Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 13 mars 2013

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 29.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, citer l'affaire, je vous prie.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-05-87-A, le Procureur contre Nikola Sainovic,

 10   Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic et Sreten Lukic. Merci.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.

 12   Comme indiqué, si l'une quelconque des parties n'est pas capable de suivre

 13   la procédure à quelque phase que ce soit, je vous demande de porter ceci à

 14   mon attention immédiatement.

 15   Est-ce qu'on peut avoir les présentations, et on va commencer par

 16   l'Accusation, je vous prie.

 17   M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 18   Messieurs les Juges. Peter Kremer en tant que représentant de l'Accusation.

 19   A mes côtés j'ai Mathias Marcussen, Ingrid Elliott et Francois Boudreault,

 20   et une fois de plus, notre commis à l'affaire, Colin Nawrot. Merci.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 22   Les représentants de la Défense.

 23   M. FILA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 24   Messieurs les Juges. Je m'appelle Toma Fila, et en compagnie de M.

 25   Petrovic, je représente ici la Défense de M. Sainovic. Merci.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 27   M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je

 28   m'appelle John Ackerman, et avec Aleksandar Aleksic, je représente ici la

 


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  1   Défense du général Pavkovic.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

  3   M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Pour la

  4   Défense du général Lazarevic, ici nous avons dans le prétoire Mihajlo

  5   Bakrac; Djuro Cepic; notre conseiller juridique, Milos Cvijic; et un

  6   interne, Milan Petrovic. Merci.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Branko

  9   Lukic et Dan Ivetic en tant que conseils de la Défense de M. Sreten Lukic.

 10   Merci.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.

 12   Avant que de commencer, il y a quelques mises au point à effectuer pour ce

 13   qui est de nos sessions d'aujourd'hui et de demain. Notre première session

 14   va durer une heure 45 minutes à la place de deux heures. Après la pause, la

 15   Défense va continuer pendant 15 minutes afin d'en terminer avec sa

 16   présentation. Il en va de même pour ce qui est de la session que nous

 17   allons avoir demain au départ.

 18   Alors, Monsieur Bakrac, nous voudrions à présent entendre votre exposé.

 19   M. BAKRAC : [interprétation] Grand merci, Madame, Messieurs les Juges. Avec

 20   votre autorisation, Madame, Messieurs les Juges, nous nous proposons de

 21   présenter notre exposé des moyens d'appel, nous allons le faire avec un

 22   PowerPoint pour présenter les choses. Ce n'est pas de nouveaux éléments de

 23   preuve, mais nous souhaitons faire en sorte que les présentations verbales

 24   soient suivies d'une présentation sur les écrans afin que les choses soient

 25   mieux suivies. Et par le biais de cette présentation, Madame, Messieurs les

 26   Juges, nous voudrions essayer de fournir des réponses pour ce qui est des

 27   questions qui sont contenues dans votre ordonnance du 20 février et faire

 28   en sorte que certaines questions que nous estimons être tout à fait


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  1   importantes pour notre client soient abordées afin de recevoir des réponses

  2   pour ce qui est de questions qui sont restées sans réponse dans le jugement

  3   rendu en première instance. Alors, avec votre autorisation, Madame,

  4   Messieurs les Juges, je me proposerais à présent de céder la parole à mon

  5   confrère, M. Cepic, qui va parler du premier moyen d'appel et répondre à la

  6   première des questions posées par vous. Et avec votre autorisation, je me

  7   proposerais par la suite d'enchaîner pour parler du deuxième, troisième et

  8   quatrième moyens d'appel et deuxième et troisième questions par les Juges

  9   de la Chambre à la date du 20 février de cette année.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, vous pouvez commencer.

 11   M. CEPIC : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à

 12   tous et à toutes. Je m'appelle Djuro Cepic et je suis co-conseil de la

 13   Défense, comme m'a présenté mon confrère. Alors, je voudrais commencer avec

 14   une présentation. J'aimerais qu'on nous montre la première diapo, et

 15   j'aimerais que des copies soient distribuées aux membres de la Chambre

 16   d'appel.

 17   M. LE JUGE LIU : [aucune interprétation]

 18   M. CEPIC : [interprétation] C'est bien cela. Merci.

 19   Quand il s'agit de la base de crime, nous voudrions dire que nous avons

 20   expliqué dans le détail le fait que les membres de l'armée se sont

 21   conformés aux lois et à la constitution, et ceux qui ont fait les

 22   violations des dispositions légales ont été poursuivis en justice par les

 23   instances compétentes. Il y a une question d'importance qui s'impose, c'est

 24   la prétendue transmission des ordres verbalement donnés concernant la

 25   perpétration de crimes. Mon confrère, M. Kremer, avant-hier a précisément

 26   mentionné cette question-là, qui se trouve abordée au paragraphe 43 de la

 27   troisième partie du jugement rendu par la Chambre de première instance.

 28   La Défense, dans son mémoire en appel, a indiqué qu'il y avait des


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  1   contradictions pour ce qui est des propos de ce témoin et a souligné le

  2   manque de crédibilité et l'inacceptabilité [phon] de son témoignage. Alors,

  3   je voudrais ici indiquer aux Juges de la Chambre quelques exemples qui sont

  4   des plus flagrants. Nous avons sous les yeux la diapo numéro 1, on voit

  5   qu'il s'agit du témoignage du Témoin K90. Il dit qu'on ne lui a jamais

  6   donné l'ordre de commettre des crimes à l'égard des gens du cru.

  7   Diapo numéro 2, s'il vous plaît. Comme vous pouvez le voir ici, ceci

  8   est confirmé par d'autres dépositions, et le Président de la Chambre, le

  9   Juge Bonomy, a tiré une conclusion tout à fait claire, chose qu'on peut

 10   voir en bas de la diapo; je vous renvoie vers la page du compte rendu 9

 11   489. Donc, partant de ces parties du compte rendu d'audience, on voit que

 12   le Témoin K90 n'est pas crédible, n'est pas fiable et que sa déclaration

 13   écrite a été substantiellement modifiée au cours de son témoignage oral.

 14   Par conséquent, les Juges de la Chambre auraient dû rejeter la déposition

 15   de ce témoin. Et d'autre part, si l'on venait à analyser son témoignage, on

 16   aurait dû tirer des conclusions autres que celles qui ont été adoptées lors

 17   du prononcé du jugement en première instance, à savoir faire en sorte que

 18   ces conclusions disent qu'il n'y a pas eu de modèle de comportement de ce

 19   type.

 20   Le manque de logique dans ce témoignage de ce témoin est le suivant :

 21   c'était un simple soldat et il ne pouvait, par conséquent, pas savoir

 22   comment l'on faisait descendre les ordres le long de la filière. Et les

 23   ordres descendaient d'une filière conformément à la loi, la chose se trouve

 24   clairement confirmée par le fait qu'un enquêteur de l'Accusation, Philip

 25   Coo, qui est venu à Belgrade, ait trouvé une documentation complète de

 26   l'armée de Yougoslavie datant de l'époque pertinente. Référence au compte

 27   rendu 12 075. Partant de la documentation complète des ordres, des rapports

 28   de combat et autres documents fournis par écrit, l'Accusation et les Juges


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  1   de la Chambre auraient pu, avec les pièces à conviction présentées,

  2   procéder à une analyse complète et substantielle des événements sans pour

  3   autant faire en sorte que les conclusions des Juges de la Chambre se basent

  4   sur des éléments de preuve indirects suivant un principe "choisir ce qui

  5   nous arrange"; et il y a d'autres éléments de preuve qui permettent de

  6   tirer des conclusions qui vont à l'avantage de la Défense qui n'ont pas été

  7   pris en considération lors des conclusions adoptées.

  8   Je tiens à préciser et souligner le fait que devant le Corps de

  9   Pristina, il y avait quelque 30 filières de commandement. Un tel fait nous

 10   indique de façon claire qu'au cas où l'on faisait descendre les ordres par

 11   la filière verbale, il y aurait une confusion pure et simple qui porterait

 12   atteinte à toutes les chaînes de commandement. J'aimerais qu'on nous

 13   présente maintenant la diapo suivante, s'il vous plaît.

 14   Je voudrais à présent parler de la base de crime et de certaines des

 15   conclusions des Juges de la Chambre à ce sujet. Les Juges de la Chambre

 16   commettent une erreur lorsqu'ils disent que dans ces rapports des unités

 17   subordonnées où il est question d'un grand nombre d'Albanais du Kosovo

 18   déplacés et pour ce qui est des déplacements de ces Albanais et des abris

 19   qu'on leur a fournis, tout ceci ne se rapporte pas aux emplacements ou aux

 20   sites pour lesquels, d'après l'opinion des Juges de la Chambre de première

 21   instance, il a été prouvé des déplacements forcés. La référence c'est le

 22   Volume III, paragraphe 912.

 23   Une telle conclusion est tout à fait infondée et contradictoire avec

 24   les conclusions des Juges de la Chambre de première instance dans le même

 25   jugement rendu et contraire à bon nombre d'autres éléments de preuve

 26   présentés. Comme vous pouvez le voir sur la diapo devant vous, vous voyez à

 27   gauche la conclusion tirée par les Juges de la Chambre, et à droite, la

 28   conclusion des Juges de la Chambre au paragraphe 905, où il est question


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  1   précisément de la façon dont se comporte l'armée de Yougoslavie sur le

  2   territoire entre les villages de Turicevac, Izbica, Vocnjak et Cirez en fin

  3   du mois de mars 1999.

  4   J'ai dit fin mars 1999. Merci.

  5   La Yougoslavie a interrompu ses activités justement pour des raisons

  6   de protection de civils, et les responsables du commandement, les officiers

  7   du commandement du Corps de Pristina sont venus porter aide à ce type

  8   d'activité humanitaire.

  9   Ceci se trouve être confirmé par des témoignages et un rapport de

 10   combat de l'unité de l'armée de Yougoslavie sur ce territoire qui porte la

 11   référence P2046. Diapo suivante, s'il vous plaît.

 12   On continue avec la municipalité de Srbica. Alors, il y a la

 13   conclusion tirée par les Juges de la Chambre, et j'indique qu'il y a

 14   d'autres conclusions qui ont été tirées au sujet de ce territoire et au

 15   sujet de la période pertinente, et ce, notamment à l'avantage des thèses

 16   défendues par la Défense. Nous avons expliqué dans notre mémoire en clôture

 17   que les forces de l'armée de Yougoslavie ne sont pas entrées dans le

 18   village de Cirez pendant la période où l'on a constaté qu'il y avait

 19   prétendument des crimes commis dans ce villages. Et dans la diapo, vous

 20   voyez que suite à l'arrivée de l'armée sur ce territoire, on voit de façon

 21   claire comment les membres de l'armée se sont comportés à l'égard des

 22   civils. Ce sont des propos qui ont été tenus par des témoins de

 23   l'Accusation, aide fournie sous forme de vivres, de médicaments et autres

 24   fournitures, là où les soldats étaient à même de fournir de l'aide.

 25   Diapo suivante, s'il vous plaît. On voit qu'il y a les ordres donnés

 26   par l'armée de Yougoslavie sur le territoire de Srbica qui montrent comment

 27   les soldats de l'armée de Yougoslavie ont fait preuve de comportement

 28   humain à l'égard des civils qui se trouvaient là. Comme vous pouvez le voir


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  1   sur cette diapo - dans le jugement rendu, on cite cela d'ailleurs, et nous

  2   l'avons souligné dans notre mémoire en clôture - on parle du 5D1033,

  3   rapport de la 37e Brigade pour ce qui est de la protection de civils sur ce

  4   territoire; puis ensuite, la pièce 5D1083, un rapport de l'armée de

  5   Yougoslavie demandant des mesures de protection de civils pour ce qui est

  6   des fournitures en vivres et autres nécessités; 5D1037, rapport relatif à

  7   la situation à Glogovac qui convie la Croix-Rouge pour que celle-ci apporte

  8   de l'aide; 5D1059, où l'armée procède à des distributions de ses propres

  9   réserves de vivres pour aider les civils. Aider tous les civils qui se

 10   trouvent sur ce territoire indépendamment de leur appartenance ethnique ou

 11   confessionnelle, et je précise que Glogovac, en fonction de tous les

 12   recensements, était à 99 % peuplé d'Albanais.

 13   Je dois intervenir, excusez-moi. Page 7, ligne 1, on aurait dû

 14   entendre 5D1059. Merci.

 15   Alors, je vais vous demander la diapo suivante. Nous avons là

 16   certaines cartes qui ont été présentées pour étayer le témoignage d'un

 17   lieutenant-colonel qui s'appelait Bislim Zyrapi, chef du QG de l'UCK à la

 18   période concernée. De l'autre côté, nous avons une carte qui est la pièce

 19   IC157, présentée par le colonel Dikovic, qui se trouvait sur ce territoire.

 20   La carte du colonel Zyrapi porte la référence IC105. Alors, ces cartes

 21   coïncident l'une avec l'autre et les propos tenus par Bislim Zyrapi nous

 22   indiquent de façon claire que sur ce territoire il y a eu des combats entre

 23   les forces de l'ordre de la Serbie et de la Yougoslavie d'un côté, et les

 24   forces de l'UCK de l'autre côté. Le colonel Zyrapi, de par son témoignage

 25   crédible, a expliqué que ce territoire a été contrôlé par ses propres

 26   forces à lui. Et en sus, il a souligné la chose suivante, je vais citer,

 27   page du compte rendu 6 003, lignes 5 et 6 :

 28   "Il était normal pour eux d'ordonner des déplacements de la


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  1   population mais aussi de l'UCK…"

  2   Alors, si les Juges de la Chambre, concernant l'exemple de Belanica,

  3   ont constaté qu'il n'y a pas eu de crime de guerre de commis, c'est

  4   précisément grâce à ces propos tenus par le colonel Zyrapi que ça s'est

  5   fait, et nous savons que le colonel Zyrapi a témoigné que ceci a été un

  6   principe valable pour le territoire entier du Kosovo. Alors, du fait de cet

  7   élément de preuve, nous pouvons conclure quel a été le modèle de

  8   comportement général. Je tiens à remercier notamment les Juges de la

  9   Chambre d'avoir rendu une ordonnance datée du 20 février pour souligner

 10   qu'il y avait une question de posée au sujet du site, du village de

 11   Tusilje, pour la journée du 29 mars 1999.

 12   En effet, l'acte d'accusation ne mentionne pas ce village, ce qui fait

 13   qu'il n'y a aucun fondement d'en parler dans le jugement qui est rendu

 14   parce que ceci outrepasse la teneur de l'acte d'accusation en tant que tel.

 15   Je vais demander à présent à mon confrère, M. Cvijic, de passer un clip

 16   vidéo que l'on a déjà eu l'occasion de visionner pendant le procès. Il

 17   s'agit de Pristina, l'une des nombreuses nuits de bombardement, et il

 18   s'agit du 7 avril 1999.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. CEPIC : [interprétation] 5D -- voilà. Vous voyez des bâtiments en

 21   flammes. Vous voyez des bâtiments d'habitation qui ont été frappés. La

 22   question qui se pose, c'est celle de savoir si quelqu'un serait resté parmi

 23   les locataires à habiter là après un tel bombardement. Et je vais préciser

 24   que sur la ville de Pristina pendant les bombardements, il est tombé 199

 25   projectiles sur des bâtiments civils.

 26   Lorsque nous parlons de Pristina, je tiens à répéter ce que mon confrère,

 27   M. Ackerman, a indiqué lui-même. A Pristina, il n'y avait pas d'unités de

 28   combat de l'armée de Yougoslavie. Tous les effectifs étaient à leurs tâches


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  1   de défense du pays à l'extérieur de cette ville. Ça a fait l'objet de

  2   témoignages de commandants de guerre. C'est le commandant de la garnison,

  3   le témoin de la Défense Filipovic, qui l'a dit, et bon nombre d'éléments de

  4   preuve matériels de l'armée de Yougoslavie le démontrent aussi. Comme je

  5   l'ai dit, les archives de l'armée de Yougoslavie étaient complètes. Tout

  6   rapport de combat pouvait s'y retrouver. Et il était très aisé de

  7   reconstituer tous les déplacements des unités. Ce que je voudrais ici

  8   indiquer auprès des Juges de la Chambre d'appel, c'est que sur le

  9   territoire autour de Pristina, il a été apporté de l'aide humanitaire là où

 10   il y avait les effectifs de l'armée de Yougoslavie, ce qui a montré que

 11   l'on a fait preuve de soins à apporter aux civils. Ceci est illustré par

 12   une partie des documents cités que vous avez ici, à savoir le 5D499, la

 13   354e Brigade de l'armée qui prend soin de 15 000 Albanais de souche qui

 14   s'en revenaient chez eux, aux villages de Ladovac et Sajkovac. Ensuite,

 15   5D615, la 211e Brigade de l'armée de Yougoslavie qui apporte une aide

 16   humanitaire et autres fournitures pour la population albanaise. Et le

 17   témoin de l'Accusation, le colonel Zlatomir Pesic, commandant du KVOK à

 18   Pristina, a dit qu'il avait essayé de retenir un groupe de civils pour les

 19   convaincre de ne pas quitter leurs logis. Et nous avons là pièce à

 20   conviction 5D592, où l'on voit que les ressortissants de la 211e Brigade

 21   avaient apporté une aide médicale à la population civile.

 22   Diapo suivante, s'il vous plaît.

 23   Je tiens à me référer brièvement aussi à la municipalité de Prizren.

 24   On voit qu'il y a plusieurs ordres et rapports de combat pour illustrer les

 25   choses telles qu'elles se présentaient. M. Ackerman a souligné hier que

 26   certaines colonnes de réfugiées avaient péri suite aux bombardements de

 27   l'OTAN. Et vous pouvez le voir au rapport 5D1158, il y a des projectiles de

 28   l'OTAN qui sont tombés sur une colonne de civils et de réfugiées sur le


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  1   territoire de Lipaj [phon] et Djakovica. Enormément de victimes et de

  2   blessés. Un membre de l'armée de Yougoslavie a témoigné, à savoir Franjo

  3   Gloncak, qui a dit qu'il s'était porté au secours de ces victimes. Un autre

  4   exemple à proximité du village de Korisa. Je précise que le premier exemple

  5   c'est Pirane, et au sujet de la base de crime, on a dit que Pirane, c'est

  6   un site de crime d'expulsion et de déplacement forcé de civils. On a une

  7   déclaration du Témoin Gloncak qui se trouve à la pièce 5D1395.

  8   Le même témoin décrit une situation où une colonne de civils avait

  9   été touchée avec 15 projectiles de l'OTAN. Et c'étaient des réfugiés

 10   albanais qui s'en revenaient chez eux, près du village de Korisa, dans la

 11   municipalité de Prizren. Comme vous pouvez le voir, des centaines de

 12   blessés et de tués. Ce témoin Gloncak est allé donné son sang pour aider de

 13   la sorte les civils qui étaient blessés et qui en avaient besoin. Tout ceci

 14   illustre ce qui s'est passé. Il y a la pièce 5D914 qui est présenté par la

 15   549e Brigade de l'armée de Yougoslavie au sujet de ces frappes de l'OTAN.

 16   Diapo suivante.

 17   On voit le Témoin K79 qui a dit que l'armée avait demandé aux civils

 18   de rentrer chez eux, là où elle pouvait le faire. Page du compte rendu

 19   d'audience 9 721. Le général Maisonneuve avait vanté le comportement de la

 20   VJ et son attitude humanitaire à cette occasion. Diapo suivante.

 21   La situation se présente de façon identique sur le territoire de

 22   Djakovica, 5D1158, pour ce qui est de cette colonne de blessés. On envoie

 23   des équipes médicales de l'armée, quoique ce ne soit pas la tâche de

 24   l'armée. La tâche de l'armée c'est de défendre le pays, et les blessés,

 25   c'est les structures civiles qui doivent s'en occuper. Mais ceci a été

 26   fait. La pièce 5D1147 parle également des soins apportés aux civils. Diapo

 27   suivante, s'il vous plaît.

 28   5D1144 et 5D1155 pour illustrer la même chose. Nous allons passer


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  1   maintenant à la municipalité d'Orahovac. Ici, il est question également des

  2   comportements et de l'attitude humanitaire de l'armée de Yougoslavie où

  3   l'on dit que l'armée s'est conformée à la loi. Diapo suivante. Bon nombre

  4   de documents de la 252e Brigade. Le 5D963, qui parle de l'aide humanitaire

  5   apportée à l'intention des civils. 5D964, 5D1071, où l'on indique que les

  6   civils sur ce territoire ont été protégés de façon complète.

  7   Bon nombre d'autres documents l'illustrent : le 5D1072, 5D965, 5D973,

  8   5D974, et cetera. Merci.

  9   Comme je l'ai expliqué sur l'exemple de Srbica, la même chose s'est

 10   produite pour ce qui est du territoire de Djakovica, Prizren et Orahovac.

 11   Et ici, vous avez la carte du colonel Delic, le IC151, et à droite, la

 12   carte du colonel Zyrapi, chef d'état-major de l'UCK. Il s'agit de la

 13   référence P2447. Les déplacements des unités coïncident sur les deux

 14   cartes, et c'est le colonel Zyrapi qui a expliqué qu'il y avait eu des

 15   combats de façon analogue à Srbica. Il l'a souligné dans son témoignage, et

 16   témoignage que nous avons cité dans notre mémoire en appel, c'est que c'est

 17   précisément à Pirane et Celine, à proximité de ces villages, qu'il y a eu

 18   des combats qui se sont déroulés entre les effectifs de l'UCK d'un côté et

 19   les effectifs de la Serbie et de la Yougoslavie de l'autre côté. La

 20   référence au compte rendu d'audience, c'est le 5 991, 5 992.

 21   Pièce suivante, s'il vous plaît. Il s'agit d'une carte, 52447. Cela

 22   émane du colonel Zyrapi. Il a dessiné les zones qu'ils ont contrôlées à la

 23   date du 27 mars, et c'est précisément dans ces zones-là que l'on a indiqué

 24   la base de crime à l'origine, et il a dit qu'ils avaient donné l'ordre à la

 25   population civile de se déplacer du fait des combats qui avaient lieu entre

 26   les deux parties belligérantes. Et j'ajoute à tout ceci que pendant tout ce

 27   temps il y avait en permanence des bombardements de l'OTAN et des centaines

 28   et des centaines de projectiles étaient tombés à ce moment-là sur le


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  1   territoire du Kosovo-Metohija.

  2   Tout ceci nous indique de façon claire que tout ceci a visé

  3   concrètement la défense du pays par l'armée dans une situation fort

  4   difficile en circonstances de frappes aériennes de l'OTAN en parallèle avec

  5   les combats qui se déroulaient contre l'UCK.

  6   Madame, Messieurs les Juges, avec votre permission, je souhaiterais aborder

  7   la première question qui a été posée dans le cadre de votre ordonnance du

  8   20 février de cette année, il s'agit des sanctions disciplinaires et autres

  9   mesures à l'encontre des membres de la VJ. Je voudrais que nous passions à

 10   la diapositive suivante --

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Cepic, puis-je me permettre de

 12   vous donner un conseil ?

 13   M. CEPIC : [interprétation] Oui.

 14     M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que ce que vous devez nous

 15   présenter, c'est à quel endroit la Chambre de première instance se serait

 16   fourvoyée, en commettant une erreur de droit ou une erreur de fait, plutôt

 17   que de nous proposer une répétition de ce que vous avez présenté lors de la

 18   phase du procès.

 19   M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons, dans

 20   notre mémoire en appel, mis en avant tous les paragraphes pertinents du

 21   jugement ainsi que les pièces à conviction pertinentes. Je crois que dans

 22   le cadre de l'audience d'aujourd'hui nous avons souhaité, en fait, jeter

 23   davantage de lumière sur les arguments déjà présentés. C'est l'intérêt de

 24   la présentation. Et nous avons déjà tout couvert dans notre mémoire en

 25   appel.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Mais veuillez garder à

 27   l'esprit la remarque que je viens de faire. Veuillez poursuivre.

 28   M. CEPIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.


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  1   Je souhaiterais maintenant répondre précisément à votre question figurant

  2   dans l'ordonnance du 20 février et qui portait sur la question de savoir si

  3   la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que

  4   Vladimir Lazarevic n'avait pas pris suffisamment de mesures, notamment

  5   concernant les crimes d'expulsion et autres actes inhumains par rapport

  6   auxquels il aurait dû prendre les mesures adéquates aux fins d'enquêter sur

  7   les crimes graves commis par la VJ. Ceci figure au Volume III du jugement,

  8   paragraphe 900. J'espère que ceci pourra être utile à la Chambre d'appel.

  9   En fait, une telle conclusion de la Chambre ne résiste tout simplement pas

 10   à l'examen, pour rester mesuré, car le général Lazarevic a tout simplement

 11   fait tout ce qui était en son pouvoir. Sur la diapositive, nous avons ici

 12   une disposition de la Loi sur les forces armées de l'ancienne Yougoslavie -

 13   c'est la pièce P984 - et l'article 159 prévoit très clairement la prise de

 14   sanctions disciplinaires. Je souhaiterais également que l'on présente le

 15   paragraphe 133 de l'arrêt Gotovina et Markac sur ce même sujet, où la

 16   Chambre d'appel a conclu que les accusés avaient engagé des mesures

 17   disciplinaires contre un grand nombre de soldats et que cela jouait en leur

 18   faveur. Je vais justement vous montrer que le général Lazarevic a pris

 19   précisément ce type de mesures à une échelle encore plus importante et

 20   conformément avec les moyens qui ont été les siens. Nous devons cependant

 21   d'abord préciser une question essentielle pour nous, pénalistes, et qui

 22   concerne la responsabilité en matière disciplinaire : il s'agit d'une forme

 23   de responsabilité essentiellement inférieure, et ce, largement inférieure à

 24   la responsabilité pénale.

 25   En matière disciplinaire, on ne peut pas tenir quelqu'un responsable

 26   pour des actes de meurtre, de viol, d'expulsion ou tout autre crime ou

 27   crime de guerre. En fait, Aleksandar Vasiljevic a expliqué cela dans un

 28   exemple spécifique; page 8 968 du compte rendu. C'est la planche suivante.


Page 399

  1   Nous voyons les sanctions qui pouvaient être prises contre des

  2   soldats, définies dans les articles 163 et 164, et la sanction

  3   disciplinaire la plus sévère qui pouvait être prise était de 20 jours de

  4   prison. Et nous conviendrons que ce n'est pas avec une sanction

  5   disciplinaire de 20 jours d'emprisonnement que nous allons pouvoir punir

  6   quelqu'un qui a commis un crime. En outre, l'article 181 prévoit que pour

  7   pouvoir faire siéger un tribunal militaire disciplinaire, il faut que la

  8   procédure soit engagée à l'échelon d'un commandant d'armée, au moins.

  9   De même, l'alinéa de l'article 204 sur la Loi sur les forces armées

 10   disposent qu'en cas de guerre, on ne prononce pas des peines ou des

 11   sanctions disciplinaires si la mise en œuvre, la réalisation des sanctions

 12   en question n'est pas possible en situation de guerre. Cependant, même en

 13   présence de dispositions de cette nature, le général Lazarevic a fait tout

 14   ce qui était dans son pouvoir pour que les soldats puissent être

 15   sanctionnés sur le plan disciplinaire, conformément à la loi. Alors,

 16   j'attire votre attention sur l'ordre du 12 mars 1999 du commandement du

 17   Corps de Pristina qui demande la prise systématique de mesures

 18   disciplinaires sévères. Ensuite, nous voyons que le 29 mars, le général

 19   Lazarevic redemande cela, pièce 5D1144, ensuite la pièce P2029 du 1er avril

 20   1999, puis la pièce 4D237 du 7 mai 1999.

 21   Nombre de documents émanant de structures subordonnées témoignent du

 22   fait que ces ordres ont été appliqués. Je vous donne comme exemple les

 23   pièces 5D1293, 5D554, 5D387, 5D388, 5D365, 5D315, 5D550, 5D798, 5D1142,

 24   5D1151, 5D1154. Alors, je voudrais que l'on affiche la planche suivante.

 25   Ce qui est le plus important, comme je l'ai dit, on prend des mesures

 26   disciplinaires pour des infractions de faible gravité : si quelqu'un est

 27   arrivé en retard, s'il a commis une infraction de la discipline militaire

 28   sans gravité, et cetera. Mais ce qui compte en l'espèce, c'est la poursuite


Page 400

  1   au pénal des auteurs de crimes, d'infractions au pénal. Mon confrère, Me

  2   Bakrac, en dira un peu plus à ce sujet. Je me contenterai de souligner que

  3   les officiers et le commandant du corps lui-même se sont acquittés de leur

  4   obligation en soumettant des plaines au pénal, parce que les juges et les

  5   procureurs étaient indépendants dans leurs travaux, tout comme les Juges du

  6   présent Tribunal sont indépendants dans leur travail. Eh bien, de la même

  7   façon, la loi et la constitution définissaient le cadre dans lequel

  8   intervenaient les juges et les procureurs dans l'ancienne Yougoslavie, et

  9   garantissaient leur indépendance. Devant nous, nous avons l'article 143 de

 10   la constitution qui affirme clairement cette indépendance.

 11   Je voudrais dire que les membres du Corps de Pristina pendant la

 12   période pertinente en l'espèce ont soumis 2 382 plaintes au pénal, sur

 13   lesquelles près d'un cinquième, un cinquième donc de ces plaintes

 14   concernent des violations du droit international humanitaire. Concrètement,

 15   il s'agit de 482 plaintes au pénal. J'ai essayé de retrouver dans la

 16   jurisprudence du présent Tribunal ainsi que d'autres tribunaux ayant à

 17   juger de crimes de guerre des exemples similaires qui pourraient témoigner

 18   d'un nombre à peu près comparable de mises en accusation et de mesures

 19   éminemment humaines et humanitaires prises au regard des besoins des

 20   civils; je n'ai réussi à trouver quoi que ce soit d'équivalent, ce qui joue

 21   clairement en faveur du général Lazarevic, qui a subordonné le principe de

 22   l'efficacité militaire à celui d'humanité. En toute chose, il a respecté la

 23   loi et la constitution qui lui imposait de tenir compte de leurs

 24   dispositions dans ces actions. Je voudrais vous remercier pour votre

 25   attention, et mon collègue, Me Bakrac, assurera la suite.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   M. CEPIC : [interprétation] Je voudrais juste apporter une correction au

 28   compte rendu. Page 15, ligne 14, il convient de lire non pas "l'article


Page 401

  1   143", mais "l'article 138" de la constitution.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Maître Cepic.

  3   M. CEPIC : [interprétation] Merci beaucoup à vous.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Bakrac, à vous.

  5   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges. Je vais

  6   revenir sur la substance de nos moyens d'appel numéro 2 et 3. Concernant

  7   ces moyens d'appel, la Défense dans cette partie de sa présentation, se

  8   tournera tout particulièrement vers les questions soulevées par la Chambre

  9   d'appel, questions 2 et 3 figurant dans l'ordonnance du 20 février 2013.

 10   Avec le respect que je dois à la Chambre de première instance, notre

 11   Défense estime que cette Chambre a commis une erreur lorsqu'elle a conclu

 12   que le général Vladimir Lazarevic avait participé à l'aide et à

 13   l'encouragement apportés à l'expulsion et aux transferts forcés de la

 14   population albanaise, et lorsqu'elle a conclu que l'élément moral le

 15   caractérisant comprenait : a) la participation à la planification et à la

 16   mise en œuvre d'opérations conjointes de la VJ et du MUP; deuxièmement, le

 17   fait d'émettre des ordres correspondant à Grom 3 et Grom 4, et les ordres

 18   du commandement conjoint constitué par le Corps de Pristina par lesquels la

 19   VJ a été déployée dans les localités où il y a eu déplacement forcé

 20   d'Albanais; troisièmement, le séjour sur le terrain et l'inspection des

 21   unités qui renforçaient le moral des soldats; et quatrièmement, son

 22   manquement à prendre des mesures adéquates en vue d'assurer les enquêtes

 23   réglementaires qu'appelaient les crimes graves commis par la VJ. Vous

 24   pouvez retrouver ces éléments, Madame et Messieurs les Juges, dans le

 25   jugement de première instance, Volume III, paragraphe 925.

 26   La Défense réitère que selon elle une telle conclusion de la Chambre

 27   de première instance est tout à fait erronée au vu de l'ensemble des

 28   éléments de preuve en l'espèce. Pour conclure, le général Lazarevic a aidé


Page 402

  1   et encouragé l'expulsion et le transfert forcé de la population albanaise,

  2   selon les modalités que je viens de citer, la Chambre de première instance

  3   avait l'obligation d'établir ce qu'il convient d'appeler le caractère de

  4   visant spécifiquement conformément à la jurisprudence du Tribunal en tant

  5   qu'élément essentiel de l'élément matériel lorsqu'il s'agit d'aider et

  6   d'encourager. L'établissement explicite de ce caractère de visant

  7   spécifiquement était selon nous indispensable afin d'établir le lien requis

  8   entre le fait d'aider et d'encourager et les auteurs principaux. La Chambre

  9   de première instance, à cette fin, avait également l'obligation d'établir

 10   de façon adéquate le contexte plus large dans lequel les actions auxquelles

 11   elle se réfère ont été commises. Et justement dans cette étape essentielle,

 12   la Chambre de première instance a commis une erreur. Dans son

 13   interprétation des éléments de preuve, elle n'a pas conclu que le général

 14   Lazarevic en tant qu'officier honorable et professionnel a agi en

 15   conformité avec la constitution, les dispositions de la loi en vigueur, et

 16   l'obligation morale qui était la sienne de défendre son propre pays contre

 17   l'ALK et la campagne de l'OTAN, au lieu de cela la Chambre de première

 18   instance a conclu que le général Lazarevic aurait aidé et encouragé

 19   l'expulsion et le transfert forcé de la population albanaise.

 20   Cette compréhension erronée du contexte dans son ensemble et des

 21   obligations et droits découlant de la constitution et de la loi en vigueur

 22   pour Lazarevic en tant que commandant du Corps de Pristina a très fortement

 23   influencé le raisonnement, lui aussi entaché d'erreur, de la Chambre de

 24   première instance, et de cela, les pièces présentées lors du procès

 25   témoignent le mieux. Des erreurs ont été commises dans l'établissement de

 26   faits essentiels, ce qui a à son tour entraîner la commission d'erreur de

 27   droit.

 28   Ici, nous allons tout d'abord nous efforcer d'examiner chacun de ces


Page 403

  1   éléments de l'élément matériel auquel la Chambre de première instance a

  2   conclu concernant le général Lazarevic. Pour commencer nous allons examiner

  3   la planification et l'exécution d'opérations conjointes de la VJ et du MUP.

  4   La Défense souligne que dans le contexte des événements au Kosovo pendant

  5   la période pertinente, la participation et la mise en œuvre des opérations

  6   conjointes de la VJ et du MUP n'était pas uniquement légale mais également

  7   logique et nécessaire. La Défense ne voit pas en quoi ni à quel endroit la

  8   Chambre de première instance dans son jugement serait parvenue à établir

  9   une distinction claire entre cette forme d'actions nécessaire, logique et

 10   légale de l'appelant et ce que constituerait un manquement et ce qui

 11   constituerait des actions dont on aurait établi au-delà de tout doute

 12   raisonnable qu'ils peuvent être assimilés à des omissions et à une

 13   contribution à une forme d'aide et d'encouragement. Le devoir premier de

 14   l'appelant était de planifier des opérations visant à la défense du pays

 15   contre l'ALK et la campagne de l'OTAN conformément aux ordres qui lui

 16   parvenaient des structures supérieures hiérarchiquement. La Chambre de

 17   première instance avait l'obligation d'établir une distinction claire entre

 18   l'exécution et l'accomplissement de ces tâches prévues par la loi et qui

 19   étaient des tâches régulières d'une part, et d'autre part les actions dont

 20   on aurait éventuellement pu déterminer qu'elles contribuaient à la

 21   commission de crimes et dont l'appelant aurait eu également conscience.

 22   Donc dans tout travail, et dans celui de général également, celui de

 23   général de corps d'armée, il y a toujours une description des tâches et des

 24   obligations de la personne intéressée. Pour un commandant de corps, eh

 25   bien, nous trouvons en tout premier plan l'obligation de planifier des

 26   opérations, et notamment en situation de guerre. C'est un aspect

 27   particulièrement important de ce poste.

 28   Je voudrais maintenant que vous examiniez une diapositive dans laquelle


Page 404

  1   nous nous contenterons de résumer les opinions, les positions des témoins à

  2   charge, des témoins qui, compte tenu des postes qu'ils ont occupés et de

  3   l'expérience qui était la leur, avaient quelque chose à dire à ce sujet.

  4   Donc un grand nombre de témoins étaient des fonctionnaires haut placés

  5   d'organisations internationales, qui ont dit que ces actions ou opérations

  6   dont la Chambre de première instance a conclu qu'elles constituaient des

  7   parties de l'élément matériel de l'accusé, ces témoins ont donc dit qu'il

  8   s'agissait d'actions légales. Qui plus est, il s'agissait d'actions

  9   nécessaires dans le cadre de la défense de l'Etat contre l'ALK et la

 10   campagne de l'OTAN. Le Témoin Maisonneuve dit même, je cite : La

 11   coordination entre le VJ et le MUP était plus que nécessaire, elle a été

 12   hautement professionnelle. Toute opération impliquant la participation tant

 13   de la VJ que du MUP doit être conduite en coopération étroite afin que les

 14   formations respectives soient au courant des plans de l'autre structure

 15   afin d'éviter des incidents ou le tir contre des effectifs amis. Vous

 16   pouvez retrouver ceci, Madame et Monsieur les Juges, en page 11 183 du

 17   compte rendu.

 18   En page 9 815 du compte rendu d'audience, le colonel Crosland dit en ses

 19   propres termes, sur la base de son expérience très riche acquise dans le

 20   monde entier que, je cite : Il était tout à fait à prévoir qu'il existe

 21   différentes formes de coopération et de coordination entre les différents

 22   effectifs du MUP et de la VJ au Kosovo dans le but d'éviter des tirs visant

 23   des effectifs amis. Page 9 815 donc du compte rendu.

 24   Outre ces témoignages, la loi en vigueur à l'époque en RSFY faisait

 25   obligation au général Lazarevic de se conformer à ces dispositions, à

 26   savoir dans le cadre de cette loi faire intervenir des unités de la VJ dans

 27   des opérations contre des groupes terroristes était tout à fait légitime et

 28   légale. Et vous retrouverez ceci dans la pièce P1085.


Page 405

  1   Madame, Monsieur les Juges, juste une intervention au compte rendu, ligne

  2   8, l'expérience du colonel Crosland a été acquise pendant qu'il était en

  3   service dans le monde entier.

  4   Les éléments de preuve sur lesquels nous venons d'attirer l'attention des

  5   Juges de la Chambre d'appel montrent clairement que la planification et la

  6   participation à des opérations conjointes du MUP et de la VJ contre des

  7   opérations de groupes terroristes est non seulement légitime et légale mais

  8   également nécessaire, notamment dans des situations où on recourt à la

  9   force armée pour essayer d'obtenir la cessation d'une partie d'un

 10   territoire d'un Etat internationalement reconnu. Le MUP et la VJ avaient

 11   une obligation constitutionnelle de protéger l'intégrité territoriale et la

 12   souveraineté de l'Etat.

 13   La Chambre de première instance poursuit en concluant que l'élément moral

 14   de l'appelant est confirmé par les ordres qu'il a émis au titre de Grom 3

 15   et Grom 4 ainsi que ceux du Corps de Pristina par lequel la VJ a été

 16   déployée dans des localités où il y a eu transfert forcé d'Albanais. La

 17   Défense souhaite ici souligner que les unités du Corps de Pristina ont été

 18   déployées dans toutes les localités du territoire du Kosovo, où l'on n'a

 19   pas établi qu'il y ait eu expulsion ou transfert forcé.

 20   Ce qui est intéressant aussi, c'est que la Chambre de première

 21   instance se réfère à des ordres dans lesquels on voit qu'il est question

 22   indubitablement d'un plan de grande envergure visant à faire intervenir la

 23   VJ au Kosovo, et ceci aux fins de défendre, d'assurer la défense terrestre

 24   de l'Etat contre l'agression. La teneur même de ces ordres nous montre que

 25   ce plan ne prenait pas pour cible la population civile mais qu'il résultait

 26   bien plutôt de l'effort de guerre visant à défendre le territoire de

 27   l'Etat.

 28   Ceci figure sur la planche actuellement à l'écran. La pièce 3D690 est


Page 406

  1   un ensemble d'instructions de l'état-major général de la VJ du 16 janvier

  2   1999 avec Grom 3 en en-tête. Par ces instructions, on enjoint aux

  3   commandements subordonnés, en premier lieu au 3e Corps d'armée et donc

  4   également au Corps de Pristina, de recourir à la VJ sur le terrain pour

  5   s'opposer aux actions terroristes de l'ALK et à la campagne de l'OTAN.

  6   Sur la base de ces instructions de l'état-major général de la VJ qui

  7   reflétaient le plan pour la défense du pays, le 27 janvier 1999, le 3e

  8   Corps d'armée a émis l'ordre relatif à Grom 3, définissant les tâches

  9   incombant au Corps de Pristina aux fins d'empêcher les brigades de l'OTAN

 10   de se déployer et d'opérer une jonction avec l'ALK. Parallèle avec ceci,

 11   cet ordre relatif à la défense du pays a fait que le Corps de Pristina ait

 12   fait de cet ordre un ordre en soi pour bloquer et détruire l'ALK dans le

 13   secteur de Drenica, Laba, Petit Kosovo et Malisevo. Pour ce qui est de la

 14   3e Armée, elle a donné un ordre pour que ce plan soit réalisé au plus tard

 15   le 15 février, ou avant le 15 février 1999. 5D249.

 16   Le commandement du Corps de Pristina s'est conformé à cet ordre, et à la

 17   date du 16 février 1999, elle a donné un ordre pour ce qui était de briser

 18   et détruire l'ALK dans le secteur de Drenica, Lab, Malo Kosovo et Malisevo.

 19   C'est la pièce P2808. Si ces ordres-là avaient constitué des plans mis en

 20   place pour la défense du pays, c'est confirmé par un document confidentiel

 21   du renseignement, un document confidentiel.

 22   Le 6D1671, où l'on donne instruction de suivre les activités de l'ALK sur

 23   le terrain. Excusez-moi. La référence du document, c'est le 6D1671 du mois

 24   de novembre 1998. Partant de ce rapport du renseignement envoyé par le

 25   biais de l'ambassade à Belgrade vers le pays concerné, il est dit qu'il y a

 26   des activités déployées par l'organisation de l'ALK, et on souligne que

 27   l'ALK est en train de renouveler, de mobiliser dans le secteur de Malisevo,

 28   Drenica et Podujevo, c'est-à-dire Lab et Malo Kosovo, et c'est là que l'on


Page 407

  1   a constaté la présence des plus grandes et des mieux organisées des unités

  2   de l'ALK. L'ALK procède à la mobilisation et à l'entraînement de nouvelles

  3   troupes.

  4   Devant ce Tribunal, on a pu entendre le témoin Radojko Stefanovic,

  5   page du compte rendu 21 817, a déclaré que l'ordre donné par le Corps de

  6   Pristina, daté du 16 février 1999, découle de l'ordre donné par la 3e

  7   Armée. On a également estimé que le secteur de Malo Kosovo, Drenica et

  8   Malisevo avait comporté une haute concentration d'unités fortes et

  9   puissamment armées de l'ALK, et que cela était tout à fait propice à une

 10   descente parachutée des forces multinationales de l'OTAN basées en

 11   Macédoine.

 12   Alors, tous ces éléments de preuve qui se trouvent être corroborés

 13   par les ordres que je viens de citer indiquent tout à fait clairement que

 14   la conclusion à tirer est celle de dire que ce sont là des actions et des

 15   ordres donnés pour la défense du pays, dans l'objectif de réaliser ce qui

 16   avait constitué l'effort de guerre du pays. Si l'on analyse la teneur, on

 17   peut déterminer ceci à part entière pour constater quel a été l'objectif

 18   poursuivi par l'armée de Yougoslavie, et comment on a fait pour préserver

 19   la chaîne de commandement. Ce sont des ordres pour la défense du pays. Il

 20   n'y a aucune chose ou aucun élément contraire au droit. L'appelant était

 21   tenu de réaliser les ordres du commandement supérieur qu'il avait reçus, et

 22   donc tous ces éléments de preuve qui corroborent ce qui vient d'être dit

 23   font conclure de façon non ambiguë que ceci n'est pas un paravent ou une

 24   façon de masquer, dissimuler l'intention qui aurait été celle de

 25   prétendument combattre l'ALK, et la campagne de l'OTAN pour procéder à la

 26   perpétration de crimes contre la population albanaise. Si déjà ce n'est pas

 27   la seule conclusion raisonnable à tirer, c'est certainement la conclusion

 28   raisonnable alternative à tirer par rapport à ce que la Chambre de première


Page 408

  1   instance a tiré comme conclusion. Et je répète que la Chambre de première

  2   instance a considéré que les ordres donnés avaient constitué l'élément

  3   matériel de la responsabilité du général Lazarevic. D'après moi, lorsque

  4   l'on analyse ces ordres-là, la seule conclusion raisonnable à tirer c'est

  5   que ceci a été exécuté dans le cadre de l'effort de guerre du pays pour

  6   défendre le pays. Alors, si vous voulez maintenant rabaisser les normes

  7   vers le bas pour, par exemple, raisonner comme la Chambre par le biais

  8   d'éléments de preuve indirects, la chose qui serait indirectement

  9   raisonnable c'est de conclure que ce sont là des ordres donnés dans le

 10   cadre de l'effort de guerre pour défendre le pays, notamment lorsque l'on

 11   prend en considération le fait que les territoires concernés c'étaient des

 12   territoires où il y avait une forte concentration des forces de l'ALK avec

 13   une grande population civile.

 14   Ce qui indique qu'il y a également erreur des Juges de la Chambre

 15   sans se référer à des éléments de preuve concrets, c'est le fait d'avoir

 16   affirmé que le général Lazarevic avait illustré son élément matériel de

 17   responsabilité pour ce qui est des départs ou des déplacements de la

 18   population, où l'on a dit que c'était l'objectif poursuivi de transfert

 19   forcé et d'expulsion. Mais il faut savoir qu'il y ait eu de violentes

 20   frappes aériennes et des attaques réitérées par l'ALK sur le territoire du

 21   Kosovo et Metohija dans son ensemble. Dans ce type de circonstance, il est

 22   absolument logique de voir un commandant du corps se déplacer vers ses

 23   propres unités. Chaque commandant est censé le faire, quelle que soit

 24   l'armée en question dans le monde. Les Juges de la Chambre de première

 25   instance n'ont aucun élément de preuve, ni direct ni indirect, pour dire

 26   que cette inspection des unités avait été faite dans l'intention

 27   d'encourager ou de susciter la perpétration de crimes de guerre. Et ces

 28   éléments de preuve indirects devraient nous montrer que la seule conclusion


Page 409

  1   raisonnable à tirer par les Juges de la Chambre devrait être celle-là,

  2   chose qui n'est pas le cas.

  3   Diapo suivante, s'il vous plaît. Pour ce qui est -- excusez-moi. Vous

  4   avez là, ici, la conclusion tirée par les Juges de la Chambre de première

  5   instance et les positions qui sont celles de la Défense pour ce qui est des

  6   éléments de preuve à décharge. Alors, si vous vous penchez sur la pièce

  7   P2004, Madame, Messieurs les Juges, vous allez voir qu'au point 4 de cet

  8   élément de preuve, où on parle du moral, le général Lazarevic informe la 3e

  9   Armée et l'état-major principal de l'armée de Yougoslavie de la chose

 10   suivante. Il s'agit d'un rapport de combat daté du 13 avril 1999, donc 20

 11   jours après le début de la campagne aérienne de l'OTAN. Le général

 12   Lazarevic dit le moral du corps est très bon et stable. Le moral est

 13   positivement influencé par les positions de plus en plus manifestes des

 14   facteurs politiques internationaux disant que la question du Kosovo-

 15   Metohija devrait être abordée et résolue par des moyens politiques.

 16   Voilà la résultante du séjour de Lazarevic sur le terrain. Il est là-bas

 17   pour encourager, il en informe ses supérieurs de la 3e Armée et l'état-

 18   major principal du fait que l'armée sur le terrain est tout à fait prête à

 19   aborder ou à passer à une solution pacifique de la situation. Alors, est-ce

 20   que quelqu'un qui est conscient de crimes d'expulsion et de transfert forcé

 21   est censé informer son commandement du fait que la conscience et le moral

 22   des troupes étaient plutôt portés vers une solution politique et non pas

 23   militaire des choses, et il l'écrit à ses supérieurs hiérarchiques ?

 24   Il y a un témoin qui est particulièrement important, le Témoin K73,

 25   on l'a mentionné avant-hier dans les propos qui ont été tenus par mon

 26   éminent confrère, M. Kremer, et par M. Ackerman également, ce Témoin K73.

 27   M. Cepic a parlé du Témoin K90, et moi, je me propose de me référer à ce

 28   Témoin K73. Notre confrère, M. Ackerman, a indiqué que le témoignage de ce


Page 410

  1   témoin devant la Chambre de première instance a été tel, et on a convié la

  2   Chambre de première instance à se pencher dans le détail sur le témoignage

  3   de celui-ci. Je convie les Juges de la Chambre d'appel à se pencher aussi

  4   sur les détails de son témoignage pour voir que ce témoin, bien qu'il ait

  5   parlé d'un incident d'expulsion, il indique qu'il n'a jamais reçu d'ordre

  6   d'expulsion ou de transfert forcé de façon directe. Quand il a témoigné

  7   ici, ce témoin a parlé d'un incident. Mon éminent confrère, M. Kremer, a

  8   dit avant-hier que ce témoin avait lui-même un problème pour ce qui était

  9   de faire face à ce qu'il aurait prétendument fait lui-même dans le cadre

 10   d'une opération. Ce qui est évident, toutefois, c'est que ce témoin n'a pas

 11   reconnu le général Lazarevic comme étant un co-perpétrateur, un assistant

 12   ou quelqu'un qui lui aurait apporté son soutien dans ce qu'il avait fait.

 13   Il le reconnaît en sa qualité de commandant sous le commandement duquel il

 14   avait défendu son pays. Et pour lui, comme il l'a dit, ça avait été un

 15   grand honneur que d'avoir défendu son pays sous le commandement du général

 16   Lazarevic.

 17   Vous allez retrouver ceci au TT341, où le Témoin K73 dit : Tous les

 18   officiers avaient une opinion très bonne du général Lazarevic. Ils avaient

 19   considéré que c'était un militaire de carrière, un homme bon, honnête et

 20   honorable qui a défendu son pays. Et ça a été l'un des commandants dans la

 21   filière de commandement. Le témoin a estimé que Lazarevic était un

 22   responsable militaire et qu'il avait été honoré d'avoir défendu son pays

 23   sous son commandement.

 24   A la fin, et ce n'est pas la mission d'un témoin, mais je tiens quand

 25   même à préciser que ce témoin avait personnellement estimé que le général

 26   Lazarevic n'avait pas sa place dans un prétoire de tribunal.

 27   Pourquoi est-ce que je le dis ? Parce que c'est incompatible avec ce

 28   que la Chambre de première instance a constaté. Si celle-ci a constaté que


Page 411

  1   les inspections effectuées par le général Lazarevic sur le terrain avaient

  2   eu pour objectif d'encourager et d'inciter des auteurs de crimes, pourquoi

  3   les témoins de l'Accusation, étant des soldats sur le terrain eux-mêmes,

  4   avaient perçu le général Lazarevic comme je viens de l'exposer ? C'est là

  5   absolument un élément de preuve disant que le général Lazarevic avait été

  6   perçu comme un comandant digne de ce nom chargé de la défense de son pays

  7   sans influence aucune pour ce qui est de tout agissement qui serait

  8   contraire à la loi ou au droit. Je me réfère maintenant à la page du compte

  9   rendu 3 415. Parce que là, c'est une erreur du compte rendu que nous avons

 10   un peu plus haut.

 11   Je tiens à préciser que le témoin de l'Accusation Dusan Loncar,

 12   lorsqu'il a témoigné au sujet du général Lazarevic, a indiqué qu'il pouvait

 13   déclarer ce que la grande majorité des officiers de l'armée de Yougoslavie

 14   avait dit que c'était un général par excellence. Le témoin de l'Accusation

 15   Zlatomir Pesic a indiqué qu'il n'avait jamais obtenu du général Lazarevic,

 16   ni oralement ni par écrit, des ordres qui seraient contraires à la loi ou

 17   aux dispositions élémentaires relatives à l'utilisation de la VJ. C'est

 18   également un témoin de l'Accusation qui l'a affirmé. Et un autre témoin de

 19   l'Accusation, Ratomir Tanic, est venu dire que Lazarevic n'avait pas une

 20   idée complète de ce qui était en train de se passer sur le territoire du

 21   Kosovo-Metohija. Je précise qu'il s'agit du compte rendu -- pour Zlatomir

 22   Pesic, compte rendu d'audience 7 267; pour Dusan Loncar, là c'est la page 7

 23   687; et pour Ratomir Tanic, la page du compte rendu d'audience afférente

 24   est 6 756.

 25   Il est conclu de façon erronée que le manquement de prise de mesures

 26   pour diligenter des enquêtes au sujet des crimes commis par des membres de

 27   l'armée de Yougoslavie avait permis à ces effectifs de poursuivre une

 28   campagne de terreur, de violence et de transfert forcé. Or, l'appelant


Page 412

  1   indique qu'il y a bon nombre d'éléments de preuve que les Juges de la

  2   Chambre n'ont pas pris à juste titre en considération et qui montrent que

  3   le général Lazarevic, à chaque fois qu'il avait eu vent d'un crime commis

  4   par un membre de l'armée de Yougoslavie, avait entrepris toute mesure à sa

  5   disposition pour enquêter et pour faire en sorte que l'intéressé soit

  6   poursuivi en justice. Il y a des éléments de preuve qui prouvent et

  7   démontrent au-delà de tout doute raisonnable que les Juges de la Chambre de

  8   première instance ont fait une erreur en affirmant que le général Lazarevic

  9   avait omis de prendre des mesures pour ce qui était d'enquêter les crimes

 10   graves commis par des membres de la VJ. J'attire l'attention des Juges de

 11   la Chambre d'appel sur la pièce 5D84, il s'agit du rapport de combat de

 12   Lazarevic daté du 3 avril 1999. Il s'agit d'un rapport sur sept -- sept ou

 13   huit jours après le début des frappes aériennes de l'OTAN. Le général

 14   Lazarevic, dans ce rapport, informe son commandement supérieur ainsi que

 15   l'état-major principal du fait que le jour d'avant, c'est-à-dire le 2

 16   avril, il a été présenté 32 plaintes au pénal contre des auteurs de crimes,

 17   à savoir huit pour meurtre, un dépôt de plainte pour mauvais traitement et

 18   trois pour tentative de meurtre, deux pour vol, et cetera, et cetera.

 19   Donc, au tout début des bombardements, le général Lazarevic, chaque

 20   fois qu'il a été informé de ceci, envoie un rapport au commandement

 21   supérieur pour informer de la chose. Cet élément de preuve a été montré au

 22   témoin de l'Accusation, le général Vasiljevic, qui était l'autorité du

 23   renseignement situé au niveau de l'état-major principal de l'armée --

 24   c'était l'instance chargée de la sécurité, plutôt, à l'état-major principal

 25   de l'armée de Yougoslavie. Et ce général Vasiljevic, je vais le résumer -

 26   aux pages de compte rendu 8 968 à 8 970 - il indique que c'est un exemple

 27   de rapport de combat tout à fait classique et régulier qui comporte la

 28   totalité des éléments qu'il est censé comporter. On a montré ensuite au


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  1   Témoin Vasiljevic la pièce 5D85, un rapport de combat du jour d'après, du 4

  2   avril, où le général Lazarevic, au paragraphe 5, parle de la situation au

  3   niveau sécuritaire, et il indique que le jour d'avant il y a eu six dépôts

  4   de plaintes au pénal contre des auteurs de crimes.

  5   Diapo suivante, s'il vous plaît. Lorsque, une fois de plus, le général

  6   Vasiljevic a vu ce document, il a dit - et vous voyez ceci sur vos écrans -

  7   il a répondu que dans ce rapport de combat, il y a tout ce qu'un rapport de

  8   combat émanant du commandant de corps est censé comporter. Il a ajouté

  9   qu'il y avait une obligation de l'instance chargée de la sécurité, à savoir

 10   sa propre filière du renseignement, pour ce qui est de rapporter à qui de

 11   droit la perpétration de ce type de crimes. Et quand on lui a posé la

 12   question de savoir si ce que le général Lazarevic avait indiqué dans son

 13   rapport de combat constituait tout ce qu'il devait entreprendre, il a

 14   répondu de façon explicite oui. Le général Lazarevic a fait ce qu'il a

 15   fait, et ceci met un terme à ce qui avait constitué son obligation. Tout

 16   autre enquête relève de l'autorité des instances supérieures. Ce sont les

 17   instances supérieures qui sont censées demander en cas de besoin des

 18   rapports plus détaillés. Vous pouvez retrouver ceci aux pages du compte

 19   rendu 8 967 à 8 968.

 20   On a également reproché au général Lazarevic un comportement qui a été

 21   caractérisé de façon erronée par les Juges de la Chambre de première

 22   instance pour ce qui est de son élément matériel qui devrait être pris en

 23   considération. Mais son comportement était celui de la conduite d'une

 24   guerre. Dans le contexte réel de la situation, il y avait un effort de

 25   guerre d'un Etat qui visait à se défendre d'une insurrection armée et d'une

 26   tentative de sécession violente par l'ALK, et ils se défendaient en même

 27   temps de la campagne aérienne de l'OTAN.

 28   Compte tenu de la totalité des éléments de preuve montrés aux Juges de la


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  1   Chambre, il est clair qu'un Juge raisonnable des faits doit forcément tirer

  2   ce type de conclusion-là. L'Accusation aurait dû démontrer au-delà de tout

  3   doute raisonnable que les omissions du général Lazarevic, telles

  4   qu'énoncées, auraient eu pour objectif d'apporter une aide pratique à des

  5   auteurs de crimes et que ces agissements auraient de façon considérable

  6   contribué à la perpétration de crimes. Mais lorsque ce type de conclusion

  7   se base de sur des éléments de preuve indirects, la seule conclusion à

  8   tirer serait autre. Il est évident que les éléments de preuve que nous

  9   avons cités et bon nombre de preuves que nous avons citées dans notre

 10   mémoire en appel ne fournissent en aucune façon à la Chambre d'appel la

 11   possibilité de tirer la conclusion qui aurait été celle de dire que le

 12   général Lazarevic aurait eu pour actus reus ce type de comportement et ces

 13   omissions. L'explication raisonnable du comportement de Lazarevic est

 14   celle-ci : il a entrepris des mesures légales et prescrites par la

 15   constitution pour conduire la guerre et défendre son pays, et non pas pour

 16   ce qui est d'une perpétration de crimes quelle qu'elle soit.

 17   A la lumière de la pratique la plus récente en date, la Défense

 18   estime que dans ce cas concret il faudrait qu'il y ait de mis en œuvre un

 19   principe d'objectif spécifique de poursuivi, parce que tout le territoire

 20   du Kosovo-Metohija ne pouvait pas être pris en considération comme un seul

 21   et unique lieu de perpétration de crimes, notamment si l'on ne perd pas de

 22   vue les circonstances spécifiques du bombardement quotidien de grande

 23   envergure réalisé en ce temps-là par l'OTAN et les attaques lancées au

 24   quotidien par l'ALK contre les unités de l'armée de Yougoslavie et du MUP.

 25   Dans ce type de circonstances, il convenait donc de déterminer si le

 26   général Lazarevic avait pu être présent à tout site concret où il y a eu

 27   des crimes de commis. Si le général Lazarevic avait réagi à chaque fois

 28   qu'il avait eu connaissance d'un crime de commis, ça, c'est une chose qui


Page 415

  1   est démontrée par les exemples qui suivent : 5D379, c'est une demande

  2   formulée par le général Lazarevic en date du 26 avril 1999 où il a demandé

  3   à ses supérieurs d'envoyer au Kosovo d'urgence une équipe ou alors un

  4   pathologiste pour exhumer des cadavres parce qu'il y a eu des allégations

  5   disant que des membres de l'armée de Yougoslavie avaient été impliqués dans

  6   des meurtres commis à Mali Alas et à Slovinje. Si vous vous penchez sur la

  7   pièce 5D383, vous pourrez voir que le jour d'après l'académie médical

  8   militaire a envoyé le Dr Ivica Milosavljevic pour aider à enquêter au sujet

  9   de ces crimes.

 10   Ce qui est particulièrement intéressant - et je vais demander aux

 11   Juges de la Chambre de prêter une attention toute particulière à la pièce

 12   5D383 - où l'on indique qu'un expert pathologiste, c'est-à-dire un médecin

 13   pathologiste de l'armée, procéderait à des exhumations sur le territoire

 14   entier couvert par le Corps de Pristina tant que nécessité il y aurait de

 15   le faire. Ceci n'est donc pas un appel pour élucider un acte concret. Ceci

 16   est une invitation qui dit que ce pathologiste devrait rester au Kosovo

 17   pour se pencher sur le territoire entier du Kosovo et rester là-bas autant

 18   de temps qu'il le faudra.

 19   Au bout de quelques jours, ou plus exactement début mai, je tiens à

 20   préciser -- excusez-moi, Madame, Messieurs les Juges, je voudrais attirer

 21   l'attention sur le 5D1315. C'est précisément un rapport de médecine légale

 22   du Dr Milosavljevic pour ce qui est du travail effectué par lui à Mali Alas

 23   et Slovinje. Ce rapport montre, premièrement, que cette convocation n'est

 24   pas restée lettre morte sur papier.

 25   Ce n'est pas seulement une convocation qui était censée permettre au

 26   général Lazarevic de dire j'ai écrit quelque chose. Cette convocation était

 27   réelle, elle était sincère. Elle a été envoyée dans l'intention de faire en

 28   sorte que la totalité des crimes fassent l'objet d'enquête et que des


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  1   auteurs éventuels dans les rangs de l'armée de Yougoslavie soient punis. Le

  2   5D1315, relatif aux exhumations et à l'analyse des cadavres récupérés suite

  3   à exhumation, montre qu'enquête il y a eue. Et ce 5D1315 montre aussi qu'au

  4   bout d'un certain nombre d'années, c'est précisément sur la base de ces

  5   éléments de preuve à l'origine desquels se trouvait le général Lazarevic,

  6   que la MINUK a pu conduire ses propres enquêtes au sujet des crimes commis

  7   sur ces sites-là. J'attire votre attention à présent sur la pièce 5D421,

  8   qui permet de voir que tout de suite après, c'est-à-dire le 8 mai 1999, le

  9   général Lazarevic a une fois de plus envoyé une lettre à son commandement

 10   supérieur pour demander à ce que l'on envoie encore deux équipes de

 11   pathologistes et d'experts en médecine légale pour procéder à des enquêtes

 12   complémentaires. Et je vous demande de vous pencher sur ce document, sur

 13   notamment la partie où le général Lazarevic dit que tous ces pathologistes

 14   vont effectuer leur travail suite aux ordres et instructions donnés par le

 15   tribunal militaire. On peut voir donc que toute ingérence de sa part au-

 16   delà de ceci s'arrête.

 17   Par conséquent, compte tenu de la situation telle qu'elle se

 18   présente, compte tenu d'éléments de preuve clairs qui montrent qu'à chaque

 19   fois qu'il a eu vent de la perpétration de crimes le général Lazarevic a

 20   entrepris des mesures adéquates, des mesures appropriées qui étaient les

 21   seules mesures qu'il était à même d'entreprendre. Il est donc tout à fait

 22   clair que compte tenu des circonstances spécifiques de temps de guerre, de

 23   manque d'information complète, l'impossibilité aussi de voir directement et

 24   par lui-même tout ceci, il importait pour les Juges de la Chambre de

 25   première instance de faire en sorte que s'agissant de chacun des sites

 26   concrets d'expulsion et de transfert forcé détermine si oui ou non le

 27   général Lazarevic s'était trouvé à cet endroit ou près de cet endroit ou

 28   avait eu à connaître du fait que des membres de la VJ auraient commis des


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  1   expulsions ou des transferts forcés. Alors, nous estimons pour toutes ces

  2   raisons-ci que même dans la situation où l'on voit que le général Lazarevic

  3   est le commandant du Corps de Pristina, il faut qu'il y ait cette

  4   orientation ou cette responsabilité ou cette direction spécifique qui

  5   aurait dû faire en sorte que le général Lazarevic ait été prouvé présent ou

  6   à proximité des endroits où des membres de la VJ auraient commis des

  7   expulsions et transferts forcés.

  8   Et je vous rappelle la jurisprudence de ce Tribunal-ci qui dit la

  9   chose suivante -- excusez-moi, mais je me dois de revenir un petit peu en

 10   arrière. J'essaie de terminer mon exposé dans les délais impartis. Et je

 11   voudrais attirer votre attention sur le fait que le général Bojovic, un

 12   témoin de la Défense, a dit que les instances de justice militaire ont

 13   tranché dans 601 cas de meurtres à 11 sites; vous avez ceci à la page du

 14   compte rendu 16 687. Geza Farkas, un autre témoin de la Défense, a dit que

 15   lorsqu'à l'état-major ils ont récapitulé la situation, ils ont réalisé

 16   qu'au Kosovo-Metohija, à l'époque pertinente, on avait poursuivi en justice

 17   les 95 % des délits au pénal où l'on avait jugé que les auteurs étaient des

 18   membres de l'armée de yougoslave. J'attire votre attention sur la pièce

 19   5D550 où l'on indique que la 175e Brigade, au sujet de laquelle on avait

 20   affirmé qu'il n'y avait pas eu de crimes de poursuivis, il y a eu bel et

 21   bien des dépôts de plaintes au pénal de déposées. Concernant le Témoin Geza

 22   Farkas, la page du compte rendu pertinente est 16 304.

 23   Madame, Messieurs les Juges, tous ces éléments de preuve, lorsque

 24   vous les évaluerez, eh bien, je me permettrais de vous rappeler quelque

 25   chose que vous savez pertinemment. La jurisprudence de ce Tribunal affirme

 26   que la simple présence sur les lieux du crime ne présuppose pas en soi une

 27   aide ou un encouragement à la commission au crime à moins que l'on n'arrive

 28   à établir que la présence de cette personne n'ait pu contribuer de façon


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  1   significative à rendre plus légitime ou à encourager les auteurs principaux

  2   dans leur action. C'est là le paragraphe 402 du jugement en première

  3   instance contre Boskovski et Tarculovski. Donc, j'estime qu'il est

  4   absolument nécessaire en l'espèce d'établir ce caractère de visant

  5   spécifiquement à pour le général Lazarevic en matière d'aide et

  6   d'encouragement.

  7   Je souhaite également attirer votre attention sur la conclusion de la

  8   Chambre d'appel dans l'affaire Perisic qui conclut que le simple fait

  9   d'apporter une aide à caractère général, qui peut être utilisée pour mener

 10   des activités tant légales qu'illégales ne saurait être considéré comme

 11   suffisant pour démontrer la participation aux crimes commis par des auteurs

 12   directs.

 13   Il est indispensable en la matière d'établir un lien entre la

 14   personne qui fournit une aide et l'auteur matériel du crime, un lien

 15   direct. C'est pourquoi ceci nous fait entièrement défaut pour ce qui est de

 16   l'élément matériel pour le général Lazarevic dans les conclusions de la

 17   Chambre de première instance. Ceci figure au paragraphe numéro 44 de

 18   l'arrêt dans l'affaire Perisic.

 19   Dans le dossier de l'espèce, nous ne trouvons absolument aucun

 20   élément de preuve permettant d'établir un lien direct avec le général

 21   Lazarevic au sens que je viens d'indiquer. Au contraire, dans l'arrêt

 22   Perisic, on met en avant également le fait que les éléments de preuve

 23   indiquant une connaissance de la commission de crime n'est pas suffisant

 24   pour établir le caractère de visant spécifiquement à au titre de l'élément

 25   matériel, et ce, de façon distincte de l'élément moral. Ceci figure au

 26   paragraphe 68 de ce même arrêt.

 27   Madame et Messieurs les Juges, je vois la remarque des interprètes. Nous

 28   fournirons le texte original.


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  1   Avec votre permission, je souhaiterais maintenant passer à la partie qui

  2   concerne les questions suivantes, à savoir a-t-on rempli les critères

  3   requis pour établir l'élément moral de l'aide et d'encouragement dans les

  4   actions de Vladimir Lazarevic. Il serait peut-être opportun à ce stade que

  5   j'essaie de répondre peut-être à la question soulevée par la Chambre

  6   d'appel, à savoir la question de savoir si l'élément matériel et l'élément

  7   moral au titre de l'aide et de l'encouragement en tant que participation à

  8   une entreprise criminelle commune peuvent être établies avant l'existence

  9   de l'objectif de l'entreprise criminelle commune. Nous estimons que cela

 10   n'est pas possible.

 11   De mon humble avis, en tant que représentant de la Défense, est que

 12   si l'objectif de l'entreprise criminelle commune n'existe pas, l'accusé

 13   n'est absolument pas en position d'apporter une aide ou un encouragement à

 14   la commission des crimes sous-jacents à cette entreprise criminelle

 15   commune. Avant la mise en place de cet objectif commun à l'entreprise

 16   criminelle commune, il n'est pas possible de réaliser l'élément matériel ni

 17   l'élément moral. Celui qui apporte une aide ou un encouragement doit être

 18   au courant de l'existence d'un crime et doit également savoir que ses actes

 19   contribuent de façon significative à la commission du ou des crimes. Mais

 20   celui qui aide ou qui encourage n'accepte pas le but éventuel de

 21   l'entreprise criminelle comme étant le sien; ce que j'affirme en l'espèce,

 22   c'est qu'il ignore son existence et ne partage pas d'intention commune avec

 23   les autres participants à l'entreprise criminelle commune. C'est pourquoi

 24   j'estime que ni l'élément moral ni l'élément matériel ne peuvent être

 25   établis en l'espèce pour des expulsions ou des transferts forcés avant le

 26   début de la réalisation de ce plan.

 27   Si vous estimez que c'est suffisant, je vais poursuivre. Merci.

 28   La Chambre de première instance a conclu de façon erronée à


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  1   l'existence de l'élément matériel de l'appelant pour expulsion et transfert

  2   forcé de civils albanais au motif qu'il aurait été au courant de crimes

  3   commis par des membres de la VJ en coordination avec le MUP et qu'il aurait

  4   été au courant du fait que son comportement aurait aidé à la commission de

  5   ces crimes. Paragraphe 927 du jugement.

  6   Avant de m'aventurer dans l'examen des éléments de preuve qui, au

  7   contraire, nous montre au-delà de tout doute raisonnable que le général

  8   Lazarevic n'était pas au courant de la commission de ces crimes, qu'il

  9   ignorait tout d'une éventuelle forme d'aide apportée par son comportement à

 10   la commission de ces crimes, nous souhaitons dire qu'en l'espèce, dans ce

 11   cas concret et compte tendu des spécificités de l'espèce, il est, selon

 12   nous, indispensable d'appliquer des critères qui sont reconnus par

 13   l'article 25, alinéa (3)(C) du Statut de Rome, appuyé par une majorité

 14   d'états. Pourquoi est-ce que je fais mention de ces spécificités de

 15   l'espèce ? Eh bien, la campagne aérienne de l'OTAN, simultanée à la

 16   campagne d'expulsion et de transfert forcé allégués montre, comme tous les

 17   éléments de preuve cités précédemment, qu'il est indispensable pour évaluer

 18   les éléments de preuve de tenir compte de ces circonstances. Ceci, selon

 19   nous, n'a pas été fait à un degré suffisant. La Défense estime que la

 20   Chambre de première instance avait l'obligation d'établir que l'appelant a

 21   agi dans le but de rendre possible la commission des crimes, puisque la

 22   simple connaissance n'est pas, en la matière, suffisante.

 23   D'autre part, même si l'on ne devait pas accepter notre position,

 24   nous estimons que l'accusé doit avoir la connaissance que ces actes ou son

 25   omission vont venir en aide aux auteurs principaux des crimes. Il doit

 26   savoir que certains de ces crimes vont être commis, et c'est malgré tout,

 27   là, une exigence qui est supérieure à celle consistant à dire qu'il avait

 28   des raisons de savoir. La Défense sait par ailleurs que tout soldat


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  1   professionnel, tout militaire de métier et même tout laïc sait pertinemment

  2   que dans toute guerre il y a des risques de voir commettre des crimes

  3   contre des civils, crimes que l'on ne pourra pas empêcher et qui sera le

  4   fait d'individus. La Défense considère qu'à partir du moment où la campagne

  5   de l'OTAN a été lancée, la Chambre de première instance avait l'obligation

  6   d'établir au-delà de tout doute raisonnable un lien avec l'accusé. Même si

  7   certaines informations portant sur les expulsions et les transferts forcés

  8   émanant de la VJ étaient de notoriété publique et avaient été diffusés

  9   largement, ceci ne vient pas étayer une présomption quant à la connaissance

 10   qu'avait l'accusé en l'espèce, le général Lazarevic.

 11   La Chambre de première instance a commis une erreur en établissant

 12   que le général Lazarevic par la connaissance qu'il avait des événements

 13   aurait apporté une aide à la campagne de transfert forcé de la population

 14   albanaise. La Défense n'a pas réussi à déterminer quel était cet élément de

 15   preuve au moyen duquel la Chambre de première instance aurait établi cela

 16   et qui aurait permis de démontrer au-delà de tout doute raisonnable que le

 17   général Lazarevic savait que par son comportement il apportait son concours

 18   à cette campagne de transfert forcé. Et même si le général Lazarevic savait

 19   que les Albanais du Kosovo quittaient la province, il n'existe pas

 20   d'éléments de preuve démontrant au-delà de tout doute raisonnable que

 21   Lazarevic aurait été au courant du fait que cela aurait été le résultat de

 22   contraintes exercées par ses subordonnés. Il existe encore moins des

 23   éléments de preuve montrant au-delà de tout doute raisonnable que Lazarevic

 24   ait su que son comportement était une forme de concours apporté à la

 25   campagne d'expulsions et de transferts forcés. Par ailleurs, Madame et

 26   Messieurs les Juges, vous pourrez vous convaincre qu'une grande majorité de

 27   Serbes ont, eux aussi, quitté la province dès les premiers jours du

 28   bombardement de l'OTAN.


Page 423

  1   Madame et Messieurs les Juges, je ne sais pas si c'est déjà le moment

  2   de faire une pause d'après le calendrier que vous avez fixé ?

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je crois que c'est le cas.

  4   Nous allons faire une pause de 30 minutes, et nous reprendrons à 11 heures

  5   45.

  6   --- L'audience est suspendue à 11 heures 13.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 46.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître Bakrac, veuillez

  9   poursuivre.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Avant de prendre la pause, Madame et Messieurs les Juges, j'ai donné mon

 12   humble opinion concernant l'élément moral du général Lazarevic en l'espèce.

 13   Dans un effort visant à appuyer ce que j'affirme, je souhaiterais attirer

 14   votre attention sur la constatation de la Chambre de première instance

 15   figurant au paragraphe 906 du Volume III du jugement, où il est indiqué --

 16   en fait, paragraphes 901 à 906 de ce Volume III, c'est là que nous trouvons

 17   la conclusion. Il y est question des mesures prises par le général

 18   Lazarevic concernant les civils. La Défense souligne que selon elle, la

 19   conclusion de la Chambre de première instance au paragraphe 906 où il est

 20   indiqué que Lazarevic a pris des mesures aux fins d'apporter de l'aide à la

 21   population civile, mais que les mesures prises montrent en fait qu'il était

 22   au courant du déplacement de masse des Albanais du Kosovo par la VJ d'une

 23   part, mais que d'autre part ces ordres montrent également que Lazarevic a

 24   essayé de mettre en œuvre cela de façon non violente.

 25   Alors, Madame et Messieurs les Juges, à cause du temps limité dont je

 26   dispose, je vais attirer votre attention sur certains de ces ordres. Donc

 27   la pièce P2029, ordre du 1er avril 1999, c'est-à-dire six jours après les

 28   bombardements. Il est ordonné de prendre des mesures aux fins de prévenir


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  1   le pillage, le vol et d'autres crimes. Donc il est manifeste que dès le

  2   début des bombardements, le général Lazarevic, en sa qualité d'officier

  3   expérimenté, émet des ordres par lesquels il souhaite agir de façon

  4   préventive, prévenir les crimes. Il demande que l'on protège les civils

  5   contre toute forme de vol et autres actes illégaux. C'est là quelque chose

  6   de tout à fait compréhensible et qui, selon notre défense, ne signifie pas

  7   que le général Lazarevic sait que de telles choses se produisent, et encore

  8   moins qu'elles se produisent de façon systématique et organisée. Ce que

  9   cela signifie, c'est qu'on a là affaire à une possibilité, une simple

 10   possibilité en situation de guerre lorsque des bombes de l'OTAN détruisent

 11   les logements, les locaux des citoyens, et cetera.

 12   Autre ordre, la pièce P1306, il s'agit d'un ordre qui, justement, s'oppose

 13   directement - et de façon très claire - à la position prise par la Chambre

 14   de première instance au paragraphe 906. Si vous vous reportez à cet ordre

 15   du 16 avril 1999, pièce P1306, vous verrez en en-tête que le général

 16   Lazarevic dit ce qui suit :

 17   "Les forces de l'OTAN et les autres forces terroristes siptar, y compris en

 18   utilisant des forces aériennes, soumettent quotidiennement la population

 19   civile à des attaques, ce par quoi la sécurité de cette population civile

 20   est menacée au plus haut degré. Afin de protéger la population civile,

 21   j'ordonne…," et cetera.

 22   Et il ordonne ensuite qu'au sein de toutes les unités du corps,

 23   indépendamment du lieu - puisque la Chambre de première instance affirme

 24   que les ordres sont liés aux localités où il y a eu expulsion - eh bien,

 25   nous voyons ici qu'il ordonne que toutes les unités du corps affectent des

 26   éléments qui seront retirés de leurs affectations de guerre pour être

 27   chargés uniquement de la protection de la population civile.

 28   Donc, ici, on voit quel est le sens des ordres émis par le général


Page 425

  1   Lazarevic. Il perçoit et comprend les mouvements de la population civile

  2   comme étant le résultat des frappes aériennes et des attaques de groupes

  3   terroristes. Je vous prie également de vous reporter à la P -- la pièce

  4   5D201, datée du 1er avril 1999. Excusez-moi, Madame et Messieurs les Juges,

  5   l'erreur est la mienne. 5D201, datée du 19 avril 1999. Egalement dans la

  6   partie introductive ou l'en-tête, on retrouve "signé en personne par le

  7   général Lazarevic." Et je cite :

  8   Etant donné que du fait des frappes aériennes de l'OTAN on a observé des

  9   mouvements très importants de population civile dans la zone de

 10   responsabilité du Corps de Pristina, j'ordonne…. Donc, dès l'en-tête, dès

 11   l'introduction de cet ordre, on trouve exposée la raison pour laquelle cet

 12   ordre est donné. On a observé des mouvements importants de population

 13   civile. A chaque fois qu'il est possible de procéder de façon à protéger la

 14   population civile en question, à chaque fois qu'il est possible d'empêcher

 15   de tels mouvements et débordements de population civile, le général

 16   Lazarevic indique ce qu'il convient de faire. Il indique également ce qu'il

 17   considère être comme la raison de ces déplacements, il parle des frappes

 18   aériennes intenses. Il exige de ses collaborateurs qu'ils trouvent des

 19   lieux et qu'ils trouvent des moyens et qu'ils détachent certains de leurs

 20   effectifs afin d'assurer cette protection des civils et, comme il le dit,

 21   dans le but d'empêcher la poursuite de tels mouvements et débordements de

 22   population civile. Le général Lazarevic, donc, ordonne ici, en réalité, que

 23   l'on empêche toute forme d'expulsion de la population civile.

 24   Dans la pièce 5D372 également, le général Lazarevic, à la date du 22 avril

 25   1999, c'est-à-dire presque un mois après le début des frappes aériennes,

 26   sait déjà, comme nous l'avons indiqué, que suite aux frappes aériennes et

 27   aux attaques de l'ALK, il y a eu déplacement très important de la

 28   population civile. Et il dit :


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  1   "Accélérer le retour des civils qui reviennent dans les villages et les

  2   villes d'où ils sont partis. Ne pas permettre que dans les zones de défense

  3   des brigades il y ait regroupement de population civile. Assurer aux civils

  4   en question un retour en toute sécurité vers les lieux qu'ils ont quittés."

  5   C'est donc un ordre explicite montrant que le général Lazarevic exige de

  6   ses subordonnés que tous ceux qui, suite aux frappes aériennes de l'OTAN et

  7   aux attaques de l'ALK, ont quitté leurs foyers puissent revenir dans leurs

  8   foyers. Alors, est-ce que ceci est un motif suffisant pour considérer que

  9   le général Lazarevic est au courant des expulsions et des transferts forcés

 10   et qu'il apporte une contribution significative à la réalisation et à la

 11   commission de tels actes ?

 12   Je vous prie également de vous reporter à la pièce 5D374. Le 23 avril 1999,

 13   donc le lendemain de l'ordre que nous venons d'examiner, le général

 14   Lazarevic, au point numéro 3, ordonne :

 15   "L'hébergement et la sécurisation de la population civile en conformité

 16   avec les ordres déjà émis par le commandement du Corps de Pristina.

 17   Héberger la population dans des lotissements, en assurer la sécurité.

 18   Empêcher tout acte arbitraire notamment de la part des structures de

 19   commandement placées plus bas dans la chaîne de commandement concernant

 20   cette population civile."

 21   C'est la pièce 5D374. Et ceux qui sont chargés de cela sont les commandants

 22   de cette brigade.

 23   Alors, nous avons de nombreux éléments de preuve qui vont en ce sens,

 24   Madame et Messieurs les Juges. Il n'est pas nécessaire de revenir sur ces

 25   éléments. Nous n'avons souhaité attirer votre attention que sur certains

 26   d'entre eux. Dans notre mémoire en appel, vous trouverez des références

 27   complètes, et plus important encore, vous y trouverez des rapports sur la

 28   base desquels on voit clairement que les unités subordonnées rendaient


Page 427

  1   compte au général Lazarevic concernant les mesures prises. Ceci prouve

  2   encore une fois que ces ordres ne sont pas restés lettre morte mais qu'ils

  3   ont été le résultat d'un effort entrepris en situation de guerre aux fins

  4   de protéger la population civile, et que c'était bien là le souhait réel et

  5   l'intention réelle du général Lazarevic.

  6   Madame et Messieurs les Juges, je crois que je bénéficie encore de quatre

  7   ou cinq minutes. Je voudrais vous demander de pouvoir maintenant passer à

  8   la troisième question que vous avez posée, si je peux me permettre. La

  9   question était la suivante : examiner si et dans quelles circonstances

 10   l'élément moral des crimes d'expulsion et autres actes inhumains, à savoir

 11   transfert forcé, peut être déduit de la connaissance qu'avait l'accusé des

 12   crimes commis en 1998, y compris des crimes autres que l'expulsion et le

 13   transfert forcé.

 14   Alors, Madame et Messieurs les Juges, la Défense souligne que dans son

 15   mémoire en appel elle a déjà pris position concernant la connaissance

 16   qu'avait le général Lazarevic des crimes que les unités de la VJ avaient

 17   commis en 1998. Nous avons également cité de nombreux exemples à l'appui

 18   montrant qu'il y avait différents points de vue, différentes perceptions du

 19   comportement de la VJ, notamment de la part des différents observateurs

 20   internationaux, de la KDOM ou de la MVK. Ce qui est crucial, à notre sens,

 21   c'est qu'entre les crimes allégués commis en 1998 et les crimes allégués

 22   comme ayant été commis en 1999, il n'y a pas d'identification possible en

 23   substance, donc entre les crimes de 1998 et ceux de 1999. En raison de

 24   cette impossibilité de les considérer comme équivalents, de les assimiler

 25   les uns aux autres, la connaissance éventuelle que quelqu'un pouvait avoir

 26   des crimes de 1998 n'a, selon nous, aucune influence substantielle sur

 27   l'élément moral des crimes d'expulsion et de transfert forcé, ni sur l'aide

 28   et l'encouragement à de tels crimes.


Page 428

  1   A notre sens, nous avons eu l'occasion d'entendre en l'espèce toute une

  2   série d'éléments mais nous n'avons pas eu la possibilité de verser des

  3   éléments de preuve concernant les activités de la VJ en août et septembre

  4   1998, activités contrant celles de l'ALK. Après les accords d'octobre, les

  5   observateurs étrangers sont arrivés. Et jusqu'à ce stade, il n'y a pas eu

  6   d'activités de combat. Il y a eu, tout au plus, des incidents sporadiques,

  7   peut-être un ou deux.

  8   Nous estimons, quant à nous, qu'il y a eu une interruption fondamentale

  9   dans l'enchaînement des événements, une pause en quelque sorte.

 10   Selon notre humble avis, l'existence de facteurs qui interrompent

 11   l'enchaînement des événements appuie la conclusion selon laquelle

 12   l'enchaînement des causes et des effets s'interrompt elle aussi. Si la

 13   notion de viser spécifiquement à est comprise dans la conclusion portant

 14   sur l'aide conséquente à apporter par l'accusé, alors il y a une obligation

 15   incombant à l'Accusation de démontrer au-delà de tout doute raisonnable un

 16   lien entre le comportement de l'accusé et les crimes. En raison de

 17   l'interruption de cet enchaînement des événements, il est impossible de

 18   tirer cette conclusion selon laquelle l'élément moral de l'aide et

 19   l'encouragement aux crimes d'expulsion et de transfert forcé pourrait être

 20   déduit de la connaissance qu'avait l'accusé des crimes en 1998. En 1998, on

 21   allègue qu'il y a eu recours excessif à la force, alors qu'en 1999, ce en

 22   présence de quoi nous étions, c'étaient des déplacés internes. Il n'y a eu

 23   ni expulsion ni transfert forcé. Nous parlons des déplacés internes dans

 24   notre mémoire en appel. Nous y consacrons une partie toute entière de notre

 25   de notre mémoire en appel.

 26   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Eh bien, j'aimerais demander des

 27   éclaircissements. Au compte rendu, page 42, ligne 17, il est dit que : "En

 28   substance, c'est identique." Mais je me demande si c'est pas "non

 


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  1   identique" qu'il fallait entendre ?

  2   M. BAKRAC : [interprétation] Non, il n'y a pas d'identité. Ce n'est pas

  3   identique. C'est ce que j'avais dit.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Je pense que votre temps est

  5   révolu, mais je vais vous accorder encore une minute pour que vous puissiez

  6   terminer votre exposé.

  7   M. BAKRAC : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Président. Je ne suis

  8   pas un meilleur avocat que M. Ackerman, c'est certain, mais je suis un

  9   mauvais estimateur du temps nécessaire. Je vais vous demander pour cette

 10   raison de m'accorder cette minute, justement, pour que je puisse dire que

 11   les conseils de la Défense sont convaincus du fait que dans cette multitude

 12   d'éléments de preuve que nous avons proposés à votre attention, vous

 13   constaterez qu'il y a eu erreur des Juges de la Chambre de première

 14   instance pour ce qui est de la détermination des faits qui ont fait qu'il y

 15   a eu erreur de mise en œuvre du droit applicable. Et je suis convaincu que

 16   vous n'allez pas manquer de le faire, ce qui fait que le général Lazarevic

 17   trouvera prononcé de justice. Grand merci de votre attention.

 18   M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 19   Il me semble que les Juges de la Chambre n'ont pas de questions à poser

 20   pour leur part. Nous allons à présent entendre ce que l'Accusation a à nous

 21   dire en réplique.

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, merci.

 23   Madame, Messieurs les Juges, le général Lazarevic a été l'une des chevilles

 24   ouvrières les plus importantes pour la mise en œuvre de l'objectif criminel

 25   commun. En tant que commandant tactique le plus haut gradé des forces de la

 26   VJ au Kosovo, le général Lazarevic a apporté son soutien et son assistance

 27   qui étaient requis pour planifier les opérations conjointes de la VJ et du

 28   MUP et pour déployer les soldats de la VJ et le matériel sur le terrain.


Page 430

  1   Lazarevic a agi avec Pavkovic, le commandant de la 3e Armée, ainsi qu'avec

  2   d'autres pour planifier et coordonner les opérations conjointes par le

  3   biais desquelles la campagne des expulsions forcées a été déclenchée. Dans

  4   le cadre de ce plan et au vu des ordres du commandement conjoint du général

  5   Lazarevic, les troupes de la VJ ont utilisé les armes et les ressources de

  6   la VJ et ont systématiquement et brutalement expulsé plus de 700 000

  7   Albanais du Kosovo de leurs foyers pour les envoyer de l'autre côté de la

  8   frontière en Albanie en un peu plus de trois mois. Alors que la campagne de

  9   terreur gagnait du terrain, les soldats du général Lazarevic présentaient

 10   des rapports et des comptes rendus en utilisant la chaîne de commandement,

 11   rapports suivant lesquels les opérations s'étaient déroulées conformément

 12   au plan et lui-même présentait des rapports au général Pavkovic au sein de

 13   la 3e Armée.

 14   Malgré sa participation personnelle et sa longue participation aux

 15   opérations qui ont visé la population albanaise du Kosovo, la Chambre de

 16   première instance a prononcé une déclaration de culpabilité extrêmement

 17   circonspecte pour le général Lazarevic pour avoir aidé et encouragé le

 18   déplacement forcé par ses forces de la VJ, et pour ce faire, la Chambre de

 19   première instance a étudié par le menu et de façon extrêmement détaillée la

 20   globalité des éléments de preuve. Le général Lazarevic n'a détecté aucune

 21   erreur dans ces conclusions extrêmement circonspectes et son appel devrait

 22   être rejeté.

 23   Et je devrais, pour être clair, vous dire dans un premier temps que nous

 24   allons vous expliquer le point de vue de l'Accusation par rapport à

 25   certaines des conclusions de la Chambre qui, en fait, ont été beaucoup trop

 26   circonspectes, et nous reviendrons là-dessus vendredi.

 27   Pour vous donner une idée, je vais vous donner le plan que nous allons

 28   utiliser. Dans un premier temps, je vous expliquerai pourquoi la peine du


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  1   général Lazarevic devrait être rejetée; deuxièmement, je répondrai aux

  2   questions que vous nous avez posées, que nous avons étiquetées ou appelées

  3   questions cinq, six et sept; et puis ensuite j'aborderai des questions

  4   émanant du dernier arrêt dans l'affaire Perisic. Et je pense que je

  5   parlerai pendant une heure et demie, ce qui fait que vous aurez la

  6   possibilité de me poser des questions.

  7   Dans un premier temps, pourquoi rejeter l'appel du général Lazarevic. Parce

  8   que je vous dirais tout simplement que pour présenter l'essentiel de son

  9   appel, le général Lazarevic s'est contenté de procéder à un copier-coller

 10   de son mémoire en clôture. Son appel en fait n'est ni plus ni moins que le

 11   fait qu'il marque son désaccord avec les évaluations qui ont été faites des

 12   éléments de preuve, son désaccord par rapport à l'évaluation de la Chambre

 13   de première instance. Il n'a indiqué aucune erreur dans le jugement. Il n'a

 14   pas montré le caractère déraisonnable du jugement, et pourquoi il a

 15   entraîné une erreur judiciaire. Il n'a pas indiqué comment il avait

 16   respecté le critère d'examen, ce qui fait que les arguments du général

 17   Lazarevic peuvent se scinder dans un certain nombre de catégories que nous

 18   avons étudiés dans notre mémoire en clôture.

 19   Je ne vais pas aborder ces détails, mais j'aimerais indiquer que les

 20   références qui ont été faites aux conclusions de la Chambre de première

 21   instance doivent être véritablement prises en considération. A la page 6,

 22   par exemple, il est question des événements de Srbica. Il est indiqué que

 23   les éléments de preuve ainsi que les conclusions dans le jugement sont --

 24   il a été indiqué en fait qu'il y avait toute une gamme de rapports à

 25   décharge, mais les événements qui font l'objet de discussions dans le

 26   jugement se sont déroulés en mars. Si vous prenez les pièces auxquelles la

 27   Défense a fait référence, il s'agit des rapports du mois de mai, ou plutôt

 28   il s'agit de rapports qui vont du 20 avril aux 3, 5 et 16 mai. Donc, ça n'a


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  1   absolument aucune incidence sur les conclusions de la Chambre de première

  2   instance à propos de ce qui s'est passé au mois de mars.

  3   Il y a également d'autres conclusions de la Chambre de première

  4   instance qui ont été évoquées ici aujourd'hui. A la page 38 du compte rendu

  5   d'audience, il est question du paragraphe 906 du jugement. Il a été indiqué

  6   que la Chambre de première instance avait conclu que le général Lazarevic

  7   n'avait absolument pas l'intention de déplacer les civils, et cela a été

  8   avancé comme s'il s'agissait de la conclusion de ce paragraphe, ce qui

  9   n'est pas le cas. Car dans le paragraphe il est indiqué qu'il avait eu

 10   certes cette intention, mais qu'il y avait également des éléments de preuve

 11   présentés et qui indiquaient qu'il avait essayé de déployer des efforts

 12   pour que cela soit fait de façon non violente, ce qui est tout à fait

 13   différent. Les conclusions donc, ou la conclusion était qu'il avait bel et

 14   bien l'intention de déplacer ces personnes, comme nous le savons d'après le

 15   jugement, mais il n'y a pas eu suffisamment d'éléments de preuve pour

 16   prononcer une déclaration de culpabilité pour les autres crimes. Nous

 17   reviendrons là-dessus vendredi.

 18   Nous avançons également ce que nous avons déjà avancé dans notre

 19   réplique, à savoir que la peine du général Lazarevic devrait tout

 20   simplement être renvoyée sans examen sur la base de la jurisprudence

 21   constante de la Chambre d'appel dans les affaires Krajisnik, Martic,

 22   Strugar et Brdjanin.

 23   Ce qui m'amène à répondre à votre cinquième question, où il nous a

 24   été demandé en fait si les conclusions de la Chambre de première instance

 25   relatives à la contribution de Lazarevic pour ce qui est de la commission

 26   des crimes d'expulsion et d'autres actes inhumains, étant donné qu'il n'a

 27   pas pris des mesures adéquates, peuvent constituer une complicité pour

 28   avoir aidé et encouragé, une complicité par omission.


Page 433

  1   En fait, ce que nous avançons, c'est qu'il n'est pas nécessaire que

  2   la Chambre d'appel détermine que ce devoir est imposé par le droit interne

  3   seulement. Le devoir d'un commandant consiste à prévenir ou à punir toute

  4   violation du droit humanitaire international lorsque ces violations étaient

  5   commises par ses subordonnées, et c'est l'une des obligations les plus

  6   fondamentales imposées par le droit et les coutumes de guerre. L'étude du

  7   CICR sur le droit humanitaire international coutumier a fait référence à

  8   une règle longuement établie, une règle du droit international coutumier,

  9   règle 153 ou étude de la règle 153.

 10   Ce devoir est pris en considération dans les dispositions du

 11   protocole additionnel, du premier protocole additionnel, articles 86 et 87,

 12   et a été utilisé comme fondement pour condamner les commandants à la suite

 13   de la Seconde Guerre mondiale. Il s'agissait en fait de l'affaire

 14   Yamashita, et l'affaire du haut commandement, et cela a été également

 15   reconnu dans la jurisprudence du TPIY comme un devoir international, ce qui

 16   fait qu'une responsabilité criminelle pénale, conformément à l'article

 17   7(1), peut être prise en considération pour infraction. J'en veux pour

 18   preuve les paragraphes 663 et 664 de l'arrêt dans l'affaire Blaskic.

 19   Donc, la complicité par omission se fondant sur un manquement au

 20   devoir et aux obligations n'est absolument pas remise en question. Cela a

 21   été établi aux paragraphes 151 de l'appel dans l'affaire Mrksic.

 22   La Chambre de première instance a reconnu que les obligations et le

 23   devoir d'un commandant, lorsqu'il s'agit de prévenir ou de punir des crimes

 24   commis par ses subordonnés, sont pris en compte et pris en considération

 25   par la responsabilité au titre de l'article 7(1), Volume 1, paragraphe 90,

 26   et Volume III, paragraphe 622. Qui plus est, à propos de l'article 7(3), la

 27   Chambre a déclaré que :

 28   "Le devoir en droit international, l'obligation de prévenir et celle


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  1   de punir entraînent des responsabilités distinctes, et le manquement à

  2   l'une ou à l'autre peut donner lieu à une accusation distincte."

  3   Et cela fait l'objet du paragraphe 116, Volume I de l'arrêt dans l'affaire

  4   Hadzihasanovic, paragraphe 259, et paragraphe 83 de l'arrêt Blaskic.

  5   Alors, il faut savoir que la Chambre de première instance a analysé

  6   les lois et réglementations de la justice militaire nationale. Cela, en

  7   fait, il s'agit d'éléments de preuve pertinents pour ce qui est de la

  8   capacité matérielle du général Lazarevic à agir, et pour ce qui est des

  9   types de mesures qu'il pouvait prendre afin de prévenir et de punir des

 10   crimes commis par ses subordonnés. Paragraphe 518 à 523 du premier volume.

 11   Ces législations nationales ont été intégrées dans les devoirs et ont été

 12   assimilées aux devoirs des commandants conformément au droit international.

 13   Maintenant pour aborder la sixième question qui a été posée aux

 14   parties. Il s'agit de savoir si les conclusions de la Chambre de première

 15   instance eu égard à l'actus reus et à la mens rea pour avoir aidé et

 16   encouragé et s'inscrivant dans le cadre de l'entreprise criminelle commune,

 17   si cela doit être satisfait avant l'existence de l'objectif commun de

 18   l'entreprise criminelle commune.

 19   Je vous dirais qu'en droit, le cadre temporel de l'existence de

 20   l'objectif commun en l'espèce n'a absolument rien à voir avec la

 21   déclaration de culpabilité du général Lazarevic pour avoir aidé et

 22   encouragé. Car la personne qui aide et encourage doit apporter sa

 23   contribution à la commission du crime, et non pas à l'entreprise criminelle

 24   commune. Paragraphe 91 de l'arrêt dans l'affaire Kvocka.

 25   Il a été établi par la jurisprudence que la complicité pour aide et

 26   encouragement peut avoir lieu avant, pendant, et après qu'un crime soit

 27   commis. Et j'aimerais, en fait, vous renvoyer à l'arrêt dans l'affaire

 28   Nahimana, au paragraphe 482; dans les arrêts Blagojevic et Jokic; au


Page 435

  1   paragraphe 85 de l'arrêt Simic; et au paragraphe 48 de l'arrêt Blaskic.

  2   Pour ce qui est de notre affaire, les crimes de déplacement forcé ont

  3   été commis entre les mois de mars et de juin 1999, tel que cela est énoncé

  4   par le menu dans le premier tome du jugement. Les crimes ont été commis à

  5   la fois par les membres de l'entreprise criminelle commune, mais également

  6   par les auteurs physiques des crimes qui avaient l'intention d'expulser ces

  7   personnes. Je vous dirais qu'à la fin de chaque chapitre s'intéressant aux

  8   faits incriminés, il y a les conclusions relatives à l'intention des

  9   auteurs. J'aimerais vous renvoyer aux conclusions générales qui se trouvent

 10   dans le Volume III, paragraphes 92 et 95. Si vous le souhaitez, je peux

 11   également vous fournir les références à tous les paragraphes du deuxième

 12   volume, mais il se peut que cela ne soit pas nécessaire.

 13   Toutefois, ni l'identité des auteurs, ni le fait qu'ils aient partagé une

 14   intention avec quelque chose d'autre, à savoir qu'ils constituent une

 15   entreprise criminelle commune, n'a de pertinence pour le crime de

 16   complicité par aide et encouragement. En fait, "un défendant peut être

 17   condamné pour avoir aidé et encouragé les crimes même si les auteurs

 18   principaux de ce crime n'ont pas été identifiés."

 19   Cela figure au paragraphe 355 de l'arrêt dans l'affaire Brdjanin et

 20   au paragraphe 143 dans l'arrêt Krstic.

 21   La coïncidence entre l'actus reus et la mens rea du général Lazarevic

 22   s'est produite avant et pendant les expulsions en 1999. Le général

 23   Lazarevic était informé des crimes de déplacement forcé, il savait que cela

 24   allait probablement être commis par les forces de la VJ, et il a fourni une

 25   assistance en toute connaissance de cause à la commission de ces crimes.

 26   Son assistance a contribué de façon considérable au crime de déplacement

 27   forcé pour lequel il a été condamné. C'est tout ce qui était requis pour

 28   qu'il soit considéré responsable pour avoir aidé et encouragé. Ce qui


Page 436

  1   m'amène maintenant à répondre à la question numéro 7.

  2   Cette question numéro 7 étant comme suit : il s'agissait d'analyser

  3   si, au vu des circonstances, la mens rea pour avoir aidé et encouragé le

  4   crime d'expulsion et les autres actes inhumains peut être déduite de la

  5   connaissance qu'avait l'accusé des crimes commis en 1998, et notamment de

  6   crimes autres que le crime d'expulsion et d'autres actes inhumains.

  7   Alors, je vous dirais en un mot comme en cent que nous répondons par

  8   l'affirmative à cette question, car le général Lazarevic était informé des

  9   crimes commis en 1998, et nous pensons que cela est pertinent pour

 10   déterminer et établir sa mens rea pour avoir aidé et encouragé les crimes

 11   qui se sont passés en 1999. Mme Monchy vous a déjà indiqué quel était le

 12   fondement juridique d'une telle approche. Et, en fait, ce sont des éléments

 13   de preuve qui ont été adoptés et approuvés dans de nombreux procès en

 14   première instance et en appel devant ce Tribunal. En droit, je vous dirais

 15   qu'il n'y a pas de circonstances précises pour lesquelles cela n'est pas

 16   autorisé. Il s'agit d'une question factuelle et d'une question relative aux

 17   éléments de preuve.

 18   J'aimerais maintenant vous parler des faits relatifs au général Lazarevic.

 19   La connaissance qu'avait le général Lazarevic des déplacements de masse,

 20   des déplacements forcés en 1998 est directement pertinente pour sa

 21   connaissance qu'il y avait une réelle probabilité que ces mêmes crimes

 22   allaient être commis en 1999.

 23   De surcroît, la nature de certains de ces crimes, tels que par exemple

 24   meurtre, assassinat, incendie, et l'ampleur de ces crimes en 1998 sont

 25   également pertinents pour sa connaissance qu'il existait une réelle

 26   probabilité que des déplacements forcés aient lieu en 1999.

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à M. Marcussen d'avoir l'amabilité

 28   de ralentir son rythme.


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  1   M. MARCUSSEN : [interprétation] Excusez-moi une fois de plus.

  2   Vous avez déjà entendu citées les nombreuses sources pour la

  3   connaissance des crimes établis en 1998; mes confrères vous en ont parlé

  4   cette semaine. Je vous distribuerai un peu plus tard des documents auxquels

  5   je vais faire référence, et dans ce jeu de documents vous trouverez des

  6   tableaux qui sont semblables à ceux que vous avez reçus hier. Mon intention

  7   n'est pas d'examiner de façon détaillée ces tableaux -- ah, je vois que ces

  8   documents sont en train de vous être distribués maintenant. Peu importe.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je suppose que la Défense n'a pas

 10   d'objection à ce que nous recevions ce jeu de documents --

 11   M. BAKRAC : [interprétation] A moins que cela ne soit versé au dossier et

 12   retenu comme élément de preuve.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, bien sûr que cela ne sera pas fait.

 14   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Madame, Messieurs les Juges, dans ce jeu de documents, vous trouverez deux

 16   tableaux. Dans l'un de ces tableaux, nous indiquons quelles sont les

 17   différentes sources qui permettent d'établir la connaissance que le général

 18   Lazarevic avait des crimes en 1998, et dans l'autre tableau, nous indiquons

 19   la liste des sources qui permettent d'établir la connaissance du général

 20   Lazarevic pour les crimes de 1999. Bon, je pense qu'il y a une petite

 21   coquille sur la première page du jeu de documents, mais le reste se passe

 22   d'explication. Je ne vais pas entrer dans les détails aujourd'hui parce que

 23   toutes ces sources ont déjà fait l'objet de moult discussions lors de

 24   l'appel. Alors, bien entendu, je suis tout à fait disposé à répondre à vos

 25   questions si vous en avez.

 26   Mais le fait est que d'après ces sources il a été indiqué que le général

 27   Lazarevic était au courant de toute cette gamme de crimes, tels que des

 28   crimes de pillage, d'incendie et de meurtre et assassinat, qui ont été


Page 438

  1   commis de façon répétée par la VJ et les forces du MUP contre les Albanais

  2   du Kosovo en 1998. En outre, le général Lazarevic avait été informé de la

  3   fuite en masse des civils à la suite des crimes et des très lourdes

  4   tactiques utilisées dans le cadre des opérations conjointes de la VJ et du

  5   MUP.

  6   C'est conscient de tous ces éléments que le général Lazarevic est

  7   devenu le commandant du Corps de Pristina en 1999. Il savait que ses forces

  8   de la VJ avaient très fréquemment ou fréquemment commis des crimes violents

  9   qui avaient entraîné des déplacements forcés et des déplacements de masse

 10   de la part des Albanais du Kosovo pendant l'année 1998. Il savait qu'il y

 11   avait une réelle probabilité que ces mêmes troupes, agissant dans le cadre

 12   d'opérations semblables et conjointes avec le MUP, risquaient de continuer

 13   à avoir recours aux mêmes tactiques lourdes et à cette violence extrême

 14   contre la population albanaise du Kosovo et que les Albanais du Kosovo, de

 15   ce fait, seraient contraints de fuir. La Chambre de première instance a

 16   indiqué de façon raisonnable qu'en 1999 le général Lazarevic était "informé

 17   que de semblables recours disproportionnés à la force et aux déplacements

 18   forcés risquaient de se produire s'il donnait l'ordre à la VJ d'opérer au

 19   Kosovo en 1999." Paragraphe 923 du Volume III.

 20   Donc, si nous nous en tenons aux faits en l'espèce, le général

 21   Lazarevic était informé des crimes en 1998, notamment des crimes

 22   d'expulsion et de transfert forcé, et cela a une pertinence directe par

 23   rapport aux mêmes crimes commis pendant l'année 1999. Toutefois,

 24   l'Accusation avance que si le général Lazarevic était informé des

 25   événements de l'année 1998 et savait donc que les forces de la VJ

 26   risquaient probablement de commettre des crimes généralisés, notamment des

 27   crimes de pillage et d'incendie de foyers et de maisons, et s'il savait que

 28   cette violence extrême allait être infligée à la population civile en 1999,


Page 439

  1   il savait également que la population civile allait probablement être

  2   contrainte à s'enfuir pour échapper à cela. Par conséquent, sa connaissance

  3   de ces crimes généralisés incluait sa connaissance de la violence et a une

  4   pertinence par rapport à sa connaissance de la probabilité de déplacement

  5   forcé.

  6   Et en dernier lieu, j'aimerais insister sur la conclusion de la Chambre de

  7   première instance à propos de cette connaissance. Ce n'est qu'un des

  8   éléments qui a permis d'établir sa connaissance et sa mens rea pour avoir

  9   aidé et encouragé, et ce, pendant les événements de l'année 1999. Ce qui,

 10   d'ailleurs, est illustré par le deuxième tableau dont je vous ai parlé

 11   lorsque j'ai commencé à répondre à la question que vous nous avez posée. Et

 12   je ne vous suggère pas de nous intéresser à cela maintenant aujourd'hui.

 13   J'aimerais en fait vous dire, puisque je suis à la fin de la réponse

 14   apportée à la question numéro 7, que mes estimés confrères étaient en

 15   train, en fait, de présenter un nouveau moyen d'appel aujourd'hui, car il a

 16   été dit que le Statut de Rome de la CPI avait déterminé une norme pour le

 17   crime de complicité par aide et encouragement et que cette norme devrait

 18   être utilisée par cette Chambre d'appel dans cette affaire. Comme vous le

 19   savez, ici au sein de ce Tribunal, les critères pour déterminer la mens rea

 20   sont très, très clairs. Le critère est le critère de la connaissance qu'il

 21   existe une réelle probabilité. Il ne s'agit pas d'un critère par rapport à

 22   l'objectif recherché. Et deuxièmement, le Statut de Rome n'est pas

 23   contraignant pour le TPIY et ne reprend pas forcément le droit

 24   international coutumier, et dans ce cas, en ce qui nous intéresse, il ne le

 25   fait pas. Nous aimerions vous renvoyer à la décision de confirmation dans

 26   l'affaire Katanga et Ngudjolo, paragraphes 507 et 508 relatifs à la nature

 27   contraignante du Statut de la CPI, ainsi qu'à l'article 10 du Statut de la

 28   CPI.


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  1   Madame, Messieurs les Juges, voilà la réponse aux trois questions

  2   posées par Mme et MM. les Juges, à moins que vous n'ayez d'autres questions

  3   à nous poser. Ce qui ne semble pas être le cas.

  4   Je vais donc maintenant m'intéresser à l'arrêt Perisic. Premièrement,

  5   je vais démontrer qu'il existe des raisons impérieuses qui militent pour

  6   que la Chambre d'arrêt s'écarte de l'arrêt Perisic, et je vous parlerai

  7   notamment des conclusions tirées à propos du fait qui vise précisément à

  8   faciliter telle et telle chose. Et deuxièmement, j'indiquerai que même si

  9   la Chambre d'appel n'estime pas qu'il existe des raisons impérieuses de le

 10   faire, les déclarations de culpabilité du général Lazarevic ne doivent pas

 11   être altérées ou modifiées à cause de l'arrêt rendu dans l'affaire Perisic.

 12   Premièrement, j'aimerais m'intéresser aux raisons impérieuses, qui

 13   sont au nombre de quatre. Car je dirais, dans un premier temps, que l'arrêt

 14   Perisic a créé un nouvel élément qui vise précisément à avoir aidé et

 15   encouragé, que l'on ne retrouve pas dans le droit international coutumier.

 16   Deuxièmement, l'arrêt Perisic interprète de façon inexacte la jurisprudence

 17   de la Chambre d'arrêt. Troisièmement, cet arrêt a introduit des notions

 18   très, très vagues qui aboutissent en fait à de grandes incertitudes et,

 19   dans la pratique, qui va poser des problèmes. Quatrièmement, cet arrêt

 20   sape, en quelque sorte, le droit humanitaire international et va à

 21   l'encontre des intérêts de la justice internationale.

 22   Alors, premièrement, le droit international coutumier n'a pas besoin

 23   de cette notion qui vise précisément comme étant un élément pour avoir aidé

 24   et encouragé. Alors, je ne vais pas me lancer dans une étude approfondie du

 25   droit international coutumier aujourd'hui, ce qui n'est pas nécessaire,

 26   d'ailleurs, parce que cela a déjà été fait par ce Tribunal il y a 15 ans.

 27   Il faut savoir que le droit coutumier international pour complicité pour

 28   avoir aidé et encouragé a été examiné dans le jugement Furundzija. Nous


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  1   avons une analyse de 20 pages qui portent sur les instruments

  2   internationaux pertinents et la jurisprudence pertinente, et la Chambre de

  3   première instance dans l'affaire Furundzija a conclu que la mens rea pour

  4   avoir aidé et encouragé conformément au droit coutumier est constituée par

  5   la connaissance. Et cette Chambre a indiqué que "l'actus reus pour avoir

  6   aidé et encouragé en droit pénal international nécessite une assistance

  7   pratique, un encouragement ou un soutien moral qui a une incidence

  8   considérable sur la commission du crime." Paragraphes 249 et 235 dans

  9   l'affaire Furundzija.

 10   Sept mois après le jugement en première instance dans l'affaire

 11   Furundzija, la Chambre d'appel a rendu son jugement dans l'affaire Tadic.

 12   Dans ce jugement ne figuraient aucune analyse ou aucune référence au droit

 13   coutumier international pour ce qui était de la complicité pour avoir aidé

 14   et encouragé. Et c'est dans ce jugement, justement, que pour la première

 15   fois dans la jurisprudence du Tribunal nous trouvons la formule "specific

 16   direction" en anglais, à savoir "qui vise précisément". Et le contexte dans

 17   lequel figure cette formule indique que la Chambre d'appel ne souhaitait

 18   pas ajouter un nouvel élément aux critères de complicité pour avoir aidé et

 19   encouragé. Sous-paragraphe (iii) du paragraphe 229 dans l'arrêt Tadic.

 20   Cela a seulement été utilisé pour expliquer certaines différences

 21   entre le fait d'aider et d'encourager et l'entreprise criminelle commune.

 22   Il ne s'agissait absolument pas d'ajouter un nouvel élément. La Chambre

 23   d'appel n'a pas expliqué quelle était l'origine de cette formule "qui vise

 24   précisément à". Elle n'a fourni aucune raison pour expliquer pourquoi cette

 25   condition était nécessaire. Ce qu'elle aurait très certainement fait si

 26   elle avait eu l'intention de modifier le sens des éléments de cette notion

 27   que l'on trouve dans le jugement Furundzija ou si elle avait souhaité

 28   donner une orientation à ce sujet.


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  1   Qui plus est, les conclusions de la Chambre de première instance dans

  2   l'affaire Furundzija ont été approuvées par la Chambre d'appel de façon

  3   très explicite, et ce, dans le paragraphe 162 de l'arrêt Aleksovski. Et

  4   nous reviendrons par la suite là-dessus. Mais lorsque nous prenons en

  5   considération l'explication fournie par la Chambre d'appel dans l'affaire

  6   Aleksovski, explication qui porte sur l'arrêt Tadic, il est évident que la

  7   Chambre n'a pas compris l'élément "qui vise précisément" comme étant un

  8   élément nécessaire pour le fait d'avoir aidé et encouragé. Dans les

  9   jugements qui ont été rendus par la suite, qui ont reproduis la formule de

 10   l'affaire Tadic, nous ne retrouvons aucune discussion, aucune référence au

 11   droit coutumier et à cette condition requise de cette notion "qui vise

 12   précisément", qu'il s'agisse d'ailleurs d'actus reus ou de mens réa.

 13   Et j'aimerais indiquer --

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le Juge Pocar a une question à vous

 15   poser.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, Monsieur, j'aimerais vous poser

 17   une question. Vous nous avez dit qu'aucun des jugements qui ont repris la

 18   formule dans l'affaire Tadic n'a fait de référence à cette formule. Mais à

 19   quels jugements faites-vous référence exactement lorsque vous dites qu'il y

 20   a des jugements qui ont repris la formule que l'on trouve dans l'arrêt

 21   Tadic ?

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] En fait, vous trouvez ces références dans

 23   la note de bas de page numéro 100 de l'arrêt Perisic, mais il y a de

 24   nombreux jugements qui ont repris, en quelque sorte, la formule que l'on

 25   trouve dans l'arrêt Tadic et qui ont énoncé quels étaient les éléments du

 26   crime de complicité par aide et encouragement. Mais aucun de ces jugements

 27   n'a répété la notion en quelque sorte. Il n'y a jamais eu une nouvelle

 28   interprétation de cette formule. C'est ce que j'ai essayé de démontrer. Et


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  1   nous vous fournirons une liste de ces affaires. Nous vous fournirons une

  2   liste de ces affaires précises --

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc, ce que vous nous dites en

  4   d'autres termes, c'est que le seul jugement où l'on trouve une

  5   interprétation de cette notion c'est le jugement Aleksovski, n'est-ce pas ?

  6   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur, puis-je vous poser une

  9   question.

 10   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous avancez que cette notion qui vise

 12   précisément n'est pas un élément permettant l'aide et l'encouragement, mais

 13   comment est-ce que vous pouvez faire la différence entre le soutien fourni

 14   par la référence juridique et une action militaire légitime ? Est-ce que

 15   vous pensez que les éléments qui composent l'aide et l'encouragement sont

 16   nécessaires ?

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, tout à fait. Et je reviendrai là-

 18   dessus lorsque je serai à la fin et que je vous présenterai la quatrième

 19   raison. Mais en fait, en un mot comme en cent, ce que nous avançons, c'est

 20   qu'on ne peut pas parler de la position de l'auteur précis ou du scénario

 21   factuel précis pour analyser de façon juridique les éléments de l'aide et

 22   de l'encouragement. Ça, c'est l'un des ensembles d'éléments pour avoir aidé

 23   et encouragé qui, d'ailleurs, est un élément qui est utilisé à tout le

 24   monde et qui permet de déterminer s'il y a eu assistance de la part d'une

 25   organisation militaire vers une autre ou si le scénario était tel que les

 26   éléments qui correspondent à l'aide et à l'encouragement sont satisfaits

 27   sur la base de la connaissance et du critère de la contribution importante

 28   apportée. Je ne sais pas si j'ai ainsi répondu à votre question.


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  1   Mais ce que je voulais vous dire, et c'est un peu une digression,

  2   mais ce que je voulais vous dire c'est que lorsque l'on pense à l'affaire

  3   Tadic, lorsque l'on pense au jugement dans l'affaire Furundzija, ou -- il y

  4   a aucune référence à cela dans ces deux jugements. En fait, je voulais

  5   faire référence - excusez-moi - au jugement dans l'affaire Furundzija et à

  6   l'arrêt dans l'affaire Aleksovski.

  7   Donc l'arrêt Perisic ne fait pas référence au droit coutumier

  8   international à l'exception d'une référence que nous trouvons à la note de

  9   bas de page 115, et il s'agit d'une référence à une affaire de la Deuxième

 10   Guerre mondiale, l'affaire du gaz Zyklon B, et il est indiqué de façon

 11   inexacte que cela, en fait, permet d'étayer cette notion qui vise

 12   précisément. Il est question d'une affaire, "deux accusés ont été jugés

 13   coupables pour avoir aidé à tuer les détenus du camp de concentration en

 14   fournissant du gaz en dépit du fait qu'il avait été avancé que ce gaz

 15   devait être utilisé pour des fins tout à fait licites…," et ce, "…après que

 16   les éléments de preuve ont été examinés suivant lesquels les accusés en

 17   question avaient fait en sorte que les unités S.S. soient formées pour

 18   l'utilisation de ce gaz qui tuait des êtres humains."

 19   Je vous dirais à ce sujet que nous avons inclus un extrait de cette

 20   affaire du gaz Zyklon. Et je souhaiterais maintenant vous demander de bien

 21   vouloir vous pencher sur cette affaire avec moi. J'aimerais dans un premier

 22   temps attirer votre attention sur la deuxième page du document que je vous

 23   ai présenté, il s'agit de la page numéro 100.

 24   Et vous verrez comment l'Accusation a présenté ses arguments lors de

 25   son réquisitoire. Vous voyez que j'ai écrit à la main 1, 2, 3, 4. Voilà ce

 26   qu'a dit l'Accusation : la question essentielle était de savoir si les

 27   accusés savaient à quelles fins était utilisé le gaz.

 28   Par la suite dans ce rapport, vous voyez qu'il est indiqué que :


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  1   "Le conseil avait dit qu'il n'était pas crédible que le Dr Tesch ne

  2   savait pas qu'il y avait des problèmes dans les camps de concentration."

  3   Et puis, l'Accusation a également avancé que :

  4   "Il n'était … pas crédible non plus d'avancer que le Dr Tesch ne

  5   savait pas quelles étaient les quantités de gaz qui étaient fournies aux

  6   S.S. et au camp d'Auschwitz en particulier, et ce, par une société qui lui

  7   appartenait entièrement."

  8   Mais il faut également savoir que lorsque le juge a résumé l'affaire,

  9   et cela correspond à mon petit 4, il a indiqué qu'il y avait trois faits

 10   qu'il fallait prendre en considération. Le troisième fait est comme suit :

 11   "Et troisièmement, que les accusés savaient que le gaz allait être

 12   utilisé pour tuer des êtres humains."

 13   Alors, il est vrai qu'il y avait des éléments de preuve indiquant

 14   qu'il y avait eu formation, mais ce sont des éléments de preuve qui font

 15   l'objet -- qui sont évoqués au paragraphe 95. Cela était réfuté par la

 16   Défense. Mais vous voyez que l'Accusation, en fait, ne s'est pas appuyée

 17   là-dessus. Je n'ai pas inclus ces extraits, mais ils se trouvent aux pages

 18   95, 97 et 99.

 19   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette interprétation par la Chambre d'appel

 21   Perisic du jugement dans l'affaire du gaz Zyklon B est d'autant plus

 22   étonnante que cette affaire fait l'objet d'une analyse assez détaillée aux

 23   paragraphes 222 et 223 dans l'affaire Furundzija. C'est un jugement qui a

 24   été approuvé par l'arrêt Aleksovski.

 25   Donc, Madame, Messieurs les Juges, le Tribunal a été créé pour poursuivre

 26   les personnes les plus responsables de graves crimes internationaux

 27   conformément au droit coutumier international. Si l'on s'en tient au droit

 28   coutumier international, il n'y avait pas d'élément qui vise précisément,


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  1   qu'il s'agisse de l'actus reus ou des éléments de la mens rea pour avoir

  2   aidé et encouragé. Par conséquent, l'arrêt Perisic s'est écarté du droit

  3   coutumier international, que ce Tribunal a été créé pour appliquer. Voilà

  4   une raison impérieuse, s'il en fut, pour s'écarter de l'arrêt Perisic.

  5   Avant de poursuivre, si vous me le permettez, je vais revenir à la question

  6   posée par M. le Juge Pocar concernant les affaires qui portent sur la

  7   notion de visée précisément. Ça se trouve dans l'arrêt Perisic à la note en

  8   bas de page numéro 70, et non pas 100, comme je l'ai indiqué de façon

  9   erronée. Je m'en excuse.

 10   Le deuxième motif ou raison impérieuse justifiant de s'écarter de l'arrêt

 11   Perisic est qu'il ignore et interprète de façon erronée les jugements

 12   antérieurs ou les arrêts antérieurs de la Chambre d'appel qui ont

 13   explicitement rejeté l'élément de visée précisément. Premièrement, l'arrêt

 14   Furundzija ignore complètement, comme je l'ai dit -- pardonnez-moi, je ne

 15   cesse de commettre la même erreur.

 16   Premièrement, l'arrêt Perisic ignore complètement l'arrêt Aleksovski

 17   lorsqu'elle a pris cette décision lorsque la formulation de visée

 18   précisément dans Tadic se rapportait à son contexte.

 19   Madame, Messieurs les Juges, on trouve une analyse de ceci aux paragraphes

 20   162 à 164 de l'arrêt Aleksovski sur ce point. Je vais tenter de parcourir

 21   ceci dans le détail maintenant.

 22   Au paragraphe 162, l'arrêt Aleksovski reprend la décision rendue par le

 23   jugement de première instance dans l'affaire Furundzija sur les éléments

 24   constitutifs de la complicité par aide et encouragement qui est le critère

 25   de la connaissance et de la contribution importante. Ensuite, au paragraphe

 26   163, que, Madame et Messieurs les Juges, vous avez à l'écran actuellement.

 27   C'est un paragraphe assez compliqué, mais c'est un paragraphe néanmoins

 28   très clair. Donc, après avoir abordé et approuvé l'arrêt Furundzija, il


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  1   explique que :

  2   "Par la suite, dans le jugement Tadic, la Chambre d'appel a brièvement

  3   considéré la question de la responsabilité d'une personne commis par une

  4   autre personne lorsque la première personne a été accusée de complicité par

  5   aide et encouragement que cette autre personne a commis, et ce, dans le

  6   contexte d'établir un contraste entre la responsabilité d'une personne et

  7   la responsabilité d'une personne accusée d'avoir agi conformément à un

  8   objectif commun ou un dessein commun avec une autre personne en vue de

  9   commettre un crime. Et c'est pour ce motif que ce jugement ne prétend pas

 10   être une déclaration définitive de la question de la responsabilité d'une

 11   personne accusée d'avoir aidé et encouragé."

 12   Ensuite, au paragraphe suivant, au paragraphe -- pardonnez-moi, 164,

 13   l'arrêt Aleksovski reprend la formulation de l'élément matériel constitutif

 14   de complicité par aide et encouragement qui n'englobait pas la notion de

 15   visée précisément ou la condition de visée précisément. Elle n'a pas

 16   considéré que la notion de visée spécifiquement était un élément

 17   constitutif. Cela est visible également car elle n'a pas appliqué le

 18   critère de notion de visée spécifiquement aux faits. Paragraphes 168 et

 19   169.

 20   La Chambre d'appel à l'époque n'a pas constaté qu'il y avait contradiction

 21   entre le jugement Furundzija et l'arrêt Tadic concernant les éléments

 22   constitutifs de la complicité par aide et encouragement. Elle n'a pas

 23   compris que l'arrêt Tadic constituait une décision définitive sur la

 24   question de la complicité par aide et encouragement. Elle n'a pas compris

 25   que l'arrêt Tadic rajoutait une condition distincte qui était la notion de

 26   visée précisément.

 27   L'arrêt Perisic, cependant, revient sur Tadic et propose une autre

 28   interprétation de la formulation de visée précisément qui est celle qui a


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  1   été exclue dans l'arrêt Aleksovski. De même, l'arrêt Perisic revient sur

  2   l'arrêt Blagojevic et propose une interprétation qui a été rejetée de façon

  3   explicite par la Chambre d'appel dans l'affaire Mrksic et Lukic et Lukic.

  4   Et ensuite, il interprète de façon erronée l'arrêt rendu par la Chambre

  5   d'appel dans les affaires Mrksic et Lukic, malgré le rejet explicite de la

  6   notion de visée précisément en tant qu'élément constitutif de la complicité

  7   par aide et encouragement.

  8   L'arrêt Perisic interprète l'arrêt Blagojevic, au paragraphe 189,

  9   comme reprenant l'existence de la notion de visée précisément comme élément

 10   constitutif de l'élément matériel de la complicité par aide et

 11   encouragement. Confer paragraphes 31 et 32 de l'arrêt Perisic. L'arrêt

 12   Perisic et son interprétation a été cependant rejeté par la Chambre d'appel

 13   dans Mrksic et Lukic, dans lesquels les appelants ont fait valoir que la

 14   notion de visée précisément était exigée comme élément et que ceci n'avait

 15   pas été réuni en l'espèce. Cette question, par conséquent, a fait l'objet

 16   des écritures dans Mrksic et Lukic. L'appelant a déclaré qu'il ne pouvait

 17   être condamné pour avoir aidé et encouragé parce que ses omissions visaient

 18   précisément à faciliter, encourager ou apporter un soutien moral aux crimes

 19   qui lui ont été reprochés précisément.

 20   L'arrêt Perisic interprète de façon erronée l'arrêt Mrksic lorsqu'au

 21   paragraphe 33 il déclare que la Chambre d'appel dans Mrksic n'a jamais

 22   abordé la question de la notion de visée précisément dans le contexte de

 23   l'élément matériel. Ceci est inexact. Pardonnez-moi -- qu'elle n'a abordé

 24   cette notion que dans le contexte de l'élément matériel. Ceci est inexact.

 25   Tandis que Sljivancanin avait soulevé la question - il s'agissait

 26   d'une question relative à l'élément matériel - la Chambre d'appel a insisté

 27   pour dire que "Sljivancanin a mal interprété le critère de l'élément

 28   matériel applicable à la complicité par aide et encouragement" et a précisé


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  1   que cette question aurait dû être soulevée et devait porter sur la question

  2   de l'élément matériel. La Chambre d'appel a ensuite expressément rejeté cet

  3   argument en déclarant que la notion de visée précisément "ne constituait

  4   pas un élément déterminant de l'élément matériel de la complicité par aide

  5   et encouragement", arrêt Mrksic, paragraphe 159. Il n'y a rien d'ambigu

  6   dans ce rejet express. En outre, la question de savoir si la notion de

  7   visée précisément était un élément constitutif de la complicité par aide et

  8   encouragement était la question posée et devait être tranchée par la

  9   Chambre d'appel. Son rejet de la notion de visée précisément était une

 10   partie essentielle de son raisonnement, et il ne s'agissait pas d'une

 11   simple référence en passant, comme cela a été précisé dans l'arrêt Perisic,

 12   parce qu'il fallait trancher cette question pour pouvoir prononcer une

 13   déclaration de culpabilité.

 14   Cette question a encore été confirmée dans l'arrêt Lukic au

 15   paragraphe 424, où la Chambre d'appel a déclaré que :

 16   "Dans Mrksic et Sljivancanin, la Chambre d'appel a précisé la notion

 17   de visée précisément et a indiqué que cette notion ne constituait pas un

 18   élément déterminant de l'élément matériel constitutif de la complicité par

 19   aide et encouragement" et ensuite a constaté qu'il n'y a pas de raison

 20   impérieuse justifiant qu'on ne s'écarte de cette jurisprudence.

 21   L'arrêt Perisic tente de faire la distinction ou de concilier ces

 22   jugements en reprenant l'interprétation du droit qui a sa préférence aux

 23   paragraphes 32 à 36. Ceci est indéfendable compte tenu du fait que la

 24   formulation simple utilisée par la Chambre d'appel dans Mrksic, Lukic et

 25   Lukic, rejette cette notion de visée précisément.

 26   En outre, comme dans Blagojevic, la Chambre d'appel dans Mrksic et

 27   Lukic n'ont pas mené d'analyse sur la question de savoir si oui ou non la

 28   notion de visée précisément était en réalité implicite dans la notion


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  1   d'effet important et de connaissance. En outre, les opinions dissidentes du

  2   Juge Guney, aux paragraphes 10 et 11, et du Juge Agius dans l'affaire Lukic

  3   ont confirmé les arrêts des Chambres d'appel dans ces deux affaires qui ont

  4   manifestement rejeté la notion de visée précisément en tant qu'élément

  5   constitutif de la complicité par aide et encouragement.

  6   En résumé, Madame, Messieurs les Juges, la conclusion rendue dans

  7   l'arrêt Perisic, à savoir que la notion de visée précisément est un élément

  8   constitutif de l'élément matériel de la complicité par aide et

  9   encouragement ignore les constatations faites dans l'arrêt Aleksovski au

 10   sens de Tadic et interprète de façon erronée Blagojevic, qui a été rejeté

 11   de façon explicite par la Chambre d'appel dans les affaires Mrksic et

 12   Lukic. Et, par conséquent, il faut s'écarter de l'analyse de la Chambre

 13   d'appel, qui est erronée.

 14   Madame, Messieurs les Juges, la Chambre d'appel doit conclure que des

 15   interprétations erronées graves de ce Tribunal par rapport à la

 16   jurisprudence établie du Tribunal devraient leur enjoindre de rejeter la

 17   notion de visée précisément, car il s'agit d'une raison impérieuse pour le

 18   faire.

 19   La troisième raison impérieuse --

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je me demande si le moment est opportun

 21   pour faire une pause, étant donné que vous avez abordé la troisième raison

 22   impérieuse.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, tout à fait, nous pouvons procéder

 24   ainsi et reprendre après.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Nous reprendrons à 14 heures 30.

 26   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 58.

 27   --- L'audience est reprise à 14 heures 29.

 28   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Marcussen, c'est à vous. Vous


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  1   pouvez poursuivre.

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Donc, Madame, Messieurs les Juges, je vais maintenant aborder la troisième

  4   raison impérieuse. Comme l'a indiqué la Chambre d'appel dans Aleksovski :

  5   "Le mandat fondamental du Tribunal de poursuivre les personnes

  6   présumées responsables de violations graves du droit international

  7   humanitaire ne peut être mené à bien si l'accusé et l'Accusation n'ont pas

  8   garanti que l'application du droit répond au besoin de sécurité de

  9   prévisibilité juridique." Paragraphe 113(ii).

 10   Une troisième raison impérieuse justifiant de s'écarter de l'arrêt

 11   dans Perisic permet d'introduire -- une des raisons à cela, se sont les

 12   concepts vagues qui ont été présentés qui conduisent à un nombre

 13   considérable d'incertitudes, comme je l'ai évoqué ce matin. L'arrêt rendu

 14   dans l'affaire Perisic introduit de nouveaux éléments dans le droit

 15   concernant la complicité par aide et encouragement, la notion de visée

 16   précisément et la notion de proximité et d'éloignement d'un accusé dont il

 17   ne faisait pas partie auparavant. Les parties, l'Accusation, les Chambres

 18   de ce Tribunal ainsi que d'autres instances auront à se débattre avec cette

 19   application. Ces nouveaux concepts ne sont pas clairs et posent problème.

 20   L'arrêt rendu dans l'affaire Perisic n'explique pas en quoi consiste

 21   la notion de visée précisément en tant qu'élément objectif constitutif de

 22   l'infraction, mais déclare simplement qu'il doit y avoir un lien de

 23   culpabilité. Paragraphes 37, 38, 44.

 24   En outre, il semble qu'il y ait des désaccords considérables entre

 25   les Juges au niveau de leur opinion individuelle et dissidente. Quatre des

 26   cinq Juges de la Chambre d'appel dans l'affaire Perisic semblent indiquer

 27   que la notion de visée précisément est plus proche de l'élément constitutif

 28   de l'élément moral, les Juges Meron et Agius, opinions individuelles


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  1   paragraphe 4; le Juge Liu opinion dissidente paragraphe 2; le Juge

  2   Ramaroson, opinion individuelle paragraphes 7 et 9.

  3   Et, en appliquant la notion de visée précisément aux faits de

  4   l'affaire Perisic, la Chambre d'appel semble prendre en compte un élément

  5   cognitif qui va au-delà de la connaissance de l'aide à la recherche d'un

  6   objectif, paragraphe 69.

  7   Ce qui est impliqué dans l'arrêt Perisic est que le lien de

  8   culpabilité requiert des éléments de preuve indiquant que le complice ou

  9   que l'élément moral du complice va au-delà du simple critère de la

 10   connaissance et que cela se rapproche de l'objectif, en tout cas, pour les

 11   complices éloignés. Cependant, l'arrêt Perisic réaffirme que l'élément

 12   moral pour complicité par aide et encouragement est la connaissance et non

 13   pas l'objectif, paragraphe 48, tel qu'établi de longue date par la

 14   jurisprudence de ce Tribunal. Les contradictions apparentes sont difficiles

 15   à comprendre ou à concilier dans la pratique.

 16   L'arrêt Perisic brouille la frontière entre aider et encourager et

 17   l'entreprise criminelle commune minimisant ainsi la responsabilité au titre

 18   d'un objectif dans le cadre de la complicité par aide et encouragement. Si

 19   un complice doit dorénavant viser précisément à faciliter un crime, dans ce

 20   cas il n'y a pas de différence entre l'élément moral d'un complice et les

 21   membres d'une entreprise criminelle commune qui partage le même objectif

 22   commun.

 23   L'arrêt Perisic donne lieu à de nombreuses incertitudes parce qu'il

 24   introduit une nouvelle notion qui est celle de caractère éloigné sans aucun

 25   fondement jurisprudentiel pour faire la distinction entre ce jugement et

 26   les jugements antérieurs qui n'ont pas appliqué de façon explicite la

 27   condition de visée précisément. L'arrêt Perisic déclare que l'accusé dans

 28   ces jugements antérieurs étaient des complices proches, de sorte que la


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  1   notion de visée précisément aurait pu être implicite lorsque les

  2   conclusions ont été rendues s'agissant de la complicité par aide et

  3   encouragement, paragraphe 38, note en bas de page numéro 100.

  4   En agissant ainsi, il énonce deux critères relatifs aux éléments de

  5   preuve différents dans le cadre de la complexité par aide et encouragement

  6   : la première est la notion de proximité ou le fait qu'un complice est

  7   proche qui ne requiert pas une considération explicite et un raisonnement

  8   explicite pour l'un des éléments, et un autre élément qui porte sur le fait

  9   que le complice est éloigné.

 10   Madame, Messieurs les Juges, cette confusion a été illustrée ce matin

 11   par mon confrère lorsqu'il a évoqué la notion de visée précisément,

 12   l'élément constitutif qui doit indiquer que l'accusé était présent au

 13   moment où les crimes ont été commis. Nous faisons valoir que cela n'est pas

 14   le cas. Quelqu'un comme Krstic, qui a été condamné en tant que complice,

 15   n'était pas présent au moment où les crimes ont été commis, mais cette

 16   question a été soulevée et cela montre que la situation est maintenant

 17   devenue extrêmement confuse.

 18   Cela porte à confusion également, parce que la proximité n'a pas été

 19   ou n'est pas déterminante quant au caractère ou à l'incidence de l'aide, ni

 20   de la connaissance de celui qui contribue au crime. Par exemple, un auteur

 21   éloigné peut reconnaître qu'il y a un scénario au sens large des crimes ou

 22   est au courant du caractère systématique des crimes auxquels il apporte une

 23   aide où il est susceptible également d'apporter des contributions

 24   importantes ou de faciliter ces crimes.

 25   En outre, la Chambre d'appel n'a pas précisé où se situait la

 26   frontière entre le caractère éloigné et la proximité. La Chambre d'appel a

 27   simplement indiqué qu'il s'agissait d'une analyse fondée sur des faits "qui

 28   dépend des circonstances individuelles de chaque cas", et que les facteurs


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  1   pertinents comprennent une distance temporelle significative et une

  2   distance au plan géographique. Cependant, la Chambre d'appel a également

  3   indiqué que cette liste n'est pas exhaustive, paragraphe 40.

  4   Ces incertitudes sont susceptibles d'occasionner de graves problèmes

  5   dans la pratique étant donné que des individus ne seront pas en mesure de

  6   comprendre à quel moment leurs actes sont susceptibles de donner lieu à la

  7   responsabilité. Les Chambres de première instance ont également du mal à

  8   appliquer le critère imposé par l'arrêt Perisic. La Chambre d'appel devrait

  9   constater que les problèmes et incertitudes découlant de l'arrêt Perisic

 10   justifient que l'on s'écarte de celui-ci. Il s'agit-là d'une raison

 11   impérieuse.

 12   Veuillez m'accorder quelques instants, s'il vous plaît, Madame,

 13   Messieurs les Juges.    

 14   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 15   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais

 16   maintenant aborder la quatrième raison impérieuse, et je vais revenir sur

 17   la question posée par M. le Juge Liu également -- peut-être qu'il y au une

 18   question avant ?

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avant cela, car j'ai une question à vous

 20   poser. Je crois que ce matin l'appelant a fait valoir qu'il était

 21   nécessaire d'établir que l'accusé était présent dans chaque lieu précis où

 22   un crime a été commis, de façon à pouvoir établir la complicité par aide et

 23   encouragement de l'accusé. Et je comprends que votre position consiste à

 24   parler du caractère éloigné ou de la proximité, et que ceci ne constitue

 25   pas un élément essentiel de l'élément matériel de la complicité par aide et

 26   encouragement. Simplement parce que -- ou en raison de la question posée eu

 27   égard au caractère éloigné, la Chambre d'appel dans l'affaire Perisic a

 28   introduit la "notion de visée précisément" dans cet égard. Avez-vous


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  1   quelque chose à dire sur ce point ?

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je suis tout à

  3   fait d'accord pour dire que l'arrêt Perisic pourrait être interprété de la

  4   sorte, et je ferais valoir que cela soulève une autre question d'importance

  5   concernant ce jugement. Il fait valoir que des critères juridiques

  6   différents ne peuvent pas être appliqués à différents accusés à différents

  7   échelons, à différents niveaux ou différentes distances géographiques. Il

  8   doit y avoir un seul et unique critère juridique qui soit appliqué au tout.

  9   Ceci est un principe fondamental qu'applique ce Tribunal également.

 10   Mais je suis d'accord pour dire que l'arrêt Perisic pourrait être

 11   compris comme un arrêt qui introduit cet élément pour des affaires précises

 12   comme celles-ci ou dans des cas précis comme celui-ci, et ceci poserait

 13   beaucoup de problèmes, et il ne peut y avoir des critères différents

 14   appliqués à différentes accusés. Tel est notre point de vue. Je vais

 15   revenir dessus un petit peu lorsque j'aborderai la raison impérieuse numéro

 16   4. Nous faisons valoir également qu'il y a des raisons impérieuses pour

 17   introduire de nouveaux critères de ce genre pour aborder les problèmes

 18   précis, car les éléments constitutifs de la complicité sont des garants

 19   contre des condamnations déraisonnables. Le fait qu'il y ait des éléments

 20   présentés et qui fixent un seuil aussi élevé, qui permettent d'empêcher un

 21   tel risque, n'importe qui ne peut pas être condamné. Par exemple, si on

 22   fournit une aide à un gouvernement ou à des insurgés, que cette personne

 23   soit raisonnablement condamnée. Nous savons malheureusement que dans de

 24   nombreux conflits armés, il y a des éléments qui peuvent ou qui sont

 25   susceptibles de commettre des crimes. Je crois que nous comprenons tous

 26   qu'il s'agit là d'un sujet de préoccupation, ce n'est pas que quelqu'un est

 27   susceptible de commettre un crime, mais c'est quelqu'un qui fournit une

 28   aide qui peut être tenu responsable pour complicité par aide et


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  1   encouragement par rapport à ce crime. Mais le niveau très élevé que nous

  2   avons par rapport à la complicité devrait nous protéger contre ce type de

  3   situations, comme quelqu'un par exemple qui, de façon tout à fait légitime,

  4   vent des armes de poing, ce n'est pas quelqu'un qui est jugé complice dans

  5   chaque cambriolage qui est fait à l'aide de cette arme qui a été vendue.

  6   J'espère que cela a répondu à votre question.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Oui, vous pouvez

  8   poursuivre.

  9   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

 10   Donc, Madame, Messieurs les Juges, la quatrième raison impérieuse est

 11   la suivante : l'arrêt Perisic nuit au respect du droit international

 12   humanitaire. Permettre à des personnes de se livrer à un comportement dont

 13   elles savent qu'elles vont contribuer de façon importante à des crimes,

 14   simplement parce que cela n'est pas dans leur objectif de le faire, risque

 15   de gravement nuire au respect du droit international humanitaire.

 16   L'arrêt Perisic occasionne, comme je l'ai dit, deux choses importantes qui

 17   sont : premièrement, le jugement déclare de façon expresse que le complice

 18   doit viser spécifiquement des crimes lorsqu'il agit; et deuxièmement,

 19   d'après les constatations en l'espèce lorsque la Chambre d'appel a appliqué

 20   la notion de visée précisément au cas Perisic, il semblerait qu'un complice

 21   éloigné qui sait ou était courant de la réelle probabilité que ses actes

 22   vont faciliter les crimes et dont le comportement, en réalité, facilite de

 23   façon importante ces crimes, ne répond pas aux éléments de la notion de

 24   visée précisément.

 25   Alors, quelle est l'issue de tout ceci ? Cela signifie qu'un complice

 26   éloigné qui sciemment, et qui contribue de façon importante à des crimes

 27   généralisés et systématiques, échappera à sa responsabilité en tant que

 28   complice pour aider et encourager. Ce fossé d'impunité ne peut être


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  1   accepté.

  2   Et ce qui est encore pire, l'arrêt Perisic semble exiger que l'aide

  3   soit fournie à des organisations purement criminelles pour qu'un complice

  4   puisse être jugé responsable au plan pénal. Mais des gouvernements, des

  5   armées, des forces chargées de la sécurité, des mouvements d'insurgés et

  6   des mouvements rebelles ne seront que rarement purement criminels. En

  7   introduisant une condition qui exige que les contributions doivent être

  8   apportées à des organisations purement criminelles, le fossé de l'impunité

  9   se creuse tellement qu'il reste peu d'éléments pour établir la

 10   responsabilité d'un complice dans le cas d'auteurs éloignés dans la

 11   pratique.

 12   Le critère en droit international coutumier retenu dans le cas de la

 13   complicité par aide et encouragement encourage le respect du droit

 14   international humanitaire. Les deux éléments en droit international

 15   coutumier constitutifs de la complicité par aide et encouragement

 16   garantissent qu'il n'y a pas de risque que quelqu'un ne soit condamné de

 17   façon déraisonnable. Ce n'est que lorsque cela a été prouvé au-delà de tout

 18   doute raisonnable que l'accusé est au courant d'une probabilité réelle que

 19   son comportement pourrait faciliter la commission de crimes graves,

 20   internationalement parlant, que cela a été prouvé au-delà de tout doute

 21   raisonnable, que son aide a en réalité eu un effet important sur la

 22   commission des crimes, ce n'est que dans ce cas-là qu'il peut être tenu

 23   responsable en tant que complice par aide et encouragement.

 24   Voici la question, me semble-t-il, que Monsieur le Juge Liu vous avez

 25   posée. Donc, le fait qu'il y a un risque, à savoir que d'envoyer des

 26   troupes et du matériel peut conduire à des crimes ne signifie pas pour

 27   autant qu'une personne ait empêché de contribuer à un effort de guerre ou

 28   de participer à des opérations de guerre légitime, et ne sera pas tenu


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  1   responsable en tant que complice s'il agit de la sorte.

  2   Il y a différents garde-fous en matière de droit international

  3   coutumier et de critères retenus en termes de ce droit sur l'effet

  4   important et la connaissance visant à faciliter les crimes pour éviter

  5   cela. Premièrement, le critère de la connaissance est assez élevé. Il ne

  6   suffit pas de savoir qu'il existe un risque que des crimes soient connus.

  7   L'accusé doit savoir que des crimes vont sans doute être commis. Et, en

  8   particulier, si une personne prend des mesures nécessaires pour garantir ou

  9   s'assurer que son aide ne sera pas employé pour commettre des crimes, il ne

 10   sait pas que ces crimes sont susceptibles d'être commis, il ne sait pas que

 11   son aide va sans doute faciliter de tels crimes. De telles mesures peuvent

 12   varier d'une affaire à l'autre, obtenir des garanties, par exemple, que

 13   cette aide ne sera pas utilisée pour commettre des crimes, obtenir des

 14   garanties pour indiquer que les forces qui réceptionnent cette aide

 15   prendront toutes les mesures nécessaires pour punir les crimes avant que

 16   l'aide ne soit fournie, et on peut également prévoir une formation sur le

 17   droit international humanitaire auparavant comme condition préalable à la

 18   fourniture de l'aide. Il peut s'agir d'arrêter ou de cesser la fourniture

 19   d'aide si des crimes sont commis mais ne sont pas punis, et ceci peut être

 20   assimilable à une demande de renvoi de personnel ou de matériel si ceci est

 21   utilisé pour commettre des crimes ou si la personne qui a reçu l'aide a

 22   omis de prendre les mesures nécessaires pour empêcher ces crimes. Il y a de

 23   nombreuses mesures qui peuvent être prises par quelqu'un qui fournit l'aide

 24   pour s'assurer que les crimes ne soient pas commis et prendre les mesures

 25   qui feront en sorte qu'il sera très raisonnable de constater que les crimes

 26   ne sont pas commis avec l'aide des ressources fournies par ladite aide.

 27   Donc, il existe suffisamment de garde-fous qui permettent d'échapper à ces

 28   résultats déraisonnables.


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  1   Mais ce qui est encore plus important, c'est que ces mesures

  2   pourraient diminuer les niveaux de criminalité et permettraient d'adhérer

  3   mieux au droit international humanitaire. Si ces mesures ne sont pas

  4   couronnées de succès et si ces personnes qui utilisent cette aide s'en

  5   servent toujours pour commettre des crimes, les personnes qui fournissent

  6   de l'aide sciemment dans ces circonstances pourraient être tenues

  7   responsables de complicité par aide et encouragement pour avoir facilité la

  8   commission de ces crimes. Egalement, si quelqu'un sait qu'aucune ressource

  9   ne serait jamais suffisante pour empêcher des crimes à très grande échelle,

 10   crimes systématiques, il devrait dans ce cas s'abstenir de fournir l'aide

 11   ou de courir le risque d'être tenu responsable pénalement en tant que

 12   complice.

 13   Le droit international coutumier et le critère sur le point de la

 14   complicité encouragent l'emploi du droit international humanitaire, confer

 15   l'arrêt Perisic. Tous les éléments susmentionnés démontrent qu'il y a des

 16   raisons impérieuses qui justifient que l'on s'écarte de l'arrêt rendu dans

 17   l'affaire Perisic. Il est erroné au terme du droit international coutumier,

 18   il interprète de façon erronée la jurisprudence de la Chambre d'appel, et

 19   il est clair qu'il donne lieu à des grandes incertitudes et des problèmes

 20   qui nuisent à l'adhésion au droit international humanitaire et est

 21   contraire aux intérêts de la justice internationale.

 22   La Chambre d'appel devrait redire que la notion de visée précisément

 23   ne constitue pas une condition distincte de la condition de la complicité

 24   ou que si c'est impliqué dans l'élément matériel, cela doit nécessairement

 25   être inclus à l'élément effet important.

 26   Bien, dans tous les cas, la Chambre d'appel exige que davantage

 27   d'éléments soient présentés s'agissant des raisons impérieuses,

 28   l'Accusation peut préparer un mémoire supplémentaire à cet effet si les


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  1   Juges le souhaitent.

  2   Si tel n'est pas le cas, je vais aborder la dernière partie de ma

  3   présentation.

  4   Madame, Messieurs les Juges, si la Chambre d'appel décide qu'il n'y a pas

  5   de raisons impérieuses qui justifient de s'écarter de l'arrêt Perisic, dans

  6   ce cas la Chambre d'appel devra peut-être prendre en compte les éléments

  7   suivants : premièrement, si la Chambre de première instance aurait dû faire

  8   des constatations explicites concernant la notion de visée précisément,

  9   élément constitutif de l'élément matériel de la complicité par aide et

 10   encouragement, et dans le cas où elle n'aurait pas à faire de telles

 11   constatations, à savoir si la Chambre de première instance, dans ses

 12   constatations, a inclus cet élément de façon implicite. Je crois, Madame,

 13   Messieurs les Juges, que vous devriez faire ces déterminations parce

 14   qu'elles ont été soulevées par mes confrères ce matin.

 15   Contrairement à ce que mon éminent confrère a fait valoir ce matin,

 16   la Chambre de première instance n'a pas dû faire de constatation explicite

 17   s'agissant de la notion de visée précisément comme élément constitutif de

 18   l'élément matériel de la complicité par aide et encouragement. Ceci, c'est

 19   parce que le général Lazarevic est un complice proche plutôt qu'un complice

 20   éloigné, arrêt Perisic, paragraphe 39.

 21   Premièrement, alors que le général Perisic était éloigné dans la

 22   mesure où c'était un officier dans une armée étrangère à l'extérieur de la

 23   chaîne de commandement où se trouvaient ceux qui avaient commis les crimes

 24   à Sarajevo et à Srebrenica, le général Lazarevic était le commandant du

 25   corps des soldats de la VJ qui commettaient les déplacements forcés au

 26   Kosovo. Il avait autorité sur tous les membres du Corps de Pristina et le

 27   pouvoir de planifier les actions de la VJ et les opérations de la VJ au

 28   Kosovo. Volume III, paragraphe 925. Il est comparable à Krstic, un


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  1   commandant qui a permis aux troupes et aux ressources placées sous son

  2   commandement de faciliter les crimes, qui a été reconnu par la Chambre

  3   d'appel dans Perisic comme étant un complice proche, note en bas de page

  4   100, arrêt Perisic.

  5   Effectivement, la Chambre de première instance dans l'affaire Perisic

  6   a accordé une très grande importance au fait que Perisic n'avait ni

  7   commandement de jure ni de facto sur la VRS en Bosnie, permettant d'établir

  8   le caractère éloigné de Perisic, arrêt Perisic, paragraphes 42 et 46.

  9   Deuxièmement, l'arrêt Perisic, au paragraphe 38, a considéré que la

 10   proximité est établie lorsque l'accusé est présent matériellement pendant

 11   la planification ou la commission d'un crime. Lazarevic était

 12   matériellement présent et a contribué de manière importante à la

 13   planification et à l'exécution des opérations conjointes qui ont

 14   complètement nettoyé des villages de civils albanais au Kosovo. La période

 15   allant du mois de janvier au mois de mars 1999 était consacrée à la

 16   planification des opérations conjointes entre la VJ et le MUP, Volume I,

 17   paragraphe 1 017. Lazarevic a travaillé étroitement avec Pavkovic dans

 18   l'élaboration de ces plans, ce qui a donné lieu aux ordres du commandement

 19   conjoint, Volume I, paragraphes 1 037 à 1 038. La campagne visant à chasser

 20   par la force la population albanaise du Kosovo a été menée du fait de ces

 21   opérations conjointes.

 22   Le général Lazarevic a également donné au moins 16 ordres émanant du

 23   commandement conjoint entre les mois de mars et avril 1999. Je vais vous

 24   citer des exemples pour indiquer comment ces ordres conjoints ont été mis

 25   en œuvre -- comment ces ordres conjoints ont mis en œuvre le plan criminel

 26   commun aux fins de chasser par la force les Albanais du Kosovo. Comme l'a

 27   constaté la Chambre de première instance, plusieurs de ces ordres

 28   correspondent aux lieux de crime dans l'acte d'accusation, Volume I,


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  1   paragraphes 1 122 et 1 123.

  2   En outre, le général Lazarevic était présent sur le terrain, "au cœur

  3   de l'action", comme il l'a dit, Volume III, paragraphe 924. Il se rendait

  4   régulièrement sur le lieu où se trouvaient les troupes, les encourageaient

  5   avant et après les opérations conjointes qu'il avait planifiées et

  6   commandées et qu'il a mises en œuvre avec une force excessive, en prenant

  7   pour cible des villages entiers où se trouvaient des civils albanais du

  8   Kosovo et en les chassant. Lui et Pavkovic étaient "la plupart du temps",

  9   Volume III, paragraphe 838. Il est -- on peut le comparer à Brdjanin et

 10   Simic, il s'agissait de dirigeants civils dans leurs régions et

 11   municipalités respectivement, et l'arrêt Perisic a reconnu également pour

 12   complicité par aide et encouragement s'agissant de la notion de visée

 13   précisément, arrêt Perisic, paragraphe 73.

 14   Et, en réalité, compte tenu de la participation proche et personnelle

 15   dans la planification et l'exécution de ces opérations conjointes, vous

 16   pouvez constater que les conclusions de la Chambre de première instance

 17   concernant la contribution du général Lazarevic comprenait de façon

 18   implicite la notion de visée précisément. La Chambre de première instance a

 19   noté "les dirigeants politiques et militaires de la RFY et de la Serbie …

 20   traitaient la population albanaise du Kosovo dans son intégralité comme des

 21   ennemis de l'Etat malgré le fait que l'ALK ne représentait qu'une toute

 22   petite partie de la population," Volume III, paragraphe 91. Les opérations

 23   conjointes entre la VJ et le MUP ne faisaient pas de différence entre l'ALK

 24   et la population albanaise du Kosovo. Deux exemples, les opérations

 25   conjointes de la VJ et du MUP à Orahovac et dans la vallée de Reka,

 26   illustrent le fait que les contributions de Lazarevic visaient précisément

 27   les opérations qui avaient été planifiées et exécutées aux fins de nettoyer

 28   des villages entiers et des régions des Albanais du Kosovo.


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  1   Orahovac se trouve au sud-ouest du Kosovo. Un des villages pris pour

  2   cible par l'opération d'Orahovac était le village de Celine. En mars 1999,

  3   le village de Celine comprenait environ 250 foyers situés non loin du poste

  4   de commandement avancé de Djakovica, Volume II, paragraphes 303, 333 à 335.

  5   Cela a été mentionné de façon explicite, et ceux-ci ont été pris pour cible

  6   par l'ordre du commandement conjoint donné par Lazarevic le 23 mars 1999,

  7   Volume II, paragraphe 296.

  8   Le général Lazarevic a ordonné à la 549e Brigade motorisée d'être

  9   déployée à l'endroit où il y avait le blocus ensemble avec le MUP pour

 10   attaquer et détruire l'ALK à Celine et d'autres villages. L'ordre du

 11   général Lazarevic a été transmis le long de la chaîne de commandement. La

 12   549e Brigade motorisée, le même jour, a donné l'ordre à ses unités de

 13   couper et de détruire le village de l'ALK de Celine, Volume II, paragraphe

 14   297.

 15   Il y avait, cependant, peu ou pas de présence ou de menace de la part

 16   de l'ALK dans ce village, Volume II, paragraphe 304. Et, en réalité, ces

 17   ordres étaient des ordres destinés à lancer l'attaque contre la population

 18   albanaise du Kosovo à Celine, comme l'indiquent les constatations au sujet

 19   de l'attaque.

 20   Dès les premières heures le 25 mars 1999, le village de Celine était

 21   encerclé par les chars de la VJ, des véhicules blindés et des véhicules

 22   blindés de transports de troupes. Entre 5 heures et 5 heures 30 du matin,

 23   la VJ a commencé à pilonner le village et a poursuivi son pilonnage de

 24   façon sporadique jusqu'à 9 heures du soir. Une journée constante de

 25   bombardements de 250 [comme interprété] foyers. Les soldats de la VJ et les

 26   forces du MUP sont entrés dans le village. Leurs opérations étaient

 27   coordonnées. Les soldats disposaient de radios manuelles et les ordres

 28   étaient transmis par le moyen de ces radios, Volume III [comme interprété],


Page 465

  1   paragraphes 310 à 314.

  2   Les forces de la VJ et du MUP ont pillé et incendié le village et ont

  3   mis le feu à la mosquée également. Ils ont établi des points de contrôle

  4   tenus par leurs hommes autour du village et ont tirés des coups de feu

  5   pendant la nuit pour faire peur aux habitants du village, Volume II,

  6   paragraphe 311. Les forces sont allées d'une maison à l'autre en fouillant

  7   ces maisons et en faisant sortir toute personne qu'ils y trouvaient.

  8   Certaines de ces personnes trouvées ont été tuées, notamment des femmes et

  9   des enfants, Volume II, paragraphes 315, 321, 329 et 335.

 10   Un groupe important de civils ont été retrouvés dans les bois là où

 11   ils se cachaient. Des policiers l'ont trouvé. Les hommes ont été séparés

 12   des femmes et des enfants. Les policiers ont pris leurs effets personnels

 13   et leurs cartes d'identité. Les cartes d'identité ont été jetées sur une

 14   pile et brûlées. Ces groupes ont été contraints à traverser le village à

 15   pied en direction de Prizren sous la menace d'un fusil. Plus tard, ces

 16   civils ont été placés à bord d'autocars, conduits jusqu'à la frontière, où

 17   on les a contraints à marcher jusqu'en Albanie, Volume II, paragraphes 323

 18   à 325 et paragraphe 334.

 19   Après ces opérations, des rapports ont été envoyés tout au long de la

 20   chaîne de commandement. Par exemple, pièce de l'Accusation P2019 qui

 21   confirme que les forces de la VJ "ont bloqué et nettoyé" Celine, Volume II,

 22   paragraphe 364; Volume II, paragraphe 301; et Volume III, paragraphe 857.

 23   L'opération avait été planifiée et ordonnée, et il en a été fait

 24   rapport où l'on a indiqué que ceci avait été fait conformément auxdits

 25   plans et ordres.

 26   Malgré un nombre très important de civils tués au cours de cette

 27   opération conjointe, Volume II, paragraphes 335, 381 à 382 et 433, et le

 28   nombre très important d'Albanais du Kosovo qui ont fui car ils avaient peur


Page 466

  1   ou à qui on avait ordonné de passer la frontière, chose que Lazarevic

  2   savait, Volume III, 849, personne n'a été poursuivi suite à cela, Volume

  3   III, paragraphes 864 à 869. Et les mêmes soldats, encore une fois, ont été

  4   utilisés dans des opérations conjointes à l'avenir. Inévitablement, le même

  5   schéma ou scénario se reproduisait.

  6   Par exemple, des unités de la 549e Brigade motorisée, un mois plus

  7   tard, ont participé à l'opération dans la vallée de la Reka au cours de

  8   laquelle la VJ et le MUP ont traversé la vallée en chassant tous les

  9   Albanais. Ceci constitue mon deuxième exemple. Je crois que je me suis mal

 10   exprimé, il s'agit en fait d'unités de la 549e Brigade motorisée qui ont

 11   participé à l'opération.

 12   Les deux Témoins Peraj et Kotur étaient des soldats de la VJ et ont

 13   dit dans leur déposition qu'il y avait eu des réunions aux fins d'organiser

 14   et de coordonner l'opération visant à nettoyer la vallée de la Reka. Les

 15   deux témoins ont parlé d'ordres verbaux qu'ils ont reçus concernant cette

 16   opération, Volume II, paragraphes 169 et 173. En outre, les Témoins K90 et

 17   K73, encore une fois deux fois des soldats de la VJ, ont dit également

 18   avoir reçu des ordres verbalement aux fins de nettoyer la vallée de la Reka

 19   en chassant la population albanaise du Kosovo, Volume II, paragraphes 176

 20   et 230.

 21   Madame, Messieurs les Juges, ce matin, mes confrères ont abordé la

 22   question de la déposition de ces deux témoins, K90 et K73. Contrairement

 23   aux arguments présentés par mon confrère, les questions qui ont été

 24   soulevées par rapport au Témoin K90, à savoir l'allégation qui consistait à

 25   dire qu'il avait modifié sa déposition, c'est quelque chose qui a été

 26   précisément abordé par la Chambre de première instance. La Chambre a

 27   constaté qu'il avait tenté de minimiser sa déposition, et il a donné les

 28   raisons pour lesquelles elle était parvenue à la conclusion à laquelle elle


Page 467

  1   est parvenue. Mes confrères n'ont pas démontré que ces constatations

  2   n'étaient pas raisonnables; ils ont simplement demandé aux Juges de la

  3   Chambre d'accepter leur version des éléments de preuve. Je vais vous

  4   demander, Madame, Messieurs les Juges, de vous reporter au Volume II,

  5   paragraphe 64 et paragraphe 133 -- 53, pardonnez-moi, où ces questions sont

  6   abordées -- à savoir, relatives au Témoin K90.

  7   Et contrairement aux arguments présentés ce matin, le Témoin K73 a

  8   effectivement parlé d'ordres qui visaient à nettoyer des régions des

  9   Albanais du Kosovo, et ceci est clairement indiqué dans le jugement, dans

 10   le Volume II, paragraphe 176.

 11   Pendant ces opérations, la VJ et le MUP ont traversé la vallée de la Reka

 12   du nord au sud en deux jours, en terrorisant et chassant tous les

 13   habitants. Madame, Messieurs les Juges -- Madame, Messieurs les Juges, sur

 14   vos écrans, vous trouverez maintenant la pièce de l'Accusation, le P326.

 15   Ceci a été utilisé en présence de plusieurs témoins. Ceci a été versé au

 16   dossier par le truchement du Témoin Nike Peraj. Comme vous pouvez le

 17   constater, il s'agissait là d'une opération conjointe. Sur les flancs de la

 18   vallée, il y avait les positions de la VJ et du MUP, et l'opération s'est

 19   déroulée directement devant le poste de commandement avancé de la VJ. Il y

 20   avait le poste de commandement du MUP. Et des groupes ou des unités de

 21   soldats de la VJ et du MUP sont descendus en la vallée en l'espace de deux

 22   jours. Et sur la carte, vous pouvez constater à quel endroit l'opération

 23   s'est arrêtée le 27 avril 1999, et ensuite s'est poursuivie le 28 en

 24   forçant les civils à descendre dans la vallée.

 25   Le premier jour, l'unité de K73 "a chassé des centaines d'Albanais du

 26   Kosovo et a mis le feu à leurs maisons," Volume II, paragraphe 229. La VJ

 27   et les forces du MUP ont encerclé des villages, ordonnant aux femmes de

 28   partir pour se rendre en Albanie, et ensuite ils ont abattu les garçons et


Page 468

  1   les hommes. Leurs maisons ont été brûlées. Et aux points de contrôle de la

  2   VJ et du MUP qui avaient été installés dans la partie sud de la vallée,

  3   tout homme restant a été séparé, et les cartes d'identité des femmes et des

  4   enfants ont été saisies avant que ces derniers ne soient forcés à se rendre

  5   en Albanie, et leur vie était menacée.

  6   Madame, Messieurs les Juges, comme vous pouvez le lire, j'ai parlé des

  7   postes de contrôle. J'ai indiqué ceci par un cercle sur la carte, et les

  8   lignes rouges indiquent les deux colonnes de réfugiés. Comme je l'ai

  9   décrit, il s'agissait d'Albanais du Kosovo.

 10   Le faut de nettoyer complètement ces villages s'est déroulé malgré le fait

 11   qu'il n'y avait pas de présence significative de l'ALK, Volume II,

 12   paragraphe 230. Quatre soldats de la VJ qui ont été impliqués ont dit dans

 13   leur déposition qu'ils avaient reçu des ordres aux fins de chasser par la

 14   force la population civile albanaise du Kosovo de la vallée. Ceci est

 15   abordé au Volume II, paragraphes 169, 173, 176 et 230.

 16   La déposition de K73, qui est citée au Volume II, paragraphe 1 172,

 17   confirme que les ordres précisaient ce qu'on demandait de lui lors de ces

 18   opérations conjointes et qu'il s'agissait de ne pas prendre pour cible

 19   l'ALK. Pardonnez-moi, je dois me reprendre, il s'agit du Témoin K73. Je

 20   dois corriger mon erreur.

 21   Les consignes qui avaient été reçues par le Témoin K73 étaient comme suit :

 22   "…nous les avons tous chassés, depuis le bébé qui se trouvait dans son

 23   berceau jusqu'aux personnes âgées qui étaient dans leurs chaises

 24   roulantes."

 25   Le général Lazarevic a rendu visite à la 125e Brigade motorisée le 29 avril

 26   1999, donc immédiatement après leur participation à l'opération de la

 27   vallée de la Reka. Zivanovic a fait un rapport à Lazarevic à propos de

 28   cette opération, paragraphes 842 et 856 du Volume III. Lazarevic n'a pris


Page 469

  1   aucune mesure contre les forces de la VJ qui avaient participé aux

  2   expulsions complètes et forcées dans la vallée de la Reka, paragraphe 870

  3   du Volume III. Et une fois de plus, après cette opération de la vallée de

  4   la Reka, les opérations conjointes ont continué sans aucune modification,

  5   sans aucune entrave. Par exemple, nous avons eu l'action conjointe menée

  6   par la VJ et le MUP contre le village de Dubrava en mai 1999 pour laquelle

  7   nous retrouvons exactement le même comportement. Les villageois ont soit

  8   fui, pris par la peur, ou ont été tués, et notamment ont été tués une femme

  9   et un enfant, paragraphes 1 141 et 1 149 du Volume II.

 10   Les opérations à Orahovac et dans la vallée de la Reka ne sont que deux

 11   exemples qui illustrent mon propos, à savoir comment, en fait, les

 12   opérations conjointes menées par la VJ et le MUP avaient pour objectif

 13   d'attaquer la population albanaise. Le Volume II est truffé de ce type

 14   d'exemples et couvre 13 municipalités sur tout le territoire du Kosovo.

 15   L'assistance considérable, l'encouragement et le soutien moral du général

 16   Lazarevic visaient ces opérations conjointes qui traitaient l'ensemble de

 17   la population albanaise du Kosovo comme l'ennemi. Lorsque le général

 18   Lazarevic a planifié et exécuté ces opérations, lorsqu'il a envoyé des

 19   troupes et des armes dans ces zones où il n'y avait pas de présence de

 20   l'ALK ou très peu de présence de l'ALK, lorsqu'il a inspecté les troupes

 21   sur le terrain, troupes qui venaient juste de mener à bien des expulsions

 22   forcées, lorsqu'il n'a pas pris de mesures contre ces déplacements forcés,

 23   paragraphe 925 du Volume III, il était absolument manifeste ce qui était

 24   visé par son assistance. Il n'y a aucune façon de penser qu'il aurait pu

 25   croire qu'il aidait une guerre légitime. Il savait que son assistance

 26   facilitait de façon considérable la campagne d'expulsions forcées.

 27   Pour ces raisons, la Chambre d'appel ne devrait pas accepter les arguments

 28   présentés par le général Lazarevic suivant lesquels il n'a fait que


Page 470

  1   contribuer à l'effort de guerre de son pays. Il est absolument manifeste

  2   qu'en tant que commandant de la VJ sur le terrain, ses contributions

  3   visaient précisément à faciliter la commission de ces crimes pour lesquels

  4   il a été condamné. Le général Lazarevic a participé de façon personnelle et

  5   a été très proche, il y a un lien direct, un lien de culpabilité entre ses

  6   contributions et les crimes.

  7   Madame, Messieurs les Juges, mon estimé confrère ce matin a présenté une

  8   suggestion, à savoir que le général Lazarevic se contentait tout simplement

  9   de s'acquitter de ses fonctions. Et je souhaiterais indiquer que dans le

 10   paragraphe 189 de l'arrêt Blagojevic, la Chambre d'appel a précisément

 11   indiqué que lorsque quelqu'un contribue sciemment à la commission d'un

 12   crime, le fait que cela se fait dans le cadre d'un devoir ou d'une

 13   obligation ou d'une fonction ne signifie pas pour autant que cette personne

 14   n'est pas responsable.

 15   Je dois rectifier quelque chose que j'ai dit ce matin, je parlais de ce que

 16   mon estimé confrère avait dit à propos du paragraphe 906 du jugement. Il se

 17   peut que j'ai dit -- il s'agit du Volume III, je le précise. Alors, il se

 18   peut que j'aie fait allusion à une conclusion d'intention qui se trouverait

 19   dans ce paragraphe, ce qui n'est pas exact. Ce dont il s'agit en fait, et

 20   ce qui est indiqué, c'est que le général Lazarevic était informé des actes

 21   de violence et d'expulsions. Et pour ce qui est également de l'évaluation

 22   des éléments de preuve ou de la déposition du Témoin K90, cela se trouve

 23   non pas au paragraphe 34, comme je l'avais dit, mais au paragraphe 74 du

 24   Volume II.

 25   Voilà pour ce qui est de ces rectifications, mais je dois vous dire

 26   que j'en ai terminé avec la réponse de l'Accusation. J'ai également répondu

 27   aux questions que vous nous avez posées. S'il y a des questions que je n'ai

 28   pas abordées aujourd'hui, je vous renvoie aux réponses très détaillées que

 


Page 471

  1   vous trouverez dans le mémoire de l'Accusation pour le général Lazarevic.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  3   Y a-t-il une réplique ?

  4   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Madame et Messieurs les Juges, avec votre

  5   permission.

  6   Mon estimé confrère M. Marcussen a traité pour une bonne partie de sa

  7   présentation de la jurisprudence du Tribunal, ainsi que de la jurisprudence

  8   concernant une question précise, celle de la notion de visée précisément à.

  9   Il a abordé la question de savoir si l'élément matériel attribué à l'accusé

 10   pour aide et encouragement devait comprendre ou non cette notion. Alors, il

 11   est évidemment très difficile, juste après une telle présentation au cours

 12   de laquelle mon confrère M. Marcussen a fait tant de citations et a analysé

 13   en détail la jurisprudence, il est donc très difficile au débotté de

 14   répondre avec des arguments de jurisprudence. Je vais malgré tout essayer

 15   de vous faire part de ma position sur ces points de façon évidemment

 16   limitée, puisque je n'ai d'autre choix que de prendre position

 17   immédiatement après la fin de la présentation de M. Marcussen.

 18   Alors j'ai l'impression, et peut-être que je me trompe, auquel cas je vous

 19   prie de m'en excuser, mais il me semble que la jurisprudence du TPIY, ainsi

 20   que celle du droit international coutumier en ce qui concerne la notion de

 21   visée précisément à est unique, et qu'il en découle justement l'arrêt dans

 22   l'affaire Perisic, et il me semble sur la base de l'ensemble de la

 23   présentation de M. Marcussen que c'est la position qui est en ressort, et

 24   je ne peux pas être d'accord avec cette position, parce que la

 25   jurisprudence n'est pas monolithique à cet égard. L'arrêt de la Chambre

 26   d'appel dans l'affaire Perisic n'est pas le seul arrêt ou jugement qui se

 27   soit penché sur cette question. Et avec votre permission, je voudrais

 28   brièvement me pencher sur des exemples qui n'ont pas été cités par mon


Page 472

  1   estimé confrère. Donc, la Chambre d'appel à plusieurs reprises a défini

  2   l'élément matériel de la complicité par aide et encouragement comme étant

  3   des actes visant précisément à aider, à encourager ou à fournir un soutien

  4   moral aux auteurs principaux d'un crime, actes qui ont eu un effet

  5   important sur l'exécution du crime. En disant ceci, je me réfère au

  6   paragraphe numéro 229 de l'arrêt dans l'affaire Tadic; au paragraphe 102 de

  7   l'arrêt Vasiljevic; au paragraphe 127 de l'arrêt Blagojevic; et au

  8   paragraphe 49 de l'arrêt Kvocka; ainsi qu'au paragraphe 45 de l'arrêt

  9   Blaskic; au paragraphe 52  de l'arrêt Rukundo, et -- alors, excusez-moi.

 10   Mais je suis passé à un examen de la jurisprudence d'où l'on voit

 11   émerger une approche cohérente de la Chambre d'appel en ce qui concerne ce

 12   critère, ce critère de visée précisément à. Il a été précisé, défini pour

 13   la première fois dans l'arrêt Tadic, mais cette notion de visée précisément

 14   à continue d'être incluse dans le raisonnement à l'appui de l'élément

 15   matériel de la complicité pour aide et encouragement, tel qu'il figure dans

 16   d'autres jugements et arrêts. Par ailleurs, la Cour pénale internationale,

 17   elle aussi nous donne des indications, et j'attire votre attention en fait

 18   sur l'arrêt Rukundo, paragraphe 52, qui aborde également la question de

 19   visée précisément à, ainsi que l'affaire Kalimanzira, arrêt, paragraphes 74

 20   et 86, l'affaire Muguniya [phon] - et excusez-moi si je prononce peut-être

 21   mal les noms - arrêt, paragraphe 79; l'affaire Seromba, arrêt, paragraphe

 22   numéro 47; affaire Nahimana, arrêt, paragraphe 482; et affaire

 23   Ntakirutimana, arrêt, paragraphe 530. Excusez-moi, encore une fois, si j'ai

 24   mal prononcé le nom de l'affaire Ntakirutimana.

 25   Donc, il a de nombreux arrêts rendus par la Chambre d'appel qui se

 26   sont penchés sur cette question de visée précisément à, et ont traité ce

 27   sujet.

 28   Alors, mon estimé confrère, M. Marcussen, a en fait même essayé de


Page 473

  1   simplifier l'un des critères requis en la matière, celui de la distance

  2   entre le complice allégué et l'auteur matériel, en suggérant que tout

  3   auteur qui se trouverait éloigné du lieu de la commission du crime serait

  4   par là, même, en quelque sorte exonéré de sa responsabilité. J'affirme

  5   qu'une telle position est pour le moins simpliste, car la distance n'est

  6   que l'un des éléments qu'il convient de déterminer. Il est tout à fait

  7   clair que même quelqu'un qui se trouve loin du lieu de la commission d'un

  8   crime peut remplir les critères requis, tant du point de vue de l'élément

  9   matériel que de l'élément moral pour le crime de complicité par aide et

 10   encouragement.

 11   Cependant, il est nécessaire d'établir également tous les autres

 12   éléments constitutifs de l'élément matériel et de l'élément moral.

 13   L'application de ce principe serait complètement privée d'effet si l'on

 14   considérait que la simple distance au lieu de commission du crime

 15   permettait d'exonérer quelqu'un, d'exonérer un auteur de sa responsabilité.

 16   M. Marcussen a même dit en parlant de -- excusez-moi, Madame et Messieurs

 17   les Juges. Concernant la jurisprudence portant sur ce principe de visée

 18   précisément à, sauf le respect dû, j'estime que M. Marcussen n'a pas

 19   présenté une argumentation adéquate compte tenu du fait que ce sujet est

 20   largement traité par les tribunaux internationaux et qu'il s'agit d'une

 21   institution très bien connue du droit international coutumier qui doit donc

 22   être appliquée dans les situations d'infraction au pénal, dont la présente

 23   Chambre d'appel a à connaître.

 24   Par ailleurs, mon confrère, M. Marcussen, a également abordé le fait

 25   que nous, dans notre présentation orale, nous avons fait une référence à la

 26   question du critère de la finalité dans le cadre de l'élément moral en nous

 27   référant au Statut de Rome, article 25, alinéa 3(C). La Défense estime

 28   qu'elle n'a pas outrepassé les moyens d'appel qu'elle avait déjà présentés


Page 474

  1   parce que l'un de nos moyens d'appel concerne précisément la conclusion

  2   erronée de la Chambre de première instance selon laquelle l'élément moral

  3   de l'accusé Lazarevic concernant la complicité par aide et encouragement

  4   aux crimes d'expulsion et de transfert forcé prend en compte cela. Le

  5   critère de la finalité a été appliqué dans d'autres jugements et arrêts,

  6   par exemple, l'administration transitoire des Nations Unies en 2000, qui a

  7   introduit une jurisprudence nouvelle, et je crois que c'était tout à fait

  8   justifié que la Défense se réfère à cet élément dans le cadre de la mens

  9   rea et que cela va également dans l'intérêt de la justice, que cela

 10   n'excède pas, ne sort pas du cadre de ce que nous avons présenté dans notre

 11   mémoire de l'appelant.

 12   Ensuite, mon confrère, M. Marcussen, a dit au tout début que Me

 13   Cepic, en présentant l'appel, aurait fait état d'éléments de preuve non

 14   pertinents en avançant l'exemple de Srbica, et en avançant des dates aux

 15   mois d'avril et de mars 1999. Il a avancé également que nous aurions commis

 16   une erreur quant à la période pertinente pour ces événements. Mais Me Cepic

 17   a présenté ce qu'il y avait précisément de contradictoire pendant la

 18   période pertinente couverte par l'acte d'accusation. Par exemple, le

 19   paragraphe 905 du Volume III cite en exemple le 28 mars 1999, et le secteur

 20   de Srbica précisément. Cet argument du Procureur ne résiste pas à l'examen.

 21   Tous les autres éléments de preuve cités concernent des extraits tout à

 22   fait pertinents du jugement. L'Accusation n'a donc fourni aucun argument

 23   par lequel elle aurait étayé ses affirmations au sujet des sanctions

 24   disciplinaires et des mesures visant à faire la lumière sur les crimes

 25   commis. Nous vous avons présenté de nombreux éléments de preuve directs

 26   dont il est difficile de retrouver l'équivalent dans tout autre affaire

 27   devant ce Tribunal. Ces éléments de preuve montrent clairement que le

 28   général Lazarevic a entrepris tout ce qui était en son pouvoir afin de


Page 475

  1   traduire en justice tous les auteurs de crimes présumés appartenant à la

  2   VJ. Quant à la responsabilité pour faire diligence et engager les

  3   procédures nécessaires, la suite des procédures judiciaires nécessaires,

  4   elle incombait aux organes du système judiciaire, ce qui ne peut mener qu'à

  5   une conclusion raisonnable, à savoir que le général Lazarevic a fait tout

  6   ce qu'il pouvait pour agir conformément à la loi et à la constitution.

  7   Lorsque l'on prend ainsi toutes les mesures possibles pour que soient

  8   traduits en justice les auteurs de crimes et que de telles procédures au

  9   pénal sont censées être engagées par les organes judiciaires, eh bien, dans

 10   une telle configuration, l'affirmation de mon confrère, M. Marcussen, selon

 11   laquelle les mesures prévues par le droit international coutumier n'ont pas

 12   été appliquées par le général Lazarevic ne résiste pas à l'examen.

 13   Mon éminent confrère, M. Marcussen, a également dit que le général

 14   Lazarevic assumait une responsabilité, entre autres parce qu'il a eu vent

 15   des crimes qui avaient été commis en 1998. Il était au courant de

 16   déplacements massifs et des transferts forcés en 1998, il a été au courant

 17   du fait que des membres de la VJ qu'il avait prétendument utilisés en 1999

 18   avaient coutume de commettre des crimes, chose qui a eu pour conséquence

 19   des déplacements considérables de personnes. Ce type de constatations ne

 20   tiennent pas debout, absolument pas. Je vais à ce titre vous renvoyer vers

 21   quelques témoins de l'Accusation, des observateurs étrangers notamment,

 22   dont la mission avait consisté justement en 1998 d'observer et d'assurer un

 23   suivi de la situation sur le terrain. Et nous avons un témoin de

 24   l'Accusation, M. Ciaglinski qui, en page 6 910 du compte rendu d'audience,

 25   a dit que les activités de l'armée de Yougoslavie en zone limitrophe

 26   étaient conduites de façon correcte. Je rappelle que la zone limitrophe,

 27   c'est la zone où a séjourné le général Lazarevic en 1998 à l'époque en sa

 28   qualité de chef d'état-major du Corps de Pristina.


Page 476

  1   Ce Témoin Ciaglinski a dit qu'il a eu l'opportunité de lire bon

  2   nombre de rapports établis par des membres de sa propre mission, et ces

  3   rapports-là n'ont comporté aucune observation de faite à l'égard du

  4   comportement de l'armée. Vous pouvez trouver cela en pages 6 894 à 6 895.

  5   En janvier 1999, le Témoin Ciaglinski a témoigné pour dire qu'il a eu

  6   l'occasion de s'entretenir avec des Albanais du cru à Junik, un village du

  7   coin, qui lui ont dit personnellement qu'ils n'avaient eu aucun problème

  8   avec les membres de l'armée. Vous pouvez trouver cela en page 6 896 du

  9   compte rendu d'audience. Le Témoin Ciaglinski termine par une conclusion

 10   qui est celle de dire que -- rétrospectivement, il peut dire que :

 11   "Pendant tout mon séjour au Kosovo, l'armée de Yougoslavie avait eu

 12   un comportement correct. Il n'y a pas eu d'utilisation disproportionnée de

 13   la force jusqu'à ces quelques dernières semaines de mars 1999."

 14   Ça se trouve en page du compte rendu 6 929.

 15   Le Témoin Maisonneuve, un autre témoin de l'Accusation, a dit que son

 16   expérience était celle d'avoir vu l'armée de Yougoslavie se comporter de

 17   façon tout à fait professionnelle.

 18   Le Témoin Shaun Byrnes, membre de la mission américaine, lorsqu'on

 19   lui a demandé s'il y avait eu usage disproportionné de la force, mise à feu

 20   de maisons, bombardements, et ce, notamment des cas de 1998, a répondu que

 21   son impression était claire et qu'il pouvait le dire de façon tout à fait

 22   claire, à savoir que l'armée de Yougoslavie n'était pas impliquée dans ce

 23   genre d'activité. Il a ajouté que pendant la période de temps passé au

 24   Kosovo par lui, s'agissant de l'année 1998 - je précise que c'était août et

 25   tout le mois de septembre - personnellement, il n'a jamais eu l'occasion de

 26   voir l'armée de Yougoslavie impliquée dans ce genre d'activité, et il n'a

 27   jamais obtenu d'information en ce sens par ses subordonnés; je vous renvoie

 28   vers la page 12 150 du compte rendu d'audience.


Page 477

  1   Nombre d'éléments de preuve ont été avancés qui montrent qu'il n'y a

  2   point de pièce à conviction qui, au-delà du doute raisonnable, ferait

  3   conclure du fait que le général Lazarevic, en 1998, du fait de ses

  4   fonctions de chef d'état-major du Corps de Pristina séjournant au poste de

  5   commandement avancé à proximité de la frontière albanaise, aurait eu des

  6   informations relatives à des exemples particuliers de recours

  7   disproportionné à la force en 1998. Il n'y a pas d'élément de preuve qui

  8   indiquerait que le général Lazarevic avait connaissance ou aurait dû avoir

  9   connaissance de la teneur de cette Résolution 1199 qui, en octobre,

 10   novembre 1998, avait mis en garde contre le recours à la force par les

 11   forces de la RFY. Ce qui aurait été pertinent pour ce qui est du général

 12   Lazarevic, c'était l'appréciation faite par le général Perisic au sujet

 13   duquel l'Accusation avait dit que c'était un général renégat qui s'était

 14   opposé à Milosevic et qui, dans la pièce à conviction 3D757, avait souligné

 15   le 29 septembre 1998 qu'à l'occasion des opérations au Kosovo, l'armée de

 16   Yougoslavie avait réalisé ses obligations pour combattre les terroristes,

 17   et ce, de façon professionnelle. Il a ajouté que l'armée de Yougoslavie,

 18   par le biais de son Corps de Pristina, avait entrepris toutes les mesures

 19   nécessaires pour procéder à la défense du pays.

 20   Madame, Messieurs les Juges, lorsque mon éminent confrère, M. Marcussen, a

 21   parlé du général Lazarevic qui, en 1999, aurait utilisé l'armée, celle qui

 22   en 1998 avait commis ce dont je viens de donner lecture à propos des

 23   appréciations faites par des observateurs étrangers, il a commis une fois

 24   de plus une erreur de taille. Parce que dans notre mémoire en appel, nous

 25   avons proposé à la Chambre d'appel une quantité innombrable d'éléments de

 26   preuve démontrant justement le fait qu'en 1999, lorsqu'on s'attendait à

 27   voir le début de l'agression des forces de l'OTAN contre la RFY, l'état-

 28   major principal de l'armée de Yougoslavie a pris la décision de procéder au


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  1   complètement des effectifs du Corps de Pristina. Je précise que c'est un

  2   témoin de l'Accusation, le colonel Zyrapi, qui était chef d'état-major de

  3   l'ALK, qui a dit lui-même qu'en début des frappes aériennes de l'OTAN,

  4   l'ALK avait compté deux fois plus d'effectifs que le Corps de Pristina. Le

  5   Corps de Pristina, en 1998, comptait 10 000 soldats. Par un complètement

  6   des effectifs suite à décision de l'état-major principal de l'armée de

  7   Yougoslavie, ce chiffre a augmenté à 50 000. Donc ce fait ne saurait étayer

  8   la thèse avancée par l'Accusation qui serait celle d'affirmer que le

  9   général Lazarevic avait utilisé des effectifs pour lesquels il savait que

 10   c'étaient des gens qui avaient commis des crimes en 1998. D'abord, il ne

 11   pouvait pas, de par ses fonctions et de par ses compétences, le faire; et

 12   deuxièmement, en 1999, lorsque la campagne de l'OTAN a été lancée, l'état-

 13   major principal de l'armée de Yougoslavie - chose que nous avons précisé

 14   dans le détail dans notre mémoire en appel - a procédé à des complètements

 15   considérables en effectifs de ce Corps de Pristina. Il a démultiplié ces

 16   effectifs.

 17   Pour ce qui est de ce que mon éminent confrère Marcussen a également

 18   précisé vers la fin de son exposé, à savoir un incident qui s'est produit

 19   au village de Celine et la participation alléguée de l'armée de Yougoslavie

 20   dans la perpétration de crimes à ce site. Dans notre mémoire en appel,

 21   paragraphe 952, nous analysons de façon détaillée les éléments de preuve

 22   liés à l'incident en question. Et je voudrais renvoyer les Juges de la

 23   Chambre d'appel vers un fait : M. Zyrapi, chef d'état-major de l'ALK, avait

 24   précisé que c'étaient des attaques qui étaient lancées contre des positions

 25   de l'ALK, site de Pirane, un village voisin de Celine. Je cite :

 26   "Dans ce secteur commençant par Pirane allant vers le carrefour de

 27   Djakovica et Bela Crkva, l'attaque a été lancée tôt le matin le 25 mars

 28   1999, et il y a eu des activités de combat. Je tiens à préciser ceci. Avant


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  1   que les attaques à l'artillerie n'aient commencé" -- non. "Suite à

  2   l'attaque à l'artillerie," je me corrige, "nous avons souhaité que la

  3   population de cette région soit déplacée de là pour des raisons de

  4   sécurité. Les effectifs de l'ALK avec la population ont commencé à se

  5   retirer."

  6   Donc le chef de l'état-major de l'ALK, au sujet de l'incident

  7   mentionné par mon éminent confrère - pour dire que ça avait été dirigé

  8   uniquement contre la population civile - lui, dit que c'étaient là des

  9   effectifs de l'ALK et qui ont commencé à se retirer ensemble avec la

 10   population civile. Et pour finir, puisque le temps ne me le permet peut-

 11   être pas, mais j'espère avoir quand même cinq minutes encore à ma

 12   disposition.

 13   Je dirais donc en ce peu de temps que la Défense, dans son mémoire en

 14   appel --

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que vous devez terminer en

 16   l'espace de cinq minutes parce que nous allons devoir lever l'audience. Et

 17   nous allons lever l'audience à 4 heures moins 5.

 18   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Non, non,

 19   j'avais pris peur de ne pas vous avoir volé quelques minutes de votre temps

 20   par inadvertance. Mais là, ça va.

 21   Le dernier des arguments que mon éminent confrère, M. Marcussen, a

 22   présenté, c'est cette opération dans la vallée de la Reka. Et dans cette

 23   opération-là, il y a des analyses détaillées de fournies par la Défense

 24   dans son mémoire en appel. Et pour ce qui est du temps qu'il me reste

 25   encore, je voudrais juste encore évoquer ce que mon confrère Marcussen a

 26   dit. Il a dit que suite à cette opération, le général Lazarevic est parti

 27   vers la 125e Brigade motorisée qui se trouvait avoir assuré un blocus

 28   partiel dans cette opération. Alors, il a précisé que le commandant


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  1   Zivanovic lui avait présenté son rapport mais que le général Lazarevic

  2   n'avait entrepris aucune mesure pour sanctionner les auteurs de crimes.

  3   Alors, dans le dossier de l'affaire, vous allez retrouver le rapport

  4   du commandant Zivanovic et vous allez remarquer que dans ce rapport il n'y

  5   a pas un seul mot qui indiquerait que la 125e Brigade motorisée aurait pris

  6   part à un crime. On ne mentionne pas qu'il y ait eu perpétration de crime

  7   du tout. Le général Lazarevic, donc, n'a pas obtenu de la part de ce

  8   commandant en charge de ce secteur d'information qui dirait que dans cette

  9   opération de blocus réalisée par la 125e Brigade motorisée il y aurait eu

 10   des crimes de commis. Par conséquent, il n'avait pas pu savoir que des

 11   actions auraient ou devaient être entreprises par ses soins.

 12   Enfin, mon confrère, M. Marcussen, a réitéré ses allégations pour dire que

 13   le général Lazarevic avait étroitement collaboré dans l'élaboration des

 14   plannings avec le commandant Pavkovic. Est-ce que vous pouvez imaginer une

 15   armée au monde, quelle qu'elle soit, où le commandant d'un corps d'armée ne

 16   coopère pas avec le commandant de l'armée -- ou où le commandant de l'armée

 17   ne coopèrerait pas avec le chef de son état-major ? Mais c'est une chose

 18   tout à fait logique. La question qui se pose est seulement celle de savoir

 19   quel est le segment de cette coopération qui se trouverait être contraire à

 20   la loi ou à la constitution, quel segment de cette coopération se

 21   trouverait être orienté contre des personnes civiles ? C'est la question à

 22   laquelle n'a pas répondu le jugement en première instance. Et c'est la

 23   question à laquelle l'Accusation n'a pas pu nous pointer du doigt dans sa

 24   réponse. Alors, suffit-il de dire seulement que le général Lazarevic a

 25   étroitement coopéré avec le général Pavkovic ? Mais bien sûr qu'il l'a

 26   fait. Le général Pavkovic était le commandant de la 3e Armée et le général

 27   Lazarevic était son subordonné à la tête du 3e Corps. Est-ce que le fait de

 28   faire partie d'une hiérarchie est un délit au pénal ? Est-ce que conduire


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  1   la guerre est un délit au pénal ? Et je crois que là, l'Accusation, dans sa

  2   réponse à notre mémoire en appel, ne vous a pas aidés à trouver des

  3   arguments pour ce qui est du jugement en première instance qui

  4   indiqueraient que la seule conclusion raisonnable à tirer, au vu de la

  5   totalité des éléments de fait, indiquerait que le général Lazarevic aurait

  6   aidé, aurait apporté son soutien aux crimes d'expulsion ou de transfert

  7   forcé.

  8   Merci, Madame et Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître Bakrac.

 10   M. CEPIC : [interprétation] Juste une petite rectification à apporter au

 11   compte rendu d'audience. Ligne 15 de la page 24 [sic], il faudrait en fait

 12   remplacer le mot "supérieur" par "subordonné".

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 14   Et je pense que nous sommes arrivés au terme de cette audience pour

 15   aujourd'hui. Nous allons donc lever l'audience jusqu'à demain matin, 9

 16   heures 30.

 17   --- L'audience est levée à 15 heures 55 et reprendra le jeudi, 14 mars

 18   2013, à 9 heures 30.

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