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1 Le lundi 9 juillet 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 13 heures 06.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes les
6 personnes qui sont dans son prétoire et à l'extérieur de ce prétoire.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
9 de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
11 Avant que nous n'entendions la déposition du premier témoin, il y a
12 quelques questions de procédure que je souhaite aborder brièvement. La
13 première question porte sur la précision des instructions sur la
14 présentation et le versement au dossier des éléments de preuve. Le 19 juin,
15 la Chambre a envoyé un exemplaire par e-mail de ses orientations ou de ses
16 conseils sur la présentation et le versement au dossier des éléments de
17 preuve, et ceci est maintenant consigné au compte rendu d'audience.
18 Monsieur Mladic…
19 Donc nous allons commencer.
20 La Chambre de première instance va maintenant préciser davantage ou
21 modifier ses conseils sur le versement au dossier des éléments de preuve.
22 Dans un premier temps, il a été présenté le 10 novembre 2011, puis précisé
23 et modifié le 8 décembre 2011, puis le 23 février 2012, le 29 mars 2012 et
24 le 24 avril 2012. Le 3 mai 2012, l'Accusation a exprimé ses préoccupations
25 eu égard aux conseils de la Chambre. La Chambre avait déjà répondu à
26 nombreuses de ses préoccupations lorsqu'elle avait précisé et modifié ses
27 conseils du 24 avril 2012, et l'on ne répètera pas cela ici. Mais au vu des
28 préoccupations réitérées par l'Accusation ainsi qu'au vu des requêtes ou
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1 des demandes présentées au titre de l'article 92 ter déposées depuis le 24
2 avril 2012, la Chambre a décidé de préciser à nouveau ses conseils, de
3 présenter de nouvelles modifications et de fournir de plus amples
4 précisions à propos de l'approche qu'elle a l'intention d'adopter.
5 L'Accusation a demandé, entre autres, que la Chambre fournisse des
6 conseils, et je cite, "et prenne en considération les préférences de la
7 Chambre eu égard aux éléments de preuve présentés devant la Chambre." La
8 Chambre informe les parties que les conseils qui sont fournis sont une
9 indication donnée aux deux parties par rapport aux préférences de la
10 Chambre en matière de versement au dossier et de présentation des éléments
11 de preuve, et la Chambre s'attend à ce que les deux parties respectent ces
12 conseils. Si de bonnes raisons sont présentées, la Chambre peut faire droit
13 aux demandes présentées par les parties lorsqu'elles demanderont à
14 s'écarter de ces conseils. Comme le demande l'Accusation et comme la
15 Chambre l'a déjà indiqué lors de ses précisions préalables, les différents
16 cas seront examinés et les décisions seront prises au cas par cas. La
17 Chambre donnera des décisions par écrit ou de façon orale lorsque les
18 parties présenteront des demandes aux fins d'admission d'éléments de preuve
19 conformément à l'article 92 bis, ter et quater, ainsi que directement.
20 La Chambre va faire preuve d'une certaine souplesse lorsqu'elle
21 mettra en œuvre ces conseils. L'un de aspects les plus importants de ces
22 conseils n'est pas le nombre ou les limitations pour ce qui est du nombre
23 et des délais. Ce qui est extrêmement important en matière de présentation
24 ciblée des éléments de preuve, notamment pour éviter qu'il y ait des
25 doublons et pour assurer que la Chambre ne soit pas littéralement submergée
26 d'éléments de preuve sur lesquels les parties ont décidé de ne pas
27 s'appuyer en fin de compte.
28 La Chambre, donc, présente les précisions suivantes ainsi que les
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1 modifications aux conseils au vu de ce qui vient d'être avancé par les
2 parties. Eu égard au nombre de déclarations de témoin versées au dossier
3 sous le régime de l'article 92 ter, la Chambre modifie son conseil de la
4 façon suivante : outre une déclaration de témoin, la Chambre acceptera une
5 ou plusieurs autres déclarations complémentaires succinctes, soit qu'elles
6 existent déjà, soit qu'elles seront prises en considération, pour traiter
7 des questions plus précises ou des corrections à apporter à la déclaration
8 première.
9 Qui plus est, la Chambre modifie ses conseils eu égard à l'article 92
10 bis, ter et quater, pour ce qui est de ces témoins sous le régime de cet
11 article, de la façon suivante : la Chambre acceptera deux ou plusieurs
12 déclarations de témoin qui pourront être versées au dossier en application
13 des articles mentionnés à condition que les déclarations différentes
14 englobent différents sujets. Eu égard au temps octroyé pour
15 l'interrogatoire principal des témoins sous le régime de l'article 92 ter,
16 dans sa décision relative à l'article 73 bis (C), la Chambre a d'ores et
17 déjà accepté que ces interrogatoires pourraient prendre plus d'une demi-
18 heure. En fait, la moyenne pour ce qui est des témoins sous le régime de
19 l'article 92 ter qui figurent sur la liste à charge de l'Accusation est
20 environ une heure. Par conséquent, point n'est besoin que l'Accusation
21 demande des exceptions au conseil, à condition qu'elle ait l'intention de
22 s'en tenir à la limite de temps indiquée dans sa liste de témoins qui a été
23 acceptée par la Chambre.
24 Eu égard aux préférences de la Chambre pour les déclarations de
25 témoin plutôt que des comptes rendus d'audience émanant d'affaires
26 précédentes, la Chambre n'insistera pas à chaque fois pour que la
27 déclaration soit fournie par les témoins qui en ont déjà fourni une. La
28 Chambre considérera les raisons qui seront fournies par l'une ou l'autre
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1 partie, qui indiqueront pourquoi une déclaration de témoin ne pourra pas
2 être prise en considération. Le fait que cela pose un problème au témoin
3 dans une certaine mesure ne sera pas considéré comme une raison suffisante.
4 Si la raison est que le témoin n'est absolument pas disposé à coopérer avec
5 la partie en question et si le témoin, par exemple, ne peut pas fournir les
6 mêmes informations que dans la déclaration qu'il a fournie lors de sa
7 déposition dans une affaire précédente, la Chambre examinera de façon très
8 méticuleuse ce problème afin de voir si le témoignage d'un tel témoin
9 pourra être présenté par le truchement de l'article 92 ter ou 92 bis. Si la
10 partie a des raisons de croire que le témoin ne va pas s'en tenir à sa
11 déposition précédente, la méthode la plus efficace consistera peut-être à
12 demander au témoin de déposer viva voce. La partie en question pourra
13 ensuite verser au dossier le témoignage précédent, qui sera considéré comme
14 une déclaration précédente non conforme à ce que le témoin aura dit, et ce,
15 en application de la jurisprudence du Tribunal.
16 Eu égard aux témoins de l'article 92 bis, si des déclarations de
17 témoin existent mais que la partie considère que le témoignage obtenu dans
18 une affaire précédente permettra de mieux prendre en considération les
19 éléments de preuve dudit témoin et que le fait de refaire une nouvelle
20 déclaration pourrait traumatiser le témoin ou pourrait représenter un lourd
21 fardeau pour le témoin en question, la Chambre considérera l'admission du
22 compte rendu d'audience. L'exemple donné par l'Accusation à ce sujet a
23 trait au Témoin Dzenana Sokolovic. Cet exemple met en exergue un autre
24 aspect que les parties, en fait, devraient prendre en considération avant
25 de déposer une demande au titre de l'article 92 bis, 92 ter ou 92 quater;
26 en d'autres termes, il faut essayer d'éviter qu'il y ait des recoupements
27 entre les faits déjà jugés pour lesquels la Chambre a dressé un constat
28 judiciaire et les témoignages.
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1 Il semblerait que les faits déjà admis numéro 2317, 2318 et 2319
2 couvrent une partie essentielle de la déposition du témoin, c'est ainsi en
3 tout cas que cela est décrit dans le résumé au titre de l'article 65 ter
4 préparé par l'Accusation. Ces faits émanent du jugement dans l'affaire
5 Dragomir Milosevic. En l'espèce, la Chambre s'est reposée sur ses
6 conclusions à propos de cet incident, et il s'agit essentiellement de la
7 déposition du Témoin Sokolovic. Fondamentalement, l'Accusation a demandé
8 que la Chambre dresse un constat judiciaire des faits relatifs à cet
9 incident et demande maintenant à ce que cela soit versé au dossier, cela
10 étant la déposition sur laquelle s'appuient ces faits.
11 A ce sujet, la Chambre attire également l'attention des parties sur
12 la demande au titre de l'article 92 ter pour le Témoin RM007, dont les
13 éléments de preuve semblent déjà être considérablement englobés par un
14 certain nombre de faits déjà admis, notamment les faits suivants : 460, 462
15 jusqu'à 465, 468 à 476, 478 à 480, 1141 à 1144, 1146, 1165 à 1169, 1190 et
16 1192.
17 L'Accusation a par la suite modifié le statut de ce témoin, qui était
18 un témoin sous régime 92 ter, au statut d'un témoin viva voce, mais le
19 risque de recoupement entre les faits déjà admis et la déposition du témoin
20 demeure. Il se peut qu'il y ait d'autres exemples de demandes présentées au
21 titre de l'article 92 ter pour lesquelles il y aura des doublons ou des
22 recoupements inutiles.
23 Pour tous les témoins viva voce et pour tous les témoins sous le
24 régime de l'article 92 bis, ter et quater, ainsi que sous le régime des
25 demandes au titre de l'article 94 bis, la Chambre s'attend à ce que les
26 parties étudient de façon extrêmement soigneuse les passages de la
27 déposition prévue qui ont trait aux faits déjà admis et qui ne seront donc
28 peut-être pas nécessaires d'entendre, et nous demandons aux parties de
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1 diminuer les éléments de preuve conformément. La Chambre insiste sur le
2 fait que cela devra être fait avant de présenter des demandes au titre de
3 l'article 92 ou 94 bis. Si les parties considèrent qu'il est toujours
4 nécessaire de présenter lesdits éléments de preuve, la Chambre s'attend à
5 ce qu'ils expliquent très clairement pourquoi les éléments de preuve
6 devront être présentés à nouveau.
7 Eu égard aux pièces à conviction connexes, la Chambre adoptera une
8 attitude souple pour ce qui est du nombre exact de ces documents. La
9 Chambre rappelle la jurisprudence à ce sujet qui autorise le versement au
10 dossier de documents au titre des articles 92 bis, 92 ter et 92 quater
11 s'ils sont une partie absolument indispensable et inséparable des
12 déclarations du témoin ou de comptes rendus d'audience provenant d'une
13 affaire précédente. La Chambre a l'intention, lorsqu'elle veut limiter le
14 nombre de documents qui seront versés au dossier en faisant référence aux
15 articles mentionnés, de faire en sorte que la présentation des éléments de
16 preuve soit le plus clair possible. Dans la plupart des cas, cela est
17 obtenu lorsque les documents sont présentés par le truchement du témoin qui
18 se trouve dans le prétoire, ce qui permet au témoin de fournir des
19 explications et des observations à propos des documents. La Chambre préfère
20 de loin cette méthode de versement au dossier des documents. Toutefois, le
21 versement au dossier de documents allant de pair avec les déclarations des
22 témoins ne perturbera pas dans certaines circonstances la précision de la
23 présentation des éléments de preuve d'une partie. Je pense, par exemple, à
24 des photographies, à des cartes, à des croquis dessinés par les témoins, et
25 à d'autres illustrations semblables qui ont trait à la teneur d'une
26 déclaration, ainsi qu'à des documents beaucoup plus succincts auxquels il
27 est fait référence de façon claire à la déclaration du témoin.
28 Qui plus est, eu égard aux pièces à conviction connexes, la Chambre
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1 s'attend à ce que les parties examinent de façon méticuleuse pourquoi les
2 différents documents devront être versés au dossier. L'Accusation donne
3 l'exemple de M. David Harland par le truchement duquel elle souhaite verser
4 au dossier 35 documents en application de l'article 92 ter. La Chambre a
5 examiné certains des documents et se permet de faire les observations
6 suivantes à l'Accusation : le document numéro 16 est un document de 21
7 pages de la FORPRONU, un rapport rédigé par le témoin. Au paragraphe 171 de
8 sa déclaration, le témoin résume la teneur de ce rapport en décrivant la
9 situation à Sarajevo et dans d'autres lieux en mars 1995. Si l'information
10 émanant de ce rapport sur laquelle l'Accusation souhaite attirer
11 l'attention de la Chambre est l'information qui figure au paragraphe 171 de
12 la déclaration, point n'est besoin de présenter le rapport. A ce sujet, la
13 Chambre insiste sur le fait que les parties ne devront absolument pas
14 submerger la Chambre de documents lors de la présentation de leurs moyens
15 de preuve, et les parties devront prévoir et réagir aux éléments de preuve
16 qui seront présentés par rapport aux éléments de preuve des différentes
17 parties. Si la Défense, par exemple, souhaite contester la description du
18 paragraphe 171 et souhaite indiquer que cela n'est pas exact, elle pourra,
19 certes, demander le versement au dossier du rapport lors du contre-
20 interrogatoire, ou l'Accusation pourra le faire lors des questions
21 supplémentaires. S'il y a un autre élément du rapport sur lequel
22 l'Accusation souhaite attirer l'attention de la Chambre, la méthode
23 appropriée consiste à poser des questions au témoin dans le prétoire.
24 Sinon, la Chambre pourra étudier le document toute seule et n'aura
25 absolument aucune indication très claire à propos de ces 21 pages que
26 l'Accusation considère si importantes pour la présentation de ses moyens à
27 charge, outre ce qui figure déjà dans la déclaration du témoin.
28 La Chambre a certaines réserves, par exemple, à propos du document
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1 numéro 1 : le témoin fournit des explications aux paragraphes 47 et 48 de
2 sa déclaration. Nous avons également quelques réserves à propos du document
3 numéro 6 : le témoin cite ce document aux paragraphes 91 à 94.
4 En un mot comme en cent, la Chambre considérera ou envisagera toute
5 demande d'admission de pièces à conviction connexes sous le régime de
6 l'article 92 bis, ter et quater, quel que soit le nombre exact de
7 documents. La Chambre va envisager de façon très sérieuse le besoin de
8 présentation de chaque document pour pouvoir apprécier les éléments de
9 preuve présentés par les témoins et s'attend à ce que les parties fassent
10 la même chose avant de présenter des demandes.
11 J'en ai même terminé avec cette précision supplémentaire de la
12 Chambre ainsi qu'avec les modifications eu égard aux conseils.
13 Alors, l'autre question qui est à mon ordre du jour pour ce qui est
14 des questions de procédure. Alors, pour ce qui est des audiences que nous
15 allons tenir aujourd'hui et demain, nous allons siéger l'après-midi et nous
16 commencerons à 13 heures, et d'après les derniers éléments d'information
17 qui nous ont été présentés, nous allons pouvoir procéder de la manière
18 suivante : la Chambre a l'intention de siéger mercredi, jeudi et vendredi
19 de 9 heures du matin à 13 heures 45. Ceci pose t-il un quelconque problème
20 pour l'Accusation ou la Défense ?
21 M. GROOME : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pas du côté de
22 l'Accusation en tout cas.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Du côté de la Défense, ceci vous pose t-
24 il un quelconque problème pour cet après-midi et demain après-midi, et
25 mercredi, jeudi, vendredi, le matin ?
26 M. LUKIC : [interprétation] Pas du tout, en ce qui nous concerne.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas du tout. Je vous remercie, Maître
28 Lukic.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, l'autre point à mon ordre du jour
3 concerne une requête de la Défense aux fins de suspendre les débats ou de
4 revoir les recommandations amendées sur le versement et la présentation des
5 éléments de preuve, une requête qui a été déposée le 9 juillet, à savoir ce
6 matin. Si l'Accusation avait l'intention de répondre oralement, dans ce cas
7 l'Accusation peut le faire. Mais si, en revanche, Monsieur Groome, vous
8 préférez répondre par écrit, dans ce cas je vous demande de bien vouloir
9 préciser aux Juges de la Chambre à quel moment vous pensez pouvoir faire
10 cela.
11 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit là d'une des
12 quatre requêtes qui ont été déposées aujourd'hui par la Défense --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je commence par celle-ci.
14 M. GROOME : [interprétation] Je serais disposé à répondre oralement demain
15 matin. Mais je fais remarquer qu'eu égard à cette requête en particulier,
16 ceci n'implique aucunement la déposition du premier témoin, M. Pasic, que
17 l'Accusation a l'intention d'appeler à la barre. C'est un témoin qui va
18 déposer viva voce. Donc, à notre sens, ceci n'empêche en rien la déposition
19 de ce témoin.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, avez-vous quelque chose à
21 dire eu égard à cette demande de l'Accusation qui souhaite répondre demain
22 oralement ?
23 M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons aucun problème avec cela, Monsieur
24 le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Aucun problème à cet égard.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, nous ne vous avons pas
28 mal compris lorsque vous nous avez dit que vous allez nous présenter vos
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1 arguments oralement demain après-midi. Nous sommes bien d'accord ?
2 M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait. Pardonnez-moi.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, je vais passer à une autre
4 requête qui a également été déposée aujourd'hui, à savoir la requête de la
5 Défense aux fins de surseoir au contre-interrogatoire de Richard Dannatt,
6 et ce, suspendre les débats pendant 90 jours. Ceci fera partie de vos
7 arguments présentés oralement, n'est-ce pas, Monsieur Groome ?
8 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous allons y
9 répondre oralement demain et répondre aux quatre requêtes demain.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut, Maître Lukic, que les Juges
11 de la Chambre ne vont pas rendre une décision sur la requête portant sur le
12 fait de suspendre le contre-interrogatoire avant d'avoir entendu
13 l'interrogatoire principal, et nous allons voir comment procéder après
14 avoir entendu la réponse de M. Groome.
15 M. LUKIC : [interprétation] Une chose.
16 Pour ce qui est de la quatrième requête, la requête de la Défense
17 concernant la requête 0442 [comme interprété], la requête versée
18 directement à l'audience, j'ai entendu dire de la part de l'Accusation ce
19 matin qu'ils n'avaient pas l'intention d'utiliser cette pièce à conviction
20 du tout. Peut-être qu'il ne serait donc pas nécessaire de répondre dans le
21 détail.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est la situation du côté de
23 l'Accusation ?
24 M. GROOME : [interprétation] En fait, l'Accusation doit vous dire que ce
25 document ne figure pas sur la liste des pièces. Je n'ai pas l'intention de
26 verser au dossier ce document-là, c'est ce que j'ai dit à Me Lukic, par le
27 truchement de ce témoin et je ne vois pas comment je pourrais le faire lors
28 des questions supplémentaires, et j'encourage Me Lukic à m'appeler dans ce
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1 cas. Et ceci aurait pu être régler sans devoir en parler aux Juges de la
2 Chambre.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Outre le fait d'avoir fait la remarque
6 que vous venez de faire, Maître Lukic, avez-vous une quelconque raison
7 justifiant le retrait d'une quelconque de vos requêtes, compte tenu des
8 informations qui viennent de vous être présentées ?
9 M. LUKIC : [interprétation] Si vous le permettez, nous allons peut-être
10 prendre une décision là-dessus demain matin.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez en informer les assistants de
12 la Chambre, s'il vous plaît, avant le début de l'audience de demain après-
13 midi de façon à ce que nous ne perdions pas le temps de la Chambre pour
14 répondre à des requêtes que vous n'avez pas l'intention de présenter plus
15 avant.
16 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque j'ai parlé de quatre requêtes,
18 je parlais en fait du fait de reporter le contre-interrogatoire de Richard
19 Dannatt pendant 90 jours. La troisième requête est une requête urgente
20 présentée par la Défense demandant une ordonnance empêchant l'Accusation
21 d'utiliser le versement au dossier de pièces qui ne figurent pas sur la
22 liste par le truchement du Témoin Harland, et la quatrième requête porte
23 sur une ordonnance urgente qui viserait à interdire l'Accusation l'emploi
24 et le versement au dossier de documents relatifs à Harland et sa
25 déclaration. Donc, voici les quatre requêtes que nous avons souhaité
26 aborder. Je souhaitais que ceci soit consigné de façon claire au compte
27 rendu d'audience.
28 Nous n'avons pas d'autres questions urgentes à traiter. Nous allons donc
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1 entendre la déposition du premier témoin en l'espèce.
2 Je me tourne vers les parties. S'il n'y a pas d'autres questions urgentes à
3 ce stade, je vais me tourner vers l'Accusation et lui demander si elle est
4 disposée à citer à la barre son premier témoin ?
5 M. GROOME : [interprétation] L'Accusation est disposée à citer à la barre
6 son premier témoin, M. Elvedin Pasic. Et je souhaite présenter aux Juges de
7 la Chambre Mme Camille Bibles, qui va interroger ce témoin.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
9 Est-ce que nous pouvons faire entrer le témoin dans le prétoire, s'il vous
10 plaît.
11 Madame Bibles, compte tenu des conseils que je viens de vous prodiguer ou
12 que j'ai évoqués, inutile donc d'attirer votre attention sur les faits
13 jugés 799 à 801, 803 à 808, 811 et 814.
14 Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et
15 j'aborderai la question des faits jugés au moment où il s'agira de poser
16 certaines questions au témoin, et à ce moment-là je porterai ces faits
17 jugés à l'attention des Juges de la Chambre de première instance.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
19 M. LUKIC : [interprétation] Bien. Avant de faire entrer le témoin.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 M. LUKIC : [interprétation] Nous avons reçu un document ce matin qui émane
22 de l'Accusation et qui nous a été remis ce matin, un nouveau document sur
23 cette liste qui concerne ce témoin-ci. Donc nous souhaitons demander,
24 Messieurs les Juges, que vous interdisiez à l'Accusation de verser au
25 dossier cet élément-là --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De quoi s'agit-il ?
27 M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit d'un document qui n'est pas sur la
28 liste.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le 28320, me semble-t-il.
2 Oui. Il s'agit de la liste des personnes -- oui. Oui, Madame Bibles, si Me
3 Lukic a une quelconque difficulté avec ce document, pourriez-vous
4 recueillir cet élément de preuve viva voce sans vous référer à votre liste
5 écrite ?
6 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. Nous avons
7 l'intention de parcourir rapidement cette partie-là de sa déposition --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
9 Mme BIBLES : [interprétation] -- je pense qu'une façon plus efficace
10 de présenter les éléments d'information, et nous pouvons le faire en
11 direct.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, une liste des noms.
13 M. LUKIC : [interprétation] Si vous me le permettez, mon objection est à
14 caractère général, de ne pas autoriser ce type d'agissements de la part de
15 l'Accusation à l'avenir.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 M. LUKIC : [interprétation] Parce que nous estimons qu'à l'avenir
18 ceci ne devrait pas se faire.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, vous vous opposez ? Ou est-ce
20 que vous souhaitez tirer sur le bateau avant qu'il ne soit sorti du port ?
21 Ecoutez, il ne serait pas très courtois vis-à-vis de M. Pasic de ne pas
22 vous accueillir, Monsieur le Témoin, dans ce prétoire. Et avant que vous ne
23 déposiez, Monsieur le Témoin, on va vous demander de prononcer la
24 déclaration solennelle dont le texte va vous être remis par l'huissier. Je
25 vais vous demander de vous lever, s'il vous plaît.
26 LE TEMOIN : [interprétation] Oui.
27 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien
28 que la vérité.
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1 LE TÉMOIN : ELVEDIN PASIC [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Pasic.
4 Veuillez vous asseoir.
5 Il semblerait que vous ayez préféré de lire le texte de la déclaration
6 solennelle en anglais. Vous allez déposer dans quelle langue, je vous prie
7 : en B/C/S, ou en serbe, ou en anglais ?
8 LE TEMOIN : [interprétation] Je préférerai en anglais, si vous me le
9 permettez.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En anglais. Bien.
11 Alors, Madame Bibles.
12 Vous allez d'abord être interrogé par Mme Bibles, qui est conseil de
13 l'Accusation, Monsieur Pasic.
14 Mme BIBLES : [interprétation] Je vous en prie.
15 Interrogatoire principal par Mme Bibles :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pasic. Veuillez vous présenter, s'il
17 vous plaît, nous donner votre nom ainsi que votre âge.
18 R. Je m'appelle Elvedin Pasic. Je viens de Hrvacani, à Kotor Varos. J'ai
19 34 ans. Je suis né le 3 juin 1978.
20 Q. Pourriez-vous nous dire si vous avez, oui ou non, grandi à Kotor Varos,
21 jusqu'à l'âge de 14 ans en tout cas ?
22 R. Oui. J'ai grandi à Hrvacani, municipalité de Kotor Varos.
23 Q. Veuillez nous dire quelle était la taille de votre village ainsi que sa
24 composition ethnique ?
25 R. Oui. Mon village se situait à une trentaine [comme interprété] de
26 kilomètres de Kotor Varos. Mon village de Hrvacani était à 100 % musulman,
27 je parle de sa composition ethnique, et il y avait 100 âmes environ.
28 Q. Veuillez nous dire où vous vous êtes allé à l'école.
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1 R. Je suis allé à l'école à Vrbanjci, et j'ai terminé mes études à cet
2 endroit-là, je suis allé jusqu'à la cinquième année du primaire.
3 Q. Pouvez-vous nous parler de l'appartenance ethnique de vos camarades de
4 classe ?
5 R. Dans l'école de Vrbanjci, il y avait tous mes amis, qui étaient Serbes,
6 Croates et Musulmans. Nous étions là tous ensemble à l'époque.
7 Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je m'en tiendrai là pour
8 ce qui est de la question de la composition ethnique de cette municipalité
9 en me fondant sur le fait déjà jugé --
10 Q. Pourriez-vous nous parler de la situation avant la guerre en Bosnie,
11 comment se passait la vie à ce moment-là lorsque vous alliez à l'école et
12 que vous étiez entouré de gens qui appartenaient à des groupes ethniques
13 différents du vôtre ?
14 R. Oui. Je suis allé à l'école à Vrbanjci. En réalité, cela c'est très
15 bien passé à l'époque, avec mes amis serbes et croates. Nous nous
16 entendions bien avant la guerre. Nous partagions la même salle de classe,
17 nous jouions au basket, au football, et toutes les activités étaient
18 communes. Nous partagions tout. Par exemple, si nous avions des activités
19 extrascolaires, en réalité j'avais des amis dans les villages voisins et on
20 empruntait leurs chaussures ou leurs shorts. C'était formidable. Nous avons
21 passé de très bons moments. Il n'y avait aucune animosité quelle qu'elle
22 soit. Nous fêtions les vacances ensemble, que l'on soit Musulman, Croate ou
23 Serbe. A ce moment-là nous nous respections les uns les autres, et tout
24 s'est très bien passé.
25 Q. Veuillez nous dire en quelques mots où se trouvait votre village en
26 Bosnie.
27 R. Mon village, Hrvacani, se trouvait à 30 [comme interprété] kilomètres,
28 environ à une trentaine de kilomètres de Kotor Varos. Je dirais au nord de
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1 la Bosnie en direction de Sarajevo…
2 Q. Veuillez nous dire ceci, s'il vous plaît : en 1992, qui vivait dans
3 votre foyer ?
4 R. En 1992, je vivais avec mon père, ma mère, et avec ma sœur jusqu'au
5 moment où elle s'est mariée.
6 Q. Et lorsque votre sœur s'est mariée, où a-t-elle vécu ?
7 R. Ma sœur est allée vivre à Dabovci, où elle avait rencontré son mari à
8 l'époque, Elvir. Et ils ont vécu à Dabovci, qui se situait au sud de
9 Hrvacani, mon village.
10 Q. Donc, au printemps de l'année 1992, vous aviez quel âge ?
11 R. J'avais 13 ans.
12 Q. Et quand avez-vous eu 14 ans ?
13 R. Le 3 juin 1978 -- j'ai eu 14 ans.
14 Q. Je souhaite que vous repartiez un petit peu en arrière dans le temps,
15 au printemps de l'année 1992. Vous vous souvenez de quelconques actions
16 militaires autour de votre école ?
17 R. Avant de terminer mon année de terminal. La première fois que j'ai
18 remarqué des actions militaires était comme suit : lorsque j'avais terminé
19 l'école, j'étais devant, j'attendais l'autobus, et nous avons remarqué un
20 convoi important à bord duquel il y avait un équipement militaire lourd qui
21 se -- ces camions se dirigeaient vers Doboj. Et l'infanterie ou l'armée
22 était équipée de chars, et les soldats nous faisaient des signes -- ils
23 étaient tous en vert, c'étaient des soldats de la JNA -- il y avait une
24 très longue file de véhicules motorisés, et avec leur doigt, comme ceci,
25 ils nous faisaient des signes. Et nous avons répondu de la même façon. A
26 l'époque, je ne savais pas ce que ça signifiait, ce geste. Mais par la
27 suite, j'ai appris que nous n'étions pas censés faire ce geste, et donc on
28 faisait comme ceci ou comme cela.
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1 Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, pour les besoins du
2 compte rendu d'audience, compte tenu de la façon dont le témoin nous a fait
3 signe, il montre de son bras droit, il nous montre son pouce, son index et
4 les doigts du milieu -- pardonnez-moi, l'annulaire, qui sont repliés l'un
5 sous l'autre.
6 Q. Alors que vous étiez enfant, est-ce que c'était la première fois que
7 vous ayez vu des chars ?
8 R. C'est la première fois que je voyais un char militaire avant de --
9 enfin, je vais reformuler ma question. C'était la première fois que je
10 voyais un char. Je n'avais jamais vu un convoi comme cela auparavant, et
11 par la suite j'en ai vu beaucoup.
12 Q. Alors, veuillez nous dire si certains villages étaient majoritairement
13 serbes ?
14 R. Comme je vous l'ai dit auparavant, mon village, Hrvacani, était 100 %
15 musulman et il y avait deux villages serbes qui se trouvaient au nord. Un
16 de ces villages était Tepici, qui se trouvait au nord de Hrvacani; et
17 l'autre village, Savici, qui se trouvait à l'est, était à 100 % serbe; et
18 sur notre droite à l'ouest, il y avait le village croate de Plitska, qui se
19 trouvait à 3 kilomètres environ de chez nous. Plus au sud, nous avions
20 Dabovici, qui était également à 100 % musulman, et une partie de Novakovo
21 Brdo, de Dabovici, sur la colline, il y avait des maisons où vivaient les
22 Serbes.
23 Q. Je souhaite attirer votre attention au mois de mai 1992. Avez-vous
24 constaté des activités anormales autour de ces villages, je veux parler des
25 villages serbes ?
26 R. Oui. Alors, à notre gauche où se trouvait le village de Savici, nous
27 avions remarqué que des gens creusaient des tranchées. C'étaient des
28 voisins qui creusaient des tranchées. Et au nord, près de Tepici, nous
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1 avions remarqué qu'il y avait des gens qui se préparaient pour quelque
2 chose. Il y avait beaucoup de mouvement. En réalité, au sud, près de
3 Novakovo Brdo, nous avions remarqué qu'il y avait deux chars qui étaient
4 sortis des bois à Novakovo Brdo, suivis par l'infanterie. Ils
5 construisaient des tranchées et se préparaient pour quelque chose.
6 Q. Et vous ainsi que d'autres personnes de votre village, étiez-vous
7 curieux de leurs agissements ?
8 R. Oui. En réalité, après avoir vu ces activités inhabituelles dont
9 faisaient montre nos voisins, des gens de notre village qui en réalité
10 étaient assez connus, les frères assez riches Muho et Murat, ont décidé
11 d'aller leur en parler, de leur poser des questions sur ces activités-là et
12 leur demander pourquoi ils avaient commencé à creuser des tranchées ainsi
13 et essayer de comprendre. Ils se sont réunis dans l'école --
14 L'INTERPRETE : Le nom n'a pas été cite.
15 LE TEMOIN : [interprétation] -- une école où je suis allé avant d'aller à
16 l'école à Vrbanjci, qui se trouvait près de Tepici et Hrvacani. Après
17 qu'ils se soient rencontrés entre voisins, ils ont été informés de la
18 raison de ces activités, l'infanterie, les tranchées; ils disaient
19 simplement qu'ils préparaient des exercices militaires qui étaient menés
20 par la JNA. Ils nous ont dit que nous ne devions rien craindre de
21 particulier parce que nous étions tous voisins, et que s'il arrivait
22 quelque chose, il nous en tiendrait informer mais il ne fallait absolument
23 s'inquiéter de rien.
24 Q. Y a-t-il eu un événement ou une fête religieuse qui a été célébré dans
25 votre village en mai ou en juin 1992 ?
26 R. Oui, Bajram, qui est une fête religieuse, nous avons célébré cette
27 fête-là. Je ne sais pas si c'était au mois de mai ou au mois de juin. Nous
28 nous étions préparés à cela. C'était le premier jour. J'étais très
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1 enthousiaste, j'étais un jeune garçon à l'époque et je me réjouissais
2 beaucoup. J'allais recueillir de l'argent des personnes plus âgées, c'est
3 une tradition chez nous -- lorsque nous allons prier dans le cadre de la
4 fête de Bajram, lorsque nous allons prier dans la mosquée, eh bien, les
5 jeunes avaient coutume d'aller baiser la main des personnes plus âgées qui
6 leur remettaient de l'argent à ce moment-là. Et je me souviens très bien
7 que j'étais très enthousiaste. Il y avait notre imam qui était dans la
8 mosquée qui nous a dit que puisque nous fêtions notre fête religieuse --
9 aux Etats-Unis on utilise des feux d'artifice mais en Bosnie, on le faisait
10 à l'aide d'armes, on tirait avec des armes en l'air et puis on faisait du
11 bruit. Donc l'imam était inquiet parce qu'il avait remarqué qu'il y avait
12 ces activités menées par nos voisins, et donc l'imam nous a dit que nous ne
13 devrions rien faire qui pourrait mettre le feu aux poudres. Donc il y avait
14 des choses qui se préparaient autour de nous. Et lorsque nous sommes
15 sortis, il est vrai que moi j'étais très enthousiaste, j'allais me diriger
16 vers les personnes plus âgées pour leur baiser la main, et ensuite nous
17 allions chez nous et nous allions de maison en maison, et nous avions des
18 bonbons, et on fêtait cette fête religieuse entre les membres de la
19 famille.
20 Q. Et donc, cette fête de Bajram a été interrompue en 1992 ?
21 R. Oui. Le deuxième jour, nous avons été attaqués par les voisins. Le
22 premier jour, la tradition veut que l'imam aille de maison en maison pour
23 accueillir et aller dire bonjour aux différentes personnes. Je me souviens
24 que nous avons suivi l'imam, c'est une tradition chez nous, et je me
25 souviens du fait que l'imam est venu chez moi parce que mon père l'avait
26 invité. Il est venu me voir dans ma maison, et ils ont essayé de parler et
27 de voir s'ils avaient remarqué une quelconque activité. Et ils pensaient
28 que tout le monde allait suivre l'imam, que si l'imam allait de maison en
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1 maison, que tout le monde allait le suivre. Et donc, on pouvait remarquer
2 que la guerre se préparait, donc ils sont venus dans notre maison pour
3 décider de ce qu'il fallait faire. C'était le deuxième jour du Bajram et
4 nous avons été attaqués.
5 Q. Veuillez nous dire en quelques mots comment ceci s'est passé ?
6 R. Oui. Le deuxième jour – et je reviens au premier jour – lorsque les
7 hommes se sont réunis pour décider de ce qu'ils devaient faire, ma mère et
8 moi-même -- eh bien, notre père nous avait demandé de quitter la maison. Il
9 y avait des hommes qui étaient là et qui devaient compter les armes et voir
10 s'il fallait faire quelque chose, s'il fallait se défendre. La guerre était
11 imminente. Et le deuxième jour, les obus ont commencé à tomber sur notre
12 village. Nous étions dans la cave de notre voisin lorsque le pilonnage
13 lourd a commencé, lorsqu'ils ont commencé à tirer. Nous étions à l'abri
14 avec nos voisins, il y avait sans doute six familles qui étaient réunies à
15 cet endroit-là. C'était épouvantable. Je m'en souviens, j'étais un petit
16 garçon, et c'était nos vacances, et nous avons entendu le tir des armes
17 lors de notre fête religieuse. Mais nous n'avions rien entendu qui
18 ressemblait à ces obus qui tombaient et le sol qui tremblait. Je me
19 souviens que nous étions à l'abri et que notre mère nous a dit de nous
20 protéger avec des oreillers parce qu'elle craignait que les balles ou les
21 obus n'atterrissent quelque part près de nous. Elle voulait faire en sorte
22 que ces obus ne nous touchent pas. Il y avait des bruits assourdissants. Et
23 je ne me souviens pas si, oui ou non, un quelconque ultimatum avait été
24 lancé. Je sais que je tremblais.
25 Et je dois dire que mon père avait un port de permis de chasse et, donc,
26 était autorisé à porter une arme. Je ne sais pas s'ils étaient nombreux
27 dans le village dans ce cas-là, mais je me souviens que cette nuit-là était
28 épouvantable.
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1 Q. Monsieur Pasic, avez-vous entendu des voix ou des mots qui auraient été
2 prononcés pendant le pilonnage ou pendant le bombardement ?
3 R. Oui. En réalité, nous avons entendu une annonce qui venait de Tepici,
4 le village qui se trouvait au nord de Hrvacani, sur un porte-voix. Les
5 Serbes parlaient de balija, de baklavas, nous serons bientôt là. Et Muho et
6 Murat Dugonjic, qui étaient deux frères très connus : Apportez-nous du
7 café, nous y serons bientôt. Voilà ce que j'ai entendu.
8 Q. Et vous et votre famille, qu'avez-vous fait ?
9 R. Cette nuit-là, nous sommes restés dans la cave toute la nuit, nous
10 avons attendu jusqu'aux premières heures du matin. Je me souviens, nous
11 sommes allés dans cette maison, quelqu'un a frappé à la fenêtre, que ma
12 mère a sursauté, et mon père était là avec son fusil et il a dit : Mais
13 qu'est-ce que vous faites encore ici ? Et ma mère a répondu en disant :
14 "Nocine [phon]". Le village est en train de tomber et ils entrent dans le
15 village par le nord. Vous êtes les seuls qui soient encore dans le village,
16 il faut bouger. Et ma mère -- en fait, la situation était chaotique -- eh
17 bien, l'entrée principale de la maison dans laquelle nous nous trouvions.
18 Non, on ne peut pas sortir de ce côté-là. Il faut sortir par la petite
19 fenêtre, parce que depuis Novakovo Brdo on nous tire dessus. Et, en fait,
20 une partie du village était tourné vers Novakovo Brdo. C'est là que nous
21 avons remarqué les chars. On ne pouvait pas passer par là parce que les
22 balles tombaient et les obus tombaient. Donc il faut passer par cette
23 petite fenêtre et passer derrière la maison, et ensuite on va se diriger
24 vers Plitska. Et je me souviens qu'ils nous faisaient sortir un par un par
25 cette fenêtre. Lorsque nous sommes partis, il m'a dit : Il faut que tu
26 m'écoutes bien. Tu dois écouter mes ordres. Et lorsque je te dis de courir,
27 il faut que tu coures. Et je me souviens que nos voisins, elle avait une
28 petite fille, Merima, et elle m'a regardé et elle m'a dit : Est-ce que,
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1 s'il te plait, tu peux la porter – parce qu'elle était enceinte – la petite
2 fille. Et même si tu lui arraches un bras, ça m'est égal, mais tu ne dois
3 pas la laisser partir…
4 Nous avons quitté la maison, et de l'autre côté derrière notre maison il y
5 avait un champ et la route, et mon père m'a dit : Il nous faut traverser
6 cette route, et il y a un lourd pilonnage de Tepici et Novakovo Brdo. Etant
7 donné que vous êtes les seuls qui restent, toutes les autres personnes se
8 sont enfuies en direction de Plitska, faites attention. Et il m'a dit : Tu
9 vas rester ici. Nous étions tous rassemblés, il y avait six familles en
10 tout. Donc nous étions là, à côté de cette route, et j'ai remarqué que mon
11 frère était de l'autre côté de la route. Il m'a dit : Regarde-moi. Attrape
12 le garçon. Et lorsque tu auras traversé ce mur, traverse la route. Et en
13 aucun cas tu ne dois remonter la route dans un sens ou dans un autre. Tu
14 dois simplement traverser la route pour aller à Tepici. Alors j'étais
15 enfant à l'époque, j'ai sauté par-dessus le mur, et j'ai porté cette petite
16 fille, et je me suis arrêté de marcher. Il m'a dit : Non, non, viens de ce
17 côté-ci. Et dès que je suis passé de l'autre côté, j'ai vu que les balles
18 tombaient, et juste à l'endroit où j'étais, j'ai eu de la chance. J'étais
19 avec cet enfant, et cet enfant n'a pas été touché. Mais nous avons vu nos
20 voisins lorsque nous avons traversé la route, la mère de la petite fille,
21 lorsque nous sommes arrivés à cet endroit où les balles et les obus ne
22 pouvaient pas nous atteindre, parce que c'était en face du village croate,
23 eh bien, elle s'est retournée et il y avait des trous dans ses vêtements.
24 Fort heureusement, les balles n'avaient touché personne, mais on voyait
25 l'endroit où il y avait des trous au niveau de ses vêtements, et mon frère
26 lui a dit : Mais pourquoi étiez-vous encore là ? Nous devons nous dépêcher
27 parce qu'ils sont en train d'entrer dans nos maisons. Et c'est à ce moment-
28 là que nous sommes allés dans la région de ce petit bois, et là nous avons
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1 eu un autre défi parce qu'il y avait un champ vert et nous devions nous
2 arrêter à ce moment-là. Nous nous sommes arrêtés pendant quelques instants,
3 et mon père nous a donné des consignes et mon frère aussi. C'était la
4 distance que nous devions parcourir en rampant, cela représentait 200
5 mètres environ. Ils nous ont fait passer un par un. Et c'est un autre
6 moment où j'ai été terrifié parce que je regardais les gens qui se
7 dirigeaient vers ce champ en rampant. Je voyais les balles qui venaient de
8 Novakovo Brdo et qui soulevaient l'herbe et la terre. Fort heureusement,
9 personne n'a été blessé. Cela touchait les arbres et les branches, mais
10 fort heureusement, personne n'a été touché par ces balles.
11 Q. Monsieur Pasic, par la suite avez-vous découvert que certaines
12 personnes sont restées dans votre village ?
13 R. Oui. Lorsque nous sommes arrivés à Plitska, il y avait cinq adultes à
14 être restés dans le village, et d'autres membres de leurs familles nous ont
15 indiqué qu'ils n'étaient pas capables de se déplacer. Donc ils avaient
16 décidé de rester. J'en connaissais certains. Il y avait un vieillard, Ibro,
17 qui vivait de sa retraite, Ibro Dugonjic. Il a décidé de rester dans sa
18 maison. Il a dit que c'était son chez-soi. Et il y avait eu quelques autres
19 adultes à être restés, des personnes âgées, cinq en tout et pour tout.
20 Q. Est-ce que, sans entrer dans le détail, vous pouvez nous dire où, vous
21 et votre mère, êtes-vous allés et où avez-vous passé les quelques mois qui
22 ont suivi ?
23 R. De Hrvacani, nous sommes allés à Plitska, Plitska étant un village
24 croate. Peu de temps après, les Serbes ont attaqué ce village et nous avons
25 dû aller de l'avant. Nous sommes allés ensuite à Cirkino Brdo. D'autres
26 sont allés à Bilice. Il me semble que où que nous soyons allés, il fallait
27 se déplacer d'un village à l'autre. Et partout on ne pensait pas à être les
28 bienvenus. Pas même à Cirkino Brdo ou à Hafinici. C'étaient des villages
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1 qui avaient signé une déclaration d'allégeance à l'égard des Serbes et ils
2 avaient peur de nous garder. Et si les Serbes nous trouvaient là-bas, si
3 des gens de Hrvacani s'étaient trouvés là ou si des gens de Cirkino Brdo
4 avaient protégé des gens de là-bas, ils risquaient d'être tués. Donc nous
5 n'étions pas les bienvenus. On nous a bousculés pour aller plus loin. Nous
6 étions un peu dans un "no man's land" et dans les forêts à attendre ce qui
7 allait se passer en allant d'un village à l'autre.
8 Q. Mais je vais vous demander : est-ce que vous faisiez partie d'un parti,
9 d'un groupe qui se déplaçait ensemble vers différents villages ?
10 R. Oui. Une fois arrivé à Plitska, avant le début des pilonnages de
11 Plitska, nous avions décidé d'y rester puisqu'on ne savait pas quoi faire.
12 Entre-temps, Cirkino Brdo avait signé une déclaration d'allégeance à
13 l'égard des Serbes, et un dénommé Hasan Cirkic, qui était là avec ma tante
14 Zena, une sœur, était venu de Hrvacani, et ils sont partis. Comme on était
15 tous ensemble, on nous a demandé si nous voulions rejoindre le groupe. Et
16 on nous a dit qu'il y avait deux maisons et qu'on pouvait emmener tous ceux
17 qui voulaient venir. Et cela fait que nous sommes allés à Cirkino Brdo avec
18 eux en compagnie de ma tante.
19 Q. C'étaient des gens originaires de Hrvacani, n'est-ce pas ?
20 R. Oui. Tous ces gens étaient venus de Hrvacani. Ils n'avaient pas de
21 proches à Cirkino Brdo, donc ils ont décidé de continuer tout droit jusqu'à
22 Bilice.
23 Q. Excusez-moi, je crois vous avoir interrompu. On était arrivé au moment
24 où vous mentionniez une espèce de "no man's land" où vous vous étiez
25 trouvés ?
26 R. Oui. Partout où nous arrivions à l'époque, une fois arrivés à Cirkino
27 Brdo, entre autres, on est restés un certain temps, Hasan nous a rejoints,
28 on l'a aidé dans les champs pour lui faire -- pour manifester notre
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1 reconnaissance. On a été approchés par des soldats serbes qui lui ont dit
2 qu'une fois revenu, s'ils constataient que Cirkino Brdo était en train
3 d'abriter des gens venus de Hrvacani, des civils de Hrvacani, ils ont dit
4 qu'ils allaient venir les tuer tous. On ne nous a pas dit de nous en aller,
5 mais nous ne voulions pas mettre en péril les gens de ce village, en
6 particulier et surtout pas Hasan qui nous a abrités au départ, et on a
7 décidé d'aller jusqu'à Bilice. Mais partout où nous allions, nous ne
8 voulions pas que les gens aient à souffrir de notre présence. Nous ne
9 savions plus où aller. On était donc bloqués. Et à ce moment-là, on a
10 décidé d'aller à Bilice, Bilice étant un grand village croate.
11 Q. Est-ce que vous avez pu rester là-bas ?
12 R. Oui, Madame. Une fois que nous sommes arrivés du côté croate, c'est-à-
13 dire à Bilice, on nous a bien accueillis. Nous sommes entrés dans le
14 village en passant par le côté est, et j'ai revu mon frère et mon père
15 ainsi qu'un certain nombre d'hommes que nous avions dû quitter à Plitska.
16 Il me semble qu'ils avaient quitté Plitska pour aller à Bilice avant nous
17 et qu'ils nous y ont attendus. On est restés là-bas à peu près un mois.
18 Nous avons aidé les gens à faire leurs travaux pour faire preuve de
19 reconnaissance. Une famille croate nous a confié une résidence secondaire
20 pour que nous puissions y rester. Et on est restés là à peu près un mois.
21 Q. Pourquoi êtes-vous partis de là-bas ?
22 R. Lorsque nous avons, pour la première fois, quitté Bilice, nous avons pu
23 voir que les gens étaient en train de parler entre eux. On avait compris
24 que quelque chose se préparait, et on a entendu dire de la part des gens du
25 cru que Bilice allait se rendre. Mon frère est venu jusqu'à nous et nous a
26 dit qu'à un moment donné on avait décidé de faire rester certains hommes à
27 Bilice, d'autres sont partis à Vecici. Et mon frère a dit qu'il avait ouï
28 dire que Bilice allait tomber, voire se rendre. Et on nous a incités à
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1 aller vers Garici, un autre village musulman qui avait signé une
2 déclaration d'allégeance
3 à l'égard des Serbes, et nous avons décidé d'aller vers ce village de
4 Garici où nous avions un cousin qui s'appelait Atif.
5 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait en été 1992 ? Est-ce que
6 vous êtes revenus vers votre village d'origine ?
7 R. Oui. Lorsque nous avons quitté Bilice, avant d'arriver à Garici, on a
8 décidé à un moment donné de revenir vers notre village parce qu'on était
9 inquiets pour ce qui est de la sécurité de ceux qui avaient signé cette
10 déclaration de l'allégeance, et nos civils originaires de Hrvacani avaient
11 décidé de retourner vers notre village. On était 50 ou 70 à peu près, des
12 civils, et nous avons décidé de marcher jusqu'à notre village de Hrvacani.
13 Lorsque nous nous approchions de notre village, là où il y avait eu trois
14 maisons serbes, on a rencontré des soldats serbes et ils nous ont arrêtés.
15 Il y avait un soldat qui tenait la main sur son estomac. Il avait un AK-47
16 et il portait un uniforme de camouflage. Je ne sais pas s'il était blessé
17 ou pas. Ils nous ont demandé : Où est-ce que vous allez, vous les balija ?
18 Et ma mère et son amie, Razija Dugonjic, ont répondu qu'elles rentraient à
19 la maison. Alors, on leur a demandé : Où ? Et elles ont dit : Vers notre
20 village de Hrvacani. Ils leur ont dit : Il ne reste rien là-bas pour vous,
21 balija, vous pouvez aller en Turquie. Ceci est la Serbie. Comment allez-
22 vous vivre ? Puisque rien n'est resté là-bas. Alors, Razija a dit qu'on
23 allait trouver un moyen de se débrouiller. Et l'autre lui a dit : Bon,
24 bien, je m'en fiche si vous allez vous faire tuer. Je n'aurais pas à être
25 responsable de ceci. Et on a continué vers le village.
26 Q. Alors, est-ce que vous pouvez nous décrire de quoi avait l'air votre
27 village ?
28 R. Je me souviens de façon tout à fait nette que lorsque nous étions en
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1 train d'approcher la partie sud du village, il faisait très chaud,
2 extrêmement chaud. Et lorsqu'on s'est approchés de deux maisons, une maison
3 qui appartenait à une tante à moi et l'autre à un cousin, celles-ci étaient
4 complètement détruites. Il n'y avait que deux cheminées de debout et
5 quelques murs. L'odeur était pestilentielle et l'apparence de tout ceci m'a
6 terrifié. Lorsque nous sommes arrivés à ces maisons, je me souviens qu'il
7 n'y avait plus rien. Tout était brûlé. La maison de ma tante était à côté
8 de notre étable, et ça aussi ça avait brûlé jusqu'à la terre, jusqu'au sol.
9 Il n'y avait plus rien. Et en nous approchant, on a vu que deux vaches
10 avaient été abattues, et ça puait terriblement. Ma tante ne voulait même
11 pas s'approcher de sa maison. On est passés à côté, on a pu voir les
12 cheminés, et on a continué. Nous voulions voir notre maison à nous. Les
13 gens avaient fui et ils s'étaient éparpillés, ils voulaient trouver quoi
14 que ce soit. Ils allaient voir différentes maisons. Moi je me souviens que
15 j'étais en compagnie de ma mère. On a pris un raccourci pour arriver à ma
16 maison. Et je sais qu'étant tout petit j'ai eu l'habitude de courir vers
17 cette petite ruelle, et étant petit, cette colline et la maison me
18 paraissaient être très grandes. J'étais si excité, je voulais voir mon
19 chien, parce que j'avais un chien. Mon père avait eu un chien, en fait. Une
20 fois arrivés à la maison, on a vu que la maison était complètement
21 incendiée. Il n'était plus rien resté. Nous avions un réfrigérateur, une
22 télévision. Tout avait disparu. Ce qui était resté des murs n'avait plus
23 rien dessus. Je me souviens que j'aidais mon père avant la guerre à mettre
24 des panneaux en bois sur les murs, à mettre un parquet en planches, mais
25 tout avait disparu, y compris les meubles que nous avions. Et je voulais
26 chercher mon chien. J'étais tout à fait bouleversé parce que le chien, lui
27 aussi, attaché à une chaîne, avait été abattu. Je l'ai trouvé.
28 Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, pour ce qui est des
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1 faits admis 816 et 819, je ne vais pas demander à ce que l'on témoigne
2 outre mesure au sujet de ces faits.
3 Q. Monsieur Pasic, avez-vous appris ce qu'il était advenu des personnes
4 âgées qui étaient restées derrière dans le village ?
5 R. Une fois qu'on a passé à peu près une heure là-bas, ils ont essayé de
6 nous rassembler. Moi, ce qui me préoccupait, c'était de voir ce qu'il était
7 advenu de mon chien. Et lorsque je suis revenu avec ma mère, je lui ai dit
8 qu'on avait tué le chien. On avait eu beaucoup d'abeilles et elles avaient
9 disparues. On voulait trouver quelque chose. Des vivres, du miel. J'avais
10 coutume d'aider mon père dans tous ses travaux. Et ma mère a dit au bout
11 d'un moment : Allons-nous-en. Personne ne pouvait s'attendre à ce que cela
12 se produise. On avait vu auparavant des activités de déployées, des
13 activités de ce genre, mais on ne s'attendait pas à trouver ceci. On avait
14 creusé. Rien n'a été trouvé. Tout avait disparu. On a décidé de se
15 rassembler au centre du village et on a remarqué les amis, les membres de
16 la famille Dugonjic, et on a pu voir qu'ils pleuraient, ma mère pleurait
17 aussi. J'ai demandé pourquoi elle pleurait. Alors, elle m'a dit qu'ils
18 avaient trouvé Ibro Dugonjic, ce vieillard, et son corps carbonisé. Un
19 petit enfant pleurait aussi. Les gens autour ont décidé d'enterrer ce qui
20 était resté de lui. Et on a constaté le fait que tout ce qui était resté
21 avait brûlé, était carbonisé. Il n'y en avait qu'un seul avoir été abattu.
22 Q. Et qu'est-il advenu de leurs corps ?
23 R. Les membres de leurs familles les ont enterrés, du moins ce qui était
24 resté d'eux.
25 Q. Est-ce que vous avez pu rester dans votre village ?
26 R. Après avoir passé un certain temps là-bas, lorsqu'on est arrivés à ce
27 carrefour au milieu du village, je voulais aller jusqu'à la mosquée. Et on
28 nous a dit de ne pas y aller parce qu'on avait peur des pilonnages. Nous
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1 savions que la mosquée avait subi des dégâts du fait des tirs, mais le
2 minaret n'avait pas été endommagé. On nous a dit que ce minaret avait été
3 détruit par la suite. Enfin, je voulais y aller. Il y avait des marches qui
4 conduisaient jusqu'à la mosquée, mais ma mère m'a dit de ne pas y aller
5 parce qu'elle avait peur que des explosifs ne soient laissés ou abandonnés
6 là. Et on est allés du côté nord du village, et après avoir passé un moment
7 là-bas et sans avoir rien trouvé qui permettrait de continuer à vivre ici,
8 ma mère a décidé d'aller à Garici. Certains membres de la famille ont
9 décidé, et je crois que cinq ou six familles n'avaient guère de parents à
10 Garici, et ces gens sont allés vers un autre village musulman qui
11 s'appelait Vakufci et qui avait signé une déclaration d'allégeance à
12 l'égard des Serbes, et ceux-là avaient décidé de rester à Hrvacani. Ils ont
13 commencé à nettoyer et à ramasser ce qui était resté. Ma mère, elle, était
14 déterminée à nous faire partir. Et on a remarqué vers le nord du village,
15 la route allant vers Tepici, on a vu un tracteur chargé de soldats. Nous ne
16 savions pas quoi faire. On était juste là. Je me souviens de cette puanteur
17 qui se dégageait du village incendié. Ma mère m'a donné une espèce de
18 chiffon pour mettre par-dessus la bouche et le nez, pour pouvoir respirer.
19 Et lorsque ces gens sont arrivés à nous, et c'étaient des hommes en armes,
20 il s'agissait de Serbes, ma mère a reconnu un homme de Tepici, un dénommé
21 Boro. Je ne me souviens plus de son nom de famille. Et je crois qu'ils
22 étaient à peu près 15 à porter des masques sur leurs visages. Les autres
23 portaient des uniformes de camouflage. J'ai remarqué aussi qu'ils avaient
24 un insigne avec une croix et quatre lettres S. Ils étaient en train de
25 chanter. Ils portaient des AK-47, et d'autres portaient des uniformes vert
26 olive de la JNA.
27 Et une fois qu'ils ont stoppé à côté de nous, ils sont descendus du
28 tracteur, ils nous ont demandé ce que nous faisions, nous, les balija, là.
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1 On leur a dit que certains voulaient rester au village et d'autres
2 voulaient partir vers Garici, alors on nous a injuriés. Et c'est là que
3 nous avons décidé, une fois qu'on le leur a dit -- et je sais qu'il faisait
4 très chaud, je me souviens qu'on leur avait demandé de l'eau, et un homme
5 est descendu du tracteur pour dire aux autres soldats d'apporter un seau
6 d'eau de Tepici. Ca a duré dix à 15 minutes en attendant qu'il s'en aille
7 et qu'il revienne. Je me souviens qu'on a but cette eau. Et il y avait dans
8 le groupe une femme qui était enceinte, elle était près de son
9 accouchement, et elle s'était évanouie. Ils ont demandé ce qu'il advenait
10 d'elle, pourquoi elle s'était évanouie. Et on leur a dit qu'elle était sur
11 le point d'accoucher, puisqu'elle était enceinte et que les douleurs
12 avaient commencé. Alors, on lui a donné de l'eau, ils ont essayé de la
13 rafraîchir. Ils nous ont redit qu'il n'y avait pas de place pour nous là-
14 bas, qu'on devait aller en Turquie et que ce n'était pas sûr pour nous,
15 qu'il n'y avait aucune garantie pour nous. Et on leur a demandé si on
16 pouvait aller vers Garici.
17 Q. Mais est-ce que vous êtes allés au final jusqu'à Garici ?
18 R. Oui. Lorsque nous avons décidé de nous en aller -- il y a eu six
19 familles à décider de rester, et on est passés, nous autres, à côté de
20 l'école secondaire ou de l'école primaire que j'ai fréquentée à Savici. Il
21 y avait là, dans ce village des civils, un civil qui s'appelait Dalibor,
22 entre autres, un ami à moi, un Serbe qui était un camarade de classe. Je ne
23 me souviens plus du prénom de sa mère, mais elle était tout à fait
24 bouleversée, cette femme. Elle portait des vêtements noirs et d'autres
25 civils nous attendaient. Et elle criait. Nous étions accompagnés par deux
26 soldats et elle a essayé d'arracher le fusil des mains de ce soldat en
27 hurlant : Pourquoi vous, balija, vous déplacez-vous ici ? Il n'y a pas de
28 place pour vous ici. Nos soldats à nous sont en train de mourir à Vecici et
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1 vous avez le toupet de venir dans notre village. Et elle criait au soldat :
2 Donne-moi ce fusil, je vais les tuer tous. Et je sais que j'étais derrière
3 ma mère, je me cachais derrière elle, et le soldat l'a bousculée et elle a
4 continué, et cette femme nous injuriait et nous crachait dessus, et nous
5 avons, nous autres, continué à marcher en direction de Vakufci et Garici.
6 Q. Est-ce qu'à un moment donné vous vous êtes trouvés sur la route
7 conduisant vers Vecici ?
8 R. Oui, Madame. Après avoir passé à peu près un mois à Garici, je me
9 souviens qu'une nuit nous étions assis dans la maison d'Atif -- comme eux
10 avaient signé une déclaration d'allégeance à l'égard des Serbes. Nous
11 étions en train de regarder la télévision, l'une des chaînes, et quelqu'un
12 a frappé très fort à la porte et nous avons pris peur. Il y avait deux
13 soldats devant, deux soldats en armes, ces soldats étaient des Serbes. Et à
14 ce moment, un homme a fait irruption, il s'agissait de mon cousin Atif. Il
15 était plutôt sale, il portait une barbe et il était armé. Il a dit : Nous
16 sommes venus prendre un café. Nous étions sous le choc. On ne savait pas
17 quoi répondre. Alors, il a dit : Mais donnez-nous du café. Je suis là. Je
18 suis arrivé. Et ma mère lui a demandé : Mais qu'est-ce que vous faites là ?
19 Et il a dit : Ne vous inquiétez pas, c'est des amis à moi dehors. Vous
20 n'avez pas à vous inquiétez. Je suis venu ici pour vous informer du fait
21 que tous les civils de Hrvacani qui se trouvent à Vakufci doivent quitter
22 pour aller à Vrbanjci et recevoir des documents, des pièces d'identité qui
23 permettront d'aller à Vecici. Il a pris un café et il a informé ma mère du
24 fait qu'on allait être rassemblés, puisqu'il y avait eu un traité ou un
25 arrangement de signé avec les Serbes. Et on a dit que personne n'allait
26 nous toucher à nous et qu'on n'allait pas nous faire porter du tort et
27 qu'on aurait des documents permettant d'aller jusqu'à Vecici.
28 Q. Vous nous avez dit qu'il avait dit que c'étaient des amis dehors et que
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1 vous n'aviez pas à vous préoccuper. Est-ce que vous avez vu qui est-ce qui
2 se trouvait à l'extérieur ?
3 R. J'ai remarqué deux soldats. Je ne sais vraiment pas si c'étaient
4 véritablement des amis à lui. Mon cousin avait toujours l'habitude de faire
5 des blagues. Je ne sais pas s'il voulait dire qu'il les connaissait ou pas,
6 mais ce que j'ai remarqué, c'est qu'ils étaient complètement vêtus
7 d'uniformes de camouflage, qu'ils portaient des fusils AK-47 et qu'ils
8 étaient en train d'attendre dehors. Ils étaient en train de monter la garde
9 devant la porte en attendant, en attendant que ce cousin ne sorte.
10 Q. Et, en fait, avez-vous obtenu ces papiers vous permettant de voyager ?
11 R. Au matin on s'est réunis, tous les civils étaient là. Nous étions
12 nombreux, et on a descendu la route, on a traversé Dabovici et on est allés
13 vers Vrbanjci. Et on s'est approchés de Vrbanjci, là où j'ai fait ma
14 septième année de primaire, et j'ai pu remarquer qu'il y avait beaucoup de
15 soldats là-bas. Il y avait une vieille école et une nouvelle école. Moi, je
16 suis allé dans la nouvelle école et cette nouvelle école avait été
17 complètement transformée en casernes. J'ai remarqué, lorsqu'on s'est
18 approchée de la caserne, enfin de l'école, qu'il y avait là un vieux char.
19 J'ai appris que c'était un T-55, qu'il était garé juste à côté de la route,
20 et je me suis souvenu qu'à côté de l'école il y avait eu un petit magasin
21 où j'avais coutume d'acheter des sandwichs. Et c'est justement là que ce
22 char était garé. Alors, ma mère et Razija Dugonjic sont allées à l'école
23 pour obtenir ces documents. Il y avait des soldats à côté qui étaient en
24 train de déambuler en nous traitant de balija et nous injurier. Et avant
25 que nous ne commencions à marcher en direction de Vecici, un soldat a
26 reconnu ma mère, je crois qu'il était venu de Savici. Je ne me souviens
27 plus de son nom, mais j'ai posé la question à mon père -- et ma mère
28 s'appelait Mina, et il a dit : Mina, où est Ahmet ? Est-ce qu'il est
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1 maintenant de l'autre côté ? Alors, je ne sais pas si ma mère a quoi que ce
2 soit –- non, ma mère n'a rien répondu, mais elle a juste baissé la tête. Et
3 on a commencé à marché lentement. On a eu besoin d'une vingtaine ou d'une
4 trentaine de minutes pour arriver jusqu'à Vecici.
5 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'heure est
6 venue de faire la pause ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. D'habitude nous faisons une pause
8 au bout d'une heure et demie d'audience.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que de faire une pause. Monsieur
11 Pasic, la Chambre a pu remarquer que vous réagissiez d'une façon
12 apparemment émotionnelle et que vous avez surmonté les difficultés que vous
13 ressentiez. Si vous sentez qu'à un moment donné vous avez besoin d'une
14 petite pause ou que vous ne pouvez plus tenir et continuer, n'hésitez pas à
15 le dire.
16 LE TEMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, nous allons faire une pause et nous
18 allons reprendre à 14 heures 55.
19 --- L'audience est suspendue à 14 heures 29.
20 [Le témoin quitte la barre]
21 --- L'audience est reprise à 14 heures 59.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que le témoin peut entrer
23 dans le prétoire, je vous prie.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pasic, est-ce que vous avez de
26 l'eau ?
27 LE TEMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'hésitez pas à boire une gorgée d'eau
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1 si vous en avez besoin.
2 Madame Bibles, je vous en prie, poursuivez.
3 Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Monsieur Pasic, avant que nous ne reprenions le fil de votre
5 déposition, j'ai remarqué que vous lisiez le compte rendu d'audience. Je
6 voulais juste vous dire que ce n'est pas la peine de vous préoccuper autant
7 du compte rendu d'audience. Vous pouvez commencer à répondre dès que vous
8 avez compris la question en fait.
9 R. Bien.
10 Q. Alors, je vais maintenant revenir là où nous nous sommes arrêtés avant
11 la pause. Nous parlions du 2 novembre 1992, et vous vous trouviez avec
12 votre mère et votre père à Vecici. Est-ce que vous vous souvenez d'une
13 conversation entre vos parents qui portait sur la façon dont vous alliez
14 partir de Vecici ?
15 R. Oui. Oui, oui, je m'en souviens très, très bien. C'était la deuxième
16 nuit après notre arrivée à Vecici, mon père est venu trouver ma mère. En
17 fait, j'étais un peu à l'écart. Ils parlaient. J'ai entendu que mon nom
18 avait été mentionné, donc je me suis rapproché d'eux, et mon père était en
19 train de dire à ma mère qu'il y avait des hommes qui allaient partir de
20 Vecici cette nuit-là et qu'il était préoccupé par ma sécurité si je restais
21 avec ma mère et les civils. Donc, en fait, il était parti, mais il est
22 revenu parce que mon sort le préoccupait. Il avait entendu certaines
23 personnes dire qu'il y avait des convois qui étaient partis avant de Bilice
24 et des environs et qu'ils faisaient sortir des garçons de ces convois et
25 qu'ils les éloignaient donc du groupe des femmes et des civils. Donc c'est
26 pour cela qu'il était préoccupé par mon sort, comme je l'ai déjà dit. Il
27 était revenu pour demander à ma mère -- en fait, ce qu'il lui a dit, c'est
28 qu'il allait me prendre avec les autres hommes pour que nous puissions
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1 arriver en toute sécurité jusqu'à Travnik.
2 Q. Et à ce moment-là, est-ce que tous les Musulmans allaient partir de
3 Vecici d'une façon ou d'une autre ?
4 R. Oui. En fait, il faut revenir. Au moment où nous sommes arrivés à
5 Vecici le premier jour, j'avais passé un certain temps -- donc je n'avais
6 pas été avec mon père pendant un certain temps. Ils avaient signé la -- il
7 y avait une trêve qui avait été signée avec les Serbes pendant cinq jours,
8 me semble-t-il. Il n'y a pas eu de bombardement, donc c'était assez calme.
9 Donc il m'a pris avec lui, il m'a juste montré les différents lieux où il
10 s'était trouvé. Mais nous avons pu ainsi marcher dans le village, et il m'a
11 dit qu'en général ils ne marchaient pas comme cela dans le village pendant
12 la journée, que c'était en général pendant la nuit qu'ils se déplaçaient,
13 et qu'il y avait un accord, que cette trêve avait été signée pour cinq
14 jours, pendant cinq jours au cours desquels il n'y allait pas y avoir de
15 bombardement. Et cette nuit, enfin la deuxième nuit -- je pense en fait que
16 l'accord portait sur les civils qui se trouvaient à Vecici, et les civils
17 devaient donc se rendre, tous les hommes devaient quitter Vecici pour se
18 diriger vers Travnik, qui était sûr. Et, en fait, comme je vous l'ai dit
19 auparavant, ce qui les préoccupait, c'était que, par exemple, des hommes
20 qui se seraient rendus aux Serbes auraient été détenus ou enlevés de leurs
21 familles, soit à Banja Luka, soit à Skender Vakuf.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais juste vous poser une
23 question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, Madame Bibles. Lorsqu'on
24 vous a posé cette première question après la pause, Monsieur Pasic, vous
25 avez dit que vous souhaiteriez en fait --
26 Mme BIBLES : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- vous, vous avez parlé et vous avez
28 évoqué le mois de novembre. Puis ensuite, il a parlé du deuxième jour après
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1 leur arrivée à Vecici. Alors, j'aimerais savoir si vous êtes véritablement
2 sur la même longueur d'onde et si vous parlez de la même chose ?
3 Mme BIBLES : [interprétation] Oui. Je vais demander une précision.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.
5 Mme BIBLES : [interprétation]
6 Q. Est-ce que vous vous souvenez de votre date d'arrivée à Vecici ?
7 R. Ecoutez, je ne me souviens pas de la date d'arrivée exacte. Je sais que
8 j'ai passé la première journée à Vecici. Mon père m'a montré en quelque
9 sorte le village. Donc nous avons passé une journée là-bas. Je pense que
10 c'était le deuxième jour. Je ne sais plus si c'était le 2 novembre. Vous
11 savez, je ne me souviens pas. Du moins, je sais que c'était pour moi le
12 deuxième jour après mon arrivée à Vecici, cela faisait deux jours que je me
13 trouvais dans une maison à Vecici. Donc je ne sais pas quelle était la date
14 -- la date exacte, je ne m'en souviens pas, mais c'était le deuxième jour.
15 Et donc, c'est là que j'ai constaté que mon père avait eu cette
16 conversation avec ma mère et qu'il lui avait dit qu'il allait me prendre
17 avec lui plutôt que de me laisser partir avec elle.
18 Q. Et quand est-ce que vous êtes partis de Vecici ? Est-ce que vous êtes
19 partis de Vecici lors de cette deuxième nuit ?
20 R. Oui, oui, c'est la deuxième nuit. Donc la nuit après cette
21 conversation, et puis finalement mon père a pris la décision de me prendre
22 avec lui, et je me souviens en fait, je me souviens très, très clairement
23 qu'il s'est approché de ma mère, qu'il l'a prise dans ses bras, qu'il l'a
24 embrassée et qu'il lui a dit : Si par le passé ou si depuis que nous sommes
25 mariés j'ai jamais fait quelque chose qui n'était pas bien, je te demande
26 de me pardonner parce que là je pense que la route va être très, très, très
27 longue. Nous ne savons pas ce qui va arriver. Il y a beaucoup de gens qui
28 vont voyager. Je voudrais que de toute façon tu me pardonnes d'avance. Je
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1 me souviens très bien que ma mère l'a poussé et lui a dit : Non, non, non,
2 ne parle pas comme cela. Ne dis pas ces choses-là, vous allez survivre.
3 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pasic, écoutez, oui, prenez
5 votre temps et indiquez à Mme Bibles lorsque vous serez en mesure de
6 reprendre.
7 Mme BIBLES : [interprétation] Je pense que je vais renvoyer la Chambre au
8 fait admis numéro 803 qui fait référence à cette date justement. A la nuit
9 du 2 au 3 novembre, qui est la nuit au cours de laquelle les hommes sont
10 partis de Vecici.
11 LE TEMOIN : [interprétation] Et ma mère lui a dit : Ne dis pas cela, ne dis
12 pas cela, vous allez tous survivre. Ne dis pas cela. Alors, j'ai pris la
13 main de mon père, je m'en souviens, lorsque nous sommes partis. Il était
14 environ 20 heures, et c'est là, en fait, que mon père m'a pris par la main
15 et nous avons commencé à marcher lentement. Donc je pense que nous sommes
16 passés -- nous nous dirigions vers le nord, donc nous sommes passés par un
17 petit village, un village serbe du nom de Staza. Je m'en souviens très
18 bien, la nuit était très belle en fait, il n'y avait pas de nuages. J'avais
19 une veste légère. Je ne me souviens pas d'avoir porté des vivres. Je pense
20 que mon père, en fait, il avait du bœuf fumé ou quelque chose de ce style
21 dans sa poche, et puis nous sommes partis donc cette nuit.
22 Mme BIBLES : [interprétation]
23 Q. Est-ce qu'il n'y avait que des hommes dans votre groupe ?
24 R. Il y avait aussi une dizaine de femmes, deux qui étaient très, très,
25 très jeunes, et il y avait cinq à six garçons de mon âge. Parce que lorsque
26 nous avons rejoint ce groupe, ce groupe qui était important, je ne sais pas
27 combien nous étions, mais je sais que nous avons commencé à marcher -- en
28 fait, nous étions en train de gravir une colline, nous marchions à la queue
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1 leu leu et nous avons rejoint ce groupe, et mon père m'a dit : Tiens-moi
2 bien la main. Et nous avons essayé de rester avec tous les gens qui
3 portaient le même nom que nous, tous des cousins en quelque sorte. Je me
4 souviens qu'il m'a juste dit qu'il fallait que je lui tienne la main, et
5 puis des gens rejoignaient notre groupe. C'est là que j'ai remarqué qu'il y
6 avait des femmes et des enfants avec nous.
7 Q. Est-ce que vous pourriez décrire l'endroit par lequel vous êtes passés
8 ?
9 R. Nous nous sommes approchés de ce village, ce petit village serbe, le
10 village de Staza. Il était complètement vide, il n'y avait plus rien. Les
11 maisons étaient complètement vides. Il était en fait sur le versant de la
12 colline. Je me souviens que mon père me traînait, en quelque sorte,
13 m'encourageait. D'abord, j'avais réussi à marcher, mais bon, nous sommes
14 passés vers les bois, le terrain était très accidenté. Donc il y avait des
15 endroits où vraiment nous nous tenions les mains parce que c'était très,
16 très, très abrupt. J'entendais qu'il y avait des gens qui tombaient, qui
17 glissaient, qui dérapaient, et, en fait, ce qu'on se disait, c'était que si
18 quelqu'un qui reste, qui n'en peut plus ou qui se blesse, il ne faut pas
19 essayer de lui prêter main-forte, il faut juste continuer, continuer de
20 marcher jusqu'à ce qu'on vous indique qu'il faut s'arrêter. Donc nous
21 sommes passés à travers des forêts. Bon, je ne me souviens pas. Ce que je
22 me souviens, c'était que c'était une belle nuit sans nuages et que nous
23 avons constamment grimpé, c'était très dur, et je me souviens en fait que
24 j'étais absolument épuisé mais que mon père me tirait derrière lui, me
25 tirait par la main.
26 Q. Et est-ce que quelque chose s'est passé qui vous a terrifiés ?
27 R. A un moment donné, je suppose que c'était vers minuit, il y avait
28 des gens qui marchaient à côté, je ne sais pas, je pense qu'il y avait des
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1 gens qui envoyaient des messages constamment. Donc on était tous à la queue
2 leu leu, puis il y avait des gens qui nous dépassaient, et à un moment
3 donné ce qu'on a entendu, les gens disaient : Il faut accélérer la cadence,
4 ou, Il faut ralentir. Puis, à un moment donné, il y a quelqu'un qui est
5 passé près de nous et qui a dit : Lui, il faut qu'il ait une veste
6 différente. Parce que la veste que j'avais était une veste blanche. Ils
7 avaient peur qu'on puisse la voir en pleine nuit. Donc ils m'ont donné une
8 espèce de manteau qui était beaucoup trop grand pour moi, qui était en plus
9 très lourd et j'avais l'impression qu'il fallait que je porte ce manteau.
10 Et je pense qu'à un moment donné vers minuit, à un moment donné, le groupe
11 s'est complètement arrêté soudainement, et ce qu'on a entendu c'était
12 [imperceptible]. Et je me souviens que mon père était devant moi et mon
13 oncle était derrière moi, et donc nous ne pouvions plus continuer, et
14 quelqu'un a dit : Les Serbes sont tout près de nous. Nous sommes très, très
15 près des Serbes. Ne fais pas de bruit. On est très proches. On était
16 vraiment très, très nombreux. Donc, là, on entendait les gens quand
17 quelqu'un fait tomber quelque chose. Peu de temps après, juste une seconde
18 après, là, on a entendu des tirs. Les balles ont commencé à siffler,
19 siffler, en fait, comme si elles venaient de notre direction. Moi j'étais
20 vraiment en état de choc, j'étais pétrifié. Bon, j'avais déjà entendu des
21 bombardements. J'en avais vu, mais je me trouvais toujours dans une cave,
22 mais je n'avais jamais été aussi près de ces bombardements. Je voyais les
23 balles siffler et voler. Moi je me souviens quand j'étais un petit garçon,
24 j'ai essayé d'attraper des mouches, ou plutôt, des mouches. J'avais
25 l'impression en fait que c'était un peu comme ça. Bon, je n'en avais aucune
26 idée. J'avais l'impression que c'étaient des mouches géantes, mais je n'en
27 avais aucune idée. Je n'ai pas compris qu'il s'agissait de balles. Alors,
28 mon père m'a attrapé et on nous a dit qu'il fallait que nous nous
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1 allongions. Donc il m'a attrapé, et je me souviens qu'il m'a vraiment
2 poussé sous un arbre qui était immense et m'a dit de rester là, et je pense
3 en fait que ça a duré à peu près une heure, ces tirs qui étaient très
4 lourds. Et puis, à un moment donné, tout s'est calmé, et là j'ai entendu
5 mon père m'appeler. J'ai essayé de me sortir de dessous cet arbre en
6 repoussant les branches, mais je n'arrivais pas à en sortir. Donc,
7 finalement, il m'a appelé, et là il hurlait, il hurlait mon nom et nous
8 nous sommes retrouvés. Il m'a pris dans ses bras et puis nous nous sommes
9 allongés jusqu'à ce qu'il ait commencé à pleuvoir. Il n'y avait plus de
10 balles après cela. Tout est devenu très calme. Quelqu'un nous a demandé si
11 les volontaires pouvaient sortir parce qu'il y avait des gens qui étaient
12 morts. Peu de temps après j'ai appris qu'Ahmet Zec de Vecici et son fils
13 avaient été tués justement pendant cette embuscade. Donc ils demandaient
14 des volontaires pour essayer de déplacer les corps pour pouvoir les inhumer
15 quelque part, et je pense en fait que mon père, il était appuyé -- à la
16 fin, on ne pouvait plus -- il était appuyé contre un rocher. Moi j'étais
17 absolument épuisé et je l'ai pris par les jambes, puis j'ai continué --
18 j'étais par terre, j'étais allongé. Et je pense qu'il y a quelqu'un, en
19 fait, de notre groupe qui a fini par se lever puis qui a déplacé les corps
20 qui se trouvaient sur le sentier et qui les a placés sous l'arbre et qui
21 les a recouverts de branchages. Nous y sommes restés un petit peu, un petit
22 moment, et puis nous nous sommes rendus compte en fait que cet immense
23 groupe avait été coupé en deux et nous ne savions pas où était l'autre
24 moitié du groupe.
25 Après un petit moment, je pense que, voilà, c'était à 4 heures du matin
26 quasiment, nous nous sommes finalement tous -- ou plutôt, nous avons
27 retrouvé quelqu'un du groupe qui était venu à notre recherche et on a
28 retrouvé notre groupe, donc nous étions ensemble à nouveau et puis nous
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1 sommes arrivés dans une clairière où il y avait de l'herbe. C'était plutôt
2 agréable, d'ailleurs. J'avais très soif. Et j'ai demandé à mon père : Est-
3 ce que tu pourrais me trouver de l'eau ? Il m'a dit : Eh bien, oui, je vais
4 regarder, je vais voir ce que je peux trouver. Je suis resté avec mon
5 oncle. Je pense qu'en fait que puisque c'était plutôt une prairie, il y
6 avait du bétail, et il y avait un petit trou. Je pense que -- bon, c'était
7 certainement un trou qui avait été fait par les sabots des animaux. Là, il
8 a trouvé de l'eau, de l'eau de pluie, et je me souviens que l'eau, elle
9 était trouble. Mais donc, peu importait à l'époque parce que tout ce que je
10 voulais c'était boire de l'eau. Je me suis ensuite allongé. Les gens se
11 rassemblaient, ils essayaient de se regrouper, tout le monde parlait
12 constamment, ils demandaient des volontaires pour essayer d'aller un peu en
13 éclaireurs pour voir où se trouvaient les Serbes, parce que manifestement
14 nous étions suivis. Et puis, par la suite, et ça je l'ai vu de mes yeux, il
15 y avait une personne qui, en fait, avait des contacts avec les Serbes. Et
16 ils ont demandé aux gens –- bon, tout le monde était épuisé, les gens
17 étaient par terre. Ils ont demandé de former une ligne et d'essayer de
18 trouver les Serbes. Et puis, peu de temps après, quelqu'un du groupe est
19 venu et a dit : Mais les Serbes, ils sont tout autour de nous, nous sommes
20 complètement encerclés. Et c'est là que les tirs ont recommencé, et là ça a
21 été le chaos total qui a comme recommencé à régner. Nous avons commencé à
22 courir -- c'était mon père, en fait, qui courait en premier. Besim -- bon,
23 Besim, il savait qu'à Travnik on serait en sécurité. Mon père l'a poussé
24 parce qu'il savait que lui connaissait le chemin, donc il le suivait. Je
25 pense que la montagne s'appelait Jezica, c'est là que nous nous sommes
26 retrouvés, et là les tirs, les combats lourds ont recommencé, les balles
27 sifflaient partout tout autour de nous. Je me souviens que mon père me
28 disait : Va, va, viens, et il m'a attrapé par la main. Il courait, et nous
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1 étions sur cette colline. Et il y a eu des gens qui ont décidé de riposter,
2 je pense qu'il y avait entre 20 à 30 hommes qui ont opposé une certaine
3 résistance. Et il m'a dit de courir, de continuer à courir. Nous avons
4 dévalé la pente de la colline, et elle était très, très, très en pente. A
5 un moment donné, j'ai complètement dérapé et ne pouvais même plus marcher.
6 Et pendant tout ce temps-là les tirs continuaient, ils étaient dans notre
7 dos, et nous avons continué à dévaler cette pente. Et mon père, donc, était
8 toujours derrière moi parce qu'il essayait de me protéger de ces tirs qui
9 venaient dans notre dos. Et à un moment donné, nous étions assez près de la
10 vallée où il y avait une rivière qu'il fallait traverser. J'étais épuisé
11 parce qu'en plus il y avait le poids de ce manteau, donc j'ai demandé à mon
12 père : Est-ce que tu peux attendre, parce que je veux vraiment enlever ce
13 manteau. Mais le manteau, il était collé. Je n'arrivais pas à l'enlever.
14 Les balles continuaient à siffler, et on avait l'impression que derrière
15 chaque arbre où on essayait de se cacher il y avait une balle qui frappait
16 l'arbre. Donc je me suis abaissé, et là j'ai essayé d'enlever ce manteau.
17 En fait, mon manteau, je n'arrivais pas à l'enlever, peut-être que Dieu
18 voulait que ça soit comme ça. Parce que, après cela -- en fait, ce qu'on ne
19 savait pas, c'est que près de la rivière il y avait des mines. Donc tous
20 ces gens sont arrivés et ont quasiment atterris sur ces mines, y compris
21 Besim, et ils ont été blessés. Il y a à peu près une dizaine de personnes
22 qui sont mortes à ce moment-là. Et en fait, là, finalement, j'ai réussi à
23 enlever le manteau. Nous ne savions pas au début qu'il s'agissait d'un
24 champ de mines. Nous pensions en fait que tout cela, c'étaient des balles
25 qui venaient de l'autre côté. Nous avons recommencé à courir pour gravir la
26 colline. Le chaos continuait. C'était très difficile parce qu'on dérapait,
27 on glissait constamment. C'était comme si on marchait dans du sable. Nous
28 nous sommes arrêtés un moment, et il y a quelqu'un qui a dit : C'est là
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1 qu'elles sont, les mines. Et il a dit : Mais on peut traverser, on peut
2 traverser la rivière. En fait, nous marchions et moi j'ai vu Besim, ses
3 jambes avaient été complètement explosées, et il pleurait, il hurlait, il
4 disait : De grâce, que quelqu'un me tue. Donc mon père m'a pris par la main
5 et m'a dit : Ne regarde pas, s'il te plait. On a essayé de sauter par-
6 dessus cette rivière. Moi j'avais l'impression qu'elle était très, très
7 grande, je ne sais pas, mais il fallait qu'on saute pour arriver de l'autre
8 côté. Je me souviens qu'il y avait une cascade également. Il a fallu qu'on
9 saute dans la rivière, d'abord pour la traverser, la rivière, et puis il y
10 avait des gens qui étaient blessés. Il y en avait qui étaient blessés,
11 d'autres qui étaient morts. Et je me souviens encore de Besim qui disait :
12 Mais qu'on me donne quelque chose, qu'on me donne une arme. Tuez-moi, je
13 vous prie. Et je pense en fait qu'ils l'ont laissé. Puis finalement,
14 lorsqu'on était de l'autre côté, on a entendu le tir. Je pense que c'est
15 lui qui s'est tué finalement tout seul.
16 Et lorsque nous avons franchi la rivière, nous avons recommencé à nous
17 déplacer vers une autre colline et nous sommes arrivés où il y avait un
18 petit plateau, et c'est là que nous avons vu un groupe où il y avait
19 environ 200 personnes qui étaient rassemblées avec l'imam, l'imam de
20 Vecici. Et là, les gens se reposaient un peu. Donc cet imam de Vecici, ce
21 hodja, il nous a tous rassemblés autour de lui et puis il nous a dit :
22 Prions. Prions, je vous prie. Prions. Donc nous nous sommes tous regroupés
23 et nous avons serré nos mains comme dans une attitude de prière. En fait,
24 nous étions tous trempés. Et puis, c'est après que nous avons remarqué les
25 tirs continuaient de l'autre côté sur la colline, et à un moment donné les
26 tirs se sont arrêtés. Et je me souviens avoir vu très, très, très
27 clairement un groupe d'une quinzaine ou d'une vingtaine d'hommes qui nous
28 faisaient signe de venir vers eux. Donc nous étions tellement pétrifiés par
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1 la peur que nous ne savions pas qui étaient ces hommes.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pasic, si vous préférez faire
3 une pause, dites-le-nous, je vous en prie.
4 LE TEMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause brève,
6 et je vous demande de rester tous dans les parages.
7 --- La pause est prise à 15 heures 26.
8 [Le témoin quitte la barre]
9 --- La pause est terminée à 15 heures 44.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin dans le
11 prétoire, s'il vous plaît.
12 [Le témoin vient à la barre]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, nous aimerions
14 reprendre. Je vous prie de bien vouloir cesser votre conversation.
15 Etes-vous prête à reprendre, Madame Bibles ?
16 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, tout à fait.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pasic, si vous avez besoin de
18 temps, je vous prie de bien vouloir nous le faire savoir.
19 LE TEMOIN : [interprétation] Ecoutez, je suis vraiment désolé.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, vous n'êtes pas obligé
21 de présenter des excuses.
22 Mme BIBLES : [interprétation]
23 Q. Je souhaite en fait revenir sur quelque chose que vous avez évoqué.
24 Vous avez parlé d'un groupe de 200 personnes. A un moment donné, est-ce que
25 votre groupe a décidé de se rendre ?
26 R. Oui. Après avoir prié en présence de l'imam, nous étions assis et nous
27 avons évoqué la question de savoir ce qu'il fallait faire. J'avais remarqué
28 que de l'autre côté de la colline il y avait des hommes qui nous faisaient
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1 des signes. Nous ne savions pas très bien s'il s'agissait de Serbes ou
2 d'hommes qui appartenaient à notre groupe, donc nous étions assis à cet
3 endroit-là et nous avons décidé -- nous évoquions la question de savoir ce
4 que nous devions faire ensuite, et une des possibilités qui s'offrait à
5 nous était soit aller les rencontrer, aller de l'autre côté de la colline.
6 Et pendant que nous étions assis, pendant que nous parlions de cela, que
7 nous discussions de ce que nous devions faire, nous avons entendu des
8 annonces faites sur des porte-voix qui disaient : Balija, rendez-vous. Si
9 vous vous rendez, vous allez vivre. Et si vous ne vous rendez pas, vous
10 allez tous mourir. Donc nous avons décidé -- et ça c'était une des
11 possibilités, à savoir d'aller les confronter ou alors de nous rendre. Et
12 certaines personnes s'étaient opposées à cela, et dès que nous avons évoqué
13 la question de la reddition, il y a cet homme qui était avec nous, Zec, qui
14 était un collaborateur, il a dit : Moi je peux organiser cela, et il a
15 quitté tout de suite les lieux. Il est revenu quelques instants après et a
16 dit : J'ai parlé avec certains hommes serbes. Ils vous assurent que si vous
17 vous rendez, on ne nous fera pas de mal et que nous serions tous
18 transportés en sûreté jusqu'à Travnik. Et à ce moment-là, moi-même et mon
19 père, nous nous sommes levés et nous sommes mis à marcher lentement. Il y
20 avait un petit chemin menant à ce tunnel, et je me souviens de ceci très
21 clairement. Je me souviens de ce tunnel qui était long d'une cinquantaine
22 de mètres. Nous avons marché dans ce tunnel, et je me souviens qu'il y
23 avait des trous à l'intérieur, et que la pluie tombait de ces orifices, et
24 que j'essais d'attraper la pluie qui tombait, parce que j'avais soif. Nous
25 nous sommes assis, nous avons compté le nombre de personnes qui se trouvent
26 là, 200 environ, et je crois que les forces serbes se sont rendu compte du
27 fait que nous étions dans un tunnel, donc dès que nous étions à
28 l'intérieur, nous avons remarqué que les balles fusaient de part et d'autre
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1 du tunnel. Et c'était un pilonnage lourd, et il y a cet homme qui a enlevé
2 sa chemise, c'était une chemise blanche, et il l'a enroulée sur un bâton,
3 et il a dit : Si vous me suivez, tout est organisé. Et je me souviens
4 d'avoir vu cela, mon père était là, mes oncles étaient là, ma sœur et son
5 mari, mes cousins, il y avait beaucoup de gens de Hrvacani et de Vecici et
6 des environs. Ils étaient au nombre de 200, environ. Et nous avons commencé
7 à marcher lentement en direction de Grabovica.
8 Q. Et au moment où vous êtes sortis du tunnel, pourriez-vous nous dire ce
9 que vous avez vu lorsque vous êtes arrivés à l'extérieur?
10 L'INTERPRETE : Précision de l'interprète : Le nom est Grabovci.
11 LE TEMOIN : [interprétation] Oui, certainement. Lorsque nous sommes sortis
12 du tunnel, nous marchions en file indienne, un par un, ou l'un derrière
13 l'autre. C'était une région boisée, et nous nous sommes approchés de ce
14 champ de petite taille, et nous avions remarqué qu'il y avait une tranchée,
15 et trois ou quatre soldats qui sont sortis de cette tranchée et qui
16 hurlaient. Ils avaient leurs armes automatiques. Ils ont commencé à tirer
17 dès que nous nous sommes approchés. Nous avons reçu pour consigne, alors,
18 n'importe quel homme du groupe ou quelqu'un qui tenait -- devant quelqu'un
19 qui tenait une arme, il fallait qu'on lève les mains et qu'on se mette à
20 marcher lentement, et qu'au moment où nous nous approchions de cette
21 tranchée, ils nous ont dit : Toutes les armes doivent être placées à
22 gauche, et tous les biens, les objets de valeur, doivent être placés à
23 droite. Et si nous trouvons une simple aiguille, nous vous tuerons. Je me
24 souviens, mon père ainsi que l'ensemble du groupe essayait de s'enfuir en
25 direction de Travnik. Il y avait beaucoup d'argent sur eux, ces hommes-là,
26 parce que les civils ou les membres de la famille pensaient que nous
27 pourrions en réchapper. Il y avait des hommes qui avaient beaucoup d'argent
28 ou d'objets de valeur sur eux, parce que les femmes craignaient d'en
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1 porter, ceux-là, parce que si elles étaient découvertes, il y avait les
2 forces serbes à Banja Luka, à Skender Vakuf, et les hommes demandaient aux
3 femmes de se dévêtir, de se déshabiller, donc, pour en trouver de l'argent
4 ou de l'or. Et mon père était là, et ma mère avait donné ses deutsche marks
5 à mon père en espérant que nous ne puissions passer. Donc il avait beaucoup
6 de familles qui avaient fait de même. Et lorsque nous sommes avancés
7 lentement, il y avait des armes qui étaient déposées sur la gauche, et les
8 objets de valeur, et il y avait beaucoup d'argent. Moi, j'ai vu beaucoup
9 d'argent, il y avait essentiellement des marks allemands. Donc on avait
10 reçu pour consigne de tout déposer, et de tout laisser et de suivre les
11 soldats.
12 Q. Pourriez-vous nous décrire les uniformes de ces soldats, s'il vous
13 plaît ?
14 R. Oui. Il s'agissait d'uniformes de camouflage, et ils avaient des AK-47.
15 J'ai vu l'insigne avec les croix et les quatre S, mais il s'agissait
16 d'uniformes de camouflage. Je n'ai pas vu d'uniformes civils.
17 Q. Avez-vous reconnu l'un quelconque de ces soldats ?
18 R. Non, Madame. Non, non, je n'ai reconnu personne de nom, mais j'ai vu
19 beaucoup d'hommes les rejoindre au moment où nous descendions. Après cela,
20 ils nous ont demandé de nous coucher par terre. Je sais qu'ils se
21 regroupaient, qu'ils venaient de différentes parties du village. Et lorsque
22 nous nous sommes approchés de cette partie du terrain, c'était tellement
23 humide parce qu'il avait plu, et c'était très humide, et on nous avait
24 demandé de nous mettre en trois colonnes. Moi, j'étais dans la troisième
25 colonne, et on nous a demandé de nous mettre par terre, coucher par terre
26 face contre sol, le visage contre le sol.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous interrompre quelques
28 instants.
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1 Vous avez dit il y a quelques instants que vous êtes entré dans un tunnel,
2 qu'il y avait des balles qui fusaient de part et d'autres. Est-ce que ces
3 balles ont touché un quelconque membre de votre groupe ?
4 LE TEMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. En réalité,
5 Monsieur le Juge, une fois qu'ils avaient compris que nous étions dans le
6 tunnel, ils voulaient nous empêcher de quitter le tunnel. Mais cette
7 chemise qui a été montrée par cet homme, eh bien, à ce moment-là, ils ont
8 cessé et ils nous ont donné pour consigne de nous mettre en colonne. C'est
9 à ce moment-là que les tirs -- mais personne n'a été blessé.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
11 Mme BIBLES : [interprétation]
12 Q. Une fois que vous étiez par terre, pourriez-vous nous parler de ce
13 qu'ont fait les soldats ?
14 R. Oui, certainement. On nous a demandé de nous mettre en trois rangs et
15 de nous coucher par terre, dans ces flaques d'eau, et debout. Et j'étais à
16 côté de mon père, mon père se trouvait sur la gauche et mon oncle se
17 trouvait sur ma droite. Et c'est à ce moment-là que les Serbes nous ont
18 ordonné de nous coucher par terre, le visage contre terre. Ils ont commencé
19 à interroger plusieurs personnes du groupe, y compris mon père. Ils étaient
20 très excités. Je sentais leurs armes, je sentais les balles qui fusaient
21 au-dessus de ma tête. Ils tiraient. Nous avions donc le visage contre
22 terre, et j'ai entendu les camions qui s'approchaient, il y avait davantage
23 de soldats qui arrivaient, parce qu'ils déchargeaient ce qu'il y avait dans
24 leur camion. Ils hurlaient et ils criaient : Nous les avons, nous les
25 tenons, les balija. Et ils ont pris des personnes qui se trouvaient dans ce
26 groupe, y compris mon père, mais avant qu'ils n'emmènent mon père, je me
27 souviens qu'il y avait quelqu'un de notre village qui a été emmené, le
28 Serbe -- et parce que nous étions tellement proches d'eux, ils étaient
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1 derrière nous, ces hommes lui ont demandé : Qui est votre chef ? Et il a
2 dit : Besim. Et où est-il ? Et il était à Novoci [phon], il est sans doute
3 mort. Et qu'est-ce qu'il fait ? Il est resté dans les bois, il est sans
4 doute mort. Et ensuite, ils ont commencé à crier, et ils ont dit : Pourquoi
5 vous ne l'appelez pas ? Ils ont commencé à le frapper. Je l'ai entendu
6 hurler. Ensuite, il y a un autre soldat qui est venu chercher mon père, il
7 se trouvait juste à côté de lui, et il lui a donné un coup de pied et il
8 lui a dit : Alors, où est-ce que tu as obtenu ces bottes ? C'est parce que
9 tu as tué un de nos soldats ? Et mon père a répondu : Non, je suis un
10 chasseur, j'ai un permis de chasse, et ce sont mes bottes. Et il lui répond
11 : Non, balija, tu as tué un des nôtres. Ce sont les bottes de nos soldats.
12 Et mon père a dit : Non. Et il s'est mis à hurler. Il a dit balija, il l'a
13 frappé, et ensuite il lui a demandé s'il y avait quelqu'un dans le groupe,
14 et mon père dit : Non. Mais il est revenu, parce que lorsqu'il est revenu,
15 il avait le visage contre terre. Il ne cessait de crier. Il dit : Est-ce
16 que ça va ? Est-ce que ça va ? Et j'étais tellement choqué. Je ne savais
17 pas -- je disais : Oui. Est-ce que tu es blessé ? Il a dit : Bon, c'est un
18 homme qui est très fort, je sais qu'il ne dirait jamais ce genre de chose.
19 Je sais qu'il a dit cela parce qu'il était blessé. Il s'est placé à côté de
20 moi. Ensuite, de façon complètement arbitraire, ils ont emmené un autre
21 homme. Je me souviens il disait : Mon enfant, tu es celui qui a le chapeau,
22 tu es celui qui est responsable. Tu es responsable de ceci. Et comme il dit
23 toujours : Mon enfant, non, ce n'est pas moi. Ils ont commencé à le frapper
24 et je l'entends encore crier. Et alors que j'étais couché par terre à un
25 moment donné après qu'ils aient amené différentes personnes pour aller les
26 interroger sur différentes choses, ils ont donné l'ordre où ils ont dit que
27 toutes les femmes et les enfants devaient se lever. Et au début je ne
28 voulais pas me lever parce que je ne voulais pas être séparé de mon père.
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1 Et il m'a dit de me lever. Et je lui ai dit : Non, je ne veux pas partir
2 sans toi. Et il a dit : Lève-toi, lève-toi. Et mon oncle a insisté. Il a
3 dit : Lève-toi. Tu survivras.
4 C'est à ce moment-là que je me suis levé et j'étais le dernier garçon de ce
5 groupe. Et alors que je marchais, on nous avait donné pour consigne de ne
6 pas nous retourner, de simplement regarder droit devant soi, de ne faire
7 aucun bruit et de suivre le groupe, tout simplement. Alors que je me
8 dirigeais vers la fin, j'ai vu hodza, c'était le seul qui avait le visage
9 tourné contre le ciel, il avait du sang sur le visage. Je ne l'ai pas vu
10 bougé ni rien du tout. Et ensuite, nous nous sommes mis en marche en
11 direction de Grabovica.
12 Q. Pouvez-nous dire ce qu'est hodza ? Qui était hodza et quel lien avait-
13 il avec vous ?
14 R. Hodza -- cet hodza c'était l'imam de Vecici. C'était un père pour nous
15 tous. Ce qu'il disait était toujours juste. C'était un homme âgé, et il
16 vous disait toujours la vérité.
17 Q. Et lorsque vous vous êtes levé, pouviez-vous voir qui s'adressait
18 aux femmes et aux enfants pour qu'ils se lèvent ?
19 R. Absolument pas. Je n'ai pas pu voir parce qu'on nous avait donné
20 l'ordre de regarder droit devant nous. Je me souviens en marchant, j'avais
21 la tête baissée, et hodza se trouvait sur la droite. Et c'est à ce moment-
22 là que j'ai pu l'apercevoir, et j'ai aperçu du sang sur son visage. Je n'ai
23 pas vu qui nous avait donné l'ordre de nous lever.
24 Q. Combien de femmes et d'enfants y avait-il dans ce groupe de personnes
25 qui s'est levé ?
26 R. Je dirais qu'il y avait environ dix filles, dix femmes et cinq ou six
27 garçons, environ.
28 Q. Et combien d'hommes sont restés couchés par terre ?
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1 R. Nous avions compté le nombre de personnes présentes, comme je vous
2 l'avais dit, 200 environ, entre 150 et 200.
3 Q. Au moment où vous vous êtes levés et que vous vous êtes mis en marche,
4 dans quelle direction êtes-vous allés ?
5 R. Lorsque nous nous sommes levés, il y avait cette route, une route qui
6 allait en direction de Grabovica. Nous étions accompagnés de quelques
7 soldats, et ils portaient tous des uniformes de camouflage. Il y avait une
8 femme parmi ce groupe qui portait une arme semi-automatique. Et je me
9 souviens que nous marchions lentement sur cette route en gravier, et à
10 plusieurs reprises on nous a dit : Allez, balija, couchez-vous. Et à ce
11 moment-là, on se couchait pendant quelques secondes, et ensuite ils nous
12 ordonnaient de nous lever et ils nous ordonnaient de courir, et ensuite ils
13 disaient : Arrêtez. Ceci est arrivé à cinq ou six reprises. Et ensuite ils
14 nous ont ordonné de nous coucher, de nous lever, de courir et d'arrêter. Je
15 me souviens de cet instant où il y avait cette femme qui portait un
16 uniforme de camouflage. Elle nous a demandé -- elle portait une cigarette
17 et elle avait une cigarette à la bouche et elle nous a demandé si nous
18 avions une allumette -- ah oui, c'est vrai, ah, vous les balija, vous
19 n'avez pas d'allumettes parce que vous n'avez rien. Et parmi ce groupe il y
20 avait un de mes amis de Vecici, et un des garçons avec lesquels je suis
21 allé à l'école, il a sorti de sa poche une allumette. Il a dit : Moi, j'ai
22 une allumette. Et nous l'avons tous regardée et elle a dit : Bon. D'accord.
23 Donc il a pris cette allumette et donc il a allumé sa cigarette, et ensuite
24 il l'a remise dans sa poche et nous avons continué à marcher lentement. Et
25 ensuite, nous avons traversé Grabovica. J'ai remarqué qu'il y avait
26 plusieurs maisons et il y avait des personnes qui se trouvaient devant ces
27 maisons, des civils, des personnes âgées, qui nous attendaient, qui nous
28 crachaient dessus, qui nous jetaient les pierres, qui nous insultaient, et
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1 nous avons simplement reçu pour consigne de ne pas regarder, de regarder
2 simplement droit devant nous et de marcher.
3 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Grabovica, où vous ont-ils emmené ?
4 R. Nous avons traversé le village, et peu de temps après avoir traversé le
5 village, il y avait comme un virage. Et après le virage, nous sommes
6 arrêtés de marcher. Il y avait une courte distance, là, et c'est là que
7 nous avons remarqué l'école et on nous a ordonné de nous rendre en
8 direction de l'école dans cette cour, et nous nous sommes arrêtés à cet
9 endroit-là.
10 Q. Qu'est-ce qu'on vous a demandé de faire dans cette cour ?
11 R. La nuit commençait à tomber et on nous a ordonné de nous mettre en
12 rang, en file indienne, et lorsque nous avons fait cela, les soldats se
13 trouvaient de l'autre côté par rapport à nous, ils portaient tous leurs
14 uniformes de camouflage, ils avaient tous des AK-47, et ils nous avaient
15 mis en rang. Et à ce moment-là je me disais que c'était la fin. Parce que
16 nous étions tous en rang, ce qui en général signifiait que nous allions
17 être exécutés. Nous étions donc là, je crois que ça a duré deux ou trois
18 minutes jusqu'au moment où quelqu'un est venu -- il y a eu cet homme qui
19 est venu, il avait un chapeau. Il commençait à faire nuit. Je ne pouvais
20 pas distinguer les traits de son visage. Mais il avait comme un chapeau, ou
21 un casque de mineur. Puisqu'il avait une lampe au-dessus. Je suppose qu'il
22 s'agissait peut-être d'un général ou de quelqu'un d'important. Et il a dit
23 -- je me souviens pas de son nom. Il nous a dit : Bonjour. Il ne s'est pas
24 présenté à nous. Il s'est approché de nous, je ne suis plus quel était son
25 nom, et il a dit que les femmes et les enfants allaient passer la nuit dans
26 l'école, et il nous a assurés que rien ne nous arriverait mais que nos
27 hommes devront payer.
28 Q. Qu'est-il arrivé après qu'il ait prononcé ces mots-là ?
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1 R. Il a dit que rien n'allait nous arriver à nous, on nous avait donné
2 pour consigne de traverser la route, et ce petit chemin qui menait à
3 l'école. Depuis, je me souviens qu'il y avait un escalier de service par
4 lequel on pouvait entrer dans l'école. Et il y avait deux niveaux, en fait,
5 au niveau de cette école. Nous étions au rez-de-chaussée lorsque nous
6 sommes entrés sur la gauche et il y avait une salle de classe qui était
7 d'une bonne taille. Et on nous a donné l'ordre d'entrer dans cette salle de
8 classe.
9 Q. Et vous étiez libres de faire ce que vous vouliez dans cette salle de
10 classe ?
11 R. Lorsque nous sommes arrivés dans la salle de classe, on nous a ordonnés
12 de trouver une place. Je me souviens que j'étais à l'arrière, complètement
13 à l'arrière. Nous étions trempés et nous étions épuisés. Et nous étions
14 accompagnés de deux gardes qui étaient entièrement armés. Ils étaient assis
15 à l'endroit où se trouve le professeur. Un était assis dans le siège du
16 professeur, et l'autre était assis sur le bureau du professeur. Et ils se
17 relayaient à tour de rôle pendant la nuit. Nous n'étions pas libres de nos
18 mouvements. Lorsque nous voulions nous rendre aux toilettes, par exemple,
19 nous devions lever la main et nous étions dans ce cas escortés par les deux
20 gardes. Et cette nuit-là, et lorsque nous avons remarqué un peu plus tard
21 dans la nuit lorsque les autres hommes -- ou le reste des hommes sont venus
22 dans l'école, ils ont proposé d'aller les voir.
23 Q. Alors, parlons maintenant de ceci : avez-vous vu le groupe d'hommes
24 arrivé dans l'école, ces hommes qui gisaient sur le sol ?
25 R. [aucune réponse verbale]
26 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous avez pu les distinguer
27 et ce que vous avez vu précisément ?
28 R. Oui, Madame. Comme je vous l'ai dit déjà, j'étais dans cette salle de
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1 classe, j'étais complètement à l'arrière. Et la fenêtre se trouvait sur ma
2 gauche, la fenêtre sur l'endroit d'où nous étions venus. Je ne sais pas
3 exactement à quelle heure ceci s'est passé, mais nous avons remarqué qu'il
4 y avait des camions militaires. Il faisait nuit et il pleuvait des cordes,
5 vraiment. Ces hommes avaient les mains liées dans le dos et étaient devant
6 les camions, parce que les camions avaient allumé les grands phares, et les
7 hommes marchaient devant les camions et ils étaient éclairés par les grands
8 phares de ces camions. On les a donc fait venir dans cette école, on les a
9 emmenés au deuxième étage. Il y avait un escalier qui montait jusqu'au
10 deuxième étage. Ils étaient juste au-dessus de nous dans cette même école.
11 Q. Et vous êtes-vous rendu à l'étage supérieur pour aller voir votre père
12 ?
13 R. Non, Madame. Comme je vous l'ai dit auparavant, ils avaient proposé que
14 nous puissions aller voir ces hommes-là. Il y avait Hajrija Dugonjic qui
15 venait de se marier, et son mari, Sead Rahmanovic, eh bien, c'est cette
16 femme qui s'est rendue à l'étage supérieur et a vu son mari. Moi j'avais
17 peur. En réalité, je ne voulais pas y aller parce que par le passé mon père
18 -- ils ont proposé, parce qu'on lui avait demandé s'il y avait quelqu'un
19 d'autre dans le groupe, et je craignais pour sa sécurité ainsi que la
20 mienne, donc je ne suis pas allé personnellement pour le voir. Mais j'ai
21 appris de Hajrija -- elle est allée à l'étage supérieur et elle est
22 redescendue en disant -- eh bien, elle pleurait et elle disait que son mari
23 était couvert d'ecchymoses. Il lui a fait un signe parce qu'ils étaient
24 tous là. Mais elle a dit -- il a réussi à lui faire signe pour lui indiquer
25 qu'ils étaient tous là. Il y a eu 12 autres personnes qui sont allées à
26 l'étage supérieur pour aller voir leurs parents proches, mais moi j'avais
27 peur. Si seulement -- si seulement j'y étais allé.
28 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui est arrivé le lendemain matin
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1 ?
2 R. Je me souviens de la nuit. On a entendu des bruits de pas au-dessus de
3 nous. On n'a pas entendu de bruits particuliers. En réalité, cette même
4 nuit, lorsque nous étions dans la salle de classe, il y avait un soldat
5 serbe qui était armé jusqu'aux dents et qui a dit qu'il était le capitaine
6 à Vecici et qu'il avait remarqué cette fille qui était assise devant lui et
7 lui a demandé -– je suppose qu'ils étaient allés à l'école ensemble, l'a
8 reconnue et il lui a demandé ce qu'elle faisait et lui a proposé, il lui a
9 dit : Rien ne va t'arriver. Il lui a donné des bonbons et de l'eau, et il
10 l'a bien traitée. Mais le lendemain matin, je me souviens, j'essayais de
11 m'endormir parce que j'avais tellement froid, mes vêtements étaient
12 détrempés, nous nous sommes réveillés et ils nous ont dit que nous devions
13 nous rendre à Travnik, qu'il y avait deux autocars qui nous attendaient à
14 l'extérieur et qu'il nous faut suivre les consignes. Nous allions quitter
15 l'école, nous allions quitter la salle de classe par la porte arrière par
16 laquelle nous étions arrivés et nous devions aller jusqu'à la clôture. Il y
17 avait ces personnes en colère qui nous attendaient. Je me souviens, ils
18 s'étaient mis en rond pour pouvoir nous tirer dessus, et je me souviens
19 qu'il y avait des gardes de part et d'autre. Ils nous avaient ordonné de ne
20 pas y aller, de ne pas courir et qu'il fallait y aller un par un. Donc il y
21 avait un autocar -- il y en avait deux. Je ne sais pas pourquoi il y en
22 avait deux. Il y en avait un qui nous attendait, et on nous a ordonné de
23 marcher lentement en direction de l'autobus. Et on nous a dit que si on
24 courait, eh bien, le garde qui était armé allait nous tirer dessus. Que si
25 on courait, on allait nous tirer dessus. Donc il fallait marcher lentement.
26 Donc on se poussait les uns les autres pour savoir qui allait partir en
27 premier. Personne ne voulait partir en premier. Je crois qu'à moment donné
28 il y a eu cet enfant qui avait l'allumette dans la poche que j'ai évoqué un
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1 peu plus tôt, lui a décidé de partir. Il s'est mis à marcher et il est
2 arrivé à mi-chemin, et il y avait ces gens qui étaient tellement en colère,
3 ces civils, et ils l'ont frappé avec des pioches, avec des bâtons. Ils
4 l'ont frappé. Il est tombé à genoux par terre et ne pouvait plus bouger. Et
5 ensuite, ils laissaient passer le suivant, et comme ils nous passaient par
6 les baguettes, ils l'ont traîné, ils ont essayé de l'emmener jusqu'à
7 l'autocar. Et à chaque fois que quelqu'un me poussait pour essayer de
8 partir, j'essayais toujours d'éviter d'y aller, donc j'étais l'un des
9 derniers. Je me souviens que mon objectif était d'arriver au bout du tunnel
10 jusqu'à l'autocar, et je ne voulais penser à rien d'autre. J'ai senti des
11 coups terribles dans le dos et j'ai continué à marcher en allant là-bas. Je
12 ne prêtais pas attention à ce qui se passait. Je ne voulais qu'une chose,
13 c'était d'arriver à l'autocar. Et pendant que je recevais des coups dans le
14 dos et sur le reste du corps, je ne me souviens plus, mais je n'essayais
15 que d'arriver à l'autocar et à la porte de celui-ci. J'étais si près et
16 cette vielle dame qui était vêtue de noir, elle m'a pris et elle m'a tiré
17 vers le sol. Elle avait un couteau dans la main et elle a mis ce couteau
18 sur ma gorge. Elle a dit : Laissez-moi tuer ce balija parce que mes deux
19 fils ont été tués à Vecici. J'ai essayé de me sortir de là. J'ai voulu
20 aller de l'avant, je voulais m'arracher à sa prise, mais je ne n'étais pas
21 assez fort, toutefois. Et le gardien m'a pris, l'a repoussée, elle, et il
22 m'a jeté dans l'autocar en fermant la porte. Il m'a dit : Assis-toi là et
23 ne regarde pas autour. On était tous sur des sièges et on pleurait. Et ces
24 gens, pour une raison quelconque, avaient essayé de faire stopper
25 l'autocar, ils ne voulaient pas que l'autocar s'en aille. Ils ont fait une
26 haie d'hommes autour et ils avaient secoué l'autocar, ils tapaient des
27 mains, des poings, ils jetaient des cailloux et des pierres, ils nous
28 crachaient dessus. On a passé là une dizaine ou une bonne quinzaine de
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1 minutes. Je pensais qu'ils allaient finir par renverser l'autocar à tel
2 point ils étaient en colère.
3 Et ensuite, enfin, l'autocar a démarré, et une fois qu'on a démarré, je me
4 suis retourné, et je me souviens, je ne vais jamais l'oublier. J'ai regardé
5 et j'ai vu à ma droite au deuxième étage une main -- une main qui faisait
6 des signes. Je n'ai pas vu le corps, j'ai vu la main qui s'agitait et c'est
7 cette main que je vois et je revois dans mes rêves.
8 Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais demander aux
9 Juges de la Chambre de se référer aux faits jugés 804 à 808 pour ce qui est
10 des constations faites par les Chambres de première instance précédentes et
11 celle-ci pour ce qui est de ce qui est arrivé aux hommes qui se trouvaient
12 au deuxième étage.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour que les choses soient tout à fait
14 clairement dites, le deuxième étage de quoi.
15 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, je m'excuse.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut nous le dire.
17 Mme BIBLES : [interprétation] Oui.
18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire qui se trouvait au deuxième étage ?
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, pas qui. Il n'a vu qu'une main.
20 Mais c'était le deuxième étage de quoi.
21 Mme BIBLES : [interprétation] Oui.
22 Q. Alors, pendant que l'autocar s'en allait, vous avez vu une main qui
23 faisait des signes à partir du deuxième étage de quel bâtiment?
24 R. Lorsqu'on est montés à bord de cet autocar, c'était l'école qui se
25 trouvait à droite, et la main qui se trouvait au deuxième étage, c'était la
26 main de l'un des hommes qui étaient restés là-bas. Je n'ai pas vu le corps,
27 je n'ai vu que quelqu'un en train de faire des signes de la main du
28 deuxième étage de l'école où nous avions été.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
2 Mme BIBLES : [interprétation]
3 Q. Est-ce que vous avez fini par arriver à Travnik ?
4 R. Lorsque nous avons quitté Grabovica dans la direction où on avait
5 marché précédemment, on a rebroussé chemin par cette même direction, et
6 tous ceux qui étaient dans l'autocar, y compris le dénommé Zec qui avait
7 collaboré avec les Serbes, on était tous là, nous aussi, et on a rejoint
8 les autres autocars. Il devait y en avoir eu 13 à peu près. Et lorsqu'on
9 s'est approché de Vrbanjci, nous étions le dernier des autocars avec ce qui
10 restait des civils de Vecici. Je me souviens aussi que nous n'avions pas
11 parlé à bord de l'autocar. On nous a dit de ne pas parler, de ne rien dire,
12 de ne faire que regarder devant, et j'ai vu ce dénommé Zec qui disait
13 bonjour aux soldats à l'intérieur en leur disant qu'ils avaient fait du bon
14 travail.
15 Q. Est-ce que vous avez revu votre mère ?
16 R. Quand nous avons quitté Vrbanjci et monté à bord des autocars, est-ce
17 que nous avons démarré, je ne sais pas dans quelle direction, mais je pense
18 que c'était en direction de Skender Vakuf et de Vlasici. Et je n'ai pas
19 revu ma mère à Vrbanjci et je ne l'ai pas revue avant mon arrivée à
20 Travnik. Ils ne savaient pas, ils n'avaient aucune idée de ce qui s'était
21 passé derrière eux. Et lorsqu'on a atteint Vlasici, à un moment donné
22 l'autocar s'est arrêté et on nous a dit de descendre. A ce moment-là, on
23 laissait passer un ou deux autocars, ils voulaient peut-être laisser le
24 temps aux soldats de monter à bord de chacun de ces autocars pour pouvoir
25 demander de l'argent. Et ils sortaient de la forêt par groupe de dix ou 15
26 pour demander de l'argent. Ils portaient des masques et des uniformes de
27 camouflage. Je sais que chacun d'entre eux portait un masque, ce qui fait
28 qu'on ne pouvait pas voir leur visage. Ils demandaient de l'argent, de
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1 l'or, des objets de valeur, et ils nous faisaient nous déshabiller à nu. Et
2 puisque notre autocar était le dernier, puisqu'on était les derniers à être
3 partis de là en essayant d'arriver en sécurité sur le territoire tenu par
4 la partie bosnienne, je me souviens qu'à chaque fois que ces soldats nous
5 tombaient dessus pour nous demander de leur donner ce qui nous appartenait,
6 c'était incroyable, on n'avait plus rien. Et eux ils nous demandaient que
7 de l'argent : De l'argent, balija, donnez-nous de l'argent, de l'or. Nous
8 n'avions plus rien. Et je ne sais pas si je l'ai déjà mentionné, à un
9 moment donné, un soldat s'est approché de moi et m'a mis le couteau sur la
10 gorge et m'a demandé si j'avais de l'argent. Je lui ai dit que je n'avais
11 rien. Je n'ai fait que courir en essayant de rejoindre ma mère, et à chaque
12 fois que j'arrivais à un groupe -- j'allais d'un groupe à l'autre,
13 d'ailleurs, pour demander où était ma mère. Et les gens étaient
14 complètement perdus. D'autres ne répondaient pas, certains montraient du
15 doigt seulement. Je me souviens que non loin de Smetovi, la route était si
16 pleine, si bondée de biens variés que littéralement il fallait passer par-
17 dessus des sacs, des vêtements. On ne voyait plus les pavés à tel point il
18 y avait des affaires jetées partout. Et je crois que ça nous a pris trois
19 ou quatre -- à trois ou quatre reprises, on a dû sauter pour arriver du
20 côté bosnien. A chaque fois, il y avait des soldats qui sortaient d'on ne
21 sait où, en portant des uniformes de camouflage, et ils nous disaient :
22 Bon, maintenant c'est bon. On nous a donné de l'eau aussi. Et puis, il y
23 avait des camions et des autocars qui nous attendaient pour nous
24 transporter vers le côté bosnien.
25 Q. On vous a demandé de vous pencher sur une liste de noms pour savoir si
26 c'étaient des gens qui étaient à vos côtés au tunnel avant que vous
27 n'arriviez à Grabovica ?
28 R. Je n'ai pas compris. Vous pouvez répéter.
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1 Q. Oui. Est-ce qu'on vous a montré une liste de noms de personnes qui
2 avaient été avec vous dans le tunnel avant que vous n'arriviez à Grabovica
3 ?
4 R. Oui.
5 Q. Et est-ce que ça s'est passé ce week-end-ci ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Et est-ce que vous avez reconnu certains de ces noms ?
8 R. Tout à fait.
9 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que la
10 façon la plus efficace de procéder serait de se pencher sur les noms des
11 personnes que le témoin dit avoir reconnus, et je voudrais à cet effet
12 qu'on nous montre sur nos écrans la pièce 65 ter 28320 à laquelle la
13 Défense s'est référée un peu plus tôt. Et je voudrais aussi que l'on puisse
14 se pencher brièvement avec le témoin sur ces noms pour qu'il nous dise
15 comment se fait-il qu'il les connaisse et quand est-ce qu'il les a vus.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lukic, y a-t-il un problème
17 pour ce qui est de cette liste?
18 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est le fondement ?
20 M. LUKIC : [interprétation] Le fondement ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le fondement.
22 M. LUKIC : [interprétation] Mais on nous l'a communiquée ce matin.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
24 M. LUKIC : [interprétation] Je crois que c'est quand même un fondement qui
25 suffit.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, pouvez-vous nous dire si
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1 cette liste existait avant que d'avoir été communiquée à la Défense et
2 quand est-ce que ceci a été communiqué à la Défense ?
3 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
4 le témoin a reconnu 14 noms de la liste. Et on le voit dans les notes de
5 récolement suite à l'interview qui a eu lieu avec le témoin. On l'a traduit
6 en B/C/S ce dimanche. On l'a envoyé par mail à la Défense dimanche, et
7 ensuite nous avons fait imprimer la liste des noms, qui figure sur la liste
8 65 ter, et il n'y a aucune information additionnelle. Il s'agit rien que
9 d'une liste de noms.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je crois comprendre que
12 cette liste a été établie pendant une session de récolement. Et si certains
13 prénoms constituent une surprise pour vous ou si vous estimez qu'il serait
14 indispensable de faire des recherches ou investigations au sujet de
15 certains de ces noms, cela serait donc une justification pour ce qui est de
16 questions complémentaires que vous vous voudriez poser au témoin à cet
17 effet. L'objection a une finalité. Mais si ce n'est pas le cas, je ne vois
18 pas en quoi cette liste ne pourrait pas être montrée au témoin, puisque le
19 témoin a reconnu des noms. Mais une fois de plus, ça peut constituer une
20 exception si, par exemple, sur la liste il y a des noms qui vous ont pris
21 par surprise. Madame Bibles, laissez-moi vérifier, la seule finalité de la
22 liste est l'identification des personnes qui étaient aux côtés de ce témoin
23 pendant qu'il quittait Vecici ? Rien de plus, rien de moins ?
24 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, les individus en question, ce sont des
25 gens qu'il a pour la dernière fois vus dans le tunnel, quand ils se sont
26 rendus ou qui étaient allongés par terre lorsqu'ils ont quitté le tunnel.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, oui.
28 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
2 M. LUKIC : [interprétation] Une nouvelle fois, je voudrais attirer votre
3 attention sur une question de procédure. Le document a été rajouté à la
4 liste 65 ter sans avoir demandé aux Juges de la Chambre leur approbation.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça aurait été ma deuxième question.
6 Bien sûr que l'Accusation doit demander un rajout à la liste 65 ter, et je
7 crois qu'ils le doivent. Cela va sans dire.
8 M. LUKIC : [interprétation] Mais je crois qu'ils devaient forcément
9 demander l'autorisation.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous.
11 Alors, ils devaient d'abord proposer un versement au dossier, mais comme
12 c'est une phase assez tardive de la procédure, il doit être fait une
13 requête pour ce qui est d'un rajout à la liste 65 ter. Mais de façon
14 conforme à la procédure, vous avez tout à fait raison.
15 Madame Bibles, si je puis vous le signaler, il y a deux démarches à faire,
16 il y a d'abord une autorisation à demander pour ce qui est du rajout à la
17 liste 65 ter et ensuite l'utilisation avec le témoin.
18 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai su qu'il
19 allait y avoir une discussion, et à cet effet je vais demander un versement
20 à titre officiel du rajout de cette liste de noms à la liste 65 ter.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
22 Alors, suite à ces commentaires, avez-vous quelque chose à dire encore,
23 Maître Lukic ?
24 M. LUKIC : [interprétation] Je vais rester sur les objections que j'ai déjà
25 soulevées, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.
27 Je vais consulter mes confrères.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première décision que nous allons
2 rendre, c'est de vous autoriser à rajouter ce document à la liste 65 ter.
3 Donc cette autorisation étant donnée, vous pouvez vous en servir en ce
4 moment.
5 Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Je voudrais demander au huissier de nous montrer sur nos écrans la pièce
7 28320 de la liste 65 ter.
8 Q. Est-ce que vous voyez cette liste de noms devant vous ?
9 R. Oui, Madame.
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si cette liste est bien celle
11 comportant les noms que vous avez identifiés comme étant des personnes que
12 vous aviez connues ?
13 R. Oui, Madame.
14 Q. Pourriez-vous nous dire à quel endroit vous avez pour la dernière fois
15 vu les personnes dont les noms figurent sur cette
16 liste ?
17 R. Oui, Madame. Est-ce que vous voulez que je vous dise quelque chose au
18 sujet de ces noms ou --
19 Q. C'est avec vous que je vais parcourir ces noms un par un. Pouvez-vous
20 nous dire quand est-ce que vous avez pour la dernière fois vu les gens dont
21 les noms se trouvent sur la liste ?
22 R. Certains d'entre eux, je les ai vus avant le tunnel, d'autres dans le
23 tunnel, et certains d'entre eux lorsqu'on nous a fait nous allonger sur le
24 sol.
25 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de me pencher
26 sur la montre et je réalise que c'est peut-être l'heure de la pause. Mais
27 je serais heureuse de continuer.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De combien de temps pensez-vous avoir
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1 besoin ?
2 Mme BIBLES : [interprétation] Eh bien, je crois que j'aurais besoin d'au
3 moins dix minutes.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, bien, le fait que nous avons déjà
5 fait une pause additionnelle nous fait considérer qu'il serait peut-être
6 préférable de continuer pendant dix minutes et de faire une pause de 20
7 minutes et puis d'entamer le contre-interrogatoire.
8 Mme BIBLES : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez donc.
10 Mme BIBLES : [interprétation]
11 Q. Je voudrais maintenant que nous parcourions brièvement cette liste.
12 Pouvez-vous nous dire à peu près quel était l'âge de ces gens, et que
13 savez-vous nous dire à leur sujet ? Le premier s'appelle Nedzad Menzil.
14 R. Nedzad Menzil avait un an plus que moi. Lorsqu'on a fait nos prières --
15 avant la deuxième des prières, on lui a tiré dessus. Et je me souviens bien
16 qu'il avait un an plus que moi. Il a été touché au ventre et il a été tué,
17 et son père l'a couvert de branches et l'a laissé là.
18 Q. Seval Opakic.
19 R. Opakic, Seval et son frère Nedzad. Il avait quelques années de plus que
20 moi. Avant la guerre il nous donnait des bandes dessinées. Lui, je l'ai vu
21 dans le tunnel, et je me souviens de lui parce qu'il était constamment à
22 Vecici et je ne l'avais pas revu depuis Hrvacani, et une fois que je l'ai
23 vu maintenant, j'ai remarqué qu'il faisait de drôle de bruits. Et il avait
24 dans la gorge un trou. Il m'a dit qu'à Vecici un obus était tombé à côté et
25 il a été blessé par un éclat, et à chaque fois qu'il respirait il faisait
26 cet horrible bruit qui altérait sa voix. Il était dans le tunnel avec moi.
27 Q. Pasic, Sefik ?
28 R. Pasic, Sefik, c'est mon oncle. Je sais qu'il était allongé à droite à
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1 même le sol avant que je ne me lève. Il m'a toujours traité comme si
2 j'étais son propre enfant.
3 Q. Et Fadil Pasic ?
4 R. Pasic, Fadil -- enfin, j'avais quatre cousins, il y en avait l'un qui
5 était de mon âge. Il y avait un cousin qui s'appelait Nihad, un cousin un
6 peu plus éloigné de la famille paternelle. Et on a jouté comme enfants. On
7 allait même faire du cheval.
8 Q. Pasic, Mehmedalija ?
9 R. Pasic, Mehmedalija, c'est le papa de la petite fille que j'ai portée à
10 Hrvacani. Il était chauve, lui. Il était avec nous lui aussi.
11 Q. Dans le tunnel ?
12 R. Oui, dans le tunnel.
13 Q. Mustafa Pasic ?
14 R. Pasic, Mustafa, c'est un cousin du côté de la famille de mon père. Sa
15 maison se trouvait au haut du village, du côté habité par les Pasic. Il
16 avait un véhicule avant la guerre. Et nous, enfants, on l'aidait à réparer
17 son véhicule en lui passant les outils.
18 Q. Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?
19 R. Il était dans le tunnel avec nous.
20 Q. Et Pasic, Nihad ?
21 R. Pasic, Nihad, mon très cher ami et cousin. Lui aussi était dans le
22 tunnel. On jouait ensemble enfants. On partageait tout ce qu'on avait.
23 C'était comme un frère pour moi.
24 Q. Pasic, Sakib ?
25 R. Pasic, Sakib, c'est un autre cousin du côté paternel. Comme je l'ai
26 mentionné dans mon témoignage, lorsqu'on est revenus de Hrvacani, l'une des
27 premières maisons que j'aie vues, c'est celle qui se trouvait à droite,
28 c'est la sienne.
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1 Q. Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?
2 R. Je l'ai vu dans le tunnel.
3 Q. Rahmanovic, Sead ?
4 R. Rahmanovic, Sead, c'était le mari de Hajrija Dugonjic. Ils venaient de
5 se marier. Je l'ai vu dans le tunnel et dans l'école, et d'après elle il se
6 trouvait à l'école parce que je me souviens qu'elle était montée à l'étage
7 et qu'elle m'a dit qu'il se trouvait au deuxième étage.
8 Q. Et Turan, Mustafa ?
9 R. Turan, Mustafa est originaire de Hrvacani. Son nom de famille me dit
10 quelque chose. Nous ne sommes pas liés par des liens de famille, mais je
11 l'ai connu enfant. Il était certainement originaire de Hrvacani.
12 Q. Et quand l'avez-vous pour la dernière fois ?
13 R. Il était dans le tunnel avant que nous ne descendions.
14 Q. Et est-ce que c'est dans le tunnel que vous avez vu pour la dernière
15 fois aussi ce dénommé Turan, Namko ?
16 R. Oui, Madame.
17 Q. Et il en va de même pour Turan, Rasim, le tunnel aussi ?
18 R. Oui, Madame.
19 Q. Et pour ce qui est de Dugonjic, Murat, vous l'avez vu dans le tunnel
20 aussi pour la dernière fois ?
21 R. Dugonjic, Murat - je crois que là il y a une erreur de faite - il
22 s'agit du père. Muradif, qui est mentionné dans ma déclaration, c'est le
23 fils, et c'est le fils qui était avec nous. Il faut entendre Muradif et non
24 pas Murat.
25 Q. Donc ça doit être Muradif qu'il faut qu'on mette ?
26 R. Oui, comme je l'ai dit dans ma déclaration.
27 Q. Et Lihovic, Elvir ?
28 R. Lihovic, Elvir, il était là lui aussi. Je l'ai vu avant le tunnel, et
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1 pendant que nous descendions nous étions près l'un de l'autre. Il est le
2 mari de ma sœur [comme interprété] qui vivait à Dabovci.
3 Q. Et quel est le nom de votre père ?
4 R. Mon père s'appelle Pasic, Ahmet.
5 Q. Savez-vous nous dire ce qui est arrivé à votre père ?
6 R. Messieurs les Juges, étant donné que j'ai passé cette nuit-là là-bas,
7 je n'ai aucun doute pour ce qui est de considérer qu'ils ont tous été tués.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où cela ?
9 LE TEMOIN : [interprétation] Le reste de ces gens étaient restés à
10 Grabovica, et je n'ai aucun doute dans mon esprit pour ce qui est de penser
11 qu'ils ont fini leurs jours là-bas.
12 Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai plus de
13 questions pour ce témoin-ci.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Madame Bibles, j'imagine que vous
15 voulez demander un versement au dossier de ce document, mais en même temps
16 je ne vois pas ce que ce document pourrait nous dire de plus en sus du
17 témoignage du témoin. Mais étant donné qu'il figure sur la liste 65 ter et
18 que tous les noms ont été mentionnés viva voce dans la déclaration du
19 témoin -- il y a eu une rectification de faite, toutefois.
20 Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis d'accord.
21 Je vais retirer ma demande de versement.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne me souviens pas qu'il y ait eu une
23 demande de versement, mais nous allons trancher compte tenu des
24 circonstances présentes.
25 Vous n'avez plus de questions ?
26 Mme BIBLES : [interprétation] Non, je n'ai plus de questions, Monsieur le
27 Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, je vais suggérer une pause.
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1 Nous allons reprendre à 5 heures, et, Monsieur Lukic, vous allez pouvoir
2 commencer votre contre-interrogatoire à 5 heures.
3 Je vais demander au préalable que le témoin soit escorté hors du prétoire.
4 [Le témoin quitte la barre]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause et
6 nous allons reprendre à 5 heures.
7 --- L'audience est suspendue à 16 heures 41.
8 --- L'audience est reprise à 17 heures 00.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire entrer le
10 témoin dans le prétoire, je vous prie.
11 Maître Lukic, pourriez-vous nous indiquer de combien de temps vous allez
12 avoir besoin pour votre contre-interrogatoire, je vous prie ?
13 M. LUKIC : [interprétation] Je vais essayé de m'en tenir à 60 % de la durée
14 de l'interrogatoire principal.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soixante pourcents, dites-vous, ce qui
16 nous donne un peu plus d'une heure ?
17 M. LUKIC : [interprétation] Une heure et 15, me semble-t-il.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, nous allons suivre votre
19 contre-interrogatoire. Si vous pouvez être plus bref pour que nous
20 puissions en terminer avec ce témoin en une heure, ce serait, bien entendu,
21 une meilleure solution.
22 M. LUKIC : [interprétation] Je vais m'évertuer de le faire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, de toute façon, nous nous en
24 tiendrons à ce qui sera fait par vous-même.
25 M. LUKIC : [interprétation] Ecoutez, je vais essayer. Je vais vraiment
26 essayer de diminuer le nombre de mes questions.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en remercie.
28 [Le témoin vient à la barre]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pensais que nous allions siéger
2 jusqu'à 18 heures, or on m'apprend que nous allons siéger jusqu'à 17 heures
3 45. C'est pour cela je vous avais posé la question et, en fait, ma prémisse
4 était erronée.
5 Monsieur Pasic, vous allez maintenant répondre au contre-
6 interrogatoire de Me Lukic, Me Lukic qui est le conseil de M. Mladic.
7 Maître Lukic.
8 M. LUKIC : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Contre-interrogatoire par M. Lukic :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pasic. Vous pouvez tout à fait
11 me répondre en anglais si vous le souhaitez.
12 R. Bonjour.
13 Q. Pourriez-vous nous dire quel était le nom de votre grand-père ?
14 R. Mon grand-père ? Mon grand-père s'appelait Ala [comme interprété]
15 Pasic.
16 Q. Merci. Et vous avez énuméré -– ou plutôt, le Procureur a énuméré des
17 noms. Est-ce que vous pourriez très rapidement nous donner ces noms à
18 nouveau, très rapidement sans consulter la liste, je vous prie ?
19 R. Oui, tout à fait. Eh bien, je vais commencer par le nom de mon père,
20 Ahmet Pasic; Nihad Pasic; Mehmedalija Pasic; Mustafa Pasic; Fadil Pasic;
21 Dugonjic, Muradif, le fils de Murat; Menzil, Nedzad; Turan, Mustafa; Turan,
22 Namko.
23 Q. Bien. Je vous remercie.
24 R. Je vous en prie.
25 Q. Alors, j'aimerais maintenant que nous fassions quelque chose assez
26 rapidement. Pourriez-vous, je vous prie, résumer, nous donner un bref
27 descriptif de vos déplacements, puisque vous vous êtes déplacé de lieu en
28 lieu après votre départ de Hrvacani, et est-ce que vous pourriez nous dire
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1 rapidement également combien de temps vous êtes resté dans ces différents
2 lieux ?
3 R. Oui, tout à fait. Alors, après mon départ de Hrvacani, alors, bien
4 évidemment, la première étape ce fut Plitska. Bon, je dirais que j'y suis
5 resté une ou deux journées, écoutez, je ne sais pas. Bon, peut-être que
6 j'ai passé un jour à Plitska. Je n'en suis pas très sûr, mais ce dont je
7 suis sûr, c'est que dès que nous sommes arrivés à Plitska, nous nous sommes
8 rassemblés, je pense que ce fut la même journée, et là les forces serbes
9 ont commencé à bombarder Plitska. Ce qui fait que de Plitska, nous –- en
10 fait, à Plitska, nous avons essayé de décider de nous rendre, certains sont
11 allés à Bilice, d'autres à Cirkino Brdo. Et le frère de ma tante qui venait
12 de Cirkino Brdo, qui s'appelle Hasan, est venu la chercher et nous a
13 demandé d'aller avec elle parce qu'il avait plutôt deux maisons là-bas. Je
14 pense que c'est le même jour que nous y sommes allés avec sa sœur, donc
15 avec ma tante, Zena Pasic, et là nous sommes allés à Cirkino Brdo. Et nous
16 y sommes restés, à Cirkino Brdo –- je ne sais pas exactement combien de
17 jours nous y sommes restés parce que nous sommes allés à Cirkino Brdo, puis
18 ensuite de Cirkino Brdo --
19 Q. Donc vous ne savez pas combien de temps vous êtes restés à Cirkino Brdo
20 ?
21 R. Ecoutez, je dirais que nous y sommes restés deux semaines, voire trois
22 semaines. Je n'en suis pas sûr.
23 Mais ce que je sais, c'est que nous y étions et nous avons aidé Hasan, nous
24 avons travaillé dans son champ, donc nous sommes restés en tout cas
25 plusieurs jours --
26 Q. Merci. Combien de temps est-ce que vous êtes restés à Bilice ?
27 R. Donc nous sommes allés de Cirkino Brdo à Bilice, et nous sommes restés
28 environ un mois à Bilice avant d'essayer de revenir -- donc je dirais que
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1 nous sommes restés un mois à Bilice.
2 Q. Puis ensuite, vous êtes donc allés à Hrvacani, et combien de temps est-
3 ce que vous y êtes restés ?
4 R. A Hrvacani, nous y sommes restés une demi-journée. Nous avons essayé
5 parce que nous voulions aller nulle part, en fait, nous ne voulions pas
6 créer de problèmes ou engendrer des problèmes pour les personnes qui
7 avaient signé cette allégeance. Donc, peut-être c'est le même jour que nous
8 sommes partis pour Garici.
9 Q. Et combien de temps est-ce que vous êtes restés à Garici ?
10 R. Ecoutez, je dirais un mois environ également, un mois où nous étions
11 chez Atif, et nous l'avons aidé également.
12 Q. Ensuite, vous êtes allés à Bilice, n'est-ce pas ? Et combien de temps
13 est-ce que vous y êtes restés, à Bilice ?
14 R. Oui, c'est exact. Nous sommes allés effectivement à Bilice. Je ne sais
15 pas combien de jours nous y sommes restés. Ce que je sais, c'est que
16 lorsque nous y sommes retournés pour la deuxième fois -- c'est là, en fait,
17 que mon frère est venu à Bilice. Il est arrivé à Bilice, il nous a dit
18 qu'il avait appris qu'ils allaient se rendre et qu'il allait nous emmener à
19 Vecici. En fait, sa suggestion c'était que nous retournions à Garici parce
20 que Vecici n'était pas un lieu très sûr pour nous. Donc nous y avons passé
21 quelques jours, mais je ne sais pas combien de temps exactement.
22 Q. Et combien de temps êtes-vous restés à Garici ?
23 R. Je ne me souviens pas exactement le nombre de jours que nous y avons
24 passés, mais je sais –- écoutez, je ne sais pas. Je ne sais pas.
25 Q. Mais vous y êtes restés plusieurs jours, quand même ?
26 R. Ecoutez, je dirais plutôt un mois d'ailleurs. Mais je n'en suis pas
27 sûr.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je préférerais que vous
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1 laissiez le témoin répondre à ces questions. Ses réponses sont assez
2 brèves.
3 M. LUKIC : [interprétation] Bien.
4 Q. Et à Vrbanjci, est-ce que vous vous êtes contentés de récupérer ou de
5 prendre vos papiers, les documents, ou est-ce que vous y êtes restés ?
6 R. A Vrbanjci -- nous sommes arrivés à Vrbanjci, nous avons obtenu nos
7 documents, et dès que ma mère et les autres civils ont obtenu les
8 documents, le même jour nous sommes partis à Vecici.
9 Q. Donc, ensuite, combien de jours vous êtes restés cette fois-là à Vecici
10 ?
11 R. Je sais que j'y ai passé une nuit. Je sais que nous y avons passé une
12 nuit parce que nous avons rencontré, ou retrouvé, plutôt, mon père, et
13 c'est là qu'ils ont décidé de la direction que nous allions emprunter. Et
14 le lendemain nous sommes partis.
15 Q. Et avant que vous n'arriviez à Grabovica, combien de temps est-ce que
16 vous avez en quelque sorte voyagé parce que vous essayiez -- en fait, avant
17 que vous ne soyez arrêtés dans le tunnel lorsque vous essayiez de repartir
18 de Vecici ?
19 R. Alors, je sais que nous sommes partis cette nuit-là, vers 21 [comme
20 interprété] heures. Donc nous nous sommes déplacés pendant la nuit et c'est
21 vers minuit environ que nous sommes tombés dans cette embuscade, donc le
22 lendemain nous étions ensemble à 4 heures, 6 heures, à 7 heures, là il y a
23 eu une deuxième embuscade qui a duré toute la journée. Et ce n'est que,
24 donc, le jour suivant que nous nous sommes retrouvés dans le tunnel.
25 Q. Donc cela a duré deux jours, grand maximum, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Alors, j'aimerais maintenant vous poser une autre question à propos de
28 la fête de Bajram. Est-ce que vous vous souvenez si c'était Kurban Bajram,
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1 ou est-ce que c'était la fête du Ramadan Bajram ?
2 R. Ecoutez, je ne me souviens pas. Je suppose qu'il s'agissait de la fête
3 de Kurban Bajram. Ecoutez, je ne sais pas. Je ne sais pas si c'était donc
4 la fête qui suit le jeûne ou si c'était la fête du Bajram lorsque nous
5 avons les différents rites. Je ne sais plus maintenant.
6 Q. Très bien. Vous avez parlé de la JNA. Est-ce que la JNA regroupait en
7 quelque sorte toutes les appartenances ethniques avant la guerre ?
8 R. Oui, c'est ce que je pense. Oui, avant la guerre, oui.
9 Q. Et votre frère - vous aviez des frères - était dans la JNA. Est-ce
10 qu'il faisait son service militaire ou est-ce qu'il suivait des cours d'une
11 école militaire ?
12 R. Non, non, mon frère ne faisait pas son service militaire. Il suivait
13 les cours d'une école militaire.
14 Q. Quel âge avait-il à l'époque ?
15 R. Il est né en 1973. Je ne sais pas, il avait 18, 19 ans. Je n'en sais
16 rien. Je n'en suis pas sûr.
17 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'une école secondaire ou est-ce qu'il suivait
18 les cours d'une académie militaire ?
19 R. Ecoutez, je pense que c'était l'académie militaire…
20 Q. Mais si vous le savez, à quelle école secondaire est-ce qu'il est allé
21 avant cela ? Est-ce qu'il s'agissait également d'une école militaire ?
22 R. Non, non. Il a terminé ses études secondaires à Vrbanjci. Et ensuite,
23 d'ailleurs je souhaiterais fournir une explication, donc il a fini l'école
24 secondaire à Vrbanjci, et ensuite il a postulé. Avant la guerre, mon père
25 avait exprimé le vœu qu'il suive des cours de cette école, alors que ma
26 mère était opposée à cette idée. Mais il a écouté mon père, il a postulé
27 pour pouvoir être accepté et, en fait, bon, il s'est rendu à Banja Luka et
28 à Sarajevo. Il a présenté des examens supplémentaires. Il a été reçu. Je
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1 sais que mon père était très, très fier de lui. Donc il a fini l'école à
2 Vrbanjci, et ensuite il a été admis à l'académie militaire, et c'est pour
3 cela qu'ensuite il est allé à Sarajevo.
4 Q. Un peu plus tôt vous avez mentionné le fait que les hommes avaient des
5 AK-47. Est-ce que vous connaissiez le nom de ce fusil à l'époque, et si tel
6 est le cas, comment se fait-il que vous connaissiez ce nom de fusil ?
7 R. Ecoutez, bon, depuis que je vis aux Etats-Unis, bon, c'est là que j'ai
8 appris ce qui était qu'un AK-47. Mais je sais qu'en Bosnie on appelle cela
9 un "fusil automatique". Et c'est parce que je suis aux Etats-Unis que je
10 sais qu'il s'agissait de AK-47. Voilà comment je l'ai appris.
11 Q. Merci. Vous avez également parlé de chars, vous avez dit que vous avez
12 vu des chars à cet endroit et on vous a dit qu'il y avait des exercices
13 militaires en cours à cet endroit-là. A l'époque, les colonnes militaires
14 de Croatie passaient-elles sur cette
15 route-là ? Vous avez dit qu'elles allaient en direction de Doboj ?
16 R. Le premier convoi lorsque j'ai quitté l'école, lorsque nous sommes
17 sortis de l'école, c'était manifestement la JNA. Je n'ai pas vu d'insignes
18 particuliers ou quelque chose comme ça, mais je sais que c'était la JNA. Il
19 y avait l'étoile et les chars et essentiellement les trois doigts et les
20 uniformes de camouflage vert olive.
21 Q. Savez-vous à quel moment les combats ont commencé dans la municipalité
22 de Kotor Varos et qui a pris le contrôle de Kotor
23 Varos ? A l'époque, le saviez-vous ?
24 R. Manifestement, lorsque notre village a été attaqué, je ne sais pas
25 exactement à quel mois, c'était pendant la fête du Bajram, nous avons été
26 attaqués par les Serbes. Et comme je l'ai dit précédemment, nos voisons ont
27 remarqué qu'il y avait des activités en cours, le fait que les tranchées
28 soient creusées, et c'était l'armée serbe. Je ne sais pas -- à ce moment-
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1 là, c'étaient les Serbes et ils contrôlaient Kotor Varos à ce moment-là.
2 Ils étaient dans la ville et contrôlaient quasiment tout Kotor Varos
3 jusqu'au jour où ils ont pris le contrôle de la ville.
4 Q. Et savez-vous où se trouve le village de Serdare ?
5 R. Oui. Lorsque j'étais à Cirkino Brdo, cela n'est pas très éloigné de
6 Cirkino Brdo. Je ne sais pas quelle est la distance par rapport à Hrvacani,
7 mais lorsque nous nous sommes mis à l'abri à Cirkino Brdo, il n'y avait pas
8 beaucoup de maisons à cet endroit-là. Il y avait les Serbes. Je ne sais
9 pas, au point de vue distance, quelle distance cela représente, mais je
10 sais à peu près où c'est.
11 Q. Etant donné que vous vous êtes déplacé dans cette région, avez-vous vu
12 ce village incendié, détruit, et des personnes qui ont été évacuées ?
13 R. Je me souviens du moment où nous allions d'un endroit à un autre et
14 nous cherchions une maison où nous mettre à l'abri. Je crois que nous
15 n'avons jamais été proches de ce village, car la plupart de nos
16 déplacements lorsque nous avons quitté Hrvacani et lorsque nous nous
17 dirigions vers Cirkino Brdo, à Hanifici, Plitska et Bilice, ça c'est tout à
18 fait au nord, donc je n'ai jamais eu l'occasion de me rapprocher de ce
19 village. Nous allions d'un endroit à un autre, nous traversions les
20 collines. Je crois que c'était au nord de cet endroit. Je n'ai jamais
21 traversé le village de Serdare.
22 Q. Encore une fois, quelques mots au sujet de votre frère. Est-ce qu'on
23 avait insulté votre frère parce qu'il avait fait partie de l'académie
24 militaire de la JNA pendant un moment ?
25 R. Comme je vous l'ai dit, mon frère avait été à l'académie militaire,
26 avait quitté la maison et ne pouvait revenir à la maison qu'au mois de mai.
27 C'est à ce moment-là qu'il était en permission et qu'il venait nous voir.
28 Et lorsqu'il est venu au mois de mai pour nous rendre visite, il était
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1 habillé de l'uniforme, ce n'était pas un uniforme vert olive, mais c'était
2 un uniforme bleu comme un pilote. Je me souviens. Et il avait une certaine
3 allure. Et lorsque la guerre en Croatie et en Slovénie avait déjà éclaté,
4 les gens commençaient à l'insulter et à l'appeler Chetnik, car il était
5 toujours un soldat d'active et il faisait toujours partie de l'académie
6 militaire à ce moment-là.
7 Q. Merci. Est-ce que nous pouvons en conclure que les gens de votre
8 municipalité appelaient "Chetnik" toute personne qui portait un uniforme de
9 la JNA, quelle que ce soit son appartenance ethnique ?
10 R. Je ne sais pas très bien comment répondre à cette question-là --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il faudrait de toute façon
12 un fondement factuel approprié, Maître Lukic, avant de déduire de
13 quelconques conclusions.
14 M. LUKIC : [interprétation] Je crois que je l'avais fait, Monsieur le
15 Président --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. LUKIC : [interprétation] -- parce que si son frère est Musulman et qu'on
18 l'appelle un "Chetnik" --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'un fondement
20 approprié lorsqu'il s'agit de répondre à la question : "Pouvons-nous en
21 conclure que les personnes de votre village appelées 'Chetniks' étaient
22 ceux qui portaient l'uniforme…" ? Nous avons eu un cas de ce genre --
23 M. LUKIC : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et peut-être que nous pouvons
25 demander au témoin s'il est au courant d'une quelconque autre personne qui
26 portait cet uniforme et qu'on appelait un Chetnik, et à ce moment-là nous
27 aurions peut-être un fondement plus large nous permettant de déduire nos
28 conclusions de la sorte.
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1 Savez-vous si quelqu'un d'autre outre votre frère portait un uniforme de la
2 JNA et qu'on l'aurait appelé un "Chetnik" dans votre village également ?
3 LE TEMOIN : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, si vous me le
4 permettez, je ne me souviens pas à ce moment-là que quelqu'un qui faisait
5 partie de la JNA ou qui servait au sein de la JNA hormis mon frère, qui
6 faisait partie de l'armée. Donc, si ses amis l'appelaient comme ça, à ce
7 moment-là je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas s'ils appelaient
8 quelqu'un d'autre de ce nom-là, je ne sais pas. C'est tout simplement à
9 cause de l'uniforme. Mais cela, je ne m'en souviens pas.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, veuillez poursuivre.
11 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Aviez-vous l'impression qu'il y avait une animosité envers la JNA dans
13 votre village ?
14 R. Absolument pas. Si vous me le permettez, avant la guerre, la JNA --
15 bien évidemment, tout le monde devait faire son service militaire. Il
16 fallait faire son service dans la JNA avant la guerre, et moi je me
17 souviens de plusieurs personnes qui faisaient leur service militaire. Quand
18 j'étais petit, quand j'étais en classe, on respectait Tito, et il y avait
19 des exercices militaires que l'on faisait bien avant la guerre, lorsque des
20 membres de la JNA venaient faire les exercices militaires dans mon village.
21 Et je me souviens, quand nous étions enfants, nous allions à la mosquée, et
22 il y avait des groupes en bleu, des groupes en vert, et ils faisaient des
23 exercices et nous nous joignions à eux, nous nous joignions à ces groupes.
24 On respectait l'armée avant la guerre.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je remarque que vous vous êtes concentré
26 sur la période qui a précédé la guerre. Alors il est vrai que Me Lukic n'a
27 pas donné un cadre temporel très précis lorsqu'il a posé sa question.
28 Maître Lukic, lorsque vous avez parlé de l'animosité, est-ce que vous
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1 pouvez préciser cela; est-ce que c'est la période qui a précédé la guerre
2 ou est-ce que c'est à partir de 1992, au moment où il y a eu des problèmes
3 ?
4 M. LUKIC : [interprétation] Il n'y avait plus la JNA à ce moment-là. Moi je
5 parlais de la période qui a précédé la guerre, et il a répondu à ma
6 question.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. C'est clair à mes yeux maintenant.
8 Je vous remercie. Veuillez poursuivre.
9 M. LUKIC : [interprétation]
10 Q. Alors, vous dites que votre père a quitté la maison familiale. Est-ce
11 qu'il est revenu le même jour, la même nuit ?
12 R. Lorsque le pilonnage a commencé, nous étions dans la cave, comme je
13 vous l'ai dit. Et je ne sais pas ce qui s'est passé. Il est parti, je sais
14 que ce matin-là, la nuit ou le lendemain, il est venu taper à cette fenêtre
15 et il nous a dit que nous devions sortir --
16 Q. Merci. Nous vous avons entendu là-dessus. Alors, avant son retour, vous
17 dites avoir entendu le pilonnage. Avez-vous également entendu le bruit des
18 combats, de tirs de fusil ?
19 R. Oui. Nous avons entendu le pilonnage et nous avons également entendu
20 les balles -- parce que, comme je vous l'ai dit, mon village est disposé de
21 la façon suivante : il y a la partie sud, je ne sais pas si cela venait
22 Novakovo Brdo ou de Savici ou Tepici, mais les explosions que nous avons
23 entendues, nous les avons bel et entendues, et il y avait les balles.
24 Q. Merci. Avez-vous appris combien de personnes ont été tuées suite au
25 pilonnage et combien de blessés il y avait ?
26 R. Nous avons appris ce matin-là lorsque nous nous sommes échappés en
27 direction de Plitska, en réalité lorsque nous sommes arrivés à la maison,
28 je sais, parce que je l'ai vu de mes propres yeux, qu'il y avait un homme
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1 qui avait une trentaine d'années qui était blessé à cause de l'obus qui
2 l'avait frappé, il hurlait et il faisait du bruit. Et ma mère était là, et
3 on l'auscultait, on regardait. Il y avait un éclat d'obus qui était là,
4 dans sa poitrine, et on demandait si quelqu'un était là pour colmater la
5 blessure et pour la panser. Et cette femme qui était infirmière a essayé --
6 elle allaitait son enfant et elle a essayé de mettre du lait de son sein
7 sur la blessure. Je me souviens que cette personne était blessée à cause de
8 l'obus. Je ne souviens pas que quelqu'un ait été tué hormis les personnes
9 qui étaient restées dans mon village.
10 Q. Vous êtes ensuite allé à Cirkino Brdo, et vous dites qu'ils avaient
11 signé une déclaration d'allégeance et que rien ne leur est arrivé. J'ai
12 tellement entendu parler de cette déclaration d'allégeance. Est-ce quelque
13 chose que vous avez vu ou était-ce simplement des gens qui parlaient ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir, Maître Lukic, si vous avez
15 entendu beaucoup parler de la déclaration d'allégeance, ce n'est pas très
16 pertinent. Vous souhaitez savoir du témoin si, oui ou non, il a vu ces
17 déclarations d'allégeance ?
18 M. LUKIC : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Outre le fait de faire vos remarques sur
20 votre vécu, veuillez poser la question au témoin et poursuivre.
21 M. LUKIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur, Monsieur Pasic, avez-vous jamais vu quelque chose qui
23 ressemble à une déclaration d'allégeance ?
24 R. Non, Monsieur, je n'ai jamais vu de déclarations écrites, outre le
25 moment où nous nous sommes rendus à Vrbanjci. Il y avait un morceau de
26 papier sur lequel il était dit que nous allions de Vrbanjci à Vecici. Mais
27 pour ce qui est de Cirkino Brdo, je n'ai jamais vu ce document de mes
28 propres yeux. Non, je ne l'ai jamais vu.
Page 609
1 Q. Merci. Les personnes qui étaient à Cirkino Brdo faisaient partie du
2 même groupe ethnique que vous, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, nous étions tous des Musulmans, à 100 %.
4 Q. Donc la seule différence entre eux et les habitants de Hrvacani était
5 le fait qu'ils ne faisaient pas la guerre contre les Serbes, n'est-ce pas ?
6 R. La différence porte sur la chose suivante : Hrvacani a été attaqué. Je
7 ne me souviens pas qu'ils aient proposé que nous nous rendions si nous
8 posions les armes ou quelque chose comme ça. Pour ce qui est de Cirkino
9 Brdo, qui ont signé une déclaration d'allégeance envers les Serbes, je sais
10 que même quand ils avaient signé cette déclaration d'allégeance, je sais
11 que bon nombre de civils, même après avoir signé à Hrvacani, ont été brûlés
12 dans une mosquée. Donc ce n'était pas une garantie à 100 %. Et ce serment
13 d'allégeance a été signé à Hanifici et à Cirkino Brdo.
14 Q. Quand avez-vous entendu parler de ce qui s'est passé à Hanifici ? Parce
15 que vous ne l'avez pas mentionné jusqu'à présent ?
16 R. Maintenant que je suis complètement retourné dans le temps vers cette
17 période, lorsqu'on est allés à Cirkino Brdo pour aider Hasan à faire sa
18 récolte, il a été, lui, informé du fait que dans le cas où il aiderait les
19 civils de Hrvacani à rester là ou revenir là, cela risquerait de mettre en
20 péril Cirkino Brdo. Je ne souviens pas du jour où ça s'est fait, mais on
21 est allés dans les champs à Cirkino Brdo et on a entendu des gens demander
22 de l'aide et crier en courant depuis Hanifici, puisque Cirkino Brdo c'est
23 plus haut placé que Hanifici, et on a vu des soldats entrer là-bas,
24 incendier les maisons et des hommes crier. Ils les ont tous rassemblés dans
25 la mosquée, et alors ils ont mis le feu à la mosquée. C'est là que nous
26 avons pris nos affaires et qu'on est revenus vers Plitska et Bilice, y
27 compris certaines personnes originaires de Cirkino Brdo. Et nous avons
28 tous, en fin de compte, été à Bilice.
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1 Q. Et savez-vous nous dire combien de gens sont tombés à Hanifici ?
2 R. Je ne me souviens pas à part entière. Je sais que j'ai vu de la fumée
3 en provenance de la mosquée. Je ne sais pas combien de victimes il y a eu
4 dans la mosquée.
5 Q. Et ensuite, vous arrivez à Bilice. Bilice, c'est un village croate,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui, Monsieur.
8 Q. Est-ce qu'ils étaient bien armés là-bas; c'est bien exact ?
9 R. Lorsqu'on s'est approchés de Bilice –- je ne sais plus si c'était la
10 première ou deuxième fois, on y a été et puis on est revenus, mais on est
11 entrés du côté de Kotor Varos. Et j'ai vu dix à 15 personnes avec des armes
12 automatiques, armées donc jusqu'aux dents, organisées, et ils avaient des
13 insignes croates -- ou des symboles indiquant qu'ils étaient Croates.
14 Q. Est-ce que vous avez vu des tranchées de creusées autour de Bilice ?
15 R. Oui, Monsieur.
16 Q. A Bilice, il y avait des hommes en âge de combattre qui étaient déjà
17 venus de votre village à vous, n'est-ce pas ?
18 R. La plupart des hommes étaient là-bas. Nous, on était du côté est de
19 Bilice.
20 Q. Mais il était évident qu'ils s'apprêtaient ou qu'ils avaient déjà
21 participé à des combats contre les Serbes ?
22 R. Ca, je ne le sais pas. Je sais que lorsque nous sommes entrés dans le
23 village, les hommes, mon père et mon frère, il n'y avait pas de –- enfin,
24 on ne nous a pas porté de tort mis à part le fait que nous avons ouï dire
25 que du côté de Bilice, plus proche de Kotor Varos, il y avait eu des
26 combats intenses, on avait entendu des tirs. Dans la partie où nous nous
27 trouvions, il n'y avait rien, il n'y avait ni pilonnage ni rien d'autre.
28 Q. Là-bas, il y avait déjà votre frère et votre père, n'est-ce pas ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Les gens originaires de Hrvacani qui n'étaient pas originaires de
3 Bilice étaient déjà partis en direction de Vecici, n'est-ce pas ?
4 R. Certaines personnes étaient restées à Bilice et d'autres étaient, en
5 effet, parties vers Vecici.
6 Q. Votre frère et votre père, vous les avez trouvés à Bilice, et ensuite,
7 tous les deux, ils sont partis vers Vecici, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Je ne sais pas si ça s'est passé la deuxième des fois où on est allés à
10 Bilice ou la première des fois. Ce que je sais, c'est que mon père était
11 allé la première ou la deuxième fois vers Vecici. Mais mon frère, lui, est
12 resté là-bas, et je pense qu'à un moment donné il était à nos côtés là-bas.
13 Puis, nous, on est partis et on est revenus. Lui, il est parti et il est
14 revenu aussi, et il nous a dit qu'il a appris qu'il fallait que nous nous
15 rendions. Alors, pour répondre à votre question, je dirais : Oui, mon père
16 a quitté Bilice pour Vecici.
17 Q. Merci. Ensuite, vous retournez à Hrvacani, et vous avez précisé que
18 vous étiez 50 à 70 à le faire. Et vous rencontrez deux soldats serbes ce
19 faisant. L'un était blessé et l'autre le portait. Savez-vous nous dire
20 comment ce soldat avait été blessé ?
21 R. Lorsque nous nous sommes approchés d'eux, celui qui était debout - je
22 crois que la question a été déjà posée - il y en avait eu –- enfin, je n'ai
23 pas vu l'homme en train de saigner, je ne savais pas s'il était blessé. Il
24 était plié, il était recroquevillé, et l'autre le soutenait. Je ne sais pas
25 s'il saignait, mais ils semblaient être pressés très pressés. Mais je n'ai
26 vu personne saigner.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur Pasic, excusez-moi
28 d'intervenir, mais la question était celle de savoir si vous savez comment
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1 ils ont été blessés. Non pas où se trouvaient les blessures, mais si vous
2 savez nous dire ce qu'il était advenu d'eux. Est-ce que vous savez quoi que
3 ce soit à ce sujet ?
4 LE TEMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je ne sais
5 pas ce qu'il leur est arrivé. Je ne sais pas s'ils ont été blessés, mais je
6 me souviens de les avoir vus là-bas. Et je ne sais pas si cet homme a été
7 blessé à la ligne ou ailleurs.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je vais vous convier à vous
9 concentrer sur la question.
10 LE TEMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, continuez.
12 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Ces deux soldats ont-ils essayé de vous stopper ou de vous empêcher de
14 retourner vers Hrvacani ?
15 R. A un moment, l'un de ces soldats était véritablement en colère et il a
16 dit qu'il n'y avait pas de place pour les balija à Hrvacani et que notre
17 place était en Turquie. Il a dit que : Si vous allez là-bas, nous n'allons
18 pas assumer de responsabilité si quelque chose vous arrivait. Il nous a
19 injuriés, et ensuite ils sont partis.
20 Q. Comme le Juge Orie, je vous demande de vous concentrer sur la question.
21 Est-ce qu'ils ont tué quelqu'un ? Est-ce qu'ils ont blessé quelqu'un ?
22 Est-ce qu'ils ont tabassé quelqu'un ? Est-ce que d'une façon quelconque ils
23 vous ont empêchés de continuer votre chemin en direction de Hrvacani ?
24 R. Merci d'avoir apporté cet éclaircissement. Non, ce n'est pas le cas.
25 Q. Merci.
26 M. LUKIC : [interprétation] Donnez-moi un instant, Monsieur le Président,
27 je vous prie.
28 Q. Vous avez parlé de Hrvacani. Un groupe de soldat s'approche de vous et
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1 vous dites qu'il y en avait 15 à être masqués. Ceux qui portaient des
2 masques, avaient-ils porté des croix avec les quatre S ou est-ce qu'ils
3 portaient des insignes autres ?
4 R. Comme je l'ai déjà mentionné auparavant, il s'agissait de 15 à 20
5 soldats. Ils ne portaient pas tous des masques. Je me souviens du fait que
6 certains d'entre eux étaient masqués, d'après ce que j'ai pu voir. Sur
7 d'autres, j'ai vu l'insigne à quatre S, certains portaient des masques,
8 d'autres pas, et tous ne portaient pas des croix à quatre S.
9 Q. Bon. D'autres, vous nous avez dit, étaient en uniforme de couleur vert
10 olive et d'autres avaient des uniformes de camouflage, vous dites qu'ils
11 étaient transportés par un tracteur. Est-ce qu'ils avaient l'air d'être des
12 soldats à vos yeux, ou est-ce qu'ils faisaient figure d'une bande locale,
13 d'un gang local ?
14 R. Je ne sais pas. Je sais qu'ils avaient un chef, c'était celui qui était
15 sorti pour aider avec l'eau. Les autres semblaient écouter ses ordres,
16 prêter une oreille attentive à ses ordres. Etaient-ils des soldats ou une
17 bande, je n'en ai aucune idée.
18 Q. Merci. Mais eux n'ont tué personne, n'ont blessé personne, n'ont
19 tabassé personne; est-ce bien exact ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Ensuite, vous êtes allés à Garici, chez de la famille. Alors, parlant
22 de Garici, était-il exact de dire que les habitants de Garici étaient
23 restés de façon non entravée en quoi que ce soit chez eux dans leurs
24 maisons jusqu'à la fin de la guerre ?
25 R. Excusez-moi, est-ce que vous pouvez reformuler votre question.
26 Q. Certainement.
27 Est-il exact de dire que ce parent à vous que vous aviez à Garici, tout
28 comme les autres habitants de Garici, est resté dans sa maison et les
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1 autres aussi dans leurs maisons jusqu'à la fin de la guerre ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Avant que vous n'alliez vers Garici, vous vous êtes concertés entre
4 vous pour savoir où est-ce qu'il vous fallait aller. Personne ne vous a
5 donné un ordre pour vous dire qu'il fallait aller à tel endroit, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Non, nous en tant que groupe, on avait pour objectif de regagner notre
8 village. C'est ce qu'on a décidé d'abord, et lorsqu'on a vu qu'il n'y avait
9 plus rien là-bas et que nous ne pouvions pas rester et survivre là-bas,
10 entre nous, dans l'intérieur du groupe, et avec ma mère, on a décidé de
11 nous en aller de là une fois qu'on a vu que tout était détruit. On a décidé
12 de cela entre nous, personne ne nous a forcés à nous en aller, c'est ce
13 qu'on a décidé nous-mêmes. Et puisque nous étions en groupe, la plupart des
14 membres du groupe avaient de la famille à Vakufci, et on a décidé d'y
15 aller.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je vois l'heure passer. Je
17 crois que nous en avons terminé pour la journée d'aujourd'hui.
18 D'abord, Monsieur Pasic, je dois vous donner instruction pour ce qui est de
19 ne pas vous entretenir avec qui que ce soit au sujet de votre témoignage,
20 tant du témoignage fourni jusqu'à présent ou du témoignage à venir.
21 Et, Monsieur Lukic, est-ce que vous pouvez nous dire, nous donner une idée
22 du temps qu'il vous faudra demain ?
23 M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, plus qu'aujourd'hui.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plus qu'aujourd'hui ?
25 M. LUKIC : [interprétation] Oui, plus qu'aujourd'hui. Je vais essayer de
26 rendre mes questions plus denses, mais je pense que j'aurai besoin de plus
27 de temps qu'aujourd'hui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous –- enfin, vous avez
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1 utilisé 45 minutes, tout près de 45 minutes aujourd'hui. Si vous avez plus
2 besoin de plus de cela, vous aurez utilisé plus de
3 60 % du temps en comparaison avec l'interrogatoire principal.
4 M. LUKIC : [interprétation] Mais combien de temps ai-je à ma disposition ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, vous avez demandé
6 60 %, n'est-ce pas.
7 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que c'est ce que j'obtiens ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au bout de deux heures, ça fait à peu
9 près un peu plus d'une heure, enfin une heure et 12 minutes. Mais je vous
10 prie de vous repencher sur votre agenda -- et je n'ai pas entièrement
11 compris ce qui est contesté par vous et ce que vous voulez démontrer. Mis à
12 part le fait de vouloir tester la fiabilité et la crédibilité du témoin.
13 Mais je n'ai pas entièrement compris ce qui était contesté.
14 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que vous voulez que j'énonce la position
15 de la Défense --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pas en présence du témoin,
17 certainement pas.
18 Monsieur Pasic, je vais demander à l'huissier de vous escorter hors du
19 prétoire, et nous allons vous revoir demain à 1 heure dans ce même
20 prétoire.
21 LE TEMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Veuillez suivre M. l'Huissier.
23 LE TEMOIN : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'ai aussi l'impression
25 que M. Mladic voudrait vous consulter. Si vous voulez, vous pouvez prendre
26 deux minutes, ou préféreriez-vous le faire une fois qu'on aura terminé la
27 journée d'aujourd'hui ?
28 [Le témoin quitte la barre]
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1 M. LUKIC : [interprétation] Une fois qu'on aura terminé, Monsieur le
2 Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, nous allons lever
4 l'audience.
5 Et nous allons reprendre demain, mardi 10 juillet, à 13 heures dans le même
6 prétoire, prétoire numéro I.
7 --- L'audience est levée à 17 heures 47 et reprendra le mardi 10 juillet
8 2012, à 13 heures 00.
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