Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 12 mars 2013

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 29.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Affaire IT-05-87-A, le Procureur contre Nikola Sainovic, Nebojsa Pavkovic,

 11   Vladimir Lazarevic et Sreten Lukic.

 12   Merci.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Comme cela a déjà été mentionné, si à un moment quelconque les

 15   parties n'étaient plus en mesure de suivre les débats, je leur demanderais

 16   d'appeler mon attention là-dessus, sur-le-champ.

 17   Je vois quelques nouveaux visages dans le prétoire. Pour le compte rendu

 18   d'audience, les parties peuvent-elle se présenter, s'il vous plaît.

 19   L'Accusation pour commencer.

 20   M. KREMER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 21   Juges, avec nous ce matin M. Todd Schneider et M. Adyita Menon, qui

 22   présenterons nos arguments après que nous ayons entendu les arguments de

 23   l'appelant Pavkovic. Et nous avons ici également M. Paul Rogers. Je précise

 24   pour le compte rendu d'audience que je suis Peter Kremer, et que notre

 25   commis à l'affaire est M. Colin Nawrot.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 27   La Défense, s'il vous plaît.

 28   M. FILA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 


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  1   Messieurs les Juges. Thomas Fila. Avec moi, Vladimir Petrovic pour

  2   représenter notre client, M. Nikola Sainovic.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

  5   Messieurs les Juges. John Ackerman avec Aleksander Aleksic, mon co-conseil,

  6   et avec Cathy MacDaid, mon assistante juridique.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges, Mihajlo Bakrac avec M. Cepic pour défendre M.

 10   Lazarevic.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 13   Juges, Branko Lukic et M. Dragan [comme interprété] Ivetic pour M. Sreten

 14   Lukic.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Nous entendrons les arguments du conseil de M. Pavkovic.

 17   Monsieur Ackerman, c'est à vous.

 18   M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 20   Pour commencer ce matin, je souhaite évoquer, comme je l'ai fait dans

 21   mon mémoire, les écritures du juge Robert Jackson, j'en ai parlé dans mon

 22   texte dans le journal du droit international. Le 13 avril 1945, Robert

 23   Jackson met en garde contre le risque des crimes de guerre, ou plutôt

 24   contre certains jugements.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons des problèmes avec des

 26   ordinateurs. Est-ce qu'il faudrait peut-être attendre que la régie

 27   intervienne dans le prétoire, ou est-ce que vous voulez continuer ?

 28   M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, nous n'avons pas de transcription sur


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  1   les ordinateurs.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela ne semble pas vous empêcher de

  3   pouvoir continuer.

  4   M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, cela ne m'empêche pas. Nous pouvons

  5   continuer.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  7   M. ACKERMAN : [interprétation] Donc, le juge Jackson est arrivé à la

  8   conclusion que :

  9   "Notre profession devait faire en sorte qu'il soit clair que dans

 10   aucun cas, dans aucun procès, le résultat ne soit connu par avance, que les

 11   procès n'aient pas lieu uniquement pour la forme."

 12   Ici, nous sommes en train de juger un militaire de haut rang, le

 13   général Pavkovic, un militaire de carrière qui a toujours reçu les plus

 14   hautes distinctions pour la qualité de son travail. A partir du 26 avril

 15   1998, jusqu'au début de la campagne de l'OTAN, nous avons dans le dossier

 16   de l'affaire 13 pièces à conviction à cet effet, le général Pavkovic a

 17   exigé et ordonné que l'on respecte le droit international. Il a donné

 18   toutes consignes claires, et montré par tous les moyens sa détermination de

 19   faire respecter le droit international sous son commandement. Pendant la

 20   campagne de l'OTAN, et nous avons dans le dossier de l'affaire 25 pièces à

 21   conviction comparables, certaines très explicites, telles que 4D411, 4D372,

 22   4D189, 4D158, il a en moyenne émis un ordre ou une écriture, une

 23   communication tous les trois jours pendant cette campagne. Il est difficile

 24   d'avancer qu'il n'aurait pas fait suffisamment pour empêcher ou pour

 25   sanctionner les crimes. Je serais étonné d'apprendre qu'un commandant de

 26   haut rang lors d'un conflit récent aurait émis plus d'ordres de ce type en

 27   un temps comparable que le général Pavkovic. Son arrestation, sa

 28   déclaration de culpabilité, constitue un déni de justice flagrant motivé


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  1   politiquement à mon sens.

  2   Et je pense qu'il serait utile de commencer mon exposé par un

  3   commentaire sur la cause de l'Accusation en l'espèce. Un nombre

  4   considérable de résidents kosovars ont quitté Kosovo pendant la campagne de

  5   l'OTAN, y compris des habitants de toute appartenance ethnique, à savoir

  6   les Serbes également. Et ici, en l'espèce, on s'est penchés uniquement sur

  7   les Albanais qui ont quitté le Kosovo. Sont-ils partis parce qu'ils avaient

  8   peur des bombardements de l'OTAN ? Est-ce qu'on les a forcés de partir ? La

  9   cause de l'Accusation consiste à dire qu'ils sont partis parce que la

 10   République fédérale de Yougoslavie a développé un plan d'expulser par la

 11   force un nombre considérable d'Albanais, un nombre suffisant pour maintenir

 12   le contrôle serbe sur la province. Nous avons dit dans notre mémoire

 13   déposée en septembre 2009 que 11 années s'étaient passées depuis les

 14   événements du Kosovo, et que pendant toutes ces années pas un seul

 15   document, pas un seul témoin, n'a été trouvé pour fournir suffisamment

 16   d'éléments de preuve directs quant à l'existence d'un tel plan qui aurait

 17   donc prétendument existé. Maintenant, 14 années et demi se sont passées

 18   sans qu'un tel document ne se manifeste. Tout simplement, on n'aurait pas

 19   pu trouver de preuve plus forte pour démontrer que la théorie de

 20   l'Accusation n'est pas défendable, et nous avons ce que nous avons en

 21   l'espèce, que des preuves que de nombreuses personnes sont parties, que

 22   certains ont été forcés à partir, mais aucune preuve que cette réalité

 23   constitue le résultat d'un plan qu'on n'a pas encore réussi à élucider et

 24   qui aurait consisté à vouloir chasser suffisamment de Kosovars pour

 25   maintenir le contrôle serbe sur la province.

 26   Et d'après ce que l'on voit, c'est complètement illogique que ce plan

 27   ait existé. Le monde entier était en train de suivre la situation. Le

 28   Conseil de sécurité des Nations Unies avait émis deux Résolutions en 1998


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  1   sur les événements au Kosovo. Les observateurs internationaux étaient là à

  2   partir d'octobre 1998 lorsque ce plan aurait été conçu. Pour qu'il soit

  3   réel, bien, il faudrait tout simplement arrêter de réfléchir en tant que

  4   personnes intelligentes et en s'appuyant sur la logique. Donc, cette

  5   théorie n'a pas été démontrée au-delà de tout doute raisonnable. Non

  6   seulement cela, c'est une théorie qui n'aurait pas pu être démontrée de

  7   cette manière-là. C'était tout simplement invraisemblable d'emblée. Et

  8   cependant, c'est une théorie sur laquelle s'est fondée la Chambre de

  9   première instance pour prononcer sa déclaration de culpabilité du général

 10   Pavkovic pour l'entreprise criminelle commune.

 11   Hier nous avons entendu l'Accusation dire que ces expulsions se sont

 12   produites sous le couvert des bombardements de l'OTAN. Cela se sent bien,

 13   mais qu'est-ce que cela veut dire "sous le couvert des bombardements de

 14   l'OTAN" ? C'est peut-être le pire moment, parce que vous avez un avion de

 15   l'OTAN dans le ciel tout le temps, souvent de surveillance, donc ils voient

 16   tout ce qui se passe sur le terrain. Ils bombardent tout ce qui se trouve

 17   sur le terrain. Donc, il nous faudrait les vidéos de l'OTAN qui ont été

 18   tournés par ces avions, des personnes expulsées au-delà de la frontière,

 19   mais il n'y en a pas, aucune vidéo de ce genre.

 20   Je vous ai dit dans mes écritures, et j'ai suggéré dans mon article

 21   sur le juge Jackson que cette Chambre de première instance avait une

 22   conclusion déjà dans son esprit avant ou avait à l'esprit l'issue de ce

 23   procès avant qu'il ne commence. Et si j'en parle, ce n'est pas à la légère.

 24   Nous devons essayer maintenant d'élucider ce qui s'est passé, et je sais

 25   que nous sommes en face d'un volume d'éléments de preuve énorme. Nous avons

 26   tous travaillé sous des pressions de temps très importantes en l'espèce, et

 27   nous avons effectivement depuis le procès découvert un certain nombre de

 28   pièces que nous n'avions pas vu précédemment. Et ces pressions au niveau du


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  1   temps auraient pu inciter la Chambre de première instance à ne pas tenir

  2   compte de certaines pièces, mais le jugement de ce fait n'est pas dénué

  3   d'erreurs, ce n'est pas un jugement honnête, il faudra le corriger. Il

  4   faudra le corriger sur ce qui concerne le rôle joué par le général

  5   Pavkovic, et ce qui s'est passé au Kosovo.

  6   Je voudrais très brièvement me référer à la jurisprudence du Tribunal pour

  7   parler de ce qui constitue un jugement motivé. Nous trouvons une citation

  8   de la récente décision Perisic, paragraphe 92, aussi de l'affaire Limaj en

  9   appel. Je donne les citations donc du paragraphe 92, à savoir :

 10   "La Chambre d'appel rappelle qu'une Chambre de première instance ne doit

 11   pas se référer à la déposition de chacun des témoins ou ne doit se référer

 12   à tout élément qui a été reçu dans le dossier de l'affaire, 'tant qu'il n'y

 13   a pas d'indication que la Chambre de première instance a entièrement évité

 14   de tenir compte d'un élément de preuve,' à savoir une telle omission est

 15   démontrée 'lorsque l'élément de preuve en question est clairement pertinent

 16   pour les conclusions.'"

 17   [Le conseil de la Défense se concerte]

 18   M. ACKERMAN : [interprétation] L'on me prévient qu'il faudra que je me

 19   ralentisse.

 20   Donc, dans mon mémoire en réponse, l'Accusation nous surprend, pendant les

 21   46 ans que j'ai passés à travailler dans le domaine du droit pénal, c'est

 22   la première fois où je vois un mémoire où les notes de bas de page se

 23   réfèrent aux paragraphes du jugement plutôt qu'aux éléments de preuve reçus

 24   dans le dossier de l'affaire. J'ai toujours pensé que c'était notre

 25   obligation lorsque nous nous adressions à la Chambre de nous référer aux

 26   éléments de preuve. Et c'est ce qui s'est produit effectivement hier ici,

 27   le Procureur s'est simplement référé aux paragraphes du jugement, et non

 28   pas aux éléments de preuve. Je vous citerai quelques exemples très


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  1   rapidement. Paragraphe 91, lorsqu'il est question du communiqué de presse,

  2   il est dit qu'ils se fondent sur les informations reçues de l'ALK. Le

  3   bureau du Procureur affirme dans son mémoire que ce n'était pas le cas, que

  4   c'était fondé sur ce qu'il a vu et non pas sur ce qu'il a entendu, là. Le

  5   communiqué de presse, qui n'est pas un communiqué de presse, était basé sur

  6   les événements en 1999, et la référence faite par le bureau du Procureur

  7   dans leur mémoire portait sur ses déclarations, sur ce qu'il a vu en 1998,

  8   et non pas 1999.

  9   Alors, prenons le Volume I du jugement, paragraphe 1 086. Le 1er août 1998,

 10   Pavkovic a envoyé une requête au poste de commandement avancé de la 3e

 11   Armée pour la mise en œuvre de la troisième étape du plan visant à

 12   combattre le terrorisme. Pièce P1419, 1er août 1998. Le même jour,

 13   Samardzic, qui est son commandant, ordonne que cette requête ne soit pas

 14   immédiatement exécutée jusqu'à ce que l'approbation préliminaire ne soit

 15   donnée le 2 août, et l'approbation du Président le 3 août. Le plan n'a pas

 16   été rejeté. Il a simplement été reporté de 48 heures à peu près. Pièce

 17   4D125, 1er août. Le 2 août, Pavkovic dirige les unités du Corps de Pristina

 18   vers trois points essentiels, Drenica, Jablanica et Smonica. Pièce P1468,

 19   note du commandement conjoint. C'est l'activité mentionnée par Pavkovic au

 20   commandement conjoint, et la Chambre de première instance est arrivée à la

 21   conclusion que cela constitue une infraction à l'ordre de Samardzic. La

 22   Chambre de première instance parle d'insubordination dans ce cas-là. Volume

 23   I, paragraphe 1 086. Elle cite le document à l'appui qui n'a même pas été

 24   versé au dossier, le 4D458. Cependant, deux jours plus tard, le 31 juillet,

 25   Pavkovic reçoit un ordre du poste de commandement avancé de la 3e Armée, du

 26   général Simic, d'employer certaines unités du Corps de Pristina "pour

 27   détruire les forces terroristes du village de Smonica et de ce secteur en

 28   établissant le contrôle entier de ce secteur, et faire en sorte que l'on


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  1   puisse utiliser en toute sécurité la route Djakovica-Batusa." Il a demandé

  2   de briefer Simic sur les plans spécifiques d'exécuter cet ordre à 13

  3   heures, le 1er août, au poste de commandement avancé. Pièce 4D378, pas citée

  4   par la Chambre de première instance.

  5   Donc, cette réunion apparemment a eu lieu puisque le général Simic, dans le

  6   rapport de combat de la 3e Armée du 2 août 1998, rapporte que :

  7   "A 5 heures du 2 août, la mise en œuvre a commencé des activités prévues

  8   pour nos forces dans les secteurs des villages Smonica et Jablanica."

  9   Pièce du 2 août 1998, et c'est l'activité dont Pavkovic rend compte lors de

 10   la réunion du commandement conjoint du 2 août. La référence au compte rendu

 11   de Pavkovic, au commandement conjoint du 2 août, ne constitue pas une

 12   infraction à l'ordre de Samardzic, c'est un rapport concernant l'ordre du

 13   31 juillet donné par Simic. La Chambre de première instance n'aurait pas pu

 14   établir ce lien entièrement à cause de la pièce 4DA3, qui n'est devenue

 15   disponible qu'après que ce jugement ait été rendu. Il s'agit d'une erreur

 16   de la part de la Chambre, qui est partiellement compréhensible.

 17   Une autre, Volume III, paragraphe 779, note de bas de page 1982, notre

 18   branche de moyen 1(C). La cause de l'Accusation contre Pavkovic comprend le

 19   reproche qu'il aurait pris part en 1998 à l'armement de la population non-

 20   albanaise, le désarmement des Kosovars albanais. Nous avons entendu

 21   beaucoup là-dessus hier. La conclusion a été faite que la Chambre de

 22   première instance accepte la théorie de l'Accusation. De toute évidence,

 23   cette conclusion se fonde sur l'armement de la population civile, puisque

 24   l'armement de la population militaire est ce qui font normalement pour les

 25   organisations militaires.

 26   La déposition se fonde la pièce P1415 du 26 juin 1998. Il est clair

 27   du préambule qu'il s'agit d'un ordre qui est arrivé de Samardzic à

 28   Pavkovic, lui ordonnant de mener à bien ses instructions. Et, tout


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  1   simplement, il met en œuvre ce qui est ordonné par son commandant. Cela est

  2   clair parce que ceux qui doivent être armés sont des "conscrits

  3   militaires", il ne s'agit pas de civils non-albanais. Et la note de bas de

  4   page de la Chambre de première instance cite la pièce P1011, page 58,

  5   communication du 23 juillet de Pavkovic au collegium des commandants de la

  6   3e Armée. Il mentionne très brièvement l'armement de la population, mais ne

  7   dit pas que, lui, il y aurait participé et, d'ailleurs, il ne se montre pas

  8   particulièrement favorable à cela. Il dit :

  9   "En dépit de l'armement de la population, ce facteur dans le système

 10   dans la lutte antiterroriste n'a pas été entièrement inclus."

 11   La Chambre de première instance cite par la suite cette déclaration à

 12   l'Accusation, P949. On l'a interrogé sur l'armement de la population civile

 13   et il dit simplement :

 14   "Les Albanais et les Serbes étaient déjà armés depuis 10 ou 15 ans…"

 15   Rien de tout cela n'avait rien à voir avec cette situation

 16   d'armement.

 17   Et c'est tout ce qu'il cite pour étayer leur conclusion, Pavkovic a

 18   pris part au processus d'armement de la population non-albanaise. Donc,

 19   dans les éléments de preuve cités par la Chambre, il n'y a pas quelque

 20   chose qui étaye leur conclusion, et certainement pas ce qui aurait étayé

 21   leur conclusion au paragraphe que je cite :

 22   "Son enthousiasme et sa participation à ce processus appuie

 23   l'affirmation de l'Accusation que Pavkovic a agi de concert avec les

 24   membres de l'entreprise criminelle commune pour réaliser l'objectif commun

 25   qui était de maintenir le contrôle sur le Kosovo par différents moyens

 26   criminels."

 27   Rien dans les éléments de preuve sur quoi s'appuie la Chambre de

 28   première instance dans la note de bas de page 1982 ne permet de penser


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  1   qu'il y a eu un tel enthousiasme. Ils se servent de cet enthousiasme

  2   prétendu de juin à juillet 1998 pour arriver à la conclusion que cela

  3   montre qu'il a agi de concert avec des membres de l'entreprise criminelle

  4   commune, et cela se situe au moins à trois mois de distance avant que cela

  5   n'ait été créé d'après l'acte d'accusation de l'Accusation.

  6   Volume III, paragraphe 667, note de bas de page 1623, la Chambre

  7   arrive à la conclusion que :

  8   "Pavkovic a accordé son appui et il a agi en tant qu'un des chefs du

  9   processus de l'armement de la population non-albanaise et que cela est

 10   démontré par les discussions du commandement conjoint qui ont porté là-

 11   dessus tout au long de l'année 1998."

 12   Il n'y a pas que cela. Nous pouvons voir toutes les pages de la pièce

 13   P1468 pour appuyer cela, les notes du commandement conjoint citées par la

 14   Chambre de première instance, et vous voyez que rien ne permet de voir que

 15   Pavkovic accorde son soutien à ce processus d'armement. L'intention claire

 16   dans les conclusions de la Chambre de première instance sur le processus

 17   d'armement était d'accorder son soutien, proposition qu'en fait il

 18   s'agissait d'armement et que le rôle que jouait Pavkovic était un soutien

 19   enthousiaste et qu'il a contribué aux objectifs de l'entreprise criminelle

 20   commune débutée le 24 mars 1999. Autrement dit, l'armement des civils non-

 21   albanais aurait constitué une partie du plan et a joué un rôle important

 22   pour aider la VJ et Pavkovic. Et je pense qu'il est intéressant de signaler

 23   certains éléments qui ont été donnés par Dimitrijevic. La Chambre de

 24   première instance estime qu'il s'agit là d'un bon témoin. Il dit :

 25   "Nous n'avons pas eu de cas où les civils ont abusé d'armes qu'on

 26   leur a données." Il s'agit de la page 26 635 du compte rendu d'audience.

 27   Dans ce paragraphe, la Chambre de première instance conclut :

 28   "Même si la population non armée albanaise ne faisait pas partie de


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  1   la VJ, la VJ a néanmoins participé à l'armement, à l'organisation de cette

  2   entité et a ordonné son engagement pendant les opérations conjointes avec

  3   le MUP en 1999."

  4   A la note en bas de page 1064, la Chambre de première instance cite

  5   en premier lieu la pièce P2086 du 1er juillet 1998. Rien dans ce document

  6   ne permet d'étayer la participation de la VJ dans l'armement,

  7   l'organisation ou le fait d'avoir ordonné les différents engagements. La

  8   Chambre de première instance cite le P1114, encore une fois, rien dans ce

  9   document n'étaye cette conclusion de l'armement ou d'aide fournie. La

 10   déposition de Pesic à la page du compte rendu d'audience 7 316 n'a rien à

 11   voir avec les conclusions de la Chambre de première instance. Ils citent la

 12   déclaration de Nike Peraj, le P2253, au paragraphe 15. Ceci n'étaye

 13   aucunement la conclusion de la Chambre. La Chambre de première instance

 14   cite le 3D1087, un document délivré le 8 avril 1999, encore une fois, qui

 15   ne permet pas d'étayer ces conclusions.

 16   Si la préoccupation de la Chambre de première instance était

 17   justifiée, il aurait dans ce cas fallu voir les rapports de non-Albanais

 18   armés chassant, massacrant et commettant des crimes contre les Albanais du

 19   Kosovo en grand nombre. De tels rapports n'existent tout simplement pas.

 20   Dans le Volume III, au paragraphe 775, note en bas de page 1971, on

 21   parle de la question de l'intention. Au paragraphe 775, la Chambre de

 22   première instance aborde la question de savoir comment l'information entre

 23   les mains de Pavkovic concernant la commission des crimes commis par ses

 24   subordonnés de la VJ et des membres du MUP en poursuivant les ordres donnés

 25   aux opérations conjointes constituaient des éléments de preuve de son

 26   intention que de tels crimes se sont produits et, par extension, qu'il a

 27   tenté de participer à l'entreprise criminelle commune alléguée. Parmi les

 28   efforts de la Chambre de première instance pour établir la connaissance des


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  1   crimes de Pavkovic, qu'il s'avait que ces crimes étaient commis par la VJ

  2   en 1999, était la constatation de ce paragraphe, à savoir qu'il a assisté à

  3   une réunion à Pristina avec Stevanoci et Djordjevic venant du MUP :

  4   "Alors que les Albanais du Kosovo étaient déplacés par la force de la

  5   ville par la force de la VJ et du MUP agissant de concert."

  6   La seule citation est celle d'une page de la déposition de Lazarevic

  7   lorsqu'il dit que cette réunion s'est déroulée le 19 avril 1999. La Chambre

  8   de première instance ne fournit aucune justification pour sa proposition, à

  9   savoir que les forces du MUP et de la VJ chassaient des Albanais du Kosovo

 10   à l'époque et que Pavkovic en avait connaissance. Donc, la question qui se

 11   pose : existait-il des éléments de preuve crédibles du dossier, même non

 12   cités par la Chambre de première instance, qui permettraient d'étayer une

 13   telle conclusion ? Je propose que vous vous penchiez sur la question, car

 14   cela n'est pas le cas. Si vous examinez le Volume I, paragraphes 838 à 873,

 15   où la Chambre parle des personnes qui quittent Pristina, il n'y a pas un

 16   seul élément de preuve indiquant que la VJ et le MUP ont été engagés dans

 17   les déplacements forcés le 19 avril lorsque Pavkovic était là et qu'il est

 18   allégué que ceci est arrivé. La Chambre de première instance devait savoir

 19   cela d'après les conclusions du Volume I que rien, cela ne pouvait pas être

 20   étayé par leurs conclusions dans le Volume III. La seule référence au mois

 21   d'avril se trouve dans ces paragraphes du Volume I, au paragraphe 867,

 22   lorsqu'il a rapporté, le Témoin 3D3 [comme interprété] et a dit dans sa

 23   déposition qu'il a vu un grand nombre de personnes quitter Pristina au

 24   second semestre du mois d'avril après que le bureau de poste ait été

 25   bombardé. Il a dit que le MUP et la VJ n'ont contraint personne à partir,

 26   et qu'ils partaient de leur plein gré.

 27   La déposition du Témoin Filipovic fait la lumière là-dessus. Il a dit

 28   pour l'essentiel qu'il était au poste de commandement du Corps de Pristina


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  1   à partir du 29 mars, et il n'y a eu aucune unité de combat du Corps de

  2   Pristina dans la zone de responsabilité de ce dernier lors des

  3   bombardements de l'OTAN lorsque ces bombardements ont commencé parce qu'ils

  4   constituaient des cibles importantes, et donc ils ont quitté la région de

  5   Pristina pour aller travailler dans des lieux plus sûrs. Entre le 30 mars

  6   1999 et le 10 juillet, d'après l'accord Kumanovo, pas un seul tir n'a été

  7   échangé par la garnison de Pristina, pas une balle n'a été tirée malgré les

  8   attaques quotidiennes des terroristes.

  9   Donc, ce qu'on avance concernant Pavkovic, à savoir qu'il était au

 10   courant des crimes en 1999 parce qu'il était présent à Pristina le 18 avril

 11   [comme interprété] lorsque les forces du MUP et de la VJ ont chassé les

 12   personnes sont sans fondement, elles ne peuvent être étayée par des

 13   éléments de preuve.

 14   Au Volume III, paragraphe 775, encore une fois, on parle de la

 15   connaissance des crimes qu'avait Pavkovic en 1998. Dans ce paragraphe,

 16   cette Chambre conclut que :

 17   "Les rapports émanant de sources internationales faisaient de Pavkovic

 18   quelqu'un qui avait connaissance de la participation du MUP et de la VJ

 19   dans les déplacements forcés et la commission des crimes commis contre les

 20   Albanais du Kosovo, notamment à Pristina où il se trouvait régulièrement."

 21   La source qui a été citée pour cette conclusion était une déclaration de

 22   presse émanant de la déposition de Drewienkiewicz. Cette soi-disant

 23   déclaration de presse, le P2548 [comme interprété], le terme de communiqué

 24   de presse ne figure pas sur le document en question. Dans sa déposition, le

 25   T7815 n'a pas dit qu'il s'agissait d'une déclaration de la presse; il était

 26   d'accord avec la proposition faite par l'Accusation pour dire qu'il

 27   s'agissait d'une déclaration où il a donné ses notes qui ont servi à la

 28   déclaration.


Page 288

  1   Rien ne laisse indiquer que ceci a été remis aux médias, ni que ceci

  2   a été publié par les médias. Il n'y a aucune pièce à conviction émanant des

  3   médias sur cette question. Néanmoins, les Juges de la Chambre ont conclu,

  4   ou ceci implique qu'il s'agissait d'un communiqué de presse, que ceci a été

  5   communiqué à la presse, que ceci a été publié dans un journal, et que

  6   Pavkovic a lu cette publication et était au courant de sa teneur. Aucun

  7   élément de preuve n'existe pour étayer cela. Et c'est sur ce simple

  8   document que se fonde cette conclusion alors qu'il ne s'agit même pas d'un

  9   communiqué de presse.

 10   Dans le Volume III, au paragraphe 572, note en bas de page 1336, où

 11   on parle du fait que les crimes ont été minimisés et pas rapportés comme il

 12   se doit, dont a été accusé Pavkovic par la Chambre de première instance,

 13   par l'Accusation. A ce paragraphe, la Chambre de première instance déclare

 14   :

 15   "Farkas, chef de l'administration de la sécurité de la VJ en 1999, a

 16   dit dans sa déposition que c'était une conséquence de la révélation qu'il a

 17   faite s'agissant des crimes dont on ne parlait pas suffisamment. Ojdanic

 18   l'a envoyé en mission en tant que chef de l'administration de la sécurité

 19   pour inspecter les organes de la sécurité de la 3e Armée du Corps de

 20   Pristina les 5 et 6 mai 1999."

 21   Note en bas de page 1336, qui cite la déposition de Farkas au 16292.

 22   Voici véritablement sa déposition :

 23   "Q.  Merci, Général. Pourquoi vous êtes-vous rendu au Kosovo au début du

 24   mois de mai ? Veuillez nous le dire.

 25   "R.  La première raison était qu'une situation se présentait là-bas, et des

 26   informations n'étaient pas suffisamment précises, surtout en ce qui

 27   concernait les questions liées à la sécurité. Et ensuite le chef de l'état-

 28   major général, ou plutôt du commandement suprême, m'a donné l'ordre de me


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  1   rendre au Kosovo pour aller voir de quoi il en retournait, parce qu'il

  2   soupçonnait que ces rapports ne lui parvenaient pas régulièrement, il

  3   pensait que ce qu'il recevait n'était pas suffisant pour lui permettre de

  4   prendre une décision."

  5   Rien dans cette déposition n'indique qu'il a été envoyé là-bas "suite au

  6   fait qu'on ne rapportait pas suffisamment les crimes." Il a simplement dit

  7   qu'une situation liée à la sécurité se posait là-bas.

  8   Encore une fois, en ce qui concerne le fait que les rapports étaient

  9   minimisés, si vous regardez le Volume III, paragraphe 572, la note en bas

 10   de page 1340, on parle ici de deux témoins, Aleksandar Vasiljevic et Branko

 11   Gajic, qui étaient tous deux affectés à l'administration de la sécurité du

 12   commandement Suprême de l'état-major du commandement Suprême et étaient

 13   chef adjoint et assistant du chef respectivement. Dans ce paragraphe, la

 14   Chambre a dit ceci :

 15   "Vasiljevic a dit dans sa déposition qu'il a découvert par la suite qu'une

 16   décision avait été rendue par le commandant de la 3e Armée de ne pas faire

 17   rapport de certains crimes et de rapports de combat, parce que ce sont les

 18   instances militaires juridiques qui traitaient de cela."

 19   Donc, ils disent en somme que c'est Pavkovic qui a donné l'ordre de ne pas

 20   faire rapport des crimes; ceci émane de la déposition de Vasiljevic. Et ils

 21   ont répété ceci au paragraphe 737, en indiquant l'importance que revêtait à

 22   leurs yeux cet élément. Il s'agit là d'une constatation importante faite

 23   par la Chambre de première instance, à savoir que Pavkovic a rendu une

 24   décision de façon à ce que les crimes ne soient pas rapportés, de les

 25   dissimuler à leurs supérieurs hiérarchiques. Si cela était le cas, cela

 26   permettrait d'étayer une constatation que Pavkovic non seulement n'était

 27   pas au courant des crimes commis en 1999, mais que délibérément il n'en

 28   faisait pas rapport et ne les communiquait pas à la chaîne de commandement.


Page 290

  1   Donc, il est important de savoir ce qu'a dit Vasiljevic lorsqu'il est

  2   envoyé en mission au Kosovo. Lui et Gajic ont été envoyés pendant la

  3   première semaine du mois de juin. Page du compte rendu d'audience 8751. Sa

  4   déposition, note en bas de page 1340 de la Chambre, en partie réponse de

  5   Vasiljevic :

  6   "Et ensuite, j'ai demandé au chef de la sécurité du Corps de Pristina si

  7   oui ou non il avait envoyé cette information à la section chargée des

  8   informations de la 3e Armée … et le chef de la sécurité du Corps de

  9   Pristina a dit qu'il n'avait pas fait rapport de cela parce que toutes ces

 10   affaires avaient déjà été traitées.

 11   "C'est ce que je lui ai dit, je lui ai dit qu'il s'agissait

 12   simplement d'un prétexte, une tentative d'autojustification, qu'il aurait

 13   dû rédiger le rapport, comme exigé par les organes chargés de la sécurité

 14   ou de tout autre manière, et qu'il aurait également dû faire rapport à la

 15   section chargée des questions de sécurité de la 3e Armée à Nis.

 16   "Mais je dois dire que ces affaires n'ont pas été dissimulées : j'ai

 17   simplement dit que les rapports n'avaient pas été faits comme je l'avais

 18   suggéré, parce que ces affaires avaient déjà fait l'objet de poursuites.

 19   Ils ont estimé que la question avait été résolue, que les auteurs avaient

 20   été arrêtés, et c'est la raison pour laquelle ces omissions figurent dans

 21   ces rapports."

 22   Donc, sur quoi portaient ces rapports. Le chef de la sécurité du Corps de

 23   Pristina, qui est un échelon en deçà du général Pavkovic, il n'a pas fait

 24   rapport de cette information, ne l'a pas transmise à la 3e Armée, et ne l'a

 25   pas transmise du tout. La Chambre de première instance conclut à partir de

 26   cela que le général Pavkovic a ordonné que les crimes ne fassent pas

 27   l'objet de rapports. Et aucun élément de preuve ne permet d'étayer cela.

 28   Dans le Volume III, au paragraphe 651, note en bas de page 1567,


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  1   l'Accusation fait valoir, et la Chambre de première instance était

  2   d'accord, que Pavkovic avait une relation spéciale avec Milosevic, ce qui

  3   lui permettait de se déplacer au sein de la chaîne de commandement et, en

  4   réalité, c'était l'homme responsable au Kosovo, en charge au Kosovo, même

  5   si Samardzic était son supérieur au sein du commandement de la 3e Armée. La

  6   Chambre de première instance admet cette proposition, et comme cela peut

  7   être constaté d'après libellé utilisé dans ce paragraphe. Volume III,

  8   paragraphe 651, la Chambre de première instance constate que cette lettre

  9   du 22 juillet 1998 lit comme suit :

 10   "Pavkovic a rappelé à Samardzic qu'il existait un plan aux fins de

 11   combattre le terrorisme qui avait été conclu lors d'une réunion avec le

 12   président de la RFY, et ensuite," un terme qui est important, "et ensuite a

 13   ordonné à Samardzic d'en rédiger les détails, de rédiger les détails des

 14   opérations du Corps de Pristina."

 15   A cette réunion ont assisté non seulement Pavkovic, mais Samardzic et

 16   d'autres individus également, et ce qui est important dans le libellé,

 17   c'est le terme de "ordonné", utilisé par la Chambre de première instance,

 18   qui précise que Pavkovic donnait un ordre à Samardzic de faire quelque

 19   chose.

 20   Le terme utilisé est "s'il vous plaît", et donc au niveau de l'intitulé :

 21   "Précision requise…"

 22   "Veuillez formuler de façon plus détaillée l'engagement des unités du

 23   Corps de Pristina et la mise en œuvre du plan."

 24   4D100, 22 juillet 1998.

 25   Ce document rappelle à Samardzic qu'il y a une réunion à Belgrade, et

 26   qu'il y a nécessité de préciser les instructions à l'intention du Corps de

 27   Pristina, et demande très poliment à ce que ces instructions soient

 28   données. Pavkovic n'était pas en droit d'engager la VJ, compte tenu ou en


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  1   se fondant sur la réunion de Belgrade à Milosevic; il avait besoin d'ordres

  2   précis émanant de son commandant Samardzic. Ce document montre que

  3   Samardzic était au commandement et que Pavkovic se tournait vers lui pour

  4   obtenir ses instructions. La déposition de Vasiljevic à cet égard est

  5   importante.

  6   Samardzic a répondu le jour même et a suggéré qu'étant donné que le

  7   plan adopté par Milosevic avait été proposé par Pavkovic à l'origine, il

  8   lui a demandé de rédiger de façon détaillée l'engagement direct et indirect

  9   des unités du Corps de Pristina en bloquant les villages de Junik et et

 10   Vlasic [comme interprété], et de débloquer lesdites routes. 4D1119 [comme

 11   interprété], 22 juillet 1998.

 12   Il y a eu des préoccupations à ce sujet, à savoir que ce plan aurait

 13   été rédigé par Pavkovic, qui indiquerait qu'il y avait une relation étroite

 14   entre lui et Milosevic. Mais soyons réalistes d'un point de vue purement

 15   militaire, si on demande à quelqu'un de rédiger un plan qui porte sur des

 16   actions qui doivent être menées dans une zone de combat, et par rapport à

 17   ce qui se passait au Kosovo, ne pensez-vous pas que la personne qui est là-

 18   bas, qui connaît le terrain, qui connaît les villages, qui connaît tout ce

 19   qui s'y passe, que cette personne fasse une proposition et prépare un plan

 20   pour pouvoir traiter de ces problèmes, et c'est exactement ce qui s'est

 21   passé, c'était la personne appropriée pour faire cette proposition car

 22   c'est lui qui pouvait le faire.

 23   Et ensuite, Pavkovic, le lendemain a soumis sa proposition et a

 24   utilisé le terme de "s'il vous plaît", et a demandé l'approbation de

 25   Samardzic. 4D101, 23 juillet. Et le jour même Samardzic était d'accord mais

 26   n'a pas permis à ce que soient utilisées les unités du Corps de la Drina et

 27   n'était pas d'accord pour débloquer la route de Pristina-Kijevo-Pec et

 28   Stimlje-Dulje-Suva Reka. 4D1112 [comme interprété], 23 juillet.


Page 293

  1   La Chambre de première instance a ensuite constaté que cet ordre

  2   "affirmait qu'il y avait l'obligation de la VJ d'adhérer à ce

  3   commandement", et en laissant penser quelque part que Samardzic a dit à

  4   Pavkovic qu'il devait adhérer à la chaîne de commandement de la VJ, comme

  5   s'il n'adhérait pas à la chaîne de commandement de la VJ, cela dit en

  6   passant, ce n'était pas le cas parce qu'il adhérait à cette chaîne. Et ceci

  7   n'est étayé par rien. Au paragraphe 651. Rien ne l'étaye du tout.

  8   Ensuite dans le Volume III, au paragraphe 514, note en bas de page

  9   1133, porte sur la violation des accords d'octobre qui sont reprochés à

 10   Pavkovic par l'Accusation et déclaré coupable par la Chambre de première

 11   instance. La Chambre de première instance dit dans le Volume III, au

 12   paragraphe 514, que Dimitrijevic, qui était un témoin qui a dit la vérité,

 13   malgré les éléments démontrant le contraire, a rapporté à l'état-major

 14   général à la fin de l'année 1998 et le début de l'année 1999 que les

 15   rapports émanant de la 3e Armée et du Corps de Pristina sur les opérations

 16   menées au Kosovo étaient des opérations défensives qui sont inexactes et

 17   qui induisent en erreur. La Chambre de première instance cite le P928 du 30

 18   décembre 1998 à la page 14, où Dimitrijevic se plaint de la situation à

 19   Podujevo, où il est rapporté que la VJ a été attaquée alors qu'elle était

 20   engagée dans des exercices militaires. Il ne s'agissait pas d'un exercice

 21   militaire mais d'une provocation de l'ALK pour que le MUP puisse riposter.

 22   Sous l'intitulé "Comportement par rapport aux accords d'octobre" a

 23   cité Dimitrijevic comme étayant les éléments de preuve comme violation des

 24   accords d'octobre par Pavkovic. Et ce qui figure c'est cet extrait de la

 25   déposition de Dimitrijevic :

 26   "Après la prétendue ou véritable exercice militaire dans laquelle la

 27   compagnie a participé sur le terrain, Général," il s'agit d'une instance

 28   collégiale et une réunion de ces différents membres, cela a été dit, il


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  1   parle du général Perisic, je crois : "Général, ce genre de déplacements

  2   vont nous conduire à la catastrophe. L'explication fournie a dit qu'il

  3   s'agit d'un exercice militaire qui a été prévue, cela n'est pas exact. Cela

  4   est contraire à la vérité. Cela a été prévu, il s'agissait de quelque chose

  5   qui était censé provoquer les terroristes pour que le MUP puisse alors

  6   intervenir et faire ce qu'il avait à faire."

  7   Au paragraphe 514. Et sans en dire davantage, ceci tend à indiquer

  8   que cette thèse qui indique que les rapports du Corps de Pristina ou de la

  9   3e Armée concernant l'incident contiennent des mensonges et de la

 10   désinformation, affirmant qu'il s'agissait d'un exercice qui avait été

 11   planifié alors que cela ne l'était pas, plutôt qu'une provocation.

 12   Encore la Chambre de première instance apparemment décide de ne pas

 13   parler de cela, ce qui évidemment serait contraire au point qu'ils tentent

 14   de mettre en exergue. Note en bas de page 1133 demande au lecteur de se

 15   pencher sur la déposition de Dimitrijevic, pages 26 627, et ensuite 26 653,

 16   26 654, mais n'indique pas ce point essentiel ou saillant de sa déposition

 17   page du compte rendu d'audience T26631. Ensuite ceci est véritablement

 18   important. Sur cette page, le Juge Bonomy demande à Dimitrijevic à propos

 19   de la pièce P928, commence à lui lire un extrait et cite une partie et dit

 20   qu'il ne s'agissait pas d'un exercice militaire qui avait été prévu et que

 21   les rapports étaient contraires à la vérité. Ceci figure au paragraphe 514

 22   du jugement, et ensuite dans sa réponse au Juge Bonomy la question posée à

 23   Dimitrijevic, il répond :

 24   "Je sais que peu de temps après ces éléments ont été vérifiés, le

 25   général Obradovic a expliqué dans un rapport complémentaire qui avait été

 26   demandé, qu'ils ont établi ceci et qu'il ne s'agissait pas d'une

 27   provocation, mais plutôt d'un exercice prévu."

 28   A la même page du compte rendu lorsque le Juge Bonomy lit cette


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  1   citation de Dimitrijevic sur laquelle se repose la Chambre de première

  2   instance, ceci n'était pas un exercice militaire planifié, sur la même page

  3   du compte rendu Dimitrijevic dit : Nous avons appris ceci plus tard qu'il

  4   s'agit d'un exercice militaire qui avait été planifié. Et ceci n'est pas

  5   cité par la Chambre de première instance.

  6   Donc il est clair que la déposition de Dimitrijevic et ses

  7   allégations sont erronées, et que cette réunion de l'instance collégiale

  8   est erronée, que la Chambre a décidé de choisir de se pencher là-dessus,

  9   plutôt que d'écarter cette partie de sa déposition, qu'il s'agissait d'un

 10   exercice planifié.

 11   Le Volume III, dans son paragraphe 1 161, fait état à nouveau de la

 12   violation des accords d'octobre. Il s'agit du Bataillon de la police

 13   militaire de la 72e Brigade spéciale qui est déplacée au Kosovo sans avoir

 14   l'approbation d'Ojdanic. La Chambre de première instance a indiqué que lors

 15   d'une réunion du collège - et nous en parlerons plus tard - mais la Chambre

 16   de première instance indique -- bon, voilà ce qui a été dit lors d'une

 17   réunion du collège, et je cite :

 18   "Ojdanic a déclaré à ceux qui étaient présents qu'il devrait parler à

 19   Pavkovic de cette question."

 20   Fin de la citation qui se trouve à la note de bas de page 1161 aux pages 16

 21   et aux pages 24 de la pièce P941. En fait, ce libellé ne figure tout

 22   simplement pas cela. A la lecture du jugement, il semblerait qu'Ojdanic

 23   était préoccupé et qu'il allait en parler à Pavkovic. Il n'y a absolument

 24   aucun élément de preuve qui étaye cette conclusion, en tout cas

 25   certainement pas dans les notes en bas de page citées.

 26   Volume III, paragraphe 659, à la note de bas de page 1595, il est question

 27   des altercations avec les supérieurs. Et voilà ce qui est indiqué au

 28   paragraphe 659 :


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  1   "Le 6 septembre 1998, Samardzic et Pavkovic ont également eu une

  2   altercation à propos d'une demande qui avait été faite par Pavkovic pour

  3   qu'un hélicoptère soit mis à la disposition du Corps de Pristina." Mais il

  4   n'y a pas eu d'altercation. Cela est évident à la lecture des documents

  5   pertinents, et nous en parlons de façon détaillée au paragraphe 116 de

  6   notre mémoire en appel, la Chambre de première instance a tout simplement

  7   commis une erreur. Vous avez la pièce 4D230, que vous pouvez consulter, qui

  8   est une pièce dans laquelle Pavkovic demande un hélicoptère, certes. Cette

  9   demande est envoyée à l'état-major général par Samardzic. Il l'envoie à

 10   l'état-major général, il obtient la réponse de l'état-major général qui

 11   refuse ce qui a été demandé, et il informe Pavkovic de la réponse et de la

 12   procédure qui doit être suivie pour obtenir l'approbation, il faut que cela

 13   passe par les forces aériennes, et ce genre de procédure a été expliqué.

 14   Voilà ce qu'il en est; il n'y a absolument pas eu d'altercation.

 15   Et il a été avancé en fait que puisque Milosevic et Pavkovic étaient si

 16   proches l'un de l'autre, si cela était vrai, il n'aurait pas dû passer par

 17   cette procédure. Il aurait pu tout simplement demander à Milosevic et lui

 18   dire : Envoyez-moi un hélicoptère.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Ackerman, j'aimerais vous poser

 20   une question.

 21   M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous parlez de la violation des accords

 23   d'octobre et de l'armement et du désarmement, et de la façon dont les

 24   troupes sont arrivées au Kosovo.

 25   M. ACKERMAN : [interprétation] Certes.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais tout cela s'est passé en 1998 et au

 27   début de l'année 1999. J'ai une question à vous poser à ce sujet : que

 28   pensez-vous de ce qui suit, de ce que je vais avancer. Au vu des


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  1   circonstances de l'affaire un membre de l'entreprise criminelle commune

  2   aurait pu agir pour réaliser l'objectif commun avant qu'il a été établi que

  3   l'entreprise criminelle commune a existé ?

  4   M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous dirais qu'il ne peut pas le

  5   faire. Cela ne peut pas avoir existé. Et j'ai l'intention justement dans

  6   quelques minutes d'aborder cela, mais pour répondre à votre question, je

  7   vous dirais : Je répondrais par la négative, mais je ne pense pas que cela

  8   puisse se passer. Mais la Chambre de première instance a établi des

  9   conclusions et a conclu, en fait, à la suite de constatations établies que

 10   ces conclusions permettaient de déterminer l'existence de l'entreprise

 11   criminelle commune et l'intention du général Pavkovic qui voulait justement

 12   œuvrer dans le cadre de cette entreprise criminelle commune. Et je pense

 13   qu'il est important d'attirer votre attention sur l'année 1998. Car nous

 14   avons conclu depuis le début que les questions relatives à l'année 1998

 15   n'était pas pertinente, ne devrait pas être versée au dossier comme élément

 16   de preuve, ne figure pas dans l'acte d'accusation, et la Chambre de

 17   première instance a fondamentalement accepté cela lorsqu'elle a dit que

 18   l'Accusation pourrait utiliser de façon très limitée cela. Voilà ce qui

 19   s'est passé, mais je dois vous dire que j'ai toujours eu un certain

 20   sentiment de frustration du fait que nous avons passé beaucoup de temps à

 21   étudier l'année 1998.

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie, et j'attends avec

 23   beaucoup d'impatience que vous développiez ce propos plus tard.

 24   M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Je reviens au Volume III, paragraphe 694, 704, 774 qui se fondent tous sur

 26   une pièce, le document 4D103. Et la Chambre de première instance a conclu,

 27   en fait, qu'il s'agissait d'un ordre actif, ordre donné par Pavkovic, qui

 28   ordonnait l'engagement en 1999 des troupes de la VJ. Au paragraphe 694 du


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  1   Volume III, voilà ce que la Chambre de première instance détermine, et je

  2   cite :

  3   "Un ordre donné par Pavkovic le 23 mars 1999 a ordonné que la VJ soit

  4   immédiatement engagée contre toutes les forces ennemies," immédiatement

  5   engagées contre toutes les forces ennemies.

  6   Il est ensuite indiqué, je cite à nouveau :

  7   "Dans tous les lieux ou secteurs où la présence de l'ALK a été

  8   établie, les unités devront être établies pour empêcher les attaques contre

  9   les commandements et les unités de la 3e Armée pour se concentrer sur les

 10   lieux peuplés d'une population loyale, et pour empêcher qu'il y ait une

 11   jonction entre l'ALK et les attaques aériennes de l'OTAN."

 12   Nous y faisons référence dans nos éléments en clôture au paragraphe

 13   214, mais il y a également des éléments supplémentaires que je souhaiterais

 14   vous présenter. Il y a la citation qui figure à la pièce 4D103, comme je

 15   l'ai déjà dit, paragraphe 1.6, en date du 23 mars 1999. Il est indiqué

 16   qu'il y a, sous le titre "Ordres militaires", que la Chambre de première

 17   instance essayait d'établir que les ordres avaient été donnés par Pavkovic

 18   lors de l'invasion de l'OTAN. Cela fait partie de cette culpabilité que

 19   l'on veut attacher à Pavkovic. Toutefois, et cela se retrouve de façon très

 20   commune dans ce jugement, la Chambre de première instance a tout simplement

 21   commis une erreur, car l'ordre n'était pas ce que le Chambre de première

 22   instance en a retenu. La Chambre de première instance a omis de faire

 23   figurer le corps de l'ordre, le texte important de l'ordre qui est comme

 24   suit :

 25   "Au début des frappes de l'OTAN et au cas où il y a rupture de

 26   communications avec les commandements et officiers supérieurs," faites

 27   ceci.

 28   Il s'agissait seulement d'un ordre qui devait être mis en oeuvre en


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  1   cas de rupture de communication avec le commandement supérieur. Ce n'était

  2   absolument pas un ordre d'engagement immédiat. Il s'agissait d'un ordre, je

  3   le répète, en cas de rupture de communication et, d'ailleurs, cet ordre n'a

  4   jamais été suivi, parce qu'il n'y a jamais eu de rupture de communication.

  5   La Chambre de première instance a répété cette erreur au paragraphe 704, en

  6   citant à nouveau le document et en disant qu'il s'agissait d'un ordre

  7   d'opération. Voilà ce que la Chambre de première instance déclare :

  8   "C'est sur la base des ordres donnés par le commandement conjoint

  9   pour la VJ et le MUP que de vastes opérations ont été effectuées à la fin

 10   du mois de mars 1999."

 11   Et puis finalement au paragraphe 774, et toujours en utilisant le

 12   même document comme fondement, il est conclu qu'en dépit de sa connaissance

 13   d'allégations d'activités criminelles généralisées, il donne l'ordre à la

 14   VJ de se lancer dans des opérations conjointement avec le MUP. Bien

 15   entendu, il n'est pas donné suite à cet ordre, et d'ailleurs, il n'y a pas

 16   d'opérations conjointes avec le MUP. La Chambre de première instance doit

 17   avoir été informée de l'ordre donné par le Corps de Pristina et par

 18   Lazarevic en réponse à cela, pièce 5D1793 du 23 mars, où nous retrouvons le

 19   paragraphe 1.6 de Pavkovic, qui devient le paragraphe 1.6 pour Lazarevic

 20   avec des accusations un peu moins importantes. La version de Lazarevic

 21   donne l'ordre que cela devra devenir effectif au cas où il y a rupture de

 22   communication avec le commandement du Corps de Pristina. Une fois de plus,

 23   cela ne s'est jamais passé.

 24   La Chambre de première instance aurait dû être informée de cet ordre

 25   donné par le commandement de la 125e Brigade motorisée, ordre du 24 mars

 26   1999, pièce 5D708, qui limite l'ordre, encore une fois, au cas de rupture

 27   de communication avec le commandement de brigade.

 28   Le Volume III, dans son paragraphe 705 et sa note de bas de page


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  1   1736, fait état de cette relation étroite avec Milosevic. La Chambre de

  2   première instance évoque le témoignage du général Curcin relatif à la façon

  3   dont le document P1487 a été rédigé. Il s'agit d'un ensemble de suggestions

  4   donné par Odjanic à Pavkovic à propos du commandement conjoint du Corps de

  5   Pristina. Il s'agit d'une action près du canyon de Rugova. L'ordre de

  6   commandement donné au Corps de Pristina et au commandement conjoint a été

  7   donné la 15 avril 1998 [comme interprété] et fait l'objet de la pièce

  8   P1878. Il faut remarquer qu'au début de ce document, nous trouvons une

  9   carte, et il est important d'indiquer qu'il ne s'agit pas d'un ordre du

 10   commandement de la 3e Armée, il ne s'agit pas d'un ordre de commandement,

 11   cela n'a pas été donné par Pavkovic, mais c'était un ordre de commandement

 12   du général Lazarevic donné au commandement du Corps de Pristina.

 13   Fondamentalement, Curcin a témoigné qu'effectivement Ojdanic l'avait

 14   contacté, lui avait dit qu'il avait vu Pavkovic et lui avait donné la carte

 15   pour les opérations en question. Ojdanic a dit qu'il a vu Pavkovic après

 16   que Pavkovic ait eu une réunion avec Milosevic.

 17   La Chambre de première instance indique :

 18   "Curcin a de plus témoigné que Pavkovic était venu voir Ojdanic après

 19   sa réunion avec Milosevic :

 20   "Et il a dit qu'après avoir contourné son supérieur immédiat…"

 21   Ici, il s'agit de la déposition toujours du Témoin Curcin, paragraphe

 22   705. Mais ce n'est pas ce que Curcin indique, il n'indique pas cela, il ne

 23   dit pas qu'il a contourné son supérieur immédiat. Une fois de plus, la

 24   Chambre de première instance a commis une erreur dans sa note de bas de

 25   page 1736 lorsqu'elle y fait état de la déposition de Curcin aux pages 17

 26   025 et 17 027 du compte rendu d'audience.

 27   Il n'y a aucune preuve de la teneur de la conversation entre Pavkovic

 28   et Milosevic, même s'ils se sont rencontrés ce jour-là. La Chambre de


Page 302

  1   première instance suggère qu'Ojdanic a envoyé des suggestions à Pavkovic et

  2   que cela n'était absolument pas conforme aux règlements puisqu'il

  3   s'agissait de son supérieur et qu'il aurait tout simplement pu lui donner

  4   un ordre pour faire certaines choses. Toutefois, ces suggestions ont été

  5   envoyées à Pavkovic, qui n'a pas donné les ordres. Les ordres ont tout

  6   simplement été donnés par le Corps de Pristina au niveau du corps. Nous

  7   pensons qu'il s'agissait tout simplement d'une consultation entre deux

  8   dirigeants militaires à propos d'activités à effectuer par le Corps de

  9   Pristina au Kosovo et ils se sont entretenus sur la meilleure façon de

 10   mener à bien ces opérations. Il s'agit de deux esprits supérieurs qui se

 11   rencontrent à propos d'une question qui les préoccupe, et les suggestions

 12   émanant d'Ojdanic, au vu de la situation, ne sont absolument pas

 13   irrégulières.

 14   Le paragraphe 729 du Volume III fait état du fait qu'il n'a pas

 15   prévenu ou puni certaines personnes. La Chambre de première instance se

 16   plaint dans ce paragraphe et indique :

 17   "Les rapports du commandement de la 3e Armée envoyés à l'état-major

 18   du commandement Suprême au début du mois d'avril 1999 indiquent que de

 19   nombreuses procédures disciplinaires et pénales ont été commencées pour des

 20   crimes commis contre la VJ mais il n'est pas fait mention d'enquêtes

 21   précises relatives à des crimes de guerre ou à des crimes violents graves."

 22   Je suggère que cet élément de preuve n'aurait eu une importance dans

 23   la mesure où la Chambre de première instance fait également référence aux

 24   éléments de preuve selon lesquels la 3e Armée disposait d'information

 25   précise relative à des "enquêtes menées pour des crimes de guerre ou des

 26   crimes graves violents", et le fait est que cette information n'a pas été

 27   signalée. Mais ils ne le font pas. Ils ne citent aucun élément de preuve

 28   qui n'aurait pas été signalé. Ils font cette affirmation, ils indiquent


Page 303

  1   qu'il y a deux rapports de combat de la 3e Armée qui "indiquent qu'il y a

  2   des crimes de pillage dans des maisons abandonnées par des Albanais du

  3   Kosovo". Note 1826 de bas de page. Ils citent également deux pièces; 4D274

  4   et 4D275. Tout ce que vous devez voir, c'est qu'il n'y a pas d'éléments de

  5   preuve relatifs à des pillages dans des maisons abandonnées par des

  6   Albanais du Kosovo. Cela n'est mentionné dans aucun document. Les seuls

  7   renseignements que nous avons à propos de maisons se trouvent dans le

  8   document 4D275, où il est indiqué que des avions de l'OTAN ont attaqué deux

  9   villages, ont provoqué des dégâts pour des maisons et on provoqué des

 10   victimes parmi la populations civile. Page 2 de ce document. Il n'est pas

 11   mentionné, d'ailleurs, qu'il s'agit de victimes serbes ou albanaises.

 12   Le Volume III, dans son paragraphe 179 et sa note 1785 de bas de page

 13   porte sur la connaissance qu'avait Pavkovic des crimes de 1999. Dans un

 14   effort pour montrer cette connaissance de la part des unités placées sous

 15   son commandement en 1999, voilà ce qu'indique la Chambre de première

 16   instance :

 17   "Le 31 mars, Pavkovic disposait d'informations indiquant que les

 18   unités territoriales militaires de la VJ et les forces du MUP étaient en

 19   train de canaliser les Albanais déplacés du Kosovo vers l'Albanie."

 20   La Chambre de première instance cite la pièce P2930, un rapport du 31

 21   mars, comme sa source. Il s'agit d'un rapport établi par un groupe de

 22   commandement du Corps de Pristina, dans le village de Mazrek, destiné au

 23   centre opérationnel du Corps de Pristina. La Chambre de première instance

 24   ne cite aucun élément de preuve sur lequel cet élément de preuve se

 25   rapporte qui soit allé plus loin que le centre opérationnel du commandement

 26   du Corps de Pristina. Ce document, d'ailleurs, n'indique absolument pas qui

 27   a reçu ce document au sein du commandement du Corps de Pristina.

 28   D'ailleurs, ce document n'est jamais allé au centre opérationnel du Corps


Page 304

  1   de Pristina.

  2   Si vous prenez en considération les rapports de combat du Corps de

  3   Pristina, ils ont effectivement été envoyés ce jour-là et le lendemain au

  4   centre des opérations de la 3e Armée, mais il n'y a aucune indication

  5   suivant laquelle cette information a bel et bien été relayée à la 3e Armée.

  6   Vous avez le document 6D1135 du 31 mars, le document 4D371 pour le 1er

  7   avril, qui ne contiennent aucun élément de preuve suivant lequel Pavkovic

  8   aurait été informé de cette information dans ce rapport à propos du village

  9   de Mazrek. Aucun élément de preuve qu'il ait été informé le 31 mars, comme

 10   le déclare d'ailleurs le Chambre de première instance.

 11   Ce qu'il sait, par contre, c'est que le 31 mars, il y a des informations

 12   qui figurent dans un rapport de combat de la 3e Armée, le document 4D510 du

 13   24 mars, qui porte sur une colonne de réfugiés essayant de franchir la

 14   frontière établie par la VJ, qui ne les a pas autorisés à quitter le pays.

 15   La Chambre de première instance est informée de ce rapport. Elle le cite

 16   après l'avoir mentionné dans le Volume III, dans son paragraphe 556, et sa

 17   conclusion est que la VJ "avait été partie prenante dans le mouvement de la

 18   population civile." Ils n'ont pas dit cela. Le fait est qu'ils n'ont pas pu

 19   passer la frontière, mais lorsqu'on dit qu'ils ont été partie prenante dans

 20   ce mouvement, il y a une impression qui est forgée, à savoir qu'ils ont

 21   participé à l'expulsion des Albanais du Kosovo. Or, cela ne s'est pas

 22   passé, et nous pensons, en fait, que cela jette un doute assez important

 23   sur ce soi-disant plan qui existait à partir du mois d'octobre, dont le but

 24   était d'expulser les Albanais du Kosovo. Je pense que l'on ne peut pas

 25   parvenir à cette conclusion au-delà de toute doute raisonnable.

 26   J'aimerais maintenant me pencher sur les questions qui ont été posées par

 27   la Chambre, et je commencerais par la première. Il s'agit de la déclaration

 28   de culpabilité de Pavkovic suivant laquelle il faisait partie de


Page 305

  1   l'entreprise criminelle commune. Est-ce que la Chambre de premier appel

  2   peut accepter l'argument de l'Accusation qui a été utilisé par la Chambre

  3   de première instance qui n'a pas utilisé le critère adéquat pour la mens

  4   rea pour la responsabilité au titre de la troisième catégorie de

  5   l'entreprise criminelle commune ?

  6   La réponse toute simple est non. Si l'on considère l'exemple suivant : le

  7   général A, qui fait partie d'entreprise criminelle commune, donne un ordre

  8   à une unité placée sous son commandement d'expulser les habitants d'un

  9   village d'un pays, et de les forcer à fuir vers un pays avoisinant. Il

 10   reconnaît qu'étant donné que les soldats qui sont placés sous son

 11   commandement sont de jeunes soldats, il y a une possibilité qu'ils se

 12   livrent à d'autres actes criminels lors de l'exécution de cet ordre. Il n'a

 13   absolument pas l'intention que cela se produise. Il ne souhaite pas que

 14   cela se produise. Il souhaite empêcher cela. Il donne l'ordre pour que tous

 15   les soldats qui pourraient avoir ce genre d'attitude soient arrêtés et

 16   emprisonnés. Il donne l'ordre à leurs supérieurs immédiats de surveiller

 17   leurs activités pour prévenir ce genre de crimes, et pour que des actions

 18   immédiates soient prises pour punir toute personne qui enfreint cela. Il

 19   s'agit de la responsabilité du supérieur hiérarchique conformément au droit

 20   international et déterminé par l'article 7 du Statut de ce Tribunal.

 21   L'article 7 fait référence aux crimes définis aux articles 2 à 5 du

 22   Statut. Entreprise criminelle commune, dans le cas de la jurisprudence

 23   actuelle, est tout simplement une forme, une modalité de commission des

 24   crimes indiqués et, par conséquent, l'article 7 est applicable.

 25   L'entreprise criminelle commune n'a pas comme but, comme nous le savons,

 26   d'établir qu'il y a eu quelque chose de séparé. L'article 7 indique que le

 27   supérieur hiérarchique est responsable des actes s'il a été prouvé que le

 28   supérieur n'a pas pris les mesures raisonnables et nécessaires pour


Page 306

  1   empêcher et punir les auteurs de ces actes. Par conséquent, il n'y a pas de

  2   différence en ce qui nous concerne pour ce qui est des déclarations de

  3   culpabilité de Pavkovic dans le cadre de la troisième catégorie

  4   d'entreprise criminelle commune pour lequel le critère de la mens rea a été

  5   appliqué.

  6   La différence entre les faits Pavkovic et les exemples tels qu'ils ont été

  7   indiqués présume qu'un commandant qui fait partie d'une entreprise

  8   criminelle commune a donné un ordre pour que soit commise une offense.

  9   Aucune entreprise criminelle commune n'a été prouvée ainsi. Pavkovic ne

 10   faisait pas partie d'une entreprise criminelle commune, n'a jamais donné

 11   d'ordre à ses soldats placés sous son commandement pour commettre des

 12   offenses punissables par ce Tribunal. Il a fait des efforts extraordinaires

 13   pour empêcher que ces crimes soient commis en tant que commandant du Corps

 14   de Pristina et en tant que commandant de la 3e Armée.

 15   La seconde question consistait à demander, en faisant référence au dossier,

 16   au compte rendu, de savoir quel serait l'effet sur la responsabilité de

 17   Pavkovic au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième forme si

 18   les violences sexuelles infligées à K62, K14 et K31, comme le demande

 19   l'Accusation, devaient être considérées comme constitutives de persécution.

 20   La réponse que nous donnons est encore une fois non. Même si

 21   l'interprétation correcte de la jurisprudence concernant la forme élargie

 22   de l'entreprise criminelle commune était celle avancée par l'Accusation, le

 23   général Pavkovic ne pourrait être tenu responsable de violences sexuelles

 24   telles qu'elles sont l'objet de cette question. Il faudrait pour cela

 25   apporter la démonstration d'un lien entre Pavkovic et les auteurs matériels

 26   de ces crimes. S'il ne s'agissait pas de membres d'unités placées sous son

 27   commandement, il était dans l'impossibilité de prévoir la commission par

 28   eux de ces crimes. Concernant la persécution, il n'y a absolument aucun


Page 307

  1   élément de preuve indiquant que l'on aurait apporté la démonstration "au-

  2   delà de tout doute raisonnable" du caractère de persécution de ces

  3   incidents, plutôt que de leur appartenance à la catégorie des violences

  4   sexuelles en tant que crimes de guerre.

  5   Concernant K31, il n'y a aucun élément de preuve quant à l'identité des

  6   trois soldats à l'origine des violences. Il y a une description de leurs

  7   uniformes en tant qu'uniformes de camouflage vert. Leurs visages sont

  8   censés avoir été peints en noir, ils portaient des bandeaux avec le mot

  9   "massacre" écrit dessus. Pièce P2596, page 1. L'un d'entre eux portait la

 10   barbe, une barbe longue jusqu'à la poitrine, page 9 250 du compte rendu.

 11   Ces descriptions cadrent avec d'éventuels paramilitaires, mais non pas avec

 12   les soldats de la VJ. Le Témoin K73 a souligné dans sa déposition que les

 13   soldats réguliers de la VJ n'avaient pas l'autorisation de porter la barbe.

 14   Page 3 310.

 15   L'on n'a certainement pas démontré qu'il s'agissait là de soldats de la VJ

 16   placés dans la chaîne de commandement qui descendaient à partir du poste de

 17   Pavkovic et qui avaient reçu des ordres relatifs au respect du droit

 18   international humanitaire. Les événements décrits cadrent avec une attaque

 19   qui n'avait pas le caractère de persécution, tout comme il pourrait cadrer

 20   avec une attaque constitutive de persécution. Il y a deux conclusions

 21   raisonnables, et c'est celle qui est compatible avec l'innocence qui doit

 22   être choisie.

 23   Quant à la déposition de K62, elle ne permet pas d'identifier les

 24   trois hommes à l'origine des violences sexuelles qui lui ont été infligées

 25   sur la base des couvre-chefs, des uniformes de camouflage vert et des

 26   masques qu'ils portaient. Pages 2 274 et 2 275 du compte rendu. Elle a dit

 27   qu'elle était chez elle ce jour-là parce qu'elle craignait les

 28   paramilitaires - page 2 269 - ce qui confirme que des paramilitaires


Page 308

  1   étaient présents à Pristina à l'époque. Il n'y a en fait aucun élément de

  2   preuve indiquant que l'attaque dont a été victime ce témoin était une

  3   persécution en soi, aucun élément de preuve quant à l'identité de ces

  4   attaquants. Le fait que des personnes aient commis ces crimes en portant

  5   des uniformes ne permet absolument pas de conclure à l'implication

  6   d'organisations militaires - s'il y en a eu, toutefois - auxquelles ils ont

  7   pu appartenir. Comme Zlatomir Pesic l'a indiqué dans sa déposition :

  8   "Il y avait des points de revente d'armes en excès où des uniformes

  9   ou des fragments d'uniformes étaient disponibles à la vente, et c'est ainsi

 10   que les personnes pouvaient s'emparer d'uniformes sans avoir jamais été

 11   affectées au conflit."

 12   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète, on demande à M. Ackerman de ralentir

 13   pour les interprètes.

 14   M. ACKERMAN : [interprétation] Le K14 donne une description claire. Elle

 15   dit avoir été attaquée par un policier. Elle donne même son nom. Il n'y a

 16   peut-être pas de controverse quant à l'appartenance de cet homme aux forces

 17   de police, mais il ne s'agissait manifestement pas d'un soldat de la VJ

 18   appartenant à la chaîne de commandement placée sous l'autorité de Pavkovic.

 19   Il n'y a rien qui permettrait de considérer cette attaque comme

 20   constitutive de persécution.

 21   Au Volume III, enfin, on trouve que les forces de la RFY auraient exercé un

 22   contrôle aux fins de mener des expulsions, transferts forcés, et d'exécuter

 23   meurtres et persécutions. Concernant ces trois événements, l'Accusation n'a

 24   pas réussi à démontrer quel membre de l'entreprise criminelle commune

 25   exerçait un contrôle sur ces auteurs ou s'il y avait même seulement un tel

 26   contrôle, pas plus que l'appartenance de ces auteurs aux forces de la

 27   Serbie ou de la RFY.

 28   On nous a demandé de prendre position quant à la pertinence de la mise à la


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  1   disposition du public de l'acte d'accusation le 27 mai 1999 quant à

  2   l'élément moral de Sainovic et Pavkovic, compte tenu de la publication de

  3   cet acte d'accusation deux jours après le dernier crime retenu à la charge

  4   de Sainovic et Pavkovic le 25 mai 1999. Je crois que la réponse ne peut

  5   être qu'une absence totale de pertinence. Au Volume III, la Chambre de

  6   première instance a conclu, au paragraphe 755, que Pavkovic "devait être

  7   avoir été informé de l'existence de l'acte d'accusation à la date du 27 mai

  8   ou à peu près à cette date" mais il y a aucun élément de preuve fondant

  9   ceci. C'est une pure spéculation, et c'est quelque chose sur quoi la

 10   Chambre de première instance ne pouvait pas fonder la connaissance

 11   d'allégations selon lesquelles des crimes avaient été commis par des

 12   membres de la VJ. Paragraphe 755 :

 13   "L'acte d'accusation a été discuté lors de la réunion de l'état-major du

 14   commandement Suprême du 28 mai où Branko Krga a déclaré que l'un des

 15   objectifs des actes d'accusation dressés contre de hauts responsables

 16   serbes de la RFY était d'entraver les initiatives de paix et de les

 17   bloquer."

 18   Alors, la conclusion consiste à dire qu'il y avait eu une discussion, une

 19   discussion implique qu'il y a plus d'une personne parlant, et ce Krga parle

 20   de quelque chose qui avait trait à de hauts responsables de la RFY, hauts

 21   responsables serbes. Alors, c'est vraiment s'aventurer très loin, au-delà

 22   de ce que permettent de dire les éléments de preuve, que d'affirmer ceci.

 23   Si vous examinez la pièce 3D628 et ce qui figure au titre de "discussion",

 24   eh bien, vous voyez qu'il s'agit d'une réunion et vous serez très déçu par

 25   ce que vous y trouverez. Ce que la Chambre de première instance a considéré

 26   comme acquis repose en fait sur une erreur considérable. Il n'y a aucune

 27   indication qu'il y ait eu la moindre discussion de l'acte d'accusation

 28   contre Milosevic publié le jour précédent. Cela n'est pas mentionné.


Page 310

  1   Personne ne parle d'acte d'accusation contre de hauts responsables serbes

  2   de la RFY. La seule chose, c'est Branko Krga qui dit :

  3   "Dresser un acte d'accusation remplit plusieurs objectifs. L'un d'entre eux

  4   est de bloquer les initiatives de paix."

  5   Et c'est tout. C'est tout ce qui est dit par Branko Krga à cette réunion.

  6   Il est très probable que ce soit là l'acte d'accusation du TPIY mentionné

  7   par Krga, mais il n'y a aucun élément de preuve à cet effet, aucun élément

  8   de preuve indiquant que le moindre membre de l'état-major du commandement

  9   Suprême l'ait examiné, cet acte d'accusation, l'ait étudié, l'ait discuté,

 10   qui permettrait de conclure comme on l'a fait, à savoir : "Pavkovic doit

 11   avoir été informé de l'existence de l'acte d'accusation le 27 mai ou à peu

 12   près à cette date." Il s'agit d'une pure spéculation.

 13   On nous a demandé de prendre position également concernant les

 14   déclarations de culpabilité prononcées par la Chambre de première instance

 15   au titre de l'entreprise criminelle de la première catégorie, à savoir est-

 16   ce que l'élément moral et l'élément matériel d'un tel membre de

 17   l'entreprise criminelle commune auraient pu être réalisés avant même

 18   l'existence d'un but commun de ladite entreprise criminelle commune. Et je

 19   suis d'accord avec l'Accusation qui a dit hier que cela n'était pas

 20   possible. L'un des problèmes concernant cette analyse est la formulation de

 21   l'acte d'accusation. Au paragraphe 20, il est retenu :

 22   "L'entreprise criminelle commune est apparue au plus tard en octobre 1998

 23   et s'est poursuivie pendant toute la période au cours de laquelle les

 24   crimes reprochés aux chefs 1 à 5 de cet acte d'accusation ont été commis,

 25   en commençant par le mois de janvier 1999 à peu près et se poursuivant

 26   jusqu'au 20 juin 1999."

 27   Il est difficile d'imaginer comment une entreprise criminelle commune

 28   aurait pu voir le jour. Il n'y a certainement aucun élément de preuve


Page 311

  1   indiquant qu'une telle entreprise criminelle commune ait existé, ni qu'il

  2   se soit passé quoi que ce soit en octobre 1998 qui aurait pu être à

  3   l'origine d'une telle entreprise criminelle commune. Ce qui s'est passé à

  4   partir d'octobre jusqu'au bombardement de l'OTAN n'a été qu'efforts visant

  5   à résoudre le problème sous différentes formes. Et je suggère que le

  6   gouvernement de la RFY faisait des efforts très sérieux afin de résoudre ce

  7   problème. Cela a presque été le cas à Rambouillet, il y a eu un accord, et

  8   ensuite, au dernier moment, comme nous le verrons, ils ont mis sur la table

  9   cet accord militaire que les Serbes ne pouvaient tout simplement pas

 10   accepter.

 11   Si l'Accusation avait été en mesure de prouver et si la Chambre de première

 12   instance avait conclu que l'entreprise criminelle commune alléguée dans

 13   l'acte d'accusation existait dès octobre 1998, eh bien, une seule réponse

 14   serait possible, à savoir c'est quelque chose qu'on ne peut déterminer. Eh

 15   bien, si, on peut le déterminer.

 16   Le plan portait sur une expulsion. Il me semble qu'il aurait été impossible

 17   de concevoir l'intention de participer à un tel plan avant qu'il

 18   n'apparaisse, avant qu'il ne vienne à exister. Donc, nous affirmons avec

 19   force qu'il n'y avait aucun plan, aucune entreprise criminelle, même sur le

 20   plan théorique, préalablement aux crimes commis en 1999. Rien de ce que

 21   Pavkovic a fait avant cette date ne peut être considéré comme pertinent au

 22   titre de l'élément moral ni susceptible de confirmer un tel plan. Jusqu'au

 23   13 janvier 1999, Pavkovic était le commandant du Corps de Pristina. Nous ne

 24   reviendrons pas sur ce que l'Accusation a dit à ce sujet, mais nous

 25   réaffirmons qu'un plan doit exister avant que l'intention d'y participer ne

 26   puisse apparaître.

 27   On nous a demandé également de prendre position quant aux

 28   circonstances dans lesquelles il serait possible de déduire l'élément moral


Page 312

  1   pour l'entreprise criminelle commune de première catégorie pour expulsion

  2   et autres actes inhumains à partir de la connaissance qu'avait l'accusé de

  3   crimes commis en 1998, y compris des crimes différents de l'expulsion et

  4   d'autres actes inhumains, à savoir transfert forcé. En l'espèce, les crimes

  5   reprochés ont tous trait aux événements qui ont suivi le bombardement de

  6   l'OTAN le 24 mars 1999. La question de la Chambre est la suivante : est-ce

  7   que la connaissance qu'avait Pavkovic des crimes commis en 1998 pourrait

  8   être utilisée pour déduire son élément moral pour les expulsions qui

  9   étaient l'objectif de l'entreprise criminelle alléguée ? Eh bien, il y a

 10   des cas, j'imagine, où cela pourrait être le cas. S'il y a des éléments de

 11   preuve démontrant au-delà de tout doute raisonnable l'existence d'un plan

 12   visant à expulser et des éléments de preuve montrant que l'élément moral au

 13   titre de la première entreprise criminelle commune était déjà réalisé, les

 14   critères étaient déjà remplis pendant que les crimes de 1998 étaient commis

 15   et que Pavkovic était au courant de cela, eh bien, j'imagine qu'on pourrait

 16   considérer cela comme une phase préparatoire à l'exécution d'un plan commun

 17   et qu'on pourrait faire cette déduction. En l'espèce, toutefois, les

 18   éléments de preuve sont loin de venir à l'appui d'une telle conclusion, et

 19   le bureau du Procureur reconnaît cela jusque dans son acte d'accusation, il

 20   allègue des expulsions conformément au plan allégué, à compter du début du

 21   bombardement de l'OTAN.

 22   On nous a demandé également de nous prononcer quant à l'incident de Tusilje

 23   du 29 mars 1999 dans l'acte d'accusation, s'il s'agit d'un défaut qui a été

 24   corrigé et si Sainovic, Lazarevic, Pavkovic et Lukic ont souffert d'un

 25   préjudice suite à cela. Nous considérons que la Chambre de première

 26   instance n'aurait manifestement pas dû condamner Pavkovic en se fondant sur

 27   une conclusion d'expulsion ou de transfert forcé à partir du village de

 28   Tusilje. Nous n'avons aucune raison de considérer que ce manquement a été


Page 313

  1   corrigé de quelle que façon que ce soit. Il est impossible, par conséquent,

  2   de déterminer le préjudice dont a souffert le général Pavkovic en

  3   conséquence.

  4   Je voudrais maintenant parler pendant quelques instants du plan commun, de

  5   l'existence d'un plan commun. Il s'agit de la branche (B), 1(B) de notre

  6   mémoire en appel. Ceci concerne l'expulsion des Albanais du Kosovo. Pièce

  7   2D301, qui n'a pas été citée par la Chambre de première instance, donc 7

  8   avril 1999, il s'agit de l'annonce par le gouvernement de la RFY en

  9   appelant aux Albanais du Kosovo de ne pas quitter le pays. Ceci milite

 10   fortement à l'encontre de l'existence d'un plan visant à expulser et

 11   privilégie fortement l'explication par un départ volontaire. Donc, les

 12   dirigeants en question plaideraient-ils contre un départ volontaire s'ils

 13   pouvaient simplement se contenter d'expulser ? Cela n'a aucun sens.

 14   Le même jour, pièce 3D753, l'état-major général a émis également un

 15   appel à la population albanaise lui demandant de retourner dans ses foyers.

 16   La Chambre de première instance n'a pas cité ce document.

 17   Huit jours à peine après ces appels du gouvernement et des structures

 18   militaires adressés aux Albanais du Kosovo leur demandant de rester dans

 19   leurs foyers, le général William Walker est allé voir le général Jankovic

 20   et a obtenu un accord avec les autorités chargées du contrôle des

 21   frontières en Macédoine afin qu'elles laissent passer les réfugiés albanais

 22   en Macédoine sans les retenir. Venant ainsi, effectivement, en aide au

 23   processus de départ des réfugiés. 4D511, encore une fois la Chambre de

 24   première instance ne s'y réfère pas. Il s'agit d'un document du 15 avril

 25   1999.

 26   Le 21 avril 1999, pièce 3D431, non mentionnée par la Chambre, un

 27   rapport de combat de la Région militaire de Pristina adressé au Corps de

 28   Pristina fait état de projectiles de l'OTAN ayant frappé un camp de


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  1   réfugiés, et l'ayant complètement détruit, tuant et blessant des réfugiés.

  2   Des nouvelles d'une telle attaque auraient certainement augmenté les

  3   craintes d'un bombardement de l'OTAN et auraient certainement incité

  4   davantage des personnes à fuir. Ce rapport intervient quelques semaines

  5   après les appels aux Albanais du Kosovo en leur demandant de ne pas partir,

  6   de nombreuses familles revenaient dans le secteur de Podujevo, certaines

  7   avec l'aide du MUP. Et encore une fois, aucune mention par la Chambre.

  8   Donc pourquoi sont-ils partis ? C'est une question essentielle.

  9   Pourquoi sont-ils partis ?

 10   Nous sommes tous des citoyens en ce monde. Et nous voyons ce qui se

 11   passe dans le monde chaque jour. Nous voyons ce qui se passe en Iraq, en

 12   Afghanistan, et maintenant en Syrie, tous ces réfugiés qui partent de zones

 13   en guerre.

 14   J'ai du mal à parler lentement. Excusez-moi.

 15   Nous voyons tout ce qui se passe dans le monde. Et les réfugiés

 16   serbes en très grand nombre sont également partis pendant les bombardements

 17   de l'OTAN. Déposition du Témoin Zyrapi, officier de l'ALK et chef d'état-

 18   major de l'ALK. Page 5 992 du compte rendu, il parle de l'exigence de l'ALK

 19   qui demandait à la population de partir pour des raisons de sécurité le 25

 20   mars, un jour après le début des bombardements de l'OTAN. 5D980, c'est un

 21   rapport de combat du District militaire de Pristina au 3e Corps d'armée. Au

 22   premier paragraphe, ils font état des bombardements du secteur par l'OTAN,

 23   et au même paragraphe il est question du départ tant des Albanais que des

 24   Serbes; les Albanais allant en Macédoine, et les Serbes à Nis.

 25   Les Serbes ne seraient pas partis en application d'un plan expulsion;

 26   mais bien à cause des bombardements de l'OTAN. Cela rend difficile de

 27   maintenir cette affirmation selon laquelle les Albanais partaient parce

 28   qu'on voulait les expulser. La Chambre de première instance a ignoré cet


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  1   aspect des documents. Le 3 avril 1999, Bozidar Delic, commandant de la 549e

  2   Brigade Motorisée de la VJ, a envoyé un rapport au commandant du Corps de

  3   Pristina, 5D885. Estampillé "Strictement confidentiel : secret militaire."

  4   La plupart de ces rapports étaient ainsi estampillés et confidentiels.

  5   Aucun d'entre eux n'était censé à être jamais révélé. Ils n'étaient pas

  6   censé devenir publics, et ils sont bien réels.

  7   Le commandant Delic n'avait aucune raison de soupçonner que ce

  8   rapport deviendrait public. Mais cela lui donne une certaine crédibilité,

  9   surtout au vu des dépositions et des déclarations publiques de personnes se

 10   trouvant d'un côté ou l'autre du conflit --

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous avez du mal à parler lentement,

 12   vous pourriez au moins faire une pause un peu plus longue après chaque

 13   phrase.

 14   M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais le faire. Excusez-moi.

 15   Ce rapport a été envoyé quelques jours à peine après le début des

 16   bombardements de l'OTAN. Delic souligne sa surprise face au très grand

 17   nombre de réfugiés, 280 000 [comme interprété] depuis le début des

 18   bombardements. Il souligne qu'il a appris la position des autorités

 19   consistant à empêcher le départ des réfugiés, d'essayer de les faire

 20   revenir chez eux. Il dit que les réfugiés venaient des régions les plus

 21   éloignées du Kosovo, que des personnes de sa brigade qui avaient parlé avec

 22   des réfugiés ont appris quelles étaient leurs raisons de partir; A, la peur

 23   qu'ils avaient de combats très intenses; B, certains voulaient éviter une

 24   mobilisation forcée au sein de l'ALK; C, la peur de l'armée et de la

 25   police, et notamment des hommes d'Arkan. Cependant, après que des questions

 26   supplémentaires leur ont été posées, il s'est avéré qu'ils n'avaient pas

 27   peur de l'armée. Ils seraient restés s'il avait des soldats près de

 28   l'endroit où ils vivaient. Et finalement, D, le bombardement de l'OTAN a


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  1   été mis en avant par tous les groupes en tant que la raison première parce

  2   que l'OTAN ne faisait pas la distinction entre les soldats et les civils.

  3   L'OTAN ne faisait pas attention à sa cible.

  4   Donc il n'y a aucune indication que quiconque ait été transféré de force.

  5   Bien qu'à plusieurs reprises, la Chambre dans son jugement l'affirme.

  6   Par ailleurs, des témoins albanais du Kosovo qui se sont trouvés dans des

  7   camps de réfugiés et ont déposé avaient des raisons de déposer de façon non

  8   véridique quant aux raisons de leur départ. Tout un chacun savait que le

  9   Kosovo demandait son indépendance de la Serbie, et peut-être y parviendrait

 10   si les Serbes pouvaient être considérés comme des oppresseurs. Cette

 11   motivation a gagné en force en 1999 parce que les Albanais du Kosovo

 12   recevaient un soutien international dans le cadre de leur campagne contre

 13   la RFY.

 14   Au dossier, nous trouvons des éléments de preuve de départs importants

 15   d'Albanais du Kosovo de Pristina. Egalement indiquant que l'OTAN bombardait

 16   certaines structures civiles à Pristina. Les Témoins Marinkovic et

 17   Filipovic ont indiqué que l'OTAN bombardait des infrastructures civiles à

 18   Pristina. La Chambre a rejeté leur déposition en des termes suivants :

 19   "En effet, un nombre important de rapports ont été rédigés à l'époque, ont

 20   été versés, et aucun d'entre eux ne confirme les dépositions de Marinkovic

 21   et de Filipovic selon lesquelles des bâtiments civils à Pristina ont été

 22   pris pour cible."

 23   Volume II, paragraphe 837, nous trouvons une autre affirmation de la

 24   Chambre qui n'est pas exacte.

 25   Le 13 avril 1999, pièce P2004, un rapport de combat du Corps de Pristina au

 26   3e Corps d'armée et l'état-major général dit :

 27   "Les cibles civiles suivantes ont été attaquées à Pristina : l'entrepôt

 28   Jugopetrol, l'usine de plastique, la gare routière, et le quartier de


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  1   Dardanija. Le rapport cite également des cibles qui n'ont pas été classées

  2   comme civiles, comme l'entrepôt de Lukara et l'entrepôt de Slatina."

  3   La Chambre a cité ce document, mais en tant qu'élément de preuve ne

  4   corroborant pas la déposition de ces deux témoins, et pourtant ce document

  5   [inaudible] clairement leur déposition, à savoir que des cibles, des

  6   bâtiments civils ont été pris pour cibles de bombardement.

  7   Il y a d'autres documents supplémentaires indiquant que les attaques de

  8   l'OTAN visaient des cibles civiles. Bien que de nombreux d'entre eux aient

  9   été cités par la Chambre, c'était pour d'autres raisons, et la Chambre n'a

 10   pas réussi à prendre en compte les conséquences pour les civils des

 11   attaques de l'OTAN. Je parle de 4D172; 3D280, non cités par le Chambre;

 12   5D223, non cité par la Chambre; 4D286; 4D342, non cités par la Chambre;

 13   4D290; 5D225, non cités par la Chambre; 5D914, la Chambre en parle comme

 14   s'il s'agissait d'un document qui permet de penser que des bâtiments

 15   faisant partie de l'infrastructure civile serbe avaient été bombardés par

 16   l'OTAN. Mais en fait, ce qui est dit ici c'est qu'il s'agit d'une attaque

 17   lancée par l'OTAN sur une colonne de réfugiés albanais qui étaient en train

 18   de retourner dans leurs foyers à bord de tracteurs, et que 100 ont été

 19   tués, 50 ont été blessés. Volume I, paragraphe 1 214. Ensuite pièce 4D358;

 20   5D222, non repris par la Chambre de première instance; 6D1489, non cité par

 21   la Chambre; 4D336; 5D228, pas cité; 5D241, pas cité; 5D242, pas cité;

 22   4D309, la Chambre de première instance affirme que cela montre un

 23   déplacement forcé, ce qui n'est pas le cas, Volume III, paragraphe 348

 24   [comme interprété].

 25   Donc le général Pavkovic, dans ses efforts visant à garantir le respect du

 26   droit international humanitaire, a-t-il fait quoi que ce soit pour protéger

 27   ces civils albanais kosovars ? La réponse est affirmative. Au début du mois

 28   d'avril, tout de suite après le début des bombardements, Pavkovic téléphone


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  1   au général Branko Krga, qui est chef de l'administration juridique de

  2   l'état-major du commandement Suprême, il lui parle des réfugiés albanais

  3   kosovars, il lui fait part de ses préoccupations disant que des

  4   dispositions doivent être prises pour prendre en charge ces gens, pour

  5   faire en sorte qu'ils aient des habits et qu'ils soient installés quelque

  6   part, nourris, et cetera. Page du compte rendu 16 916. Pavkovic a émis

  7   plusieurs ordres afin de protéger les civils pendant les bombardements de

  8   l'OTAN. Peu après sa conversation avec le général Krga, son ordre, dans le

  9   cadre de Grom 4 du 10 avril 1999, document 4D308, comporte des consignes

 10   précises afin de protéger les civils. Alinéa 2, paragraphe 5, page 5, il

 11   ordonne aux unités de la 3e Armée de :

 12   "Etablir des axes le long de la frontière de l'Etat, organiser la prise en

 13   charge et la réception des réfugiés et offrir l'assistance aux organes de

 14   l'Etat afin de prendre en charge ces réfugiés."

 15   Par la suite, la dernière phrase, alinéa 4, page 6 :

 16   "Mener à bien une opération défensive en deux étapes avec le respect total

 17   des conventions de Genève sur la protection des victimes de guerre et ses

 18   protocoles additionnels."

 19   Document 4D212, pas cité par la Chambre de première instance, document en

 20   date du 14 avril 1999, avant tout, nous montre que le 10 avril Pavkovic

 21   ordonne que l'on respecte les civils, un rapport de la commission qu'il a

 22   nommée afin de se pencher sur la situation des réfugiés qui ont été pris en

 23   charge à Istok. La commission a constaté que personne n'a été pris en

 24   charge là-bas, 544 étaient cependant à l'école de Suvi Lukavac, et je pense

 25   que c'est à côté. Après avoir reçu nourriture et carburant de l'état-major,

 26   ces réfugiés se sont déplacés vers Djakovica en direction d'Albanie. Ils

 27   ont été interceptés par la VJ près de la frontière. On leur a dit qu'elle

 28   était fermée. On leur a donné de la nourriture et ils ont été renvoyés à


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  1   Istok. Il a rendu compte que la VJ les avait traités correctement.

  2   Pièce P1306 du 16 avril 1999, un autre exemple que les ordres de Pavkovic

  3   ont été exécutés sur ce plan. Le préambule se lit comme suit :

  4   "Dû aux opérations des forces aériennes de l'OTAN et le reste des forces

  5   terroristes contre des cibles civiles, tous les jours la population civile

  6   dans cette zone est exposée aux attaques directes qui menacent gravement sa

  7   sécurité."

  8   Le document précise des ordres qui sont donnés pour s'occuper de la

  9   population civile. Le commandant Lazarevic, commandant du Corps de

 10   Pristina, émet cet ordre très concret à l'intention de ses unités

 11   subordonnées et dit que personnellement il sanctionnera tous ceux qui

 12   n'auront pas respecté cet ordre. La Chambre de première instance,

 13   cependant, se sert de ce document uniquement pour montrer que Lazarevic est

 14   au courant de ce déplacement massif de la population. Volume III,

 15   paragraphe 851.

 16   Ils ont rendu compte de cette protection voulue, paragraphe 902, cependant.

 17   Document 4D350 du 19 avril 1999, là encore, un ordre formulé de manière

 18   très explicite de la part de Pavkovic aux unités qu'il commande pour

 19   réserver un traitement correct à la population civile albanaise.

 20   Il exige que l'on les prenne en charge, qu'on les installe, qu'on leur

 21   donne des vivres, des soins médicaux, et que des villages où ils seront en

 22   toute sécurité soient désignés. L'ordre dit :

 23   "Surveiller les déplacements de la population civile dans vos zones de

 24   responsabilité tous les jours et faire en sorte qu'elle soit suffisamment

 25   protégée et qu'elle soit en mesure de revenir à ses foyers ou secteurs à

 26   l'extérieur des zones de combat."

 27   Paragraphe 720 du Volume III du jugement par la Chambre de première

 28   instance, il est mentionné qu'il était clair que Pavkovic savait qu'il y


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  1   avait eu des cas de confiscation de pièces d'identité basé sur son

  2   entretien avec le bureau du Procureur. Il a dit également dans le cadre de

  3   cet entretien qu'il a constaté qu'aucun membre de la VJ n'avait pris part à

  4   cela et qu'il a envoyé un rapport à ce sujet à l'état-major du commandement

  5   Suprême. Et dans ce document, 4D350, paragraphe 5, très clairement, il

  6   empêche la VJ de le faire. Le paragraphe se lit comme suit :

  7   "Mettre sur pied des mesures fermes afin d'empêcher que des objets

  8   personnels ne soient confisqués à la population de réfugiés. Prendre des

  9   mesures pour poursuivre ceux qui ne respectent pas cet ordre."

 10   Cet ordre a été transmis aux unités subordonnées : 5D201 -- 5D1004, 20

 11   avril, des unités placées sous son autorité. Il est clair que c'était

 12   exécuté.

 13   S'agissant des efforts déployés, Volume III du jugement par la Chambre,

 14   paragraphe 765, la conclusion qui figure est la suivante :

 15   "Constatant la déclaration portant sur la situation sécuritaire au Kosovo

 16   afin de préparer ces actions et masquer nos actions avec l'engagement pris

 17   par Minic en présence de Pavkovic vis-à-vis des civils lors de la réunion

 18   du commandement conjoint du mois d'août 1998, pièce P1468, pages 52 et 53,

 19   et tenant compte des constatations de K90 que les Albanais kosovars

 20   s'étaient empêchés de quitter les zones où la VJ était en train d'opérer,

 21   parce que cela aurait laissé la VJ sans protection par des civils sur place

 22   et vulnérable aux attaques de l'OTAN, page du compte rendu d'audience 9

 23   408, la Chambre ne considère pas qu'il s'agisse là de mesures honnêtes qui

 24   ont été prises pour limiter les infractions qui se produisaient au Kosovo."

 25   A ce sujet, je dois dire que cela n'est pas logique. La référence à la

 26   déclaration de Minic qui a été faite huit mois avant lors d'une réunion du

 27   commandement conjoint ne peut pas avoir de lien avec les événements d'avril

 28   1999. Si vous vous penchez sur ce qu'il a dit, Minic, pièce P1468, il est


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  1   impossible de savoir de quoi il parle. Cela a quelque chose à voir avec un

  2   rapport des médias sur quelque chose qui se passe à Junik. Et on ne peut

  3   pas dire que cela a à voir avec avril 1999.

  4   Deuxièmement, dire que des ordres comparables à l'époque n'étaient pas

  5   honnêtes, aussi, n'est pas sérieux. Ces ordres émanaient de Pavkovic et ils

  6   étaient envoyés à toutes les unités placées sous son commandement.

  7   Lazarevic; toutes les unités sous commandement. Et dire qu'ils n'étaient

  8   pas honnêtes, qu'ils étaient peu sincères, il faudrait étayer cela par des

  9   éléments de preuve. Il faudrait démontrer que quelque chose a incité à ne

 10   pas respecter cet ordre. Il s'agissait d'ordres qui étaient tout à fait

 11   confidentiels, ils n'étaient pas publics. Rien ne nous permet de penser

 12   qu'il s'agissait de demander de ne pas en tenir compte. Ces documents ne

 13   sont devenus publics pour la première fois probablement que devant ce

 14   Tribunal.

 15   Nous avons deux conclusions raisonnables qui sont en concurrence ici.

 16   La Chambre aurait dû adopter celle qui pointe vers l'innocence et cela n'a

 17   pas été fait.

 18   Volume III, paragraphe 1 172, la Chambre est allée au-delà et a

 19   souligné les éléments de preuve portant sur des cas de violence et

 20   d'intimidation à d'autres endroits sur la base d'ex-membres de la VJ, K90,

 21   K73 et K54. K90 décrit comment son unité a expulsé les Albanais kosovars de

 22   leurs foyers pendant la campagne de l'OTAN. Sa déclaration écrite a été

 23   versée au dossier. Elle est écrite en anglais. Il s'agit en fait de

 24   comprendre comment ces déclarations ont été prises. On auditionnait le

 25   témoin et puis on transcrivait sa déclaration en anglais, puis on la

 26   dactylographiait, et puis un interprète donnait lecture de cette

 27   déclaration au témoin par la suite, lui demandant de la lire. C'est ce qui

 28   s'est passé avec la déclaration écrite du K90. Mais il a dit dans le


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  1   prétoire qu'il n'était pas tout à fait sûr de ce qu'on lui a lu. Page 9 309

  2   du compte rendu d'audience. Et pour ce qui est de la formulation consistant

  3   à dire qu'on a expulsé des villageois, il a dit que ce n'était pas une

  4   bonne traduction. Il a dit qu'on les a relogés pour les mettre en sécurité.

  5   Page 9 298. La Chambre de première instance n'a finalement pas clarifié que

  6   ce témoin a affirmé que sa déclaration écrite n'était pas correcte, n'était

  7   pas exacte. Et il a déposé sous serment dans le prétoire, il a été contre-

  8   interrogé. C'est quelque chose qui devrait primer sur sa déclaration

  9   écrite.

 10   Qu'est-ce qu'il a dit dans le prétoire :

 11   "Je peux garantir que personne n'a pu ou n'a été autorisé à prendre quoi

 12   que ce soit sur lui pendant la guerre au Kosovo. Dans mon unité, je ne sais

 13   pas ce qui s'est passé dans d'autres unités, mais là où j'étais, dans mon

 14   unité, personne n'a eu le droit de toucher à quoi que ce soit qui

 15   appartenait à quelqu'un d'autre. Les gens qui ont été attrapés en faisant

 16   cela se sont retrouvés en prison." Page 9 063 [comme interprété] du compte

 17   rendu d'audience.

 18   Quant à K73, compte rendu d'audience 3 324, il décrit comment il a

 19   aidé un couple albanais. Il dit :

 20   "Tout simplement, nous respections ces gens, nous avons essayé de les

 21   aider de toutes les manières possibles et inimaginables."

 22   Maintenant, pour une raison quelconque à ce stade, le Juge Bonomy a

 23   interrompu sa déposition et a dit qu'il s'agissait "d'éléments qui

 24   n'étaient pas tout à fait substantiels." Et il a demandé à M. Hannis

 25   d'arrêter. Puis, M. Hannis a dit :

 26   "Bon, je vous arrête là."

 27   Compte rendu d'audience 3 367. Le témoin a dit :

 28   "Je n'ai jamais tiré sur des civils, femmes, enfants. Cela est


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  1   contraire à tous mes principes militaires, les principes militaires de mon

  2   armée yougoslave et de mon unité. Nous n'avons jamais fait cela, je vous le

  3   jure. J'ai toujours dit à mes soldats, mes subordonnés, si jamais on entend

  4   parler de cela, si jamais j'entends dire que quelqu'un a fait une chose

  5   pareille, même si je ne l'ai pas vu, si quelqu'un a tué des civils, a violé

  6   des femmes, a fait des choses comparables, c'est moi qui vais vous

  7   poursuivre pour ça. Et j'affirme cela; que dans mon unité, jamais personne

  8   n'a commis de crimes."

  9   Et K73 dit que la raison pour ce déplacement était que l'ALK était

 10   vêtue en civil, se cachait parmi les civils albanais et qu'ils allaient les

 11   envoyer à Korenica, ils ont reçu l'ordre de les envoyer à Korenica où la

 12   police allait pouvoir vérifier qui ils étaient en comparant leurs noms aux

 13   listes de membres de l'ALK. Il le dit, que c'était une raison militaire qui

 14   a présidé à cette action d'essayer d'identifier des soldats de l'ALK et de

 15   les retirer des groupes de civils. Ils ont été envoyés à Korenica et il

 16   s'est produit quelque chose de plutôt atroce là-bas où nombreux ont été

 17   tués.

 18   Le témoin et son unité ont été réaffectés avec Lazarevic en tant que

 19   garde du corps et il a dit que pendant cette époque, avec Lazarevic à

 20   Pristina, il n'a jamais vu Pavkovic. Il ne l'a jamais vu nul part. Page 3

 21   392 du compte rendu d'audience. Il y a une controverse sur ce discours de

 22   Pavkovic où prétendument il aurait dit qu'il fallait se débarrasser

 23   d'Albanais. Ce témoin dit qu'il voulait dire qu'il fallait briser leurs

 24   unités afin de pouvoir se battre contre l'OTAN sans se préoccuper des

 25   Albanais qui étaient derrière leurs unités, derrière leur dos. A l'époque,

 26   ils s'attendaient à une invasion terrestre par l'OTAN. Ils ne pouvaient pas

 27   faire face à cela s'ils avaient derrière leurs positions des Albanais,

 28   s'ils étaient, en fait, dans un encerclement.   


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  1   K54 a dit que les Albanais ont été expulsés de Petrovo Selo, mais

  2   l'objectif n'était pas clair, et il n'a absolument pas dit qu'ils ont

  3   quitté le Kosovo ou qu'on les a forcés à quitter le Kosovo. Il n'est pas

  4   tout à fait clair si on les a relogés pour leur sécurité, avec ces

  5   bombardements à proximité.

  6   J'ai plus d'éléments d'information ici sur l'armement et sur le

  7   désarmement, mais je vais passer cela et je vais parler plutôt des

  8   violations des accords d'octobre. Il s'agit du troisième moyen de notre

  9   appel et il en est question au Volume III, aux paragraphes 685 à 690 du

 10   jugement de la Chambre de première instance sous l'intitulé "Violations des

 11   accords d'octobre". L'affirmation est la suivante : Pavkovic aurait violé

 12   les accords d'octobre en déployant les unités de la VJ au Kosovo, en les

 13   amenant au Kosovo. Et cette affirmation, simplement, n'est pas vraie, n'est

 14   étayée par aucun élément de preuve. Quel est le contexte ? Le contexte est

 15   le suivant : il y a eu des restrictions qui ont été imposées sur la VJ par

 16   les accords d'octobre, l'ALK a pu se reconstituer dans une large mesure et

 17   reprendre possession de nombreuses zones qui avaient été abandonnées. En

 18   1999 s'intensifiait la menace d'intervention de l'OTAN. La conférence de

 19   Rambouillet a été organisée et le processus de paix n'était pas très

 20   convainquant. La République fédérale de Yougoslavie commence à se préparer

 21   pour une invasion. Il est nécessaire de renforcer les effectifs au Kosovo

 22   où l'ALK est, elle, en train d'apporter des renforts. Ce n'est pas le

 23   programme de Pavkovic, mais c'est quelque chose qui est activé au plus haut

 24   niveau du gouvernement de la Yougoslavie fédérale.

 25   Le 16 janvier 1999, le général Ojdanic émet sa directive dans le

 26   cadre de Grom 3, basée sur l'introduction des forces d'une brigade

 27   multinationale au Kosovo. Il parle des renforts des forces de la VJ au

 28   Kosovo qui ont récemment débuté. Il attribue des responsabilités concrètes


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  1   à la 3e Armée à cet égard. C'est un document important pour comprendre les

  2   prétendues violations, le document 3D690, j'entends.

  3   Je vous réfère au document 3D557, page 7, document du 3 décembre

  4   1998. Dimitrijevic dit au collegium que l'ALK n'a pas été restreinte et

  5   qu'elle se reconstitue, se renforce et constitue une menace. Document

  6   3D1025, 6 décembre 1998, Dimitrijevic reçoit un rapport sur la

  7   concentration des troupes de l'ALK dans la région de Podujevo. 3D1026

  8   [comme interprété] du 26 décembre. Dimitrijevic reçoit un rapport de

  9   l'organe de sécurité que les tranchées, les bunkers de l'ALK, se situent le

 10   long de la route près de Podujevo, qu'ils tirent sur la VJ qui se déplace

 11   le long de cette route. P928, 24 décembre, à la réunion du collegium, ce

 12   que dit Dimitrijevi :

 13   "Les terroristes, en nombre croissant, agissent contre les Serbes,

 14   constituent un danger particulier en ce moment, l'intention est de les

 15   intimider, de les encourager à sortir du Kosovo et Metohija, et d'apporter

 16   des activités terroristes dans les zones habitées."

 17   A ce moment-là, cela se passe plus souvent dans la zone de Podujevo,

 18   où plusieurs villages serbes sont quasiment complètement abandonnés.

 19   Pièce P936 du 14 janvier 1999, nous avons une autre réunion du

 20   collegium, i s'agit des unités subordonnées du Corps de Pristina qui ont

 21   été dépêchées suite à un ordre précis donné par le général Ojdanic.

 22   Pavkovic n'y a pas pris part. Dimitrijevic, page 11, propose que des forces

 23   supplémentaires seraient éventuellement nécessaires au Kosovo pour faire

 24   face à la menace terroriste.

 25   Volume III, paragraphe 689, la Chambre affirme :

 26   "Au début de l'année 1999, Pavkovic a amené un certain nombre

 27   d'unités au Kosovo pour renforcer la VJ."

 28   Dans le jugement, il n'en est pas question, mais cela est


Page 327

  1   probablement couvert par le reste du paragraphe qui se lit comme suit :

  2   "Pavkovic a déployé la 72e Brigade spéciale à l'intérieur du Kosovo

  3   avant le 25 février 1999 en dépit de l'instruction reçue par Odjanic de la

  4   garder dans la zone frontière."

  5   Ceci est couvert de manière intégrale par notre mémoire au début de

  6   paragraphe 164. Et je voudrais simplement ajouter la chose suivante. La

  7   pièce P1948 constitue l'ordre d'Ojdanic qui porte sur cette unité, et vous

  8   verrez au paragraphe 1 de l'ordre que l'objectif de l'ordre est de mener à

  9   bien des missions antiterroristes et antisabotages. Ce sont les seules qui

 10   peuvent être menées au Kosovo. Très clairement, c'est un ordre à la 72e

 11   Brigade d'être envoyée au Kosovo. Rien dans cet ordre ne dit qu'il faille

 12   la garder au niveau de la zone frontière et la garder à l'extérieur du

 13   Kosovo.

 14   P941, lors d'une réunion de l'instance collégiale, Ojdanic dit à la page 24

 15   qu'il est en désaccord avec les propositions faites que le 72e Bataillon de

 16   police militaire soit déployé au Kosovo, mais il a signé l'ordre portant

 17   là-dessus. Alors, pourquoi dit-il lors de cette réunion de l'instance

 18   collégiale qu'il n'est pas d'accord ? Ensuite, il dit avoir ordonné que

 19   soit déployé ce dernier au pourtour du Kosovo. Cela n'est pas vrai non

 20   plus, parce qu'il ne l'a pas ordonné. Il est bouleversé par le fait qu'ils

 21   ont été transférés au Kosovo et qu'ils aient été divisés. Il dit qu'après

 22   Dimitrijevic se soit plaint que ces unités ne devaient pas être déplacées

 23   sans qu'il soit consulté. Page 16. Il est important de savoir qu'Ojdanic

 24   n'a absolument rien fait après qu'il ait dit qu'il avait donné l'ordre

 25   qu'il soit conservé à la frontière, ou qu'il reste à la frontière. Il n'a

 26   absolument rien fait pour les faire revenir au Kosovo.

 27   Lui et Dimitrijevic savaient tous deux qu'ils agissaient ou

 28   intervenaient à l'intérieur du Kosovo, et c'est clair d'après le rapport de


Page 328

  1   l'organe de la sécurité du 2 mars 1999, qui fait rapport de la mission

  2   couronnée de succès qui a été menée par cette unité. Nous ne saurons jamais

  3   si Ojdanic lors de cette réunion -- pourquoi il a dit cela, et pourquoi il

  4   a dit quelque chose qui était complètement contraire à ses ordres.

  5   Pavkovic a dit dans son entretien P1319, il n'a pas dit qu'il a fait

  6   intervenir des troupes supplémentaires au Kosovo. Il a dit que la VJ l'a

  7   fait, et il s'agit là d'une déclaration exacte. Il a reçu l'ordre, il a

  8   organisé ceci au plus haut niveau. Les éléments de preuve sont très clairs

  9   à cet égard. Ce n'est pas quelque chose qu'il aurait pu faire tout seul.

 10   Ensuite, le 6 mars 1999, l'état-major du commandement Suprême,

 11   Ojdanic, ordonne le transfert de la 37e Brigade motorisée par la 2e Armée

 12   et la 3e Armée, "compte tenu du fait qu'il y a une menace qui est posée en

 13   termes de sécurité à la République fédérale de Yougoslavie dans la zone du

 14   Corps de Pristina afin de fournir des forces appropriées pour la mise en

 15   œuvre des tâches de la 3e Armée en vertu des articles 5 et 6 de la Loi de

 16   l'armée yougoslave."

 17   5D261, 13 mars 1999, l'état-major général, il s'agit d'un ordre signé

 18   par l'adjoint du général Marjanovic, qui ordonne la mobilisation et/ou la

 19   mobilisation partielle d'un certain nombre d'unités, ordonnant ainsi leur

 20   resubordination. La 252e Brigade blindée de la 1ère Armée à la 3e Armée. Le

 21   Bataillon mécanisé du 212e [comme interprété] devait être envoyé à Baja et

 22   à Malo Kosovo, près de Podujevo. 3D683 n'est pas cité par la Chambre de

 23   première instance, 16 mars 1999, l'état-major général de Marjanovic a

 24   encore une fois ordonné que la 72e Brigade spéciale de reconnaissance et le

 25   Bataillon de sabotage soient subordonnés à la 3e Armée. Aucune demande

 26   émanant de Pavkovic n'est démontrée dans la préambule, ni dans les éléments

 27   de preuve.

 28   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Ackerman, je me demande


Page 329

  1   s'il s'agit d'un moment opportun pour faire la pause. Nous allons vous

  2   accorder encore dix minutes après que nous reprendrons.

  3   M. ACKERMAN : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Et nous allons avoir une pause de 30

  5   minutes. Nous reprendrons à 11 heures 50.

  6   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française. Remplacez "défaut et

  7   manquement," concernant la question posée par la Chambre d'appel, par "vise

  8   de forme," et remplacez "corriger le vise de forme en question" par

  9   "purger."

 10   M. ACKERMAN : [interprétation] Merci.

 11   --- L'audience est reprise à 11 heures 20.

 12   --- L'audience est suspendue à 11 heures 51.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître Ackerman.

 14   M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais conclure rapidement. Très

 15   simplement, il n'existe pas d'élément de preuve ou de déposition ou de tout

 16   autre élément qui permettrait d'étayer la conclusion que Pavkovic a fait

 17   venir les unités de la VJ au Kosovo en violation des accords d'octobre.

 18   L'état-major général a ordonné aux forces de la VJ de venir au Kosovo.

 19   Ensuite, deux ou trois exemples qui citent la demande émanant de Pavkovic,

 20   mais il s'agit de transferts en direction du Kosovo qui sont à l'origine

 21   donnés par les ordres de l'état-major du commandement Suprême et non pas de

 22   la 3e Armée. Aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait pu

 23   parvenir à cette conclusion, celle qui a été conclue à cet égard par la

 24   Chambre de première instance.

 25   Madame, Messieurs les Juges, il me reste un petit peu de temps, je souhaite

 26   passer maintenant à d'autres documents. P1436, il s'agit d'un document sur

 27   lequel s'est appuyée l'Accusation et la Chambre de première instance pour

 28   établir que Pavkovic violait les ordres de son supérieur hiérarchique,


Page 330

  1   Samardzic.

  2   Le 5 octobre 1998, Pavkovic a envoyé un document à Samardzic et la Chambre

  3   l'a mal interprété parce qu'elle a pensé que ceci était dû en partie à des

  4   problèmes de traduction et en partie dû au fait que l'on a ignoré une

  5   partie très importante de sa déposition. Au paragraphe 2, il parle d'un

  6   plan qui avait reçu l'agrément du président qui envisageait la formation de

  7   forces d'intervention rapide. Pavkovic a dit qu'il a téléphoné à Samardzic

  8   à son retour de la réunion du commandement conjoint les 19 et 20 septembre

  9   et l'a informé de la décision du commandement conjoint de créer ces forces

 10   d'intervention rapide. Il a ensuite transmis cette décision à Samardzic;

 11   Samardzic a rejeté cet ordre, 168-262, 3 octobre. Parce qu'il fallait mener

 12   à bien le plan tel qu'énoncé au paragraphe 2 et le fait de nier la création

 13   de ces forces d'intervention rapide, maintenant il demande au commandement

 14   de la 3e Armée de décider de la composition des forces pour mener à bien le

 15   plan qui a fait l'objet d'un ordre donné par le président sans pour autant

 16   avoir recours à une force d'intervention rapide. Le préambule fait

 17   référence à ce document du 5 octobre 1998 qui fait état d'un ordre émanant

 18   de la 3e Armée, 168-262 du 3 octobre. Au paragraphe 1 de ce document, il

 19   informe Samardzic qu'il n'a pas constitué de nouveaux groupes en violation

 20   de l'ordre qui lui interdisait de le faire, 3 octobre. La question est plus

 21   compliquée par le fait que le 3 octobre, numéro 162-262, il n'y a pas

 22   d'élément de preuve pour étayer cela en l'espèce. Cela est précisé,

 23   cependant, par la déposition en l'espèce. La controverse au sujet du

 24   paragraphe 1, comme il est dit :

 25   "Contraire aux ordres, le commandement du Corps de Pristina et des nouveaux

 26   groupes de combat n'ont pas été constitués."

 27   En réalité, il s'agit d'une erreur de traduction. Cela devrait se lire de

 28   la façon suivante :


Page 331

  1   "Le commandement du Corps de Pristina n'a pas constitué de nouveaux groupes

  2   de combat, comme vous l'avez ordonné."

  3   Donc, je crois qu'il ne s'agissait pas d'une quelconque violation d'un

  4   ordre, cela est apparu clairement.

  5   Le 19 octobre, le Témoin Radinovic est interrogé par M. le Juge Bonomy

  6   concernant ce document. Il est clair que le Juge Bonomy pense que c'est à

  7   cause de la traduction anglaise car il montre que Pavkovic a violé l'ordre

  8   donné par Samardzic, et Radinovic a du mal à comprendre la question parce

  9   qu'il regarde la version en B/C/S du document. Donc lui, il lit quelque

 10   chose de différent. Bonomy fait état de cela et il lui demande de regarder

 11   le paragraphe 1, et il estime que le libellé est contraire à vos ordres.

 12   Ensuite, il lui demande de regarder le deuxième paragraphe, au point 2, où

 13   Pavkovic indique qu'il appelle Samardzic après la réunion du commandement

 14   conjoint pour l'informer de la décision d'établir rapidement des forces

 15   d'intervention rapide. Et Bonomy, ensuite, lui demande comment il comprend

 16   la situation. Radinovic dit que le document précise que le commandant n'a

 17   pas autorisé la création de forces d'intervention de déploiement rapide.

 18   Ensuite, le Juge pose la question :

 19   "Mais est-ce que cela ne laisse pas l'impression que le général Pavkovic a

 20   simplement fait cela, n'est-ce pas ?"

 21   Radinovic répond :

 22   "Eh bien, il l'a sans doute proposé parce que les groupes de combat avaient

 23   été créés un peu plus tôt, ils étaient engagés dans d'autres missions et il

 24   faudrait intervenir et il n'y avait pas de forces adéquates à cette fin,

 25   donc il en fait la demande et demande à ce qu'un type de force soit créé."

 26   Ensuite, aux pages du compte rendu d'audience 17 340 et 341. Radinovic,

 27   clairement, lit ce document et comprend qu'il s'agit d'une demande aux fins

 28   de créer quelque chose qui ressemble à une force pour remplacer les groupes


Page 332

  1   de combat qui avaient été rejetés.

  2   Plus tôt, le Procureur de la Chambre, M. Hannis, a présenté le document

  3   P1439, et le porte à l'attention d'Aleksandar Vasiljevic. Hannis également

  4   pense qu'il s'agit des éléments de la déposition de Pavkovic qu'il avait

  5   désobéi à un ordre de Samardzic. La déposition de Vasiljevic est encore

  6   plus claire. Encore une fois, Vasiljevic regarde la version en B/C/S du

  7   document. Le Procureur Hannis lui montre le libellé du paragraphe 1, qui

  8   dit, "Qui est contraire à vos ordres du Corps de Pristina, à savoir qu'il

  9   n'y a pas eu de création de nouveaux groupes de combat." Ensuite, il lui

 10   pose la question suivante :

 11   "Dans quelles circonstances un subordonné pouvait-il désobéir à un ordre

 12   d'un commandant supérieur ?"

 13   Vasiljevic répond que si on regarde la constitution et les lois, il

 14   faudrait agir de la façon suivante :

 15   "De quoi s'agit-il ? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question

 16   controversée, ici. Il a simplement déclaré que le Corps de Pristina n'avait

 17   pas constitué ces nouveaux groupes de combats encore."

 18   Ensuite, on lui demande de regarder le libellé du paragraphe 2 et on lui

 19   pose une question sur les relations entre la 3e Armée, le Corps de Pristina

 20   et le commandement conjoint. Et Vasiljevic de répondre :

 21   "Je crois que le commandant de la 3e Armée a compétence sur le commandement

 22   du Corps de Pristina. Et si vous lisez cela, le premier paragraphe, il dit

 23   que le Corps de Pristina n'a pas constitué de groupes de combat en

 24   violation à votre ordre et que l'ordre, en réalité, interdit une telle

 25   création, une telle formation, de tels groupes. Ceux-ci n'ont pas été créés

 26   et ceci n'était pas en violation, en d'autres termes, à l'ordre qui a été

 27   respecté."

 28   A ce stade, l'Accusation poursuit et parle. Aux pages du compte rendu


Page 333

  1   d'audience T093 [comme interprété] à 95. Les deux témoins militaires ont

  2   clairement indiqué que ce document avait été mal interprété ou mal lu.

  3   En réponse à un mémoire supplémentaire, nous avons une annexe qui est en

  4   pièce jointe et qui montre qu'un nombre important de villages étaient en

  5   dehors de la zone frontalière, qu'il s'agit en fait de différents ordres et

  6   de rapports qui ont été donnés à l'époque. Nous faisons valoir que la VJ

  7   n'est pas intervenue en dehors de la zone frontalière à proprement parler.

  8   L'Accusation a contesté cette annexe en disant que nous ne l'avions pas

  9   citée. Il n'y avait pas d'éléments de preuve dans ces derniers. Les

 10   éléments de preuve, Mesdames, Messieurs les Juges, 4D381, il s'agit d'une

 11   carte importante. Il est aisé de trouver ces villages à l'extérieur de la

 12   frontière sur cette carte.

 13   Je crois que mon temps imparti a expiré. Je souhaitais simplement dire que

 14   si j'avais encore une heure, je pourrais vous parler de bon nombre d'autres

 15   choses. Je n'ai pas le temps de le faire. Je crois qu'il s'agit de

 16   questions importantes, et je crois que vous devriez savoir que je n'ai pas

 17   le temps d'aborder ces questions. Mais je les aborderai plus tard.

 18   Je souhaite insister sur certains éléments dont je vous ai parlé ce matin

 19   pour vous dire qu'il faut y prêter grande attention lorsque vous allez

 20   prononcer votre jugement, Mesdames, Messieurs les Juges de la Chambre, et

 21   voir s'il s'agit d'éléments de preuve permettant d'étayer tout cela. J'ai

 22   montré aujourd'hui qu'il y avait derrière de tout cela quelque chose

 23   d'important --

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] M. le Juge Guney a une question.

 25   Monsieur Ackerman.

 26   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Monsieur Ackerman, comme vous le

 27   savez, le 21 juillet 1998, un plan comprenant des mesures à la fois

 28   militaires et politiques en vue de combattre et de supprimer le terrorisme


Page 334

  1   a été adopté. Quelles mesures, immédiates et importantes, ont été prises

  2   suite à ce plan, qui a été approuvé dans la résidence de Milosevic à

  3   Belgrade ? Veuillez faire de la lumière là-dessus.

  4   M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Juge, il s'agit d'un document

  5   extrêmement important en l'espèce. L'Accusation faisait valoir pendant

  6   toute la durée de la présentation de ses moyens à charge que la VJ était

  7   utilisée en dehors de la zone frontalière au Kosovo par Pavkovic, sans

  8   qu'il n'ait reçu des ordres et en contournant la chaîne de commandement,

  9   que ceci était illégal et inconvenant et que cela ne pouvait pas être fait.

 10   Cela a beaucoup surpris l'Accusation lorsque nous avons montré ce document

 11   à un témoin, le 4D139, et ensuite le 4D140, qui est la version de la 3e

 12   Armée de ce même document. C'est le 4D137, me dit-on. Quoi qu'il en soit,

 13   ce document autorise et ordonne, et cela émane de Perisic, qui quatre ou

 14   cinq jours auparavant, avait dit à Milosevic que la VJ ne devrait pas être

 15   utilisée en dehors de la zone frontalière, parce que c'était illégal. Aucun

 16   texte de loi n'a permis de démontrer que ceci est illégal. En tout cas,

 17   c'est ce qu'avançait Perisic. Quoi qu'il en soit, ceci ordonnait l'emploi

 18   de la VJ en dehors de la zone frontalière. Et ensuite, il y a eu une 3e

 19   Armée qui a reçu des ordres et il a été ordonné que la VJ soit utilisée

 20   immédiatement en dehors de la zone frontalière. Et pour finir, c'est une

 21   question que même les Juges de la Chambre se sont mis d'accord, que

 22   l'emploi de la VJ en dehors de la frontière du Kosovo a été autorisé à

 23   partir du 21 juillet. Est-ce que j'ai répondu à votre question ?

 24   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est le Juge T, s'il vous plaît.

 26   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Maître Ackerman, peut-être que ceci est une question que vous auriez abordé

 28   pendant cette heure que vous n'avez pas, mais vous avez abordé la question


Page 335

  1   d'un accord, et dans votre mémoire en appel, vous faites valoir que la

  2   Chambre de première instance a commis une erreur à l'égard de l'existence

  3   de l'entreprise criminelle commune, car il aurait dû y avoir, et je cite,

  4   au paragraphe 25, "un véritable plan provenant d'un véritable accord." Et

  5   le mémoire se poursuit :

  6   "Et ceci ne peut pas être concrétisé à partir de rien ou à partir

  7   d'événements sur le terrain. Un accord doit exister."

  8   Veuillez développer cet argument, s'il vous plaît, et nous expliquer ce que

  9   vous entendez par un "véritable accord". Bien évidemment, si vous vous

 10   penchez sur la jurisprudence des Tribunaux, vous constaterez qu'il existe

 11   la suggestion suivante : l'objectif commun n'exige pas qu'il existe un

 12   accord spécifique et formel concernant les différents éléments en présence.

 13   Mais en même temps, si vous vous penchez sur la jurisprudence, vous

 14   constaterez qu'il doit exister un accord, des dispositions, quelque chose

 15   qui puisse être assimilé à un accord. Merci.

 16   M. ACKERMAN : [interprétation] Il y a deux réponses; une longe et une

 17   courte.

 18   Le problème se pose de la façon suivante : si nous prenons une série de

 19   faits et si l'on tente d'impliquer ces faits simplement en raison de la

 20   manière dont ces faits sont liés entre eux, qu'il devait exister quelque

 21   chose qui ressemblait à un accord, et que donc il devait y avoir une

 22   entreprise criminelle commune, à mon sens, c'est une voie dangereuse que

 23   celle-là, car il faut prouver les éléments au-delà de tout doute

 24   raisonnable devant un tribunal pénal. Même si la loi prévoit que cela

 25   puisse découler de la situation, le groupe faisant partie de l'entreprise

 26   criminelle commune doit exister, il doit y avoir un accord entre les

 27   membres de cette entreprise criminelle commune pour savoir quel est

 28   l'objectif et ils doivent mutuellement s'aider dans ce processus. Même s'il


Page 336

  1   n'y a pas d'accord officiel ou de document écrit, il doit néanmoins y avoir

  2   un mode de communication entre les membres de l'entreprise criminelle

  3   commune. Tel est l'objectif que nous allons poursuivre ensemble. Et c'est

  4   ce qui ne figure pas dans les éléments de preuve en l'espèce; rien ne

  5   permet d'indiquer qu'il y avait quelque chose de la sorte. Il y a des

  6   centaines de pages de réunions des instances collégiales de l'état-major,

  7   des centaines de pages de documents à un niveau très élevé, et dans aucun

  8   de ces documents n'est-il fait mention d'un plan visant à expulser des

  9   Albanais du Kosovo pour les raisons qui ont été avancées. Ce que je dis est

 10   que sans aucun élément de preuve pour dire que ces gens avaient un plan,

 11   qu'ils y travaillaient ensemble, que cela allait l'emporter sur le doute

 12   raisonnable et que cela se passerait différemment, ne permet pas de prouver

 13   l'existence d'une entreprise criminelle commune.

 14   Est-ce que j'ai répondu à votre question ?

 15   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Est-ce que c'était la réponse

 16   courte ou la réponse longue ?

 17   M. ACKERMAN : [interprétation] C'était la réponse courte.

 18   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] J'aurais besoin d'avoir une

 19   réponse courte sur la question d'un véritable accord.

 20   M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense qu'il n'y en a pas eu d'accord. Il

 21   n'y en avait pas du tout.

 22   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais juste

 23   avoir votre définition d'un accord réel.

 24   M. ACKERMAN : [interprétation] Pour qu'il y ait un accord véritable, encore

 25   faut-il qu'il y ait des éléments de preuve qui montrent que toutes les

 26   personnes faisaient partie de cette entreprise criminelle commune et que

 27   tous les membres de l'entreprise criminelle commune avaient le même

 28   objectif, qu'ils étaient d'accord à propos de ce qu'ils faisaient. Si cela

 


Page 337

  1   n'existe pas, il n'y a pas d'entreprise criminelle commune.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] M. le Juge Pocar a une question à vous

  3   poser.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'ai bien entendu votre réponse, Maître

  5   Ackerman, et j'essaie de comprendre votre propos. Est-ce que vous êtes en

  6   train de suggérer que l'on ne peut pas prouver par des éléments de preuve

  7   indirects qu'il y ait eu un accord réel ?

  8   M. ACKERMAN : [interprétation] Non, non, tout à fait, mais les éléments de

  9   preuve indirects, cela peut poser problème. Une fois de plus, encore faut-

 10   il que cela soit prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Point n'est

 11   besoin d'avoir un accord écrit, certes - c'est ce que le Tribunal indique -

 12   mais je ne suis pas forcément obligé d'accepter tout ce qui a été déterminé

 13   et établi par ce Tribunal. Si vous n'avez pas de preuve d'accord véritable,

 14   s'il n'y a pas eu discussion portant sur l'accord véritable, vous n'avez

 15   pas d'accord véritable.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que le moment est venu pour que

 18   l'Accusation, maintenant, réponde.

 19   M. SCHNEIDER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   Juste une petite seconde pour que je me prépare.

 21   Une petite minute supplémentaire. Mesdames, Messieurs les Juges, j'ai

 22   préparé des tableaux que je souhaiterais distribuer qui vous seront utiles

 23   pendant mon intervention. Je souhaiterais que cela soit distribué à toutes

 24   les personnes présentes dans le prétoire.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois comprendre que cela nous sera

 26   utile.

 27   M. SCHNEIDER : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais il ne s'agit pas d'éléments de


Page 338

  1   preuve ?

  2   M. SCHNEIDER : [interprétation] Non, non, il ne s'agit pas d'éléments de

  3   preuve et cela ne fait absolument pas partie du dossier. Il s'agit tout

  4   simplement d'une liste de conclusions et de constatations établies par la

  5   Chambre de première instance et je vais y faire référence lors de mon

  6   intervention. Mais bien entendu, comme vous l'avez indiqué à juste titre,

  7   il ne s'agit absolument pas d'éléments de preuve.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Je vous en prie.

  9   M. SCHNEIDER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 10   Et je commencerai par dire que le général Pavkovic était un des membres

 11   principaux de l'entreprise criminelle commune. En tant que commandant de la

 12   3e Armée en 1999, il a donné l'ordre à ses troupes de participer à des

 13   opérations conjointes avec le MUP sur tout le territoire du Kosovo avec

 14   l'intention qu'ils s'engagent dans une campagne de terreur et de violence

 15   pour chasser les Albanais du Kosovo. Ces opérations se sont soldées par des

 16   meurtres, des assassinats, des agressions sexuelles et le déplacement de

 17   plus de 700 000 Albanais du Kosovo.

 18   Il a dissimulé les crimes de ses subordonnés ou il n'a pas pris de mesures

 19   dignes de ce nom pour réagir après ces crimes, ce qui fait qu'il a créé une

 20   atmosphère où les auteurs de ces crimes estimaient qu'ils pouvaient se

 21   livrer à ces crimes et pouvaient se livrer à d'autres crimes en toute

 22   impunité. La Chambre de première instance a conclu de façon tout à fait

 23   raisonnable, au vu de ces éléments de preuve et d'autres éléments de

 24   preuve, que M. Pavkovic partageait l'intention des autres membres de

 25   l'entreprise criminelle commune, à savoir Nikola Sainovic et Sreten Lukic,

 26   et que Pavkovic a apporté une contribution considérable au plan criminel

 27   commun.

 28   Nous allons nous concentrer sur deux éléments essentiels. Plus précisément,


Page 339

  1   je parlerai de la mens rea de M. Pavkovic, je répondrai aux questions que

  2   vous nous avez posées à propos de la première et la troisième catégories de

  3   l'entreprise criminelle commune pour ce qui est de M. Pavkovic. Mon

  4   collègue, M. Menon, vous parlera de l'actus reus et des liens de l'actus

  5   reus avec M. Pavkovic.

  6   A titre liminaire, il faut indiquer qu'aujourd'hui le conseil de M.

  7   Pavkovic n'a pas bien présenté le critère d'examen en appel. Il s'est

  8   contenté tout simplement de répéter ce qui avait déjà été dit en première

  9   instance alors qu'il aurait dû démontrer qu'aucune Chambre de première

 10   instance raisonnable n'aurait pu parvenir aux constatations par rapport à

 11   la globalité des éléments de preuve. Par exemple, il a mis en exergue

 12   aujourd'hui certaines pièces, des pièces présentées hors de contexte, qui

 13   vont à l'encontre des constatations et des conclusions de la Chambre de

 14   première instance. Un exemple classique s'il en fut est la façon dont il a

 15   parlé des mesures non efficaces que la Chambre de première instance a

 16   indiqué que M. Pavkovic avait prises.

 17   Un autre exemple, c'est qu'il n'a pas pris en considération la totalité du

 18   jugement en première instance. J'en veux pour preuve ce qu'il a indiqué

 19   aujourd'hui à propos du Témoin K90. La Chambre de première instance était

 20   parfaitement informée qu'il y a une différence entre la déclaration écrite

 21   du Témoin K90 pour ce qui est de l'utilisation du terme "expulsé" et sa

 22   déposition ici lorsqu'il a parlé de "réinstallé". La Chambre de première

 23   instance a précisément abordé cet élément au paragraphe 74 de son deuxième

 24   Volume du jugement et a expliqué pourquoi il était tout à fait raisonnable

 25   de considérer que le Témoin K90 était un témoin crédible à ce sujet et pour

 26   d'autres éléments.

 27   Nous n'allons aujourd'hui nous intéresser qu'à deux éléments - la mens rea

 28   et l'actus reus - donc nous n'allons pas revenir sur la façon dont est


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  1   contestée l'existence de l'objectif commun. Nous allons nous référer plutôt

  2   à ce qui a été indiqué par M. Kremer à ce sujet hier, pages 217 à 232 du

  3   compte rendu de la journée d'hier, et également aux paragraphes 15 à 28

  4   dans notre mémoire en appel de Pavkovic.

  5   J'aimerais maintenant aborder l'intention partagée par M. Pavkovic pour

  6   l'entreprise criminelle commune. Il faut savoir que dans la question 10 de

  7   votre addendum, vous avez présenté une possibilité, et voilà quelle est la

  8   question :

  9   "Indiquer dans quelle mesure les constatations et conclusions de cette

 10   Chambre de première instance pour chaque appelant convoqué de la première

 11   catégorie d'entreprise criminelle commune -- indiquer si l'actus reus et la

 12   mens rea d'un membre de l'entreprise criminelle commune doivent être

 13   prouvés avant l'existence de l'objectif commun de l'entreprise commune."

 14   J'aimerais maintenant aborder la partie mens rea, et mon collègue, M.

 15   Menon, parlera de l'actus reus.

 16   Hier, Mme Salgado de l'Accusation a indiqué quelle était notre position.

 17   Comme elle l'a expliqué, nous comprenons que vous nous demandez si pour

 18   chaque accusé de l'entreprise criminelle commune il a été déterminé qu'il y

 19   avait une intention partagée pour cette entreprise criminelle commune avant

 20   l'existence de l'objectif commun. En un mot comme en cent, la réponse pour

 21   M. Pavkovic est non. La Chambre de première instance a conclu que Pavkovic

 22   partageait l'intention de l'entreprise criminelle commune, et ce, au vu de

 23   toute une série d'éléments de preuve pendant le conflit de 1999, époque à

 24   laquelle les crimes ont été commis. Par exemple, Pavkovic a donné l'ordre

 25   le 7 mai 1999 pour que ses troupes contrôlent les déplacements des civils

 26   albanais du Kosovo. Cela figure au paragraphe 736 du Volume numéro III.

 27   De surcroît, lors du conflit de 1999, M. Pavkovic n'a absolument rien fait

 28   face à ces déplacements en masse, déplacements contraints, et face aux


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  1   crimes de violence. Il a même masqué des crimes. Il a contourné la chaîne

  2   de commandement pour pouvoir travailler avec M. Milosevic à propos de la

  3   question du Kosovo.

  4   Et de plus la Chambre de première instance a également pris en

  5   considération un autre élément de preuve qui est très symptomatique du

  6   comportement de M. Pavkovic. Par exemple, il a complètement masqué et

  7   dissimulé les crimes en 1998, tout comme il l'a fait en 1999. Il a

  8   absolument enfreint la chaîne de commandement pour pouvoir travailler

  9   directement avec Milosevic en 1998, comme il l'a fait en 1999. Comme cela

 10   est indiqué au paragraphe 665 du Volume III, il a en fait présenté sa

 11   stratégie agressive pour pouvoir utiliser la VJ et le MUP conjointement au

 12   Kosovo en 1998, tout comme en 1999, ce qui fait partie des conclusions de

 13   la Chambre de première instance.

 14   Cette Chambre de première instance, qui a examiné en bonne et due forme la

 15   totalité du comportement de M. Pavkovic et son comportement en 1998 et en

 16   1999, a fini par conclure qu'il partageait l'intention des crimes commis

 17   dans le cadre de la première catégorie de l'entreprise criminelle commune.

 18   Nous avons entendu aujourd'hui le conseil de M. Pavkovic indiquer que les

 19   éléments de preuve correspondant à l'année 1998 sont absolument non

 20   pertinents. J'aimerais en fait vous indiquer que cela n'est pas tout à fait

 21   le cas. Avant que nous n'abordions l'année 1998, je souhaiterais que nous

 22   intéressions un peu plus au conflit de l'année 1999 et aux éléments de

 23   preuve relatifs à son comportement pendant cette année. Alors, je veux

 24   présenter notre premier cliché.

 25   Voici l'ordre que j'ai mentionné, l'ordre qui date du 7 mai 1999, en plein

 26   conflit, et c'est un ordre qui émane de M. Pavkovic, qu'il donnait à ses

 27   troupes pour qu'il contrôle le mouvement des Albanais du Kosovo. Vous voyez

 28   donc que ce document nous donne une liste complète, et je marque un temps


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  1   d'arrêt pour m'assurer que tout le monde a pu prendre en considération,

  2   voir le cliché dans un premier temps, la planche, et l'étudie.

  3   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquant que les planches en question n'ont

  4   pas été données aux interprètes, et que nous demandons donc à l'orateur de

  5   bien vouloir ralentir sa cadence.

  6   M. SCHNEIDER : [interprétation] Mes excuses pour les interprètes.

  7   Mais je pense qu'ils ont la planche sur leurs écrans.

  8   Alors, voilà une liste de consignes qui est donnée aux soldats de Pavkovic.

  9   Entre autres objectifs logistiques et stratégiques, voilà ce qu'il ajoute :

 10   "Assurer le contrôle total du territoire et le mouvement des civils siptar

 11   dans vos zones de responsabilité."

 12   "Siptar" signifiant Albanais du Kosovo. Alors, voilà en fait ce que

 13   constitue l'entreprise criminelle commune, il s'agissait d'assurer le

 14   contrôle du Kosovo en assurant le contrôle du mouvement des civils albanais

 15   du Kosovo. C'est aussi simple que cela. Et la Chambre de première instance,

 16   de façon tout à fait raisonnable, s'est concentrée en fait sur la nature

 17   discriminatoire de cet ordre, parce qu'il n'est pas question de "civils"

 18   dans cet ordre, mais il est question de "civils siptar".

 19   Et toujours dans le même esprit, nous vous présentons notre deuxième

 20   planche. Il s'agit d'un rapport émanant de Pavkovic, rapport qui date de

 21   quelques jours plus tard et qui fait état d'une attaque menée par ses

 22   troupes sur un village. Il y a également question de la conséquence de

 23   cette attaque, à savoir le déplacement des civils. Et comme vous le voyez

 24   surligné :

 25   "Une partie des unités de la 7e Brigade d'infanterie et du

 26   Détachement militaire de Pec dans le cadre d'une opération visant à chasser

 27   les forces terroristes ou anéantir les forces terroristes siptar dans le

 28   secteur…"


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  1   Ensuite, vous trouvez une liste des différents villages en question, et

  2   cela se termine par :

  3   "…et quelque 10 000 civils de ce secteur ont été envoyés vers Klina

  4   et Pec."

  5   Comme l'a indiqué la Chambre de première instance, il n'y a aucune

  6   référence au bombardement de l'OTAN à ce moment-là dans le paragraphe 736

  7   du Volume III, qui est en général l'explication avancée par M. Pavkovic

  8   pour expliquer la fuite des civils. Plutôt, ce rapport nous relate de façon

  9   tout à fait directe comment les troupes de la VJ ont contraint les civils

 10   albanais du Kosovo à quitter leurs villages.

 11   J'aimerais maintenant vous présenter, vous indiquer que ces ordres du

 12   7 mai et du 10 mai ne sont pas des exemples isolés.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je m'excuse, mais M. le Juge

 14   Tuzmukhamedov a une question à vous poser.

 15   M. SCHNEIDER : [interprétation] Tout à fait.

 16   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Est-ce que nous pouvons

 17   reprendre la première planche ?

 18   M. SCHNEIDER : [interprétation] Oui, tout à fait.

 19   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Alors, voilà ce que je lis la

 20   première ligne :

 21   "Au cours des 24 dernières heures, les forces aériennes de l'OTAN ont

 22   effectué…" quoi exactement ?

 23   M. SCHNEIDER : [interprétation] Une petite minute, je vous prie.

 24   Est-ce qu'on peut avoir une copie un peu plus lisible. Un petit moment.

 25   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Oui, c'est au paragraphe 1.1.

 26   M. SCHNEIDER : [interprétation] Vous voulez que je donne lecture ?

 27   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Ecoutez, j'ai laissé mes

 28   lunettes dans mon bureau tout simplement.


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  1   M. SCHNEIDER : [interprétation] Vous savez, moi aussi j'ai besoin d'aide

  2   pour ce faire.

  3   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Pardonnez-moi, je n'ai pas de

  4   jumelles me permettant de lire à partir de votre pupitre.

  5   M. SCHNEIDER : [interprétation] Voilà quelle est la première phrase. Pièce

  6   4D315, paragraphe 1.1 :

  7   "Au cours des 24 dernières heures, les forces aériennes de l'OTAN ont

  8   effectué des actions de faible intensité mais supervise toute la zone de

  9   l'armée."

 10   M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. SCHNEIDER : [interprétation] Et pour revenir à mes arguments, Madame,

 12   Messieurs les Juges, il s'agit d'un rapport qui nous permet de comprendre

 13   les choses de façon un peu plus détaillée. Vous avez l'ordre du 7 mai qui

 14   nous permet de comprendre ce qui s'est passé depuis le mois de mars 1999,

 15   avec le déplacement forcé en masse ainsi que d'autres crimes dont était

 16   parfaitement informé M. Pavkovic, et qu'il pouvait constater lui-même sur

 17   le terrain à Pristina. Je vais maintenant en venir à la connaissance de M.

 18   Pavkovic pendant le conflit de 1999 des crimes commis par ses troupes et le

 19   MUP. Nous convenons avec le conseil de M. Pavkovic que :

 20   "Il ne pouvait s'attendre à régler les problèmes, seulement les problèmes

 21   dont il était informé à ce moment-là." Regardez en fait le mémoire en appel

 22   de la Défense au paragraphe 196, car nous voyons ce dont il était informé à

 23   ce moment-là. J'aimerais maintenant que vous preniez le tableau que je vous

 24   ai distribué, vous voyez qu'il y a deux années; 1998 et 1999. Et je vais

 25   m'intéresser au tableau qui correspond à l'année 1999.

 26   Il s'agit, Monsieur le Président, d'un tableau qui dresse la liste de

 27   toutes les conclusions et constatations de la Chambre de première instance,

 28   comme autant d'exemples utilisés par cette Chambre pour indiquer que M.


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  1   Pavkovic était informé des crimes de la VJ et du MUP en 1999. Il s'agit

  2   d'ordres et de rapports qui ont été reçus par M. Pavkovic ou qui ont été

  3   reçus par lui, ou qui ont été donnés par lui, il s'agit de réunions

  4   auxquelles il a assisté. Pour que tout soit bien clair, j'ai surligné en

  5   gras les éléments qui traitent du déplacement forcé. Je m'arrête. Je marque

  6   un temps d'arrêt pour bien m'assurer que tout le monde suit le tableau.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre.

  8   M. SCHNEIDER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   Nous avons entendu aujourd'hui certaines idées qui récusaient certains

 10   exemples de données sur ce tableau, mais ce qui est important pour moi,

 11   c'est le volume absolument considérable des exemples de problèmes dont M.

 12   Pavkovic ait été informé, je pense aux crimes commis par ses subordonnés au

 13   sein du MUP, en commençant par le mois de mars 1999, et ce, jusqu'à la fin.

 14   Notamment il y a des éléments qui ont été repris par l'acte d'accusation,

 15   et je reviendrai à la question que vous avez posée un peu plus tard.

 16   Alors, outre ces exemples précis, M. Pavkovic a admis qu'il savait

 17   que les documents d'identification des Albanais du Kosovo leur étaient pris

 18   à la frontière. Paragraphe 720 du Volume III. M. Pavkovic était informé de

 19   la saisie tout à fait illicite des documents des Albanais du Kosovo et de

 20   la saisie illicite et de la distribution des biens des Albanais du Kosovo

 21   par la VJ, et le système de justice militaire, cela figure au paragraphe

 22   764 du Volume III. Qui plus est, en 1999, M. Pavkovic se trouvait au Kosovo

 23   plus de 95 % du temps, était présent à Pristina, alors que des milliers de

 24   personnes étaient déplacées sous la contrainte. Paragraphes 716 à 719 du

 25   Volume III du jugement, et paragraphe 838 des conclusions de la Chambre

 26   dans le Volume numéro II. Il est évident donc à la lecture de ces

 27   paragraphes que ces déplacements ont eu lieu du mois de mars au mois de mai

 28   1999.


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  1   Après avoir constaté l'énorme volume d'information portant sur les crimes

  2   dont était informé M. Pavkovic, j'aimerais maintenant présenter la question

  3   suivante : qu'a-t-il fait en réaction ? Il a menti à propos de sa capacité

  4   à faire en sorte que les auteurs de crimes reconnaissent leurs crimes et

  5   rendent des comptes à ce sujet. Paragraphe 557 [comme interprété], Volume

  6   numéro III. Il a pris des mesures tout à fait inefficaces. Ce qu'il n'a pas

  7   fait, par contre, c'est qu'il n'a pas pris de mesures dignes de ce nom pour

  8   faire en sorte que ces personnes puissent rendre compte de leurs crimes.

  9   Paragraphe 777 du Volume III, et il n'a jamais refusé de donner des ordres

 10   à la VJ dans le cadre d'opérations conjointes avec le MUP, paragraphe 780,

 11   Volume III. Ce que Pavkovic n'a pas fait au vu du fait qu'il était informé

 12   de ces crimes en 1999 nous permet de mieux comprendre l'intention partagée

 13   qui a été trouvée de façon tout à fait raisonnable par la Chambre de

 14   première instance.

 15   Mais il y a autre chose que M. Pavkovic a fait en réaction à ces

 16   crimes, c'est qu'il les a dissimulés, il les a masqués. M. Pavkovic a

 17   indiqué dans son mémoire en appel au paragraphe 223 :

 18   "L'élément intégral de la commission d'un crime consiste en règle générale

 19   à dissimuler l'élément de preuve correspondant à ce crime."

 20   Alors, nous sommes entièrement d'accord avec cela. Ce qui s'est

 21   passé, en fait, c'est que M. Pavkovic a très peu signalé les crimes en 1999

 22   lors de la campagne de terreur et de violence dont le but était de chasser

 23   les Albanais du Kosovo, paragraphe 3 776. Et après avoir été en quelque

 24   sorte pris en flagrant délit en mai 1999, il a poursuivi et a répété cela

 25   en juin 1999. Cela figure aux paragraphes 737, 752 du Volume III.

 26   Dans un premier temps, donc, il y a dissimulation, il est important

 27   quand même de remarquer qu'il y a eu deux réunions à Belgrade le 16 mai et

 28   le 17 mai en 1999, dont le but était de considérer la conséquence du fait


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  1   que M. Pavkovic avait été pris en flagrant délit alors qu'il avait tendance

  2   à plus signaler les crimes. Paragraphes 738 à 740 du Volume III.

  3   Lors de cette réunion du 17 mai avec d'autres membres de l'entreprise

  4   criminelle commune, Messieurs Sainovic et Milosevic et d'autres qui étaient

  5   présents, M. Pavkovic propose la création d'une commission dont le but

  6   serait de mener à bien des enquêtes, et il le fait parce qu'il sait qu'il

  7   ne peut plus dissimuler quoi que ce soit. Et, de toute façon, il n'a jamais

  8   suivi cette idée de commission et de création de commission, paragraphe

  9   740, Volume III.

 10   J'aimerais en fait indiquer à propos de l'année 1999, à l'époque où

 11   les crimes étaient commis, ce que j'aimerais indiquer c'est que M. Pavkovic

 12   a complètement contourné la chaîne de commandement. Il a enfreint la chaîne

 13   de commandement pour pouvoir travailler directement avec M. Milosevic à

 14   propos de la question du Kosovo, par exemple. Il y a une référence qui a

 15   été donnée un peu plus tôt. En avril 1999, Pavkovic et Milosevic sont en

 16   train de planifier une action conjointement, et il incombe à M. Ojdanic,

 17   son supérieur, de présenter seulement des suggestions à propos de cette

 18   action proposée. Paragraphes 503, 534, 705 du Volume III. Nous avons

 19   entendu aujourd'hui que le conseil de M. Pavkovic croit, nous a expliqué en

 20   fait ce qu'il pensait qui s'était passé lors de cet incident. Son

 21   interprétation est une façon de se livrer à des conjectures, mais cela ne

 22   permet pas de réfuter le caractère raisonnable, la conclusion de la Chambre

 23   de première instance au vu de l'élément de preuve qu'il cite.

 24   Un autre exemple de la façon dont la chaîne de commandement a été

 25   contournée en 1999 nous est donné à la mi-juin 1999 lorsque l'on voit M.

 26   Pavkovic qui quitte le bureau de M. Milosevic. Paragraphe 708, Volume III.

 27   Et Ojdanic a indiqué que Pavkovic accorde une importance très importante au

 28   fait que M. Sainovic était, devait aussi être informé qu'Ojdanic.


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  1   Paragraphe 361, Volume III.

  2   Passons maintenant aux autres éléments de preuve examinés par la

  3   Chambre afin d'établir la ligne de conduite de Pavkovic, le contournement

  4   de la chaîne de commandement en 1998 pour travailler directement avec

  5   Milosevic, comme il allait le faire d'ailleurs en 1999.

  6   La Chambre de première instance a fait des constatations volumineuses

  7   sur ce sujet, Volume III, paragraphes 642 et 665. Je ne vais pas revenir

  8   dessus. Nous avons entendu, encore une fois, des remises en question isolée

  9   de ceci, qu'ils ne prennent pas en totalité en compte les constatations et

 10   les éléments de preuve cités. Je vais plutôt me concentrer sur les raisons

 11   pour lesquelles Pavkovic aurait pu être fondé à collaborer de près avec

 12   Milosevic sur le sujet du Kosovo, et donc nous allons passer à la planche

 13   suivante.

 14   C'est une lettre de Pavkovic au commandement de la 3e Armée le 23

 15   juillet 1998, cité au Volume III, paragraphe 652 du jugement. N'oublions

 16   pas qu'à ce moment-là Pavkovic est le commandant du Corps de Pristina et

 17   non pas du 3e Corps d'armée, ce qu'il deviendra plus tard.

 18   Et, dans l'extrait surligné, il dit :

 19   "Si des mesures urgentes ne sont pas prises, le Kosovo sera perdu

 20   pour toujours, et avec lui la Serbie…" et cetera.

 21   Et, ensuite :

 22   "Je ne peux pas me résigner -- en tant que soldat, je ne peux pas me

 23   résigner" et cetera. Donc, je lis en fait le bas du deuxième extrait.

 24   "Je ne peux pas me résigner en tant que soldat au fait de n'avoir pas

 25   tout fait, de ne pas faire tout ce qui était requis afin d'éviter une telle

 26   situation", en d'autres termes, d'éviter de perdre le Kosovo.

 27   La Chambre de première instance a noté au Volume III, paragraphe 765,

 28   que cette lettre prouvait la détermination qui était celle de Pavkovic pour


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  1   garder, pour conserver le Kosovo, ce qui l'a amené à outrepasser ses

  2   obligations normales afin de faire tout ce qui était nécessaire. Ce n'est

  3   pas une coïncidence que deux jours à peine avant cette lettre, Pavkovic ait

  4   été promu général de division, Volume III, paragraphe 649. Et qu'à la fin

  5   de la même année en 1998, Perisic et Samardzic, qui s'opposaient à

  6   l'approche de Milosevic au Kosovo, se soient retrouvés hors jeu et que

  7   Pavkovic ait été une nouvelle fois promu.

  8   Alors, je voudrais maintenant passer brièvement à deux autres

  9   exemples de l'approche adoptée par Pavkovic, ainsi qu'en témoigne sa lettre

 10   et qu'il nous montre en fait ce qu'il était préparé et disposé à faire pour

 11   conserver le contrôle du Kosovo. Le premier exemple a trait à l'armement et

 12   au désarmement des Albanais et des non-Albanais. Premier exemple que je

 13   donne, Volume III, paragraphe 779. La Chambre de première instance a

 14   constaté qu'il était animé d'une intention à cet effet. Pavkovic était

 15   pleinement au courant des tensions ethniques explosives existant entre les

 16   Albanais et les non-Albanais, tout comme la Chambre de première instance

 17   l'a résumé, Pavkovic lui-même a déclaré, dans ses propres termes,

 18   paragraphe 669 du jugement, Volume III, il a déclaré qu'il était bien connu

 19   sur la base de l'histoire, des faits historiques et de la période

 20   précédente, qu'à chaque fois qu'un conflit entre des populations albanaises

 21   et non-albanaises se déroulaient au Kosovo, des crimes étaient commis

 22   lorsqu'il y avait des conflits tels que les populations étaient amenées à

 23   protéger leurs villages.

 24   Ainsi que la Chambre de première instance l'a ensuite affirmé, malgré

 25   cette situation explosive décrite par la Chambre, Pavkovic a attribué des

 26   armes à la population albanaise tout en désarmant les Albanais du Kosovo.

 27   Paragraphe 669 du Volume III.

 28   L'autre exemple qui cadre avec l'approche de Pavkovic à partir du 23


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  1   juillet et au-delà est sa façon d'enfreindre l'ordre d'Ojdanic en déployant

  2   la 72e Brigade spéciale au Kosovo, dans l'intérieur du territoire du Kosovo

  3   au début de 1999, ce que la Chambre a considéré comme confirmant

  4   l'intention partagée dont il était animé. Paragraphe 778, Volume III. Ainsi

  5   que les constatations de la Chambre concernant le déploiement de cette

  6   brigade, que l'on retrouve aux paragraphes 689 et 690 du Volume III.

  7   Pavkovic a également déployé ses soldats au Kosovo en violation des accords

  8   internationaux afin que ses troupes soient bien positionnées en mars 1998.

  9   Paragraphe 690, Volume III. Il a également entraîné d'autres personnes dans

 10   son approche agressive au Kosovo en affirmant que les actes du Corps de

 11   Pristina et du 3e Corps d'armée au Kosovo étaient de nature purement

 12   défensive, ne représentait que des ripostes. En fait, tout cela avait été

 13   planifié par l'armée elle-même. Paragraphes 515, 516, 546, 599 et 688 du

 14   Volume III.

 15   Alors, passons maintenant de ces exemples montrant l'approche qui était

 16   celle de Pavkovic au Kosovo pour nous intéresser à un sujet que nous avons

 17   déjà abordé précédemment, à savoir la conduite de Pavkovic et sa

 18   connaissance des crimes. En 1999, notamment dans son septième moyen en

 19   appel, Pavkovic a affirmé qu'il n'était pas au courant des crimes commis en

 20   1998. Le tableau que j'ai fait circuler, je vous invite à passer à la page

 21   relative à 1998, nous montre encore une fois ce que nous avons déjà

 22   affirmé, à savoir que la Chambre de première instance s'est concentrée sur

 23   la connaissance qu'avait Pavkovic en 1998 de ces crimes. Ici, nous avons

 24   des ordres et des rapports reçus par Pavkovic ou émis par lui. Il s'agit

 25   également de réunions auxquelles il a participé. Et j'ai souligné en

 26   caractères gras les documents qui ont trait au transfert forcé.

 27   En dehors des incidents particuliers figurant dans cette chronologie,

 28   Pavkovic a reconnu que des membres de la VJ s'étaient rendus coupables


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  1   d'incendies volontaires, paragraphe 672 du Volume III, et Pavkovic lui-même

  2   a ordonné à des soldats de la VJ à Drenica en août 1998 d'agir en

  3   infraction des ordres qu'il avait reçus de ses supérieurs, un recours

  4   excessif à la force a été fait, et ceci a résulté en le déplacement

  5   d'Albanais du Kosovo. Paragraphes 658 et 774 du Volume III ainsi que 894,

  6   915 et 919 du Volume I.

  7   Alors, qu'est-ce que tout cela signifie ? Ceci a trait à la question des

  8   Juges de la Chambre d'appel concernant les crimes de 1998 et leur

  9   pertinence en l'espèce. Cela montre que Pavkovic était au courant de la

 10   présence de ses soldats dans le cadre du MUP et des succès qu'ils avaient

 11   rencontrés précédemment pour ce qui était d'expulser les civils au moyen de

 12   crimes et d'actes de violence, ce qui signifiait qu'il pouvait de nouveau

 13   les déployer dans le cadre d'une campagne de terrorisation [phon] et de

 14   violence qui aurait pour conséquence des expulsions de masse.

 15   Un autre élément de ligne de conduite que je souhaite appeler est ce que

 16   Pavkovic a fait en réponse aux crimes commis par ses subordonnés. Il les

 17   minimise dans ses rapports en 1998, tout comme il allait d'ailleurs le

 18   refaire en 1999. Par exemple, dans ses rapports, il minimise l'ampleur du

 19   massacre à Gornje Obrinje en septembre 1998, événements au cours desquels

 20   un nombre important de civils ont été tués, y compris des femmes et des

 21   enfants, au cours d'une opération conjointe de la VJ et du MUP. Paragraphes

 22   675 et 678 du Volume III, et 912 du Volume I.

 23   Il a transmis un ordre le 7 juillet 1998 afin d'éviter de prendre à partie

 24   les membres des observateurs internationaux présents, ce que la Chambre de

 25   première instance a relevé comme étant un indice de son désir d'empêcher

 26   que les crimes de la VJ soient repérés et détectés, paragraphes numéros 673

 27   et 678. Il a ensuite rejeté la responsabilité pour ceci des forces de -- il

 28   a essayé de disculper les forces de la VJ de cela en septembre 1998, force


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  1   qui étaient accusées de déplacement de civils. Paragraphe 674, Volume III.

  2   Et maintenant, nous revenons un peu en arrière dans le temps, nous avons

  3   l'appel aux armes de Pavkovic en juillet 1998, son appel à faire tout ce

  4   qui doit être fait. En fait, il prépare le terrain pour mars 1998 et une

  5   campagne massive de déplacement. Après le début de la campagne de

  6   terrorisation et de violence, il émet un ordre aux fins de maintenir en

  7   mouvement les Albanais du Kosovo, de poursuivre leur déplacement. Il ne

  8   fait rien face aux transferts forcés ou aux actes de violence et dissimule

  9   les crimes. Donc, nous avons des éléments de preuve de ce conflit de 1998,

 10   qui remontent à l'époque où les crimes étaient commis, et qui cadrent avec

 11   les éléments de preuve remontant à 1998 appuyant la ligne de conduite qui

 12   était celle de Pavkovic, le comportement qui était le sien. Ce qui est

 13   examiné dans sa totalité montre que la Chambre de première instance a

 14   conclu tout à fait raisonnablement que Pavkovic partageait l'intention de

 15   participer à l'entreprise criminelle commune conjointement avec Sainovic et

 16   Lukic.

 17   Ceci conclut ma réponse à la question numéro dix.

 18   Alors, la question suivante est celle qui porte le numéro 11, à savoir :

 19   "Si les circonstances entourant l'élément moral au titre de l'entreprise

 20   criminelle commune de première catégorie pour expulsion et transfert forcé,

 21   c'est-à-dire autres actes inhumains, pourraient être déduites de la

 22   connaissance qu'avait l'accusé de crimes commis en 1998, y compris des

 23   crimes différents que ces deux types de crimes."

 24   Comme Mme Monchy a déjà expliqué cela hier concernant Sainovic, dans le cas

 25   de Pavkovic, il était tout à fait approprié pour la Chambre de première

 26   instance de déduire qu'il partageait cette intention en se fondant, entre

 27   autres facteurs, sur la connaissance qu'il avait des différents crimes

 28   commis en 1998 dont la conséquence a été un déplacement de masse. Avant


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  1   d'expliquer pourquoi, je voudrais rappeler les constatations de la Chambre

  2   de première instance au regard des crimes de 1998. Ladite Chambre a conclu

  3   que les opérations dirigées contre l'ALK en 1998 par les forces serbes et

  4   de la RFY étaient marquées par un recours excessif à la force et la

  5   tactique correspondante, autant d'actions qui ont contraint plus de 200 000

  6   civils à abandonner leurs villages. Paragraphe 919 du Volume I et

  7   paragraphe 90 du Volume III. Cette tactique impliquait la destruction de

  8   maisons, impliquait d'incendier les domiciles des Albanais du Kosovo,

  9   l'intimidation des habitants afin qu'ils partent, des tirs d'artillerie et

 10   le fait de tuer des civils. Ceci se trouve aux paragraphes 880 à 920 du

 11   Volume I.

 12   Ainsi, même si la Chambre de première instance n'a pas qualifié le départ

 13   des civils de leurs foyers en 1998 de transfert forcé, ces départs étaient

 14   manifestement des départs non volontaires et n'étaient pas légaux au regard

 15   du droit international humanitaire.

 16   Quant à la question de savoir si la Chambre de première instance a eu

 17   raison de s'appuyer sur ces crimes, je reviendrai juste à ce qui a déjà été

 18   dit dans le tableau pour 1998. Ceci nous montre que Pavkovic a été informé

 19   de la tendance qu'avaient ses soldats et les hommes du MUP à commettre des

 20   actes de violence. Cela nous montre également qu'il a pu recourir une

 21   nouvelle fois à ces mêmes effectifs en 1999 pour atteindre les mêmes

 22   résultats. En d'autres termes, une campagne massive de terrorisation et de

 23   violence résultant en des expulsions de masse.

 24   D'un point de vue général, je voudrais répondre à cette question en

 25   relevant que la connaissance qu'avait l'accusé de crimes précédents est un

 26   fait en l'espèce et un fait sur lequel on peut s'appuyer, tout comme sur

 27   d'autres faits. Nous avons ici le recours à la force, les crimes à grande

 28   échelle commis par les effectifs de Pavkovic en 1999. Et toutes les autres


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  1   constatations sur lesquelles la Chambre de première instance s'est appuyée,

  2   tout cela pris dans son ensemble, appuient la conclusion de la Chambre de

  3   première instance au sujet d'une intention partagée.

  4   Et pour finir, juste pour préciser ce que Mme Monchy a dit hier en

  5   répondant au Juge Pocar, il a été enregistré qu'elle a dit "afin

  6   d'éventuellement déplacer les Albanais du Kosovo en 1999", citation d'un

  7   compte rendu en appel, page 263, ligne 8. Mme Monchy, en fait, a  parlé de

  8   "transfert forcé" et non pas de "éventuellement déplacer par la force",

  9   mais nous demanderons une vérification. Je voulais juste éviter toute

 10   confusion. Et ceci conclut ma réponse sur la question numéro 11. Ensuite,

 11   question suivante :

 12   "Prendre position quant à la pertinence de la communication publique de

 13   l'acte d'accusation le 27 mai 1998 [comme interprété] au regard de

 14   l'élément moral de Sainovic et Pavkovic, compte tenu du fait que cet acte

 15   d'accusation a été publiquement communiqué après la commission du dernier

 16   crime reproché à Sainovic et Pavkovic, commission intervenue le 25 mai

 17   1999."

 18   Alors, contrairement aux arguments présentés plus tôt aujourd'hui, la

 19   Chambre de première instance a examiné de façon appropriée cet acte

 20   d'accusation lorsqu'elle s'est penchée sur la question de l'intention

 21   commune. C'était tout à fait pertinent. Ainsi que la Chambre l'a affirmé au

 22   paragraphe 765 du Volume III, l'inaction ultérieure qui a marqué le

 23   comportement de Pavkovic illustre de façon flagrante son état d'esprit à

 24   l'époque. En d'autres termes, Pavkovic n'a pris aucune mesure efficace

 25   pendant le reste de l'année 1999 et même en 2000, lorsqu'il a été promu

 26   chef de l'état-major de la VJ, ce qui montre qu'il avait l'intention que

 27   les crimes relevant du projet commun soient commis en accord avec la ligne

 28   de conduite qui avait été la sienne auparavant et son manquement à prendre


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  1   des mesures pendant le conflit en 1999.

  2   Quant aux arguments entendus aujourd'hui avançant que Pavkovic n'était pas

  3   au courant de l'existence de cet acte d'accusation, la Chambre de première

  4   instance a conclu raisonnablement qu'il était au courant de cela en

  5   s'appuyant sur un certain nombre de constatations, notamment le fait que

  6   Pavkovic avait avant cela reçu directement une lettre du Procureur du

  7   Tribunal, et que c'était en fait la deuxième fois que le Procureur du TPIY

  8   communiquait des informations à Pavkovic au sujet de crimes commis en 1999.

  9   Je voudrais passer maintenant au sujet de la troisième catégorie

 10   d'entreprise criminelle commune et aux questions de la Chambre d'appel à

 11   cet égard -- question numéro 2 :

 12   "En opposition, en se référant au dossier quant à tout effet éventuel

 13   qu'aurait sur l'appel de M. Pavkovic et notamment sur son appel au regard

 14   de sa déclaration de culpabilité relative à la troisième catégorie

 15   d'entreprise criminelle commune, si jamais la Chambre d'appel devait

 16   accepter l'argument de l'Accusation selon lequel la Chambre de première

 17   instance n'a pas appliqué les critères appropriés relatifs à l'élément

 18   moral dans le cadre de la responsabilité pour participation à une

 19   entreprise criminelle commune de [inaudible]".

 20   Madame et Messieurs le Juge, la Chambre de première instance a conclu à la

 21   commission de crimes de meurtres et de persécutions commises par voie de

 22   meurtres, de violences sexuelles et de destructions de biens religieux au

 23   titre de participation à une entreprise criminelle commune, elle a conclu

 24   que ces crimes étaient prévisibles par Pavkovic en appliquant des critères

 25   plus exigeants que cela n'est nécessaire. Notamment, j'attire l'attention

 26   des juges sur les paragraphes 785 et 786 relatifs à la troisième catégorie

 27   d'entreprise criminelle commune.

 28   Nous avons entendu de la part de la Défense un argument tout à fait


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  1   hypothétique, à savoir que contrairement à ce qu'a conclu la Chambre de

  2   première instance, il y aurait pas d'intention commune et que Pavkovic ne

  3   serait pas responsable non plus pour participation à une entreprise

  4   criminelle de première catégorie pour les crimes sous-jacents.

  5   Je voudrais passer également à la question suivante posée par les Juges :

  6   "Prendre position en se référant au dossier quant à la question de

  7   savoir si Pavkovic devrait être tenu responsable de persécutions dans le

  8   cadre d'une entreprise criminelle de troisième catégorie, si la Chambre

  9   d'appel devait faire droit aux arguments présentés par l'Accusation selon

 10   lesquels les violences sexuelles infligées à K62, K14 et K31 constituaient

 11   des persécutions."

 12   Notre réponse c'est que oui. La Chambre de première instance a déjà

 13   conclu que Pavkovic était responsable dans le cadre d'une entreprise

 14   criminelle de troisième catégorie pour violences sexuelles commises dans le

 15   cadre de crimes relavant d'une entreprise criminelle de première catégorie,

 16   crimes d'expulsion et de transferts forcés. En fait, elle l'a déclaré

 17   coupable de ces violences sexuelles en appliquant des critères plus

 18   exigeants que cela n'était requis. Et, concernant les violences sexuelles,

 19   la Chambre de première instance s'est concentrée sur la connaissance que

 20   Pavkovic avait de la tendance des soldats du VJ et des effectifs du MUP à

 21   commettre des actes de violence, et je voudrais juste relever à ce sujet

 22   dans le tableau que j'ai fait circuler pour 1998 et 1999 la présence

 23   d'informations relatives à ces crimes et à ces actes de violence. La

 24   Chambre de première instance a également relevé que le but de cette

 25   entreprise criminelle commune était de déplacer la population au moyen

 26   d'une campagne de terrorisation et de violence, paragraphe 786 du Volume

 27   III, et que Pavkovic était au courant des violences sexuelles, paragraphe

 28   785, Volume III.


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  1   La Défense a remis en question le lien entre Pavkovic et ces crimes,

  2   mais ce lien a été établi de façon tout à fait appropriée. Je relève, de

  3   façon générale, que la Chambre de première instance a conclu à l'existence

  4   du lien requis entre les auteurs matériels et au moins un membre de

  5   l'entreprise criminelle commune pour tous les crimes reprochés qui ont été

  6   établis, paragraphes 468 à 483 [comme interprété] et 1 132 du Volume III.

  7   Et, de façon plus précise concernant les trois cas de violences sexuelles

  8   évoquées dans cette question, je me référerai au paragraphe 889 du Volume

  9   II :

 10   "La Chambre a conclu que ces trois femmes avaient été violées pendant

 11   l'opération visant à chasser un nombre important d'Albanais du Kosovo de la

 12   ville de Pristina; dans le cas de K62, par trois membres du MUP et de la

 13   VJ; dans K14, par des policiers; dans le cas de K31, par trois soldats de

 14   la VJ."

 15   Donc, cette remise en question fondée sur l'existence d'un lien

 16   devrait être rejeté.

 17   Quant à la façon dont on a remis en question le caractère constitutif

 18   de persécutions de ces violences sexuelles, eh bien, je voudrais revenir

 19   dessus dans nos arguments qui seront présentés vendredi au titre de l'appel

 20   de l'Accusation.

 21   Ceci conclut ma présentation, Madame et Messieurs les Juges, la

 22   Chambre de première instance a conclu, avec raison, que Pavkovic avait

 23   l'intention requise pour participer aux crimes au titre d'entreprise

 24   criminelle commune de première catégorie prévisible, que les crimes au

 25   titre de l'entreprise criminelle élargie était prévisible, les remises en

 26   question que nous avons entendues devraient être rejetés et, à moins que

 27   vous n'ayez des questions, je voudrais passer la parole à mon collègue.

 28   Peut-être qu'il serait d'ailleurs temps de faire une pause.


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  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que nous n'avons pas de

  2   questions pour le moment. Nous allons faire une pause maintenant, et

  3   reprendrons à 14 heures 30. Je vous remercie.

  4   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 53.

  5   --- L'audience est reprise à 14 heures 29.       

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Re-bonjour, nous allons continuer. Nous

  7   allons entendre la réponse de l'Accusation.

  8   Oui, je vous en prie.

  9    M. BAKRAC : [interprétation] Si je puis juste préciser que l'équipe de

 10   Lazarevic a été rejointe par notre assistant juridique, M. Cvijic pour cet

 11   après-midi.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Oui, vous avez la parole.

 14   M. MENON : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs le Juge. Comme cela

 15   a été annoncé par M. Schneider, j'aborderai la question de la contribution

 16   de Pavkovic à l'entreprise criminelle commune, et j'ai l'intention de

 17   répondre à la question numéro 10 qui figure dans l'ordonnance de la Chambre

 18   d'appel dans la mesure où cela porte sur l'actus reus de la responsabilité

 19   au titre de l'entreprise criminelle commune.

 20   Comme Mme Martin Salgado l'a précisé, nous avons interprété la question 10

 21   de la Chambre d'appel comme consistant à dire que chaque accusé de

 22   l'entreprise criminelle commune a été déclaré comme ayant participé à

 23   l'entreprise criminelle commune avant l'existence d'objectif commun. Alors,

 24   pour répondre rapidement, en ce qui concerne Pavkovic, nous répondons par

 25   la négative. La contribution importante de Pavkovic se fonde sur un

 26   comportement qui s'est produit tout au long de la période couverte par

 27   l'acte d'accusation. La contribution devrait être envisagée comme se

 28   présentant sous deux catégories.


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  1   Premièrement, Pavkovic a planifié, ordonné et apporté son soutien aux

  2   opérations de la VJ au Kosovo en 1999, y compris en coordonnant, en

  3   planifiant les opérations conjointes de la VJ et du MUP avec Sainovic et

  4   Lukic.

  5   Deuxièmement, il a créé et il a entretenu un climat d'impunité au

  6   Kosovo par le biais de l'absence de mesures, par le fait qu'il n'a pas pris

  7   de mesures et par le fait qu'il a dissimulé les crimes.

  8   Madame, Messieurs les Juges, il serait artificiel de considérer le

  9   comportement de Pavkovic tout au long de l'année 1999 dans un vide hors

 10   contexte, compte tenu du fait que les mois qui ont précédé à ce moment, eh

 11   bien, ont été des mois où il s'est préparé pour la mise en œuvre. Et ces

 12   préparatifs, qui comprennent l'armement de la population non-albanaise, le

 13   désarmement de la population albanaise kosovare, et le déplacement des

 14   forces vers le Kosovo en violation des accords d'octobre, constituaient

 15   également partie de sa contribution. Non seulement a-t-il contribué à ces

 16   opérations, mais M. Kremer l'a expliqué hier, il a expliqué les conclusions

 17   de la Chambre de première instance et sa manière d'analyser les éléments de

 18   preuve qui démontrent que l'objectif commun se manifeste au plus tard à

 19   partir d'octobre 1998, et comprend ces préparatifs.

 20   Je voudrais commencer par expliquer comment Pavkovic a planifié,

 21   ordonné, a apporté son soutien aux opérations de la VJ au Kosovo et, ce

 22   faisant, j'expliquerai comment le fait que le déploiement des forces se

 23   passe au Kosovo, le déploiement par lui constitue une infraction aux accord

 24   d'octobre. Je vous ai montré sa participation à l'armement et au

 25   désarmement, ce qui a permis la réalisation des opérations qui ont eu lieu

 26   fin mars 1999.

 27   Ensuite, je parlerai de ce climat d'impunité que Pavkovic a créé, a

 28   entretenu au Kosovo tout au long de la campagne de 1999.


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  1   Alors, parlons des opérations de la VJ en 1999. Vous vous rappellerez

  2   les conclusions au paragraphe 92 du Volume III, à savoir que les

  3   bombardements de l'OTAN constituaient une opportunité pour les membres de

  4   l'entreprise criminelle commune, c'est l'opportunité qu'ils attendaient

  5   pour déplacer par la force suffisamment d'Albanais kosovars afin de

  6   préserver leur contrôle sur le Kosovo et d'atteindre durement l'ALK. C'est

  7   une campagne qui a été planifiée et préparée par les membres de

  8   l'entreprise criminelle commune. Les opérations conjointes de la VJ du MUP

  9   ont eu lieu à partir de la fin mars 1999. C'est par le biais de ces

 10   opérations que des crimes ont été commis et qu'ils ont été planifiés

 11   pendant la période de janvier à mars 1999, Volume I, paragraphe 1017.

 12   Le plan Grom 3 de la VJ fournit un fondement pour la présence de la

 13   VJ au Kosovo et sa participation aux opérations conjointes avec le MUP.

 14   Pavkovic émet son ordre initial dans le cadre de Grom 3 le 27 janvier 1999,

 15   suite à la directive de Grom 3 d'Ojdanic. Puis, le 1er février 1999,

 16   Pavkovic donne une consigne à Lazarevic de "rédiger un plan pour bloquer,

 17   détruire, les forces terroristes albanaises de Drenica, Lab et Malisevo."

 18   Pavkovic a donné une consigne à Lazarevic de se coordonner

 19   entièrement avec les unités du MUP. Lazarevic a mis en œuvre l'ordre de

 20   Pavkovic par le biais d'un plan qu'il a émis le 16 février 1999, et lors de

 21   la réunion de l'état-major du MUP, le lendemain, Lukic a annoncé que

 22   l'état-major du MUP avait prévu des opérations de ratissage dans les mêmes

 23   zones que celles prévues dans le plan de Lazarevic la veille. Et les

 24   citations se trouvent au Volume I, paragraphes 1 013 et 1 015; au Volume

 25   III, paragraphes 693 et 704.

 26   Qui plus est, au début de l'année 1999, Pavkovic a déployé les unités

 27   de la VJ au Kosovo, ce qui constitue une violation des accords d'octobre

 28   afin de placer la VJ dans une position lui permettant de déployer une


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  1   campagne de violence au début des bombardements de l'OTAN. Et je vous

  2   renvoie au Volume III, aux paragraphes 689, 690, ainsi que le paragraphe

  3   76. Cette conclusion s'appuie sur les éléments de preuve qui sont cités par

  4   la Chambre au paragraphe 689.

  5   Dans un entretien qui a été accordé aux médias en 2000, Pavkovic a

  6   déclaré :

  7   "Nous avons mené à bien une mobilisation au bon moment, nous les

  8   avons amenés au Kosovo dans le plus grand secret, distribué les réserves de

  9   guerre, nous avons bloqué ces forces sans même le savoir. Le signal pour le

 10   blocus total a été la première roquette."

 11   Et je vous renvoie pour cela à la pièce P1319, page 17, référence aux

 12   forces qui sont bloquées, eh bien, la référence aux forces de l'ALK.

 13   Ainsi, également, dans un documentaire de 2004 où Pavkovic a déclaré

 14   :

 15   "Notre plus grand stratagème stratégique a été lorsque nous avons

 16   réussi à amener de nouvelles forces sous les yeux de Walker sans qu'il le

 17   sache, et nous avons encerclé l'ensemble de ces groupes sans que jamais

 18   Walker le sache; leur mission était de les encercler, détruire, si

 19   l'agression devait commencer."

 20   Et c'est la pièce P912, page 7, citée dans la note de bas de page

 21   1689, Volume III. Référence à Walker est une référence qui est faite à

 22   William Walker, qui était à la tête de la MVK et responsable de la mise en

 23   œuvre des accords d'octobre.

 24   Le 23 mars 1999, la veille des bombardements de l'OTAN, Pavkovic a

 25   placé les forces de la VJ sous son contrôle, une position de mener à bien

 26   une campagne d'expulsion. Et ce jour-là, comme on le voit au paragraphe 694

 27   du Volume III, Pavkovic a ordonné qu'au début de l'opération de l'OTAN, les

 28   unités "soient immédiatement employées contre toutes les forces ennemies".


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  1   Et comme cela a été dit par Me Ackerman ce matin, il s'agit de la

  2   pièce 4D103, la Chambre de première instance avait raison de s'appuyer sur

  3   cette pièce comme elle l'a fait puisqu'au début des bombardements de l'OTAN

  4   le lendemain, comme cela a été décrit de manière détaillée au Volume II du

  5   jugement, la campagne systématique et organisée de terrorisation de la

  6   population albanaise kosovare a commencé, elle aussi. Je vous renvoie aux

  7   arguments de M. Kremer sur le caractère systématique des crimes, pages du

  8   compte rendu d'audience 221 à 232, compte rendu d'audience d'hier. D'après

  9   la nature de la campagne, cette campagne de violence, nous pouvons

 10   constater quels étaient les objectifs des ordres militaires de Pavkovic.

 11   Tout au long de cette campagne d'expulsion, Pavkovic a maintenu le

 12   commandement et le contrôle de manière très étroite sur les forces de la VJ

 13   au Kosovo par le biais de sa présence constante sur le terrain. Et d'après

 14   ce qu'il a reconnu lui-même, Pavkovic était au Kosovo pendant plus de 95 %

 15   du temps entre mars et juin 1999. Volume III, paragraphe 716.

 16   Et j'attire votre attention sur la planche que vous avez sous les

 17   yeux, ce qui est surligné en jaune, eh bien, c'est le texte où Lazarevic,

 18   qui a été le seul accusé à déposer en l'espèce, où il a confirmé :

 19   "…pas un seul jour ne s'est passé sans que le commandant de l'armée

 20   ne soit au poste de commandement du Corps de Pristina".

 21   Bien sûr, le commandant d'armée dont parle Lazarevic est bien

 22   Pavkovic. Et comme vous pouvez le voir dans ce texte surligné en bleu,

 23   Lazarevic a ajouté que c'était rare pour un commandant occupant le poste

 24   comme celui de Pavkovic de se positionner comme il l'a fait au commandement

 25   du corps d'armée.

 26   Alors, maintenant, compte tenu de ces éléments de preuve, la Chambre

 27   de première instance avait raison de ne pas considérer qu'il s'agissait

 28   simplement de quelqu'un qui était à la source des ordres. Donc lorsqu'on


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  1   parle de Pavkovic, comme Pavkovic se présente au paragraphe 214 de son

  2   mémoire en appel, et la Chambre a eu raison de constater au paragraphe 782

  3   du Volume III, par le biais de sa présence sur le terrain, que Pavkovic a

  4   commandé les forces de la VJ qui ont mené à bien la campagne d'expulsion.

  5   Et pendant cette campagne, Pavkovic a travaillé de manière très étroite

  6   avec ses camarades du commandement conjoint, Sainovic et Lukic, pour

  7   coordonner les opérations conjointes de la VJ et du MUP. Pavkovic a fait en

  8   sorte que les décisions adoptées par le commandement conjoint soient

  9   exécutées par la VJ, et ce, en donnant son approbation lorsque Lazarevic

 10   préparait les décisions du commandement conjoint. Je vous renvoie au Volume

 11   III, paragraphes 462, 782, 1 118 du Volume III; et paragraphes 1 037 à 1

 12   038, ainsi que 1 151 du Volume I.

 13   Vous vous rappellerez les arguments présentés par M. Kremer hier, que

 14   plusieurs décisions du commandement conjoint qui ont été versées au dossier

 15   permettent d'identifier les forces employées dans le cadre des opérations

 16   dans les zones et aux dates qui correspondent aux crimes dont l'existence a

 17   été avérée aux yeux de la Chambre de première instance. Volume I,

 18   paragraphe 1 123; Volume III, paragraphe 695.

 19   La manière systématique de perpétrer ces crimes pendant les

 20   opérations conjointes démontre quel était l'objectif de ces opérations, à

 21   savoir d'expulser la population albanaise kosovare. Comme cela figure au

 22   Volume II du jugement, lorsque les forces de la VJ et du MUP ont été

 23   lancées dans le cadre des opérations conjointes, le résultat, le plus

 24   souvent, était des destructions, une dévastation des zones, des villages

 25   albanais kosovars qui ont été bombardés, et les maisons des Albanais

 26   kosovars ont été incendiées et pillées, les Albanais kosovars étaient

 27   assassinés, leurs édifices religieux étaient détruits et dans certains cas,

 28   il y a eu des agressions sexuelles. Un nombre très important d'Albanais


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  1   kosovars ont pris la fuite de peur face aux forces attaquantes, ou ont été

  2   encerclés et expulsés. Et là encore, je vous rappelle les arguments

  3   présentés par M. Kremer sur le caractère systématique des crimes.

  4   Au paragraphe 696 du Volume III, la Chambre de première instance

  5   constate que les ordres visant à déplacer les Albanais kosovars pendant ces

  6   opérations généralement n'étaient jamais émis par écrit. C'était oralement

  7   que ces ordres étaient transmis. Toutefois, vous vous rappellerez, d'après

  8   ce qu'a dit M. Schneider, vous vous rappellerez la liste des directions

  9   émises par Pavkovic à ses commandants subordonnés le 7 mai 1999. Lorsqu'il

 10   l'a fait, il a donné pour consigne à ses subordonnés de "s'assurer du

 11   contrôle complet sur le territoire et sur le mouvement des civils siptar",

 12   l'objectif commun avait pratiquement été atteint, et enfin Pavkovic rend

 13   explicite ce qui avait été transmis oralement précédemment. Et enfin,

 14   Madame, Messieurs les Juges, plus de 700 000 Albanais kosovars ont été

 15   déplacés par la force pendant la campagne de 1999, pendant une période qui

 16   dépasse légèrement deux mois.

 17   Alors, je voudrais maintenant parler brièvement du désarmement de la

 18   population kosovare albanaise.

 19   Lorsque les forces étaient engagées dans des opérations où l'objectif était

 20   d'expulser les Albanais kosovars, Pavkovic s'appuyait sur le fait qu'en

 21   1998, il avait rendu de nombreux Albanais kosovars sans défense,

 22   impuissants, en ordonnant leur désarmement.

 23   Pavkovic a participé au processus de désarmement, qui a commencé en

 24   septembre 1998 et s'est poursuivi en octobre 1998. On en parle aux

 25   paragraphes 668 à 669, ainsi que 57 à 58 du Volume III. La Chambre a

 26   constaté que le désarmement des Albanais kosovars "avait pour objectif de

 27   rendre cette population vulnérable aux forces de la Yougoslavie fédérale et

 28   la Serbie". Paragraphe 72 du Volume III. L'efficacité avec laquelle


Page 367

  1   Pavkovic et ses collègues de la "JCE" ont pu mettre en œuvre l'objectif

  2   commun au printemps 1999 démontre que l'effet recherché de ce désarmement a

  3   été atteint.

  4   Je vais parler de l'armement de la population non-albanaise à présent.

  5   Tout comme il a désarmé les Albanais kosovars en 1998, Pavkovic a armé les

  6   non-Albanais au début de l'été 1998. Et ensuite, il s'est servi de ces

  7   civils armés pendant les opérations de 1999. Sa participation à l'armement

  8   des non-Albanais fait l'objet du paragraphe 666 du Volume III. Ce matin, Me

  9   Ackerman a déclaré, page 11 du compte rendu d'audience :

 10   "Prenez toutes les pages de la pièce P1468, ce sont les notes du

 11   commandement conjoint qui sont citées par la Chambre de première instance,

 12   et vous verrez aucune trace du soutien qui aurait été fourni par Pavkovic

 13   au processus de l'armement. C'est mentionné par d'autres personnes

 14   lorsqu'il est présent, mais lui, il n'a pas dit un mot à ce sujet".

 15   Je vous demande, moi, de vous référer à la page 163 des notes du

 16   commandement conjoint, pièce P1468, du 28 octobre 1998, et de lire les

 17   commentaires de Pavkovic, où il dit comme suit :

 18   "Nous devons prendre en considération comment utiliser la population armée

 19   et comment la faire participer à la défense des communications".

 20   Excusez-moi, la citation que j'ai donnée de la page 163 des notes du

 21   commandement conjoint, en fait, figure au paragraphe 667 du Volume III, et

 22   la page du compte rendu d'audience est la page "666".

 23   Maintenant, parlant de ceux qu'il a armés, ceux qui ont été armés étaient

 24   les réservistes de la VJ qui n'étaient pas activement employés ou enrôlés

 25   dans les unités en temps de guerre. L'état-major du MUP, placé sous Lukic,

 26   a procédé de manière analogue avec les réservistes armés du MUP. A partir

 27   du moment où ils étaient armés, les réservistes de la VJ et du MUP étaient

 28   envoyés dans leurs villages pour constituer des unités de défense locales


Page 368

  1   que l'on a appelé détachement de réserve de la police. Même si le MUP a

  2   maintenu le commandement et le contrôle d'une manière générale sur ces

  3   unités, la VJ aussi a joué un rôle, a commandé et a contrôlé ces unités. Je

  4   vous renvoie aux paragraphes 768 [comme interprété], 784 à 788 du premier

  5   volume.

  6   Pendant que la plupart de ces réservistes ont été démobilisés au début de

  7   la mobilisation en mars 1999, la Chambre a constaté au  paragraphe 776 du

  8   premier volume qu'il en est resté à peu près 6 000 après la mobilisation,

  9   et Pavkovic les a employés dans le cadre des opérations de la VJ en 1999,

 10   par le biais des ordres qu'il a émis.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous aussi, vous semblez avoir une

 12   difficulté à ralentir la cadence. Faites plutôt des pauses entre les

 13   phrases.

 14   M. MENON : [interprétation] Excusez-moi. Je vais essayer de parler plus

 15   lentement dans la suite de mon exposé.

 16   Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Président, Pavkovic a engagé ces civils

 17   armés non-albanais de la VJ lors des opérations de la VJ e 1999 par le

 18   biais d'ordres qu'il a donnés et qu'il a approuvés. Volume III, paragraphe

 19   693, et Volume I, paragraphes 768, 780, 785, et 788. Et lorsque la campagne

 20   d'expulsion a commencé, la Chambre de première instance a constaté que dans

 21   certains cas, des civils albanais non armés ont agi de concert avec les

 22   soldats de la VJ et du MUP aux fins de chasser les Albanais du Kosovo,

 23   notamment à l'intérieur de Pristina et des villages des municipalités

 24   d'Orahovac, Pec et Gnjilane. Confer, Madame, Messieurs les Juges, Volume

 25   II, paragraphes 48, 432, 888, et 944.

 26   Ce qui m'amène à aborder maintenant le deuxième volet de la contribution de

 27   Pavkovic.

 28   Une fois que les actions criminelles avaient commencé, Pavkovic a créé ce


Page 369

  1   climat d'impunité en prenant des mesures qui étaient totalement

  2   inappropriées pour empêcher et punir les crimes et en dissimulant de ses

  3   supérieurs hiérarchiques au sein de la VJ l'ampleur de ce qui se passait

  4   sur le terrain. Ceci a permis à la campagne criminelle de se poursuivre en

  5   1999.

  6   Même si Pavkovic a donné des ordres qui de façon générale indiquaient qu'il

  7   fallait empêcher les crimes au regard du droit international, il s'agissait

  8   d'efforts symboliques, il savait que ceci ne tiendrait jamais ou en tout

  9   cas ne permettrait pas d'enrayer cette vague de crime. De toute façon,

 10   comme nous étions en droit de nous y attendre, ceux-ci n'ont eu aucun

 11   impact. Les Juges de la Chambre de première instance ont constaté au

 12   paragraphe 569 du Volume I, d'après l'analyse des éléments de preuve

 13   pertinents, que les crimes commis ont été minimisés et n'ont pas été

 14   rapportés comme il se doit au système judiciaire militaire.

 15   Le fait que Pavkovic était souvent au Kosovo entre mars et juin 1999 et a

 16   passé le plus clair de son temps à Pristina - la Chambre de première

 17   instance a constaté qu'il y avait un nombre très important d'Albanais du

 18   Kosovo qui ont été chassés pendant les opérations, et dans les propos même

 19   des Juges de la Chambre, le paragraphe 888 du Volume II indique que "cela

 20   exigeait une planification importante et une coordination importante," - il

 21   eut été clair aux yeux des subordonnés de Pavkovic que ceci avait été

 22   accepté, approuvé, et qu'il avait l'intention de réaliser la campagne de

 23   déplacement forcé. Les appels lancés pour que soient empêchés les crimes et

 24   le respect du droit international étaient fourbes; la violence avait pris

 25   pour cible la population albanaise du Kosovo et pouvait continuer de la

 26   sorte sans qu'il n'y ait de conséquences.

 27   Pour ce qui est des autres mesures que Pavkovic a prises, la Chambre de

 28   première instance les a considérées raisonnablement mais a conclu que ceci


Page 370

  1   n'avait pas pour intention de limiter ou d'enrayer les actions criminelles

  2   de la VJ. Je vous renvoie, Madame, Messieurs les Juges, au Volume III,

  3   paragraphes 721, 725, et 765. Par exemple, en rejetant le renvoi par

  4   Pavkovic des commandants subordonnés comme mesure authentique, la Chambre

  5   de première instance a cité l'aveu de Pavkovic que ces commandants ont été

  6   renvoyés parce qu'ils ont omis de prendre "certaines mesures de protection

  7   et de camoufler les unités." Volume III, paragraphe 725.

  8   En outre, Me Ackerman ce matin a cité la nomination de Pavkovic à la

  9   commission concernant les réfugiés à Istok en avril 1999. Contrairement à

 10   l'argument présenté par Me Ackerman, la Chambre de première instance a pris

 11   en compte ces éléments de preuve. Elle a examiné un doublon d'une pièce

 12   qu'a citée Me Ackerman à la page du compte rendu d'audience 44, 7 à 17.

 13   Ayant tenu compte de ces éléments de preuve, la Chambre a remis en doute la

 14   motivation qui était celle de la commission et du rapport qui avait été

 15   fourni en raison de son exactitude. Volume III, paragraphe 721.

 16   Les efforts symboliques de Pavkovic visant à supprimer les crimes étaient

 17   doublés de dissimulation. Comme l'a indiqué M. Schneider dans sa

 18   présentation, Pavkovic faisait une rétention d'information à propos de la

 19   participation de la VJ au crime envers ses supérieurs hiérarchiques au sein

 20   de l'état-major général, même si ces réunions avaient été organisées par

 21   les supérieurs hiérarchiques de Pavkovic au sein de la VJ les 16 et 17 mai

 22   1999, lorsque la question des crimes graves commis par la VJ, le MUP et les

 23   unités paramilitaires ont été abordés. Rien n'a été fait suite à ces

 24   réunions, parce que Milosevic ne s'intéressait pas à cette question et ne

 25   souhaitait pas résoudre la question des crimes. Volume III, paragraphes 575

 26   à 576, 737 à 739. Par la suite, il fallait l'agrément de Milosevic.

 27   Pavkovic a autorisé la 3e Armée à ne pas fournir dans le rapport tous les

 28   éléments concernant les crimes et ceci s'est poursuivi pendant toute la


Page 371

  1   campagne criminelle. Ensuite confer Volume III, paragraphe 752.

  2   En résumé, Madame, Messieurs les Juges, Pavkovic était un membre crucial de

  3   l'entreprise criminelle commune qui avait été placé là, à ce poste, par

  4   Milosevic pour garantir le succès de l'entreprise criminelle commune. Dans

  5   les mois qui ont précédé la mise en œuvre de l'objectif commun, Pavkovic a

  6   participé de façon active à la préparation de ceci. Une fois que l'objectif

  7   commun a été mis en œuvre, le comportement de Pavkovic était crucial pour

  8   que l'opération réussisse et c'est lui qui s'est assuré de la participation

  9   de la VJ. Il a non seulement planifié, ordonné et soutenu les opérations de

 10   la VJ par le moyen des crimes qui ont été commis, il a également créé et

 11   appuyé un climat d'impunité pour s'assurer que rien ne pouvait entraver la

 12   réalisation de l'objectif criminel. Pavkovic a apporté une contribution

 13   importante à l'entreprise criminelle commune et qui partageait l'intention

 14   des autres membres de l'entreprise criminelle commune. Nous vous demandons,

 15   Madame, Messieurs les Juges, que cet appel soit rejeté et que sa peine soit

 16   adaptée en conséquence avec l'appel présenté par l'Accusation.

 17   A moins que vous n'ayez d'autres questions, j'en ai terminé de nos

 18   arguments, Madame, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il semblerait qu'il n'y ait pas de

 20   question émanant des Juges de la Chambre d'appel.

 21   Est-ce que cela signifie que vous avez terminé votre réplique ?

 22   M. MENON : [interprétation] Oui, Madame, Messieurs les Juges. Nous avons

 23   terminé la présentation de nos arguments.

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il une réponse de la part de la

 25   Défense ?

 26   M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 27   Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je ne peux pas m'empêcher de rappeler

 28   le tableau qui nous a été remis au début de la présentation des arguments

 


Page 372

  1   de l'Accusation. Ce que j'ai remarqué à propos de ce tableau, c'est qu'au

  2   niveau de toutes les entrées, il n'y a aucune citation, et on ne renvoie à

  3   aucun élément de preuve, aucune déposition, aucun document; il s'agit

  4   simplement de paragraphes du jugement, comme si le jugement constituait des

  5   éléments de preuve. Le jugement n'est pas un élément de preuve. Tout ce qui

  6   est contenu dans le jugement ne constitue pas un élément de preuve.

  7   Il y a quelques instants, on a fait valoir lors de la première présentation

  8   que Pavkovic savait que des résolutions avaient été adoptées par les

  9   Nations Unies par rapport à ce qui se passait sur le terrain au Kosovo. Et

 10   si vous vous écartez de ce qui est dit dans le jugement et si vous vous

 11   reportez à ce qui est cité dans les éléments de preuve, ceci vous conduit à

 12   la pièce P1468, à la page 161, où Pavkovic dit ceci :

 13   "Je demande à ce qu'on me remette par écrit le fait que les observateurs de

 14   l'OSCE sont en droit d'entrer dans la caserne pour dénombrer les armes. Je

 15   crois que les principes tels qu'ils sont réglementés par les résolutions

 16   des Nations Unies doivent être respectés."

 17   Point final. On ne parle pas de résolutions, comme l'indique la Chambre de

 18   première instance, on ne peut pas déduire de cela que Pavkovic était au

 19   courant des résolutions des Nations Unies concernant ce qui se passait sur

 20   le terrain d'après les Nations Unies.

 21   L'Accusation vient de vous le dire il y a quelques instants et a cité

 22   quelques déclarations faites par Pavkovic après la guerre pour vous montrer

 23   qu'il savait que des forces étaient renforcées dès 1998 ou au début de

 24   l'année 1999. Nous n'avons jamais fait valoir qu'il n'était pas au courant.

 25   Bien sûr qu'il était au courant, parce qu'il savait quelles forces avaient

 26   été affectées à son commandement puisqu'il commandait la 3e Armée. Nous

 27   faisons valoir qu'il n'a pas fait entrer des forces au Kosovo en violation

 28   des accords, et que ceci lui avait été commandé.


Page 373

  1   La question de l'armement. L'Accusation vient de dire que moi je viens de

  2   dire qu'il n'y avait rien concernant Pavkovic à propos de l'armement à la

  3   pièce P1468, qui démontrait son soutien, enthousiasme, et sa position de

  4   chef à cet égard. Je m'en tiens à cette proposition-là. Ce qui est dit à la

  5   page 163 n'a rien à voir avec un quelconque appui, quelqu'un qui est à la

  6   tête de ceci, l'enthousiasme ou autre chose. Il dit simplement :

  7   "Nous devons tenir compte de la manière dont nous devons utiliser la

  8   population armée et comment faire intervenir ceci dans la défense des

  9   communications.

 10   Il faut comprendre qu'à ce stade, l'OSCE va entrer, que la VJ va devoir

 11   déplacer un certain nombre de ses forces, que l'ALK va être renforcée et

 12   qu'il y aura un problème de communication. Il est important d'améliorer la

 13   situation au plan des communications. En tout cas, il laisse entendre que

 14   cela pourrait s'avérer important.

 15   Nous n'avons de cesse d'entendre de l'Accusation d'actions criminelles qui

 16   n'ont pas été rapportées comme il se doit. Je ne sais pas comment vous

 17   pouvez dire que des actions ne font pas l'objet de rapport comme il se doit

 18   si au départ vous ne savez pas si ces actions ont lieu ou pas. Comment

 19   quelqu'un comme Dimitrijevic, à son niveau, pourrait-il dire qu'on

 20   minimisait ce qui se passait, que cela ne figurait pas dans les rapports,

 21   étant donné qu'il ne savait pas que cela se passait. Et ceci ne peut pas

 22   constituer d'élément de preuve, de dire que les crimes qui étaient commis

 23   ne faisaient pas l'objet de rapport comme il se doit. Je vais aborder ceci

 24   plus en détail dans quelques instants.

 25   Hier, dans le Volume III, au paragraphe 778, l'Accusation a fait remarquer

 26   le libellé utilisé par la Chambre de première instance concernant Pavkovic

 27   :

 28   "Sa promotion au poste de commandant de la 3e Armée et chef de l'état-major


Page 374

  1   général était une récompense de la part de Milosevic à Pavkovic pour sa

  2   participation à l'entreprise criminelle commune."

  3   Si vous vous penchez sur le Volume III, le paragraphe 778, vous constaterez

  4   qu'il n'y a pas de note en bas de page qui permette d'étayer cela. Il

  5   s'agit simplement d'une déclaration qui est faite par la Chambre de

  6   première instance, une supposition faite par la Chambre de première

  7   instance.

  8   La saisie de documents est quelque chose qui démontre, d'après

  9   l'Accusation, l'existence d'un plan, ainsi que par la Chambre de première

 10   instance. Hier soir, je me posais la question de savoir ce que montraient

 11   les éléments de preuve à propos de la saisie de documents. Je me suis livré

 12   à une analyse aussi rapide que possible des éléments de preuve et - je me

 13   livre à un jeu de devinettes - je pense qu'il y avait environ 10 000

 14   Albanais du Kosovo dont on a saisi les documents. Il y avait 750 000

 15   réfugiés, ce qui correspond à peu près à 1,33 % des réfugiés dont les

 16   documents ont été saisis. Pour que cet incident soit significatif, il

 17   aurait fallu démontrer une saisie plus importante des documents, plus que

 18   1,3 %, en tout cas.

 19   Le bureau du Procureur a parlé du Volume III, le paragraphe 34, et a cité

 20   des extraits de la déclaration de la Chambre de première instance par le

 21   truchement du Témoin K89 :

 22   "…'il n'y a pas un seul Albanais qui devait rester au Kosovo et leurs

 23   papiers d'identité ont été déchirés de façon à les empêcher de revenir.'"

 24   Ce que la Chambre de première instance et l'Accusation ont omis de citer,

 25   c'est le contre-interrogatoire de ce témoin. On lui a posé une question :

 26   "Vous avez dit que … le commandant de votre unité. Vous évoquez un ordre

 27   qu'il avait donné. Ai-je raison lorsque je vous dis" qu'il "a dit qu'aucune

 28   oreille d'un quelconque terroriste ne devait rester au milieu du combat ?"


Page 375

  1   Réponse :

  2   "C'est possible. Je ne sais pas s'il voulait parler de l'oreille d'un

  3   terroriste ou de tout autre personne."

  4   Page du compte rendu d'audience 9 179, qui indique que cette personne ne

  5   savait absolument pas de quoi il s'agissait à propos de cette déclaration.

  6   Aucun Juge des faits raisonnable n'aurait pu conclure qu'il parlait des

  7   réfugiés à la place des terroristes.

  8   J'ai parlé de K73 et de K90 lors de ma présentation, et donc je ne vais pas

  9   revenir là-dessus.

 10   L'Accusation a dit hier qu'aucun des Albanais qui sont venus témoigner n'a

 11   indiqué que le bombardement de l'OTAN constituait une des raisons de leur

 12   départ. Si j'étais en charge de la thèse de l'Accusation et si cela me

 13   préoccupait, j'aurais choisi les témoins. Si les témoins veulent dire que

 14   le bombardement de l'OTAN était responsable de leur départ, eh bien, je

 15   citerais à la barre un tel témoin. Ou alors, je citerais un témoin albanais

 16   qui ne dirait pas cela. Nous devons également tenir compte du fait que

 17   nombre de ces personnes devaient rentrer chez elles après leur déposition.

 18   Cela n'aurait pas été une chose très appréciée. Et si ces personnes

 19   devaient rentrer chez elles, Dieu sait ce qui leur serait arrivé.

 20   Volume III, paragraphe 373, la Chambre de première instance dit ceci, et

 21   ceci a été évoqué hier :

 22   "D'après Loncar, Sainovic a donné des instructions à Lukic et Pavkovic aux

 23   fins de continuer à mettre en œuvre la pratique déjà bien établie, de

 24   l'informer des incidents importants en premier lieu et ensuite d'en

 25   informer leurs supérieurs hiérarchiques."

 26   Tel est le libellé utilisé par la Chambre de première instance, et elle

 27   cite la déposition de Loncar à la page du compte rendu d'audience 7 652 et

 28   7 654. Si vous allez chercher cette référence, vous ne la trouverez pas. Ce


Page 376

  1   que vous trouverez, c'est ceci. Sa réponse :

  2   "Tel que stipulé, le général Lukic devait lui rendre compte de tout

  3   policier" - à Sainovic - "de toute question relative à la police et au

  4   général Pavkovic, de toutes les questions relatives à l'armée ou de

  5   quelqu'un de leur bureau respectif."

  6   On ne parle pas ici du fait qu'il devait être informé en premier et ensuite

  7   qu'ils devaient informer les supérieurs hiérarchiques comme si Sainovic

  8   décidait si oui ou non ils devaient faire rapport de certaines choses à ces

  9   supérieurs hiérarchiques. Ceci induit en erreur. Ceci est une

 10   interprétation qui induit en erreur les Juges de la Chambre plutôt que de

 11   donner un compte rendu exact de ce qui a été dit.

 12   Vasiljevic -- toute cette question de savoir si Pavkovic était proche de

 13   Milosevic et qu'il avait une relation particulière avec Milosevic, et

 14   l'Accusation ne cesse de dire qu'ils s'étaient mis autour d'une table pour

 15   planifier ce qui s'est passé au Kosovo, aucun élément de preuve ne permet

 16   de démontrer cela par rapport à ce qui s'est passé au Kosovo. Vous ne

 17   trouverez rien. Vous trouverez un seul cas avéré où Pavkovic a rencontré

 18   Milosevic, et c'est l'entrevue qui a été décrite par Vasiljevic dans sa

 19   déposition, et cela se trouve à la page 8 669 du compte rendu d'audience.

 20   Il parle du fait de se rendre dans le palais blanc avec Ojdanic et

 21   Milosevic s'en va au moment où ils arrivent, et ils vont parler à

 22   Milosevic, et Ojdanic évoque le fait qu'il a vu Pavkovic partir, et

 23   Milosevic dit :

 24   "Eh bien, il était là non pas dans une quelconque capacité officielle, il

 25   est simplement passé par là."

 26   Alors, cette réunion présumée qui portait sur la planification de ce qui

 27   s'est passé au Kosovo s'est déroulée à la mi-juin, après la fin de la

 28   guerre. Donc, ceci ne peut être utilisé à cette fin.


Page 377

  1   Aujourd'hui, nous avons parlé du Volume III, 757, et je vais voir si je

  2   peux trouver la référence en question. Au Volume III, 757, la Chambre de

  3   première instance dit que :

  4   "La réponse de Pavkovic lorsqu'il a reçu l'acte d'accusation, à savoir

  5   qu'il n'avait pas pu prendre d'autres mesures contre les auteurs qui ont

  6   commis des crimes au Kosovo…," et ensuite il poursuit en disant qu'il a été

  7   constaté qu'il n'avait pas pu prendre de mesures contre les crimes commis

  8   au Kosovo parce qu'il a reçu l'acte d'accusation. En réalité, il n'a jamais

  9   reçu d'acte d'accusation. Aucun élément de preuve ne permet d'indiquer

 10   qu'il ait reçu un acte d'accusation. Alors, est-ce qu'il s'agit d'une

 11   déclaration de Krga lors d'une réunion lorsqu'il parle de quelque chose qui

 12   fait référence à un acte d'accusation ? Mais je crois que c'est une erreur.

 13   Je crois que c'est une erreur typographique qui a été faite par la Chambre

 14   de première instance. Je crois qu'ils parlent du fait qu'il ait reçu une

 15   lettre de Louise Arbour qui lui a été envoyée et à laquelle il a répondu.

 16   Lorsqu'il a répondu à cette lettre, ce qu'il a dit - non pas qu'il ne

 17   pouvait pas continuer à enquêter sur les crimes - ce qu'il a dit, c'est

 18   qu'elle a demandé à ce que des représentants du TPIY soient envoyés pour

 19   aller enquêter sur ce qui s'est passé au Kosovo. Il a dit lorsqu'il a

 20   envoyé sa réponse à l'état-major général, le commandement Suprême :

 21   "J'insiste sur le fait que je ne suis pas habilité à accorder cette

 22   autorisation, mais les organes fédéraux sont habilités à le faire…"

 23   C'est tout ce qu'il a dit. Il n'a pas dit qu'il ne pouvait rien faire.

 24   Cet après-midi, vous avez entendu de la part de l'Accusation - et il se

 25   peut que je me méprenne et que je n'aie pas bien entendu - mais je pense

 26   qu'il a été dit à propos de Pavkovic qu'il savait que ses troupes au sein

 27   du MUP allaient commettre des crimes, qu'il le savait en 1998. De toute

 28   façon, Pavkovic, lui, dans un premier temps, n'a jamais eu de troupes au


Page 378

  1   sein du MUP, il n'a jamais eu le contrôle du MUP et il n'a jamais donné

  2   d'ordres au MUP de faire quoi que ce soit et ne pouvait pas le faire.

  3   Pour ce qui est de Gornje Obrinje, puisque cela a été mentionné, il faut

  4   que j'en parle, car la Chambre de première instance indique au paragraphe

  5   774 eu égard à Pavkovic :

  6   "Il a été informé des crimes violents commis lors d'opérations conjointes

  7   entre le MUP et la VJ à Gornje Obrinje … et il a été informé des

  8   allégations suivant lesquelles la VJ et le MUP étaient responsables de ces

  9   crimes."

 10   Cela renvoie à une note de bas de page, et lorsque vous essayez de trouver

 11   cela, vous voyez qu'il y a des ordres, des rapports, des actions de la VJ

 12   dans ce secteur. Il y a une référence au document 4D17 [comme interprété] -

 13   il s'agit de nouvelles pièces, donc, qui n'auraient pas permis à la Chambre

 14   de déterminer cela - vous avez la pièce 4DA17 du 9 septembre, 4D19 [comme

 15   interprété] du 22 septembre, 6D755 du 26 septembre et 6D756 du 27

 16   septembre. En fait, cela suit les rapports dans la presse, les rapports de

 17   la part d'organisations humanitaires également, portant sur un massacre de

 18   civils qui aurait eu lieu à Gornje Obrinje les 26 et 27 septembre. En

 19   réponse à cela, le général Perisic envoie une demande d'information à la 3e

 20   Armée; qui fait l'objet de la pièce 4D403 du 2 octobre 1998. Il demande des

 21   informations sur le fait que ce massacre aurait été commis et si l'on sait

 22   qui est l'auteur de ce massacre. Le lendemain, Samardzic envoie la même

 23   demande au Corps de Pristina; et c'est la pièce 4D402. Et le même jour, le

 24   3 octobre, Pavkovic envoie une demande aux unités actives dans le secteur;

 25   pièce 4D199 du 3 octobre. Il demande en fait s'ils se sont écartés du

 26   programme ou du plan des opérations de combat des 26 et 27 septembre et

 27   s'ils ont des informations à propos d'un massacre qui aurait été commis

 28   contre des civils dans les zones où ils se trouvent engagés. Il reçoit une


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  1   réponse écrite au plus tard le 5 octobre. De nombreux rapports sont

  2   envoyés. Il n'est absolument pas question d'un massacre. Et je vais citer

  3   les différentes pièces : 4D387, 4D390, 4D391, 4D407, 4D389, 4D401. Tous ces

  4   rapports disent qu'il n'y a pas eu de massacre.

  5   La 125e Brigade motorisée fait état de la même chose à une exception près.

  6   Le colonel Zivanovic fait état d'une conversation avec le commandant d'une

  7   unité de la police, conversation au cours de laquelle il lui avait été dit

  8   que le corps d'une femme avait été trouvé gisant au-dessus de ce que l'on

  9   avait supposé être ses trois enfants dans un bunker improvisé. Elle était

 10   morte, probablement touchée par un éclat d'obus ou une balle, dans une zone

 11   où les terroristes avaient ouvert le feu. Les enfants étaient encore en

 12   vie. Par conséquent, il y a une mort de civil qui est indiquée à Pavkovic,

 13   et visiblement, apparemment, du fait de tirs de terroristes. Cela ne

 14   constitue absolument pas des éléments de preuve relatifs à un massacre de

 15   civils commis pour des forces de la police ou par l'armée. Pages 71 et 72

 16   de la pièce P1011.

 17   Pavkovic a envoyé son rapport à la 3e Armée le 5 octobre 1998. Il indique

 18   que compte tenu des différents rapports de combat, rapports du

 19   renseignement et différents autres rapports écrits émanant de tous les

 20   commandants d'unités, et il y a beaucoup plus de sources, d'ailleurs,

 21   citées que celles que je viens de vous donner, il n'y a absolument aucune

 22   information à propos d'un massacre allégué contre la population civile du

 23   village de Gornje Obrinje.

 24   Il fait également état que le chef de la sécurité du Corps de Pristina lui

 25   avait parlé d'un rapport qui avait été présenté au département chargé de la

 26   sécurité pour l'état-major général à propos d'un rapport qui n'avait pas

 27   été vérifié ou corroboré suivant lequel certains membres du MUP s'étaient

 28   lancés dans des opérations de combat dans un village et avaient exécuté


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  1   certaines personnes qu'ils avaient prises en détention. Il en a informé --

  2   il a informé qu'il ne s'agissait pas du massacre de la population civile

  3   comme cela avait été indiqué dans les médias mais qu'apparemment cela avait

  4   à voir avec certaines personnes de l'ALK qui avaient été appréhendées, et

  5   il semblerait que ces personnes avaient fini par être exécutées. Le 5

  6   octobre 1998, pièce P1440. Mais il a établi un rapport à ce sujet.

  7   Rappelez-vous ce que la Chambre de première instance a conclu qu'il avait

  8   été informé des crimes violents commis lors des opérations conjointes entre

  9   la VJ et le MUP à Gornje Obrinje et que suivant ces allégations, la VJ et

 10   le MUP étaient responsables de ces crimes. Sans aucune corroboration ou

 11   aucune justification. La Chambre de première instance a dans un premier

 12   temps cité cela et a essayé de citer un rapport de "Human Rights Watch" à

 13   la pièce P441. Ce rapport fait état de crimes allégués détaillés à Gornje

 14   Obrinje, et il n'est absolument pas indiqué que Pavkovic ait été informé de

 15   ces crimes dans ce rapport. Ce rapport date du 1er février 1999. La pièce

 16   P1011, aux pages 70 et 72, on fait référence au fait qu'aucune information

 17   n'avait été fournie à propos de ces crimes. La pièce P1440, à laquelle j'ai

 18   fait référence précédemment, n'a absolument rien à voir avec le massacre

 19   allégué à Gornje Obrinje.

 20   Pavkovic a appris cela d'un rapport de la police serbe qui avait été

 21   indiqué que certaines personnes détenues avaient été exécutées. Il relaie

 22   cette information à Samardzic. Les éléments de preuve cités n'étayent

 23   absolument pas la conclusion suivant laquelle Pavkovic avait été informé

 24   des crimes violents commis. Il a été informé par les rapports de presse

 25   d'un massacre sur ce lieu, mais il n'a pas été en mesure de confirmer cela

 26   et n'a certainement pas été informé que les membres de la VJ et du MUP

 27   étaient responsables de ces crimes. La Chambre de première instance a alors

 28   indiqué :


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  1   "Son rapport consécutif à cela a essayé de minimiser la gravité de

  2   l'incident et a omis de citer les informations pertinentes qu'il détenait."

  3   La seule chose, c'est que cela n'a rien à voir avec la question à propos de

  4   laquelle justement il a présenté un rapport, à propos de cette femme morte

  5   qui avait été retrouvée gisant sur le corps de ses trois enfants.

  6   Je vais maintenant faire référence au Volume III -- de combien de temps

  7   est-ce que je dispose encore ?

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que vous avez 12 minutes pour

  9   terminer.

 10   M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien. Je me demandais si j'aurais peut-

 11   être jusqu'à 16 heures puisqu'il est prévu que nous continuions jusqu'à 16

 12   heures.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, non, non, vous ne pouvez pas tirer

 14   profit de la diligence de l'Accusation.

 15   M. ACKERMAN : [interprétation] Vous savez, j'ai quand même essayé.

 16   Au paragraphe 718 du Volume III, la Chambre de première instance indique

 17   qu'eu égard à la connaissance par Pavkovic des crimes, qu'il était informé

 18   des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies -- mais j'en ai

 19   déjà parlé. Donc je ne vais pas m'éterniser davantage.

 20   Je vais plutôt parler du fait que les crimes avaient peu été

 21   signalés, très rapidement. Alors, ce n'est pas -- en fait, il n'y a aucun

 22   élément de preuve, dans un premier temps, qui étaye cette affirmation. De

 23   toute façon, il n'aurait pas pu ne pas informer l'état-major du

 24   commandement Suprême même s'il l'avait souhaité. Des rapports quotidiens

 25   étaient déposés par le truchement de la chaîne de commandement du tribunal

 26   militaire. Pièce 4D160. Il y avait également le bureau des affaires

 27   juridiques de la 3e Armée qui présentait des rapports au département

 28   juridique de l'état-major du commandement Suprême.


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  1   Et au paragraphe 748 du Volume III, la Chambre de première instance a

  2   indiqué que le rapport du Corps de Pristina pour le 3 avril 1999 contenait

  3   des rapports eu égard à des crimes, tels que des meurtres, des tentatives

  4   de meurtre et d'assassinat, pièce 5D84, et que le rapport de la 3e Armée

  5   correspondant à ce jour a omis cette information. Ce qui est vrai. Mais si

  6   vous prenez en considération la pièce 4D276, vous verrez que le rapport de

  7   la 3e Armée a été déposé avant le rapport du Corps de Pristina n'ait été

  8   reçu et qu'il indique que des informations supplémentaires seront

  9   transmises dès qu'elles seront reçues. Donc le rapport de la 3e Armée a été

 10   déposé avant que les informations de la 3e Armée n'arrivent.

 11   Ce qui n'est pas clair et a juste été supposé par la Chambre à propos

 12   de ces tentatives de meurtre et de meurtres dans le rapport, c'est qu'il

 13   s'agissait de crimes de guerre et non pas de type de crimes internes VJ

 14   contre VJ ou VJ commis à l'encontre de civils serbes.

 15   Dans le Volume III, au paragraphe 747, la Chambre de première

 16   instance fait référence à un rapport du 31 mars 1999 émanant de la 175e

 17   Brigade d'infanterie et destiné au Corps de Pristina. Il y est indiqué que

 18   huit volontaires ont été arrêtés pour avoir commis le crime de meurtre et

 19   de vol à Zegra. Ce qui n'a pas été transmis dans le rapport du Corps de

 20   Pristina destiné à la 3e Armée le 31 mars ou le 1er avril. Pièces 6D1135 et

 21   4D371. Mais toutefois, cela a été indiqué au bureau du procureur du Corps

 22   de Pristina le 31 mars. Dans la pièce 6D69, page 38. Donc ce qui était

 23   censé se produire s'est bel et bien produit.

 24   L'Accusation a indiqué aujourd'hui que le système des tribunaux militaires

 25   ne fonctionnait pas véritablement, que des enquêtes n'étaient pas

 26   diligentées, que les crimes n'étaient pas signalés et que cela était en

 27   partie la faute de Pavkovic. Il était intéressant de remarquer qu'il y a un

 28   document, le document P953, auquel l'Accusation n'a absolument pas fait


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  1   référence, car ce document indique qu'au cours de la guerre, le procureur a

  2   reçu quelque 18 500 rapports, à savoir 237 par jour; et que 2 811 jugements

  3   ont été rendus; à savoir 36 par jour, à tous les jours; et qu'il y a eu 278

  4   enquêtes menées sur les lieux, ce qui nous donne une moyenne de trois et

  5   demie par jour. Si l'on considère qu'ils fonctionnaient dans des conditions

  6   de guerre au Kosovo, avec des bombes qui tombaient quasi quotidiennement,

  7   et qu'ils devaient se déplacer très fréquemment, je pense qu'ils ont quand

  8   même réussi à bien retirer leur épingle du jeu. Apparemment, ce n'est donc

  9   pas un système qui semble ne pas avoir puni les personnes ne respectant pas

 10   le système.

 11   Madame, Messieurs les Juges, je vais conclure en une ou deux minutes.

 12   J'ai remarqué quelque chose récemment dans le journal de "Washington Post",

 13   quelque chose d'assez intéressant et qui a été rédigé par un homme

 14   répondant au nom de Timothy Kudo qui a été capitaine dans le Corps des

 15   marines en Afghanistan. Et je me suis dit que cela serait certainement

 16   extrêmement précieux lorsque l'on prend en considération le tableau de

 17   l'Accusation et les références qui s'y trouvent.

 18   Dans l'appel Perisic que j'ai lu, la Chambre de première instance dans

 19   l'affaire Perisic, contrairement à la Chambre d'appel [comme interprété]

 20   dans notre affaire, a insisté sur le fait que tout cela s'était passé en

 21   temps de guerre, et qu'il y a de nombreux événements qui se produisent en

 22   temps de guerre mais que cela se passe pendant une guerre. Or, cette

 23   Chambre de première instance n'a pas véritablement semblé prendre en

 24   considération que ce qui se passait était véritablement une guerre. Quoi

 25   qu'il en soit, ce capitaine qui se trouvait en Afghanistan a écrit cela :

 26   Alors que je patrouillais en Afghanistan en 2010, mon escadron a vu une

 27   moto qui se dirigeait vers nous. Les deux conducteurs n'ont pas réagi

 28   lorsque nous leur avons indiqué d'arrêter, et nous avons commencé à tirer


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  1   et nous les avons tués. Il s'est avéré qu'il s'agissait de civils non armés

  2   et qu'il y en avait un qui n'avait même pas 16 ans. Tous les jours, je

  3   pense à eux et je pense aux autres dont j'ai ordonné la mort. Ces images

  4   sont présentes dans mon esprit lorsque je marche dans la rue, lorsque je

  5   prends ma douche ou lorsque je regarde un film. Je suis absolument hanté

  6   par ce sentiment parce que je ne suis plus la bonne personne que je pensais

  7   avoir été à un moment donné.

  8   Le conflit afghan et le conflit du Kosovo ont des similarités pour ce qui

  9   est de l'inaptitude ou de l'incapacité des forces militaires régulières à

 10   faire la différence entre des combattants légitimes et des civils. D'où ce

 11   genre d'erreurs dont parle si éloquemment le capitaine Kudo.

 12   Le jugement de la Chambre de première instance se fonde sur la prémisse que

 13   M. Pavkovic, en tant que commandant de la 3e Armée, suivait les ordres de

 14   ses officiers supérieurs et n'a pas été à même de contrôler les quelque 150

 15   000 personnes placées sous son commandement, et qu'il devait être en mesure

 16   de le faire tout le temps et qu'il devait savoir ce qui se passait dans

 17   l'esprit de ses soldats. C'est une tâche, un fardeau absolument impossible

 18   à placer sur les épaules du général Pavkovic. Nous avons entendu

 19   aujourd'hui et vous avez lu dans notre mémoire quels sont les nombreux

 20   efforts qu'il a déployés pour s'assurer que les soldats placés sous son

 21   contrôle respectaient les règles de la guerre. Il a fait plus que

 22   quiconque, plus ce que l'on entendait de lui, plus ce qu'on avait exigé de

 23   lui. La Chambre de première instance a indiqué en fait qu'il avait essayé

 24   de créer une commission chargée de mener à bien des enquêtes sur les crimes

 25   et qu'il a continué à donner des ordres aux forces de la VJ pour qu'elles

 26   apportent un soutien aux forces du MUP dans des opérations contre les

 27   forces de l'ALK. S'il avait refusé de le faire, il aurait tout simplement

 28   été remplacé. Son refus n'aurait absolument rien changé à la situation;


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  1   cela l'aurait même empirée parce qu'il a toujours œuvré pour protéger la

  2   population.

  3   J'ai été affecté à cette affaire le 13 juin 2005, il y a quasiment quelque

  4   huit années. J'ai assumé la responsabilité pour le général Pavkovic, pour

  5   son avenir, et cela, pendant quelque 400 semaines. Cela représente une

  6   partie importante de ma carrière d'avocat. Cette Chambre d'appel est le

  7   dernier recours. Lorsque j'aurai terminé aujourd'hui, je ne serai plus

  8   jamais à même de m'exprimer en son nom. Je dois en fait avoir confiance. Je

  9   dois avoir confiance en cette Chambre pour qu'elle examine et prenne en

 10   considération cette affaire. Je sais en fait que la justice est au cœur de

 11   vos préoccupations. Et je pense en fait à ce qu'a dit le juge Jackson il y

 12   a quelque 70 années lorsqu'il a dit qu'en matière de crimes de guerre :

 13   "…les avocats qui acceptent de se traiter à l'exercice savent qu'ils ne

 14   vont pas ratifier un résultat prédéterminé."

 15   Je vous remercie de votre attention.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Maître Ackerman.

 17   M. MENON : [interprétation] Une petite correction. A la page 70 du compte

 18   rendu d'audience, lignes 15 à 16, il est indiqué :

 19   "Pavkovic était informé des crimes de ses subordonnés au sein du MUP."

 20   L'intention était de dire que Pavkovic était informé des crimes de

 21   ses subordonnés et du MUP, je veux juste apporter cette correction. C'est

 22   tout. J'en ai terminé.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que mes collègues n'ont pas de

 24   questions, donc nous allons lever l'audience pour aujourd'hui. Et nous

 25   reprendrons demain à 9 heures 30.

 26   --- L'audience est levée à 15 heures 28 et reprendra le mercredi, 13 mars

 27   2013, à 9 heures 30.

 28