18 y a eu un certain nombre de phrases du type déclaratif qui ont été
19 prononcées sur la nécessité de s'entretenir, sur la nécessité de régler les
20 problèmes que rencontrait la population civile au quotidien. C'était plus
21 une sorte de préambule à d'éventuels entretiens futurs que cela n'a eu de
22 substance à ce moment-là. Donc, il n'y a rien dont il faudrait vraiment
23 garder trace. Rien de substantiel n'a été dit à ce moment-là.
24 Q. Professeur, à cette occasion, le 22 mai, a-t-on évoqué une date future
25 où vous alliez vous rencontrer ?
26 R. Si, on en a parlé en principe, mais on n'a pas fixé de date. De part et
27 d'autre, on s'est déclaré prêt à discuter de ces questions-là, même si les
28 modalités d'une telle rencontre n'ont pas été fixées.
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1 Q. Professeur, la délégation du gouvernement de la République de Serbie,
2 en se fondant sur ces entretiens-là, est-ce qu'elle s'est rendue le 5 juin
3 à de nouveaux pourparlers à Pristina ?
4 R. Elle s'y est rendue de nouveau, poussée par les mêmes raisons. Comment
5 dire ? On estimait qu'on avait entamé maintenant un processus, on avait
6 fait les premiers pas et qu'on allait pouvoir négocier. Mais cela n'a pas
7 eu lieu. Parce que les représentants des autres communautés nationales du
8 Kosovo-Metohija et les deux autres représentants kosovars de souche, donc
9 ceux qui représentaient les partis minorités étaient là, mais en fait il
10 n'y avait pas là les représentants des partis dominants des Kosovars de
11 souche.
12 Je me suis dit que les Albanais - et quand je dis les "Albanais", je
13 pense aux dirigeants des partis politiques principaux - des Albanais
14 kosovars qui envisageaient que les entretiens n'allaient réunir que les
15 Albanais et les Serbes, comme si, au Kosovo-Metohija, il n'y avait que des
16 Albanais kosovars et des Serbes, comme s'il n'y avait pas les Turcs, les
17 Rom, les Egyptiens, les Gorani, enfin tous les autres groupes. Notre point
18 de départ était qu'il fallait que toutes les communautés ethniques soient
19 placées sur un pied d'égalité et non pas que ces pourparlers se déroulent
20 en faisant abstraction des autres groupes ethniques, en faisant comme
21 semblant que seuls les Albanais kosovars et les Serbes vivaient au Kosovo-
22 Metohija.
23 Q. Très bien. Professeur, revenons maintenant à la correspondance
24 que vous avez eue avec le professeur Agani. Il vous a écrit une lettre,
25 vous lui avez répondu, et le 18 juin, vous vous êtes rendu à Pristina. Le
26 professeur Agani, est-ce qu'il est venu assister à cette réunion ?
27 R. Non. Il n'est pas venu, même si je l'ai attendu pendant très
28 longtemps, pendant plusieurs heures, par la suite je suis revenu à
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1 Belgrade.
2 Q. Très bien. Professeur, la résolution du Conseil de sécurité du 23
3 septembre 1998, est-ce que vous vous en souvenez ? C'est la Résolution
4 #1199 ?
5 R. Oui.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un point, Maître Zecevic. Vous
7 voulez dire le 18 août ?
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Excusez-moi, j'ai fait une erreur.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 93, ligne 8.
10 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, merci.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudrait peut-être reposer la
12 question.
13 M. ZECEVIC : [interprétation]
14 Q. J'ai fait un lapsus, Professeur, lorsque je vous ai posé ma question
15 qui portait sur la réunion avec le professeur Agani. J'ai parlé du 18 juin,
16 mais puisque le 17 août il y a eu cet échange de lettres entre vous, comme
17 vous venez de le dire dans le cadre de votre déposition, vous l'avez invité
18 à vous rencontrer le 18 ?
19 R. Oui, et le 18 août je m'y suis rendu. J'ai compris que vous avez fait
20 une erreur, mais j'ai compris que c'était un lapsus, rien d'autre.
21 Q. Merci, Professeur. Donc, j'ai oublié de vous poser une question qui
22 porte sur la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, la
23 Résolution #1199, qui figure ici à l'intercalaire 18, P0456.
24 R. Oui.
25 Q. Vous connaissez la teneur de cette résolution, n'est-ce pas ?
26 R. Mais oui, bien sûr. Je n'ai pas eu beaucoup de succès à la tête de
27 cette délégation certes, mais je l'ai dirigée pendant ces négociations avec
28 les Albanais kosovars, donc j'ai suivi tout cela de près.
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1 Q. Professeur, je vais vous inviter maintenant à examiner la page 2 de la
2 résolution, le dernier paragraphe, le Conseil de sécurité invite les
3 autorités et les dirigeants des Albanais kosovars à entamer un dialogue. La
4 délégation que vous avez présidée était-elle prête à engager un dialogue
5 avec les Albanais kosovars de la sorte dont cette résolution du Conseil de
6 sécurité des Nations Unies l'exige de votre part ?
7 R. Oui, absolument, tout à fait. Notre gouvernement était prêt à cela.
8 Notre gouvernement s'appuyant particulièrement sur un point de la
9 résolution qui affirme que le Conseil de sécurité confirme encore une fois
10 que tous les pays membres ne remettent aucunement en doute la souveraineté
11 et l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, donc
12 c'était un appui très fort pour nous. Nous avons insisté pour que ces
13 entretiens aient lieu et comme on peut le voir dans le texte de cette
14 résolution, on lance un appel encore une fois aux autorités de la RFY et
15 aux Albanais kosovars d'entamer un dialogue sans qu'il y ait de conditions
16 préalables, et avec des délais clairs pour mettre fin à la crise et pour
17 apporter une solution politique à la crise kosovare.
18 Cette résolution garantit la souveraineté et l'intégrité territoriale
19 à la République fédérale de Yougoslavie. C'était un point très important
20 pour le gouvernement yougoslave pour qu'il continue de persévérer et
21 continue de vouloir négocier avec les Albanais kosovars.
22 Q. Si je vous ai bien compris, nous avons le texte de cette résolution,
23 l'alinéa 3, dernier paragraphe, c'était quelque chose qui était acceptable
24 pour le gouvernement de la République de Serbie et pour la délégation que
25 vous avez présidée ?
26 R. Oui.
27 Q. Professeur, je vois que vous avez souligné une partie de cette
28 résolution, à savoir la partie qui énonce les garanties fournies par tous
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1 les pays membres à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la
2 République fédérale de Yougoslavie. C'est la page précédente.
3 R. Oui.
4 Q. Vous voulez bien nous expliquer pourquoi vous avez mis cela en exergue,
5 s'il vous plaît ?
6 R. Parce que le gouvernement serbe, dès sa première déclaration du 10 mars
7 1998, ainsi que le président de la République de Serbie, dans sa
8 déclaration du 18 mars 1998, affirment que la question du Kosovo-Metohija
9 doit trouver une solution dans le cadre au sein de la République de Serbie,
10 donc en respectant l'intégrité territoriale et la souveraineté de la
11 République de Serbie. Dans tous ces appels, c'est de cette manière-là que
12 les entretiens politiques sont conçus. Il n'est pas question de modifier le
13 statut du Kosovo-Metohija, d'en faire une troisième république au sein de
14 la fédération, de changer son statut, mais de lui permettre d'accéder à
15 l'autonomie au sein de la République de Serbie, donc de voir quel degré
16 d'autonomie il convient de fixer pour le Kosovo-Metohija.
17 Q. Professeur, dites-nous, à votre avis, en vous fondant sur ces contacts
18 relativement peu fréquents que vous avez eus avec les Albanais kosovars,
19 qu'avez-vous compris au sujet de leur attitude ? Qu'en pensaient-ils ?
20 R. Il convient ici d'opérer une distinction. Les Albanais kosovars qui se
21 rendaient aux réunions avec notre délégation partageaient notre aspiration,
22 ils partageaient l'aspiration de toutes les communautés ethniques. Dans le
23 cadre des entretiens que nous avons menés avec eux, ce qui était le plus
24 présent, c'était qu'on partageait la même aspiration, la même volonté. Je
25 suppose que par ailleurs les dirigeants des principaux partis politiques
26 albanais au Kosovo-Metohija, donc des Albanais kosovars, qu'eux
27 souhaitaient autre chose.
28 C'est ce qu'on a pu constater à Rambouillet plus tard. Ils n'ont pas
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1 voulu signer les dix principes de base de départ du Groupe de contact,
2 précisément parce que l'un d'entre eux insistait sur la souveraineté et
3 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie.
4 Q. Merci, Monsieur. Merci, Monsieur le Professeur.
5 Professeur, en septembre l'assemblée nationale de la République de Serbie a
6 pris une décision, une décision portant sur la création d'un Conseil
7 exécutif provisoire temporaire de la Province autonome du Kosovo.
8 R. Oui, je m'en souviens.
9 Q. P907, intercalaire 19, si vous voulez bien. Je vais vous demander de
10 nous l'expliquer. C'était une proposition qui a été annoncée par le
11 gouvernement. Vous étiez vice-premier ministre à ce moment-là.
12 R. Oui. Cette décision prise par le gouvernement s'inscrit dans sa volonté
13 de s'impliquer dans la recherche de la solution au Kosovo-Metohija. Donc,
14 le Conseil exécutif temporaire de la Province autonome du Kosovo-Metohija
15 devenait l'expression des efforts déployés par le gouvernement de Serbie à
16 ce moment-là. Il s'agissait d'apporter des solutions à la population qui
17 vivait au Kosovo-Metohija, indépendamment de l'appartenance ethnique des
18 gens.
19 Q. Si je vous ai bien compris, c'était ça qui a poussé le gouvernement à
20 proposer à l'assemblée nationale de prendre cette décision sur la mise sur
21 pied d'un Conseil exécutif provisoire de la Province autonome du Kosovo-
22 Metohija.
23 R. Oui.
24 Q. Merci. Professeur, en 1998, est-ce que vous avez eu l'occasion de
25 rencontrer l'ambassadeur Hill ?
26 R. Oui, avec MM. Hill et O'Brien puisque M. O'Brien était un expert en
27 matière de droit, à la différence de M. Hill. Nos entretiens portaient sur
28 la rédaction d'un accord ou d'un plan d'autonomie au Kosovo-Metohija. Nous
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1 étions toujours représentés par M. Vladan Kutlesic qui, à l'époque, était
2 vice-premier ministre fédéral. Nous étions tous les deux juristes
3 constitutionnels. C'était ça, notre domaine d'expertise à tous les deux.
4 Q. Vous nous avez déjà parlé de ce processus, des propositions de
5 l'accord, d'un plan ayant pour objectif la définition de l'autonomie du
6 Kosovo. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu comment ceci
7 s'est déroulé, qui a pris part à quel moment, et cetera ?
8 R. Oui.
9 Q. Merci.
10 R. Ces contacts se sont poursuivis, si je me souviens bien, jusqu'en 1999.
11 La composition des délégations étaient toujours la même. Lors de ces
12 rencontres, MM. Hill et O'Brien proposaient un accord ou un plan
13 d'autonomie du Kosovo-Metohija, et nous, nous réagissions par remarques ou
14 objections, observations. Eux, ils se rendaient au Kosovo-Metohija avec nos
15 remarques et ils nous apportaient en retour les réactions des Albanais
16 kosovars, à savoir ils nous disaient s'ils acceptaient ou rejetaient nos
17 remarques.
18 Il y a eu - je ne me souviens pas exactement de leur nombre - mais me
19 semble-t-il un grand nombre de moutures de ce plan. Je me souviens avoir
20 rédigé un article sur ces dernières moutures, et je l'ai publié dans
21 Politika. D'après ce que j'ai pu voir par la suite, nombre de ces idées,
22 voir nombre de ces solutions, se sont retrouvées dans le projet d'accord de
23 Rambouillet, en particulier dans son annexe 1, ou au chapitre 1, intitulé :
24 "Constitution pour le Kosovo-Metohija."
25 Q. Professeur, ces entretiens avec M. Hill, est-ce que président
26 Milutinovic y a pris part ?
27 R. Oui, le président Milutinovic y a participé, et ce de manière très
28 intense. Mais, quant à la formulation précise des différentes dispositions,
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1 elle était plutôt à la charge de M. Kutlesic et de moi-même pour ce qui est
2 de notre partie, puis M. O'Brien du côté américain.
3 Q. Ces contacts avec M. Hill et O'Brien et les échanges dans le cadre de
4 ces projets de texte, vous dites que c'est quelque chose qu'ils portaient à
5 la connaissance des dirigeants des partis majoritaires albanais au Kosovo.
6 Est-ce que cela fait partie de cette médiation dont nous avons déjà parlé ?
7 Est-ce que vous avez compris qu'ils jouaient là un rôle de médiateur ?
8 R. C'est ainsi que j'ai compris leur rôle. Ils avaient un rôle de
9 médiateur, et leur médiation consistait en ces actions, à savoir lorsqu'il
10 y avait un projet de plan fourni par M. O'Brien, nous réagissions à cela.
11 Ils se rendaient à Pristina et nous on recueillait la réaction des Albanais
12 kosovars à Pristina qu'ils portaient à notre connaissance.
13 Donc ils jouaient un rôle de médiateur dans le cadre de ce processus où il
14 n'y avait pas de contacts physiques entre M. Milutinovic, M. Kutlesic et
15 moi-même d'un côté, et les Albanais kosovars de l'autre côté.
16 Q. Professeur, s'agissant de contacts directs, vous n'en avez pas eus avec
17 les représentants des partis politiques dominants des Albanais kosovars,
18 mais vous n'en avez pas eus, si j'ai bien compris, parce qu'ils ont refusé
19 de venir assister aux entretiens.
20 R. Ce genre de contact, sauf la date que vous avez mentionnée, à savoir le
21 22 mai, si je ne me trompe pas, 1998, nous n'en avons jamais eu, y compris
22 ce qui s'est passé à Rambouillet et à Paris, ces entretiens là. A
23 Rambouillet, il y a eu un contact physique, mais ce n'était pas du tout un
24 dialogue. C'était plutôt un monologue, un monologue fournit par une partie,
25 puis par l'autre partie, en la présence de Mme Albright.
26 Q. Professeur, indépendamment de cette mission de médiation exercée par M.
27 Hill et O'Brien, vous en tant que délégation de la République de Serbie,
28 vous continuiez d'essayer d'inviter les représentants des partis principaux
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1 des Albanais kosovars à participer aux négociations.
2 R. Oui, parce que nous avons toujours estimé que des contacts directs, que
3 des entretiens directs étaient la meilleure voie qui allait mener à une
4 solution, que c'était bien mieux que de procéder par voie d'intermédiaire,
5 de médiateur, qui cela étant dit en passant, ne connaissait pas bien toute
6 la problématique, tous les aspects des problèmes posés, et qui par ailleurs
7 ne s'étaient pas familiarisés avec notre système de droit, nos droits
8 internes, parce que vous avez là des gens qui venaient des systèmes
9 judiciaires complètement différents, qui s'articulaient de manière tout à
10 fait différente. C'était cela, les raisons qui ont mené à des malentendus
11 que nous avons pu rencontrer dans le cadre de nos contacts.
12 Q. Je vous remercie. Professeur, est-ce que vous vous souvenez avoir
13 envoyé une lettre à M. Agani au début du mois d'octobre 1998 ?
14 R. Oui, je me souviens.
15 Q. Je vous invite à vous reporter à l'intercalaire 22, 1D063. Vous voyez
16 votre lettre ?
17 R. Oui, je la vois.
18 Q. Vous voulez bien nous commenter brièvement cette lettre, s'il vous
19 plaît, en particulier le dernier paragraphe de cette lettre ?
20 R. C'est pour la ixième fois que l'on dit dans cette lettre qu'il convient
21 de privilégier le dialogue, qu'il convient d'agir par voie politique pour
22 résoudre les questions en suspens, et que ceci est dans l'intérêt de tous
23 les citoyens, de tous les membres des communautés ethniques au Kosovo-
24 Metohija, enfin au dernier paragraphe, il est dit que je prie à M. Agani
25 d'accepter cette invitation, et je l'assure que je suis convaincu qu'à
26 l'avenir, nous allons pouvoir fixer une date d'entretien pour une réunion à
27 l'avenir. Cependant, c'est resté lettre morte, il n'y a eu aucune réponse.
28 Q. Vous avez dit que vous priiez M. Agani de considérer que c'était une
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1 invitation qui était toujours valable, qu'à n'importe quel moment,
2 n'importe quelle date et heure, vous étiez prêt à le rencontrer ?
3 R. Oui, tout à fait. C'est ce qui est expliqué dans la deuxième phrase.
4 Q. Je vous remercie. Professeur, vous vous souviendrez -- ou plutôt, vous
5 savez que le président Milosevic a eu des entretiens avec M. Holbrooke, et
6 que c'était au début du mois d'octobre 1998. A l'issue de ces rencontres,
7 un accord a été rédigé.
8 R. Oui.
9 Q. Cet accord Milosevic-Holbrooke a été soumis au gouvernement. Vous vous
10 souvenez de cela ?
11 R. Oui. M. le Président de la république, Milan Milutinovic, a informé le
12 gouvernement de la teneur des ces entretiens et de l'accord qui a été passé
13 à l'issue de ces entretiens.
14 Q. Le gouvernement a-t-il accepté l'accord passé entre le président
15 Milosevic et Richard Holbrooke ?
16 R. Le gouvernement l'a accepté et a précisé 11 points permettant de
17 résoudre la question du Kosovo-Metohija.
18 Q. Merci. Professeur, savez-vous que ce fait a fait l'objet d'une
19 information fournie par la Yougoslavie au Conseil de sécurité ?
20 R. Oui.
21 Q. A l'intercalaire 27, s'il vous plaît, vous trouverez le document 1D204.
22 Donc, le chargé d'affaires à ce moment-là auprès de la mission détachée
23 auprès des Nations Unies à New York, M. Vladislav Jovanovic; est-ce que
24 vous voyez cette lettre, Monsieur ? C'est l'intercalaire numéro 27, 1D204.
25 Cette lettre contient les 11 points que vous avez évoqués.
26 R. Oui.
27 Q. Onze points qui ont été adoptés par le gouvernement serbe ?
28 R. Oui, ils sont ici présentés dans l'ordre.
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1 Q. Cette lettre contient également un calendrier qui précise les dates
2 auxquelles certains accords devaient être conclus, et il fallait que
3 certains documents préparatoires soient prêts, n'est-ce pas ?
4 R. Oui. Tout ceci est en anglais. Inutile de vous l'expliquer.
5 Q. Monsieur le Professeur, ce calendrier qui est évoqué ici, dont a été
6 notifié le Conseil de sécurité des Nations Unies, a été adopté par le
7 gouvernement à la même date, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Merci. Monsieur le Professeur, veuillez me dire, s'il vous plaît,
10 d'après ce que vous savez, est-ce que le gouvernement a respecté cet
11 accord, ou plutôt, ces 11 points qui ont été adoptés en octobre 1998 ?
12 R. Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par "respecté."
13 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
14 Q. Oui. Faire appliquer.
15 R. Oui.
16 Q. Merci. Monsieur le Professeur, même après tout ceci, vous vous rendiez
17 toujours au Kosovo ?
18 R. Oui.
19 Q. Et vous étiez au Kosovo en même temps que le président Milutinovic le 5
20 novembre 1998 ?
21 R. Oui. C'est la deuxième fois que le président Milutinovic se rendait au
22 Kosovo accompagné d'une délégation.
23 Q. Veuillez regarder l'intercalaire numéro 31, s'il vous plaît, 1D045.
24 Vous souvenez-vous du communiqué et de l'allocution publique faite par le
25 président Milutinovic à ce moment-là ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce ce que vous avez sous les yeux ?
28 R. Oui, tout à fait.
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1 Q. Au paragraphe 2, comme nous pouvons le voir, le président Milutinovic
2 parle encore d'un accord ferme sur une solution qui doit être obtenue par
3 des moyens politiques.
4 R. Oui. Il a exprimé son point de vue dans la déclaration du 18 mars 1998.
5 Q. Maintenant que vous venez de dire ceci, savez-vous, Monsieur le
6 Professeur, si le président Milutinovic a jamais changé de point de vue ?
7 R. Non, jamais.
8 Q. Merci. A la page 2, le président Milutinovic, dans l'avant-dernier
9 paragraphe de sa déclaration, explique comment les autorités, ainsi que
10 toutes les républiques de Serbie -- les autorités et la République de
11 Serbie, voient la mission de l'OSCE. Pouvez-vous commenter ceci et nous
12 dire si telle était la position du gouvernement ?
13 R. Oui. C'est la raison pour laquelle la mission de l'OSCE a été acceptée.
14 Il s'agissait de dévoiler la vérité sur les événements qui se déroulaient
15 au Kosovo-Metohija, et il fallait également se défaire des harangues de la
16 presse, comme c'est dit ici, de façon à présenter la vérité au reste du
17 monde, de se débarrasser des rumeurs, des spéculations, et de se tourner
18 vers les médias et des organisations semblables.
19 Q. Monsieur le Professeur, vous avez dit, dès le départ, que c'était la
20 deuxième fois que le président Milutinovic se rendait au Kosovo accompagné
21 de sa délégation. Vous souvenez-vous combien de fois au total le président
22 Milutinovic s'est rendu au Kosovo avec sa délégation ?
23 R. Pour autant que je m'en souvienne, plus d'une fois, et ceci avait
24 trait à la signature de ce qui avait été appelé la déclaration Pristina.
25 Q. Monsieur le Professeur, d'après vous, pouvez-vous me dire pourquoi le
26 président Milutinovic s'est rendu au Kosovo accompagné de sa délégation
27 afin de rencontrer les représentants des différents partis, et des
28 principaux partis albanais ?
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1 R. La raison, je l'ai déjà donnée. Parce que c'était un haut représentant
2 officiel de l'Etat. Il était le chef de l'Etat. Il avait été élu
3 directement par les citoyens. Bien qu'il n'avait pas de pouvoir
4 constitutionnel très important, il souhaitait par sa présence indiquer
5 l'importance que revêtait pour lui sa présence. Il souhaitait encourager et
6 motiver les représentants des principaux partis albanais, les encourager au
7 dialogue politique, et en leur présentant ses propres idées sur quels
8 principes commencer à démarrer les pourparlers. Il souhaitait contribuer à
9 l'amorce d'un dialogue. Et ces efforts sont tout à fait manifestes dans la
10 déclaration qu'il a faite. Sa déclaration énumère toutes ces idées. Il
11 déclare que s'enfermer dans un ghetto culturel et ethnique ne constituait
12 en rien une solution.
13 Q. Vous avez parlé d'une troisième occasion à laquelle le président
14 Milutinovic s'est rendu au Kosovo. Veuillez regarder l'intercalaire numéro
15 33, pièce 1D622. Il s'agit ici de la déclaration qu'il a faite en guise
16 d'introduction aux pourparlers avec les représentants des communautés
17 nationales du Kosovo-Metohija à Pristina le 18 novembre 1998. Vous
18 souvenez-vous de cette réunion ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous souvenez-vous de l'allocution du président à cette occasion-là ?
21 R. Oui. Dans son allocution, le président a encore une fois exprimé
22 l'essentiel de ses idées, idées qui étaient en quelque sorte le fil rouge
23 de ses discours sur la crise au Kosovo-Metohija.
24 Q. De toute façon, ceci revenait à dire qu'il fallait trouver une solution
25 politique qui était indispensable ?
26 R. Oui, tout à fait. C'était le point de départ. C'était en tout cas ainsi
27 qu'ont été présentées les idées du président Milutinovic.
28 Q. Veuillez regarder la pièce 1D623, s'il vous plaît. Il s'agit des
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1 remarques en guise de conclusions faites par le président. Vous souvenez-
2 vous de ces conclusions, conclusions qu'il a données à cette réunion ?
3 R. Oui.
4 Q. Monsieur le Professeur, vous souvenez-vous du fait que le président
5 Milutinovic ait envoyé des lettres aux dirigeants albanais, parce qu'il
6 souhaitait les encourager, les stimuler en quelque sorte. Il souhaitait
7 qu'ils se rendent aux réunions en présence de la délégation. Vous souvenez-
8 vous de cela ?
9 R. Oui, je m'en souviens.
10 Q. Vous souvenez-vous à qui il a envoyé ces lettres, aux dirigeants
11 politiques ou peut-être aussi à des représentants importants de la
12 communauté albanaise au Kosovo ?
13 R. Il a envoyé des lettres aux deux groupes. Il a envoyé des lettres à M.
14 Qausha, Demaqi, autrement dit à des dirigeants politiques au sein de la
15 communauté albanaise.
16 Q. Par conséquent, le gouvernement et le président ont fait tout ce qui
17 était en leur pouvoir. Comment pouvons-nous comprendre ceci ? Ils ont
18 essayé d'engager un dialogue avec les dirigeants albanais à tout prix ou,
19 peut-être que vous allez nous proposer une autre interprétation.
20 R. Cet effort avait été entrepris pour encourager les personnalités les
21 plus en vue au sein de la communauté albanaise au Kosovo. Par exemple, M.
22 Qausha avait une certaine réputation en tant qu'universitaire. Ce n'était
23 pas seulement au niveau politique que cela se situait. C'était une
24 tentative, comme je l'ai dit, d'user de leur autorité, de leur réputation
25 pour engager ces pourparlers, pour éviter les affrontements qui se
26 déroulaient sur tout le territoire.
27 Q. Veuillez regarder l'intercalaire numéro 36, s'il vous plaît, Monsieur
28 le Professeur, 1D066, s'agit-il bien de ces lettres ici, lettres que nous
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1 venons d'évoquer, les lettres envoyées à Qausha, à Demaqi, à Hyseni ?
2 R. Oui, il s'agit bien de ces lettres. Leur teneur est identique. Ces
3 lettres ont simplement été envoyées à des personnes différentes, et j'ai
4 expliqué pourquoi ce sont ces personnes-là qui sont importantes. Il s'agit
5 de personnalités politiques au sein de la communauté albanaise. Il ne
6 s'agit pas simplement d'hommes politiques. Ils sont importants non
7 seulement au plan politique --
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je crois qu'il
9 est l'heure de faire une pause. J'ai vraiment besoin d'une pause, je puis
10 vous l'assurer.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur le Professeur, nous en
12 avons terminé pour aujourd'hui. M. l'Huissier va vous raccompagner, et nous
13 poursuivrons demain matin à 9 heures.
14 [Le témoin quitte la barre]
15 --- L'audience est levée à 15 heures 30 et reprendra le jeudi 9 août 2007,
16 à 9 heures 00.
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