Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 158

  1   Le lundi 11 mars 2013

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  6   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  8   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 10   Messieurs les Juges. Affaire IT-05-87-A, le Procureur contre Nikola

 11   Sainovic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic et Sreten Lukic.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Avant de commencer, est-ce que toutes les personnes présentes peuvent

 14   entendre les débats dans une langue qu'elles comprennent ?

 15   Monsieur Sainovic ?

 16   L'APPELANT SAINOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Monsieur Pavkovic ?

 19   L'APPELANT PAVKOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je peux

 20   suivre.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Lazarevic ?

 22   L'APPELANT LAZAREVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Lukic ?

 24   L'APPELANT LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je ne reposerai pas la

 26   même question tous les jours, mais si jamais vous rencontriez un problème,

 27   vous ne pouviez pas suivre les débats, n'hésitez pas à me le faire savoir,

 28   s'il vous plaît.


Page 159

  1   Je m'adresse aux parties à présent, peuvent-elles se présenter. Pour

  2   commencer, l'Accusation.

  3   M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  4   Messieurs les Juges. Peter Kremer, je représente le bureau du Procureur.

  5   Ici avec nous, et l'équipe ne sera pas toujours présentée de la même

  6   manière, Elena Martin-Salgado, Virginie Monchy également, et Colin Nawrot,

  7   notre commis à l'affaire.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Les conseils de la Défense, s'il vous plaît, peuvent-ils se

 10   présenter.

 11   M. FILA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Thomas Fila, je

 12   défends ici M. Nikola Sainovic, avec l'avocat Vladimir Petrovic.

 13   M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges. Johan Ackerman avec Aleksander Aleksic. Nous défendons

 15   ici le général Pavkovic, avec notre assistante Cathy MacDaid.

 16   M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 17   Messieurs les Juges. Mihajlo Bakrac et Djuro Cepic, nous défendons M.

 18   Lazarevic.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 20   Juges. Branko Lukic et M. Dragan Ivetic pour M. Sreten Lukic.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie, Conseils.

 22   L'Accusation et la Défense ont déposé un appel contre le jugement

 23   rendu le 26 février 2009 par la troisième Chambre d'appel de ce Tribunal.

 24   Conformément à l'ordonnance qui a été rendu le 18 janvier 2013 et le 31

 25   janvier 2013, la Chambre d'appel va aujourd'hui entendre les appels en

 26   l'espèce. Cette affaire porte sur la responsabilité pénale de M. Sainovic,

 27   M. Pavkovic, M. Lazarevic et M. Lukic pour le déplacement forcé de la

 28   population albanaise du Kosovo entre mars et juin 1999. Les accusés sont


Page 160

  1   accusés d'expulsion, d'autres actes inhumains, transferts forcés, de

  2   meurtres, de persécution par le moyen ou le biais d'assassinats, de sévices

  3   sexuelles, de destruction de biens culturels en tant que crimes contre

  4   l'humanité et d'assassinat et de meurtre en tant que violation des lois et

  5   coutumes de la guerre en vertu des articles 7(1) et 7(3) du Statut de ce

  6   Tribunal.

  7   La Chambre de première instance a constaté que pendant la période

  8   couverte par l'acte d'accusation, une entreprise criminelle commune

  9   existait, dont l'objectif commun consistait à assurer le contrôle par l'ex-

 10   République de Yougoslavie des autorités serbes du Kosovo, et ce, par des

 11   moyens criminels. La Chambre de première instance a décidé que par une

 12   campagne généralisée et systématique de terreur et de violence, la

 13   population albanaise du Kosovo devait être déplacée par la force à

 14   l'intérieur et à l'extérieur du Kosovo. La Chambre de première instance a

 15   en outre conclu que pendant que les crimes d'expulsion et de transfert

 16   forcé relevaient du champ de l'objectif commun, les crimes de meurtre, de

 17   persécution par l'intermédiaire des meurtres, les sévices sexuelles et la

 18   destruction des biens culturels sortaient du champ de l'objectif commun.

 19   La Chambre de première instance a constaté que M. Sainovic, l'ancien

 20   premier ministre de Serbie et vice-premier ministre de la République

 21   fédérale de Yougoslavie, disposait de l'intention de déplacer par la force

 22   la population albanaise du Kosovo, et a contribué de manière significative

 23   à l'entreprise criminelle commune.

 24   Etant donné que les membres de l'entreprise criminelle commune ont

 25   utilisé les forces de la VJ et du MUP pour concourir à la réalisation de

 26   leur objectif commun, les crimes commis par ces forces pendant la mise en

 27   œuvre de l'objectif commun sont imputables, comme il a été conclu à M.

 28   Sainovic. En ce qui concerne les crimes qui sortent du champ de l'objectif


Page 161

  1   commun, la Chambre de première instance a considéré que le meurtre des

  2   Albanais du Kosovo et les dégâts et destructions provoqués aux biens

  3   religieux pouvaient raisonnablement être prévus par M. Sainovic, alors que

  4   les cas de sévices sexuelles ne l'étaient pas. La Chambre de première

  5   instance a en conséquence déclaré M. Sainovic coupable d'expulsion,

  6   d'autres actes inhumains, transfert forcé, assassinat et persécution en

  7   tant que crime contre l'humanité, et meurtre en tant que violation des lois

  8   ou coutumes de la guerre du fait de sa participation dans l'entreprise

  9   criminelle commune. M. Sainovic a été condamné à une peine unique de 22 ans

 10   d'emprisonnement.

 11   M. Sainovic a présenté sept moyens d'appel, qui portent essentiellement sur

 12   quatre points qui contestent le jugement rendu par la Chambre de première

 13   instance. Premièrement, il fait valoir que la Chambre de première instance

 14   a violé son droit à un procès équitable en le condamnant sur le fondement

 15   de faits matériels qui n'ont pas été plaidés dans l'acte d'accusation.

 16   Deuxièmement, il affirme que la Chambre de première instance a commis une

 17   erreur dans son appréciation des éléments de preuve. Troisièmement, il

 18   conteste les conclusions de la Chambre de première instance concernant

 19   l'existence de l'entreprise criminelle commune en général, et au niveau de

 20   sa participation à celle-ci. Finalement, il conteste la peine imposée par

 21   la Chambre de première instance.

 22   Abordons maintenant le cas de M. Pavkovic. M. Pavkovic a servi en tant que

 23   commandant de la VJ de la 3e Armée entre le 13 janvier 1999 et le début de

 24   l'an 2000 lorsqu'il est devenu chef de l'état-major de la VJ. La Chambre de

 25   première instance a constaté qu'il partageait l'intention de déplacer par

 26   la force la population albanaise du Kosovo, et qu'il a contribué de manière

 27   significative à l'entreprise criminelle commune. Etant donné que les

 28   membres de l'entreprise criminelle commune ont utilisé les forces de la VJ


Page 162

  1   et du MUP pour concourir à la réalisation de leur objectif commun, les

  2   crimes commis par ces forces pendant la mise en œuvre de l'objectif commun

  3   sont imputables à M. Pavkovic, comme il a été conclu. La Chambre de

  4   première instance a en outre conclu que les crimes en dehors du champ de

  5   l'objectif commun, notamment le meurtre des Albanais du Kosovo, les sévices

  6   sexuels, et les dégâts et destructions provoqués aux biens religieux,

  7   étaient raisonnablement prévisibles par M. Pavkovic. La Chambre de première

  8   instance a, en conséquence, condamné M. Pavkovic pour des actes

  9   d'expulsion, autres actes inhumains, transfert forcé, assassinat et

 10   persécution en tant que crimes contre l'humanité, et meurtre en tant que

 11   violation des lois ou coutumes de la guerre. M. Pavkovic a été condamné à

 12   une peine unique de 22 ans d'emprisonnement.

 13   M. Pavkovic a énoncé 12 moyens d'appel qui remettent en cause le

 14   jugement rendu par la Chambre de première instance sur cinq points. Tout

 15   d'abord, il affirme que la Chambre de première instance a violé son droit à

 16   un procès équitable. Deuxièmement, il affirme que la Chambre de première

 17   instance a commis une erreur dans son appréciation des éléments de preuve.

 18   Troisièmement, M. Pavkovic conteste les conclusions de la Chambre de

 19   première instance concernant sa responsabilité pénale individuelle.

 20   Quatrièmement, il fait valoir que la Chambre de première instance a commis

 21   une erreur de droit à propos de l'élément chapeau de l'élément moral requis

 22   pour les crimes contre l'humanité. Finalement, il fait valoir que la

 23   Chambre de première instance a commis une erreur concernant l'appréciation

 24   des facteurs portant sur sa peine.

 25   Je vais maintenant parler de M. Lazarevic. M. Lazarevic a été nommé

 26   commandant de la VJ du Corps de Pristina le 25 décembre 1998. Il a occupé

 27   ce poste jusqu'au 28 décembre 1999 lorsqu'il a été nommé chef de l'état-

 28   major de la 3e Armée. La Chambre de première instance a considéré que M.


Page 163

  1   Lazarevic était responsable pour avoir aidé et encouragé des cas

  2   d'expulsion et de transfert forcé, au cours desquels la VJ était impliquée.

  3   En conséquence, la Chambre de première instance a condamné M. Lazarevic

  4   pour avoir aidé et encouragé l'expulsion, ainsi que d'autres actes

  5   inhumains, transferts forcés, et l'a condamné à une peine unique de 15 ans

  6   d'emprisonnement.

  7   M. Lazarevic fait valoir quatre moyens d'appel. Tout d'abord, il conteste

  8   les conclusions de la Chambre de première instance concernant certains

  9   crimes sous-jacents. Deuxièmement, il fait valoir que la Chambre de

 10   première instance a commis une erreur dans son appréciation des éléments de

 11   preuve. Troisièmement, il affirme que la Chambre de première instance a

 12   commis une erreur de droit et de fait lorsqu'elle a apprécié sa

 13   responsabilité pour avoir aidé et encouragé le transfert forcé et

 14   l'expulsion. Finalement, il affirme que la Chambre de première instance n'a

 15   pas apprécié les circonstances pertinentes et a imposé une peine qui était

 16   injustement lourde.

 17   Je vais maintenant parler de M. Lukic. M. Lukic était le chef de l'état-

 18   major du MUP à Pristina de la mi-1998, et lorsqu'il a terminé sa mission au

 19   Kosovo, il a été nommé à la tête de l'administration de la police des

 20   frontières du ministère serbe de l'Intérieur. La Chambre de première

 21   instance a constaté que M. Lukic partageait l'intention de déplacer par la

 22   force la population albanaise du Kosovo, et qu'il a contribué de manière

 23   significative à l'entreprise criminelle commune. Comme les membres de

 24   l'entreprise criminelle commune ont utilisé les forces de la VJ et du MUP

 25   pour concourir à la réalisation de leur objectif commun, les crimes commis

 26   par ces forces pendant la mise en œuvre de l'objectif commun sont

 27   imputables à M. Lukic, comme il a été conclu.

 28   En ce qui concerne les crimes qui sortent du champ de l'objectif commun, la


Page 164

  1   Chambre de première instance a constaté que le meurtre d'Albanais du Kosovo

  2   et les dégâts et les destructions provoqués aux biens religieux étaient

  3   raisonnablement prévisibles par M. Lukic, alors que les cas de sévices

  4   sexuels ne l'étaient pas. La Chambre de première instance a, en

  5   conséquence, conclu que M. Lukic était déclaré coupable d'expulsions,

  6   d'autres actes inhumains, transfert forcé, assassinat et persécution en

  7   tant que crimes contre l'humanité, ainsi que de meurtre en tant que

  8   violation des lois ou coutumes de la guerre. M. Lukic a été condamné à une

  9   peine unique d'emprisonnement de 22 ans.

 10   M. Lukic énonce 37 moyens d'appel, qui contestent le jugement rendu

 11   par la Chambre de première instance sur quatre points essentiels.

 12   Premièrement, il affirme que la Chambre de première instance a violé son

 13   droit à un procès équitable à diverses reprises. Deuxièmement, il conteste

 14   un certain nombre de conclusions concernant les crimes sous-jacents commis

 15   dans différentes municipalités. Troisièmement, il fait valoir que la

 16   Chambre de première instance a commis une erreur en constatant l'existence

 17   d'une entreprise criminelle commune et sa participation à celle-ci.

 18   Finalement, il affirme que la Chambre de première instance a commis une

 19   erreur en imposant une peine excessive et disproportionnée.

 20   L'Accusation avance six moyens d'appel contre le jugement rendu par

 21   la Chambre de première instance. Premièrement, l'Accusation demande à la

 22   Chambre d'appel de condamner M. Sainovic, M. Pavkovic, M. Lazarevic et M.

 23   Lukic pour persécution en tant que crime contre l'humanité au moyen de

 24   transfert forcé et d'expulsion. Deuxièmement, l'Accusation demande à la

 25   Chambre d'appel de condamner M. Lazarevic pour avoir aidé et encouragé les

 26   assassinats et persécutions en tant que crimes contre l'humanité, et de

 27   meurtre en tant que violation des lois et coutumes de la guerre pour les

 28   meurtres commis à Korenica, Meja et Dubrava. Troisièmement, l'Accusation


Page 165

  1   fait valoir que M. Sainovic et M. Lukic devraient être condamnés pour

  2   persécution en tant que crime contre l'humanité en raison des cas avérés de

  3   sévices sexuels à Beleg et Cirez. Quatrièmement, l'Accusation demande à la

  4   Chambre d'appel de condamner M. Sainovic, M. Pavkovic et M. Lukic pour

  5   persécution en tant que crime contre l'humanité pour les autres cas de

  6   sévices sexuels commis à Pristina. Cinquièmement, l'Accusation demande à la

  7   Chambre d'appel de condamner M. Lazarevic pour avoir aidé et encouragé

  8   l'expulsion et autres actes inhumains, transfert forcé en tant que crime

  9   contre l'humanité à l'égard ou concernant certains lieux.

 10   L'Accusation fait valoir que les peines devraient être augmentées

 11   dans le cas où ces condamnations sont prononcées. Quoi qu'il en soit,

 12   l'Accusation fait valoir que les peines imposées par la Chambre de première

 13   instance étaient trop faibles et devraient être augmentées.

 14   Pendant toute la durée de cette audience, les conseils peuvent plaider

 15   leurs moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugent de convenir pour leurs

 16   présentations; cependant, j'exhorterais les conseils de ne pas répéter

 17   littéralement ou de trop résumer les arguments déjà présentés dans leurs

 18   mémoires. La Chambre d'appel connaît leurs mémoires. En outre, les parties

 19   ont l'obligation de fournir des références précises aux documents qui

 20   étayent leurs arguments oraux.

 21   L'appel n'est pas un procès de novo et les parties doivent s'abstenir

 22   de répéter leurs thèses qu'elles ont présentées lors du procès. Les

 23   arguments doivent être limités à des erreurs de droit alléguées qui

 24   invalide le jugement de première instance ou d'erreurs de faits alléguées

 25   qui donnent lieu à un déni de justice.

 26   Outre les questions soulevées par la Chambre d'appel dans

 27   l'ordonnance délivrée le 20 février 2013, les Juges peuvent poser des

 28   questions à tout moment pendant la présentation des arguments des parties

 


Page 166

  1   ou à la fin de l'audience. Compte tenu des évolutions sur le plan

  2   jurisprudentiel lors de l'arrêt Perisic, les conseils de M. Lazarevic et

  3   l'Accusation sont invités à présenter des arguments sur la complexité par

  4   aide et encouragement au cours de la présentation de leurs arguments le

  5   mercredi, 13 mars.

  6   Tel qu'énoncé dans l'ordonnance portant au calendrier du 31 janvier

  7   2013, cette audience se déroulera comme suit : premièrement, nous

  8   entendrons les arguments du conseil de M. Sainovic pendant une heure. Nous

  9   aurons ensuite une pause de 15 minutes. Après avoir entendu le conseil de

 10   M. Sainovic pendant une deuxième heure, l'Accusation répliquera pendant une

 11   heure. S'ensuivra une pause d'une heure et de 30 minutes, et, ensuite,

 12   l'Accusation terminera sa deuxième heure de réplique, après quoi le conseil

 13   de M. Sainovic répondra à la réplique de l'Accusation.

 14   Demain, nous entendrons les arguments concernant l'appel de M.

 15   Pavkovic. Les conseils de M. Lazarevic et de M. Lukic présenteront leurs

 16   arguments mercredi et jeudi respectivement. Finalement, vendredi, nous

 17   entendrons les arguments sur l'appel de l'Accusation.

 18   A la fin de l'audience, les accusés auront chacun l'occasion de

 19   s'adresser personnellement aux Juges de la Chambre pendant dix minutes,

 20   s'ils le souhaitent.

 21   Après avoir énoncé la manière dont nous allons procéder, je souhaite

 22   inviter le conseil de M. Sainovic à présenter son appel.

 23   M. FILA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 24   Messieurs les Juges.

 25   La Défense, dans son mémoire en appel, a présenté de façon détaillée

 26   et précise tous les motifs pour lesquels elle estime que le jugement en

 27   première instance ne saurait être juridiquement et factuellement maintenu

 28   et pour indiquer que cet angle d'appel devrait modifier le jugement rendu


Page 167

  1   dans toutes les parties qui déterminent la responsabilité pénale

  2   individuelle de Sainovic pour prononcer un arrêt d'acquittement. La Défense

  3   maintient ce qu'elle a dit dans son mémoire en appel. Elle ne renonce à

  4   aucun moyen d'appel ou branche de moyen d'appel, tout en tirant des

  5   conclusions qui sont celles de dire qu'au bout de quatre années, suite à ce

  6   jugement en première instance, les motifs d'appels se trouvent être

  7   profondément justifiés, puisque le jugement de la Chambre de première

  8   instance est plein de contradictions, de points obscurs, de points

  9   illogiques et de conclusions juridiques contestables.

 10   La Défense estime que ce débat n'est pas une bonne opportunité pour

 11   ce qui est de réitérer la totalité des arguments présentés. La Défense est

 12   convaincue du fait que la Chambre d'appel a lu très attentivement les

 13   écritures des parties en présence, ce qui fait que la Défense va se centrer

 14   sur quelques éléments seulement qu'elle estime être particulièrement

 15   importants et suffisamment illustratifs pour indiquer qu'il y a une logique

 16   erronée de conclusions au sujet de faits et du droit qui ont fait que la

 17   Chambre de première instance a tiré des conclusions qui ne seraient pas

 18   celles d'un seul Juge raisonnable qui se serait chargé des faits.

 19   La Défense va se pencher sur la question des conclusions disant que

 20   Sainovic est un coordinateur politique; conclusions au sujet de l'existence

 21   d'une entreprise criminelle commune, de l'existence d'un commandement

 22   conjoint ou prétendu commandement conjoint; conclusions qui sont liées aux

 23   événements de 1998 qui se répercutent sur l'année 1999; conclusions

 24   relatives à la préméditation qu'a eue M. Sainovic pour ce qui est des

 25   agissements pour lesquels il a été condamné par la Chambre de première

 26   instance, à concurrence de la peine qui a été prononcée.

 27   L'entreprise criminelle commune, points 6.1 6.2 et 6.4. La Défense va

 28   d'abord se pencher sur la question liée à l'existence d'une entreprise


Page 168

  1   criminelle commune dont l'objectif, d'après les conclusions de la Chambre

  2   de première instance, auraient été d'assurer un contrôle continu de la FRY

  3   et de la Serbie au Kosovo, et ce, par la perpétration de crimes et une

  4   campagne de grande envergure et systématique de terreur et de violence,

  5   raison pour laquelle la population albanaise du Kosovo aurait été déplacée

  6   par la force à l'intérieur et à l'extérieur du Kosovo (95-III). La Chambre

  7   n'a pas de preuves directes au sujet d'un planning de criminels et aussi

  8   recherche-t-elle des éléments de preuve de son existence dans ce qu'il est

  9   convenu d'appeler schéma ou scénario des événements. Que fait la Chambre de

 10   première instance dans sa tentative visant à établir l'existence d'une

 11   entreprise ou d'un planning criminel commun ? Il n'y a pas d'élément de

 12   preuve direct au sujet de l'existence de ce planning, mais il y a toute une

 13   série de témoins qui ont témoigné de façon claire pour dire qu'il n'y avait

 14   pas eu de planning du tout. Ils n'en ont jamais entendu parler et ne l'ont

 15   jamais vu. Il s'agit de témoins qui, compte tenu des postes qu'ils ont

 16   occupés, des tâches qu'ils ont accomplies en 1999, auraient dû savoir si

 17   tant est qu'un plan avait existé. Cependant, la Chambre rejette la totalité

 18   des témoignages de ces témoins, participants directs aux événements, pour

 19   dire que la totalité des témoins qui ont affirmé qu'il n'y avait pas de

 20   planning avaient soit un motif de mentir pour ce qui était de se protéger

 21   eux-mêmes ou de protéger d'autres personnes, ou n'étaient pas en position

 22   de connaître l'existence de ce plan ou se perdaient tout simplement en

 23   conjecture partant d'informations inadéquates (93-III).

 24   La Chambre de première instance n'a même pas exposé les motifs pour

 25   lesquels elle a estimé que ces témoins ne disaient pas la vérité. En termes

 26   simples, pour elle, les témoins qui ont dit qu'il n'y avait pas de planning

 27   ont menti. Cependant, pour ce qui est des témoins pour lesquels la Chambre

 28   de première instance ne dit pas qu'ils mentent ne savent rien au sujet d'un


Page 169

  1   plan éventuel. Bon nombre d'étrangers au Kosovo qui avaient assuré le

  2   monitoring vis-à-vis de la partie serbe dans leurs documents et dans leurs

  3   témoignages devant la Chambre de première instance n'ont pas non plus

  4   indiqué un seul élément de preuve concernant l'existence de ce planning.

  5   Ont témoigné des gens qui s'étaient trouvés à la tête de grandes équipes et

  6   qui étaient composées suivant la règle d'officiers militaires des pays de

  7   l'OTAN, de la mission de l'OSCE, du Groupe de contact, et des missions

  8   d'observations diplomatiques. Ces témoins ne savent rien au sujet d'un

  9   planning, mais à leur sujet, la Chambre ne statue pas pour dire qu'ils sont

 10   en train de mentir.

 11   La Chambre de première instance a conclu de l'existence d'un plan et

 12   il semblerait que les accusés ont attendu une attaque de l'alliance

 13   militaire la plus puissante au monde pour réaliser ce planning criminel

 14   dans ce type de circonstances. Donc, la Chambre tire la conclusion qui est

 15   celle de dire que la République fédérale de Yougoslavie et la Serbie

 16   avaient attendu la plus défavorable des circonstances, un conflit de la

 17   Serbie avec l'OTAN, la seule des circonstances qui, effectivement, ne

 18   pouvait pas se terminer par une victoire de la République fédérale de

 19   Yougoslavie et de la Serbie. Et on a dit que le bombardement, c'est-à-dire

 20   la guerre avec l'OTAN, avait été l'opportunité qui était attendue par les

 21   Serbes pour faire partir les Albanais du Kosovo, c'est une conclusion qui

 22   ne serait adoptée par aucun Juge raisonnable des faits. Donc, les Serbes

 23   auraient attendu l'attaque de l'OTAN pour commencer à réaliser un objectif

 24   durable qui aurait été l'existence d'un Kosovo sans Albanais, ce qui se

 25   trouve être tout à fait contraire à l'objectif poursuivi par l'OTAN dans

 26   cette guerre. Donc, d'après les constats des Juges de la Chambre vont se

 27   lancer dans la réalisation d'un plan qui n'est possible de réaliser qu'au

 28   cas où ils finiraient par vaincre l'OTAN.


Page 170

  1   La Chambre constate qu'il y a quelque 700 000 Albanais du Kosovo qui ont

  2   quitté ce Kosovo, et ce, en raison d'agissements délibérés des forces de la

  3   RFY et de la Serbie. La Chambre exclut toutes les autres causes pour

  4   lesquelles la population avait quitté ses logements. La Chambre ne s'est

  5   nulle part penchée sur les conséquences du bombardement des convois de

  6   civils avec des Albanais du Kosovo près de Djakovica en avril 1999 ou

  7   bombardement du village de Korisa au mois de mai 1999 ou d'un autocar à

  8   côté du village de Luzine en mai 1999. Combien de personnes sur les 700 000

  9   personnes qui sont parties étaient parties par peur de ces morts en masse

 10   qui ont été causées par les bombardements de l'OTAN ? L'OTAN avait bombardé

 11   des villes, Pec, Djakovica. Et alors qu'est-il advenu de la population qui

 12   y vivait ? Il existe à ce sujet des éléments de preuve dans le dossier, y

 13   compris des éléments de preuve tout à fait crédibles qui ont été obtenus en

 14   application de l'article 70, mais les Juges de la Chambre ignorent ou

 15   mettent de côté tout ce qui ne coïncide pas avec l'image définie par avance

 16   que l'on s'était faite.

 17   La Défense dans son mémoire en appel, dans le cadre de son sixième motif

 18   d'appel, a fourni des raisons pour dire que la conclusion concernant

 19   l'existence d'un planning criminel était tout à fait infondé.

 20   Pour ce qui est maintenant de la coordination politique. Nikola Sainovic,

 21   d'après l'acte d'accusation qui a fait l'objet de la présentation des

 22   éléments de preuve par l'Accusation, a été qualifié comme étant le

 23   commandant d'un commandement conjoint qui avait commandé, contrôlé, dirigé,

 24   et exercé de façon autre un contrôle effectif vis-à-vis des forces de la

 25   RFY et de la Serbie au Kosovo. Nikola Sainovic pour ce qui est de ce type

 26   de chefs d'accusation a présenté sa défense et a réussi à se défendre. La

 27   Défense a réussi à le faire parce que nulle part dans le jugement rendu par

 28   la Chambre de première instance il n'est dit que Sainovic est le commandant


Page 171

  1   d'un commandement conjoint, pas plus qu'il n'est dit qu'il a commandé et

  2   contrôlé les effectifs de la VJ et du MUP de Serbie au Kosovo pendant la

  3   période couverte par l'acte d'accusation.

  4   La Chambre de première instance, au lieu de libérer Sainovic étant donné

  5   que les allégations de l'Accusation selon lesquelles Sainovic aurait été

  6   commandant d'un commandement conjoint n'a pas été prouvé, condamne Nikola

  7   Sainovic à plusieurs années d'emprisonnement pour des éléments qui n'ont

  8   même pas fait l'objet de l'acte d'accusation. La Chambre de première

  9   instance a condamné Sainovic en disant que c'était le coordinateur

 10   politique des effectifs de la VJ et du MUP au Kosovo. Sainovic n'a pas

 11   présenté de défense pour ce qui est d'une coordination politique des

 12   effectifs au Kosovo. Il a dû se défendre de chefs d'accusation qui disait

 13   qu'il avait commandé ces effectifs, qu'il avait planifié leur utilisation

 14   et donné des ordres à cet effet. Sainovic, s'il avait été informé qu'il ne

 15   lui était pas reproché le fait d'être commandant d'un commandement conjoint

 16   mais coordinateur politique, sa conception de la défense aurait

 17   probablement été autre. On aurait amené d'autres témoins et on aurait

 18   présenté des éléments de preuve relatifs à des faits tout à fait

 19   différents.

 20   Ce que la Défense souhaite souligner c'est que le fait est que Sainovic n'a

 21   pas été mis en accusation en sa qualité de coordinateur politique mais en

 22   sa qualité de commandant d'un commandement conjoint qui commandait les

 23   effectifs de la VJ et du MUP, cela fait que Sainovic ait lutté pour son

 24   droit à un procès équitable et juste. Alors ce que la Défense conteste ce

 25   n'est pas seulement le fait que Sainovic ait été condamné pour un élément

 26   pour lequel il n'avait pas été mis en accusation. Pour la Défense, ce qui

 27   est contestable, c'est la teneur même des conclusions relatives à Sainovic

 28   pour ce qui est de son prétendu rôle de coordinateur politique.


Page 172

  1   La Chambre de première instance, au paragraphe 331-III, indique que la VJ

  2   et le MUP avaient établi des liens avec les hommes politiques, que l'armée

  3   et le ministère de l'Intérieur ont dû demander à Milosevic des

  4   approbations, et que c'est la raison pour laquelle le rôle joué par

  5   Sainovic était décisif. Et à cet effet, la Chambre de première instance a

  6   recours à trois groupes d'éléments de preuve pour tenter d'étayer cette

  7   allégation : (a), les réunions qui sont désignées comme étant des réunions

  8   du commandement conjoint; (b), autres réunions; et c'est toute une série

  9   d'allégations qui étaient censées faire de Sainovic l'homme de Milosevic

 10   chargé pour le Kosovo.

 11   Sainovic et les réunions du commandement conjoint. La Défense va

 12   d'abord se pencher sur les questions qui sont liées à ce qu'il est convenu

 13   d'appeler le commandement conjoint. Et là, de prime abord, la Défense

 14   souhaite indiquer que la grande majorité des éléments de preuve utilisés

 15   par la Chambre de première instance dans son analyse ne se rapportent qu'à

 16   l'année 1998, et cette année n'a pas fait du tout l'objet de l'acte

 17   d'accusation dans le dossier qui nous intéresse. Comment la Chambre de

 18   première instance a-t-elle tiré ses conclusions ? Elle a cité de façon

 19   détaillée la teneur de la pièce à conviction P1468 pour apporter une

 20   explication de ce qui s'y trouve consigné. Puis ensuite, on cite des

 21   témoins qui n'ont jamais participé aux réunions à Pristina, à savoir

 22   Crosland, Petritsch, et Kickert. Ensuite, on cite Cvetic, que les autres

 23   témoins contestent, et elle indique que Cvetic a impressionné. On cite

 24   Cvetic, donc qui n'a aucun droit de vue direct au sujet de ce qui est

 25   appelé le commandement conjoint puisqu'il n'a jamais assisté aux réunions

 26   dont il a témoigné. On cite un télégramme où Crosland a noté ce que

 27   Dimitrijevic aurait dit. Puis ensuite, la Chambre de première instance cite

 28   à comparaître Dimitrijevic pour qu'il explique ce qu'il a dit à Crosland.


Page 173

  1   Et la Chambre rejette la totalité de ce qu'a dit l'un des témoins qui a été

  2   cité à comparaître par la Chambre parce que de façon évidente cela ne

  3   rentrait pas dans un contexte de préjugés qui avaient déjà été mis en place

  4   par les Juges de la Chambre de première instance. Et ce témoin a été cité à

  5   comparaître après le mémoire en clôture et après notre présentation des

  6   arguments. Donc il était indispensable que ce témoin comparaisse pour que

  7   la Chambre tire ces conclusions-là. Juste un petit -- ce n'est pas

  8   "Drewienkiewicz" ici au compte rendu on consigne "Drewienkiewicz" non, non,

  9   on a parlé "d'Aleksandar Dimitrijevic", le général.

 10   Le deuxième témoin qui a été cité à comparaître par la Chambre de

 11   première instance c'est un colonel, Djakovic, qui a rédigé la pièce P1468,

 12   pour lui demander d'expliquer. Et bien qu'il n'ait pas dit que Djakovic

 13   était non crédible, à la différence de Dimitrijevic, il rejette tout ce que

 14   Djakovic a expliqué au sujet du document pour lequel il a été cité à

 15   comparaître.

 16   La Chambre accepte une moitié du témoignage de Gajic, et l'autre

 17   moitié au sujet des mêmes circonstances fournies le jour d'après est

 18   rejeté, et c'est là que Gajic avait expliqué ce qu'il avait dit le jour

 19   d'avant. La Chambre a rejeté ou a négligé toutes les autres circonstances

 20   qui sont évidentes et qui ont été prouvées montrant que Sainovic n'aurait

 21   pas joué un rôle à caractère crucial. On ignore les conclusions tirées par

 22   la Chambre, qui indique que toutes les filières de commandement étaient en

 23   fonctionnement, on parle de l'existence d'un Conseil suprême de la Défense

 24   qui fonctionne et qui prend ses décisions, il existe un planning de combat

 25   contre le terrorisme en 1998 qui est adopté au niveau le plus élevé; puis

 26   il y a une directive du chef d'état-major, qui s'appelle Tonnerre 98. Il

 27   existe 20 témoins qui ont été entendus dans l'affaire et que ces derniers

 28   ont confirmé qu'il existait des filières de commandement en place.


Page 174

  1   Alors d'après les Juges de la Chambre de première instance, les

  2   conclusions faites au sujet des témoignages de témoins sur ces

  3   circonstances font que ces témoins ont parlé de connaissances qu'ils ne

  4   pouvaient pas avoir de façon directe. Lorsque la Chambre de première

  5   instance cite à comparaître l'auteur des éléments de preuve présentés par

  6   écrit, toutes ces explications authentiques fournies par l'auteur du texte

  7   se trouvent être rejetées par les Juges de la Chambre.

  8   Au sujet des autres réunions, la Chambre de première instance dans son

  9   analyse a recherché des éléments de preuve qui étaient censés documenter le

 10   rôle joué par Sainovic au Kosovo et trouve plusieurs éléments de preuve.

 11   Une première réunion qui s'est tenue le 29 octobre 1998, où les rapports

 12   sont présentés par Pavkovic, Lukic et Minic. Sainovic ne participe pas à

 13   cette réunion. Il ne fait que parler brièvement au sujet de la mission de

 14   l'OSCE. Ensuite, une réunion qui s'est tenue le 5 novembre 1998, où

 15   Milutinovic qui a été libéré de toute responsabilité parle, explique, et

 16   donne des instructions, alors que Sainovic, lui, se tait. Milutinovic se

 17   trouve être libéré bien qu'il ait parlé, exposé des motifs et donner des

 18   instructions, et Sainovic se trouve être condamné, alors qu'il n'a fait que

 19   rester assis à cette réunion. Et aux yeux des Juges de la Chambre de

 20   première instance, cette réunion est un élément de preuve crucial au sujet

 21   du rôle qu'il a joué.

 22   Et pour finir, en 1999, la Chambre détermine la participation de Sainovic à

 23   quatre réunions. La guerre, elle, a duré de mars à juin. Les éléments de

 24   preuve parlent d'une réunion en avril, de deux réunions en mai, et d'une

 25   réunion en juin. Alors la teneur de ces réunions se trouve être dénuée de

 26   valeur si l'on cherche à trouver des fondements pour ce qui est de tirer

 27   des conclusions relatives au rôle crucial joué par Sainovic ou au rôle de

 28   Sainovic en sa qualité de coordinateur politique. La guerre avec l'OTAN, la


Page 175

  1   guerre avec l'UCK, aurait demandé à un coordinateur d'une armée ou d'une

  2   police en guerre des dizaines de réunions au quotidien, et non pas quatre

  3   réunions en trois mois.

  4   Qu'a donc Sainovic coordonné en 1999 ? Qui a-t-il coordonné ? De quelle

  5   façon a-t-il procédé à cette coordination ? Quelles sont les conséquences

  6   de sa coordination s'agissant de certains crimes ? Existait-il des

  7   opérations ou des actions conduites qui auraient été coordonnées par

  8   Sainovic ? Aucun mot à ce sujet, aucun élément de preuve, aucune hypothèse

  9   même. Les Juges de la Chambre donc ont dédaigné la nécessité de satisfaire

 10   à leur obligation élémentaire d'apporter un exposé des motifs. Une réunion

 11   dont il a été question au sujet de la mission de l'OSCE en octobre 1998,

 12   une réunion où il ne dit pas un mot en novembre 1998, et quatre réunions en

 13   trois mois de guerre où il ne transmet aucun ordre, ne donne aucune

 14   instruction et aucune ligne directrice, ce sont des éléments de preuve

 15   qu'un Juge des faits raisonnable ne saurait accepter pour indiquer ou dire

 16   que Sainovic se trouve être la personnalité cruciale ou le coordinateur

 17   politique qui, aux termes d'ailleurs, n'a jamais été expliqué.

 18   Excusez-moi. Alors, ce qui est encore contestable, c'est la conclusion des

 19   Juges de la Chambre qui dit que Sainovic avait transmis des ordres donnés

 20   par Milosevic. Cette conclusion est tirée d'une phrase dans l'élément de

 21   preuve P1996, qui cite Sainovic qui dit que Milosevic aurait entendu des

 22   rapports d'un commandant de la 3e Armée et du QG du MUP pour le Kosovo, et

 23   il a été fourni un communiqué public qui aurait constitué une directive et

 24   des ordres émanant du commandant Suprême, commandant Suprême qui se trouve

 25   être Slobodan Milosevic qui, à titre d'élément intéressant, se trouve à

 26   être décédé il y a dix ans de cela, aujourd'hui même. Tout ce que fait

 27   Sainovic, c'est qu'il fait état d'un communiqué public, d'une réunion du

 28   commandant de la 3e Armée et du chef de l'état-major du MUP, chez


Page 176

  1   Milosevic. 

  2   Alors ce qui est encore plus important, c'est que le communiqué dont fait

  3   état Sainovic, au moment où il en parle, eh bien, cela a déjà été

  4   communiqué aux membres du MUP. A savoir, dès le 6 mai 1999, ce communiqué

  5   publié dans les journaux dont parle Sainovic, le 7 mai 1999 avait été

  6   communiqué au secrétariat du MUP de Kosovo, à savoir preuve 5D1289. La

  7   Défense avance que la seule preuve qui, dans la totalité du jugement permet

  8   de tirer la conclusion que Sainovic transmet les ordres de Milosevic, est

  9   précisément la preuve de Sainovic faisant état de cet article de journaux.

 10   La Chambre de première instance dans son analyse n'a pas été en mesure de

 11   faire état, ne serait-ce qu'un seul autre élément, une seule autre pièce à

 12   conviction qui aurait permis de suggérer quelque chose de comparable.

 13   Toutes les autres conclusions portant sur les relations entre Sainovic et

 14   Milosevic évoluent dans le domaine des suppositions. Il n'y a pas de Juge

 15   des faits raisonnable pour lequel le fait de faire état d'une coupure de

 16   journaux permettrait de remplacer les preuves requises sur le lien-clé qui

 17   aurait existé d'après la Chambre de première instance entre Milosevic et

 18   Sainovic, que Milosevic aurait réalisé par le truchement de Sainovic sur

 19   les forces au Kosovo. Egalement, lors de la réunion du 17 mai 1999,

 20   Sainovic joue un rôle plus que marginal. Sainovic, lors de cette réunion,

 21   fait plusieurs commentaires qui sont tout à fait en passant, tandis que la

 22   substance des problèmes fait l'objet de débat d'autres personnes présentes,

 23   bien entendu conformément aux obligations et responsabilités des uns et des

 24   autres par rapport à la situation au Kosovo.

 25   La conclusion disant que Sainovic constitue le lien-clé entre Milosevic et

 26   le Kosovo ne pourrait être tiré par un Juge des fais raisonnable que s'il

 27   avait des preuves portant sur la communication Sainovic et Milosevic et

 28   Sainovic, forces de la VJ et du MUP au Kosovo, en l'absence de la preuve


Page 177

  1   que Milosevic a à sa disposition bien d'autres canaux lui permettant de

  2   communiquer.

  3   Cependant, alors quelle est la seule chose, quel est le seul élément qui

  4   existe dans le dossier de l'espèce ? Les preuves sur la communication

  5   Sainovic, Milosevic au moment qui est pertinent eu égard à l'acte

  6   d'accusation. Trois réunions, dont deux qui n'ont duré qu'une dizaine de

  7   minutes chacune. Alors qu'est-ce qui a été conclu lors de ces réunions ?

  8   Est-ce que Sainovic a dit quoi que ce soit à Milosevic ou Milosevic à

  9   Sainovic ? Il n'y a aucune preuve là-dessus. Les preuves sur la

 10   communication Sainovic, VJ, au MUP ou au Kosovo, deux réunions au MUP, une

 11   réunion avec les représentants de la VJ et du MUP à la fin de la guerre

 12   après tous les événements qui sont évoqués au jugement. Et je répète encore

 13   une fois, il a pris part à ces réunions très brièvement. Il est venu, il a

 14   échangé quelques salutations, et puis il est parti.

 15   Lorsqu'il s'agit de preuve de la communication entre Milosevic et la VJ et

 16   le MUP, eh bien, la situation est complètement différente. Des centaines de

 17   preuves, de rapports de combat, d'ordres directifs, des dizaines de

 18   témoignages, et tout cela en l'absence de preuve d'obstruction ou d'entrave

 19   à cette communication.

 20   Egalement, il n'est pas raisonnable d'arriver à des conclusions qui

 21   ont été tirées sur les missions de Sainovic au Kosovo. Une mission d'un

 22   jour pour constater la situation, et la confiance de Milosevic, comme si le

 23   président de l'Etat ne dispose que d'une seule source d'information sur un

 24   problème-clé qui se pose au niveau de l'Etat, comme si le président de

 25   l'Etat n'avait qu'un seul homme de confiance.

 26   Alors, comment agit la Chambre de première instance ? Elle nie tout

 27   ce qui peut être conclu sur la base des documents, les témoignages des

 28   témoins, et elle constate puisque ce n'est pas Bulatovic, eh bien, la seule


Page 178

  1   source d'autorité possible de Sainovic est bien Milosevic.

  2   Alors ici, la Chambre cesse d'opérer une distinction entre les

  3   preuves, les faits, et les impressions. La Chambre omet d'apprécier la

  4   totalité des éléments de preuve. Elle ne se demande pas quelles sont les

  5   autres possibilités ? Est-ce qu'ils sont analysés ? Est-ce qu'ils ont été

  6   éliminés ? Alors, le principe que le doute profite à l'accusé, est-ce que

  7   ce doute est pris en compte ? Est-ce qu'il est autorisé de conclure sur la

  8   base du principe de probabilité ? Quant à la Chambre, le rôle et la

  9   position de Milosevic, elle le prend comme un axiome. Est-ce qu'elle

 10   cherche à démontrer qui est Milosevic, quel est son rôle, quels sont les

 11   droits et ses attributions, ou bien est-ce que c'est quelque chose qui est

 12   su sans qu'il soit nécessaire de le démontrer. Sur la position de Sainovic,

 13   sa relation avec Milosevic, la Chambre de première instance juge sur la

 14   base des suppositions sur Milosevic, des suppositions sur Sainovic, cela ne

 15   constitue pas des conclusions qui ont été adoptées par un Juge des faits

 16   raisonnable.

 17   Sur Sainovic qui prend des décisions qui influent sur les événements,

 18   eh bien, nous avons Naumann, Vollebaek, qui arrivent pour mettre en œuvre

 19   l'accord sur la décision de vérification de l'OSCE à l'automne 1998, qui

 20   participe à un entretien avec Sainovic qui est à la tête de la commission

 21   chargée de la coopération avec cette mission. Ils font état de leurs

 22   sentiments, de leurs impressions. Pourquoi sont-ils venus ? Pour coopérer

 23   avec l'OSCE. Ignorant tout de l'armée yougoslave, du MUP, des relations en

 24   Serbie, en RFY, ils ont des impressions et non pas des connaissances, et

 25   les impressions ne constituent pas un fondement permettant de bâtir sur ce

 26   fondement les conclusions d'un Juge des faits raisonnable.

 27   Ciaglinksi, un lieutenant-colonel, il n'a jamais rencontré aucun

 28   membre du gouvernement de la RFY ou de la Serbie. Il ne sait rien sur le


Page 179

  1   fonctionnement de ce gouvernement. Il ne sait rien des relations au sein de

  2   ce gouvernement. Il dit : Je ne pouvais qu'imaginer qu'il y avait Milosevic

  3   au-dessus de Sainovic. Là encore, c'est une supposition. Encore des

  4   intuitions des témoins qui constituent la base des conclusions qui ont été

  5   tirées, alors que l'intuition du témoin ne constitue pas un fondement sur

  6   lequel un Juge des faits raisonnable peut bâtir ses conclusions sur les

  7   faits. Ensuite, nous avons une réunion qui est présidée par Keller.

  8   Maisonneuve a vu Sainovic une fois lors de cette réunion où plusieurs

  9   personnes sont présentes. Il n'a eu aucune connaissance directe du rôle et

 10   de la position de Sainovic. Plusieurs personnes parlent de Sainovic;

 11   Petritsch, Byrnes, mais la Chambre cite une partie de leur témoignage

 12   lorsqu'ils font état de leurs impressions. Mais lorsqu'ils parlent de la

 13   teneur du travail, des activités de Sainovic, la Chambre ne prend pas cela

 14   en compte, lorsqu'ils expliquent de quelle nature était leur coopération

 15   avec Sainovic. Une première impression généralisée suffit. Telles sont les

 16   preuves sur l'autorité de Sainovic, sur son influence sur les événements,

 17   des sentiments, des impressions, des suppositions. Permettez-moi de faire

 18   une digression.

 19   M. Petritsch a parlé du rôle de Milan Milutinovic. S'il avait dit au

 20   sujet de Sainovic ce qu'il a dit au sujet de Milutinovic, Sainovic aurait

 21   été condamné à une peine de prison à vie. Toutefois, cela n'a eu aucune

 22   importance apparemment aux yeux de l'Accusation, ni de la Chambre de

 23   première instance. J'espère que vous vous attacherez avec une attention

 24   particulière à cette partie-là. Ensuite, nous avons déjà parlé de cet

 25   article de journal dont a fait état Sainovic. Quel est l'ordre que Sainovic

 26   a transmis de la part de Milosevic ? Si on pense à l'ordre sur

 27   l'interruption des activités que Sainovic aurait transmis, d'après la

 28   Chambre, lors de la réunion du 1er juin 1999, il n'est pas croyable que


Page 180

  1   Sainovic ait pu transmettre un ordre sur le retrait en tant que conséquence

  2   de l'accord qui n'était pas conclu à ce moment-là. L'accord entre Milosevic

  3   et Ahtisaari, qui constitue un des éléments du dossier, a été conclu le 4

  4   juin 1999. Je répète bien la date. Le 4 juin 1999. C'est uniquement sur la

  5   base de cet accord, quatre jours plus tard, qu'Ojdanic autorise les

  6   officiers haut gradés de la VJ de négocier un retrait avec l'OTAN pour que

  7   l'accord militaire technique ne soit conclu que le 9 juin 1999. La Chambre

  8   de première instance attribue à Sainovic un ordre qui n'aurait pas pu

  9   exister, lui attribue un comportement, une activité qui constitue un écart

 10   très clair avec le reste des conclusions. Il s'agit d'un ordre qui n'a eu

 11   lieu que le 9, alors comment est-ce qu'il aurait pu le transmettre le 1er ?

 12   La Chambre de première instance constate que Sainovic a joué un rôle-

 13   clé, mais cela n'est établi nulle part. Quels sont les ordres qui ont été

 14   donnés de manière autonome par Sainovic ? Il n'y en a pas. Quelle activité

 15   de Sainovic a eu un impact sur les événements sur le terrain, et de quelle

 16   manière ? Il n'y en a pas. Quelle activité de Sainovic a comporté les

 17   éléments d'un comportement criminel ? Aucune. Quelle activité de Sainovic

 18   n'a pas correspondu à son rôle de vice-président du gouvernement fédéral,

 19   ou position du président de la commission chargée de la coopération ?

 20   Aucune. Il n'y en a pas.

 21   Quant à la confiance que Milosevic a pour Sainovic, au paragraphe 292

 22   du jugement, on annonce qu'on analysera cet élément, mais cela ne figure

 23   nulle part au niveau du jugement. Pourquoi ? Parce que ces preuves

 24   n'existaient pas. Aucune preuve sur la nature spéciale de la relation entre

 25   Sainovic et Milosevic. Pourquoi ? Parce que ces relations n'existent pas.

 26   En revanche, il y a des preuves qui remettent en question toute nature

 27   spécifique de confiance. Mais en fait, je pense qu'il y a eu une erreur

 28   ici, d'après l'avis de la Défense de Sainovic. Il y a eu un lien spécial


Page 181

  1   entre Milutinovic et Milosevic, puisque Milosevic, lors des négociations de

  2   Rambouillet et à d'autres occasions, a eu son envoyé spécial, également

  3   vice-président du gouvernement fédéral, mais son nom est Vladan Kutlesic et

  4   non pas Sainovic. Sainovic a été marginalisé au sein du Parti socialiste de

  5   Serbie. Nous avons apporté des preuves démontrant qu'il a été démis de ses

  6   fonctions de vice-président du Parti socialiste de Serbie en 1997. S'il

  7   était aussi proche de Milosevic, pourquoi est-ce qu'on l'a démis de ses

  8   fonctions ?

  9   Milosevic propose un Groupe de travail au Parti socialiste. Il

 10   propose également quelqu'un pour se mettre à la tête de ce Groupe de

 11   travail, et Sainovic n'est même pas membre de ce groupe, encore moins son

 12   chef. Milosevic propose Milosevic [sic] au poste de président de la Serbie;

 13   il ne propose pas Sainovic. Ainsi, il le propose au poste de membre du

 14   conseil suprême de la Défense. Milosevic [sic] est gardé à tous les postes

 15   importants au sein du Parti socialiste, mais tout cela ne démontre pas la

 16   nature du lien proche aux yeux de la Chambre, à la différence de Sainovic.

 17   Pourquoi ? Parce que Milutinovic a dit dans son entretien avec le bureau du

 18   Procureur qu'il a dit à son épouse, au moment des événements, qu'il n'était

 19   pas d'accord avec Milosevic. C'est la seule preuve de son désaccord. Si en

 20   1998, Milosevic [sic] s'était opposé à Milosevic, l'histoire aurait pris un

 21   tout autre cours, et on ne serait pas là où on est aujourd'hui, il n'y

 22   aurait pas eu de guerre.

 23   Le fait qu'il ait confié son désaccord à son épouse, cela a suffi aux Juges

 24   de la Chambre de première instance de conclure que Milutinovic n'était pas

 25   un proche de Milosevic, mais pendant toute la guerre, Milutinovic se trouve

 26   au poste de commandement avec son épouse, Milosevic avec son épouse. Les

 27   deux Chambres sont l'une à côté de l'autre, jour et nuit, 78 jours, sauf

 28   lorsqu'il va au Kosovo. Sainovic, pendant toute la durée de la guerre, ne


Page 182

  1   rencontre Milosevic que deux ou trois fois, mais pas de manière très

  2   proche, et pas avec son épouse. Cependant, la Chambre de première instance

  3   acquitte Milutinovic parce qu'il n'est pas proche de Milosevic. Sainovic se

  4   trouve condamné parce qu'il est proche. C'est un exemple frappant de deux

  5   poids, deux mesures qui ont été appliqués par la Chambre de première

  6   instance lorsqu'elle apprécie la nature du lien proche avec Milosevic.

  7   Un Juge des faits raisonnable s'appuie sur des critères raisonnables, fonde

  8   ses conclusions sur des faits, ne tient pas compte de l'opinion des

  9   témoins, des suppositions et des impressions. Tout ce qui a été dit sur la

 10   position Sainovic, de son autorité, ne représente qu'une impression, et

 11   jamais il ne s'agit de faits, ni de preuves. D'ailleurs, vous verrez que la

 12   police est sous les ordres de Milutinovic puisqu'elle est serbe, et

 13   Sainovic est un fonctionnaire fédéral.

 14   Qu'en est-il de l'existence du commandement conjoint, quelle est sa nature.

 15   L'explication sur celui qui a besoin du commandement conjoint est donnée

 16   par la Chambre de première instance par le truchement de Dimitrijevic, mais

 17   l'interprétation que la Chambre est erronée, inexacte, l'interprétation de

 18   Dimitrijevic. Même si Dimitrijevic ne parle que des actions de Pavkovic

 19   vis-à-vis de la VJ, la Chambre comprend qu'il s'agit là d'une manière de

 20   garantir une coordination entre la VJ et le MUP. Dimetrijevic, cependant,

 21   ne mentionne pas le MUP. Son témoignage sur le commandement conjoint, il le

 22   qualifie de supposition. Exusez-moi. Les personnes âgées sont les premières

 23   touchées par la grippe.

 24   Comme je viens de le dire, Dimitrijevic jamais ne mentionne la

 25   police. Il dit qu'il s'agit de suppositions lorsqu'il parle du commandement

 26   conjoint, mais tout cela ne constitue aucun problème aux yeux de la Chambre

 27   de première instance. Elle fonde sa conclusion sur le témoignage de

 28   Dimitrijevic lorsqu'elle affirme que le commandement conjoint sert à


Page 183

  1   assurer une meilleure coordination entre la VJ et le MUP. Un Juge des faits

  2   raisonnable ne peut pas et ne doit pas construire d'abord des preuves et

  3   ensuite fonder sa conclusion là-dessus.

  4   La Chambre de première instance arrive à sa conclusion sur la base du

  5   témoin qui parle d'un autre contexte, qui dit qu'il s'agit de conjectures,

  6   tout en ne tenant pas compte de toute une série de preuves cohérentes sur

  7   la coordination des actions de la VJ et du MUP en 1998. Lorsqu'elle parle

  8   des activités du commandement conjoint, la Chambre ne tient pas compte des

  9   participants, Minic, Matkovic, Andjeklovic, elle ne tient pas compte de

 10   Djakovic - qui a été cité par la Chambre et qui dit que lui et Pavkovic ont

 11   créé le nom de la réunion en tant que commandement conjoint - elle ne tient

 12   pas compte du témoignage de Mijatovic, de Vucurevic, d'Adamovic, et ne

 13   prête foi qu'à Cvetic qui n'a jamais vu ces réunions, qui n'a jamais été

 14   présent. La Chambre examine 40 témoins qui expliquent le commandement

 15   conjoint, et la conclusion qu'elle adopte sur la nature du commandement

 16   conjoint ne ressemble qu'à un seul témoignage, à savoir le témoignage de

 17   Cvetic.

 18   Pourquoi la Chambre n'apprécie pas le témoignage de plus de 40

 19   témoins sur la nature du commandement conjoint ? Pourquoi elle n'explique

 20   pas pourquoi elle ne leur prête pas foi ? Pourquoi elle n'explique pas

 21   qu'est-ce qui l'incite à ne prêter foi qu'à Cvetic ? Et encore une fois, il

 22   n'a jamais été là, il n'a jamais été présent. Cette attitude adoptée par la

 23   Chambre montre de manière flagrante qu'elle ne tient pas compte des preuves

 24   et elle accepte des suppositions à la place des faits.

 25   Il y a très longtemps, il y a 50 ans, mon professeur à la faculté de

 26   droit a dit quelque chose qui s'applique ici, à savoir que tous les

 27   indices, toutes les suppositions du monde tombent à l'eau à partir du

 28   moment où nous avons une preuve, ne serait-ce qu'une seule preuve, alors


Page 184

  1   qu'ici, l'attitude adoptée est exactement à l'inverse. Ces conclusions sur

  2   l'autorité du commandement conjoint, la Chambre de première instance les

  3   explique d'une seule phrase. Leurs réunions ne se résumaient pas à un

  4   échange quotidien d'information. Cette attitude constitue un exemple

  5   flagrant d'un manque de précision au niveau des conclusions. Plus qu'un

  6   échange, mais quoi de plus ? Qu'est-ce qui a été dit ? Qu'est-ce qui a été

  7   ordonné ? Qu'est-ce qui a été fait ? Que s'est-il passé sur le terrain ? Un

  8   Juge des faits raisonnable, s'il dit qu'il ne s'agissait pas d'un échange

  9   d'information, qu'il s'agissait de quelque chose de plus, a l'obligation de

 10   dire de quoi de plus il s'était agi. Il s'agit ici d'une erreur flagrante

 11   de la part de la Chambre de première instance. Les conclusions sur

 12   l'autorité du commandement conjoint, sur la VJ, sur le MUP de Serbie, ces

 13   conclusions sont bâties par la Chambre sur plusieurs exemples datant de

 14   1998. Tous ces exemples sont indéfendables. Tous ces exemples montrent

 15   précisément qu'il n'y a pas d'autorité plutôt que les lignes de

 16   subordination ont été maintenues et qu'elles sont sans interruption.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une

 18   question, Conseil ?

 19   Le lien entre le commandement conjoint et ce qu'on a appelé le Groupe

 20   de travail, quelle est la nature du lien entre les deux ? Est-ce que ce

 21   Groupe de travail a été créé pour coordonner la relation entre la VJ et le

 22   MUP ?

 23   M. FILA : [interprétation] Si vous vous penchez bien sur l'acte

 24   d'accusation, au départ on a dit que lors de cette réunion du Parti

 25   socialiste de Serbie, on a adopté cette conclusion. C'était ça, la thèse de

 26   la Chambre, que Milosevic a proposé la création de ce Groupe de travail

 27   avec Milomir Minic à la tête de l'assemblée fédérale et avec deux

 28   ministres, les ministres des Sports et de l'Industrie. Et l'objectif du


Page 185

  1   Groupe de travail était de se rendre pendant une journée sur place et de

  2   constater quelle était la situation. C'est le parti le plus important qui

  3   décide d'aller voir ce qui se passe sur le terrain. Il faut savoir, pour

  4   replacer cela dans le contexte, la spécificité de la Yougoslavie. L'armée

  5   est commune, mais la police appartient à chacune des républiques, donc pour

  6   savoir exactement ce qui se passe sur place, la Parti socialiste envoie sa

  7   délégation du parti pour constater les faits. La communication au sein du

  8   commandement conjoint, vous avez là des personnes qui sont en place et qui

  9   doivent se mettre d'accord, enfin, qui doivent s'informer, parce que vous

 10   avez une structure civile, la Croix-Rouge, les autorités locales,

 11   l'autonomie locale, les liens avec l'étranger. Quand ils pouvaient regarder

 12   la télévision pour s'informer, ils échangeaient les informations, donc il y

 13   a un échange d'information, mais cela n'a rien à voir avec la commission

 14   qui est allée rendre compte à Milosevic sur ce qu'elle a vu sur place.

 15   Pourquoi est-ce que Sainovic les rejoint ? Parce que l'Etat fédéral doit

 16   envoyer quelqu'un pour que l'Etat fédéral s'informe. Sainovic y va sur

 17   ordre de Bulatovic, c'est pour cela qu'il rejoint la mission, et il le fait

 18   occasionnellement en 1998.

 19   Mais, ce qui est important, c'est que les chaînes de commandement de la

 20   police et de l'armée sont sans entraves, donc il n'y a pas d'influence

 21   exercée sur le commandement. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre

 22   question.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez continuer.

 24   M. FILA : [interprétation] Quel est le rôle du commandement conjoint ? Vous

 25   avez l'exemple de cette demande de recevoir des hélicoptères. C'est

 26   Sainovic qui le fait pour la Croix-Rouge, demande d'emploi d'hélicoptères.

 27   C'est l'état-major général qui a décidé, le commandement de la 3e Armée, et

 28   cet hélicoptère n'a pas été donné. Si Sainovic avait été aussi important,


Page 186

  1   il aurait pu obtenir cet hélicoptère pour la Croix-Rouge. Puis, la question

  2   de l'affectation, du déploiement des groupes de combat, ils sont affectés

  3   exclusivement sur la base des ordres du commandant de la 3e Armée. Sainovic

  4   était commandant du Corps de Pristina, donc ce n'est pas lui qui donne

  5   l'autorisation, c'est le général Samardzic. Puis, l'exemple des forces

  6   d'intervention rapide, elles ne constituent aucun problème. Là encore, nous

  7   avons un échange d'opinions, puisque ces forces n'ont jamais été

  8   constituées. Ensuite, l'exemple de la mise en œuvre de la troisième phase

  9   du plan. Indépendamment des tentatives qui ont été déployés par Pavkovic,

 10   l'emploi des unités du Corps de Pristina ne peut avoir lieu sans ordre du

 11   commandement de la 3e Armée.

 12   L'exemple de la lettre de Perisic, P717, Perisic parle exclusivement de

 13   tentatives d'influence pas traduites dans les faits sur l'emploi des unités

 14   du corps. Exemple des ordres du Corps de Pristina. La Chambre arrive à la

 15   conclusion que l'opération s'est passée sous le contrôle du commandement du

 16   Corps de Pristina, P1427 et P1428. La Chambre accepte qu'on ait préservé la

 17   chaîne de commandement au sein de la VJ. L'exemple des ordres où on demande

 18   l'autorisation du commandement conjoint, la Chambre admet qu'en réalité

 19   cette autorisation était donnée par le commandement du Corps de Pristina et

 20   non pas par le commandement conjoint.

 21   Qu'en est-t-il du commandement conjoint en 1999. Les conclusions sur le

 22   commandement conjoint en 1999 sont différentes de manière dramatique des

 23   conclusions sur ce même commandement en 1998. La Chambre fait état des

 24   choses suivantes : l'existence du commandement conjoint est moins évidente.

 25   Les preuves sont moins détaillées, moins précises, pas de procès-verbaux

 26   sur les réunions. Les preuves sont superficielles sur le commandement

 27   conjoint. Il n'y a pas de preuve sur un mandat clair du commandement

 28   conjoint en 1999. Les ordres qui portent donc la marque du commandement


Page 187

  1   conjoint émanent du Corps de Pristina. La seule chose qui existe c'est la

  2   conclusion de la Chambre sur la base de Vasiljevic, que la réunion du 1er

  3   juin 1999, était une réunion semblable à celles de 1998. Donc le seul

  4   caractère semblable c'est que cela s'est tenu au Kosovo et que l'objet de

  5   la réunion est la situation qui règne au Kosovo. Tout le reste est

  6   différent. Pas de participants des réunions de 1998, pas de continuité. Si

  7   cela est au service de la coordination, alors une réunion ne suffit pas. Il

  8   n'y pas de procès-verbaux, pas de notes. Pas de civils. La ressemblance

  9   constatée par la Chambre ne constitue pas un fondement permettant de tirer

 10   des conclusions raisonnables. La ressemblance ne constitue pas l'identité.

 11   Semblable n'est pas le même. Par définition, ils sont différents. Donc,

 12   soit il s'agit d'une réunion du commandement conjoint, soit il n'en s'agit

 13   pas. Si cela est simplement semblable, alors une comparaison ne permet pas

 14   d'arriver à des conclusions qui ont des conséquences importantes sur la

 15   responsabilité pénale.

 16   Vous vous rappellerez cet exemple de quelqu'un qui aurait un comportement

 17   d'une oie ou d'un canard, eh bien, on pourrait arriver à la conclusion

 18   qu'il s'agit d'un canard, ce qui est erroné.

 19   La Chambre fait état d'un certain nombre de mentions faites par les accusés

 20   du commandement conjoint en 1999, et que cette mention, en fait, rappelle

 21   l'ensemble du système de coordination de 1998. Mais qu'est-ce que cela

 22   signifie "mention" ? Est-ce qu'un organe existe ou n'existe pas ? Est-ce

 23   que l'organe est différent si la situation sur le terrain a changé ? Alors,

 24   la Chambre dit que le Corps de Pristina adoptait cette mention

 25   "commandement conjoint" pour s'attribuer une plus grande autorité. "Plus

 26   grande autorité", mais qu'est-ce que cela signifie ? A quoi est-ce que cela

 27   est nécessaire ? Aux unités de la VJ qui sont commandées par le Corps de

 28   Pristina de toutes les manières. MUP qui n'est pas commandé par le Corps de


Page 188

  1   Pristina. Donc, la logique de la Chambre nous amène à la conclusion que

  2   l'autorité du Corps de Pristina dans ces mêmes unités n'est garantie qu'à

  3   partir du moment où l'en-tête mentionne le commandement conjoint. Mais, il

  4   s'agit là d'une conclusion qu'un Juge des faits raisonnables ne pourrait

  5   pas accepter. Et ce qui est tout particulièrement important. La mention du

  6   commandement conjoint constitue un facteur important car au niveau de la

  7   planification, de la mise en œuvre, cela rappelle l'autorité de 1998. Là,

  8   nous n'avons qu'une seule dans toute une série de conclusions pas claires

  9   et contradictoires. Alors, est-ce que l'organe existe ou est-ce qu'il

 10   existe parce qu'on en parle, parce qu'on le mentionne ? Donc, même si

 11   Sainovic était décédé l'organe aurait existé. Est-ce qu'il y a un rôle joué

 12   par les accusés au sein de cet organe ? Est-ce qu'il y a des conséquences

 13   des activités de cet organe sur le terrain et, en particulier, lorsqu'il

 14   s'agit de notre Statut, au vu de notre Statut ? La conclusion de la Chambre

 15   disant que le commandement conjoint a été créé pour permettre aux

 16   commandants du MUP pour sauver la face et ne pas se voir commander par la

 17   VJ avant et pendant l'état d'urgence, ça mérite un aperçu tout à fait

 18   particulier. Ici, il ne s'agit de rien que d'une supposition. Pourquoi

 19   voulez-vous que Milosevic et Pavkovic aient besoin d'un commandement

 20   conjoint alors qu'il y avait des décisions d'instance compétente et du

 21   commandement pour ce qui est de l'utilisation de la VJ ? Pourquoi

 22   Milosevic, Pavkovic ou Sainovic auraient besoin d'un commandement conjoint

 23   pour coordonner le MUP alors qu'il y avait des filières de commandement

 24   interrompues pour ce qui est du commandement et du MUP ?

 25   Pourquoi voulez-vous que Milosevic et Pavkovic aient à quoi que ce

 26   soit à voir ensemble alors que Milosevic est un homme politique qui agit

 27   sans contrôle parlementaire ou celle du parti qui est décrit comme étant un

 28   homme politique, qui est capable de nommer, de révoquer, de dégrader


Page 189

  1   quelque officier ou responsable à quel que poste que ce soit au niveau de

  2   la structure de l'Etat ? Alors, s'il pouvait avec l'appui de Milutinovic

  3   prendre la décision de révoquer le général Perisic, et ce, le 24 novembre

  4   1998, Milosevic aurait pu l'empêcher cela. S'il avait pu prendre la

  5   décision de révoquer de ces fonctions le commandement de la 3e Armée, Dusan

  6   Samardzic, à la date du 25 décembre 1998, et si la constitution de la RFY

  7   et la Loi régissant l'armée pour ce qui est de la conduite des cadres dans

  8   la VJ, alors on ne comprend pas pourquoi Milosevic aurait hésité à procéder

  9   à ces changements alors qu'il le pouvait, et pourquoi aurait-il créé des

 10   instances particulières. Pourquoi aurait-il eu besoin de Pavkovic pour

 11   contourner d'autres officiers, d'officiers qui n'auraient pas été d'accord

 12   avec le recours à la VJ ? Alors que la façon de procéder constitutionnelle

 13   simple et légale aurait pu être utilisée pour ce qui est d'écarter ceux qui

 14   pensaient autrement, si tant est qu'il y avait des gens qui avaient

 15   constitué un problème pour ce qui est de l'utilisation des unités de la VJ

 16   d'après les idées qui étaient celles de Milosevic.

 17   Alors, les conclusions tirées par la Chambre sont non logiques, ne

 18   sont infondées sur des faits et la Défense estime que ces conclusions sont

 19   des conclusions qu'aucun Juge des faits raisonnable n'aurait pu adopter.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que le moment est venu de faire

 21   une pause, nous allons faire une pause de 15 minutes. Et puis nous allons

 22   reprendre nos sessions à 11 heures.

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.

 24   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Fila, vous pouvez continuer.

 26   M. FILA : [interprétation] Merci.

 27   Lorsque dans l'acte d'accusation on a affirmé que ce commandement commun

 28   avec son commandement à la tête, M. Sainovic, était en train de commander


Page 190

  1   l'armée et la police au Kosovo en 1999, on a parlé d'un modus operandi --

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Fila, excusez-moi de vous

  3   interrompre. Le Juge Guney a une question à poser. Le Juge Guney a sa

  4   question.

  5   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Monsieur le Conseil, avant de poursuivre, j'aurais une question à poser au

  7   sujet du cadre du commandement conjoint et du Groupe de travail. Est-ce que

  8   le rôle qui a été conféré aux Juges de la Chambre de première instance à ce

  9   Groupe de travail se trouve être compatible aux conclusions adoptées au

 10   sujet du commandement conjoint ? Ça, c'est une première partie de ma

 11   question. Parce que d'après ce qui a été constaté par les Juges de la

 12   Chambre de première instance, il est établi que le Groupe de commandement

 13   aurait été créé pour représenter le commandement conjoint, ou une partie de

 14   ce commandement conjoint. Alors, cette constatation, d'une certaine façon,

 15   détermine le fait que ce Groupe de travail avait constitué une entité

 16   distincte des autres autorités ? Merci de me répondre.

 17   M. FILA : [interprétation] Votre conclusion est absolument exacte. Le

 18   Groupe de travail créé par Slobodan Milosevic à l'occasion d'une réunion du

 19   Parti socialiste de Serbie se voit confier une mission du parti, parce que

 20   c'est le parti qui l'emporte au niveau de notre parlement, et cela se

 21   compose de trois types de responsables. Il y en a deux qui sont ministres

 22   au niveau du gouvernement de la Serbie, Matkovic et Andjelkovic, et il y

 23   avait le président du parlement fédéral, Milomir Minic. Ce Groupe de

 24   travail va voir ce qui se passe au Kosovo pour informer le parti, et c'est

 25   la raison pour laquelle la conclusion est bonne de dire que le Groupe de

 26   travail et le commandement conjoint, ce n'est pas la même chose. C'est

 27   différent. Une fois qu'ils reviennent et qu'ils présentent un rapport à

 28   Slobodan Milosevic au sujet de ce qu'ils ont vu et de comment ils ont vu


Page 191

  1   les choses, ils se voient confier la mission d'aller de temps à autre là-

  2   bas pour recueillir des informations et informer le parti de ce qui se

  3   passe. Les réunions de ce commandement conjoint, c'est une chose, et le

  4   Groupe de travail, c'est autre chose. En particulier si vous vous penchez

  5   sur les notes de ce commandement conjoint, vous verrez que jamais ils ne

  6   sont à trois. Il y en a un, voire deux, et cetera. Mais Sainovic, que je

  7   défends ici, est le représentant de l'Etat fédéral, et il n'a rien à voir

  8   avec ce Groupe de travail. Je ne sais pas si j'ai été clair. Alors, ils se

  9   réunissent à un endroit, il y a une télévision, ils suivent la CNN et les

 10   autres chaînes, et ils échangent leurs expériences, mais chacun fait son

 11   travail. Le Groupe de travail est là pour aller voir ce qui se passe et

 12   informer son propre parti de ce qui est en train de se passer au Kosovo.

 13   Sainovic, lui, représente le gouvernement fédéral et, par la suite, il a

 14   été coordinateur chargé de la coopération avec l'OSCE, et c'est ainsi qu'il

 15   y a un échange d'information. C'est une espèce de réunion informative de

 16   club de débat; mais il n'y a pas de commandement conjoint, il n'y a pas de

 17   commandant. Dans une armée, quand vous n'avez pas de commandant, il n'y a

 18   pas de commandement.

 19   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci.

 20   M. FILA : [interprétation] Lorsqu'on a dit que le commandement conjoint

 21   avec son commandant, Sainovic, était en train de commander les effectifs de

 22   l'armée et de la police en 1999, on a affirmé qu'il y avait un modus

 23   operandi pour ce qui est de la mise en œuvre du rôle de Sainovic, d'après

 24   le Procureur. Parce que s'il n'y a plus de commandement conjoint à

 25   commander, alors il n'y a plus de Sainovic en sa qualité de commandant. Si

 26   on a affirmé de la part de l'Accusation qu'il y a eu un commandement

 27   conjoint et si c'est tombé à l'eau, alors ce qui tombe à l'eau, c'est aussi

 28   l'explication relative à la participation de Nikola Sainovic aux événements


Page 192

  1   de 1999. S'il n'y a pas de commandement conjoint, il n'y a pas de Sainovic.

  2   Qu'est-ce qu'il fait alors ? On ne peut pas remédier à cette carence en

  3   modifiant l'appellation et en le qualifiant maintenant de coordinateur

  4   politique. D'abord, on l'accuse d'être commandant d'un commandement

  5   conjoint, et ensuite on modifie la chose pour dire que c'est coordinateur

  6   politique. Et on n'a pas débattu de la chose, on n'a pas dit ce que cela

  7   signifiait, il n'y a aucun élément de preuve qui a été avancé à cet effet.

  8   Le chapitre suivant, c'est la contribution notable à l'entreprise

  9   criminelle commune, 2-1 et 2-2. La Défense ne conteste pas le fait que la

 10   Chambre de première instance ait déterminé comme élément de l'entreprise

 11   criminelle commune à juste titre la nécessité de constater sa contribution

 12   à la réalisation d'un planning criminel commun au niveau de l'accusé, mais

 13   dans son mémoire en appel, la Défense avance toute une série de raisons

 14   pour lesquelles l'engagement de Sainovic au Kosovo au fil de 1999 ne

 15   pourrait en aucune façon être considéré comme étant important. La Chambre

 16   de première instance a constaté que Sainovic était un homme utilisé par

 17   Milosevic pour orchestrer les événements au Kosovo. Maintenant, c'est un

 18   nouveau terme qu'on introduit, et on dit que Sainovic aurait donné ses

 19   propres instructions dans l'objectif de faire en sorte que la Serbie

 20   maintienne son contrôle à l'égard du Kosovo. Mais à qui a-t-il donné des

 21   instructions et quelles instructions ? Ça, on ne le dit pas.

 22   Avec tout le respect qui leur est dû, la Défense considère que cette

 23   conclusion des Juges de la Chambre est déraisonnable. Cette conclusion nie

 24   l'existence d'un Etat, nie l'existence d'institutions. La Chambre de

 25   première instance considère la Serbie et la République fédérale de

 26   Yougoslavie comme si c'était une propriété privée de Milosevic où, sans

 27   aucune limite, il décide de tout, il répartit les uns, il donne des ordres

 28   aux autres. Ce qui est particulièrement marquant au niveau des


Page 193

  1   constatations des Juges de la Chambre pour ce qui est du jugement rendu,

  2   c'est que la position de Milosevic et le rôle de Milosevic n'étaient pas à

  3   prouver. Sa position - la position de Milosevic - était donnée d'avance et

  4   connue de tout un chacun.

  5   La Chambre de première instance dans le dossier de l'affaire présente

  6   certains éléments de preuve au sujet d'entretiens qui se sont déroulés

  7   entre les responsables les plus haut placés au niveau de l'Etat. Mais ces

  8   entretiens ont été a priori considérés comme étant des conversations

  9   privées que ce Milosevic tout-puissant aurait eues avec des hommes qui

 10   étaient à ses bottes au niveau politique. Ces entretiens sont considérés

 11   par les Juges de la Chambre comme étant une des activités hors système,

 12   contraires à la constitution et à la loi. Et dans ce jugement rendu, les

 13   entretiens politiques sont considérés a priori comme étant des entretiens

 14   qui, dès qu'ils ne sont pas publics, constituent une conspiration, un

 15   complot pour ce qui est de commettre un délit au pénal, comme s'il y avait

 16   un système politique au monde où il n'y aurait pas d'entretiens entre les

 17   responsables de l'Etat à l'extérieur de l'assemblée du parlement, du

 18   gouvernement et de l'opinion publique. Mais nulle part au monde on ne rend

 19   publics les débats qui se produisent au gouvernement ou à l'assemblée.

 20   Les Juges de la Chambre, par leur constat, disent que Milosevic "orchestre

 21   des événements". On souhaite présenter l'autorité de Milosevic dans un sens

 22   extra-systématique, c'est-à-dire que Milosevic réalise sa volonté par le

 23   biais de ses hommes au-delà de toute considération constitutionnelle,

 24   légale ou de coutume politique. L'autorité incontestée de Milosevic, ça

 25   découle du fait qu'il s'était trouvé aux fonctions du président de la RFY,

 26   qu'il était à la tête du Conseil suprême de la Défense de la République

 27   fédérale de Yougoslavie, qui adopte des décisions cruciales pour ce qui est

 28   de la défense du pays et pour ce qui est d'avoir été à la tête du principal


Page 194

  1   parti politique en la RFY et en Serbie. La mesure et les modalités de

  2   l'exercice de l'influence de Milosevic pour ce qui est de la position et du

  3   rôle de Sainovic - pour tout responsable d'Etat, d'ailleurs, c'est le cas -

  4   ne peuvent être interprétés que dans ce contexte, à savoir que ces

  5   caractéristiques, pour toute organisation de l'Etat, ne comportent aucun

  6   élément de complot pour ce qui est de commettre un délit au pénal.

  7   Parce que le président de la Serbie, c'est Milutinovic, il y a un président

  8   de l'Etat fédéral, c'est Milosevic, et on a dit que Milutinovic n'était pas

  9   un proche de Milosevic. La Chambre de première instance tire une conclusion

 10   qui est celle de dire que Sainovic était la personne que Milosevic a

 11   utilisée pour orchestrer les événements au Kosovo, pour montrer que le rôle

 12   de Sainovic dans le contexte de la mise en œuvre d'une entreprise

 13   criminelle commune avait été important. Les Juges de la Chambre, s'agissant

 14   du rôle de Sainovic, procèdent à une mystification. On le qualifie d'homme

 15   à l'égard duquel Milosevic aurait attribué un Kosovo "brief" en anglais,

 16   c'est-à-dire l'homme de Milosevic pour le Kosovo, ou l'homme chargé des

 17   activités opérationnelles au quotidien. Mais les Juges de la Chambre ne

 18   tentent même pas d'exposer les motifs relatifs aux activités de Sainovic

 19   pour ce qui est des éléments de preuve qui existeraient dans le dossier

 20   pour analyser sa façon de procéder et de voir ce qui peut être attribué à

 21   Sainovic, et évaluer ses agissements et les conséquences de ses

 22   agissements.

 23   Les Juges de la Chambre se situent au niveau de préjugés et de

 24   suppositions, mais pour un Juge des faits raisonnable, cela ne saurait

 25   suffire pour ce qui est de prendre position quant à savoir s'il y a ou pas

 26   une responsabilité pénale. Quand on se penche sur les éléments de preuve,

 27   quand on parle de l'homme chargé du Kosovo, de l'orchestration ou d'un

 28   Kosovo "brief", si cela se ramène aux éléments de preuve disponibles, le


Page 195

  1   rôle de Sainovic pour tout Juge raisonnable des faits, cela signifie que

  2   c'est quelqu'un qui se situe dans le cadre des attributions

  3   constitutionnelles et légales qui ont été celles de Sainovic, vice-

  4   président du gouvernement fédéral chargé des relations internationales. Il

  5   existe plusieurs tâches distinctes que Sainovic a effectuées au sujet du

  6   Kosovo. En premier temps, à savoir en été 1998, partant d'une décision du

  7   président du gouvernement fédéral, M. Bulatovic, Sainovic a été envoyé au

  8   Kosovo en sa qualité de vice-président du gouvernement chargé des questions

  9   de la politique étrangère. La deuxième phase, c'est son engagement après la

 10   signature des accords d'octobre entre Holbrooke et Milosevic, où Sainovic,

 11   suite à la proposition du ministère fédéral des affaires étrangères, a été

 12   nommé par le gouvernement fédéral à la tête d'une commission chargée de la

 13   coopération avec la mission de vérification du Kosovo. Une troisième phase,

 14   c'est la participation de Sainovic à la conférence de Rambouillet, où suite

 15   à proposition émanant d'Andjelkovic, le gouvernement de la République de

 16   Serbie a rendu une décision concernant la composition de la délégation dont

 17   Sainovic n'est qu'un membre sur 12. Et pour finir, Sainovic a participé aux

 18   processus liés à Rugova, ce qui lui a été confié par le président du

 19   gouvernement fédéral.

 20   Par conséquent, les missions de Sainovic ne sont pas une orchestration

 21   mystifiée des événements au Kosovo, mais des activités légitimes dans un

 22   système d'administration d'Etat de la Yougoslavie et de la Serbie, où l'on

 23   prend des décisions selon des modalités prévues par la loi et la

 24   constitution, ou tous les éléments, tous les facteurs, les présidents des

 25   gouvernements, les présidents des partis et les présidents des républiques

 26   prennent part et exercent leurs influences respectives. Pour toutes

 27   activités de Sainovic, il y a des documents écrits - je le souligne - pour

 28   indiquer pourquoi il se trouve là où il se trouve et quelles sont ses


Page 196

  1   missions exactes.

  2   Il convient particulièrement de consacrer une attention notable aux

  3   activités de Sainovic après la date du 24 mars 1999. Aucun élément de

  4   preuve ne montre que Sainovic aurait procédé à des coordinations

  5   d'effectifs ou d'activités, qu'il aurait donné des instructions ou

  6   suggestions qui auraient fait que ces instructions et suggestions auraient

  7   influé de quelle que façon que ce soit sur les événements in situ, sur des

  8   déplacements et activités d'unité, et en particulier pas au service de la

  9   réalisation de l'objectif de garder le contrôle à l'égard du Kosovo. Et

 10   tout ceci, comme le souligne particulièrement la Défense, se produit après

 11   le 24 mars 1999, à l'époque où il s'est déjà produit des crimes qui sont

 12   constatés par le jugement rendu en première instance.

 13   Les Juges de la Chambre de première instance ont disposé de pièces à

 14   conviction pour ce qui est des modalités de commandement de l'armée de la

 15   VJ et du MUP, pour ce qui est donc du commandement et du contrôle des

 16   activités qui étaient celles des unités. Il n'existe pas des pièces à

 17   conviction qui montreraient que le processus de commandement et de contrôle

 18   aurait subi une influence de qui que ce soit d'extérieur à la loi pour ce

 19   qui est des participants à la filière de commandement, y compris Sainovic,

 20   notamment pendant la période suite au départ de la Mission de vérification

 21   du Kosovo et du début de la guerre contre l'OTAN et l'UCK.

 22   Les Juges de la Chambre n'ont pas été à même d'indiquer dans leur

 23   argumentation la présence de quel que élément de preuve que ce soit qui

 24   démontrerait qu'il y a eu influence exercée par les activités de Sainovic

 25   sur les événements au niveau du terrain après le départ de la Mission

 26   d'observation du Kosovo. Si la contribution de Sainovic à l'entreprise

 27   criminelle commune était à estimer comme étant notable ou importante, il

 28   faudrait qu'il y ait des éléments de preuve montrant que Sainovic avait


Page 197

  1   influé sur les modalités de réalisation de cette entreprise, et ces

  2   modalités se devraient d'être démontrées comme étant considérables. Or là,

  3   il n'en est pas question. La Défense tient en particulier à indiquer ici

  4   l'existence d'une phrase qu'on peut retrouver au paragraphe 467 du

  5   troisième volet du jugement, qui montre l'étendue de l'erreur dans laquelle

  6   ont sombré les Juges de la Chambre lorsqu'ils ont apprécié les activités et

  7   la responsabilité de Sainovic. La Chambre reconnaît qu'il y a bien moins

  8   d'éléments de preuve pour ce qui est de l'activité directe de la part de

  9   Sainovic lorsqu'il s'agit de 1999 que pour ce qui est de l'année 1998, mais

 10   qu'il y avait certains éléments de preuve de présents, et on indique sa

 11   présence aux réunions. Mais on en a déjà parlé, de sa présence aux

 12   réunions; en trois mois, quatre réunions. Cependant, d'après la Défense,

 13   les Juges de la Chambre étaient censés analyser de façon indépendante et

 14   autonome la tenue de ces réunions auxquelles Sainovic a participé en 1998

 15   pour voir la différence. Quelle était la nature de ces réunions ? Qu'est-ce

 16   que Sainovic a dit à ces réunions ? Est-ce que les propos de Sainovic,

 17   selon une interprétation raisonnable, pourraient ou pas être qualifiés

 18   comme étant des ordres de donnés ou une orchestration quelconque, on une

 19   influence exercée par les propos de Sainovic au niveau du terrain. Est-ce

 20   que la conséquence des propos tenus par Sainovic aurait déplacé des unités

 21   militaires ou policières ? Est-ce qu'il y a eu des actions de conduites ?

 22   Est-ce qu'il y a eu un crime de commis ? Rien de tout cela. Quatre réunions

 23   sans teneur qui constitueraient un fondement pour tirer une conclusion

 24   quelle qu'elle soit au niveau de la responsabilité de Sainovic.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que vous parlez maintenant

 26   des réunions qui sont tenues en 1998 ou 1999 ? Parce qu'au compte rendu, il

 27   est dit "1998", donc je ne suis pas sûr de quoi il s'agit. Ou est-ce que

 28   vous êtes maintenant en train de parler de 1999 ?


Page 198

  1   M. FILA : [interprétation] Je parle de quatre réunions en 1999.

  2   L'objectif pratique, c'est d'indiquer la distinction à faire entre ce

  3   qui s'est passé aux réunions de 1998 et ce qui s'est passé aux réunions de

  4   1999.

  5   Une fois que vous vous serez penchés sur les PV de ces réunions, vous

  6   verrez dans quelle mesure Sainovic a été présent à ces réunions et ce qu'il

  7   y a dit.

  8   Les Juges de la Chambre de première instance parlent du contexte du rôle

  9   important réalisé par Sainovic dans l'entreprise criminelle commune, et

 10   tout ceci est placé dans un contexte de commandement conjoint en 1999, mais

 11   s'agissant de ce commandement conjoint en 1999, la même Chambre de première

 12   instance dit que les éléments de preuve sont peu clairs, insuffisants,

 13   qu'il n'y a pas de renseignements relatifs à son mandat en 1999. A un

 14   endroit, les Juges de la Chambre indiquent que le commandement conjoint en

 15   1999 constitue une évocation d'une autorité qui aurait été celle de 1998,

 16   quoi que cela veuille dire. Les Juges de la Chambre, en l'absence

 17   d'éléments de preuve en 1999, se servent de façon inadmissible d'analogies

 18   et de conclusions tirées en 1998 pour projeter le tout sur une période qui

 19   est celle de 1999, ou plus exactement vers une période où il y a eu des

 20   délits au pénal de commis. Mais en matière de droit pénal, il est interdit

 21   de procéder à des méthodes d'analogie, notamment en Serbie pour ce qui est

 22   de nos procès et du droit civil. Ça peut éventuellement être fait, mais pas

 23   en matière de droit pénal.

 24   Les Juges de la Chambre n'ont pas disposé de pièces à conviction qui

 25   diraient que Sainovic aurait participé à une coordination quelconque en

 26   1999. Les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas d'éléments de

 27   preuve pour ce qui est de l'existence d'un commandement conjoint en 1999.

 28   Au contraire, on parle de l'existence de cette prétendue instance au


Page 199

  1   travers d'impressions et de souvenirs datant de 1998. Les Juges de la

  2   Chambre négligent les différences substantielles qui existent entre 1998 et

  3   1999, qui se trouvent avoir une importance cruciale pour ce qui est des

  4   conclusions à tirer en la matière. En 1999, il y a eu un état de guerre de

  5   proclamé. En 1999, il y a dans ce pays une guerre entre mon pays et l'OTAN.

  6   La différence entre 1998, Mesdames et Messieurs, et 1999, c'est une guerre,

  7   et la présence d'une organisation militaire qui est l'OTAN. C'est là la

  8   différence, et celle-ci influe sur le caractère du conflit. La différence,

  9   donc, entre 1998 et 1999. En 1999, il n'y a pas de civils qui assisteraient

 10   à quelle que réunion que ce soit au niveau de la VJ et du MUP, parce que

 11   dans un état de guerre, il n'y a pas participation de civils, dans aucun

 12   pays et dans le mien non plus.

 13   Les Juges de la Chambre de première instance commettent une grave erreur de

 14   droit pour ce qui est de la détermination des faits, car ils recourent à

 15   des méthodes d'analogie pour ce qui est des présentations d'éléments de

 16   preuve. On tire des conclusions sur une période de temps partant de ce qui

 17   a été constaté dans une autre période de temps, et la Défense estime que

 18   dans un contexte quelque peu plus large, il est répondu par la présente à

 19   l'une des questions posées par les Juges de la Chambre d'arrêt à la page 3

 20   de son ordonnance du 20 février 2013.

 21   L'actus reus et le mens rea de Sainovic s'agissant des événements qui lui

 22   sont reprochés sont déterminés uniquement par une méthode d'analogie.

 23   Toutes les conclusions pour ce qui est de ces agissements et de son mens

 24   rea ont été formulées par les Juges de la Chambre de première instance,

 25   moyennant analyse de faits datant de 1998. Mais en 1998, il y a

 26   détermination de l'autorité de Sainovic et de l'origine de son autorité.

 27   Pour 1998, les Juges de la Chambre de première instance déterminent qu'il y

 28   a eu des réunions qui se sont tenues pour analyser les activités de l'armée


Page 200

  1   et de la police, et à certaines de ces réunions, il y a présence de

  2   Sainovic. Pour 1998, les Juges de la Chambre de première instance

  3   déterminent l'existence d'un commandement conjoint et de ses attributions

  4   avec détermination du rôle prétendu de Sainovic, mais tout cela n'est plus

  5   en 1999. Or, c'est la période de temps pour laquelle Sainovic est censé

  6   être tenu responsable. Est-ce qu'il existe un commandement conjoint ou est-

  7   ce qu'il n'existe rien que des souvenirs de tout ceci qui sont évoqués pour

  8   des raisons indéfinies. On ne sait pas ce que Sainovic est en train de

  9   coordonner. On ne sait pas s'il donne des ordres significatifs ou des

 10   instructions importantes. On ne sait pas où Sainovic se trouve pour la

 11   période de l'acte d'accusation. Tout ce qu'on a, ce sont des renseignements

 12   pour ce qui est de sa présence à quatre réunions. Mais, comme si personne

 13   n'avait compris qu'entre 1998 et 1999, il n'y a que cette toute petite

 14   différence de l'existence d'une guerre et de l'attaque de l'OTAN. Donc, les

 15   Juges de la Chambre n'ont aucun élément de preuve pour 1999 et, de façon

 16   inadmissible, on se sert d'analogies pour tirer des conclusions et dire que

 17   si telle chose existait en 1998, elle a dû forcément exister en 1999. Ceci

 18   enfreint de façon grave la légalité du procès contre Sainovic.

 19   Ici, la Défense estime qu'il convient de répondre à un deuxième volet de la

 20   question des Juges de la Chambre d'appel qui se rapporte à l'année 1998, où

 21   on demande à la Défense de prendre position pour ce qui est de savoir si le

 22   mens rea de l'accusé pourrait être déterminé s'agissant d'une première

 23   forme d'entreprise criminelle commune, à savoir le chef de déportation et

 24   de déplacement forcé partant des connaissances qu'avait eues l'accusé des

 25   crimes commis en 1998, y compris des crimes qui seraient ceux d'expulsion

 26   ou de déplacement forcé.

 27    La Défense souhaite d'abord se pencher sur certains faits. Au paragraphe

 28   920 du jugement rendu en première instance, il est dit qu'à quelques


Page 201

  1   exceptions près, de façon générale, on a présenté des éléments de preuve

  2   qui ne sont pas de nature à prouver des délits au pénal concrets commis par

  3   des groupes particuliers, des effectifs de la VJ ou du MUP en 1998. Dans

  4   certains cas de figure, il y a eu usage exagéré de la force avec des

  5   conséquences graves et certains observateurs ont formulé leur préoccupation

  6   à cet effet. Les Juges de la Chambre de première instance ont analysé les

  7   connaissances qui étaient celles de Sainovic au sujet de ces crimes ou

  8   prétendus crimes en 1998 aux paragraphes allant de 441 à 443. La présence

  9   de réfugiés, du fait de combats en 1998, ne constitue pas un élément de

 10   preuve concernant des crimes, mais un élément de preuve relatif au sérieux,

 11   à la gravité des conflits qui existaient au Kosovo à l'époque. Il y a  eu

 12   une forte présence de réfugiés en 1998 qu'on essaie de présenter comme

 13   étant des expulsions qui auraient existé en 1999; mais s'agissant

 14   d'éléments de preuve de 1998, il n'y en a pas trace du tout. Alors,

 15   l'apparition de réfugiés et des expulsions, les déplacements forcés, n'ont

 16   aucun élément commun et ne pourraient être pris en tant qu'éléments

 17   comparatifs pour ce qui est d'illustrer ou de démontrer que Sainovic avait

 18   su qu'il y avait eu des crimes ou prétendus crimes de commis.

 19   La Chambre cite également l'exemple de Gornje Obrinje, 899. S'agissant des

 20   événements d'Obrinje, le rapport a été demandé par l'état-major général de

 21   l'armée de Yougoslavie. Le commandement du Corps de Pristina a informé

 22   l'état-major général du fait qu'elle n'avait pas d'informations sur un

 23   massacre qui se serait produit à Gornje Obrinje. Les médecins légistes

 24   finlandais étaient censés procéder à une enquête, mais cette équipe est

 25   arrivée au Kosovo, il y a eu des problèmes au niveau d'accès, de la

 26   sécurité, ils n'ont pas pu faire leur travail. D'ailleurs, la juge

 27   d'instruction du tribunal de district de Pristina a mené une enquête.

 28   Milomir Minic était d'accord sur le fait qu'il était nécessaire de mener


Page 202

  1   une enquête. Il était le numéro deux sous le président du parlement. Donc,

  2   les événements de 1998, qui sont qualifiés de crimes par la Chambre de

  3   première instance, par leurs caractéristiques de base, par leurs modes

  4   d'exécution, par leur envergure, par les circonstances qui se sont

  5   produites, n'ont aucune ressemblance avec les événements de 1999. Les

  6   événements de 1998 ne peuvent pas constituer une connaissance, une mise en

  7   garde pour l'année 1999, tel est l'avis de la Défense. Egalement, la

  8   connaissance d'un crime de 1998 ne peut pas être utilisé en tant que preuve

  9   de prévisibilité d'un crime de 1999, parce que les crimes allégués sont

 10   différents au niveau de tous les éléments essentiels qui les caractérise.

 11   Pour l'existence des crimes d'expulsions et de transferts forcés, l'élément

 12   évoqué, le transfert forcé du secteur ou la personne transférée réside de

 13   manière légale. Alors, la Chambre, au paragraphe 919, constate qu'un nombre

 14   considérable de personnes ont fait l'objet de transfert forcé, mais elle

 15   établit deux types de raisons : les combats entre la République fédérale de

 16   Yougoslavie et la Serbie avec le l'UCK et le recours disproportionné à la

 17   force dans certains secteurs. Alors, la Chambre de première instance ne

 18   parle pas de transfert forcé à aucun endroit.

 19   Enfin, lorsqu'il s'agit d'expulsion, il n'y a aucune preuve d'expulsion au-

 20   delà de la frontière d'Etat et, enfin, tous les individus qui ont quitté

 21   leur foyer en 1998 avec l'aide des instances d'Etat de la Serbie et de la

 22   République fédérale de Yougoslavie reviennent dans leurs foyers. Dans

 23   nombre de cas, l'Etat aide à ce que l'on répare les maisons endommagées,

 24   aide d'une autre manière.

 25   Donc, chercher à constater l'élément moral pour quelques crimes que

 26   ce soit de 1998 est tout simplement impossible, et surtout impossible pour

 27   ce qui est de Sainovic. Les événements de 1998 sont de manière fondamentale

 28   différents des événements de 1999 au niveau de toutes les caractéristiques


Page 203

  1   essentielles, donc toute conclusion de l'existence de l'élément moral dans

  2   le cas de Sainovic rend cela impossible de cette manière-là.

  3   Alors, qu'en est-il de l'élément moral chez Sainovic. La Défense

  4   souhaite souligner quelques arguments de taille qui concernent l'intention

  5   de Sainovic de commettre des crimes qui lui sont imputés. La Chambre de

  6   première instance, au paragraphe 466, Volume III du jugement, conclut que

  7   Sainovic avait l'intention de transférer par la force une partie de la

  8   population albanaise du Kosovo et d'influer ainsi sur l'équilibre ethnique

  9   pour assurer un contrôle durable à la Serbie et la République fédérale de

 10   Yougoslavie au Kosovo. Alors, la Chambre de première instance utilise cinq

 11   sources aux paragraphes 428 à 438, lorsqu'elle examine l'état d'esprit de

 12   Sainovic. Il s'agit de Naumann, Phillips, Byrnes, Loncar, et Petritsch.

 13   Alors, ce sont des individus qui sont entrés en contact avec Sainovic avant

 14   la période couverte par l'acte d'accusation.

 15   Donc, la Chambre de première instance analyse la déposition de

 16   Naumann, mais elle arrive à la conclusion qu'elle ne peut pas s'en servir

 17   pour l'utiliser pour prouver la relation de Sainovic vis-à-vis de la

 18   population albanaise au Kosovo. Byrnes était à la tête de la mission

 19   d'observation diplomatique américaine au Kosovo. Byrnes cite que Sainovic

 20   considérait que les problèmes du Kosovo devaient être résolus par des

 21   moyens politiques. Il fallait aller chercher une solution mutuellement

 22   acceptable, que Sainovic recherchait une telle solution, qu'il a toujours

 23   fait preuve de coopération, qu'il a même essayé de négocier avec l'ALK ou

 24   l'UCK pour essayer de trouver une solution. Et Byrnes, qui a participé aux

 25   négociations de Rambouillet, a déposé en disant qu'il faisait confiance;

 26   lui, personnellement, faisait confiance à Sainovic.

 27   Alors, la Chambre cite Petritsch dans la partie du jugement où il est

 28   question de l'intention de Sainovic. Et il est dit à cet endroit que


Page 204

  1   Sainovic était le plus constructif à la recherche d'une solution globale.

  2   Et Loncar a déposé en disant que Sainovic prônait une mise sur pied d'une

  3   police multiethnique au Kosovo, ce qui, de toute évidence, démontre que

  4   Sainovic pensait que seule la négociation et le compromis pouvait permettre

  5   de trouver une solution pour le Kosovo. Et Petritsch affirme qu'à

  6   Rambouillet, c'était Milutinovic qui était le critique le plus sévère,

  7   qu'il a eu un impact très négatif sur une partie des négociations; mais la

  8   Chambre ne tient pas compte de cela du tout. La Chambre de première

  9   instance ne tient compte d'aucune raison fournie par les individus qui

 10   étaient en contact direct avec Sainovic. En revanche, la Chambre décide

 11   d'accepter la déposition de Phillips. Alors, en agissant de cette manière-

 12   là, en adoptant cette attitude, la Chambre de première instance s'engage

 13   sur le chemin qui ne serait empruntée par aucun Juge des faits raisonnable.

 14   Que ce soit Byrnes, ou Loncar, ou Petritsch, ils sont tous des témoins de

 15   l'Accusation. Byrnes et Petritsch sont des diplomates de haut rang dans

 16   leurs pays respectifs. Les deux connaissaient parfaitement la situation en

 17   Serbie et ils s'étaient intéressés à cette situation pendant longtemps.

 18   Leur perception, en plus de Loncar, ne permet aucune possibilité d'apporter

 19   la conclusion qui a été apportée par la Chambre de première instance.

 20   Byrnes et Petritsch ont passé beaucoup de temps avec Sainovic. Leurs

 21   dépositions, de par leur poids, ne peuvent pas être comparées aux

 22   dépositions de ceux qui n'ont rencontré Sainovic qu'une fois ou deux fois.

 23   Or, la Chambre de première instance n'explique nulle part pourquoi elle

 24   n'accepte pas la déposition de Byrnes, pourquoi elle ne tient pas compte de

 25   Petritsch et de Loncar.

 26   La Chambre de première instance accepte la déposition de Phillips.

 27   Cependant, s'agissant de Phillips, la Chambre de première instance fait

 28   quelque chose qui ne serait digne d'aucun Juge des faits raisonnable. Elle


Page 205

  1   ne tient compte d'aucun élément de la déposition de Phillips et une

  2   conclusion lourde de conséquences, sa conclusion portant sur l'intention de

  3   Sainovic, eh bien, elle la fonde sur une seule phrase prononcée par

  4   Phillips, qui est sortie de tout contexte et qui est réfutée par l'ensemble

  5   de sa déposition. La Chambre de première instance accepte la phrase de

  6   Phillips disant que les Albanais n'appartiennent pas au Kosovo et que le

  7   Kosovo constitue un berceau de la civilisation serbe et que les Albanais ne

  8   souhaitent pas cohabiter avec les Serbes. La Défense souligne que la

  9   déposition de Phillips n'est pas claire là-dessus, qu'elle est intervenue

 10   suite à plusieurs questions répétées par le Procureur, où le Procureur a

 11   même interrompu le témoin, lui a reposé sa question jusqu'à ce qu'il

 12   obtienne la réponse qu'il voulait obtenir.

 13   Alors, qu'a dit Phillips dans le cadre de sa déposition ? Il a déclaré que

 14   Sainovic était sincère lorsqu'il a parlé d'une coexistence entre les Serbes

 15   et les Albanais, que Sainovic, lors de la réunion qui s'est tenue le 24

 16   novembre 1998, a déclaré que la plupart des gens au Kosovo croient qu'il

 17   est possible de trouver une solution politique et que Sainovic, lui aussi,

 18   pensait qu'une telle solution était possible, que lors d'une réunion avec

 19   Walker le 8 décembre 1998, que Sainovic a présenté ses propositions de

 20   manière sincère et qu'il souhaitait résoudre les problèmes, et enfin, que

 21   lors de sa réunion avec Walker le 14 janvier 1999, qu'il a déclaré qu'il se

 22   félicitait de leur travail commun et que la VJ et l'UCK devaient chercher

 23   une solution politique et qu'il fallait travailler sur les éléments-clés

 24   d'un accord à passer. C'était la déposition de Phillips, mais c'étaient

 25   aussi les notes de Phillips, et les notes officielles, donc, qui datent du

 26   moment pertinent et qui ont fait l'objet de mesures de protection

 27   spécifiques en l'espèce mais qui existent. Phillips affirme donc que

 28   Sainovic prône une coexistence des Serbes et des Albanais au Kosovo, qu'il


Page 206

  1   est favorable à ne solution politique, que Sainovic espère qu'une telle

  2   solution est possible, et qu'il convient d'œuvrer sur un accord. La Chambre

  3   de première instance, en revanche, n'accepte qu'une seule phrase faisant

  4   l'objet de la déposition de Phillips, même si quatre autres situations au

  5   moins indiquent une attitude tout à fait opposée de la part de Sainovic.

  6   Alors, si Sainovic est favorable à une coexistence des Serbes et des

  7   Albanais, s'il est favorable à ce qu'on trouve par la voie des négociations

  8   une solution commune, s'il est sincère dans sa recherche d'une solution par

  9   les négociations, si Phillips lui fait confiance, alors il est impossible

 10   de ne retenir qu'une seule phrase qui se présente sous une forme pas claire

 11   et qui est sortie du contexte, ou dont le contexte n'est pas clair, le

 12   contexte où elle a été prononcée.

 13   Alors, rappelons aussi la déposition sur le rôle joué par Sainovic à

 14   Rambouillet, où on voit encore une fois exprimer son désir de résoudre les

 15   problèmes par la voie des négociations. C'est Petritsch qui en parle d'une

 16   manière très claire. Alors, la Défense arrive à la conclusion qu'aucun Juge

 17   des faits raisonnable ne serait arrivé à une conclusion sur l'existence de

 18   l'intention de Sainovic de la manière dont cela a été fait par la Chambre

 19   de première instance en l'espèce. On ne tient compte d'aucun témoin qui a

 20   des connaissances directes, on ne tient compte d'aucune preuve écrite qui

 21   date de la période pertinente, on ne tient compte d'aucun élément

 22   substantiel dans la déposition de Phillips, et la décision qui constitue la

 23   base de la déclaration de culpabilité de Nikola Sainovic se fonde sur une

 24   phrase qui, au moins, est contradictoire avec le reste de la déposition du

 25   témoin.

 26   Alors, je tiens à répondre à présent aux questions posées par la Chambre

 27   d'appel sur l'importance du moment où l'acte d'accusation contre Sainovic a

 28   été rendu public.


Page 207

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Fila, est-ce que vous pouvez

  2   ralentir, s'il vous plaît.

  3   M. FILA : [interprétation] Oui, je semble avoir peur de ne pas pouvoir

  4   arriver au terme de mon exposé.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous comprends parfaitement, mais

  6   les propos liminaires ont pris à peu près huit minutes -- enfin, ont

  7   prélevé huit minutes sur votre temps, et vous vous verrez accorder huit

  8   minutes de plus.

  9   M. FILA : [interprétation] Dans son ordonnance du 20 février 2013, la

 10   Chambre d'appel demande à la Défense de présenter ses arguments sur

 11   l'importance du fait que l'acte d'accusation contre Sainovic a été publié

 12   le 27 mai 1999, et que le dernier crime reproché à Sainovic s'est produit

 13   le 25 mai 1999, donc deux jours avant.

 14   Pour commencer, la Défense avance que la disponibilité générale des

 15   éléments d'information ne saurait pas étayer une présomption sur les

 16   connaissances véritables de Sainovic. Seule une connaissance véritable peut

 17   constituer un fondement d'une déclaration de culpabilité. En conséquence,

 18   le fait que les médias aient disposé d'information, cela ne peut pas être

 19   considéré comme constituant une conclusion faisant état d'une véritable

 20   connaissance de Sainovic du fait qu'un acte d'accusation avait été dressé

 21   contre lui.

 22   Donc, en l'absence de preuves concrètes de sa connaissance et une

 23   connaissance éventuelle de l'existence de l'acte d'accusation pourrait

 24   avoir une importance uniquement dans un contexte où il s'agirait de

 25   sanctionner éventuellement certains auteurs de crimes; cependant, dans le

 26   dossier de l'espèce, aucune preuve ne montre que Sainovic aurait eu des

 27   attributions ou une possibilité lui permettant de sanctionner qui que ce

 28   soit sur le plan disciplinaire ou pénal. Alors, s'agissant maintenant de la


Page 208

  1   question de la Chambre d'appel sur le critère d'élément moral par rapport à

  2   la troisième catégorie d'entreprise criminelle commune.

  3   Donc, la Chambre d'appel demande ce qui en est des moyens quatre et

  4   cinq de la défense de Sainovic, est-ce qu'ils seraient affectés

  5   éventuellement lorsqu'on acceptait l'appel du Procureur par rapport à une

  6   correction à apporter au critère de l'élément moral par rapport à la

  7   troisième catégorie d'entreprise criminelle commune. Avant tout, la Chambre

  8   de première instance fonde sa position sur le critère requis sur la

  9   décision de la Chambre d'arrêt dans l'affaire Brdjanin. Nous nous sommes

 10   exprimés là-dessus dans nos paragraphes 49 à 56 en répondant aux moyens

 11   d'appel du Procureur. Si, cependant, la présente Chambre d'appel arrivait à

 12   la conclusion que le critère de "probable" devait se trouver remplacé par

 13   le critère de "possible", la Défense rappelle la position de la Chambre

 14   d'appel dans l'affaire Karadzic sur la troisième catégorie d'entreprise

 15   criminelle commune, il s'agit de la position du 25 juin 2009, à savoir il

 16   est dit que le critère de possibilité ne saurait être appliqué aux

 17   situations où l'accusé se trouve éloigné de manière considérable des

 18   événements et que l'élément moral dans le cas de la troisième catégorie

 19   d'entreprise criminelle commune exige que la possibilité de commettre le

 20   crime soit suffisamment substantiel pour l'accusé pour pouvoir être

 21   prévisible pour lui. Cependant, la Défense souligne qu'indépendamment du

 22   critère de droit, une conclusion sur la responsabilité de Sainovic des

 23   crimes de meurtre, d'assassinat et d'endommagement d'édifices religieux

 24   serait la même. Il n'y a pas de faits sur lesquels on pourrait fonder une

 25   conclusion disant que ces crimes auraient pu être prévisibles pour

 26   Sainovic. Des arguments détaillés figurent dans notre appel aux paragraphes

 27   397 à 410.

 28   J'aborde enfin l'incident de Tusilje, qui ne figure pas à l'acte


Page 209

  1   d'accusation, mais qui est néanmoins mentionné dans le jugement. Même si

  2   cet incident ne fait pas partie de notre appel, nous estimons qu'il

  3   faudrait prononcer l'acquittement vis-à-vis de toute responsabilité imputée

  4   à Sainovic pour les événements qui se sont produits dans cette localité.

  5   Et enfin, parlons de la détermination de la peine. La Défense est

  6   convaincue que les arguments présentés dans la peine montrent de manière

  7   convaincante que la seule décision juste, lorsqu'il s'agit de Sainovic,

  8   serait un acquittement. Si, cependant, la présente Chambre d'appel

  9   n'acceptait pas, en partie ou dans la totalité, les arguments de la

 10   Défense, la Défense souligne que la Chambre de première instance a commis

 11   des erreurs en déterminant la peine de Sainovic qui rendent cette peine

 12   tout à fait inadéquate. Si Sainovic a transmis tel ou tel élément

 13   d'information, s'il a transmis une consigne, il s'agit d'un très petit

 14   nombre de situations.

 15   La Chambre de première instance n'a pu identifier que quelques-unes

 16   de ces situations. Dans la plupart des cas, dans la grosse majorité des

 17   activités de la VJ et du MUP, les informations de Sainovic ou les consignes

 18   de Sainovic ne constituent qu'une partie infime qui se perd dans les

 19   centaines de milliers d'ordres, de rapports, de commandements qui ont été

 20   échangés entre les commandants de la VJ, du MUP et leurs structures

 21   supérieures. Si Sainovic a joué un rôle, s'il a eu une contribution, s'il a

 22   eu une certaine autorité, alors sa contribution n'a été que très faible et

 23   il n'a que très faiblement utilisé son autorité. S'il y a quatre réunions,

 24   s'il y a quatre consignes pas claires, mal formulées, que Sainovic aurait

 25   transmises, et si en même temps nous sommes en présence d'une situation de

 26   guerre, des commandements des états-majors, des moyens de transmission,

 27   ordres, commandements, rapports, une chaîne de commandement ininterrompue

 28   au niveau de l'armée et de la police, s'il existe des instances de pouvoirs


Page 210

  1   civils, alors le rôle joué par Sainovic - si jamais un tel rôle a existé -

  2   il n'est que minimal et la peine qui a été prononcée contre lui est

  3   exagérée.

  4   Si cette Chambre d'appel devait constater que Sainovic est

  5   responsable, alors la peine prononcée devrait être bien plus clémente que

  6   les 22 années de prison qui ont été prononcées contre lui pour quatre

  7   épisodes qui se sont produits pendant la période couverte par l'acte

  8   d'accusation; quatre épisodes marginaux.

  9   Pour toutes les raisons exposées, la Défense demande à la Chambre

 10   d'appel de prendre en considération l'ensemble des arguments, d'apprécier

 11   tous les aspects factuels et juridiques du jugement de première instance,

 12   de considérer les erreurs commises par la Chambre de première instance et

 13   de prononcer un arrêt juste dans le respect du droit. La Défense de M.

 14   Sainovic estime que seul un acquittement correspondrait à ces critères.

 15   Dans le temps qui me reste, permettez-moi d'ajouter quelque chose.

 16   L'année 2013 est l'année où ce tribunal fête le 20e anniversaire de son

 17   existence. Beaucoup de protagonistes sont venus, ont apporté leur

 18   contribution aux travaux de ce Tribunal, en particulier M. Cassese et M.

 19   Golson [phon], qui ont lancé les travaux de ce tribunal. Nombreux sont ceux

 20   qui ont contribué grandement à la vie, aux activités de cette instance.

 21   En leurs noms, permettez-moi de terminer en paraphrasant des propos

 22   du plus grand combattant pour les droits de l'homme vivant, à savoir Nelson

 23   Mandela, qui a déclaré que chacun d'entre nous laisse les traces de ses

 24   activités, elles durent, et de manière infaillible, elles montrent quelle a

 25   été la voie que nous avons empruntée, la voie de la vérité et de la justice

 26   ou cette autre voie. Chacun d'entre nous choisit sa voie. Je demande à

 27   cette Chambre d'appel de choisir la voie de la justice et de la vérité, de

 28   nous permettre de choisir la bonne voie.

 


Page 211

  1   Je dois dire aussi que la dernière phase de négociations entre les

  2   gouvernements serbe et kosovar commence aujourd'hui. Les représentants les

  3   plus haut placés des instances civiles y participent. Le moment est venu de

  4   trouver une solution aux problèmes qui opposent les Serbes et les Albanais

  5   du Kosovo. Le président et plusieurs chefs d'état-major militaires se sont

  6   vus accuser en Serbie et en Yougoslavie de ces événements. Si les crimes

  7   tels que le bombardement de l'ambassade étrangère à Belgrade et d'autres

  8   crimes avaient été poursuivis aujourd'hui, on aurait pu être fier de dire

  9   que le troisième objectif de ce Tribunal a été atteint; non seulement

 10   d'accuser les responsables, de les déclarer coupables, mais aussi de rendre

 11   la justice et la vérité au nom des victimes. Je vous remercie de m'avoir

 12   accordé plus de temps qu'initialement prévu.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître

 14   Fila. Je crois que vous êtes en avance sur le temps qui vous a été imparti.

 15   Pourrions-nous entendre maintenant les arguments de l'Accusation,

 16   s'il vous plaît.

 17   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   Je vais répondre à l'examen contradictoire des preuves concernant

 19   l'entreprise criminelle commune ainsi que son opération, notamment le

 20   système de coordination des activités de la VJ et du MUP, qui comprenait le

 21   commandement conjoint. Compte tenu du caractère particulier, à savoir que

 22   de nombreuses questions sont liées entre elles, je vais tenter d'aborder

 23   ces questions et ces constatations relatives à Messieurs Sainovic, Pavkovic

 24   et Lukic comme membres de l'entreprise criminelle commune, ainsi que M.

 25   Lazarevic, et de fournir le contexte de ces constatations.

 26   Mes collègues, M. Martin Salgado et Mme Monchy répondront aux questions qui

 27   concernant Sainovic, tel qu'exposé dans votre ordonnance, Mesdames,

 28   Messieurs les Juges, du 31 janvier 2013, et nous répondrons aux questions


Page 212

  1   relatives à l'élément matériel et à l'élément moral respectivement.

  2   Monsieur le Président, M. Sainovic fait peu d'allégations véridiques

  3   d'erreurs juridiques, et comme cela est clair dans son mémoire ainsi que

  4   dans ses arguments, la plus grande majorité de son examen contradictoire

  5   des preuves correspond à des erreurs factuelles. Dans ses arguments, il

  6   critique de façon répétée la Chambre de première instance pour son mode de

  7   prise de décision en citant d'autres éléments de preuve que ceux qui sont

  8   au dossier et en laissant entendre qu'il y a d'autres conclusions qui

  9   auraient pu être tirées. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire en

 10   réplique, ceci est exposé de façon détaillée. Un nombre important de ces

 11   arguments répond aux critères d'un rejet de l'examen, et la même chose est

 12   valable pour les arguments des autres appelants. Nous estimons que cela ne

 13   serait pas utile pour les Juges de la Chambre que d'aborder chaque argument

 14   et chaque argument oral cette semaine. En répliquant, plus particulièrement

 15   nous nous reposons sur nos mémoires que nous avons déposés.

 16   Mesdames, Messieurs les Juges, Sainovic et les autres appelants dans leurs

 17   arguments écrits ont refusé d'admettre qu'il s'agissait ici d'une procédure

 18   en appel, qu'il ne s'agit pas d'un réexamen de novo, qu'il ne s'agit pas

 19   d'un forum qui permette de plaider à nouveau les arguments qui ont été

 20   présidés lors du procès. Pour déloger les conclusions factuelles de la

 21   Chambre de première instance en se fondant sur la prestation des éléments

 22   de preuve, les appelants doivent démontrer que les conclusions étaient

 23   celles qu'aucun Juge du fait raisonnable n'aurait pu conclure au moment

 24   d'apprécier l'ensemble des éléments de preuve, et que ces constations

 25   factuelles ont conduit à un déni de justice.

 26   M. Fila, dans ses arguments, n'a eu de cesse de parler d'un petit

 27   élément de preuve et a avancé un argument qu'il avait déjà avancé lors du

 28   procès, qui indiquait qu'il y avait d'autres éléments de preuve, et il a


Page 213

  1   dit que la Chambre de première instance s'est trompée au niveau de ses

  2   constatations factuelles. Mais pendant l'ensemble de ses arguments, il a

  3   ignoré les faits essentiels que les Juges de la Chambre de première

  4   instance ont utilisé pour fonder leurs appréciations en analysant les

  5   éléments de preuve, à savoir le caractère systématique des crimes qui ont

  6   commencé le 24 mars 1999 et qui se sont poursuivis pendant une période de

  7   deux mois. C'est au cours de cela que plus de 700 000 Albanais du Kosovo

  8   ont été déplacés. C'est dans ce contexte-là que l'analyse a été menée, et

  9   non pas de façon isolée par rapport à ce qui est arrivé lors de la réunion

 10   et ce que Sainovic a dit ou non à cette réunion. Tous ces événements qui

 11   ont conduit à ces crimes et les déductions adéquates et conclusions qui

 12   peuvent être tirées à partir de ces événements concernant la responsabilité

 13   pénale de chaque appelant aujourd'hui.

 14   La Chambre de première instance n'a pas rendu ses conclusions sans

 15   avoir exposé dans son jugement comment elle s'y est prise pour juger ce

 16   procès fort long et fort complexe. Les Juges de la Chambre de première

 17   instance, en trois [comme interprété] volumes et sur 1 300 [comme

 18   interprété] pages, ont indiqué exactement comment ils ont apprécié les

 19   éléments de preuve et ont appliqué cette approche de manière cohérente dans

 20   l'ensemble du jugement.

 21   Les Juges de Chambre de première instance ont eu la possibilité de

 22   voir et d'entendre les témoins déposer devant les Juges de la Chambre. Ils

 23   avaient cet avantage et ont pu apprécier leur comportement et pouvaient

 24   également se faire une impression de leur crédibilité. M. Fila plaide cela

 25   également et a dit que cela devait être rejeté, mais parce que d'autres

 26   témoins ont dit autre chose, les Juges de la Chambre de première instance

 27   ont conclu, à la lumière de l'ensemble des éléments de preuve, qu'il

 28   fallait simplement les ignorer, et qu'une autre constatation devait


Page 214

  1   remplacer celle-ci, à savoir constatation au-delà de tout doute

  2   raisonnable.

  3   La Chambre de première instance a clairement sélectionné et soupesé

  4   des éléments de preuve et a donné ses raisons lorsqu'il y a eu des éléments

  5   de preuve controversés. Et lorsqu'il y a eu doute, la Chambre de première

  6   instance en a fait profiter l'accusé. Lorsque la Chambre de première

  7   instance a rejeté les éléments de preuve ou les affirmations faites par les

  8   parties, les Juges de la Chambre ont motivé leur opinion. Les constatations

  9   de la Chambre de première instance sont empreintes d'un respect non

 10   négligeable.

 11   Dans son jugement comportant quelques 1 300 pages et trois volumes

 12   essentiels, les constatations factuelles sont étayées par des références

 13   détaillées aux éléments de preuve du dossier. Lorsqu'elle a fondé ses

 14   conclusions sur des éléments de preuve indirects, la Chambre a indiqué

 15   qu'elle tenait compte dans ses conclusions de l'ensemble des éléments de

 16   preuve.

 17   Dans le Volume I, au paragraphe 39, la Chambre de première instance a

 18   précisément fait référence à l'arrêt Delalic, au paragraphe 458, qui donne

 19   une définition d'un faisceau de présomption :

 20   "Un faisceau de présomption est constitué d'un certain nombre d'indices

 21   qui, pris ensemble, porteraient à conclure à la culpabilité de l'accusé

 22   parce qu'ils ne sont habituellement réunis que lorsque ce dernier a fait ce

 23   qui lui est reproché…"

 24   Les arguments de la Défense aujourd'hui semblent indiquer qu'il faille se

 25   pencher sur des éléments de preuve individuels, et non pas un ensemble

 26   d'éléments de preuve. Ce qui est important concernant l'analyse des Juges

 27   de la Chambre, c'est que la Chambre de première instance a correctement

 28   compris comment devait être apprécié un faisceau de preuves lors de ses


Page 215

  1   conclusions, qui porte à conclure à la culpabilité de l'accusé et qui doit

  2   être la seule déduction raisonnable. Il n'est pas nécessaire ni correct

  3   d'apprécier chaque élément de preuve et de dire que ceci peut porter à

  4   conclure qu'il y a une déclaration de doute au-delà de tout doute

  5   raisonnable. Ce qui est requis est d'examiner l'ensemble des constatations

  6   factuelles pertinentes en se fondant sur l'ensemble des éléments de preuve

  7   étant importants avant d'appliquer le critère d'au-delà de tout doute

  8   raisonnable aux éléments essentiels requis pour la condamnation de ces

  9   accusés.

 10   Les arguments de Sainovic demandent à la Chambre d'appel d'aborder le

 11   jugement rendu par la Chambre de première instance par morceaux. Cependant,

 12   il y a des liens étroits et complexes entre les paragraphes et les volumes

 13   de ce jugement, et on ne peut comprendre ce jugement qu'en l'abordant de

 14   façon holistique.

 15   Je vais vous illustrer ceci en vous présentant les constatations de

 16   la Chambre de première instance sur l'entreprise criminelle commune. Les

 17   constatations essentielles relatives à l'ensemble du caractère systématique

 18   des crimes se trouve au Volume II, paragraphes 1 150 à 1 178, et est cité

 19   au Volume III, paragraphe 46, et fait partie intégrante des conclusions au

 20   sujet des crimes qui ont été commis conformément à un objectif commun, et

 21   ainsi conformément à l'existence d'une entreprise criminelle commune.

 22   La Chambre de première instance s'est concentrée particulièrement sur

 23   l'ampleur et le scénario des crimes de déplacement en 1999, abordés au

 24   Volume II, pour constater que l'entreprise criminelle commune existait au

 25   moment où ces crimes ont été commis. La Chambre de première instance a dit

 26   dans le Volume III, au paragraphe 17, que :

 27   "D'après la Chambre de première instance, les éléments de preuve les plus

 28   irréfutables d'un plan, d'un dessein ou d'un objectif commun sont ceux qui


Page 216

  1   portent sur le caractère systématique des crimes commis en 1999."

  2   Dans ses constatations dans le Volume III, aux paragraphes 89 à 96, après

  3   avoir apprécié tous les éléments de preuve pertinents qui ne sont pas

  4   limités au caractère systématique des crimes, mais qui comprennent un

  5   certain nombre d'autres facteurs, la Chambre de première instance a conclu

  6   que l'existence d'une entreprise criminelle commune a été prouvée au-delà

  7   de tout doute raisonnable. Ce faisant, nous faisons valoir qu'il était en

  8   droit d'étayer ses conclusions avec des éléments de preuve portant sur des

  9   événements qui ont été commis avant la commission des crimes et des

 10   éléments de preuve qui portent sur la dissimulation de plus de 700 corps

 11   par la suite.

 12   Mesdames, Messieurs les Juges, je vais maintenant vous détailler les

 13   raisons pour lesquelles les Juges de la Chambre ont de façon raisonnable

 14   tenu compte du caractère systématique des crimes commis par la VJ et les

 15   forces du MUP, sous couvert du bombardement de l'OTAN, et je vais vous

 16   montrer comment ceci ainsi que de nombreux autres facteurs ont permis de

 17   démontrer l'existence d'une entreprise criminelle commune.

 18   Dans son jugement, la Chambre de première instance a décidé, au vu de tous

 19   les éléments de preuve, qu'un système de coordination entre le MUP, les

 20   forces de la VJ et Belgrade faisaient partie intégrante de la commission de

 21   ces crimes. Le commandement conjoint, placé sous la direction de Sainovic

 22   et avec des membres comme Pavkovic et Lukic, constituait une partie

 23   essentielle de ce système de coordination.

 24   Comme l'a noté M. le Juge Liu au début de cette audience, la Chambre

 25   d'appel est là pour examiner les erreurs de faits et de droit et ne doit

 26   pas analyser tous les aspects du raisonnement de la Chambre de première

 27   instance et décider si oui ou non elle est d'accord. Nous exhortons la

 28   Chambre d'appel en l'espèce d'appliquer le critère d'examen en appel de


Page 217

  1   façon rigoureuse et laisser l'appréciation des éléments de preuve à la

  2   Chambre de première instance, c'est son rôle, et d'indiquer que les Juges

  3   en l'espèce ont apprécié les éléments de preuve comme il convient et de

  4   façon prudente et raisonnable, et de façon diligente. Et lorsque le critère

  5   d'examen en appel est appliqué correctement, ce qui correspond à une

  6   pratique adoptée depuis longtemps par la Chambre d'appel, nous faisons, là,

  7   valoir que votre conclusion sera dans ce cas-là que la conclusion de la

  8   Chambre de première instance est raisonnable et motivée.

  9   M. Sainovic fait valoir que la Chambre de première instance a commis une

 10   erreur en constatant qu'une entreprise criminelle commune existait et qu'il

 11   en était membre.

 12   Premièrement, être membre de l'entreprise criminelle commune. La

 13   Chambre de première instance a constaté que les membres de l'entreprise

 14   criminelle commune occupaient les postes politiques, militaires et police

 15   les plus élevés au sein de la RFY en Serbie. Et en ce qui nous concerne,

 16   ses membres comprenaient Milosevic, le président de la RFY et le commandant

 17   Suprême de la VJ; Sainovic, le vice-premier ministre de la RFY et

 18   responsable de la politique étrangère et des relations internationales à la

 19   RFY, ainsi que coordinateur politique de la VJ et du MUP au Kosovo;

 20   Pavkovic, le commandant de la 3e armée; Lukic, à la tête de l'état-major du

 21   MUP au Kosovo.

 22   Tel que cela a été noté dans le Volume III aux paragraphes 91 et 92,

 23   les membres de l'entreprise criminelle commune considéraient l'ensemble de

 24   la population albanaise du Kosovo comme des ennemis de la RFY et de la

 25   Serbie. Au lieu de résoudre le problème politique au Kosovo par des moyens

 26   démocratiques en s'occupant des crimes commis par l'UCK aux moyens d'une

 27   utilisation efficace de la police et des ressources judiciaires, les

 28   membres de l'entreprise criminelle commune ont commis des crimes


Page 218

  1   généralisés et systématiques contre la population albanaise du Kosovo en

  2   1999.

  3   Slobodan Milosevic a joué un rôle crucial au sein de cette entreprise

  4   criminelle commune. Son rôle ainsi que son influence au sein de

  5   l'entreprise criminelle commune fournit un contexte pertinent étant donné

  6   que Sainovic était l'homme de Milosevic au Kosovo et, par conséquent,

  7   l'intermédiaire de Milosevic pour exercer son influence au Kosovo. Il

  8   existe un certain nombre de constatations qui confirment que Milosevic a

  9   effectivement joué ce rôle-là. Milosevic exerçait un pouvoir important

 10   pendant toute la durée couverte par l'acte d'accusation, Volume I,

 11   paragraphes 284 à 467. Egalement, la Chambre de première instance a

 12   constaté dans le Volume I, paragraphes 284, 467, 485, dans le Volume III,

 13   468, il était au sommet de la chaîne de l'exécutif et du commandement de la

 14   VJ pendant toute la durée du conflit, il exerçait des pouvoirs de facto

 15   importants sur le MUP.

 16   La Chambre a constaté dans le Volume I, aux paragraphes 1 009 à 1

 17   111, que c'était par le truchement de Milosevic qu'il exerçait une autorité

 18   de facto et que le commandement conjoint au Kosovo a été créé pour garantir

 19   une plus grande coordination entre le MUP et les forces de la VJ et lui

 20   permettre d'orienter les actions du MUP. Milosevic a orchestré les

 21   événements au Kosovo par l'intermédiaire de tous les accusés, et en

 22   particulier de Sainovic.

 23   Par exemple, il a donné des ordres au personnel du MUP au Kosovo,

 24   souvent par l'intermédiaire de Sainovic, tel que noté au Volume III,

 25   paragraphe 274. Par l'intermédiaire de Sainovic, Milosevic a donné son

 26   autorisation pour que soient menées des activités du MUP et de la VJ au

 27   Kosovo et a donné des instructions en conséquence, confer Volume III,

 28   paragraphe 331.


Page 219

  1   Et Milosevic a promu Pavkovic et Ojdanic vers la fin de l'année 1998

  2   pour faciliter la mise en œuvre de l'objectif commun tel que noté au Volume

  3   III, paragraphe 85.

  4   La Chambre de première instance a constaté que tous les membres de

  5   l'entreprise criminelle commune, notamment Sainovic, partageaient les

  6   sentiments de Milosevic à propos du Kosovo. C'est par l'intermédiaire de sa

  7   relation avec Milosevic que Sainovic a développé l'influence et l'autorité

  8   dont il avait besoin pour coordonner les activités au Kosovo. Vous

  9   trouverez ces constations dans le Volume III, aux paragraphes 427, 462, 466

 10   et 467.

 11   Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les Juges, avant d'aborder

 12   l'examen contradictoire des preuves et les éléments de preuve qui étayent

 13   l'existence d'une entreprise criminelle commune, je vais en quelques mots

 14   aborder la question de la création de l'objectif commun de l'entreprise

 15   criminelle commune, et je vais analyser la question de savoir s'il y avait

 16   un objectif commun. Comme je l'ai indiqué plus tôt, la Chambre de première

 17   instance s'est penchée sur la question de savoir s'il existait un caractère

 18   systématique des crimes, la dissimulation des corps et un certain nombre

 19   d'autres facteurs qui ont précédé les crimes et, dans certains cas, de

 20   plusieurs mois. Les constatations des Juges de la Chambre sur ces autres

 21   questions indiquaient qu'ils admettaient que l'objectif commun avait vu le

 22   jour pas plus tard qu'au mois d'octobre 1998, tel que plaidé au paragraphe

 23   20 de l'acte d'accusation.

 24   Premièrement, dans le Volume III, aux paragraphes 68 à 72, la Chambre

 25   de première instance a constaté que le désarmement des Albanais du Kosovo

 26   et l'armement des non-Albanais était "destiné à rendre la population

 27   albanaise du Kosovo vulnérable aux mains des forces de la RFY et de la

 28   Serbie tout en responsabilisant la population non-albanaise."


Page 220

  1   Cette constatation expresse indique que les efforts d'armement et de

  2   désarmement qui se sont poursuivis pendant tout le mois d'octobre 1998

  3   faisait partie de l'objectif commun.

  4   Dans le Volume III, au paragraphe 85, la Chambre de première instance

  5   a confirmé que l'objectif commun s'est poursuivi à la fin de l'année 1998.

  6   La Chambre de première instance a dit dans son raisonnement que la

  7   promotion d'Ojdanic le 24 novembre 1998 et la promotion de Pavkovic le 28

  8   décembre 1998 ont été faites "de façon intentionnelle … par Milosevic, un

  9   membre de l'entreprise criminelle commune, afin de faciliter la mise en

 10   œuvre de l'objectif commun."

 11   Dans le Volume III, paragraphe 778, la Chambre de première instance a

 12   ajouté que la promotion de Pavkovic était une récompense "pour sa

 13   participation à l'entreprise criminelle commune."

 14   De cette manière, la Chambre de première instance a confirmé que l'objectif

 15   commun existait bien avant le mois de décembre 1998.

 16   Dans le Volume III, aux paragraphes 76 et 92, la Chambre a confirmé que

 17   l'objectif commun était manifeste pendant les négociations de Rambouillet

 18   et de Paris en février 1998 [comme interprété]. La RFY et les forces serbes

 19   "ont mis à profit la période de négociations" pour retarder une présence

 20   militaire internationale au Kosovo et faire intervenir d'autres forces en

 21   violation des accords d'octobre pour être en mesure de préparer l'attaque

 22   généralisée du printemps. La Chambre de première instance a noté que "ces

 23   processus dynamiques et liés entre eux sont le signe d'un objectif commun."

 24   Et finalement, dans le Volume III, au paragraphe 92, la Chambre a utilisé

 25   ses constatations antérieures pour conclure que le bombardement de l'OTAN a

 26   donné aux membres de l'entreprise criminelle commune l'"occasion" de lancer

 27   une campagne de déplacement, et a ajouté qu'il s'agissait d'une occasion

 28   "qu'attendaient les membres de l'entreprise criminelle commune et à


Page 221

  1   laquelle ils s'étaient préparés en déplaçant ou en faisant venir d'autres

  2   forces au Kosovo et en armant et en désarmant la population."

  3   Même si la Chambre de première instance a constaté dans le Volume III,

  4   paragraphe 96 [comme interprété], que l'objectif commun existait pour le

  5   moins à la période couverte par l'acte d'accusation qui a commencé le 24

  6   mars 1999, ceci ne se limitait pas à l'existence de l'objectif commun au

  7   cours de cette période. Effectivement, comme cela est précisé dans les

  8   autres constatations, la Chambre de première instance a clairement estimé

  9   que l'objectif commun existait au plus tard au mois d'octobre 1998.

 10   La conclusion qui consiste à dire que l'objectif commun avait vu le jour

 11   bien avant les crimes reprochés dans l'acte d'accusation correspond aux

 12   autres constatations de la Chambre sur les expulsions généralisées et

 13   organisées sur l'ensemble du Kosovo -- pardonnez-moi. Que ceci correspond

 14   aux constatations, que ceci ainsi que la mise en œuvre de l'objectif commun

 15   exigeait une planification importante ainsi qu'une coordination importante,

 16   confer le Volume II et les paragraphes 48 et 888.

 17   Je vais maintenant aborder la question des constatations des Juges de la

 18   Chambre de première instance concernant l'entreprise criminelle commune. La

 19   Chambre de première instance a examiné de près les éléments de preuve

 20   solides et importants, y compris les actes et le comportement de l'accusé

 21   pour constater l'existence de l'entreprise criminelle commune. Comme l'a

 22   noté la Chambre de première instance dans le Volume III, au paragraphe 17,

 23   les "éléments de preuve les plus irréfutables" de l'existence d'un objectif

 24   criminel commun étaient le caractère systématique manifeste de nombreux

 25   crimes en 1999, notamment le déplacement forcé de la population albanaise

 26   du Kosovo, qui était évidente dès le 24 mars.

 27   Les crimes étaient hautement coordonnés, systématiques et prémédités. Ils

 28   étaient d'un caractère, d'une échelle et d'une cruauté tels qu'ils


Page 222

  1   permettent d'établir le fondement des constatations de la Chambre de

  2   première instance d'une entreprise criminelle commune entre les dirigeants

  3   politiques, militaires, et de la police de la RFY en Serbie aux fins de

  4   déplacer par la force la population albanaise du Kosovo. Confer encore une

  5   fois le Volume III, paragraphe 95.

  6   La mise en œuvre de ce caractère systématique des crimes sur l'ensemble du

  7   Kosovo s'est déroulée pendant un si court laps de temps, quelque deux mois,

  8   exigeait un haut niveau de coopération ou de coordination entre le MUP, la

  9   VJ et les échelons politiques les plus importants. Confer Volume 1,

 10   paragraphes 1 023, 1 041, 1 054, 1 123 et 1 151; Volume 2, paragraphes 48,

 11   253, 888; et Volume III, paragraphes 468, 819 et 1 132.

 12   La mise en œuvre de ces crimes systématiques s'est fait par le moyen d'un

 13   système de coordination dirigé par les appelants en l'espèce, M. Sainovic,

 14   le général Pavkovic et le général Lukic, en particulier par le truchement

 15   du commandement conjoint, un système tel que cela a été constaté par les

 16   Juges de la Chambre dans lequel Sainovic a joué un rôle essentiel. J'en

 17   parlerai plus tard lorsque je parlerai du commandement conjoint. Tout

 18   d'abord, les différents crimes en résumé.

 19   Pendant les trois premiers jours de la campagne, les forces conjointes ont

 20   lancé des attaques sur quasiment chaque ville importante du Kosovo,

 21   notamment Pristina, Prizren, Djakovica, Kosovska Mitrovica, et Pec.

 22   Les forces de la VJ et du MUP ont également attaqué de façon

 23   systématique tous les villages aux alentours et les villages du Kosovo. La

 24   Chambre a constaté que sur 27 villes et villages sur l'ensemble du Kosovo

 25   et dans les 13 municipalités représentatives, reprochées dans l'acte

 26   d'accusation ont été attaquées et la population albanaise de ces derniers a

 27   été déplacée. Ceci est illustré dans le Volume II, paragraphes 1 181 à 1

 28   262.


Page 223

  1   Tel que cela a été noté dans le Volume II, au paragraphe 1 150, suite à ces

  2   efforts coordonnés, plus de 300 000 Albanais du Kosovo ont été chassés à la

  3   fin de la première semaine de campagne. A la fin de la deuxième semaine, le

  4   5 avril, ce chiffre a doublé pour atteindre 613 530. Et à la date du 30

  5   avril, 715 158 Albanais du Kosovo avaient été chassés. Pour placer ces

  6   chiffres dans leur contexte, en moins de deux mois, environ la moitié de la

  7   population albanaise du Kosovo avait été chassé et contrainte à se rendre

  8   en Albanie, Macédoine ou au Monténégro.

  9   Je vais à présent parler du caractère systématique des crimes. La Chambre a

 10   constaté que les unités de la VJ et du MUP ont recouru à un haut niveau de

 11   coordination pour ce qui est de l'expulsion de la population albanaise du

 12   Kosovo, Volume I, paragraphes 1 033 à 1 043 du jugement en première

 13   instance.

 14   Des mois avant l'attaque, la RFY et les forces serbes ont commencé les

 15   préparatifs qui ont posé les fondements pour ce qui est des expulsions en

 16   masse.

 17   A titre d'exemple, en 1998 et début 1999, la VJ et le MUP ont secrètement

 18   armé des non-Albanais à Pristina. Et en même temps, la VJ et le MUP ont

 19   procédé au désarmement d'Albanais du Kosovo en ville; c'est ce qui est

 20   indiqué au Volume III, paragraphes 52, 54, 62 et 72 du jugement en première

 21   instance.

 22   A des semaines qui ont précédé l'attaque de l'OTAN, le MUP, la VJ et les

 23   paramilitaires serbes ont été renforcés à Pristina et autour indépendamment

 24   de l'absence de présence notable de l'UCK. Il s'agit du Volume II,

 25   paragraphes 808, 811 à 813.

 26   Une fois que ces préparatifs ont été effectués, à la date du 24 mars 1999,

 27   sous le couvert d'une campagne de l'OTAN, les forces de la VJ et du MUP ont

 28   lancé une vague de violence et de terreur coordonnée tout au large du


Page 224

  1   Kosovo dans l'intention d'expulser la population albanaise de ce

  2   territoire. Volume III, paragraphes 41 à 46.

  3   Dans certains cas de figure, dans des villages et villes tels que Pec,

  4   Pristina, Vladovo et Sojevo, ces forces conjointes allaient d'une porte à

  5   l'autre pour forcer les Albanais hors de leurs maisons, Volume II,

  6   paragraphe 48 pour Pec; paragraphe 885 pour Pristina; 1 247 pour Zegra et

  7   Vladovo; 1 250 pour Sojevo, je l'indique à titre d'exemple.

  8   Dans d'autres cas de figure, tels que celui de Celina, Staro Selo et

  9   Dubrava, les forces conjointes ont délibérément créé une atmosphère de peur

 10   pour expulser les Albanais, Volume II, paragraphe 311 pour Celina; 885 --

 11   non, excusez-moi, 1 251 pour Staro Selo et 1 247 pour Vladovo.

 12   Les forces de la VJ ont d'abord eu coutume d'encercler une ville ou un

 13   village et ont commencé à pilonner le secteur. Les effectifs de la VJ ou du

 14   MUP, à titre individuel ou ensemble, entraient par la suite dans la ville

 15   pour terroriser les villageois ou les résidents par des meurtres, menaces

 16   de mort, pillage, mise à feu de maisons ou recours à l'usage d'armes,

 17   Volume II, paragraphes 1 060 à 1 061 -- non, excusez-moi, 1 060, 1 061

 18   [comme interprété], 1 164.

 19   Les Albanais du Kosovo faisaient l'objet d'ultimatums; abandonner leurs

 20   maisons ou être tués. Vous pouvez voir cela, Mesdames, Messieurs le Juge,

 21   au Volume II, paragraphes 230, 718 et 839, lorsqu'il s'agit de crimes

 22   commis dans le secteur de Reka, Suva Reka, Zabare et Pristina.

 23   Suite à ces attaques coordonnées de la VJ et du MUP, les Albanais du Kosovo

 24   se sont trouvés forcés à quitter leurs logis. Ils ont été entassés dans des

 25   convois en masse pour être forcés à aller vers l'Albanie, le Monténégro ou

 26   la Macédoine. Dans certains cas de figure, les maisons des Albanais du

 27   Kosovo ont été occupées par des Serbes. Ceci se trouve indiqué au Volume

 28   II, paragraphes 831 à 832. A Pristina, bon nombre de maisons qui avait


Page 225

  1   appartenu à des Albanais du Kosovo a été occupé par la VJ et le MUP pour

  2   s'en servir pour y loger des instances officielles de la RFY ou du

  3   gouvernement serbe.

  4   La VJ et le MUP ont très souvent contrôlé des convois en bloquant les

  5   routes et les voies de passage pour s'assurer que les Albanais du Kosovo se

  6   dirigeraient bien vers la frontière sans pour autant pouvoir chercher

  7   refuge au Kosovo même. Parfois, les convois des Albanais du Kosovo ont été

  8   escortés l'arme au poing. Dans d'autres cas de figure, la VJ et les forces

  9   du MUP dirigeaient les convois vers des entrepôts où l'on avait rassemblé

 10   des trains, des autobus ou des camions. Je fais référence ici au Volume II,

 11   paragraphe 334 pour ce qui est de Celine et 1 167 pour Pristina. Les

 12   Albanais du Kosovo ont été contraints à monter à bord de trains ou de

 13   véhicules qui étaient bondés et pour être transportés vers différents

 14   passages de frontière. Les groupes de réfugiés se créaient au niveau de ces

 15   entrepôts pour attendre des moyens de transport jusqu'à leur expulsion.

 16   Lorsque ces convois se déplaçaient vers les passages de frontière, les

 17   Albanais du Kosovo ont été constamment menacés et malmenés. Les convois,

 18   par exemple, qui ont quitté Pristina ont été exposés à des insultes de la

 19   part des membres de la VJ et du MUP. Ces membres de la VJ et du MUP leur

 20   criaient : "Le Kosovo n'appartient pas aux Albanais, ça appartient aux

 21   Serbes", et "nous allons vous tuer, vous, les Albanais". On pouvait voir

 22   cela au Volume II, paragraphe 859.

 23   A différents postes de frontière, avant que d'être expulsées, les

 24   forces du MUP et de la VJ détruisaient les pièces d'identité, y compris

 25   passeports et permis de conduire, pour leur rendre difficile ou leur rendre

 26   impossible le retour au Kosovo. On peut voir ceci au Volume III, paragraphe

 27   32. D'après les Juges de la Chambre de première instance, la confiscation

 28   et la destruction des pièces d'identité avait constitué l'un des indices


Page 226

  1   les plus convaincants démontrant l'existence de cet objectif criminel

  2   commun, Volume III, paragraphe 40. La confiscation avait constitué une

  3   pratique communément utilisée, d'après les Juges de la Chambre de première

  4   instance, et à ce titre les références sont par trop nombreuses pour être

  5   citées dans leur ensemble.

  6   Les Juges de la Chambre ont pris en considération les déclarations

  7   faites par les effectifs de la RFY ou de la Serbie, qui disaient que les

  8   Kosovars ne reviendraient pas au Kosovo une fois ces documents confisqués.

  9   Pavkovic a reconnu que cette pratique avait été bel et bien présente

 10   parmi les membres du MUP. Ça peut être constaté au Volume III, paragraphes

 11   720 à 775. D'autres officiers de la VJ ont également témoigné pour indiquer

 12   qu'il y a eu des ordres de donnés pour ce qui est de la confiscation des

 13   pièces d'identité, Volume III, paragraphes 34 à 39. Par exemple, le Témoin

 14   K89, un soldat de la VJ à Djakovica, a témoigné pour dire que son

 15   commandant lui avait donné l'ordre suivant :

 16   "…aucun Albanais ne doit rester au Kosovo et leurs pièces d'identité

 17   doivent être déchirées pour empêcher leur retour."

 18   On peut voir ceci en pages du compte rendu d'audience 9 124, 9 154 et

 19   9 201. Il a été procédé à une citation à cet effet au Volume III,

 20   paragraphe 34.

 21   Les Juges de la Chambre de première instance ont, à juste titre,

 22   rejeté les témoignages des membres du MUP ou de la VJ qui ont nié

 23   l'existence d'une telle pratique. Les Juges de la Chambre de première

 24   instance ont à juste titre constaté que tant les membres du MUP que de la

 25   VJ étaient impliqués dans ce type d'agissements d'après les témoignages des

 26   témoins qui ont parlé de l'implication de la VJ.

 27   La Chambre a donc, de façon appropriée, rejeté les allégations

 28   avancées par M. Sainovic, au terme desquelles les confiscations et la


Page 227

  1   destruction des pièces d'identité n'avaient pas influé sur l'éventualité de

  2   voir les Albanais du Kosovo perdre leur citoyenneté. Mais il a été constaté

  3   que ceci rendait plus difficile le retour des Albanais du Kosovo qui ont

  4   été expulsés par la force, parce que ce retour au Kosovo se trouverait être

  5   plus difficile sans pièce d'identité ou sans preuve de citoyenneté avec

  6   toutes les difficultés qu'il y aurait eu pour se procurer de nouvelles

  7   pièces d'identité de la part des autorités serbes ou de la RFY.

  8   La VJ et le MUP ont commis d'autres crimes contre les Albanais du

  9   Kosovo, contre cette campagne de déplacement forcé, et la Chambre a, à

 10   juste titre, considéré que ceci faisait partie de l'entreprise criminelle

 11   commune au Volume III. Ceci incluait des pillages et la destruction de

 12   maisons appartenant aux Albanais du Kosovo, destruction du contexte de

 13   bâtiments culturels, historiques et autres, et religieux, notamment les

 14   mosquées, avec exécutions sommaires de civils Albanais du Kosovo avec

 15   agressions sexuelles et viol de femmes albanaises du Kosovo. A titre

 16   d'exemple, ceci peut être retrouvé au Volume II.

 17   Cette échelle de crimes de déplacement commise par la VJ n'a pas été

 18   faite de façon fortuite ou spontanée. Ceci a été commis en application

 19   d'une finalité criminelle commune. Ces crimes ont été désignés au Volume

 20   II, paragraphes 1 156 et 1 178, pour terroriser systématiquement la

 21   population albanaise du Kosovo et la forcer à quitter le Kosovo. A cette

 22   fin, il fallait forcément qu'il y ait un haut niveau de coordination. La

 23   Chambre a donc, à juste titre, considéré que cette coordination tombait

 24   sous la responsabilité de Sainovic, Pavkovic et Lukic, et que ceci a été

 25   réalisé au travers d'un système mis en place par Milosevic.

 26   Mais il ne s'agit pas seulement d'une échelle de crimes et d'une

 27   étendue systématique de ces crimes commis qui ont influé sur les décisions

 28   prises par la Chambre. Il s'agit de toute une série d'éléments de preuve


Page 228

  1   qui indique qu'il existait un système mis en place. Les Juges de la Chambre

  2   ont analysé de façon détaillée et attentive des éléments de preuve se

  3   trouvant sur plus de 400 pages, qui se trouvent être englobées dans le

  4   Volume II, allant du paragraphe 1 au paragraphe 1 149. Bon nombre de

  5   témoins albanais qui sont venus témoigner au sujet de ce qu'ils ont vécu,

  6   de ce qu'ont vécu leurs familles, leurs parents, leurs amis et leurs

  7   voisins, a fourni une image cohérente de ce système mis en place de

  8   violence et de terrorisation qui ont été le fait de forces de la RFY et de

  9   la Serbie.

 10   Sainovic, dans sa contestation ou dans son appel, a estimé que les

 11   Juges de la Chambre de première instance avaient commis des erreurs pour ce

 12   qui est d'avoir prêté une oreille attentive aux témoins albanais qui ont

 13   dit que ces témoignages n'étaient pas crédibles et que ceci ne les rendait

 14   pas crédibles. Les Juges de la Chambre se sont penchés sur ceci pour

 15   décider que les témoignages de ces Albanais du Kosovo étaient fiables,

 16   puisqu'ils ont jugé qu'ils était inconcevable que des éléments de

 17   témoignage aussi détaillés, cohérents -- ne pouvaient pas être inventés de

 18   toutes pièces. Les Juges de la Chambre ont donc estimé qu'ils venaient de

 19   13 municipalités différentes et qu'ils n'avaient rien à voir les uns avec

 20   les autres.

 21   On a considéré que les descriptions des événements faites par les

 22   Albanais du Kosovo étaient similaires parce qu'ils avaient connu quelque

 23   chose qui était conforme à ce système méthodiquement mis en place par les

 24   effectifs de la RFY et de la Serbie au Kosovo.

 25   Les témoignages de ces témoins, des Albanais du Kosovo, ont été corroborés

 26   par des témoignages par des membres de la VJ et du MUP qui ont été

 27   impliqués dans ces événements, et qui ont commis des crimes à l'égard des

 28   Albanais du Kosovo, à savoir le témoignage K73, ex-membre de la VJ, Volume


Page 229

  1   II, paragraphe 1 172 :

  2   "…pour nous, il était tout à fait désagréable que d'avoir à expulser des

  3   femmes, des enfants, des personnes âgées et invalides. Je connaissais bien

  4   l'UCK et je n'ai pas vu une seule femme de 70 ans dans leurs rangs, ou un

  5   enfant, ou quoi que ce soit de similaire. Ces gens ne pouvaient pas être

  6   considérés comme étant des combattants ou des terroristes, ou des gens qui

  7   étaient dans des chaises roulantes. Nous les avons tous expulsés, y compris

  8   les bébés dans leurs berceaux, et c'est un problème auquel je dois faire

  9   face de nos jours."

 10   Un autre membre de la VJ, K90 :

 11   "…a expliqué que les ordres que son unité recevait disant qu'il

 12   fallait 'déplacer' des personnes n'ont jamais été donnés par écrit, mais

 13   que ça a été donné verbalement le long de la filière de commandement, parce

 14   que les autorités avaient appris en Croatie et en Bosnie que ce type

 15   d'ordres ne devait pas être donné sous forme écrite," disant que "des

 16   ordres d'une telle importance devaient être approuvés au niveau le plus

 17   élevé, parce que ce type d'activité ne pouvait pas être ordonné par des

 18   commandants locaux seuls," et "les ordres en question concernaient

 19   seulement des villages d'Albanais du Kosovo."

 20   Vous pouvez retrouver ces passages au Volume II, paragraphe 153.

 21   Il ne s'agit pas seulement de témoignages de la part d'Albanais du Kosovo.

 22   Cela était corroboré par des experts et des médecins légistes, avec

 23   présentation de la documentation du MUP et de la VJ, avec des vidéos de

 24   journalistes étrangers présents au Kosovo à l'époque - par exemple Antonio

 25   Russo, un journaliste italien qui a été présent à Pristina et qui a été

 26   expulsé aux côtés des Albanais du Kosovo qui résidaient là-bas. Je renvoie

 27   les Juges de la Chambre aux conclusions qui ont été présentées au

 28   paragraphe 266 de notre mémoire en réponse avec les notes de bas de page


Page 230

  1   appropriées.

  2   A la lumière de ces éléments de preuve cohérents et de taille, les Juges de

  3   la Chambre ont eu raison de rejeter les témoignages de témoins qui ont nié

  4   l'existence d'un plan visant à expulser les civils albanais du Kosovo.

  5   La Chambre a eu raison de se pencher et de rejeter les explications

  6   alternatives pour ce qui est des expulsions en masse. En effet, ces

  7   conclusions et certains des exposés des motifs avancés par les Juges de la

  8   Chambre se trouvent au Volume II, paragraphes 1 175 à 1 179.

  9   Contrairement à ce qu'a dit la Défense de M. Sainovic ce matin, les Juges

 10   de la Chambre de première instance ont à juste titre considéré que les

 11   bombardements de l'OTAN n'ont pas donné lieu à des déplacements en masse

 12   des Albanais du Kosovo. La Chambre a fait remarquer que pas un seul des

 13   Albanais du Kosovo qui ont témoigné n'a cité les bombardements de l'OTAN

 14   comme étant l'une des causes de son départ ou du départ d'autrui. Les Juges

 15   de la Chambre ont à juste titre constaté que la campagne de l'OTAN avait

 16   fourni une opportunité aux membres de cette entreprise criminelle commune

 17   pour ce qui est de mettre en œuvre cet objectif criminel, à savoir infliger

 18   de graves pertes à l'UCK, déplacer par la force suffisamment de civils

 19   albanais du Kosovo pour modifier l'équilibre ethnique au Kosovo, et pour en

 20   faire porter le blâme à l'UCK et l'OTAN, ce qui avait été plausible comme

 21   étant "un élément de déni". Vous pouvez retrouver ceci au Volume III,

 22   paragraphe 92.

 23   Les membres de l'entreprise criminelle commune ont attendu une telle

 24   opportunité. Leurs effectifs ont été complets pendant les jours qui ont

 25   précédé la compagne de l'OTAN, et celle-ci a commencé le 24 mars. Les

 26   membres de l'entreprise criminelle commune étaient tout à fait prêts à

 27   prendre profit du moment lorsque celui-ci surviendrait, et ceci a été fait

 28   pendant la période de négociation, et suite au retard de l'arrivée de cette


Page 231

  1   présence militaire internationale qu'ils ont mis à profit pour déployer des

  2   forces complémentaires au Kosovo en violation des accords d'octobre. Je

  3   vous renvoie vers le Volume III, paragraphes 76 et 92.

  4   Les Juges de la Chambre de première instance ont rejeté les autres

  5   explications pour ce qui est des expulsions. Il a été procédé au rejet des

  6   allégations de la Défense disant que les activités de combat entre l'UCK et

  7   la RFY et la Serbie avaient pu être la cause première de ces déplacements;

  8   Volume II, paragraphe 1 177. Paragraphes qui suivent; paragraphes 285, 887

  9   et 1 175.

 10   Elle s'est penchée et a rejeté les arguments disant que ces crimes avaient

 11   constitué une réponse légitime aux activités de l'UCK. Les Juges de la

 12   Chambre ont constaté que les membres de l'UCK étaient en petit nombre. Ils

 13   n'avaient pas de matériel ou d'armes pour combattre; Volume II, paragraphe

 14   1 177, et on a vu que les effectifs de la VJ et du MUP ont utilisé des

 15   forces incomparablement plus grandes et ont eu recours à une violence non

 16   proportionnée à l'égard de cette population civile et de ses biens. Volume

 17   II, paragraphe 1 178.

 18   Pour finir, les Juges de la Chambre ont constaté que ces deux sites de

 19   départ des Albanais du Kosovo étaient dus à des instructions données par

 20   l'UCK, mais on a constaté que cette conclusion n'avait pas porté atteinte à

 21   l'argument présenté du départ en masse du fait des actions de violence de

 22   la RFY et des forces serbes, et notamment à la lumière des éléments de

 23   preuve puissants présentés à l'audition de témoins. Je vous renvoie vers le

 24   Volume II, 1 175.

 25   Mis à part les constatations des Juges de la Chambre partant d'une campagne

 26   de grande envergure organisée et coordonnée de violence et de peur, la

 27   Chambre a déterminé qu'il y a eu une entreprise criminelle commune se

 28   basant sur d'autres facteurs pour ce qui est des mois qui ont précédé aux


Page 232

  1   crimes et aux opérations clandestines qui ont visé à dissimuler des corps

  2   en avril et mai 1999, et ce, notamment 700 corps qui ont été exhumés,

  3   transportés et réenterrés en Serbie. J'en ai parlé à l'occasion de la

  4   formulation de ce qui a constitué les éléments du planning conjoint. Les

  5   détails se trouvent au Volume III, paragraphes 48 à 96.

  6   Etant donné cette grande quantité d'éléments de preuve qui se complètent

  7   les uns les autres, pas une seule de ces tentatives des appelants pour ce

  8   qui est de contester les conclusions adoptées, à titre individuel ou de

  9   façon globale, ne saurait en aucune façon miner le caractère raisonnable de

 10   la constatation disant qu'il y a eu une entreprise criminelle commune.

 11   Maintenant, je voudrais parler du commandement conjoint.

 12   Ces membres de l'entreprise criminelle commune ont procédé à la

 13   réalisation d'une intention criminelle commune par le biais d'une

 14   coordination qui s'est manifestée en 1999 sous forme d'organisation appelée

 15   commandement conjoint. Les Juges de la Chambre ont estimé que ce système de

 16   coordination avait été mis en place et a existé en 1999, et que c'était une

 17   conclusion raisonnable que d'estimer qu'il y a eu une attaque massive sous

 18   prétexte et sous couvert des bombardements de l'OTAN, qui ne pouvaient pas

 19   se faire de façon spontanée. Ça avait nécessité une planification, une

 20   coordination, et nécessitait de procéder à des niveaux les plus élevés de

 21   la police, de l'armée et des instances politiques. La Chambre de première

 22   instance a constaté qu'il y a eu un niveau très important de coordination

 23   et de coopération entre la VJ et le MUP pendant la planification et la mise

 24   en œuvre des opérations conjointes qui ont commencé en mars 1999. Volume I,

 25   paragraphe 1 023.

 26   M. Sainovic conteste les conclusions de la Chambre de première instance

 27   faisant valoir qu'une instance appelée le commandement conjoint existait à

 28   partir du mois d'octobre 1998 et tout au long de l'année 1999, et que cette


Page 233

  1   instance avait le pouvoir de commander les forces déployées sur le terrain

  2   et que Sainovic n'en a jamais fait partie. Des arguments comparables sont

  3   avancés par Pavkovic, Lukic et Lazarevic. Et mes collègues répondront à ces

  4   arguments plus tard au cours de la semaine. Martin Salgado se penchera plus

  5   en détail sur la contribution personnelle de M. Sainovic, et moi, je me

  6   focaliserai sur l'existence et l'autorité du commandement conjoint.

  7   Les contestations qui sont avancées cherchent à remettre en question les

  8   conclusions-clés de la Chambre de première instance faisant valoir que le

  9   commandement conjoint a "joué un rôle important dans la direction et la

 10   coordination des activités de la VJ et du MUP au Kosovo tant en 1998 qu'en

 11   1999," Volume III, paragraphe 1 023, et que "en 1999 le système de

 12   coordination a continué de fonctionner," Volume I, paragraphe 1 151.

 13   Il s'agit de conclusions raisonnables, compte tenu des éléments de preuve

 14   en très grand nombre sur lesquels ces conclusions se fondent, telles que :

 15   les ordres explicites du commandement conjoint de 1999, la réunion du

 16   commandement conjoint du 1er juin 1999, de nombreuses références au

 17   commandement conjoint tout au long de l'année 1999, et d'autres éléments de

 18   preuve qui démontrent que le système de commandement conjoint a continué de

 19   fonctionner en 1999 et qu'ils ont continué à coordonner les opérations

 20   conjointes de la VJ et du MUP.

 21   Pendant que plus d'éléments de preuve datent de 1998 et montrent de manière

 22   plus détaillée le fonctionnement interne du commandement conjoint, par

 23   exemple le procès-verbal des réunions du commandement conjoint qui se sont

 24   tenues quasiment tous les jours, les éléments de preuve néanmoins

 25   démontrent que le besoin d'avoir cette coordination s'est fait sentir aussi

 26   en 1999, donc, continue en 1999, tout comme le système de coordination, y

 27   compris le commandement conjoint lui-même.

 28   Le besoin d'avoir un commandement conjoint est démontré par le fait


Page 234

  1   et les éléments de preuve que la VJ et le MUP ne pouvaient pas fonctionner

  2   de manière efficace ensemble si cela leur était laissé à eux. Donc, la

  3   Chambre de première instance a constaté qu'ils ont essayé de procéder ainsi

  4   au début de l'année 1998 et que cela n'a pas bien fonctionné, Volume I,

  5   paragraphe 1 025. En résultat, en mai ou juin 1998, on a déployé des

  6   efforts pour améliorer la coordination sous la direction de Milosevic et

  7   finalement, cela a donné lieu à la création d'une instance du commandement

  8   conjoint, Volume 1, paragraphes 1 005 jusqu'à 1 011 et 1 109. Milosevic

  9   constate que lorsque le système a été créé pendant la deuxième moitié de

 10   1998, la police, l'armée, et les hommes politiques ont chacun eu un rôle à

 11   jouer dans le plan antiterrorisme qui a été adopté. Je vous renvoie au

 12   Volume I, paragraphe 995. La Chambre de première instance a constaté que

 13   lorsque des protagonistes très importants, y compris les accusés, se

 14   référaient au commandement conjoint en 1999, eh bien, ils se référaient à

 15   l'ensemble de ce système de coordination, Volume I, paragraphe 1 151.

 16   Le commandement conjoint était constitué de membres très haut placés

 17   de la VJ et du MUP et des dirigeants civils de haut rang, tels que Milomir

 18   Minic, qui était le président de l'assemblée et membre du Groupe de travail

 19   pour le Kosovo et, bien entendu, de Sainovic. Minic et Sainovic ont joué un

 20   rôle de direction en 1998 et lorsque Minic a quitté le Kosovo à la fin de

 21   l'année 1998, Sainovic est resté sur place pour assurer toujours le travail

 22   de coordination.

 23   Cette dimension politique a été une dimension-clé pour Milosevic. En

 24   1999, Sainovic a été celui que Milosevic a utilisé pour orchestrer les

 25   événements au Kosovo. Je vous renvoie au Volume III, paragraphe 467. En

 26   tant qu'un des conseillers les plus proches de Milosevic, c'était à lui de

 27   faire ce travail. Plusieurs témoins ont estimé que Milosevic exerçait le

 28   contrôle total et que Sainovic était son plus proche collaborateur, Volume


Page 235

  1   III, paragraphes 200, 409 et 467.

  2   Le commandement conjoint a également permis à Slobodan Milosevic de diriger

  3   les actions du MUP au Kosovo, Volume I, paragraphe 111 [comme interprété],

  4   Volume III, paragraphe 274.

  5   Avec Sainovic, ainsi que Pavkovic et Lukic, Milosevic a été en mesure de

  6   coordonner les activités du MUP et de la VJ, et cela lui a permis de

  7   diriger le MUP, qui était un organe au niveau de la république, autrement

  8   se situant à l'extérieur du ressort de ses attributions fédérales. Cela lui

  9   aurait également permis de déployer des unités de la VJ au Kosovo

 10   indépendamment ou en dépit des objections de la VJ.

 11   Je vais expliquer très brièvement, et j'en ai presque terminé, que la

 12   Chambre de première instance est arrivée à une conclusion raisonnable, que

 13   ce système de coordination s'est poursuivi en 1999 et que ce système a eu

 14   un impact important sur les événements sur le terrain.

 15   Premièrement, nous constatons l'existence de 16 ordres datant de 1999, tous

 16   avec l'en-tête "commandement conjoint," Volume I, paragraphe 1 122, qui

 17   comporte les ordres pour l'emploi des unités. A la fin de chacun de ces

 18   ordres, nous avons sous une forme ou une autre la phrase suivante : "Le

 19   commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija commande et contrôle

 20   l'ensemble des forces pendant les opérations de combat depuis le secteur de

 21   Pristina", et la phrase "commandement conjoint" figure dans l'en-tête et au

 22   niveau de la signature, Volume I, paragraphes 1 122 et 1 137.

 23   Ce qui est important à signaler, c'est que la Chambre de première instance

 24   a relevé que plusieurs ordres du commandement conjoint de 1999 identifient

 25   les forces employées au niveau des opérations de combat dans les zones et à

 26   des dates qui correspondent aux lieux de crimes visés à l'acte

 27   d'accusation. Je vous renvoie au volume I, paragraphe 1 123, Volume III,

 28   paragraphe 695. A titre d'exemple, l'ordre qui a été donné à la 549e


Page 236

  1   Brigade motorisée, ordre du 23 mars 1999, correspond à la mission générale

  2   et à l'endroit qui a été spécifié dans l'ordre du commandement conjoint qui

  3   porte lui aussi la date du 23 mars. Les deux ordres de prendre pour cible

  4   Suva Reka-Orahovac avec pour mission de détruire les forces siptar. Ces

  5   ordres correspondent à cette vague d'attaques qui ont eu lieu dans

  6   plusieurs villes dans la municipalité d'Orahovac, Volume II, paragraphe

  7   296. Et le rapport après l'action qui a été établi par la 549e Brigade

  8   motorisée affirme que la coordination entre les forces a bien fonctionné et

  9   que le commandement des forces était placé sous le commandement conjoint du

 10   MUP et de la VJ. Nous trouvons plusieurs autres exemples du même genre dans

 11   le jugement de l'espèce, Volume I, paragraphes 1 124 à 1 126.

 12   La Chambre de première instance a constaté que ces ordres émanaient

 13   du commandement du Corps de Pristina et que la VJ et le MUP avaient des

 14   chaînes de commandement qui étaient restées en place, intactes, tout au

 15   long de l'année 1999. Le système de coordination qui a opéré en 1999 n'a

 16   pas remplacé les chaînes de commandement mais s'en est servi par le

 17   truchement de l'influence de ses membres. La Chambre de première instance

 18   est arrivée à la conclusion qu'en 1998, pendant que certains membres du

 19   commandement conjoint n'avaient peut-être pas les pouvoirs de jure de

 20   donner des ordres aux unités du MUP et de la VJ, des membres individuels du

 21   commandement conjoint ont fait jouer leur influence de fait afin d'avoir un

 22   impact sur la manière de mettre en œuvre le plan de suppression de

 23   terrorisme au Kosovo. Et je vous renvoie au Volume I, paragraphe 1 110.

 24   De manière analogue, la Chambre a constaté qu'en 1999 il y a des

 25   ordres qui portent l'en-tête "le commandement conjoint", que cela permet à

 26   ces ordres de conférer plus d'autorité au commandement et que cela a

 27   constitué un facteur important pendant la planification et la mise en œuvre

 28   des opérations conjointes entre le MUP et la VJ, Volume I, paragraphe 1


Page 237

  1   151.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que nous avons épuisé le temps

  3   qui était prévu pour une réponse d'une heure --

  4   M. KREMER : [interprétation] Il ne me reste que trois minutes  --

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, je pense qu'il nous faut arrêter ici

  6   --

  7   Maître Ackerman, oui.

  8   M. ACKERMAN : [interprétation] J'ai une toute petite annonce à faire. Vous

  9   savez parfaitement qu'un certain nombre d'éléments de preuves

 10   supplémentaires ont été versés au dossier sur une autre requête pour ce qui

 11   nous concerne et cela complique les arguments que je vais devoir annoncer.

 12   Donc, j'ai à peu près trois heures à présenter, mais le temps qui m'a été

 13   imparti n'est que de deux heures. Donc, je me demande si je pourrais me

 14   faire accorder une heure de plus. Est-ce qu'on pourrait éventuellement

 15   prélever une demi-heure sur la pause ou pas ?

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'ai bien peur que l'ordre portant au

 17   calendrier date du 20 février 2013. Vous auriez dû formuler votre requête

 18   avant l'audience. Je suis désolée, je dois rejeter votre requête. Nous

 19   reprendrons à 14 heures 30.

 20   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 59.

 21   --- L'audience est reprise à 14 heures 30.

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Kremer. Vous pouvez prendre

 23   la parole.

 24   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   Juste avant la pause, j'étais en train d'expliquer pourquoi la Chambre de

 26   première instance a tiré une conclusion raisonnable en affirmant que le

 27   système de coordination a continué, s'est poursuivi pendant l'année 1999,

 28   et que ce système a eu une influence importante sur les événements qui se


Page 238

  1   sont déroulés sur le terrain. Donc, mes premiers arguments portaient sur

  2   les 16 ordres qui portent le titre "commandement conjoint", qui ont été

  3   émis en 1999. Mon deuxième argument concerne la réunion du 1er juin 1999,

  4   qui était comparable aux réunions du commandement conjoint qui se sont

  5   tenus tout au long de l'année 1998. Sainovic, Pavkovic et Lukic étaient

  6   présents. Des présentations faites par Pavkovic et Lukic comprenaient des

  7   détails très techniques sur ce qui se passait pendant les activités de la

  8   VJ et du MUP. Le général Vasiljevic, l'ex-chef de l'administration de la

  9   sécurité de la VJ, a déposé disant que tous avait un comportement très

 10   respectueux vis-à-vis de Sainovic tout au long de cela, et que les rapports

 11   se focalisent uniquement sur les activités de la journée, lui donnant

 12   l'impression que les réunions se produisaient tous les jours, et je vous

 13   renvoie au paragraphe 1 145 du Volume I. Cela correspond au fait qu'en

 14   1998, entre juillet et octobre, il y a des éléments de preuve attestant des

 15   réunions quotidiennes quasiment du commandement conjoint, pièce P1468.

 16   Le troisième élément de preuve est constitué par le besoin de faire

 17   continuer le commandement conjoint en 1999, cela ressort clairement d'une

 18   autre réunion qui s'est tenue le 29 octobre 1998, présidée par Milosevic.

 19   Sainovic, Milutinovic, Pavkovic et Lukic étaient présents. Je vous renvoie

 20   aux paragraphes 1 097 et 1 099 du premier volume. Un accord a été obtenu

 21   lors de cette réunion faisant état de la nécessité de faire continuer

 22   l'existence du commandement conjoint. Milosevic a signalé qu'il "était

 23   nécessaire que le commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija et l'état-

 24   major de coordination continuent de fonctionner." Excusez-moi si j'ai mal

 25   prononcé.

 26   Alors, Sainovic lui-même reconnaît cela accordant son appui à la poursuite

 27   de l'existence du commandement conjoint, ces citations se trouvent au

 28   paragraphe 1 099 du premier volume. Et quatrièmement, la Chambre de


Page 239

  1   première instance a cité plusieurs autres pièces à conviction indépendantes

  2   concernant l'autorité du commandement conjoint en 1999. Vasiljevic a

  3   déclaré que le commandement conjoint en 1999 avait la puissance d'un

  4   commandement Suprême mini. Premier volume, paragraphe 1 114.

  5   Ojdanic, le chef de l'état-major général de la VJ, a déclaré à une réunion

  6   du collegium de l'état-major général du 21 janvier 1999 que si le

  7   "commandement conjoint ou n'importe quoi" décidait qu'une opération du

  8   village de Racak devait ne pas avoir lieu sans l'assistance de la VJ, eh

  9   bien, il leur fallait une approbation du président fédéral yougoslave; et

 10   alternativement, le commandement conjoint pouvait recevoir des ordres

 11   directement du président de la Yougoslavie fédéral, ce qu'il pouvait lui

 12   passer, donc relayer. Volume I, paragraphe 1 120.

 13   Pavkovic a envoyé une lettre en date du 25 mai 1999 concernant l'échec des

 14   tentatives de resubordonner le MUP à la VJ. Il a déclaré que l'ordre devait

 15   être soit renforcé soit annulé. Si annulé, le commandement du MUP devait

 16   revenir entre les mains du ministère de l'Intérieur en passant par le

 17   truchement du commandement conjoint, comme cela avait été le cas, et c'est

 18   ce que nous pouvons trouver au paragraphe 1 121 du premier volume.

 19   Mais enfin, en juin 201, Pavkovic a fait une déclaration sur le site web de

 20   la VJ portant sur le camion frigorifique qui a été utilisé pour cacher les

 21   corps trouvés dans le Danube en 1999. S'agissant de l'incident, il a

 22   déclaré que la police a coopéré avec l'armée et que cela "était coordonné

 23   en passant par des protagonistes politiques dans le commandement conjoint,

 24   qui a été constitué à cette fin". Citation utilisée par la Chambre de

 25   première instance, Volume I, paragraphe 1 117.

 26   Par rapport à ces éléments de preuve qui datent à la fois de 1998 et de

 27   1999, la Chambre de première instance a conclu raisonnablement que le

 28   système de commandement conjoint et de coordination continuait de


Page 240

  1   fonctionner en 1999 et a facilité la coopération et la coordination de la

  2   VJ et du MUP. Et cette coopération, coordination, a joué un rôle crucial

  3   pour la mise en œuvre réussie de l'entreprise criminelle commune et a eu un

  4   impact direct sur les événements sur le terrain.

  5   Et permettez-moi de conclure avant de passer la main à Mme Salgado,

  6   je répondrais à la dernière question qui a été posée par la Chambre

  7   d'appel, et cela à voir avec les crimes de Tusilje. Nous sommes d'accord

  8   sur le fait que cela aurait dû figurer à l'acte d'accusation et que rien

  9   n'a été mentionné dans notre mémoire préalable au procès ou dans nos

 10   écritures en application de l'article 65 ter. Nous avons présenté des

 11   éléments de preuve et les conclusions de la Chambre montrent que Tusilje a

 12   constitué un point de rassemblement pour les Albanais kosovars qui

 13   prenaient la fuite du village de Turcevac, et les accusés ont été condamnés

 14   pour les déportations de Turcevac. Vendredi, nous allons évoquer cette

 15   question, qui est de savoir si la Chambre devrait invalider les

 16   déclarations de culpabilité. Les accusés ont été déclarés coupables de la

 17   déportation de plus de 700 000 Albanais kosovars de 13 municipalités qui

 18   ont été choisis. La gravité et l'échelle des crimes et leur impact sur les

 19   victimes, comme nous allons le dire vendredi, demandent une augmentation

 20   des peines.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Le Juge Tuzmukhamedov souhaite

 22   vous poser une question.

 23   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie,

 24   Monsieur le Président.

 25   Alors, Monsieur Kremer, vous avez déclaré il y a quelques instants que

 26   l'entreprise criminelle commune a eu une influence importante sur les

 27   événements sur le terrain. Et cette affirmation reflète la conclusion de la

 28   Chambre de première instance faisant valoir que le commandement conjoint


Page 241

  1   avait une influence sur le MUP et sur la VJ par rapport à la mise en œuvre

  2   des différentes étapes du plan visant à combattre le terrorisme. Alors, sur

  3   le plan juridique et administratif, comment qualifieriez-vous la source et

  4   la portée de cette influence en pratique et, en particulier, dans quelle

  5   mesure était-elle contraignante ? Quels étaient les modes de sa mise en

  6   œuvre ? Quelles seraient les conséquences de la non-exécution des ordres ?

  7   Est-ce qu'il y en, est-ce qu'il y a eu quelques exemples, quelques

  8   instances de non-exécution. Je vous remercie.

  9   M. KREMER : [interprétation] L'influence prend son origine dans l'influence

 10   de Slobodan Milosevic qui était l'un des membres de l'entreprise criminelle

 11   commune et qui, à ce moment-là, disposait d'un pouvoir substantiel sur

 12   l'ensemble des événements qui se produisaient République fédérale de

 13   Yougoslavie et en Serbie. Et comment s'est opérée cette influence, eh bien,

 14   il a été la personne de contact pour Milosevic sur le terrain. Et, dans la

 15   mesure où il y avait un désaccord, Milosevic remplaçait les différents

 16   protagonistes. Il l'a fait avec le général Perisic qui a été remplacé par

 17   Samardzic, remplacé par le général Pavkovic à la fin de l'année 1998. Et,

 18   en fin de compte, nous avons des preuves de réunions qui se sont tenues à

 19   Belgrade, des réunions portant sur certaines de ces questions où Pavkovic

 20   et Lukic ont rendu compte à Milosevic et Sainovic était présent. Donc, pour

 21   ce qui est de l'influence et de l'autorité de Sainovic, elles existent tout

 22   au long, c'est un représentant et il est évident que cela est le cas tant

 23   dans les réunions qui se tiennent à Belgrade que lorsqu'il est nommé au

 24   poste de responsabilité à la MVK et aussi il se rend aux réunions du MUP,

 25   aux réunions de la VJ, donc il exhibe son influence. Donc, les réunions en

 26   tant que telles n'ont pas été utilisées pour exercer son influence.

 27   L'influence était sensible, palpable par le biais de leurs capacités des

 28   trois entreprises criminelles d'influencer le travail commun, de


Page 242

  1   coopération. Dans la mesure où on pouvait reprogrammer le départ des

  2   trains, les bus étaient mis à disposition, les autorités civiles

  3   coopéraient, tout était consolidé, donc tout pouvait avoir lieu à partir du

  4   moment où les bombardements de l'OTAN ont été déclenchés, donc ils ont à ce

  5   moment-là libéré l'ensemble des ressources qui avaient été mises en place

  6   partout au Kosovo afin de mettre en œuvre l'objectif criminel commun. Donc,

  7   il y a eu du personnel militaire en plus, des effectifs de la police en

  8   plus, la police et les militaires ont travaillé de concert aux mêmes

  9   endroits, ils ont œuvrés pour atteindre les objectifs politiques, parce que

 10   l'objectif affiché était de combattre le terrorisme, de combattre ALK.

 11   Mais, en pratique, comme la Chambre a pu le constater, ce qui se passait

 12   effectivement sur le terrain, de manière consolidée, coordonnée, eh bien,

 13   c'était que l'on chassait la population albanaise kosovare pour modifier

 14   l'équilibre démographique de la population, pour donner la majorité aux

 15   Serbes et on a cherché à promouvoir cet objectif par des moyens criminels.

 16   Parce que, partout sur le territoire du Kosovo et dans les 13 municipalités

 17   citées, on a pu démontrer l'emploi, le recours aux moyens criminels, encore

 18   et encore de manière répétée pendant les premières semaines de la campagne.

 19   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je ne vous ai pas interrogé sur

 20   M. Sainovic plus particulièrement, je ne voudrais pas être trop insistant,

 21   mais je pense que ma question était très concrète. Donc, sur les moyens

 22   juridiques et administratifs, décrire les sources, de qualifier la source

 23   de l'influence de commandement conjoint sur les événements sur le terrain

 24   et sur des cas spécifiques, si vous pourriez me citer des exemples précis,

 25   des conséquences lorsque ces ordres n'étaient pas exécutés.

 26   M. KREMER : [interprétation] Le commandement conjoint a opéré en tant

 27   qu'une instance coordonnée, donc nous n'avons pas d'attributions juridiques

 28   concrètes qui lui auraient été conférées. La VJ avait sa chaîne de


Page 243

  1   commandement qui fonctionnait, nous avions aussi la chaîne de commandement

  2   du MUP qui fonctionnait. La VJ, donc, a sa hiérarchie qui se termine au

  3   niveau du commandant Suprême, Milosevic. Le MUP, le sommet de sa hiérarchie

  4   est le ministre de l'Intérieur. Les deux travaillent de concert, il n'y a

  5   pas d'instrument juridique. En fait, cela se passe par le truchement d'une

  6   influence politique et une détermination de Slobodan Milosevic qui se sert

  7   de son avant, M. Sainovic. Est-ce qu'il y aurait un exemple de quelqu'un

  8   qui aurait refusé de suivre…

  9   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 10   M. KREMER : [interprétation] En fait, je vous renvoie au Volume I où il y

 11   quelques exemples où Pavkovic n'est pas d'accord avec la 3e Armée lorsqu'il

 12   est chef du Corps de Pristina, de son commandement, mais c'est la même

 13   chaîne de commandement. Il ne refuse pas d'exécuter un ordre du

 14   commandement conjoint.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Kremer, j'ai une question à vous

 16   poser. Quelle est votre position concernant les relations entre l'objectif

 17   criminel commun en 1998 et l'entreprise criminelle commune en 1999 ? Ce

 18   matin, le conseil de la Défense a fait valoir que même s'il existe une

 19   entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance aurait dû

 20   aborder les éléments de preuve portant sur 1999 au lieu de 1998. Quel est

 21   votre point de vue sur cette question ? 

 22   M. KREMER : [interprétation] La simple réponse consiste à dire que la

 23   Chambre de première instance a analysé les événements qui se sont déroulés

 24   avant la commission desdits crimes qui ont débuté le 24 mars 1999 et ce

 25   sont tournés vers des dates antérieures pour étayer leurs conclusions pour

 26   dire qu'il existait une entreprise criminelle commune à cette date-là. Et

 27   en se tournant vers les éléments antérieurs et la préparation des attaques

 28   contres les Albanais du Kosovo qui ont commencé le 24 mars 1999, ils ont


Page 244

  1   constaté que l'entreprise criminelle commune avait été créée bien avant

  2   cette date-là. Et lorsque j'en ai parlé ce matin, j'ai parlé de la date du

  3   mois d'octobre ce matin, je vous ai cité des exemples et des références

  4   qu'ont utilisés les Juges de la Chambre de première instance pour établir

  5   le fait que l'entreprise criminelle commune antidatait de beaucoup le début

  6   de la commission des crimes.

  7   Alors, pour ce qui est de l'année 1998, je crois que les termes

  8   employés par les Juges de la Chambre sont clairs. Ils ne se penchent pas

  9   sur l'année 1998 pour confirmer qu'une entreprise criminelle commune

 10   existe, mais pour étayer leurs constatations, qui consistent à dire qu'il y

 11   avait une entreprise criminelle commune manifeste à partir du moment où les

 12   événements se sont déroulés sur le terrain, qu'il y avait un caractère

 13   systématique des crimes qui n'aurait pu se produire qu'avec l'appui,

 14   l'influence et la participation des haut gradés de l'armée, de la police et

 15   des dirigeants politiques et, ensuite, ils se sont retournés vers les

 16   événements antérieurs pour établir des liens factuels entre les événements

 17   qui se déroulaient en 1999 et ont analysé ceci pour leur permettre

 18   d'établir que les éléments qu'ils ont utilisés pour rétablir l'existence

 19   d'une entreprise criminelle commune en 1999 était sûrs et raisonnables.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Mme MARTIN SALGADO : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 23   Madame, Messieurs les Juges. Je vais adresser la question des positions

 24   juridiques pour répondre à votre dixième question à la page 3 de

 25   l'ordonnance portant sur la préparation de cette audience en appel. Je vais

 26   également parler de l'actus reus relatif à Sainovic. Ma collègue, Mme

 27   Monchy, va ensuite aborder la question de la mens rea de cette question-là

 28   et comment elle se rapporte à Sainovic et les questions restantes portant


Page 245

  1   sur la mens rea.

  2   La dixième question est comme suit :

  3   "Nous allons aborder la question juridique ainsi que les constatations

  4   particulières de la Chambre de première instance concernant chaque appelant

  5   condamné pour avoir participé à l'entreprise criminelle commune, à savoir

  6   si l'actus reus et la mens rea d'un membre de l'entreprise criminelle

  7   commune peuvent être réalisés oui ou non avant l'existence de l'objectif

  8   commun de l'entreprise criminelle commune."

  9   Avant de répondre à votre question en matière de droit, je vais clarifier

 10   les termes employés. Lorsque nous faisons mention du terme "actus reus",

 11   "d'un membre de l'entreprise criminelle commune," nous comprenons,

 12   Mesdames, Messieurs les Juges, qu'il s'agit de poser une question sur un

 13   élément objectif et précis, à savoir la participation de l'accusé à

 14   l'objectif commun. La participation à un objectif commun signifie un

 15   comportement qui est assimilable à une contribution importante en vue de

 16   concourir à la réalisation d'un objectif commun.

 17   Lorsque nous parlons de la "mens rea", "d'un membre de l'entreprise

 18   criminelle commune," nous pensons que vous posez une question sur deux

 19   éléments subjectifs, en ce qui nous concerne la première catégorie de

 20   l'entreprise criminelle commune. Il s'agit des suivants : premièrement,

 21   l'accusé avait l'intention de commettre le crime; et deuxièmement, l'accusé

 22   avait l'intention de participer à un objectif commun qui avait pour but la

 23   commission du crime.

 24   Pour répondre à votre question, en matière de droit, en règle générale,

 25   l'actus reus d'un accusé - dans le sens de sa contribution importante - et

 26   son mens rea ne peuvent être remplis avant l'existence de l'objectif

 27   commun. Les raisons de ce point de vue sont comme suit :

 28   L'objectif commun doit être commun à toutes les personnes qui agissent de


Page 246

  1   concert dans le cadre d'une entreprise criminelle commune, et cela consiste

  2   à dire que l'intention qu'ils ont est une intention partagée.

  3   Etant donné que la contribution d'un accusé doit concourir de façon

  4   importante à la réalisation de l'objectif commun dans la mesure où, d'une

  5   manière ou d'une autre, ceci doit viser précisément la réalisation de

  6   l'objectif commun, cela ne peut être réalisé avant que l'objectif commun

  7   n'existe.

  8   Et de même, le mens rea de l'accusé ne peut être réuni avant qu'il ne soit

  9   partagé par l'un ou plusieurs membres de l'entreprise criminelle commune.

 10   Et nous notons à cet égard que le cas échéant, un accusé peut être tenu

 11   responsable pour un comportement qui a eu lieu avant l'existence d'un

 12   objectif commun en vertu d'autres modes de responsabilité en vertu du

 13   Statut.

 14   Ce que nous venons d'expliquer ne signifie pas que le comportement d'un

 15   accusé avant l'existence de l'objectif commun n'est pas pertinent eu égard

 16   à sa responsabilité au terme de l'entreprise criminelle commune. Ceci peut

 17   être pertinent de deux manières.

 18   Premièrement, il est clair que l'état d'esprit et le comportement d'un

 19   accusé avant l'existence de l'objectif commun peuvent être considérés comme

 20   éléments de preuve de la mens rea de l'accusé en question, et confer

 21   l'arrêt Krajisnik aux paragraphes 200 à 204 et au paragraphe 492.

 22   Krajisnik, également, le jugement rendu par la Chambre de première

 23   instance, paragraphes 925 à 929.

 24   Deuxièmement, un accusé peut faire intervenir ou utiliser les résultats

 25   d'un comportement qui antidate l'existence d'un objectif commun aux fins de

 26   concourir à la réalisation dudit objectif commun. "Faire intervenir" ou

 27   "utiliser" ces résultats peut dans ce cas constituer une contribution à cet

 28   objectif commun dans la mesure où : le fait de "faire intervenir" ou


Page 247

  1   "d'utiliser" est effectué avec l'intention requise; et deuxièmement,

  2   concourt de façon importante à la réalisation de l'objectif commun. Dans un

  3   tel cas, il n'est pas logique de parler de "contributions qui précèdent

  4   l'entreprise criminelle commune," puisque c'est le fait "d'intervenir" ou

  5   "d'utiliser" les résultats de comportements antérieurs qui sont

  6   assimilables à une contribution, et ceci est réalisé à partir du moment où

  7   l'objectif commun existe.

  8   A titre d'exemple, d'autres affaires devant ce Tribunal ont adopté cette

  9   approche. Par exemple, dans l'affaire Krajisnik, la Chambre d'appel a

 10   confirmé la position de la Chambre de première instance, qui s'est reposée

 11   sur les structures politiques crées par Krajisnik avant la période portant

 12   sur l'existence de l'entreprise criminelle commune, qui ont été utilisées

 13   pour mettre en œuvre l'objectif commun pendant la période couverte par

 14   l'entreprise criminelle commune. Arrêt Krajisnik, paragraphes 162 à 218.

 15   Et la participation de Martic à l'entreprise criminelle commune, de même,

 16   la Chambre de première instance a constaté que les contacts de Martic avec

 17   d'autres membres de l'entreprise criminelle commune avant l'existence de

 18   l'objectif commun, qui se sont poursuivis et qui se sont intensifiés

 19   pendant la période couverte par l'entreprise criminelle commune, ont

 20   conduit à un appui militaire et logistique important qui par la suite a été

 21   utilisé pour concourir à la réalisation de l'objectif commun. Arrêt Martic,

 22   paragraphe 117, et jugement Martic, paragraphes 445 et 448.

 23   Voilà notre position en matière de droit. Nous allons maintenant aborder

 24   séparément les constatations factuelles relatives à chaque appelant

 25   condamné au terme de l'entreprise criminelle commune. Mais pour chacun

 26   d'entre aux, au vu des éléments de preuve en l'espèce, nous estimons que

 27   cette question ne se pose pas. Les appelants ont contribué de manière

 28   importante à l'objectif commun et disposaient de l'intention requise au


Page 248

  1   moment où l'entreprise criminelle commune existait, bien avant que les

  2   crimes n'aient été commis en 1999, et au minimum pendant la période des

  3   crimes reprochés dans l'acte d'accusation. J'en ai terminé de la partie

  4   juridique de ma présentation.

  5   En ce qui concerne les constatations factuelles concernant Sainovic,

  6   d'après votre question, nous avons estimé que la question que vous posiez

  7   était de demander si Sainovic avait contribué à l'entreprise criminelle

  8   commune avant que n'existe l'objectif commun. Et la réponse courte consiste

  9   à dire non.

 10   En tant que membre du commandement conjoint et en tant qu'homme politique

 11   le plus haut gradé qui rencontrait Pavkovic et Lukic, Sainovic n'a cessé

 12   d'influencer et de coordonner les actions des forces de la RFY et de Serbie

 13   au Kosovo. Tandis que la contribution importante de Sainovic se fonde sur

 14   un comportement qui a été le sien pendant toute la période où les crimes

 15   ont été commis en 1999, son autorité et sa participation au Kosovo sont

 16   restées inchangées à partir de l'été 1998. En tant que telles, son autorité

 17   et sa participation se sont élargies et ont débordé sur la période où les

 18   crimes ont été commis.

 19   J'ai l'intention de développer cette réponse en expliquant comment Sainovic

 20   a contribué à l'objectif commun et pourquoi sa contribution était

 21   importante, et je vais le faire en décrivant son rôle au Kosovo en 1998 et

 22   1999.

 23   Je vais donc aborder la question de son rôle au Kosovo. Sainovic était le

 24   coordinateur politique des actions menées par la VJ et le MUP au Kosovo à

 25   partir du deuxième semestre de 1998, et ce, jusqu'au début du deuxième

 26   semestre de 1998. Jugement, Volume III, paragraphes 331 à 462, et je vais

 27   vous expliquer ce que l'on entend par le terme de "coordinateur politique".

 28   En qualité d'homme de Milosevic au Kosovo, Sainovic avait l'autorité


Page 249

  1   politique nécessaire lui permettant de faire fi de la réticence de la VJ et

  2   du MUP, qui ne souhaitaient pas travailler ensemble au Kosovo. En outre,

  3   Sainovic a eu l'autorisation de Milosevic pour les actions menées de la VJ

  4   et du MUP et a transmis à Milosevic ses propres instructions à ses forces

  5   par le truchement de Pavkovic et Lukic. De cette manière, en faisant

  6   travailler ensemble Pavkovic et Lukic et en leur donnant des instructions,

  7   Sainovic a coordonné et a influencé les actions de la VJ et du MUP

  8   respectivement. Ces actions ont été mises en œuvre par Pavkovic et Lukic au

  9   sein du MUP de la VJ et leurs chefs de commandement respectifs.

 10   La Chambre a constaté de façon raisonnable que la participation de Sainovic

 11   s'est poursuivie pendant la période où les crimes ont été commis en 1999 et

 12   que son autorité, à l'époque, ne diminuait en rien et que les facteurs

 13   suivants n'ont rien changé concernant l'autorité de Sainovic ainsi que sa

 14   participation.

 15   Premièrement, la manière dont il agissait avec ses interlocuteurs était la

 16   même. En 1999, Sainovic a continué à coordonner les forces de la même façon

 17   qu'il l'avait fait en 1998. Il a reçu l'aide des mêmes personnes - à savoir

 18   Pavkovic et Lukic - avec qui il est resté en contact permanent et il

 19   agissait au nom ou sur l'instigation de Milosevic. Le Volume III,

 20   paragraphe 464.

 21   Le deuxième facteur est une source de facto que l'autorité de Sainovic

 22   restait inchangée. C'était l'un des membres les plus proches et des

 23   collaborateurs auxquels Milosevic faisait le plus confiance en 1998 et en

 24   1999. Grâce à sa relation, il a dirigé les réunions du commandement

 25   conjoint et d'autres réunions de la VJ et du MUP auxquelles siégeaient les

 26   représentants officiels. Grâce à cette relation, il est devenu président de

 27   la commission chargée de la coopération au sein de la mission du Kosovo,

 28   KVM. Cela se trouve au Volume III, paragraphe 427. Effectivement, entre


Page 250

  1   novembre 1998 et mars 1999, Milosevic remplaçait les différents individus,

  2   comme Perisic, Samardzic, Dimitrijevic. Sainovic est resté à un rôle

  3   proéminent en traitant des questions du Kosovo, ce qui a permis à Sainovic

  4   d'étendre son rôle en qualité de représentant politique de Milosevic dans

  5   la province. Volume III, paragraphe 427.

  6   Le troisième facteur, Mesdames, Messieurs les Juges, est qu'en 1999,

  7   Sainovic a continué à être au courant des événements qui se sont déroulés

  8   au Kosovo et il s'y rendait souvent. En réalité, l'essentiel de ses voyages

  9   se sont déroulés à la fin du mois de mars et au début du mois d'avril,

 10   lorsque la majorité des crimes ont été commis.

 11   Je vais maintenant parler de la participation de Sainovic lorsque les

 12   crimes ont été commis. Plus précisément à la période couverte par ces

 13   crimes, Sainovic a coordonné et a influencé les actions de la VJ et du MUP

 14   au Kosovo en qualité de membre du commandement conjoint et en tant que

 15   homme politique de haut rang lors des réunions avec Pavkovic et Lukic. Des

 16   crimes généralisés ont été commis par le truchement des actions que

 17   coordonnait Sainovic, et en particulier les opérations conjointes de la VJ

 18   et du MUP.

 19   Pendant la période où les crimes ont été commis, Sainovic était membre du

 20   commandement conjoint, et en tant que membre du MUP, il a resubordonné la

 21   VJ malgré les ordres donnés en avril 1999, qui confirment qu'il y a eu une

 22   participation politique continue et la coordination de ces forces.

 23   Effectivement, s'agissant de problèmes de resubordination en mai 1999,

 24   Vasiljevic a dit dans sa déposition qu' "il y avait un commandement

 25   exécutif entre les mains de M. Sainovic là-bas, à cet effet, pour pouvoir

 26   coordonner les actions de l'armée et du MUP." Volume III, paragraphe 339.

 27   Les 16 ordres du commandement conjoint sont des éléments au dossier,

 28   mentionnés par M. Kremer ce matin, sont les résultats d'une coordination


Page 251

  1   politique et d'opérations conjointes de la VJ et du MUP, qui correspondent

  2   à certains crimes reprochés dans l'acte d'accusation commis par les forces

  3   de la VJ et du MUP. Le premier ordre émanant du commandement conjoint versé

  4   au dossier date de 1999, du 19 mars et montre que le commandement conjoint

  5   a participé avant même que les crimes n'aient été commis, préparant ainsi

  6   le terrain en vue des expulsions massives qui ont suivi peu de temps après.

  7   En outre, à ce poste de commandement conjoint en 1999, la participation de

  8   Sainovic aux réunions de la VJ, du MUP et des représentants officiels qui

  9   traitaient les questions du Kosovo montre en outre qu'il exerçait une

 10   influence et coordonnait la VJ et le MUP pendant la période où ces crimes

 11   ont été commis.

 12   M. LE JUGE LIU : [aucune interprétation]

 13   Mme MARTIN SALGADO : [interprétation] Lors de ces réunions, le rôle

 14   de Sainovic consistait à assurer une liaison entre la VJ, le MUP et

 15   Milosevic. Lors de réunions avec les dirigeants du MUP au Kosovo, Sainovic

 16   assurait la coordination entre la VJ et le MUP et autorisait les actions

 17   que devaient mener le MUP. Il donnait également des instructions lorsqu'il

 18   relayait les ordres de Milosevic. Il faisait cela, malgré le fait que lui

 19   et Milosevic étaient des hommes politiques de la Fédération et, par

 20   conséquent, ne faisaient pas partie de la chaîne de commandement officiel

 21   du MUP de la république.

 22   Par exemple, lors de la réunion du 4 avril 1999, en présence de haut

 23   représentants officiels de la police au Kosovo, qui se déroulait à

 24   Pristina, Sainovic a déclaré que c'était la fin de la première étape des

 25   opérations antiterroristes. Lors de cette même réunion, il a également

 26   nommé ou en tout cas assigné deux tâches particulières, qui devaient être

 27   planifiées et menées ensemble avec la VJ. Volume III, paragraphe 341 du

 28   jugement en l'espèce.


Page 252

  1   Lors de la réunion de l'état-major du MUP le 7 mai 1999, également à

  2   Pristina, Sainovic a défini les principaux objectifs et tâches et a dit

  3   qu'après l'opération Jezerce, pardonnez-moi ma prononciation, les forces de

  4   police spéciales en coopération avec la VJ "oeuvrerait à la destruction des

  5   groupes terroristes restants."

  6   Lors de cette même réunion -- pardonnez-moi, cela se trouve dans le

  7   Volume III, paragraphe 346. Lors de cette même réunion, il a également cité

  8   un autre ordre de Milosevic qui déclarait que cela devait être communiqué à

  9   tous les commandants de la police en tant que tâche assignée par le

 10   commandement Suprême. Et contrairement à l'argument de la Défense ce matin,

 11   ceci montre que Sainovic avait un poids politique et qu'il était derrière

 12   cette transmission.

 13   Ces réunions confirment la déposition de Vasiljevic, à savoir qu'en

 14   1999 Sainovic "devait être informé et devait coordonner les éventuels

 15   problèmes entre la VJ et le MUP et devait suivre l'ensemble de la situation

 16   au Kosovo, et devait tenir Belgrade informée de ces événements." Volume

 17   III, paragraphe 357. Pour renforcer le rôle d'homme de liaison de Sainovic,

 18   nous avons la déposition d'Ojdanic en juin 1999; Odjanic qui s'est plaint

 19   auprès de Vasiljevic en disant que Pavkovic attachait trop d'importance au

 20   fait de garder Sainovic informé plutôt que d'informer Ojdanic, son

 21   supérieur hiérarchique direct.

 22   Le rôle crucial joué par Sainovic dans la coordination entre le MUP

 23   et la VJ est resté inchangé jusqu'à la fin de la campagne de 1999, ceci est

 24   démontré le 1er juin 1999 lors de la réunion du commandement conjoint à

 25   Pristina auxquels ont assisté Sainovic, Lukic, Pavkovic, Lazarevic, et

 26   d'autres membres de la VJ et du MUP, ainsi que des dirigeants civils. Lors

 27   de la réunion du 1er juin 1999, Sainovic a fait un certain nombre de choses

 28   : il a coordonné les actions de la VJ et du MUP, Sainovic a autorisé que


Page 253

  1   soient menées leurs actions. Il a dit : "D'accord, faites comme vous avez

  2   prévu", en faisant référence à une action à Drenica qui consistait à

  3   engager 300 officiers de police; Volume III, paragraphe 356. Deuxièmement,

  4   il a donné les instructions de Milosevic tout seul, et il l'a fait en

  5   ordonnant que les actions des forces conjointes cessent, compte tenu de

  6   l'accord entre Milosevic et Martti Ahtisaari, et lorsque les personnes

  7   présentes à la réunion ont protesté, il a usé de son pouvoir

  8   discrétionnaire en donnant des instructions que soient terminées ces

  9   actions dans les jours suivants. Volume III, paragraphe 359. Effectivement,

 10   les hostilités ont cessé à la date du 10 juin 1999. Volume III, paragraphe

 11   743. Nous avons entendu ce matin l'argument qui consistait à dire que

 12   Sainovic n'aurait pas pu donner cet ordre, parce que, d'après la Défense,

 13   l'accord militaire technique n'avait pas été conclu. Mais il est clair ou

 14   manifeste d'après la déposition de Branko Krga, qui est cité dans le Volume

 15   I, note en bas de page 3322, que l'accord cité par Sainovic était un accord

 16   intermédiaire. Et il est clair d'après la déposition de Stojanovic, qui se

 17   trouve au paragraphe 356, Volume III, que ce que Sainovic a transmis était

 18   le fait qu'un accord entre la RFY et la communauté internationale était sur

 19   le point d'être signé, que celui-ci envisageait le départ de la VJ et du

 20   MUP du Kosovo, et que ce retrait devait commencer bientôt.

 21   Pour ce qui est de son importance, le comportement de Sainovic était

 22   assimilable à une contribution importante à l'entreprise criminelle commune

 23   parce que la campagne organisée de déplacement forcé mise en œuvre en 1999

 24   signifiait une coordination importante et une coopération importante entre

 25   le MUP et la VJ pour concourir à la réalisation de la politique menée par

 26   Belgrade.

 27   Je vais maintenant aborder la question de la participation de Sainovic

 28   avant la période au cours de laquelle les crimes ont été commis. Outre les


Page 254

  1   éléments de preuve précis de sa coordination et de son influence pendant la

  2   période où les crimes ont été commis, la Chambre de première instance s'est

  3   appuyée sur des éléments de preuve relatifs à l'autorité de Sainovic et sa

  4   participation avant cette période. Elle a, à juste titre, constaté qu'en se

  5   fondant sur ces éléments de preuve, il était le coordinateur politique de

  6   la VJ et du MUP pendant toute la durée de cette période et que, par ce

  7   fait, il a contribué de façon importante à l'objectif commun. Paragraphes

  8   462 et 467.

  9   A l'instar de ce qui c'était passé pendant la campagne de l'OTAN, Sainovic

 10   a coordonné et influencé la VJ et le MUP au Kosovo en 1998 et avant le 24

 11   mars 1999.

 12   La Chambre a constaté qu'en 1998, c'était l'un des membres dirigeants du

 13   commandement conjoint et, en tant que tel, Sainovic disposait des pouvoirs

 14   de facto qu'il exerçait à la fois sur la VJ et le MUP au Kosovo et, de

 15   concert avec Pavkovic et Lukic, il a coordonné les actions de la VJ et du

 16   MUP lorsqu'il a mis en œuvre le plan visant à combattre le terrorisme.

 17   Volume I, paragraphe 1 110, et Volume III, paragraphes 462, 468.

 18   Après le parachèvement de ce plan en octobre 1998, il a coordonné les

 19   forces au Kosovo tout en étant président de la commission chargée de la

 20   coopération entre le MVK, et il a fait cela tout en continuant à traiter

 21   avec et à avoir une influence sur Pavkovic et Lukic, et ce, sans

 22   interruption, comme il l'avait fait par le passé et comme il allait

 23   continuer à le faire à l'avenir.

 24   Et sur ce thème, je souhaite simplement faire remarquer que les

 25   réclamations d'Ojdanic que j'ai déjà évoquées, lorsqu'en 1999 il dit que

 26   Pavkovic considère qu'il est plus important que Sainovic soit informé

 27   plutôt que d'informer son supérieur hiérarchique direct, cette doléance est

 28   l'illustration des instructions que Sainovic a donné bien avant. Il existe


Page 255

  1   des éléments de preuve indiquant que le 12 novembre 1998, après avoir

  2   assumé le rôle de président de la commission, Sainovic a donné des

  3   instructions à Pavkovic et Lukic pour continuer à mettre en œuvre ce qui

  4   avait déjà été établi et a informé Sainovic des incidents importants

  5   premièrement et ensuite qu'il fallait en informer leurs supérieurs

  6   hiérarchiques. Volume III, paragraphe 373.

  7    A titre d'exemple, la Chambre a constaté que la manière dont Sainovic a

  8   géré la période qui a suivi les incidents de Podujevo et Racak, qui se sont

  9   déroulés à la fin du mois de décembre 1998 et à la mi-janvier 1999

 10   respectivement, ont démontré qu'il était en contact permanent avec Pavkovic

 11   et Lukic, qu'il exerçait une influence sur eux, et qu'il était au courant

 12   des actions imminentes conjointes de la VJ et du MUP. Volume III,

 13   paragraphes 395 et 401.

 14   Pour conclure, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, la

 15   Chambre de première instance a constaté de façon raisonnable que Sainovic

 16   était un des membres essentiel de l'entreprise criminelle commune. Dans les

 17   mois qui ont précédé les crimes, Sainovic a coordonné, influencé les

 18   actions de la VJ et du MUP au Kosovo, et a agi en tant qu'homme de liaison

 19   entre ces forces et Milosevic. Une fois que les crimes ont commencé,

 20   Sainovic a continué à coordonner et à influencer l'objectif commun en

 21   concourrant à la réalisation de ce dernier. Confer Volume III, paragraphes

 22   462 et 467.

 23   Pour répondre à votre dernière question, la contribution de Sainovic à

 24   l'entreprise criminelle commune s'est déroulée au moment où existait

 25   l'objectif commun. Et pour répondre à l'appel de Sainovic et ses arguments

 26   présentés aujourd'hui, nous faisons valoir que ses moyens d'appels relatifs

 27   à sa contribution à l'entreprise criminelle commune devraient être rejetés.

 28   Et, à moins que vous n'ayez des questions, Madame, Messieurs les Juges, je


Page 256

  1   vais passer la parole à mon collègue.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Juge T.

  3   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Madame Martin Salgado, je

  4   souhaite aborder la question de ce terme de "coordinateur politique". Il

  5   s'agit là d'une déduction faite par la Chambre de première instance en se

  6   fondant sur les éléments de preuve, ils en ont conclu que ceci était le

  7   rôle qu'a eu ou c'est le rôle qu'ils ont attribué à Sainovic. Dans votre

  8   mémoire en réplique, vous avez interprété cette conclusion de la Chambre de

  9   première instance en déclarant que le terme de "coordinateur politique"

 10   était descriptif par nature. J'ai l'impression que lors de votre

 11   présentation maintenant vous êtes allée un petit peu au-delà de cela, et

 12   vous avez déclaré qu'il s'agissait d'un terme descriptif. Cependant, la

 13   question que j'ai à vous poser : à supposer qu'il existe une contestation

 14   factuelle qui consiste à dire que le terme de "coordinateur politique"

 15   n'était pas un simple terme descriptif, dans ce cas comment ceci pourrait-

 16   il avoir une incidence sur la responsabilité pénale de M. Sainovic ?

 17   Alors, j'ai une autre question aussi, mais devrions procéder pas à

 18   pas, peut-être.

 19   Mme MARTIN SALGADO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne

 20   voulais pas m'éloigner de l'argumentation qui a été présentée dans notre

 21   mémoire, s'agissant de ce terme "coordinateur politique" qui se trouve être

 22   un terme descriptif. Il a été utilisé à titre descriptif pour qualifier ou

 23   étiqueter d'une façon ou décrire d'une façon quelconque ce qui, de notre

 24   avis, avait constitué la contribution qui était la sienne, à savoir la

 25   coordination et l'influence qu'il exerçait vis-à-vis des activités de la VJ

 26   et du MUP. Et, de notre avis, ce terme de "coordinateur politique" est un

 27   condensé qui nous dit en substance la signification de ce qui est entendu.

 28   Et pour ce qui est de la deuxième partie de votre question -- oui,


Page 257

  1   excusez-moi. Je crois qu'il me faudra revenir à la toute première réponse

  2   que j'ai apportée : ce qu'il importe de dire, c'est qu'il a fait une

  3   contribution à la réalisation de cet objectif commun, et cette contribution

  4   a été notable. Nous avons décrit cette contribution, nous avons parlé de

  5   coordination et d'exercice d'influence. En résultante, je ne pense pas

  6   qu'une conclusion qui serait liée à la coordination politique signifierait

  7   autre chose plutôt qu'une signification descriptive. Je ne pense pas que

  8   cela puisse avoir une influence quelconque sur sa responsabilité pénale.

  9   J'espère que je vous ai compris.

 10   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci. Alors, en fait, vous

 11   avez cité la Chambre de première instance pour déclarer que M. Sainovic

 12   avait été le plus proche et le collaborateur le plus fiable de M. feu

 13   Milosevic, alors je pense que vous vous êtes rapprochée d'une autre

 14   description au sujet de la relation qui avait existé entre M. Sainovic et

 15   M. Milosevic. Parce que la Chambre de première instance avait dit qu'il

 16   s'agissait d'une relation particulière, et je pense que vos confrères d'en

 17   face ont contesté ce volet. Mais les Juges de la Chambre ont déclaré que

 18   cette relation particulière résultait du fait que Sainovic avait exercé un

 19   rôle principal lors des réunions du commandement conjoint. Alors, est-ce

 20   que vous pourriez étoffer quelque peu davantage les caractéristiques de

 21   cette relation proche d'homme de confiance, c'est-à-dire relation spéciale

 22   - pour utiliser la terminologie qui a été celle des Juges de la Chambre de

 23   première instance ? Y a-t-il quelque chose qui sortirait de l'ordinaire au

 24   niveau de ces relations, est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu des

 25   constatations pour ce qui est de l'influence que l'existence de cette

 26   relation spéciale pouvait avoir sur la responsabilité pénale de M. Sainovic

 27   ?

 28   Mme MARTIN SALGADO : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je vais


Page 258

  1   commencer par le deuxième volet de votre question. Alors, l'importance de

  2   cette corrélation proche avec Slobodan Milosevic, de notre avis, revêt un

  3   double sens. D'abord, il a donné une description de sa contribution à la

  4   réalisation de cet objectif criminel commun, et ceci parce que, comme je

  5   l'ai dit, de par sa fonction il était chargé de coordonner les activités de

  6   la VJ et du MUP. Et l'une des façons de procéder à cette coordination,

  7   c'était d'intervenir en tant que lien entre la VJ et le MUP, mais aussi

  8   entre la VJ, le MUP et Milosevic, ce qui fait que ces objectifs criminels

  9   communs pouvaient être mis en œuvre par recours aux forces qui se

 10   trouvaient sur le terrain pour réaliser la politique qui était celle de

 11   Belgrade. A cet effet, cette corrélation ou cette relation proche est une

 12   contribution significative et qui a consisté à jouer le rôle de lien entre

 13   Milosevic et les forces sur le terrain.

 14   Et cette corrélation rapprochée avait montré à quel point il avait

 15   bénéficié d'une autorité qui permettait d'influer sur les activités de la

 16   VJ et du MUP sur le terrain. Donc, ceci explique également notre position

 17   par laquelle nous affirmons qu'il a été en position de faire tout ce qu'il

 18   a fait et qui a constitué une contribution à cet objectif criminel commun.

 19   Je vais vérifier si j'ai bien répondu à tous les volets de votre question,

 20   Monsieur le Juge.

 21   Alors, si je puis à présent me référer au jugement, Volume II  de cette

 22   section, où il est question de la relation qu'il avait eue avec Milosevic,

 23   je vous convie à vous pencher sur la description qui est fournie à cet

 24   endroit. J'espère que j'ai répondu à la question posée par M. le Juge.

 25   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci.

 26   Mme MARTIN SALGADO : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 27   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame, avant que vous ne commenciez, je

 28   tiens à vous rappeler que vous n'avez que six minutes pour apporter votre


Page 259

  1   réponse.

  2   Mme MONCHY : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je vais

  3   essayer de répondre à ce défi et je vais me centrer strictement sur les

  4   questions qui sont liées au mens rea.

  5   Madame, Messieurs les Juges, pour ce qui est de la dernière partie de la

  6   question qui a été évoquée par Mme Martin Salgado, et la réponse est tout à

  7   fait courte et directe. Les Juges de la Chambre n'ont pas constaté que

  8   Sainovic avait partagé une intention de commettre une entreprise criminelle

  9   commune avant qu'il n'y ait eu un objectif commun de poursuivi et de mis en

 10   place. Les Juges de la Chambre ont, à juste titre, pris en considération

 11   les éléments de preuve qui datent de la période d'avant, pendant et après

 12   la perpétration d'un crime pour trouver que Sainovic avait eu l'intention

 13   requise à l'époque pour ce qui est de sa contribution à l'entreprise

 14   criminelle commune.

 15   Je me tourne maintenant vers la question numéro 11 qui se rapporte à la

 16   pertinence des connaissances qui étaient celles de Sainovic au sujet des

 17   crimes commis en 1998. Messieurs, Madame les Juges, les Juges de la Chambre

 18   de première instance ont raisonnablement considéré que Sainovic avait des

 19   connaissances pour ce qui est de l'usage excessif et disproportionné des

 20   forces de la RFY et des forces serbes pour aboutir à des déplacements

 21   forcés, constitue un facteur qui permet de parler du mens rea chez

 22   Sainovic, et c'est la raison pour laquelle ces connaissances étaient

 23   claires, on avait laissé entendre que les forces de la RFY et les forces

 24   serbes allaient se comporter de façon similaire quelques mois plus tard

 25   pour générer des déplacements massifs par la force. Et s'agissant des

 26   crimes en 1998, il y a eu des perpétrations à moindre échelle et moins

 27   systématiques que pendant la campagne de l'OTAN, mais Sainovic était mis au

 28   courant de l'existence du risque de la perpétration de ce type de crimes


Page 260

  1   par les forces en question. Sa connaissance était pertinente en la matière

  2   parce que Sainovic pouvait être sûr que les mêmes forces seraient utilisées

  3   pour réaliser une campagne de grande envergure et systématique pour ce qui

  4   est de la violence et de la terreur avec destruction de biens privés,

  5   intimidation, violence à l'égard des Albanais du Kosovo comme en 1998, et

  6   on considérait que ces forces pourraient réaliser avec succès les

  7   déplacements en masse de 1999.

  8   Et pour finir, le dernier point que je voulais évoquer à ce sujet, c'était

  9   que c'est pertinent pour montrer le modèle de comportement de Sainovic.

 10   Sainovic savait pertinemment bien que les effectifs de la RFY et de la

 11   Serbie avaient commis ces crimes en 1998, mais n'a rien fait pour y

 12   remédier. Il a continué à coordonner ces effectifs et à coordonner et

 13   appuyer leur approche brutale, et ceci est mentionné au Volume III,

 14   paragraphe 463. Il s'agit du même type de comportement pendant la campagne

 15   de l'OTAN.

 16   Alors, normalement, pour ce qui est de la quatrième question posée par les

 17   Juges de la Chambre au sujet de l'acte d'accusation du 27 mai 1999, les

 18   Juges de la Chambre ont, de façon tout à fait raisonnable, pris en

 19   considération les connaissances qui étaient celles de Sainovic pour ce qui

 20   est de l'existence d'un acte d'accusation pour tirer des conclusions

 21   concernant son intention d'entreprise criminelle commune, parce que ceci

 22   n'a fait que confirmer à titre complémentaire qu'il en avait eu

 23   l'intention. Indépendamment du fait de savoir qu'un acte d'accusation avait

 24   été dressé à son encontre, Sainovic n'a rien fait pour encourager les

 25   personnes qui avaient placé -- enfin, qui avaient physiquement sous leur

 26   contrôle et commandement les auteurs de ces crimes qui sont mentionnés à

 27   l'acte d'accusation pour entreprendre des mesures de poursuites et les

 28   sanctionner. Il n'a rien fait en sa qualité de premier ministre adjoint de


Page 261

  1   la République fédérale de Yougoslavie pendant plus d'un an après. Et ceci

  2   ne constitue qu'une confirmation complémentaire pour indiquer que ses

  3   déclarations de 1998 et 1999 concernant le sanctionnement des crimes,

  4   c'était une "façon cosmétique" de faire passer sous silence ou de montrer

  5   que Sainovic n'avait en fait jamais l'intention de poursuivre les crimes

  6   commis par les effectifs de la RFY et de la Serbie.

  7   Pour en revenir à la première question relative à l'entreprise criminelle

  8   commune III. Alors pour répondre en bref, ce serait non. Si vous considérez

  9   que pour ce qui est des éléments subjectifs du mens rea, pour ce qui est

 10   d'établir la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune, cela

 11   n'aura aucun impact pour ce qui est du jugement de Sainovic s'agissant de

 12   meurtres et de dégâts portés aux bâtiments religieux des Albanais du

 13   Kosovo. Les Juges de la Chambre ont constaté que ces crimes étaient

 14   prévisibles de façon tout à fait raisonnable, et Sainovic avait plus que

 15   suffisamment de connaissances pour ce qui est de savoir que ces crimes

 16   allaient être prévisibles en application des normes qui sont les moins

 17   élevées, c'est-à-dire les normes de probabilité. Nous nous référons

 18   maintenant à notre mémoire en réponse, paragraphes 246 à 258 pour ce qui

 19   est des références qui sont fournies.

 20   Pour conclure, Mesdames, Messieurs les Juges, pour ce qui est des

 21   fondements du mens rea, je crois que toutes les objections devraient être

 22   rejetées. A moins que les Juges de la Chambre n'aient des questions à

 23   poser, je crois avoir terminé pour aujourd'hui.

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Votre réponse a été véritablement

 25   courte.

 26   [La Chambre d'appel se concerte]

 27   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Excusez-moi, le Juge Pocar a une

 28   question à poser.


Page 262

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Excusez-moi. Je suis d'accord

  2   avec le Juge qui préside aux travaux de cette Chambre pour dire que vos

  3   réponses ont été fort courtes, mais je voudrais être très clair pour ce qui

  4   est d'une réponse que vous nous avez fournie. Est-ce que vous considérez

  5   que la connaissance relative aux crimes commis en 1998 est utilisable comme

  6   circonstance pour démontrer qu'il y a eu mens rea pour ce qui est des

  7   crimes commis en 1999 ? Et je crois que c'est le point que vous avez évoqué

  8   de façon tout à fait claire. Est-ce que vous estimez également que la

  9   connaissance qu'il aurait pu avoir au sujet du crime A commis en 1998

 10   risque d'être suffisante pour déterminer la présence d'un mens rea en 1999

 11   pour un crime B ? Parce que la question est celle de savoir si le mens rea

 12   lié à des transferts forcés ou des expulsions commises en 1999 pourrait

 13   constituer une conclusion qui serait susceptible d'être tirée de la

 14   perpétration de crimes autres que celui des expulsions commises en 1998.

 15   Les crimes qui ont été commis en 1998, autres que ceux d'expulsion,

 16   peuvent-ils servir de base pour le mens rea s'agissant d'expulsion en 1999

 17   ? S'agissant donc de connaissance au sujet d'un crime véritable commis. Et

 18   je voudrais que les choses soient dites de façon tout à fait claires

 19   s'agissant de la position qui est la vôtre.

 20   Mme MONCHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je crois qu'en réponse

 21   brève, le recours excessif est disproportionné à la force en 1998 de la

 22   part de la République fédérale de Yougoslavie et de Serbie, chose qui a

 23   englobé plusieurs crimes; mise à feu de maisons, pillage, violence à

 24   l'égard de civils, y compris meurtre, ce type de crimes avait conduit à des

 25   déplacements forcés de la population albanaise du Kosovo en 1998. Etant

 26   donné que l'accusé avait certainement su que si ces forces commettaient le

 27   même type de crime, cela ne manquerait de contribuer à de nouveaux

 28   déplacements des Albanais du Kosovo en 1999. C'est la raison pour laquelle

 


Page 263

  1   les autres crimes, exception faite de ces déplacements forcés se doivent

  2   d'être pertinents pour ce qui est des connaissances qui étaient les

  3   siennes.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vois que vous répondez qu'"il y a

  5   possibilité d'établir ce lien." Merci.

  6   Mme MONCHY : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, maintenant, la réplique du

  9   défendant.

 10   M. PETROVIC : [interprétation] En ma qualité de co-conseil de M. Sainovic,

 11   je vais apporter quelques éléments. Je ne pense pas avoir le temps

 12   d'élaborer plus en long et en large.

 13   Je vais d'abord apporter une réponse générale à ce que nos confrères de

 14   l'Accusation ont dit; s'agissant de ce qui a été dit dans nos exposés des

 15   motifs qui sont contenus dans notre mémoire en appel, la réponse, ça a été

 16   de donner lecture de certaines parties du jugement en première instance. On

 17   apporte des exposés de motifs pour ce qui est d'une telle approche. C'est

 18   qu'il faut avoir une approche en tant qu'entité, et il ne s'agit pas de se

 19   pencher sur des parties différentes et il ne fallait pas considérer que ces

 20   différents segments ne devraient pas faire l'objet d'analyse complémentaire

 21   et d'évaluation complémentaire. Ce que nous voulons dire, c'est que dans

 22   l'ensemble, il y a un jugement, certes, mais il y a toute une série de

 23   détails qui, pris ensemble, nous mènent à dire que la conclusion présentée

 24   par cette Défense, c'est de dire que le jugement à l'égard de M. Sainovic

 25   ne saurait être maintenu. On ne peut pas dire que c'est un tout et qu'il ne

 26   convient pas d'analyser les détails du jugement. Au contraire, les détails

 27   doivent être réanalysés, et il faut que ce soit fait - comme nos propos

 28   laissent entendre - de façon convaincante. Cela nous amènera à des


Page 264

  1   conclusions différentes de celles qui ont été adoptées par la Chambre de

  2   première instance.

  3   Quelques détails au sujet de ce que nos confrères et consœurs ont dit

  4   aujourd'hui. Parlant des relations qui se rapportent à l'existence de cette

  5   entreprise criminelle commune, il est dit qu'il existe un modèle de

  6   comportement ou un système d'événements qui ont justifié ceci. On a avancé

  7   plusieurs arguments. On a parlé d'armement et de désarmement de la

  8   population. Je tiens à vous rappeler que dans le jugement en première

  9   instance, la Chambre de première instance ne conteste pas la légalité de

 10   l'armement. Ce qui a été contesté par la Chambre, ça a été l'armement

 11   suivant des filières ethniques. Mais pour ce qui est de l'armement et du

 12   désarmement, il convient de garder à l'esprit une situation dans laquelle

 13   se produit ce dont on est en train de parler. On ne peut pas considérer

 14   l'armement ou le désarmement de façon isolée par rapport aux événements. A

 15   l'époque où tout ceci se produit, entre les autorités de la Serbie et la

 16   République fédérale de Yougoslavie d'une part, et les Albanais du Kosovo,

 17   il y a des tensions, des conflits. Ce n'est pas nouveau. C'est un conflit

 18   qui a duré depuis des dizaines d'années. On ne pouvait pas s'attendre de la

 19   part des autorités légales à ce que dans une situation où il y a un blocus

 20   des communications, où il y a des enlèvements, des meurtres de la

 21   population locale, où il y a une défiance très grande entre la population

 22   serbe et albanaise, on ne peut pas s'attendre à ce que les autorités de la

 23   Serbie et de la Yougoslavie aillent armer des membres du groupe ethnique

 24   qui en majeure partie s'était opposé à l'Etat et s'était opposé à son armée

 25   et à sa police. Dans une situation où il y a tous les éléments d'une

 26   insurrection armée au Kosovo, il est déraisonnable de tirer une conclusion

 27   ou de considérer que le désarmement ou l'armement peuvent permettre de

 28   tirer des conclusions que cela avait été l'un des éléments incorporés à


Page 265

  1   cette entreprise criminelle commune.

  2   Mon éminent confrère a mentionné la promotion de Pavkovic et Ojdanic dans

  3   le contexte des explications du rôle joué par M. Sainovic. Et là, je ne

  4   vois vraiment pas qu'il y ait quoi que ce soit dans le dossier qui

  5   permettrait d'établir un lien entre M. Sainovic et les promotions accordées

  6   à Pavkovic et à Ojdanic. Dans le cadre de ce modèle de comportement, il y a

  7   également citation d'acheminement des forces de la Serbie et de la

  8   Yougoslavie sur le territoire du Kosovo. Et on a qualifié cela comme étant

  9   l'un des éléments prouvant qu'il y a violation des accords d'octobre et

 10   démontrant que la Serbie et la Yougoslavie s'étaient préparées pour la

 11   guerre. Mais qu'est-ce qu'on a dit dans le dossier ? On montre qu'il y a

 12   des éléments de preuve montrant qu'une certaine augmentation des effectifs

 13   de l'armée de Yougoslavie survient en mars 1999; donc, ça se produit

 14   lorsqu'on est déjà certain qu'il y aura un bombardement de l'OTAN, quand il

 15   est certain qu'il y aura un conflit très grave, et d'après ce qui a été

 16   confirmé dans le jugement, les autorités ni de la Serbie, ni de la

 17   Yougoslavie ne le souhaitaient.

 18   Et on a constaté que l'OTAN avait une présence de 2 000 hommes en Macédoine

 19   au moment où il y a des renforts de l'armée de la Yougoslavie, et ces

 20   effectifs sont majorés à 12 000 en avril. Les activités de l'UCK ne font

 21   qu'augmenter pendant cette période, en même temps. La seule réponse

 22   rationnelle de l'Etat, c'était de renforcer sa présence militaire sur une

 23   partie du territoire où il est certain qu'il va y avoir un conflit sérieux.

 24   Et ça a été fait par l'armée de Yougoslavie et par le MUP de la Serbie,

 25   mais ça aurait été l'œuvre de tout autre Etat confronté à ce type de

 26   situation.

 27   Je dirai brièvement quelque chose au sujet des départs de la population

 28   pour ce qui est d'un modèle de comportement uniforme à cet effet. Les Juges


Page 266

  1   de la Chambre de première instance ont constaté qu'il y avait

  2   responsabilité pour ce qui est des déplacements de la population et elle

  3   n'est imputée qu'à la partie serbe. Or, la Chambre de première instance

  4   constate qu'il y a également des frappes de l'OTAN, constate qu'on a

  5   bombardé des cibles à côté des endroits habités par une population, et on

  6   constate qu'il y a des raisons qui, pour tout Juge raisonnable de faits,

  7   peuvent permettre de tirer des conclusions autres que celles qui ont été

  8   tirées. Néanmoins, les Juges de la Chambre considèrent responsable

  9   uniquement - pour tous ces déplacements de ces 700 000 personnes - les

 10   effectifs de la Serbie et de la Yougoslavie. S'il y a eu des bombardements

 11   à côté des maisons, des conflits dans les villes, dans les villages, avec

 12   l'Armée de libération du Kosovo, est-ce que ce fait-là ne devait pas aussi

 13   être considéré comme important et jaugé lors de l'évaluation des

 14   circonstances dans lesquelles il y a eu - s'il y a eu - autant de

 15   déplacements de population, comme on le dit, 700 000 personnes ? S'il y a

 16   d'autres raisons - et on peut le voir à partir du jugement en tant que tel

 17   - ces autres raisons devaient forcément être prises en considération et on

 18   devait prendre en considération la mesure ou la participation de ces

 19   éléments à ce qui s'est produit. Et je crois que ce à quoi mes collègues et

 20   mes confrères ont fait référence aujourd'hui, ceci n'a pas été jaugé de

 21   façon adéquate.

 22   Les déclarations de témoins concernant la façon dont il y a eu des

 23   déplacements d'opérés, c'est presque uniquement - que les Juges de la

 24   Chambre se réfèrent - à des témoignages de témoins du groupe ethnique

 25   albanais. Il en va de même -- ce sont des déclarations uniformes. Ce sont

 26   des déclarations identiques. Notre éminent confrère nous dit aujourd'hui

 27   que c'était parce que la pratique était identique, mais il y a tant de

 28   similitudes qu'en termes simples, cela n'est guère possible dans le cas où


Page 267

  1   il s'agirait de témoignages crédibles et conformes à la vérité. La plupart

  2   de ces témoins étaient venus de régions où l'Armée de libération du Kosovo

  3   s'est trouvée être très active, et tous ces témoins ont témoigné devant les

  4   Juges de la Chambre de première instance. Et ils ont nié que dans le coin

  5   d'où ils venaient, où ils ont dû quitter leurs maisons, il y avait eu une

  6   présence notable de l'UCK. Jusqu'au dernier, ils ont nié la présence de

  7   l'UCK et la présence de conflit. Et les Juges de la Chambre de première

  8   instance estiment que c'est irrationnel comme incohérence, mais cette

  9   incohérence devrait mettre en garde de façon très sérieuse pour indiquer

 10   que ces témoignages, il y a quelque chose qui cloche avec, et que pour le

 11   moins qu'on puisse dire, cela devait éveiller des suspicions et des doutes,

 12   et ces suspicions et doutes auraient dû se solder par une décision ou un

 13   jugement autre des Juges de la Chambre de première instance.

 14   Pour ce qui est des pièces d'identité, la confiscation de ces pièces

 15   d'identité a été citée pour illustrer le modèle de comportement qui a été

 16   présent dans ce cas de figure. Il convient de mentionner que la

 17   confiscation des pièces d'identité n'a aucune espèce de conséquence en soi

 18   parce qu'il y a, au niveau de chaque secrétariat de l'Intérieur, des

 19   registres qui existent, tout comme en Serbie et ailleurs et dans d'autres

 20   parties du pays. En termes simples, le fait qu'on ait perdu des papiers ou

 21   qu'on soit resté sans ces papiers, cela n'influe en rien sur son statut de

 22   citoyen. On ne perd pas sa citoyenneté parce qu'on a perdu ses papiers

 23   d'identité, donc cela n'a pas été fait en fonction de l'appartenance

 24   ethnique. S'il existe un registre, il y est consigné autant les noms des

 25   Albanais que des Serbes, parce que la perte d'une pièce d'identité, ça ne

 26   change en rien le statut de la personne qui a perdu ses papiers d'identité

 27   ou la personne à qui ces papiers d'identité ont été confisqués.

 28   Le commandement conjoint, c'est un sujet qui a dominé aujourd'hui. Le


Page 268

  1   Procureur, lorsqu'il parle du commandement conjoint, cite certains

  2   paragraphes du jugement, et nous avons l'impression qu'il ne tient pas

  3   compte d'arguments qu'il faudrait. La situation est très différente entre

  4   1998 et 1999. Même la Chambre de première instance fait cette différence,

  5   sauf que la Chambre de première instance décide de ne pas en tenir compte,

  6   et c'est la substance de notre moyen d'appel. Que fait la Chambre de

  7   première instance et qu'est-ce qui est étayé par le Procureur aujourd'hui ?

  8   Si les preuves ne sont pas claires - et c'est ce que la Chambre dit pour le

  9   commandement conjoint en 1999 - si elles sont différentes, si elles

 10   divergent, s'il ne s'agit que d'une évocation d'autorité, d'une description

 11   d'instance pour laquelle on ne sait pas si elle existe, il ne s'agit pas là

 12   de faits sur la base desquels on peut fonder une décision consistant à dire

 13   que le commandement conjoint, s'il a existé en 1998, existe de la même

 14   façon en 1999. Et la Chambre de première instance, comme nous l'avons

 15   entendu aujourd'hui, a fait référence aux évocations, aux mentions, aux

 16   souvenirs. Quelque chose d'aussi important, comme l'existence ou la non-

 17   existence d'une instance aussi importante, ne peut pas se fonder sur

 18   certaines mentions ou évocations vagues, et nous affirmons que les preuves

 19   à l'appui n'existent pas. Prenons l'année 1999 et les ordres de cette

 20   année-là. Si nous nous penchons sur le jugement de première instance, ces

 21   ordres de 1999 sont attribués par la Chambre de première instance au Corps

 22   de Pristina. Il est dit explicitement que c'est le Corps de Pristina qui

 23   est la source de ces ordres. Egalement, il est constaté que dans le

 24   contexte de ces ordres-là, la chaîne de commandement, d'une part de la VJ

 25   et d'autre part du MUP, sont sans entrave, sans interruption, les deux.

 26   Donc, c'est le point de départ qui amène à des conclusions portant sur la

 27   présence ou l'absence des différentes instances en 1999. Seize ordres ne

 28   peuvent pas suffire en tant que preuve de l'existence du commandement


Page 269

  1   conjoint. Il s'agit d'ordres du Corps de Pristina qui concernent des unités

  2   subordonnées au Corps de Pristina et, tout simplement, grâce à la teneur de

  3   ces ordres, il n'est pas possible de voir qu'il y ait eu une instance, un

  4   organe, un individu qui, de quelque sorte que ce soit, aurait constitué le

  5   point convergent ou un point de coordination des fonctions du commandement.

  6   Le commandement et le mode de coordination en 1999. Même dans le jugement

  7   de première instance, c'est quelque chose qui se trouve explicité. Et la

  8   Chambre de première instance constate une pratique régulière du MUP et de

  9   la VJ avant la mise en œuvre d'un plan, d'une activité qui est menée de

 10   concert, de tenir une réunion de coordination entre la VJ et le MUP, et que

 11   la coordination se produit lors de cette réunion, ce qui est tout à fait

 12   normal, tout à fait naturel, lorsque deux structures différentes coopèrent.

 13   Dans cette pratique régulière, nulle part il n'y a lieu, il n'y a besoin -

 14   et d'ailleurs, il n'y a aucune preuve, je le souligne - qu'un organe

 15   supplémentaire existe, que qui que ce soit qui n'aurait pas la connaissance

 16   et qui n'aurait pas une fonction politique pour participer à cette

 17   coordination.

 18   Le dossier de l'affaire nous explique pourquoi ces ordres de 1999

 19   portent cet en-tête, l'en-tête du commandement conjoint. Nous avons eu les

 20   dépositions ici de témoins affirmant que cela désigne les activités menées

 21   de concert entre la VJ et le MUP. Donc, il n'y a pas de mystère ici. Cette

 22   mention sert à montrer qu'il s'agit d'une action conjointe. C'est la seule

 23   explication. Logiquement, ni d'un point de vue fonctionnel, il n'y a pas

 24   lieu d'ajouter qui que ce soit d'autre, surtout pas quelqu'un qui n'a rien

 25   à voir avec le commandement ni avec la coordination de la police et de

 26   l'armée, qui n'a pas de connaissances requises, comme c'est le cas de M.

 27   Nikola Sainovic.

 28   A plusieurs reprises aujourd'hui, nous avons entendu l'Accusation affirmer


Page 270

  1   que Sainovic joue un rôle central, qu'il occupe une position centrale. Mais

  2   même aujourd'hui, on ne nous a pas décrit la substance de cette position

  3   centrale. Il ne suffit pas d'affirmer qu'il existe cette position centrale

  4   puis d'étayer cela par des impressions de quelqu'un quant à l'importance ou

  5   la signification de ce poste central. Qu'a-t-il fait Sainovic ? Qu'a-t-il

  6   ordonné ? Qu'a-t-il fait ? Qu'a-t-il omis de faire ? Et ce qui est encore

  7   le plus important, parmi tout cela, qu'est-ce qui a eu une influence

  8   substantielle sur le déroulement des événements sur le terrain, car d'une

  9   part, affirmer que quelqu'un joue un rôle-clé ne suffit pas en tant que

 10   tel. Cela n'a aucune importance, aucune signification. On ne peut pas se

 11   servir de fondement pour en arriver à la conclusion des fonctions et du

 12   poste occupé par Sainovic.

 13   A l'appui, un exemple qui a été cité aujourd'hui par mes collègues, la

 14   réunion du 1er juin. Vasiljevic affirme que Sainovic avait une bonne

 15   réputation et il a eu la sensation que c'étaient des réunions qui se

 16   répétaient. Donc, c'est le respect du vice-président du gouvernement

 17   fédéral. Où que ce soit dans le monde, il aurait bénéficié d'une certaine

 18   autorité, d'un respect. Mais quid si cette impression est fausse sur le

 19   plan pénal, sur le plan juridique, mais qu'est-ce que cela signifie, cette

 20   impression ? Est-ce que nous avons une preuve à l'appui ou pas ?

 21   Nous avons également entendu nos confrères dire qu'il se mêlait de tout, la

 22   MVK, la VJ, donc toute une série d'activités qui ne sont même pas reconnues

 23   au niveau du jugement de première instance. On a même entendu des mentions

 24   de trains, d'autocars. Nulle part ne trouve-t-on cela dans le jugement,

 25   rien qui aurait un lien avec ce que nous avons entendu dire aujourd'hui. La

 26   détermination de Milosevic, le fait que Sainovic ait été un agent, tout

 27   cela nous l'avons entendu aujourd'hui. Cette volonté très puissante, cette

 28   détermination de Milosevic, mais qu'est-ce que cela devrait signifier ?


Page 271

  1   Alors que nous avons des indices très clairs que les chaînes de

  2   commandement fonctionnent, que Milosevic -- si cela est exact, d'ailleurs

  3   il y a de nombreuses preuves à l'appui du contraire, donc Milosevic peut

  4   nommer, peut démettre qui il veut, alors qu'est-ce que cela veut dire,

  5   volonté très puissante, détermination ? A quoi est-ce que cela sert ? Et

  6   l'agent Sainovic sur le terrain ? Quelle est sa fonctionnalité, sa finalité

  7   ? Si Milosevic, à l'époque, donc c'est la période qui suit le 24 mars,

  8   c'est la seule période pertinente pour nous, si c'est lui le commandant

  9   Suprême, si c'est lui, celui qui a le droit constitutionnel de commander.

 10   Il n'a pas besoin d'intermédiaire. Il n'y a pas besoin de relais, parce

 11   qu'il a ses filières militaires, de la police, bien entendu, dans ce

 12   contexte spécifique où la police est intégrée à l'une des unités fédérales.

 13   Donc, ce qui est nécessaire sur le plan de la défense de l'Etat, eh bien,

 14   qu'il le prenne en charge de manière tout à fait prévue par la

 15   constitution.

 16   Ensuite, nous avons la question de coordination. Cette coordination, on

 17   cherche à nous présenter cela comme la conspiration, comme si c'est quelque

 18   chose qui borde le complot. Mais mes éminents confrères ne tiennent pas

 19   compte du fait que la coordination entre les différentes instances

 20   constitue une obligation constitutionnelle des parties prenantes à la

 21   défense d'un Etat, et que cela, d'ailleurs, fait partie de la pratique

 22   régulière. Un policier n'a pas besoin d'une personne tierce pour que la

 23   coordination lui soit claire. Il sait parfaitement ce que cela signifie.

 24   Les activités conjointes ne peuvent être menées à leur terme que par le

 25   biais d'une coordination. Il n'y a rien de mystérieux, rien d'illégal.

 26   C'est tout à fait naturel et normal. C'est quelque chose que tout un chacun

 27   qui travaille soit pour l'armée soit pour la police connaît très bien.

 28   On parle aussi de Milosevic aujourd'hui, alors la Défense affirme qu'il n'y


Page 272

  1   a pas de preuve à l'appui de l'affirmation que ce qui a existé en 1998 sur

  2   le terrain au niveau de la communication entre le Kosovo et Belgrade, rien

  3   qui aurait pu empêcher Milosevic en 1999 en tant que commandant Suprême de

  4   jouer son rôle de commandant Suprême. Il n'y a pas de bruit au niveau du

  5   canal, au niveau de la communication. Tout simplement, cela n'existe pas.

  6   Donc, Sainovic, en tant qu'intermédiaire, il n'en a tout simplement pas

  7   besoin. Puisque au niveau des transmissions, au niveau de la communication,

  8   des chaînes de communication - même la Chambre de première instance l'a

  9   reconnu, d'ailleurs - sont intactes.

 10   Et en particulier, je tiens à aborder la question de la proximité entre

 11   Sainovic et Milosevic. C'est une des circonstances qui n'a pas été

 12   élucidée. Les relations entre Sainovic et Milosevic en 1999, quelle est la

 13   nature de ces relations ? On n'a aucune preuve à l'appui. On ne sait pas de

 14   quelle nature de relation il s'agit. Nous avons un ou deux protocoles de

 15   réunion, rien d'autre sur aucune autre forme de communication. On ne peut

 16   que supposer, se lancer dans des conjectures, et les conjectures ne peuvent

 17   pas constituer le fondement d'une décision quelle qu'elle soit.

 18   Donc, une ou deux réunions qui ont peut-être eu lieu ne constituent pas des

 19   preuves. Encore une fois, les conjectures ne peuvent pas nous permettre de

 20   dire quoi que ce soit à ce sujet. La nature du lien entre Sainovic et

 21   Milosevic, de la manière dont on le représente, sous-entendrait une

 22   communication quotidienne, mais tout cela n'a pas été démontré. Aucune

 23   preuve à l'appui. Sainovic, vice-président du gouvernement fédéral à ce

 24   moment-là, démis de ses fonctions de vice-président du SPS, Sainovic

 25   marginalisé dans de nombreuses situations qui auraient pu être

 26   intéressantes pour les appréciations de cette Chambre, à la différence et à

 27   l'opposé de Milutinovic, ce qui a déjà été suffisamment abordé aujourd'hui.

 28   La réunion du 1er juin 1999, encore une fois, si je puis. Encore une fois,


Page 273

  1   aujourd'hui, on nous a dit que Sainovic fait quelque chose de complètement

  2   invraisemblable. L'accord Ahtisaari-Cernomirdin-Milosevic, c'est un accord

  3   qui a été conclu quatre jours plus tard. Les négociations sont encore en

  4   cours à ce moment-là, donc comment aurait-il pu faire l'impossible ? Et une

  5   autre question très importante, question de ces filières de communication.

  6   De la manière dont le Procureur et, hélas, la Chambre de première instance

  7   comprennent le dossier de l'affaire, il semblerait que Milosevic est

  8   dépourvu d'autres filières de communication. Il n'a que Sainovic. C'est son

  9   seul moyen d'atteindre qui que ce soit au Kosovo. C'est son seul moyen

 10   d'influer sur les événements du Kosovo. Alors là, véritablement, on est au

 11   bord de l'invraisemblable.

 12   Et enfin, ma consœur à l'instant vient de poser une question, en fait, elle

 13   a tenté de répondre à une question qui porte sur l'importance de la

 14   publication de l'acte d'accusation après les événements qui sont cités, et

 15   il est dit que c'était pourtant pour Sainovic, parce qu'il aurait pu faire

 16   jouer son influence pour sanctionner les auteurs des crimes, mais aucun

 17   élément de preuve dans le dossier de la peine ne nous permet de voir que

 18   Sainovic a eu des attributions à quelque moment que ce soit, des

 19   attributions lui permettant de sanctionner les auteurs de crimes. Les

 20   organes ayant des compétences permettant de sanctionner sont très bien

 21   définies. Sainovic ne figure nulle part dans cette structure.

 22   Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges,

 23   j'en ai terminé nos réponses suite aux arguments présentés par

 24   l'Accusation.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Nous voici arrivés à la

 26   fin de l'audience d'aujourd'hui. Nous allons interrompre notre audience

 27   jusqu'à demain matin à 9 heures 30.

 28   --- L'audience est levée à 16 heures et reprendra le mardi, 12 mars 2013, à

 


Page 274

  1   9 heures 30.

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28