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1 Le vendredi 15 mars 2013
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Madame la
8 Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-05-87-A, le Procureur contre
10 Nikola Sainovic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic et Sreten Lukic.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Comme cela a déjà été
12 dit, je demande aux parties de réagir tout de suite si à un moment
13 quelconque elles n'arrivaient plus à suivre les débats.
14 Aux fins du compte rendu d'audience, je demanderais aux parties de se
15 présenter, s'il vous plaît. Commençons par l'Accusation.
16 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie. Peter Kremer, je représente
17 ici le bureau du Procureur. Aujourd'hui avec Michelle Jarvis, Najwa Nabti,
18 Priya Gopalan, ainsi que M. Milaninia qui présentera des arguments ce matin
19 et encore une fois ici avec nous, notre collègue Colin Nawrot, qui est
20 notre commis à l'affaire.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Pour la Défense.
22 M. FILA : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Toma Fila.
23 Avec moi Vlada Petrovic, toujours ici pour défendre les intérêts de Nikola
24 Sainovic.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. John
27 Ackerman avec Alexsandar Alexis pour le général Pavkovic.
28 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
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1 M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges,
2 représentant le général Lazarevic, Mihajlo Bakrac, Djuro Cepic, et Milan
3 Petrovic.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Branko
6 Lukic, M. Dragan Ivetic, pour M. Sreten Lukic.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Ce matin nous
8 entendrons les arguments de l'Accusation. C'est à vous.
9 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Pour
10 vous donner un aperçu de l'ordre de présentation de nos arguments
11 aujourd'hui, Mme Jarvis, M. Milaninia et moi-même, nous nous sommes
12 partagés l'appel de l'Accusation et nous nous sommes limités aux quatre
13 moyens d'appel. Mme Jarvis présentera des arguments sur les moyens 3 et 4
14 de notre appel qui concernent les erreurs commises par la Chambre de
15 première instance portant sur les crimes de persécution qui comprennent
16 l'agression sexuelle. M. Milaninia brièvement présentera des arguments sur
17 le moyen 2 portant sur l'erreur commise par la Chambre de première instance
18 en acquittant le général Lazarevic d'avoir aidé et encouragé les meurtres,
19 assassinat, y compris la VJ. Et je terminerai en parlant des erreurs
20 portant sur la peine.
21 Nous ne parlerons pas des moyens 1 et 5 aujourd'hui, qui portent sur
22 des erreurs techniques de droit et que nous avons abordées pleinement dans
23 nos mémoires par écrit.
24 S'il y a des questions, bien entendu, à tout moment nous sommes prêts
25 à y répondre.
26 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
27 Madame Jarvis.
28 Mme JARVIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
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1 Madame, Messieurs les Juges, bonjour. Comme cela vient d'être dit ce matin,
2 je présenterai des arguments portant sur le troisième et le quatrième moyen
3 d'appel d'accusation qui portent sur l'agression sexuelle en tant que
4 persécution.
5 Le moyen 3 concerne l'erreur commise par la Chambre de première instance
6 qui a commis une erreur en ne constatant pas que ces agressions sexuelles
7 étaient prévisibles à Sainovic et à Lukic au titre du critère relatif à
8 l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie. Le moyen 4 concerne
9 l'erreur commise par la Chambre de première instance qui n'a pas constaté
10 que les agressions sexuelles de Pristina ont été commises avec l'intention
11 discriminatoire requise, cette erreur concernent les déclarations de
12 culpabilité de Sainovic, Pavkovic, et Lukic.
13 Alors, Madame, Messieurs les Juges, il est important de savoir que l'issue
14 de cette affaire concerne une situation d'expulsion basée sur des motifs
15 ethniques ayant recours à la violence, une campagne où des femmes, des
16 enfants ont été expulsés de leurs foyers dans un climat terrifiant et
17 extrêmement explosif, on les a abandonnés à la merci des dizaines de
18 milliers de forces militaires et de la police, elles n'avaient aucun moyen
19 efficace de protection en place, et il s'agit là d'affirmer que des actes
20 d'agression sexuelle n'étaient pas prévisibles. Donc, c'est cela que nous
21 contestons. Une autre implication du jugement de première instance est qu'à
22 moins qu'un auteur ne fasse une déclaration explicitement discriminatoire
23 au moment où l'agression sexuelle a lieu, l'intention discriminatoire ne
24 peut pas être constaté.
25 Il est important que nous nous penchions très attentivement sur ces deux
26 conclusions. Pour deux décennies pratiquement, le Tribunal pénal
27 international pour l'ex-Yougoslavie a corrigé de nombreuses mauvaises idées
28 historiques sur les crimes sexuels commis dans une situation de guerre. Et
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1 à ce stade, nous ne pouvons pas laisser s'installer une mauvaise
2 perception, à savoir que ces crimes relèvent de critères de prévisibilité
3 qui seraient plus stricts que ceux qui concernent l'intention
4 discriminatoire requise de manière habituelle.
5 Il est tout à fait important également de constater la responsabilité pour
6 ces crimes. Vous devez vous pencher sur la question qui est de savoir si au
7 titre des critères qui sont applicables la Chambre de première instance a
8 commis une erreur en appréciant la responsabilité de l'accusé en l'espèce.
9 Et nous estimons qu'elle a commis une erreur.
10 Donc premièrement, je parlerai du moyen trois, par rapport à la
11 prévisibilité des crimes de persécution, d'agression sexuelle. Ensuite,
12 j'expliquerai pourquoi il y a eu erreur de la part de la Chambre de
13 première instance au titre du seuil, donc en appliquant un critère plus
14 strict pour l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie.
15 Ensuite, je dirai pourquoi, et il convient de corriger cette erreur.
16 Deuxièmement, je parlerai du moyen quatre portant sur l'intention
17 discriminatoire de persécution. J'expliquerai pourquoi dans le contexte qui
18 entoure les viols, eh bien, la seule conclusion raisonnable : qu'ils ont
19 été commis avec l'intention discriminatoire. Et j'expliquerai pourquoi, et
20 il s'agira donc de corriger les erreurs de la Chambre de première instance
21 et de confirmer que les viols de Pristina constituent des actes de
22 persécution, et pourquoi Sainovic, Pavkovic et Lukic doivent être déclarés
23 coupables au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième
24 catégorie.
25 Alors premièrement, le troisième moyen d'appel. Avant je voudrais qu'il
26 soit tout à fait clair que l'Accusation ne maintient pas l'argument qui
27 avait été annoncé initialement que Sainovic et Lukic avaient l'information
28 que les actes d'agression sexuelle étaient en train de se produire avant le
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1 début de la campagne de 1999. Comme cela a été dit dans notre mémoire en
2 réplique, nous admettons que les éléments de preuve n'étayent pas de
3 manière tout à fait claire et sans aucune ambiguïté cette affirmation.
4 Toutefois, nous affirmions que cela n'entrave pas notre moyen d'appel. Pour
5 des raisons que j'expliquerai, la preuve d'information préalable que les
6 mêmes crimes se sont déjà produits n'est pas requise pour démontrer la
7 prévisibilité.
8 Il est clair que la Chambre de première instance a commis une erreur
9 sur un point de droit en appliquant à risque trop rigoureux pour
10 l'entreprise criminelle de troisième catégorie. La preuve que les membres
11 de l'entreprise criminelle commune pouvaient prévoir les actes d'agression
12 sexuelle était la preuve qui était requise. En s'appuyant sur la décision
13 depuis, la Chambre d'appel a confirmé qu'il ne s'agit pas là d'un critère à
14 suivre. A la place, la Chambre de première instance aurait dû se demander
15 si les membres de l'entreprise criminelle commune pouvaient prévoir que les
16 persécutions d'agression sexuelle pouvaient se produire, ce qui revient à
17 appliquer le critère de possibilité. Et la Chambre d'appel a réglé ce point
18 dans son arrêt rendu suite à l'appel interlocutoire dans l'affaire Karadzic
19 du 25 juin 2009.
20 La Chambre d'appel Karadzic a précisément noté que la mens rea au
21 titre de l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie est
22 satisfaite lorsqu'il y a possibilité du crime. Certainement, nous
23 reconnaissons que la Chambre d'appel a mis en garde que ce critère ne sera
24 pas satisfait par des actes éloignés et que la possibilité substantielle
25 doit être suffisante pour que ce soit prévisible. Mais il n'empêche que la
26 Chambre d'appel a confirmé que la preuve requise de probabilité est un
27 critère trop rigoureux. Paragraphe 18 de la décision Karadzic.
28 Donc il y a eu une erreur sur un point de droit qui a été commise
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1 très clairement.
2 Vous devez appuyer le critère correct sur le point de droit.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Jarvis, est-ce que vous pourriez,
4 s'il vous plaît, nous indiquer quel est le paragraphe spécifique du
5 jugement où vous affirmez que la Chambre de première instance a commis une
6 erreur en appliquant les critères erronés.
7 Mme JARVIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pourrais peut-
8 être répondre brièvement. Pour commencer, je pourrais peut-être dire que
9 nous avons renvoyé aux paragraphes pertinents de notre acte d'appel, mais
10 je pourrais vous les indiquer à présent aussi si vous le souhaitez.
11 Madame, Messieurs les Juges, dans le Volume I du jugement de la Chambre de
12 première instance, paragraphes 96 et 111, au paragraphe 96, par exemple,
13 vers la fin du paragraphe, page 40, la Chambre de première instance a
14 indiqué qu'elle souhaitait savoir s'il était raisonnablement prévisible à
15 lui que le crime ou l'infraction sous-jacente serait perpétrée par une ou
16 plusieurs personnes qu'il engageait en tant que membres de l'entreprise
17 criminelle commune. Et c'est la même formulation qui revient au paragraphe
18 111 du Volume I, ce paragraphe, page 46, et nous voyons cette même
19 référence. Donc, cela est raisonnablement prévisible sur la base de
20 l'information disponible à l'accusé, consistant à dire que le crime ou
21 l'infraction sous-jacente serait commise. Là encore, cette formulation est
22 de manière claire incorrecte, comme cela a été confirmé par la Chambre
23 d'appel. Donc la formulation qui aurait dû être employée est celle de
24 "aurait pu être commis", ce qui correspond au critère moins rigoureux, qui
25 est équivalent au seuil -- donc au critère de possibilité.
26 Et nous retrouvons cela au Volume III dans les conclusions de la
27 Chambre de première instance portant sur l'entreprise criminelle commune de
28 troisième catégorie. Et par rapport à l'accusé Lukic, la Chambre dit que
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1 les actes d'agression sexuelle étaient "probables". Là, encore, nous voyons
2 qu'il s'agit d'un critère erroné.
3 De manière plus générale, la Chambre de première instance s'est
4 appuyée sur la décision en appel interlocutoire dans l'affaire Brdjanin qui
5 a adopté ce critère plus rigoureux donc de possibilité, et c'est
6 effectivement pour cette décision-là que la Chambre d'appel dans l'affaire
7 Karadzic a confirmé qu'elle l'a rejetée.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
9 Mme JARVIS : [interprétation] Alors, la prévisibilité aux fins de
10 l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie doit être appréciée
11 par rapport à l'ensemble du contexte dans lequel les crimes ont été commis,
12 en particulier à la lumière de la nature de l'objectif criminel commun.
13 Pendant que les éléments de preuve consistant à montrer que l'accusé savait
14 que certains types de crimes précédemment avaient été commis pourrait être
15 un élément de contexte important, ce n'est pas le seul, et certainement pas
16 l'élément essentiel pour démontrer la prévisibilité. Nous vous demandons de
17 rendre cela tout à fait clair lorsque vous rendrez votre appel en l'espèce.
18 Pour illustrer cela, prenons l'exemple classique de scénario de
19 l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie lorsqu'un accusé est
20 tenu responsable de meurtre en tant que participant à l'entreprise
21 criminelle commune consistant à commettre un cambriolage, c'est même si
22 jamais l'intention n'a été de tuer qui que ce soit.
23 L'appréciation que le meurtre constitue une conséquence prévisible d'un
24 cambriolage armé ne dépend pas des éléments de preuve consistant à montrer
25 que les participants à l'entreprise criminelle commune savaient que les
26 employés de la banque avaient récemment été victimes de tirs au cours
27 d'autres cambriolages. C'est une question de bon sens. Si quelqu'un attaque
28 une banque avec une arme pour voler des objets précieux, eh bien, il est
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1 prévisible que quelqu'un risque d'être tué.
2 Comparer cela à l'entreprise criminelle commune de l'espèce. Nous
3 n'avons pas ici une arme chargée, nous avons des dizaines d'hommes armés
4 qui font irruption dans les villages, qui se rendent porte-à-porte, qui ont
5 recours à la violence et à la terreur pour déplacer par la force 700 000
6 personnes y compris, bien sûr, des femmes et des filles. Vous devez vous
7 demander si dans ce contexte-là ces crimes étaient prévisibles ?
8 Cette approche a été adoptée précédemment par de nombreuses Chambres
9 de première instance et cela a été reconnu par la Chambre d'appel. Dans
10 l'affaire Krstic, c'est un exemple très clair. Lorsqu'il a été constaté que
11 c'était une conséquence prévisible de la crise humanitaire de Potocari, la
12 Chambre de première instance n'a pas exigé des éléments de preuve
13 démontrant que le général Krstic savait que ses hommes avaient précédemment
14 commis de tels crimes. A la place, la Chambre de première instance s'est
15 basée sur le bon sens et a déduit sur la base du comportement humain
16 habituel, compte tenu des éléments contextuels et compte tenu de la nature
17 du plan criminel commun, qui était de déplacer les femmes et les enfants et
18 les personnes âgées de cette zone. Donc, la Chambre de première instance a
19 souligné qu'il n'y avait pas d'abri, quelle était la densité de cette
20 foule, quelle était la condition vulnérable des réfugiés, la présence de
21 nombreuses unités régulières et irrégulières et paramilitaires dans la
22 zone, et simplement le fait qu'il n'y avait pas de protection pour les
23 réfugiés.
24 Le général Krstic savait suffisamment au sujet de ce contexte pour
25 que cela lui devienne prévisible que les femmes risquaient d'être violées
26 dans ce contexte. Paragraphes 606, 607 et 617 du jugement Krstic ainsi que
27 l'arrêt de la Chambre d'appel, paragraphe 149 du même dossier.
28 L'affaire Kvocka est un autre exemple aussi clair d'analyse
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1 contextuelle. S'il est constaté que l'agression sexuelle était prévisible
2 dans le contexte du camp d'Omarska dans la municipalité de Prijedor, la
3 Chambre de première instance n'a pas exigé des éléments de preuve
4 démontrant que l'accusé savait que des femmes avaient été précisément
5 violées dans le camp. A la place de cela, la Chambre de première instance
6 s'est basée sur le sens commun et a déduit ses conclusions sur la
7 perception habituelle du comportement humain dans un contexte donné et
8 compte tenu de l'objectif criminel de persécuter et de subjuguer les
9 détenus non-serbes.
10 La Chambre de première instance a conclu :
11 "Il ne serait pas réaliste et contraire à la logique de s'attendre à ce
12 qu'aucune femme détenue à Omarska, placée dans des circonstances où elle
13 était particulièrement vulnérable, ne serait pas soumise au viol ou autres
14 formes d'agressions sexuelles".
15 Paragraphe 327 du jugement Kvocka.
16 Nous pouvons maintenant ajouter à cela le jugement dans l'affaire Tolimir,
17 qui a été rendu en décembre de l'année dernière, qui ne se penche pas
18 précisément sur cette question-là au titre de l'entreprise criminelle
19 commune, mais je vous renvoie plus concrètement aux paragraphes 136 [comme
20 interprété] et 140 [comme interprété], donc, du jugement de première
21 instance Tolimir.
22 Vous pouvez mener un examen contextuel analogue en l'espèce, et si
23 vous le faites, la seule conclusion raisonnable que Sainovic et Lukic
24 pouvaient prévoir, que la persécution entraînant agression sexuelle pouvait
25 se produire dans le contexte de cette entreprise criminelle commune, et
26 cette conclusion est renforcée par l'examen du juge Chowhan dans son
27 opinion dissidente en l'espèce. Il s'est appuyé sur l'existence du plan
28 commun dans lequel l'expulsion était atteinte par le biais du transfert des
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1 femmes de leurs maisons. Lorsqu'il a formué son opinion dissidente, il se
2 réfère à la prudence et au sens commun, et cela nous montre qu'il s'appuie
3 sur une perception de la dynamique des comportements humains dans ce
4 contexte-là. Donc, nous estimons qu'il s'agit là de l'approche qu'il
5 convient d'adopter et que vous devriez adopter en l'espèce.
6 Il est regrettable que nous vivons toujours encore dans ce monde où
7 des actes d'agressions sexuelles se produisent de manière régulière contre
8 les femmes. Dans une situation de chaos et d'agression de conflit armé, où
9 les structures sociales habituelles se décomposent, le risque est encore
10 plus élevé. Et très certainement, en pleine campagne de nettoyage comme
11 celle de l'espèce, c'est une possibilité prévisible que des actes
12 d'atteinte à l'intégrité physique se produiront.
13 Je voudrais souligner trois indices principaux en l'espèce qui nous
14 montrent que cette possibilité d'agression sexuelle était prévisible à
15 Sainovic et à Lukic. Premièrement, le recours à la violence et à la
16 terrorisation [phon] en tant que partie intégrante de l'objectif criminel
17 commun. Deuxièmement, ce climat de haine ethnique. Et troisièmement, le
18 fait que les femmes et les filles étaient abandonnées à elles-mêmes dans
19 des situations extrêmement vulnérables sans mesures de protection
20 habituelles.
21 Notre jurisprudence confirme la pertinence de ces indices, de ces
22 éléments de prédiction pour prévoir que les crimes d'agressions sexuelles
23 ou d'autres crimes se produiront. Par exemple, jugement en première
24 instance dans l'affaire Krstic, paragraphe 616, et paragraphe 149 en appel;
25 Kvocka, paragraphe 327, première instance; Popovic, paragraphe 1 088,
26 première instance; et Tolimir, 1 136, jugement de première instance.
27 Donc, prenons maintenant le premier indice.
28 Il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce qu'au moment où 700 000
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1 personnes sont déplacées, 700 000 Albanais kosovars, eh bien, que c'est de
2 manière sereine qu'ils acceptent d'abandonner leurs maisons et de ne jamais
3 revenir chez eux, que cela se passe suite à une demande présentée de
4 manière tout à fait aimable. Il est évident que l'ordre de déraciner autant
5 de personnes, que les forces armées serbes ont dû avoir recours à la
6 violence lorsqu'elles ont expulsé les gens en se rendant chez eux de
7 maisons en maisons, eh bien, qu'ils ont pris pour cible cette population
8 pour les inciter à fuir. Et c'est ce qui a été constaté par la Chambre de
9 première instance. Nous trouvons de nombreuses références montrant qu'il y
10 a eu recours à la violence et à la terrorisation en tant que partie de
11 campagne d'expulsion. Par exemple, vous verrez cela à l'écran :
12 "Une campagne à grande échelle, une campagne de violence dirigée
13 contre la population civile albanaise de Kosovo pendant les frappes
14 aériennes du Kosovo…"
15 Volume II, paragraphe 1 156.
16 La Chambre a également constaté que :
17 "…les récits des témoins oculaires étaient cohérents et se
18 corroboraient, faisant état d'une terrorisation systématique de civils
19 albanais kosovars, et ce, de la part des forces de la République fédérale
20 de Yougoslavie et de Serbie, par le biais de leurs transferts de leurs
21 maisons, le pillage et la destruction délibérée de leurs biens, il
22 s'agissait d'une campagne de violence, d'après la Chambre, dirigée contre
23 la population civile albanaise kosovar pendant laquelle il y a eu des
24 incidents de meurtres, d'agressions sexuelles, de destructions
25 intentionnelles de mosquées".
26 Volume II, paragraphe 1 178 et paragraphe 1 156.
27 Ce qui est encore plus important, la Chambre de première instance a
28 constaté que le recours à la violence et à la terrorisation a constitué une
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1 composante essentielle du processus criminel commun, et encore une fois
2 vous voyez cela s'afficher à l'écran.
3 La Chambre de première instance formule l'existence de cet objectif
4 commun de la manière suivante, et dit :
5 "Par le biais d'une campagne généralisée systématique de terreur et
6 de violence, la population albanaise kosovare allait être déplacée par la
7 force à l'intérieur du Kosovo et à l'extérieur".
8 Volume III, paragraphe 95.
9 Il est important de comprendre que l'agression sexuelle constituait des
10 crimes violents commis au cours de ces attaques, tout comme les expulsions,
11 les meurtres, les passages à tabac, et la destruction des biens.
12 Les viols en groupe du Témoin K20, par exemple, à Beleg, en constitue un
13 exemple clair. Les forces serbes sont arrivées à Beleg, se sont mises à
14 maltraiter la population albanaise kosovare. Des pièces d'identité ont été
15 confisquées, les hommes ont reçu des coups, il y a eu des meurtres, les
16 femmes ont été fouillées et ont fait l'objet d'agressions sexuelles. Volume
17 II, paragraphes 54 à 55, 58 à 64.
18 Les forces serbes armées ont entouré et ont encerclé la maison de Témoin
19 K20 et ont ordonné à elle et à sa famille de partir. Ils ont été enfermés
20 dans une cave avec trois [comme interprété] autres prisonniers, et nombre
21 d'entre eux étaient des femmes. K20 était sortie avec quatre autres filles
22 et a été violée par quatre soldats de manière violente. Et en même temps,
23 elle pouvait entendre des cris de deux autres filles, et elle savait
24 qu'elles étaient en train d'être violées, elles aussi. Et après cela, elle
25 a eu de telles douleurs qu'elle ne pouvait pas s'asseoir et elle s'est
26 évanouie. Le lendemain, un policier a ordonné à K20 de se rendre en
27 Albanie.
28 Les villageois de Beleg se sont enfuis du Kosovo, tout comme des centaines
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1 de milliers d'autres Albanais kosovars. Et K20 en a fait partie. Elle avait
2 été chassée de son foyer, elle a été emprisonnée dans des conditions
3 inhumaines, violée, et enfin expulsée de Kosovo, pour que les objectifs de
4 l'entreprise criminelle commune soient atteints. Volume II, paragraphes 58,
5 61, 65, 67, 1 178; et pièce P2669, pages 2, et 4 à 6.
6 Les expériences de témoins qui ont été victimes d'agressions sexuelles de
7 Qirez. Les hommes avaient été tués, ils étaient tués de manière aveugle,
8 les maisons et les biens ont été incendiés, les femmes ont été forcées à
9 prendre la fuite et elles étaient soumises à des actes d'agressions
10 sexuelles. Volume II, paragraphes 623 à 636.
11 Les différentes formes de violence physique ont été infligées à la
12 population albanaise kosovare sous différentes formes. C'était soit des
13 hommes soit des femmes, les deux, tous ont été victimes de violence qui les
14 ont forcés à prendre la fuite. Il est important de se rappeler que nous
15 sommes ici face à la persécution fondée sur l'atteinte à l'intégrité
16 physique. Il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il s'agit d'agressions
17 sexuelles, d'actes comme tout autre acte de violence qui est infligé à la
18 personne pour l'humilier.
19 La Chambre de première instance a conclu que Sainovic et Lukic savaient que
20 le déplacement serait effectué par le biais de la violence et de la
21 terreur. Notamment, la Chambre de première instance a conclu que ce fût
22 justement l'un des facteurs qui rendaient prévisibles les crimes de
23 destruction des biens. Paragraphes 473 et 1 136, du Volume III. De même,
24 lorsqu'elle a conclu que pour Sainovic et Lukic ces meurtres et/ou
25 assassinats étaient prévisibles, la Chambre de première instance a fait
26 référence précisément à "le contexte dans lequel s'effectuait ce
27 déplacement forcé". Paragraphes 470 et 1 134 du Volume III.
28 Manifestement, ce contexte incluait le caractère violent et absolument
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1 terrifiant de la campagne. Si le recours général à la violence et à la
2 terreur lors de la campagne d'expulsion est pertinent pour prédire des
3 atteintes à l'intégrité physique telles que des meurtres et/ou assassinat,
4 alors il est tout aussi pertinent pour prédire les atteintes à l'intégrité
5 physique telles que les agressions sexuelles. De même, si cela a une
6 pertinence pour prévoir les dégâts pour les biens, la même pertinence se
7 retrouve pour ce qui est de prédire les dégâts et les atteintes à
8 l'intégrité physique des femmes du groupe.
9 Il ne faut pas oublier de prendre en considération le caractère violent de
10 l'objectif commun, qui est un facteur important pour prévoir les choses.
11 L'expérience humaine nous indique que ce genre d'actes violents commis
12 contre les femmes très souvent a une dimension différente par rapport aux
13 actes violents commis contre les hommes.
14 Il y a un deuxième indicateur des persécutions et des agressions sexuelles
15 en l'espèce, il s'agit de l'animosité particulièrement violente
16 qu'imprégnait la campagne de déplacement au Kosovo en 1999. Cela a donné
17 une situation particulièrement volatile et avec une connotation ethnique.
18 En l'espèce, la Chambre de première instance s'est appuyée sur cette
19 animosité ethnique et sur la division comme un facteur pour conclure que
20 Sainovic et Lukic pouvaient prévoir les meurtres et/ou assassinats à la
21 destruction de biens religieux. Volume III, paragraphes 470, 473, 1 134, 1
22 136. Si un tel facteur est pertinent pour prévoir les meurtres et/ou
23 assassinats et la destruction des biens appartenant au groupe ethnique
24 visé, alors ce même facteur est pertinent pour prévoir les actes violents
25 de persécution tels que les agressions sexuelles contre les femmes du même
26 groupe ethnique.
27 Il y a un troisième indicateur pour les éléments de preuve, un troisième
28 indice pour la persécution et les agressions sexuelles. En l'espèce, il
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1 s'agit du fait que les jeunes femmes et filles ou les femmes albanaises du
2 Kosovo se retrouvaient dans une situation particulièrement vulnérable, sans
3 avoir pour autant la protection des mécanismes normaux. Elles ont été
4 chassées de leurs foyers et étaient ainsi à la merci des forces serbes
5 armées qui avaient un pouvoir total sur elles. Sainovic et Lukic étaient
6 informés de la position vulnérable des femmes et des jeunes filles au
7 Kosovo en 1999. Dans un premier temps, le plan criminel qu'ils avaient
8 avalisé consistait à forcer la population albanaise du Kosovo, notamment
9 les femmes et les jeunes filles, et à les chasser de la sécurité de leurs
10 foyers. Deuxièmement, d'après leurs expériences de l'année 1998, les deux
11 accusés savaient que la mise en œuvre de ce plan allait certainement
12 aboutir à une catastrophe humanitaire et à une crise de réfugiés.
13 Paragraphes 442, 1 079, du Volume III.
14 Et cela a été confirmé par ce qu'ils ont pu constater à Pristina durant la
15 mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune. La Chambre de première
16 instance a conclu que lors de la campagne de l'OTAN, Sainovic était un
17 politicien particulièrement bien informé en matière d'événements au Kosovo,
18 et qu'il possédait une connaissance détaillée des événements sur le terrain
19 au Kosovo en 1998 et 1999. Paragraphes 464 et 470 du Volume III.
20 Sainovic se trouvait à Pristina lors des périodes d'expulsions de masse,
21 lorsqu'il y a eu perquisition effectuée de porte-à-porte et lorsque la
22 population civile albanaise du Kosovo a été littéralement terrorisée par
23 des menaces, à force de sévices, à la pointe des fusils, alors qu'ils se
24 déplaçaient dans des colonnes.
25 De même, la Chambre de première instance a conclu que Lukic avait cette
26 connaissance détaillée des événements sur le terrain en 1998 et 1999.
27 Paragraphe 1 134 du Volume III. Lukic se trouvait basé au QG de l'état-
28 major du MUP à Pristina, et il savait qu'il y avait des sévices, des
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1 mauvais traitements et des déplacements contraints qui se produisaient.
2 Paragraphe 1 124 du Volume III.
3 Outre ces trois indicateurs que j'ai déjà indiqués, ces trois indicateurs
4 forment un fondement suffisant pour conclure aux persécutions et aux
5 agressions sexuelles, et aux faits que c'était une possibilité prévisible
6 pour la campagne de 1999. Notamment, lorsqu'il y a eu déploiement des
7 forces de la VJ et du MUP en 1999, et ce, pour expulser la population
8 albanaise du Kosovo, Sainovic et Lukic savait, tous les deux, que ces mêmes
9 forces avaient en fait déjà commis des crimes violents, notamment des
10 atteintes à l'intégrité physique lors de la campagne d'expulsion de 1998.
11 Et je vous renvoie au paragraphe 70 de notre mémoire en appel.
12 Non seulement cela, mais il faut savoir que les membres de l'entreprise
13 criminelle commune, notamment Sainovic et Lukic, ont utilisé ces mêmes
14 forces pour effectuer une campagne d'expulsion encore plus généralisée,
15 sans pour autant mettre en place les garde-fous nécessaires qui auraient pu
16 protéger la population albanaise du Kosovo.
17 A cet égard, je vous renvoie à l'approche adoptée par le TPIR dans le
18 jugement Karemera, paragraphes 1 476 et 1 477. Cette Chambre avait conclu
19 que dans le cadre d'une campagne d'extermination dont le but est de
20 détruire un groupe, il est prévisible que les soldats et les milices qui
21 participent à la destruction vont avoir recours aux viols et aux agressions
22 sexuelles à moins qu'ils ne soient contrôlés par leurs supérieurs.
23 Madame, Messieurs les Juges, si nous devions conclure que les agressions
24 sexuelles violentes en l'espèce n'étaient pas prévisibles, elles n'étaient
25 pas une conséquence possible et prévisible, qu'entendons-nous à propos du
26 caractère de ces agressions sexuelles ? Est-ce que nous sommes en train
27 d'indiquer qu'il s'agit tout simplement d'attaques opportunistes,
28 fortuites, qui n'ont rien à voir avec la campagne générale ? Nous savons
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1 pertinemment que tel n'est pas le cas, parce que la Chambre de première
2 instance a conclu expressément qu'ils faisaient partie de cette campagne,
3 de cette attaque généralisée, systématique, et que, par conséquent, ces
4 agressions sexuelles constituaient des crimes contre l'humanité. Paragraphe
5 1 184, 1 188, 1 220 et 1 224 du Volume II.
6 Par définition, il ne s'agissait pas de crimes qui étaient commis contre
7 des personnes choisies, un nombre limité de personnes choisies et prises au
8 hasard. Il ne s'agit pas non plus d'actes isolés. Est-ce que nous sommes en
9 train d'avancer que le nombre d'agressions sexuelles dont il a été question
10 n'était pas plus important ?
11 Dans un premier temps, nous devrions être très circonspects lorsque nous
12 concluons au fait que le nombre d'agressions sexuelles était peu élevé.
13 Bien que l'Accusation n'ait accusé les accusés de quel qu'événement, et que
14 leurs responsabilités se limitent à ces événements et à ces faits, cela ne
15 signifie pas pour autant qu'il s'agit des seuls événements ou faits
16 d'agression sexuelle lors de la campagne. Il y a ces 11 incidents
17 d'agression sexuelle, je vous renvoie également à d'autres conclusions et
18 aux autres éléments de preuve du dossier qui montrent et prouvent que les
19 agressions sexuelles n'étaient pas un événement peu commun lors de la mise
20 en œuvre. Et je vous renvoie aux paragraphes 63, 629, et 631, 880 du Volume
21 II. La Chambre de première instance a fait également référence à d'autres
22 rapports de viols et d'agressions sexuelles commis durant la campagne de
23 1999. J'en veux pour preuve le Volume III et ces paragraphes, 552, 572,
24 576, 578, 585, 582 [comme interprété], 726, 737, 749, 785 et 1 135.
25 Et de façon beaucoup plus fondamentale, Madame, Messieurs les Juges,
26 pourquoi est-ce que nous devrions seulement être préoccupés s'il ne s'agit
27 que d'un petit nombre d'agressions sexuelles qui a été versé au dossier. La
28 question qu'il convient de se poser est de savoir si un crime est
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1 prévisible au vu de la nature du caractère de l'objectif commun qui a été
2 commis, et non pas -- il ne s'agit pas de savoir si cela a été commis en
3 grand nombre. En fait, vous devriez vous concentrer pour savoir si les
4 atteintes à l'intégrité physique qui émanent des agressions sexuelles
5 s'imbriquent dans ce scénario général des atteintes à l'intégrité physique
6 de cette campagne violente.
7 Nous, ce que nous avançons, comme je l'ai déjà mentionné, les
8 conclusions de la Chambre de première instance relatives aux éléments
9 contextuels des crimes contre l'humanité étaye cette conclusion.
10 Et si nous avançons que les persécutions sous forme d'agression
11 sexuelle ne sont pas prévisibles, est-ce que cela signifie que nous ne les
12 considérons pas comme des actes violents ou au moins que nous considérons
13 que leurs modalités d'exécution sont différentes des autres actes violents
14 qui font partie de cette campagne ? Aucune de ces propositions ne peut être
15 acceptée.
16 Au vu des faits de ces différents incidents, j'aimerais en fait
17 mettre en avant la jurisprudence du TPIY qui a toujours rejeté les
18 arguments présentés par la Défense qui s'est efforcée de placer les crimes
19 de violence sexuelle dans une catégorie différente des autres crimes
20 violents sur la base que l'un des motifs sous-jacent pourrait être un désir
21 de satisfaction sexuelle. Et je vous renvoie à l'arrêt Kuranac, paragraphes
22 153 et 155.
23 Et cette affaire vous donne la possibilité s'il en fut de renforcer
24 cet argument, et nous vous demandons de le prendre en considération.
25 Non seulement la possibilité de persécution et d'agression sexuelle
26 était prévisible pour Sainovic et Lukic, mais ils ont pris le risque sans
27 aucun d'état d'âme que cela puisse se passer en continuant à participer à
28 l'entreprise. Qui plus est, ils n'ont pris aucune mesure digne de ce nom
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1 pour prévenir ces crimes. Et je vous renvoie aux paragraphes 458 et 477,
2 ainsi qu'aux paragraphes 1 114 et 1 140 du Volume III.
3 Madame, Messieurs les Juges, l'analyse contextuelle que nous vous
4 présentons ne va pas aboutir à une approche généralisée et injuste en
5 matière de responsabilité. En l'occurrence, nous ne parlons pas du risque
6 général de violence sexuelle dans le cadre d'un conflit. Ce dont nous
7 parlons, c'est d'un risque particulièrement accru de violence sexuelle qui
8 se passe en plein milieu d'une campagne d'expulsion violente afin de
9 terroriser une population et de la forcer à partir.
10 Ce qui m'amène à vous parler du quatrième moyen d'appel, à savoir les
11 viols commis à Pristina, considérés comme persécution en avril et mai 1999.
12 Car la Chambre de première instance a accepté que ces trois viols ont été
13 prouvés, mais a déclaré que l'Accusation "n'avait pas été à même de
14 présenter des éléments de preuve", ce qui fait que la Chambre n'a pas pu
15 conclure à l'intention discriminatoire requise pour la persécution dans le
16 cas de ces viols. Paragraphe 1 245 du Volume II.
17 Il est manifeste que la Chambre de première instance a commis une
18 erreur en avançant qu'il n'y avait pas d'élément de preuve pertinent. Car
19 la Chambre de première instance n'a pas pris en considération aucun de
20 facteurs contextuels généraux ou précis entourant les viols en question qui
21 sont pertinents pour évaluer et déterminer l'intention discriminatoire.
22 Dans le cas du Témoin K31, la Chambre de première instance n'a pas pris en
23 considération les éléments de preuve directs indiquant l'intention
24 discriminatoire sous la forme de déclaration péjorative à propos des
25 Albanais faite par l'un des violeurs.
26 Il s'agit d'une erreur de droit ou à défaut, d'une erreur de fait.
27 Vous pourriez la considérer comme une erreur de droit, parce que la Chambre
28 de première instance a limité à tort la portée des éléments de preuve
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1 qu'elle considérait pertinents pour déterminer l'intention discriminatoire.
2 En fait, elle n'a pas pris en considération le contexte. A défaut, vous
3 pourriez considérer qu'il s'agit d'une erreur de fait. De toute façon, il
4 faut savoir que la seule conclusion raisonnable est que les viols de
5 Pristina ont été effectués avec intention discriminatoire requise pour la
6 persécution.
7 Ce n'est pas la première fois que la Chambre d'appel se trouve placer
8 devant un problème tel que celui posé par le moyen d'appel 4. Car dans
9 l'affaire Krnojelac, et lors de l'appel, cela a également été le cas. Car,
10 là encore, la Chambre de première instance n'avait pas analysé de façon
11 juste les facteurs et le contexte pour en conclure à la discrimination, et
12 la Chambre d'appel a annulé les conclusions erronées de la Chambre de
13 première instance, et elle les a remplacées par des déclarations de
14 culpabilité pour persécution. Paragraphes 184 à 188 de l'arrêt Krnojelac.
15 Ce faisant, la Chambre d'appel a confirmé que le fait que quelque
16 chose se passe dans le cadre d'une attaque plus importante, une attaque
17 discriminatoire, ne signifie pas que l'on puisse automatiquement en
18 conclure à la discrimination. Mais la Chambre d'appel a également confirmé
19 que si les circonstances entourant la commission de ce crime spécifique
20 sont compatibles avec l'attaque discriminatoire générale, alors bien
21 entendu, on peut en conclure à l'intention discriminatoire au vu de tout
22 cet ensemble de facteurs.
23 Et il faut savoir que toutes les circonstances qui entourent ces
24 viols de Pristina confirment qu'ils faisaient partie intégrante de cette
25 attaque discriminatoire. Nous avons indiqué les facteurs pertinents de
26 façon détaillée dans notre mémoire en appel aux paragraphes 87 à 100, et je
27 ne veux pas les réitérer, mais je vais quand même mettre en exergue
28 certaines des paramètres importants. Car il est absolument essentiel que
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1 nous comprenions tous clairement dans quel contexte ces viols se sont
2 passés.
3 Car tout ce qui est arrivé aux trois femmes albanaises du Kosovo -
4 les Témoins K31, K14 et K62 - avait un lien avec leur appartenance
5 ethnique. Le Témoin K31 a vu les villageois se faire assassiner lors de
6 l'attaque sur Pristina. Les forces serbes l'ont ensuite capturée ainsi que
7 son frère qui était blessé. Ses mains ont été liées, elle a été menacée de
8 mort, et quatre soldats ont essayé de lui soutirer des informations à
9 propos de son oncle et de soi-disant "terroristes". Elle fut ensuite
10 battue, rouée de coups, et a subi des agressions sexuelles alors que les
11 soldats la conduisaient à l'hôpital de Pristina. A l'hôpital, elle fut
12 emprisonnée au sous-sol avec 15 autres jeunes femmes albanaises du Kosovo
13 qui avaient apparemment été emmenées là pour être violées. Elle a été
14 droguée et brutalement violée plusieurs fois par trois soldats différents.
15 L'un de ces soldats a insulté les Albanais immédiatement après l'avoir
16 violée.
17 Les expériences des Témoins K14 et K62, les deux autres témoins de
18 Pristina, sont très semblables. Ces trois femmes étaient des Albanaises du
19 Kosovo visées par les forces serbes pour être expulsées, emprisonnées et
20 violées, parce qu'elles étaient justement des Albanaises du Kosovo. Et,
21 d'ailleurs, la stratégie fut couronnée de succès, puisque, comme l'a
22 expliqué le Témoin K14, après avoir subi ce viol particulièrement violent
23 de la part des forces serbes à l'hôtel si notoirement connu, l'hôtel
24 Bozhur, sa famille et elle ont pris la fuite. Compte rendu d'audience 1 090
25 à huis clos dans l'affaire Milutinovic.
26 Donc, rien à propos de ce contexte ne montre que ces viols étaient
27 tout à fait séparés ou des actes isolés, qui n'avaient rien à voir avec
28 l'attaque discriminatoire. Pour paraphraser la Chambre de première instance
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1 dans l'affaire Kvocka, paragraphe 195, quand toutes les victimes de cette
2 attaque étaient des civils albanais et quand tous les auteurs de crimes
3 sont des membres des forces serbes envoyés pour les expulser de leurs
4 foyers en ayant recours à la violence et à la terreur, c'est une
5 supercherie que d'avancer que l'appartenance ethnique ne définit pas le
6 groupe visé pour l'attaque, notamment les femmes de ce groupe.
7 Une fois de plus, Madame, Messieurs les Juges, nous devons réfléchir
8 à ce que nous disons si nous concluons que ces viols n'ont pas été commis
9 avec une intention discriminatoire comme tous les autres crimes. Est-ce que
10 nous pouvons véritablement accepter que les forces serbes avaient en
11 quelque sorte, pouvaient véritablement ne pas penser, ne pas agir pour
12 persécuter les gens lorsque ces trois femmes étaient violées, mais ensuite
13 ont agi pour persécuter les personnes à tous les autres moments ? Si les
14 forces serbes qui ont attaqué, nettoyé Pristina agissaient avec une
15 intention discriminatoire lorsqu'ils ont tué les Albanais du Kosovo,
16 lorsqu'ils ont endommagé les biens des Albanais du Kosovo, comment est-ce
17 que, soudainement, ils n'agissaient pas avec la même intention
18 discriminatoire lorsqu'ils ont violé et fait subir des sévices à ces trois
19 jeunes femmes albanaises du Kosovo alors que cela relevait du même
20 comportement ?
21 Même si l'on peut indiquer que les auteurs auraient pu être motivés
22 par ce désir de satisfaction sexuelle, cela n'empêche pas d'aboutir à une
23 conclusion d'intention discriminatoire. Les mêmes arguments ont été rejetés
24 par la Chambre d'appel, paragraphes 153 et 155 de l'arrêt Kunarac en
25 indiquant -- ils ont conclu plutôt que même si la motivation de l'auteur du
26 viol est sexuelle, cela n'empêche pas d'aboutir à une conclusion suivant
27 laquelle le viol a été effectué, que le viol a néanmoins été effectué.
28 Il faut savoir également, et j'en veux pour preuve le paragraphe 435
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1 de l'arrêt Krnojelac, que l'intention discriminatoire pour la persécution
2 ne doit pas forcément être l'intention primaire par rapport à l'acte, bien
3 que cela doit être une intention importante. Je vous renvoie aux
4 paragraphes 153 et 155 de l'arrêt Kunarac qui donne un raisonnement
5 semblable dans le contexte du crime de torture.
6 Il n'y a aucun fondement rationnel pour indiquer, conclure que les
7 violences et agressions sexuelles de Pristina n'ont pas été effectuées,
8 exécutées avec une intention discriminatoire, et nous vous demandons de
9 confirmer qu'il s'agissait de persécutions.
10 Lorsqu'il s'agira de corriger l'erreur commise par la Chambre de
11 première instance lors de son analyse d'intention discriminatoire, tous les
12 éléments de persécution retenus comme un crime comme l'humanité seront
13 réunis. La Chambre de première instance a dégagé une conclusion générale
14 selon laquelle les crimes à Pristina ne faisaient pas partie de l'attaque
15 généralisée et systématique contre la population albanaise du Kosovo et que
16 les auteurs physiques le savaient ou ont pris ce risque. Paragraphes 889, 1
17 240 et 1 241 du Volume II.
18 Eu égard à la responsabilité des membres de l'entreprise criminelle
19 commune pour les viols de Pristina, la Chambre de première instance a
20 conclu que les crimes avaient été commis par des membres de la VJ et du
21 MUP, paragraphe 889 du Volume II. La Chambre de première instance a
22 également conclu que tous les crimes figurant dans l'acte d'accusation,
23 tous les crimes de la VJ et du MUP peuvent être attribués à chacun des
24 membres de l'entreprise criminelle commune, paragraphes 468, 783, 1 132 du
25 Volume III.
26 En matière de prévisibilité des persécutions commises et des
27 agressions sexuelles pour la troisième catégorie d'entreprise criminelle
28 commune, je vous renvoie à ce que j'ai dit aujourd'hui à propos de Sainovic
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1 et de Lukovic, les détails se trouvent dans notre mémoire en appel pour ce
2 qui est du moyen d'appel numéro 3. Eu égard à Pavkovic, mon collègue, mardi
3 dernier, M. Schneider, a répondu à vos questions et a expliqué pourquoi les
4 viols de Pristina étaient prévisibles.
5 En conclusion, nous vous demandons d'indiquer de façon très claire
6 dans votre arrêt que ce Tribunal ne va pas soumettre les crimes de violence
7 sexuelle à des critères beaucoup plus élevés de prévisibilité ou de
8 conditions requises pour les preuves pour déterminer l'intention
9 discriminatoire. Nous vous demandons d'indiquer de façon très claire, comme
10 vous l'avez fait précédemment, que ce Tribunal reconnaît et sanctionne de
11 façon appropriée les différentes modalités de violences infligées aux
12 victimes de ce conflit, qu'ils s'agisse d'hommes et de femmes, et cette
13 violence qui a été infligée du fait de la façon dont ils étaient perçus et
14 parce qu'ils faisaient partie de la population visée.
15 J'en ai terminé.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Jarvis, à propos de ce que
17 vous avez appelé les agressions sexuelles opportunistes, j'aimerais que
18 vous compariez ce que vous avez avancé. Vous avez fait référence à un
19 jugement du TPIR et à l'affaire Rukundo. Alors, il faut savoir là que le
20 contexte général est un contexte de génocide et, pourtant, la majorité de
21 la Chambre d'appel n'a pas condamné l'accusé ou les accusés pour viol.
22 Mme JARVIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous le savons,
23 mais nous sommes conscients du précédent créé par l'affaire Rukundo, mais
24 je pense qu'il est important que chaque affaire doit être jugée au cas par
25 cas en quelque sorte et que le contexte et les facteurs contextuels sont
26 extrêmement importants. Dans le contexte de Rukundo, je me rappelle de
27 cette décision, la Chambre d'appel a étudié un incident ou un fait de viol
28 ou d'agression sexuelle et, effectivement, il y a eu différentes opinions
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1 exprimées par les Juges, mais la majorité n'a pas été en mesure de conclure
2 qu'il y avait un lien entre ce viol et l'attaque généralisée qui
3 constituait un acte de génocide.
4 Mais, pour les raisons que j'ai indiquées, en ce qui nous concerne, il
5 s'agit d'une situation tout à fait différente. Nous parlons d'une campagne
6 de nettoyage ethnique extrêmement violente où des dizaines de milliers de
7 forces armées font du porte-à-porte en quelque sorte pour expulser la
8 population. Dans cette situation, en fait, cela n'a rien à voir avec la
9 façon dont un conflit est mené à bien, vous avez donc ces campagnes
10 d'expulsions violentes, ce conflit, et on ne peut pas indiquer que les
11 agressions sexuelles n'étaient pas prévisibles. D'ailleurs, toutes les
12 autres conclusions de la Chambre de première instance convergent vers la
13 même direction. Alors, ils l'acceptent, ce n'est pas un acte isolé
14 opportuniste. Sinon, ils n'auraient pas conclu que cela s'inscrivait dans
15 l'attaque systématique et généralisée. Ils ont accepté ces crimes, à part
16 les crimes de Pristina, ils ont accepté que les autres crimes avaient été
17 commis avec une intention discriminatoire. Une fois de plus, cela montre et
18 démontre qu'ils font partie intégrante de cette campagne de discrimination.
19 C'est pour cela que nous vous demandons de rectifier l'erreur
20 juridique, l'erreur de droit commis par la Chambre de première instance, et
21 nous vous demandons de vous interroger pour savoir si ces actes étaient
22 prévisibles et s'ils ont été commis avec une intention discriminatoire. Et,
23 ce que nous indiquons, c'est que votre réponse devrait être affirmative.
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Juge T a
25 également une question à poser.
26 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Madame Jarvis, peut-être qu'il
27 s'agit d'une question répétitive par rapport à hier. J'ai posé une question
28 hier à votre consoeur, Mme Kravetz, à propos de l'éventuel, dans le cas où
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1 ce serait identifiable, de l'exclusion par la Chambre de première instance
2 de la possibilité que d'autres facteurs faisant partie du conflit armé,
3 hormis les agressions sexuelles ou les meurtres ou les destructions
4 d'objets religieux, auraient pu contribuer au déplacement ou, en tout cas,
5 au départ de 700 000 Albanais du Kosovo. Et donc la question que je vous ai
6 posée hier a trouvé réponse car Mme Kravetz y a répondue, et après la
7 pause, après avoir fait quelques recherches, M. Wood a apporté une réponse
8 complémentaire en citant différents paragraphes de différents volumes de
9 différents jugements, de façon très courtoise, me demandant de faire des
10 recherches que j'ai dû faire et j'ai même dû me livrer d'un verre de vin
11 pendant mon dîner. Et je crois qu'après avoir fait mes recherches la
12 question reste entière, car si je regarde les paragraphes que M. Wood m'a
13 demandé de regarder, je n'ai découvert qu'un seul, qu'une seule référence
14 aux nombres d'Albanais du Kosovo qui ont traversé la frontière entre le
15 Kosovo et l'Albanie et la Macédoine, et cette référence faisait état de
16 rapports qui avaient été envoyés par le personnel du MUP sur le terrain par
17 les voies officielles du MUP à Belgrade, au QG du MUP à Belgrade, et le
18 chiffre était de 715 158 pendant la période allant du 24 mars au 1er mai.
19 Et en faisant mes devoirs à la maison, j'ai pu prouver que la Chambre de
20 première instance au paragraphe 1 175 au Volume II, que M. Wood m'a demandé
21 de regarder, eh bien, faisait état du fait que ces personnes ont peut-être
22 quitté leurs foyers pour différentes raisons, différentes raisons ont été
23 énumérées, et ces raisons n'avaient rien à voir avec le motif premier, à
24 savoir des crimes comprenant des agressions sexuelles.
25 Donc je suppose que ma question reste entière, car la Chambre de première
26 instance dans le Volume II utilise la formulation ou le terme de 700 000
27 Albanais du Kosovo qui ont été déplacés, vos termes utilisés sont
28 différents, vous avez parlé de déplacement forcé, "au-delà de 700 000 être
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1 humains." Donc ma question reste entière, pourriez-vous m'orienter et me
2 dire à quel endroit la Chambre de première instance a, au-delà de tout
3 doute raisonnable, en se fondant sur des éléments de preuve autres que les
4 rapports du MUP, est parvenue à la conclusion que le déplacement de
5 quasiment la totalité ou plus de 700 000 Albanais du Kosovo pourrait être
6 attribuer au plan commun des membres de l'entreprise criminelle commune.
7 Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Juge, c'est peut-être une
8 question que nous pouvons aborder et revenir vers vous après la pause, car
9 pour répondre j'aurais besoin de vérifier le jugement ainsi que les
10 éléments de preuve au dossier.
11 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Mais vous n'allez pas vous
12 passer de votre déjeuner.
13 Mme JARVIS : [interprétation] Non, effectivement, vous n'allez pas être
14 obligé de vous passer de votre déjeuner. Et compte tenu des réponses qui
15 ont été fournies par mes consœurs et confrères, Mme Kravetz et M. Wood, je
16 crois qu'il serait plus logique et cela serait plus utile pour vous,
17 Madame, Messieurs les Juges, de pouvoir vérifier cela et revenir vers vous
18 par la suite.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois qu'il n'y a pas d'autre question
20 des Juges.
21 M. MILANINIA : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
22 Madame, Messieurs les Juges, comme l'a indiqué M. Kremer un peu plus tôt ce
23 matin, j'ai l'intention de couvrir très brièvement le motif 2 de notre
24 appel concernant l'acquittement du général Lazarevic pour avoir aidé et
25 encouragé les meurtres commis à Korenica, Meja et Dubrava.
26 Madame, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance a commis une
27 erreur de droit, qui a conduit à l'acquittement du général Lazarevic de ces
28 crimes, se trouve au Volume III, paragraphe 928 du jugement, où la
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1 condition est posée que le général Lazarevic doit être au courant du fait
2 que les forces de la VJ et du MUP étaient susceptibles de commettre des
3 meurtres dans ces lieux de crime précis.
4 Ce Tribunal a rejeté ce type de précision concernant l'élément moral de la
5 complicité par aide et encouragement. L'élément moral de la complicité par
6 aide et encouragement ne requiert que la connaissance qu'il est probable
7 que le crime sera commis et que les actes et omissions de la personne en
8 question ont contribué au crime. Cela n'exige pas, cependant, Madame,
9 Messieurs les Juges, qu'il y ait connaissance de savoir où, quand, voire
10 même comment le crime a été commis.
11 Ce principe a été énoncé dans l'arrêt Simic au paragraphe 86, et a été
12 expliqué par la suite dans le jugement de première instance dans l'affaire
13 Oric au paragraphe 288, qui a noté de façon explicite que le complice n'a
14 pas besoin de prévoir "le lieu, l'endroit, et le nombre de crimes précis."
15 Je vous renvoie également aux paragraphes 37 et 38 de notre mémoire en
16 appel pour des moyens juridiques complémentaires qui étayent cet argument.
17 Si on applique le critère adéquat en l'espèce, la Chambre de première
18 instance a clairement indiqué que le général Lazarevic savaient que les
19 meurtres étaient susceptibles d'être commis par les forces de la VJ. La
20 Chambre de première instance reconnaît cela au Volume III, paragraphe 928,
21 que le général Lazarevic savait que des membres de la VJ tuaient des
22 Albanais du Kosovo dans certains cas. Cette connaissance, Madame, Messieurs
23 les Juges, a été établie par les constatations de la Chambre, à savoir que
24 pendant toute l'année 1998 et 1999 et avant que les meurtres en question
25 n'aient été commis, le général Lazarevic était constamment informé de la
26 participation, de l'implication de la VJ dans les meurtres de civils
27 albanais du Kosovo.
28 Ces constatations sont détaillées dans notre mémoire aux paragraphes 49 à
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1 57 [comme interprété]. Et je vais simplement mettre en exergue certains de
2 ces exemples.
3 La Chambre a constaté qu'à la fin de l'année 1998, le général Lazarevic
4 savait qu'il y avait eu implication ou participation de la VJ dans les
5 meurtres de civils albanais du Kosovo. Par exemple, il a été informé de la
6 Résolution des Nations Unies 1199, qui note que le recours à la force
7 excessive et indiscriminé par la VJ avait conduit à de nombreuses pertes en
8 hommes civils. Volume III, paragraphe 809.
9 Au début de la campagne des forces de la VJ en 1999, ces derniers ont
10 continué à prendre pour cible et à tuer des civils albanais du Kosovo.
11 Par exemple, à la fin du mois de mars 1999, déjà la campagne avait été
12 lancée depuis quelques jours, le général Lazarevic a été informé des
13 meurtres des Albanais du Kosovo à Zegra.
14 Une semaine plus tard, au début du mois d'avril 1999, le général Lazarevic
15 savait qu'il y avait un communiqué de presse qui déclarait que les forces
16 serbes étaient responsables des meurtres d'Albanais du Kosovo dans les
17 villages de Pudojevo, Pec, et d'Orahovac dans cette municipalité.
18 Quelques jours plus tard, le 3 avril 1999, le général Lazarevic note lui-
19 même avoir reçu de nombreux rapports au pénal, notamment ceux impliquant
20 des meurtres.
21 Madame, Messieurs les Juges, quelques semaines plus tard, le 26 avril 1999,
22 le jour qui a précédé les massacres commis à Korenica et Meja, le général
23 Lazarevic était informé du fait que ses subordonnés avaient peut-être
24 exécuté 20 civils albanais dans le village de Mali Alas. Et environ un mois
25 plus tard, à la date du 24 mai 1999, après les meurtres de Korenica et
26 Meja, et le jour ou la veille des meurtres de Dubrava, le général Lazarevic
27 lui-même a émis un rapport qui abordait les meurtres ayant été commis sur
28 l'ensemble du Kosovo lors de la campagne conjointe du MUP et de la VJ de la
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1 police militaire aux postes de contrôle et avertit qu'il pouvait y avoir
2 d'autres crimes à l'avenir.
3 Le général Lazarevic savait également qu'une des composantes essentielles
4 de la campagne de 1999 était le recours à la force et à la violence contre
5 les civils albanais du Kosovo. Volume III, paragraphes 855, 924.
6 Le recours à la violence était particulièrement probable dans l'opération
7 de la vallée de la Reka au cours de laquelle les massacres de Korenica et
8 de Meja se sont produits, étant donné que l'opération avait été
9 particulièrement organisée pour se venger du meurtre de cinq policiers le
10 22 avril 1999. Confer Volume II, paragraphes 168, 179.
11 Madame, Messieurs les Juges, pour conclure mes commentaires à propos des
12 constatations de la Chambre de première instance concernant l'élément
13 moral, je dois vous rappeler qu'il s'agit d'exemple de quelques-unes des
14 constatations de la Chambre de première instance concernant la connaissance
15 du général Lazarevic des meurtres commis pendant la campagne du Kosovo par
16 la VJ.
17 Pour ce qui est de l'élément matériel, je vais vous renvoyer à nos
18 écritures, ainsi qu'au Volume III, paragraphes 923 et 925, et le général
19 Lazarevic a ordonné à la VJ d'intervenir au Kosovo en 1999, malgré sa
20 connaissance des crimes, notamment le meurtre qui était susceptible d'être
21 commis.
22 Une dernière note avant de passer la parole à M. Kremer. C'est qu'en
23 ce qui concerne la condition de visée précisément telle qu'établie par
24 l'arrêt Perisic, j'ai simplement inclus les arguments détaillés présentés
25 par mon confrère, M. Marcussen, mercredi. Pour résumer, il y a quatre
26 raisons impérieuses de s'écarter de l'arrêt Perisic, à savoir que dans la
27 mesure où la notion de visée précisément est un élément constitutif de la
28 complicité par aide et encouragement, cela a été établi de façon implicite
Page 604
1 en l'espèce. D'abord, le général Lazarevic était sur le terrain au Kosovo
2 pendant la campagne au cours de laquelle les meurtres ont été commis. C'est
3 pour cette raison et pour cette raison seule que ses actes et ses omissions
4 doivent être considérés comme étant proches des crimes. Deuxièmement, le
5 général Lazarevic doit être considéré comme un complice proche, étant donné
6 qu'il commandait les forces impliquées dans les meurtres. Et comme cela a
7 été précisé par M. Marcussen mercredi, il connaissait les détails des
8 relations entre le général Lazarevic et ses agents, et son comportement et
9 les crimes commis à Korenica, Meja et Dubrava. Donc, le lien de culpabilité
10 entre les actes et omissions du général Lazarevic ont été établis en
11 l'espèce.
12 Compte tenu du fait que nous n'avons que très peu de temps, M. Kremer
13 va maintenant aborder plus en détail la commission des crimes, et j'ai
14 terminé avec les arguments présentés relatifs au moyen d'appel 2.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
16 M. MILANINIA : [interprétation] Merci.
17 M. KREMER : [interprétation] Je vais aborder le moyen d'appel numéro 6,
18 l'Accusation fait appel des peines imposées par la Chambre de première
19 instance.
20 Madame, Messieurs les Juges, vous avez entendu dire qu'en l'espace de
21 quelque deux mois, à commencer à partir du mois de mars 1999, les accusés
22 ensemble, par leurs contributions individuelles, ont détruit la vie de
23 quelque 700 000 Albanais du Kosovo en les contraignant à quitter leurs
24 maisons et en les déplaçant, leur demandant de se rendre en Albanie, en
25 Macédoine et au Monténégro. La peine de 22 ans d'emprisonnement pour les
26 membres de l'entreprise criminelle commune, Sainovic, Pavkovic et Lukic, et
27 les 15 ans pour le complice, Lazarevic, n'étaient tout à fait inadéquats et
28 disproportionnés par rapport à la gravité des crimes et leur rôle et degré
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1 de participation. Nous faisons valoir, comme nous l'énonçons plus en détail
2 dans notre mémoire, que la Chambre d'appel doit rejeter ces peines et les
3 augmenter concernant les quatre accusés.
4 On ne peut pas raisonnablement parler des erreurs de la Chambre de première
5 instance concernant les questions de peine sans pour autant aborder la
6 question des crimes pour lesquels les accusés ont été condamnés. Pendant
7 toute la semaine et même ce matin, la Chambre d'appel n'a reçu qu'un aperçu
8 de la portée de la cruauté des crimes commis contre les Albanais du Kosovo
9 en 1999, ainsi que le caractère systématique et prémédité desdits crimes.
10 La Chambre d'appel a également entendu des arguments concernant le rôle de
11 chaque accusé lorsqu'il a orchestré et exécuté ces crimes. Comme la Chambre
12 d'appel a déjà entendu, le 24 mars 1999 et sous couvert des bombardements
13 de l'OTAN, les forces de la VJ et du MUP ont lancé une campagne coordonnée
14 de violence et de terreur sur l'ensemble du territoire du Kosovo, destinée
15 à chasser la population albanaise du Kosovo. Quasiment chaque ville
16 principale du Kosovo a été attaquée lors des premiers jours de la campagne.
17 Plus de 600 000 Albanais du Kosovo ont été chassés à la fin de la deuxième
18 semaine de la campagne. Au début du mois de juin 1999, la Chambre a
19 constaté que le déplacement forcé ainsi que d'autres crimes avaient été
20 commis par les forces serbes dans plus de 27 villes et villages sur
21 l'ensemble des 13 municipalités représentatives.
22 Aujourd'hui, je vais vous dépeindre un tableau de la portée et du caractère
23 de ces crimes et de leur impact sur les victimes. Je vais m'efforcer de ne
24 pas répéter ce qui a déjà été dit cette semaine et ce matin, et je vais
25 commencer par Pristina, qui illustre les crimes commis dans les villes les
26 plus importantes du Kosovo.
27 Les attaques de Pristina se trouvent au Volume II, paragraphes 801 à 890.
28 Le 24 mars 1999, et ce qui correspondait au début des attaques ou des
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1 frappes de l'OTAN, la VJ et le MUP, ainsi que d'autres forces armées serbes
2 ont lancé leur attaque contre des villes importantes, contre la population
3 albanaise du Kosovo. Des mois et des semaines qui ont précédé les attaques
4 de Pristina, les forces de la VJ et du MUP ont préparé le terrain pour la
5 campagne d'expulsion massive par le biais d'un armement ou d'un désarmement
6 et en renforçant le MUP, la VJ et les forces paramilitaires à l'extérieur
7 et autour de Pristina, malgré une absence significative de l'ALK dans la
8 région.
9 Dès le départ, les Albanais du Kosovo ont fait l'objet de menaces et
10 d'actes de violence, notamment des passages à tabac, des meurtres, du
11 pillage et d'incendie des maisons, d'agressions sexuelles des femmes et
12 d'évictions forcées. Volume II, paragraphe 885.
13 Les forces de la VJ et du MUP ont pris pour cible et tué des Albanais du
14 Kosovo, lançant ainsi un message clair à d'autres civils sur ce qui devait
15 se produire par la suite pour leur faire peur et les contraindre à partir.
16 Volume II, paragraphe 823.
17 Les expulsions se produisaient quasiment tous les jours à partir du 24
18 mars, et ce, au moins jusqu'au 3 avril 1999. Confer Volume II, paragraphes
19 817 à 832.
20 Dans certains cas, les forces armées de la VJ et du MUP se sont déplacées
21 de maison en maison, chassant par la force les Albanais, les jetant dans
22 les rues et les menaçant pour qu'ils partent. Madame, Messieurs les Juges,
23 la diapositive suivante est une citation de la déclaration écrite du Témoin
24 K63, pièce P2443. K63 était un Albanais du Kosovo qui a été jugé crédible
25 et fiable par la Chambre de première instance. Aux paragraphes 805 à 839.
26 Lui et sa femme, K62, qui a fait l'objet de viol, habitaient à Pristina
27 après avoir dû partir, contraints par la force. Il a dit dans sa
28 déclaration :
Page 607
1 "J'ai vu la police qui se rendait dans les appartements et ordonnant
2 aux Albanais de partir. Ils avaient pour habitude de dire : 'Partez, le
3 Kosovo n'est pas votre patrie'. J'ai vu des gens partir et quitter leur
4 appartement avec un baluchon avec leurs effets personnels et leurs habits,
5 et la police s'est installée à ce moment-là dans ces appartements".
6 Le Dr Emin Kabashi, un autre habitant albanais du Pristina, a noté
7 qu'il a reçu des appels des Serbes lui enjoignant de partir vers l'Albanie,
8 car, sinon, il serait tué. Paragraphe 828.
9 Une fois que les Albanais ont été contraints à quitter leurs maisons, les
10 forces de la VJ et du MUP ont placé des pancartes sur les maisons, ces
11 maisons de Pristina qui avaient été abandonnées en déclarant qu'il
12 s'agissait "d'un appartement du MUP".
13 Nombre de ces maisons ont ensuite été occupées par la VJ et le MUP et ont
14 été utilisées comme bureaux hébergeant les organes officiels de la RFY et
15 du gouvernement serbe. Volume II, paragraphes 832 et 833. Au quotidien, des
16 milliers d'habitants albanais du Kosovo ont été rassemblés dans le centre
17 de la ville et ont constitué un convoi, et ils quittaient à ce moment-là le
18 centre de la ville, dirigés par les policiers et les soldats qui, sous la
19 menace du fusil, leur enjoignait de suivre le convoi d'Albanais du Kosovo.
20 Volume II, paragraphes 841, 848, 849 et 885.
21 Les convois ont été dirigés le long de la route principale en passant les
22 points de sortie où se trouvaient les forces armées serbes et ont dû passer
23 devant la gare routière. Volume II, paragraphe 850. Les Albanais du Kosovo
24 qui tentaient de quitter le convoi ont été maltraités ou tués. Des tireurs
25 isolés étaient positionnés dans un bâtiment à proximité. Volume II,
26 paragraphe 848 [comme interprété]. Des milliers d'Albanais du Kosovo de la
27 municipalité de Pristina se sont rassemblés à la gare ferroviaire, on les a
28 contraints à monter à bord de trains ou d'autocars devant la gare et ils
Page 608
1 ont été emmenés à la frontière macédonienne. Volume II, paragraphes 852 à
2 864.
3 Nazlie Bala, un habitant albanais du Kosovo de Pristina, a noté que le
4 train à bord duquel elle a été contrainte de monter transportait du
5 personnel du MUP et de la VJ dans les premiers et derniers wagons. Le train
6 était tellement bondé que nous avions du mal à respirer. Volume II,
7 paragraphe 854.
8 Le Dr Kabashi s'est trouvé à la gare ferroviaire pendant trois jours et
9 trois nuits avant d'être contraint à monter à bord d'un train de
10 marchandise qui l'a emmené jusqu'à la frontière macédonienne. Il a vu cinq
11 à 12 trains arriver à la gare tous les jours, à bord desquels se trouvaient
12 des personnes que l'on a contraintes à monter dans le train, et c'était
13 l'œuvre de la police. Il a noté que les Albanais étaient rassemblés comme
14 du bétail. Volume II, paragraphe 856.
15 La Chambre est arrivée à la conclusion que pendant la campagne de
16 déplacement, les horaires des trains ont été délibérément modifiés pour
17 qu'il y ait un plus grand nombre de trains qui arrivent à Pristina, plus
18 grand que d'habitude, avec beaucoup plus de voitures. Ces changements
19 démontrent un niveau de coordination très élevé, non seulement entre la VJ
20 et le MUP, qui se sont chargés de la campagne de déplacement, mais aussi
21 des agences ferroviaires. Volume II, paragraphe 854.
22 Pendant que le train se déplaçait vers la frontière, lorsqu'il s'arrêtait,
23 les Albanais kosovars faisaient l'objet d'abus et de menaces. Les trains
24 étaient encerclés de forces serbes. Les forces de la VJ et du MUP criaient
25 des insultes à l'encontre des Albanais kosovars, les injuriaient et
26 criaient : "Le Kosovo ne vous appartient pas, à vous, Albanais. Il
27 appartient aux Serbes. Nous allons vous tuer tous, vous, Albanais". Volume
28 II, paragraphe 859.
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1 Lorsque les trains arrivaient à la frontière macédonienne, à ce moment-là
2 les Albanais kosovars recevaient l'ordre de descendre du train, de
3 constituer une colonne et de marcher au milieu des rails pour éviter les
4 mines qui étaient posées. Leurs pièces d'identité, leurs passeports étaient
5 confisqués et détruits. Et finalement, sur la menace des armes, les
6 Albanais kosovars recevaient l'ordre de traverser la frontière pour se
7 rendre en Macédoine. Volume II, paragraphes 860 à 863 et 973.
8 Je souligne la déclaration écrite du Dr Kabashi, il s'agit de la pièce
9 2252, pièce qui a été utilisée dans la rédaction du jugement, et vous
10 l'avez sous les yeux. Et cela nous montre quel a été le résultat, quel a
11 été l'impact sur ces victimes forcées à quitter Pristina et à quitter le
12 Kosovo. Et il a dit :
13 "Je ne voulais pas quitter Kosovo. Nous sommes partis parce que ce
14 sont les actions et les propos, les mots de la police serbe, de l'armée qui
15 nous ont forcés à partir. En tant que famille, nous n'étions pas organisés
16 pour combattre. Je ne sais pas qui peut rester au Kosovo lorsqu'il est
17 menacé par les armes. La population était totalement sans défense. Nous
18 étions surtout des personnes âgées, des femmes, enfants. Si vous aviez vu
19 ces trains à la gare de Bllaca, eh bien, vous auriez cru que tous les
20 enfants du monde s'y étaient rassemblés. La réalité de la situation se
21 montrait à cette gare et à Bllaca et, à savoir, il n'y avait pas une seule
22 personne là qui n'était pas sans pleurer. Il n'y avait pas une seule route
23 par laquelle étaient passées ces colonnes où il n'y avait pas de cadavres
24 d'hommes".
25 La Chambre a constaté que l'ampleur des crimes et la nature organisée
26 des expulsions forcées d'Albanais kosovars dans la municipalité de Pristina
27 ont constitué un résultat de planification et de coordination importantes
28 au niveau le plus important de responsabilité. Volume II, paragraphe 888.
Page 610
1 Comme Mme Jarvis, ma consœur, l'a expliqué ce matin, et comme vous
2 l'avez entendu plus tôt cette semaine, Sainovic, Pavkovic, Lukic et
3 Lazarevic étaient tous présents dans la ville de Pristina pendant ces
4 événements.
5 A présent, brièvement, je souhaite aborder mon deuxième exemple, à
6 savoir les attaques de la VJ et MUP sur la municipalité d'Orahovac. Ces
7 attaques constituent un exemple de cette campagne de terrorisation et de
8 violence contre les Albanais kosovars, qui a été mise en œuvre dans des
9 petites bourgades, des villes et villages sur le territoire du Kosovo en
10 montrant que les attaques sur Pristina et sur d'autres villes plus
11 importantes ne se passent pas de manière isolée.
12 Le 25 mars 1999, le lendemain des attaques lancées sur Pristina, les
13 forces de la VJ et du MUP ont lancé une série d'attaques dans la
14 municipalité d'Orahovac, sur les villes de Celina, de Pirane, de Bela
15 Cervka et de Mala Krusa, quatre villes qui se situent dans le sud-ouest du
16 Kosovo, près de la frontière entre cette province et l'Albanie.
17 Comme cela a déjà été avancé cette semaine, l'ordre pour ces attaques
18 a été donné par le commandement conjoint deux jours auparavant, en
19 dirigeant une action conjointe entre la 549e Brigade motorisée et le MUP.
20 Volume II, paragraphe 296.
21 Au cours de la matinée du 25 mars, des chars de la VJ, de concert
22 avec les forces du MUP, ont commencé à tirer en direction de Bela Crkva.
23 Cela a constitué un avertissement aux civils albanais pour qu'ils quittent
24 le village. Ensuite, les forces serbes sont entrées dans le village et,
25 ensemble avec la police locale, ont incendié les maisons albanaises
26 kosovars en utilisant des lance-flammes et de l'essence. En entendant des
27 tirs, les villageois albanais kosovars ont commencé à prendre la fuite par
28 le cours d'eau de Belaja pour se cacher entre les rives. Je vous renvoie au
Page 611
1 Volume II, paragraphes 341, 343.
2 Les forces du MUP ont suivi les villageois, ont commencé à tirer sur
3 eux avec des armes automatiques, en tuant au moins dix civils, y compris
4 femmes et enfants, en criant : "Je te nique ta mère. Que l'OTAN t'aide
5 maintenant". Volume II, paragraphes 346, 348.
6 Alors, pour ce qui est des villageois qui sont restés, les femmes et
7 les enfants ont été séparés des hommes, ont reçu l'ordre de se rendre en
8 Albanie. Les hommes ont dû enlever tous leurs vêtements jusqu'au lâche du
9 corps, on leur a confisqué leurs objets de valeurs, leurs passeports, les
10 pièces d'identité. On a détruit aussi leurs permis de conduire. Et après
11 avoir dû descendre dans le cours d'eau, au moins 42 hommes ont été
12 exécutés. Volume II, paragraphes 350 à 354, 380 à 382, et 1 161.
13 Juste au sud de Bela Crkva, dans un village voisin de Celina, un scénario
14 d'événements se répète, un scénario comparable, M. Marcussen en a parlé
15 mercredi en présentant nos arguments. Alors, en même temps que ces attaques
16 de Celina et de Bela Chervka, les forces de la VJ et du MUP ont encerclé le
17 village de Mala Krusa. Les soldats de la VJ ont bombardé le village, puis
18 les forces du MUP sont entrés dans le village en se livrant à des pillages
19 et en incendiant des maisons.
20 Là encore, les villageois se sont enfuis dans les bois mais ils ont
21 été suivis et repérés par le MUP qui les a forcés à revenir. Les femmes et
22 les enfants ont été séparés des hommes. Les hommes ont été placés dans une
23 étable, les hommes y compris des jeunes adultes, des handicapés mentaux ou
24 physiques se sont faits confisquer leurs objets de valeur, les pièces
25 d'identité, et ensuite ont été exécutés, et on a incendié, complètement
26 brûlé, détruit par le feu cette étable, c'est le MUP qui s'est livré à
27 cela. Je vous renvoie aux paragraphes 402 à 408 -- ou 409, puis paragraphes
28 432 et 1 161.
Page 612
1 Alors, ces exemples ne constituent que deux exemples de nombreux crimes qui
2 ont été commis par les forces de la VJ et du MUP pendant une campagne de
3 violence et de terrorisation qui a duré deux mois, et qui a eu pour objet
4 de chasser la population albanaise kosovare. Vous trouverez cela de manière
5 détaillée dans le jugement de la Chambre, Volume II, paragraphes 1 à 1 178.
6 Je ne répète pas ce qui a été déjà dit par ma consœur, Mme Jarvis, ce
7 matin, paragraphes 1 178, qui constitue le résumé des constatations
8 factuelles de la Chambre. Je voudrais simplement souligner que dans
9 l'avant-dernière phrase, la Chambre déclare qu'il s'agit d'actions
10 délibérées, menées par ces forces pendant la campagne en question qui ont
11 causé le départ d'au moins 700 000 Albanais kosovars pendant cette brève
12 période entre la fin mars et le début du mois de juin 1999.
13 Quant à la responsabilité des accusés, on l'a évoquée pendant cette
14 semaine, chacun de ces accusés se situait à un niveau élevé d'autorité, et
15 responsable des crimes commis au Kosovo. Chacun des accusés a contribué à
16 la commission des crimes commis en 1999 et a été déclaré coupable de ces
17 crimes en tant que membre de l'entreprise criminelle commune par aide et
18 encouragement.
19 Compte tenu du temps, je ne vais pas maintenant présenter un aperçu
20 de leur contribution, tant l'Accusation que la Défense ont évoqué, je
21 voudrais maintenant aborder brièvement la question de l'erreur commise par
22 la Chambre de première instance.
23 Nous estimons que la Chambre a commis une erreur en imposant les
24 peines de manière, à manifeste, inadéquates et disproportionnées aux crimes
25 commis. L'examen de la Chambre de première instance s'est penchée de
26 manière superficielle à la question et n'a pas correctement apprécié les
27 facteurs obligatoires lorsqu'elle a apprécié la gravité des crimes. Plus
28 particulièrement, l'analyse de la Chambre sur la gravité des infractions
Page 613
1 qui se limitent aux six paragraphes et n'aborde pas la nature
2 discriminatoire des crimes ainsi que leur impact sur les victimes. Je vous
3 ai illustré cet effet que cela a eu sur les victimes, je n'ai cité que deux
4 ou trois témoins. Mais, en fait, il convient de multiplier cela par
5 plusieurs centaines de milliers, de centaines de milliers. Il n'y a pas de
6 décision sur la nature brutale des crimes ou sur les effets de ces crimes
7 sur les victimes albanaises et sur leurs proches. La Chambre d'appel dans
8 Blaskic, paragraphe 686 [comme interprété] a constaté que ces
9 considérations étaient obligatoires lorsqu'on se penche sur la gravité des
10 crimes.
11 La Chambre mène à bien un examen superficiel lorsqu'elle rend sa
12 décision sur les peines qui ne sont déterminées que strictement
13 rigoureusement sur la base du mode de responsabilité des accusés.
14 Sans individualiser la peine sur la base de la position individuelle
15 de chacun des accusés, la Chambre n'a pas pris en compte la position de
16 chacun des accusés, sa contribution, voire même le crime duquel il a été
17 déclaré coupable, ce qui normalement aurait été un examen à mener de
18 manière évidente, enfin qui s'imposait et absolument requis. Au Volume III,
19 paragraphe 1 175 du jugement, sous le titre "Gravité des infractions", la
20 Chambre a commis une erreur en prenant le mode de responsabilité de chacun
21 des accusés et ne tenant pas de contributions spécifiques.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'ai bien peur que votre temps se
23 soit écoulé.
24 M. KREMER : [interprétation] Une minute, s'il vous plaît.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous l'accorde.
26 M. KREMER : [interprétation] Comme vous venez de l'entendre de ma consœur,
27 Mme Jarvis, les accusés ont été déclarés coupables d'infractions
28 différentes. Pavkovic d'agressions sexuelles, et notre appel fait valoir
Page 614
1 que Lukic et Sainovic ont été acquittés.
2 Et la Chambre de première instance aurait pu prendre cela en considération,
3 aurait pu prendre en considération la brutalité, comme je viens de le
4 signaler, et le fait que chacun des accusés a joué un rôle distinct,
5 différent, important, et qu'il aurait fallu apprécier cela. Alors les
6 peines allant de 15 à 22 années respectivement pour aider, encouragement
7 donc, qui ont été prononcées à l'encontre des membres de l'entreprise
8 criminelle commune, à notre sens, sont disproportionnées par rapport à la
9 gravité des crimes. Donc nous estimons que le bon sens nous imposerait
10 cette conclusion, que cela n'est pas proportionné : 22 années, 15 années
11 pour l'ampleur, la nature de ces crimes, pour 700 000 vies ruinées en tant
12 que résultat d'actions préméditées et violentes sur une très brève période,
13 et qu'en plus des crimes additionnels qui sont venus se greffer afin de
14 promouvoir la violence et afin d'inciter les gens à prendre la fuite, nous
15 montre à quel point il s'agit d'actes graves. Nous enjoignons la Chambre à
16 se pencher sur cela, à imposer des peines les plus sévères permises par
17 notre Statut.
18 Je suis prêt à répondre à vos questions.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons faire une
20 pause, et nous reprendrons à 11 heures pour entendre la réponse des
21 appelants.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
23 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons maintenant entendre les
25 réponses de la part des appelants. Le conseil de M. Sainovic.
26 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Je me
27 propose de m'adresser aux Juges de la Chambre d'appel au sujet du premier
28 et troisième moyens d'appel, pour ce qui est de ce qui a été présenté par
Page 615
1 l'Accusation, et mon éminent confrère, M. Fila, va réponse au sujet du
2 moyen d'appel 6.
3 Bien qu'aujourd'hui nos confrères et consœurs n'aient pas présenté des
4 arguments pour ce qui est du premier moyen d'appel, je voudrais souligner
5 brièvement deux ou trois circonstances importantes que j'estime que les
6 Juges d'appel doivent avoir à l'esprit lorsqu'ils devront décider du bien-
7 fondé de ce premier moyen d'appel de l'Accusation.
8 En effet, le Procureur, lorsqu'il a rédigé son troisième acte d'accusation
9 consolidé qui fournit ce moyen et sur la base duquel il a défendu ces
10 allégations [inaudible] de ce procès, a omis dans le cadre de ce point 5
11 d'imbriquer les paragraphes qui se rapportent à des détails liés à des
12 agissements punissables ou sanctionnables [phon], et il a omis d'intégrer
13 le paragraphe 72, où l'on décrit les agissements d'expulsion et de
14 transfert forcé. Et c'est une erreur qui a été faite par le bureau du
15 Procureur, elle a été relevée au tout début de la phase du procès, enfin du
16 procès, et le Président de la Chambre de première instance a indiqué au
17 bureau du Procureur cette lacune. Il a mentionné le fait qu'au paragraphe
18 76 on n'avait pas incorporé les références liées au paragraphe 72, où les
19 détails des expulsions et transferts forcés sont mentionnés. Et le
20 représentant de l'Accusation dans le procès en première instance avait dit
21 qu'il avait compris les propos du Président de la Chambre, et qu'il n'y
22 avait pas de réponse à apporter par ses soins. C'est ainsi que le débat a
23 pris fin.
24 Une deuxième opportunité s'est présentée pour ce qui est de
25 l'Accusation, pour ce qui est du même moyen d'appel, c'est une décision des
26 Juges de la première Chambre en application du 98 bis. Dans cette décision,
27 il a été clairement dit aussi que la Chambre de première instance trouvait
28 que ces détails spécifiques se rapportant aux expulsions et transferts
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1 forcés, tels qu'énoncés au paragraphe 72, n'étaient pas imbriqués au point
2 5 ou au chef 5 de l'acte d'accusation. C'est ce qui avait été dit lors du
3 communiqué de la décision en application du 98 bis. L'Accusation a pu
4 entendre ceci, a eu l'occasion de s'y référer ou s'en plaindre, mais cette
5 opportunité a jamais été mise à profit. La première fois où le bureau du
6 Procureur ouvre cette question et demande à ce que l'erreur soit rectifiée,
7 c'est l'appel interjeté pour ce qui est du jugement en première instance.
8 Nous estimons, pour notre part, que l'omission du bureau du Procureur
9 pour ce qui était d'influer ou d'accepter ces deux mises en garde de la
10 part des Juges de la Chambre de première instance font qu'il y a perclusion
11 de possibilité pour l'Accusation de procéder en cette phase-ci de la
12 procédure, de demander des recours pour ce qui est d'une chose à laquelle
13 il aurait fallu remédier bien avant. Alors, en tout état de cause, le faire
14 à présent se ferait au détriment des accusés. Et pour ces raisons-là, nous
15 demandons aux Juges de la Chambre d'appel de faire en sorte que ce moyen
16 d'appel de l'Accusation soit rejeté. Les détails sont, bien entendu,
17 fournis dans nos réponses à l'appel interjeté par l'Accusation.
18 Avec votre autorisation, Madame, Messieurs les Juges, je me propose
19 de dire quelques mots maintenant au sujet de ce qui a été indiqué ici
20 aujourd'hui et qui constitue le troisième des moyens d'appel de
21 l'Accusation, qui se compose de deux segments. Il y en a un qui se rapporte
22 à la correction demandée pour ce qui est des normes juridiques prises en
23 considération, et l'autre segment se rapporte à la détermination des
24 circonstances qui devraient conduire à une décision autre lorsqu'il s'agit
25 des faits qui sont abordés au troisième moyen d'appel.
26 Bien qu'il en ait déjà été question à l'occasion de ces journées-ci
27 pour ce qui est de l'exposé des argumentations par les deux parties en
28 présence, je voudrais rappeler en partie ce qui, d'après la façon dont nous
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1 comprenons les choses, constitue des normes juridiques que les Juges de la
2 Chambre d'appel se devraient de mettre en œuvre lors de l'examen de ce
3 moyen d'appel.
4 Indépendamment de la position qui sera prise en considération pour ce
5 qui est des normes juridiques et des critères d'examen pour ce qui est de
6 la prédictibilité des différentes possibilités ou rester à ce qui avait
7 constitué la position adoptée dans le jugement Brdjanin ou la façon de
8 comprendre ce qui a pu être rendu comme décision dans la décision
9 interlocutoire dans l'affaire Karadzic, il y a un autre élément des normes
10 qui n'est pas contesté par l'Accusation non plus et qui apporte une réponse
11 cruciale pour ce qui est de la substantifique moelle de ce moyen d'appel.
12 En effet, la définition qui, dans ce segment n'est contesté ni par
13 l'Accusation ni par la Défense, pour ce qui est d'une entreprise criminelle
14 commune, parle d'une prévisibilité raisonnable partant des informations qui
15 sont mises à disposition de l'accusé. Cette partie-là de la définition,
16 information à la disponibilité de l'accusé, ce n'est pas contesté, mais
17 c'est crucial comme élément pour ce qui est de permettre de trancher.
18 Que dit la Chambre d'appel dans l'affaire Karadzic ? Indépendamment
19 de l'application de ces normes de possibilité, l'on ne saurait répondre aux
20 critères pour ce qui est d'un scénario qui est éloigné. La possibilité de
21 la perpétration d'un crime, ça doit être substantiellement illustré pour
22 pouvoir être prévisible s'agissant de l'accusé. Qu'est-ce qui apparaît de
23 façon claire ? La Chambre d'appel n'apporte pas son soutien à une
24 définition qui est par trop large, qui est sans rive.
25 Parce que quelle serait la conséquence de la façon dont l'Accusation
26 comprend les choses ? Cela signifierait que le fait qu'il y ait une
27 entreprise criminelle commune et qu'il y a une intention de la part de
28 l'accusé pour ce qui est de la réalisation d'un objectif commun pour tout
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1 autre crime qui se produirait, il pourrait être qualifié de crime pour dire
2 qu'il y a mens rea pour ce qui est de cette entreprise criminelle commune
3 de troisième type.
4 Alors, pour comprendre la façon dont l'Accusation l'interprétait,
5 qu'il existe un automatisme. S'il existe des conditions, s'il existe un
6 délit d'expulsion ou de transfert forcé en tant que forme numéro un de
7 l'entreprise criminelle commune, par automatisme, on a répondu à une norme,
8 on a satisfait à une norme pour dire que la conséquence prévisible, ça
9 pourrait être aussi, dans le cas concret, les délits au pénal d'agressions
10 sexuelles. Nous estimons, pour notre part, que cet automatisme ne doit pas
11 exister, ne peut pas exister et que, comme partout ailleurs, il faut
12 trouver des éléments de preuve qui illustreront les circonstances
13 concrètes. Si l'on acceptait le concept de l'Accusation, on glisserait vers
14 un automatisme et vers une absence de nécessité de faire en sorte que ces
15 délits au pénal spécifiques nécessitent un apport d'éléments de preuve.
16 S'agissant de l'existence ou de l'inexistence de ce type de délits au
17 pénal, on ne saurait en juger que partant des informations disponibles,
18 s'agissant des différents scénarios éloignés, ceux-ci ne sauraient être
19 considérés comme étant suffisants pour considérer l'accusé comme
20 responsable de ce type de délits au pénal.
21 Comment les choses se présentent-elles maintenant pour ce qui est de
22 notre client, M. Sainovic ? Lorsque l'on expose les différentes
23 circonstances, les Juges de la Chambre de première instance, aux
24 paragraphes 4 et 2 du Volume III, ont conclu qu'on n'avait pas apporté des
25 éléments de preuve pour ce qui est de ces violences sexuelles qui auraient
26 raisonnablement été prévisibles aux yeux de Sainovic, et l'Accusation,
27 s'agissant de sa décision, je dirais qu'elle a été prise de façon attentive
28 compte tenu des jugements rendus dans Kvocka et dans l'affaire Krstic. Nous
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1 estimons donc que les Juges de la Chambre de première instance se sont
2 penchés de façon très attentive sur ce type de circonstances et qu'ils ont
3 rendu une décision correcte.
4 Aujourd'hui, nos confrères et consœurs ont dit qu'il y avait trois
5 facteurs qui devraient servir d'éléments de preuve pour indiquer que
6 Sainovic devait raisonnablement savoir ou prévoir que dans le cadre de la
7 campagne en cours on pouvait avoir des délits de violence sexuelle aussi.
8 Si j'ai bien compris les choses, on a mis l'accent sur le fait que pendant
9 la campagne, il y a eu des violences brutales, et que cette campagne
10 brutale et violente avait pour issue la prévisibilité des crimes de
11 violence sexuelle.
12 Alors, si l'on se penche sur le mémoire en appel de l'Accusation pour
13 ce qui est du fait que Sainovic aurait dû savoir que des violences de cette
14 nature devaient survenir forcément, on va prendre quelques éléments qui se
15 rapportent en premier lieu à 1998, on parle de Gornje Obrinje, les
16 événements de Racak, on parle de Malisevo et de ces événements là-bas.
17 Mais, tous ces événements, d'après les réponses que nous avons apportées
18 dans le détail, montrent de façon claire qu'il n'y a pas eu de violence
19 sexuelle ou que rien n'aurait permis de constater qu'il serait possible que
20 des violences de cette nature surviennent. Alors, ici, le Procureur tombe
21 dans une espèce de situation contradictoire, parce que toute la
22 présentation des éléments à charge par les soins de l'Accusation, comme on
23 a pu l'entendre dernièrement, ça se base sur des allégations qui disent que
24 telle chose se serait produite en 1998, et que ce qui s'est produit en
25 1998, bien entendu, ne pouvait exister et ne pouvait qu'exister en 1999
26 aussi.
27 Alors, il est clair ici que partant des éléments de preuve présentés
28 pour 1998, il n'y a rien de ce qui pourrait indiquer qu'il y a eu quelques
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1 crimes que ce soit qui pourraient être placés en corrélation avec des
2 violences sexuelles. Nous avons exposé dans le détail pourquoi, et j'estime
3 que ma consœur a accepté ce matin le fait que l'accusé, partant des
4 événements en 1998, ne pouvait pas avoir des connaissances en la matière.
5 Alors, si l'on acceptait cette logique de l'Accusation qui se sert de
6 1998 pour fondement de connaissances en 1999 et pour fondement de mise en
7 garde à cet effet, il est clair que Nikola Sainovic n'a pas pu avoir ce
8 type de mise en garde, et que l'on ne peut pas déterminer le fait que ce
9 type de crime pouvait être prévisible partant de ce qu'il avait su, datant
10 d'une période antérieure à cette prétendue entreprise criminelle commune
11 qui aurait donc eu ses débuts.
12 Le Procureur mentionne aussi aujourd'hui, tout comme dans son mémoire
13 en appel, cette animosité puissante, très grande, entre les Serbes et les
14 Albanais comme indice de mise en garde pour ce qui est des crimes
15 potentiels de différentes natures, y compris celui-ci. Mais ceci ne découle
16 pas de ce qui a été avancé comme fait. En 1998, on dit qu'il y a des
17 violences de commises en 1998. On établit un lien entre 1998 et 1999. Mais
18 en 1998, ceci n'existe pas. Cette animosité que l'on évoque, c'est une
19 question qui date de plusieurs décennies ou de siècles déjà entre les
20 Serbes et les Albanais. L'histoire, en termes simples, s'agissant de ces
21 territoires-là, nous montre que cette animosité n'inclut pas des délits de
22 ce type-là, délits dont il a été question ici.
23 Chose qui est particulièrement intéressante, c'est la possibilité
24 évoquée par l'Accusation s'agissant de Sainovic qui aurait dû supposer que
25 s'il y avait des unités qui avaient été engagées au Kosovo alors qu'elles
26 avaient été impliquées dans ces événements quelques années auparavant en
27 Bosnie et en Croatie, pour affirmer que ce type de violence pouvait être
28 réitéré au Kosovo. Ça, c'est une allégation qui est tout simplement dénuée
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1 de preuve. Que savait Sainovic, quelles étaient ces unités qui avaient
2 participé à tel autre événement antérieur, ça ce sont des allégations qui
3 se ramènent en fait à dire que la prévisibilité est déduite de connaissance
4 de nature de plus générale qui soit au sujet de l'histoire des événements
5 en ex-Yougoslavie. Parce que dire que telle chose s'est produite dans une
6 histoire plus ou moins récente ou ancienne, ça ne peut pas servir
7 d'argument pour ce qui est de l'utiliser dans ce procès-ci.
8 Le Procureur mentionne - et il l'a mentionné aujourd'hui aussi - le
9 fait que Sainovic était allé à Pristina à plusieurs reprises. On donne deux
10 dates, le 29 mars et le 4 avril, lorsque Sainovic est allé à Pristina et
11 qu'il a pu voir des transferts et qu'il aurait pu conclure partant de là
12 qu'il y avait possibilité de délit de violence sexuelle. Mais il n'y a
13 aucun élément de preuve pour ce qui est de savoir ce que Sainovic a vu ou a
14 pu voir. Tout ceci se trouve à un niveau d'hypothèses, de conjectures. Mais
15 ce qui peut être important ou servir d'illustration pour ce qui est de
16 l'état de conscience à Sainovic, c'est au moment des dates qui sont
17 mentionnées ici, ce sont des dates où Sainovic est allé négocier avec
18 Rugova ou a essayé de tracer le chemin à des négociations pour aboutir à
19 une solution politique et une solution pacifique au Kosovo. Lier ses
20 visites et ses tentatives de trouver une solution par des voies de
21 négociations, et s'agissant de ce qu'il aurait éventuellement pu voir est
22 chose où il n'y a aucune preuve possible, c'est de l'avis de la Défense de
23 l'accusé, une chose tout à fait inappropriée.
24 Nous estimons donc que les estimés Juges de cette Chambre d'appel
25 devraient rejeter ce troisième moyen d'appel.
26 Je voudrais juste encore mentionner, si vous me le permettez, dire
27 deux phrases, étant donné le temps limité à ma disposition. C'est ceci, il
28 est bien entendu que la Défense de Sainovic s'agissant de tout incident, de
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1 tout crime de violence sexuelle le trouve détestable, haïssable et estime
2 que c'est un délit ou un crime qui mérite d'être sanctionné de la pire des
3 sanctions, mais tout ce qui a été montré ici, c'est que Sainovic n'a rien à
4 voir avec ce type de crimes. Nous estimons également, compte tenu de ce que
5 je viens de dire, qu'il convient de souligner le fait que le Procureur
6 parle d'une campagne qui dure depuis des jours, des semaines, ou des mois,
7 tout au large du Kosovo, une campagne qui inclut 700 000 personnes.
8 Alors qu'avons-nous comme faits établis pour ce qui est des agressions
9 sexuelles ? Nous avons deux incidents, nous ne contestons pas leur gravité.
10 Nous parlons maintenant du nombre, du chiffre. Le première incident est
11 survenu le 29 mars 1999, à Beleg, le deuxième est survenu en mi-avril 1999
12 à Cirez. C'est évident qu'il s'agit de délits au pénal isolés. Il est
13 évident que s'il est exact qu'il s'agissait de centaines de milliers de
14 personnes, il y a en contrepartie deux incidents par rapport à huit
15 victimes. Ceci ne diminue en rien les souffrances des victimes, mais cela
16 indique que ce sont des cas isolés et sporadiques pour ce qui est des
17 incidents survenus. Cet élément d'isolement et de sporadicité conteste les
18 allégations de l'Accusation qui disent que Sainovic, lors de la mise en
19 œuvre de cette entreprise criminelle commune au côté des autres accusés,
20 avait pris et assumé le risque de prendre en considération la possibilité
21 d'agressions sexuelles.
22 Et très brièvement pour ce qui est du quatrième moyen d'appel, je dirais
23 qu'il s'agit de trois incidents. Et nous sommes d'avis qu'il s'agit
24 d'incidents où il n'y a pas d'intention discriminatoire, il s'agit
25 d'incidents où le Procureur qui généralise les agressions essaie de calquer
26 les différents événements individuellement survenus, et nous indiquons que
27 ces événements ou ces incidents relèvent de la criminalité de nature
28 générale, mais ça n'a rien à voir avec une intention discriminatoire, et il
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1 n'y a aucun fondement pour ce qui est de prendre en considération ce moyen
2 d'appel de l'Accusation. Il convient de le rejeter.
3 Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges. C'est mon confrère qui va à
4 présent prendre la parole et répondre aux autres éléments.
5 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
6 Juges, je me propose de me pencher sur le segment de l'appel interjeté par
7 l'Accusation qui, à mes yeux, est inadmissible et, entre autres, immoral.
8 La raison est la suivante : dans l'affaire en première instance,
9 l'Accusation a passé deux ans avec nous dans ce prétoire. On a vu tous les
10 témoins, on a vu tous les documents. Nous avons suivi le comportement de
11 chacun des accusés, et lorsque tout ceci s'est terminé, le bureau du
12 Procureur dans son mémoire en clôture a demandé pour l'accusé Milutinovic,
13 Sainovic et autres, au moins 20 ans de réclusion et au-delà pour donc
14 satisfaire à l'intérêt de la justice. Milutinovic, comme vous le savez, a
15 été acquitté et libéré, Sainovic s'est vu infliger 22 ans, ce qui se trouve
16 dans le cadre de ce qu'on a demandé, et même deux ans de plus.
17 Je voudrais vous dire une chose. Je suis probablement le plus âgé des
18 avocats devant ce Tribunal. Je suis ici depuis février 1996 - et je crois
19 qu'il n'y a que Mark Harmon qui est ici depuis plus longtemps que moi - et
20 je n'ai jamais vu chose pareille.
21 Ce que je tiens à dire, et je suis fier d'avoir l'occasion de le faire, ce
22 type de coopération entre la Chambre, l'Accusation, et la Défense, c'est
23 une chose qui est tout à fait louable, très louable. Chacun avait eu des
24 positions qui étaient bien précises et jamais personne n'a élevé le ton et
25 jamais nous n'avons eu une situation de conflit qui devrait être tranchée
26 par les Juges de la Chambre et qui serait indigne de juriste. Alors, je
27 voudrais vous illustrez ceci par deux exemples, ça s'est passé à huis clos
28 partiel, il y a eu un débat entre les Juges de la Chambre et le Procureur.
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1 Si vous voulez entendre ces deux exemples, il nous faudra passer à huis
2 clos partiel, parce que ça s'est fait à l'époque à huis clos partiel aussi.
3 Si vous le permettez, moi, j'aimerais continuer donc de cette façon.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons passer à huis clos
5 partiel.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
7 Madame, Messieurs les Juges.
8 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Fila.
25 M. FILA : [interprétation] Pourquoi j'ai mentionné ces deux exemples ?
26 Parce que j'ai voulu montrer aux Juges de la Chambre ce que signifiait une
27 promesse et la parole données par un collègue, par des juristes et des
28 professionnels qui comparaissent devant ce Tribunal. Parce que si nous
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1 disions une chose, et si nous pensions autre chose, et si nous faisions une
2 troisième chose, nous serions des hommes politiques. Nous serions dans des
3 parlements, et on ne sait pas qui va parler de quoi dans ce contexte. Mais
4 ceci n'est un Tribunal, une instance juridique sérieuse.
5 Qu'avons-nous obtenu au lieu de cette conséquence ou de cette conformité ou
6 promesse ? Nous avons trois situations. L'accusé Milutinovic s'est vu
7 libéré. Est-ce qu'il y a eu un recours ou un appel ? Non. Le général
8 Ojdanic a eu une peine de 15 ans. Le Procureur a interjeté appel, parce que
9 ça faisait moins de 20 ans. Que s'est-il passé ? Ils ont retiré leur
10 recours. Donc il y a eu cinq ans de moins par rapport à ce que Hannis avait
11 demandé. C'est un deuxième type de situation dont il convient de tenir
12 compte.
13 Et troisième type de situation, c'est la situation dans laquelle je
14 me trouve avec Sainovic. Ils ont eu ce qu'ils ont obtenu, et moi, j'ai
15 interjeté appel. Pour ce qui est de la décision relative à la sanction,
16 moi, je comprends et je ne conteste pas. Ils avaient le droit d'interjeter
17 appel. Ce que je voulais dire aux Juges de la Chambre, c'est que les
18 parties en présence se trouvent être liées par les positions qu'elles ont
19 prises et qu'elles ont présentées au cours du procès. Si une partie au
20 procès a présenté une requête, il faudrait s'y conformer, il faut être
21 conséquent à ce qu'on a dit. Toute déviation par rapport à ce qu'on avait
22 demandé introduit un élément d'incertitude juridique, et c'est la raison
23 pour laquelle je vous ai répondu, je vous ai donné lecture de ce que
24 l'Accusation nous a dit au sujet de ces entretiens au départ.
25 Parce que l'accusé a le droit de connaître la teneur de l'acte
26 d'accusation. Il doit être mis au courant de sa position. Il doit avoir le
27 droit d'adapter sa défense à la teneur ou au caractère de l'acte
28 d'accusation et des autres allégations présentées contre lui. Mais si
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1 l'Accusation, partant des éléments de preuve disponibles et selon la
2 conception juridique qui est la sienne, présente une demande au sujet du
3 montant de la sanction, l'Accusation le fait partant de son appréciation.
4 Je dis "partant de sa propre appréciation", parce que dans le mémoire en
5 clôture, il n'y a pas encore jugement de rendu. On était partis d'une
6 supposition qui était celle de voir l'acte d'accusation confirmé par un
7 jugement. Or, cela ne s'est pas produit.
8 Ce que je n'arrive pas à concevoir en ma qualité de conseil de la
9 Défense, c'est que de voir, partant des mêmes éléments de preuve, parce
10 qu'il n'y a aucun élément de preuve nouveau qui a été présenté, et partant
11 de la même théorie juridique, dans une phase de la procédure on demande une
12 sanction pour que dans une deuxième phase, sans qu'il y ait des raisons
13 matérielles ou procédurales, on demande une deuxième sanction. Tout
14 simplement, ceci se trouve être incorrect, non professionnel, et ce n'est
15 pas collégial. Ce n'est pas conforme à notre obligation qui est commune,
16 servir les intérêts de la justice avec une protection juridique des
17 intérêts de tout un chacun, c'est-à-dire des victimes, des accusés et de
18 tout autre. Donc, si l'on prend en considération les positions de
19 l'Accusation au départ, s'il y a modification, ça devrait se fonder sur des
20 éléments nouveaux ou sur une pratique juridique modifiée, dramatiquement
21 modifiée.
22 Mais comment se peut-il que quand on n'a pas vu des individus, quand
23 on a vu des listes, et quand on a des connaissances indirectes, est-ce
24 qu'on peut voir mieux que le Procureur qui a été là au départ, et je dirais
25 que deux membres de ce bureau du Procureur se trouvent encore présents dans
26 ce bureau du Procureur-ci, c'est M. Marcussen ou Mme Kravetz, et il semble
27 avoir modifié ou changé leur opinion. Dans le pays d'où je viens, devant un
28 tribunal spécial qui est chargé des délits de drogue, de brigandage,
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1 corruption grave, et cetera, le procureur demande une peine. Une fois que
2 cette peine est prononcée, il n'y a pas lieu d'interjeter appel. Ça n'est
3 jamais arrivé. On peut interjeter appel si l'on n'aime pas ou n'apprécie
4 pas une formulation. Mais si la sanction qu'on a demandée est obtenue,
5 comment peut-on interjeter appel ? Mais ici, cela semble fort possible.
6 Je me suis penché sur tout ce qui a été mis sur papier. Nous avons
7 comparé avec ce que les Juges de la Chambre ont soupesé. Et dites-nous ce
8 que la Chambre de première instance n'a pas vu et ce que ce bureau du
9 Procureur a vu ? Tout se trouve être exposé et argumenté. S'agissant de
10 notre mémoire en appel, on a présenté des tableaux. On dit telle chose est
11 dite dans ce jugement ou dans cet arrêt. Est-ce qu'il y a des divergences
12 entre ce qu'ils ont affirmé et ce qui s'est trouvé les jugements ou
13 l'exposé des motifs des jugements rendus. Alors moi, ça me préoccupe. Parce
14 qu'au début des actes d'accusation liés au Kosovo, qui ne se rapportent
15 malheureusement qu'à des Serbes, on avait aux côtés de Sainovic, encore
16 trois hommes politiques qui étaient mis en accusation. Il y avait Slobodan
17 Milosevic, qui est décédé en prison, parce qu'on l'avait mis en accusation;
18 comme on l'a mis en accusation, il n'a pas pu tenir, enfin résister à des
19 charges aussi lourdes. Le deuxième, c'était Milutinovic. Il a été libéré.
20 Vlajko Stojilkovic était le troisième -- oui, excusez-moi d'aller si vite.
21 Et je vous rappelle que pour Milosevic, le Juge May avait demandé à ce
22 qu'il n'y ait que le Kosovo à l'acte d'accusation. Vlajko Stojkovic était
23 ministre de l'Intérieur, il s'est tué, il s'est suicidé. Donc, Slobodan
24 Milosevic, il est mort avant un jugement, donc il y a une présomption
25 d'innocence. Milutinovic a été acquitté. Et ce qui est intéressant dans la
26 position prise par ce bureau du Procureur, c'est que le jugement qui a
27 permis la libération de Milutinovic, il n'y a pas eu interjection d'appel.
28 Et sur tous les hommes politiques qui ont assumé des responsabilités, il ne
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1 reste plus que Sainovic, et maintenant le bureau du Procureur voudrait que
2 la sanction, la peine d'emprisonnement à vie qui est réclamée, il faudrait
3 la faire tomber sur les épaules de Sainovic et sur les trois autres qui
4 n'ont pas encore été condamnés.
5 Vous savez, dans la Bible, il y a les Juifs qui prennent un bouc noir
6 qui est censé être mangé par les loups, et avec lui, tous les péchés commis
7 par les Juifs doivent s'en aller. Donc, j'ai l'impression que c'est
8 Sainovic qui doit servir de bouc émissaire dans cette histoire. Alors, la
9 Serbie a une police. Elle a un gouvernement. Ce gouvernement a un ministre
10 de l'Intérieur. Il y a un premier ministre, et il y a un président de la
11 république, en Serbie. Alors comment le vice-président, l'un des cinq vice-
12 présidents du gouvernement fédéral, ait eu connaissance de tout ce que
13 l'Accusation nous dit, et que le président de la république de Serbie, dont
14 la police avait été mise en accusation, n'a pas d'information à ce sujet ?
15 Ce n'est pas conforme à la loi. Ce n'est pas conforme à l'humanisme
16 pour faire endosser par un homme tout ce qui n'a pas été fait et réalisé
17 par la faute du bureau du Procureur.
18 Et c'est maintenant qu'on apprend que le commandant du MUP a fait
19 ceci, et que Sainovic avait des liens avec ce commandant du MUP pour faire
20 endosser à Sainovic tout ce qui aurait dû être endossé par les autres, et
21 pour en terminer avec le récit de la sorte.
22 Même s'il se serait agi de Vlajko Stojilkovic, qui n'avait commandé
23 que le MUP, pas le service de la Sûreté de l'Etat, lui il n'était pas fort
24 au point de faire tout ceci pendant les opérations de guerre, alors que le
25 président de la république de Serbie n'en sait rien et il est assis tout le
26 temps pendant la guerre, une pièce à côté de l'autre, Slobodan Milosevic et
27 sa femme, et Milutinovic et femme à lui, et en haut, à l'étage, il y avait
28 l'état-major principal qui dirigeait les opérations, et on dirait que ceux-
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1 ci n'en savaient rien.
2 Alors, moi - je répète une fois de plus - quand on dit quelque chose, on
3 doit s'en tenir à ce qu'on a dit. Ici, un homme est remplacé par un autre
4 homme. On disculpe Milutinovic et autres pour faire endosser la
5 responsabilité par Sainovic. Mais n'oublions pas que l'histoire va un jour
6 lire ce qui a été décidé. Comment peut-on garder quelqu'un pendant sept ans
7 en prison, demander un emprisonnement à vie ou une peine d'emprisonnement
8 de 20 ans et le libérer par la suite ?
9 Alors, pour ce qui est Sainovic, lorsque vous examinerez le PV, je
10 n'ai pas cessé de défendre Sainovic. Parce que tous les jours l'Accusation
11 avait reproché tout ceci à Sainovic, mais pour ce qui est de Milutinovic,
12 les choses ne sont pas faites autrement. Ça, s'est fait de façon plutôt
13 tiède, comme si tout un chacun s'attendait à ce que l'issue au final serait
14 celle qu'on sait.
15 Et je vais répéter pour une dernière fois, si le bureau du Procureur,
16 partant des éléments de preuve disponibles et partant de la conception
17 juridique qui est la sienne pour ce qui est d'une requête présentée
18 s'agissant de la peine à faire purger par un accusé, on le fait partant des
19 éléments de preuve qu'on a soupesés en tant que tels.
20 Maintenant, je vais me pencher sur l'appel interjeté par
21 l'Accusation. On n'a présenté aucun nouvel argument par rapport à ce qui
22 avait été avancé par l'Accusation dans le procès au départ. En réclamant
23 telle peine pour Sainovic, peine de 20 ans de prison, le Procureur avait
24 pris en considération des éléments qu'il avait considérés constituaient des
25 preuves adéquates pour ce qui est de sa responsabilité et de la peine
26 encourue, et que cela était des circonstances aggravantes pour ce qui est
27 des circonstances qui lui étaient reprochées. C'est ce que l'Accusation a
28 dit, que Sainovic avait fait obstruction à la mise en œuvre des accords
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1 d'octobre, qu'il était contre ceci, qu'il avait refusé l'arrivée des
2 convois ou d'un hélicoptère de la Croix-Rouge, et qu'il avait refusé des
3 propositions de la mission d'observation pour ce qui est de la réduction
4 des effectifs et pour qu'il y ait tel et tel déploiement des forces
5 d'observation pour diminuer les tensions, qu'il avait fait des obstacles à
6 la délivrance de visas et qu'il avait fait obstruction aux négociations de
7 Rambouillet. Mais toutes ces allégations se trouvent être déjà dans le
8 jugement rendu par la Chambre de première instance, qui ne nous a pas fait
9 plaisir, mais ça a été rejeté. Rien de tout ceci n'a été accepté par les
10 Juges de la Chambre de première instance. Maintenant, de façon paradoxale,
11 le bureau du Procureur demande une peine plus lourde encore pour Sainovic
12 dans une situation qui, à bien des égards, se trouve être avantageuse, et
13 plus avantageuse pour Sainovic qu'à l'époque où on avait demandé une peine
14 de 20 ans, entre autres, avec les délits et les crimes de viols que l'on
15 vient de mentionner.
16 Les raisons de justice et d'équité nous demandent, pour ce qui est
17 donc de rejeter l'aggravation de la peine qui est réclamée pour Sainovic,
18 parce que ceci se trouve infondé. L'Accusation n'a présenté aucun élément
19 qui démontrerait qu'il y a nécessité d'aggraver la peine ou de l'augmenter.
20 On a parlé de 700 000 Albanais dont les vies ont été détruites parce
21 qu'ils ont passé un mois à l'extérieur de leur maison. Cent vingt mille
22 Serbes ont été expulsés en 1999 du Kosovo, et ce sont des gens qui sont
23 encore en Serbie, et ceux qui sont restés là-bas se font tuer tous les deux
24 ou trois jours. Est-ce que quelqu'un est mis en accusation pour cela ?
25 Personne. Donc, il n'est pas difficile d'expliquer les choses aux Albanais
26 avec tant d'actes d'accusation contre les Serbes, mais comment expliquer
27 aux Serbes qui ont également fui les bombardements de l'OTAN, et, je le
28 répète, qu'ils sont 120 000 encore à être restés en Serbie ?
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1 Excusez-moi d'avoir pris autant de temps, et c'est tout ce que
2 j'avais voulu dire. Merci.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que cet
4 après-midi, nous entendrons la réplique de l'Accusation là-dessus.
5 A présent, nous entendrons une réponse présentée par la Défense de M.
6 Pavkovic.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les
8 Juges. Je n'ai pas prévu de prendre beaucoup de temps ce matin. Mes
9 confrères ont déjà, en fait, dit certaines choses que j'avais l'intention
10 de dire.
11 Ce matin, l'Accusation vous a demandé de les sauver d'eux-mêmes, ils ont
12 pris un certain nombre de décisions précédemment qui leur déplaisent
13 maintenant, et ils aimeraient que vous leur permettiez de les changer. Cela
14 me rappelle du moment où j'ai demandé un petit peu plus de temps pour
15 présenter la cause de mon client ici, et vous m'avez dit que la décision
16 avait été prise précédemment et que vous n'alliez pas la changer. Donc, je
17 suis ici dans cette même position.
18 Premièrement, bien entendu, il s'agit de la décision lorsqu'ils ont
19 choisi délibérément, face aux arguments présentés par le Juge Bonomy qui
20 leur a demandé, qui a plaidé de ne pas modifier le paragraphe 76 de l'acte
21 d'accusation afin de comporter les allégations qui y figuraient, eh bien,
22 ils ont pris cette décision, et maintenant ils voudraient que vous
23 invalidiez les effets de cette décision. Il ne faudrait pas qu'ils se
24 comportent de cette manière, et nous estimons, effectivement, qu'il n'y a
25 pas lieu de changer votre attitude là-dessus.
26 Alors, le moyen duquel je voudrais parler aujourd'hui est le moyen 4,
27 qui porte sur les agressions sexuelles. Je voudrais réagir à ce que nous
28 avons entendu ce matin.
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1 Le critère pour l'agression sexuelle est que la preuve de l'existence
2 de l'entreprise criminelle commune de première catégorie doit être apportée
3 au-delà de tout doute raisonnable. Et nous affirmons que tel n'est pas le
4 cas ici. Même si des éléments de preuve indirects peuvent être utilisés
5 pour démontrer l'existence d'entreprise criminelle commune, cela ne suffit
6 pas pour que ce soit la seule conclusion raisonnable qui peut être tirée.
7 Et nous pensons, effectivement, que ce n'est pas le cas ici. J'ai mentionné
8 ici l'autre jour le nombre de réfugiés qui se sont trouvés à la frontière
9 en essayant de la traverser, et les forces de la VJ qui leur ont dit de
10 rentrer chez eux. En fait, ils les ont aidés, ils les ont nourris.
11 Donc, d'autre part, on nous dit qu'il y a une situation de chaos et
12 de guerre qui permet de se lancer dans des actes criminels qui encouragent
13 la criminalité. Il est essentiel d'identifier les auteurs de ces crimes
14 dont nous avons parlé et de savoir sur qui les accusés exerçaient leur
15 contrôle. L'Accusation ne les a pas identifiés, les auteurs de ces viols.
16 Nous ne savons pas qui ils sont. L'Accusation doit procéder à cette
17 identification avant de demander que l'on tienne responsable le général
18 Pavkovic de ce que ces personnes ont commis. Ils doivent démontré que non
19 seulement ils étaient placés sous son contrôle mais qu'il n'a pas déployé
20 des efforts suffisants pour les faire sanctionner. Dans toute guerre les
21 commandants se trouvent dans cette situation, indépendamment de leurs
22 efforts, ils ne peuvent pas empêcher la commission de tous les crimes,
23 qu'ils se produisent inévitablement. Donc ils doivent essayer de les
24 sanctionner, de les prévenir -- ce que j'interprète,mais lorsque cela n'est
25 pas traduit, n'est pas couronné de succès, eh bien, des efforts suffisants
26 doivent être déployés.
27 Je voudrais très brièvement parler de la peine. Des crimes sérieux, de
28 toute évidence, ont été commis au Kosovo en 1999, mais ce n'est pas le
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1 nombre ni la nature de ces crimes qui est important lorsqu'il s'agit de
2 déterminer la peine, c'est l'identité des auteurs et leur lien avec le
3 général Pavkovic. Le bureau du Procureur n'a pas pu identifier les auteurs
4 de ces crimes et, à ce moment-là, ils se réfèrent simplement à eux comme
5 étant des forces de la VJ et du MUP, sans aucun élément d'identification.
6 Mais on ne peut pas savoir qui ils sont, donc le Procureur se contente de
7 les appeler forces de la Yougoslavie fédérale et de la Serbie. Mais nous ne
8 savons pas qui ils sont. Et cela est très typique de cette affaire.
9 Regardez quels sont les faits incriminés de l'espèce. Il n'y a pas
10 d'identification claire et nette des personnes qui auraient commis des
11 crimes.
12 La deuxième fois où l'Accusation vous demande aussi de les sauver des
13 effets de leur décision, c'était ce matin lorsqu'ils vous ont dit nous
14 regrettons, en fait, mais nous -- d'avoir demandé la peine que nous avons
15 demandé la dernière fois. Et nous allons essayer de reformuler cela une
16 nouvelle fois. Donc prenez le compte rendu d'audience du réquisitoire de M.
17 Hannis, page 26 947, lorsqu'il dit : "Nous proposons une peine d'au moins
18 20 ans." Eh bien, il a eu plus que cela. Il a eu 22 années pour mon client.
19 Et maintenant ils disent que cela ne suffit pas. Une peine de prison à vie
20 n'aurait pas été une peine raisonnable.
21 Je pense que la question de la peine ne devrait pas constituer maintenant
22 une question due au caractère défaillant de ce jugement. Il est défaillant
23 à ce point que la peine ne devrait pas se poser en tant que problème en
24 soi. Rappelons-nous que Pavkovic a fourni des documents à ce Tribunal, y
25 compris le PV des réunions du commandement conjoint. Il n'avait rien à
26 cacher.
27 C'est tout ce que je souhaitais vous dire ce matin. Je pense que
28 notre mémoire aborde tout le reste, tous les points importants. Je vous
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1 remercie.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Si j'ai bien compris,
3 vous avez terminé avec votre réponse. Je vous remercie d'avoir été aussi
4 bref.
5 Donc le moment est venu de faire une pause déjeuner. Nous reprendrons à 13
6 heures 30, cet après-midi.
7 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 11 heures 51.
8 --- L'audience est reprise à 13 heures 31.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Re-bonjour. Nous continuerons avec les
10 réponses des appelants. Je donne la parole au conseil de M. Lazarevic.
11 M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. C'est de
12 nouveau moi qui prendrai la parole. Je tenterai de répondre à certaines
13 questions qui ont été posées ou certains points abordés par nos confrères
14 dans leur appel par rapport au général Lazarevic, et également réagir par
15 rapport à ce qui a été dit aujourd'hui dans le prétoire.
16 Notre Défense s'est pourvue en appel quant au premier moyen d'appel de
17 l'Accusation. Nous avons souligné que le Procureur n'a pas raison lorsqu'il
18 affirme que la Chambre de première instance s'est fourvoyée lorsqu'elle a
19 estimé que le général Lazarevic devait être déclaré coupable d'avoir aidé
20 et encouragé les persécutions. Nous rejoignons ce qui a été avancé par mon
21 éminent confrère, Me Petrovic, qui a été le premier à prendre la parole
22 aujourd'hui. Il a parlé de cette omission du bureau du Procureur, à savoir
23 le Procureur n'a pas identifié les -- ou plutôt il n'a pas identifié tous
24 les aspects matériels des faits incriminés. Je ne souhaite pas répéter ce
25 qui a déjà été dit, je renvoie la Chambre d'appel aux autres raisons qui
26 figurent dans notre réponse à l'appel du Procureur, paragraphes 5 à 16 de
27 notre réponse à l'appel du Procureur.
28 A présent, je souhaite aborder le deuxième moyen d'appel de l'Accusation.
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1 Aujourd'hui, ils en ont parlé dans le prétoire, et ils ont fait part de
2 certaines de leurs positions, certains arguments qui sont les leurs, qui
3 leur permettent de faire valoir que le général Lazarevic aurait dû être
4 déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé les assassinats.
5 Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas commis
6 d'erreur lorsqu'elle a acquitté le général Lazarevic d'avoir aidé et
7 encouragé pour le crime d'assassinat. Aujourd'hui, il a été question
8 d'intention spécifique, et nous en avons parlé il y a deux jours lorsque
9 nous avons présenté notre appel et lorsque le Procureur a répliqué ou
10 plutôt répondu. Aujourd'hui aussi, je tiens à souligner que si vous
11 appliquez le critère raisonnable de visée précisément, à ce moment-là il
12 ressort de manière tout à fait claire du dossier de l'espèce que l'accusé
13 Lazarevic ne saurait être déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé les
14 assassinats.
15 Cependant, même si je suis profondément convaincu qu'il est tout à
16 fait légitime et justifié en l'espèce s'agissant spécifiquement du général
17 Lazarevic d'appliquer le principe de visée précisément, eh bien, je pense
18 que si l'on ne tenait pas compte de ce principe, là encore, toutes les
19 raisons seraient réunies de prononcer l'acquittement du général Lazarevic
20 de ce crime allégué, donc que la Chambre de première instance a eu raison,
21 ce faisant.
22 Nous avons entendu dire aujourd'hui que le critère suffisant aurait été que
23 le général Lazarevic était au courant de la probabilité que les crimes
24 d'assassinat allaient se produire. Mais cela est une interprétation
25 inacceptable, parce que dans ce cas-là, dans les guerres, eh bien, tout
26 participant à une guerre pourrait automatiquement être considéré comme
27 ayant la mens rea.
28 Donc dans une situation de guerre, il est tout à fait possible que
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1 des abus se produisent et, y compris que des meurtres ou assassinats se
2 produisent. Donc aussi il convient de prendre en considération les ordres
3 émis par le général Lazarevic, et c'est l'objectif des plaintes au pénal
4 qui ont été déposées contre les auteurs de crime devant les instances
5 pertinentes.
6 Alors, nous estimons que pour l'article 7(3) du Statut, il est possible
7 d'appliquer le critère évoqué, mais lorsqu'il s'agit du crime et de la
8 responsabilité pénale individuelle au titre de l'article 7(1), eh bien,
9 l'accusé doit au moins savoir que ses actes ou ses omissions avaient au
10 moins aidé les auteurs. Et le Procureur n'a pas réussi à satisfaire à ce
11 critère au-delà de tout doute raisonnable.
12 Alors, à présent, je souhaite évoquer plusieurs sites qui ont été évoqués
13 concrètement par mes confrères de l'Accusation.
14 Monsieur le Président, mon confrère me dit que seul l'article 3
15 figure au compte rendu d'audience; or, j'ai parlé de l'article 7(3), il
16 s'agit de la page 63 de la ligne 7 du compte rendu d'audience.
17 Madame, Messieurs les Juges, très rapidement, je voudrais passer en
18 revue plusieurs sites qui ont été mentionnés par mon confrère et pour
19 lesquels il n'a pas été démontré au-delà de tout doute raisonnable que le
20 général Lazarevic a aidé ou a encouragé la commission des crimes
21 d'assassinat à ces endroits-là. Donc, la Chambre de première instance a eu
22 raison de conclure qu'aucun élément de preuve ne démontre que Lazarevic
23 était au courant du fait que les forces de la VJ ou du MUP se rendaient à
24 des lieux précis des crimes et qu'ils se livraient à des meurtres ou à des
25 assassinats à ces endroits-là. Concrètement, mon confrère a évoqué Korenica
26 et Meja dans la municipalité de Djakovica. Nombreux sont les éléments de
27 preuve qui démontrent que la VJ n'a pas pris part aux incidents de Korenica
28 ni de Meja dans la municipalité de Djakovica le 27 avril 1999. Par
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1 conséquent, les affirmations du Procureur reviennent aux conjectures, ce ne
2 sont que des conjectures, sans être étayées par des preuves. La Défense
3 affirme que dans cette zone, l'ALK était très présente pendant la période
4 pertinente au moment des événements, le rapport de la 125e Brigade du 25
5 avril 1999 en témoigne. Et je renvoie la Chambre à la pièce 2023. Devant
6 cette Chambre, nous avons également entendu le témoignage de Nike Peraj, et
7 membre de l'armée de Yougoslavie, qui a témoigné de manière tout à fait
8 claire que dans la vallée de Reka, où cette action a été menée à bien, eh
9 bien, il y avait une présence très forte de la 137e Brigade de l'ALK. Je
10 vous renvoie au paragraphe 105 de la pièce P2252.
11 Donc le rapport de la 125e Brigade, P2023.
12 Donc un témoin du Procureur Bislim Zyrapi, qui est le chef de
13 l'état-major de l'ALK, a dit que depuis l'Albanie les pièces lourdes
14 d'artillerie ont été utilisées par l'ALK en appui à leurs unités déployées
15 dans la vallée de Reka à partir du 9 avril 1999. Autrement dit, les
16 conjectures du Procureur ne sont pas défendables lorsqu'il dit que
17 l'objectif de cette action a été d'expulser les civils ou de les déplacer,
18 les civils, les femmes, les enfants, ou des personnes handicapées à bord de
19 fauteuils roulants. Il existe d'autres éléments de preuve, au moins
20 alternatifs, qui permettent de tirer une autre conclusion raisonnable
21 disant que l'opération de Reka a eu pour objectif de combattre une présence
22 très forte de l'ALK dans cette zone et face à la menace de l'ALK basée en
23 Albanie qui se manifeste depuis le 9 avril 1999. Je vous renvoie aux pages
24 6 238 à 6 239.
25 De nombreux éléments de preuve nous permettent de voir, et vous permettront
26 de voir, que dans les secteurs de Korenica et de Meja ou de la municipalité
27 de Djakovica, il y a eu une forte présence de l'ALK, et que cette action de
28 Korenica et de Meja qui a été menée a été une action militaire dirigée
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1 contre l'ALK. Et ce qui est également très important est que dans le
2 dossier de l'espèce il n'y a pas d'élément de preuve attestant que le
3 général Lazarevic a été informé du fait que des meurtres ou assassinats de
4 la population civile se seraient produits dans le cadre de cette action.
5 Aucune preuve ne l'atteste. Il n'y a pas de preuve disant -- enfin il y a
6 des preuves disant qu'à Djakovica il y avait un poste de commandement
7 avancé où se trouvait le colonel Zivkovic qui avait donné pour mission à la
8 125e Brigade de tenir une ligne de front, sans aller plus en avant. Il n'y
9 a pas d'élément de preuve qui dirait que c'est le général Lazarevic qui
10 aurait pour cette action donné quel que ordre que ce soit.
11 Je vais maintenant passer à un autre site. Je vois que mon temps passe
12 vite. Alors il s'agit du site de Dubrava Lisnaja. Et là, Madame, Messieurs
13 les Juges, vous allez trouver bon nombre d'éléments de preuve qui, de façon
14 complète et non ambiguë, justifient la position adoptée par la Chambre de
15 première instance qui dit qu'il n'y a aucune responsabilité du général
16 Lazarevic s'agissant de ces meurtres. Il y a bon nombre d'éléments de
17 preuve disant que le meurtre de deux Albanais à Dubrava Lisnaja dans la
18 municipalité de Kacanik, ça n'a pas été l'œuvre de l'armée; ça c'est d'un.
19 Et de deux, il n'y a aucun élément de preuve disant que c'est le général
20 Lazarevic qui avait eu vent de l'incident qui s'était produit.
21 On a entendu Krsman Jelic, un témoin qui a comparu ici. Il était commandant
22 de cette unité qui se trouvait sur le terrain en question. Il était
23 commandant de la 243e Brigade motorisée. Et d'après sa déposition, sur ce
24 territoire il y avait une forte présence de l'ALK. Les habitants de ce
25 village, partant de leur propre décision, ont quitté le village pour aller
26 en Macédoine. Krsman Jelic a même dessiné une carte où il a de façon
27 détaillée et précise indiqué les positions tenues par l'armée et les
28 positions de l'ALK et les combats qui ont eu lieu. Je vous renvoie vers la
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1 pièce P370, page du compte rendu d'audience 19146. Et on peut voir qu'il y
2 a eu des conflits armés entre l'ALK et l'armée de Yougoslavie, et qu'aucun
3 élément de preuve, aucun rapport ne laisse entendre que c'est le général
4 Lazarevic qui, s'agissant de cet incident, aurait commis quelle que
5 irrégularité que ce soit, et encore moins occasionné le meurtre de
6 plusieurs personnes.
7 Alors, Madame, Messieurs les Juges, le Procureur a indiqué en parlant des
8 modèles de comportement, comme on a cru le comprendre, qui était
9 relativement peu élevé, et il semblerait qu'en 1998, compte tenu de ce qui
10 s'était passé, le général Lazarevic devait forcément savoir qu'en 1999 le
11 même type de meurtres pouvaient se produire. Alors moi, j'ai présenté une
12 argumentation avant-hier au sujet d'un sujet tout à fait autre, et du point
13 de vue d'un fait qui dit qu'en 1998, la situation sur le terrain, et du
14 point de vue de la position qui était celle du général Lazarevic, était
15 tout à fait différente, et cette situation doit, en tout état de cause,
16 compte tenu de tout ce qui a été dit à ce sujet, être prise en
17 considération.
18 Parce qu'en 1998, le général Lazarevic était chef d'état-major du
19 Corps de Pristina et il séjournait au poste de commandement avancé à
20 Djakovica. Il était chargé de sécuriser la frontière de l'Etat face à
21 l'Albanie, d'où un afflux d'armes et d'effectifs pour l'ALK était très
22 grand et presque quotidien.
23 Le général Lazarevic a été à tort désigné comme étant une personne
24 présente lorsque le général Samardzic, qui était commandant de la 3e Armée
25 à l'époque, avait eu une réunion avec le commandant du Corps de Pristina.
26 Pièce à conviction 4D97, où l'on voit de façon claire que le général
27 Lazarevic n'a pas été présent à ladite réunion. Et quand il est question du
28 chef d'état-major, on parle du chef d'état-major de la 3e Armée, qui se
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1 trouvait être le signataire de ce document. Moi, je vous convie à vous
2 pencher sur cette pièce 4D97, et vous allez voir et constater qu'il y a une
3 erreur évidente qui démontre que le général Lazarevic n'a pas été présent à
4 cette réunion où il a été question de mise à feu.
5 Alors, quand il s'agit maintenant de l'année 1999, le Procureur prend
6 pour exemple le fait que le général Lazarevic, étant donné qu'il avait
7 séjourné à Pristina, avait des connaissances disant qu'à Pristina, en sus
8 des expulsions, il y a des meurtres de civils albanais de commis. Alors,
9 cette allégation de la part de l'Accusation n'est que pure hypothèse, et
10 cela ne se fonde sur aucun élément de preuve présenté.
11 La totalité des éléments de preuve présentée dans cette affaire
12 montre que le poste de commandement du Corps de Pristina, à compter du
13 début des bombardements, n'a jamais été dans la ville même de Pristina. Le
14 poste de commandement se trouvait à quelques kilomètres à l'extérieur de
15 Pristina, dans un lieu-dit Kisnica, et il est bon nombre d'éléments de
16 preuve à cet effet. Etant donné qu'il n'y avait pas d'effectifs de combat
17 de l'armée de Yougoslavie à Pristina, chose que nous a affirmée et
18 confirmée le témoin de la Défense, M. Filipovic, et il l'a fait avec moult
19 détails.
20 Madame, Messieurs les Juges, c'est pourquoi les allégations de mes
21 éminents confrères et consoeurs de l'Accusation, au niveau de leur appel,
22 qui disent que le général Lazarevic a pu avoir des connaissances de ce type
23 parce qu'il avait séjourné à Pristina à une réunion au mois d'avril, c'est
24 une chose qui est tout à fait absurde. C'est pure conjecture. Si l'on se
25 penche sur les éléments de preuve liés à ladite réunion, vous pouvez voir
26 que la réunion s'est passée tard la nuit. Ça a duré une heure, seulement.
27 Et le général Lazarevic est arrivé à Pristina depuis son poste de
28 commandement à Kisnica, et ce, après minuit, donc à une heure du matin.
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1 Donc, avant le 5 avril, on avait expulsé, déporté, dit-on, quelque 600 000
2 Albanais de Kosovo sur le total de 700 000. Donc, ce n'est que pure
3 hypothèse que d'affirmer que c'est partant d'une réunion la nuit, après
4 minuit, à Pristina, le général Lazarevic avait pu tirer des conclusions au
5 sujet d'expulsions, de transferts et de meurtres de la population.
6 Madame, Messieurs les Juges, je me propose à présent de demander à
7 mon éminent confrère, Me Cepic, de vous parler des points 5 et 6 du mémoire
8 en appel de l'Accusation, pour nous conformer au temps qui nous a été
9 imparti s'agissant de la journée d'aujourd'hui.
10 Grand merci.
11 M. CEPIC : [interprétation] Merci de cette opportunité. Comme vient de me
12 dire mon confrère, M. Bakrac, je vais aborder les points 5 et 6, et je vais
13 me référer à ce que M. Kremer a dit aujourd'hui.
14 C'est de façon détaillée que nous avons répondu au mémoire en appel de
15 l'Accusation que nous avons abordé la question d'expulsion à Urosevac,
16 Zabare et Prizren, Dusanovo. Je ne vais pas me référer à la totalité des
17 allégations présentées, mais je voudrais dire que ce type d'allégations ne
18 correspondent pas à ce que l'Accusation a dit, c'est-à-dire que les Juges
19 de la Chambre de première instance ont, à juste titre, conclu sur le manque
20 d'influence du général Lazarevic concernant les événements sur ce
21 territoire. Pour étayer ceci, il a été présenté bon nombre d'éléments de
22 preuve, des journaux de guerre des brigades et d'unités qui se trouvaient
23 sur ce territoire, des contradictions au niveau des témoignages de témoins
24 de l'Accusation pour ce qui est des localités de Staro -- Sojevo et
25 Misojevo [phon], sur le territoire de la municipalité d'Urosevac.
26 Tout comme pour ce qui est de la localité de Zabrdzje, qui se trouve
27 sur le territoire de la municipalité de Kosovo Mitrovica [phon], je
28 voudrais attirer l'attention des Juges de la Chambre d'appel sur une chose,
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1 à savoir lorsqu'il est question des expulsions et des transferts forcés ou
2 prétendus transferts forcés de Zabrdzje, les témoins mêmes de l'Accusation
3 n'ont fait que confirmer qu'à cet endroit-là se trouvait un hôpital
4 militaire de l'ALK. Et j'ai dit que c'était confirmé par le témoin Mahmut
5 Halimi, pages 4 447 et 4 448, qui a clairement indiqué que c'était une
6 place forte de l'ALK qu'on avait dans ce village. Cela signifie que nous
7 avons pu nous référer à un modèle de comportement qui était évoqué par
8 Bislim Zyrapi, un témoin tout à fait crédible de l'Accusation, qui a dit
9 que ce n'était pas seulement des mouvements de population, mais aussi des
10 mouvements de l'ALK.
11 Je voudrais ajouter quelque chose de plus s'agissant de cette
12 question. Mon éminent confrère, M. Kremer, aujourd'hui, à la page du compte
13 rendu 37, a dit qu'il y a eu de prétendus crimes de commis sur le
14 territoire de la municipalité d'Orahovac, et il a mentionné Celine et
15 Pirane comme localités, 25 mars 1999. Une fois de plus, je me dois de citer
16 le chef d'état-major de l'ALK, page du compte rendu 5 992 :
17 "Dans le secteur partant de Pirane et jusqu'à Gjakova et à la
18 jonction avec Bela Crkva, il y a eu des attaques de lancées très tôt le
19 matin à la date du 25 mars. Il y a eu des activités de combat de menées. Et
20 je voudrais mentionner ce qui suit : après l'attaque à l'artillerie, nous
21 avons demandé à la population de ce secteur de s'en aller pour des raisons
22 de sécurité. Les effectifs de l'ALK, avec la population, ont commencé donc
23 à se retirer".
24 Ce qui signifie que pour ce qui est de ce témoignage, cela, corroboré
25 avec d'autres témoignages directs, il est évident qu'à cet endroit et à
26 l'époque il y a eu des activités de combats très importantes entre la VJ et
27 le MUP d'un côté, et l'ALK de l'autre côté.
28 Je voudrais également attirer votre attention sur un autre secteur
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1 qui se trouve à l'extérieur ou hors ce qui a été convenu d'appeler la base
2 de crime, il n'y a aucun élément de preuve, aucune allégation pour ce qui
3 est des prétendues expulsions et des prétendus transferts forcés. Par
4 exemple, à côté du village de Nogavac, qui se trouve à quelques centaines
5 de mètres de Celine, ça a été attaqué par des bombes de l'OTAN le 2 avril
6 1999, et la Chambre de première instance a constaté qu'il n'y a pas eu de
7 crime de commis au sujet de ce site-là. C'est le même secteur, ou presque
8 le même secteur, et la même période de temps, mais des raisons tout à fait
9 différentes pour ce qui est des déplacements de population survenus.
10 L'Accusation dans son mémoire en appel a indiqué que les effectifs de la VJ
11 ont prétendument commis des crimes dans la banlieue de Prizren qui
12 s'appelle Dusanovo. L'un des témoins de l'Accusation a déposé pour dire que
13 le 28 mars 1999, il y a eu quelque 50 chars et des unités militaires de la
14 VJ qui étaient présents. Le matin, mon éminent confrère, M. Kremer, nous a
15 expliqué que cette unité de la VJ, de la 449e Brigade se trouvait dans le
16 secteur d'Orahovac. C'était la seule unité de combat qui se trouvait dans
17 ce secteur. Donc, il n'est pas possible que cette unité puisse se trouver à
18 deux endroits différents en même temps.
19 Et cette brigade a également fait un rapport à la date du 30 mars,
20 qui est la pièce P195, pour décrire clairement les positions et les
21 mouvements des unités de la VJ.
22 Je voudrais vous présenter des éléments de preuve qui ont été recueillis à
23 quelques rues à peine de ce secteur de Dusanovo, dans la ville de Prizren,
24 en avril 1999.
25 Je demanderais à mon assistant de nous montrer le 5D1374, s'il vous
26 plaît. Avec le son, s'il vous plaît.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 M. CEPIC : [interprétation] Ce clip vidéo dure quelque quatre minutes au
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1 total. Je vais demander à mon assistant de nous passer juste quelques
2 extraits. Ce clip vidéo montre la destruction des bâtiments. Vous pouvez
3 voir des civils, des civils albanais.
4 L'INTERPRÈTE : La cabine française précise que nous n'entendons pas Me
5 Cepic du fait du son de la vidéo.
6 M. CEPIC : [interprétation] Ce sont des unités de la protection civile qui
7 interviennent ici.
8 Grand merci.
9 La question qui est raisonnable, c'est de savoir qui est-ce qui a pu rester
10 dans ce secteur après ces destructions ? Soit juste un peu avant ou après.
11 Et pour ce qui est de la peine recommandée par l'Accusation
12 concernant le général Lazarevic, ça se trouve tout à fait dénué de
13 fondement. La requête n'a pas été étayée par des explications claires. Ce
14 jugement de 15 ans de prison pour avoir aidé et encouragé se trouve être
15 par trop élevé. La Défense affirme que l'on peut voir que dans l'occurrence
16 la Chambre de première instance n'a pas pris en considération les
17 événements pertinents des pièces à conviction présentées, en particulier le
18 fait que le général Lazarevic a été le premier à répondre aux demandes
19 d'entretien en sa qualité d'accusé. Le général Lazarevic a également été
20 l'une des personnes qui a témoigné devant les Juges de la Chambre de
21 première instance, même avant que ne comparaisse l'un quelconque des
22 témoins de la Défense. Alors il y a bon nombre d'éléments de preuve qui
23 montrent de façon claire l'intention et les activités déployées par le
24 général Lazarevic aux fins d'apporter de l'aide humanitaire à l'intention
25 de civils en difficulté, en difficulté du fait de cette grave période de
26 guerre.
27 Nous avons expliqué ceci pour illustrer une situation où la requête
28 présentée à cet effet par l'Accusation se trouve être tout à fait dénuée de
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1 fondement.
2 Pour toutes ces raisons, nous demandons de la part de cette éminente
3 Chambre d'appel de rejeter la teneur du recours en appel fait, présenté par
4 l'Accusation.
5 Et je voudrais procéder à un rectificatif. A la page 70, ligne 16, il
6 fallait entendre "destruction" et non pas "distortion".
7 Merci beaucoup, Madame, Messieurs les Juges, pour votre attention.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Il me semble
9 qu'il reste une question que j'aimerais poser. J'aimerais demander des
10 éclaircissements au sujet de la position que vous avez avancée. D'après la
11 façon dont vous comprenez le jugement prononcé, quel est le type de critère
12 légal que la Chambre de première instance aurait dû mettre en place pour ce
13 qui est du qualificatif d'aide et encouragement ? Je veux dire par là que
14 la Chambre de première instance se serait référée au meilleur des critères
15 ou pas ?
16 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
17 Juges, avec tout le respect qui leur est dû, nous estimons que les Juges de
18 la Chambre de première instance n'ont pas eu recours à ces critères de
19 visée précisément, et c'est la raison pour laquelle le général Lazarevic
20 s'est vu condamner à une peine liée à l'aide et encouragement pour ce qui
21 est des expulsions et transferts forcés. Nous estimons que du fait d'un
22 recours à des normes moins sévères, on n'a pas satisfait aux critères du
23 mens rea et de l'actus reus il n'y aurait pas eu condamnation du général
24 Lazarevic à ce titre.
25 Ce que nous voulions indiquer est que si on avait fait recours à des
26 normes de ce qui est entendu par le visée précisément, il aurait été plus
27 évident encore que la peine prononcée à l'égard du général Lazarevic était
28 tout à fait inadéquate.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.
2 M. BAKRAC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que par la suite nous allons
5 ensuite demander les positions et la façon de comprendre tout ceci à
6 l'Accusation pour ce qui est de ce sujet-là.
7 Je pense que c'est tout pour ce qui est des questions. Donc j'aimerais que
8 nous entendions maintenant le conseil de Me Lukic à présent.
9 M. IVETIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vous remercie
10 pour m'avoir donné l'occasion de pouvoir aborder la parole eu égard à
11 l'appel interjeté par l'Accusation au nom de M. Lukic. Je souhaite vous
12 dire dès le départ s'il y a quelque chose que nous avons évoqué dans notre
13 mémoire en réponse que nous n'allons pas vous présenter aujourd'hui
14 oralement, cela signifie que nous ne retirons aucun des arguments qui
15 figurent dans ce mémoire. Nous souhaitons mettre en exergue certains points
16 dans le temps que vous nous avez imparti, Madame, Messieurs les Juges.
17 Je souhaite commencer par faire remarquer que l'Accusation dans son appel
18 au niveau de chaque moyen essentiellement recherche simplement différents
19 moyens pour obtenir une augmentation de l'appel qui, à l'origine, avait été
20 demandé par l'Accusation lors du procès et qui a été imposé à M. Lukic par
21 la Chambre de première instance.
22 Comme vous l'avez entendu dire de la part de nos équipes de la Défense
23 hier, l'imposition de la peine à notre client, à savoir une peine de 22 ans
24 d'emprisonnement est une peine qui est manifestement injuste et qui est une
25 erreur pour de multiples raisons, la raison essentielle étant qu'il s'agit
26 d'une analyse inadéquate des circonstances atténuantes et des éléments de
27 preuve à l'appui. Je ne vais pas les aborder aujourd'hui, mais je vais vous
28 demander d'en tenir compte lorsque vous analyseriez l'appel interjeté par
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1 l'Accusation.
2 Je dois également faire remarquer que cet appel interjeté par
3 l'Accusation viole des droits fondamentaux, tels que l'équité et les
4 principes les plus fondamentaux. Une partie ne peut pas interjeter appel
5 par rapport à ses propres erreurs. L'Accusation a entendu la peine qui a
6 été prononcée, et ce, dans les limites de ce qu'elle avait demandé et
7 devrait être interdite selon la doctrine de l'estoppel et de la forclusion
8 demander une peine plus importante. En recherchant une peine d'au moins 20
9 ans à la fin de la présentation de ses moyens à charge, l'Accusation avait
10 à l'esprit à ce moment-là tous les critères de preuve ainsi que l'ensemble
11 des éléments de preuve, et ainsi, la peine que l'Accusation a demandée à ce
12 moment-là était une peine qui, aux yeux de l'Accusation, était adéquate en
13 vertu du critère de la preuve et des éléments de preuve. Ainsi, Madame,
14 Messieurs les Juges, je fais valoir qu'indépendamment de savoir si oui ou
15 non la Chambre de première instance a commis des erreurs ou non par rapport
16 à ces critères de la preuve dans le cadre de l'entreprise criminelle
17 commune numéro III, indépendamment des autres moyens d'appel que
18 l'Accusation a soulevés lors de cet appel, l'Accusation ne peut pas
19 prétendre que ces erreurs justifient une augmentation de la peine, étant
20 donné que c'est eux, que c'est l'Accusation qui était au courant des
21 critères en général adéquats et appliqués et était au courant, avait
22 connaissance des éléments de preuve et avait demandé une peine de pas moins
23 de 20 ans. Et même a obtenu davantage, puisque la peine prononcée était de
24 22 ans.
25 L'Accusation n'a pas cité une quelconque source juridique qui les
26 autorise après avoir fait valoir leurs arguments pendant le procès et de
27 demander maintenant à pouvoir rajouter et avoir la permission de mordre
28 dans la pomme une deuxième fois, et dire qu'il s'agit encore d'une erreur,
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1 mais en fait il s'agit de l'erreur de l'Accusation et non pas une erreur
2 commise par la Chambre de première instance lorsqu'elle a imposé la peine.
3 Et donc ceci nous porte à croire que l'appel marche sur la tête.
4 La demande de l'Accusation demandait une peine en vertu des éléments
5 quantitatifs et qualitatifs et devrait être assimilable -- de la
6 rétribution sans retenue, qui serait contraire au principe de prononcé de
7 la peine devant ce Tribunal. Il faut rappeler que cela constitue une partie
8 intégrante du principe de la rétribution et la retenue qui exigent qu'une
9 approche soit juste et équilibrée en se fondant sur la culpabilité d'un
10 accusé individuel. La Chambre d'appel a déclaré que la rétribution doit
11 être accordée au moment du prononcé de la peine, arrêt Aleksovski,
12 paragraphe 185.
13 Il est clair d'après la jurisprudence de ce Tribunal que la
14 dissuasion et la rétribution ne peuvent pas justifier que l'on s'écarte des
15 principes fondamentaux qu'un individu peut être puni simplement sur la base
16 de ses écarts de conduite. Paragraphe 64, arrêt Nikolic.
17 Si on applique, par conséquent, les principes d'imposition de la
18 peine, les limites de la peine sont nécessairement fixées par des
19 appréciations antérieures sur la gravité des crimes dont il est tenu compte
20 et le comportement de l'accusé. L'Accusation ne souhaite se concentrer que
21 sur la gravité de l'infraction ou du crime pour lesquels la Chambre de
22 première instance a déclaré M. Lukic coupable, et nous estimons que la
23 Chambre s'est trompée, mais l'Accusation ne souhaite que se concentrer là-
24 dessus sans appliquer la deuxième partie ou le deuxième volet du critère, à
25 savoir une analyse du rôle dans sa totalité de l'accusé ou de son non-rôle.
26 A cet égard, il faut insister sur le fait qu'en vertu d'une
27 jurisprudence antérieure de l'Accusation, la gradation de l'infraction dans
28 le cadre de l'entreprise criminelle commune sont possibles et doivent être
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1 illustrés par les peines qui sont imposées. Il s'agit d'une constatation
2 faite par la Chambre de première instance dans son jugement au paragraphe
3 886 dans l'affaire Krajisnik.
4 J'implore les membres de cette Chambre d'appel de rejeter les appels de
5 l'Accusation qui demande à ce qu'une peine plus lourde soit imposée
6 indépendamment de l'issue de cet appel.
7 Je souhaite maintenant parler des arguments présentés par mes
8 collègues de l'Accusation. Nous avons entendu des arguments sur la question
9 des violences sexuelles et le fait que l'Accusation affirme que ceci était
10 prévisible en vertu de critère de possibilité dans le cadre de l'entreprise
11 criminelle commune étant donné que les forces armées chargées de la
12 sécurité des soldats étaient là au moment des frappes aériennes de l'OTAN.
13 La Chambre d'appel dans Karadzic a déclaré qu'il est important de
14 noter que le terme de "possibilité ou critère de possibilité" peut être
15 satisfait par des scénarios improbables et éloignés puisque, fondé sur un
16 ensemble de probabilité. L'entreprise criminelle commune numéro III dans ce
17 cadre, le critère de l'élément moral n'exige pas que l'on comprenne qu'un
18 crime est susceptible d'être commis; cependant, il exige que la possibilité
19 qu'un crime soit commis est suffisamment importante et doit être prévisible
20 aux yeux d'un accusé. Paragraphe 18 de la décision Karadzic qui constitue
21 le fondement de l'appel de l'Accusation.
22 Par conséquent, Madame, Messieurs les Juges, l'analyse adéquate se
23 concentre sur ce qui était prévisible et ce que l'accusé connaissait de
24 façon importante et en fonction des faits en vertu desquels il agissait à
25 l'époque. Donc il faut regarder les faits et non pas la manière dont
26 l'Accusation caractérise ces derniers.
27 Il est important de faire remarquer que même si l'Accusation ne
28 prétend plus que les éléments de preuve qu'ils ont avancés démontrent qu'il
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1 y a eu avertissement à M. Lukic, néanmoins, il faudrait que vous regardiez
2 ces éléments de preuve, car ces éléments de preuve ont été cités par
3 l'Accusation et portent sur des actes opportunistes isolés, et non pas sur
4 ce que avance maintenant l'Accusation. Et dans ce contexte et en présence
5 de ces faits, à savoir que ces crimes étaient prévisibles, est quelque
6 chose qui n'est pas suffisamment important, et ne permet pas d'établir une
7 déclaration de culpabilité à l'encontre de M. Lukic.
8 A titre d'exemple, l'Accusation se fonde sur des éléments de preuve
9 concernant des crimes individuels d'agression sexuelle qui n'ont pas été
10 présentés, et qui ne se sont pas produits, comme il a été démontré, lors
11 d'actions conjointes de la VJ et du MUP, il s'agissait plutôt d'actes
12 individuels de crime qui ont fait l'objet d'enquête et qui ont été rendus
13 public par les agents chargés de faire respecter la loi, par la police, et
14 la police militaire.
15 Je vous demande et je vous exhorte à regarder ces cas-là.
16 Lorsqu'il y a eu des cas d'agression sexuelle opportunistes et
17 individuels dans le cadre d'un conflit armé et lorsque les auteurs de ces
18 derniers sont arrêtés et sont poursuivis et traduits en justice soit par la
19 police militaire soit par la police civile de l'état, qu'est-ce qu'un
20 représentant officiel de l'état, en l'occurrence M. Lukic, aurait pu faire
21 ? Qu'est-ce qu'il aurait pu faire d'autre ? Je dois attirer votre attention
22 encore une fois sur le manque de toute autorité disciplinaire dont
23 disposait Lukic. Il était à la tête de l'état-major du MUP, à ce poste-là.
24 Hier, l'Accusation a laissé entendre qu'il pouvait provoquer indirectement
25 ou faire en sorte que des chefs du SUP pouvaient prendre des mesures
26 disciplinaires. Une citation à propos des éléments de preuve, ce qu'a dit
27 un chef du SUP et un témoin de l'Accusation, M. Cvetic. Ce qu'ils ont dit,
28 à la page du compte rendu d'audience 2152 [comme interprété] et 2153 [comme
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1 interprété], le SUP ne pouvait poursuivre sur les mesures disciplinaires
2 que s'ils avaient disposé du consentement de la police à Belgrade. L'état-
3 major du MUP n'avait pas son mot à dire dans cette procédure.
4 Donc, Madame, Messieurs les Juges, Lukic n'avait aucune autorité
5 disciplinaire s'agissant des mesures disciplinaires contre les membres du
6 MUP. Il n'a absolument pas été averti des agressions sexuelles et encore
7 moins des crimes commis par des membres du MUP. Et sur quoi peut-on se
8 fonder en matière de droit en matière d'équité pour sa responsabilité s'il
9 doit être puni pour ces crimes.
10 Est-ce qu'il faut maintenant établir un critère de la responsabilité
11 sans faute qui tiendrait responsable quelqu'un qui occupe le poste d'un
12 représentant officiel d'un Etat, coupable de viol, sans avoir été averti
13 par avance de telles choses, simplement parce qu'il y a état de guerre et
14 qu'il y a état de chaos, et qu'il y a guerre, quelque chose qu'il n'a pas
15 demandé. D'après nous, ceci est trop éloigné. Nous faisons valoir que
16 l'Accusation demande à ce que ce critère soit trop dilué au-delà de ce qui
17 a été établi par la jurisprudence de ce Tribunal, et nous avançons que la
18 présomption de culpabilité n'est pas autorisé en matière pénale. Nous vous
19 demandons, par conséquent, de rejeter cette partie de l'appel de
20 l'Accusation.
21 L'Accusation, au paragraphe 53 de sa réplique et au paragraphe où se
22 trouve le moyen d'appel numéro 4, déclare que Lukic était au courant des
23 crimes commis en 1998, ainsi que des crimes et des expulsions des Albanais
24 du Kosovo en 1999, étant donné qu'il occupait le poste de chef au niveau du
25 MUP. Ce qui découle de cet argument sur le fait que Lukic était chef est la
26 présomption qui indique que Lukic disposait d'informations sur des actions
27 et des crimes de façon à pouvoir avoir une connaissance importante et qui
28 lui permettait de prévoir que des agressions sexuelles puissent
Page 653
1 éventuellement être commises. Paragraphe 68 du mémoire en appel de
2 l'Accusation.
3 Nous avons analysé dans notre mémoire en appel le manque de rapport
4 fourni concernant les actions antiterroristes, et le manque d'information
5 après le début des frappes de l'OTAN, et d'autres éléments concernant la
6 capacité et l'incapacité de Lukic concernant les informations sur le
7 terrain. Quelque chose qui se trouve à 641 à 683, tout à fait instructif,
8 me semble-t-il, en ce qui concerne cette analyse. Il s'agit de notre
9 mémoire en appel.
10 L'Accusation dans ce moyen tente de se reposer sur une information
11 qui découlant de réunions des soi-disant commandements conjoints, et d'en
12 tirer des conclusions inadéquates pour illustrer la connaissance qu'aurait
13 eue Lukic sur des crimes. Cependant, si vous regardez ce qu'ils citent, par
14 exemple au Volume III, paragraphes 1 080 et 1 081, ce qui est abordé lors
15 de ces réunions, il s'agit en réalité d'informations qui n'ont pas été
16 vérifiées et qui provenaient de différentes sources, de rumeurs de crimes,
17 crimes qui n'avaient pas encore été confirmés sur un plan juridique, à
18 savoir que le bureau du Procureur qui avait compétence n'avait pas mené
19 d'enquête encore dans le sujet. Mais d'après le dossier, les autorités ont
20 suivi de façon diligente une enquête et disposaient d'informations non
21 vérifiées d'après la loi. Je vais vous demander de vous reporter au P948,
22 P159; 613, 6D1631, paragraphes 27 à 31, 60 et 93.
23 L'interprétation erronée des éléments de preuve de la part de
24 l'Accusation se poursuit au paragraphe 70 où, encore une fois, il est
25 affirmé que Lukic était bien informé des crimes rapportés lors de réunions,
26 que ces crimes ont été abordés. Et si vous regardez ces paragraphes de ce
27 jugement, ainsi que les éléments de preuve sous-jacents, indiquent qu'aucun
28 crime n'a été discuté lors de ces réunions. Effectivement, aux paragraphes
Page 654
1 1 079 et 1781 [comme interprété] cités dans ce paragraphe, ne mentionnent
2 aucunement les crimes.
3 Les références qui évoquent Sainovic, Volume III, 442, 463 ne
4 démontrent des discussions qui ne portent que sur la catastrophe
5 humanitaire provoquée par les bombardements de l'OTAN. Les mêmes types
6 d'analyses jettent la clarté sur le paragraphe 72, ces paragraphes cités
7 indiquent qu'aucun crime confirmé n'a été abordé. Ce dont on parle, c'est
8 une discipline des forces pour éviter qu'il y ait des violations de cessez-
9 le-feu, et pouvoir contenir la question de la crise de réfugiés.
10 Ensuite au point 1 468, et en particulier, il s'agit d'une réunion à
11 la page 37, et ceci indique la même chose, autrement dit une interprétation
12 erronée de la part de l'Accusation des éléments de preuve. Alors, si nous
13 regardons cette entrée dans la partie qui nous intéresse, je cite, "M.
14 Gajo" à propos duquel les éléments de preuve indiquent qu'il s'agit de M.
15 Gajic qui était le coordinateur en chef des questions de la sécurité au
16 Kosovo, est l'auteur de ce document, atteste de cela dans son carnet,
17 26370, voici l'entrée que l'Accusation et la Chambre de première instance -
18 - que l'Accusation souhaite mettre en exergue dans son appel.
19 "Une enquête de six personnes a été diligentée. Trois à Malisevo, une
20 donne une déclaration en indiquant qu'il a commis un meurtre et des viols
21 et trois nouvelles personnes."
22 Pour bien comprendre cette référence, il faut comprendre, Madame,
23 Messieurs les Juges, que Malisevo était un territoire contrôlé par ALK en
24 1998, et avait été déclaré capitale de territoire contrôlé par l'ALK.
25 Quelque chose qu'atteste le 3D194 ainsi que la déposition de Bislim Zyrapi
26 de l'ALK, 6 852 du compte rendu d'audience.
27 Gajic contrôlait cela, cela faisait partie de son mandat. Déposition, page
28 26 430. Madame, Messieurs les Juges, et donc l'Accusation souhaite indiquer
Page 655
1 que Lukic avait connaissance des crimes, mais les crimes de 1998, en fait,
2 portent sur les crimes commis par l'ALK et les auteurs de l'ALK qui ont été
3 emmenés en détention par les services de Sûreté de l'Etat.
4 D'autres exemples plus frappants se trouvent au paragraphe 72 des
5 paragraphes du jugement de première instance, et l'Accusation cite certains
6 de ces paragraphes à l'appui de sa thèse. Je vais en aborder quelques-uns.
7 Le paragraphe 1 082 du Volume III. C'est la déposition de Shaun Byrnes, qui
8 parle de violents combats entre les forces serbes et l'ALK à Kijevo, et il
9 n'y a aucune allégation concernant des crimes, parce qu'en réalité, quelle
10 était la raison pour laquelle les maisons ont été incendiées, cela a été
11 confirmé hier :
12 "Je n'ai pas vu un seul officier des forces de police spéciale eut
13 tiré sur sa gâchette. Je n'ai pas vu un seul officier des unités spéciales
14 de la police mettre le feu à une maison".
15 Ce qu'ignore l'Accusation, c'est qu'il y avait un combat entre les
16 forces de l'ALK et les forces de l'Etat.
17 Volume III, paragraphe 101 [comme interprété], lorsqu'on parle de
18 Shaun Byrnes. Les incidents en question doivent être passés dans le
19 contexte d'autres éléments de preuve qui comprennent le fait qu'il s'agit
20 d'une opération humanitaire où les gens étaient ramenés en autocars chez
21 eux, et sa responsabilité est confirmée maintenant parce que ces gens ont
22 été contraints à rentrer chez eux ? Donc, confirmation de la déposition de
23 Shaun Byrnes, les éléments de preuve que reçoit la Chambre de première
24 instance et qui concluent au Volume I, au numéro 881, que dans ce secteur,
25 il y "avait des opérations de combat significatives". Fin de situation.
26 Donc, il y avait des terroristes et non pas des civils qui auraient été
27 l'objet de ces incidents, et c'est quelque chose dont il faut tenir compte,
28 si vous voulez parvenir à un jugement sûr et solide.
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1 Volume III, 1 120, constatant que Lukic était au courant des crimes
2 qui étaient commis en 1998 par différentes forces, y compris la PJP et le
3 SAJ qui étaient sous son contrôle au Kosovo. L'Accusation se repose sur
4 ceci ainsi que sur d'autres éléments sous-jacents pour présenter son appel.
5 La Chambre a fait référence aux éléments de preuve suivants : la
6 déclaration d'Adamovic, il s'agit du document 6D1613; le compte rendu de la
7 réunion de l'état-major du MUP, de la réunion du 4 avril 1999, pièce P1989;
8 ainsi qu'un mémorandum de l'état-major, pièce 6874 [comme interprété].
9 Bien que cette conclusion porte sur l'année 1998, la Chambre a fait
10 référence à des éléments de preuve qui remontent à l'année 1999. Il faut
11 savoir, en fait, que les paragraphes cités dans la déclaration de M.
12 Adamovic, et d'ailleurs toute la déclaration, ne font aucune référence à
13 des crimes commis par les forces serbes ou le MUP en 1998. Au paragraphe 1
14 005, qui fait l'objet de la pièce 6D874, il faut savoir que ce document a
15 été signé non pas par Sreten Lukic mais par Dragan Ilic.
16 Par conséquent, la position ou le point de vue de la Chambre est
17 indéfendable, tout comme l'appel de l'Accusation, d'ailleurs. Parce qu'en
18 fait, il exigerait de la part de M. Lukic qu'il ait une connaissance de
19 documents qu'il n'a même pas rédigés, qui ne lui ont pas été montrés.
20 Il n'y a pas d'ordres, il n'y a pas d'éléments de preuve relatifs aux
21 ordres, il n'y a aucun indice d'aucun ordre donné par M. Lukic qui ont été
22 présentés en première instance. Pour ce qui est du mémorandum de l'état-
23 major du MUP qui date du 4 avril 1999, ni ce document ni les propos tenus
24 par M. Lukic ne sont mentionnés ou ne portent sur des crimes commis par les
25 forces de l'Etat en 1998. Il faut tout simplement savoir que les faits
26 indiqués n'étaient absolument pas l'appel de l'Accusation eu égard à la
27 prévisibilité, et son moyen d'appel devrait donc être rejeté.
28 J'aimerais maintenant aborder la question des circonstances
Page 657
1 aggravantes présentées par l'Accusation pour justifier une peine plus
2 importante. Dans leur mémoire au paragraphe 181, et aujourd'hui, à nouveau,
3 ils ont avancé que Sreten Lukic était de facto le commandant de tout le MUP
4 au Kosovo. Ils le considèrent comme un élément essentiel de l'entreprise
5 criminelle commune pour avancer cette position de commandant de facto, et
6 je comprends leur septième moyen d'appel comme demandant à ce que ce rôle
7 de commandant supérieur soit considéré comme une circonstance aggravante
8 pour déterminer la peine.
9 Ils énumèrent une liste qui, d'après eux, indique qu'il était
10 commandant de facto. Vous avez, dans un premier temps, le rôle joué par
11 Sreten Lukic lors du désarmement de la population albanaise, paragraphe 183
12 de leur mémoire en appel. Je pense que nous avons eu des explications hier,
13 et cela a montré à quel point leur argument est déplacé, parce que le rôle
14 joué par Lukic était un rôle vis-à-vis de la communauté internationale,
15 vis-à-vis des autorités serbes pour pouvoir suivre la trace des redditions
16 volontaires d'armes conformément au droit.
17 Ils allèguent également que Lukic a joué un rôle central lors de la
18 coordination de l'échange d'information entre le QG du MUP de Belgrade et
19 le MUP du Kosovo. Paragraphe 184 de leur appel.
20 Et nous l'avons vu hier, comment les SUP envoyaient leur rapport
21 directement à Belgrade, et ce n'est qu'en parallèle qu'ils envoyaient ces
22 rapports à l'état-major sur le terrain. Nous vous avons montré que le chef
23 de l'administration de la police et le commandant de toutes les PJP, à
24 savoir Obrad Stevanovic, qui était son supérieur, se trouvait donc dans une
25 position supérieure au MUP par rapport à Lukic, et était sur le terrain au
26 Kosovo en 1999. Donc, il ne pouvait pas le remplacer. Et le jugement,
27 d'ailleurs, a confirmé qu'il ne pouvait pas substituer ou modifier la
28 hiérarchie du MUP lorsqu'il a été nommé chef de l'état-major.
Page 658
1 Vous avez également fait participation lors de réunions, paragraphe
2 182 de leur appel.
3 Pour ce qui est de cette participation, je pense que nous avons
4 réfuté ces arguments présentés hier. Et je pense que nous avons également
5 le paragraphe 185, qui est leur quatrième moyen d'appel. Il s'agit de la
6 participation directe de Lukic lors de la planification. Nous en avons
7 parlé également et, effectivement, la Chambre de première instance a conclu
8 que Lukic n'avait pas joué de rôle lors de la préparation du plan global
9 destiné à supprimer le terrorisme.
10 Ce que nous avançons également, c'est comment est-ce que Sreten Lukic
11 aurait pu être considéré comme commandant de facto du MUP si ce que je vais
12 déclarer est véritable.
13 Dans un premier temps, vous avez la capacité à exercer le contrôle
14 effectif. Il s'agit, donc, du pouvoir, du réel pouvoir dont disposait un
15 individu pour prévenir ou punir. Cela a été identifié par la Chambre
16 d'appel comme étant la condition minima pour pouvoir déterminer la
17 responsabilité du supérieur hiérarchique. Paragraphe 59 de l'appel
18 Halilovic. Il faut savoir que lorsque vous avez un "officier de police qui
19 peut être à même 'de prévenir et de punir' des crimes qui se déroulent sur
20 son territoire, cela ne signifie pas pour autant qu'il peut diligenter quoi
21 que ce soit contre un auteur de crimes se trouvant sur ton territoire."
22 Il est évident que Sreten Lukic n'avait pas cette capacité à prévenir
23 ou à punir au sens du commandement supérieur, et il est clair que
24 l'Accusation souhaite affirmer cela, affirmer que si Lukic avait présenté
25 des rapports sur les efforts qui étaient faits dans le domaine de la
26 prévention des crimes, il avait également le contrôle des unités, parce
27 qu'il les dirigeaient.
28 Nous avons évoqué le manque de pouvoirs disciplinaires de Lukic hier
Page 659
1 et aujourd'hui. J'ajouterais tout simplement à cela le fait que Lukic ne
2 pouvait ni mener ni remplacer quiconque au sein du MUP. Cela était valable
3 également pour les membres de son propre état-major, et j'en veux pour
4 preuve les documents suivants : 1D1045 [comme interprété], 6D1047, 6D1049,
5 6D1050, 6D1052, et même la pièce P1884, P1886 et P1885.
6 Lukic ne pouvait affecter personne et il ne pouvait demander la
7 promotion de personne au sein du MUP. 6D1344 et 6D1348 qui corroborent
8 cela.
9 De plus, Lukic ne pouvait prendre aucune décision en matière de
10 déploiement des unités des PJP au Kosovo. Les documents 6D271, 6D287 et
11 6D291 le démontrent, entre autres documents.
12 Il est évident que conformément aux critères déterminés dans l'ordre
13 de l'appel Halilovic, indépendamment du critère utilisé dans Brdjanin ou
14 dans Karadzic, de par le rôle d'un dirigeant, on ne peut pas indiqué ou
15 invoqué des circonstances aggravantes et le considérer comme responsable
16 pour agression sexuelle. Lorsque vous évaluerez la totalité des éléments de
17 preuve en vertu des critères appropriés, nous voyons et vous verrez que
18 Lukic a apporté une contribution considérable lors de l'enquête de crime et
19 non pas lors de la commission de ces crimes. Mais nous vous demandons de
20 réfuter cet appel de l'Accusation.
21 Je voudrais juste indiquer et revenir sur quelque chose qui a été évoqué à
22 propos des personnes qui ont été expulsées de Pristina, Pec, Djakovica, et
23 d'autres villes au Kosovo, parce que l'Accusation a souhaité faire fi et
24 méconnaître complètement le rôle de l'ALK ainsi que le rôle de l'OTAN. Et
25 ils ont choisi d'ignorer comment ces deux protagonistes ont échappé au
26 contrôle de Sreten Lukic et comment ils ont bel et bien eu des conséquences
27 sur le départ des civils quelle que soit leur appartenance ethnique au
28 Kosovo, d'ailleurs.
Page 660
1 Et j'aimerais maintenant que nous passions brièvement à huis clos partiel
2 pour aborder certains des documents au titre de l'article 70 et des sources
3 protégées par l'article 70.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Huis clos partiel.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]
6 [Audience à huis clos partiel]
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 [Audience publique]
19 M. IVETIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous avons un
20 document qui nous donne des éléments de preuve et il s'agit d'une source
21 protégée au titre de l'article 70. En fonction de ce document, à Pristina
22 la population civile a choisi de quitter la ville après et du fait des
23 frappes aériennes pendant la journée à Pristina. Donc ce n'est pas Sreten
24 Lukic qui était coupable de ces actions de l'OTAN. Le document 6D1638 fait
25 référence au fait que l'état-major général de l'ALK indique que ces unités
26 sont en train de livrer bataille à l'intérieur des villes de Pec et de
27 Djakovica et essaient d'investir ces villes. Le document 6D2636 [comme
28 interprété] confirme, et cela est confirmé par l'ALK, qu'ils sont entrés
Page 661
1 dans le centre de la ville de Pec et qui sont en train de livrer bataille
2 pour avoir le contrôle de Pec. Document 6D1637 fait également état de
3 combats féroces à Pec entre l'ALK et les forces publiques et fait également
4 état de la présence de l'ALK lors de combats dans les zones de Reka. Donc
5 je vous pose la question : est-ce que Lukic est censé être coupable des
6 actions de l'ALK ?
7 Ces documents et d'autres donnent d'autres raisons qui expliquent
8 pourquoi ces personnes ont quitté leurs foyers et pourquoi elles se sont
9 enfuies.
10 Et je pense que ces autres éléments de preuve devraient être pris en
11 considération lorsque vous analyserez l'appel de l'Accusation. Nous vous
12 demandons d'avoir l'amabilité de bien vouloir prendre en considération la
13 totalité des éléments de preuve, et nous vous demandons de repousser
14 l'appel de l'Accusation dans sa globalité.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
16 Maître Ackerman.
17 M. ACKERMAN : [interprétation] Je me demandais si je pourrais avoir une
18 minute, car j'ai fait une recherche de citation, j'ai fini par la trouver.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous en prie.
20 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est quelque chose dont je me souvenais qui
21 date d'il y a bien longtemps et j'ai eu quelques problèmes à retrouver
22 cela. Il s'agit d'une décision prise lors du premier appel, l'appel
23 Erdemovic, pour ce qui était de la détermination de la peine. Page 124,
24 page 14, et voilà ce que la Chambre d'appel a indiqué :
25 "Un appel au Tribunal international n'est pas conçu pour permettre aux
26 parties de remédier à leurs propres fautes ou à leurs propres omissions
27 lors du procès en première instance ou lors de la détermination de la
28 peine."
Page 662
1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
2 Je pense que le moment est venu de faire une pause. Nous allons avoir
3 une pause d'une demi-heure, et nous reprendrons à 15 heures 15.
4 --- L'audience est suspendue à 14 heures 43.
5 --- L'audience est reprise à 15 heures 15.
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
7 M. PETROVIC : [interprétation] Avec votre autorisation, je souhaite
8 informer les Juges de la Chambre d'appel que mon confrère s'est senti mal
9 et il a dû quitter le prétoire pour le reste de la journée, donc je serai
10 le seul conseil représentant les intérêts de M. Sainovic pour aujourd'hui.
11 Merci.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Nous lui
13 souhaitons tous et toutes un prompt rétablissement.
14 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le
15 Président.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Alors les Juges de la Chambre souhaitent
17 entendre maintenant la réplique de l'Accusation, s'il vous plaît.
18 M. MILANINIA : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
19 Juges. Je souhaite vous fournir en fait une feuille de route de notre
20 réplique. Je vais d'abord aborder le deuxième moyen d'appel de notre appel,
21 et également je vais répondre à la question de M. le Juge Liu. Et après
22 moi, Mme Jarvis va ensuite fournir une réplique concernant les réponses
23 relatives aux moyens numéro 3 et 4 de notre appel. Et ensuite M. Kremer va
24 conclure en abordant les réponses aux moyens d'appel 1 à 6 de notre appel
25 et répondra également à la question posée à Mme Jarvis, la question des
26 bombardements de l'OTAN, ainsi que le nombre d'individus qui ont fui le
27 Kosovo.
28 Madame, Messieurs les Juges, pour commencer, tout d'abord, je vais aborder
Page 663
1 la question posée par M. le Juge Liu. La Chambre de première instance n'a
2 pas appliqué de façon explicite la notion de visée précisément parce qu'il
3 ne s'agissait pas d'une condition requise avant l'arrêt Perisic, comme cela
4 a été expliqué mercredi par M. Marcussen. Madame, Messieurs les Juges,
5 pages du compte rendu d'audience 439 à 461. Cependant, même si vous estimez
6 que la notion de visée précisément est une condition requise, nous faisons
7 valoir que cela a été établi de façon implicite par la Chambre de première
8 instance en l'espèce. Comme M. Marcussen a indiqué, le général Lazarevic
9 était un complice proche. Confer pages du compte rendu d'audience 461 à
10 470. Il était sur le terrain au Kosovo au moment où les crimes ont été
11 commis, et il commandait les forces qui ont participé à ces crimes. Son
12 rôle, Madame, Messieurs les Juges, est comparable à celui de Krstic,
13 Brdjanin, Simic, et que la Chambre d'appel dans l'affaire Perisic a
14 considéré comme étant des complices proches. Note en bas de page numéro
15 100, paragraphe 38.
16 Mercredi, nous vous avons démontré que le général Lazarevic a contribué de
17 façon précise à des opérations qui n'ont jamais pu être interprétées comme
18 étant des actes de guerre légitimes, en particulier à l'égard de
19 l'opération dans la vallée de la Reka. D'après les faits en l'espèce, il
20 est implicite que les actes du général Lazarevic visaient spécifiquement à
21 faciliter les crimes d'expulsion, de transfert forcé, de meurtre, tels
22 qu'expliqués dans nos arguments mercredi et un peu plus tôt aujourd'hui.
23 Dernier point à propos de cette question, je souhaite attirer votre
24 attention sur le fait que l'Accusation, aujourd'hui, dans le tribunal
25 spécial de la Sierra Leone a rendu des arguments ou a rédigé un mémoire en
26 l'espèce, indiquant que tous les problèmes que nous avons abordés
27 aujourd'hui concernent l'arrêt Perisic.
28 Le général Lazarevic a tenté de rejeter sa responsabilité pour les
Page 664
1 crimes en laissant entendre qu'il a pris des mesures pour combattre les
2 meurtres dans lesquels ont participé la VJ. Il y a certains cas où les
3 accusés peuvent s'exonérer de la responsabilité de complicité par aide et
4 encouragement en prenant des mesures pour combattre les crimes. Il ne
5 s'agit pas de ce cas-ci en l'espèce. L'Accusation a fait valoir que la
6 Chambre de première instance a pris en compte ces arguments au Volume III,
7 paragraphe 870, et a constaté que les réponses du général Lazarevic étaient
8 "manifestement inadéquates compte tenu de l'ampleur des crimes commis au
9 Kosovo".
10 La Chambre a également constaté que le général Lazarevic savait que
11 c'était inadéquat, en notant au Volume III, paragraphe 925, et je cite
12 encore une fois que :
13 "Le général Lazarevic savait que son manquement à prendre des mesures
14 adéquates pour faire en sorte que des enquêtes soient menées sur les crimes
15 graves commis par la VJ ont permis aux forces en question de poursuivre
16 leur campagne de terrorisation, de violence et de déplacement".
17 Voilà les deux questions que je souhaite aborder aujourd'hui
18 concernant le moyen d'appel numéro 2. A moins que vous n'ayez d'autres
19 questions sur ce point, je souhaite maintenant donner la parole à Mme
20 Jarvis.
21 Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais être assez
22 brève dans ma réplique. J'ai simplement trois points que je souhaite
23 aborder concernant la question des agressions sexuelles en tant qu'acte de
24 persécution en l'espèce.
25 Tout d'abord, le conseil de M. Sainovic et de M. Lukic ont insisté sur le
26 fait que, d'après eux, le nombre d'agressions sexuelles en l'espèce était
27 assez faible et, par conséquent, consistait en agressions opportunistes et,
28 par conséquent, n'avaient aucun lien avec la campagne. Comme je vous l'ai
Page 665
1 dit, il n'y a pas de conditions juridiques exigeant qu'un crime doit être
2 commis à grande échelle pour répondre aux critères de l'entreprise
3 criminelle commune. Il n'y a pas de condition juridique non plus indiquant
4 qu'un crime doit être commis à grande échelle pour que cela constitue une
5 attaque, et, en tant que telle, un crime contre l'humanité. La
6 jurisprudence de façon générale confirme qu'un seul acte peut être qualifié
7 comme crime contre l'humanité ou comme persécution pour autant que cet acte
8 ne soit pas un acte arbitraire ou isolé. Arrêt Kunarac, paragraphe 96, et
9 arrêt Blaskic, paragraphe 101, à titre d'exemples simplement.
10 Mais comme la Défense a affirmé que le nombre d'agressions sexuelles
11 présentées au dossier est peu important, je crois qu'il est important d'en
12 parler plus en détail. Je souhaite corriger quelque chose que j'ai dit plus
13 tôt ce matin, lorsque j'ai parlé de 11 agressions sexuelles reprochées dans
14 l'acte d'accusation. Ce que j'aurais dû dire c'est qu'il y avait 11 cas
15 d'agressions sexuelles qui ont été prouvés par la Chambre de première
16 instance.
17 -- les éléments du dossier sur 50 agressions sexuelles
18 supplémentaires, tel que cela a été estimé. En particulier, par rapport à
19 Beleg, un témoin a décrit comment le K20, ainsi que deux autres filles qui
20 n'étaient pas dans une pièce, et que des femmes plus jeunes ont été
21 choisies par les paramilitaires, et qu'ils sont venus dans cette pièce
22 quatre ou cinq fois, jusqu'à ce que 20 jeunes femmes aient été enlevées, la
23 dernière étant rentrée à 5 heures de l'après-midi.
24 Ces jeunes filles sont retournées ébouriffées et pleurant. K58 a
25 entendu dire à sa mère qu'elle avait été violée. Le jugement de la première
26 instance, Volume II, paragraphe 63.
27 La Chambre a constaté que quatre femmes avaient fait l'objet d'agressions
28 sexuelles à Cirez, mais d'autres éléments de preuve indiquent que d'autres
Page 666
1 femmes, une vingtaine d'entre elles, ont été soumises à un traitement
2 analogue. Volume II du jugement en première instance, paragraphes 629 à
3 631.
4 Et une des trois victimes qui a été violée à Pristina, comme cela a été
5 constaté par la Chambre de première instance, a déclaré qu'il y avait 10 ou
6 15 autres femmes qui avaient été emmenées dans le sous-sol de l'hôpital, où
7 elle a été violée.
8 Volume II, paragraphe 880, et pièce P2596.
9 Dans mes arguments un peu plus tôt, j'ai également évoqué d'autres rapports
10 de viols ou de mains courantes, et je souhaite ajouter que des journalistes
11 et des observateurs internationaux ont publié des rapports concernant les
12 viols et les agressions sexuelles avant la campagne de 1999. Confer les
13 pièces 441 et 2228.
14 Donc, après la campagne, "Human Rights Watch" a rapporté 96 rapports
15 crédibles au sujet d'agressions sexuelles par les soldats yougoslaves, de
16 la police serbe, des paramilitaires pendant la période de bombardement de
17 l'OTAN. Pièce à conviction P228. Donc, il n'est pas exact de dire, même au
18 vu des éléments du dossier, que les agressions sexuelles étaient des cas
19 inhabituels. Et de manière plus importante, même si un crime est
20 opportuniste, il peut être prévisible, comme cela a été confirmé par
21 l'arrêt Krstic, s'agissant des crimes opportunistes commis à Ovcara [comme
22 interprété].
23 Le deuxième point que je souhaite aborder c'est une référence faite par mes
24 éminents confrères sur le fait que la Chambre de première instance s'est
25 penchée sur les arrêts Kvocka et Krstic en tant que précédence
26 jurisprudentielle dans son jugement. Nous acceptons qu'il y ait une
27 référence à ces deux cas, mais la Chambre n'a pas appliqué le critère
28 juridique adéquat lorsqu'elle a apprécié les deux affaires en question.
Page 667
1 C'est à vous, Madame, Messieurs les Juges, d'appliquer maintenant le
2 critère juridique adéquat et de vous fonder sur les sources de Krstic et
3 Kvocka pour rendre votre décision. Vous n'êtes pas tenus par la prestation
4 faite par la Chambre de première instance, d'autant plus que la Chambre de
5 première instance n'a pas fourni beaucoup d'éléments sur la manière dont
6 ces précédents jurisprudentiels étaient différents de l'affaire qui nous
7 intéresse.
8 Le troisième point porte sur les arguments que nous avons entendus
9 aujourd'hui, à savoir que l'Accusation propose une approche qui
10 engendrerait automatiquement la responsabilité ou quelque chose qui
11 ressemble à une responsabilité sans faute concernant les agressions
12 sexuelles et violences sexuelles lors de conflits armés. Nous avons eu du
13 mal à expliquer que ceci n'est vraiment pas le cas. Nous ne parlons pas
14 d'un risque général de violences sexuelles lors de conflit. Nous parlons
15 d'une situation au cours de laquelle il y avait un plan criminel qui
16 englobait la violence et ce qui était prévisible par rapport à cela. Ce qui
17 manque dans l'argument qui vous est présenté par mes confrères, ce sont les
18 références au fait que leurs clients étaient d'accord avec cet objectif
19 criminel commun.
20 Même si nous ne disons pas que le viol est une conséquence prévisible
21 de chaque entreprise criminelle commune, ou de chaque campagne de nettoyage
22 ethnique, bien évidemment, cela dépend pour beaucoup de la méthode employée
23 par les membres de l'entreprise criminelle commune. Chaque campagne de
24 nettoyage ethnique, comparable à celle-ci qui implique que des dizaines de
25 milliers d'hommes sont lâchés dans les villages où ils sont en face de la
26 population locale, outre les autres conditions que j'ai mentionnées, oui,
27 dans ce cas, c'est prévisible qu'il y aura des atteintes à l'intégrité
28 physique comme les violences sexuelles.
Page 668
1 Mais nous reconnaissons également qu'une campagne de nettoyage
2 ethnique peut être menée avec d'autres méthodes. Si, par exemple, le
3 pilonnage était le système qui contraindrait les gens à fuir parce qu'ils
4 étaient terrorisés, cela n'impliquait pas l'envoi de troupes dans les
5 villages porte-à-porte. Donc cela dépend de la situation, Madame, Messieurs
6 les Juges. Il se peut qu'une atteinte à l'intégrité physique n'était pas
7 dans ce cas prévisible. Nous admettons que cela dépend pour beaucoup des
8 circonstances en présence, mais compte tenu du caractère de cette campagne,
9 nous faisons valoir que les atteintes à l'intégrité physique, notamment les
10 agressions sexuelles, étaient une possibilité envisageable ou prévisible.
11 Merci beaucoup, Madame, Messieurs les Juges.
12 M. KREMER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais
13 rapidement revenir sur certaines des réponses apportées à propos des moyens
14 d'appels 1 et 6.
15 Eu égard au moyen d'appel numéro 1, l'Accusation avait indiqué
16 essentiellement que les Albanais du Kosovo étaient ciblés et avaient été
17 expulsés ou déplacés par la force par des forces commandées ou coordonnées
18 par les accusés. Pour les raisons énoncées dans le mémoire en appel de
19 l'Accusation et dans notre mémoire en réplique, l'acte d'accusation indique
20 à juste titre qu'il s'agit de persécutions effectuées par transfert forcé
21 et expulsion, et la Chambre de première instance a commis une erreur en
22 interprétant de façon un tant soit peu trop technique ces extraits, ce qui
23 a abouti au fait qu'il n'y a pas eu de déclaration de culpabilité pour les
24 persécutions effectuées par transfert forcé et expulsion.
25 Ce que nous avançons, et cela a été expliqué dans les paragraphes 8 à
26 10 de notre mémoire en réplique, c'est qu'il ne peut pas y avoir
27 d'exemption. Il ne peut pas y avoir d'exonération, d'exemption, parce que
28 l'acte d'accusation était très, très clair et la Chambre de première
Page 669
1 instance l'a interprété de façon un peu trop technique. Je crois, en fait,
2 que tout doit être fait pour prendre en considération ce qui figure dans
3 nos mémoires, et vous serez à même d'évaluer pour vous-mêmes si notre point
4 de vue est exact ou non.
5 Pour ce qui est du moyen d'appel numéro 6, j'ai plusieurs éléments à
6 avancer. Premièrement, le conseil de M. Pavkovic a indiqué pourquoi il
7 devrait y avoir des circonstances atténuantes et une diminution de la
8 peine. Et nous répondons à cela au paragraphe 149 à 151, car sa réponse, la
9 réponse qu'il apporte, n'est pas une réponse au mémoire en appel de
10 l'Accusation à proprement parler.
11 Deuxièmement, contrairement à ce qui a été avancé par M. Pavkovic
12 pour chaque crime identifié dans le Volume II, la Chambre de première
13 instance a conclu de façon précise quelle était l'entité qui avait
14 participé à ce crime; la VJ ou le MUP. Et lorsqu'elle a été en mesure de le
15 faire, elle a également présenté des conclusions à propos des divisions
16 précises ou des unités qui avaient participé aux crimes, les crimes qui ont
17 été à Pavkovic et à d'autres membres de l'entreprise criminelle commune,
18 parce que les membres de l'entreprise criminelle commune ont utilisé les
19 forces de la VJ et du MUP pour exécuter ces crimes. Et je vous renvoie au
20 paragraphe 783 du Volume III.
21 Troisièmement, et sans répondre à notre appel à propos de la
22 détermination de la peine, le conseil de M. Sainovic a comparé les
23 différentes responsabilités, responsabilités comparées avec d'autres
24 personnes qui n'ont pas été accusées ou des personnes qui ont été traduites
25 en justice, telles que Milosevic. Il s'agit, en fait, d'autant d'appels
26 assez émotionnels qui réclament l'acquittement de son client, mais ce n'est
27 pas une façon mesurée que de répondre ainsi à ce que nous avons avancé par
28 rapport au rôle et la responsabilité de M. Sainovic pour les crimes et
Page 670
1 surtout par rapport à la gravité des crimes pour lesquels il a été
2 condamné. Et nous avançons, en fait, que nous pensons qu'une peine de 22
3 ans est tout à fait justifiée, fondamentalement.
4 Quatrièmement, MM. Lazarevic et Lukic n'ont absolument pas répondu.
5 M. Lukic a saisi cette occasion pour présenter d'autres arguments par
6 rapport à son appel, notamment par rapport à la détermination de sa peine.
7 Il a fait des références à des arguments qu'il avait déjà avancés lors du
8 procès en première instance ou des éléments qui étaient inclus dans son
9 mémoire en appel. Il a rejeté des arguments qui avaient été rejetés par la
10 Chambre de première instance, tels que l'argument suivant lequel l'OTAN et
11 l'ALK étaient ce qui expliquait le déplacement des Albanais du Kosovo. Et
12 d'ailleurs, la Chambre de première instance a traité de façon assez
13 catégorique ces questions.
14 Ce qui m'amène à la question suivante, c'est qu'il a été dit que
15 l'Accusation ne devrait pas pouvoir plaider pour demander une peine
16 supérieure à 20 ans, et nous avons fait des observations à ce sujet dans
17 notre réponse, dans notre mémoire en réplique. Il y a une pratique au
18 niveau de la détermination de la peine au sein de ce Tribunal. Il faut
19 savoir, en fait, qu'il n'y a pas d'audience relative au prononcé de la
20 peine séparée par rapport au procès. L'Accusation avait présenté des
21 arguments pour la détermination de la peine, et elle n'avait absolument
22 aucune connaissance à propos des chefs qui allaient être retenus au cas où
23 les accusés allaient être déclarés coupables.
24 L'Accusation et la Défense doivent fournir une gamme approximative de
25 peines possibles envisagées, et cela dépend si les accusés sont condamnés
26 pour un crime ou pour plusieurs crimes, mais cela dépend également des
27 formes de responsabilité qui sont retenues pour ces déclarations de
28 culpabilité.
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1 Contrairement à ce qui a été avancé par les accusés, l'Accusation ne
2 s'est pas tout simplement contentée de demander des peines de 20 ans en
3 première instance. Elle a demandé des peines d'emprisonnement allant de 20
4 ans à un emprisonnement à vie en fonction des différentes formes de
5 responsabilité qui allaient être retenues et des crimes pour lesquels les
6 accusés allaient être considérés coupables. Je vous renvoie à notre mémoire
7 en première instance, paragraphe 1 100, et au compte rendu d'audience page
8 26 947 en première instance. Alors, pour ce qui est de 20 ans, cela suggère
9 que les accusés ont été déclarés coupables de seulement d'un des crimes et
10 c'est la somme de responsabilité minimale qui est retenue.
11 La Défense souhaiterait que vous croyez que lorsque l'Accusation
12 présente une fourchette de peine, elle devrait se limiter à ce qui a été
13 dit indépendamment de la peine prononcée en première instance.
14 Et nous avançons qu'en l'espèce, la Chambre est allée plus loin que
15 déclarer coupable les accusés d'un des crimes. Pour ce qui est des quatre
16 accusés, ils ont été déclarés coupables de complicité pour le déplacement
17 forcé de centaines de milliers d'Albanais du Kosovo. En tant que membres de
18 l'entreprise criminelle commune, à notre avis, les accusés méritent les
19 peines les plus sévères considérées comme appropriées par ce Tribunal.
20 Nous avançons que la Chambre de première instance avait une
21 responsabilité, la responsabilité de transmettre un message très clair aux
22 personnes qui ont commis des crimes de cette ampleur, et, de ce fait, c'est
23 pour cela que les accusés ont reçu des peines assez sévères. Et nous vous
24 demandons -- le fait est que la Chambre de première instance a commis
25 certaines erreurs pour ce qui est de la détermination de la peine, et nous
26 vous demandons de rectifier cette erreur et d'augmenter, de majorer de
27 façon importante la durée des peines pour les quatre accusés.
28 J'aimerais maintenant répondre à la question posée par M. le Juge
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1 Tuzmukhamedov. C'est une question qui avait été posée ce matin à Mme
2 Jarvis. Alors, si j'ai bien compris la question, et je vais vous indiquer
3 ce que j'ai compris de la question, il s'agissait de savoir, au vu des
4 éléments de preuve présentés, est-ce que la Chambre aurait pu conclure que
5 le déplacement de plus de 700 000 personnes aurait pu être imputé au plan
6 commun à des membres d'entreprise criminelle commune. Je vais m'efforcer de
7 répondre à cette question.
8 Au paragraphe 45 du Volume III, la Chambre a conclu ce qui suit, même
9 si plutôt le bombardement de l'OTAN et les activités de l'ALK étaient des
10 facteurs qui compliquaient la situation sur le terrain en 1999, ce sont
11 toutefois deux paramètres qui ne sont pas la cause du déplacement de plus
12 de 700 000 personnes qui se sont déplacées en masse et ont franchi une
13 frontière. En parvenant à cette conclusion, la Chambre a pris en
14 considération les sept facteurs suivants. Premièrement, les témoignages
15 directs et cohérents des témoins albanais du Kosovo et des victimes qui ont
16 témoigné en première instance et ont parlé de leurs expulsions et de
17 l'expulsion subie par de nombreuses personnes au Kosovo et qui ont indiqué
18 qu'ils avaient quitté le Kosovo à cause des actions de la RFY et des forces
19 serbes, et non pas à cause du bombardement de l'OTAN. Cela figure au Volume
20 II, paragraphes 33, 69, 163, 279, 285, 887, 915, 942, et 973.
21 En évaluant leurs dépositions la Chambre de première instance a pris en
22 considération le fait que ces témoins représentaient différentes couches
23 sociales de la communauté, n'avaient pas de lien les uns avec les autres,
24 hormis le fait qu'ils avaient tous été victimes et a conclu que l'on ne
25 pouvait pas envisager qu'ils avaient tous pu échafauder avec ce type de
26 détail les événements qu'ils avaient vécus et que les témoins avaient
27 vécus. Paragraphe 975, du Volume II.
28 Deuxièmement, la Chambre a pris en considération le témoignage d'anciens
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1 membres de la VJ et du MUP qui ont participé, qui avaient participé
2 directement à l'expulsion des civils albanais du Kosovo de leurs foyers
3 dans différentes municipalités. Et je renvoie la Chambre de première
4 instance au Volume II, et à ses paragraphes 1 172 à 1 174; au Volume III,
5 paragraphe 43. Et je vous donne également comme référence le Volume II,
6 paragraphes 74, 145, 152 à 155, 163, 228 à 232, 235 à 237, 398 à 401, 469 à
7 470, 498 à 507, et ainsi que le paragraphe 831, sans oublier les
8 paragraphes 997 à 999 et 1 067.
9 Troisièmement, le témoignage de représentants de la communauté
10 internationale qui se trouvaient sur le terrain et qui ont confirmé le
11 récit cohérent de ces victimes. Je vous renvoie au Volume II, et notamment
12 au paragraphe 836, mais également au Volume II toujours, et aux paragraphes
13 848 à 850, 858 au Volume II toujours, et à la note de bas de page 2820,
14 notamment au témoignage de Knuk Vollebaek, pages du compte rendu d'audience
15 9 522 à 9 524, déposition du 31 janvier 2007.
16 Ils ont également pris en considération les données émanant du HCR
17 des Nations Unies relatives au nombre de personnes s'étant rendues en
18 Macédoine, en Albanie et au Monténégro. Je vous renvoie à la note de bas de
19 page 2820 du Volume II; à la pièce P2438, à la déclaration expurgée de M.
20 Neill Wright du HCR; à la pièce P7838, les estimations de déplacement et de
21 retour du HCR.
22 Cinquièmement, le fait que les bombes de l'OTAN ont frappé des cibles
23 dans toute la RFY, sans oublier Belgrade, et le fait est que Belgrade a
24 subi le gros de la destruction et pourtant les gens n'ont pas quitté
25 Belgrade et d'autres régions de la RFY, tel que le nombre de personnes qui
26 s'est enfui du Kosovo. Volume II, paragraphe 1 177.
27 Sixièmement, pendant l'été de l'année 1998, en dépit du conflit
28 continu entre la VJ, le MUP d'un côté, et l'ALK il n'y a pas eu de fuite en
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1 masse de la part de la population qui n'a pas franchi les frontières.
2 Paragraphe 1 177, Volume I.
3 Et puis en dernier lieu, j'aimerais signaler les rapports du MUP
4 concernant le nombre de personnes qui passaient la frontière pour se rendre
5 en Albanie, en Macédoine, et au Monténégro. Volume I, paragraphe 1 150.
6 C'est sur la base de facteurs qui se corroborent mutuellement, sur la
7 base d'éléments de preuve directs et indirects émanant de témoins qui sont
8 venus témoigner, qui ont relaté leurs propres vécus, qui ont fait part de
9 leurs propres observations, et sur la base des documents, que la Chambre de
10 première instance a conclu de façon raisonnable que la première raison qui
11 explique le départ de la population civile albanaise du Kosovo était la
12 violence à leur encontre de la part des forces placées sous le contrôle des
13 autorités serbes et de la RFY, et non pas du fait ou à cause des
14 bombardements de l'OTAN. Et je vous renvoie au paragraphe 1 178 du Volume
15 II qui a été cité comme une référence pendant les arguments présentés par
16 l'Accusation.
17 Et ce déplacement forcé ne peut être attribué qu'au plan commun des
18 membres de l'entreprise criminelle commune. Paragraphes 95 et 96 du Volume
19 III.
20 La conclusion de la Chambre de première instance, qui explique les
21 raisons et le nombre de personnes qui ont été déplacées sous la contrainte,
22 nous donne comme explication les actions des membres de l'entreprise
23 criminelle commune qui mettaient en œuvre leur plan commun, et c'est une
24 explication ou conclusion qui nous semble tout à fait raisonnable et auquel
25 et devant laquelle il convient de s'incliner. En tant que Chambre d'appel
26 vous devez, bien entendu, vous demander si cette conclusion est une
27 conclusion qu'une Chambre de première instance raisonnable aurait pu faire,
28 et nous avançons en fait que la conclusion de la Chambre de première
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1 instance est tout à fait raisonnable. J'espère avoir répondu à votre
2 question.
3 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie. Mais je
4 crains fort que quelqu'un a dû sacrifier sa pause déjeuner. Vous avez donc
5 fait référence aux lignes 15 et 16, mais je pense que vous faisiez
6 référence non pas au Volume I mais au Volume II.
7 M. KREMER : [interprétation] Excusez-moi.
8 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Ecoutez, pour ce qui est de la
9 page 68, lignes 15 et 16, voilà comment vos propos sont consignés. Vous
10 faites référence au Volume I et au paragraphe 1 150, car je crois
11 comprendre que vous faisiez référence au paragraphe 1 150 du Volume II.
12 Mais, bon, peu importe, c'est une observation tout à fait technique.
13 Puis il y a autre chose.
14 M. KREMER : [interprétation] Ecoutez, je peux tout à fait vérifier sans
15 aucun problème.
16 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Oui, faites donc. Et il se peut
17 que ce soit moi qui suis dans l'erreur. Mais je vous remercie de votre
18 analyse et j'espère en fait que cela nous permettre de jeter la passerelle
19 entre ces deux paragraphes. Le paragraphe 1 150 et le paragraphe 1 178 qui
20 figurent dans le Volume II. Et vous donnez également les raisons qui
21 expliquent le départ ou la fuite de ces personnes déplacées. Ces raisons,
22 elles figurent au paragraphe 1 175 du Volume II, et c'est pour ça que je
23 vous disais que l'on va pouvoir -- qu'il y a une compatibilité, une
24 convergence des chiffres entre le paragraphe 1 150 et 1 175. Je vous
25 remercie.
26 M. KREMER : [interprétation] Oui, je pense, en effet, que les chiffres se
27 recoupent dans ces deux paragraphes. Le problème vient du fait qu'il y a
28 des chiffres que l'on trouve dans différents passages du jugement. Vous
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1 avez des organisations différentes qui sont données, des périodes
2 différentes, ce qui nous donne un chiffre total qui dépasse le chiffre de
3 700 000. Mais nous savons qu'au 1er mai il y avait déjà 715 000 personnes
4 qui avaient été déplacées. Hors, la campagne, en fait, a continué, a connu
5 son apogée après cette date, et jusqu'au début du mois de juin. Donc, cela
6 n'a jamais été calculé.
7 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. KREMER : [interprétation] Voilà, j'en ai terminé, et j'aimerais au nom
9 de l'Accusation vous remercier, Madame, Messieurs les Juges de votre
10 attention. J'aimerais également remercier mes confrères, j'aimerais les
11 remercier de leur professionnalisme pendant toute la durée de cette
12 audience. J'aimerais également remercier tout le personnel qui nous a aidé,
13 qui a été extrêmement patient avec nous au cours de ces cinq jours, et je
14 souhaiterais tout particulièrement remercier les interprètes au nom de tous
15 les orateurs qui parlent très, très rapidement. Ils nous l'ont rappelé de
16 temps à autre, et je suis conscient du fait que cela peut leur rendre la
17 tâche extrêmement difficile.
18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
19 Maître Ackerman.
20 M. ACKERMAN : [interprétation] Au début de la duplique de l'Accusation, ils
21 ont en fait donné ou évoqué quelque chose de tout à fait nouveau, à savoir
22 ce qu'avait dit le procureur du tribunal spécial pour le Liban à propos de
23 l'affaire Perisic. Alors, si vous souhaitez étudier ce genre de chose, nous
24 pouvons tout à faire le faire. Cela, à moi, ne me pose personnellement
25 aucun problème, mais je ne pense pas que cela aura un impact quelconque.
26 Mais je pense en fait que nous devrions prendre le temps de nous intéresser
27 à cela. Cela ne se trouve pas sur leur site Web, alors je ne sais pas où le
28 Procureur ou l'Accusation a trouvé cela, mais quoi qu'il en soit, il
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1 pourrait nous le fournir, et ainsi nous pourrons répondre, ce qui serait
2 beaucoup plus facile pour nous.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Eh bien, écoutez, je vous remercie de
4 cette intervention, mais je vous dirais qu'il s'agit d'un document
5 juridique émanant d'un autre tribunal ou d'autres tribunaux, et cela n'a
6 absolument effet ou force contraignante pour notre Tribunal. Et j'aimerais,
7 conformément au programme de cette audience, inviter maintenant les accusés
8 ou les appelants à faire des déclarations personnelles s'ils le souhaitent.
9 Monsieur Sainovic, vous avez la parole. Vous avez dix minutes à votre
10 disposition.
11 L'APPELANT SAINOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
12 Président, la Chambre. Madame, Messieurs les Juges, j'ai été un
13 fonctionnaire public. J'ai été élu au parlement fédéral, et ce, à partir de
14 l'année 1986 et, depuis le parlement, j'ai été élu au gouvernement, à
15 différents gouvernements au cours des années 1990. Et mon mandat de député
16 fédéral était encore en vigueur au moment où je suis venu devant ce
17 Tribunal en 2002. Cette élection, bien entendu, entraîne une responsabilité
18 pour ce qui se passe en l'état. Un fonctionnaire de l'Etat représente son
19 Etat pour le meilleur comme pour le pire. Alors, au moment où les choses
20 vont bien, nombreux sont ceux qui s'en arrangent le mérite. Et puis, quand
21 les choses vont mal, le fonctionnaire public n'a pas le droit de chercher à
22 éviter d'assumer la responsabilité, et c'est en cette qualité-là que je me
23 tiens aujourd'hui devant vous.
24 Le gouvernement fédéral m'a dépêché en missions diverses à Vienne, au
25 Koweït à différents moments, et c'était très bien. Mais au moment du début
26 de la crise kosovare, eh bien, j'y ai été dépêché également, à deux
27 reprises avant la guerre et pendant la guerre, et c'est ainsi que je me
28 suis retrouvé là-bas. Cette guerre de 1999 a été une guerre d'une extrême
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1 complexité. Sur le terrain, faisait rage un conflit entre la République
2 fédérale yougoslave et la Serbie d'une côté et l'ALK d'autre part, qui se
3 servaient de civils pour en faire une base leur permettant de lancer des
4 offensives, et puis dans les situations défensives ceux dispersés parmi la
5 masse de civils. Alors, au ciel, nous avions des activités en masse de la
6 plus grande puissance du monde qui, vu sa supériorité technique, souvent
7 échappait à la portée des moyens de l'armée de la République fédérale de
8 Yougoslavie. Et c'est ce qui a donné lieu à une dynamique et à une
9 intensité du conflit sans précédent. Si on s'applique à comparer cela à
10 l'année 1998, eh bien, à tout un chacun qui se livrerait à cet exercice, je
11 ne souhaiterais pas qu'il se trouve dans une situation lui permettant de
12 vérifier par lui-même la différence entre ces deux situations. Car l'action
13 conjointe de toutes ces forces, leurs actions conjointes ont engendré des
14 victimes civiles terribles, que ce soit au Kosovo ou dans toute la
15 Yougoslavie. Il s'agit de souffrances humaines qui se manifestent encore
16 aujourd'hui, et j'en souffrirais personnellement tant que je suis ici-bas.
17 Hors, ici, nous ne somme que quatre à être jugés, quatre personnes
18 représentant une partie belligérante, une partie au conflit. Et j'ai
19 conscience du fait qu'en tant que participant aux événements qui ont
20 précédé une guerre et qui se sont manifestés pendant la guerre, est-ce que
21 je suis au courant du fait et conscient du fait que je dois assumer la
22 responsabilité des conséquences de ces événements ? Oui, j'en suis
23 conscient. Et pourquoi ai-je plainé non coupable ? Eh bien, j'ai plaidé non
24 coupable par rapport à l'acte d'accusation qui présente une image très
25 déformée de la situation qui a prévalu dans mon pays ainsi que du rôle que
26 j'ai joué à ces événements, et c'est contre cela que je me bats ici dans le
27 cadre de ce procès, Madame, Messieurs les Juges, et cela depuis plus de 10
28 ans.
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1 Alors, mon combat a-t-il eu un sens ? Je pense que oui. Permettez-moi
2 de citer un exemple. Ici, au cours de ces quelques journées, toutes les
3 parties au procès ont contesté certaines parties du jugement rendu en
4 première instance. Cependant, personne n'a contesté la partie du jugement
5 où il a été constaté que mon pays a entamé les négociations de paix de
6 bonne foi, et que mon pays n'est pas responsable de l'échec des
7 négociations qui ont eu lieu à Rambouillet, comme cela a été allégué à
8 l'acte d'accusation. Je vous renvoie au Volume I du jugement, paragraphes
9 407 et 410.
10 J'ai pris part à ces négociations profondément convaincu que la paix
11 était possible pour moi-même et pour mon pays. Cette conclusion représente
12 un résultat d'importance, même s'il a dû me coûter 10 ans.
13 Hélas, la Chambre de première instance m'a déclaré coupable également
14 de ce à quoi je n'ai pas pris part, m'a déclaré coupable d'un poste que je
15 n'ai pas occupé au moment pertinent. Certes, le jugement diffère des
16 allégations qui ont été portées dans l'acte d'accusation, mais au fond,
17 cela est très loin de la réalité, de la situation. Madame, Messieurs les
18 Juges, tel est l'objet de mon appel devant vous. Je dois dire que je
19 maintiens entièrement tout ce qui a été présenté dans le cadre de mon appel
20 par mes défenseurs, et je n'ai rien à y ajouter.
21 Je vous remercie de votre attention.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Sainovic.
23 Monsieur Pavkovic, vous avez vous aussi dix minutes à votre disposition.
24 L'APPELANT PAVKOVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je suis
25 général à la retraite de l'armée de Yougoslavie, Nebojsa Pavkovic, j'ai été
26 participant aux événements de 1998 et de 1999. Je suis un militaire de
27 carrière, je suis sorti diplômé avec les meilleures notes de toutes les
28 écoles militaires, de l'Académie militaire, et j'ai parcouru l'hiérarchie
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1 militaire de l'échelon le plus bas jusqu'au plus élevé. J'ai occupé de
2 nombreux postes opérationnels très importants. J'ai bâti ma carrière bien
3 avant de rencontrer le président Milosevic, que j'ai rencontré pour la
4 première fois fin mai 1998. J'ai passé six années au Kosovo. J'étais un
5 opérationnel au niveau du corps d'armée. J'étais à la tête de l'état-major
6 du Corps de Pristina et son commandant.
7 L'élection au poste de commandement au sein de l'armée yougoslave ne
8 se présente pas comme le Procureur l'affirme. Sur 760 membres, ou plutôt,
9 élèves de l'Académie militaire, seuls 20 sont sortis généraux, ou plutôt,
10 sont devenus généraux. Dont cinq uniquement sont devenus commandants de
11 corps d'armée et un seul chef de l'état-major général, ainsi qu'un de
12 commandant d'armée.
13 En 1998, j'ai été commandant de corps d'armée. Mes ordres venaient
14 exclusivement du commandement de l'armée, du général Samardzic. Chef de
15 l'état-major Perisic ne m'a jamais donné d'ordre. Milosevic, le président,
16 ne m'a jamais donné aucun ordre. M. Sainovic, que je respecte, ne m'a
17 jamais donné d'ordre. Et avec tous mes respects je n'aurais jamais accepté
18 que M. Sainovic qui n'a que très peu de formation militaire me donne des
19 ordres.
20 Alors, Madame, Messieurs les Juges, c'est très regrettable, c'est accablant
21 pour moi d'avoir été accusé d'avoir mené la guerre contre mon propre
22 peuple, car les Albanais sont mon peuple. Je suis certes un général serbe,
23 mais je connais bien les Albanais. J'ai beaucoup d'amis albanais. Et je
24 tiens à appeler votre attention sur quelques éléments qui ont contribué à
25 la création de ce climat et à ces événements de l'acte d'accusation. Tout
26 d'abord, il s'agit d'une organisation terroriste et illégale qui, par des
27 actions terroristes, a tenté d'atteindre des objectifs séparatistes, et
28 d'ailleurs elle a été qualifiée d'organisation terroriste en mars 1998.
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1 Ensuite, les forces légales d'un Etat souverain et indépendant,
2 membre des Nations Unies, l'armée et le MUP ont essayé de combattre ce
3 terrorisme sur une partie de leur territoire. Il vous faut prendre en
4 compte le fait qu'au Kosovo il y avait 1 403 localités habitées, dont 150
5 serbes et 1 050 albanaises, les autres étaient mixtes. Dans chaque village
6 albanais, par tradition, les gens étaient armés, ils avaient des
7 patrouilles, ils montaient la garde. Et d'après nos estimations, plus de
8 100 000 pièces d'armes se trouvaient à ce moment-là entre les mains des
9 Albanais.
10 A mon sens, il est important de souligner que ce climat de terreur au
11 Kosovo-Metohija n'est pas le résultat des actions des forces de sécurité de
12 la République fédérale de Yougoslavie. En revanche, il s'agit précisément
13 de terroristes de l'ALK qui sont à l'origine de cela. Fin juillet 1998, 80
14 % du territoire du Kosovo a été bloqué, 95 % des voies de communication, et
15 puis après avoir bloqué les voies de communication à la frontière, les
16 organes d'Etat de la Yougoslavie ont décidé de combattre le terrorisme au
17 Kosovo et à y recourir en employant l'armée et le MUP. C'est ce que nous
18 avons fait, et en octobre 1998 cette opération était terminée sans crime,
19 sans expulsion. Il y a eu des crimes, en revanche, du côté de l'ALK,
20 Rznici, le lac de Jabllanicee, et cetera. Tous les civils qui ont été
21 déplacés sont revenus à leurs foyers.
22 Ensuite, après l'arrivée de la mission de l'OSCE, l'armée s'est retirée
23 dans les casernes, le MUP s'est retiré du Kosovo-Metohija, l'ALK a occupé
24 toutes ces positions. En fait, j'essaie de vous expliquer pourquoi il y a
25 eu des déplacements de civils. Je n'ai pas beaucoup de temps à ma
26 disposition, mais je vais essayer de le faire.
27 Donc de quoi il s'agit. Tout comme le Procureur l'a affirmé ici, 13
28 municipalités sont concernées par les déplacements de civils, et ces
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1 municipalités se situent dans la zone frontière. Et d'un point de vue
2 opérationnel et tactique, il s'agit là de la zone de la 3e Armée du Corps
3 de Pristina. Ce sont des positions occupées par les unités de l'armée de
4 Yougoslavie suite à la directive numéro 3. Il a été décidé et ordonné d'y
5 prendre position, dès que nous y sommes partis nous avons essuyé des
6 attaques de l'ALK, et à ce moment-là des conflits sérieux se sont
7 déclenchés.
8 Permettez-moi de souligner qu'au cours de l'année 1998, 1 845 attaques
9 terroristes ont eu lieu au Kosovo, que 368 personnes y ont perdu la vie
10 dont certains civils, que plus de 158 civils ont été blessés et qu'il y a
11 eu enlèvement de 269 civils. Alors ces chiffres nous montrent qui, en fait,
12 est à l'origine de ce climat de terreur. Le Corps de Pristina comptait
13 environ 11 000 hommes à ce moment-là, et là-dessus la partie prévue pour le
14 combat était 5 001 personnes. Tous les autres étaient déployés à la
15 sécurité des installations militaires à la frontière, et cetera.
16 Quant à l'OTAN, je ne souhaite pas en parler, il s'agit d'une organisation
17 militaire la plus puissante qui soit qui a attaqué mon pays, mon armée, et
18 nous nous sommes défendus comme nous le pouvions. Le problème principal
19 pour nous, en fait, c'étaient les terroristes; autrement dit, l'ALK. Et je
20 peux vous dire à ce sujet que l'ALK, le 1er janvier jusqu'au 23 mars a
21 lancé 632 attaques, 101 sur l'armée, plus de 200 sur le MUP et des civils,
22 six à huit attaques tous les jours. Et toutes ces preuves peuvent être
23 retrouvées dans les dizaines de milliers de pièces à conviction que nous
24 avons versées au dossier.
25 S'agissant de civils, trois à quatre civils ont été les victimes de
26 ces actions tous les jours, les actions lancées par les terroristes.
27 Alors, pour ce qui est du déplacement de la population, pour ce qui est des
28 expulsions, comme le Procureur appelle cela, en 1998 ainsi qu'en 1999, et
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1 ce, à partir de 1981, à chaque moment où il y a eu des conflits au Kosovo
2 les civils ont quitté le territoire du Kosovo. A chaque fois qu'il y a eu
3 des troubles. Donc en 1998, non, mais en 1999, oui, ça été le cas, ils sont
4 partis de 13 municipalités qui se trouvent dans le secteur que je vous ai
5 présenté; 29 municipalités se situent au Kosovo. Nous avons entendu dire
6 pourquoi les civils n'ont pas quitté le territoire de 16 municipalités,
7 pourquoi il n'y a pas eu de conflit parce qu'il n'y avait pas de terroriste
8 là-bas. Donc il n'y avait pas lieu que ces gens partent. Nous avons eu les
9 conflits les plus intenses au cours de l'agression avec les terroristes. Et
10 à ce sujet, je dois souligner en particulier que la campagne de l'OTAN a
11 contribué de manière importante à ce que les civils se mettent en
12 mouvement.
13 Pendant les jours de l'agression, la République fédérale de
14 Yougoslavie a bombardé 3 380 installations; 1 574 bombardements dans notre
15 secteur, ce qui est beaucoup plus que leurs bombardements. Pristina a été
16 bombardée 406 fois; 342 fois à Prizren; Djakovica, plus de 400 fois; plus
17 de 200 fois Urosevac, et cetera; Pec, 106 fois, ainsi que d'autres. On a
18 tiré sur le Kosovo. On a pris pour cible plus de 700 localités habitées au
19 Kosovo. Pour certaines d'entre elles, de cinq à huit fois. Plus de 4 000
20 projectiles ont été lancés contre les unités du 3e Corps. Je ne compte même
21 pas les unités, les munitions à l'uranium.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Pavkovic, il me semble que votre
23 temps a expiré. Je vous accorde une minute, si vous voulez terminer.
24 L'APPELANT PAVKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
25 Président.
26 Les arguments pour décrire le comportement de l'armée sont nombreux.
27 Je pense que vous pouvez les trouver dans nos écritures et dans nos
28 documents. Quant au comportement et aux arguments présentés par mes
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1 avocats, j'y souscris entièrement, et je vous remercie, Madame, Messieurs
2 les Juges de votre attention et de m'avoir donné la parole pour m'exprimer.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Est-ce que je peux signaler quelques erreurs
5 du compte rendu d'audience.
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous remercie.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Page 104, ligne 12, il parlait de M.
8 Sainovic, il a dit, "je ne sais pas pourquoi il est ici," au lieu de dire,
9 "je ne sais pas pourquoi je suis ici."
10 Puis page 105, s'agissant des pièces qui étaient entre les mains des
11 Albanais kosovars, en 1998, il a dit "100 000", et on lit "10 000" dans le
12 compte rendu d'audience. Page 105, ligne 14, il a parlé de "tous les
13 civils", et ce n'est pas ce qui a été consigné au compte rendu d'audience.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que cela sera
15 corrigé et rectifié.
16 Monsieur Lazarevic, puis-je vous convier à prendre la parole si vous le
17 souhaitez. Vous avez dix minutes à votre disposition.
18 L'APPELANT LAZAREVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,
19 Messieurs les membres de la Chambre, les Juges de la Chambre, je vous
20 remercie de m'avoir donné la parole, et fourni l'occasion de m'adresser à
21 vous. Je souhaite attirer brièvement votre attention sur certains aspects
22 de ce contexte factuel, mais du point de vue doctrinaire de l'armée, chose
23 dont il n'a pas été question ces jours-ci ici.
24 Je tiens à souligner ce qui suit, 19 membres du pacte de l'OTAN, au
25 printemps de l'année 1999, ont procédé à une agression étrangère classique
26 contre la Yougoslavie, avec l'utilisation en guise de premier et cinquième
27 échelons des forces de l'insurrection séparatiste et terroriste armées, et
28 avec une stimulation pratique d'un Exodus de centaine de milliers de
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1 civils. D'après les forces utilisées, d'après le type et les quantités des
2 moyens de combat utilisés, rien que pour ce qui est du territoire de Kosovo
3 et Metohija, c'est l'équivalent de huit à dix bombes atomiques telles
4 celles lancées contre Hiroshima, et en particulier pour ce qui est de la
5 brutalité et des cibles qui ont été fixées, cette agression, d'après les
6 analystes internationaux, a été l'une des guerres des plus asymétriques qui
7 ait jamais été conduite au monde. Et pendant que cette guerre-là pour
8 certains, ceux qui l'ont suscité avaient constitué une guerre moderne, pour
9 d'autres, ça a été une campagne. Et je dirais que je ne comprendrai pas de
10 quoi il s'agit au juste. Mais pour les terroristes, c'était une guérilla
11 totale. Mais pour ce qui est des analystes militaires et politiques, ça a
12 été aussi une guerre nucléaire, avec 31 000 projectiles nucléaires, c'est-
13 à-dire projectiles radioactifs lancés sur 102 sites, qui vont pendant les
14 quatre milliards et 500 millions d'années apporter la mort et le malheur en
15 Serbie. C'est à la fois à ce jour, c'est la seule guerre néocortique [phon]
16 qui n'ait jamais eu lieu dans l'histoire du monde.
17 Avec les premières frappes de missile à la date du 24 mars, l'OTAN a
18 réalisé ses objectifs, sans trop faire le choix des cibles. Tout le secteur
19 frontalier avait été arrosé par des tapis de bombes aériennes. Tout ce qui
20 avait ressemblé à une éventuelle menace militaire, même quand il s'agissait
21 de piliers en bois, ça a été leur cible. Des agglomérations densément
22 habitées dans les villes ont quotidiennement été frappées, à plusieurs
23 centaines de reprises pour une même ville. Les installations économiques,
24 les usines les ont particulièrement attirées, tout comme de longues
25 colonnes de tracteurs rouges albanais avec des civils albanais qui étaient
26 en train de revenir chez eux. Et bien que le pilote de l'avion, le fameux
27 Charlie, les avait certes distingués des chars serbes, les commandants de
28 l'OTAN ont quand même donné l'ordre de massacrer ces civils. Le monde
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1 entier le sait, cela.
2 Rien que sur le territoire de la province, l'OTAN a effectué plus de
3 2 000 frappes aériennes, à savoir 30 frappes aériennes par jour, et
4 plusieurs centaines de frappes avec des missiles. Et ce qui est très
5 important aussi, à l'occasion de la majeure partie de ces frappes, 36 à 38
6 % des cibles étaient des cibles civiles.
7 Madame, Messieurs les Juges, ce sont malheureusement des faits
8 irréfutables, des faits terribles, horrifiants pour ce qui est des
9 activités déployées par l'agresseur de l'OTAN sur ce territoire, et de sa
10 contribution au malheur de tous ceux qui se sont trouvés là-bas.
11 Il es vrai de dire que l'OTAN, rien qu'à découvert au Kosovo-
12 Metohija, a tué environ 500 civils et détruit plus de 700 bâtiments variés.
13 Ces faits-là ne pourraient, et ne sauraient être dissimulés et
14 masqués par des thèses qui seraient remplacées les unes par les autres par
15 des exhibitions juridiques, et par l'abolition de ceux qui ont généré ce
16 malheur.
17 Sur le territoire de cette province pendant la guerre, la mort venait
18 de très hautes altitudes, c'est-à-dire de distance de plus de 2 500
19 kilomètres, en provenance de tout le territoire qui se trouvait de l'autre
20 côté de la frontière de l'Etat avec l'Albanie, sur un front qui s'étirait
21 sur des dizaines de kilomètres, de plusieurs centaines de villages albanais
22 ou agglomérations transformés dans des places fortes terroristes et
23 paramilitaires selon un principe qui disait, deux villages, un village,
24 place forte terroriste, et l'autre village servant à y déplacer les civils
25 suite à ordre des terroristes. C'était une tactique de Mao Tse-tung qui
26 était la tactique des milles flammes, donc de toutes parts, de tous
27 endroits et à chaque moment.
28 Dans des conditions d'un tel enfer et chaos de guerre, la population
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1 a cherché refuge dans la fuite, dans des mouvements, déplacements, dans la
2 recherche d'abri comme partout au monde, là où il y a des tirs et là où il
3 y a des morts. Les routes les conduisaient vers l'Albanie, la Serbie, la
4 Macédoine, le Monténégro, la Turquie, la Croatie, vers des pays éloignés, à
5 l'ouest, mais le plus loin possible de la mort.
6 Les renseignements officiels de l'UNHCR disent et montrent que 54 %
7 de la population serbe et non-albanaise, ainsi que 45 % de la population
8 albanaise avaient cherché refuge pendant cette guerre hors territoires de
9 la province en question.
10 Au Kosovo et Metohija, ils n'avaient pas où fuir la mort, les membres
11 de ce Corps de Pristina, qui ont subi pendant cette guerre 95 % du total
12 des pertes de l'armée de Yougoslavie, ainsi que autres forces chargées de
13 la défense, et plusieurs centaines de milliers de civils qui étaient
14 essentiellement albanais, qui avaient foi en la survie avec l'aide des
15 forces de la défense, en particulier du Corps de Pristina, chose dont on
16 parle de nos jours encore parmi les Albanais de la province.
17 Par conséquent, au début de ce printemps d'il y a 14 ans, dans un
18 enfer de guerre, dans un chaos, il y avait au point de la défense
19 stratégique du pays, il y avait un Corps de Pristina créé pour des temps de
20 paix, qui s'est retrouvé dans un piège stratégique et qui a eu à accomplir
21 une mission impossible. Donc, dans des conditions militairement
22 impossibles, le Corps a dû mettre en place une stratégie et une tactique
23 que les analystes de l'OTAN on tout de suite qualifié de quatre M :
24 masquer, manœuvrer, mobilité et maintien du moral.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Lazarevic, je crois que votre
26 temps vient de prendre fin. Vous pouvez avoir une autre minute encore pour
27 terminer votre déclaration.
28 L'APPELANT LAZAREVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, à
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1 l'occasion de dix conférences de mise en état, j'ai indiqué au Président de
2 la Chambre au travers de 292 minutes de temps, j'ai présenté mes problèmes
3 de santé. Au moins de juin de l'an passé, le dernier conseil médical a
4 conclu qu'il s'agissait là d'un patient qui avait un état de santé
5 sérieusement mis en péril et qu'il y avait nécessité d'entreprendre des
6 mesures urgentes pour que mon état de santé soit amené à un niveau de
7 correction pour que ceci soit un niveau tolérable. Et que Dieu me soit
8 témoin, rien n'a été fait. Je pense que le Greffier ni les Juges de la
9 Chambre n'oublieront pas tout ce qui a été indiqué par moi au sujet de ma
10 santé.
11 Madame et Messieurs les Juges, Monsieur le Président, je vous remercie de
12 votre attention, de votre patience, et j'espère, de votre compréhension.
13 Grand merci, merci, spasiba, grazia. Je vous suis reconnaissant, Madame et
14 Messieurs les Juges et excusez-moi si je n'ai pas bien prononcé les choses
15 comme il se doit.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Monsieur Lazarevic.
17 Monsieur Lukic, oui.
18 M. CEPIC : [interprétation] Excusez-moi, une petite correction au compte
19 rendu, page 110, ligne 22, je crois que ce qu'il fallait entendre "sous les
20 ordres de l'ALK", et c'est une partie de phrase qui est manquante au compte
21 rendu.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
23 Monsieur Lukic, vous avez aussi dix minutes pour votre déclaration, comme
24 les autres accusés.
25 L'APPELANT LUKIC : [interprétation] Merci. Madame, Messieurs les Juges, je
26 suis sincèrement désolée pour toutes les victimes, en particulier civiles,
27 et pour toute souffrance de citoyens qui ont été générés par cette triste
28 guerre au Kosovo. Je tiens à vous informer du fait que je ne suis pas allé
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1 au Kosovo de mon plein gré, mais suite à un ordre et en vertu de la loi qui
2 me l'imposait. Donc, je ne suis pas allé là-bas de mon plein gré. Je ne me
3 suis pas porté volontaire pour y aller. J'ai été envoyé là-bas pour
4 remplacer le chef de l'état-major ou du QG qui s'effectuait une fois par an
5 pendant toute une série d'années avant cela. Les tâches qui m'ont été
6 confiées ont été prescrites par la constitution et par la législation en
7 vigueur s'agissant des tâches de la police. La sécurité tant des Serbes que
8 des Albanais se trouvait être mise en péril de façon extrême par les
9 activités criminelles de cette organisation criminelle qui s'est qualifiée
10 d'Armée de libération du Kosovo.
11 Les attributions qui étaient celles du QG et moi-même en ma qualité de chef
12 de ce QG se trouvait être fort limité. Le QG n'était pas un commandement,
13 et moi je n'ai pas été un commandant ni de jure ni de facto. Ainsi, par
14 exemple, je n'avais pas d'attributions pour ce qui était de décider ou
15 d'entamer des procédures disciplinaires, des infractions de simple police
16 ou des procédures au pénal contre des policiers qui enfreignaient la loi.
17 Je n'ai pu suspendre ou révoquer qui que ce soit de ses fonctions parmi les
18 responsables de la police, et vous vous serez d'accord avec moi que sans
19 ces attributions-là, il ne saurait y avoir des fonctions de commandement.
20 Et le fait de ne pas avoir été commandant est confirmé par ce qui suit : à
21 la veille des bombardements, le ministre Stojilkovic m'a informé du fait
22 qu'en concertation avec le président Milosevic, il a envoyé au Kosovo son
23 assistant, c'est-à-dire le général de division Obrad Stevanovic pour faire
24 en sorte que durant l'état de guerre il commande et dirige la totalité des
25 effectifs du MUP. Des éléments de preuve ne font que confirmer que les
26 choses se sont passées ainsi.
27 En sus de la fonction de ministre adjoint et de la fonction de chef de
28 l'administration de la police, ce général Obrad Stevanovic était le
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1 commandant tant de jure que de facto de la totalité des unités spéciales de
2 la police du ministère de l'Intérieur de Serbie. Exception faite de ces
3 trois fonctions-là, il a été considéré comme étant le général de la plus
4 grande des confiances de Stojilkovic et de Milosevic.
5 Après le début des bombardements, les circonstances sécuritaires se sont
6 faites dramatiques. Tous ceux qui se sont trouvés au Kosovo ont été mis en
7 péril, et les civils en particulier. Indépendamment des attributions
8 limitées qui étaient les miennes, j'ai demandé à ce que la population
9 civile soit protégée à titre complémentaire et que les auteurs de crimes
10 soient mis aux arrêts. Pendant les 78 journées de bombardements et
11 d'attaques terroristes permanentes, les membres de la police ont identifié
12 et présenté des plaintes au pénal contre au moins 785 auteurs de crimes,
13 dont 443 ont été arrêtés sur place. Plus de 95 % de ces gens étaient des
14 Serbes, et parmi eux il y avait eu 46 policiers et 97 soldats. La quasi-
15 totalité des crimes ont été commis au détriment des Albanais du Kosovo.
16 Mes efforts visant à faire arrêter tous ceux qui avaient commis des crimes
17 avaient rencontré des oppositions du côté des leaders politiques des Serbes
18 au Kosovo. Et le principal parmi eux avait eu l'intention de me faire
19 liquider pour avoir fait arrêter des policiers du cru qui avaient tué des
20 civils albanais. Mais j'ai eu à faire face à des menaces aussi sérieuses
21 que cela en 2001 lorsque j'ai fait entamer une enquête au sujet des fosses
22 communes et des crimes commis à l'égard des Albanais.
23 Tout ce que j'ai fait au fil de ma carrière professionnelle avait été placé
24 au service de la protection des citoyens. Je n'ai jamais fait de
25 distinction partant de l'appartenance ethnique ou quelque autre
26 appartenance que ce soit. Pour une telle approche, j'ai été formé à partir
27 de mes 15 ans.
28 Donc, pendant mon séjour au Kosovo, je n'ai personnellement commis aucun
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1 crime, et je n'ai jamais ordonné la perpétration de quel que crime que ce
2 soit. J'en ai pas planifié, je n'ai pas encouragé, aidé, dissimulé ou
3 participé de quelle que façon que ce soit. Tout mes agissements, chaque mot
4 que j'ai prononcé, et chaque lettre que j'ai écrite avaient pour objectif
5 l'entravement des crimes. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que je ne
6 suis coupable d'aucun des crimes pour lesquels on m'a condamné. Et je
7 n'étais au courant d'aucun des crimes reprochés à l'époque.
8 J'ai appris qu'il y avait une entreprise criminelle commune à la lecture de
9 l'acte d'accusation. Je n'ai jamais eu vent d'un plan, d'une intention ou
10 d'un objectif visant à expulser de façon durable les Albanais du Kosovo, ni
11 directement, ni indirectement personne ne me l'a demandé. Et, si on me
12 l'avait demandé, il est certain que je n'y aurais pas pris part. Je ne peux
13 donc pas accepter la conclusion du jugement qui dit que j'ai fait partie de
14 l'entreprise criminelle commune à la tête de laquelle se trouvait
15 Milosevic. Milosevic, Milutinovic, Sainovic, Pavkovic et Lazarevic, je ne
16 les ai connus en personne que lorsque vers la mi-1998 j'ai été envoyé au
17 Kosovo. Je n'ai jamais été le préféré ni l'homme de confiance ni de
18 Milosevic, ni du ministre Stojilkovic, ni de leurs assistants Djorjevic et
19 Stevanovic. Au contraire, j'ai eu à connaître de leur part rien que des
20 humiliations et des dégradations. Ce fait était connu de tout un chacun en
21 Serbie. D'où la décision de gouvernement, après la chute de Milosevic, de
22 me faire promouvoir et de me nommer chef de la police de Serbie. Pour ce
23 qui est de mon comportement au Kosovo, il n'y avait eu aucune observation
24 de formulée ni par les agences du renseignement étranger qui ont procédé,
25 elles aussi, à la vérification de ma nomination.
26 Madame, Messieurs les Juges, je vous ai présenté certains faits. Je
27 m'attends à ce que vous les preniez en considération lorsque vous vous
28 pencherez sur le mémoire en appel et l'argumentation verbale qui a été
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1 présentée par mes conseils de la Défense. J'espère que votre décision
2 remédiera à l'injustice qui m'a été infligée par le prononcé du jugement en
3 première instance.
4 Merci de m'avoir fourni l'occasion de m'adresser à vous.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic. Il y a d'autres
6 corrections ?
7 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, il y en a une autre. Il y en une autre,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
10 M. BAKRAC : [interprétation] Page 114, ligne 10, M. Lukic a parlé des
11 leaders politiques du Kosovo et il a parlé des leaders politiques locaux du
12 Kosovo, parce qu'il y en avait eu d'autres qui n'étaient pas des locaux,
13 des leaders du cru au Kosovo.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Monsieur Kremer.
15 M. KREMER : [interprétation] Oui, j'ai eu l'occasion de suivre pour ce qui
16 est des corrections et suggestions aux erreurs qui ont été relevées, et
17 vous aviez raison, je m'en excuse. Il y a trois erreurs auxquelles je
18 voudrais faire référence. Page 98, ligne 11. On devrait lire Volume II,
19 paragraphe 1176. Au paragraphe -- ou, plutôt, à la page 98, ligne 14, on
20 aurait dû inscrire Volume II, paragraphe 1177, et la troisième des
21 références de la série, c'est la page 98, ligne 16, où on aurait dû lire
22 Volume II, paragraphe 1150, et je m'en excuse une fois de plus.
23 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Grand merci. Je crois que vous
24 avez manqué deux déjeuners parce que vous avez du mal encore à prononcer
25 mon nom.
26 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Ceci met un terme à l'audience de
27 la Chambre d'appel dans cette affaire. Nous voudrions également remercier
28 le personnel, les interprètes pour toute l'assistance qui nous a été
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1 apportée pendant cette semaine. Les Juges de la Chambre d'appel vont
2 délibérer et rendre leur arrêt en temps voulu.
3 L'audience est levée.
4 --- L'audience de la Chambre d'appel est levée à 16 heures 32.
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