Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 21 février 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à tous.

6 Maître Ivetic, hier nous vous avons demandé de charger dans le système du

7 prétoire électronique le document IC189. Etant donné qu'il n'y a pas de

8 version B/C/S de ce document, je pense qu'il n'est pas nécessaire de le

9 charger dans le prétoire électronique, il suffit de lui donner un numéro en

10 IC.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Ognjenovic.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le contre-interrogatoire mené par M.

15 Stamp va se poursuivre dans quelques instants. Je vous prie de bien vouloir

16 garder à l'esprit que la déclaration solennelle selon laquelle vous vous

17 engagez à dire la vérité, déclaration que vous avez prononcée au début de

18 votre déposition, continue à être valable dans le cadre de votre déposition

19 aujourd'hui.

20 Monsieur Stamp, c'est à vous.

21 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 LE TÉMOIN: NEBOJSA OGNJENOVIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Contre-interrogatoire par M. Stamp : [Suite]

25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

26 R. Bonjour.

27 Q. En vertu de la loi existante à l'époque qui régissait la délivrance des

28 cartes d'identité personnelles en Serbie, les personnes qui avaient plus de

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1 14 ans étaient tenus d'avoir une carte d'identité, n'est-ce pas ? C'est

2 bien ce que vous dites ?

3 R. Si je me souviens bien, c'était à partir de 16 ans que la détention

4 d'une carte d'identité était obligatoire. Mais elle pouvait être obtenue

5 avant, à la demande de la personne concernée. Je ne suis pas absolument

6 sûr, mais je crois que c'était cela.

7 Q. Je pourrais peut-être vous rappeler que jusqu'au 31 avril l'âge limite

8 était de 16 ans et à partir de cette date, le président, M. Milutinovic a

9 fait voté un décret qui a baissé cet âge limite à l'âge de 14 ans. En avez-

10 vous le souvenir ?

11 R. C'est possible.

12 Q. Cette loi n'a-t-elle pas été appliquée strictement, en tout cas, au

13 Kosovo-Metohija, étant donné les circonstances qui présidaient dans cette

14 région ?

15 R. Oui, il est certain que nous l'avons appliquée. Maintenant, je ne me

16 souviens plus avec précision, mais il est certain que nous l'avons fait.

17 Cela dit, je ne me rappelle pas exactement aujourd'hui quel était l'âge

18 limite.

19 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Ivetic.

21 M. IVETIC : [interprétation] Etant donné le ton que prennent les questions,

22 je pense qu'il faut tenir compte du fait que le témoin a dit dans sa

23 déposition que les papiers d'identité étaient délivrés par le SUP et qu'il

24 était membre de la police des frontières et que ce n'était pas lui qui

25 était responsable de la délivrance des cartes d'identité. Donc je pense que

26 M. Stamp demande au témoin des présomptions.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Deux choses à vous répondre, je pense,

28 Maître Ivetic. Premièrement, ce point peut être abordé au cours des

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1 questions supplémentaires de votre part; et deuxièmement, il n'est pas tout

2 à fait évident que la proposition que vous venez de faire est exacte, à

3 savoir que le témoin n'a eu absolument rien à voir avec ce problème, si

4 l'on tient compte de l'importance qu'il y avait à prouver son identité pour

5 franchir la frontière dans des circonstances normales.

6 Veuillez poursuivre, Monsieur Stamp.

7 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Le 27, lorsque ces personnes sont apparues dépourvues de cartes

9 d'identité, ne vous ont-elles pas toutes dit que leurs cartes d'identité

10 avaient été saisies par la police de Prizren ?

11 R. J'ai dit que ces personnes étaient arrivées au passage de frontière et

12 que je ne leur ai pas demandé leurs cartes d'identité, car une carte

13 d'identité ne permet pas de franchir une frontière. Je leur ai demandé des

14 documents de voyage et je l'ai demandé aux personnes majeures d'âge, car il

15 y avait là beaucoup de femmes et d'enfants, il n'y avait que quatre ou cinq

16 hommes majeurs avec lesquels j'ai parlé. Et ce sont ces hommes qui m'ont

17 dit - c'est en tout cas ce qu'ils ont déclaré - que leurs papiers avaient

18 été conservés au SUP de Prizren. Il n'était pas de mon devoir de vérifier

19 s'ils étaient ou non porteurs d'une carte d'identité. Ce qui m'intéressait,

20 c'était de voir s'ils avaient des documents de voyage ou pas, s'ils

21 remplissaient les conditions requises pour être autorisés à franchir la

22 frontière ou pas. Par la suite, j'ai vérifié au SUP de Prizren que leurs

23 papiers n'avaient pas été conservés au poste de Prizren, ce qui signifie

24 que ces personnes m'ont sans doute abusé en me disant qu'on avait conservé

25 leurs papiers et que peut-être ce n'était pas exact.

26 Q. Quand avez-vous vérifié cela à Prizren ?

27 R. Après leur départ, par la suite. J'ai vérifié s'il y avait des cartes

28 d'identité personnelles - pas seulement les leurs - mais en général, si le

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1 SUP de Prizren avait des cartes d'identité personnelles qu'il aurait

2 conservées, et il m'a été dit qu'aucun papier n'avait été conservé au SUP

3 de Prizren. Car c'était la première arrivée d'un groupe de personnes au

4 poste de frontière. C'était le premier groupe qui tentait de quitter la

5 Serbie.

6 Q. N'êtes-vous pas en train de me dire que vous avez vérifié si leurs

7 cartes d'identité avaient été conservées au SUP de Prizren ? Je pensais

8 vous avoir entendu nous dire que vous ne vous intéressiez pas aux cartes

9 d'identité et que vous ne vous intéressiez qu'aux documents de voyage ?

10 R. Je n'ai pas vérifié uniquement pour les cartes d'identité. J'ai demandé

11 s'il y avait des papiers officiels qui étaient conservés au SUP de Prizren,

12 n'importe lesquels, sur le territoire de la municipalité de Prizren,

13 autrement dit. J'ai reçu une réponse négative. Je n'ai pas posé ma question

14 précisément au sujet des cartes d'identité de ces personnes. J'ai

15 simplement demandé si le SUP avait saisi des documents officiels, des

16 papiers officiels.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il n'apparaît pas clairement qui

18 sont les personnes concernées par la phrase que vous venez de dire. A qui

19 avez-vous demandé en général si des papiers d'identité étaient conservés au

20 SUP de Prizren ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé au fonctionnaire de service, au

22 secrétariat aux affaires intérieures de Prizren.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas la question que vous

24 posait M. Stamp. M. Stamp vous a demandé comment il se fait que vous ayez

25 effectué cette vérification, puisque vous avez déclaré ne pas être

26 intéressé par les cartes d'identité quand vous étiez à la frontière.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma réponse, j'ai dit que j'avais demandé

28 à ces personnes leurs documents de voyage, autrement dit, des documents

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1 valables qui leur permettaient de franchir la frontière. Ces personnes ont

2 répondu qu'elles n'avaient aucun papier sur elles. Lorsque je leur ai

3 demandé : Où sont vos papiers ? Ces personnes m'ont répondu que ces papiers

4 avaient été conservés au SUP de Prizren. C'est à ce moment-là que je me

5 suis intéressé de savoir si le service de permanence du SUP de Prizren

6 possédait quelque papier officiel que ce soit qu'il aurait conservé, parce

7 que ces personnes, si leurs papiers avaient été saisis sur le territoire,

8 ces papiers seraient d'abord arrivés au SUP de Prizren avant d'être

9 transférés dans d'autres services.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

11 Monsieur Stamp.

12 M. STAMP : [interprétation]

13 Q. Je ne voudrais pas trop insister, mais pouvez-vous simplement répondre

14 à cette question encore. Vous semblez dire à présent que lorsque ces

15 personnes étaient sur place, vous avez vérifié au SUP de Prizren si leurs

16 papiers avaient été conservés à cet endroit. C'est ce que je voulais savoir

17 tout à l'heure quand je vous ai demandé à quel moment vous avez effectué

18 cette vérification. Vous avez dit que vous l'aviez faite par la suite. Donc

19 je vous repose la question. A quel moment avez-vous vérifié si le SUP de

20 Prizren était en possession des papiers d'identité de ces personnes ?

21 R. J'ai rédigé une note officielle au sujet de cet incident. Ces personnes

22 sont arrivées au passage frontière à 12 heures 30. Elles ont quitté le

23 territoire de la République fédérale yougoslave à 14 heures 30 uniquement.

24 Donc pendant deux heures nous avons eu des contacts, moi et les autorités

25 de l'Etat albanais pour voir si ces personnes avaient des papiers

26 d'identité.

27 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, réellement le témoin a

28 répondu précisément à la question posée par l'Accusation. Je pense que

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1 l'Accusation est en train de faire de son mieux pour l'écarter de sa ligne

2 de réflexion et prétendre que le témoin n'a pas bien répondu. Il ne cesse

3 de l'interrompre et essaie de perturber l'audience.

4 M. STAMP : [interprétation] J'ai posé une question simple au témoin : à

5 quel moment a-t-il effectué la vérification auprès du SUP de Prizren ?

6 M. IVETIC : [interprétation] Et le témoin a répondu à cette question. Si

7 vous écoutez ce que le témoin a dit, il était en train de commencer à

8 répondre.

9 M. STAMP : [interprétation]

10 Q. Témoin --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Monsieur Stamp. Nous

12 souhaitons d'abord demander à Me Ivetic de se calmer.

13 Le témoin semblait être en train d'aborder la réponse à cette question

14 lorsque vous l'avez interrompu.

15 Donc, Monsieur Ognjenovic, veuillez, je vous prie, revenir sur cette

16 question. A quel moment avez-vous vérifié auprès du SUP de Prizren si ce

17 poste de police possédait des papiers d'identité de ces personnes ? Vous

18 devriez pouvoir répondre assez rapidement.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Une heure après leur sortie du territoire de

20 la République fédérale yougoslave.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

22 Monsieur Stamp, à vous.

23 M. STAMP : [interprétation]

24 Q. Je suppose que vous vous rendez compte -- non, je retire ma question.

25 Penchons-nous sur la pièce P2086 [comme interprété]. Oui, elle s'affiche

26 sur les écrans.

27 Est-ce bien la note officielle rédigée par vous le

28 27 mars 1999 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Avez-vous vu ce document depuis votre arrivée ici ou en avez-vous

3 entendu parler ?

4 R. Je suis l'auteur de ce document. C'est moi qui l'ai rédigé. Je l'ai en

5 ma possession. Je le connais. C'est un document que j'ai personnellement

6 écrit.

7 Q. Pourriez-vous, je vous prie, donner lecture du deuxième paragraphe de

8 ce texte qui commence par : à 12 heures 30, le

9 27 mars 1999.

10 R. Je cite : "A 12 heures 30 le 27 mars 1999, un groupe d'Albanais a fait

11 son apparition au poste-frontière de Vrbnica dans le désir de franchir la

12 frontière entre la Yougoslavie et l'Albanie sans documents de voyage,

13 cartes d'identité ou autres papiers d'identité. Ces personnes ont déclaré

14 que leurs cartes d'identité avaient été saisies et conservées au SUP de

15 Prizren."

16 Q. D'abord, vous remarquerez, Monsieur, que vous ne faites pas valoir dans

17 ce document que quatre hommes avaient déclaré que leurs cartes d'identité

18 avaient été saisies; dans ce document, il semble être indiqué que toutes

19 ces personnes vous ont déclaré s'être fait confisquer leurs papiers

20 d'identité. Est-il permis de tirer cette conclusion à la lecture de ce qui

21 est écrit ici, à savoir que ces personnes, ces Albanais qui ont fait leur

22 apparition à cet endroit, ont déclaré que leurs papiers avaient été

23 confisqués ?

24 R. Oui. Une note officielle est rédigée à la fin d'un événement. Cette

25 note indique tout ce qui s'est passé de façon générale. Par téléphone,

26 étant donné l'urgence, j'ai informé d'autres personnes de façon à régler le

27 problème rapidement, car je connaissais la majorité des personnes en

28 question. C'étaient des gens avec lesquels j'étais copain quand nous

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1 faisions du sport ensemble. Je les connaissais personnellement.

2 Q. Oui, oui --

3 R. Il y avait une minorité d'hommes et le reste c'étaient des femmes et

4 des enfants. Les hommes c'étaient ceux qui conduisaient les tracteurs, et

5 cetera.

6 Q. Ce que je voulais vous demander - d'ailleurs la question que je vous

7 pose maintenant au sujet du document que nous avons sous les yeux, qui est

8 un document rédigé par vous - c'est est-ce que vous dites toujours dans

9 votre déposition que quatre hommes ont déclaré que leurs papiers avaient

10 été confisqués ou bien n'est-il pas vrai que toutes ces personnes vous ont

11 déclaré s'être fait confisquer leurs papiers d'identité ? Je vous demande

12 de répondre sur la base du document que nous avons ici.

13 R. Je n'ai pas pu discuter avec chacune des 100 personnes

14 individuellement. Les gens qui me connaissaient sont venus me voir. C'est

15 avec ces personnes que j'ai parlé, négocié. Ce sont ces personnes que j'ai

16 interrogées, à qui j'ai demandé leurs documents de voyage. Je n'ai pas pu

17 parler individuellement avec chacune de ces personnes, avec chacun des

18 enfants, chacune des femmes. Par la suite, quand j'ai rédigé ma note

19 officielle, j'ai indiqué que ces personnes n'avaient aucun papier. Ce qui

20 m'intéressait, c'était si ces personnes détenaient un document de voyage;

21 mais ensuite quand j'ai rédigé ma note officielle j'ai parlé de tous les

22 papiers d'identité en général, car la majorité d'entre eux --

23 Q. Les personnes à qui vous avez parlé vous ont dit que leurs documents de

24 voyage avaient été confisqués par le SUP de Prizren ?

25 R. Ils n'ont pas dit qu'ils avaient été confisqués, mais qu'ils avaient

26 été conservés. Peut-être que ces personnes m'ont menti, peut-être que

27 personne ne les a arrêtées en chemin, peut-être que ces personnes m'ont

28 trompé, je ne les ai pas fouillées. Je n'ai fouillé personne ni les hommes

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1 ni les autres. Il y avait aussi un très grand nombre d'enfants, des enfants

2 en bas âge, 3 à 4 ans. Je ne pouvais pas leur demander leurs cartes

3 d'identité.

4 Q. Combien de personnes vous ont dit que le SUP de Prizren avaient

5 confisqué leurs papiers ? Combien de personnes vous ont dit cela ?

6 R. Les personnes à qui j'ai parlé. Je vais vous le dire combien. Deux

7 hommes avec lesquels je jouais au football, qui venaient me voir dans mon

8 bureau. J'ai passé une heure avec eux. Ce sont ces personnes qui m'ont dit

9 cela. Les autres, je ne pouvais pas parler avec toutes les autres personnes

10 et elles ne m'intéressaient pas particulièrement.

11 Q. Dix minutes après leur arrivée, c'est-à-dire, à

12 12 heures 40. J'aimerais vous demander de donner lecture des deuxième et

13 troisième paragraphe de cette note, je vous prie.

14 R. Je cite : "A 12 heures 40, le SUP de Prizren et le MUP de la République

15 de la Serbie, ainsi que la section de la police de la frontière, ont été

16 informés par téléphone au sujet de ce qui est indiqué ci-dessus. Une

17 autorisation a été donnée de permettre à ces personnes de passer la

18 frontière vers l'Albanie, au total 94 personnes, femmes et personnes âgées

19 ont traversé la frontière. Nous avons recueilli des détails au sujet de

20 leur identité selon leurs déclarations et pris leurs empreintes."

21 Q. Alors, quand vous avez parlé avec les représentants du SUP de Prizren à

22 12 heures 40, est-ce que vous leur avez dit ou est-ce que vous leur avez

23 demandé si le SUP possédait les papiers d'identité ou en tout cas des

24 documents officiels de ces personnes avec lesquelles vous jouiez par le

25 passé au football et qui étaient assises dans votre bureau où elles ont

26 passé une heure avec vous et qui vous ont dit que ces papiers avaient été

27 confisqués par la police ?

28 R. Au secrétariat aux affaires intérieures de Prizren, il existe un

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1 département chargé de la police des frontières. Ces hommes ont une ligne

2 téléphonique directe avec la frontière. Je les ai informés, parce que ce

3 sont ces personnes qui sont compétentes pour ces questions sur le

4 territoire, et cette question concernait des citoyens de Prizren. Je les ai

5 donc informés que j'avais dans mon bureau des personnes qui souhaitaient

6 franchir la frontière et qui étaient dépourvues de documents de voyage. Je

7 ne m'intéressais aux cartes d'identité ou à quoi que ce soit d'autre. Ces

8 personnes n'avaient pas des documents de voyage. Par la suite, j'ai rédigé

9 une note officielle dans laquelle j'ai parlé de tous les documents

10 d'identité quels qu'ils soient; mais à ce moment-là quand je leur ai parlé

11 au téléphone, la seule chose qui m'intéressait c'était les documents de

12 voyage, parce que les documents de voyage comme un passage, par exemple,

13 sont le seul genre de document officiel qui permet à quelqu'un de franchir

14 une frontière d'Etat.

15 Q. Monsieur, la question est : Pendant que ces personnes étaient dans

16 votre bureau pendant une heure à peu près, selon ce que vous avez dit --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, un instant, je vous

18 prie.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stamp, veuillez

21 poursuivre.

22 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Revenons au contexte, si vous le voulez bien. Ces personnes n'ayant pas

24 de papiers d'identité violaient la loi, étaient en infraction. Ces hommes

25 que vous connaissiez bien, qui ont passé plus d'une heure dans votre

26 bureau, étaient accompagnés, selon ce que vous avez dit, d'un grand nombre

27 de femmes et d'enfants qui étaient dans la plus grande détresse. Vous avez

28 dit que des heures se sont écoulées, qu'il vous a fallu trois contacts avec

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1 les représentants albanais de la frontière pour que ces personnes puissent

2 franchir la frontière. Pourquoi ces personnes qui étaient dans votre bureau

3 n'ont-elles pas demandé au SUP de Prizren ce qu'il en était de leurs

4 documents de voyage ?

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

6 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, la façon dont la

7 question est formulée, revenons au contexte, si l'Accusation souhaite

8 déterminer le contexte dans tous ses détails, il doit parler du contexte.

9 Il doit prendre en compte la déposition d'hier de ce témoin selon laquelle

10 la majorité des Albanais du Kosovo ne possédait pas de passeports et que

11 seuls les hommes en avaient un. C'est ce que le témoin a déclaré hier et

12 qui figure au compte rendu d'audience de la journée d'hier. Si l'Accusation

13 veut revenir sur le contexte, il nous faut le contexte global et il

14 conviendrait que l'Accusation ne sorte pas certains éléments de leur

15 contexte.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, regardez la question

17 tout de même. La dernière question.

18 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord, mais il y a une nuance tout

19 de même, replaçons les choses dans leur contexte. Si nous tenons aux

20 nuances --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En réalité, la question ne demande pas

22 de faire ce que vous venez de dire vous-même. Veuillez éviter toute

23 narration et posez la question en vous limitant à ce qui figure aux deux

24 dernières lignes du compte rendu d'audience.

25 Mais Monsieur Stamp, continuez.

26 M. STAMP : [interprétation]

27 Q. Pourquoi est-ce que pendant que ces hommes au poste-frontière se

28 trouvaient dans votre bureau n'ont-elles pas demandé à vos collègues du SUP

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1 de Prizren ce qu'il en était de leurs papiers d'identité, puisque ces

2 hommes vous ont dit que leurs papiers avaient été confisqués par le SUP de

3 Prizren ?

4 R. Elles sont arrivées au passage frontière, elles sont venues dans mon

5 bureau, ces personnes, et ont dit qu'elles n'avaient pas de papiers; à ce

6 moment-là, j'ai composé le numéro de téléphone. Je ne pouvais pas détailler

7 tout cela dans ma note officielle. Une note officielle n'est qu'une

8 indication générale. J'ai dû passer un coup de téléphone pour découvrir

9 exactement ce qu'il en était parce que telle est la procédure. C'était la

10 première fois que des personnes se présentaient qui souhaitaient partir

11 pour l'Albanie. Donc j'ai demandé à Belgrade ce qu'il convenait de faire au

12 sujet de ces Siptar qui souhaitaient partir pour l'Albanie. On m'a dit :

13 Vous avez votre propre direction, voyez ce qu'il en est avec votre

14 direction. Donc on m'a dit de me concentrer sur ma hiérarchie, la seule qui

15 était compétente pour traiter des questions relatives au passage frontière.

16 C'est ce qu'on m'a dit quand j'ai parlé du fait que ces personnes n'avaient

17 pas de papiers sur elles. On m'a parlé de la direction des affaires

18 frontalières du SUP de Prizren. Je n'ai pas tout de suite appelé le service

19 de permanence. J'ai contacté ce service de permanence uniquement après le

20 départ de ces personnes. Il y a deux services différents dans un SUP, et le

21 service que j'ai appelé, c'est le service de la police des frontières, les

22 hommes de permanence. Ce ne sont pas les mêmes équipes.

23 Q. Bien, je comprends, mais ma question est la suivante : pourquoi est-ce

24 que ces personnes ne sont pas enquises auprès du service de permanence des

25 personnes compétentes au SUP de Prizren au sujet du sort de ce qu'il était

26 advenu de leurs papiers d'identité, puisque ces personnes affirmaient que

27 leurs papiers leur avaient été confisqués par le SUP de Prizren ?

28 R. Bien, peut-être est-ce une omission de ma part, peut-être que je n'ai

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1 pas fait tout ce qu'il fallait faire. Je me suis posé la question plus

2 tard. C'était une surprise pour l'ensemble d'entre nous de voir arriver

3 toutes ces personnes.

4 Q. Auriez-vous en tête la moindre raison valable justifiant que la police

5 de Prizren confisque à ces personnes leurs documents de voyage ou leurs

6 papiers d'identité ?

7 R. Il y avait aucune raison, et je ne crois pas que qui que ce soit les

8 ait confisqués, ces papiers. Ces personnes m'ont dit cela simplement pour

9 pouvoir quitter notre territoire le plus rapidement possible. Mais il est

10 certain que personne ne les a arrêtées en chemin et que personne ne les a

11 contrôlées, j'en suis certain.

12 Q. Veuillez vous pencher sur le quatrième paragraphe de votre note

13 officielle où vous dites "Qu'au total, 94 hommes, femmes et personnes âgées

14 ont franchi la frontière. Nous avons recueilli les détails personnels les

15 concernant selon leurs déclarations et pris leurs empreintes digitales."

16 R. C'est ce qui s'est passé. Ce n'est pas une procédure officielle. J'ai

17 pris leurs empreintes dans mon intérêt personnel pour pouvoir ensuite

18 prouver qui avait quitté le territoire. J'ai établi une liste des personnes

19 qui voulaient le pays et qui se trouvaient là et j'ai pris leurs empreintes

20 personnelles, ainsi que leurs noms, pour avoir une trace des enfants, en

21 particulier. Mais cela je l'ai fait pour moi. Je ne l'ai pas fait parce que

22 c'était mon devoir officiellement, car je voulais avoir une trace des

23 personnes qui quittaient le territoire. C'était la première fois que cela

24 arrivait. Donc ce n'était pas une procédure officielle. C'était quelque

25 chose que j'ai fait pour moi, personnellement.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Bien, une partie de la réponse du témoin n'a

28 pas été consignée au compte rendu d'audience. Il a dit qu'il a pris les

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1 empreintes digitales des personnes qui étaient majeures et qui donc avaient

2 les documents de voyages.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

4 Monsieur Ognjenovic, où se trouve la liste des noms de ces gens et où se

5 trouvent leurs empreintes digitales ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était dans le bureau, chez moi.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, cela se trouve où ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien. Je ne le sais pas.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'imagine que vous avez envoyé un

10 exemplaire de cela, une copie de cela à votre administration à Belgrade ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne l'ai pas fait, parce que cela

12 n'était pas vraiment un acte officiel que j'ai fait. Je l'ai fait pour ma

13 propre sécurité. Je n'étais pas obligé de le faire. Je l'ai fait pour moi-

14 même et je l'ai gardé dans mon bureau.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vous suis pas là, excusez-moi.

16 Quel rapport avec votre sécurité ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas pour ma sécurité. Ce n'est pas ma

18 sécurité, mais vous savez, pour me couvrir. Parce que j'ai laissé des gens

19 sortir sans avoir les documents nécessaires pour quitter le territoire,

20 donc j'ai pris ces empreintes digitales pour être couvert.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, mais là je comprends rien

22 du tout. Pourquoi auriez-vous gardé pour vous, pour vos besoins personnels,

23 un exemplaire des empreintes digitales des gens ? Je ne vois pas.

24 Monsieur Zecevic, vous avez une intervention ?

25 M. ZECEVIC : [interprétation] Bien, à nouveau, une partie de sa réponse ne

26 figure pas au niveau du compte rendu d'audience.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qu'il a dit ?

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Il a dit qu'il avait une justification pour

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1 avoir laissé ces gens qui n'étaient pas munis de documents de voyage passer

2 la frontière, donc il avait besoin d'un justificatif pour les avoir laissés

3 le faire.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela ne m'aide toujours pas. Je

5 ne vois toujours pas pourquoi vous, personnellement, vous aviez besoin de

6 garder les empreintes digitales des gens à qui vous avez permis de passer

7 la frontière.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai fait, parce que je me suis dit si

9 jamais, au bout d'un certain temps, on retrouvait ces pièces d'identité,

10 ces cartes d'identité, bien, sur la base des empreintes digitales, on

11 aurait pu identifier ces gens. C'est pour cela que je l'ai fait. Parce

12 qu'au moment où vous faites une carte d'identité de quelqu'un, vous prenez

13 en même temps l'empreinte digitale. Parce qu'on ne savait pas que plus tard

14 il y aurait des colonnes. Moi, je pensais que cela s'est produit cette

15 fois-ci et que cela n'allait pas se reproduire. C'est comme cela que tout a

16 commencé. Ensuite, vous avez eu cet exode massif, après on ne le faisait

17 plus. Mais la première fois, oui, je l'ai fait.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon. Je vais relire cela. Mais ce que

19 je ne comprends pas, c'est que vous avez dit que vous avez fait pour vous-

20 même, pour la sécurité et vous avez beaucoup parlé de sécurité. C'est cela

21 que je ne comprends pas. Je peux comprendre que vous l'avez fait à cause de

22 votre fonction, à cause de la fonction qui était la vôtre, mais pourquoi

23 l'auriez-vous fait pour vous-même ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que qu'est-ce que j'ai

25 Fait, j'ai permis aux gens qui n'avaient pas les pièces requises pour

26 quitter le pays, je leur ai, pourtant, en dépit de cela, je leur ai permis

27 de quitter le pays. C'est pour cela que je l'ai fait. Parce qu'ils ne

28 remplissaient pas les conditions pour quitter le pays, pour pouvoir quitter

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1 le pays. C'est pour cela que j'avais pris ces empreintes digitales.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je pense que là c'est une bonne

3 occasion de s'occuper d'un point qui nous préoccupe, à savoir que la

4 Défense fait des commentaires de façon permanente pas seulement en anglais,

5 mais aussi dans la langue que l'on appelle ici le B/C/S, ou plutôt dans la

6 langue serbe. Les Juges souhaitent faire en sorte d'être sûrs que le témoin

7 ne soit pas influencé de quelque façon que ce soit par les commentaires

8 formulés du côté de la Défense quelle que soit l'intention de cela.

9 Donc je vais demander à tous les conseils de la Défense, à toutes les

10 personnes présentes ici de se priver de tout commentaire audible pendant

11 toute déposition de témoin, et ceci s'applique à tout le monde, à toutes

12 les personnes présentes ici, et aussi aux accusés, parce que même les

13 accusés se sont livrés à de telles pratiques.

14 Maintenant, vous pouvez poursuivre, Monsieur Stamp.

15 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Q. Avant de passer à autre chose. Tout en bas du document, vous allez voir

17 quelque chose d'écrit à la main, mais en anglais c'est à la deuxième page

18 du document. Qu'est-ce qu'on voit là, le MUP de la République de Serbie,

19 ensuite UPP, le QG du MUP de Pristina. Pourquoi ceci a été envoyé au QG du

20 MUP de Pristina ?

21 R. C'est moi qui l'ai écrit, qui l'ai ajouté à la main pour savoir à qui

22 j'avais envoyé cette note officielle. En effet, je l'ai envoyée au MUP de

23 la République de Serbie, à la direction de la police départementale,

24 puisqu'elle était compétente de traiter de cela, et les autres ont reçu un

25 exemplaire de cela pour information. Donc le QG du MUP, le centre de

26 sécurité publique pour qu'ils prennent connaissance de cela. Tout d'abord,

27 ceci a été envoyé au MUP parce que c'était de leurs compétences de

28 connaître cela, ensuite les autres je les ai tout simplement informés de

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1 ça. Parce que tout ce qu'on fait au niveau d'une frontière, il faut que

2 cela se sache, il faut que les autorités compétentes en soient informées.

3 Q. Est-ce qu'il était nécessaire d'en informer le QG du MUP ?

4 R. Non.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répéter la réponse

6 puisque les interprètes ne l'ont pas entendue. J'ai même l'impression de

7 l'avoir entendue, moi, mais les interprètes, apparemment non.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons informé le QG du MUP uniquement

9 pour information. Nous n'étions absolument pas obligés de les informer de

10 cela. C'est pour cela que je dis que ces notes officielles elles étaient

11 écrites en plusieurs exemplaires, quatre à cinq exemplaires pour pouvoir

12 informer toutes les personnes.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. J'avais l'impression que

14 vous avez répondu par un "non," mais apparemment c'était une réponse un peu

15 plus longue et plus complexe.

16 Monsieur Stamp.

17 M. STAMP : [interprétation] Là je vais vous demander d'examiner rapidement

18 la pièce 6D666.

19 Q. C'est un document qui figurait sur la liste de documents qui devaient

20 être utilisée par la Défense, mais la Défense ne l'a pas utilisée. Je

21 voudrais vous poser une question assez rapide à ce sujet. Nous n'avons pas

22 de traduction. C'est un document du 3 avril 1999, donc il s'agit d'une

23 "note officielle," pourriez-vous le lire, s'il vous plaît, enfin ce qui

24 suit surtout.

25 R. "Ecrite par le dirigeant du QG, le général de division Sreten Lukic,

26 concernant l'ordre communiqué au chef du SUP à AP Kosovo-Metohija

27 concernant la façon dont doivent se comporter les policiers." Est-ce que je

28 dois poursuivre ?

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1 Q. Non, non. Tout ce que j'ai voulu vous demander c'est si vous avez déjà

2 eu des documents comme cela, donc des documents qui faisaient référence à

3 des ordres qui avaient été donnés par le QG du MUP ou bien par le général

4 Lukic et donc l'ordre adressé aux chefs des SUP ?

5 R. Je n'ai pu voir cela que quand j'étais en compagnie du chef du SUP de

6 Prizren, Milos Vojinovic. Donc c'est à ce moment-là qu'on aurait pu

7 connaître cela. Mais nous, les policiers, qui travaillions aux frontières,

8 nous ne pouvions recevoir les ordres que de notre direction, la direction

9 qui se trouvait à Belgrade. Donc moi, j'aurais pu éventuellement en prendre

10 connaissance, mais pas plus que cela.

11 Q. Bien.

12 M. IVETIC : [interprétation] Une correction du compte rendu d'audience,

13 ligne 20 de cette page. Il a dit qu'il a informé l'administration à

14 Belgrade, pas le SUP.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Vous devez avoir raison,

16 Monsieur Ivetic, nous n'avons même pas besoin de le vérifier. Nous prenons

17 note de ce que vous venez de dire.

18 M. STAMP : [interprétation]

19 Q. Vous souvenez-vous - là je parle de l'année 1999, ou plutôt, la date du

20 9 mai 1999 - est-ce que vous vous souvenez si vous avez reçu une visite au

21 niveau de votre poste à la frontière, donc c'étaient les membres de la

22 presse, des médias qui vous auraient rendu visite ?

23 R. Si je ne m'abuse c'était le 7 mai, pas le 9 mai. Un groupe de

24 journalistes comptant huit personnes est arrivé. Parmi eux, il y avait un

25 certain David, c'était son nom de famille. Il disait qu'il était le

26 conseiller de Jacques Chirac. Puis il y avait deux membres du SUP qui

27 étaient avec lui, de Prizren. Ils étaient venus chez moi, dans mon bureau,

28 ils sont rentrés dans mon bureau, ensuite on a parlé un peu, qui a duré à

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1 peu près une quinzaine de minutes. Ensuite nous sommes sortis, nous nous

2 sommes rendus au niveau de la frontière, proprement dit. On a rebroussé

3 chemin, et eux ils sont partis pour Prizren, en direction de Prizren. Je

4 pense qu'il s'appelait David Bowie.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un chanteur bien connu. Est-ce

6 que vous voulez dire que c'était un journaliste --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en fait, c'était Resid Davi, Resid Davi,

8 si je ne m'abuse.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande comment il chante celui-

10 là ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé il y a dix ans.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous dites que cette

13 personne était aussi bien un journaliste, à la fois un journaliste et le

14 conseiller du gouvernement français ou bien est-ce qu'il y avait deux

15 personnes ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Resid Davi, c'est comme cela qu'il

17 s'est présenté. Moi, je n'ai rien vérifié, mais en tout cas il a dit qu'il

18 était un des conseillers de Jacques Chirac. Je ne demandais rien de plus.

19 C'est comme cela qu'il s'est présenté.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

21 Monsieur Stamp.

22 M. STAMP : [interprétation] Je vous demanderais d'examiner la pièce P3091.

23 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande la

24 parole à ce sujet. Ce document, nous en avons pris connaissance il y a

25 quelques jours seulement, mais nous avons eu plusieurs problèmes à ce

26 sujet.

27 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président.

28 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous ne devrions pas parler

2 de cela à partir du moment où le témoin quitte le prétoire ?

3 M. IVETIC : [interprétation] Oui, surtout parce qu'il y a une image. Par

4 excès de précaution, oui, effectivement, il faudrait qu'il quitte le

5 prétoire.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

7 Monsieur Ognjenovic, je vous demanderais de quitter le prétoire. L'huissier

8 va vous raccompagner.

9 [Le témoin quitte la barre]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

11 M. IVETIC : [interprétation] Tout d'abord, nous ne connaissons pas la

12 provenance de ce document. Il s'agit de quelqu'un qui se souvient du

13 service de l'AFP, et apparemment il s'agit de quelque chose qui a été

14 diffusé. Ce n'est pas vraiment quelque chose qui a été publié dans les

15 médias. Donc on ne sait pas vraiment si c'est un rapport des médias. Nous

16 avons déjà eu de tels problèmes ici, des souvenirs de journalistes et il

17 est arrivé que sur cette base on refuse l'admission de certains documents.

18 Mais là, il ne s'agit même pas d'une publication officielle. Ceci, je

19 pense, c'est quelque chose qui vient d'une agence gouvernementale des

20 Etats-Unis qui travaille, collabore de façon assez proche avec le

21 renseignement, et ils utilisent des documents à des fins de la propagande,

22 très souvent. Et je pense qu'ici il s'agit bien de cela.

23 Aussi, en haut à droite, vous avez une espèce de commentaire qui complique

24 les choses encore plus, et vu les circonstances, il est impossible de

25 vérifier ce document, de vérifier la source. De savoir d'où il vient

26 exactement et les commentaires qui figurent à la fin des documents, bien,

27 indique là qu'il ne s'agit pas d'un document de première main, il s'agit

28 tout simplement du souvenir de quelqu'un, du transcript de l'agence France-

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1 Presse. Je considère que sans faire venir la personne - et d'ailleurs on ne

2 sait même pas si ceci a été vraiment transcript littéralement de l'agence

3 France-Presse oui ou non, et la question se pose, à savoir si là c'était

4 vraiment un document authentique - donc mis à part les questions

5 habituelles qui se posent quand il s'agit des articles de journaux et des

6 journalistes, il y a d'autres problèmes additionnels qui se posent par

7 rapport à ce document.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons l'avoir sur

9 l'écran, s'il vous plaît.

10 M. IVETIC : [interprétation] Ici on peut lire que le texte de l'article ne

11 correspond pas à l'en-tête ou au titre, on dirait que c'était un chapeau si

12 c'était vraiment un article écrit, mais ce n'est pas le cas.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez demander

14 exactement par rapport à cela, Monsieur Stamp ?

15 M. STAMP : [interprétation] C'est un rapport d'un journaliste, un rapport

16 concernant une interview, le témoin vient d'en parler et on le cite, on

17 cite ce témoin en indiquant qu'il a dit un certain nombre de choses. Ce

18 sont les éléments qui ont été remarqués par les journalistes. Il s'agit de

19 lui poser la question de savoir s'il se souvient cela et s'il a dit cela.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais ajouter quelque chose. Le témoin

23 n'a pas vraiment identifié la personne qu'il a interviewée. On a parlé d'un

24 certain Resid Davi et il s'est même avancé jusqu'à faire un parallèle avec

25 un chanteur populaire, mais bon, je ne pense pas que nous avons des

26 éléments tangibles indiquant que c'était une interview proprement conduite,

27 il y a eu peut-être un contact des journalistes et c'est tout ce qu'on a pu

28 apprendre de ce témoin.

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1 Puis aussi vous avez deux dates qui figurent dans ce document, cela

2 aussi n'est pas clair, parce qu'il y en a un qui parle de l'incident du 7

3 et d'autres du 9 mai, puis Aleksandar Mitic apparemment n'était absolument

4 pas présent alors qu'ici, il y figure.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le témoin qui a dit que

6 c'était le 7, c'est lui qui a indiqué la date du 7 mai.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, nous pensons que

9 votre objection n'est pas placée à juste titre. Vous avez avancé des

10 arguments valables, pour ainsi dire, si par exemple, si vous souleviez une

11 objection quant à l'introduction à ce document proprement dit. Mais ce

12 document va être uniquement utilisé pour poser la question au témoin de

13 savoir s'il est d'accord ou s'il n'est pas d'accord. Et c'est uniquement

14 s'il l'accepte que ceci devient une pièce à conviction en l'espèce. Nous

15 n'acceptons pas cela comme un élément qui va le contredire et c'est pour

16 cela que nous ne pouvons pas accepter votre objection. Nous allons

17 permettre à l'Accusation de poser ses questions à l'appui de ce document.

18 Est-ce que nous pouvons introduire le témoin à nouveau.

19 [Le témoin vient à la barre]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie de votre patience.

21 Nous avons traité de la question qui s'est posée, puis

22 Me Stamp peut poursuivre.

23 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

24 Q. Vous aviez reçu visite, la visite d'un journaliste le

25 7 mai. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait un certain Aleksandar

26 Mitic qui était présent ?

27 R. Non.

28 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait un des journalistes qui

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1 appartenait à l'agence France-Presse ?

2 R. Non.

3 Q. Le journaliste qui est allé, est-ce qu'il vous a interviewé dans son

4 bureau ? Vous avez dit que vous avez rencontré quelqu'un dans votre bureau.

5 R. Ce n'était pas une interview. C'est un entretien. Nous avons discuté

6 tout simplement.

7 Q. Est-ce que vous comprenez l'anglais ?

8 R. Non.

9 Q. Dans ce document on dit que cela relate ce vous avez dit aux

10 journalistes, et on indique que du côté gauche de la frontière - vous

11 m'entendez là ?

12 R. Oui.

13 Q. Selon ce rapport, il y avait tout un amas de plaques d'immatriculation

14 par terre du côté gauche du point de contrôle de la frontière. Est-ce que

15 vous vous souvenez cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Dans ce rapport, il est indiqué que vous avez déclaré : "Nous reprenons

18 les plaques d'immatriculation, parce que nous ne souhaitons pas l'UCK

19 d'utiliser ces véhicules pour nous combattre en prétendant, en se

20 présentant comme réfugiées."

21 Vous souvenez-vous d'avoir déclaré cela ?

22 R. Non, certainement pas de cette manière-là. Peut-être qu'il n'a pas bien

23 compris ce que je lui avais dit, non. Je n'ai jamais dit, puis je ne vois

24 pas le lien entre les plaques d'immatriculation et leur retour. Je n'en

25 sais rien.

26 Q. Mais leur avez-vous dit quoi que ce soit au sujet de la prise de ces

27 plaques d'immatriculation ?

28 R. Lors d'une conversation informelle dans mon bureau, je n'ai pas

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1 mentionné une telle chose, je n'ai pas pu le faire, parce que ce n'était

2 pas nous qui le faisions, nous ne leur reprenions rien ni les plaques ni

3 les pièces d'identité. Les gens les rejetaient d'eux-mêmes. Nous ne

4 faisions que les trouver dans les zones frontalières. Il est vrai du côté

5 gauche il y avait un tas de plaques d'immatriculation. J'ai rédigé

6 immédiatement à ce sujet-là une note officielle que j'ai transmise à mes

7 supérieurs, de la même manière que je rédigeais des notes officielles au

8 sujet de chaque incident important.

9 Q. Leur avez-vous parlé des cartes d'identité aussi ?

10 R. Oui. Je leur ai parlé des cartes d'identité, de tout, de tous les

11 événements, de toutes les circonstances, tout ce qui les intéressait. Mais

12 ce n'était pas un entretien, c'était une conversation informelle, une

13 occasion pour nous d'échanger les points de vue.

14 Q. Dans ce rapport il est indiqué, je cite : "La plupart des Albanais ont

15 jeté leurs cartes d'identité dans nos visages en nous disant : 'Nous ne

16 voulons pas de ça.'"

17 R. Oui, il y a eu de tels cas, je ne suis pas sûr, mais il a dû en avoir.

18 Non pas seulement s'agissant des cartes d'identité, mais de tout autre

19 document émanant de la République de Serbie. Ils les jetaient, surtout

20 après avoir traversé la frontière. Oui, ils jetaient les choses, ils nous

21 insultaient, ils nous provoquaient, mais tout ça, bien évidemment, après

22 avoir traversé la frontière.

23 Q. Et il est possible que vous leur ayez dit cela ?

24 R. Je ne m'en souviens pas.

25 Q. Dans le rapport, il est indiqué : "Il a ajouté," ça se rapporte à vous,

26 je cite : "les pièces d'identité étaient parfois confisquées lorsqu'ils

27 traversaient la frontière pour se rendre en Albanie."

28 Avez-vous dit à ces personnes que parfois vous repreniez les cartes

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1 d'identité de ces personnes ?

2 R. Non. Ce n'est pas vrai.

3 Q. N'est-il pas vrai que vous avez également déclaré, je

4 cite : "Ils disent qu'ils ne respectent pas ce pays. Si tu ne respectes pas

5 ce pays et si tu craches sur ce pays, alors tu n'as pas besoin de documents

6 de ce pays."

7 Vous souvenez-vous d'avoir déclaré cela ?

8 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne parle aucune autre langue à part ma

9 langue maternelle, le serbe. Peut-être qu'il y a eu des malentendus causés

10 par l'obstacle linguistique.

11 Q. Je ne vous demande que de me dire si vous vous souvenez d'avoir déclaré

12 une telle chose, c'est tout.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un instant.

14 Mais vous nous avez dit que vous parliez albanais couramment ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je parlais l'albanais, mais eux ils ne

16 parlaient pas l'albanais.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être qu'il faudra qu'on nous

18 fasse une traduction révisée de la page 25, ligne 12 à 15 [comme

19 interprété]. On va en faire une demande au CLSS.

20 Veuillez poursuivre, Monsieur Stamp.

21 M. STAMP : [interprétation]

22 Q. Hysni Kryeziu, votre voisin, est venu déposer ici et il a déclaré la

23 même chose, ou à peu près pareil. Vous souvenez-vous de l'avoir vu

24 traverser la frontière pour se rendre en Albanie ?

25 R. Oui, oui. Je m'en souviens. Chaque habitant de mon village qui est

26 arrivé là-bas a cherché à me voir personnellement et à me saluer.

27 Q. Et vous souvenez-vous de lui avoir demandé ce qui s'est passé avec sa

28 voiture ?

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1 R. Non.

2 Q. Mais vous vous êtes rendu bien compte que lui et sa famille, qui sont

3 arrivés à la frontière à pied, qu'ils souhaitaient traverser la frontière

4 entre leur pays et l'Albanie à pied.

5 R. Oui, mais cela arrivait. Vous savez, il y a des personnes qui n'avaient

6 plus envie de rester éternellement en train d'attendre. Donc ils laissaient

7 leurs voitures sur la route et reprenait le chemin à pied. Ça arrivait,

8 mais je ne me souviens pas de ce cas particulier parce qu'il y a en a eu

9 beaucoup. Mais je me souviens au contraire très bien du fait de l'avoir vu

10 et de lui avoir parlé. Je le connais très bien. C'est mon voisin.

11 Q. Oui. Il a dit que pendant qu'il était là-bas, qu'il avait vu des

12 policiers prendre l'argent, les voitures et les documents des gens, et

13 enlever les plaques d'immatriculation. En fait, n'est-il pas vrai que tout

14 cela se passait à proximité de ce poste ou au poste-frontière, même au

15 moment où vous vous y trouviez ?

16 R. Je n'ai pas vu une telle chose. Si je l'avais vue, j'aurais pris des

17 mesures appropriées à l'encontre des personnes qui le faisaient. Puis

18 d'autre côté, je suis persuadé que les gens qui quittaient le pays, qui me

19 connaissaient, seraient venus me le dire, se plaindre d'un traitement

20 pareil. Vous savez, ils me connaissaient, ils avaient du respect pour moi,

21 ces gens, et je suis sûr qu'ils seraient venus se plaindre de l'attitude et

22 de la conduite des policiers au poste-frontière, si tel était le cas.

23 Q. Hysni Kryeziu est parti le 27 avril. Un autre témoin, Lizane Malaj, a

24 été expulsée, d'après sa déposition, le 27 avril, devrais-je me reprendre.

25 En fait, Kryeziu a été expulsé le 27 mars. Cet autre témoin, Lizane Malaj,

26 a traversé votre poste-frontière le 27 avril. Elle nous a parlé de la

27 conduite des policiers au poste-frontière, elle nous a dit qu'ils

28 continuaient à confisquer les pièces d'identité, les plaques

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1 d'immatriculation, que cela se poursuit, donc jusqu'au 27 avril. Cela

2 n'est-il pas vrai ?

3 R. Non, Monsieur. Je ne dispose pas d'information allant dans ce sens.

4 Q. Après la visite que les journalistes vous ont rendue le

5 7 mai, avez-vous jamais eu l'occasion d'avoir un article dans la presse ou

6 un reportage dans les médias au sujet de cette visite du poste- frontière ?

7 R. Non.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lors de votre conversation avec les

9 journalistes, a-t-on fait référence à l'UCK à un moment quelconque ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'a-t-on dit à leur

12 sujet ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont demandé pourquoi il n'y avait pas de

14 jeunes hommes là. Je leur ai répondu que le plus probablement les jeunes

15 étaient dans les rangs de l'UCK. Ils faisaient partir leurs familles, par

16 contre ils restaient sur le territoire du Kosovo. Ils étaient intéressés

17 par tous ces événements-là, ensuite on s'est rendu sur la frontière elle-

18 même, et ils ont rencontré là-bas d'autres journalistes, leurs collègues,

19 qui se trouvaient du côté albanais. Ils essayaient de voir, en fait, ce qui

20 se passe. Tout les intéressait, ils essayaient de voir pourquoi il y avait

21 des bouchons, pourquoi les gens n'arrivaient pas à passer normalement. A un

22 moment, les autorités frontalières albanaises ont commencé à réduire

23 l'afflux des personnes venant de notre territoire. Et c'est pour cette

24 raison-là que de gros bouchons se sont faits de notre côté de la frontière.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est tout ce que vous leur avez dit

26 au sujet de l'UCK ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je le demande tout simplement, parce

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1 qu'à certains ils pouvaient sembler une très bonne idée d'enlever les

2 plaques d'immatriculation afin d'éviter que leurs véhicules soient utilisés

3 pour transporter les combattants de l'UCK de nouveau au Kosovo, mais vous

4 n'avez pas dit ça.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Monsieur Stamp, poursuivez.

8 M. STAMP : [interprétation]

9 Q. Les Albanais ou toute autre personne pouvaient-ils retourner au pays

10 sans pièces d'identité ou titres de voyage ?

11 R. Je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, il ne s'agissait pas là d'un

12 passage de frontière régulier. Nous ne contrôlions pas les personnes qui

13 traversaient la frontière. Il arrivait que des personnes retournent chez

14 elles. Je crois que j'ai dit à ces journalistes qu'il y avait eu un groupe

15 de nos citoyens qui étaient retournés ce jour-là ou la veille. Il

16 s'agissait d'un groupe pas très nombreux, mais ces gens-là sont rentrés

17 chez eux. Ça arrivait.

18 Q. Oui. Les Albanais pouvaient-ils retourner au pays sans présenter une

19 pièce d'identité ou un titre de voyage au poste de frontière ?

20 R. Dans une situation normale, cela ne serait pas possible, mais il ne

21 s'agissait pas là d'une situation normale; c'était une situation

22 extraordinaire. Les gens sortaient sans contrôle, il y avait énormément de

23 gens. On n'avait pas suffisamment de personnel à la frontière, on ne

24 pouvait pas les contrôler. Quand les gens disaient qu'ils voulaient entrer

25 chez eux, on les autorisait à le faire sans les contrôler, sans exiger de

26 pièces d'identité.

27 M. STAMP : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, Madame, Monsieur

28 les Juges, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.

2 Monsieur Stamp, le document P3086, quelle est sa date ?

3 M. STAMP : [interprétation] Le 27 mars, mais je vais vérifier encore une

4 fois si vous me le permettez. Oui, la date du document P3086 est le 27

5 mars.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et 6D1497 est également du 27 mars.

7 Ces deux documents sont-ils identiques ?

8 M. STAMP : [interprétation] Non.

9 M. IVETIC : [interprétation] Non. Peut-être que je peux vous aider. P3086

10 est le numéro 71 et l'autre porte le numéro 72. Le témoin en a parlé déjà

11 hier, il s'agit de deux documents qui parlent d'un même incident. Mais il

12 ne s'agit pas de documents identiques.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'étais en train d'examiner une note

14 d'hier qui ne concorde pas avec ce dont je me souvenais -- ou c'est peut-

15 être que je ne me souviens pas bien de ce qui a été dit. Je pense qu'hier

16 il a été dit qu'il était possible de retourner au pays sans passeport. Est-

17 ce que je ne me souviens pas bien de ce qui a été dit hier, Maître Ivetic ?

18 Pourriez-vous m'aider ?

19 M. IVETIC : [interprétation] Moi-même, je serais obligé de consulter le

20 compte rendu pour vérifier cela. Je ne me souviens vraiment pas --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je ne sais pas pourquoi je

22 n'arrive pas à trouver cela dans mes notes, ça doit être parce que mes

23 souvenirs ne sont pas bons.

24 Questions de la Cour :

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ognjenovic, le premier groupe

26 de personnes souhaitant quitter le pays est arrivé le 27 mars à votre

27 poste-frontière, ensuite toute une série de groupes est arrivée pour

28 quitter le pays, et vous nous avez dit que vous vous étiez efforcé de les

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1 dissuader du départ, de les convaincre qu'il fallait retourner chez eux

2 s'agissant de ce premier groupe. Avez-vous essayé de dissuader les groupes

3 suivants également ?

4 R. Oui. Dans ce premier groupe, il y a eu beaucoup de personnes que je

5 connaissais personnellement et j'ai essayé à trois ou quatre reprises de

6 les persuader personnellement, chacun de ceux que je connaissais, de ne pas

7 partir. C'est la même chose avec les autres colonnes qui sont arrivées, à

8 chaque fois où j'y voyais quelqu'un que je connaissais, mes voisins, peu

9 importe, je leur disais : Ne partez pas, ce n'est la peine de quitter le

10 territoire; mais ils étaient décidés de le faire et ils l'ont fait.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelqu'un vous a-t-il donné l'ordre de

12 leur dire de rentrer chez eux ?

13 R. Non.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Compte tenu de l'explication que vous

15 nous avez donnée, c'est-à-dire qu'ils étaient en danger à cause des

16 bombardements de l'OTAN, pour quelle raison vouliez-vous qu'ils retournent

17 chez eux ?

18 R. L'OTAN ne bombardait pas les maisons, mais les installations

19 militaires, mais ils avaient peur tout simplement, et ils se disaient

20 qu'ils pourraient se faire attaquer eux-mêmes, ils étaient convaincus

21 qu'ils seraient plus en sécurité en Albanie que chez eux. Je leur ai

22 demandé de rester, je leur disais que cela ne se passerait pas ainsi, mais

23 j'ai eu l'impression qu'ils avaient peut-être reçu un ordre leur disant de

24 quitter le pays afin de créer une crise humanitaire. Et ils ont réussi à le

25 faire.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etes-vous en train de dire que la

27 position officielle, la position du gouvernement était que les bombes de

28 l'OTAN allaient viser exclusivement les objectifs militaires et que les

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1 gens restant chez eux seront en sécurité ?

2 R. Non, ce n'était pas une position officielle, c'est tout simplement mon

3 opinion personnelle à laquelle je suis arrivé sur la base de mon

4 expérience.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, du mieux que vous

6 pouvez, préciser le moment où la route menant directement au poste-

7 frontière avait été minée ?

8 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je pense que cela a dû se

9 passer vers la fin de notre retrait. Les barricades antichars avaient été

10 positionnées déjà avant et les mines, à mon avis, quelque part à un moment

11 vers la fin de notre retrait, fin mai ou peut-être un peu plus tôt.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La famille qui avait été tuée, la

13 famille de Pristina. Cela s'est passé fin mai ?

14 R. Je ne me souviens pas exactement de la date où cela s'est passé, mais

15 les mines ont dû être posées avant leur arrivée.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez donné beaucoup de

17 détails au sujet des événements sur la frontière, le minage des côtés de la

18 route menant au poste-frontière devait être un événement considérable dans

19 le cadre des mesures de protection que vous entrepreniez. Comment se fait-

20 il que vous ne vous souveniez pas du moment où cela s'est fait ?

21 R. Je ne me souviens pas de la date. Il s'agissait seulement d'un tout

22 petit bout de cette zone qui avait été miné borde la frontière, parce que

23 si vous examinez le terrain, d'un côté il y a la montagne de Pastrik, de

24 l'autre côté --

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Répondez à ma question. Il

26 ne s'agit pas de savoir s'il y avait là une mine ou 100 mines, mais il

27 était évident qu'il s'agissait d'un danger important que les policiers

28 devaient éviter. Vous avez dit que cela s'est passé au moment où la VJ

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1 était sur les lieux ?

2 R. La VJ est arrivée après l'enquête qui s'est faite sur les lieux afin de

3 déminer la zone, suite à l'enquête conduite par le personnel du SUP de

4 Prizren.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. J'avais compris qu'il y

6 avait la VJ également là avant, qui donnait les instructions aux gens de ne

7 pas descendre de la route pour ne pas marcher sur les mines.

8 R. D'après mes informations, les membres de l'armée étaient présents sur

9 la route, même entre le village de Zur et le poste de Vrbnica, mais il n'y

10 en a pas eu un seul au poste-frontière de Vrbnica, à part ceux qui étaient

11 employés au poste-frontière.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais alors pourquoi ils étaient

13 présents le long de la route ?

14 R. Je pense que c'était pour éviter aux véhicules qui empruntaient cette

15 route de descendre de la route et de tomber sur une mine, comme cela avait

16 déjà eu lieu avec une patrouille de police du village de Zur. A cette

17 occasion-là deux policiers ont été tués.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est Zub et Zur. Il y a deux endroits

19 différents là, qu'est-ce que c'est ?

20 R. Il y a Zub qui est à proximité de Djakovica et il y a Zur dans la

21 municipalité de Prizren, à 6 kilomètres du poste-frontière.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Nous avons parlé jusqu'à

23 maintenant de la route entre Zur et Vrbnica, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etes-vous en train de dire qu'il y

26 avait des mines le long de ces 6 kilomètres de route ?

27 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il y avait des mines, mais je ne sais pas

28 combien parce que je n'y étais pas vraiment.

Page 22927

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Vous m'avez dit que les

2 membres de la VJ étaient là pour protéger les gens des mines.

3 R. Oui, je parle de la route Zur-Vrbnica. Je disais qu'il y avait des

4 patrouilles qui passaient, qui avertissaient - quand il y avait des

5 bouchons, il y avait une patrouille de circulation qui s'occupait de la

6 circulation pour empêcher ces bouchons. Donc ils essayaient de toute façon

7 possible d'éviter une catastrophe.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez, Monsieur Ognjenovic. Nous

9 parlons maintenant de la VJ, de l'armée yougoslave. J'espère que vous

10 n'êtes pas en train de me dire que l'armée yougoslave s'occupait de la

11 circulation ?

12 R. Non.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Alors tenons-nous-en au fait.

14 Ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il y avait des mines le long de

15 cette route entre Zur jusqu'au poste-frontière à Vrbnica dans son

16 intégralité ?

17 R. Oui.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. C'est ce que je pensais que vous

19 aviez déclaré hier. Ce qui m'intéresse maintenant c'est de savoir à quel

20 moment les mines ont été posées ?

21 R. Je ne le sais pas exactement.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A un moment, vous nous avez dit que

23 les mines avaient été posées seulement sur une très courte distance juste

24 avant la frontière. S'agit-il de quelque chose à part ?

25 R. Oui, il s'agit en fait du minage de la zone frontalière où on a posé,

26 je pense, quatre mines, ou à peu près, sur un terrain limité afin

27 d'empêcher la traversée de la frontière.

28 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, un problème avec le

Page 22928

1 compte rendu d'audience. C'est la ligne 13, je pense, je ne suis pas sûr,

2 ou 14. On y fait référence à l'infanterie.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

4 Hier vous avez dit qu'il y avait deux voies de sortie au niveau du pont à

5 la frontière, que celle sur la gauche était minée et qu'il y avait des

6 mines antichars. Ensuite vous avez dit que sur une distance de 6

7 kilomètres, des deux côtés de la route, on parle de la route partant de

8 l'intersection au niveau de Zur, était minée; est-ce exact ?

9 R. Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et c'est l'armée yougoslave qui les a

11 posées ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà ce que je veux savoir : dans

14 quelle mesure la VJ était présente le long de la route entre l'intersection

15 de Zur et la frontière ?

16 R. Je ne sais pas combien ils étaient, mais le fait est que je les ai vus;

17 ils étaient là.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etaient-ils le long de la route ? Est-

19 ce qu'on pouvait les voir de façon visible? Est-ce qu'ils étaient alignés

20 des deux côtés de la route ? Est-ce qu'ils étaient au point de contrôle ?

21 Comment cela se présentait-il ? Où se trouvaient les soldats ?

22 R. Non, non, il n'y avait pas de point de contrôle. Vous savez, je suis

23 passé par là en voiture. Je les ai vu marcher sur la route. Je ne sais pas

24 de quoi ils parlaient avec les gens qui passaient par là. Toujours est-il

25 que je les ai vus sur cette portion-là de la route. Je ne sais pas si

26 c'était les soldats du poste-frontière ou bien d'une autre unité. Toujours

27 est-il que je les ai vus en passant avec mon véhicule.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ils étaient là de façon quotidienne,

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1 tous les jours ?

2 R. Je ne me souviens pas s'ils étaient là tous les jours, mais c'est vrai

3 que je les ai vus.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils étaient là pour empêcher

5 que les gens ne s'aventurent dans les zones qui étaient minées ?

6 R. Je vous ai dit que je ne savais pas. Je ne leur ai pas posé la

7 question. Nous n'avions pas de contact. Je les voyais de temps en temps,

8 mais je ne savais pas pourquoi ils étaient là. Je ne savais pas quelle

9 était leur mission.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel moment ces soldats de la VJ se

11 sont présentés pour la première fois sur la route ? A quel moment ils ont

12 commencé à être présents de façon régulière ?

13 R. Je ne sais pas.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne pouvez pas me donner une date

15 approximative ? Essayez de nous aider. On essaie de trouver la vérité dans

16 tout cela.

17 R. Je ne sais pas. Sans doute dès que les colonnes ont commencé à se

18 former, mais je n'en suis pas sûr.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Essayez de m'aider avec la façon dont

21 fonctionnait le SUP de Prizren. Quelles étaient les heures de bureau

22 d'ouverture du SUP ?

23 R. Je ne sais pas. Le SUP, vous savez, c'est ouvert 24 heures sur 24. Mais

24 je sais quelle était la situation à Prizren, dans mon poste de police. Pour

25 les autres, je n'en sais rien. Je vous ai juste parlé de mon poste à moi.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est la question que je vous ai

27 posée.

28 R. Chez nous on fonctionnait sur la base de 12/24 -- 24/48.

Page 22930

1 M. IVETIC : [interprétation] Il y avait peut-être une erreur en B/C/S.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quels étaient les horaires

3 d'ouverture habituels du SUP de Prizren ?

4 R. Je n'en sais rien.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit qu'il vous est arrivé de

6 contacter ce bureau. Vous, en tant que policier, même si vous êtes dans un

7 autre département, vous n'avez aucune connaissance quant aux heures

8 d'ouverture du SUP de Prizren ?

9 R. Mais oui, je sais. Je ne vois pas ce qui vous intéresse. Si vous parlez

10 du département de la police de frontière, ce département fonctionnait entre

11 7 heures et 15 heures. Le département --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il doit y avoir un problème de

13 traduction. Parce que j'ai l'impression que c'est une question toute simple

14 en anglais et je vais la poser pour la troisième fois.

15 Quels étaient les heures d'ouverture habituelles du SUP de Prizren ?

16 R. Le SUP de Prizren c'est un sens large. Vous avez les gens qui sont en

17 uniforme, des gardes, ils sont ouverts 24 sur 24. Le département que

18 j'informais travaillait aux heures de bureau habituelles, entre 7 heures et

19 15 heures. Je dépendais d'eux directement, ça c'est la police de frontière

20 qui fonctionnait entre

21 7 heures et 3 heures.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc entre 7 heures du matin et 3

23 heures de l'après-midi, combien de jours par semaine ?

24 R. Du lundi au vendredi.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 27 mars c'était un samedi. Pouvez-

26 vous me dire comment vous avez été en mesure de contacter quelqu'un du SUP

27 de Prizren dans votre bâtiment à Prizren alors que c'était un samedi ?

28 R. Nous avons une connexion directe. Tout ce qui se passe de dimanche à

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1 dimanche, sur les 24 heures, nous avions un contact et nous étions en

2 mesure d'entrer en contact. Nous savions à chaque moment comment nous

3 mettre en contact. Qu'il s'agisse du samedi au dimanche. Peu importe. Cela

4 étant dit, ils étaient ouverts du lundi au vendredi. C'étaient les horaires

5 d'ouverture habituels.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous me dire maintenant ce

7 qui s'est passé le 27 mars à nouveau pour qu'on sache exactement ce qui

8 s'est passé ?

9 R. Vous voulez que je vous raconte tout ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, les contacts que vous avez eus.

11 Vous avez parlé avec qui ? Nous savons quels sont les événements, vous les

12 avez décrits, mais nous voulons savoir qui avez-vous contacté et comment.

13 R. Avec l'arrivée des passagers au poste-frontière, j'ai informé par

14 téléphone l'administration de la police de frontière de Belgrade

15 immédiatement. Je leur ai dit quelle était la situation. Je leur ai demandé

16 ce qu'il fallait que je fasse, qu'est-ce qu'il fallait que je fasse avec

17 les personnes qui se sont retrouvées au passage de la frontière. Ils m'ont

18 répondu que si les organes sur la frontière albanaise permettent à ces gens

19 de passer la frontière, qu'il fallait les laissé partir. Je me suis

20 entretenu à trois reprises avec les organes albanais, et quand ils m'ont

21 dit qu'ils pouvaient passer de l'autre côté, je les ai laissé passer. J'en

22 ai informé le SUP de Prizren. Personnellement ai-je appelé le chef du

23 bureau, Ljubomir Zdravkovic.

24 M. VISNJIC : [interprétation] C'est le nom, Monsieur le Président.

25 Je pense que le témoin a dit Miomir, Miomir Zdravkovic.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répéter le nom, qui

27 était le chef donc.

28 R. Miomir Zdravkovic.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 A un moment donné plus tôt aujourd'hui, vous avez dit à

3 M. Stamp que vous avez parlé avec le bureau de police de frontière dans le

4 bâtiment du SUP. C'est ce qui nous manque dans le récit que vous venez de

5 nous faire. Pourriez-vous nous dire quel était le contact que vous avez eu

6 samedi, le 27 mars 1999, avec le bureau de la police de frontière qui se

7 trouvait dans le bâtiment du SUP.

8 R. Les ouvriers de la police de frontière, ce sont les employés qui sont

9 vêtus de vêtement civil, alors que les gens de garde ce sont les employés

10 en uniforme. Je les ai informés de cela pour qu'ils prennent connaissance

11 de cet incident qui a eu lieu au niveau du passage frontalier pour qu'ils

12 sachent ce qui s'est passé. C'est pour cela que je les ai appelés, pour les

13 informer de cela. Je les ai appelés juste pour les informer de ce qui s'est

14 passé. Donc je les ai informés de cela et en revanche j'ai contacté ma

15 direction pour demander les instructions.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que M. Ivetic va vous poser

17 des questions supplémentaires à ce sujet, peut-être qu'il connaît mieux les

18 circonstances et qu'il pourra nous aider. Il y a une dernière question que

19 je vous pose. Vous avez souvent parlé de "documents de voyage" au lieu de

20 parler du "passeport." Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous utilisez

21 cette expression ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

22 R. Le document de voyage et le passeport, c'est la même chose.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etait-il possible quelles que soient

24 les circonstances que l'on franchisse la frontière en traversant depuis la

25 Serbie vers soit l'Albanie, soit la Macédoine en possession d'un autre

26 document autre qu'un passeport ou avec une combinaison de documents où il

27 n'y a pas de passeport ?

28 R. Oui, c'est possible.

Page 22933

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle était cette combinaison de

2 documents ?

3 R. Vous pouvez traverser la frontière aussi avec l'aide d'un laissez-

4 passer. C'est un document que vous donnez à une personne qui s'est

5 retrouvée dans un pays étranger sans son passeport. On lui émet ce laissez-

6 passer lui permettant de passer la frontière pour retourner chez lui.

7 Ensuite, vous pouvez aussi donner un

8 laissez-passer de touriste, ceci vous pouvez le donner à un touriste qui se

9 présente sans passeport ou qui a juste une carte d'identité et dans ce cas-

10 là, c'est un document qui est valable pour 30 jours. Vous avez aussi les

11 permis frontaliers, ça c'est pour les personnes, les résidants des zones

12 frontalières et avec ces laissez-passer, ces certificats, ils peuvent

13 traverser la frontière sans aucune entrave, à moins que des accords

14 bilatéraux en stipulent autrement.

15 Par exemple, vous aviez les citoyens de la Yougoslavie, de la

16 Bulgarie qui pouvaient voyager et traverser la frontière sans contrôle

17 quand ils se rendaient à certaines fêtes, et cetera. Vous pouvez aussi

18 passer la frontière en cas de force majeure, qu'il s'agisse des

19 inondations, tremblements de terre, peu importe, dans ce cas-là, on ne va

20 dire qu'on a traversé la frontière de façon illégale, même si les personnes

21 ne sont pas munies de pièces demandées parce qu'il s'agit, on s'inscrit

22 dans un cas de force majeure.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un Albanais du Kosovo muni d'une

24 carte d'identité valable, en cours de validité, pouvait-il demander un

25 laissez-passer de touriste pour se rendre en Albanie pour une période assez

26 limitée ?

27 R. Ces laissez-passer de touriste ne sont pas délivrés pour sortir du

28 pays, mais pour entrer dans le pays. Vous les donnez aux touristes qui

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1 viennent dans le pays, qui entrent dans le pays. Par exemple, s'ils

2 viennent en tant que touristes, il faudrait qu'ils aient des garanties des

3 différentes agences de voyage et dans ce cas-là, sur la base de ces

4 documents, on peut décider si on va leur donner un laissez-passer de

5 touriste ou non. De toute façon, il faut absolument que l'en informe notre

6 direction à Belgrade puisqu'il y a un registre spécifique qui concerne ces

7 laissez-passer, les laissez-passer délivrés aux touristes.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que la seule

9 façon dont un Albanais du Kosovo peut se rendre en Albanie pour visiter

10 l'Albanie dans des circonstances habituelles et normales, c'est muni d'un

11 passeport ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

14 Nous avons besoin de prendre une pause maintenant, Monsieur Ognjenovic. Je

15 vous demande de quitter le prétoire, c'est l'huissier qui va vous

16 raccompagner. Nous allons prendre notre pause et nous allons reprendre nos

17 travaux à 11 heures 20.

18 [Le témoin quitte la barre]

19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 49.

20 --- L'audience est reprise à 11 heures 21.

21 [Le témoin vient à la barre]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a des questions qui

23 découlent des questions posées ?

24 M. STAMP : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, vous souhaitez poser

26 des questions ?

27 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.

Page 22935

1 M. CEPIC : [interprétation] Oui, avec votre permission, une question qui

2 découle du contre-interrogatoire qui nous concernent, et vous-même, vous

3 avez posé plusieurs questions à ce sujet. C'est pour cela que je voudrais

4 éventuellement montrer un document au témoin, et ceci va nous aider peut-

5 être.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est un document dont le

7 témoin sait quelque chose ?

8 M. CEPIC : [interprétation] C'est un document militaire.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce qu'il en sait quelque

10 chose, le témoin ? Est-ce que vous pouvez répondre à la question que je

11 vous ai posée ?

12 M. CEPIC : [interprétation] Bien, c'est un événement qui est décrit dans ce

13 document et les membres du MUP y ont participé. Alors dans ce sens,

14 effectivement oui, il pourrait être au courant, d'ailleurs il en a parlé

15 dans sa déposition. Donc il s'agit d'un incident et les employés du MUP ont

16 péri au cours de cet accident sur cet axe routier Prizren-Vrbnica.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends.

18 M. CEPIC : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors quelle est la question que vous

20 avez poser ?

21 M. CEPIC : [interprétation] Par rapport au mouvement des réfugiés qui

22 s'avançaient le long de cette route, est-ce que ce témoin a reçu une

23 information quelconque des militaires.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. On va vous laisser poursuivre.

25 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Je vais demander que l'on présente sur nos écrans la

27 pièce 5D891.

28 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Cepic :

Page 22936

1 Q. [interprétation] Une question seulement, Monsieur Ognjenovic. Vous avez

2 dit que les membres du MUP ont péri sur l'axe routier Vrbnica-Prizren,

3 parce qu'il y avait des mines qui avaient été posées le long de la route.

4 Je vais vous demander d'examiner ce qui figure au niveau du premier

5 paragraphe où l'on dit que le

6 17 avril 1999, les fonctionnaires du MUP ont trouvé la mort, et cetera, et

7 cetera. Est-ce bien l'événement dont vous avez parlé ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci, Monsieur Ognjenovic.

10 M. CEPIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

11 Président.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

13 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Nouvel interrogatoire par M. Ivetic :

15 Q. [interprétation] Rebonjour, Monsieur Ognjenovic. Quand vous avez parlé

16 de l'incident qui a eu lieu le 27 mars, vous avez dit que deux personnes

17 sont venues et qu'elles ne disposaient pas de documents nécessaires ou des

18 passeports, et vous avez dit au niveau du compte rendu d'audience, page 38,

19 lignes 10 à 11, vous avez répondu à une question posée par le Juge Bonomy,

20 et vous avez dit que vous avez informé personnellement le chef de la

21 section Miomir Zdravkovic. Où était-il ? Il était le chef de quelle section

22 ?

23 R. Mais non, il n'était pas chef d'une section. Il était chef du

24 département.

25 Q. Mais il était où, physiquement, à Belgrade où…

26 R. Il était le chef du département de la police de frontière au niveau du

27 SUP de Prizren. Donc c'est un département auprès du secrétariat des

28 affaires intérieures de Prizren.

Page 22937

1 Q. Merci. Nous allons nous concentrer sur le passage de Vrbnica, donc la

2 frontière de Vrbnica. Proprement dit, pourriez-vous nous dire quelle était

3 la distance qui séparait la rampe de sortie yougoslave et la rampe d'entrée

4 albanaise, donc au niveau de ce passage frontalier de Vrbnica ?

5 R. La distance était d'à peu près 250 ou 300 mètres.

6 Q. Est-ce que je vous ai bien compris, est-ce que la frontière, la ligne

7 rouge, comme on dit, est quelque part au milieu de cette zone qui sépare,

8 qui se trouve entre les deux rampes ?

9 R. La ligne rouge se trouve au niveau du pont à peu près donc entre les

10 deux rampes.

11 Q. Dans cette zone intermédiaire entre les deux rampes, est-ce que vos

12 policiers ou bien les policiers albanais de leur côté, est-ce qu'ils sont

13 dans cette zone-là au moment où les civils traversent la ligne rouge ?

14 R. Oui, les policiers, les nôtres, ainsi que les leurs, étaient là si

15 besoin se présentait. Si, par exemple, vous avez les enfants qui couraient

16 par là, il ne fallait surtout pas qu'ils sortent de la route, enfin, il

17 était nécessaire de le faire, parce qu'il y avait les mines qui avaient été

18 posées et il y avait les barricades et tout, les barrages et tout. Donc il

19 fallait absolument que l'on veille à leur sécurité et à la sécurité du

20 passage.

21 Q. La question que je vais vous poser figure à la page 24 du compte rendu

22 d'audience, lignes 7 à 8, et ainsi que 20 à 24. Quand vous avez parlé des

23 documents et des plaques d'immatriculation que les gens qui passaient de

24 l'autre côté de la frontière jetaient, ai-je raison de dire qu'ils se

25 débarrassaient de cela une fois qu'ils aient passé la rampe de sortie

26 yougoslave et après avoir traversé la ligne rouge et après être entrés dans

27 le territoire albanais ?

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, on apprécierait que

Page 22938

1 vous ne posiez pas des questions directrices quand il s'agit des points

2 importants dans le cadre de vos questions additionnelles, puisque cela ne

3 nous aide aucunement.

4 M. IVETIC : [interprétation] Bien, je pense que je suis en train de lire ce

5 qu'il a déjà dit quand il a répondu aux questions posées au cours du

6 contre-interrogatoire. D'ailleurs, je ne sais plus si c'était vous ou M.

7 Stamp qui a posé la question, mais --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, s'il a vraiment dit cela, vous

9 n'avez pas besoin de lui poser la question. Et si vous voulez vérifier ce

10 qu'il a dit, bien, vous devez lui poser la question autrement. Vous devez

11 lui demander où exactement se sont-ils débarrassés de ces documents ? C'est

12 très simple. Ce n'est pas vraiment si complexe que cela.

13 M. IVETIC : [interprétation]

14 Q. Où exactement vous avez trouvé ces documents et ces plaques

15 d'immatriculation. Vous avez dit que vous les avez ramassés, puis vous avez

16 raconté d'autres choses à ce sujet ?

17 R. Ces objets dont les gens se sont débarrassés, on pouvait les trouver le

18 long du passage frontalier. Il est même arrivé qu'ils changent de plaques

19 d'immatriculation, qu'ils les enlèvent et qu'ils les mettent dans le coffre

20 de la voiture.

21 Q. Très bien.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pendant que M. Ivetic prépare la

23 question suivante, je voudrais revenir sur ce sujet, puisque c'est moi qui

24 vous ai posé la question au début. Je voudrais savoir c'est où exactement

25 vous avez trouvé Miomir Zdravkovic quand vous l'avez contacté ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai contacté immédiatement. Il était dans

27 le service de garde. C'est le service de garde, l'équipe de garde qui m'a

28 donné le numéro de téléphone de Zdravkovic pour que je puisse l'appeler,

Page 22939

1 donc je l'ai appelé immédiatement. Si vous voulez, cette équipe de garde

2 possède les numéros de téléphone des officiers de garde du secrétariat, et

3 c'est eux qui m'ont donné ce numéro de téléphone, je vais immédiatement

4 appeler au téléphone et j'ai informé Miomir Zdravkovic de la situation que

5 nous avions au passage frontalier.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

7 Monsieur Ivetic.

8 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin,

9 Monsieur le Président.

10 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur le même sujet à nouveau, vous vous

13 êtes entretenu avec qui dans le bureau du SUP de Prizren au sujet des

14 cartes d'identité pour savoir s'ils les

15 avaient ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai posé la question à l'employé du service

17 de permanence du SUP de Prizren.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec ceci se termine votre déposition,

19 Monsieur Ognjenovic. Je vous remercie d'être venu d'ici pour déposer. A

20 présent, vous pouvez quitter le prétoire accompagné de l'huissier.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

24 M. IVETIC : [interprétation] Notre prochain témoin est Dragan Milenkovic.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

26 M. IVETIC : [interprétation] En attendant, je pourrais poser une question

27 préliminaire pour ne pas perdre du temps par la suite. Je ne sais pas si le

28 Procureur a l'intention d'utiliser ce document au cours du contre-

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1 interrogatoire, mais ils nous ont envoyé un exemplaire en disant qu'ils

2 allaient l'utiliser par rapport à ce témoin. C'est un document qui a été

3 introduit à l'espèce il y a à peu près un an, par le biais d'un autre

4 témoin qui a déposé à l'époque, je pense que c'est Mme Natasa Kandic à

5 Belgrade, qui a publié certaines informations qui ne tombaient pas sous le

6 coup du devoir de communication, et à l'époque je pense que c'est Marcussen

7 qui était là et qui a dit que son bureau était très préoccupé de savoir

8 d'où venait la fuite. A cette époque-là, nous n'avons pas eu de résultats

9 de l'enquête qui a été faite, mis à part le fait que maintenant on nous

10 propose le même document, mais par un autre témoin, celui qui va venir.

11 Donc je voudrais savoir quels étaient les résultats de cette enquête qui a

12 été faite à l'époque par le bureau du Procureur et de quelle façon cette

13 information a fui jusqu'à Natasa Kandic, alors qu'il s'agissait de

14 l'information qui ne devait pas être communiquée en vertu d'un ordre de

15 juge.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous avons deux points

17 différents. Pourriez-vous nous dire quel est le numéro de ce document déjà

18 ?

19 M. IVETIC : [interprétation] Il y en a un qui a un numéro 6D. Voilà, en

20 fait, c'est P03092.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est l'objection exactement par

22 rapport à l'utilisation de ce document ?

23 M. IVETIC : [interprétation] C'est un article de journal et, mis à part

24 cela, je voudrais dire que tout simplement nous n'avons pas reçu

25 d'information quant à cette enquête qui a été faite, parce qu'il s'agissait

26 de savoir d'où Mme Kandic tenait ces informations. A l'époque ceci était au

27 cœur de beaucoup de préoccupations, parce qu'apparemment, elle avait

28 disposé de plus d'informations que le bureau du Procureur n'en a communiqué

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1 par rapport à ce document.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que cela nous ne concerne

3 pas, et peut-être qu'on n'a pas vraiment besoin de parler cela.

4 Monsieur Hannis, M. Ivetic vous demande quel est le résultat de cette

5 enquête qui avait été entreprise à l'époque.

6 M. HANNIS : [interprétation] Je dois dire que je ne suis pas au courant de

7 cela, je ne savais pas du tout qu'il y avait une enquête. Ce que nous

8 souhaitons faire, c'est tout simplement utiliser la photo qui figure dans

9 ce journal, c'est la photo de ce témoin. On a tout simplement l'intention

10 de lui demander s'il savait que sa photo avait été publiée dans ce journal

11 au mois de janvier 2007 et s'il a pris une action quelconque à ce sujet, et

12 cetera. Je ne vais pas poser de questions au sujet du contenu ni au sujet

13 de Natasa Kandic et ce qu'elle a dit.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour l'instant est-ce que je peux vous

15 demander tout de même de voir ce qu'il en est de cette affaire encore

16 pendante ?

17 M. HANNIS : [interprétation] Oui, effectivement. Je vais le faire.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 Nous pouvons poursuivre avec le témoin, et si vous pensez au moment

20 où la question va être posée qu'il y a eu lieu de faire une objection, vous

21 allez sans doute nous en avertir.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Milenkovic.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

26 prononcer la déclaration solennelle indiquant que vous allez dire la vérité

27 en lisant à haute voix le texte de la déclaration qui vous est présentée.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN: DRAGAN MILENKOVIC [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant c'est M. Ivetic qui va vous

7 poser ses questions en tant que conseil de M. Lukic.

8 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Interrogatoire principal par M. Ivetic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Milenkovic. Je m'appelle Dan Ivetic,

11 je vais vous demander de vous présenter rapidement pour que ceci soit

12 consigné au compte rendu d'audience.

13 R. Bonjour. Je m'appelle Dragan Milenkovic, je suis né le 28 janvier 1965,

14 dans un petit village très joli, le village de Lipovica dans la

15 municipalité de Lipovica, en Serbie. Mon père s'appelle Stanko, ma mère

16 s'appelle Smiljana. J'ai fait les études au niveau primaire dans mon

17 village, les quatre premières années. Ensuite j'ai terminé l'école dans le

18 village à côté dans la même municipalité. Après l'école primaire, j'ai fait

19 deux écoles au secondaire à Vlasotince. Comme je souhaitais travailler

20 comme policier, je me suis présenté au concours de l'école secondaire des

21 affaires intérieures de Sremska Kamenica. Après les vérifications

22 détaillées qui ont été faites, aussi bien à mon sujet qu'au sujet des

23 autres membres de ma famille, j'ai été admis dans cette école secondaire en

24 1982. En 1984, j'ai terminé ces études avec succès et après cela, j'ai

25 commencé à travailler comme policier chargé des affaires générales dans le

26 poste de police de Crna Trava.

27 Je suis marié, ma femme s'appelle Marija et j'ai deux fils. Un de mes fils

28 est policier, il travaille au SUP de Novi Beograd. Mon autre fils est élève

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1 de l'école secondaire de construction. Il a 17 ans. Il n'est pas marié. Mon

2 deuxième fils m'a donné un merveilleux petit-fils qui a deux ans et demi.

3 Q. Merci. Auriez-vous l'obligeance de nous parler précisément de votre

4 emploi au ministère de l'Intérieur de Serbie, en évoquant en particulier

5 les postes que vous avez occupés en 1998 et 1999 ?

6 R. Une fois que j'ai terminé mes études, comme je l'ai dit tout à l'heure,

7 je suis entré dans la police au poste de police de Crna Trava. J'ai

8 continué à occuper ce poste jusqu'en 1997, date à laquelle, à ma demande,

9 j'ai été transféré à Vlasotince, au poste de police de Vlasotince, qui se

10 trouve à environ 40 kilomètres de Crna Trava.

11 Q. Y a-t-il eu un moment où vous êtes devenu membre des PJP; et si oui,

12 quand et dans quelle formation ou dans quel détachement ?

13 R. Je suis devenu membre des unités posebne [phon] de la police en 1997,

14 je ne me rappelle pas le jour exact, au sein de la formation B, c'est-à-

15 dire, au sein du 87e Détachement de la police de l'époque.

16 Q. En 1998 et 1999, êtes-vous resté membre de cette formation ou y a-t-il

17 eu un changement ?

18 R. Il y a eu un changement. Après un certain temps, à ma demande j'ai été

19 transféré dans la formation A, à savoir la

20 4e Section du 37e Détachement des PJP.

21 Q. S'agissant du 37e Détachement des PJP, pourriez-vous me dire quelles

22 sont les compagnies qui composent ce détachement ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que l'interprète a dit au

24 sein de la formation A, qui correspond à la 4e Compagnie du 37e Détachement.

25 C'est bien cela, Maître Ivetic ?

26 M. IVETIC : [interprétation] Je crois, en effet. Mais je vais reposer la

27 question au témoin.

28 Q. Est-ce au sein de la formation A ou de la 4e Compagnie ou au sein des

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1 deux que vous avez été transféré ? Voilà, j'offre toutes les possibilités

2 de réponse au témoin, Monsieur le Président.

3 R. J'ai parlé de la formation A du 37e Détachement, c'est-à-dire, de la 4e

4 Compagnie du 37e Détachement.

5 Q. Merci. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelles sont les autres

6 compagnies qui composent le 37e Détachement des PJP et à quel endroit elles

7 sont stationnées ?

8 R. La 4e Compagnie du 37e Détachement se composait de six compagnies :

9 Pirot, Nis, Krusevac, Prokuplje, Vranje et Leskovac.

10 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire de quelle façon les grades étaient

11 décernés au sein des compagnies des PJP ?

12 Excusez-moi, il y a un problème technique pour les interprètes. Je

13 vais répéter pour que tout soit clair. Comment les grades étaient-ils

14 décernés au sein des PJP ?

15 R. Les effectifs des compagnies PJP provenaient des forces de police

16 régulières du secrétariat compétent.

17 Q. Pourriez-vous décrire à notre intention l'entraînement que vous avez

18 subi en tant que membre des PJP du MUP de Serbie ?

19 R. L'entraînement s'est fait dans le respect du règlement de la police. Il

20 se divisait en deux parties : une partie théorique et une partie pratique.

21 C'est le commandant de la compagnie qui travaillait également dans le

22 département de police de Leskovac qui a dirigé cet entraînement.

23 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les critères à respecter pour

24 être versé dans les PJP ?

25 R. Il s'agissait de critères bien déterminés que chacun des membres des

26 PJP devait satisfaire, à savoir une aptitude physique et mentale ainsi

27 qu'un comportement correspondant aux exigences du service.

28 Q. Pourriez-vous expliquer à notre intention quelle est la différence

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1 entre un employé du secrétariat de l'intérieur, dont le nom figure sur la

2 liste des PJP, et un autre dont le nom ne figure pas sur la liste des

3 membres des PJP ?

4 R. Il n'y avait pas de différence importante, hormis une petite différence

5 au niveau de la solde. Je peux vous donner un exemple. En tant que membre

6 des PJP, ou plutôt, en tant que policier de la police, je percevais une

7 solde de 100 dinars, alors que lorsque j'ai été versé dans les PJP - si je

8 me souviens bien, parce que cela fait déjà longtemps - à cette solde

9 s'appliquait un pourcentage d'augmentation de 0.45 ou 0.42, ce qui signifie

10 que ma solde est passée à 110 dinars, donc la différence est vraiment

11 négligeable, 10 dinars. Je vous donne cet exemple parce qu'en citant des

12 chiffres qui ne sont pas les chiffres réels, parce que je ne me rappelle

13 vraiment pas le montant de ma solde à l'époque.

14 Q. Je vous remercie. Au sein de cette compagnie PJP du 37e Détachement

15 dont vous faisiez partie, y a-t-il eu des volontaires, je veux parler

16 d'hommes qui avant d'entrer dans cette compagnie n'étaient pas employés par

17 le MUP de Serbie ?

18 R. Pourriez-vous expliciter un peu votre question ? Vous dites des

19 volontaires qui n'étaient pas des policiers d'active dans les postes où ils

20 travaillaient avant ?

21 Q. Y a-t-il eu des volontaires, à savoir des personnes qui n'étaient pas

22 salariées de la police, des personnes qui se sont portées volontaires pour

23 être versées dans votre compagnie ou votre détachement en 1998 ou 1999

24 précisément ?

25 R. J'affirme en toute responsabilité qu'il n'y a pas eu de volontaires au

26 sein de ma compagnie.

27 Q. Et qu'en est-il du détachement ?

28 R. Puisque nous ne sommes pas intervenus avec tout le détachement compte

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1 tenu de la spécificité des situations à l'époque, je n'ai jamais entendu

2 dire en tout cas qu'il y ait eu des volontaires au sein du 37e Détachement.

3 Q. Nous avons entendu des témoins ici, un témoin de l'Accusation qui a

4 parlé de quelque dix volontaires russes à peu près, au sein de votre

5 détachement. En vous fondant sur ce que vous savez des effectifs de votre

6 détachement, considéreriez-vous qu'une telle chose ait été possible en 1998

7 ou 1999 ?

8 R. Ceci est absolument impossible. Il n'y avait aucun volontaire en dehors

9 des membres à part entière qui s'acquittait de leurs tâches régulières au

10 sein de leurs unités.

11 Q. Je vous demanderais maintenant de décrire brièvement à notre intention

12 les tâches et affectations des PJP qui justifiaient que votre secrétariat à

13 l'intérieur fasse appel à vous ?

14 R. Les missions fondamentales des membres de ma compagnie, lorsque nous

15 étions engagés en dehors de notre poste, consistaient à rétablir l'ordre

16 public et le respect de la loi, à intervenir en cas de violations

17 importantes de la loi. Nos tâches consistaient également à intervenir dans

18 des rassemblements impliquant un nombre de personnes important ou des

19 rassemblements à risque comme, par exemple, des matchs de football. Nos

20 missions consistaient également à arrêter les auteurs de crimes graves ou

21 les membres de groupes terroristes précis que nous étions chargés

22 d'appréhender.

23 Q. En 1998 ou 1999, votre détachement a-t-il été appelé pour servir dans

24 la province serbe du Kosovo-Metohija ?

25 R. Oui.

26 Q. D'accord. Nous reviendrons sur ce point plus tard. Pourriez-vous nous

27 parler des armes que vous avez été entraîné et autorisé à utiliser en votre

28 qualité de membre des PJP lorsqu'il y avait engagement de votre formation ?

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1 R. En tant que membre d'une unité "posebna" de la police et à l'instar des

2 autres membres de ma compagnie, je possédais les armes que la loi prévoit

3 de distribuer aux membres de la police. J'avais un revolver CZ-99 et un

4 fusil automatique de calibre 6.72. Il y avait certains hommes qui

5 recevaient des armes un peu plus puissantes comme, par exemple, un fusil

6 mitrailleur M-72 ou une mitraillette de calibre 7.62. Certaines personnes,

7 certains hommes recevaient des armes plus puissantes.

8 Q. Peut-être le compte rendu d'audience n'a-t-il pas saisi tout ce que

9 vous avez dit. Pourriez-vous répéter quelles étaient les armes plus lourdes

10 que certains hommes de votre unité recevaient ?

11 R. J'ai déjà dit que pour ma part j'ai reçu un pistolet de calibre 9-

12 millimètres et un fusil automatique de calibre 7.62. Mais d'autres membres

13 de ma formation ont reçu un fusil mitrailleur M-84 de calibre 7.62. Il y

14 avait aussi au sein de mon unité des armes lourdes comme, par exemple, des

15 mortiers de calibre 60 et 82, puisque nous étions une formation

16 particulièrement entraînée à l'emploi de ces armes.

17 Q. En 1998 et 1999, pourriez-vous décrire à notre intention quel était

18 l'uniforme officiellement porté par les membres des PJP dans

19 l'accomplissement de leurs missions lorsque leur formation était engagée ?

20 R. Aux termes du règlement relatif au port de l'uniforme par les

21 policiers, en 1998 et 1999, les membres de mon unité portaient un uniforme

22 de camouflage bleu. Je ne me rappelle plus à quel moment exactement, mais

23 je crois que c'était au mois de septembre. Cela dit, je n'en pas suis sûr

24 avec une totale précision, mais je crois que c'était au mois de septembre

25 que les hommes ont également reçu un uniforme de camouflage de couleur

26 verte qu'ils ont porté à partir de cette date.

27 Q. Eu égard à ces deux types d'uniformes de camouflage, pourriez-vous

28 décrire à notre intention les insignes ou inscriptions que l'on pouvait

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1 voir sur ces uniformes ?

2 R. Sur l'épaule gauche figurait la mention très visible "policija." Nous

3 portions également une casquette et au centre de la visière se trouvait la

4 même mention très visible, casquette bleue. Puis il existait aussi un gilet

5 qui était une veste de combat de couleur verte sur laquelle figurait la

6 mention "policija" inscrite dans le dos en grands caractères de couleur

7 blanche que l'on pouvait lire à une distance de 80 à 100 mètres environ. Si

8 nous parlons maintenant de l'uniforme de camouflage vert, sur la manche

9 gauche figurait l'inscription "posebna policija" et nous avions également

10 une inscription sur la casquette accompagnée de l'image de deux épées

11 croisées et des armes de la Serbie. Nous avions également l'inscription

12 "policija" sur les vestes de combat, très facile à voir de loin.

13 Q. Pour que tout soit clair au compte rendu d'audience, à la page 55,

14 ligne 2, vous êtes enregistré comme ayant dit, casquette bleue ou béret.

15 Est-ce que vous avez dit cela effectivement et est-ce que les PJP portaient

16 un béret ?

17 R. Non, ils ne portaient de bérets. Ils portaient un couvre-chef

18 réglementaire, c'est-à-dire une casquette.

19 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que cela règle le problème

20 d'interprétation, Monsieur le Président.

21 Q. En 1998 et 1999, y a-t-il eu des cas où des uniformes non

22 réglementaires ou en tout cas des vêtements non réglementaires auraient été

23 portés par les membres des PJP de votre détachement ?

24 R. Pendant les années 1998 et 1999, alors que j'étais membre des deux

25 formations dont j'ai déjà parlé, nous avions un ordre strict qui nous avait

26 été donné par le commandant de la compagnie de l'époque, qu'il exigeait de

27 nous que nous nous en tenions strictement et en toute responsabilité au

28 règlement qui prévoit le port de l'uniforme réglementaire de l'époque, donc

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1 un uniforme décrit par la loi.

2 Q. Qu'en est-il de l'apparence physique décidée personnellement en privé

3 et des vêtements portés en privé, est-ce qu'ils étaient également

4 strictement réglementés par le commandant de la compagnie PJP ?

5 R. Oui, absolument. La façon dont l'uniforme était porté et l'apparence

6 physique de la personne étaient surveillées de près. Il n'y avait qu'un

7 nombre limité d'hommes, y compris moi-même d'ailleurs, qui, pendant un

8 certain temps ont été autorisés une courte barbe, et c'était une tolérance.

9 J'ai été autorisé à le faire, parce que j'avais subi une infection grave de

10 la peau du visage dont je subis encore les séquelles aujourd'hui. Toutes

11 ces séquelles sont dues aux circonstances dans lesquelles nous avons vécu à

12 l'époque qui se caractérisaient par un grave manque d'hygiène.

13 Q. L'état de la peau de votre visage vous empêchait de vous raser, n'est-

14 ce pas ?

15 R. Pourriez-vous me répéter votre question, je vous prie ?

16 Q. Vous avez parlé d'une infection de la peau du visage, pourriez-vous

17 nous dire en quoi cela affectait son apparence ?

18 R. C'était vraiment affreux. J'ai vu apparaître des espèces de phlegmons

19 sur mon visage remplis de pus qui ont eu une incidence très négative sur

20 les autres membres de ma formation qui m'entouraient.

21 Q. Est-ce que vous pouviez vous raser étant donné que vous souffriez de

22 cette infection ?

23 R. J'ai continué à me raser pendant un certain temps, mais chaque fois que

24 je me rasais ces espèces de croûtes qui apparaissaient sur mon visage se

25 sont multipliées, si bien que pendant un certain temps, j'ai porté une

26 courte barbe pendant le temps où j'ai pu le supporter, mais tout cela pour

27 empêcher que cette infection se diffuse sur tout mon visage. D'ailleurs, je

28 vous ai déjà dis et je le répète, que je souffre encore des séquelles de

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1 cette infection, car j'ai certaines parties du visage qui restent imberbes.

2 Q. Pendant que vous étiez membre des PJP en 1998 ou 1999, était-il d'usage

3 de fixer à son uniforme des rubans de couleur dans le cadre des actions

4 auxquelles participaient cette unité ?

5 R. Oui.

6 Q. Pourriez-vous nous dire de quelle couleur étaient les rubans utilisés

7 en 1998 ?

8 R. Si je me souviens bien, les couleurs utilisées étaient le bleu, le

9 jaune et le rouge.

10 Q. Quelle était la couleur des rubans utilisés en 1999 ?

11 R. Je pense que les couleurs utilisées étaient les mêmes, bleu, jaune et

12 rouge.

13 Q. Des rubans de couleur ont-ils été utilisés pendant toute l'année 1999

14 ou uniquement pendant une partie de cette année-là ?

15 R. Je ne me souviens pas exactement quand ces rubans ont été utilisés,

16 mais je crois que leur emploi a commencé à la fin du mois d'avril 1998 et

17 qu'ils ont continué à être utilisés jusqu'à la fin de la guerre, en juin

18 1999.

19 Q. Je ne sais pas si c'est un problème d'interprétation ou pas, mais quand

20 les rubans de couleur ont-ils été utilisés pour la première fois, pendant

21 l'année 1999 parce que la réponse versée au compte rendu d'audience fait

22 mention de l'année 1998.

23 M. HANNIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, au compte

24 rendu il est également question de la fin de la guerre en 1999.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question n'avait rien à voir avec

26 1998, donc la demande d'éclaircissement est justifiée, Monsieur Hannis.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous répéter votre question, je vous

28 prie.

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1 M. IVETIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur, à quel moment de l'année 1999 des rubans de couleur ont-ils

3 été utilisés pour la première fois, d'après ce que vous savez ?

4 R. Pour autant que je le sache, mais je n'en suis pas sûr à 100 %, je

5 crois qu'ils ont été utilisés dès le moment où la guerre a commencé, c'est-

6 à-dire, au mois d'avril, mais je répète, cela fait pas mal de temps et je

7 répète que je n'en ai pas un souvenir à 100 %.

8 [Le conseil de la Défense se concerte]

9 M. IVETIC : [interprétation]

10 Q. Quand vous dites "immédiatement après la guerre", est-ce que c'est

11 après le début de la guerre ou après la fin de la guerre ?

12 R. Je crois que tout à l'heure j'avais déjà dit que c'était après le début

13 de la guerre. Et plus tard, je peux aussi vous expliquer pourquoi on

14 portait ces rubans.

15 M. IVETIC : [interprétation] D'accord. Pour le compte rendu d'audience,

16 Monsieur le Président, j'indique que nous avons les pièces à conviction

17 6D761 et 6D237 qui concernent l'emploi de rubans de couleur.

18 Q. Pourriez-vous, Monsieur, nous dire pourquoi l'emploi de ces rubans de

19 couleur a commencé ?

20 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous faire préciser s'il est

21 question de 1998 ou de 1999 ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

23 M. IVETIC : [interprétation] Bien, si cette demande est justifiée, allons-

24 y.

25 Q. En 1998 ou 1999, des rubans de couleur ont-ils été utilisés et pourquoi

26 ?

27 R. Ces rubans ont été utilisés pour une seule raison. Il arrivait, quand

28 nous étions sur le terrain, que les Siptar terroristes se soient procurés

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1 des uniformes de camouflage bleus, et par la suite aussi des uniformes de

2 camouflage verts, et qu'il pénètrent facilement dans des immeubles, des

3 maisons, ou des quartiers de la ville et des villages où étaient installés

4 les représentants de la police ou de l'armée, ou même des citoyens. Ils y

5 pénétraient et commettaient des crimes sans aucun obstacle.

6 Q. Très bien. Peut-on maintenant aborder la période, en 1999, pendant

7 laquelle -- je retire cette question.

8 [Le conseil de la Défense se concerte]

9 M. IVETIC : [interprétation] Toutes mes excuses.

10 Q. Tout d'abord 1998. Avez-vous eu l'occasion d'aller à Orahovac au

11 Kosovo-Metohija durant 1998, vous a-t-on envoyé à Orahovac cette année-là ?

12 R. Oui.

13 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment cela s'est passé ?

14 R. Je ne pourrais pas vous dire à quel moment cela s'est passé, ni date,

15 ni mois.

16 Q. Vous pouvez peut-être nous dire ce qui se passait à l'époque à Orahovac

17 ?

18 R. Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît.

19 Q. Quand on vous a envoyé à Orahovac en 1998, quelle était la situation

20 qui prévalait à cette époque ?

21 R. A l'époque où nous, c'est-à-dire, notre unité, avons été envoyés à

22 Orahovac pour exécuter nos missions régulières en tant que renfort du poste

23 à Orahovac, la situation était très tendue, ce que je veux dire c'est que

24 les gens là-bas avaient peur des activités de l'UCK.

25 Q. Y a-t-il eu une période particulière pendant laquelle les activités de

26 l'UCK ont gagné en intensité d'une manière très importante ?

27 R. Oui. C'était en juillet, la ville d'Orahovac à cette époque-là se

28 trouvait entre les mains de l'UCK.

Page 22954

1 Q. Votre compagnie de la PJP a-t-elle participé à des activités visant les

2 forces de l'UCK qui tenaient la ville d'Orahovac entre les mains en juillet

3 1998 ?

4 R. Oui.

5 Q. Pourriez-vous nous dire quelles sont les activités menées par votre

6 compagnie pendant cette période ?

7 R. En juillet, plus précisément le 18 juillet, une partie de ma compagnie

8 était cantonnée à côté du village Drakovina sur la route Djakovica-

9 Pristina. Sur ordre donné par le chef de cette compagnie, une partie de

10 l'unité a été utilisée dans les actions de libération de la ville

11 d'Orahovac. La compagnie a été transportée en camion jusqu'à Zrze, c'est un

12 lieu habité situé sur la route Prizren-Djakovica, et c'est à cet endroit-là

13 que nous avons appris par des membres d'autres unités qu'Orahovac était

14 sous le contrôle des terroristes, que leur position était bien fortifiée et

15 que les terroristes étaient très bien armés, ce qui faisait que leurs

16 actions dirigées contre nous étaient très intenses.

17 En plus, pour des raisons de sécurité, le chef de la compagnie, supposant

18 que les routes allaient être minées, a décidé que la compagnie allait

19 marcher sur Orahovac. Bien évidemment, conformément à la tactique des

20 activités de combat, nous sommes partis en direction d'Orahovac. En

21 arrivant à l'entrée de la ville même, nous avons entendu le bruit très fort

22 nous indiquant qu'il y avait des combats très intensifs se déroulant au

23 centre-ville et dans les parties peuplées par des Serbes, en direction de

24 l'endroit nommé Vran Stena. Notre entrée dans la ville d'Orahovac -- je me

25 reprends, à l'entrée de la ville, j'ai pu observer plusieurs chars de la VJ

26 qui n'étaient pas en train de tirer, ils étaient positionnés là-bas.

27 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Parmi les unités ayant participé à

28 cette action du déblocage de la ville d'Orahovac, y a-t-il eu des éléments

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1 des SAJ ?

2 R. En tant que membre de la section de reconnaissance, conformément aux

3 règlements, j'étais censé être parmi les premiers à entrer dans la ville.

4 Au centre-ville et à proximité du centre-ville, je n'ai pas aperçu de

5 membres de la SAJ. Mais j'ai entendu dire ultérieurement qu'ils y étaient

6 également, mais un peu plus loin, à une distance d'environ 500 à 600 mètres

7 en direction du quartier habité par les Serbes près de Vran Stena,c'est le

8 quartier qui est situé en direction de Malisevo.

9 Q. Avez-vous par hasard vu des civils tués ou des corps de civils à

10 proximité d'un poste de service à Orahovac ?

11 M. HANNIS : [interprétation] La question est de nature directrice.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sans aucun doute. Maître Ivetic,

13 essayez de poser des questions ouvertes.

14 M. IVETIC : [interprétation]

15 Q. Y a-t-il des postes de service à Orahovac ?

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous savez très bien que ce n'est pas

17 comme ça qu'on pose les questions. Vous n'avez pas pris la bonne partie de

18 votre question précédente pour bien la reformuler. Passez à autre chose.

19 Franchement, maintenant ça ne sert à rien de poser cette question.

20 M. IVETIC : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président,

21 mais dans les conditions dans lesquelles nous travaillons, je sens que je

22 suis soumis à une pression très grande.

23 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez, Maître Ivetic, avant de

25 poser votre question. Je dois vous dire que ça ne fait que quelques jours

26 depuis la fin de la semaine dernière que nous sommes en audience et nous

27 n'avions pas d'audience pendant la période qui a précédé. Chacun qui

28 travaille dans ce prétoire travaille dans les conditions identiques et vous

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1 n'avez pas plus de pression à subir que quelqu'un d'autre. Ça commence à me

2 fatiguer d'entendre tout le temps ou de voir des arguments par écrit, des

3 arguments de cette nature se référant aux conditions dans lesquelles nous

4 travaillons. Concentrez-vous sur votre travail et utilisez ce temps-là pour

5 travailler plutôt qu'à vous plaindre.

6 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai fait que vous

7 présenter ma position afin qu'elle soit consignée au compte rendu par

8 rapport aux questions soulevées. Vous avez dit des choses auxquelles je

9 sens que je dois répondre.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je ne pense pas qu'il s'agit là

11 de choses auxquelles vous devez répondre même.

12 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.

13 Q. Monsieur le Témoin, quelles étaient les relations entre les membres de

14 votre compagnie et les civils pendant l'opération de libération d'Orahovac

15 ?

16 R. -- les membres de ma compagnie et d'autres compagnies participant à la

17 libération d'Orahovac à l'égard des civils étaient très bonnes. Nous

18 respections tous la loi. Nous nous comportions conformément à la loi compte

19 tenu du fait qu'auparavant à plusieurs reprises nous avions été avertis par

20 notre supérieur, c'est-à-dire, par le chef de ma compagnie, de respecter

21 strictement les lois de guerre et l'attitude ou le comportement à l'égard

22 des civils. Je peux vous dire en conclusion que les relations avec les

23 civils étaient excellentes -- très bonnes.

24 Q. Bien. Quelle était la situation par rapport aux opposants des

25 rangs de l'UCK ?

26 R. Oui, ils ont résisté. Ils ont ouvert le feu depuis l'endroit connu

27 comme Vran Stena et Mala et Velika Krasta. Orahovac est situé dans une

28 vallée entourée de collines. Ils tenaient les positions sur ces collines,

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1 ce qui veut dire qu'au moment où ils se sont retirés de la ville, ils ont

2 pris position sur ces collines et de là ils pouvaient tirer sur nous avec

3 des armes de précision ou des armes lourdes. Plus tard nous avons établi

4 que les armements lourds étaient déjà placés dans des tranchées à Vran

5 Stena et Mala Krasta. Il s'agissait de canons de calibre 12,7.

6 Q. Bien. Nous allons parler encore un peu de 1998. Y a-t-il eu d'autres

7 endroits où des activités contre le terrorisme ont été menées ?

8 R. Oui, plusieurs endroits. Nous avions été informés qu'il y avait des

9 forces terroristes très importantes concentrées dans cette zone, et que

10 leur présence mettait en danger tous les citoyens du Kosovo et représentait

11 un danger également pour les forces de sécurité, par cela j'entends les

12 forces de la police et de l'armée.

13 Q. Vous souvenez-vous des noms d'endroits ?

14 R. Par exemple, Rakovina, c'était au moment où nous avons reçu la mission

15 de débloquer la route qui à l'époque était sous le contrôle des terroristes

16 siptar où la sécurité de circulation était très faible. La population ne

17 pouvait tout simplement pas utiliser cette route à cause de leur présence.

18 M. IVETIC : [interprétation] Juste une petite correction pour le compte

19 rendu. J'ai fait référence tout à l'heure à la pièce 6D671 et 6D237, page

20 58, lignes 9 à 10 du compte rendu. En fait, 761 est le même document que le

21 237. Pour les besoins de ce procès, c'est la cote 237 qui est la bonne.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. IVETIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous participé à des actions menées à Bajgora

25 en 1998, au sein de votre compagnie de la PJP ?

26 R. En toute responsabilité, je confirme que je n'ai jamais participé à une

27 action menée à Bajgora - et vous pouvez me croire sur parole que même

28 aujourd'hui je ne suis pas capable de situer cette montagne, si c'est une

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1 montagne.

2 Q. Vous nous avez expliqué que votre chef de compagnie vous a donné des

3 instructions portant sur le comportement à l'égard des civils. Durant 1998,

4 à un moment quelconque ou durant 1999, avez-vous à un moment quelconque

5 reçu des ordres de commettre des crimes contre les civils ou de vous

6 conduire d'une manière inappropriée ?

7 R. Non. Nous ne recevions pas d'instructions ou d'ordres de notre chef à

8 cet effet. Bien au contraire, d'une manière tout à fait explicite et d'un

9 ton, je dirais, même menaçant, il nous a donné l'ordre de respecter

10 strictement les conventions de Genève et tout autre réglementation portant

11 sur le temps de guerre. Alors, non, nous n'avons jamais reçu d'ordres de

12 nos supérieurs de commettre des crimes.

13 Q. Pourriez-vous me dire s'agissant de 1998 et 1999 et des radios

14 portables que vous utilisiez pendant ces activités, avez-vous pu utiliser

15 les indicatifs; et si oui, quels étaient ces indicatifs ?

16 R. Chaque compagnie, c'est-à-dire, le chef de compagnie et son adjoint,

17 les chefs des sections et les chefs de groupes disposaient des radios

18 portables qu'ils utilisaient pour communiquer entre eux. J'étais tout

19 simplement membre d'une section de reconnaissance et je n'avais pas moi-

20 même un poste de radio portable. C'était le chef de ma section qui en avait

21 un.

22 Q. Durant 1998 et 1999, dans le cadre de vos activités en tant que membre

23 de la PJP sur le terrain, avez-vous jamais entendu dire qu'un indicatif,

24 tel que "sibice," c'est-à-dire, allumette en serbe; ou "gumica," c'est-à-

25 dire, une gomme à effacer; ou "obelezje", ce qui veut dire une marque; est-

26 ce que vous jamais entendu dire que de tels indicatifs ont été utilisés ?

27 R. Non, jamais.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous entendu d'autres indicatifs

Page 22959

1 alors ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, une fois, en me trouvant à proximité du

3 chef de ma section et qui communiquait avec son commandant de la compagnie,

4 je l'ai entendu utiliser un indicatif.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était quoi alors l'indicatif que

6 vous avez entendu ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pensez maintenant à l'indicatif utilisé

8 par le chef de la section ou par le chef de la compagnie ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez dire que vous avez entendu

10 plusieurs indicatifs ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le chef de la compagnie, de notre compagnie

12 avait un indicatif étant donné que la compagnie était composée de cinq

13 sections et que chaque section avait son chef. Cela signifie que chaque

14 chef avait aussi son indicatif. Et au sein de chaque section, il y avait

15 trois groupes avec un chef de groupe, chacun disposant de son indicatif. Je

16 peux vous donner quelques exemples, si vous voulez, pour illustrer cela.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

18 Maître Ivetic, veuillez poursuivre.

19 M. IVETIC : [interprétation]

20 Q. -- en 1998 ou 1999, à un moment quel qu'il soit, avez-vous été témoin

21 d'un crime quel qu'il soit dirigé contre les civils, commis par des membres

22 de votre compagnie de la PJP ?

23 R. En toute responsabilité, je confirme n'avoir jamais vu un crime en

24 train d'être commis pendant que je me trouvais au sein de cette unité.

25 Q. Quelles étaient les instructions que vos supérieurs vous ont données

26 s'agissant des situations où les membres de l'UCK se trouvaient mélangés à

27 la population civile ?

28 R. Cela arrivait très souvent sur le terrain qu'un groupe de terroristes

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1 siptar menait ses actions sur le terrain, et quand il se rendait compte

2 qu'il n'arriverait pas à résister à nos unités, puisque nous étions mieux

3 équipés et que nous étions beaucoup plus capables du point de vue de

4 tactique de mener nos actions qu'eux, alors dans ce cas-là ils désertaient

5 leurs positions, rejetaient les armes, ainsi que des parties d'uniformes,

6 et se mélangeaient avec les colonnes de civils. Dans ce cas-là, le chef de

7 notre compagnie nous a donné l'ordre, qui a été transmis également aux

8 chefs des sections et des groupes, qu'il ne fallait jamais tirer sur ces

9 colonnes, parce que parmi ces personnes il y avait des civils, des hommes,

10 des femmes, des enfants innocents, des personnes âgées. Donc il nous a été

11 strictement interdit d'utiliser les armes dans ce cas-là.

12 Q. Bien. Vous avez fait référence à des parties d'uniformes que les

13 membres de l'UCK rejetaient. Pourriez-vous être un peu plus précis et nous

14 dire quelles sont les parties d'uniformes que les membres de l'UCK jetaient

15 ? Quels étaient les uniformes qu'ils avaient ?

16 R. On tombait sur des parties d'uniformes qu'ils portaient, principalement

17 le haut d'uniformes, la chemise, les tee-shirts de camouflage, de couleurs

18 vertes et rouges. J'ai entendu dire que c'étaient des parties d'uniformes

19 de production chinoise. Et parfois nous avons également trouvé des

20 uniformes de camouflage d'une meilleure qualité. Nous avons appris

21 ultérieurement qu'il s'agissait des uniformes de production allemande. Ces

22 uniformes avaient des petits points jaunes.

23 Q. Vous nous avez dit qu'ils jetaient leurs armes. Avez-vous eu l'occasion

24 de confisquer de telles armes suite à des activités de l'UCK; et pourriez-

25 vous nous dire, le cas échéant, de quels types d'armes s'agissait-il et

26 quelles sont les mesures que vous avez prises concernant ces armes ?

27 R. Notre procédure était la suivante : assez souvent on tombait sur leurs

28 armes, par exemple, les fusils avec la crosse en bois. Egalement sur des

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1 mitrailleuses de production chinoise. Nous trouvions aussi assez souvent

2 des armes lourdes, telles que canon 12.7 millimètres. Alors nos unités de

3 reconnaissance effectuaient régulièrement des missions de reconnaissance et

4 si on trouvait ces armes on en informait nos supérieurs. On informait

5 d'abord le chef du groupe, ensuite il informait le chef de la section, puis

6 le chef de la compagnie. Ce qu'on faisait d'habitude c'est de réunir toutes

7 les armes retrouvées lors de la reconnaissance à un même endroit. Ensuite,

8 on les chargeait dans des camions et on remettait les armes au

9 commandement, ce commandement situé dans une des villes un peu plus

10 importante, telles qu'à Prizren, Djakovica ou autre.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, pensez-vous qu'on

12 pourrait faire la pause maintenant ?

13 M. IVETIC : [interprétation] J'allais aborder un autre sujet, donc le

14 moment est tout à fait approprié.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Avant la pause, vous nous avez demandé d'éviter les formalités

17 inutiles s'agissant du remplacement de la traduction pour le document

18 6D1004. Etant donné qu'il n'y a pas d'objection, cette nouvelle traduction

19 passera la traduction précédente.

20 Monsieur Milenkovic, nous devons faire la pause maintenant. Je vous prie de

21 quitter le prétoire. L'huissier va vous y accompagner. Nous allons

22 reprendre le travail à deux heures moins quart.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 [Le témoin quitte la barre]

25 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 46.

26 [L'Accusé Pavkovic est absent]

27 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

28 [Le témoin vient à la barre]

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

2 M. IVETIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Milenkovic, je voudrais parler de quelque chose dont a déjà

4 commencé à parler. Il s'agissait de noms de code et vous avez dit que

5 différents commandants au sein de votre compagnie avaient différents noms.

6 Est-ce que vous pourriez nous dire tout d'abord qui était le commandant de

7 votre peloton de reconnaissance ?

8 R. Vous m'avez demandé qui était le commandant de ma section de

9 reconnaissance ?

10 Q. Oui.

11 R. C'était Zoran Markovic, surnommé Cecko.

12 Q. Est-ce que vous vous souvenez des chiffres ou des indicatifs d'autres

13 commandants de la structure ?

14 R. Son indicatif était Cegar 41/ -- 45/1, le commandant de la 4e Section

15 était Cegar 45. Les autres, par exemple, le premier commandant de la

16 section de reconnaissance était Cegar 45/1; celui de la 2e, c'était 45/2;

17 et de la 3e Section, son indicatif était Cegar 45/3.

18 Q. Merci. Maintenant je voudrais me concentrer sur la période de 1999.

19 Est-ce que vous et votre compagnie de la PJP avez eu la possibilité de vous

20 rendre dans le village de Ljubizda à proximité de Prizren et, le cas

21 échéant, pourriez-vous nous décrire les activités qui étaient les vôtres.

22 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi, on a un problème de traduction.

23 M. CEPIC : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président, page 69,

24 ligne 1, on peut lire la 2e Brigade de blindés mécanisée, mais ce n'est pas

25 ce que le témoin a dit. Je pense qu'il faudrait corriger ça.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a donné les indicatifs et vous avez

27 donné notamment celui de Cegar 45/2. Ceci correspondait à qui ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le commandant de la section des

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1 blindés mécanisée qui faisait partie du 5e Peloton. Donc c'était une

2 section qui utilisait un camion 110, comme on appelait, qui était en fait

3 un camion blindé protégé avec des objets en métal et des espèces de bandes

4 en caoutchouc.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

6 Monsieur Ivetic.

7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Maintenant, je vais vous demander de vous concentrer sur l'année 1999.

9 Est-ce qu'en 1999 vous et votre compagnie de la PJP vous avez eu la

10 possibilité d'être en mission dans le village de Ljubizda à proximité de

11 Prizren; le cas échéant, pourriez-vous nous expliquer ces activités par

12 rapport à ce déploiement ?

13 R. Effectivement, nous avons eu des activités dans ce village qui se

14 trouve pas loin de Prizren. Je ne saurais vous donner le nombre de

15 kilomètres qui sépare ce village de Prizren, mais je dirais que c'était à

16 peu près pas plus que 10 kilomètres.

17 Q. Pourriez-vous décrire les activités auxquelles votre compagnie et les

18 autres unités des PJP avaient participé à Ljubizda pendant cette période-là

19 de l'année 1999 ?

20 R. D'après les informations qui me venaient de mon commandant de section,

21 peloton, et cetera, car il avait reçu ces informations aussi du commandant

22 de compagnie, et cetera, on a été informé du fait que dans ce village il y

23 avait des groupes de terroristes. C'était un véritable bastion de

24 terroristes, ils étaient très bien organisés et armés et ils tiraient sur

25 les civils. Ceci a provoqué une grande peur auprès de la population du

26 village. Après les préparatifs détaillés, ma compagnie s'est dirigée vers

27 Ljubizda, nous qui faisions partie de cette section de reconnaissance, nous

28 étions les premiers tout naturellement.

Page 22964

1 Quand nous sommes arrivés tout près du village, même s'il n'y avait

2 aucune activité de la part de la bande des terroristes de l'UCK, nous avons

3 appris des villageois que dans ce village il y avait le QG du département

4 militaire de la ville de Prizren, et dans le village, il y avait, en tant

5 que commandant, M. Tomislav Mitic, colonel de son état. Je savais qu'il

6 était originaire de ma région et nos maisons se trouvaient à une distance

7 de 3 ou 4 kilomètres l'une de l'autre. Donc je souhaitais rencontrer cet

8 homme, puisque j'ai entendu dire qu'il était à Prizren.

9 On a demandé aux villageois où se trouvait le QG de ce département

10 militaire et nous sommes arrivés jusqu'à une maison où se trouvait le QG.

11 C'est là que le colonel Mitic nous a accueillis et c'est là que je l'ai

12 rencontré pour la première fois, parce que j'avais entendu parler de lui,

13 mais je ne le connaissais pas personnellement. Nous avons discuté un petit

14 peu et il nous a dit qu'il n'y avait pas d'activités de Siptar dans le

15 village, que le village était très calme, qu'il n'y avait pas de problèmes.

16 Aussi nous a-t-il dit que du village voisin - je pense que c'était le

17 village de Korisa qui se trouvait, je pense, à 5 à 7 kilomètres de Ljubizda

18 - que dans ce village il y avait le groupe de terroristes très puissant qui

19 était retranché là. Ils avaient des positions d'où ils agissaient à l'aide

20 de fusils à lunette sur des civils et autres structures dans le village de

21 Ljubizda. Je dois répéter autre chose.

22 Juste avant, mon commandant de compagnie est venu, M. Nenad

23 Stojkovic, il a parlé avec M. Mitic. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dits,

24 mais peu de temps après, deux ou trois heures plus tard, nous avons quitté

25 Ljubizda et nous nous sommes dirigés vers Korisa.

26 Q. Bien.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Pour que ceci soit bien

28 clair, parce que je ne suis pas sûr que l'information que nous avons est

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1 bien la bonne. L'UCK tirait sur vous alors qu'ils se trouvaient à Ljubizda,

2 à 7 kilomètres de là ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Ce n'est pas cela que j'ai dit,

4 me semble-t-il. J'ai l'impression que j'ai dit que Ljubizda se trouvait à

5 une distance de 5 à 7 kilomètres du village de Ljubizda, mais les

6 terroristes siptar qui avaient leur bastion là-bas, puisque c'était un

7 village qui était vraiment au pied de la montagne, donc sans doute qu'il y

8 avait des terroristes qui étaient plus près du village de Ljubizda, c'est

9 de là qu'ils agissaient en tirant sur la population et les installations du

10 village.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc vous ne savez pas où ils étaient,

12 n'est-ce pas ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous répéter la question. A qui

14 faites-vous référence ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais aux terroristes.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le savais pas, c'est le colonel qui

17 m'a appris qu'ils étaient dans les collines, juste au-dessus du village.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et ils ont tué combien de civils ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 Monsieur Ivetic.

22 M. IVETIC : [interprétation]

23 Q. Au total, votre compagnie a passé combien de temps dans le village de

24 Ljubizda ?

25 R. Je ne saurais vous répondre avec sûreté, mais je pense que nous y avons

26 passé entre cinq et six heures.

27 Q. Merci. Pendant ce temps est-ce que vous avez eu des contacts avec des

28 civils, mis à part les civils que vous avez déjà identifiés ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pourriez-vous me décrire cela ?

3 R. Cela s'est produit au moment où nous sommes entrés dans le village.

4 J'ai entendu dire de M. Mitic que ce village était peuplé par une

5 population mixte serbe, monténégrine et albanaise. Ce que j'ai pu voir moi-

6 même, c'est qu'à partir du moment où nous sommes entrés dans le village,

7 les gens étaient un peu perturbés. Sans doute avaient-ils peur à cause des

8 avions de l'OTAN qui bombardaient, et à cause des activités de ce grand

9 groupe de terroristes siptar qui se trouvait à proximité même du village.

10 Comme ils avaient peur de tout cela, ils quittaient leurs foyers et se sont

11 dirigés dans le cadre d'une colonne qui est passée tout près du village, et

12 ils sont partis dans une direction qui m'est inconnue, je n'ai pas

13 d'information à ce sujet.

14 Q. Est-ce que je peux vous poser la question suivante : est-ce que vous

15 avez des informations venant de l'un quelconque de vos officiers

16 supérieurs, qui auraient donné les ordres qu'on évacue par la force les

17 civils de ce village ?

18 R. Vous pensez au village de Ljubizda ?

19 Q. Oui.

20 R. Je ne dispose de telles informations. Ceci ne s'est pas produit. Il n'y

21 a pas eu d'ordre portant sur l'éviction de la population du village,

22 surtout en ce qui concerne les Albanais. Vraiment j'en suis sûr, je peux

23 l'affirmer en toute responsabilité, il n'y a pas eu un tel ordre.

24 Q. C'est très bien. Vous avez mentionné le village de Korisa. En ce qui

25 concerne ce village, est-ce que votre compagnie avait la possibilité de se

26 rendre à Korisa ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. C'est

28 la question à laquelle vous allez pouvoir répondre dans quelques instants.

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1 Vous nous avez dit quels sont les ordres qu'on ne vous a pas donnés,

2 mais quels sont les ordres qu'on vous a donnés quand vous êtes entrés dans

3 le village ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai répondu aux

5 questions posées par la Défense en disant que mon commandant de compagnie

6 disposait de l'information que dans ce village de Ljubizda il y avait des

7 groupes de terroristes albanais qui étaient très bien fortifiés, très bien

8 armés, et qu'ils menaçaient et tiraient sur la population civile qui se

9 trouvait dans le village. Je pense que lui, il a eu cela de ses supérieurs

10 hiérarchiques.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand vous êtes arrivés, vous voyiez

12 la situation de vos propres yeux. Donc quels sont les ordres que vous avez

13 à partir du moment où vous entrez dans le village ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne pouvions pas voir s'il y avait des

15 groupes de terroristes dans le village, mais quand nous sommes entrés dans

16 le village, nous avons été informés par M. Mitic qu'ils n'étaient pas dans

17 le village même, qu'ils étaient dans le village à côté qui est plus près de

18 Ljubizda, qu'ils étaient situés plus près de Korisa.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant la question qui vous a été

20 posée par M. Ivetic : est-ce que vous êtes allé à Korisa ? Pouvez-vous

21 répondre ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

24 M. IVETIC : [interprétation] En ce qui concerne Korisa, pourriez-vous nous

25 dire s'il y a eu des activités dans ce village à cette époque-là - et là je

26 vais référence à votre compagnie de PJP ?

27 R. En allant de Ljubizda vers Korisa, nous avons été aperçus par les

28 terroristes. Ils ont commencé à se retirer de façon systématique en

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1 direction de la montagne qui était juste au-dessous Suva Reka, de sorte

2 qu'au moment où nous sommes entrés dans le village, vraiment à l'entrée

3 même du village, bien, il n'y avait pratiquement pas de la population là-

4 dedans, dans le village.

5 Q. Est-ce que vous avez des informations, est-ce que vous avez jamais

6 entendu un ordre donné par le commandant Mitrovic ou un autre officier de

7 PJP par rapport au village de Korisa, qui consisterait à encourager les

8 vols, pillages à Korisa ?

9 R. Non, ce n'est pas exact. Je n'ai reçu aucun ordre de mon commandant de

10 peloton ou de mon commandant de section qui, de toute façon, était en

11 liaison radio avec les commandants de compagnie. Comme souvent j'étais à

12 côté du commandant de compagnie, puisqu'il était souvent là, j'ai pu même

13 entendre les ordres qu'il donnait, lui. Je n'ai jamais entendu un tel

14 ordre. Il ne s'agissait pas de donner des ordres, on n'a pas eu des ordres,

15 c'était complètement interdit de voler, c'était strictement interdit. Tous

16 crimes qui constituaient une infraction aux conventions de Genève et autres

17 conventions internationales étaient strictement interdits.

18 Q. Merci. J'attends la fin de la traduction.

19 Maintenant nous allons aborder un autre thème. En essayant de faire

20 cela, je vais essayer d'aborder ce thème d'une façon très ouverte et c'est

21 pour cela que je vais demander que l'on présente la pièce P2629. Donc je

22 voudrais l'avoir sur l'écran.

23 Monsieur, est-ce que vous avez eu la possibilité déjà voir cette photo et

24 toutes les autres photos de cette série ?

25 R. Oui, je connais bien ces photos. Elles m'ont été montrées dans le

26 district du procureur qui poursuit le crime de guerre à Belgrade.

27 Q. [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous reposer la question ? On

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1 ne l'a pas entendue, on n'a pas entendu le début ?

2 M. IVETIC : [interprétation]

3 Q. Pourriez-vous nous dire quand on vous a montré ces photos quand on

4 parlait du bureau du procureur du district chargé de poursuivre les auteurs

5 des crimes de guerre et dans quelles circonstances ?

6 R. Ces photos m'ont été montrées, si mes souvenirs sont exacts, le 5 mars

7 2007 dans le département des crimes de guerre de Belgrade. Ils m'ont montré

8 quatre autres photos --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous interromps.

10 Monsieur Ivetic, apparemment il s'agit de photos sous pli scellé, je ne

11 sais pas pourquoi. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit,

12 pourquoi ?

13 Monsieur Hannis.

14 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, elles ont été montrées

15 par rapport à un témoin protégé.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc les photos en soi n'ont aucune

17 raison d'être confidentielles ?

18 M. HANNIS : [interprétation] Non, non, non, c'est uniquement si on fait les

19 liens avec le témoin protégé que le problème peut se poser. Je pense que de

20 toute façon ces photos ont été publiées dans un article de journal dont le

21 Procureur lui-même a parlé tout à l'heure.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, dans ce cas-là, il n'y a pas de

23 sceau de confidentialité. Nous levons le sceau de confidentialité

24 concernant ces photos.

25 M. IVETIC : [interprétation]

26 Q. Monsieur, tout d'abord, est-ce qu'on vous voit ici sur cette photo ?

27 R. Oui.

28 Q. Je vois que vous étiez en train de nous expliquer dans quelles

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1 circonstances on vous a montré ces photos, ensuite nous, on vous a

2 interrompu en parlant de la confidentialité des photos, et cetera. Mais

3 terminez d'abord le premier thème que vous avez commencé, à savoir les

4 circonstances dans lesquelles on vous a montré ces photos, ensuite nous

5 allons poursuivre. Donc dans quelles circonstances on vous a montré ces

6 photos ainsi que les autres photos à Belgrade au mois de mars 2007 ?

7 R. Au mois de mars, le 5 mars plus précisément 2007, j'ai été convoqué à

8 me présenter à UPOBOK à Belgrade pour parler des circonstances qui ont

9 entouré des crimes décrits sur ces photos.

10 Q. Est-ce que vous savez ou bien est-ce que le Procureur vous a dit

11 comment ils ont eu accès à ces photos ?

12 R. Oui, on me l'a dit.

13 Q. [aucune interprétation]

14 M. IVETIC : [interprétation] Je ne voudrais pas qu'on identifie qui que ce

15 soit. Enfin, je ne pense pas qu'on risque d'identifier qui que ce soit,

16 mais par excès de prudence peut-être qu'il serait utile de passer à huis

17 clos partiel juste pour être sûr que la question que je vais poser ne va

18 identifier une personne. Donc justement j'ai voulu demander ce qu'on lui a

19 dit par rapport aux photos et comment ces photos sont-elles arrivées au

20 bureau du procureur.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

22 M. HANNIS : [interprétation] Je ne vois pas quelle serait la réponse, mais

23 effectivement ceci pourrait être un peu délicat, donc effectivement, je

24 pense qu'il convient de passer à huis clos partiel.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous passons à huis clos

26 partiel.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

28 [Audience à huis clos partiel][Confidentialité levée par ordre de la Chambre]

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1 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

2 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire à présent ce que le procureur du

3 district de Belgrade vous a dit par rapport à la provenance de ces photos ?

4 R. On m'a dit - enfin c'est le procureur du département des crimes de

5 guerre qui m'a dit que ces photos ont été envoyées par un collègue qui

6 avait été avec moi dans la compagnie, qui est originaire de ma compagnie et

7 qu'il a donné ces photos à Mme Natasa Kandic qui, par la suite, a publié

8 ces photos dans le journal, dans la publication Danas, et c'est pour cela

9 qu'ils étaient intéressés par cette affaire, Il ne m'a pas donné le nom de

10 la personne qui lui a communiqué ces photos.

11 Q. Bien.

12 M. IVETIC : [interprétation] Nous pouvons repasser en audience publique et

13 nous pouvons rester en audience publique.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a une raison quelconque

17 pour que ceci reste confidentiel, Monsieur Hannis.

18 M. HANNIS : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc la portion du transcript qui

20 s'est faite pendant le huis clos partiel peut être rendue publique.

21 Maître Ivetic, vous pouvez poursuivre.

22 M. IVETIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Milenkovic, pourriez-vous nous décrire avec le plus de détails

24 possibles les circonstances, les faits qui ont entouré l'événement que l'on

25 voit sur la photo. Qu'est-ce qui s'est passé avant que l'on prenne cette

26 photo ?

27 R. Je ne me souviens pas quand est-ce que cela a eu lieu vraiment, parce

28 que cela s'est produit il y a longtemps. Le commandant de la compagnie nous

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1 a informés du fait qu'il y avait un groupe important de terroristes qui se

2 trouvaient au niveau de la localité des vignobles du village de Randobrava.

3 Je suis pas sûr sur lieu, mais je pense que c'est bien cela. Vu que nous

4 avions cet ordre en vertu duquel il s'agissait de se préparer - enfin, il

5 fallait prendre de l'équipement - et vu l'équipement qu'on nous a demandé

6 de prendre, je me suis dit qu'il s'agissait là d'une action de grande

7 envergure, où il s'agissait de libérer la communication dans cette zone.

8 Nous nous sommes dirigés à pied. Là encore, je ne suis pas vraiment

9 sûr, mais je pense que nous avons marché 7 à

10 8 kilomètres. Vous aviez un petit bosquet, et c'est là que fatigués que

11 nous étions et chargés que nous étions aussi, avec tout l'équipement, mais

12 aussi nous étions fatigués à cause de plusieurs séjours que nous avions

13 faits auparavant, où il y a eu des événements, bien, nous avons reçu

14 l'ordre du commandant de compagnie de nous reposer un petit peu. Nous

15 avions un véhicule blindé appartenant à notre compagnie, où se trouvait des

16 affaires qui nous étaient indispensables, telles que des vivres, l'eau, les

17 munitions, et quelques autres effets. Pendant que nous nous reposions, et

18 compte tenu du fait que d'autres compagnies ont participé au ratissage de

19 cette zone, autres compagnies du 37e Détachement, je pense maintenant

20 compagnies de Pirot, de Prokuplje, Krusevac, et peut-être aussi celui de

21 Vranje.

22 L'un des membres de la compagnie de Pirot avait besoin de se

23 soulager. Il s'est éloigné à une quinzaine ou vingtaine de mètres, et

24 quelques minutes plus tard, il est revenu en courant avec les pantalons qui

25 tombaient sous ses genoux et en criant, il a dit : "Eh, amis, camarades, je

26 viens d'apercevoir un grand groupe de terroristes tenant une position bien

27 fortifiée. Prenez place vite. Ils vont nous tuer." Et très vite, notre chef

28 de compagnie a été informé de cette situation et nous a instruit de prendre

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1 des positions de manière à protéger nos vies, de la manière la plus

2 efficace possible. Pendant que nous nous déployions, je suppose que nous

3 avons été aperçus par les terroristes siptar qui se situaient à environ 400

4 à 500 mètres de distance, et après nous avoir aperçus, ils ont commencé à

5 tirer sur nous. L'intensité de tir était effroyable. Ils ont tiré sur mon

6 unité, sur d'autres unités également.

7 M. IVETIC : [interprétation] Je vois que mon confrère souhaite dire quelque

8 chose.

9 M. VISNJIC : [interprétation] Le témoin a dit tout à l'heure, en parlant de

10 ce membre de la compagnie de Pirot, il a parlé d'un laps de temps de 10 à

11 20 secondes, et non pas de 10 à 20 minutes, comme c'est indiqué dans le

12 compte rendu.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Visnjic.

14 M. IVETIC : [interprétation]

15 Q. Bien. Monsieur Milenkovic, que s'est-il passé après ces tirs et combien

16 de temps les tirs ont duré ?

17 R. C'est justement ce que je voulais vous expliquer, ce que je voulais

18 vous dire. Ils ont tiré sur nous de fusils automatiques et des

19 mitrailleuses lourdes. Ça a duré environ deux heures. Le chef de ma

20 compagnie, M. Nenad Stojkovic, compte tenu du fait que nous nous trouvions

21 à proximité immédiate, il a informé le commandant que nous faisions l'objet

22 de tirs très intensifs, que les terroristes siptar se sont entranchés

23 [phon] sur des positions qui nous dominaient, qui surplombaient nos

24 positions, ce qui facilitait leurs tirs et faisait qu'ils pourraient très

25 bien causer beaucoup de pertes chez nous.

26 Il en a donc informé le commandant Mitrovic, et il a demandé de

27 l'aide, de l'aide signifiant l'appui d'un groupe de mortiers. Une dizaine

28 de minutes plus tard nous avons obtenu le soutien des mortiers. Mais étant

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1 donné que nous n'avions pas de moyens pour communiquer avec eux et que la

2 section de mortiers elle-même était restée un peu plus bas, un peu plus bas

3 des lieux où tout cela se passait, nous n'avons pas pu diriger, aider les

4 mortiers à préciser les tirs pour atteindre les cibles. Mais je pense que

5 c'est grâce à l'expérience des personnes qui utilisaient les mortiers, ils

6 ont, malgré le fait que nous ne pouvions pas les guider, ils ont réussi à

7 atteindre le centre même des tranchées de l'ennemi.

8 Q. Et alors ?

9 R. Les combats ont duré environ deux heures. Au bout de ces deux heures -

10 attendez, toutes mes excuses. J'ai oublié de vous dire quelque chose

11 d'autre. Pendant le combat, il y avait souvent des communications entre le

12 chef de la compagnie et le commandant, parce que le commandant voulait

13 savoir ce qui se passe et il donnait des ordres très stricts au chef de la

14 compagnie, de la nôtre - et j'imagine, aux chefs d'autres compagnies - de

15 prendre les positions permettant de sauvegarder les effectifs, de bien se

16 protéger, de réduire les pertes humaines au minimum.

17 Alors, après ces deux heures, le chef de notre compagnie a informé le

18 commandant Mitrovic de l'accalmie et nous avons pu voir de nos propres

19 yeux, à l'œil nu, nous avons pu observer les terroristes fuir en direction

20 des vignobles. J'ai entendu le commandant Mitrovic donner l'ordre à Nenad

21 Stojkovic par la radio d'évaluer la situation et de voir s'il était

22 possible d'envoyer un groupe de reconnaissance sur l'endroit depuis lequel

23 les terroristes siptar tiraient sur nous pour voir ce qu'il y avait là-bas.

24 Q. Finalement, ce groupe de reconnaissance a-t-il pu se rendre sur les

25 positions où se trouvaient les tranchées de l'UCK ?

26 R. Non. Nous, six membres de ce groupe de reconnaissance, nous avons pris

27 une position abritée d'où nous tirions sur les positions de l'UCK. Mais

28 pendant toute la durée des combats, nous n'avons absolument pas essayé de

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1 nous rendre là-bas; on ne voulait pas prendre de risque, ils avaient des

2 tranchées très fortifiées, ils étaient très bien armés, ils avaient des

3 armes très lourdes. Donc on risquait de subir des pertes très importantes

4 et ce n'était pas du tout notre objectif.

5 Q. Pourriez-vous nous raconter les événements qui ont précédé la prise de

6 cette photographie et les événements qui ont suivi la prise de cette

7 photographie ?

8 R. Je vous ai dit tout à l'heure que le commandant Mitrovic avait demandé

9 à Nenad Stojkovic de voir si on pouvait nous rendre vers les positions

10 préalablement tenues par l'UCK. Etant donné que les tirs étaient toujours

11 présents et que la situation restait toujours dangereuse, nous avons réussi

12 peu à peu à nous frayer un chemin sous les tirs et d'atteindre les

13 tranchées fortifiées par les terroristes siptar.

14 En atteignant les tranchées, nous avons évidemment appliqué les

15 techniques de rapprochement que nous avions appris lors de notre formation,

16 les positions de combat, et cetera. On était déployé à 7 de 10 mètres de

17 distance entre chacun de nous. En arrivant aux tranchées, nous avons vu une

18 image horrible, il y avait plusieurs personnes mortes, des couvertures, des

19 munitions, des équipements partout, quatre ou cinq mitrailleuses de

20 production chinoise. Je les reconnais très facilement, parce que j'en avais

21 vu beaucoup préalablement, j'en avais confisqué une certaine quantité et

22 remis à nos commandants qui les ont ensuite déposées au SUP.

23 Après avoir observé très attentivement ce qui se passait pendant

24 toute cette période, en essayant de nous assurer que personne ne nous

25 voyait, qu'il n'y avait personne de caché qui pourrait tirer sur nous, j'ai

26 entendu le chef de notre groupe informer le chef de la compagnie que nous

27 avions exécuté notre mission, que l'endroit était horrifiant, ensuite il a

28 reçu l'ordre de nous dire de fouiller très attentivement le terrain et de

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1 l'informer des résultats. Nous l'avons fait à quatre pattes, nous avons

2 essayé d'éviter que les terroristes cachés dans les vignes nous voient et

3 qu'ils nous tuent. A un instant, nous avons entendu quelqu'un soupirer dans

4 une des tranchées. Je me souviens que Dejan Mihajlovic, l'un des membres du

5 groupe de reconnaissance, et le chef du groupe de reconnaissance, Zoran,

6 ont décidé d'y aller les premiers. Ce n'était pas très loin, mais je les ai

7 entendus dire qu'il y avait des personnes blessées dedans. Je suis sorti du

8 buisson où je me trouvais avec mon fusil dans une position de combat, et

9 c'est ce que vous voyez sur la photographie, j'ai pris cette position au-

10 dessus de cette personne qui était très gravement blessée et qui avait du

11 mal à respirer. On entendait que des sifflements sortir de sa gorge

12 tellement ses blessures étaient graves.

13 A proximité il y avait un autre blessé qui avait été touché au bras et à la

14 cuisse, il avait du sang partout sur sa tête, peut-être qu'il a été touché

15 par un éclat d'obus ou tout simplement il s'agissait du sang qui avait

16 coulé d'autres blessures sur sa tête.

17 Il y a encore une photographie.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Pourriez-vous répéter ce que

19 vous avez dit à partir du moment où vous avez fait référence à une autre

20 photographie ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais aux photographies qui m'avaient été

22 présentées par le juge de la chambre spéciale chargée des crimes de guerre

23 de Belgrade.

24 Quand M. Markovic a enlevé le sac qui était accroché à l'épaule d'un de ces

25 blessés, nous avons supposé qu'il s'agissait d'un de leurs officiers, il a

26 ouvert le sac et il y a trouvé un téléphone. Plus tard, nous avons pu

27 établir qu'il s'agissait d'un téléphone mobile satellite. Il a pris ce

28 téléphone et il l'a donné à Goran Velickovic, l'adjoint du chef de la

Page 22978

1 compagnie, qui était parti avec nous à faire la reconnaissance. Après, lors

2 de l'examen de ce sac, Zoran a trouvé dedans un cahier de couleur noire et

3 dans le sac également plusieurs stylos bic.

4 En ouvrant ce cahier, il a vu qu'il contenait beaucoup de notes. Et

5 sur une des pages de ce carnet, il y avait une liste de personnes - encore

6 une chose que je dois vous dire, ce qui était annoté était en albanais,

7 mais aucun d'entre nous ne comprenions l'albanais, nous ne pouvions pas

8 parler l'albanais, nous ne pouvions pas lire l'albanais - mais sur une

9 page, nous avons vu une liste de noms de personnes, environ 70 noms de

10 personnes d'Orahovac, mais ce n'était pas marqué Orahovac, mais Rahovec,

11 c'est en fait l'appellation albanaise pour l'endroit que nous, les Serbes,

12 appelons Orahovac. C'est à partir de cela que j'ai tiré la conclusion qu'il

13 s'agissait de gens d'Orahovac, de Velika Hoca, Opterusa, et plusieurs

14 autres villages, mais je ne me souviens plus de quels villages il était

15 question là.

16 Pendant que Zoran examinait ce carnet, la personne qu'on voit ici sur la

17 photographie était encore en vie, mais elle avait beaucoup de mal à

18 respirer ainsi que celle qui avait le sac dans lequel se trouvait le

19 carnet. Alors Zoran avait un poste de radio portable qu'il a pris pour

20 informer le chef de la compagnie, Nenad Stojkovic, de la situation et de la

21 présence des blessés et les effets que nous avons retrouvés sur place.

22 Pendant qu'on faisait cela, un de nos camarades a réuni les armes qui

23 étaient dispersées partout dans les tranchées, je ne me souviens plus de la

24 quantité exacte, mais je pense qu'il y avait là trois ou quatre

25 mitrailleuses chinoises typiques, parce qu'elles avaient des tambours

26 ronds, c'est typique pour les mitrailleuses chinoises. Je suppose que notre

27 chef de compagnie a dû en informer le commandant, parce que c'était le seul

28 qui avait la possibilité de communiquer avec lui. Ensuite notre chef, Zoran

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1 Markovic, qui avait un autre poste de radio permettant la connexion directe

2 avec le chef de la compagnie, je pense qu'il a dû recevoir les ordres

3 d'essayer de sauver ces personnes, d'essayer de les transporter jusqu'à

4 notre camion de type 110 garé à proximité. Je me souviens que Zoran lui

5 avait dit que l'un des deux blessés était très gravement blessé, qu'il

6 risquait de mourir avant d'atteindre le camion, je pense qu'il s'agissait

7 de celui qu'on voit sur la photographie.

8 Compte tenu de cette situation et du fait que les tirs dont on faisait

9 l'objet se poursuivaient, nous avons essayé de sauver ces deux personnes,

10 pas seulement pour des raisons altruistes, pour leur sauver la vie, mais

11 pour d'autres raisons aussi, parce qu'ils pourraient tout simplement nous

12 être utiles pour obtenir des informations, parce que nous avons trouvé sur

13 eux une liste pour laquelle on supposait qu'elle contenait le nom des

14 Serbes exécutés dans les endroits mentionnés. Nous avons pris un drap sur

15 lequel nous avons posé, non pas celui qu'on voit ici sur la photographie,

16 mais l'autre, celui qui portait le sac avec les documents. Il avait sur lui

17 un pistolet, et par-dessus une veste, un gilet avec des cartouches, des

18 munitions pour le fusil automatique.

19 La personne qu'on voit ici sur la photographie, on s'est aperçu que

20 quelqu'un a dû déjà essayer de l'aider et comment. On a dû essayer de lui

21 couper la jambe au niveau de la cuisse, au-dessus du genou. Son genou était

22 complètement éclaté. Ça ressemblait quasiment une fleur écrasée, ce qui

23 indiquait qu'il n'a pas pu être touché par une balle simple, mais plutôt

24 par un éclat d'obus. C'était probablement un obus de mortier qui l'a

25 touché. Il perdait conscience, on se disait qu'on ne pourrait pas les

26 sauver tous les deux - et n'oubliez pas, on tirait toujours sur nous - nous

27 avons placé l'autre blessé sur ce drap et nous avons essayé de passer sous

28 les tirs en le portant, nous six, jusqu'au camion où nous attendait notre

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1 chef de compagnie. Ses blessures étaient moins graves que les blessures de

2 celui qui est resté sur place. Il pouvait parler. Il parlait très bien le

3 serbe et il nous a dit être originaire soit de Velika Krusa ou de Velika

4 Hoca, je ne suis pas tout à fait sûr. Il nous a demandé de l'eau.

5 Etant donné que nous étions très chargés et nous avions beaucoup

6 d'équipement, alors il était rare qu'on porte des bouteilles d'eau, et

7 souvent nos bouteilles étaient déjà vides, parce qu'on marchait beaucoup et

8 quand on avait soif on allait dans le camion pour en chercher. Alors il a

9 demandé de l'eau. Je dois vous dire, je me suis senti très mal. L'homme

10 était ensanglanté, il avait du sang sur le visage, une sorte de mousse

11 sanglante lui coulait de la bouche, je ne pouvais pas le regarder. Il avait

12 plu quelques jours préalablement et les traces des camions ont formé des

13 espèces de trous qui s'étaient remplis d'eau qui était claire. Alors j'ai

14 pris un sac plastique pour remplir ce sac d'eau, puisqu'on n'avait plus

15 d'eau dans nos camions, et j'ai approché le sac rempli d'eau de son visage.

16 Alors il a déchiré de ses dents le sac et a commencé à boire l'eau. Ensuite

17 notre chef, Nenad Stojkovic, nous a ordonné de prendre des positions de

18 défense en cercle pour le protéger. Il avait déjà demandé au commandant

19 d'envoyer une équipe qui allait enquêter sur place.

20 Nous nous sommes éloignés à une cinquantaine de mètres, nous avons pris nos

21 positions de défense en cercle. Peut-être une heure plus tard ou deux

22 heures plus tard, quelqu'un d'autre est parti vers le camion chercher

23 quelque chose, de la nourriture ou de l'eau, mais probablement de la

24 nourriture, parce que nos réserves d'eau étaient vraiment minimales, il en

25 restait quasiment plus. La nuit tombait déjà. Je ne sais pas lequel des

26 membres du groupe de reconnaissance c'était, mais quand il est revenu, il

27 nous a dit que l'homme qui avait été blessé est mort entre-temps. Je ne

28 sais pas ce qui s'est passé avec lui après cela.

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1 Q. Bien. Alors --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc c'est celui qui était à côté du

3 camion, c'est celui-là qui est mort, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et l'autre, celui qui était plus

6 gravement blessé, vous l'avez laissé ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons essayé de le sauver lui aussi, mais

8 compte tenu des tirs dont nous faisions l'objet --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Me Ivetic souhaite entendre des

10 réponses très détaillées, mais moi, je veux les réponses très directes.

11 Donc celui qu'on voit sur la photographie, c'est celui que vous avez laissé

12 ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on a essayé de l'aider --

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dites-moi, oui ou non. Je sais. Nous

15 comprenons. Nous comprenons ce que vous nous avez déjà dit. Est-ce lui que

16 vous avez laissé là-bas ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous l'avons laissé.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-il mort aussi ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Le plus probablement, oui. Oui, il est mort.

20 Mais si vous permettez, j'aimerais ajouter quelque chose, Monsieur le

21 Président.

22 Cette personne-là, je ne l'ai pas vue morte sur place. C'est le lendemain,

23 quand l'équipe d'enquête est arrivée, que j'ai entendu qu'il était mort.

24 L'équipe est arrivée la veille au soir. Donc on avait laissé l'équipe faire

25 son travail le lendemain, pendant la journée, parce qu'il était dangereux

26 de s'y rendre pendant la nuit.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez répondu précisément à la

28 question que je vous ai posée. Ce n'est pas la peine de rajouter des

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1 détails. Si besoin de détail existe, alors c'est

2 Me Ivetic qui vous les demandera.

3 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

4 Q. [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un instant, Maître Ivetic.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a une chose qui n'est pas tout à

8 fait claire. La personne qu'on voit ici sur la photographie, dites-nous,

9 étiez-vous présent au moment où cette personne-là est morte ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] C'est celui que vous avez laissé ?

12 Vous ne l'avez pas transporté ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

14 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Parce qu'il était gravement blessé.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

16 Maître Ivetic, allez-y.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était --

18 M. IVETIC : [interprétation]

19 Q. J'aimerais bien mettre au clair une autre question.

20 Tout d'abord, le Juge Bonomy vous a été demandé si vous étiez présent

21 au moment où cet homme-ci est mort. Dites-nous maintenant, étiez-vous sur

22 place physiquement au moment où l'autre est mort ?

23 R. Mais non. Je vous ai dit que j'avais reçu l'ordre de mon chef de

24 compagnie --

25 Q. C'est bien, très bien. Ça suffit.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la réponse du témoin n'est pas

27 complète.

28 Il a été consigné au compte rendu - et vous savez, Monsieur le

Page 22983

1 Témoin, en fait, le problème est causé par vous-même, parce que vous

2 répondez à autre chose et non pas seulement aux questions posées. Vous avez

3 commencé une phrase : "J'avais reçu l'ordre du chef de ma compagnie…"

4 Qu'est-ce que vous vouliez dire ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Vous devriez me reposer la

6 question si vous souhaitez que je complète cette phrase. Vous savez, Me

7 Ivetic m'a demandé de lui faire une description détaillée de ces

8 événements.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'était avant, mais après, on

10 vous a demandé si vous étiez présent au moment où la deuxième personne est

11 morte ?

12 Vous avez répondu : "Non. Je n'y étais pas, parce que j'avais reçu

13 l'ordre du chef de la compagnie…"

14 Et vous n'avez pas complété la réponse. Que vouliez-vous dire ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous l'avais dit un peu. Quand nous avons

16 réussi à transporter cette personne blessée à proximité du camion, nous

17 avons obtenu un ordre du chef de notre compagnie de nous déployer et

18 prendre des positions de défense circulaire afin de nous protéger nous-

19 mêmes et afin de protéger la personne blessée qui s'y trouvait, alors nous

20 l'avons fait. Les positions de défense circulaire, nous les avons prises à

21 une distance de 50 à 70 mètres de l'endroit où se trouvait le blessé.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Poursuivez, Maître Ivetic.

24 M. IVETIC : [interprétation]

25 Q. Des membres de votre compagnie ont-ils été formés en première aide ?

26 R. On avait un médecin qui était membre d'une unité de l'arrière, mais se

27 trouvait à 8 kilomètres de distance de l'endroit où nous étions.

28 Q. Avez-vous pu établir des contacts radio directs avec ce médecin ?

Page 22984

1 R. Quand j'étais à côté du camion, le commandant de la compagnie a essayé

2 d'obtenir le code Cegar 45/2 ou 3, je ne m'en souviens plus exactement,

3 mais en tout cas c'était le code de l'endroit où se trouvaient le médecin

4 et les responsables de la logistique. Mais comme nous utilisions des radios

5 manuelles, nous n'avions pas d'autres radios et les émetteurs avaient été

6 détruits. Je parle des émetteurs de télécommunications radio, et également

7 en raison de la configuration du terrain qui était très difficile, Nenad

8 Stojkovic n'a pas pu établir le contact avec cet endroit pour demander au

9 médecin et à d'autres de nous venir en aide. Mais il a informé Mitrovic

10 qui, je crois, se trouvait non loin de Prizren où la fréquence et les

11 transmissions étaient suffisamment bonnes, et parce qu'à Prizren ils

12 avaient aussi de meilleurs postes de radio que celui que possédait le

13 commandant de la compagnie. Donc il a informé par radio Mitrovic.

14 Q. S'agissant des éléments qui vous ont été montrés par le procureur

15 public de Belgrade, vous avez parlé d'autres photographies. Qu'a fait

16 l'Accusation de ces photographies ? Qu'avez-vous demandé à l'Accusation de

17 faire avec ces photographies ?

18 R. Au bureau du procureur de Belgrade on m'a montré cinq photographies, je

19 crois. La première c'est celle qui s'affiche actuellement sur les écrans

20 ici. Et j'ai demandé à ce moment-là au juge, puisqu'il affirmait que toutes

21 ces photographies avaient été prises par le même appareil, elles se

22 trouvaient donc sur le même film négatif, je lui ai demandé de me dire

23 quelle était la chronologie de la prise de ces photographies. Autrement

24 dit, quelle était la photographie qui avait été prise la première, la

25 deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième, et le procureur a

26 répondu à ma demande.

27 Dans la première on voit que je sors du buisson. C'est d'ailleurs la

28 photographie qui est de la meilleure qualité. Vous la voyez actuellement

Page 22985

1 sur les écrans et je porte un fusil prêt à tirer. Lorsque j'ai placé cette

2 photographie dans mon ordinateur à la maison, j'ai vu que le canon du fusil

3 n'était pas pointé sur cette personne et que mon doigt n'était pas sur la

4 gâchette.

5 Q. J'aimerais vous demander, si vous le permettez, si l'une ou l'autre des

6 autres photographies qui vous ont été montrées par l'enquêteur Stankovic,

7 et une fois que les photographies ont été placées dans l'ordre

8 chronologique, est-ce que l'on voit cet homme sur la photographie après

9 votre départ - je parle du procureur Stankovic et non du juge

10 d'instruction. Excusez-moi.

11 R. Je ne connais pas son nom. Je l'ai oublié. On m'a montré cinq

12 photographies, et je crois qu'on voit cette personne sur quatre

13 photographies; la seule sur laquelle on ne la voit c'est la première. Et il

14 y en a une sur laquelle on ne voit que lui et moi. Interrogé par le

15 procureur, puisque j'étais autorisé à poser des questions, je lui ai

16 demandé - parce qu'on voit ici que sur la légende de ces photographies, on

17 voit l'inscription montrant qu'il s'agirait d'une documentation relative à

18 un meurtre - je lui ai demandé au sujet de la deuxième et de la troisième

19 photographie, en tout cas, de la deuxième ou de la troisième, est-ce que la

20 personne qu'on voit sur cette photographie était vivante ou morte ? Et la

21 réponse a été cette personne est vivante.

22 Q. A votre connaissance -- non je reformule. Depuis le moment où vous avez

23 fait cette déposition devant le procureur l'année dernière, avez-vous été

24 mis en examen pour un quelconque acte répréhensible lié à cet incident ?

25 R. Non.

26 Q. A votre connaissance, l'un ou l'autre des membres de votre compagnie

27 PJP en dehors de vous a-t-il été mis en examen par le bureau du procureur

28 de Belgrade pour responsabilité pénale liée à ces événements ?

Page 22986

1 R. Je sais avec certitude que personne n'a été mis en examen. D'ailleurs

2 il y a une chose que je dois dire ici, vous ne m'avez pas posé la question,

3 mais je voulais déjà le dire avant, et je n'en ai pas eu le temps. J'ai

4 proposé au procureur du tribunal chargé des crimes de guerre qui

5 m'interrogeait, je lui ai proposé de

6 montrer les comptes rendus d'interrogatoires et de me soumettre au

7 détecteur de mensonges, car je savais parfaitement bien que personne

8 d'entre nous n'avait tué cette personne. Cette personne est morte suite à

9 une blessure grave. D'ailleurs on voit sur cette photographie dans quel

10 état était sa jambe, et il est tout à fait clair que cette blessure n'avait

11 pas été provoquée par un fusil ou par une arme de plus petit calibre.

12 Q. Je vous remercie, Monsieur Milenkovic. Je sais que cet interrogatoire a

13 été une épreuve pour vous. Je vous remercie pour votre temps et votre

14 coopération.

15 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

16 questions pour ce témoin.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Ivetic.

18 Maître Aleksic, des questions ?

19 M. ALEKSIC : [interprétation] Non.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, des questions ?

21 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation]

23 Monsieur Milenkovic, vous allez maintenant être contre-interrogé par le

24 représentant du bureau du Procureur, M. Hannis.

25 Monsieur Hannis.

26 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Contre-interrogatoire par M. Hannis :

28 Q. [interprétation] Monsieur Milenkovic, vous nous avez dit que votre

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1 premier emploi dans les rangs de la police se situait à Crna Trava, et

2 qu'ensuite, à votre demande, vous aviez été transféré en 1997. Pourquoi

3 avez-vous demandé à être transféré en 1997 ?

4 R. Je suis né à Lipovica qui est un tout petit village situé à 8

5 kilomètres de Vlasenica -- de Vlasotince et se trouve à être un tout petit

6 endroit où il n'y a aucune perspective de déroulement et de développement

7 de carrière pour quelqu'un qui resterait à cet endroit. Comme étions en

8 train de construire notre maison et que nous voulions que nos enfants

9 soient scolarisés dans une bonne école, nous voulions améliorer la

10 prospérité de notre famille, nous avons souhaité déménager à Vlasotince.

11 Q. Etes-vous toujours membre du MUP ?

12 R. Oui.

13 Q. A quel endroit ?

14 R. A la direction de la police de Leskovac dans la section de Vlasotince.

15 Q. Qui est actuellement le chef du poste de police de Leskovac ? Ou plutôt

16 qui dirige actuellement le SUP de Leskovac ? Je pense que c'est une

17 meilleure formulation de ma question.

18 R. C'est une erreur, car c'est le lieutenant-colonel Slavoljub Sakic qui

19 dirige le poste de police de Leskovac.

20 Q. Pendant que vous avez travaillé pour le MUP, avez-vous à quelque moment

21 que ce soit fait l'objet d'une procédure

22 disciplinaire ?

23 R. Oui, une fois ou deux fois, quelque chose comme ça. Il s'agissait de

24 toutes petites infractions au règlement. Si vous le souhaitez, je peux vous

25 dire de quoi il s'agissait exactement.

26 Q. Oui. Pourriez-vous nous parler de la première fois, à quel moment et

27 pour quelle raison ?

28 R. La première fois c'était - cela vous fera rire sans doute - c'était

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1 parce que je n'avais pas mon couvre-chef sur la tête. J'avais un chef qui

2 était très strict et j'ai eu une amende de 10 % de ma solde. La deuxième

3 fois c'était en 1990 ou peut-être 1989, je ne m'en souviens pas très bien,

4 mais je crois que c'était en 1990, en tout cas, j'ai eu un accident de la

5 circulation à bord d'un véhicule de service de la police, et à l'époque il

6 a été établi qu'une omission avait été commise par mon chef et d'autres

7 collègues et j'ai été sanctionné en étant affecté à un autre travail, donc

8 j'ai subi cette sanction sans congé de maladie. Je ne pense pas qu'il

9 s'agissait d'une infraction grave à mes obligations professionnelles. Un

10 accident de circulation peut arriver à n'importe qui est au sein d'une

11 compagnie à bord d'un véhicule de service ou pas.

12 Q. Absolument. Quand à peu près avez-vous subi la première sanction

13 disciplinaire pour non-port du couvre-chef, en quelle année ?

14 R. C'était il y a longtemps. Je crois que c'était en 1986 ou en 1987. Je

15 vais vous dire la vérité, je pourrais vous donner un autre exemple qui vous

16 expliquerait tout cela. C'était un jour de la fête de la jeunesse et il y

17 avait une course qui était organisée, un relais --

18 Q. Excusez-moi de vous interrompre --

19 R. -- et j'estime que mon commandant était quelqu'un de très sévère.

20 Q. Permettez-moi de vous interrompre. En dehors de ces deux sanctions,

21 êtes-vous en train de dire que ce sont les deux seules fois durant votre

22 carrière au sein du MUP où vous avez subi une sanction disciplinaire; c'est

23 bien cela ?

24 R. Je crois.

25 Q. Vous nous avez dit qu'après votre premier transfert, vous avez demandé

26 un nouveau transfert qui vous a amené dans les rangs de la formation A,

27 c'est-à-dire de la 4e Compagnie du 37e Détachement. A quel moment avez-vous

28 demandé ce deuxième transfert ?

Page 22989

1 R. Je me considérais comme une personne stable sur le plan physique et

2 mental et je pensais que j'étais apte à accomplir ce genre de travail. Je

3 tenais beaucoup à faire partie de la formation A, c'est-à-dire de la 4e

4 Compagnie du 37e Détachement. Mon intérêt n'avait rien de financier. Au

5 sein de cette formation se trouvait de vieux amis à moi, des amis du temps

6 de l'école et du temps où je travaillais dans un autre poste de police.

7 C'est cela qui a constitué le facteur décisif dans mon désir de rejoindre

8 la formation A.

9 Q. Est-ce que vous aviez un surnom utilisé par vos collègues de la PJP ?

10 R. Oui.

11 Q. Quel était ce surnom ?

12 R. Sisarka.

13 Q. Pourriez-vous nous expliquer la différence entre les formations A et B

14 du 37e Détachement des PJP, ou plutôt, des détachements des PJP ? Quelle

15 est la différence entre A et B, en l'espèce ?

16 R. Ce n'était pas une grande différence. La différence résidait

17 principalement dans le fait que les membres du 37e Détachement étaient

18 surtout des jeunes gens qui étaient psychiquement aptes et qui, à tout

19 moment, étaient prêts à accomplir des tâches délicates, pénibles, complexes

20 qui nous étaient assignées par le commandant. J'ai déjà dit tout à l'heure

21 qu'au sein de cette formation nous étions chargés de procéder à

22 l'arrestation de criminels graves et éventuellement de groupes terroristes

23 ainsi que de faire maintenir la loi et l'ordre dans des rassemblements

24 importants, matchs de football et autres.

25 Q. J'ai sans doute mal compris ce que vous avez dit plus tôt dans votre

26 déposition dans ce cas. J'ai cru comprendre que les détachements A étaient

27 ceux qui disposaient d'unités de manœuvre et qui allaient sur le terrain

28 pour faire un certain nombre de choses et que, en revanche, les

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1 détachements B étaient des détachements de réserve distribués

2 territorialement; ceci est-il exact ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. D'accord. Vous nous avez dit aujourd'hui, page 51, ligne 12 du compte

5 rendu d'audience que vous faisiez partie de la 4e Compagnie du 37e

6 Détachement et que ce 37e Détachement comptait six compagnies, et vous avez

7 donné le nom des lieux dans lesquels ces six compagnies étaient

8 stationnées. En quel lieu géographique se trouvait la

9 4e Compagnie ?

10 R. Les membres de la 4e Compagnie étaient des membres du secrétariat de

11 Leskovac et d'autres unités dépendant du secrétariat de Leskovac, à savoir

12 le poste de police de Crna Trava, Medvedja, Leskovac, Lebane, Bunik ainsi

13 que deux départements de la police qui faisaient partie de Leskovac : Vucje

14 et un autre.

15 Q. Pourriez-vous répéter le dernier ?

16 R. Vucje et Pecenjarice. Ces deux unités dépendaient du poste de police de

17 Leskovac et en faisaient partie intégrante.

18 Q. D'accord. Ces six compagnies du 37e Détachement en 1998 et 1999 ont-

19 elles participé à la guerre ?

20 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question.

21 Q. D'accord. Savez-vous avec certitude combien il y avait de compagnies au

22 sein du 37e Détachement en 1999 ?

23 R. Je le sais avec certitude.

24 Q. Combien y en avait-il, six ?

25 R. Oui.

26 Q. D'accord. Vous nous avez parlé de la différence de solde entre un

27 membre des PJP et un policier normal, et cette différence ne semblait pas

28 une motivation financière importante incitant à rejoindre les PJP. Donc

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1 vous ne l'avez pas fait pour l'argent, n'est-ce pas ?

2 R. C'est cela.

3 Q. Dans ce cas, quel était l'attrait des PJP ? Est-ce que vous receviez un

4 meilleur uniforme ?

5 R. Vous pensez à moi concrètement ?

6 Q. Ou à n'importe quel homme rejoignant les PJP. Portiez-vous l'uniforme

7 des policiers normaux ?

8 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, s'il pose la question

9 au témoin personnellement, je n'ai pas d'objection, mais s'il pose la

10 question au témoin au sujet de tous les membres des PJP, j'ai une objection

11 car il s'agirait de conjecture.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Ma question est simplement une question

14 générique. Est-ce que les membres des PJP avaient un uniforme de meilleure

15 qualité que les simples policiers, car cela aurait pu être une incitation

16 pour ces jeunes gens. Je m'efforce en tout cas de déterminer s'il y avait

17 oui ou non une différence dans la qualité de l'uniforme.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poser votre

19 question.

20 M. HANNIS : [interprétation]

21 Q. Dois-je la répéter, Monsieur, ou bien --

22 R. Oui.

23 Q. Les membres des PJP avaient-ils un uniforme de meilleure qualité qu'un

24 simple policier ?

25 R. Je ne crois pas que l'uniforme était de meilleure qualité, sauf peut-

26 être quelques détails mineurs.

27 Q. Qu'en est-il de l'équipement ? Est-ce que les membres des PJP avaient

28 un meilleur équipement ?

Page 22992

1 R. Au début de ma déposition, j'ai répondu à une question en disant que

2 selon le règlement relatif aux armes distribuées aux membres de la police,

3 à l'époque où je faisais partie du 37e Détachement, tous les policiers

4 recevaient les mêmes armes : un pistolet CZ-99 et un fusil mitrailleur de

5 calibre 7,62.

6 Q. Quelles étaient les armes portées par un simple policier ?

7 R. Absolument les mêmes. Mais un instant, je vous prie, si je puis

8 poursuivre. Vous m'y autorisez, Monsieur le Président ?

9 Si j'ai bien compris, dans une question précédente, vous m'avez demandé -

10 est-ce que vous pourriez avoir l'amabilité de me répéter la question

11 précédente, je vous prie ?

12 Q. Je ne sais pas à quelle question vous souhaitez que je remonte. Je vous

13 ai interrogé au sujet des armes que portaient les simples policiers. Vous

14 souhaitez que je répète la question précédente ?

15 R. Non, c'est cela. Le simple policier chargé des tâches normales dans son

16 poste de police recevait, bien sûr, un revolver

17 CZ-99 mais pas de fusil automatique.

18 Q. D'accord. Quelle était la marque de votre fusil

19 automatique ?

20 R. Mon fusil automatique était ce qu'il est convenu d'appeler une

21 kalachnikov de calibre 7,62, un fusil M-72.

22 Q. Quelle est la description du magasin ? Est-ce que le magasin de ce

23 fusil est en plastique ou en bois ?

24 R. Il est en métal.

25 Q. Receviez-vous des indemnités journalières ou une prime de combat

26 lorsque vous étiez envoyé au Kosovo, une somme qui s'ajoutait à votre solde

27 normale ?

28 R. Oui.

Page 22993

1 Q. Quel était le montant de cette rémunération

2 supplémentaire ?

3 R. Je ne saurais vous le dire vraiment. Je ne saurais vous dire quel était

4 son montant exact. Je ne peux pas répondre à votre question avec précision.

5 Q. Cette rémunération supplémentaire était-elle plus importante que la

6 différence entre la solde perçue par un membre des PJP et la solde perçue

7 par un simple policier, celle dont vous nous avez dit qu'elle était

8 négligeable ?

9 R. Je tiens à vous faire savoir ici que la solde était un montant que nous

10 recevions pour l'accomplissement de nos missions normales et régulières.

11 Lorsqu'on nous envoyait accomplir des missions particulières, alors la

12 somme que nous recevions était différente. Mais quelle était la différence

13 exacte, je ne m'en souviens pas, croyez-moi.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne crois pas avoir très bien

15 compris la situation.

16 Le complément que vous perceviez, vous avez parlé de 110 dinars au

17 lieu de 100 dinars. Est-ce que ce supplément vous le perceviez dans tous

18 les cas, parce que vous étiez membre des PJP ou uniquement lorsque l'on

19 vous envoyait accomplir des missions particulières ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Cette augmentation de 0,42 % ou 0,43 %,

21 c'est une augmentation que nous recevions sur la base d'une décision du

22 chef du secrétariat aussi longtemps que nous étions membre de ce

23 détachement. Maintenant, est-ce qu'il s'agissait d'un supplément qui était

24 prévu par un règlement adopté à un niveau élevé de la hiérarchie, je n'en

25 sais rien.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends cela. Je vous remercie.

27 Mais en fait, j'ai quelque difficulté à comprendre ce supplément de

28 0,42 % lorsque vous avez dit qu'en termes d'argent, il s'agissait

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1 simplement de 10 % de votre salaire. Cela ne fait pas grand-chose, mais

2 nous parlons maintenant de quelque chose de différent.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, et je vous ai dit que mes

4 motivations n'étaient pas financières.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends tout à fait. Je vous

6 remercie.

7 Monsieur Hannis, à vous.

8 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur Milenkovic, pendant le temps que vous

9 avez passé au Kosovo en 1998 et 1999, avez-vous eu connaissance de la

10 présence de volontaires russes qui auraient combattu à vos côtés ou aux

11 côtés de l'armée yougoslave dans la région de Prizren ? Avez-vous eu

12 connaissance de la présence d'une telle unité ?

13 R. J'affirme en toute responsabilité qu'au sein de ma compagnie comme au

14 sein de mon détachement, il n'y avait aucun volontaire qu'il soit russe ou

15 autre. Mais j'ai entendu des rumeurs selon lesquelles il y aurait eu des

16 volontaires, aussi bien du côté des terroristes de l'UCK que de notre côté.

17 Mais je ne peux pas l'affirmer, car j'affirme que je n'ai jamais rencontré

18 de volontaires ni au sein de ma compagnie, ni au sein de mon détachement.

19 Q. Votre détachement a-t-il participé parfois à des actions conjointes

20 avec des éléments de la 549e Brigade mécanisée dirigée par le colonel

21 Delic; cela a été le cas, n'est-ce pas ?

22 R. J'ai entendu parler de cette brigade, mais qui commandait cette

23 brigade, je n'en ai vraiment pas la moindre idée, car j'étais un simple

24 policier qui obéissait aux ordres du chef de mon groupe. Donc vraiment je

25 ne saurais répondre à votre.

26 Q. J'aimerais maintenant vous montrer une photographie, pièce P1596. On

27 vous a posé des questions relatives aux uniformes des membres des PJP, on

28 vous a demandé si pendant une partie des années 1998 et 1999, vous portiez

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1 des rubans de couleur. Vous voyez la photographie qui s'affiche sur votre

2 écran à l'instant ?

3 R. Oui.

4 Q. Sur la base de ces uniformes, pourriez-vous nous dire à quelle unité ou

5 formation militaire appartenaient ces hommes ?

6 R. Je ne connais pas les hommes sur la photographie, et quand je vois leur

7 attitude, leur manière de se comporter, je dirais qu'ils ne doivent pas

8 faire partie des unités des formations régulières de la police.

9 Q. Mais ne s'agit-il pas ici d'uniformes de camouflage bleus de la police

10 qui était portée en 1998 ?

11 R. Oui, il s'agit bien des uniformes de police, mais les gilets que ces

12 hommes portent ne sont pas les gilets de la police.

13 Q. N'est-il pas vrai qu'en 1998 et 1999 au Kosovo il y a eu une pénurie

14 d'uniformes et de bottes au sein du MUP et de la VJ ?

15 R. Je ne le sais pas.

16 Q. Vous vouliez dire que vous-mêmes, au sein de votre détachement, on ne

17 subissait aucune pénurie ?

18 R. Oui, probablement, parce que l'organisation de notre unité, de notre

19 compagnie fonctionnait d'une manière exemplaire. Et si vous le permettez,

20 je peux rajouter encore quelque chose.

21 Q. Oui, allez-y, s'il vous plaît.

22 R. Tous ceux qui étaient assignés à des missions gardaient leurs uniformes

23 chez eux en bon état, propres, et le moment venu, ils pouvaient les

24 prendre, et cela faisait que nous étions toujours tous habillés de façon

25 réglementaire et qu'on portait tous les mêmes uniformes.

26 Q. Bien. Veuillez examiner la photographie maintenant, on voit deux

27 personnes qui sont couchées sur le côté au sol. Celle de droite porte un

28 ruban sur son bras gauche. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

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1 Peut-être qu'on pourrait agrandir un peu un brassard ?

2 R. Si vous pouvez. J'ai une très bonne vue, je ne porte pas de lunettes,

3 mais malgré l'agrandissement, je ne suis pas capable de distinguer ce qui

4 est inscrit sur ce brassard.

5 Q. Bien. Vous connaissez bien les uniformes de police portés en Serbie en

6 1998 et 1999, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, je les connais bien.

8 Q. N'y avait-il pas un brassard qui était très semblable à celui-ci du

9 point de vue des couleurs et de la forme où était inscrit "policija" ou

10 "milicija", signifiant la "police" ?

11 R. C'est à peu près similaire. Mais regardez la personne qu'on voit

12 complètement à gauche de la photographie, regardez son pantalon, regardez

13 le pantalon de celui qui est debout à côté de lui, ces couleurs-là ne

14 correspondent absolument aux couleurs des uniformes que nous portions. Nos

15 uniformes comprenaient des éléments en couleur bleue de camouflage avec des

16 insignes de la police très distincte. Autre chose, regardez ici comment est

17 chaussée la personne complètement à gauche de cette photographie, la

18 couleur de ses brodequins ne correspond pas du tout au modèle standard que

19 nous recevions. Il s'agit typiquement des brodequins de l'armée.

20 Q. Bien. Alors êtes-vous d'accord que tous ces hommes qu'on voit sur cette

21 photographie portent un ruban rouge sur leur épaule gauche et un ruban

22 blanc sur leur épaule droite ?

23 R. Oui, je suis d'accord.

24 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on afficher maintenant la pièce à

25 conviction 6D667.

26 Q. C'est un document que nous avons déjà vu auparavant qui est censé être

27 un plan d'insigne à utiliser par les membres du MUP et de la VJ entre le 25

28 et le 31 juillet 1998. Vous vous trouviez au Kosovo pendant cette période,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Je n'ai pas très bien compris votre question. Pourriez-vous la répéter,

3 s'il vous plaît.

4 Q. Etiez-vous au Kosovo pendant la période allant du 25 au

5 31 juillet 1998 ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, lire ce document intitulé plan

8 d'inscription des unités du MUP et de la VJ pour la période du 25 au 31

9 juillet 1998 ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous voyez que selon ce plan des instructions et des signes

12 distinctifs, il a été prévu de porter un ruban rouge à l'épaule gauche et

13 un ruban à l'épaule droite au sein du 37e Détachement pendant cette

14 période-là ?

15 R. Oui. Nous avions des rubans, mais pas de ces couleurs-là. Nos rubans

16 étaient de couleur rouge, jaune et bleue, et je pense que nous avions

17 commencé à les porter, mais je ne suis pas sûr à 100%, mais disons, je suis

18 sûr à environ 90 % qu'on a commencé à les porter, fin avril, début mai,

19 peut-être le 24 ou le 25 avril, si je m'en souviens bien. Nous avons

20 commencé à porter ces rubans justement pour ces raisons-là. Je me souviens

21 d'un collègue qui a été kidnappé --

22 Q. Attendez, attendez. Vous répondez à autre chose et non pas à ma

23 question. Donc d'après vos souvenirs vous portiez des rubans bleus et non

24 pas blancs ?

25 R. Non, on ne portait pas de rubans blancs.

26 Q. Personne ne vous a dit que vous aviez des problèmes avec les couleurs,

27 que vous étiez daltonien, peut-être ?

28 R. Non, je ne le suis pas.

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1 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, là je ne comprends pas

2 tout à fait de quoi on parle. Il parle du mois d'avril, et je pense que le

3 témoin avait dit auparavant qu'il s'agissait d'avril.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Voulez-vous mettre cela au clair,

5 Monsieur Hannis ? On parlait de fin avril, début mai, quelle année ?

6 M. HANNIS : [interprétation] Je parlais de juillet 1998 tout d'abord.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Mais est-ce que le témoin parle

8 de la même année ?

9 M. HANNIS : [interprétation] Peut-être qu'il faudra qu'on établisse cela

10 d'abord.

11 Q. Monsieur, vous nous avez dit qu'en juillet 1998, vous portiez des

12 rubans bleus, jaunes et rouges et que vous ne portiez des rubans blancs ?

13 R. Ça je ne peux pas vous dire. Je ne me souviens vraiment pas.

14 Q. Très bien.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez avant d'aborder la question

16 suivante. Vous avez tout à l'heure fait référence au

17 24 et 25 avril de quelle année ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense, de l'année 1999.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais avant, vous avez déclaré que les

20 rubans étaient portés en 1998 et en 1999 ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne peux vraiment pas répondre à

22 cette question.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Vous nous avez décrit vos problèmes, problèmes liés à votre peau du

26 visage, de la barbe. Quelqu'un vous a-t-il conseillé, un médecin vous a-t-

27 il conseillé de ne pas vous raser, de laisser pousser la barbe afin

28 d'éviter ces problèmes de peau afin de montrer ce certificat, par exemple,

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1 à vos officiers, à vos supérieurs qui pourraient vous faire des problèmes à

2 cause de ça ?

3 R. Le docteur a personnellement informé le chef de ma compagnie de cela.

4 J'ai même eu des problèmes une fois, il ne voulait pas me laisser rentrer

5 chez moi pour le week-end avec une barbe aussi longue, et j'ai été

6 sanctionné pour cela. Ce docteur Bane Branislav, il est mort, il a demandé

7 au chef de ma compagnie de me permettre de ne pas me raser pendant une

8 période d'au moins dix jours. Je ne pouvais plus supporter ces problèmes,

9 et en plus les conditions dans lesquelles nous nous trouvions n'étaient

10 vraiment pas appropriées, l'hygiène était très mauvaise. Finalement, comme

11 je ne pouvais pas me laver régulièrement, finalement j'ai dû me raser.

12 Q. Bien. A quel moment avez-vous été envoyé pour la première fois au

13 Kosovo en 1998 ?

14 R. En avril.

15 Q. Lors de vos séances de récolement pour la déposition ici, n'avez-vous

16 pas pu trouver quelque chose qui vous aiderait à rafraîchir votre mémoire

17 quant à la date de votre arrivée au Kosovo ?

18 R. Non.

19 Q. Mais ne s'agit-il pas d'une information que vous pourriez trouver dans

20 votre dossier personnel ?

21 R. Je ne comprends pas votre question. Pourriez-vous la répéter ?

22 Q. Cette information, le jour de votre arrivée au Kosovo, cette

23 information ne devait-elle pas figurer dans votre dossier personnel ?

24 R. Oui, bien sûr. Chaque membre de la PJP avait son dossier personnel, son

25 carton, sa fiche contenant des informations précises au sujet de notre

26 arrivée au Kosovo, mais je ne l'ai pas tout simplement.

27 Q. Bien. Merci.

28 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

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1 est bon pour nous arrêter, si la Chambre est d'accord.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Hannis.

3 Monsieur Milenkovic, nous devons conclure nos travaux aujourd'hui, nous

4 allons les reprendre demain; ce qui veut dire que vous devez revenir ici

5 demain à 9 heures du matin. Entre-temps, il est très important pour vous de

6 savoir qu'il vous est absolument interdit de discuter avec qui que ce soit

7 de votre déposition. Vous pouvez parler de tout autre chose, mais il vous

8 est strictement interdit de parler de votre déposition.

9 Vous pouvez maintenant quitter le prétoire, l'huissier va vous

10 accompagner. On se voit demain de nouveau à 9 heures.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

12 [Le témoin quitte la barre]

13 --- L'audience est levée à 15 heures 31 et reprendra le vendredi 22 février

14 2008, à 9 heures 00.

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