Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 16 mai 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes.

  7   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre

 10   Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Je souhaiterais que les parties se présentent, en commençant par

 13   l'Accusation.

 14   M. GROOME : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Dermot

 15   Groome, accompagné de M. Peter McCloskey, de Maxine Marcus, de Roeland Bos,

 16   et de Mme Janet Stewart.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

 18   Qu'en est-il de la Défense ?

 19   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Me Branko

 20   Lukic, accompagné aujourd'hui de M. Miodrag Stojanovic, M. Milos Saljic, et

 21   M. Radovan Djurdjevic.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic, et je

 23   vois que M. Mladic est également présent.

 24   Avant d'entendre la déclaration liminaire de l'Accusation, la Chambre

 25   souhaiterait prononcer une déclaration.

 26   Le 3 mai 2012, la Chambre a rendu une décision par laquelle elle ne faisait

 27   pas droit à deux demandes de la requête de la Défense au fin de report du

 28   début du procès et a déclaré que les raisons écrites de cette décision


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  1   seront présentées ultérieurement. La Chambre est justement en train de

  2   rédiger ledit document par lequel elle présentera les raisons qui motivent

  3   cette décision.

  4   Le 11 mai, à savoir vendredi dernier, la Chambre a eu une surprise

  5   désagréable qu'elle avait été informée, par le biais d'une communication

  6   informelle entre les parties qu'il y avait eu une erreur de communication

  7   assez importante de la part de l'Accusation. Ladite erreur pourrait

  8   d'ailleurs avoir un impact sur la capacité de la Défense à se préparer la

  9   présentation des moyens à charge. Le même jour, la Chambre a immédiatement

 10   enjoint l'Accusation de répondre à toute une série de questions posées pour

 11   que ce soit précisé la portée et l'impact potentiel de ladite erreur. Le 14

 12   mai, l'Accusation a répondu; toutefois, cette réponse n'a pas permis à la

 13   Chambre de disposer de tous les renseignements nécessaires pour comprendre

 14   l'ampleur du problème ou pour comprendre quelles furent les mesures

 15   concrètes prisent pour remédier au problème. Le même jour, la Chambre a été

 16   saisie d'une nouvelle requête de la Défense au fin de report du procès.

 17   Au vu de cette nouvelle information, la Chambre informe les parties qu'elle

 18   est en train de déterminer si elle envisage de reconsidérer sa décision du

 19   3 mai par laquelle elle n'avait pas fait droit aux demandes présentées par

 20   la Défense au fin de report ou pour voir quelles sont les autres mesures de

 21   recours qui pourraient être nécessaires. A cet égard, il ne sera pas

 22   surprenant d'entendre qu'il se peut que ces nouvelles informations ont une

 23   incidence sur le début de la présentation des moyens à charge.

 24   De surcroît, la Chambre est en train de s'interroger pour voir quels sont

 25   les renseignements supplémentaires qui sont encore demandés et requis de la

 26   part des parties et qui communiquera avec eux dans un avenir très, très

 27   proche.

 28   En dernier lieu, et ce, pour que le dossier soit absolument transparent,


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  1   l'Accusation se voit exhorter de déposer immédiatement sa correspondance du

  2   11 mai ainsi que sa réponse informelle du 14 mai, en attachant - sans qu'il

  3   n'y ait aucune modification - les annexes à ce dépôt d'écriture.

  4   M. Groome, l'Accusation a indiqué qu'elle déposerait sa réponse à la

  5   requête de la Défense, qui fut déposée le 14 mai, et vous nous avez indiqué

  6   que vous aviez l'intention de déposer votre réponse hier. Est-ce que cela

  7   est chose faite maintenant, oui ou non ?

  8   M. GROOME : [interprétation] Il y a eu plusieurs dépôts d'écriture,

  9   Monsieur le Président. Peut-être que si vous me donniez le titre, je serai

 10   en mesure de vous répondre.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il s'agit de la réponse à la toute

 12   dernière requête présentée par la Défense au fin de report du procès.

 13   M. GROOME : [interprétation] L'Accusation a déposé une réponse hier, et en

 14   ce sens l'Accusation reconnaît son erreur et reconnaît que cette erreur

 15   pourrait avoir un impact sur la capacité ou l'attitude de Me Lukic -- et de

 16   la Défense à se préparer. L'Accusation, en fait, ne s'oppose pas à ce que

 17   l'on envisage un report raisonnable pour le début du procès.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Donc point n'est besoin de vous donner une date butoir pour cette réponse,

 20   et je vais poursuivre en vous disant que la Chambre a également pris en

 21   considération cette erreur qui fort fâcheuse et c'est demandé si elle

 22   pourrait avoir des conséquences sur le début de la déclaration liminaire de

 23   l'Accusation. Mais étant donné que la Défense a décidé de ne pas faire de

 24   déclaration pour le moment, la Chambre a décidé que la déclaration

 25   liminaire de l'Accusation ne causerait pas de préjudice à la Défense, j'en

 26   ai maintenant terminé avec sa déclaration de la Chambre.

 27   Je souhaiterais que soit consigné au dossier quem dans le cadre d'une

 28   communication informelle, la Chambre a fait droit à la demande présentée


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  1   par l'Accusation qui souhaitait pouvoir disposer d'un peu plus des six

  2   heures qui lui avaient été octroyées par la Chambre de première instance.

  3   Monsieur Groome, est-ce que l'Accusation est prête à faire sa

  4   déclaration liminaire ?

  5   M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Groome.

  7   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

  8   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en

  9   avril 1992, il y a 20 ans de cela, les dirigeants serbes de Bosnie ont

 10   lancé une attaque sur leurs concitoyens de Bosnie-Herzégovine, des civils

 11   qui ont été pris pour cible pour la seule raison qu'ils n'appartenaient pas

 12   au même groupe ethnique que les Serbes. Leurs terres, leur vie, leur

 13   dignité ont été attaquées de manière coordonnée, d'une manière qui a été

 14   planifiée, d'une manière attentive. A certains endroits, cette attaque a

 15   atteint le niveau de génocide. Le monde a suivi cela, ne pouvant pas croire

 16   que, dans ces quartiers, dans ces villages, en Europe, un génocide semblait

 17   avoir lieu. il y a 20 ans et quatre jours de cela que Ratko Mladic est

 18   devenu le commandant de l'état-major principal de l'armée de la République

 19   serbe, la Republika Srpska, une armée qui a été créée du moins, pour ce qui

 20   est de son nom ce jour-là. Ce jour-là, Mladic a commencé à participer

 21   pleinement à une entreprise criminelle qui était déjà en cours. Ce jour-là,

 22   il endosse la tâche de mener à bien par des liens militaires les objectifs

 23   criminels de nettoyer ethniquement la plus grande partie de la Bosnie. Ce

 24   jour-là commence sa participation directe à des crimes internationaux

 25   graves.

 26   Elvedin Pasic avait 14 ans, la dernière fois qu'il a vu son père. Lui et

 27   d'autres enfants ont été forcés de monter dans des autocars avec leurs

 28   mères, et on les a emmenés. Son père et plus de 150 hommes ont été gardés à


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  1   l'école, sur place.

  2   Leur calvaire avait commencé un peu plus tôt, au moment où leur village de

  3   Bosnie centrale a été pris par les forces serbes. Le père et un frère aîné

  4   d'Elvedin avaient rejoint un jour d'hommes qui ont essayé d'opposer une

  5   résistance à ces forces, tandis qu'Elvedin et sa mère sont déplacés de

  6   village en village, à la recherche d'un abri. Finalement, ils se sont

  7   retrouvés dans une enclave avec d'autres Musulmans, un de rares endroits où

  8   on a pu opposer une résistance. L'armée de Mladic, l'armée de la Republika

  9   Srpska a fini par encercler, par étoffer cette enclave en resserrant l'étau

 10   autour de celle-ci. Il y a eu des occasions où des combattants musulmans

 11   ont pu tendre des embuscades en agissant depuis de la ville.

 12   Un jour, un ultimatum a été imposé à la population, un ultimatum qui a été

 13   imposé par Mladic lui-même. On leur a dit qu'ils pourraient partir, mais

 14   que personne n'aurait le droit de partir jusqu'au moment où on aurait rendu

 15   de manière inconditionnelle et complète, toutes les armes. Après

 16   l'ultimatum, Elvedin a entendu sa mère et son père parler de plan que des

 17   hommes prennent la fuite en passant par des bois. Ils se sont mis d'accord

 18   que, pour Elvedin, le mieux ce serait d'accompagner son père dans les bois;

 19   comme ça, il avait le plus de chance de survivre.

 20   Un groupe assez important de combattants avec des armes et des enfants est

 21   rentré dans les bois, cette nuit-là. Très rapidement, ils ont été pris dans

 22   une embuscade et se sont dispersés dans la forêt. Elvedin, son père, son

 23   oncle et d'autres ont fini par être capturés. Ils ont été emmenés dans une

 24   école, l'école du coin. On leur a pris leurs pièces d'identité, et des

 25   objets de valeur.

 26   Ce qui s'est passé finalement c'est que les soldats sont arrivés, ils ont

 27   dit aux femmes et aux enfants de se lever. Elvedin ne s'est pas levé, il

 28   est resté à côté de son père. Son père lui a dit : "Lève-toi, vas-y, pars


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  1   avec les femmes et les enfants. Peut-être que si tu fais cela, tu as une

  2   chance de survivre."

  3   Elvedin est parti à bord d'un autocar avec les femmes et les enfants, il

  4   n'a plus jamais revu son père. Son père, son oncle, d'autres proches, et

  5   les autres hommes musulmans, dont les mains ont été attachées avec des fils

  6   de fer, ont été assassinés.

  7   Ce qui est arrivé aux hommes de Vecici ce jour-là, du mois de novembre

  8   1992, le fait qu'on ait exécuté plus de 150 hommes, et qu'on a forcé leurs

  9   familles de partir, c'est quelque chose qui va se répéter. Mladic et ses

 10   hommes auront tué des milliers à Srebrenica, trois ans plus tard. A ce

 11   moment-là, ils avaient déjà bien maîtrisé la méthode d'assassinat des

 12   hommes capturés, et ils savaient parfaitement comment déplacer avec les

 13   forces les hommes, les gens qui ne voulaient pas rester.

 14   Nous avons une diapositive qui vous permettra d'illustrer cela. Je cite :

 15   "La poursuite de la session extraordinaire de la présidence de Guerre a

 16   commencé par la prise de parole, par le colonel Bogojevic, qui a attiré

 17   l'attention des présents sur le fait que le général Mladic lui a donné un

 18   ordre exprès que personne ne pouvait quitter Vecici tant qu'une reddition

 19   inconditionnelle d'armes n'aura pas été terminée."

 20   Srebrenica, certes ça se situe à une échelle différente, mais pour ce qui

 21   est de l'intention, pour ce qui est de l'inhumanité du geste, il n'y a

 22   aucune différence.

 23   Après la chute de Srebrenica, en juillet 1995, Dino Salihovic, un garçon

 24   âgé de 16 ans, était un des milliers de Musulmans, d'hommes et de garçons,

 25   qui seront tués. Il n'était pas soldat, c'était un garçon, on l'a amené à

 26   Trnovo à bord d'un camion militaire. Il a été assassiné par des membres de

 27   l'Unité Skorpions, de triste notoriété. L'un d'entre eux a enregistré ces

 28   tueries par le biais d'une caméra vidéo. Dino a été provoqué par ces


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  1   meurtriers, ils disaient qu'il allait mourir alors qu'il était vierge. Dino

  2   ne s'est pas enfui, il n'a pas crié, il n'a pas pleuré. Nous voyons ce

  3   jeune homme mourir avec dignité, résignation. Il avance, ses mains sont

  4   attachées dans son dos, nous le voyons devant la caméra pendant que la

  5   caméra ajuste la prise de vue, et nous voyons une rafale qui traverse son

  6   dos.

  7   Voyons le 16 juillet, la ferme de Branjevo, un survivant du massacre qui a

  8   eu lieu ce jour-là.

  9   Le lundi 28 août 1995, c'est une belle journée d'été avec une brise légère

 10   sur Sarajevo. C'est tard dans la matinée, dans le quartier de la rue de

 11   Mula Mustafe Baseskije de Sarajevo, il y a plein de monde, les gens sont

 12   venus faire leurs courses, et juste après 11 heures, ce matin-là, un obus

 13   atterrit devant le marché que l'on connaît sous le nom de Markale. C'est la

 14   deuxième fois de cette guerre que l'on prend pour cible ce marché plein de

 15   monde.

 16   C'est la panique, des dizaines de personnes se retrouvent gisant par terre,

 17   des morts. On ne sait pas qui est mort, on ne sait pas qui est grièvement

 18   blessé, les passants emportent les victimes à l'hôpital dans le coffre de

 19   leur voiture. Plus de 30 perdent leur vie, plus de 70 sont blessés.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   M. GROOME : [interprétation] Nous aurons un témoin qui déposera à ce sujet,

 22   qui dira :

 23   "Lorsque je suis arrivé à cet endroit, c'est-à-dire à quelques marches plus

 24   bas, j'ai vu la panique, le chaos total. Il y avait du sang partout. Le

 25   sang coulait dans la rue. On voyait des morceaux de chair humaine

 26   éparpillés, des morceaux de vêtement éparpillés partout, des chaussures,

 27   pour la plupart arrachés des pieds. Ce qui est le dénominateur commun de

 28   tous ces crimes est le fait qu'ils ont tous un lien à un objectif criminel


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  1   global, une entreprise identifiée aux paragraphes 8 à 10 de l'acte

  2   d'accusation, à savoir de déplacer de manière permanente les Musulmans et

  3   les Croates de Bosnie des territoires sur lesquels avaient des prétentions

  4   les dirigeants serbes de Bosnie, territoires de Bosnie-Herzégovine. Leur

  5   dénominateur commun que tous les individus qui les ont conçus, qui ont

  6   partagé une intention commune de les commettre. Leur dénominateur commun

  7   est le fait qu'ils sont tous des crimes du général Ratko Mladic.

  8   L'Accusation présentera des éléments de preuve qui démontreront au-delà de

  9   tout doute raisonnable la main du général Mladic dans chacun de ces crimes.

 10   Afin de comprendre les crimes de Mladic, il est nécessaire de replacer les

 11   événements dans leur contexte, dans le contexte du conflit, et de ce qui

 12   s'est passé six semaines avant qu'il ne devienne le commandant de l'état-

 13   major de la VRS. Les tensions qui ont précédé la décomposition de la

 14   Yougoslavie et les actes de violence épouvantable qui ont suivi font

 15   toujours l'objet de débat, mais ce débat se situe hors champ de la tâche

 16   qui commence aujourd'hui pour la Chambre de première instance en l'espèce.

 17   Aujourd'hui, je passerai un petit peu de temps en m'intéressant à cela.

 18   La République socialiste fédérative de Yougoslavie était composée et

 19   constituée en tant qu'état fédéral après la Seconde Guerre mondiale, elle

 20   se composait de six républiques constitutives. Certaines de ces républiques

 21   étaient homogènes sur le plan ethnique, telle la Slovénie, d'autres, en

 22   revanche, telles la Bosnie-Herzégovine, comptaient des populations très

 23   importantes qui étaient très diversifiées sur le plan ethnique.

 24   Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, les questions

 25   d'indépendance et de l'avenir de l'union yougoslave ont commencé à faire

 26   l'objet de discussions publiques, ouvertes, et ce débat a entraîné des

 27   questions très importantes sur l'avenir de l'ensemble des populations de

 28   Yougoslavie.


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  1   M. Mladic est un Serbe de Bosnie. Du point de vue des Serbes qui vivaient

  2   en Bosnie, l'indépendance en fait a engendré toute une série de

  3   préoccupations et de peur. Si on arrive à bien les comprendre, on

  4   comprendra la composition ethnique -- ou plutôt, pour pouvoir les

  5   comprendre, il est nécessaire de comprendre bien la composition ethnique de

  6   la Bosnie avant la guerre.

  7   Donc nous avons ici la carte démographique de la Bosnie en 1991. Nous avons

  8   la population en majorité sur le plan ethnique dans les différentes

  9   municipalités qui sont représentées dans des couleurs différentes. Donc

 10   nous avons en rouge les municipalités où la majorité est celle des Serbes

 11   de Bosnie, et puis plus ce rouge est foncé, plus la majorité est

 12   importante. Nous avons ensuite les municipalités qui sont à majorité

 13   musulmane en vert, et puis plus ce vert est foncé, plus cette majorité est

 14   nette. Nous avons en bleu les municipalités où la majorité de la population

 15   est croate.

 16   Dans cette ex-Yougoslavie, la plupart des Serbes vivaient dans la Serbie

 17   propre. Cela étant dit, il y avait des populations très importantes serbes

 18   en Bosnie et en Croatie, des Serbes qui vivaient, qui travaillaient là-bas

 19   et qui y ont vécu pendant des générations. Mais c'est lorsqu'en Bosnie, en

 20   1991 d'après le recensement de la population, nous voyons que les Serbes

 21   constituent à peu près 31 % de l'ensemble de la population, alors que les

 22   Musulmans représentent à peu près 44 % de la population, et la population

 23   d'origine ethnique croate est représentée à raison de 17 %.

 24   Donc pour faire simple, la caractéristique, qui rendait la Bosnie unique en

 25   comparaison des autres républiques yougoslaves qui doit être comprise, bien

 26   comprise, est que la Bosnie se composait de zones où des populations

 27   ethniques étaient coupées d'autres zones habitées par le même groupe

 28   ethnique. Par exemple, nous avons des communautés qui constituent comme des


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  1   îles ethniques et qui sont entourées d'autres groupes ethniques. Puis, dans

  2   d'autres zones, des groupes ethniques différents sont présents et

  3   représentés sur un pied d'égalité quant à leur nombre, et ils vivent dans

  4   des communautés diversifiées. C'est à cause de cela que la question de

  5   l'indépendance de la Bosnie était une question extrêmement délicate et

  6   controversée.

  7   Du point de vue des Serbes de Bosnie, une Bosnie-Herzégovine indépendante

  8   dans les mêmes frontières que celles qui ont existé dans l'ex-Yougoslavie

  9   aurait entraîné plusieurs conséquences. Premièrement, ce qui se passerait

 10   avec la population d'appartenance ethnique serbe, c'est qu'ils se

 11   retrouveraient séparés, deviendraient une minorité ethnique en Bosnie et en

 12   Croatie. Pour les Serbes, qui ont enduré une très grande souffrance pendant

 13   la Seconde Guerre mondiale, ce risque était inacceptable et cela a engendré

 14   des peurs et un sentiment de vulnérabilité dans la population serbe.

 15   Deuxièmement, tout le long de la frontière orientale de Bosnie, nous voyons

 16   que des populations très importantes, qui y vivent, sont musulmanes et

 17   serbes. Une Bosnie indépendante rendrait cette frontière entre les

 18   républiques, donc entre les différentes communautés serbes vivant en

 19   Yougoslavie, on ferait une frontière internationale entre deux états

 20   souverains.

 21   Donc les trois groupes ethniques de Bosnie, les Musulmans, les Serbes et

 22   les Croates vivaient -- présentaient sur le territoire une carte tellement

 23   complexe que c'était inextricable.

 24   C'était quelque chose dont Mladic était pleinement conscient. Le jour où il

 25   est devenu commandant de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska, il

 26   a déclaré :

 27   "Les gens et les peuples ne sont pas des pions, se ne sont pas des

 28   trousseaux de clefs que l'on pourra déplacer d'une poche à une autre. C'est


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  1   quelque chose que l'on peut facilement déclarer mais que l'on peut très

  2   difficilement traduire dans les faits."

  3   D'emblée ce qu'il savait c'était qu'une décomposition de la -- qu'avec la

  4   décomposition de la Yougoslavie, le projet de créer un état serbe de Bosnie

  5   ne revenait pas simplement à déplacer un trousseau de clefs de la poche

  6   gauche à la poche droite. Il s'agissait en fait de déplacer des communautés

  7   entières, des groupes ethniques entiers de leur terre et de leur foyer.

  8   Avant que le conflit n'éclate en Bosnie, M. Mladic avait été le commandant

  9   du 9e Corps d'armée de l'armée populaire yougoslave, qui était basée à

 10   Knin, en Croatie, c'est là, que le premier nettoyage ethnique de la crise

 11   yougoslave s'est produit.

 12   Pendant les années 1980, les systèmes politiques communistes ont commencé à

 13   s'effondrer. La démocratie fait ses premiers pas en Bosnie, mais, à ce

 14   moment-là, il se produit un événement regrettable, à savoir les partis

 15   politiques qui se constituent se constituent le long des lignes de partage

 16   ethniques, d'appartenance ethnique. Donc le discours politique sur l'avenir

 17   de la Yougoslavie en fait est articulé dans les termes ethniques, pour

 18   chacun des groupes ethniques de Bosnie, et cela les rend vulnérables,

 19   chacun vit dans l'incertitude sur son avenir.

 20   Le Parti démocratique serbe, à savoir le SDS, mené par Radovan Karadzic,

 21   est un parti très actif, très solide. Il se dote d'une structure

 22   hiérarchique rigide, avec Radovan Karadzic au sommet de cette hiérarchie,

 23   une hiérarchie donc qui descend jusqu'aux petites villes rurales de Bosnie.

 24   Le SDS est également un parti qui entretient des liens très proches avec le

 25   président de Serbie, Slobodan Milosevic. Milosevic -

 26   et non seulement - c'est lui qui conseille et qui apporte son soutien à

 27   Karadzic, mais aussi il fermement convaincu qu'il est nécessaire pour les

 28   Serbes de Yougoslavie de résister à tout effort de dissolution à la


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  1   Yougoslavie de manière qui ferait que les Serbes se trouvaient vivre dans

  2   des Etats séparés.

  3   L'idée d'une Bosnie indépendante gagnait du terrain et l'idée allait

  4   pouvoir maintenir cette Yougoslavie sans la diviser commence à perdre du

  5   terrain, Milosevic, Karadzic, et d'autres envisagent de trouver

  6   [inaudible], qui sont des options qui envisagent la création des entités

  7   des Serbes par la force. Alors sous l'égide Milosevic et avec sa

  8   participation, les Serbes qui vivent en Croatie sont les premiers qui

  9   déclarent l'existence de régions autonomes et qui amorcent un processus de

 10   nettoyage ethnique des terres qu'ils considèrent comme étant serbes.

 11   Les différentes parties commencent à adopter des positions plus fermes,

 12   puis déterminer le langage employé par leurs dirigeants devient plus

 13   incendiaire, plus rigide, la population commence avoir peur.

 14   La direction serbe de Bosnie mobilise les Serbes qui vivent dans les

 15   différentes communautés et en fait, c'est celle d'une rhétorique qui leur

 16   fait très peur, peur pour leur maintien. Nous avons la diapositive 8, une

 17   publication de Sanski Most, et je cite :

 18   "Savez-vous ce que nos ennemis avides de sang allaient nous faire ce qu'ils

 19   préparaient contre nous ? Ils avaient l'intention de nous arracher les yeux

 20   et les entrailles, à couper nos membres, à violer nos femmes et nos

 21   fillettes sous les yeux de leurs plus chers, plus proches - de

 22   circonscrire, d'anéantir notre religion - simplement pourquoi nous sommes

 23   des Serbes. Ne pensez pas qu'il y aurait ne serait-ce qu'une seule famille

 24   qui aurait été épargnée."

 25   Bien que ceci ait été publié alors que le conflit était déjà en cours,

 26   cette publication démontre le caractère incendiaire d'une partie du

 27   discours employé. Qui avait peu de rapport ou aucun rapport avec la

 28   situation réelle et que les dirigeants disséminaient délibérément dans leur


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  1   effort irresponsable de mobilisation des citoyens effrayés de la Bosnie.

  2   La situation est devenue plus instable, plus explosive. Radovan Karadzic et

  3   les dirigeants bosno-serbes ont créé une conjoncture très périlleuse

  4   lorsqu'ils ont assimilé la protection des Serbes de Bosnie à la destruction

  5   ethnique des populations croates et musulmanes résidant dans les secteurs

  6   qu'eux considéraient comme essentiel à la préservation des intérêts serbes.

  7   En octobre 1991, l'assemblée de Bosnie s'est réunie pour débattre et

  8   délibérer au sujet d'un mémorandum relatif à l'indépendance. Karadzic, en

  9   des termes très clairs, a fait savoir à l'assemblée ce qui se passerait si

 10   jamais ces membres s'aventuraient plus loin sur le chemin de

 11   l'indépendance, et je vais demander à Mme Stewart de visionner l'extrait

 12   vidéo correspondant.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Ceci est le chemin sur lequel vous voulez mener la Bosnie-Herzégovine.

 16   C'est cette même autoroute de l'enfer sur lequel se sont engagées la

 17   Slovénie, la Croatie. Ne pensez pas que vous n'emmènerez pas la Bosnie-

 18   Herzégovine en enfer et peut-être le peuple musulman jusqu'à sa

 19   disparition, parce que le peuple musulman ne peut pas se défendre si jamais

 20   la guerre éclate ici."

 21   M. GROOME : [interprétation] Trois jours avant de faire ce discours,

 22   Karadzic a dit à Gojko Djoko que :

 23   "Ils ne comprennent pas qu'il y aura un bain de sang et que le peuple

 24   musulman sera exterminé."

 25   Dans cette conversation, Karadzic dit à Djoko qu'il y a 400 000 [comme

 26   interprété] Serbes armés en Bosnie, 20 000 d'entre eux se trouvant à

 27   Sarajevo, et il lui dit que la ville de Sarajevo elle-même deviendra une

 28   cuvette dans laquelle 300 000 Musulmans périront.


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  1   Je vais demander à Mme Stewart de passer à la planche qui présente cet

  2   extrait de conversation.

  3   Karadzic envisageait la création d'un nouvel Etat bosno-serbe. Le plan

  4   conçu pour y parvenir comprenait deux composantes-clés dont le déploiement

  5   est visible dans toute la suite des événements. Premièrement, ce plan

  6   comportait une composante territoriale, géographique. Il s'agissait des

  7   territoires qui avaient été identifiés pour faire partie de cet Etat bosno-

  8   serbe; de terre qui, si nécessaire, devait être conquise par la force.

  9   Deuxièmement, ce plan comportait une composante ethnique, démographique.

 10   L'Etat bosno-serbe était conçu avant tout comme séparant physiquement les

 11   Serbes des autres groupes ethniques.

 12   Quels étaient les territoires que les Serbes de Bosnie avaient l'intention

 13   de prendre, si nécessaire par la force ?

 14   Sur cette planche numéro 11, nous voyons une photographie de Momcilo

 15   Krajisnik, président de l'assemblée des Serbes de Bosnie, en train de

 16   donner une conférence de presse au cours de laquelle il définit les

 17   ambitions territoriales des Serbes de Bosnie. La carte représente le

 18   territoire dont les Serbes de Bosnie ont pris le contrôle fin 1992. Il

 19   s'agit de la zone en forme de fer à cheval qui recouvre l'essentiel du

 20   territoire de la Bosnie.

 21   Afin de mieux comprendre la portée de ce que Krajisnik dit dans ce moment,

 22   nous devons examiner aussi une carte de la structure ethnique de la Bosnie-

 23   Herzégovine.

 24   Vous pouvez voir ici dans ces grandes lignes ce que les Serbes de Bosnie et

 25   leurs dirigeants voulaient changer. Les cercles marron indiquent les zones

 26   qui sont mises en regard sur les deux cartes. Dans celle du haut se trouve

 27   ce à quoi on s'est référé comme le corridor de la Posavina. Nombre des

 28   Bosniaques qui résidaient dans cette zone appartenait au groupe ethnique


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  1   musulman ou croate, représentée respectivement par des zones de couleur

  2   verte et bleue.

  3   Sur la carte de Krajisnik, la carte élaborée par la direction bosno-serbe,

  4   l'ensemble de ce secteur est revendiqué comme étant serbe.

  5   De façon analogue, les cercles marron qui se trouvent sur la droite de

  6   chacune des deux cartes entourent les zones de Bosnie orientale dans

  7   lesquelles résidaient d'importantes populations musulmanes en 1991. Elles

  8   aussi sont considérées comme étant des terres serbes.

  9   Pour modifier la situation sur le terrain afin qu'elle corresponde à la

 10   carte de Krajisnik qui figure à droite de cette même planche, les

 11   dirigeants bosno-serbes ont fait le choix de procéder au nettoyage ethnique

 12   du territoire, et de chasser les populations non-serbes de leurs foyers et

 13   de leurs terres.

 14   La direction bosno-serbe a donné mandat à Mladic pour qu'il grave les

 15   frontières de la carte de Krajisnik dans le paysage de la Bosnie.

 16   Pour que ces aspirations géographiques et démographiques deviennent

 17   réalité, la direction bosno-serbe devait créer un nouvel état que la

 18   communauté internationale se trouverait contraindre de reconnaître. Le 14

 19   avril 1995, à l'assemblée des Serbes de Bosnie, Mladic a rappelé aux

 20   présents ce principe. Sur la planche 13, il dit :

 21   "Imposer donc à l'ennemi par la force des armes le règlement final de la

 22   guerre et placer la communauté internationale en position de devoir

 23   reconnaître la situation de fait sur le terrain et de mettre un terme à la

 24   guerre."

 25   Plus tard, lors de ces propos liminaires, je visionnerai un enregistrement

 26   vidéo où l'on peut entendre ou voir les pensées de Mladic sur toute une

 27   série de sujets qui sont pertinents en l'espèce. Ceci a été enregistré par

 28   un membre de la diaspora serbe venu rendre visite à Mladic en Bosnie, et


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  1   cet extrait d'enregistrement vidéo comprend la dialogue, je cite :

  2   " Mladic : Nous sommes, la balle est dans notre camp. Qui contrôle le

  3   territoire dessine aussi les cartes. Filme ce que je te dis.

  4   "Lesic : Je filme tout.

  5   "Mladic : Quiconque contrôle le territoire, dessine également les cartes.

  6   Le peuple et son armée sont ceux qui ont dessiné les cartes de la Republika

  7   Srpska."

  8   Dessiner les frontières nouvelles d'un état bosno serbe et peupler ce

  9   dernier d'un groupe ethnique particulier, était une entreprise ambitieuse

 10   et foncièrement criminelle. Les idées sous tendant la carte de Krajisnik

 11   ont été énoncées sous la forme d'objectif stratégique tout à fait concret,

 12   objectif que la direction bosno serbe allait d'abord chercher à promouvoir

 13   par le truchement de la police, d'effectifs paramilitaires, de la Défense

 14   territoriale ou d'effectifs de la réserve, ainsi que d'éléments de la JNA,

 15   l'armée populaire yougoslave. Conjointement avec la constitution d'une

 16   armée des Serbes de Bosnie, ces objectifs stratégiques allaient constituer

 17   le fondement de la plupart des opérations militaires.

 18   Ils ont été annoncés publiquement pour la première fois lors de la 16e

 19   séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie, qui s'est tenue le 12 mai 1992,

 20   le jour même où l'armée des Serbes de Bosnie, la VRS a été créée, et Ratko

 21   Mladic nommé commandant de son état-major principal.

 22   Les Chambres de première instance de ce Tribunal sont parvenus à

 23   différentes conclusions quant à la question de savoir si ces objectifs

 24   stratégiques en eux-mêmes étaient illégaux. Certes, la question de leur

 25   légalité inhérente reste ouverte aux débats, mais le fait que la mise en

 26   œuvre de ces objectifs passait par la commission de crimes internationaux

 27   graves, est tout à fait clair.

 28   Je vais maintenant énumérer ces objectifs, et à mesure que j'avance dans


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  1   cette énumération, je vous prie de bien vouloir garder en mémoire les deux

  2   composantes principales des Serbes de Bosnie, l'aspiration géographique ou

  3   territoriale, et deuxièmement, l'aspiration ethnique ou démographique.

  4   Premièrement, le premier objectif, qui est présenté ici à la planche

  5   numéro 15, est la séparation du peuple serbe des deux autres groupes

  6   ethniques. Comme Karadzic l'a expliqué lors de la séance du 12 mai, je cite

  7   :

  8   "Le premier objectif est la séparation d'avec les deux autres

  9   communautés nationales, la séparation des états, la séparation d'avec ceux

 10   qui sont nos ennemis, et qui notamment au cours de ce siècle n'ont pas

 11   manqué une seule occasion de fondre sur nous, et qui persisteraient dans de

 12   tels principes si jamais nous devions continuer à vivre au sein d'un seul

 13   et même état."

 14   Cet objectif représente l'aspect démographique central de tous les

 15   autres objectifs, comme Krajisnik allait le déclarer au cours de la même

 16   séance de l'assemblée, il s'agissait de l'objectif le plus important, et

 17   tous les autres objectifs étaient en fait des subdivisions de ce premier

 18   objectif.

 19   Sur la planche 15 figure également une reproduction plus petite de la

 20   carte représentant la structure démographique de la Bosnie, en 1991, déjà

 21   présentée à la planche numéro 6. L'objectif stratégique numéro 1 consistait

 22   en substance à remanier de façon drastique la distribution ethnique de la

 23   population civile de Bosnie, de sorte à pouvoir représenter toutes les

 24   zones visées par les cinq autres objectifs en rouge foncé sur cette carte.

 25   Deuxièmement, l'établissement d'un corridor entre la Semberija et la

 26   Krajina.

 27   Les zones couvertes par cet objectif sont connues sous le nom de

 28   corridor, de couloir de la Posavina. Il s'agit là de relier par une bande


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  1   de terre les Serbes de Bosnie occidentale, ceux de la Krajina avec les

  2   Serbes de Bosnie orientale. Il s'agissait d'un objectif nécessaire et

  3   vital. En effet, les Serbes de Krajina ne pouvaient constituer une

  4   communauté viable que s'ils étaient reliés aux Serbes de la SK.

  5   La planche numéro 16 illustre ceci au moyen de deux cartes : a

  6   gauche, on trouve une carte démographique, à droite, une carte représentant

  7   les objectifs stratégiques. En termes simples, l'objectif était de relier

  8   la vaste zone de couleur rouge qui se trouve à gauche de la carte

  9   démographique aux zones de couleur rouge se trouvant en Bosnie orientale et

 10   à la Serbie proprement dite, qui est également à l'est. Comme vous pouvez

 11   le voir, le territoire qui s'étend entre ces deux zones est représenté en

 12   vert et en bleu, qui figure respectivement les populations musulmanes et

 13   croates de Bosnie qui se trouvent être majoritaires dans ces secteurs. Afin

 14   de parvenir à cet objectif, cette zone majoritairement peuplée de non-

 15   Serbes allait être conquise par la force, et sa population non-serbe allait

 16   être chassée ou tuée.

 17   L'objectif stratégique numéro 3, présenté à la planche numéro 17,

 18   consistait en l'établissement d'un corridor dans la vallée de Drina, qui

 19   supprimerait cette frontière entre les Serbes que constituait la rivière

 20   Drina.

 21   Ce corridor était en réalité un vaste territoire comprenant la plus

 22   grande partie de la Bosnie orientale.

 23   Encore une fois, la carte démographique figurant sur la gauche nous

 24   aide à comprendre les tenants et les aboutissants de cet objectif. La

 25   Serbie proprement dite se trouve être alors à droite, à l'est de la Bosnie.

 26   Pour mettre en place un corridor ethniquement pur, il deviendrait

 27   nécessaire de prendre le contrôle de toutes les municipalités de Bosnie

 28   orientale. Comme vous pouvez le voir, plusieurs d'entre elles avaient une


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  1   population majoritairement musulmane.

  2   Sur la planche numéro 18, figure l'objectif stratégique numéro 4, la

  3   mise en place d'une frontière le long des rivières Una et Neretva. Encore

  4   une fois, lorsqu'on examine cet objectif à la lumière de la carte

  5   démographique de 1991, on voit que pour mettre en œuvre cet objectif et

  6   mettre en place ces frontières, il était également envisagé de prendre par

  7   la force et de procéder au nettoyage ethnique du territoire correspondant.

  8   La planche numéro 19 décrit les cinquième et sixième objectifs

  9   stratégiques de la direction bosno-serbe.

 10   Le cinquième objectif consistait en la division de Sarajevo. Presque

 11   tous s'accordent à dire que Sarajevo représentait un modèle de diversité,

 12   et de vie harmonieuse entre des groupes ethniques, et des peuples, et des

 13   religions différentes qui cohabitaient au sein d'une cité moderne et

 14   cosmopolite. Le cinquième objectif stratégique visait à détruire cela, et à

 15   couper Sarajevo en deux avec les Serbes vivant d'un côté, et des non-

 16   Serbes, de l'autre.

 17   Alors que les dirigeants bosno-serbes ne s'écartaient pas de cette

 18   conception ou de ce principe d'une division de la ville, ils ont vite

 19   compris que l'étau qui maintenait, dans lequel ils maintenaient la ville

 20   constituait un avantage stratégique important. La campagne de terreur était

 21   un levier politique et un outil efficace, un moyen de pression que les

 22   dirigeants bosno-serbes allaient utiliser tout au long du conflit.

 23   Le sixième objectif et dernier objectif stratégique, consistait à

 24   ouvrir un accès à la mer pour les Serbes.

 25   Les six objectifs stratégiques représentaient le mandat donné à

 26   Mladic en sa qualité de commandant d'état-major principal, et comme il a

 27   lui-même dit, je cite :

 28   "Les tâches qui sont celles de l'armée dans cette guerre découlent


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  1   des six objectifs stratégiques que l'on sait, adoptés par notre assemblée."

  2   Les événements en Bosnie sont aussi complexes qu'ils sont terribles.

  3   Les six objectifs stratégiques ne posent pas seulement le cadre des crimes,

  4   ils dessinent aussi le cadre conceptuel de l'état d'esprit de Mladic qui

  5   permet de comprendre la motivation sous-jacente à des crimes et à des

  6   opérations spécifiques.

  7   Bien que les six objectifs stratégiques aient été annoncés le 12 mai 1992,

  8   nous disposons de preuves indiquant qu'ils ont été formulés avant cette

  9   date. Nous savons cela sur la base des propos et des écrits de certains

 10   participants et nous le savons également parce que l'offensive visant la

 11   population civile qui a été déclanchée en avril et s'est poursuivie sans

 12   faiblir jusqu'à ce que les six objectifs stratégiques soient publiquement

 13   annoncés obéissait à un scénario manifestement motivé par les mêmes

 14   objectifs.

 15   Le jour où ils sont annoncés, Mladic parle du rôle qu'il a joué dans leur

 16   mise au point, et je cite :

 17   "S'il vous plaît, ne nous fixons pas des objectifs qui seront notre perte.

 18   Nous devons nous fixer des objectifs que nous pouvons atteindre.

 19   J'ai lu sur la question, j'y ai réfléchi pendant longtemps et j'en ai parlé

 20   avec le cercle retreint des camarades triés sur le volet, camarades que

 21   nous avons convoqués, et nous avons parlé des objectifs stratégiques

 22   fondamentaux."

 23   J'aimerais maintenant vous montrer toute une série d'annotations écrites

 24   dans les carnets de Mladic rédigées de sa propre main et qui consignent

 25   certaines de ces discussions. Ces carnets ont été récupérés dans son

 26   domicile familial à Belgrade par la police qui le cherchait. Il s'agit donc

 27   de notes d'événements consignées au moment où se sont déroulés ces

 28   événements et qui représenteront une source extrêmement importante


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  1   d'éléments de preuve en l'espèce.

  2   Vous avez la planche numéro 1 [comme interprété], qui correspond à ce qu'il

  3   ait écrit le 5 mai 1992. Mladic reprend un certain nombre de sujets

  4   précédés par un titre souligné deux fois, le titre étant : "Questions," il

  5   s'agit probablement de questions qu'il souhaite poser à une réunion. A ce

  6   moment-là, les derniers préparatifs sont en cours pour transformer une

  7   partie de la JNA en une armée des Serbes de Bosnie, et Mladic aborde la

  8   dernière phase des discussions à propos de sa nomination en tant que

  9   commandant.

 10   Sa première question porte sur la nature et le nom de l'armée des Serbes de

 11   Bosnie. Nous voyons ensuite que la deuxième question vise les objectifs de

 12   la guerre. Sa troisième ainsi que sa quatrième question portent sur la

 13   relation de l'armée de Bosnie par rapport au territoire ainsi que à la

 14   population non-serbe qui réside sur ce territoire. Alors il faut remarquer

 15   en fait qu'il y a deux questions qui correspondent à la première question,

 16   et pour ce qui est de la première question, nous voyons qu'il y a également

 17   un tiret d'insertion, ce qui pourrait peut-être indiquer qu'il a ajouté

 18   cette question en haut de sa liste après avoir écrit les trois autres

 19   questions.

 20   Dans la planche numéro 2 [comme interprété], Mladic consigne sa discussion

 21   avec Karadzic, discussion du 6 mai, qui portait sur les objectifs

 22   stratégiques, et là, il indique que Karadzic fait référence aux trois

 23   premiers objectifs ainsi qu'au sixième objectif, et je cite :

 24   "Il serait judicieux d'opérer la démarcation.

 25   (a) Dans un premier temps pour que nous puissions opérer cette sécession.

 26   Deuxièmement, pour former un corridor.

 27   Troisièmement, pour que la Drina ne soit plus la frontière.

 28   Et (d), pour pouvoir atteindre la côte."


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  1   Voyons ce qu'a écrit Mladic le lendemain, il s'agit de la planche 23, à

  2   savoir cinq jours avant l'annonce officielle des objectifs stratégiques,

  3   Mladic consigne comment Krajisnik parle des objectifs stratégiques.

  4   M. Mladic écrit dans son carnet ce qui est quasiment la version quasi-

  5   définitive des objectifs stratégiques qui seront annoncés quelques jours

  6   par la suite et dont il se verra confier la responsabilité de l'exécution.

  7   Pour renforcer l'importance des objectifs stratégiques par rapport à la

  8   planification militaire de Mladic, je vous demanderais de bien vouloir

  9   prendre connaissance de la planche 24. Il s'agit d'un extrait d'un rapport

 10   de la VRS en date du 1er avril 1993. Il est intitulé, et je cite :

 11   "Analyse de la préparation au combat et des activités."

 12   Et nous y trouvons une analyse fort détaillée des opérations de

 13   l'armée. Voilà ce que nous pouvons y lire, je cite :

 14   "Les objectifs stratégiques de notre guerre qui ont été rapidement définis

 15   et présentés à l'état-major principal de l'armée de la RS, aux

 16   commandements et aux unités, font office de principe général qui seront

 17   utilisés pour planifier les opérations et les batailles."

 18   La planche 25 est un ordre du général Momir Talic, ordre destiné aux

 19   membres du 1er Corps de la Krajina, il s'agissait du corps qui s'est vu

 20   essentiellement confier la tâche relative au deuxième objectif stratégique.

 21   Là, Talic donne l'ordre suivant lequel les nouveaux conscrits doivent être

 22   informés des objectifs de notre lutte, pour le citer, lorsqu'ils arrivent.

 23   Comme je l'ai indiqué, nous avons des éléments de preuve permettant de

 24   comprendre que les objectifs qui sous-tendaient ou que les buts qui sous-

 25   tendaient les objectifs stratégiques forment la base, le fondement de

 26   l'attaque contre la Bosnie avant que les dirigeants bosno-serbes publient

 27   ces objectifs. Donc je vais vous présenter un résumé des éléments

 28   essentiels avant cette attaque et je donnerai ensuite un aperçu général à


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  1   la Chambre.

  2   En décembre 1991, un document présentant un plan relatif à l'établissement

  3   de l'autorité gouvernemental des Serbes dans les municipalités a été

  4   diffusé. En février 1992, Momcilo Mandic, Mico Stanisic, et d'autres

  5   membres serbes importants de ceux qui étaient à l'époque la police de

  6   Bosnie multiethnique se sont réunis pour planifier la dissolution du

  7   ministère de l'Intérieur ainsi que la création d'un ministère de

  8   l'Intérieur bosno-serbe pour le remplacer.

  9   Le 24 mars 1992, environ huit jours avant le début des premières attaques,

 10   Radovan Karadzic a annoncé aux personnes présentes à la douzième assemblée

 11   des Serbes de Bosnie que les plans qui avaient été mis sur pied pouvaient

 12   être mis en œuvre au cours des jours à venir, et je cite :

 13   "La loi relative aux affaires intérieures nous donne une base juridique,

 14   nous avons les insignes et au moment souhaité, qui est imminent, nous

 15   pouvons former ce que nous voulons. Il y a des raisons qui expliquent

 16   pourquoi cela pourrait se passer dans deux ou trois jours. Voilà quelles

 17   sont les prévisions, mais je ne peux pas vous donner les raisons pour le

 18   moment. A ce moment-là toutes les municipalités serbes, à la fois les

 19   anciennes municipalités serbes et les nouvelles municipalités qui viennent

 20   d'être établies, vont littéralement prendre le contrôle des municipalités

 21   concernées."

 22   Le 31 mars 1992, Mandic envoie une dépêche destinée à tous les échantillons

 23   de la police conjointe, dépêche pour laquelle il déclare que les forces de

 24   police à composition ethnique doivent être abolies, et qu'une nouvelle

 25   force de police pour les Serbes de Bosnie devra être établie.

 26   Il faut savoir qu'à ce moment-là, cette nuit-là, le groupe paramilitaire

 27   d'une triste notoriété, connu comme les Tigres d'Arkan, a franchi la

 28   frontière à partir de la Bosnie et a pris le contrôle de la ville de


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  1   Bijeljina.

  2   Pour placer de grandes zones de Bosnie sous le contrôle serbe cela ne

  3   pouvait ce faire que grâce à une planification circonspecte et une mise en

  4   œuvre coordonnée. Pour comprendre le degré de coordination et les liens par

  5   rapport aux aspirations de dirigeants serbes de Bosnie, il sera très utile

  6   dans un premier temps de consulter une carte chronologique interactive qui

  7   vous nous montrer la progression de la prise de contrôle des municipalités

  8   de Bosnie pendant le printemps et l'été de 1'annéwe 1992.

  9   Ce processus de prise de contrôle commence avec l'arrivée des Tigres

 10   d'Arkan qui entrent dans Bijeljina lors de la nuit du 31 mars au 1er avril.

 11   Ce processus de prise de contrôle s'est poursuivi pendant cette première

 12   semaine. Pendant cette première semaine plus d'une douzaine de

 13   municipalités vont être placées sous contrôle serbe. Certaines de ces

 14   municipalités, telle que la municipalité de Tito Drvar étaient

 15   essentiellement serbe et le contrôle a tout simplement consisté à reporter

 16   l'allégeance de Sarajevo à Pale, dans d'autres municipalités, en revanche,

 17   la force armée a été utilisée et des crimes ont été commis pour assurer ce

 18   contrôle.

 19   Donc vous voyez en rouge foncé les municipalités en question qui sont

 20   répertoriées dans l'acte d'accusation.

 21   Lors de la deuxième semaine, les prises de contrôle sont opérées

 22   essentiellement dans la vallée de la Drina, et nous avons des lieux tels

 23   que Visegrad, Foca, Sekovici qui sont concernés.

 24   Lors de la troisième semaine, les prises de contrôle continuent le long de

 25   la Drina, avec Bratunac et Kalinovik sur lequel le contrôle est assuré.

 26   Vogosca, une partie de la zone qui correspond au Grand-Sarajevo, tombe sous

 27   le contrôle serbe. La division et le siège de Sarajevo était quasiment

 28   terminé.


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  1   Lors de la quatrième semaine, le contrôle serbe se fait à Mrkonjic Grad et

  2   dans de grandes zones de Bosanska Krupa, ce qui fait que la frontière des

  3   territoires contrôles par les Serbes se rapproche des bords de l'Una. La

  4   campagne dans la vallée de la Drina se poursuit avec la prise de contrôle

  5   de Vlasenica. A la fin du mois d'avril, 35 municipalités se retrouvent sous

  6   contrôle serbe, ce qui correspond à une moyenne d'une municipalité par

  7   jour.

  8   La planche 32 nous montre la situation relative aux prises de contrôle

  9   avant que M. Mladic ne soit nommé commandant de l'état-major principal de

 10   la VRS. A ce moment-là, la prise de contrôle du territoire est quasiment

 11   terminée.

 12   A partir de ce moment-là, Mladic et l'armée des Serbes de Bosnie, avec les

 13   forces de police des Serbes de Bosnie, vont consolider les acquis de

 14   l'offensive initiale et ils vont de façon systématique concrétiser

 15   l'objectif stratégique le plus important, à savoir le premier, la

 16   séparation des groupes ethniques, en d'autres termes, le nettoyage

 17   ethnique.

 18   La planche 33 décrit ce que fait Mladic au cours des deux premières

 19   semaines pendant lesquelles il se trouve à la tête de l'état-major

 20   principal de la VRS. Il y a des bombardements importants des zones non-

 21   serbes à Prijedor. Les membres de la VRS vont commettre des crimes graves,

 22   notamment des massacres à Sanski Most.

 23   Des camps de détention vont être établis d'abord à Omarska, puis à

 24   Trnopolje, ainsi qu'à Vlasenica, Rogatica, Ilidza, et Foca. Avant la fin du

 25   mois de mai 1992, Mladic aura une participation active directe à un

 26   bombardement massif de Sarajevo.

 27   Vous remarquerez que sur la carte vous trouverez des références aux crimes

 28   répertoriés dans l'acte d'accusation. Ce qui est indiqué en rouge vous


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  1   donne la période pendant laquelle le crime en question s'est déroulé.

  2   Le mois de juin commence avec un autre bombardement massif de Sarajevo par

  3   Mladic.

  4   Des massacres continuent à perpétrer dans les municipalités. Des milliers

  5   de familles doivent fuir leur terre.

  6   En juillet, la VRS participe à l'un des nettoyages ethniques les plus

  7   brutaux à Prijedor. La terreur se propage à Omarska, Keraterm, et

  8   Trnopolje, et un nouveau centre de détention est ouvert à Miska Glava.

  9   Le 6 juillet, un entrepôt de munition qui se trouve dans la ville natale de

 10   Mladic est transformé en à un autre centre de détention.

 11   Pendant le mois d'août les meurtres, et assassinats, les détentions, les

 12   expulsions forcées de personnes se poursuivent. Certains de ces crimes sont

 13   recensés dans l'acte d'accusation.

 14   La dernière planche nous montre le progrès accompli par rapport aux

 15   objectifs stratégiques, et ce, à la fin du mois de novembre 1992. Les

 16   annexes à l'acte d'accusation nous donne la description de 57 crimes précis

 17   commis pendant cette période dont est responsable M. Mladic comme l'affirme

 18   l'Accusation.

 19   Deux des cartes que vous voyez dans la planche 38 sont des cartes

 20   démographiques : L'une date de l'année 1991, avant la campagne; en d'autres

 21   termes, et l'autre de l'année 1997, soit, après la campagne. Il y a

 22   également une copie de la carte de M. Krajisnik.

 23   Sur ces cartes, le succès de l'attaque menée contre la population non-serbe

 24   de Bosnie peut être mesuré de façon statistique à la lumière des profondes

 25   mutations démographiques.

 26   Si vous prenez le corridor de la Posavina, l'objectif numéro deux, à savoir

 27   l'ovale horizontale en haut de la carte, le but du deuxième objectif

 28   stratégique, vous verrez qu'il y a eu un changement radical des populations


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  1   qui sont indiquées en rouge.

  2   Le vert vertical qui se trouve du côté droit de la carte correspond à la

  3   vallée de la Drina, et là, vous pouvez à nouveau constater les changements

  4   considérables de couleur qui représentent en fait la restructuration de la

  5   trame démographique à partir des municipalités mixtes ou à majorité

  6   musulmane passe en rouge, et qui deviennent des municipalités serbes. Cela

  7   prouve à quel point le troisième objectif stratégique a été mis en œuvre et

  8   a été couronné de succès.

  9   Ces prises de contrôle et les crimes qui s'en suivirent ont forcé quasiment

 10   400 000 personnes à quitter leurs foyers.

 11   Je voudrais maintenant au cours des quelques minutes suivantes m'intéresser

 12   au rôle de la JNA dans le cadre de ce processus et au choix de M. Mladic

 13   devenu commandant de la VRS.

 14   Bien avant que les tensions en Yougoslavie n'aient atteint leur point

 15   d'ébullition, M. Milosevic, le général Veljko Kadijevic, Borisav Jovic, et

 16   d'autres dirigeants importants serbes et yougoslaves ont pris des mesures

 17   pour modifier la composition de la JNA de telle façon à ce que les intérêts

 18   serbes soient moins pris en considération. Ils l'ont fait par le biais de

 19   retraites forcées, promotions, changement de lieux d'affectation, ce qui a

 20   permis d'assurer que les forces de la JNA dans des régions problématiques

 21   puissent bénéficier d'un apport important d'officiers serbes haut gradés.

 22   L'une des raisons pour lesquelles le conflit en ex-Yougoslavie a pris au

 23   dépourvu tant de personnes et que justement l'armée populaire yougoslave

 24   était tenue en haute estime. La population lui faisait confiance, et

 25   pensait qu'elle respecterait ces obligations constitutionnelles pour les

 26   protéger et pour protéger tous les peuples de la Yougoslavie comme cela est

 27   énoncé à l'article 240 de la constitution de l'année 1974.

 28   Les deux documents que je vais maintenant vous présenter sont des


Page 428

  1   exemples, s'il en fut, de la façon dont la reconsidération de la JNA a

  2   donné des résultats escomptés, en partie, en tout cas. Certains éléments

  3   importants de la JNA considéraient en fait que la JNA était une armée qui

  4   devait s'intéresser avant tout à la protection des Serbes placés au-dessus

  5   de la protection de tous les autres groupes ethniques.

  6   Voilà un document qui date du 10 décembre 1991. A ce moment-là, M.

  7   Mladic était le commandant du moins du 9e Corps de la JNA, et le conflit

  8   avait déjà commencé en Croatie, et voilà ce que nous pouvons y voir en

  9   partie, je cite :

 10   "Nos forces armées amorcent une nouvelle période qui aura une

 11   importance exceptionnelle pour pouvoir parvenir aux objectifs ultimes de la

 12   guerre, à savoir la protection de la population serbe, une résolution

 13   pacifique de la crise yougoslave, et la création de conditions permettant à

 14   la Yougoslavie d'être peut-être préservée pour les personnes qui souhaitent

 15   continuer à y vivre."

 16   A ce moment-là, les dirigeants de la JNA espéraient également que

 17   l'on pourrait retrouver une solution pacifique à la crise. Il est

 18   absolument manifeste que la JNA considérait cette période comme une période

 19   extrêmement importante au cours de laquelle la protection des Serbes était

 20   d'une importance capitale.

 21   Mladic adopte ces positions personnellement, nous le voyons dans

 22   l'extrait d'un article qui a été publié dans une publication officielle de

 23   la VRS, je cite :

 24   "En partie, notre peuple s'est trouvé aveuglé par cette idée de la

 25   vie commune, de la fraternité et de l'unité. Les gens vivaient dans

 26   l'illusion que le tourbillon de la guerre se calmerait rapidement. Hélas,

 27   cela a emporté de nombreuses vies, et en particulier dans les villes et

 28   dans les villages où la population était à majorité musulmane et croate."


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  1   Le document de l'illustration 41 date de quelques mois plus tard, il

  2   vient du chef de la région militaire de la JNA de Bosnie, et nous montre

  3   que le principe de protéger les Serbes, que nous avons vu dans

  4   l'illustration 39, a été traduit dans les faits en partie par le biais de

  5   l'armement de la population serbe. Ce document fait état de l'information

  6   que 70 000 volontaires serbes ont été armés par la JNA et le SDS dans les

  7   municipalités qui se situent partout sur le territoire de la Bosnie en se

  8   préparant à prendre de force le territoire. Et ce document affirme :

  9   "La JNA a distribué 51 900 pièces d'armement, et le SDS à son tour,

 10   17 298."

 11   Avant que la JNA ne quitte la Bosnie, en mai 1992, la direction serbe

 12   de Bosnie a déjà commencé à constituer sa propre force armée. Nous avons la

 13   planche 42 qui comporte un extrait d'une prise de parole par Karadzic, qui

 14   date du mois de février 1992. Et il affirme:

 15   "C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'emprunter une

 16   nouvelle voie, la voie de la Bosnie-Herzégovine serbe. Notre droit

 17   souverain, notre armée."

 18   La JNA a pris part à la prise du territoire qui était prévu pour que

 19   les Serbes y exercent leur contrôle, et ce, à différents degrés pour ce qui

 20   est de la participation de la JNA en fonction des circonstances et en

 21   fonction des choix qui ont été faits par des officiers commandants. Il y a

 22   eu des cas comme à Bijeljina, où la JNA a simplement donné la possibilité à

 23   Arkan et à ses Tigres de ravager la ville même s'ils étaient

 24   considérablement en plus grand nombre, il y a eu des endroits comme

 25   Zvornik, où la JNA a bombardé la ville par avance donc avant que les

 26   paramilitaires n'entrent dans la ville.

 27   Nous avons ici une illustration, 43, rapport de la JNA qui nous

 28   informe comment la JNA et les unités armées, formées et coordonnées par le


Page 430

  1   SDS --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Lukic, est-ce que vous

  3   pouvez voir en quoi consiste ce problème, avec M. Mladic.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que M. Mladic a besoin d'une petite

  5   interruption.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause de

  7   25 minutes maintenant, c'est peut-être le mieux.

  8   Donc nous interrompons l'audience, et nous reprendrons à 10 h 40.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 16.

 10   --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, vous avez la parole.

 12   M. GROOME : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Un instant.

 14   M. GROOME : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant.

 16   Monsieur Mladic, est-ce que vous m'entendez ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous entends.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a remarqué et a reçu quelques

 21   éléments d'information sur des contacts inappropriés entre la galerie du

 22   public et M. Mladic. Je ne sais pas qui est à l'origine de cela, le public

 23   ou vous-même, Monsieur Mladic. Vous semblez dire qu'il s'agit de la galerie

 24   du public.

 25   Donc la meilleure façon de se comporter face à cela c'est de bien se

 26   concentrer sur les débats dans la salle d'audience plutôt que de se laisser

 27   distraire par ce qui se passe dans la galerie du public. Pour l'instant, la

 28   Chambre ne pense qu'il convienne de prendre des mesures pour remédier à


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  1   cela, mais je m'adresse en ce moment à vous et au public en affirmant que

  2   si jamais cela devait se poursuivre, le mieux serait peut-être d'obstruer

  3   la vue depuis la galerie sur M. Mladic pour éviter qu'il y ait de contact

  4   inapproprié.

  5   Donc, Monsieur Mladic, s'il vous plaît, protégez-vous si jamais cette

  6   initiative venait de la galerie. Donc concentrez-vous bien sur ce que dit

  7   M. Groome et sur ce qui est dit dans le prétoire.

  8   Monsieur Groome, êtes-vous prêt ? Pouvez-vous continuer ?

  9   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Monsieur le Président, juste avant l'interruption d'audience j'étais en

 11   train de parler de la participation de la JNA aux événements du printemps

 12   1992.

 13   Alors, maintenant, vous avez la planche 43 sous les yeux, un rapport

 14   émanant de l'armée yougoslave informant donc comment elle et les unités

 15   armées, qui ont été constituées et coordonnées par le SDS, ont travaillé de

 16   concert pour s'emparer de la ville de Vlasenica, ou pour la "libérer" comme

 17   en parle le correspondant.

 18   Donc certains commandants étaient prêts à déployer les Unités de la JNA et

 19   les ressources de la JNA aux côtés de la partie serbe, et les hommes

 20   politiques serbes du plus haut rang ont suivi cela avec attention,

 21   Milosevic, Karadzic. Comme le moment approchait de créer une armée serbe de

 22   Bosnie, les officiers qui ont été choisis dans les rangs de la JNA ont été

 23   choisis pour diriger cette armée, et en partie, s'ils ont été sélectionnés

 24   c'était parce que déjà ils s'étaient montrés compétents et déterminés à

 25   poursuivre l'objectif de la création d'un Etat serbe de Bosnie en ayant

 26   recours à la force militaire.

 27   Alors les Unités de la Défense territoriale et les Unités de la réserve ont

 28   été subordonnées à la JNA puis à la VRS pendant la totalité de cette


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  1   période, et par analogie, la police serbe de Bosnie à différents moments a

  2   travaillé également de concert avec la JNA et la VRS, et à certains moments

  3   elle se trouvait formellement subordonnée à ces forces-là.

  4   Comme Karadzic le déclare en 1995 :

  5   "Messieurs, nous avons les officiers que nous avons demandés. J'ai demandé

  6   Mladic."

  7   Le choix de Mladic en tant que commandant ne se fait pas au hasard.

  8   Karadzic choisit Mladic parce qu'il pense qu'il s'agit d'un officier

  9   excellent qui est capable de commander cette armée serbe de Bosnie qui est

 10   prévue, dont la création est prévue, et parce que Karadzic croit, pense

 11   qu'il est prêt à commettre les crimes qui sont nécessaires afin d'atteindre

 12   les objectifs stratégiques fixés par la direction serbe de Bosnie.

 13   Dans cette annotation, des carnets militaires de Mladic, illustration 45,

 14   nous voyons que M. Mladic a enregistré les commentaires qui ont été faits

 15   par le général Perisic de la JNA lors d'une réunion où il a été question de

 16   choisir Mladic pour commandant -- pour commander l'armée serbe de Bosnie.

 17   D'après ce qu'il note, Perisic aurait dit que Perisic et Ninkovic ont

 18   l'initiative avec Karadzic pour faire en sorte que Mladic commande la

 19   nouvelle armée serbe de Bosnie. Mladic note que Perisic aurait dit, et je

 20   cite :

 21   "Vous avez l'homme qu'il faut. Si vous lui apportez votre soutien, vous

 22   aurez ce que vous voulez."

 23   Donc vous aurez ce que vous voulez, et ce qu'ils veulent c'est quelqu'un

 24   qui sera prêt à assurer leur main mise sur les territoires qu'ils ont déjà

 25   pris, et qui sera prêt à promouvoir les objectifs stratégiques qui ont déjà

 26   été traduits dans les faits.

 27   Le 12 mai 1992, quand la VRS a été créée, la JNA se retirait de

 28   Bosnie. La JNA a laissé sur place la plupart de ces armes ainsi que des


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  1   milliers de militaires qu'elle laisse à la VRS qui vient d'être créée, et

  2   continue de verser la solde de quasiment tous les officiers de la VRS y

  3   compris Mladic, Galic, Krstic, Talic et d'autres officiers de haut rang sur

  4   lesquels vous apprendrez des informations plus détaillées pendant ce

  5   procès.

  6   L'Accusation présentera des éléments de preuve qui permettront de

  7   comprendre qu'à quelques heures de la création de la VRS, celle-ci a pu

  8   adopter les systèmes de transmission et de commandement et de contrôle de

  9   la JNA. L'état-major principal a pu émettre des ordres et recevoir des

 10   rapports des unités subordonnées, et ce avec efficacité en quelques heures.

 11   Nous avons ici la planche 46, avec l'organigramme des échelons les

 12   plus élevés de la VRS. Nous avons en haut, les membres de l'état-major

 13   principal, puis au dessous, les commandants du 6e Corps d'armée, de l'armée

 14   de l'air, et un organigramme un peu plus complet, qui nous présente la

 15   structure de la VRS, se trouve en page 28 du mémoire préalable au procès de

 16   l'Accusation. Nous avons ici sous les yeux le 1er Corps de la Krajina, le

 17   Corps de la Drina, le Corps de Sarajevo-Romanija, et le Corps de Bosnie

 18   orientale, en rouge, encadré en rouge. Ce sont les corps d'armée qui sont

 19   les plus importants au titre de cet acte d'accusation. Une chronologique

 20   détaillée du parcours professionnel de M. Mladic se trouve en page 24 de

 21   notre mémoire préalable au procès.

 22   Alors, à présent, je me propose de décrire un certain nombre de

 23   crimes qui sont reprochés à Mladic, des crimes qui ont été directement

 24   commis par des soldats se trouvant placés sous son commandement. Je ne

 25   m'intéresserai pas à tous les crimes, je ne vais pas non plus les décrire

 26   en détail, j'en choisirais juste quelques-uns pour donner une idée générale

 27   du type de crime qui a été commis, et je vais me servir d'objectifs

 28   stratégiques comme cadre de référence et je commencerai par le deuxième


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  1   objectif. En fait, je laisse le premier objectif jusqu'à la fin de mon

  2   exposé, parce que c'est celui qui se retrouve dans tous les autres.

  3   Avant la guerre, il y a eu une très grande concentration de Serbes

  4   dans la Krajina. Les Serbes de la direction serbe de Bosnie reconnaissait

  5   que, si on voulait intégrer cette population-là à l'état serbe de Bosnie,

  6   il fallait les relier, rattacher physiquement. Donc le deuxième objectif

  7   consiste à créer ce lien physique.

  8   L'acte d'accusation donne une liste de crimes de manière très

  9   express, de crimes qui se sont produits dans les cinq municipalités, des

 10   crimes qui sont directement liés à ce deuxième objectif : Prijedor, Sanski

 11   Most, Kljuc, Banja Luka, et Kotor Varos, sont ces municipalités-là.

 12   Deux des municipalités les plus importantes de la Krajina, Prijedor

 13   et Sanski Most. Les deux comptaient une majorité musulmane, et touchent

 14   Banja Luka, une municipalité où la majorité serbe est très nette. La prise

 15   du pouvoir dans ces deux municipalités s'est produite en avril 1992. Ces

 16   municipalités seront le théâtre de  certains des crimes les plus graves de

 17   nettoyage ethnique, qui seront commis.

 18   La JNA a pris un rôle important dans la première prise de pouvoir

 19   dans ces municipalités. Le colonel Momir Talic, le colonel, à l'époque, qui

 20   faisait partie du premier cercle d'officiers de confiance de Mladic, a

 21   personnellement pris part à la prise de pouvoir de Sanski Most, en avril,

 22   et quelques semaines plus tard, après la création de la VRS, Talic sera

 23   responsable d'attaques brutales menées contre les zones musulmanes de

 24   Prijedor.

 25   A la fin du mois de mai, peu après que Mladic soit entré en fonction

 26   en tant que commandant de l'état-major principal de la VRS, à peu près 50

 27   soldats ont installé des obusiers et ont bombardé les villages de Hrstuvo

 28   et de Vrhpolje, de Sanski Most. Ils sont revenus la semaine d'après pour


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  1   incendier les maisons non-serbes. Ils ont capturé environ 20 garçons et

  2   hommes, ils ont fait avancer jusqu'au point de Vrhpolje, enlever leur

  3   vêtement et sauter dans l'eau, et pendant qu'ils sautaient, on les tuait

  4   par coup de feu.

  5   Nous avons ici un rapport hebdomadaire du centre des Services de

  6   sécurité, illustration 48. C'est le centre régional, le QG régional de la

  7   police de Bosnie occidentale, il se situe à Banja Luka. Il décrit cette

  8   attaque en représailles menée contre la population civile après que deux

  9   soldats serbes aient été tués, je cite :

 10   "L'armée a mené à bien une attaque d'artillerie contre le village

 11   d'Hambarine et a nettoyé le terrain."

 12   "… par des mesures énergiques, l'armée a nettoyé le terrain.

 13   Plusieurs centaines d'habitants de ces villages ont été tués ou blessés."

 14   Le 1er juin, à Kljuc, l'armée serbe de Bosnie a terminé de bombarder

 15   et de ravager les villages de la zone de Velagici. Le bombardement a duré

 16   pratiquement quatre jours. Un ordre a été donné pour que l'ensemble des

 17   Musulmans près de l'école de Velagici vienne au poste de police. Environs

 18   77 hommes, non armés, se sont rassemblés à cet endroit. Là encore, dans le

 19   cadre d'un processus que l'on verra se réitérer partout dans le pays, on

 20   leur a pris leurs objets de valeur, leurs pièces d'identité, et on les a

 21   assassinés devant l'école, devant le poste de police, excusez-moi.

 22   Nous avons ici la planche 49, un rapport de Talic adressé à ses

 23   supérieurs. Il porte la date du 14 juin 1992. Talic informe ici Mladic que

 24   la plus grande difficulté qu'il rencontre n'est pas la résistance armée qui

 25   lui soit opposée. La situation la plus difficile pour eux, c'est que,

 26   maintenant, ils ont des problèmes de sécurité et de logistique, parce que

 27   les efforts visant à expulser les réfugiés ont échoué. Ils n'ont pas pu

 28   chasser ou expulser l'ensemble de la population prise pour cible, parce


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  1   qu'il y a des problèmes des autocars, des bus, et parce que certaines

  2   personnes ont refusé de quitter leur foyer.

  3   Est-ce que je peux reparler de Kljuc, un instant, il constitue un bon

  4   exemple qui nous montre comment Mladic a suivi l'avancement de la campagne

  5   de nettoyage ethnique.

  6   Le 8 janvier 1992, nous avons ici la planche numéro 50, Mladic

  7   constate que la population ethnique de Kljuc se compose de 17 000 Musulmans

  8   et de 3 000 Croates. Là encore, à ce stade, M. Mladic est basé à Knin, en

  9   Croatie.

 10   L'illustration 51, carnet militaire de Mladic, où il -- prendre note

 11   d'un rapport qu'il a reçu de Jovo Banjac, qui est le président de la

 12   municipalité de Kljuc. Banjac lui a dit que, normalement, il y avait 17 000

 13   Musulmans à Kljuc avant et que, maintenant, il n'y en a plus que 5 000.

 14   Mladic continue dans la suite qu'on lui a dit que 1 500 personnes sont

 15   parties ce jour-là, le jour du 11 septembre 1992.

 16   Image 52, nous avons le rapport suivant qu'il reçoit sur l'évolution des

 17   choses dans la municipalité de Kljuc. C'est à peu près sept semaines après

 18   le rapport précédent, et là, nous avons le nombre de Musulmans qui a encore

 19   été réduit et qui est maintenant ramené à 2 000.

 20   Planche 53, nous avons un document qui porte la date du 1er juillet 1992,

 21   six semaines seulement depuis que Mladic a pris le commandement de la VRS.

 22   Il rend hommage aux succès des forces serbes dans le cadre du nettoyage du

 23   secteur, et je cite :

 24   "Je tiens à rendre hommage et à vous faire part de ma gratitude, à faire

 25   part de ma gratitude à l'ensemble des soldats, officiers, commandants du 1er

 26   Corps de la Krajina et du Corps de Bosnie orientale, membres de l'armée de

 27   l'air et de la défense antiaérienne de la République serbe de l'armée de

 28   Bosnie-Herzégovine ainsi qu'à la population serbe qui se trouve dans la


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  1   zone des combats pour avoir organisé et traduit dans les faits de manière

  2   réussie l'opération de percée, d'expansion et de nettoyage du corridor de

  3   Bosanska Posavina, entre la Bosnie de l'est et la Bosnie de l'ouest, ainsi

  4   que pour avoir conçu et organisé une action conjointe, pour avoir coordonné

  5   les activités des unités de combat."

  6   Le 10 juillet 1992, donc quasiment deux mois après que Mladic ait pris le

  7   commandement de la VRS, les soldats de la VRS encerclent le village de

  8   Brkici à Kljuc. Les hommes âgés de 16 à 60 ans sont séparés de leurs

  9   proches et ils sont placés en détention dans une prairie à côté. On les

 10   fait marcher jusqu'à l'école élémentaire de Biljani. A partir du moment où

 11   on a mené à bien les préparatifs pour les tuer, on les fait monter dans un

 12   autocar par groupe de cinq. Ce bus arrive dans un champ et pendant qu'on

 13   force les hommes à descendre ils peuvent voir les cadavres de ceux qui ont

 14   été tués avant, et on les tue pendant qu'ils descendent de l'autocar, et

 15   nous avons un survivant qui décrit cette journée. Il dit comment il s'est

 16   jeté par terre et il a prétendu qu'il était mort, et pendant qu'il était

 17   allongé là, il a entendu les engins de terrassement travailler.

 18   Un autre survivant de ce massacre décrira pendant le procès comment il a

 19   entendu un soldat commenté à un autre en disant que "tout se passait

 20   conformément au plan."

 21   A la fin du mois de juillet 1993, à savoir dix semaines seulement après la

 22   création de l'armée des Serbes de Bosnie, le général Talic considère qu'il

 23   a terminé sa mission.

 24   Nous avons la planche 54 qui s'affiche maintenant à l'écran. Vous avez, là,

 25   un rapport du 1er Corps de la Krajina qui porte la date du 24 juillet 1992

 26   et qui se lit comme suit :

 27   "Nous avons libéré les territoires que nous considérons comme nous

 28   appartenant, comme étant les nôtres."


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  1   Le territoire dont il est question ce sont les terres où résidaient des

  2   populations appartenant à plusieurs groupes ethniques, où ils ont travaillé

  3   les champs, élevé leurs enfants, vécu, les terres qui ont été prises de

  4   force, alors que leurs propriétaires ont été tués, placés dans des camps de

  5   détention ou forcés à partir.

  6   Le rapport dit, dans la suite, qu'une aspiration vieille de plusieurs

  7   siècles a été atteinte, donc celle dont on parle en termes d'objectif

  8   stratégique numéro deux.

  9   Vous avez à l'image, la planche 55, un rapport qui vient des archives du 1er

 10   Corps de la Krajina, où il est question des événements qui se sont produits

 11   à Grabovica, ce qui est arrivé à Elvedin Pasic et sa famille, et à

 12   d'autres, l'incident que j'ai mentionné au début de ma prise de parole

 13   aujourd'hui. Nous voyons que des commandants du 1er Corps de la Krajina sont

 14   pleinement conscients du caractère illégal du crime qui est commis là-bas,

 15   et je cite :

 16   "Le massacre, qui a été commis sur les membres capturés des Bérets verts, a

 17   commencé parce que quatre soldats ont été blessés et un a été tué… et parce

 18   qu'on a brûlé les soldats blessés… des mesures afin de prévenir des

 19   massacres qui risquent de se reproduire à l'avenir ont été prises… à

 20   l'exception de Kotor Varos, où nous avons pris des mesures importantes afin

 21   de prévenir un génocide des Musulmans. Des femmes et des enfants ont eu

 22   l'autorisation de se rendre à Travnik."

 23   Alors le témoin objectif constitue l'objectif qui vise à créer un corridor

 24   entre les mains des Serbes en Bosnie orientale.

 25   Ces terres devraient revenir aux Serbes, être contrôlées et peuplées par

 26   les Serbes. L'acte d'accusation reproche une série de crimes qui ont été

 27   commis dans sept municipalités, y compris la ville natale de Mladic, à

 28   savoir Kalinovik.


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  1   Je vais reprendre une carte démographique de 1991. Vous pouvez voir la zone

  2   couverte par le troisième objectif, elle est représentée par le cercle de

  3   droite. Nous voyons que cette zone est représentée avant tout au moyen de

  4   la couleur verte, qui indique des majorités de population musulmane.

  5   Au moment où Mladic est nommé commandant de l'état-major général le 12 mai

  6   1992, la plupart des municipalités concernées par le troisième objectif se

  7   trouvent déjà sous contrôle serbe. Mladic consacre alors toute son

  8   attention au nettoyage ethnique de la zone.

  9   En novembre 1992, Mladic signe la directive numéro quatre donnant pour

 10   ordre à la VRS de contraindre au départ cette partie de la population de

 11   Bihac, de Zepa et de Gorazde qui était musulmane, je cite :

 12   "Le Corps de la Drina : A partir de ses positions actuelles, ses effectifs

 13   principaux devront se consacrer de façon durable à la Défense de Visegrad

 14   (du barrage), de Zvornik et du corridor, alors que le reste de ses

 15   effectifs dans la région plus générale du Podrinje devront épuiser

 16   l'ennemi, lui infliger les plus grandes pertes possibles et le contraindre

 17   en même temps que la population musulmane à quitter Bihac, Zepa et

 18   Gorazde."

 19   Comme on peut le voir à la lumière de cette directive, la population

 20   musulmane est directement prise pour cible des opérations. Alors ce que

 21   l'on voit à la planche 59 est un ordre daté du 28 mai 1992 et émis par le

 22   commandant de la brigade de Bihac. Cet ordre concerne la zone entourant

 23   Zvornik, Bratunac et Vlasenica. De façon très claire, l'ordre indique que

 24   la population majoritairement musulmane qui résidait et travaillait en

 25   Bosnie orientale devait être expulsée de façon organisée et coordonnée. Les

 26   femmes et les enfants devaient être contraints au départ, alors que les

 27   hommes devaient être placés dans des centres de détention pour être

 28   échangés, je cite :


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  1   "Le transfert de la population musulmane doit être organisé et coordonné…

  2   seuls les femmes et les enfants peuvent partir, alors que les hommes en

  3   état de porter les armes doivent être placés dans des camps pour être

  4   échangés."

  5   Le 2 juin, les forces bosno-serbes sont tenues par des véhicules blindés de

  6   transport de troupes et des mitrailleuses, ont attaqué le petit hameau de

  7   Drum à Vlasenica. Les soldats sont allés de maison en maison, et ont tué

  8   tous les hommes qu'ils ont pu y retrouver, soit une vingtaine d'hommes. Ces

  9   derniers ont tous été abattus d'une balle dans la tête à l'exception d'un

 10   seul.

 11   Le 6 juillet 1992, les non-Serbes de la ville natale de Mladic, Kalinovik,

 12   ont été transférés d'une école vers un dépôt de munition dans le village de

 13   Jelasako Polje. Ils étaient placés sous la garde de soldats de la VRS.

 14   Après un mois, le 5 août ou vers cette date, les hommes se sont vus

 15   contraints de monter à bord de camions, ils avaient leurs mains liées par

 16   du fil de fer. On les a conduits dans un champ où ils ont été tués. Environ

 17   20 hommes sont morts ainsi.

 18   La planche numéro 60 présente un extrait du témoignage de Fejzija Hadzic.

 19   Fejzija fait semblant d'avoir été tué après avoir été touché d'une balle

 20   dans la jambe.

 21   "Le Musulman restant a reçu pour ordre de verser du produit accélérant sur

 22   les corps et d'y mettre le feu. Il a refusé de nous faire brûler. Il les

 23   implorait d'épargner sa vie, et je n'oublierai jamais de toute ma vie le

 24   son de sa voix. Ils l'ont abattu d'une balle dans la tête et son corps a

 25   été ajouté à l'empilement des cadavres."

 26   Le 22 septembre 1992, la 2e Brigade de Romanija de la VRS a entouré,

 27   encerclé la ville de Novoseoci. Il n'y avait aucune résistance armée. Après

 28   que les soldats bosno-serbes ont entièrement pris le contrôle de la ville,


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  1   l'un d'entre eux a donné lecture d'un ordre au terme duquel les femmes et

  2   les enfants devaient être placés à bord d'autocars et transportés hors de

  3   la zone. On a dit aux hommes qu'ils resteraient pour accomplir des travaux

  4   forcés. Après le départ des femmes et des enfants, tous les hommes ont été

  5   tués.

  6   La mise en œuvre du troisième objectif stratégique était presque achevée en

  7   1992. Les grands centres de population musulmans avaient été en grande

  8   partie vidés de leurs habitants bosniens.

  9   La planche 61 montre une entrée du carnet militaire de Mladic. Nous pouvons

 10   y voir qu'il prend note d'un rapport quant à la façon dont le projet de

 11   nettoyage ethnique s'est déroulé à Foca. Ici, Miroslav Stanic, qui

 12   appartient à la présidence de Guerre de Foca, l'informe que la composition

 13   ethnique de Foca a changé passant de 49 % de Serbes avant la guerre à 99 %

 14   de Serbes à la date du 17 septembre 1992, plus de 20 000 Musulmans ont été

 15   évincés de la municipalité.

 16   Les crimes de violence sexuelle faisaient partie intégrante de ce processus

 17   de prise de contrôle et de nettoyage ethnique de la Bosnie. Alors que les

 18   femmes étaient le plus souvent la cible du crime terrible de viol, des

 19   hommes en ont été également victimes. Parfois les auteurs infligeaient eux-

 20   mêmes des sévices sexuels aux victimes dans d'autres cas ils contraignaient

 21   les victimes à avoir des rapports sexuels avec d'autres, qui étaient

 22   parfois leurs propres proches.

 23   L'acte d'accusation dressé contre Mladic retient des crimes de violence

 24   sexuelle, et se concentre sur les crimes de cette nature commis à Foca où

 25   le viol systématique des femmes relevait de l'ordinaire.

 26   La planche numéro 62 comprend un extrait de la déposition du Témoin RM070.

 27   Il s'agit d'élément de preuve dont l'Accusation demandera le versement en

 28   l'espèce :


Page 442

  1   "Je ne regarde même pas pour voir qui entrait dans la pièce ou qui en

  2   sortait. Le monde entier devrait venir nous regarder dans les yeux …

  3   "Ils avaient déjà tué ma mère, mon frère, et jusqu'à ce moment-là, ils

  4   étaient déjà une cinquantaine à m'avoir violé …

  5   "Je ne voulais plus voir qui entrait ou qui sortait …

  6   "Et chaque fois qu'ils faisaient revenir là-bas … je m'arrachais les

  7   cheveux et je me disais : 'Mais qu'est-ce qu'ils nous font ?'"

  8   L'Accusation demandera le versement d'élément de preuve établissant les

  9   nombreux crimes de violence sexuelle systématique infligés aux femmes dans

 10   des lieux tels que la maison de Karaman à Foca, l'école secondaire de Foca,

 11   et le centre Partizan.

 12   Sur la planche numéro 63, Mladic prend note d'un rapport émanant de

 13   Ljubisav Simic de Bratunac selon lequel les Musulmans de Bosnie qui

 14   représentaient 64 % de la population de Bratunac ont été réduit à seulement

 15   deux individus musulmans :

 16   "Dans la municipalité de Bratunac nous avons maintenant deux Musulmans."

 17   Alors que le nettoyage ethnique se poursuivait et que ce fléau touchait la

 18   Bosnie orientale, ceux qui en avaient été les victimes se sont rassemblés

 19   dans les trois enclaves orientales de Srebrenica, Zepa, et Gorazde. Le

 20   succès du troisième objectif stratégique n'était pas encore entier en 1993.

 21   La VRS dans son mouvement en direction de la ville de Srebrenica a été

 22   stoppé par l'intervention de la FORPRONU en 1993. Intervention au cours de

 23   laquelle le général Morillon devait faire sa célèbre promesse au peuple de

 24   Srebrenica, au cours des années 1993 à 1995 les enclaves orientales de

 25   Srebrenica, de Zepa, et de Gorazde ont survécu sous protection de l'ONU.

 26   Sur la planche numéro 54, nous voyons une note prise par Mladic dans ce

 27   carnet militaire, Mladic consigne ici les avertissements du général

 28   Morillon leur joignant de résister à toute tentation de procéder au


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  1   nettoyage ethnique de ces secteurs.

  2   La situation en Bosnie orientale est restée pratiquement en

  3   l'état pendant deux années. Période pendant laquelle des combattants

  4   musulmans lançaient des attaques depuis les enclaves, attaques qui visaient

  5   les communautés serbes environnantes, et à certaines occasions ces

  6   combattants musulmans ont eux-mêmes commis de terribles crimes de guerre.

  7   La situation est restée particulièrement instable pendant les mois qui ont

  8   précédé juillet 1995.

  9   La population des enclaves orientales était continuellement menacée elle

 10   est restée jusqu'au moment où Mladic a donné l'ordre de prendre les

 11   enclaves de Srebrenica et Zepa.

 12   La planche numéro 65 présente un extrait du témoignage de David Harland, un

 13   fonctionnaire de l'ONU. Qui décrit la situation dans laquelle Mladic a

 14   menacé de tuer tous les habitants des enclaves orientales à moins que 22

 15   prisonniers de guerre de la VRS ne lui soient restitués immédiatement, et

 16   comme le souligne Harland, de telles menaces étaient sauf rares de la part

 17   de M. Mladic.

 18   Je ne consacrerai pas de temps à la mise en œuvre des quatrièmes et sixième

 19   objectifs stratégiques. Bien que des crimes aient été commis également lors

 20   des tentatives de réaliser ces objectifs, les annexes de l'acte

 21   d'accusation ne comprennent aucun des crimes commis dans ces secteurs.

 22   Je vais passer au cinquième objectif stratégique, la division de Sarajevo.

 23   Avant la guerre, Sarajevo symbolisait l'idéal yougoslave : 500 000

 24   personnes appartenant à tous les groupes ethniques possibles coexistaient,

 25   travaillaient côte à côte, élevaient leurs enfants ensemble, chacun fêtant

 26   les événements heureux de l'autre. La topographie encaissée de la ville

 27   délimitait une communauté éminemment interethnique prospère et paisible.

 28   Les mariages interethniques n'étaient pas rares, et bien que fussent


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  1   nombreux ceux qui se déclaraient yougoslaves, d'autres s'identifiaient

  2   fièrement et légitimement du groupe ethnique auquel ils appartenaient. A

  3   partir de 1991, et jusqu'au début de 1992, la délimitation ethnique des

  4   quartiers, des secteurs de Sarajevo a été au centre ou a fait l'objet d'une

  5   partie significative de l'attention du SDS et de ses activités politiques.

  6   A partir de décembre 1991, les organes du SDS, dans l'agglomération de

  7   Sarajevo, ont unilatéralement proclamé des municipalités serbes sur le

  8   territoire de municipalités existantes dont celle de Pale, Ilijas, Ilidza

  9   et Novi Grad. Les tensions se sont aggravés dans la ville au cours du

 10   printemps 1992, des barricades ont été érigés, début mars 1992, entravant

 11   la liberté de circulation dans et autour de la ville. Ces barricades ont

 12   entraîné une réponse massive de la population. On a vu des milliers de

 13   manifestants réclamant leur démantèlement, des manifestations de paix ont

 14   été organisées immédiatement après au cours du mois suivant. Il s'agissait

 15   d'un temps que les forces serbes ont mis à profit pour étendre leur

 16   contrôle sur les institutions et les zones environnant la ville.

 17   Le 4 avril, l'école de la police de Vrace, située sur une élévation au sud

 18   de l'axe de circulation principale de Sarajevo a été prise. Le 6 avril, les

 19   habitants de Sarajevo de tout groupe ethnique ont répondu à l'aggravation

 20   des tensions par une manifestation et une marche pacifique au centre de la

 21   ville. Ils se sont dispersés, au moment des hommes armés ont tiré sur la

 22   foule depuis l'hôtel Holiday Inn.

 23   Entre le 4 avril et la mi-mai 1992, les lignes d'encerclement de Sarajevo

 24   ont été mises en place. La séparation physique de la population de Sarajevo

 25   le long de lignes de partage ethnique avait bien avancé. Les éléments

 26   d'accompagne de terrorisation [phon], le bombardement et les tirs isolés

 27   aveugles des citoyens de Sarajevo faisaient déjà partie du quotidien des

 28   habitants.


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  1   D'avril à mai, des forces serbes ont combattu des unités qui se

  2   battaient au nom du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, les contenants à

  3   l'intérieur de ce qui devait devenir connu comme le "ring intérieur" de la

  4   ville. Le bombardement et les tirs isolés des quartiers centraux de

  5   Sarajevo à partir des collines contrôlées par les Serbes avaient commencé

  6   dans une campagne qui devait durer jusqu'en 1995.

  7    Le 6 juin, Mladic et Karadzic se sont rencontrés et ont rencontré

  8   également des représentants du SDS, originaires des municipalités de

  9   Sarajevo, revendiquées par les Serbes. Le même jour, Mladic a émis la

 10   première de ses directives militaires adressées à la VRS, la directive

 11   numéro 1, dans laquelle il ordonnait le nettoyage des parties de Sarajevo

 12   où la majorité de la population était serbe, ainsi que la division de la

 13   ville le long d'un axe défini par la direction bosno serbe. Cette directive

 14   comprenait également un ordre de mise en œuvre militaire du premier et du

 15   cinquième objectif stratégique dans le secteur de Sarajevo.

 16   Alors que les dirigeants serbes ne s'écartaient pas de la division

 17   nationale de Sarajevo, comme principe fondamental, ils ont rapidement

 18   compris que l'étau dans lequel ils maintenaient la ville constituait un

 19   avantage stratégique important. Et chacune des directives militaires

 20   suivantes, ordonnait la poursuite du blocus imposé à la ville.

 21   Le siège de Sarajevo répondait à des objectifs séparés et distincts

 22   des objectifs stratégiques. En bref, Sarajevo était le siège du

 23   gouvernement nouvellement constitué de la Bosnie indépendante. C'était un

 24   point vulnérable, le lieu même où les Serbes de Bosnie pouvaient faire

 25   pression pour tenter d'influer sur les négociations -- au cours des

 26   négociations ou punir les civils bosniens pour des événements survenus

 27   ailleurs dans le pays.

 28   Lors de la 16e séance de l'assemblée, en 1992, Mladic a décrit


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  1   l'encerclement de la ville au moyen de pièces d'artillerie et de tireurs

  2   isolés comme un anneau autour de son cou. Il avait éminemment conscience du

  3   fait que c'était lui qui pouvait décider, le pouvoir de décider qui

  4   entrerait de la ville et qui en sortirait, était entre ses mains, et il en

  5   a usé pendant toute la durée du siège.

  6   Je vais demander à Mme Stewart de préparer un extrait d'un ancien

  7   correspondant de Sky news, M. van Lynden, et après la fin de cette vidéo,

  8   je ferai une pause pour être sûr que la traduction a été faite dans toutes

  9   les langues.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "C'est le fléau de Sarajevo. Le meneur du guerrier serbe. Ratko signifie

 13   guerrier, et ce général serbe a été à la hauteur de sa réputation. Il se

 14   déplace en permanence, et lors d'une brève réunion, le commandant suprême

 15   concernant les attaques visant ses propres effectifs. Il nous donne une

 16   occasion rare de suivre les événements sur la première ligne où sont

 17   disposées des pièces d'artillerie, où dans les collines, les pièces

 18   d'artillerie sont enterrées dans des tranchées profondes et visent

 19   directement Sarajevo. Un sentiment de puissance et la satisfaction du

 20   général se dégagent. Il tient la ville dans la paume de sa main. De

 21   nombreux bâtiments sont dans le brouillard, le général Mladic n'a aucun

 22   regret. Il n'a aucun doute, il est complètement convaincu d'avoir raison et

 23   que le monde entier a tort.

 24   J'espère que le Conseil de sécurité des Nations Unies va d'abord

 25   prendre des mesures pour comprendre que nous les Serbes, nous avons des

 26   droits, que nous ne sommes des extraterrestres, nous avons le droit de nous

 27   défendre."

 28   "Van Lynden : De nouveaux passages sont creusés à proximité."


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  1   Suite de l'entretien avec Mladic. 

  2   "Nous devons nous battre tant que nous vivons, pour nous défendre. Il

  3   n'y a pas d'autres voies, et nous sommes prêts à une nouvelle guerre.

  4   "Loin du champ de bataille, les Nations Unies préparent une nouvelle

  5   résolution concernant les crimes de guerre. Mais cela n'inquiète en rien

  6   Mladic.

  7   "Mladic : Je ne m'inquiète en rien, parce que je n'ai participé à aucun

  8   crime. J'ai seulement défendu mon peuple.

  9   "C'est avec ces mots que le général est parti, inspecté d'autres lignes,

 10   les premières lignes d'une guerre dont on ne peut pas attendre qu'elle se

 11   termine rapidement.

 12   Aernout van Lynden, Sky News, depuis les premières lignes de front."

 13   M. GROOME : [interprétation] Mladic a fait la démonstration de son pouvoir

 14   sur Sarajevo deux semaines après être devenu commandant de l'état-major

 15   général. Pendant tout le mois de mai, des négociations se sont poursuivies

 16   sur l'évacuation des casernes de la JNA à Sarajevo. Les escarmouches

 17   avaient eu lieu. Après avoir pris le commandement de l'état-major général à

 18   la mi-mai, Mladic a menacé la ville de représailles, si jamais le personnel

 19   de la JNA essuyait la moindre des attaques, et c'est précisément ce qu'il a

 20   fait. La conversation interceptée suivante concerne le bombardement de la

 21   Bascarsija, une partie de la vieille ville de Sarajevo.

 22   Mladic a dirigé sa campagne de terreur contre les civils. Les obus

 23   s'abattaient inlassablement, ils ne visaient pas des cibles militaires

 24   identifiables. Leurs cibles étaient dispersées dans toute la ville, dans

 25   des bombardements destinés à causer la panique et la terreur et le fait de

 26   se trouver dans un quartier purement résidentiel et civil n'était aucun

 27   gage de sécurité. Dans la conversation interceptée que je vais maintenant

 28   demander à Mme Stewart de présenter, vous entendrez les hommes de Mladic


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  1   diriger les tirs sur la - densément peuplé de Bascarsija dans la vieille

  2   ville. Je vais vous demander d'écouter. La traduction figure sur la planche

  3   numéro 69.

  4   [Diffusion de la cassette interceptée]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Quand pouvez-vous tirer ?

  7   "Et bien, dans cinq à dix minutes, au maximum.

  8   "Dites-moi : est-ce que vous pouvez aussi bombarder Bascarsija ?

  9   "Oui, c'est possible.

 10   "Comment ?

 11   "Oui, je peux, je peux.

 12   "Doucement, doucement. Tire une salve aussi sur Bascarsija.

 13   "Oui, je comprends."

 14   M. GROOME : [interprétation] Juste après ce bombardement, Mladic prend note

 15   du message du général John Wilson, message de l'officier de liaison auprès

 16   de la mission des Nations Unies qui transmet un appel adressé

 17   personnellement à Mladic par celui qui était alors le secrétaire général

 18   des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali. Les notes Mladic figurent dans la

 19   planche numéro 70. Le secrétaire général exprime sa préoccupation suite aux

 20   destructions infligées à la ville.

 21   Une semaine plus tard, mettant en œuvre sa première directive militaire,

 22   Mladic lance une nouvelle série de salves d'artillerie sans pitié visant la

 23   ville.

 24   Dès le début les victimes, les auteurs des bombardements, la communauté

 25   mondiale qui regarde cela à la télévision sont conscients que les

 26   bombardements des civils de Sarajevo constituent un acte criminel très

 27   grave.

 28   D'ailleurs, Slobodan Milosevic lui-même reconnaîtra ce qui était absolument


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  1   manifeste pour tout le monde. Dans ce télégramme des Nations Unies -- ou

  2   destiné aux Nations Unies -- rédigé à présent le général Nambiar, il fait

  3   état du fait que Slobodan Milosevic décrit ces premiers bombardements de

  4   Sarajevo comme étant, je cite, "affreusement criminels."

  5   Pour comprendre le siège de Sarajevo, pour comprendre surtout comment il a

  6   été exécuté et pourquoi il a suscité tant de terreur dans le cœur des

  7   habitants de Sarajevo, encore faut-il comprendre la topographie de cette

  8   ville ? Sarajevo se trouvait -- était encaissée dans une vallée le long de

  9   la Miljacka, était entourée au nord, à l'est et au sud par des collines.

 10   Sarajevo était, pour l'essentiel, une ville à forte densité de population,

 11   un habitat fait de tours d'habitation et d'immeubles résidentiels de deux à

 12   trois étages qui se trouvaient situés sur de petits terrains, ils se

 13   trouvaient surtout tous à portée de vue des collines autour de la ville.

 14   Les habitants de Sarajevo, qu'ils se trouvent sur des toits ou qu'ils

 15   regardent par la fenêtre d'une tour d'habitation, pouvaient très clairement

 16   voir le territoire serbe qui était très proche, dans certaines zones il ne

 17   se trouvait pas à plus d'un pâté de maisons de distance. Les habitants de

 18   Sarajevo vivaient avec un sentiment de vulnérabilité qui venait du fait

 19   qu'ils savaient pertinemment que tous les quartiers de la ville se

 20   trouvaient à portée des armes serbes.

 21   La ligne de tramway était le [inaudible] de communication qui desservait

 22   les principales avenues de la ville. Jusqu'au mois de mai 1992, les

 23   habitants de Ilidza l'empruntaient pour venir au cœur de la ville, ils

 24   l'empruntaient ce tramway pour aller travailler, pour aller faire des

 25   courses, pour se rendre à l'école, pour aller prendre un café avec des amis

 26   le week-end dans la vieille ville, et dans la partie est, vous aviez la

 27   vieille ville.

 28   Comme l'a dit lui-même Mladic en mai 1992, et je cite :


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  1   "J'ai bloqué Sarajevo des quatre côtés, sur les quatre côtés. Il n'y a

  2   aucune issue. C'est un piège à rat."

  3   Pour vous permettre de comprendre à quel point les collines qui entouraient

  4   Sarajevo étaient proches et pour vous permettre de comprendre la

  5   vulnérabilité de cette ville face aux tirs d'artillerie, je vais vous

  6   demander de bien vouloir regarder cet extrait vidéo qui a été pris à partir

  7   de la tourelle de la position d'un artilleur.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. GROOME : [interprétation] De 1992 à 1996, les objectifs des Serbes de

 10   Bosnie à Sarajevo consistaient à diviser cette ville, à utiliser la terreur

 11   pour exercer des pressions sur les dirigeants de la Bosnie. Les mécanismes

 12   de cette terreur étaient très simples : Bombardement indiscriminé, tris

 13   embusqués prenant pour cible les civils, privation des besoins les plus

 14   essentiels, privation d'eau, de nourriture et d'aide humanitaire.

 15   Comme David Harland, un official des Nations Unies, l'a indiqué, Sarajevo

 16   était - et je cite - "en proie à un robinet -- au robinet de la terreur,"

 17   un robinet que l'on ouvrait ou que l'on fermait. Je vous demanderais de

 18   bien vouloir vous souvenir de cette description qui définit de façon tout à

 19   fait appropriée ce qu'était Sarajevo pour Mladic et les autres dirigeants

 20   serbes de Bosnie, je cite :

 21   "Sarajevo… dans le contexte des… objectifs politique, à savoir faire en

 22   sorte que les Musulmans acceptent de négocier, ou pour ce qui était de

 23   dissuader toute attaque militaire de l'OTAN. En fait, il y avait en quelque

 24   sorte ce robinet de la terreur qu'ils ouvraient ou qu'ils fermaient en

 25   fonction de la pression qui était exercée sur eux par la communauté

 26   internationale ou en fonction des concessions politiques qu'ils espéraient

 27   pouvoir obtenir de l'autre camp."

 28   Pour vous permettre de comprendre ce que cela signifiait que de vivre à


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  1   Sarajevo pendant le siège, nous avons -- nous vous présentons une

  2   compilation de reportage qui couvrent toute la période de l'acte

  3   d'accusation. C'est une vidéo qui est environ quatre minutes et qui vous

  4   permettra de comprendre ce qui se passait lorsque ce robinet de la terreur

  5   était ouvert sur la ville.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Sarajevo. Parmi les minarets de la vieille ville, un autre

  9   bombardement.

 10   "A Sarajevo, les carrefours peuvent être très mortels et il faut les

 11   franchir très, très rapidement. Les carrefours et les avenues qui

 12   desservent la ville sont une proie facile pour les tireurs qui se trouvent

 13   positionnés en haut des collines, et les personnes âgées et toutes les

 14   autres personnes doivent accepter cette nouvelle réalité de la vie, tout

 15   comme les personnes handicapées.

 16   "Sarajevo est en proie aux flammes, en son centre et à la périphérie.

 17   "Zijad Kojundzic est en vie parce qu'il a écouté le bulletin de nouvelles à

 18   4 heures. Il est en fait -- vendredi dernier. Il a quitté sa famille et ses

 19   amis, qui se trouvaient dans son sous-sol. Avec son fils, Muris, il est

 20   allé en haut. Pendant qu'il écoutait les nouvelles la maison a été frappée

 21   par une autre salve. Ce matin, M. Kojundzic a enterré sa femme, sa fille et

 22   deux de ses petits-enfants ainsi qu'un ami qui se trouvait chez eux et qui

 23   avait amené de l'aspirine. Le cimetière a également été bombardé alors

 24   qu'ils s'y trouvaient. Il n'y a pas un seul lieu ou un seul moment où les

 25   citoyens de Sarajevo peuvent avoir un sentiment de sécurité. Certains

 26   quartiers de la ville sont encore plus dangereux que d'autres, mais les

 27   bombardements sont indiscriminés et tuent tous les jours.

 28   "La vie des résidents de Sarajevo devient de plus en plus difficile. Au


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  1   moins la moitié de la ville se trouve sans eau. Il y a un robinet près des

  2   ruines de la gare ferroviaire qui fonctionne encore, mais les gens ne font

  3   pas vraiment la queue parce qu'il y a un tireur embusqué tout près. Les

  4   canons tirent, leur intention est de tuer et cela fait partie de la vie

  5   quotidienne.

  6   "Même si l'on pense que les normes à Sarajevo sont devenues complètement

  7   folles, la nuit est horrible. Chaque tir correspond à des morts et se fait

  8   de façon indiscriminée. L'artillerie opère sans relâche, les tirs de

  9   mortier n'ont de cesse, tout comme les balles des fusils et des

 10   mitrailleuses. Dans les endroits les plus obscurs -- dans les caves se

 11   trouvent plus de 300 000 personnes pendant une attaque serbe.

 12   "Voilà un endroit qui est censé être sûr. Un cessez-le-feu était censé être

 13   en vigueur, mais les bombardements n'ont -- s'intensifiaient au cours des

 14   48 heures dernières et aujourd'hui la population de Sarajevo a souffert

 15   plus que -- ou autant que n'importe lequel jour pendant la guerre.

 16   "Lorsque la guerre a commencé, ce type de tirs embusqués le faisait

 17   trouver refuge dans leurs caves. Mais en ce moment c'est différent, parce

 18   qu'ils savent qu'ils doivent se protéger, ils savent comment ils doivent

 19   attendre et quand courir. C'est absolument terrifiant, mais chercher de

 20   l'eau fait partie des corvées atroces quotidiennes.

 21   "A Sarajevo, on n'entend pas seulement parler des horreurs. On

 22   vit ces horreurs. Voilà un bombardement particulièrement lourd de la

 23   vieille ville. Un seul obus d'artillerie est tombé sur des gens qui

 24   faisaient la queue, qui attendaient de récupérer de l'eau à l'extérieur

 25   d'une brasserie. Huit ont été tués. Dix-huit ont été très gravement

 26   blessés. Parmi les morts, trois viennent de la même famille; le père, la

 27   mère ont été tués, ainsi que la famille …

 28   "Le commandant des Nations Unies est en train de demander à la


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  1   population de rester calme. Mais il faut savoir, en fait, que les gens

  2   essaient de fuir après encore une autre attaque embusquée. Nous leur avons

  3   demandé combien de temps cela faisait ? 'Que cela durait deux ans et demi a

  4   répondu,' l'une des personnes.

  5   "Il y a des efforts qui sont faits pour essayer de préserver une

  6   certaine normalité à Sarajevo. Ces efforts sont complètement battus en

  7   brèche, il faut savoir que la plupart de la population court un grand

  8   danger. Ce matin un obus a atterri alors que des gens marchaient près de

  9   l'hôtel Holiday Inn. Avec une seule explosion mortelle les gens doivent

 10   continuer à aller au travail faire la queue pour se nourrir ou ils ne

 11   peuvent pas se permettre de ne pas le faire. Mais ce matin cinq ont été

 12   blessés, deux très gravement. Et il y a encore des tirs embusqués autour de

 13   la ville."

 14   M. GROOME : [interprétation] Je vous ai déjà parlé de la directive numéro

 15   1, qui en partie a trait à Sarajevo. Il y a d'autres directives militaires

 16   de la VRS qui visaient également Sarajevo. Ces directives qui contenaient

 17   autant d'instructions pour les activités militaires du Corps de Sarajevo-

 18   Romanija.

 19   La planche 75 vous donne les détails de deux directives.

 20   La directive 3 qui a été émise en août 1992 et signée par Mladic. Une

 21   partie de cette directive est consacrée aux objectifs opérationnels du

 22   Corps de Sarajevo-Romanija de la VRS. Toutes les directives qui étaient

 23   émises donnaient comme consigne au RSK de la VRS de maintenir le blocus et

 24   le siège de Sarajevo :

 25   "Faites en sorte que Sarajevo continue à être en proie au blocus et éviter

 26   qu'il n'y ait des percées."

 27   La directive 6, émise et signée par Karadzic en tant que commandant

 28   suprême, datait du mois de novembre 1993. C'est à ce moment-là qu'elle a


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  1   été promulguée, et elle contient des instructions pour le RSK, notamment

  2   l'instruction suivante :

  3   "Utiliser le gros des troupes pour empêcher que Sarajevo ne brise son

  4   blocus."

  5   Pendant les 44 mois de siège, le blocus de Sarajevo n'a jamais été brisé.

  6   La ville est effectivement restée dans la paume de la main de Mladic.

  7   L'Accusation va s'acquitter de la charge de la preuve pour ce qui est de

  8   l'élément, bombardement du siège de Sarajevo, et ce, de deux façons :

  9   Premièrement, en présentant des éléments de preuve fournis par les

 10   habitants de Sarajevo et par les observateurs internationaux, qui ont

 11   décrit d'intense période de bombardement et de tirs embusqués de la ville,

 12   alors que pour l'essentiel il n'y avait aucun objectif militaire

 13   identifiable et qu'en fait le but était manifestement de semer la terreur

 14   parmi la population civile; et deuxièmement, l'Accusation s'acquittera de

 15   cette charge en présentant un certain nombre d'éléments de preuve relatif à

 16   un nombre de bombardements précis et d'incidents de tireurs embusqués.

 17   Je vous ai déjà décrit trois de ces bombardements. Le dernier incident dont

 18   je vais vous parler lors de ma déclaration liminaire est un bombardement au

 19   cours duquel une bombe à air modifiée a été utilisée. Ces grosses bombes,

 20   ces bombes lourdes, extrêmement destructrices ont été conçues pour être

 21   larguées d'avions. Avec l'imposition de la zone d'exclusion aérienne sur

 22   Sarajevo en octobre 1992, ce type de bombe ne pouvait plus être larguée à

 23   partir d'avions.

 24   Des mesures ont été prises pour que ces bombes soient modifiées au courant

 25   avions, qu'elles pouvaient être lancées depuis les collines qui entouraient

 26   Sarajevo. De puissants moteurs de roquette qui étaient fixés ce qui fait

 27   qu'elles pouvaient être lancées à partir des rampes de lancement conçues à

 28   cette fin. Sans aucun mécanisme permettant de les cibler ou de les diriger


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  1   ces bombes étaient tout simplement levées pour retomber sur Sarajevo au

  2   hasard. Ces armes ont été mises au point par l'armée yougoslave, et Mladic

  3   les a directement achetées, a participé à cette utilisation dans Sarajevo

  4   et autour de Sarajevo. Ces bombes très importantes pouvaient provoquer une

  5   destruction importante et, qui plus est, étaient imprécises.

  6   Les victimes de ces bombes aériennes modifiées n'étaient pas seulement les

  7   personnes qui vivaient où elles tombaient, mais également les personnes qui

  8   savaient que ces armes étaient utilisées régulièrement par la VRS, et ce,

  9   de façon absolument indiscriminée.

 10   L'Accusation présentera des éléments de preuve à propos de trois attaques

 11   de ces bombes aériennes pendant le printemps 1996 [comme interprété]. Je

 12   vais m'intéresser à un de ces incidents, qui est décrit d'ailleurs dans la

 13   note G-10 de l'acte d'accusation. Le 7 avril 1995, une bombe aérienne

 14   modifiée a été lancée à partir d'un lanceur de la VRS et s'est écrasée sur

 15   une zone résidentielle à Hrasnica qui se trouvait au pied du mont Igman.

 16   La planche 76 est un ordre donné par le commandant du corps du SRK,

 17   Dragomir Milosevic. Le 6 avril 1995, voilà l'ordre qu'il donne :

 18   La Brigade d'Ilidza va immédiatement préparer un lanceur avec une bombe

 19   aérienne et transportera cette bombe pour qu'elle soit lancée. Il faut que

 20   nous choisissions la cible la plus intéressante à

 21   Hrasnica et à Sokolovici où nous pourrons infliger le plus grand nombre de

 22   victime et provoquer le plus grand dégât matériel."

 23   La planche 77 est un rapport envoyé à l'état-major principal le jour

 24   suivant, qui montre que l'ordre a bel et bien été exécuté :

 25   "Dans la Brigade d'Ilidza un obus de 120 millimètres a été tiré et une

 26   bombe aérienne de 250 kilogrammes a été lancée en plein cœur de Hrasnica."

 27   Cette bombe a détruit des maisons de civils, a tué une personne civile et

 28   en a blessé trois autres. Ziba Custovic était chez-elle ce matin-là était


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  1   en train de boire son café lorsque la bombe l'a tuée.

  2   Les éléments de preuve présentés par l'Accusation vont permettre de

  3   déterminer que l'utilisation de ces armes lourdes était contrôlée, et ce,

  4   grâce à une hiérarchie militaire centralisée, parfaitement bien établie.

  5   Voilà un exemple du type de document que l'Accusation vous présentera.

  6   Sur la planche 78, nous pouvons voir un ordre émanant de l'état-major

  7   principal et destiné au commandement du SRK. L'état-major principal était

  8   le seul organe qui avait l'autorisation pour utiliser ces armes lourdes,

  9   c'était une autorité qui pouvait déléguer au corps mais qui ne pouvait pas

 10   déléguer à d'autres échantillons subalternes ou inférieurs.

 11   "L'état-major principal de la VRS décide de l'utilisation des bombes

 12   aériennes peut-être qu'un corps peut le faire avec l'approbation de l'état-

 13   major principal de la VRS, une brigade ne peut pas le faire en fonction de

 14   ses propres plans … à l'avenir, cela ne peut pas être fait sans votre

 15   approbation … "

 16   Plus tard cette même année le 7 novembre 1994, Mladic lui-même va donner un

 17   ordre par lequel il se réserve le droit de prendre la décision d'utiliser

 18   des armes de lourd calibre sur des cibles civiles à Sarajevo.

 19   Dans c'était ordre, nous pouvons voir comment Mladic a une part active dans

 20   le bombardement lorsqu'il s'agit de cibles civiles. Voilà ce qui y est au

 21   paragraphe 3, et je cite :

 22   "J'interdis toute utilisation d'armes de plus gros calibre sur des cibles

 23   civiles à Sarajevo, sans mon approbation ou mon autorisation."

 24   Donc il était absolument indubitable que Mladic, sous réserve de l'autorité

 25   de Karadzic, contrôlait le bombardement de Sarajevo.

 26   Comme l'a indiqué Mladic à John Wilson, il allait faire trembler Sarajevo,

 27   et je cite :

 28   "Soyez assuré que vos soldats sont conscients du fait que Sarajevo va


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  1   trembler … Sarajevo tremblera, il y a beaucoup plus d'obus qui vont tomber

  2   par seconde à partir de maintenant que pendant toute la guerre jusqu'à

  3   présent."

  4   La structure de commandement de la VRS était bien établie, et opérée de

  5   façon tout à fait efficace. Mladic pouvait l'utiliser pour mettre un terme

  6   rapidement à tout bombardement, à toutes activités de tireurs embusqués. Et

  7   c'est une capacité qui, d'ailleurs, a été démontrée lors des cessez-le-feu

  8   lorsque Karadzic et Mladic étaient en mesure de faire respecter un cessez-

  9   le-feu qui avait été conclu lors des négociations de la paix.

 10   La planche 81 correspond à un rapport du commandement de l'état-major

 11   principal de la VRS, je cite :

 12   "Nous avons reçu de la part du commandement de l'état-major principal de la

 13   VRS un avertissement, car nous ne devons plus agir sur Sarajevo à

 14   proprement parler. Nous agirons seulement en cas d'autodéfense ou la

 15   défense légitime, parce qu'il y a un cessez-le-feu. Ce n'est, comme je le

 16   disais, qu'en cas de défense légitime et de danger pour les lignes de

 17   défense militaire que nous agirons. C'est un avertissement qui vous est

 18   donné eu égard à l'accord conclu entre le président Karadzic, la FORPRONU

 19   et notre ennemi."

 20   Les structures de commandement étaient en place pour que Karadzic et Mladic

 21   puissent démarrer, arrêter, ou moduler les bombardements et les activités

 22   des tireurs embusqués sur Sarajevo. Pour reprendre la définition ou

 23   l'expression de David Harland, le robinet de la terreur fonctionnait

 24   parfaitement bien.

 25   Je suis sur le point de passer au sujet des tireurs embusqués. Je ne sais

 26   pas, Messieurs les Juges, si vous envisagez de faire une pause, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, je pensais que la


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  1   prochaine pause pourrait commencer environ dans cinq minutes, mais si vous

  2   pensez que le moment est plus judicieux maintenant, nous pouvons tout à

  3   fait faire la pause.

  4   M. GROOME : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

  6   reprendrons à midi 25.

  7   --- L'audience est suspendue à 11 heures 54.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 28.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, êtes-vous prêt ?

 10   M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 12   M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais maintenant vous

 13   parler des tireurs embusqués.

 14   Car les tirs embusqués ont joué un rôle différent dans la campagne de

 15   terreur menée contre Sarajevo. L'imprécision bruyante des bombes aériennes

 16   modifiées contrastait avec le silence mortel des balles des tireurs

 17   embusqués. Les habitants de Sarajevo se cachaient derrière les bâtiments,

 18   derrière des conteneurs d'expédition maritime, pour essayer en fait de

 19   prendre leur courage à deux mains pour traverser une rue là où d'autres

 20   avaient été abattus avant.

 21   Perchés, juchés silencieusement autour de la ville, les soldats de la VRS

 22   attendaient sur des positions stratégiques au-dessus de la ligne de tram,

 23   au-dessus des allées empruntées par les civils qui devaient aller chercher

 24   de la nourriture, de l'eau, du combustible pour se chauffer, ils

 25   attendaient silencieusement, le doigt sur la gâchette jusqu'à ce que

 26   quelqu'un ose courir, se précipiter devant leur ligne de mire.

 27   La rue principale qui longeait la Miljacka est devenue si tristement

 28   célèbre pour le nombre de tirs qu'elle finit par être appelée l'allée des


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  1   tireurs embusqués.

  2   L'un de ces tireurs embusqués viendra témoigner à propos de cet aspect de

  3   la campagne de terreur. Il décrira ses ordres qui étaient de tirer sur tout

  4   ce qui bougeait, et se déplaçait en dessous de l'endroit où il était juché.

  5   D'autres témoins présenteront des éléments de preuve sur la façon dont les

  6   tireurs embusqués étaient formés et comment les activités des tireurs

  7   embusqués autour de la ville étaient coordonnées.

  8   Aujourd'hui, Nermin Divovic aurait 25 ans. Le 18 novembre 1994, il en

  9   avait sept, et c'était un garçon qui grandissait dans Sarajevo assiégée.

 10   Nermin rentrait -- était venu avec sa mère et sa sœur, ils étaient allés

 11   ramasser du bois pour se chauffer. Au moment où ils ont traversé une rue,

 12   un tireur embusqué a visé la mère de Nermin. Sa balle a traversé son

 13   abdomen et a frappé Nermin, qui marchait à côté de sa mère. La balle du

 14   tireur embusqué l'a touché à la tête provoquant immédiatement une blessure

 15   mortelle. Le petit garçon s'est effondré mort sur le trottoir juste en

 16   dessous ou près des pieds de sa mère.

 17   Qui d'ailleurs pense, à ce moment-là, qu'il faisait tout simplement

 18   ce qu'elle lui avait appris à faire, s'allonger dès qu'on entendait les

 19   premiers tirs, et voilà ce qu'elle dit :

 20   "En fait, je me trouvais au premier carrefour. Ma fille avait déjà

 21   traversé. Elle avait couru, et moi, j'étais restée derrière avec Nermin. Je

 22   l'ai vu tomber, et étant donné que je lui disais toujours : Ecoute, mon

 23   fils, quand tu entends les tirs, tu t'allonges, je ne me suis pas rendu

 24   compte qui était blessé jusqu'au moment où la FORPRONU l'a placé derrière

 25   les buissons. A ce moment-là, je n'avais pas encore compris que mon petit

 26   garçon avait été tué."

 27   La planche 83 vous montre un nid d'un tireur embusqué. Au cours de la

 28   présentation des moyens à charge, l'Accusation vous présentera des


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  1   photographies prises d'un certain nombre de nid de tireurs embusqués. En

  2   fait, ce que l'on comprend en voyant ces photographies est qu'à Sarajevo

  3   très souvent les tireurs embusqués tiraient à des distances très, très

  4   courtes, parfois il s'agissait de quelques centaines de mètres. Mladic a

  5   utilisé les tireurs embusqués dans un contexte d'attaque contre la

  6   population civile n'est absolument comme les tireurs embusqués sont

  7   utilisés dans un conflit armé. C'était une stratégie pour tirer sur des

  8   civils à partir d'une position où ils étaient cachés, en ne les

  9   avertissant, en ne leur donnant pas la possibilité de se protéger. Le but

 10   était de créer l'insécurité, de créer la terreur.

 11   Nous avons une autre photographie d'un autre nid de tireur embusqué.

 12   Le photographe n'a pas du tout agrandi ce que l'on voit à l'image et il a

 13   pris la photo pour montrer les bords de ce trou par lequel passe le canon,

 14   et cela vous donne une idée de l'échelle et de la proximité du tramway qui

 15   se trouve juste en bas par rapport au nid du tireur embusqué.

 16   L'Accusation versera au dossier des documents qui portent sur les

 17   tirs embusqués. Nous avons ici la planche 85 un officier du renseignement

 18   du Corps de Sarajevo-Romanija de la VRS qui déclare :

 19   "Il faut mettre fin aux activités des tireurs embusqués uniquement

 20   sur ordre et l'organisation interne et conformément à cela en prenant des

 21   mesures adéquates."

 22   Cela dit très précisément que la décision finale sur toutes mesures

 23   relatives au tir embusqué doit être prise par le commandant du corps.

 24   Alors nous avons John Jordan. C'est un pompier, un volontaire qui vient des

 25   Etats-Unis. Il s'est rendu à Sarajevo pour aider les pompiers après avoir

 26   vu comment on leur tirait dessus, comment les tireurs embusqués leur

 27   tiraient dessus pendant qu'ils essayent d'éteindre les incendies. Voyons ce

 28   qu'il dit :


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  1   "Quelle excuse peut-on trouver, quelle justification lorsque l'on tire sur

  2   un pompier pendant qu'il essaie d'éteindre un incendie ? Quelle raison est-

  3   ce que l'on peut trouver à cela, au bombardement sur ceux qui attendent

  4   dans les queues pour avoir de l'eau, du pain, et cetera ? Je ne me souviens

  5   pas qu'il y ait eu un moment où nous ne nous occupions pas à ramasser les

  6   blessés et les morts. Certaines attaques par les Serbes semblaient prendre

  7   pour cible le plus jeune de la famille … la plus belle, par exemple, dans

  8   un groupe de filles, c'était comme si c'était par [inaudible] que l'on

  9   tirait. On essayait de faire le mal le pus grand, la souffrance la plus

 10   grande aux survivants.   

 11   Le 15 août 1994, Ratko Mladic passe une partie de la journée à

 12   conduire Milan Lesic, quelqu'un qui lui accorde son soutien qui est venu du

 13   Canada. Lesic a fait une vidéo et cela garde la trace de ses conversations

 14   avec Mladic et leurs déplacements.

 15   Ils ont descendu une route et cela a rappelé Mladic que ses hommes

 16   ont nettoyé, ont enlevé les barricades de cette route avec des

 17   tronçonneuses et des chars. Mladic commence à parler des tirs embusqués, à

 18   ce moment-là, et dit comment cela a interrompu la circulation ici.

 19   Nous avons la planche 87, où il dit, je le cite :  

 20   "A chaque fois que je passe par Sarajevo, je tue quelqu'un au passage, et

 21   c'est la raison pour laquelle la circulation à Sarajevo a été interrompue …

 22   des tireurs embusqués. Liquidez ces Turcs."

 23   Cette déclaration a été enregistrée et fait partie de cet enregistrement

 24   vidéo, et je vais demander à Mme Stewart de nous montrer cette vidéo à

 25   présent.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Mladic : Maintenant je vais vous montrer ce qui se passe.


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  1   L'autre voix : Sur cette route.

  2   Mladic : Sur cette route, oui, justement, mais je vous ai bien trompé. Je

  3   les ai emmenés là, et puis avec des tronçonneuses on a enlevé les

  4   barricades, tout ça c'était bloqué, et puis nous avons fait passer des

  5   chars par là et nous leur avons réglé leur compte aux Turcs.

  6   Question : Régler leur compte ?

  7   Mladic : A chaque fois que je passe par Sarajevo, je passe, je m'arrête un

  8   instant, et puis je tue quelqu'un au passage. C'est pourquoi on a arrêté la

  9   circulation. C'est pourquoi il n'y avait plus de circulation pour Sarajevo

 10   donc par des tireurs embusqués. Je nique leur mètre aux Turcs, je leur

 11   règle leur compte … je ne sais pas vous tuez aussi au Canada et en

 12   Amérique, ces Oustachi il faut les tuer là-bas et ceux qui les soutiennent

 13   et également les nôtres qui coopèrent avec eux.

 14   Josic [phon] : Oui, oui."

 15   M. GROOME : [interprétation] Mladic parle de ces tirs embusqués qui

 16   prennent pour cible la population de Sarajevo comme si c'était un sport,

 17   comme si c'était récréatif. Il y a nombre de blessés, et de tués, des

 18   milliers de personnes qui traversent la rue tous les jours, qui envoient

 19   leurs enfants à l'école et qui ne savent pas si la journée se terminera

 20   tragiquement, pour eux, ce n'était pas récréatif.

 21   L'effet conjoint des bombardements indiscriminés et des tirs embusqués sur

 22   les civils a constitué un brouillard de terreur qui a empoisonné la vie de

 23   ceux qui ont vécu à Sarajevo à ce moment-là.

 24   Pendant le siège d'avril 1992 jusqu'en novembre 1995, ceux, qui vivaient à

 25   Sarajevo, pouvaient s'attendre à tout instant de leur vie, à être blessés

 26   gravement ou à être morts. A chaque fois qu'ils sortaient de leur bâtiment,

 27   à chaque fois qu'ils couchaient leurs enfants, ils n'étaient jamais en

 28   sécurité en se promenant dans les rues, en marchant dans les rues, en


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  1   conduisant le tramway n'était pas un lieu sûr, la maison n'était pas un

  2   lieu sûr. Cette terreur était conçue par Karadzic et par Mladic, a été

  3   imposée par eux à Sarajevo et c'était la triste réalité des Sarajevans

  4   [comme interprété] pendant le siège.

  5   Alors parlons maintenant du premier objectif stratégique, à savoir la

  6   séparation le long des lignes d'appartenance ethnique.

  7   Alors le premier objectif stratégique est le plus important en même temps

  8   était l'objectif démographique, à savoir : Séparer les groupes ethniques,

  9   faire en sorte que les territoires contrôlés par les Serbes de Bosnie ne

 10   comptaient plus de Musulmans ni de Croates.

 11   Planche 90, nous avons là un document du 1er Corps de la Krajina à moins de

 12   dix jours après la création de l'armée des Serbes de Bosnie.

 13   " … la population serbe … doit se battre pour qu'une séparation complète se

 14   fasse entre eux et les Musulmans et les Croates, et ils doivent constituer

 15   leur propre état."

 16   L'état-major principal de l'armée des Serbes de Bosnie a coordonné le

 17   transfert des populations qui ont été ethniquement nettoyées de leurs

 18   maisons. Nous avons ici la planche 91 qui nous montre un rapport du Corps

 19   de la Drina, adressé à l'état-major principal de la VRS. En date du 31

 20   janvier 1993, nous avons la Brigade de Zvornik qui a ouvert un corridor

 21   pendant dix heures pour que ceux qui ont fait l'objet de nettoyage

 22   ethnique, et ainsi chassés de leur foyer en Bosnie orientale puissent

 23   quitter cette zone.

 24   Illustration 92, un rapport des Nations Unies qui date du mois d'octobre

 25   1992, qui montre un schéma tout à fait net de tueries, de viols et de

 26   destructions de maisons, et cela nous montre clairement qu'un nettoyage

 27   ethnique a été l'objectif de l'action militaire, et non pas une conséquence

 28   qui n'avait pas été souhaitée, et je cite :


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  1   "Le nettoyage ethnique ne semble pas être la conséquence de la guerre mais

  2   plutôt son objectif. Ce but, dans une large mesure a déjà été atteint, et

  3   ce, par le biais des meurtres, assassinats, des passages à tabac, des

  4   viols, des destructions de maisons et des menaces. Des centaines de

  5   milliers de personnes ont été forcées à quitter leur foyer, abandonner leur

  6   bien afin de garder la vie sauve."

  7   Ici, la planche 93, on dit à Mladic qu'on a chassé des gens de leur maison.

  8   Il ne s'agit pas là de gens qui prennent la fuite, il s'agit d'un transfert

  9   forcé de personnes de leur maison, et Mladic note, je cite :

 10   "Nous avons été très actifs, le plus actif à chasser les Musulmans. Nous

 11   avons amené, ramené la paix à Sepak, Divic et Kozluk. Certains d'entre eux

 12   voulaient partir, et puis nous l'avons demandé aussi."

 13   Alors Kozluk, Kozluk est une ville qui se situe au nord de Zvornik. La

 14   population musulmane avait remis l'ensemble des armes, et a accepté de

 15   reconnaître les nouvelles autorités, nouveaux pouvoirs serbes. Ici, nous

 16   avons la note qui porte sur le jour où les autocars sont arrivés, et où

 17   jusqu'au dernier, les habitants de Kozluk ont été obligés de monter à bord

 18   de ces autocars et ont été transportés en passant par la Serbie à la

 19   frontière hongroise.

 20   Alors, maintenant, le nettoyage ethnique à Bratunac, nous avons la planche

 21   94, une autre information sur Bratunac, fait suite à la précédente. Je vous

 22   ai montré précédemment une note dans le carnet de Mladic sur l'état

 23   d'avancement du nettoyage ethnique, à Bratunac. Ici, nous avons la note de

 24   Mladic disant qu'il n'y a pas, il n'y a plus de Musulmans à Bratunac, la

 25   ville est considérée comme étant complètement libérée.

 26    Une autre façon que cherchaient les leaders serbes de Bosnie à rendre

 27   permanent le nettoyage ethnique, à savoir la destruction de biens destinés

 28   au culte, les biens culturels. Dans certains cas, les églises et les


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  1   mosquées ont été détruites pendant les prises de pouvoir. Nous allons en

  2   parler de 11 destructions -- de 11 municipalités où les destructions --

  3   nous avons choisi donc de vous parler de ces destructions. Mais même une

  4   présentation limitée permettra à la Chambre d'arriver à la conclusion que

  5   ces destructions font partie d'une campagne de persécution.

  6   Alors un aspect du nettoyage ethnique était un système coordonné de

  7   rassembler ceux qui ont fait l'objet du nettoyage ethnique, de les placer

  8   dans des centres de détention et de les expulser du territoire qui était

  9   entre les mains des Serbes.

 10   La direction serbe de Bosnie a mis sur pied un système qui a permis

 11   de chasser les non-Serbes, et on a appelé cela des échanges. D'emblée, ce

 12   système était conçu pour intégrer la détention et le départ forcé des

 13   civils des territoires qui ont été pris pour cible. Le 8 mai 1992, on a

 14   créé une commission centrale chargée de l'échange des prisonniers, tout de

 15   suite, on a commencé à organiser le rassemblement des prisonniers, qu'ils

 16   soient militaires ou civils, et on a fait en sorte qu'au moins pour ce qui

 17   est des détenus civils, qu'on les écarte, qu'on les déplace de force des

 18   zones qui n'avaient pas -- qui n'étaient pas prises pour cibles pour les

 19   Serbes.

 20   Alors prenons maintenant la planche 95, le 2 juillet 1992, alors deux

 21   choses sont claires grâce à cette planche : Premièrement, que dans

 22   l'entreprise générale de l'armée des Serbes de Bosnie était de jouer un

 23   rôle important dans la capture d'autant de Musulmans que possible; et

 24   deuxièmement, que des centres de détention, où seront placés ces gens, ne

 25   respectent aucune norme internationale, je cite :

 26   "L'armée, les cellules de Crise, et les présidences de Guerre ont

 27   demandé que l'armée rassemble autant de civil que possible, et qu'il

 28   remettent ces camps aux organes chargés des affaires intérieures. Les


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  1   conditions de certains de ces camps ne sont pas bonnes, il n'y a pas de

  2   nourriture, et parfois les normes internationales ne sont pas respectées,"

  3   et cetera.

  4   La direction serbe de Bosnie a créé un système coordonné par le biais

  5   duquel les non-Serbes ont pu être rassemblés, ont pu être enregistrés,

  6   empêchés de faire installer dans les zones qui ont été conquises par les

  7   Serbes et soient tués, soient chasés de manière permanente.

  8   Nous avons maintenant la planche 96, qui nous montre le rôle qui a

  9   été joué par ce centre de détention dans le cadre du nettoyage ethnique.

 10   Ici, il est question d'un de ces centres qui s'appelle Kula. Il est décrit

 11   au point C-8.1 de l'acte d'accusation.

 12   Un membre du corps de Sarajevo-Romanija, ici, le 17 juin 1992, a fait

 13   preuve de ces préoccupations. Il dit que ce camp est utilisé pour séparer

 14   les civils selon leur appartenance ethnique, et vous verrez que de telles

 15   inquiétudes n'ont absolument pas été entendues, et que des crimes de Kula

 16   ont continué pendant deux ans et demi, après que ce rapport ait été écrit.

 17   Alors, dans chaque municipalité, nous avons un système propre à

 18   celle-ci pour placer les non-Serbes en détention. Nous avons des centres ad

 19   hoc qui sont créés dans des postes de police, des écoles locales, des

 20   usines, des garages, si besoin était; des endroits comme la maison de

 21   Karaman de Foca, où l'école élémentaire de Kalinovik, par exemple. Là, on

 22   brutalise les détenus, on les torture, et souvent on les tue.

 23   Alors, très rapidement, on verra s'installer des centres plus

 24   importants, plus grands qui sont des centres de détention régionaux où

 25   arrivent des prisonniers envoyés par les autorités municipales. Nous avons

 26   des centres comme Batkovic, Kula et celui qui est de plus de notoriété,

 27   c'est Omarska, et puis aussi Keraterm, à Prijedor. Eux, ils sont dirigés

 28   par les policiers de la VRS, avec le personnel de la VRS, ceux qui assurent


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  1   la sécurité autour du périmètre du centre.

  2   La VRS a également créé directement des camps, le camp de Manjaca, de

  3   Banja Luka, celui de Batkovic, près de Bijeljina, les deux ont été créés

  4   par la VRS. Susica de Vlasenica, ce camp a été créé par un ordre signé par

  5   le commandant Andric.

  6   La planche 97, maintenant nous avons l'ordre donné par Mladic,

  7   relatif à la création du camp de Manjaca. Osman Selak, viendra déposer, ex-

  8   colonel de l'armée yougoslave, il était présent, le 1er juin 1992 lorsque le

  9   colonel Momir Talic a donné l'ordre de créer Manjaca. L'ordre de Talic pour

 10   que Manjaca soit créé, donc l'ordre du 1er a été traduit dans les faits par

 11   cet ordre du 12 juin. Je vous donne un petit instant pour lire l'ordre lui-

 12   même.

 13   Dr Enes Sabanovic décrira les sévices physiques et les conditions

 14   inhumaines dont ont été victimes les détenus de Manjaca. Il a été médecin

 15   détenu au camp et on l'a forcé à établir des certificats de décès qui

 16   étaient des faux pour dissimuler des meurtres des détenus.

 17   Je vais demander à Mme Stewart de nous montrer une vidéo qui vient d'un

 18   rapport journalistique sur le camp de Manjaca. Même si le rapport est en

 19   anglais, la bande-son s'est détériorée depuis les années et nous avons des

 20   sous-titres qui vous permettront de mieux comprendre les propos du

 21   journaliste.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   La voix de l'homme : "Des conditions dans lesquelles ces gens sont

 25   détenus sont complètement inhumaines. Les prisonniers nous ont dit que

 26   c'était encore plus tragique dans le camp d'Omarska. C'est comme pour des

 27   enfants. Maintenant, il y a plus de 600 hommes ici. C'est là qu'ils vivent

 28   24 heures, en continue. Des conditions ici sont édifiantes.


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  1   La direction serbe de Bosnie est placée sous des pressions très importantes

  2   afin de permettre accès à ces camps. Nous avons vu des détenus qui sont

  3   entassés dans des étables à animaux…"

  4   M. GROOME : [interprétation] Il n'y a aucun doute que Mladic et ses

  5   subordonnés qui ont dirigé ces camps ou qui ont participé à l'opération

  6   étaient au courant de ce qui s'y passait.

  7   Nous avons ici un rapport, c'est la planche 99, et nous voyons que les

  8   responsables de Manjaca se rendent parfaitement compte de l'illégalité de

  9   ce centre et du rôle qu'ils ont joué dans le nettoyage ethnique, et je cite

 10   :

 11   "Ce camp peut être considéré comme un camp de détention, c'est-à-dire un

 12   camp destiné à mettre sur pied une ségrégation des Musulmans et des Croates

 13   et l'histoire ne nous le pardonnera pas."

 14   En fait, dans de nombreux cas le placement en détention de ces prisonniers

 15   a servi en fait à un double objectif de la direction serbe de Bosnie. D'un

 16   côté, il s'agissait de faciliter le nettoyage ethnique, et d'autre part,

 17   dans certains cas, dans ces camps, on a rassemblé des gens qui pouvaient

 18   être utilisés comme otages. Zupljanin le dit, planche 100, je le cite :

 19   "La témoin catégorie se compose d'hommes adultes sur lesquels le service

 20   n'a aucun élément d'information d'intérêt sécurité pour nous jusqu'à

 21   présent. Par conséquent, ils peuvent être considérés et traités comme

 22   otages."

 23   Tous ces camps faisaient partie intégrante d'un système, un système destiné

 24   à détenir et à soumettre à de mauvais traitements les non-Serbes qui

 25   étaient la cible de la campagne de nettoyage ethnique. Ces camps faisaient

 26   partie intégrale d'un projet global qui visait à prendre les terres des

 27   non-Serbes qui y vivaient.

 28   Ces camps de détention étaient des endroits de très grande souffrance. Pas


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  1   suffisamment de nourriture, l'hygiène élémentaire, rudimentaire inadéquate

  2   pour le très grand nombre de détenus qui étaient placés. Souvent les

  3   détenus ont été victimes de coups, de torture, de viols et d'autres crimes

  4   ou de sévices sexuels et ainsi que de meurtre.

  5   Les conditions étaient inhumaines, même insuffisantes pour y garder des

  6   animaux, et encore moins des êtres humains.

  7   En plus de ces conditions inhumaines, les prisonniers ont souvent dû subir

  8   des séances de passage à tabac, qui étaient souvent tellement extrêmes

  9   qu'ils y laissaient leur vie.

 10   Alors je vais maintenant vous montrer une vidéo qui nous montre les détenus

 11   de Trnopolje. Nous n'entendons pas la bande-son. Nous allons vous la

 12   montrer pour la valeur qu'ont ces images et non pas pour ce qui est contenu

 13   dans les propos des prisonniers.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. GROOME : [interprétation] En une seule nuit du mois de juillet 1992 au

 16   camp de Keraterm à Prijedor, environ 150 hommes ont été sommairement

 17   exécutés. Au cours du même mois, environ 150 hommes ont été tués à Omarska.

 18   Environ 140 prisonniers du camp de Susica ont été tués en une seule fois au

 19   mois de septembre 1992.

 20   Les survivants de ces camps décriront les conditions qui y prévalaient et

 21   qui dépassent tout simplement le domaine de notre expérience. Un extrait du

 22   témoignage du témoin RM008 apparaît à présent à l'écran dans la planche

 23   numéro 102. Il a été témoin du massacre de 150 hommes à Keraterm,

 24   événements qui se sont produits dans ce qu'il est convenu d'appeler le

 25   massacre de la pièce numéro 3, je cite :

 26   "Question : Savez-vous combien de personnes ont été détenues dans la pièce

 27   numéro 3 à Keraterm ?

 28   Réponse : Une fois qu'elles ont été comptées, le chiffre auquel on est


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  1   parvenu était de 570. Les gens étaient entassées comme des sardines. Il y

  2   avait… de la transpiration sur les murs. Les murs transpiraient, il faisait

  3   très chaud et les gens léchaient ces murs en quête de quelques gouttes

  4   parce qu'il n'y avait pas d'eau."

  5   Personne d'entre nous ne peut imaginer des conditions à ce point dures,

  6   personne ne peut imaginer une soif dévorante au point de vous pousser à

  7   lécher la sueur condensée sur un mur.

  8   Je voudrais conclure au sujet des camps de détention en vous présentant une

  9   carte des principaux camps de détention auxquels se réfèrent l'acte

 10   d'accusation. La planche numéro 103 indique les sites des principaux camps

 11   de détention où les personnes capturées dans les municipalités étaient

 12   envoyées après avoir été parfois d'abord détenues dans de plus petits

 13   centres de détention municipaux. Comme vous pouvez le voir, dans la zone

 14   correspondant au second objectif stratégique, nous trouvons Omarska,

 15   Keraterm, Trnopolje et Manjaca. Dans la zone concernée par le troisième

 16   objectif stratégique se trouvent Batkovic, Vlasenica, Rasadnik et KP Dom.

 17   Kula se trouvait à l'extérieur de Sarajevo. Il s'agissait d'un système

 18   intégré de détention et de mauvais traitement qui avait été spécifiquement

 19   conçu pour contribuer à la réalisation des objectifs stratégiques.

 20   Penchons-nous sur le cas du témoin RM041 qui a dû endurer une détention

 21   dans pas moins de six camps différents. Son périple a été reproduit sur la

 22   planche numéro 103. Il s'est d'abord retrouvé dans le centre de détention

 23   de l'école locale Veljko Vlahovic à Rogatica, ensuite il a été transféré à

 24   Rasadnik, d'où on l'a emmené au poste de police de Zvornik, ensuite il a

 25   été transféré à Batkovic, on l'a fait ensuite revenir à Rasadnik, et enfin

 26   il est emmené à Kula, d'où il a fini par être libéré.

 27   D'autres témoins décriront leur périple à travers le système des camps, la

 28   façon dont ils ont transité par plusieurs des plus grands camps de la


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  1   Krajina avant d'être relâchés ou de s'échapper, s'ils avaient de la chance.

  2   Les prisonniers de ces camps étaient utilisés comme main d'œuvre pour des

  3   travaux forcés, dans certains cas ils étaient contraints de travailler dans

  4   des zones de combat dangereuses. Certains des transferts de camp à camp

  5   répondaient au besoin de main d'œuvre. Pendant le cours du procès,

  6   l'Accusation demandera le versement de documents militaires qui exposeront

  7   plus en détail la  ce système.

  8   La crise des otages à présent.

  9   Le dernier volet de la cause de l'Accusation concerne la crise des otages

 10   de 1995, un ensemble d'événements au cours desquels les membres des forces

 11   de maintien de la paix de l'ONU ont été pris en otage par des membres de la

 12   VRS.

 13   Le 31 août 1994, l'hebdomadaire allemand "Der Spiegel," a publié un

 14   entretien avec Radovan Karadzic. Vous pouvez en voir un extrait sur la

 15   planche numéro 104 -- ou plutôt, 105, excusez-moi.

 16   Au cours de cet entretien, Karadzic a été tout à fait explicite quant à son

 17   intention de donner l'ordre de prendre des otages et notamment de prendre

 18   des membres du personnel des Nations Unies en otage auquel l'article se

 19   réfère comme "aux casques bleus."

 20   Karadzic, et de concert avec Mladic, a mis à exécution cette menace qui

 21   fait l'objet du chef d'Accusation numéro 11, le crime de guerre de prise

 22   d'otages.

 23   Je voudrais maintenant revenir à Sarajevo afin de vous fournir des éléments

 24   de contexte concernant cette crise des otages, et cette période s'étendant

 25   du 26 mai au 19 juin 1995, au cours de laquelle les forces de Mladic ont

 26   pris plus de 200 membres des forces de maintien de la paix des Nations

 27   Unies en otage.

 28   Le 16 mai 1995, la VRS a entamé l'un de ces bombardements les plus lourds


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  1   de Sarajevo, en tout cas depuis 1993. En mai 1995, il y avait sept équipes

  2   d'observateurs militaires des Nations Unies déployés à travers la ville.

  3   Leur tâche consistait à surveiller les activités militaires. Ce qui

  4   impliquait, notamment, de compter les obus tirés sur la ville de Sarajevo.

  5   Il y a 17 ans, ce même jour, à cette même date, plus de 1 500 détonations

  6   ont été enregistrées à Sarajevo, en réponse à une attaque au mortier de

  7   l'armée bosnienne visant la caserne de la VRS de Lukavica. Plus de 1 500

  8   obus ont été tirés sur la ville par l'armée des Serbes de Bosnie, et le 24

  9   mai 1995 le général Rupert Smith, commandant de la FORPRONU, a posé un

 10   ultimatum à Karadzic et à Mladic leur enjoignant de cesser leur

 11   bombardement aux armes lourdes.

 12   Ces derniers ont refusé de se conformer à cette injonction et en réponse

 13   les avions de l'OTAN ont attaqué deux dépôts de munition des Serbes de

 14   Bosnie. La VRS a alors répondu en empêchant certains observateurs

 15   militaires des Nations Unies de quitter leurs postes alors qu'elle en

 16   écartait d'autres pour les placer en détention sur différents sites.

 17   La VRS a enlevé 33 membres supplémentaires du personnel de la FORPRONU de

 18   leurs postes d'observation à Gorazde. A Sarajevo, des dizaines de membres

 19   de la FORPRONU ont été pris en otage entre le 26 et le 27 mai.

 20   Sur la planche numéro 106, nous trouvons la description par un casque bleu

 21   de la façon très directe dont il a été pris en otage :

 22   "L'officier, sur un ton très déterminé, a dit qu'à partir de maintenant

 23   c'était lui qui commandait, et ensuite il a dit exactement ceci, à partir

 24   de ce moment précis, nous étions pris en otage par l'armée."

 25   La VRS a également utilisé les otages des Nations Unies et leurs uniformes

 26   pour attaquer d'autres postes d'observation des Nations Unies et en prendre

 27   le contrôle et pour capturer des otages supplémentaires. A la fin du mois

 28   de mai plus de 200 membres du personnel des Nations Unies étaient détenus


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  1   par la VRS et au moins 17 d'entre eux étaient utilisés comme des boucliers

  2   humains afin de protéger les installations de la VRS contre de nouvelles

  3   frappes aériennes. Un de ces observateurs militaires des Nations Unies a

  4   été filmé par une chaîne de télévision locale alors qu'il était attaché à

  5   une station radar. Lorsqu'il a été amené sur place, sur ce site il a

  6   entendu certains de ses geôliers dire que Mladic voulait que le personnel

  7   des Nations Unies soit filmé sur le site la station radar.

  8   Les membres du personnel des Nations Unies étaient retenus par la force ou

  9   sur la menace qui lui serait fait recours. La plupart d'entre eux ont été

 10   maintenus au secret sans aucune communication avec le commandement

 11   supérieur. Certains ont été battus, se sont vu affliger de mauvais

 12   traitements, ou ont été objet de menace.

 13   Le 26 mai, M. Mladic a parlé avec le général Nikolaj et le général Rupert

 14   Smith. Sur la planche 107, vous pouvez voir un extrait de cette

 15   conversation, et dans ce passage particulier, Mladic reconnaît que le

 16   personnel ou que des membres du personnel de la FORPRONU ont été placés sur

 17   des sites constituant des cibles de frappes aériennes pour l'OTAN, je cite

 18   :

 19   "Nikolaj : J'ai été informé que vous retenez en détention huit de mes

 20   observateurs non armés, et que trois d'entre eux sont attachés à l'enceinte

 21   dans le dépôt de munition à Pale, et aussi que, sur votre ordre, ces hommes

 22   seront tués en cas de nouvelles frappes aériennes …

 23   Réponse de Mladic : J'ai été informé que certains représentants de la

 24   FORPRONU ont été localisés sur le site d'installation pris pour cible hier

 25   et aujourd'hui par le général Smith."

 26   Dans la planche numéro 8, la suivante, nous voyons un autre passage de la

 27   même conversation. On dit à ce moment-là directement à Mladic :

 28   "Des menaces ont-elles été adressées à ces personnes leur disant qu'elles


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  1   allaient être tuées ? Avez-vous, Général Mladic, menacé de les tuer ?"

  2   Réponse de Mladic :

  3   "Le général Smith n'a aucun droit de m'interroger … je m'attends à de

  4   nouvelles frappes aériennes. J'espère qu'on vous a informé de ma réponse je

  5   sonnerais leurs dernières heures."

  6   Smith et Nikolaj ne comprenaient pas :

  7   "Je ne comprends pas de quoi vous parlez."

  8   Mladic a ensuite dit :

  9   "Laissez-le bombarder et il verra … "

 10   Le 26 mai, Mladic a menacé directement Smith de s'en prendre aux huit

 11   observateurs militaires des Nations Unies retenus en otage.

 12   Sur la planche suivante. A présent le 18 mai, Mladic a confirmé à Smith que

 13   certains des membres capturés du personnel des Nations Unies étaient

 14   retenus à son propre quartier général et sur d'autres sites de la VRS

 15   considérés comme des cibles potentiels de l'OTAN. Sur la planche 109, on

 16   voit le passage particulier indiquant que Mladic détenait des otages à son

 17   propre quartier général afin d'éviter qu'ils ne soient pris pour cible :

 18   "Général Smith, vous êtes responsable de ce qui s'est passé. C'est vous qui

 19   avez commencé à tuer avec les avions de l'OTAN … nous traitons les soldats

 20   de la FORPRONU correctement et de façon humaine. C'est exact nous avons

 21   placé certains d'eux sur un certain nombre de sites, à commencer par mon

 22   quartier général et cetera, parce que nous avons estimé que vous aviez

 23   désigné ces sites comme cible pour un tapie de bombes de l'OTAN. Mais en

 24   dehors d'un très petit nombre de cas, nous les avons traité correctement."

 25   Les otages ont été retenus jusqu'au moment où le premier d'entre eux a été

 26   relâché le 2 juin 1995, et ce processus devait se poursuivre jusqu'au 19

 27   juin.

 28   J'ai déjà dit plus tôt quelle était la situation dans les enclaves


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  1   orientales. Je vous ai parlé du plaidoyer du général Morillon qui s'est

  2   adressé à Mladic pour l'enjoindre de résister à toute tentation de nettoyer

  3   ethniquement le secteur. Je vous ai parlé de la menace adressée par Mladic

  4   à David Harland de tuer toutes les personnes se trouvant dans l'enclave

  5   sauf les enfants concernant donc les enclaves orientales.

  6   Je vais maintenant passer la parole à M. Peter McCloskey qui décrira les

  7   événements liés à l'une des enclaves à l'été 1995, celle de Srebrenica.

  8   Alors nous avons pris moins de temps que nous n'avions estimé pour cette

  9   partie de notre propos liminaire, et si les Juges de la Chambre estiment

 10   qu'il est opportun de lever l'audience maintenant, nous en serions

 11   satisfaits pour poursuivre demain, ou nous pouvons évidemment poursuivre

 12   après une courte pause.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Groome.

 14   Nous avons été informés que M. McCloskey aurait besoin d'environ deux

 15   heures; n'est-ce pas ?

 16   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite vous aborderez des points

 18   juridiques ?

 19   M. GROOME : [interprétation] Je pense que nous aurons besoin d'environ 30 à

 20   45 minutes pour cela.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui signifie que nous en aurons peut-

 22   être terminer à la fin des deux premiers volets d'audience de demain ?

 23   M. GROOME : [interprétation] C'est possible.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si quoi que ce soit se présente

 25   demain, des questions d'intendance ou autres, nous aurions donc encore un

 26   peu de temps pour cela ?

 27   M. GROOME : [interprétation] Je crois en effet, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, votre demande de permettre


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  1   à M. McCloskey de ne démarrer que demain est approuvée.

  2   Avant de lever l'audience, juste une brève observation. Monsieur Groome,

  3   page 56, ligne 22 du compte rendu d'audience, vous faisiez des citations.

  4   Vous citiez à partir de ce qui est décrit comme une conversation entre M.

  5   Mladic et M. Lesic. Vous avez dit que vous ne citiez pas toujours

  6   littéralement. Dans cette ligne nous lisons, je cite :

  7   "Et chaque fois que je venais à Sarajevo je tuais."

  8   En tout cas, c'est la façon dont vous l'avez citée. Alors que page 57,

  9   ligne 13, la même chose est consignée non pas au passé, mais au présent. Il

 10   est dit :

 11   "Et chaque fois que je viens à Sarajevo, je tue."

 12   Je souhaitais simplement consigner ceci au compte rendu. Peut-être

 13   s'agissait-il d'un lapsus ou d'une erreur, je ne sais pas.

 14   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, c'était une

 15   imprécision, il ne faut pas retenir ce temps du passé.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 17   Je consulte également mes collègues. S'il n'y a rien d'autre à soulever à

 18   ce stade, nous allons lever l'audience, et reprendrons demain, 17 mai, à 9

 19   heures, dans cette même salle d'audience.

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 13 et reprendra le jeudi, 17 mai 2012,

 21   à 9 heures 00.

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