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1 Le jeudi 4 décembre 2003

2 [Audience sentencielle]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 8 heures 35.

6 M. LE JUGE ORIE [interprétation] : Veuillez vous asseoir. Bonjour à tous,

7 dans cette salle d'audience et autour de cette salle d'audience. Madame la

8 Greffière, voudriez-vous, s'il vous plaît, appeler la cause.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

10 Messieurs les Juges. C'est l'affaire IT-01-42/1-S, le Procureur contre

11 Miodrag Jokic.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

13 Monsieur Jokic, est-ce que vous pouvez m'entendre dans une langue que vous

14 comprenez ?

15 Est-ce que quelqu'un pourrait aider M. Jokic pour qu'il ait le bon canal ?

16 Monsieur Jokic, pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous comprenez ?

17 Est-ce que quelqu'un pourrait aider M. Jokic ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas.

19 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux vous entendre, mais je ne reçois pas

21 l'interprétation.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est le canal pour le B/C/S ?

23 Est-ce que maintenant vous entendez l'interprétation, Monsieur Jokic ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas suffisamment fort.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on, s'il vous plaît, hausser le

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1 volume.

2 Est-ce que maintenant c'est suffisamment fort, Monsieur Jokic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux à peine vous entendre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors ceci doit d'abord être réglé

5 avant que nous puissions poursuivre. Est-ce qu'il y a -- bon, peut-être

6 qu'on pourrait également changer le casque ? Ça pourrait être le casque.

7 Monsieur Jokic, est-ce que le nouvel écouteur fonctionne mieux ou est-ce

8 que l'un des autres boîtiers pourraient être utilisés ?

9 Est-ce que vous entendez mieux là, Monsieur Jokic ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça va très bien maintenant. J'entends très

11 bien.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jokic, vous m'entendez

13 maintenant dans une langue que vous comprenez.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous entends très bien.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne puissiez m'entendre,

16 j'ai souhaité le bonjour à tout le monde et vous aviez manqué cela. Donc je

17 vous souhaite maintenant le bonjour à vous aussi. Et maintenant la

18 Greffière d'audience a appelé la cause.

19 Veuillez s'il vous plaît vous asseoir.

20 Pourrais-je savoir qui représente les parties. D'abord au bureau du

21 Procureur.

22 Mme SOMERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

23 Juges. Je suis Susan L. Somers, conseil principal, derrière moi, Mme Gina

24 Butler et M. Philip Weiner; à ma droite, M. Nicholas Kaufman et Mlle

25 Victoria McCreath.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

2 Et pour la Défense.

3 Je vous remercie, Madame Somers.

4 M. NIKOLIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges. Eugene O'Sullivan, Jelena Nikolic, et Zarko Nikolic pour M. Jokic.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Merci, Monsieur

7 Nikolic.

8 L'ordonnance relative à l'audience de ce jour, dans laquelle nous devons

9 entendre les arguments des parties, ainsi que voir les éléments de preuve

10 pertinents aux fins du prononcé de la sentence : Pour commencer

11 l'Accusation présentera brièvement sa position en ce qui concerne la

12 sentence à prononcer, et d'après ce que j'ai compris, la Défense aura

13 besoin de moins de temps pour présenter ses propres arguments à ce sujet.

14 Ceci devrait prendre approximativement 40 minutes en tout; nous entendrons

15 ensuite la déposition de témoins cités par l'Accusation, pour autant que

16 j'aie compris, il s'agit de deux témoins qui doivent être examinés à huis

17 clos.

18 Madame Somers, est-ce exact ?

19 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les parties sont d'accord pour que

21 cela soit à huis clos.

22 Alors nous verrons une vidéo qui sera présentée par l'Accusation. Et il y

23 aura aussi un exposé fait par une victime, un discours fait par une victime

24 pour autant que j'aie compris. Et tout cela avant que nous n'entendions le

25 premier témoin à décharge présenté par la Défense. Et ensuite nous

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1 entendrons un deuxième témoin présenté par la Défense. Il a été annoncé que

2 M. Jokic ferait une déclaration orale et finalement nous entendrons les

3 arguments en clôture qui seront présentés par les parties, l'Accusation

4 d'abord et puis la Défense.

5 On a annoncé qu'avant que nous n'entendions le premier témoin il sera

6 probablement nécessaire d'avoir une brève suspension d'audience pour des

7 raisons qui sont sans rapport avec ce procès, de sorte que les parties sont

8 prêtes à avoir cette brève suspension d'audience.

9 Et je comprends que les parties sont également d'accord pour cette

10 ordonnance. S'il y a donc rien d'autres à évoquer pour le moment, je

11 pourrais maintenant donner la parole à l'Accusation pour qu'elle présente

12 sa position en ce qui concerne la sentence à prononcer, mais je ne vais pas

13 le faire avant d'avoir brièvement exposé la matière même de ce procès.

14 Ce procès concerne les événements qui se sont produits au point de vue de

15 date, il y a 12 ans, à la date d'après demain, le 6 décembre 1991, à

16 savoir, le bombardement de la ville de Dubrovnik. Ce qui a causé la mort

17 d'un certain nombre de personnes ainsi que des blessures à d'autres, et qui

18 a causé de graves dommages à la vieille ville de Dubrovnik.

19 Maintenant Monsieur Jokic, vous avez plaidé coupable en ce qui concerne ces

20 événements pour les six chefs d'accusation, -- tels qu'ils figurent dans

21 l'Accusation. Et c'est donc l'affaire sur laquelle nous allons maintenant

22 entendre les arguments des parties, en ce qui concerne la sentence à

23 prononcer, sur lesquelles nous entendrons également les dépositions

24 relatives au prononcé de la sentence.

25 Mme SOMERS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. A la

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1 suite de ce que vous avez présenté comme des observations liminaires, dans

2 la mesure où la Chambre de première instance n'a pas eu la possibilité

3 d'avoir un très grand nombre d'éléments de preuve circonstanciels,

4 l'Accusation prendra un petit peu de temps pour replacer dans son contexte

5 les événements, qui en fait forment la basse sur laquelle l'amiral Jokic a

6 plaidé coupable, a fait son plaidoyer de culpabilité.

7 Les bombardements, il les cite, et les attaques sur la vieille ville de

8 Dubrovnik, est le point central de cet acte d'accusation, les événements se

9 sont produits le 6 décembre 1991, et il faut les prendre en considération

10 comme étant l'un des événements le plus honteux de l'histoire militaire.

11 Bien que ceux qui ont perpétré ces actes criminels soient peu au courant de

12 ce qui s'est produit pour les victimes, je ne veux pas dire au sens

13 militaire, victimes qui ont été frappées, des centaines de victimes par

14 peut-être un millier de projectiles envoyés par les forces de JNA. Le

15 caractère extrêmement immoral de cet acte, cet acte incroyable, commis avec

16 une intention délibérée, exige qu'on examine la manière dont les choses

17 peuvent se passer dans le cadre de la carrière d'une personne d'un rang tel

18 que l'amiral Jokic.

19 Pour commencer, les images qui sont normalement évoquées lorsque l'on pense

20 aux bombardements de la vieille ville de Dubrovnik sont des images

21 présentant des immeubles, des bâtiments anciens et des bâtiments précieux

22 qui ont été ruinés. Bien entendu, c'est le cas essentiellement pour la

23 vieille de Dubrovnik qui était une ville tout à fait vivante et non pas un

24 musée et où se trouvaient des êtres humains qui ont, soient trouvés la mort

25 ou dont la vie a été gravement modifiée par les événements du 6 décembre

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1 1991.

2 Que s'est-il passé ? Après approximativement trois mois d'occupation des

3 abords de la ville de Dubrovnik, dont la vieille ville fait partie, les

4 deux côtés du côté yougoslave et du côté des défenseurs croates, qui

5 étaient sur le point de se mettre d'accord, un accord de cessez-le-feu

6 global, qui aurait mis fin aux hostilités, bien que ceci n'aurait pas

7 nécessairement mis fin à l'occupation. Les négociateurs des parties

8 méritent des attentions spéciales représentant la JNA. Il y avait donc

9 l'amiral Jokic représentant la partie croate. Il y avait trois ministres

10 croates de haut niveau. Il est important de noter que la plupart des

11 négociations se sont tenues entre les négociateurs locaux. L'importance de

12 ce cessez-le-feu particulier avec son aspect global ne saurait être sous-

13 estimé. C'est essentiel de garder cela à l'esprit.

14 L'un des aspects les plus essentiels du cessez-le-feu que l'amiral a

15 négocié était de remettre en état les services publics nécessaires tels que

16 l'électricité et l'eau pour la population de Dubrovnik. Le seul incident

17 qui n'a pas permis, selon le jugement de l'amiral, de signer au bas de la

18 page, le 5 décembre, était une question concernant l'inspection de

19 paquebots. Dubrovnik était assiégée, c'est-à-dire, encerclée avec un blocus

20 de son port et entourée de toutes parts par des forces qui étaient sous le

21 contrôle de la JNA.

22 De façon à pouvoir régler ces détails particuliers, l'amiral a indiqué

23 qu'il aurait besoin de conférer avec des personnes, de rangs supérieurs au

24 sien, à Belgrade. Toutefois, il était clairement entendu par les deux

25 parties que ce cessez-le-feu était un accord effectivement conclu et qu'il

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1 serait simplement parfait le jour suivant, c'est-à-dire, le 6 décembre. Les

2 parties se sont séparées sur cette impression, cette entente, des ordres

3 ont été donnés et des deux côtés, on était prêt, on se préparait à voir

4 mettre en œuvre les termes de cet accord jusqu'au dernier détail.

5 Ce qui s'est passé, toutefois, très tôt le matin du 6 décembre n'était

6 nullement une mise en œuvre du cessez-le-feu mais une attaque illicite,

7 comme le montre les preuves, par les forces qui se trouvaient sous le

8 contrôle de l'amiral Jokic. Mais ce n'était pas suivant l'ordre de l'amiral

9 Jokic. L'attaque a été lancée par les forces qui se trouvaient dans le

10 secteur de Zarkovica, qui est une place forte croate -- excusez-moi, la

11 place forte de la JNA qui se trouve sur les hauteurs de Srdj, la place

12 forte croate qui se trouve sur ces hauteurs. Le chaos qui s'en est suivi, à

13 la suite de cette attaque illicite, tout au moins non autorisée du point de

14 vue de l'amiral Jokic, est qu'un incident gigantesque s'en est suivi

15 simultanément ou presque simultanément après l'attaque contre les

16 défenseurs à Srdj et on a ouvert le feu sur la vieille ville de Dubrovnik.

17 Je voudrais prendre un moment juste pour permettre que l'on présente des

18 images et m'assurer que tout le monde peut les voir car ceci est essentiel

19 pour nous aider à comprendre.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jokic, avez-vous aussi un écran

21 sur lequel vous devriez voir l'image qui vient d'être annoncée ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors microphone]

23 L'INTERPRÈTE : Microphone pour l'accusé, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre Madame Somers.

25 Mme SOMERS : [interprétation] De façon à mettre au courant la Chambre du

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1 plan de la vieille ville, on voit le promontoire qui est au centre de

2 l'image et qui est évidemment entouré d'eau des deux côtés. Et derrière,

3 c'est à l'image suivante, je voudrais demander à mon collègue de pouvoir

4 nous passer l'image suivante, vous pouvez voir que derrière ce promontoire,

5 on peut voir les hauteurs.

6 Si nous passons maintenant à la photo suivante, photo suivante, s'il vous

7 plaît.

8 La Chambre devrait avoir une image assez claire de la vue à vol d'oiseau

9 des hauteurs par rapport à la vielle ville de Dubrovnik. Les très jolis

10 toits de tuile que vous pouvez voir sur le promontoire sont des structures

11 qui se trouvent à l'intérieur des anciennes murailles de la vieille ville

12 de Dubrovnik.

13 Lorsque j'ai mentionné, il y a un moment, le fait qu'on a ouvert le feu de

14 Zarkovica, je voudrais maintenant demander qu'on présente une image de

15 l'aspect de Zarkovica qui était la place forte élevée de la JNA -- excusez-

16 moi, nous reprenons une autre image. Il nous faut un autre angle.

17 Pourrions-nous revenir en arrière, s'il vous plaît.

18 Lorsque l'on regarde là, comme on l'a dit, on peut quasiment voir les gens

19 boire le café sur la rue centrale qui partage la vieille ville et qui

20 s'appelle le Stradun. Je ne sais pas si nous réussirons à retrouver la

21 photo précise que je cherche, mais voilà, vous avez maintenant devant vous,

22 l'une des différentes vues qui indique, qui montre comment les choses se

23 présentaient pour les officiers de la JNA.

24 Si je pourrais vous demander maintenant de présenter l'image suivante.

25 Parmi les projectiles qui ont été ou les pièces d'artillerie qui ont été

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1 utilisées depuis les hauteurs qu'on vient de montrer, il y a une arme qui

2 s'appelle une Maljutka, qui est un missile filoguidé, un instrument de

3 précision. Des armes de ce type ont été dirigées contre la vieille ville et

4 en fait, y ont éclaté sur place. Il y avait également des mortiers et

5 d'autres pièces d'artillerie.

6 Comment ceci a-t-il pu se produire ? Comment a-t-il pu arriver que ce qui

7 devait être un cessez-le-feu finisse dans une telle destruction, un tel

8 chaos ? Il y avait eu des ordres permanents, des directives, d'autres

9 transmissions venant des niveaux les plus élevés des autorités fédérales

10 yougoslaves ainsi que l'amiral Jokic et du général Strugar qui est le co-

11 accusé selon lequel la vieille ville de Dubrovnik ne devait pas être

12 touchée, endommagée, détruite ou attaquée ou en quoi que ce soit touchée.

13 Et en dépit de cet ordre permanent, qui était évidemment enraciné pour des

14 raisons culturelles, et ville qui était protégée, en vertu des protocoles

15 des conventions de Genève et qui, également, bénéficiait du fait que

16 l'UNESCO l'avait définie comme faisant partie du patrimoine mondial, qui

17 avait été accordé, statut qui avait été accordé à la vieille ville de

18 Dubrovnik, pour tout ce qui était à l'intérieur, y compris les murailles.

19 En 1979, aucun mal ne devait être causé à cette zone démilitarisée.

20 Néanmoins, à l'été 1991, les circonstances qui entourent les incidents de

21 bombardements n'ont pas donné lieu à des enquêtes lorsque la vieille ville

22 a, en fait, subi des tirs de mortiers. Malgré cet ordre permanent, je dois

23 répéter qu'il n'est pas suggéré maintenant, qu'au mois d'octobre, les

24 unités particulières, qui ont participé, étaient sous le contrôle direct de

25 l'amiral Jokic. Toutefois, dans le secteur de responsabilités, on savait

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1 clairement qu'il y avait une attaque lancée sur la vieille ville et ceci a

2 été communiqué par les moyens, les personnes au niveau international aux

3 officiers de la JNA au niveau du commandement. Rien n'a été fait à ce

4 sujet. Un ordre permanent aussi grave a pu être violé en tout impunité. Le

5 message étant : Comprenez que bon, ça va bien comme ça.

6 Passons au mois de novembre, l'un des bombardements les plus agressifs de

7 la ville. Ce n'était pas des balles perdues ici ou là, mais un bombardement

8 agressif délibéré de la vieille ville s'est produit. Et là encore, à ce

9 moment-là, les unités en question étaient sous le contrôle de l'amiral

10 Jokic. Que s'est-il passé ? Il n'y a aucune discipline, rien. Il y a un

11 deuxième message encore plus clair. Il pourrait être même sur le papier, il

12 se peut qu'il s'agisse d'un ordre. Mais peu importe, ça peut aller même si

13 vous le violez.

14 Le type de climat qui a donc pu se développer et dominer au commandement du

15 2e Groupe opérationnel qui comprenait le 9e Secteur naval, appartenant au

16 commandement de l'amiral Jokic, a favorisé le mépris et le non-respect et

17 la violation de certains ordres en toute impunité. Le message à comprendre

18 étant : Cela va bien, on peut le faire.

19 Si un procès s'en était suivi, il y aurait eu des éléments de preuve

20 présentés qui auraient montrer que la nature de l'attaque subie -- quelle

21 était la nature de l'attaque subie par la vieille ville de Dubrovnik. Et il

22 suffirait de dire que ceci ne fait pas partie des charges qui sont évoquées

23 ici. Ce qui est important, c'est qu'il y avait une conscience du fait que

24 l'attaque avait eu lieu et qu'on n'a rien fait pour l'arrêter ou

25 l'empêcher.

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1 Nous passons maintenant au 5 décembre où, après cette longue période

2 d'hostilité et d'occupation autour de cette zone commençait à avoir un

3 effet par rapport aux forces de la JNA, le cessez-le-feu devait être mis en

4 œuvre. L'importance de cet événement particulier, comme je l'ai indiqué,

5 est prouvée en partie, par le niveau des négociations, c'est-à-dire au

6 niveau du cabinet des ministres du côté croate, et l'amiral Jokic, du côté

7 de la JNA. Ceci nécessitait qu'on puisse prévoir l'éventualité que rien ne

8 vienne entraver ce cessez-le-feu. Ceci était également le fait de s'assurer

9 que les unités ne posent pas de -- qui avaient posé des problèmes dans le

10 passé, ne pourraient pas poser de problèmes par la suite, mais ce n'est pas

11 dans le contexte du commandement. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Des

12 unités, qui avaient participé aux bombardements de la vieille ville, ont

13 encore repris le même type d'activités, et cette fois, les conséquences ont

14 été beaucoup plus durables. Et la durée de l'attaque s'est poursuivie

15 depuis les premières heures du matin jusqu'à tard dans la soirée du 6

16 décembre.

17 Voilà un genre, type d'armes utilisées. Et vous verrez qu'il s'agit de

18 missiles téléguidés, de mortiers que nous avons déjà décrits. Leurs usages

19 étaient abusifs. Les éléments de preuve nous permettent de conclure que,

20 lorsque l'attaque s'est fait si intense, il n'y a pas eu d'ordres donnés de

21 protéger la vieille ville, qui avait fait l'objet de l'attaque, faite par

22 cette attaque illicite, menée par les forces qui étaient sous les ordres de

23 l'amiral Jokic.

24 L'Accusation soumet, la Défense est d'accord avec l'Accusation, disant

25 qu'il y a eu un lien direct entre l'omission d'imposer des mesures

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1 disciplinaires concernant les incidents qui venaient de se dérouler, ce

2 pilonnage sur la vieille ville, et que cela considère une violation directe

3 des ordres donnés concernant cette attaque illicite. L'omission, de ce qui

4 s'est passé le 6, était une conséquence de tout ce qui a suivi. Et les

5 conséquences de cette attaque étaient absolument désastreuses. De nouveau,

6 le meilleur garant du futur est le passé, et malheureusement, nous avons pu

7 conclure que rien n'a été fait.

8 Dans le deuxième acte d'accusation modifié, la Chambre est au courant qu'il

9 y a eu deux morts civils et trois blessés. Le nombre de personnes semble

10 peut-être, être petit, mais il s'agit d'une zone très restreinte également,

11 très petite. Et que chaque vie perdue est une conséquence désastreuse sur

12 la famille des personnes et que chaque vie représente la vie d'une personne

13 en réalité. Il est également important de souligner, de parler, de ce qui a

14 été décrit comme une grille dispersée de projectiles qui sont atterries

15 dans la vieille ville, le 6 décembre.

16 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

17 Mme SOMERS : [interprétation] Ce document sera présenté par le logiciel

18 Sanction, mais il sera peut-être utile que la Chambre puisse le consulter

19 également sur papier.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons déjà vu quelques copies,

21 Madame, jusqu'à présent. J'aimerais avoir des documents également -- des

22 photographies plutôt, de ce que nous venons de voir. Nous allons peut-être

23 voir un nombre de photos assez importantes. Il serait bon d'identifier

24 chaque document que vous nous avez montré, de façon à ce que nous puissions

25 suivre par la suite.

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1 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons des

2 copies de chaque document présenté.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 Mme SOMERS : [interprétation] Merci.

5 Donc les points d'impact sont clairement démontrés ici. Il est tout à fait

6 clair que peu de sections de la vieille ville ont été épargnées. Je vais

7 essayer de présenter à la Chambre un tour guidé de la vieille ville pour --

8 un tour guidé de la vieille ville pour vous montrer un peu de ce qui

9 s'était passé ce jour-là. Et par la suite, je vais revenir à la question du

10 rôle qu'a joué amiral Jokic.

11 Je vais vous montrer maintenant une série de photographies historiques de

12 la date en question. Nous voyons, ici, une photo qui montre l'explosion --

13 une explosion qui avait été faite dans la vieille ville.

14 Ensuite, de nouveau, nous pouvons voir, ici, l'attaque menée sur la vieille

15 ville.

16 La photo suivante montre également la vieille ville en flamme. La photo

17 suivante parle d'elle-même. Vous avez une autre photo de la journée en

18 question. Et en voici une autre, et une autre. Voilà encore une photo. Il y

19 a, de nouveau, une autre photo. Ça va être la dernière photo que je vais

20 vous montrer.

21 Nous allons parler de quelques -- nous allons parler de la destruction et

22 de l'endommagement d'édifices en l'application de l'Article 3. Et je ne

23 vais pas faire de commentaires, mais nous pouvons voir très bien qu'un obus

24 a atterri sur la coupole de cet -- de ce monument historique.

25 Pourrait-on voir la photo suivante, s'il vous plaît. Oui, voilà l'intérieur

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1 de la structure en question. Et aucun bâtiment n'a été épargné.

2 Vous pouvez voir, ici, que l'endommagement au toit est assez important.

3 Même s'il a été possible de le réparer, vous allez comprendre qu'à cause de

4 la structure, à cause de l'âge du bâtiment, il a été assez difficile de

5 réparer ce bâtiment adéquatement.

6 Je veux vous montrer aussi d'autres photos. Voilà, nous avons ici un

7 cratère et c'est par un obus. Ils sont là pour parler de la dévastation.

8 Vous allez voir ici ce mur, cette enceinte qui entourait la ville,

9 destruction, la destruction est apparente ici aussi et les mortiers étaient

10 des mortiers incendiaires et ils avaient pour but de tuer les personnes et

11 non pas de détruire la ville. Le but, dans ce cas-ci était de détruire,

12 bien sûr, les monuments historiques et la ville.

13 Je souhaiterais montrer quelques toits endommagés, quelques photos de toits

14 endommagés. Nous y voyons des cratères, de nouveau laissés par les obus.

15 Voilà la fontaine d'Onofrio, une fontaine bien connue. Il s'agit d'une

16 fontaine historique. C'est un monument historique qui a subi des dommages

17 importants. Et vous pouvez voir de nouveau que peu d'édifices ont été

18 épargnés.

19 Je vais passer, maintenant, grâce au logiciel de Sanction, je vais

20 maintenant parler des photos prises par, en fait, c'est la dernière photo

21 prise par la personne qui a été décédée, M. Pave Urban. Et il y a un volume

22 qui a été publié en son honneur. C'est un journaliste. Il était très jeune

23 et il voulait documenter la destruction de la ville de Dubrovnik en prenant

24 des photos de sa ville. C'est donc la dernière photo qu'il a prise avant sa

25 mort.

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1 Nous allons maintenant parler de ce café, l'amiral Jokic après le début de

2 ces attaques, après que ces attaques se soient poursuivies. Même s'il a été

3 appelé par Belgrade de donner une réponse à ce qui se passait, l'amiral a

4 fait preuve d'un sentiment de responsabilités assez inhabituel à l'époque.

5 Donc, immédiatement lorsque les événements se sont déroulés, il a compris

6 que cela n'aurait pas dû se dérouler. L'amiral s'est adressé à la

7 communauté internationale et aux Croates exprimant son regret, que ce qui

8 vient de se passer venait d'arriver. Il avait dit que ce n'était pas une

9 attaque qui obéissait à un ordre et qu'il demanderait une enquête.

10 De reprendre les négociations, ce jour-là, était assez difficile mais

11 l'amiral a dirigé son énergie pour essayer de continuer le processus de

12 cessez-le-feu. Et bien sûr, ce qui s'est passé le 6 décembre n'a pas pu

13 immédiatement s'arrêter.

14 Et le 7, le lendemain, les négociations ont repris. Je suis tout à fait

15 certaine que la Défense pourra, et en fait, soutiendra le commentaire que

16 je viens de faire mais il était clair que l'amiral a voulu et s'est engagé

17 pour que le cessez-le-feu soit fini et soit mis en œuvre. Le comportement

18 de l'amiral, ce jour-là, nous a été communiqué et il a été dit que l'amiral

19 Jokic était sincère et que ses efforts étaient sincères. Et les

20 négociateurs ont bien voulu reprendre les négociations avec lui même si la

21 dévastation était absolument épouvantable et qu'elle venait de se passer un

22 jour auparavant et que les résultats en étaient dévastateurs.

23 Donc, en réalité, des centaines d'édifices ont été endommagés. Deux

24 personnes ont perdu la vie, un jeune homme qui avait 18 ans, M. Tonci

25 Skocko et un jeune homme de 23 ans, Pave Urban. Trois personnes ont été

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1 également blessées. Je vais parler plus tard de ces personnes mais je

2 souhaiterais parler de l'impact que cela a eu sur les victimes. Il est très

3 bien difficile de vous parler de ces personnes aujourd'hui mais --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps pour vous dire que

5 vous aviez besoin d'environ 25 minutes. Je regarde l'heure et je vois que

6 vous avez utilisé au moins une demi-heure. Je vois que vous avez encore

7 beaucoup à dire. Je vous demanderais d'essayer de vous en tenir au temps

8 imparti de façon assez stricte.

9 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, effectivement, je

10 voulais simplement parler de l'impact que cela a eu sur les victimes

11 puisqu'il m'est bien important. Je voulais simplement donner un contexte

12 par ce que je viens de dire jusqu'à présent concernant l'événement mais je

13 souhaiterais revenir sur l'impact que cela a eu.

14 Donc pour conclure, je vais revenir à mes commentaires liminaires pour dire

15 que malgré ce qui s'est passé le 6, malgré la nature très grave de ces

16 attaques illicites, personne n'a été sanctionné. Pour ce qui est des

17 personnes qui se trouvaient à Belgrade, l'amiral a demandé à ce qu'une

18 enquête soit menée au sein de son commandement. Il y a eu des éléments de

19 preuve permettant de croire qu'on a entrepris quelque chose mais cela était

20 simplement insuffisant et il n'a pas été possible de démontrer ce qui s'est

21 également passé. Personne n'a perdu de grade. Certaines personnes ont même

22 fait l'objet d'une promotion. L'amiral s'était retiré au mois de mai 1992

23 de façon involontaire, donc, suite à tout ceci.

24 Donc, il n'est pas difficile de conclure maintenant, aujourd'hui, et de

25 comprendre comment le tout s'est déroulé lorsque l'atmosphère et le climat

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1 au sein du commandement étaient tels, qu'en réalité, tout pouvait se

2 passer. Les commandants, dont les troupes étaient des unités subordonnées,

3 sont responsables de ce qui s'est passé avec les armes. Donc, le jugement -

4 - la raison doit prévaloir mais ce qui s'est passé, ici, c'est une absence

5 de tout sens de contrôle sur les troupes subordonnées qui avaient

6 simplement -- des troupes qui ne baissaient plus à personne et qui ne

7 répondaient pas de leurs actions.

8 Je voudrais simplement faire un commentaire concernant la peine

9 recommandée. Nous recommandons une sentence, une peine de dix ans. La

10 sentence par contre -- l'Accusation recommande une peine de dix ans en

11 l'absence de facteurs atténuants, de circonstances atténuantes mais je

12 soumets à la Chambre, qu'en réalité, -- par contre il y a eu des facteurs

13 atténuants assez importants et c'est la raison pour laquelle je souhaite

14 dire la chose suivante.

15 L'amiral Jokic était un officier assez -- le plus élevé de la JNA et il a

16 plaidé coupable. Et ce qui est important pour ce qui me concerne, c'est

17 qu'au moment de l'événement, il a reconnu le rôle important de l'incident,

18 et il a reconnu que c'était un tort fondamental. Ce qui en a suivi c'est

19 une organisation très complexe de ce qui est arrivé pour ce qui est du

20 commandement de la campagne de Dubrovnik, et justement c'est une

21 conséquence tragique du manquement qui s'est déroulé au sein du

22 commandement. Les unités avaient accès aux armes qui étaient dirigées

23 contre la vieille ville.

24 Maintenant le fait que l'accusé a plaidé coupable est important pour le

25 processus de réconciliation, l'amiral est un homme qui occupait un poste

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1 très élevé et le fait qu'il se soit remis entre les mains de cette Chambre

2 qu'il a indiqué à cette Chambre qu'il accepte la responsabilité de

3 commandant est un facteur qui selon moi considère un facteur important.

4 Il s'agit d'une circonstance atténuante qu'il faut tenir compte. Je vous

5 remercie de m'avoir accordé votre attention, Monsieur le Président, et je

6 reviendrai plus tard concernant des commentaires de l'Accusation, plus

7 tard.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Somers.

9 Monsieur Nikolic, si j'ai bien compris la Défense souhaite faire ses

10 commentaires relatifs au prononcé de la sentence des commentaires assez

11 courts. On m'indique que cela ne devrait pas durer plus de cinq minutes.

12 Est-ce exact ?

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président,

14 c'est le cas.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, M. O'Sullivan.

16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Messieurs les Juges. Je souhaite également bonjour à mes éminents confrères

18 de l'Accusation.

19 Je serais très bref dans le cadre de cette présentation. Mon éminent

20 confrère de l'Accusation nous a parlé du contexte qui nous emmène ici. Je

21 souhaite simplement vous parler de façon assez longue ou plus tard au cours

22 de la journée, mais je veux simplement dire que la Défense entend appeler

23 deux témoins.

24 D'abord vous allez entendre le témoignage de l'amiral qui est en retraite

25 M. Pogacnik. M. Pogacnik et l'amiral Jokic se connaissaient

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1 personnellement, c'était des amis et c'étaient des collègues, ils se

2 connaissaient pendant plus de 20 ans. M. Pogacnik était le commandant

3 adjoint de l'amiral Jokic pour ce qui du 9e Secteur Naval dans les années

4 1980. M. Pogacnik parlera de la carrière qu'avait l'amiral Jokic dans la

5 marine, il parlera du point de vue social de l'amiral et des circonstances

6 qui ont emmené l'amiral Jokic à Dubrovnik au mois d'octobre 1991.

7 Le deuxième témoin de la Défense est M. Miroslav Stefanovic, un membre

8 fondateur du parti politique appelé Nouvelle Démocratie. Il déposera sur

9 les activités politiques de l'amiral Jokic en Serbie en les années 1990 et

10 plus particulièrement il parlera de l'apport important qu'a fait l'amiral

11 Jokic pour le développement de l'initiative de la Nouvelle Démocratie et

12 d'avoir fait en sorte que la FRY se joigne au processus de paix.

13 Et dernièrement, Monsieur le Président, c'est l'amiral Jokic lui même

14 prendra la parole et qui fera un discours devant la Chambre.

15 Voilà ce sont mes commentaires luminaires, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître O'Sullivan.

17 Permettez-moi de consulter Madame la Greffière.

18 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit ou un peu plus

20 tôt, il sera peut-être nécessaire de prendre une courte pause. Et comme je

21 ne souhaite pas interrompre la déposition de témoins je vous demanderais

22 s'il vous semblerait bon de nous permettre de nous retirer pendant deux

23 minutes maintenant --

24 Nous allons vérifier maintenant si nous allons prendre cette pause -- bien

25 si nous allons nous retirer après la déposition du témoin.

Page 209

1 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. On m'informe qu'il nous faut

3 prendre une pause à ce moment-ci. Il ne nous est pas tout à fait clair s'il

4 s'agira d'une pause trois ou deux ou de cinq minutes, ou si nous aurons

5 besoin de plus de temps, je demanderais aux parties de rester tout près.

6 Merci.

7 --- L'audience est suspendue à 9 heures 23.

8 --- L'audience est reprise à 10 heures 00.

9 [Audience à huis-clos]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a son regret, doit à nouveau

17 présenter ses excuses pour le retard et la reprise tardive d'audience. Mais

18 les raisons pour lesquelles nous avons été empêchés, non pas pendant

19 l'audience mais au cours des suspensions, ne vont plus nous occuper et nous

20 préoccuper aujourd'hui.

21 Donc nous pouvons prévoir qu'il n'y aura plus d'interruptions aujourd'hui.

22 Depuis le moment où nous sommes allés à huis clos, ce n'était peut-être pas

23 clair pour le public, mais j'ai expliqué comme je l'avais annoncé ce matin,

24 que les témoins de l'Accusation seraient entendus à huis clos. C'est donc

25 ce qui s'est passé. Pendant le huis clos, c'est donc ça ce qui s'est passé,

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1 et maintenant, ce huis clos est terminé.

2 Nous sommes à nouveau en audience publique. Et je crois maintenant que

3 l'Accusation souhaite présenter une vidéo.

4 Madame Somers, c'est à vous.

5 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je souhaiterais

6 faire pour le moment c'est présenter à la Chambre un passage que nous avons

7 appelé l'impact sur les victimes.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 Mme SOMERS : [interprétation] Et cette vidéo porte en partie sur cela. Et

10 peut-être que c'est assez inhabituel comme terminologie, mais il s'agit

11 également de l'impact pour les victimes structurelles. Et si vous

12 permettez, cette terminologie est bien sûr -- ceci montre comment certaines

13 des personnes ont été affectées par le bombardement.

14 Avant cela, je voudrais quand même donner un peu le contexte pour les

15 personnes qui sont mortes et qui ont été blessées, le 6.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc la présentation de la vidéo

17 est reportée jusqu'à que vous ayez présenté vos conclusions concernant les

18 victimes.

19 Mme SOMERS : [interprétation] Immédiatement après.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 Mme SOMERS : [interprétation] Juste après.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

23 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, la partie la plus

24 tragique de l'ensemble de ces malheureux incidents est le fait que des

25 personnes ont trouvé la mort, et d'autres ont été blessées, qui ont survécu

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1 ceci par rapport à leur famille et pour les victimes. Et je voudrais saisir

2 cette occasion, même si c'est plusieurs années plus tard, d'avoir le

3 privilège de dire à la Chambre quelques mots concernant les personnes dont

4 les noms apparaissent dans l'acte d'accusation modifié afin qu'elle puisse

5 comprendre qui sont ces personnes.

6 Je voudrais procéder étape par étape et préciser à la Chambre, comme ça été

7 dit lors d'une conférence au titre de la 65 ter du Règlement, et commencer

8 par donner le contexte général, pour un jeune dont le nom était Tonci

9 Skocko.

10 Tonci Skocko était un jeune civil. Il n'avait que 18 ans au moment où il

11 est mort de mort violente au cours de ce bombardement. Il a été touché par

12 les éclats d'obus. C'était un jeune qui promettait beaucoup, qui souhaitait

13 faire beaucoup de choses, et donc sa vie a été tragiquement interrompue en

14 pleine jeunesse. Il était en train de sortir de l'épicerie de son père, qui

15 était située dans la vieille ville. Il se trouvait en compagnie d'une autre

16 personne qui a été blessée, et qui s'appelait Nikola Jovic, et qui apparaît

17 sur la liste comme étant l'un des blessés, dans l'acte d'accusation

18 modifié. Les éclats d'obus, d'après le rapport d'examen médical, ont

19 traversé sa poitrine et son cœur, et il est donc mort sur le coup, du fait

20 de ses blessures.

21 La photo qui a été fournie par la famille, vous allez voir la photo qui a

22 été fournie par la famille et j'espère que sa famille comprendra que ses

23 intérêts sont représentés au moment où nous faisons cette présentation,

24 plus particulièrement, en présentant cette photographie.

25 La deuxième victime qui est décédée, qui est mentionnée dans le deuxième

Page 239

1 acte d'accusation modifié, était une personne qui s'appelait Pave Urban.

2 Vingt-trois ans au moment où il est décédé des blessures dues aux éclats

3 d'obus. On peut en dire un peu plus. On a su un peu plus de détails

4 concernant cette personne à cause de sa passion pour la photographie. Nous

5 avons entendu sa mère nous dire, qui apparaît d'ailleurs sur la vidéo, que

6 nous demanderons à la Chambre de regarder, nous avons su que son fils avait

7 été tué en train de faire ce qu'il aimait le plus faire, c'est-à-dire,

8 prendre des photos. Il était donc dans la vieille ville et essayait de

9 photographier, de prendre des images de cette attaque féroce par les forces

10 de la JNA. Bien que ça été à une certaine distance, il a néanmoins été

11 touché par des éclats d'obus et il en est mort. Nous avons pu recueillir un

12 peu plus de renseignements concernant les circonstances de son décès grâce

13 à un de ses amis, M. Ivo Djuric -- pardon Djuro Ivic, qui à ce moment-là,

14 regardait par la fenêtre de son appartement et qui a vu son ami, un

15 journaliste et un photographe, Pave Urban, qui a été touché par les éclats

16 de cet obus. Et il dit qu'il avait été touché à une certaine distance,

17 environ 20 mètres de l'endroit où se trouvait M. Ivic. Il est tombé, il est

18 tombé à plat ventre et après un certain temps, il a été emmené par une

19 ambulance et il est apparu que son corps était sans vie. Il avait succombé

20 à ses blessures, sur place.

21 Comme je l'ai mentionné plus tôt, dans la photo que vous voyez sur vos

22 écrans, c'est une photo de Pave Urban. Un album en sa mémoire a été

23 constitué et avec les dernières photographies qui ont été prises avant le

24 décès de M. Urban. Elles sont touchantes, poignantes et peut-être peuvent

25 décrire mieux que les mots que je suis en train de prononcer, ce qui se

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1 passait et ce qui est arrivée à la vieille ville lors de ce jour funeste.

2 Je vais maintenant passer aux personnes qui ont été blessées. On m'a fourni

3 des photographies de ces personnes et donc, vous pourrez voir, par vous-

4 même, la première personne blessée. M. Vlasica, -- c'est bien cela -- oui.

5 Ivo Vlasica, fils de Ivanko. Je peux dire quelques détails le concernant.

6 Il était le père de deux enfants. Il avait 35 ans, le 6 décembre 1991.

7 C'était un civil. Il travaillait dans un magasin de la vieille ville et se

8 trouvait dans l'entrée du magasin et un obus a explosé à quelque 7 mètres

9 de là en détonnant sur la terrasse d'un restaurant, qui était situé à

10 l'angle du magasin. Et parce que la vieille ville est construite comme elle

11 l'est, c'est une vieille ville, ces venelles sont étroites. Elles sont si

12 étroites que les éclats d'obus peuvent ricocher entre les murs de la

13 vieille ville en gardant à l'esprit que c'est une ville pleine de monde, de

14 résidants, de boutiquiers et donc le shrapnel a ricoché et a touché M.

15 Vlasenica en le touchant au haut de la jambe droite avec de petits éclats

16 et le blessant également aux pieds et aux bras.

17 La personne suivante est M. Mato Valjalo. M. Valjalo est né le 18 mai 1948.

18 Et le 6 décembre, il se dirigeait, c'est-à-dire, il marchait le long de la

19 rue principale, rue principale qui s'appelait Stradun. Il a entendu un obus

20 tomber juste derrière lui. Il est tombé par terre. Il a perdu connaissance

21 et lorsqu'il est revenu à lui, il a vu qu'il était recouvert de sang et il

22 a vu qu'il y avait des morceaux de shrapnels dans ses jambes et dans ses

23 mains et il a été gravement blessé. M. Valjalo est marié. Il est père de

24 deux filles.

25 Je suis navré de ne pas avoir de photos de Nikola Jovic mais je

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1 souhaiterais dire quelque chose sur lui également. M. Jovic, qui a été

2 également blessé au cours du pilonnage du 6, a été blessé lors du même

3 incident qui a causé la mort de Tonci Skocko. M. Jovic travaillait dans un

4 magasin, dans le magasin de Mato Skocko, qui est le père de Tonci Skocko et

5 c'est à ce moment-là que le projectile a explosé et un morceau de shrapnel

6 l'a touché. Donc, il a été blessé à la jambe et au menton. Il décrit le

7 choc qu'il a subi, la sensation d'avoir perdu tout sentiment dans la jambe.

8 Il a été horrifié par cet incident, par ce pilonnage.

9 Ce sont des vies humaines perdues et il n'y a absolument rien qui puisse

10 faire pour qu'ils reviennent. Nous espérons que ces morts ne sont pas des

11 morts faites, des morts en vain et que l'on pourra se rappeler de ces

12 personnes.

13 Nous allons maintenant visionner une séquence vidéo qui parle et qui nous

14 montre du fait que Dubrovnik est une ville décrétée monument historique par

15 UNESCO et vous allez pouvoir voir, Messieurs les Juges, Monsieur le

16 Président, la ville de Dubrovnik. Il n'est pas nécessaire de faire de

17 commentaires, je crois.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Poursuivez, je vous prie.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 [Aucune traduction de la cassette vidéo]

21 [Diffusion de cassette vidéo]

22 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous

23 avons pu visionner la séquence vidéo que je voulais vous montrer. Cela met

24 fin à ma présentation intitulée : "impact sur les victimes," présentée de

25 la part de l'Accusation.

Page 242

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Somers.

2 Si j'ai bien compris, la Défense souhaitait d'abord appeler des témoins.

3 Est-ce que ces témoins peuvent être entendus en audience publique ou doit-

4 on passer à huis clos ?

5 M. NIKOLIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ces témoins

6 déposeront en audience publique.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je vous propose donc, en

8 regardant l'horloge, que le premier témoin, comme il était prévu, dépose

9 pendant 45 minutes, ce qui nous amènera tout près de 13 heures. Je

10 souhaiterais passer peut-être quelques minutes avant la pause pour entendre

11 les parties concernant une requête relative à la libération conditionnelle

12 -- que la libération conditionnelle se poursuivre.

13 Donc je vais --

14 Si j'ai bien lu vos présentations en vertu de l'Article 65 ter, le deuxième

15 témoin a déposé et les notes de récolement sont disponibles. A l'époque, on

16 ne croyait pas qu'il y aura un contre-interrogatoire, mais après avoir lu

17 la déclaration du deuxième témoin, je vous demande si votre point de vue

18 reste le même, Madame Somers ?

19 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

20 Sur la base de ce qui est écrit, nous ne proposons pas de faire de contre-

21 interrogatoire.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

23 Maître Nikolic, vous pouvez faire appeler votre premier témoin. Il s'agira

24 de qui ?

25 M. NIKOLIC : [interprétation] Il s'agira de Marjan Pogacnik. Et Monsieur le

Page 243

1 Président, je vous demanderais, s'il est possible, de nous fournir un

2 lutrin en plastique, nous n'en avons pas, et cela nous aiderait énormément.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Voilà, il s'agit de

4 biens qui peuvent être partagés par les deux parties.

5 M. NIKOLIC : [interprétation] Merci.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, vous avez déjà fait

8 sortir le premier témoin. C'est très bien, merci.

9 Je vous écoute, Maître Nikolic.

10 M. NIKOLIC : [interprétation] Je souhaiterais d'abord vous informer que

11 notre premier témoin, qui est M. Pogacnik, ce premier témoin sera interrogé

12 par Mme Jelena Nikolic -- Me Jelena Nikolic.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci.

14 Monsieur Pogacnik, avant de déposer devant cette Chambre le Règlement de

15 procédure et de preuve exige que vous fassiez une déclaration solennelle

16 par laquelle vous direz la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

17 Je vous invite donc à faire cette déclaration solennelle. Le texte vous

18 sera remis dans votre propre langue par Monsieur l'Huissier. Je vous

19 écoute.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur

23 Pogacnik. Vous serez d'abord interrogé par le conseil de la Défense, Me

24 Jelena Nikolic. Car vous êtes un témoin de la Défense.

25 Je vous donne la parole, Maître Nikolic.

Page 244

1 LE TÉMOIN: MARJAN POGACNIK [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. NIKOLIC : [interprétation] Merci.

4 Interrogatoire principal par Mme Nikolic :

5 Q. [interprétation] Monsieur Pogacnik, pour le compte rendu d'audience, je

6 vous demanderais de vous présenter aux Juges. Dites-nous quel est votre nom

7 et votre prénom ?

8 R. Je m'appelle Marjan Pogacnik.

9 Q. Pourriez-vous nous dire où êtes-vous né et quand ?

10 R. Je suis né à Ljubljana en 1941.

11 Q. Pourriez-vous nous dire si vous lisez, écrivez, et comprenez la langue

12 serbo-croate ?

13 R. Oui.

14 Q. Etant donné que vous êtes Slovène de nationalité.

15 R. Je lis le serbe, croate, je le parle et je l'ai écrit couramment.

16 Q. Est-ce que vous pouvez témoigner dans la langue serbe, croate ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous nous dire après avoir terminé l'école secondaire et

19 d'abord l'école primaire, où avez-vous fait vos études ?

20 R. Après avoir terminé l'école secondaire à Ljubljana, donc après à la fin

21 de mes études au lycée à Ljubljana, je suis allé à l'académie, l'académie

22 navale maritime, et ensuite j'ai terminé mes études militaires, à

23 l'académies navales et je suis spécialisé dans le domaine de la marine. Par

24 la suite, entre 1973 jusqu'en 1976. J'ai fait des études à Belgrade.

25 C'étaient des études à l'académie militaires à Belgrade. Et ensuite en 1979

Page 245

1 et 1980 j'ai obtenu une licence, je suis devenu commandant, c'est-à-dire, -

2 - j'ai donc étudié à l'école pour le commandement à Belgrade.

3 Q. En 1985, quel est le poste que vous occupiez ?

4 R. En 1975, au mois de juillet, j'ai été officier maritime, et j'ai été

5 nommé au poste de chef d'état major. Au même moment, je suis devenu député,

6 c'est-à-dire, adjoint du commandant du 9e secteur naval de Boka.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je puis interrompre. Je crois qu'il y

8 a eu une erreur quant à la traduction. On parle de l'année 1985. S'agit-il

9 de l'année 1975.

10 Mme NIKOLIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je vais

11 essayer de préciser ma question.

12 Q. Monsieur Pogacnik, je vous ai parlé du mois de juin 1975. Je voulais

13 vous poser une question concernant votre nomination au poste que vous

14 occupiez à l'époque, et vous m'avez donné une réponse concernant 1985. Est-

15 ce que nous parlerons de l'année 1985 ou 1975 ?

16 R. Je parle de l'année 1985.

17 Q. Fort bien. Merci. Dites-moi, est-ce que vous étiez de la même

18 génération, alliez-vous dans les mêmes classes que M. Jokic, à l'école

19 militaire navale ?

20 R. Non. J'ai été plus jeune de cinq générations, M. Jokic, était dans la

21 neuvième classe de l'académie maritime, alors que moi, j'étais dans la 14e

22 classe de l'académie navale.

23 Q. Pourriez-vous me dire s'il vous plaît, depuis quand connaissez-vous M.

24 Jokic ?

25 R. J'ai connu M. Jokic à la fin de l'école militaire, en fait, nous sommes

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1 devenus plutôt amis lorsque nous avons travaillé, nous avons effectué des

2 exercices maritimes à l'archipel entourant Split et Vis, et c'était après

3 les études à l'académie militaire navale.

4 Q. A quel moment est-ce que vous avez commencé à vous fréquenter un peu

5 plus, et à collaborer en tant qu'officier ?

6 R. Nous avons commencé à nous voir un peu plus dans les années 1980

7 lorsqu'en tant que commandant de l'unité maritime sous marine, j'ai

8 commencé à coopérer avec M. Jokic de plus près pour améliorer les services

9 sous marin.

10 Q. Est-ce que vous savez à quel moment M. Jokic a été nommé au poste de

11 commandant du 9e secteur naval de Boka ?

12 R. Je me souviens très biens. C'était en 1983.Q. Est-ce que vous savez

13 jusqu'à quel moment a-t-il occupé ce poste ?

14 R. C'était jusqu'en 1989.

15 Q. Vous nous avez dit que vous avez été nommé au poste de commandant de

16 l'état major en 1979 pour ce qui est du secteur sous marin de Boka ?

17 R. Oui. C'est exact.

18 Q. Et au cours de cette période, vous aviez des communications

19 quotidiennes avec M. Jokic, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. A ce moment-là, il était votre commandant, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. C'est lui qui m'a accepté dans son commandement, et jusqu'à mon

23 départ de mon secteur naval de Boka, nous étions -- nous avions des

24 contacts quotidiens d'heures en heures, et nous avions des contacts, sans

25 arrêt, nous étions en contact constant pendant le travail et après.

Page 247

1 Q. Comment vous entendiez-vous, quels étaient les contacts que vous aviez

2 avec M. Jokic, quel était le rapport que vous aviez avec lui ?

3 R. Je dois vous dire que le commandant était très correct envers moi,

4 d'abord il m'a aidé pour que je comprenne comment les choses fonctionnent

5 pendant six mois. J'étais son adjoint, et il m'a laissé le temps

6 d'apprendre mon travail, et lorsqu'il a été convaincu que j'avais bien

7 appris mon travail, il a commencé à me former en tant que commandant

8 militaire maritime, -- commandant du secteur militaire maritime.

9 Q. Est-ce que vous savez, est-ce que vous connaissez quel a été le

10 caractère de M. Jokic en tant qu'officier maritime ?

11 R. Oui. Lorsque je suis devenu officier, il était déjà connu en tant

12 qu'officier exemplaire. Partout où il commandait, ces unités étaient les

13 meilleures, que ce soit commandant, torpilleur ou que ce soit autres, il

14 était connu en tant que commandant exemplaire, il était notre exemple, pour

15 nous, jeune officier.

16 Q. Est-ce que vous savez quels étaient les rapports ? Quelle était la

17 façon dont M. Jokic traitait ses subordonnés, ses supérieurs?

18 R. C'était un homme très humain. Principalement c'était un militaire très

19 correct. Il demandait à ses subordonnées de faire preuve de responsabilité

20 pleine et entière, mais il était très concerné par la vie de ses personnes

21 et leurs familles également.

22 Q. Etant donné que vous mainteniez des contacts étroits au cours de cette

23 période, est-ce que vous savez quelle était la position politique de M.

24 Jokic à la fin des années 1980 ?

25 R. Oui. Il était toujours pour la Yougoslavie. Il était contre des écarts

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1 qui pouvaient survenir, et il était pour l'égalité totale entre les

2 peuples, et les nationalités. C'était sa façon de penser. Il n'a jamais

3 exprimé aucune tendance nationaliste.

4 Q. Au début des années 1990, il y avait un parti qui était au pouvoir pour

5 la FRSY à l'époque. Pouvez-vous nous dire quel est ce parti et est-ce que

6 vous étiez membre ?

7 R. Oui. C'était la Ligue des communistes de Yougoslavie. Et nous tous,

8 tous les officiers qui étions membres de la JNA à partir de 1969, nous

9 étions actuellement obligés d'appartenir à ce parti. Nous étions donc tous

10 membres du parti.

11 Q. Est-ce que vous aviez participé à un congrès de la Ligue des

12 communistes vers la fin des années 1990 ? Est-ce que vous étiez dans la

13 délégation de la JNA avec M. Jokic ?

14 R. Oui. Même si je n'ai jamais été impliqué dans la vie politique, j'ai

15 toujours occupé des postes de commandements et j'avais été choisi pour ce

16 qui est de mon secteur de Pula, j'étais un délégué pour ce fameux 14e

17 Congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie et c'est là, que j'ai

18 rencontré M. Jokic.

19 Q. En quoi est-ce que ce 14e Congrès de la Ligue de communistes de

20 Yougoslavie était important ?

21 R. Lors de ce 14e Congrès, on a commencé à voir le démantèlement de la

22 Yougoslavie. Et en fait, la Ligue des communistes a cessé d'exister lors de

23 ce 14e Congrès de la Ligue des communistes.

24 Q. Etant donné que la crise de Yougoslavie était le sujet de ce congrès,

25 quelle était la position de la JNA pour la résolution du conflit ?

Page 249

1 R. La délégation de la JNA avait pour point de vue la position de garder

2 la Yougoslavie dans son entièreté.

3 Q. De quelle façon est-ce que cette position s'est manifestée au cours du

4 congrès ?

5 R. Il s'est avéré que cette position n'était pas réelle, n'était pas

6 vraiment partagée puisque les membres de la délégation de la JNA ont voté

7 de la même façon que les autres délégués de la République de Serbie.

8 Q. Quelle est la position que M. Jokic a soutenue et comment avez-vous

9 voté lors de ce 14e Congrès ?

10 R. Et bien, nous étions les seuls représentants de l'armée populaire

11 yougoslave qui ont voté différemment de toutes les autres personnes

12 présentes. Tout d'abord, nous avons voté en faveur de la levée du blocus

13 économique imposé à la République de Slovénie et nous avons également voté

14 pour que l'on adopte une solution à la question de la structure de la

15 Yougoslavie, à savoir que l'on se prononce favorablement pour une

16 confédération. Et nous l'avons fait parce que nous voyions que c'était la

17 seule façon qui nous aurait permit d'arriver à une solution pacifique de la

18 crise en Yougoslavie.

19 Q. Est-ce que cela signifie que vous et M. Jokic étiez hostiles à cette

20 politique belligérante qui était déjà présente à l'époque ?

21 R. Nous étions tout à fait opposés à la guerre. Et nous étions partisans

22 d'une séparation pacifique au sein de la Yougoslavie.

23 Q. Amiral, je souhaite revenir à la question du 9e Secteur naval. Savez-

24 vous qui était le commandement de ce secteur, du secteur de Boka en 1990 et

25 1991 donc, au moment où des opérations de combat ou de guerre ont

Page 250

1 commencé ?

2 R. Oui, ça je le sais aussi très bien. C'était feu le capitaine de navire

3 Djurovic Krsto.

4 Q. Connaissiez-vous M. Djurovic qui est décédé entre-temps ?

5 R. Et bien, nous avons fait l'académie ensemble. Nous nous connaissions

6 depuis 1959 et nous avons passé 15 ans à être affectés aux forces navales.

7 Nous étions qui plus est des amis.

8 Q. Savez-vous ce qui advenu de M. Krsto Djurovic, début octobre de l'année

9 1991. Donc, M. Djurovic, le commandant du secteur naval, 9e Secteur naval ?

10 R. Ecoutez. J'ai entendu parler de cet accident d'hélicoptère. Je n'y ai

11 pas cru. J'en ai entendu parler par les médias mais je l'ai su aussi par

12 l'intermédiaire des membres de sa famille.

13 Q. Vous avez appris qu'il a trouvé la mort dans un accident

14 d'hélicoptère ?

15 R. Oui, c'est cela.

16 Q. Et savez-vous qui a été nommé à son poste quelques jours après qu'il

17 ait trouvé la mort, donc, au moment où l'opération militaire était déjà

18 bien avancée ?

19 R. Et bien, j'ai appris que la personne qui a été nommée, c'était de

20 nouveau M. Miodrag Jokic.

21 Q. Vous êtes un officier de la marine expérimenté. Vous connaissez bien la

22 situation dans la marine. Vous connaissez bien ce secteur naval de Boka

23 ainsi que M. Jokic. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris

24 que c'était M. Jokic qui a été, de nouveau, nommé à la tête de ce secteur

25 naval ?

Page 251

1 R. Très franchement, j'ai été surpris, très surpris, et ce, pour plusieurs

2 raisons. Tout d'abord, pendant de nombreuses années, il a été commandant du

3 secteur naval. Et bien, lorsqu'il est parti ailleurs, il était promu à des

4 fonctions bien plus importantes au sein de la JNA. En d'autres termes, il

5 m'a semblé évident qu'il pouvait exercer des fonctions bien plus

6 importantes et ceci revenait à lui faire faire un pas en arrière dans sa

7 carrière. Alors, je me suis posé la question quelle en a été la raison. Et

8 je me suis dit quant aux officiers supérieurs et expérimentés, et bien,

9 qu'il n'y avait pas d'autre, qu'en fait, le commandant qui allait prendre

10 ces fonctions allait se voir confier une tâche très responsable et très

11 importante. Il fallait qu'il s'occupe de l'ensemble des unités, à savoir,

12 des moyens techniques, des édifices, enfin de tout ce qui relevait de ce

13 secteur, des secteurs de Pula, de Sibenik, des bases Vis, Lastovo, Losinj,

14 qui sont toutes des îles. L'école navale, l'institut hydrographique,

15 d'autres institutions également, des stocks énormes d'armes, de munitions

16 ainsi que d'autres moyens techniques. Et n'oublions pas les effectifs, les

17 hommes ainsi que les membres de leur famille, donc, de tous ces secteurs

18 que je viens d'énumérer. M. Jokic devait leur garantir, comment dire, une

19 vie normale.

20 Q. Un instant. S'il vous plaît, pourriez-vous préciser à l'intention des

21 Juges ce qui est advenu du 5e et du 8e Secteur naval à l'automne de l'année

22 1991. Pourquoi le commandant du 9e Secteur devait-il, en plus, assumer ces

23 tâches-là, enfin, prendre sous sa responsabilité ces secteurs-là ?

24 R. Ecoutez. Il faut tout d'abord que je vous explique quelle a été la

25 situation, ce qui se passait à ce moment-là. Et bien, dans leur ensemble,

Page 252

1 toutes ces unités, dès le mois de septembre, s'apprêtaient à quitter leurs

2 emplacements prévus en temps de paix et ce, parce qu'il y avait une

3 contrainte extérieure. Et notamment, pour ce qui est de l'Istria, que je

4 connais bien, que je connais en détail, on voulait éviter des opérations de

5 guerre.

6 Quant à M. Jokic, en sa qualité de commandant du 9e Secteur naval, le

7 secteur de Boka où arrivaient ces unités et ces moyens techniques, et bien,

8 il était dans le même temps non seulement le commandant de ce secteur, mais

9 il était aussi le commandant de la caserne, et il était responsable de

10 prendre en charge, d'affecter et de stationner, de cantonner toutes ces

11 unités.

12 Q. Compte tenu du fait que vous connaissez M. Jokic depuis de longues

13 années, pouvez-vous nous dire si vous connaissez sa famille ?

14 R. Oui, je le connais, lui et sa -- je connais les membres de sa famille.

15 Q. M. Jokic, est-il marié, a-t-il des enfants ?

16 R. Oui, il est marié, il a deux filles, Sanja et Tanja. Je ne peux que

17 dire qu'il a toujours été un bon père, qu'il s'est toujours occupé de sa

18 famille, il a bien élevé ses enfants. Mais il a toujours, comment dirais-

19 je, il s'est toujours préoccupé avant tout, de la santé de sa fille

20 cadette, Tanja.

21 M. NIKOLIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

22 Président, Messieurs les Juges, je vous remercie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Somers, avez-vous des questions ?

24 Mme SOMERS : [interprétation] Une seule question, si je puis.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

Page 253

1 Contre-interrogatoire par Mme Somers :

2 Q. [interprétation] Bonjour, amiral. Amiral Pogacnik, pouvez-vous dire à

3 la Chambre si vous avez eu des contacts avec le bureau du Procureur, des

4 contacts, des entretiens, en juin de l'an 2002, si je puis préciser la

5 date.

6 R. Oui, oui. J'ai eu un contact ou des contacts au mois de juillet de

7 cette année-là, à Ljubljana, avec Mme Somers et avec M. Wiley.

8 Q. M. Wiley ? Wiley ?

9 R. Oui, excusez-moi, Wiley.

10 Q. A ce moment-là, avez-vous dit que votre expérience et vos connaissances

11 vous permettaient d'aider le bureau du Procureur si une telle aide ou

12 assistance était nécessaire ou demandée ?

13 R. C'est exact.

14 Mme SOMERS : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Somers.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 Questions de la Cour :

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pogacnik, je souhaite vous

19 poser une question : Vous nous avez dit que -- vous nous avez précisé

20 comment vous et M. Jokic avait voté lors du 14e congrès de l'Alliance

21 communiste. Etait-ce un vote secret, à main levée ? Quelle a été la

22 procédure ? Pourriez-vous brièvement nous préciser quelle a été la

23 procédure appliquée pour le vote ?

24 R. C'était un vote public. Nous avions tous reçu des petits bouts de

25 papier vert ou rouge. Et au moment du vote, le vert signifiait, j'accepte

Page 254

1 la proposition qui a été avancée; le papier rouge signifiait, je la refuse.

2 Et ça a été très important, notamment pour ce qui est de l'emplacement qui

3 a été réservé aux députés en uniformes.

4 Immédiatement sur place, on a été critiqué. On a essuyé des critiques parce

5 qu'on n'a pas respecté, de manière disciplinée, le vote de notre

6 représentant au congrès, parce que nous avons voté à l'opposé. Donc nous

7 avons levé la couleur différente, opposée de celle qui a été brandit par

8 notre représentant.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Pogacnik, de

10 m'avoir apporté cette réponse.

11 Ainsi se termine votre déposition à cette audience préalable au prononcé de

12 la peine. Je vous remercie d'avoir fait ce voyage et d'avoir répondu à

13 toutes les questions des parties, toutes les questions qui vous ont été

14 posées. Monsieur Pogacnik, vous êtes libre de partir.

15 Je demande à l'Huissier de vous raccompagner.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

17 [Le témoin se retire]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je souhaite aborder une

19 question de procédure. Avant que l'on passe à huis clos partiel, afin de

20 voir ce qui en est de la question de la mise en liberté provisoire.

21 J'ai remarqué que vous avez fourni à la Chambre les déclarations de

22 plusieurs individus. Par exemple, vous vous référez à M. Ivic, qui vous a

23 parlé de Pave Urban. Madame Somers, il faudra expurger de cette

24 déclaration. Pouvez-vous tout d'abord nous dire si la Défense est au

25 courant de la manière dont on a procédé à des expurgations ou bien est-ce

Page 255

1 qu'il y a eu une raison spécifique qui vous a incité à expurger ? Pourriez-

2 vous me préciser cela ?

3 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. On a

4 expurgé avec l'accord explicit de la Défense parce que les déclarations

5 sortaient du cadre du deuxième acte d'accusation modifié. Dans l'intérêt de

6 la justice, nous les avons donc réduites et expurgées afin de ne garder que

7 ceux qui étaient essentielles pour cet acte d'accusation. Mais nous l'avons

8 fait avec l'accord de la Défense.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci pourrait donc être pertinent dans

10 d'autres affaires, mais n'était pas pertinent en l'espèce. Je comprends.

11 Je suppose donc, puisque je ne vois personne bondir du côté de la Défense,

12 que la Défense partage la position qui vient de nous être présentée.

13 Si tel est le cas, je souhaite que l'on passe à huis clos partiel. Et comme

14 je l'ai déjà dit, après la fin de l'audience à huis clos partiel, nous

15 allons faire une pause pendant environ une heure, et je souhaite que l'on

16 reprenne vers 14 heures. Mais tout d'abord, occupons-nous de la question de

17 la mise en liberté provisoire.

18 [Audience à huis clos partiel]

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 49.

22 --- L'audience est reprise à 14 heures 09.(audience publique)

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble que le moment se prête à ce

24 que la Défense cite à la barre son deuxième témoin. Et le deuxième témoin

25 serait --

Page 257

1 M. NIKOLIC : [interprétation] Ce sera Miroslav Stefanovic par la Défense.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Nikolic.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Stefanovic, je

5 suppose.

6 Monsieur Stefanovic, avant de déposer devant ce Tribunal, en application de

7 notre Règlement de procédure et de preuve, je vous demanderais de prononcer

8 une déclaration consistant à dire que vous direz la vérité, toute la vérité

9 et rien que la vérité. Je vous invite à donner lecture du texte de cette

10 déclaration.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

14 Monsieur Stefanovic.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense vous cite en tant que son

17 témoin et vous serez interrogé par le conseil de la Défense de M. Jokic.

18 Maître Nikolic, veuillez poursuivre, Maître Nikolic.

19 M. NIKOLIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 LE TÉMOIN: MIROSLAV STEFANOVIC [Assermenté]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 Interrogatoire principal par M. Nikolic :

23 Q. [interprétation] Je suis l'avocat Zarko Nikolic. Je représente ici

24 l'amiral Jokic et je passerai une vingtaine de minutes avec vous en

25 conversation. Nous avons entendu votre nom mais je vous prierais de citer

Page 258

1 vos nom et prénom pour le compte rendu d'audience.

2 R. Je m'appelle Miroslav Stefanovic.

3 Q. Votre lieu de naissance, s'il vous plaît ?

4 R. Je suis né en Serbie.

5 Q. En quelle année ?

6 R. En 1947.

7 Q. Pouvez-vous nous dire quel diplôme vous avez et quel est votre parcours

8 sur le plan des études.

9 R. J'ai fait de la faculté d'architecture de Belgrade.

10 Q. Donc, vous êtes architecte diplômé.

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, je m'adresse à la fois

13 à Maître Nikolic et à vous, Monsieur Stefanovic, vous parlez la même

14 langue. Si vous ne ménagez pas une petite pause entre la question et la

15 réponse, les interprètes ne seront pas capables de vous suivre et il se

16 peut que nous n'entendions pas l'ensemble de votre déposition. Je vous prie

17 de tenir compte de cela.

18 Veuillez poursuivre.

19 M. NIKOLIC : [interprétation] Je vous remercie. J'y penserai.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, aussi, Monsieur le Juge.

21 M. NIKOLIC : [interprétation]

22 Q. Dites-nous quels ont été les postes que vous avez occupés ?

23 R. Et bien, j'ai fait des plans et des projets de construction de

24 bâtiments mais j'ai aussi travaillé sur des infrastructures. Donc, tout a

25 commencé par des intérieurs des bâtiments jusqu'aux bâtiments civils, des

Page 259

1 travaux dans le domaine du génie civil.

2 Q. Avez-vous reçu des prix au cours de votre carrière ?

3 R. Oui. J'ai été primé plusieurs fois lors des concours publics

4 d'architecture mais aussi plusieurs prix professionnels dans ma branche. Je

5 peux donc me féliciter d'avoir eu une carrière réussie.

6 Q. Dites-nous quel est votre poste, aujourd'hui, que faites-vous ?

7 R. Je suis propriétaire d'une entreprise, entreprise qui travaille dans le

8 domaine de l'ingénierie et du bâtiment. Son nom est Kolubara et nous

9 travaillons sur des projets dans le domaine du planning des constructions

10 et du bâtiment et du génie civil de manière générale.

11 Je suis employé permanent en tant que député de la communauté d'état de

12 Serbie, Bosnie-Herzégovine. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas

13 l'intention de poursuivre jusqu'à la fin de ma vie de travailler dans ma

14 profession.

15 Q. Il ressort de votre réponse que vous êtes actif sur le plan politique

16 et dans le domaine des activités sociales.

17 R. C'est exact.

18 Q. Etes-vous membre d'un parti politique ? Et si oui, duquel ?

19 R. Oui. Je suis membre fondateur, qui plus est, dont le nom jusqu'en mars

20 de cette année était la Nouvelle démocratie, Noval Demokratija [phon], et

21 qui s'appelle depuis ce moment-là, les Libéraux de Serbie.

22 Q. A quel moment ce parti, la Nouvelle démocratie, a-t-il été fondé ?

23 R. Il a été fondé en 1990.

24 Q. Dites-nous, à partir de quel moment peut-on parler d'une vie

25 pluripartite en Serbie sur la scène politique ?

Page 260

1 R. De manière officielle, en 1990, on a autorisé l'enregistrement des

2 partis politiques. Jusqu'à ce moment-là, nous avons eu quelques tentatives,

3 quelques petits pas sur ce plan à partir de l'année 1989.

4 Q. De toute évidence, vous avez décidé de prendre part à ce processus,

5 s'il vous a intéressé. Vous avez été dit que vous étiez membre fondateur de

6 ce parti politique, la Nouvelle démocratie. Dites-nous quel a été le

7 programme ? Quels ont été les objectifs politiques de ce parti ?

8 R. Je vais essayer d'être bref mais il faut que je vous cite néanmoins

9 deux ou trois parmi nos principaux objectifs. Tout d'abord, nous étions un

10 parti d'une orientation explicitement pro européenne et ce programme est

11 maintenu encore aujourd'hui. Alors une deuxième partie concernait la vie

12 économique. Nous étions d'une orientation très libérale et l'accent a été

13 mis sur une économie de marché totalement ouverte. Et un troisième segment,

14 non moins important, consistait à veiller au respect des droits de l'homme.

15 Q. Pouvez-vous nous dire qui étaient les membres de la Nouvelle

16 démocratie ?

17 R. Qui étaient les membres ou qui sont les membres ?

18 Q. Qui en sont les membres ?

19 R. Et bien, les fondateurs de la Nouvelle démocratie consistaient de deux

20 ailes pour l'essentiel. Une association sociale libérale des jeunes, qui

21 est sortie de ce qui était, à l'époque, l'Association de la jeunesse

22 socialiste. C'était une aile réformatrice de cette ligue en Serbie. Et

23 puis, une deuxième aile a consisté de nous, un petit plus âgé et nous

24 souhaitions qu'il y ait des changements. A l'époque, nous avons lancé ces

25 idées de changements en se basant sur le programme que je viens de vous

Page 261

1 préciser et nous nous sommes associés donc aux jeunes.

2 Enfin pour ne pas m'étendre là-dessus, et bien, il y avait l'actuel

3 ministre de l'Intérieur, moi-même, et puis un certain nombre de personnes

4 qui sont toujours membres des Libéraux de Serbie. Mais il y avait aussi un

5 grand nombre de personnes qui nous ont rejoints entre temps.

6 En 1992, à peu près, c'est de manière officielle, je précise de manière

7 officielle, car jusqu'à ce moment-là, pour autant que je le sache, ce

8 n'était pas de cette manière-là que le contact s'est fait. Bref, M. Jokic

9 nous a rejoint de manière officielle.

10 Q. Si je vous ai posé cette question, c'est pour savoir si ce parti était

11 d'une orientation démocratique.

12 R. Plus que démocratique. Ses membres étaient bel et bien de cette

13 orientation-là, mais aussi c'étaient des libéraux. Et je tiens à souligner,

14 en particulier, ces trois segments de notre programme que j'ai énumérés, à

15 savoir, nous étions un parti très proeuropéenne, et notre objectif était de

16 prendre notre place sur une pied d'égalité au sein de l'Union européenne,

17 et nous souhaitions, sur le plan économique, à avoir le même type

18 d'économie que les pays membres de la -- régie par le même type de

19 législation. Et je tiens à souligner que nous avons toujours respecté,

20 jusqu'à ce jour, le troisième segment de notre programme, à savoir la

21 protection et le respect des droits de l'homme, dans le domaine -- sur le

22 territoire de la Serbie.

23 Q. En tant que représentant de la Nouvelle démocratie, vous étiez député

24 fédéral ?

25 R. Oui. Lors des premières législatives libres en 1992 [sic], enfin

Page 262

1 libres, entre guillemets, et de manière conditionnelle. Oui, à ce moment-

2 là, j'ai été élu député fédéral. Et de nouveau, en 1996. En 1998, M.

3 Milosevic a truqué -- pardon, en 1999 [sic], après la guerre, il m'a enlevé

4 mon mandat et ce, en se servant d'un fou. Et après, lors des élections très

5 connues au mois de septembre, lorsqu'il y a eu renversement du régime de

6 Milosevic, j'ai été, de nouveau, élu député à l'assemblée fédérale. Et

7 lorsque la communauté d'état de Serbie et Monténégro, récemment, j'ai été

8 de nouveau élu donc à l'assemblée de cette communauté d'état, et j'y suis

9 encore député.

10 Q. Connaissez-vous l'amiral Jokic ?

11 R. Oui, je connais Jokic.

12 Q. Depuis quand connaissez-vous l'amiral Jokic ?

13 R. Je connais l'amiral Jokic depuis très longtemps. Nous nous connaissons

14 de vue, mais des contacts plus proches et une collaboration avec lui, j'ai

15 eu, il n'y a pas longtemps, en fait, lorsqu'il est devenu membre du parti

16 de la Nouvelle démocratie. Donc depuis 1992.

17 Q. Cela veut dire que l'amiral Jokic était membre du parti Nouvelle

18 démocratie ?

19 R. Oui. Il était membre. Il était membre très actif.

20 Q. Vous nous avez dit que l'amiral Jokic était un membre actif au sein du

21 parti. Est-ce que par là, vous comprenez la participation dans la mise en

22 place de certains programmes du parti Nouvelle démocratie ?

23 R. Oui, c'est ce que je veux dire. Et je peux également vous expliquer

24 quelle est la raison pour laquelle je dis que l'amiral Jokic était un

25 membre actif. M. Jokic était le président de notre assemblée -- de notre

Page 263

1 comité pour la défense et la sécurité. Et le comité exécutif traitait de

2 ces questions. L'amiral Jokic était la personne qui croyait et qui

3 défendait l'idée que notre pays devait devenir membre de l'OTAN. Je crois

4 qu'il travaillait de façon acharnée là-dessus. Nous avons eu des

5 conversations longues sur ce sujet, et cela représente une partie de sa

6 participation. Et j'espère qu'un jour, son projet et son idée, ce programme

7 verra le jour. Et j'espère également que le fait de devenir membre de

8 l'OTAN viendra un jour également.

9 Mais il avait également été très actif au sein de la réforme de l'armée.

10 Cela a été lié à la participation de la Yougoslavie de l'époque et de

11 l'appartenance à l'OTAN. Et il travaillait sur la réforme de la police. Et

12 nous savons très bien comment -- à quoi elle ressemblait pendant l'époque

13 de Milosevic. Et donc l'amiral Jokic avait des positions très soutenues

14 concernant la police et la réforme de la police. Et je crois que le groupe

15 qui travaillait dans le comité de la défense et de la sécurité, au sein du

16 parti Nouvelle démocratie, je crois que si on avait procédé aux changements

17 qu'il proposait, les choses dans notre pays auraient été différentes et les

18 choses ne se seraient pas déroulées de la façon dont elles se sont

19 déroulées.

20 Q. L'initiative du parti Nouvelle démocratie, cet engagement vers la paix,

21 est-ce que cela est suite à l'accord de Dayton ?

22 R. Non, je ne dirais pas que cela fait suite directement. C'est après

23 l'accord de Dayton que l'on a eu de longues discussions, mais ces

24 discussions, dont j'ai fait état il n'y a pas longtemps, ont commencé

25 immédiatement après fondation du Partenariat pour la paix, et ce déjà en

Page 264

1 1993 et 1994. Donc je ne relie pas cela de très près avec l'accord de

2 Dayton. Mais je dois vous dire que l'accord de Dayton nous a donné espoir

3 que les choses allaient changer et que tout allait devenir plus facile, et

4 que les choses allaient s'améliorer.

5 Q. Est-ce que vous avez essayé de promouvoir cette idée au sein de

6 l'assemblée municipale également -- au sein de l'assemblée fédérale ?

7 R. Oui, j'ai essayé le 9 janvier 1996 de parler. Je leur ai parlé de ma

8 volonté. Il est -- effectivement que j'ai lu le texte. Mais après de

9 longues conversations que j'ai eues avec l'amiral Jokic et avec les membres

10 du comité qu'il présidait, je crois que l'architecte de ce texte était, en

11 réalité, M. Jokic.

12 M. NIKOLIC : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on place la

13 décision sur le rétroprojecteur. Nous avons un exemplaire en langue

14 anglaise et en B/C/S pour les membres de la Chambre ainsi pour nos

15 collègues de l'Accusation. Je demanderais donc à M. l'Huissier, de

16 distribuer ces documents.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

18 Monsieur l'Huissier, je vous prierais de donner votre concours à Me

19 Nikolic.

20 Madame la Greffière, je ne sais pas si des cotes provisoires sont données

21 dans le cadre d'une conférence consacrée au prononcé de la sentence -- lors

22 d'une audience consacrée au prononcé de la sentence.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, c'est tout à fait possible,

24 Monsieur le Président, et j'y ai attribué certaines cotes provisoires dans

25 le cadre de cette audience.

Page 265

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous avons également reçu

2 quelques photos qui ont été cotées. Alors, ce sont des numéros qui ont

3 trait à l'audience consacrée au prononcé de la sentence -- l'audience

4 préalable à la sentence.

5 M. NIKOLIC : [interprétation]

6 Q. Je vous demanderais de jeter sur le rétroprojecteur, et de nous dire

7 s'il s'agit d'un projet concernant la décision que vous avez parlé un peu

8 plus tôt.

9 R. Oui. Effectivement. C'est cette proposition relative à la décision en

10 question.

11 Q. La question que je veux vous poser concernant ceci est la suivante. Je

12 veux savoir si ce document établit des arguments clairs concernant ce qui

13 est essentiel pour l'état.

14 R. Et bien, vous savez si on regarde le texte avec un recul, nous pouvons

15 voir qu'au premier et deuxième paragraphe de ce texte, on peut lire qu'il

16 est très clair qu'à l'époque, nous voyons que si rien n'est changé dans

17 notre état dans notre politique, si nous n'allions pas changer les choses

18 dans la façon dont les gens pensent, dans l'esprit des gens que d'horribles

19 choses se passeraient. Toutes ces choses qui sont survenues arriveraient.

20 Donc si vous permettez, je vais donner lecture de paragraphe.

21 Q. Oui. Allez-y.

22 R. "Notre pays et notre peuple se trouvent à un carrefour important

23 aujourd'hui. Le chemin que nous choisirons déterminera notre destinée pour

24 l'avenir. L'heure est venue maintenant de choisir le chemin que nous allons

25 prendre, qui nous mènera dans un état de paix dans quelques années, non pas

Page 266

1 dans une guerre encore pire. Et que, au dessus de tout, il est important

2 d'en arriver à une décision, à savoir avec qui nous allons procéder, avec

3 qui nous irons, qui seront nos partenaires, et avec qui nous conclurons,

4 avec qui nous aurons, avec qui nous irons par le chemin."

5 Q. A la conclusion de ceci la Chambre pourrait lire cette décision.

6 Dites-nous qu'est-ce qui est arrivé à cette décision, ce projet de décision

7 dans l'assemblée fédérale ?

8 R. Malheureusement, je veux simplement dire quelque chose concernant des

9 questions constitutionnelles, si vous le permettez. Il s'agit de questions

10 qui sont très importantes. Un député a le droit de proposer une décision ou

11 une loi, mais la décision est presque la même chose qu'une loi. En fait

12 dans ce contexte, et à une certaine période de temps ou pendant une très

13 courte période de temps, puisque j'avais demandé que cela soit fait de

14 façon urgente, il était nécessaire de faire parvenir ceci à la Chambre et

15 les députés devaient discuter de la décision.

16 Ce projet de décision, indépendamment du fait, comme je l'ai dit, que

17 c'était une obligation constitutionnelle qui nous appartenait, n'avait

18 jamais été reçue par la Chambre malgré le fait que moi-même et le parti

19 insistaient formellement que cela se passe avant le 5 octobre de l'an 2000,

20 mais ce document n'a pas été envoyé à la Chambre du parlement yougoslave.

21 Q. Dites-nous si effectivement vous avez présenté cette ébauche de

22 décision publiquement ?

23 R. Oui, mon parti l'a fait. Cela a été fait à plusieurs reprises par le

24 biais de discussions publiques, mais il y a également eu certaines

25 discussions concernant ceci dans les médias. Donc on en a parlé dans les

Page 267

1 médias, nous avons essayé d'informer le public de ceci de la façon la plus

2 détaillée que possible.

3 Q. Lors de ces discussions, lorsque cette décision a été présentée, est-ce

4 que l'amiral Jokic a participé à ces discussions ?

5 R. Il n'a pas seulement pris part à cette discussion, mais il a également

6 très souvent pris la parole. C'était l'un des conférenciers les plus

7 importants, concernant cette décision. Et l'on en a parlé énormément et il

8 a insisté sur l'importance de cette décision.

9 Q. Pourriez-vous nous parler d'une discussion, par exemple, qui aurait eu

10 lieu ?

11 R. Et bien, je ne sais pas combien il en avait exactement. L'amiral Jokic

12 pourra sans doute vous le dire, il y en a eu plusieurs en Serbie. Mais je

13 peux vous en parler d'une, qui a eu lieu au mois de février. Je crois que

14 c'était le 27 février 1996, il s'agit d'une discussion qui a eu lieu au

15 centre de Sava de Belgrade, un très grand nombre d'ambassadeurs et de

16 représentants militaires, et des ambassades ont pris part à cette

17 discussion. Il y a eu des membres des pays de la communauté européenne

18 surtout les états membres pour le partenariat de la paix, et les membres de

19 l'OTAN. Donc il y a eu un très grand nombre de représentants

20 d'organisations non gouvernementales également. Et je crois qu'il y a eu

21 environ 50 participants qui ont participé à ces discussions. Je me souviens

22 également que l'ambassadeur américain et l'ambassadeur britannique étaient

23 présents, l'ambassadeur italien, également -- participé -- l'ambassadeur de

24 OSCE. Et je ne souviens plus exactement de tous les participants, mais je

25 crois qu'il y a une liste qui existe.

Page 268

1 Q. Merci. Concernant cette question, ai-je raison de dire que tous les

2 forces démocratiques du monde avaient bien compris l'initiative du parti

3 Nouvelle démocratie, mais le gouvernement qui était au pouvoir à l'époque

4 n'était pas intéressé à cette procédure démocratique, n'est-ce pas, à

5 l'époque ?

6 R. Oui. Vous savez Maître Nikolic, vous avez tout à fait raison. Cette

7 idée était soutenue non seulement par les forces démocratiques au sein du

8 pays et à travers le monde, mais par toutes les personnes de bonne volonté,

9 mais comme le gouvernement Serbie et Yougoslavie, il n'y avait pas de

10 compréhension pour plusieurs choses, le gouvernement n'avait certainement

11 pas une coopération, ne comprenait pas cela sinon plus. Trois ans avant à

12 cette conférence nous avons eu cette horrible guerre et malheureusement

13 nous étions, et je crois que cette initiative a eu lieu en 1999.

14 Q. Cette initiative en 1990, est-ce qu'on a reparlé ?

15 R. Oui. Immédiatement après le 5 octobre, lorsque Milosevic n'était plus

16 au pouvoir, nous avons participé de façon active, mais il y a eu une

17 nouvelle proposition que nous avions proposée qui parlait du partenariat de

18 la paix. Donc c'est un travail que nous avions complété en -- que nous

19 avions commencé en 1996, et nous avions dit que l'assemblée devrait prendre

20 une décision quant à devenir état membre de l'OTAN. Cette proposition n'a

21 pas fait l'objet d'une discussion lors de l'assemblée parce que nous avions

22 parti du peuple de Monténégro qui faisait partie du gouvernement, telles

23 étaient les circonstances à l'époque. Et il était partenaire au niveau

24 fédéral et n'ont pas permis que cela se passe. Donc pendant un certain

25 temps, c'était le partenaire de Milosevic, il partageait son opinion et

Page 269

1 donc ils ont pensé de la même façon.

2 Et à un moment donné, lorsque l'état de Serbie et de Monténégro, le lien et

3 le rapport de forces entre les deux états a changé et la décision a été

4 proposée pour faire partie, pour joindre ce partenariat de paix. Je crois

5 que l'on en parlera dans l'avenir, certainement. M. Gobas qui était au

6 Monténégro a bien reçu ce partenariat pour la paix au mois de mai. Il en

7 parlera au mois de mai lorsqu'il y aura une réunion à Istanbul.

8 M. NIKOLIC : [interprétation] Pourrait-on montrer ce document sur le

9 rétroprojecteur. J'ai une copie pour la Chambre de première instance, pour

10 l'Accusation et également pour le Greffe.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur l'Huissier, je vous

12 prierai de prêter votre concours à Maître Nikolic.

13 M. NIKOLIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Stefanovic, je vous demanderais de donner des réponses un peu

15 plus succinctes et de ne répondre que par des oui ou par des non. Le texte

16 que vous avez sous les yeux montre-t-il que le fait de rejoindre les rangs

17 du partenariat de la paix est une des priorités des pouvoirs

18 démocratiques ?

19 R. Oui.

20 Q. Nous avons également parlé de l'année 1996. Y a-t-il eu quelque chose

21 qui ait caractérisé cette année ? Y a-t-il un événement important ?

22 R. Oui. Si je me souviens bien, c'était l'année durant laquelle l'élection

23 pour l'assemblée fédérale a eu lieu, comme je l'ai déjà dit, et les

24 élections locales pour les assemblées des villes et des municipalités ont

25 eu lieu. Les libéraux serbes ou à l'époque le parti de Nouvelle démocratie

Page 270

1 ont pris part à ces élections de façon indépendante. Elles n'ont pas fait

2 partie, donc, n'ont pas rejoint d'autres groupes.

3 D'un côté, vous avez le SPS et le JUL. Après les élections, Slobodan

4 Milosevic et son régime ont falsifié les résultats et cela a résulté en des

5 manifestations en très grands nombres qui se sont déroulées un peu partout

6 en Serbie et finalement le Conseil de l'Europe est intervenu si je me

7 souviens bien. Le président, M. Gonzales, l'ex-président espagnol du

8 Conseil européen est intervenu et il y a eu des discussions, à savoir, si

9 les vrais résultats devraient être acceptés et à l'époque, l'opposition a

10 pris la plus grande partie des villes en Serbie et nous avons participé

11 pour ce qui est des gouvernements dans les villes mêmes. Il y a eu des

12 manifestations à très grandes échelles, un peu partout. Elles étaient assez

13 nombreuses.

14 Q. Est-ce que vous avez une information directe, à savoir, si l'amiral

15 Jokic a pris part à ces manifestations ?

16 R. Oui. Parce qu'à l'époque M. Jokic est devenu un peu contrarié pour ce

17 qui nous concerne puisque je l'ai dit, nous avons participé aux élections

18 de façon indépendante en tant que parti. En fait, nous n'avons pas prit

19 part aux manifestations. C'est cela qui l'a fâché puisqu'à l'époque, nous

20 étions en coalition avec le SPS d'un côté mais d'autre part, nous avions

21 participé aux élections de façon indépendante. Cela n'a pas occasionné de

22 dommages importants. On nous a pas trop volé de votes mais l'amiral Jokic

23 et d'autres croyaient que nous devions participer à la manifestation.

24 Nous avons condamné l'action mais nous n'avons pas participé à la

25 manifestation. Nous avons dit aux membres qu'ils pouvaient participer,

Page 271

1 s'ils le voulaient, ils pouvaient prendre part aux manifestations mais M.

2 Jokic a pris part aux manifestations sur une base quotidienne si je ne

3 m'abuse. Je le voyais participer à ces marches de manifestations comme on

4 les appelait à l'époque.

5 Q. Merci. Vous avez dit qu'au mois de septembre 2000, vous êtes devenu un

6 député fédéral de nouveau, donc, un député au sein de l'assemblée fédérale.

7 Et concernant cette question, dites-nous est-ce que vous savez à quel

8 moment la loi qui promulguait la coopération avec La Haye a été adoptée ?

9 R. Je sais que cette loi a causé beaucoup de problèmes. Je sais qu'elle a

10 été adoptée au mois d'avril 2002. Le problème principal concernant cette

11 loi a été causée par l'un de nos partenaires lors des élections en 2000. M.

12 Kostunica n'a pas voulu voter en faveur de cette loi et le problème sérieux

13 qui s'est posé à ce moment-là, c'était que le parti que j'ai déjà

14 mentionné, le parti monténégrin, le parti des Socialistes nationalistes,

15 n'ont pas voulu voter en faveur de ceci. C'était le parti de M. Bulatovic.

16 Cette loi donc a été adoptée à peine il n'y a pas longtemps, donc, au mois

17 d'avril 2002.

18 Q. A quel moment avez-vous su qu'un acte d'accusation avait été rédigé

19 contre l'amiral Jokic ?

20 R. Ça, je ne le sais pas. Je crois que c'était quelque part en automne

21 2001. Donc, quelques mois avant que la loi ne soit adoptée.

22 Q. C'était en octobre ou en novembre, dit le témoin 2001?

23 R. Je ne veux pas vous mentir mais je ne me souviens pas de la date

24 exacte.

25 Q. Mais au moment, est-ce que la loi avait été adoptée au moment où l'acte

Page 272

1 d'accusation a été rédigé ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce que vous savez si la décision de M. Jokic de se livrer entre les

4 mains du Tribunal avait été fait sur une base libre et volontaire ?

5 R. Oui. Il a décidé, par lui-même, de se rendre sur une base volontaire.

6 C'est lui qui a pris la décision lui-même et c'est quelque chose que je

7 peux dire avec certitude.

8 Q. Je vous remercie, Monsieur Stefanovic. Je n'ai plus de questions à vous

9 poser.

10 R. Merci.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Nikolic.

12 Y a-t-il des questions que l'Accusation souhaite poser à ce témoin ?

13 Mme SOMERS : [interprétation] Si je puis simplement demander un point de

14 précision. Je n'ai peut-être pas trop compris quelque chose. Il s'agissait

15 d'une date.

16 Contre-interrogatoire par Mme Somers :

17 Q. [interprétation] Monsieur Stefanovic, est-ce que vous vous souvenez à

18 quel moment en 1992, quel était le mois de cette année lorsque l'amiral

19 Jokic est devenu un membre de votre parti ?

20 R. Malheureusement, je ne me souviens pas du mois exact. Mais il est

21 certain que mon parti pourrait trouver cette information. Nous détenons des

22 documents concernant ceci.

23 Q. Vous pouvez peut-être nous aider à comprendre la chose suivante. Y

24 avait-il d'autres membres ou ex-membres de haut niveau de la JNA qui avait

25 été attiré par votre parti ?

Page 273

1 R. Il y a eu deux officiers très hauts gradés qui avaient adhéré à mon

2 parti.

3 Mais permettez-moi de vous dire quelque chose. L'année 1992 était une année

4 terrible pour l'opposition en Serbie. Nous étions plus un parti de

5 l'opposition, nous subissions une pression épouvantable du régime de M.

6 Milosevic. Je voudrais le dire. Cela est très important. Donc, les deux

7 autres personnes qui avaient adhéré à mon parti, des hauts officiers hauts

8 gradés, étaient M. Zivanovic et M. Dobrivojevic, c'étaient des membres du

9 parti des Libéraux de Serbie. Ils étaient dans le même comité que celui

10 dans lequel se trouvait M. Jokic.

11 Q. Si j'ai bien compris, donc, c'était un événement assez inhabituel pour

12 une personne de la JNA de rejoindre les rangs de votre parti. Vous ne

13 parlez pas d'un nombre, d'une quantité innombrable d'officiers de la JNA

14 qui avaient intérêt à votre parti, n'est-ce pas ?

15 R. C'était des gens très courageux, ces membres qui adhéraient, qui se

16 rejoignaient au parti. Il s'agissait du parti qui prônait une vie libérale,

17 une économie libérale et qui prônait les droits de l'homme. Donc là, à

18 cette époque-là, en 1992, devenir membre actif d'un tel parti, et plus

19 particulièrement pour ce qui est des officiers haut gradés, de l'ex-JNA,

20 représentait un courage personnel énorme. Nous étions bien heureux, je dois

21 le dire, que M. Jokic nous a rejoints à cette époque-là et qu'il a en plus,

22 accepté de devenir président du comité et de parler de façon ouverte,

23 officielle, au nom de notre parti. Nous avons été bien heureux de cet

24 événement.

25 Q. Merci, Monsieur. Nous n'avons plus de questions pour vous.

Page 274

1 Mme SOMERS : [aucune interprétation]

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stefanovic, j'ai une question

4 supplémentaire que je souhaiterais vous poser, que vous pourriez peut-être

5 relier à la dernière qui vous a été posée par Mme Somers.

6 Questions de la Cour :

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit que vous ne vous

8 rappelez pas exactement quel a été le mois de 1992 où M. Jokic avait adhéré

9 à votre mouvement, à votre parti. Vous rappelez-vous s'il a adhéré alors

10 qu'il était encore membre des forces armées ? Est-ce qu'il était encore ou

11 est-ce qu'il avait quitté ces fonctions ? Est-ce que vous avez reçu un

12 militaire de carrière, en cours de carrière, un membre actif des forces

13 armées ou quelqu'un qui avait pris sa retraite involontairement, qui avait

14 été mis à la retraite ?

15 R. Je ne peux vraiment pas me souvenir, s'il était encore en carrière,

16 mais je sais qu'il a pris une retraite involontaire, qu'il a été mis à la

17 retraite. On pourrait même dire que c'était une sanction.

18 Si j'avais su que vous me poseriez une telle question, j'aurais apporté le

19 certificat d'adhésion de M. Jokic. Mais ça n'est pas un problème. Ce

20 document peut être communiqué à la Chambre si c'est nécessaire à une date

21 ultérieure.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "Nécessaire" est peut-être un mot trop

23 fort. Mais si les parties pourraient se mettre d'accord que tout document

24 qui peut établir la date de son adhésion, s'il existe un document de ce

25 genre, bien sûr, ça pourrait avoir une certaine importance pour

Page 275

1 l'interprétation des faits. Parce que ça pourrait ne pas être tout à fait

2 la même chose qu'il ait adhéré au parti après une mise à la retraite

3 involontaire. Il est question, évidement, de cause à effet. Les choses

4 pourraient être interprétées de manière différente. Je ne suis pas en train

5 de dire que l'on pourrait déduire cela de ces documents, mais peut-être que

6 l'on pourrait exclure certaines relations que vous avez faites en ayant les

7 dates.

8 Est-ce que les parties pourraient se mettre d'accord pour fournir à la

9 Chambre un document qui pourrait établir cette date ?

10 Madame Somers ?

11 Mme SOMERS : [interprétation] Absolument, si ceci convient également à la

12 partie adverse.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien. Alors, dans ce cas-là, la

14 Chambre acceptera un tel document, même s'il est fourni après cette

15 audience concernant la sentence. Et je considère que, si ce document

16 pouvait être -- s'il avait des commentaires qui doivent être faits à ce

17 sujet, je dirais que les deux parties peuvent faire leurs commentaires sur

18 ce document. Par exemple, s'il est dit que c'était en 1957, certainement ce

19 serait une erreur, ou outre observation de ce genre.

20 Et la Chambre ne souhaiterait pas recevoir ce document et d'autres

21 commentaires à ce sujet tant que les parties n'auront pas montré l'une à

22 l'autre quels commentaires elles veulent faire à ce sujet. Est-ce que ceci

23 est suffisamment clair ?

24 Mme SOMERS : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

Page 276

1 Monsieur Stefanovic, ceci conclut votre déposition devant la Chambre. Et je

2 voudrais vous remercier d'être venu et d'avoir répondu à toutes les

3 questions qui vous ont été posées par l'Accusation et la Défense et

4 également les questions qui vous ont été posées par les membres de la

5 Chambre. Vous pouvez donc maintenant quitter le prétoire.

6 L'Huissier va vous escorter en dehors de la salle d'audience, Monsieur

7 Stefanovic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup et au revoir.

9 [Le témoin se retire]

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Nikolic, la Chambre s'excuse

13 d'avoir dû se consulter pendant un certain temps, un petit moment.

14 Est-ce que j'ai bien compris que ceci serait le moment où M. Jokic souhaite

15 faire une déclaration qui serait une déclaration sans serment, cependant,

16 sous le contrôle de la Chambre ? Et je crois que vous avez bien expliqué à

17 M. Jokic que c'est à la Chambre qu'il appartient d'apprécier si la

18 déclaration qu'il ferait aurait une valeur probante quelconque, même si

19 nous parlons des questions de prononcé de la sentence plutôt que des

20 questions de la reconnaissance de culpabilité.

21 Néanmoins, la valeur probante sera appréciée par la Chambre. Je crois que

22 vous en avez discuté avec M. Jokic, et que vous-même, Monsieur Jokic, vous

23 comprenez pleinement quelle est votre situation maintenant.

24 J'ajouterais qu'aucune question ne peut être posée par l'Accusation en ce

25 qui concerne cette déclaration.

Page 277

1 M. NIKOLIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout ceci est exact.

2 Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit. Je voulais simplement proposer

3 qu'on puisse donner la parole maintenant à l'amiral Jokic.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien, je pensais qu'il était de mon

5 devoir, tout au moins, de préciser de façon claire et nette la situation au

6 point de vue procédure.

7 Monsieur Jokic, vous avez la possibilité maintenant de faire une

8 déclaration.

9 Si vous voulez le faire, vous pouvez.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

11 Madame le Procureur, je voudrais vous remercier de m'avoir donné cette

12 occasion de prendre la parole devant vous.

13 Il y a deux ans, immédiatement après que l'acte d'accusation a été rendu

14 public, je me suis rendu aux organes du Tribunal de façon à répondre aux

15 allégations afin que la vérité puisse éclater. A cette époque, dans l'état

16 où je me trouvais, il n'y avait pas de cadre juridique pour une coopération

17 entre le Tribunal et l'état. Aucun des officiers contre lesquels un acte

18 d'accusation était lancé ne s'était rendu. Et l'opinion publique était

19 contre de tels actes.

20 Avec l'équipe de la Défense et avec une assistance vraiment minime, fournie

21 par les organes de l'état et les militaires, j'ai examiné à fond les procès

22 sur lesquels il y avait eu enquête, et examiné les allégations qui se

23 trouvaient dans l'Accusation me concernant et de ma responsabilité

24 individuelle et objective. J'étais conscient de ma responsabilité en tant

25 que commandant pour les actes de mes subordonnés en tant de guerre, en tant

Page 278

1 de combat, et pour les erreurs, et les carences dans l'exercice d'un

2 commandement sur des effectifs.

3 En même temps, j'ai ressenti la nécessité pour nous en tant que société

4 responsable de faire face de façon patente et sincère aux crimes de guerre

5 qui avaient été commis. J'ai pensé qu'il était important de commencer à

6 coopérer avec le Tribunal et que malgré toute l'opposition et manque de

7 compréhension dans le public, quelqu'un devrait certainement mettre en

8 route le processus d'acceptation de la responsabilité de demander le pardon

9 des victimes et, comme objectif final, de réaliser la réconciliation avec

10 l'environnement -- l'ensemble concerné.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a deux motifs pour

12 lesquels je me trouve ici dans cette salle aujourd'hui : Le premier, c'est

13 ma conviction personnelle, la certitude qu'en tant que commandant j'ai une

14 obligation personnelle, morale d'assumer la responsabilité et de demander

15 pardon pour les actes de mes subordonnés, même si je n'ai pas donné les

16 ordres en ce sens. La deuxième raison, c'est la conscience du fait que ma

17 reconnaissance de culpabilité et le fait que j'aie admis une culpabilité,

18 fait preuve de repentir et de remords sont plus importants que mon sort

19 personnel.

20 Le 6 décembre 1991, deux personnes ont été tuées, trois personnes ont été

21 blessées et des dommages importants ont été causés à des biens civils ainsi

22 qu'à des monuments historiques et culturels dans la vieille ville de

23 Dubrovnik. Le fait que ces personnes aient trouvé la mort dans le secteur

24 dont j'étais responsable demeurera dans ma conscience pour le restant de

25 mes jours. Je suis prêt à m'incliner devant toutes les victimes de ce

Page 279

1 conflit, indépendamment du côté d'où elles se trouvaient, avec la dignité

2 d'un soldat. Et en outre, bien que j'aie déjà fait cela au moment où le

3 bombardement avait eu lieu, j'étais intervenu à la radio et par la suite,

4 je l'ai fait à nouveau en personne. Je ressens l'obligation d'exprimer la

5 plus profonde sympathie aux familles de ceux qui ont trouvé la mort ou qui

6 ont été blessés ainsi qu'aux habitants de Dubrovnik pour les souffrances et

7 les dommages qu'ils leur ont été causés par l'unité qui se trouvait sous

8 mon commandement.

9 Je considère que l'expression de mes regrets constitue une condition

10 préalable à la réconciliation et la coexistence de divers peuples dans

11 cette région.

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'étais un soldat de carrière

13 pendant toute ma vie. Et en tant que tel, j'ai respecté et obéi au code de

14 conduite des officiers en essayant de servir ma profession et mon pays de

15 façon honorable. C'est la raison pour laquelle je me trouve aujourd'hui

16 devant vous en exprimant l'espoir que mes actes pourront contribuer à la

17 réconciliation définitive et permettra au peuple qui réside dans cette

18 région de vivre ensemble et que cela créera également les conditions

19 nécessaires pour que mon peuple ne porte pas la charge de cette

20 responsabilité maintenant et à l'avenir.

21 Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jokic.

23 Nous allons maintenant poursuivre avec les réquisitoires, les derniers

24 arguments.

25 D'abord pour l'Accusation, Madame Somers, voulez-vous donner votre point de

Page 280

1 vue ?

2 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

3 Juges.

4 Je souhaite à nouveau appeler votre attention sur les éléments très

5 importants de la deuxième déclaration à laquelle il a été fait référence,

6 celle de septembre de l'année -- de cette année, et je voudrais fortement

7 recommander que sa teneur soit examinée. Je pense que cela permettra de

8 voir clairement quels étaient les événements, quelles étaient les personnes

9 concernées, et je pense plus particulièrement tout ce qui concerne l'amiral

10 Jokic.

11 Il est clair d'après la jurisprudence du Tribunal que la gravité de

12 l'infraction est la considération essentielle lorsqu'il s'agit de prononcer

13 une sentence. Nous avons évidemment dit clairement que la gravité des

14 conséquences d'un comportement d'une attaque illicite avec les décès et les

15 blessures qui en ont résulté et la destruction importante sont

16 considérables. Nous avons aussi essayé de faire ce qui n'est pas toujours

17 facile, c'est-à-dire, d'apprécier ce que nous estimons être correct du

18 point de vue de l'argumentation de l'Accusation, et s'il n'a pas toujours

19 été une voie facile. L'amiral Jokic a rendu les choses plus aisées. Notre

20 tâche est de parvenir à la vérité, et ça était donc ce processus de

21 recherches de la vérité, tout au moins une meilleure compréhension de ce

22 qui est véritablement passé qui a probablement un des meilleurs résultats

23 de l'ensemble de cette procédure, qui certes n'est pas une procédure

24 heureuse pour qui que ce soit.

25 Mais le caractère absolument insensé de l'attaque du 6 décembre se passe de

Page 281

1 tout commentaire. L'amiral lui-même a reconnu cela. Il n'y a aucune

2 justification à cette attaque. Il n'en a donné aucune. Il n'en a aucune à

3 quiconque comprend ce qui s'est passé ce jour-là et ce qui a fini par se

4 passer à la fin.

5 Il est très important de regarder quelles sont les pratiques en matière de

6 prononcé de sentence, du point de vue de l'Accusation, pas seulement pour

7 les possibilités objectives de ce qui pourrait être la décision définitive

8 en l'occurrence, mais du prononcé d'une sentence dans un processus et une

9 procédure très personnalisée. Lorsqu'on voit l'ensemble du tableau,

10 lorsqu'on voit la personne en question, lorsqu'on voit l'homme ou la femme

11 qui se trouve au centre de cette procédure, il est évident, à notre avis,

12 que les accusations elles-mêmes suffiraient de base à la sentence

13 recommandée que, bien entendu, la Défense comprend les choses ainsi. A tout

14 moment, il a été dit clairement, il a été présenté clairement que les

15 éléments à décharge seraient l'essentiel de l'audience d'aujourd'hui et de

16 tous les éléments de preuve qui seront présentés à la Chambre et qu'il

17 fallait, évidemment, qu'un équilibre soit réalisé de façon à ce que ce type

18 de comportement ne se reproduise jamais et qu'il y ait une valeur

19 dissuasive dans la sentence que la Chambre jugerait bon de prononcer. Nous

20 reconnaissons que c'est là une question qui relève sainement du pouvoir

21 discrétionnaire de la Chambre de première instance.

22 Et il est clair que, par rapport à la plupart de ce qui a été dit

23 aujourd'hui, concernant les incidents qui se sont produits, cela continue

24 d'être dans la conscience de l'amiral et il est vraisemblable que cela

25 restera sur sa conscience jusqu'à la fin de ses jours. Il est tout

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1 également clair que les victimes et leurs familles, en particulier, la

2 famille de ceux qui sont morts devront vivre avec les conséquences de ce

3 qui s'est passé et des différentes explications qui ont été données.

4 Là, encore, l'objectif et la Chambre connaît bien la jurisprudence en

5 matière de prononcé de sentence tel que nous suggérions que compte tenu de

6 la gravité de l'infraction, plus particulièrement lorsqu'il y a une

7 responsabilité de ce genre, il y a la question lorsqu'on est face à face à

8 ce type de crimes de ce genre, la question de la distance. Et les éléments

9 qui, sans doute, ajoutent une dimension d'horreur à ce crime.

10 Ayant dit cela, nous avons entendu ce que l'amiral a reconnu, qui avait été

11 fait. Est-ce que ceci a rendu les choses plus faciles pour les personnes

12 dont les enfants ont trouvé la mort ? Non. Est-ce que ça aidé à un moment

13 quelconque Dubrovnik ? Non. Est-ce que ça contribué à quoi que ce soit, à

14 l'époque ? Non. Si ce n'est que cela a permis de continuer le dialogue à

15 cause de la responsabilité que l'amiral a reconnu pour les actes de ses

16 subordonnés. Il est remarqué que les homologues croates ont reconnu et ont

17 considéré cette reprise des négociations comme sincère. Position très

18 difficile pour les deux parties avec un niveau de détresse qui était

19 probablement à son sommet.

20 Ayant dit tout cela, il est clair que c'est peut-être un cas de première

21 impression au Tribunal, comme on l'a dit plus tôt, mais l'amiral est le

22 premier officier du plus haut rang de l'armée populaire yougoslave à être

23 entré dans une négociation sans vraiment essayer d'obtenir une réponse

24 positive en disant : "Oui, mais." Mais il a dit : "Oui. Ça s'est passé de

25 cette manière. Ça s'est passé de la manière dont ça s'est passé et j'en

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1 prends la responsabilité."

2 Notre jurisprudence offre, à ce moment-là, ce qui vous est nécessaire pour

3 prendre votre décision. Et nous espérons qu'en faisant déposer certains des

4 témoins, dont je n'ai pas la possibilité de parler maintenant en audience

5 publique, nous espérons que ceci aura pu aider les Juges. Et nous espérons

6 que ce sera le début d'une suite, d'une reconnaissance par certaines

7 personnes de reconnaître leur responsabilité et par conséquent, la tâche,

8 l'objectif final du Tribunal en sera facilité.

9 Je crois qu'il y a peu à dire sur ce qui n'a pas été, je crois évoqué, à

10 savoir, le niveau de la coopération de la Défense. Je voudrais appeler

11 l'attention de la Chambre pour dire qu'effectivement, ça été difficile pour

12 les deux parties et qu'il y a eu une coopération absolue pour ce qui était

13 de permettre que cette procédure se déroule sans difficultés. Il n'y a eu à

14 aucun moment une impasse, ni une tentative d'éluder quoi que ce soit. Et il

15 y a donc eu une coopération complète et transparente.

16 Les commentaires que M. Stefanovic a faits, l'idée de savoir que l'amiral

17 ait pris sa retraite ou pas ou a été mis à la retraite ou pas, par rapport

18 à son adhésion à un parti qui a des principes qui, à l'époque, n'étaient

19 pas nécessairement particulièrement populaires, je crois, est significatif.

20 Les commentaires faits par les témoins de l'Accusation indiquent également

21 que le type d'éléments, et comme on dirait la pensée qui avait cours, était

22 évidemment également dans le cours des discussions avec l'amiral.

23 Là encore, personne ne peut réparer les terribles dommages qui ont eu lieu.

24 Personne ne peut rien changer aux vies qui ont été, ainsi qu'aux personnes

25 qui ont été ainsi affectées. On ne peut pas faire en sorte que Dubrovnik,

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1 la vieille ville de Dubrovnik soit dans l'état où elle était avant le 6

2 décembre. Et personne ne peut, non plus, essayer ou ne doit essayer de

3 justifier quoi que ce soit de ce s'était passé. C'est une procédure très

4 complexe. Il a été difficile de savoir exactement ce qui s'était passé et

5 j'espère que maintenant, nous aurons pu réussir à le démontrer de façon

6 aussi claire que possible. Mais il est important que les personnes du côté

7 croate et les personnes qui étaient du côté de l'ancienne armée populaire

8 yougoslave puissent faire un effort concerté pour établir ou nous aider à

9 établir la vérité, que ceci puisse servir par la suite, au but qui est la

10 réconciliation dont il est tellement question, en particulier pour ce qui

11 est des régions qui sont visées par le présent acte d'accusation.

12 Je voudrais remercier également le personnel qui s'est occupé de ce procès

13 pour cette Chambre. Et je veux dire, je parle également pour la Défense

14 pour avoir donc obtenu cette aide et nous apprécions cela. J'espère que

15 l'exposé qui a été fait, aux noms de ceux qui ont subi ces pertes, a été

16 bien démontré bien que vous n'ayez pas eu un procès complet, ce n'était pas

17 le but de cette audience aujourd'hui. Je pense que vous avez pu comprendre

18 tous les paramètres et l'ensemble de ce qui s'est passé. Je vous remercie.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Somers.

20 Monsieur O'Sullivan.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 La Chambre de première instance a eu l'occasion de prendre connaissance de

23 nos écritures qui ont été déposées le 14 novembre.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, si à un moment

25 quelconque, vous éprouvez le besoin de passer à huis clos partiel parce que

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1 vous devez aborder des moyens de preuve qui ont été présentés ce matin,

2 n'hésitez pas à nous le demander. Je vous prie de poursuivre.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci. Vous avez, aujourd'hui, entendu des

4 témoins qui sont venus déposer devant la Défense et devant l'Accusation. A

5 la fin cette audience, avant que je ne prenne la parole, vous avez entendu

6 mon ami, notre collègue de la Défense ainsi que l'accusé Jokic. Je pense

7 que toute personne de bonne volonté ne peut qu'être frappée par la tragédie

8 absurde et injustifiée, et illicite qui s'est produit dans la ville de

9 Dubrovnik, le 6 décembre 1991. Deux vies ont été perdues, trois autres

10 personnes ont été blessées, des dommages, des destructions ont été

11 infligées à la partie vulnérable de la cité que l'on qualifie d'une "Perle

12 de l'Adriatique."

13 Toute personne de bonne volonté aspire à la vérité et à l'honnêteté.

14 Chercher à faire preuve d'intégrité, respecte l'autorité, se comporte de

15 manière honorable face aux autres, il traite les autres de manière et juste

16 et avec respect. Et prêt à reconnaître ses fautes, ses défauts, et dans des

17 situations difficiles, cet individu acceptera les conséquences de ses

18 actions de manière courageuse, d'une manière franche et digne. Une personne

19 de bonne volonté jugera les autres et demandera que l'autre la juge sur la

20 base de son comportement individuel et sur la base des traits de caractère

21 qu'elle montre.

22 L'amiral Jokic est une homme de bonne volonté, c'est un officier de la

23 marine qui a fait une carrière réussie, qui a reconnu sa culpabilité, eu

24 égard aux événements du 6 décembre 1991, et ceci doit être évalué, apprécié

25 dans le contexte de ce que vous avez entendu au sujet de sa vie, de son

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1 caractère, de ses valeurs et de sa personnalité.

2 Vous savez à présent bien plus au sujet de cet homme qui a plaidé coupable

3 devant vous en août dernier.

4 Grâce à la déposition du contre amiral à la retraite, M. Pogacnik, vous

5 savez que M. Jokic, a été un officier de la marine respecté. Les deux

6 hommes se sont connus dans le cadre professionnel, et personnellement sur

7 plus de 20 ans. M. Pogacnik, a été commandant adjoint de l'amiral Jokic,

8 dans le 9e Secteur naval de Boka au milieu des années 1980. Leur zone de

9 responsabilité sur la côte Adriatic comprenait la municipalité de

10 Dubrovnik. Et l'amiral Pogacnik a décrit l'amiral Jokic, comme un

11 commandant capable et correct, qui a respecté à la fois ses supérieurs et

12 ses subordonnés. L'amiral Jokic a été considéré comme un officier de la

13 marine et en fait une carrière réussie, et qui n'a pas ménagé ses efforts,

14 qui s'est formé tout au long de sa carrière, et qui a su s'assurer le

15 respect de ces hommes et à chercher à résoudre les problèmes par la voie du

16 dialogue.

17 Dans des contacts plus proches, plus personnels, M. Pogacnik, savait que

18 l'amiral Jokic était un homme dédié, consacré à sa famille. Il n'a jamais

19 connu l'amiral Jokic dans un contexte nationaliste, tout à l'opposé, en

20 tant qu'officier de la JNA, l'amiral s'est décrit en tant que "Yougoslave,"

21 et il ne s'est pas rangé le long des lignes d'appartenance ethnique ou

22 religieuse. Les deux hommes ont été présents ensembles lors de ce fameux

23 14e congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie, le congrès final

24 qui a commencé, qui a marqué le début de [imperceptible]Yougoslave et de la

25 JNA. L'amiral Jokic était favorable à une solution pacifique de la crise

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1 politique et M. Pogacnik et l'amiral Jokic étaient les seuls membres de la

2 JNA, de sa délégation présente au 14e congrès qui ont voté favorablement à

3 ce qu'on maintienne une structure fédérale au sein de Yougoslavie et qui

4 ont été favorables à une solution pacifique à la crise qui s'annonçait.

5 La Chambre de première instance sait maintenant quelles sont les

6 circonstances de la nomination, de la désignation de l'amiral Jokic à

7 Dubrovnik, le 8 octobre 1991. Le 5 octobre 1991, Krsto Djurovic, le

8 commandant du 9e Secteur naval a été tué lorsque son hélicoptère a été

9 abattu. Et l'amiral Jokic a reçu l'ordre de remplacer Krsto Djurovic. Il

10 n'a jamais demandé d'être nommé à ce poste. Mais après la mort de Krsto

11 Djurovic, l'amiral s'imposait en tant que son choix, s'imposait à ce poste,

12 puisqu'il avait été chef d'état major du 9e Secteur naval entre 1977 et

13 1980, et le commandant de ce même secteur entre 1983 et 1989.

14 Au début décembre 1991, pendant ces jours fatidiques à Dubrovnik, l'amiral

15 Jokic a travaillé de manière proche -- a collaboré de manière proche avec

16 M. Davorin Rudolph, qui était le ministre croate chargé des affaires

17 maritimes et ministre des Affaires étrangères, qui était venu dans la

18 région de Dubrovnik, afin d'œuvrer sur le retrait de la JNA du territoire

19 croate. Lorsque les délégations, qui avaient à leur tête M. Rudolph et

20 amiral Jokic, se sont rencontrées à Cavtat, et lorsqu'ils se sont

21 rencontrés près de Dubrovnik, le 5 décembre, ils se sont mis d'accord sur

22 un cessez-le-feu immédiat et sur un mécanisme qui devait améliorer la vie

23 des citoyens à Dubrovnik.

24 Le 6 décembre vers 14 heures dans la journée, M. Rudolph a reçu un message

25 radio de la part de l'amiral Jokic, et ce message contenait des excuses que

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1 présentaient l'amiral Jokic à cause du bombardement, qui avait eu lieu dans

2 la vieille ville de Dubrovnik, le même jour. Et M. Rudolph a pu donner

3 lecture de la totalité de ce texte, des excuses par les radios à

4 l'intention des citoyens de Dubrovnik.

5 Le lendemain, le 7 décembre, M. Rudolph et sa délégation ont rencontré

6 encore une fois à Cavtat, près de Dubrovnik, l'amiral Jokic, et un accord

7 final sur le cessez-le-feu a pu être conclu. Et ceci n'était pas un détail.

8 Ceci reflétait aussi le caractère de l'homme, à savoir, le fait que

9 l'amiral Jokic est venu attacher le cordage du navire de M. Rudolph lorsque

10 celui-ci devait entrer à Cavtat. Le 7 décembre, pendant la rencontre avec

11 M. Rudolph, l'amiral Jokic s'est présenté de manière tout à fait

12 visiblement sincère pour présenter ses excuses à cause des événements du 6

13 décembre 1991. Et M. Rudolph aperçu l'amiral Jokic comme un négociateur

14 déterminé, sincère, et franc, et il pensait que l'amiral Jokic négociait de

15 bonne foi, et que ses excuses et son comportement pendant ces entretiens en

16 face à face, et également ses gestes pendant la négociation, reflétaient de

17 manière tout à fait juste, le caractère et le comportement de l'amiral

18 Jokic.

19 Le Procureur reconnaît lui-même que le message radio envoyé par l'amiral

20 Jokic à M. Rudolph, le 6 décembre, fait preuve de remords sincères de la

21 part de l'amiral Jokic, pour le bombardement de la vieille ville de

22 Dubrovnik. Et plus est, nous estimons que la conduite de l'amiral Jokic,

23 entre le 5 et le 7 décembre 1991, s'agissant des négociations avec M.

24 Rudolph, doivent être considérées comme des actes de bonne foi. L'amiral

25 Jokic a essayé de modifier, d'améliorer le déroulement des choses. L'amiral

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1 Jokic a négocié de bonne foi avec M. Rudolph, et finalement, un accord de

2 cessez-le-feu a pu être obtenu le 7 décembre 1991 qui a sauvé des vies, et

3 qui a préservé les biens, a empêché de nouvelles destructions.

4 Depuis ce moment-là, l'amiral Jokic a pris part à des activités qui font

5 état de sa position constructive sur le plan social et politique. M.

6 Stefanovic, membre fondateur de la Nouvelle démocratie est venu déposer au

7 sujet des activités politiques de l'amiral Jokic en Serbie dans les années

8 1990. Comme vous l'avez entendu la Nouvelle démocratie a été fondée en

9 juillet 1990, c'était un parti politique pro européen fondé sur un

10 programme libéral démocratique qui visait à l'organisation démocratique des

11 institutions politiques et le respect des droits de l'homme. Et l'amiral

12 Jokic a rejoint la Nouvelle démocratie, il a été son président du comité

13 pour la défense et la sécurité, il a été conseillé sur les questions

14 militaires, et l'amiral Jokic a contribué d'une manière significative au

15 développement des initiatives de la Nouvelle démocratie afin que la RFY

16 rejoigne le partenariat de paix, en particulier, l'amiral Jokic a participé

17 en tant que porte-parole de la Nouvelle démocratie dans divers forums

18 publics organisés dans toute la Serbie afin de promouvoir le partenariat

19 pour la paix.

20 En 1996, 1997, l'amiral Jokic a pris part à des manifestations dans les

21 rues de Belgrade contre le régime. Et même s'il y a pris part en tant

22 qu'individu à titre privé, il était néanmoins un ancien officier de la JNA.

23 Et la Chambre connaît, à présent, l'attitude de l'amiral Jokic à l'égard de

24 cette même institution, le Tribunal. L'amiral Jokic s'est rendu de son

25 propre gré au Tribunal le 12 novembre 2001. Il a été le premier officier de

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1 l'ex-JNA de Serbie, donc originaire de Serbie, à se rendre volontairement

2 au Tribunal. Et à l'époque, la loi sur la coopération entre le RFY et le

3 Tribunal n'était pas encore promulguée. Le fait que l'amiral Jokic se soit

4 rendu de son propre chef montre son caractère, l'intégrité personnelle de

5 cet homme en tant que soldat, mais aussi le fait qu'il respecte l'autorité

6 de ce Tribunal.

7 Par ce fait, l'amiral Jokic a gagné le respect, le soutien des membres de

8 la Nouvelle démocratie, et d'autres personnes au sein du gouvernement. Et à

9 son arrivée au Pays-bas, l'amiral Jokic a été décrit comme un homme qui

10 avait préservé sa dignité, son honneur militaire.

11 En détention ou pendant la mise en liberté provisoire, il s'est comporté de

12 manière exemplaire. Le commandant de l'unité de détention des Nations Unies

13 fait un rapport au sujet de son comportement en disant qu'il s'est toujours

14 comporté de manière adéquate, qu'il a respecté le "management" ainsi que le

15 règlement. Le 20 février 2002, l'amiral Jokic a pu se rendre en Serbie, mis

16 en liberté provisoire. Il a toujours respecté les conditions qui ont été

17 déterminées par cette Chambre de première instance sous la surveillance des

18 autorités locales de Belgrade.

19 La jurisprudence de ce Tribunal reconnaît que le plaidoyer de culpabilité

20 par un accusé a une valeur lorsqu'il s'agit d'un processus qui relève de la

21 justice internationale -- du droit pénal international. Le plaidoyer de

22 culpabilité de l'amiral Jokic et son aveu montrent son honnête.

23 Et nous estimons que sa reconnaissance des crimes et le fait qu'il soit

24 prêt à assumer sa responsabilité contribueront à rendre justice aux

25 victimes à en dissuader d'autres crimes et que cela constitue une base pour

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1 la réconciliation et empêche le révisionnisme. En plaidant coupable avant

2 le début du Tribunal -- avant le début du procès, constitue une

3 contribution considérable aux travaux de ce Tribunal.

4 La Chambre de première instance dans l'affaire Plavsic a accepté que la

5 reconnaissance et la communication des informations sur l'ensemble des

6 crimes sont très importantes lorsqu'il s'agit de faire éclater la vérité eu

7 égard à ce genre de crimes. En particulier, le plaidoyer de culpabilité, la

8 reconnaissance de la responsabilité de l'amiral Jokic, qui était un

9 officier haut gradé au sein de l'ex-JNA, va au cœur de la mission de ce

10 Tribunal, à savoir le rétablissement de la paix et de la sécurité dans la

11 région par la voie de la réconciliation et de la reconnaissance des

12 responsabilités.

13 La sincérité de son comportement et son remords ne peut pas faire objet de

14 contestation. Il a fait part de ses regrets lors de ce message diffusé par

15 la radio qu'il a envoyé au ministre croate des Affaires maritimes et

16 ministre des Affaires étrangères, le 6 décembre 1991. Et il a réitéré ses

17 excuses le lendemain lorsque l'amiral Jokic l'a rencontré.

18 Je souhaite passer à huis clos partiel, s'il vous plaît, un instant.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble qu'il faudrait quand même

20 vérifier l'heure. La bande va s'arrêter peut-être dans cinq à dix minutes,

21 donc il serait bon de faire une pause. Je vous ai déjà privé d'une pause à

22 la fin de la présentation du réquisitoire par l'Accusation puisque nous

23 avons prévu une pause entre-temps, mais comme nous avons pris du retard, je

24 ne sais pas exactement comment faire -- il -- je voudrais savoir combien de

25 temps il nous reste.

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1 Et bien, s'il nous reste, d'après ce que dit le Greffe, 30 minutes, nous

2 pourrions peut-être terminer.

3 M. O'SULLIVAN : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, très bien, nous allons passer à

5 huis clos partiel.

6 [Audience à huis-clos partiel]

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4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience

6 publique d'après ce que je vois à l'écran.

7 Vous pouvez poursuivre, Maître O'Sullivan.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Permettez-moi d'en conclure en disant,

9 qu'en plus d'avoir examiné les mémoires en clôture déposés le 14 novembre

10 par les parties, la Chambre de première instance a eu la possibilité

11 d'entendre des dépositions des témoins ainsi que les arguments des parties.

12 L'amiral Jokic a présenté son mémoire où il exprime en détail sa position.

13 L'amiral Jokic a plaidé coupable et a reconnu sa responsabilité de ses

14 actions en tant que commandant du 9e Secteur naval de la JNA eu égard aux

15 événements du 6 décembre 1991 et le bombardement illicite de la vieille

16 ville de Dubrovnik.

17 Il y a des facteurs substantiels dans l'affaire Jokic. Vous savez ce qu'il

18 a fait. Vous savez ce qu'il a failli faire et vous savez également ce qu'il

19 n'a pas fait suffisamment. Les facteurs atténuants substantiels sont les

20 suivants : Il a reconnu sa responsabilité, sa culpabilité; il a coopéré de

21 manière étendue et sérieuse avec le Procureur; il a fait preuve de remords;

22 il s'est livré au Tribunal de son propre gré; il s'est conduit de manière

23 adéquate en détention et pendant sa mise en liberté provisoire; il est d'un

24 âge avancé; il a fait preuve de comportement adéquat au moment de la

25 commission des crimes et après celle-ci; ces circonstances personnelles et

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1 familiales, son bon caractère, sa reconnaissance des faits et les

2 conséquences de sa reconnaissance de culpabilité apporte une contribution

3 au Tribunal pour qu'il puisse atteindre ses objectifs principaux : Faire

4 éclater la vérité, rendre justice, dissuader d'autres auteurs de crimes

5 éventuels et rétablir la paix et la sécurité dans la région, et ce, par la

6 voie de la responsabilité à la réconciliation.

7 Toute peine imposée à l'encontre de l'amiral Jokic doit être replacée dans

8 le contexte de sa conduite, à la fois positive et négative. Doit être

9 considéré, eu égard à l'impact potentiel des décisions sur d'autres accusés

10 et sur des auteurs inconnus de crimes. Toute sentence imposée à l'encontre

11 de l'amiral Jokic devrait être inférieure à deux ans de prison.

12 Ceux-ci ont été mes remarques finales.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Jokic, nous avons entendu de nombreux éléments d'informations,

15 aujourd'hui. Vous vous êtes adressé à la Chambre. Y a-t-il quoi que ce soit

16 que vous souhaitez dire, aujourd'hui, ajouter aujourd'hui ? C'est le moment

17 ou jamais de le faire.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je ne le souhaite

19 pas.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tel est le cas, je souhaite

21 m'adresser aux parties. L'audience d'aujourd'hui a pour but d'aider la

22 Chambre dans sa détermination de la sentence. La Chambre estime que les

23 parties n'ont pas agit de manière stéréotypée qui, parfois, n'aide pas la

24 Chambre dans son travail qui consiste à déterminer la sentence mais que les

25 parties, en revanche, ont fait preuve d'un véritable effort afin d'aider la

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1 Chambre.

2 Avant de lever l'audience, je voudrais passer à huis clos partiel un bref

3 instant.

4 [Audience à huis clos partiel]

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19 [Audience publique]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai compris que les parties ne

21 souhaitaient rien n'évoquer d'autre maintenant. Donc, je ne vois pas de

22 signe en ce sens. Donc, je considère que c'est bien la situation.

23 La Chambre va donc se retirer pour délibérer et rendre un jugement

24 prononçant sa sentence vraisemblablement pas avant les congés de fin

25 d'année, de décembre. Et je lève la séance.

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1 --- L'audience sentencielle est levée à 15 heures 45.

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