Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 3 octobre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   Avant que nous ne demandions à ce que le témoin soit emmené au prétoire, il

 11   y a plusieurs questions à aborder.

 12   Il y a eu une confusion au sujet d'une vidéo, Monsieur Groome, que vous

 13   étiez censé nous communiquer, mais c'est la mauvaise vidéo qu'on nous a

 14   envoyée.

 15   Alors, Monsieur Traldi. C'est peut-être vous qui allez répondre. Il s'agit

 16   du P287.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il s'agit du P287.

 18   Et d'après ce que je crois avoir compris, le CD a été envoyé au Greffier.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, ça a été fait.

 20   Autre chose.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'hier nous avons marqué à

 23   des fins d'identification un document qui porte la cote P287, il sera à

 24   présent versé au dossier.

 25   Alors, j'aimerais brièvement parler du Témoin RM081.

 26   Le 27 septembre, l'Accusation a présenté une requête demandant une

 27   augmentation des mesures de protection en vigueur pour ce Témoin RM081 et

 28   demander à ce que son témoignage dans la présente affaire se fasse avec des


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  1   dispositifs de déformation de la voix.

  2   Le 28 septembre 2012, le témoin a informé la Chambre dans le prétoire qu'il

  3   ne s'opposait absolument pas au renforcement des mesures de protection.

  4   La Chambre prend bonne note du fait que dans les procès Krajisnik et

  5   Karadzic, ce Témoin RM081 a témoigné sous pseudonyme avec des éléments de

  6   déformation de l'image. En application de l'article 75(F), les mesures de

  7   protection mises en œuvre à l'occasion de la première des procédures où il

  8   a témoigné resteront en vigueur dans la présente procédure. Etant donné

  9   qu'il n'y a pas de Chambre à décider de ce qui s'est passé dans le cas de

 10   figure précédent, la Chambre présente va statuer en application de ce que

 11   stipule l'article 75(G) du Règlement de procédure et de preuve.

 12   Autrement dit, le seul Juge qui est resté présent dans cette affaire-

 13   ci est justement le Juge qui préside à ce procès présent. La Chambre trouve

 14   que les exigences de l'article 75 [comme interprété] du Règlement de

 15   procédure et de preuve sont réunies, sont satisfaites. Alors, étant donné

 16   que le témoin est d'accord avec l'augmentation des mesures de protection,

 17   la Chambre estime que l'on a satisfait aux exigences de l'article 75(J) du

 18   Règlement de procédure et de preuve.

 19   Etant donné que l'Accusation a dit que le Témoin RM081 redoutait son

 20   identification et étant donné que la Défense n'a pas fait objection à

 21   l'augmentation des mesures de protection, la Chambre fait droit à la

 22   demande faite par l'Accusation pour ce qui est d'accorder au Témoin RM081

 23   des mesures de protection complémentaires, pas seulement celles qui étaient

 24   déjà en vigueur, mais de procéder aussi à des mesures de déformation de la

 25   voix de celui-ci.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois m'être mal exprimé à un

 28   endroit; ce n'est pas le témoin qui a informé la Chambre de ceci, mais la


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  1   Défense, à savoir qu'elle ne s'opposait pas du tout au renforcement des

  2   mesures de protection.

  3   Alors, maintenant - non pas le témoin dont on vient parler - mais le témoin

  4   qui témoigne à présent devrait être emmené dans le prétoire.

  5   Monsieur Traldi.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Eh bien, en attendant qu'il soit emmené au

  7   prétoire. Je voudrais demander à ce que soit remplacée la pièce à

  8   conviction P290, où il y a des chiffres de notés à la main, pour lui être

  9   substituée une pièce à conviction sans annotation.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, ça, c'est accordé.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Et je me suis trompé pour ce qui est de la

 12   page du compte rendu évoquée hier; j'ai dit 3 461, ligne 9, et j'ai fait

 13   référence au paragraphe 4 de la pièce 283, or il fallait entendre 24.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Vous faites référence au paragraphe

 15   24. Et les pages, à savoir la page 5 est la bonne.

 16   [Le témoin vient à la barre]

 17   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit que le remplacement de la pièce

 19   P290 était autorisé, mais j'ai oublié de donner des instructions au

 20   Greffier pour ce qui est de remplacer la traduction, c'est-à-dire la

 21   version anglaise, pour fournir la version qui a été fournie par

 22   l'Accusation, qui se trouve être expurgée de toute annotation faite à la

 23   main.

 24   Bonjour, Monsieur Sejmenovic.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Sejmenovic, je tiens à vous

 27   rappeler que vous êtes encore tenu par la déclaration solennelle que vous

 28   avez faite au tout début de votre témoignage. C'est à présent Me Lukic qui


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  1   va continuer son contre-interrogatoire.

  2   Et je vais vous inviter l'un et l'autre à ne pas parler en même temps et à

  3   faire des pauses entre les questions et les réponses ainsi qu'entre les

  4   réponses et les questions.

  5   Veuillez commencer, Maître Lukic.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   LE TÉMOIN : MEVLUDIN SEJMENOVIC [Reprise]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   Contre-interrogatoire par M. Lukic : [Suite]

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 11   R.  Bonjour. Mes respects. Vous allez bien ?

 12   Q.  Oui, oui, tout à fait. Nous allons nous concentrer sur les questions

 13   pour aller quand même un peu plus vite pour en terminer aujourd'hui.

 14   R.  Allez-y. Je m'efforcerai de répondre le plus brièvement possible à

 15   chaque fois que faire se pourra.

 16   Q.  Je vous ai demandé hier quelque chose au sujet de la réorganisation

 17   demandée par le SDS, et on est passé ensuite au fait que le SDS avait

 18   quitté le parlement de l'Etat étant donné qu'il n'y a pas eu mise en œuvre

 19   de ses revendications par le biais des structures officielles en place --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ai-je raison, vous avez été

 21   interprété, et d'après l'interprétation il a été question de

 22   "réorganisation". Est-ce que c'est réorganisation ou 

 23   régionalisation ?

 24   M. LUKIC : [interprétation] La nouvelle régionalisation, Monsieur le Juge.

 25   Merci.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. Alors, nous allons

 27   rectifier le compte rendu.

 28   L'INTERPRÈTE : La cabine française a aussi entendu réorganisation.


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  1   M. LUKIC : [interprétation]

  2   Q.  Vous avez été député au parlement. Est-ce que la constitution de la

  3   République de Bosnie-Herzégovine pouvait être utilisée en per se ou est-ce

  4   que ça devait se situer dans le cadre de la constitution de la RSFY ? Vous

  5   en souvenez-vous ?

  6   R.  La constitution de la Bosnie-Herzégovine se rapportait à la Bosnie-

  7   Herzégovine. Et certaines parties de la constitution qui avaient trait aux

  8   relations avec l'Etat fédéral avaient été conformes à la constitution de la

  9   Yougoslavie.

 10   Q.  Savez-vous nous dire si à l'époque chaque peuple sur les trois peuples

 11   constitutifs de cette république - à savoir les Musulmans, les Croates et

 12   les Serbes - avait un droit de veto pour protéger certains de ses intérêts

 13   nationaux ?

 14   R.  Il y avait un droit de veto pour ce qui est des compétences où le veto

 15   pouvait être utilisé. Et non pas s'agissant de toute décision peu importe

 16   laquelle.

 17   Q.  Est-ce que l'un des droits en question c'était bien d'utiliser ce droit

 18   de veto si quelqu'un voulait faire faire sécession à la République de

 19   Bosnie-Herzégovine vis-à-vis de la Yougoslavie ?

 20   R.  Ça, c'est une question en matière de droit constitutionnel, et je ne

 21   peux malheureusement pas m'aventurer dans ce domaine.

 22   Q.  Fort bien. Merci.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons maintenant demander l'affichage au

 24   prétoire électronique de cette déclaration de M. Sejmenovic, à savoir le

 25   P283. J'ai dit P283.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La page et le paragraphe, Maître Lukic.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Il nous faut le paragraphe numéro 9, s'il vous

 28   plaît.


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  1   Q.  Dans ce paragraphe, Monsieur Sejmenovic, vous êtes en train de nous

  2   dire que le SDS avait mis en œuvre la même politique dans la municipalité

  3   de Prijedor. Il a demandé à ce que Prijedor soit partagée en deux

  4   municipalités et que les institutions soient scindées suivant les lignes de

  5   séparation ethnique.

  6   Le SDA dans les autres municipalités a fait dissocier ses éléments à lui,

  7   comme cela a été le cas dans la municipalité de Kljuc.

  8   R.  Mais dissocié de quoi ? Je ne pense pas que le SDA ait dissocié la

  9   municipalité de Kljuc vis-à-vis de quoi que ce soit. Le SDA n'a dissocié du

 10   système étatique aucune municipalité.

 11   Q.  Est-ce que le fait est qu'à Kljuc le SDS avait pris le pouvoir ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ça, vous le savez - ce n'est pas forcément toujours le cas -  mais pour

 14   autant que vous le sachiez, est-ce que le SDA avait créé une municipalité

 15   de Kljuc indépendamment de la municipalité où le SDS avait été au pouvoir ?

 16   R.  Non, je ne pense pas que cela ait été exact. Il y a peut-être eu des

 17   tentatives locales, mais ça n'a pas été légalement mis en œuvre au niveau

 18   de la république, et il n'y a que cela de valide.

 19   Q.  Au niveau de la république, aucune dissociation n'a été réalisée,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  En effet. Et toute dissociation aurait été illégale du point de vue de

 22   l'intégrité de l'Etat.

 23   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'à l'époque il y a eu non

 24   seulement démantèlement de la Yougoslavie, mais il y a eu aussi une espèce

 25   de démantèlement de la Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  La Bosnie-Herzégovine ne s'est pas démantelée. Le parlement

 27   fonctionnait, et le parlement de cette ex-Yougoslavie n'existait pas. Ce

 28   qui fonctionnait, c'était la présidence de la Bosnie-Herzégovine, et la


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  1   Yougoslavie n'avait plus la présidence qui avait été celle que nous avions

  2   eue auparavant. Enfin, ça fonctionnait, mais de façon difficile, parce

  3   qu'une partie des structures politiques faisait obstacle, posait des

  4   entraves et n'acceptait pas le fonctionnement de l'Etat.

  5   Q.  L'assemblée et la présidence de Bosnie-Herzégovine fonctionnaient sans

  6   aucun représentant serbe, n'est-ce pas ?

  7   R.  Il n'y avait qu'une partie du peuple serbe qui était représentée. Les

  8   représentants serbes étaient toujours présents au parlement mais ils

  9   n'appartenaient pas au SDS, mais à d'autres parties. Je dois dire par souci

 10   d'équité que la majorité des députés étaient membres du SDS, mais ils ne

 11   l'étaient pas tous.

 12   Q.  Mais combien de représentants serbes se trouvaient au parlement, et je

 13   pense au parlement élu par le peuple, ou alors est-ce que les gens ont

 14   simplement été nommés au parlement de Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  Nous ne saurons jamais qui a voté pour qui, parce que c'était un vote à

 16   bulletin secret. Mais le fait est qu'au parlement il y avait un certain

 17   pourcentage de députés représentant tous les partis et toutes les

 18   nationalités. C'est la seule chose dont nous sommes absolument sûrs. Il y a

 19   eu des manipulations, des personnes qui se sont livrées à des conjectures

 20   pour savoir qui avait voté pour qui, mais comme il s'agissait d'une

 21   procédure à bulletin secret, nous ne le saurons jamais. Et je répète, il y

 22   avait encore des représentants serbes au sein du parlement, mais leur

 23   pourcentage était moins important parce que la majorité faisait partie du

 24   SDS et ils ont quitté le parlement.

 25   Q.  Merci. Je pense que nous aborderons cette question avec d'autres

 26   témoins. Donc, j'en ai fini avec ce thème pour le moment. Alors, j'aimerais

 27   que nous nous intéressions au paragraphe 10. Dans ce paragraphe, vous dites

 28   que :


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  1   "Le SDS avait rejeté des tentatives de coopération interethniques, entre

  2   les groupes ethniques, ainsi que les propositions du SDA visant la

  3   formation de patrouilles à composition ethnique mixte."

  4   A l'époque, est-ce qu'il y avait des patrouilles de police ou des

  5   patrouilles militaires à composition ethnique mixte qui avaient été

  6   constituées ?

  7   R.  Le paragraphe 10 fait référence aux événements de la municipalité de

  8   Prijedor, et cela n'est pas indiqué de façon précise dans ce paragraphe,

  9   mais nous avions eu des pourparlers auparavant, et nous avions, en fait,

 10   essayé de régler certaines situations bien précises.

 11   Q.  Au paragraphe 11 maintenant, vous dites que :

 12   "Le SDS de Prijedor avait créé un gouvernement parallèle, avec des organes

 13   parallèles."

 14   Et en février 1992, le SDS de Prijedor a exigé la dissolution de

 15   l'assemblée municipale qui était en place, et la convocation d'élection

 16   intérimaire. Le SDS avait pouvoir, n'est-ce pas, avec le SDA à l'époque à

 17   Prijedor ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  Donc le parti qui détient le pouvoir essayait de convoquer de

 20   nouvelles élections; c'est cela ?

 21   R.  Oui, c'est exact. Et ils ont avancé des raisons bien précises pour ce

 22   faire.

 23   Q.  Alors, les raisons que j'ai pu d'ailleurs découvrir dans le procès-

 24   verbal de la réunion de l'assemblée présidée par M. Cehajic étaient, en

 25   fait, qu'il souhaitait entraver le fonctionnement de la municipalité, et

 26   qu'il a insisté pour que le chef de police soit nommé parmi les Serbes.

 27   Alors est-ce que vous connaissez d'autres raisons ?

 28   R.  Oui, j'en connais. Le SDS a, en fait, concocté cette proposition. Et


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  1   fondamentalement, cette proposition a été inspirée par leurs desiderata qui

  2   était de voir certains postes pourvus par le SDS dans la municipalité,

  3   indépendamment de la répartition du pouvoir, indépendamment des solutions

  4   qui étaient proposées, à savoir est-ce qu'ils le feraient eux-mêmes ou est-

  5   ce que le SDA le ferait, parce qu'il s'agissait, en fait, d'offrir à

  6   l'autre partie la moitié des postes, mais, bon, finalement le SDS a estimé

  7   que cela n'était pas acceptable.

  8   Q.  Merci. Est-il exact que lors de négociations et lors de discussions et

  9   des pourparlers au niveau de la République, il avait été convenu que le

 10   chef de police viendrait du SDS ?

 11   R.  Ecoutez, d'après ce que je sais, cet accord n'existait pas, notamment

 12   pas au niveau de la République, d'ailleurs. Il se peut qu'ils aient

 13   présenté cette proposition, cette demande, mais il n'y a pas eu d'accord à

 14   ce sujet.

 15   Q.  Est-ce que vous savez que le chef qui était proposé par le SDS, est-ce

 16   que vous savez, disais-je, que c'est une proposition qui a été rejetée à

 17   Sarajevo. Deux nominations ont été rejetées, ce qui fait que cela n'a fait

 18   que prolonger toute la procédure, alors qu'il n'y avait pas véritablement

 19   des raisons de rejeter cela ?

 20   R.  Le SDA et le SDS avaient un accord, un accord très ferme à propos de la

 21   division des postes et de la répartition des postes. Je dois dire que le

 22   SDA a respecté cet accord jusqu'à la fin, ce qui ne fut pas le cas du SDS,

 23   parce que, eux, ils voulaient avoir la police, ainsi que les services de

 24   vérification des comptes publics. Et puis finalement, ils ont accepté une

 25   décision qui consistait à répartir à raison de 50 %, 50 % pour les deux

 26   parties. Mais finalement, en fait, ils ont continué à contester cela.

 27   Q.  Merci. J'aimerais entendre l'avis de l'autre partie à ce sujet. Alors,

 28   nous allons maintenant parler des événements qui ont précédé la prise de


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  1   Prijedor, et nous allons commencer par le paragraphe 13.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous faites référence à de

  3   nouveaux témoignages ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ici, nous n'entendons pas des

  6   dépositions venant d'un camp ou de l'autre. Ici, viennent des témoins qui

  7   viennent relater et dire la vérité, et il n'est pas question de faire

  8   partie d'un camp ou de l'autre. Voilà.

  9   Voilà ce que je voulais vous dire, pour que vous le sachiez. De toute

 10   façon, il n'est absolument pas indispensable, encore moins nécessaire

 11   d'ailleurs, de commencer à dire à ce témoin quels éléments de preuve vous

 12   allez présenter. Alors, peut-être que vous voulez contester ce que le

 13   témoin a dit, mais cela n'a aucune pertinence pour le témoin. La Chambre

 14   pourra, elle, s'enquérir et découvrir, élucider ceci.

 15   Poursuivez.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Oui, lorsque je parlais de l'autre camp, je

 17   parlais de l'autre camp dans les négociations. Je pensais que les membres

 18   du SDS --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous avez fait référence à

 20   l'autre partie, l'autre camp. Alors, si l'autre partie aux négociations

 21   nous dit la vérité, eh bien, nous allons entendre la même chose de la part

 22   des deux composantes de la négociation.

 23   Donc, poursuivez.

 24   M. LUKIC : [interprétation]

 25   Q.  Vous avez dit qu'après que la Croatie a exigé son indépendance, la

 26   population serbe de Croatie s'est rebellée, et ce, pour soutenir les

 27   autorités de Belgrade, et ces régions ont ensuite été placées sous le

 28   contrôle des Serbes, et l'armée se trouvait placée sous le contrôle des


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  1   Serbes. Alors, est-ce que nous pouvons convenir qu'il s'agit là d'une

  2   question juridique, et que vous n'avez pas véritablement approfondi votre

  3   recherche à ce sujet, ou vous n'avez pas fait d'enquête à ce sujet ?

  4   R.  Je n'ai pas fait de recherche à ce sujet. J'ai suivi les événements,

  5   j'ai écouté les médias, j'ai écouté les différents points de vue politiques

  6   qui étaient exprimés. Voilà ce que j'ai fait.

  7   Q.  Merci. Paragraphe 14, je vous prie. Là, vous dites :

  8   "Les autorités serbes en Serbie ont commencé à diffuser de la

  9   propagande en Bosnie-Herzégovine et à empêcher la diffusion de programmes

 10   non-serbes. Il y a eu prise de certains transmetteurs récepteurs de

 11   télévision."

 12   Quelles émissions non-serbes ont été, en quelque sorte, non diffusées

 13   ou interdites par les autorités en Serbie ?

 14   R.  En Bosnie-Herzégovine, nous avions l'habitude de regarder les émissions

 15   de télévision qui étaient diffusées par la télévision de Bosnie-

 16   Herzégovine. Toutefois, nous pouvions également regarder d'autres émissions

 17   diffusées par d'autres républiques. Il y avait une étude télévisée qui

 18   s'appelait Jutel, et qui était, en fait, une émission antimilitariste,

 19   contre la guerre. Leur programme était diffusé sur la chaîne BHTV. Alors,

 20   l'armée, avec le soutien de la police d'ailleurs, d'après ce que je sais,

 21   ont investi et saisi le principal transmetteur récepteur télévisé en

 22   Bosnie-Herzégovine, qui s'appelait Lisina, et à partir de ce moment-là,

 23   plus personne n'a pu regarder la chaîne BHTV, et il n'y avait plus que la

 24   chaîne de télévision serbe qui était diffusée. Par la suite, également, la

 25   télévision locale serbe. Et puis, vous pouviez voir --

 26   Q.  Je veux dire ce qui m'intéresse.

 27   R.  Je vous en prie.

 28   Q.  Vous nous dites que les autorités serbes en Serbie ont commencé à


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  1   diffuser des émissions de propagande et ont empêché la diffusion

  2   d'émissions non-serbes. Mais comment est-ce que les autorités serbes en

  3   Serbie pouvaient empêcher quoi que ce soit en Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  C'est une déclaration qui résume tous les événements.

  5   Q.  Ce que vous voulez dire c'est que vous ne pouviez pas donner des

  6   détails à ce sujet ?

  7   R.  Bien sûr, que je peux. Il suffit que vous me le demandiez.

  8   Q.  Est-ce que les autorités serbes en Serbie ont empêché le transmetteur

  9   récepteur de fonctionner en Krajina ?

 10   R.  Alors, il y a des autorités militaires, il y a des autorités de la

 11   police et des autorités civiles. Ce n'est pas le président du parlement

 12   serbe de Serbie qui est venu empêcher de faire fonctionner ce transmetteur

 13   récepteur, mais un général l'a fait, et quelqu'un avait dû prendre une

 14   décision politique à cette fin.

 15   Q.  Voilà la question que j'aimerais vous poser : est-ce que la chaîne de

 16   télévision Sarajevo a empêché que des programmes soient diffusés, des

 17   programmes de la télévision de Belgrade ?

 18   R.  A l'époque, à ce moment-là lorsque le transmetteur récepteur de

 19   télévision ne pouvait pas fonctionner, ou juste avant cela, nous pouvions

 20   regarder des émissions télévisées à la fois des émissions croates et des

 21   émissions bosniennes, ainsi que des émissions de Serbie.

 22   Q.  Et quand est-ce que cela s'est passé ?

 23   R.  Ecoutez, ça c'était au début du deuxième semestre, ou plutôt vers la

 24   fin de 1991. Alors, vous savez, les dates, ce n'est pas vraiment mon fort,

 25   et puis cela s'est passé il y a très longtemps.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hormis les détails qui vont certainement

 27   être très utiles à la Chambre, mais l'une des dernières questions que vous

 28   avez posée était comme suit : Lorsque ce répéteur de télévision n'a pas pu


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  1   fonctionner, lorsque l'on a empêché de fonctionner, vous avez dit, ou juste

  2   avant. Puis après, ensuite, vous avez dit :

  3   "Est-ce qu'à ce moment-là la chaîne de télévision de Sarajevo a empêché ou

  4   ne pouvait pas présenter des émissions ou ne pouvait pas diffuser des

  5   émissions de la télévision de Belgrade ?"

  6   Alors si vous le savez, dites-nous-le.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je n'en sais rien. Moi, je n'ai pas

  8   particulièrement remarqué des modifications de la programmation de la

  9   chaîne Sarajevo avant cela. Et je ne me souviens pas s'ils ont arrêté de

 10   présenter des émissions de Belgrade.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous posez une

 12   question, c'est toujours opportun et judicieux d'obtenir la réponse à cette

 13   question, n'est-ce pas ?

 14   Poursuivez.

 15   M. LUKIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Sejmenovic, est-ce que vous savez que des unités armées de la

 17   Défense territoriale de Kljuc, qui combattaient les forces serbes, ont fait

 18   exploser le répéteur de télévision qui se trouvait dans le village de

 19   Ramici ?

 20   R.  Ecoutez, je n'en suis pas informé, puis je ne sais pas de quelle

 21   période vous parlez, de toute façon. Ce n'est pas, de toute façon, la même

 22   période dont nous parlions un peu plus tôt.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous ne saviez pas. Ça, c'est la

 24   réponse à la question.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous en avez entendu parler, je ne sais pas, en 1991, en

 27   1992 ?

 28   R.  Non. Non, je n'en ai pas entendu parler. De toute façon, je n'étais


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  1   même pas au courant de son existence, parce que -- bon, il n'était pas être

  2   très important, ce répéteur. Le répéteur principal se trouvait à Lisina.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous n'en avez pas entendu parler.

  4   Voilà la réponse à la question. Que cela soit important ou que cela ait pu

  5   être important ou que vous auriez dû être au courant de son existence, et

  6   que tel n'était pas le cas, ce n'est pas ça la question. Donc, limitez-vous

  7   à répondre aux questions qui vous sont posées.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 10   M. LUKIC : [interprétation]

 11   Q.  Est-ce que vous savez que le SDA insistait pour que seulement des

 12   membres du SDA soient employés par la chaîne de télévision de Sarajevo ?

 13   R.  Ce n'est pas vrai.

 14   Q.  Même s'il y a des documents qui le corroborent ?

 15   R.  Peut-être qu'il y a des documents, mais moi j'ai passé beaucoup de

 16   temps là-bas, et je ne pense pas que cela soit vrai.

 17   Q.  Est-ce que vous avez jamais vu que des gardes de la sécurité, chargés

 18   de la sécurité, de la protection du SDA garder la télévision de Sarajevo ?

 19   R.  C'est la première fois que j'en entends parler.

 20   Q.  Fort bien. Alors, vous poursuivez et vous dites que la JNA a commencé à

 21   armer la population serbe de Prijedor. Et vous dites que cela était

 22   illicite. Est-ce que nous pouvons convenir qu'il y avait une guerre qui

 23   avait lieu en Croatie à l'époque ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et que la mobilisation générale a été déclarée en 1991.

 26   R.  Oui. Mais je pense que cette population a été armée avant la

 27   mobilisation. Mais, bon. Supposons, soit, de là à supposer que cela s'est

 28   passé à ce moment-là.


Page 3505

  1   Q.  Mais est-il vrai que toute personne qui répondait à l'appel de

  2   mobilisation recevait une arme, indépendamment de son appartenance ethnique

  3   ?

  4   R.  L'armée sait mieux que moi ce qu'elle a fait lorsque les gens ont réagi

  5   et répondu à l'appel de mobilisation.

  6   Q.  Donc, vous ne savez pas à qui l'armée donnait des armes ?

  7   R.  Dans le paragraphe que vous lisez, il est question de trois situations

  8   bien particulières, et ces personnes ont reçu des armes, cela ne

  9   correspondait absolument pas aux règlements de l'armée ou aux règlements

 10   militaires.

 11   Q.  Comment est-ce que vous le savez ? Est-ce que vous avez étudié les

 12   réglementations militaires à propos des armes données à la population ?

 13   R.  Moi, j'ai fait mon service militaire. Je dois vous dire --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ne parlez pas en même temps. On

 15   vous a demandé si vous avez étudié les règlements et réglementations

 16   militaires en matière d'armement de la population. Alors est-ce que vous

 17   avez étudié ou non ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne les ai pas étudiés. Mais j'ai une

 19   certaine expérience.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Question suivante.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Savez-vous qu'en ex-Yougoslavie, à l'époque dont nous parlons, il y

 23   avait un système de Défense populaire ?

 24   R.  Je suis averti de ce système de Défense populaire, et j'ai lu un cours

 25   pendant deux ans à l'école qui se nommait de ce titre.

 26   Q.  Savez-vous que les lignes de front en Croatie, tenues par le 55e Corps,

 27   étaient de plus de 800 kilomètres de long ?

 28   R.  Je l'ignore.


Page 3506

  1   Q.  Savez-vous que les secteurs en périphérie en Bosnie-Herzégovine étaient

  2   armés ?

  3   R.  Je ne sais pas. Je sais ce qui s'est passé à Prijedor.

  4   Q.  Vous nous avez dit que vous avez servi dans l'artillerie ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Où avez-vous fait votre service militaire ?

  7   R.  A Leskovac.

  8   Q.  Et quelle était votre arme ?

  9   R.  Une lance-obus de 105 millimètres dans une garnison d'artillerie et qui

 10   avait des armes de 105 à 155 millimètres.

 11   Q.  Avez-vous fait des exercices avec des munitions réelles ?

 12   R.  Deux fois.

 13   Q.  Etes-vous allé à ce service de Krivolak ?

 14   R.  Une fois à la frontière de Bosnie.

 15   Q.  Avez-vous reçu un grade après avoir fait votre service dans l'armée ?

 16   R.  Peut-être soldat de première classe.

 17   Q.  Qu'avez-vous fait de cet obusier de 105 ?

 18   R.  J'étais -- j'en étais responsable.

 19   Q.  J'aimerais maintenant vous poser une question sur la prise de pouvoir à

 20   Prijedor --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, M. Mladic a fait un geste

 22   à nouveau. Dernier avertissement. Il n'est absolument pas nécessaire de

 23   commenter par des gestes toute réponse du témoin, ce qu'il aurait fait à

 24   l'armée ou pas.

 25   Monsieur Mladic, ceci est le dernier avertissement. Encore une fois et vous

 26   devrez sortir du prétoire.

 27   Maître Lukic, si vous voulez bien procéder.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci.


Page 3507

  1   Q.  En parlant de la prise du pouvoir à Prijedor, vous avez déclaré que

  2   tous les Musulmans ont été démis de leurs fonctions. Ce dont j'aimerais

  3   vous parler plus particulièrement, c'est la période de prise de pouvoir

  4   jusqu'au 22 mai 1992. Et vous en êtes convenu qu'après cette prise de

  5   pouvoir, seuls les hommes politiques ont perdu leurs postes à Prijedor,

  6   c'est-à-dire ceux qui tenaient des postes élevés en qualité de membres d'un

  7   certain parti car le SDS avait pris le pouvoir ?

  8   R.  Dans les premières journées, comme je l'ai dit, c'étaient les hommes

  9   politiques. Par la suite, ça a été les enseignants, les contremaîtres dans

 10   les usines et d'autres effectifs de moindre grade, et ensuite tout un

 11   chacun.

 12   Q.  Avant le 22, ceux qui ne sont pas venus au travail pendant trois jours

 13   ont perdu leurs postes, et c'était tout à fait légal ?

 14   R.  Je ne peux pas parler de cas particuliers et du sort de particuliers;

 15   ceux qui sont venus au travail, qui n'ont pas pu entrer, ceux qui

 16   travaillaient dans des banques et qui n'ont pas pu passer la porte. Et

 17   donc, l'administration a décidé qu'il s'agissait là d'une non-présentation

 18   au travail, et donc ça a été uniquement symptomatique de toute la situation

 19   et des relations.

 20   Q.  Vous déclarez dans le même paragraphe :

 21   "Par la suite, le mouvement des secteurs non-serbes vers Prijedor a été

 22   interdit."

 23   Qui a présenté cette interdiction ?

 24   R.  Nous pouvions voir que cela se déroulait. Nous n'avons vu que

 25   l'interdiction elle-même, son exécution. Nous n'avons pas vu le document

 26   lui-même. Les postes de contrôle militaire ont été mis en place à Orlovici,

 27   et dans la période dont nous parlons, l'on ne pouvait traverser ces postes

 28   de contrôle. Il vous fallait demander un laissez-passer spécial. Et pour me


Page 3508

  1   rendre à Prijedor -- ou, tout du moins quand nous nous sommes rendus à

  2   Prijedor, c'est fait avec un laissez-passer pour passer par le poste de

  3   contrôle.

  4   Q.  Donc, la circulation était contrôlée. Elle n'était pas interdite.

  5   R.  La plupart des personnes devaient tourner les talons. Et ceux qui

  6   voulaient aller en ville pour aller au travail et ceux qui souhaitaient

  7   aller en ville pour d'autres raisons, pour faire des courses, ont dû

  8   rebrousser chemin. Et sur quels motifs les personnes ont pu passer par les

  9   postes de contrôle, je l'ignore. Je sais qu'il incombait aux autorités, à

 10   ceux qui étaient en contrôle de ces postes de contrôle d'en décider. Vers

 11   Banja Luka, en revanche, il était impossible de passer, point.

 12   Q.  Ceci s'appliquait-il dans la direction de Kozarac ? Pouviez-vous passer

 13   par Ljubija ?

 14   R.  Je l'ignore.

 15   Q.  Vous dites :

 16   "Les enseignants non-serbes ont été démis de leurs postes à l'école."

 17   Quand cela s'est-il fait ?

 18   R.  Les enseignants ont été démis de leurs postes à l'école quelque temps

 19   avant la prise du pouvoir. Seule une personne, une dame, est restée à son

 20   poste à l'école, elle était mariée à un Serbe. Et c'est d'elle que nous

 21   avons obtenu quelque information quant à ce qui se passait dans l'école. Et

 22   il est certain que ceci s'est déroulé également dans d'autres écoles.

 23   Certains de nos militants SDA étaient des enseignants d'école et nous ont

 24   dit ce qui s'y passait.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Pourrions-nous faire une pause, Monsieur le

 26   Président ? A l'évidence, M. Mladic --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons donc prendre une pause

 28   anticipée.


Page 3509

  1   Est-ce que le témoin pourrait être accompagné pour sortir du prétoire.

  2   Et nous reviendrons dans 20 minutes, si faire se peut.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à 11 heures moins 20.

  5   --- L'audience est suspendue à 10 heures 18.

  6   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on faire venir le témoin au

  8   prétoire.

  9   Entre-temps, je vais saisir cette occasion -- Monsieur Mladic, le pouce

 10   levé, c'est un geste inacceptable; et c'est vrai d'ailleurs que d'avoir le

 11   pouce vers le bas. C'est simplement pour que vous le sachiez.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous voulez bien

 14   reprendre.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur Sejmenovic, nous avons parlé de la question du renvoi des

 17   enseignants. Avez-vous appris que les écoles à Prijedor avaient cessé leur

 18   travail le 20 mai 1992 ?

 19   R.  Quelque temps après cette période, la période dont nous avons parlé,

 20   elles ont continué à fonctionner entre sept à dix jours.

 21   Q.  Et avant la prise du pouvoir, vous sembliez dire que d'aucuns

 22   [inaudible] avant le 30 avril.

 23   R.  Je n'ai jamais dit cela.

 24   Q.  Je pense que c'est ce que vous aviez dit.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien observer une pause

 26   entre les questions et les réponses.

 27   M. LUKIC : [interprétation]

 28   Q.  Cela se trouve au compte rendu. Ligne 8, page 18.


Page 3510

  1   "…les écoles avant la prise du pouvoir."

  2   R.  Avant l'attaque.

  3   Q.  L'attaque contre --

  4   R.  Avant le coup d'état militaire, avant l'attaque contre Kozarac et

  5   Hambarine. Les renvois se sont tenus après la prise du pouvoir.

  6   Q.  Paragraphe 17 de ce document - nous allons nous appesantir - vous y

  7   déclarez que :

  8   "Les non-Serbes qui travaillaient et qui essayaient de se rendre au

  9   travail ont été envoyés chez eux. Et que le chef de la police Hasan

 10   Taludzic avait été délégué par le SDA, et nous a dit que des agents de

 11   police non-serbes seraient désarmés et envoyés chez eux."

 12   Est-il exact que les agents de police en question ont refusé de

 13   reconnaître l'autorité du SDS après la prise du pouvoir ?

 14   R.  Les agents de police ont été désarmés, et ce, au commissariat de

 15   police. Par la suite, certains d'entre eux se sont vu offrir la

 16   possibilité, par la suite --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Sejmenovic, la question était

 18   différente. La question était à savoir si M. Taludzic a refusé de

 19   reconnaître l'autorité du SDS après la prise du pouvoir. Est-ce oui ou non,

 20   selon vous ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Taludzic a refusé et il ne pouvait plus tenir

 22   son poste.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lukic, veuillez procéder.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Paragraphe 18. On voit -- vous y parlez de la pièce 06908, qui est

 26   P285.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Si vous voulez bien, nous l'afficherons à

 28   l'écran.


Page 3511

  1   Q.  Vous avez cité une partie de ce document.

  2   "Les seules personnes qui étaient absolument loyales à la République

  3   serbe de Bosnie-Herzégovine pouvaient être en position de direction dans

  4   les entreprises."

  5   La situation permettait-elle qu'à cette époque ceux qui étaient loyaux à

  6   l'autre parti puissent rester à leur poste de cadre de direction ?

  7   R.  Messieurs les Juges, il s'agissait d'un document paraétatique qui a été

  8   mis en place par des autorités paralégales, et cela allait à l'encontre de

  9   la loi. Nous respections les lois de la Bosnie-Herzégovine et de ses

 10   autorités.

 11   Q.  Eh bien, nous en arrivons encore une fois au domaine de la loi. Nous

 12   avons déjà établi que vous n'êtes pas juriste.

 13   R.  Pour l'affirmer, l'on n'a pas besoin d'être juriste. Il s'agit d'un

 14   fait.

 15   Q.  Les faits sont que vous n'avez pas respecté les lois de la Yougoslavie.

 16   R.  Nous avons respecté les lois de la Bosnie-Herzégovine. Et la région

 17   autonome de la Krajina état un para-Etat à l'époque.

 18   Q.  A l'époque, la JNA était-elle les forces armées officielles de la

 19   Bosnie-Herzégovine ?

 20   R.  Jusqu'à un certain point, mais par la suite --

 21   Q.  Nous parlons du 11 mai.

 22   R.  Le 11 mai ce l'était encore, mais ils avaient l'obligation d'agir dans

 23   le droit fil de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire les instructions de la

 24   présidence de la Bosnie-Herzégovine, ce qui n'a pas été le cas. Elles ont

 25   été à l'inverse de la volonté du commandant suprême, qui faisait partie du

 26   commandement Suprême qui faisait partie de la présidence de Bosnie-

 27   Herzégovine.

 28   Q.  A votre sens, le commandant suprême de la JNA en Bosnie-Herzégovine


Page 3512

  1   était le président de la présidence de la BH en Bosnie ?

  2   R.  En Bosnie-Herzégovine, l'armée n'était pas indépendante. Elle pouvait

  3   agir en coopération avec l'Etat.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, veuillez laisser le témoin

  5   vous répondre, finir de vous répondre.

  6   M. LUKIC : [interprétation]

  7   Q.  Voici quelle était ma question : est-ce que selon vous, c'était le

  8   président de la présidence de Bosnie-Herzégovine qui était le commandant

  9   suprême de la JNA en Bosnie-Herzégovine ?

 10   R.  Peut-être que je me suis mal exprimé. Mais l'armée avait un général en

 11   tant que commandant. Sur le territoire d'une république, l'armée ne pouvait

 12   pas agir comme si cette république n'existait pas. Elle ne pouvait agir

 13   qu'en accord avec le président, et la présidence de cette république. Or,

 14   elle se comportait comme s'il n'y avait ni présidence, ni assemblée au sein

 15   de cette république, et soutenait des formations paraétatiques qui étaient

 16   en train de se mettre en place.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que ne poursuivons pendant encore

 18   une heure sur ce sujet, il semblerait que l'interrogatoire soit assez

 19   chaotique, et se penche avant tout sur des questions juridiques dans lequel

 20   le témoin souscrit clairement à l'idée et soutien cette dernière, que la

 21   région autonome de Krajina n'était pas une autorité qui méritait

 22   l'obéissance, alors que vous-même, Maître, vous soulignez que la JNA était

 23   toujours l'armée officielle de la Yougoslavie à l'époque. Et le témoin, à

 24   son tour, introduit des éléments visant à expliquer de quelle façon l'armée

 25   de l'ex-Yougoslavie pouvait être limitée dans l'exercice de ses fonctions.

 26   Nous sommes en présence d'une discussion assez chaotique. Je crois qu'il y

 27   a eu des controverses considérables concernant l'Etat, les forces armées,

 28   et les forces de la police, et leur autorité.


Page 3513

  1   Je crois que cela n'apporte rien à la Chambre que d'entrer dans tous

  2   ces détails, tout comme nous n'avons aucune utilité à entendre les détails

  3   concernant l'endroit précis où le témoin a fait son service militaire, s'il

  4   s'agissait d'une unité de mortier ou de quelque chose d'autre. En tout cas,

  5   tel quel, cela ne nous assiste en rien. La Chambre, par conséquent, ne voit

  6   pas en quoi ceci a la moindre utilité.

  7   Veuillez avancer.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

  9   je me fonde sur la déclaration du témoin, c'est la sienne, et je dois donc

 10   l'interroger à ce sujet. S'il dit savoir quelque chose, laissons-le

 11   s'expliquer. Je pense qu'à chaque fois qu'il a essayé de nous expliquer

 12   quelque chose cela s'est avéré utile.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas que vous n'êtes pas en

 14   train de poser des questions portant sur ce que le témoin a déclaré, mais

 15   vous allez beaucoup plus loin, et c'est précisément cela que les Juges de

 16   la Chambre ne considèrent pas comme allant dans l'intérêt de la justice.

 17   Alors, vous lui avez demandé quand des enseignants ont été licenciés

 18   ou non; il nous a expliqué en quoi consistait la prise des pouvoirs, à son

 19   sens. Mais plus vous allez dans les détails et plus vous obtenez des

 20   réponses qui sont truffées d'éléments de détail, et nous nous aventurons de

 21   plus en plus loin de ce qui est au cœur du sujet en l'espèce. Voilà

 22   l'instruction que nous pouvons vous donner pour votre contre-interrogatoire

 23   à ce stade.

 24   Veuillez poursuivre.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Q.  Est-il exact qu'à cette époque, donc nous voyons que c'est la date du

 27   11 mai, le SDS demandait également que les Serbes lui soient loyaux, et ils

 28   vérifiaient leurs loyautés, ils ne procédaient pas ainsi uniquement à


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  1   l'égard des Musulmans, n'est-ce pas. Voyez le point numéro 6, il est dit

  2   que : On exige le retour immédiat de tous les hommes en état de porter les

  3   armes qui avaient fui la région de la Krajina. Retour de ces hommes dans

  4   leurs municipalités respectives. C'est au point numéro 6.

  5   Et ensuite, il est dit :

  6   "Le fait de ne pas répondre aux appels mentionnés entraînera une

  7   interdiction de retour des personnes concernées à leurs domiciles, c'est-à-

  8   dire sur le territoire de la Région autonome de Krajina, et tous leurs

  9   biens meubles et immeubles seront confisqués."

 10   Est-ce que ceci concerne les Musulmans, les Croates, les Serbes, ou encore

 11   tous les trois ensemble ?

 12   R.  D'après le paragraphe numéro 6, cela s'applique à tout le monde. Mais

 13   la dernière phrase est en elle-même tout à fait claire, elle en dit très

 14   long quant à la légitimité de ce document et de la personne qui l'ai mis.

 15   Parce qu'un acte de confiscation de biens dans aucun système juridique ne

 16   peut être la conséquence d'un refus de répondre à un appel à la

 17   mobilisation.

 18   Q.  Non, en effet, jusqu'au moment où une telle loi est adoptée, n'est-ce

 19   pas. Parce qu'à partir du moment où une telle loi est adoptée; c'est bien

 20   le cas ?

 21   R.  Non, une telle loi n'a été adoptée par personne. Et cette phrase nous

 22   dit exactement de quoi il s'agit. Ceci n'a aucun fondement ni dans la

 23   constitution de Bosnie-Herzégovine ni dans le moindre texte juridique dont

 24   j'ai pu avoir connaissance sur la base de ma pratique parlementaire. La

 25   Région autonome était un para-Etat.

 26   Q.  Merci. Combien d'usines fonctionnaient-elles à Prijedor et de quel type

 27   d'usines il s'agissait ? Parce que vous dites que les non-Serbes ont été

 28   licenciés des usines.


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  1   R.  Je ne connais pas les détails, mais il y avait une usine de cellulose,

  2   dont certains équipements ont continué à fonctionner. Il y avait plusieurs

  3   usines.

  4   Q.  Un instant, un instant. N'est-il exact que cette usine a cessé de

  5   fonctionner parce qu'elle n'a pas pu obtenir en provenance de Croatie des

  6   matières premières ?

  7   R.  Je sais qu'une partie de l'usine a continué à fonctionner. La partie

  8   appelée Fel Pak [phon]. Il y avait d'autres installations qui

  9   fonctionnaient également, près de la gare, des entreprises de transport

 10   également, les installations qui étaient près de la gare remplissaient des

 11   tâches liées au transport ferroviaire, il y avait certaines entreprises

 12   publiques également qui continuaient à fonctionner.

 13   Q.  Est-il exact qu'il n'y avait pas là seulement licenciement d'employés

 14   mais, en fait, on était en présence d'un arrêt complet de l'activité

 15   économique à Prijedor, et ceci était directement lié à l'attaque lancé

 16   contre Prijedor et aux incidents à Kozarac ainsi qu'ailleurs, n'est-ce pas

 17   ?

 18   R.  Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'étais pas moi-même à

 19   Prijedor. Mais je ne pense pas que cela puisse avoir une influence au point

 20   d'arrêter entièrement toute activité économique.

 21   Q.  Vous dites de façon critique, au paragraphe 20, que les Serbes se

 22   vantaient d'avoir réussi à prendre Prijedor sans avoir eu à tirer un seul

 23   coup de fusil. Paragraphe 20. Est-ce exact qu'il y a eu prise de pouvoir

 24   sans aucun de feu tiré ?

 25   R.  Oui. Mais c'est seulement la moitié de la phrase que vous avez lue.

 26   Q.  Oui, mais nous avons votre déclaration que nous pouvons lire. Donc je

 27   vous demande simplement si c'est exact.

 28   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Maintenant au paragraphe 21. Vous y dites les personnalités principales

  2   faisant partie de la cellule de Crise étaient, vous énumérez Stakic,

  3   Kovacevic, Simo Drljaca, et vous dites " …tout comme également des

  4   commandants militaires." Alors, est-ce que les commandants militaires

  5   étaient membres de la cellule de Crise de Prijedor ?

  6   R.  En vertu des lois applicables, la cellule de Crise en temps de guerre

  7   était très précisément définie, y compris sa structure et l'identité de ses

  8   membres.

  9   Q.  Moi, je vous demande si des soldats étaient également membres de la

 10   cellule de Crise en application de ces législations.

 11   R.  Le commandant de garnison dans une municipalité donnée, de par ses

 12   fonctions, devient d'office membre de la cellule de Crise.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est que maintenant, Maître Lukic,

 14   que la réponse du témoin est complète au compte rendu.

 15   Je n'ai pas besoin de vous expliquer, n'est-ce pas, comment vous êtes censé

 16   procéder. Veuillez en tenir compte.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi. Je vous remercie.

 18   Je voudrais que l'on affiche le document 1D323 dans le prétoire

 19   électronique.

 20   Q.  Il s'agit d'une décision portant organisation de la cellule de

 21   Crise de Prijedor datée du mois de mai 1992. Il y est question de

 22   l'organisation. Et au point ou à l'article numéro 4 --

 23   M. LUKIC : [interprétation] Figurant en page numéro 3 de la version en

 24   B/C/S, telle qu'affichée dans le prétoire électronique, et en page numéro 2

 25   de la version anglaise.

 26   Q.  Nous pouvons voir, dans ce point numéro 4 donc, qu'il est écrit ce qui

 27   suit, je cite :

 28   "La cellule de Crise de la municipalité de Prijedor est constituée d'un


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  1   président, d'un vice-président et de neuf membres."

  2   Et ensuite, nous voyons de quels membres il s'agit, qui sont donc ces

  3   représentants censés faire partie de la cellule de Crise. Dans cet article,

  4   à aucun endroit nous ne trouvons mention d'un militaire en tant que membre

  5   de la cellule de Crise.

  6   R.  Avec votre permission peut-être --

  7   Q.  Est-ce qu'à l'époque vous étiez au courant de ce texte ? Et quelles

  8   étaient vos sources et vos informations d'après lesquelles vous vous

  9   exprimez quant à la composition de la cellule de Crise ?

 10   R.  Alors, ce document a été adopté par le nouveau pouvoir au mois de mai

 11   1992, et c'est ce qui figure au début du document également. La législation

 12   qui était en vigueur jusqu'à ce moment-là disposait exactement de la

 13   question de savoir qui pouvait devenir membre de la cellule de Crise et

 14   dans quelles conditions, ainsi que de la façon dont cette cellule de Crise

 15   était organisée et fonctionnait.

 16   Donc, en vertu de la législation en vigueur précédemment, la cellule

 17   de Crise avait une configuration différente, et les commandants de

 18   garnisons militaires de la JNA - dans les municipalités dotées de garnisons

 19   - faisaient obligatoirement partie des cellules de Crise.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous avez connaissance de l'application qui était

 21   réellement faite à l'époque dans la municipalité de Prijedor, à savoir quel

 22   était le texte appliqué ? Est-ce que c'était celui que nous avons sous les

 23   yeux ou la législation précédemment en vigueur dont vous venez de nous

 24   parler ?

 25   R.  Jusqu'à la prise du pouvoir, les textes appliqués étaient ceux qui

 26   étaient jusque-là en vigueur, et en vertu de ces mêmes textes, la cellule

 27   de Crise s'était déjà réunie une fois. Et lors de cette réunion, le colonel

 28   Arsic était présent. Il a rencontré le chef Cehajic, et ils ont discuté de


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  1   la mise en place d'une cellule de Crise. Lorsqu'il y a eu prise de pouvoir,

  2   ce document a été adopté, et moi, je n'ai pas pu --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter

  4   le nom du soldat que vous venez de mentionner.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Vladimir Arsic, commandant de garnison. Avant

  6   la prise du pouvoir, il y a eu une initiative qui consistait à mettre en

  7   place une cellule de Crise et à organiser une réunion de cette cellule de

  8   Crise en raison de la situation. En vertu du statut de la municipalité, les

  9   dirigeants se sont rencontrés, et lors de l'une des réunions, le colonel

 10   Arsic était également présent et a eu une discussion avec le président de

 11   la municipalité. Je signale que ceci a eu lieu avant la prise du pouvoir.

 12   Une fois qu'il y a eu prise du pouvoir, le pouvoir serbe a adopté de

 13   nouveaux textes, et ce que nous voyons à l'écran, ce sont de nouvelles

 14   modalités de l'organisation de la cellule de Crise qui sont différentes de

 15   ce dont disposaient les textes en vigueur avant la prise du pouvoir quant à

 16   l'organisation de la cellule de Crise.

 17   En l'espèce, vous avez ici une disposition en vertu de laquelle le

 18   chef chargé des affaires communales et qui ont trait au logement est censé

 19   devenir membre de la cellule de Crise. Ce qui est absurde, parce que

 20   d'après la législation précédente, il n'y avait absolument aucun fondement

 21   sur la base duquel cette personnalité pouvait devenir membre de la cellule

 22   de Crise. Et moi, je peux vous dire très clairement qui étaient censés être

 23   les membres de la cellule de Crise en application de la législation

 24   précédemment en vigueur.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous présentez ceci comme

 26   une décision. Cependant, prima facie, cela semble être une version

 27   provisoire. En tout cas, nous ne voyons pas la date à laquelle ceci aurait

 28   été adopté. Est-ce que vous pourriez donc nous dire si ce texte n'a jamais


Page 3519

  1   été adopté.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Ce document, Monsieur le Président, a été

  3   utilisé dans le procès Stakic.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci ne répond pas à ma question.

  5   Je ne suis pas en train de dire qu'on aurait fait des choses déraisonnables

  6   dans le procès Stakic. Pas du tout. Ce que je vous demande simplement,

  7   c'est est-ce que ce document a été adopté, parce qu'à première vue nous ne

  8   voyons pas la date de son adoption ni la signature à l'endroit où on

  9   l'attendrait. Donc, ce qui m'intéresse, c'est le statut de ce document que

 10   vous avez présenté comme étant une décision.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, c'est tout à fait évident, à partir du

 12   procès-verbal des réunions de la cellule de Crise qui ont été tenues

 13   postérieurement à la prise du pouvoir, que ce document a été appliqué.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter tout ce

 15   que vous venez de dire, parce que vous n'avez pas laissé la possibilité aux

 16   interprètes de finir d'interpréter mes propres propos.

 17   Je vous prie donc de recommencer. Vous souhaitiez nous dire que ceci

 18   était évident à partir des procès-verbaux, n'est-ce pas.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Des procès-verbaux des séances de la

 20   cellule de Crise de la municipalité, il apparaît de façon évidente que ce

 21   document, ce texte, a été appliqué.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, si vous voulez demander le

 23   versement au dossier du procès-verbal de la réunion d'une cellule de Crise

 24   à telle et telle date, eh bien, je vous suggère de le faire de façon

 25   directe, de procéder par versement direct. Mais tout ceci est plutôt flou,

 26   et la Chambre se doit d'insister sur des faits plutôt que sur des débats.

 27   Donc, je comprends que votre position consiste à dire que ceci a été

 28   adopté. Mais nous ne savons toujours pas quand. Et nous souhaitons obtenir


Page 3520

  1   davantage d'informations quant à ce document, parce qu'à première vue il

  2   s'agit d'une version provisoire. Peut-être que cela a été adopté sans aucun

  3   changement. Mais en tout cas, informez-nous-en.

  4   Veuillez poursuivre.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite juste informer les Juges de la

  6   Chambre que ce document, nous l'avons reçu de l'Accusation. Il porte une

  7   référence de l'Accusation. Et nous aurons un témoin de la cellule de Crise

  8   au cours du procès qui est proposé par l'Accusation. Donc, je crois que ce

  9   sera peut-être le meilleur moment pour se repencher sur ce document en

 10   détail.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Aucun problème. Mais, Maître,

 12   le simple fait que ceci ait été reçu par vous de l'Accusation ne signifie

 13   pas qu'un document, qui a toutes les apparences d'une version provisoire,

 14   ait été adopté. Vous le présentez comme une décision, dans ce cas-là vous

 15   devez nous expliquer ce qu'il en est. A ce stade, nous ne savons toujours

 16   pas ce qu'il en est.

 17   Veuillez poursuivre.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Entendu. Merci.

 19   Q.  Monsieur Sejmenovic, nous allons aller de l'avant. Paragraphe 22 de

 20   votre déclaration, où vous dites qu'il s'agit d'une partie de la

 21   déclaration relative à la création de l'armée de la Republika Srpska et

 22   intensification de la coopération avec la cellule de Crise. A ce sujet, au

 23   paragraphe 22 donc, vous dites que :

 24   "La JNA s'est retirée de Bosnie-Herzégovine en mi-mai 1992, mais

 25   qu'en réalité elle ne s'était pas retirée, mais qu'il y avait juste eu un

 26   changement de nom. Les officiers se sont appelés désormais armée serbe, et

 27   les effectifs militaires n'ont fait que croître dans le secteur de

 28   Prijedor…"


Page 3521

  1   Ma question pour vous est celle-ci : est-ce que pour ce qui est --

  2   vous avez témoigné au sujet de Prijedor notamment, est-ce qu'il y a eu

  3   départ de soldats originaires de la Serbie depuis cette municipalité de

  4   Prijedor; savez-vous cela ?

  5   R.  Pour autant que je le sache, il y a un petit groupe de recrues

  6   qui était stationné et qui n'était pas déployé au combat sur le territoire

  7   de Mrakovica, dans une caserne.

  8   Q.  Oui, un instant. Les soldats qui sont restés, étaient-ce des gens

  9   originaires de Serbie, de Macédoine, du Monténégro, ou étaient-ce des gens

 10   originaires non seulement de la Bosnie-Herzégovine, mais de la Krajina de

 11   Bosnie plus précisément ?

 12   R.  La plupart d'entre eux étaient originaires de cette région. Je parle

 13   des réservistes mobilisés qui avaient fait partie des effectifs de la 5e

 14   Brigade de Kozara. Mais le cadre de commandement, lui, est resté. Les

 15   cadres supérieurs étaient restés, or la décision stipulait leur départ. Et,

 16   bien entendu, les armes aussi sont restées.

 17   Q.  Je vais vous poser la question à ce sujet - et je crois qu'il en a déjà

 18   été question - on en a débattu, disais-je, avec des militaires issus du

 19   commandement du 5e Corps. Or, moi, ce que je me propose de vous demander,

 20   c'est ceci : après le 28 juin, lorsqu'il y a eu percée du corridor et

 21   lorsque les gens ont pu quitter le territoire de la Krajina de Bosnie,

 22   indiquez-nous, s'il vous plaît, les noms de ceux au sujet de qui vous savez

 23   qu'ils sont restés dans les rangs de l'armée de la Republika Srpska.

 24   R.  Quelle date, avez-vous dit ?

 25   Q.  28 juin 1992.

 26   R.  Ce 28 juin, j'étais tout à fait seul sur le terrain. Avec aucun contact

 27   et aucune communication avec qui que ce soit. Peu de temps après, je suis

 28   allé au camp de Trnopolje, j'ai réalisé certains contacts et je me suis


Page 3522

  1   procuré des informations.

  2   Q.  Partant de ces informations et des connaissances acquises, est-ce que

  3   vous pouvez nous dire que vous ne savez pas qui de ces officiers

  4   originaires de Serbie-et-Monténégro étaient restés dans les rangs de la

  5   VRS; et si vous le savez, pouvez-vous nous donner les noms ?

  6   R.  Ces détails, je ne le sais pas. Je ne les connais pas, ces individus

  7   issus de l'armée, non.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais vous devriez quand même faire

  9   des petites pauses entre les questions et les réponses.

 10   M. LUKIC : [interprétation]

 11   Q.  Je voudrais maintenant que nous passions au paragraphe 23. Suite à la

 12   prise du pouvoir à Prijedor par le SDS, avez-vous pris part aux réunions de

 13   l'assemblée, de cette assemblée tronquée à l'époque dans Prijedor, et avez-

 14   vous participé aux réunions de la cellule de Crise ?

 15   R.  Après la prise du pouvoir, non; avant la prise du pouvoir, oui.

 16   Q.  Est-ce qu'on peut tirer une conclusion qui serait celle de dire que

 17   vous ne savez pas quel avait été le relationnel entre la cellule de Crise

 18   et la VRS ?

 19   R.  Après la prise du pouvoir, oui, je le sais, parce que nous avons été à

 20   une réunion où il y avait l'armée et la direction du SDS, des gens qui

 21   étaient aussi au sein de la cellule de Crise. Il y avait une coopération

 22   pleine et entière. Mais dans certains aspects des choses, la prédominance

 23   était du côté de l'armée.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je demander un éclaircissement.

 25   Dans la déclaration, il est dit que :

 26   "A l'assemblée municipale, Arsic et Zeljaja avaient dit qu'ils se

 27   décrivaient comme étant des hommes politiques du SDS."

 28   Alors, si vous n'avez pas assisté aux réunions de l'assemblée


Page 3523

  1   municipale, comment pouviez-vous savoir quelle était l'utilisation du

  2   vocabulaire exactement utilisé ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, Monsieur le Juge, au paragraphe 23,

  4   au tout début il est dit "après la création de l'armée de la VRS," mais en

  5   réalité, dans ce paragraphe on englobe une période de temps assez longue.

  6   Avant la prise du pouvoir, Arsic et Zeljaja ont participé à plusieurs

  7   sessions de l'assemblée municipale où j'ai été présent moi-même. Et cette

  8   expression "nous" était utilisée pour tous ceux qui apportaient leur

  9   soutien à cette politique, c'est-à-dire aller faire la guerre en Croatie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Mais ce paragraphe 23

 11   laisse entendre que les choses ont changé après la création de la VRS, ce

 12   qui revient à dire que le relationnel est devenu plus direct, tel

 13   qu'illustré par l'utilisation du mot "nous", qui montre que cette situation

 14   était déjà en place avant. Ai-je bien compris ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez compris. Et à la réunion

 16   où nous avons été présents, là aussi il se servait du "nous".

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. C'est ce que vous avez dit avant,

 18   et j'ai attiré votre attention sur le fait qu'apparemment il n'y a pas eu

 19   de changement après ce que vous décrivez au paragraphe 23 puisque c'était

 20   déjà en place avant.

 21   Veuillez continuer, Maître Lukic.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Dans votre déclaration datée du 29 mai 2002, paragraphe 2 en version

 24   B/C/S, page --

 25   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi la référence. Est-ce que la

 26   page peut être répétée ?

 27   M. LUKIC : [interprétation]

 28   Q.  -- vous dites ce qui suit :


Page 3524

  1   "L'ordre de départ au combat et l'ordre d'attaque pouvaient être

  2   donnés uniquement par les commandants militaires. Il n'y avait qu'eux à

  3   pouvoir donner des ordres pour ce qui est de tirer avec des pièces lourdes

  4   d'artillerie. Mais l'ordre de lancer des combats était une décision

  5   politique. En l'occurrence, soit de la part de la cellule de Crise ou du

  6   Conseil de la Défense nationale à Prijedor."

  7   Vous parlez là de l'attaque lancée contre Hambarine.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lukic, la Chambre n'a pas

  9   connaissance de tout ceci. Enfin, nous n'y avons pas eu accès. Par

 10   conséquent, nous aimerions que vous nous le montriez. Nous aimerions

 11   connaître le contexte.

 12   M. LUKIC : [interprétation] J'avais l'intention de poser des questions au

 13   témoin au sujet de ce qu'il a dit aujourd'hui. Rien d'autre.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'en demeure pas moins -- pouvez-vous

 15   lui poser la question sans faire référence à la déclaration. Vous pouvez

 16   poser la question et on aura la même chose. Mais maintenant c'est

 17   différent, puisque vous dites que vous citez une déclaration, or la Chambre

 18   voudrait avoir accès à cette déclaration aux fins d'être plus à même

 19   d'évaluer le témoignage de ce témoin.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons pas téléchargé cette déclaration

 21   dans le système, Messieurs les Juges. Mais si ce n'est pas possible, je

 22   vais reformuler ma question.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Faites.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Est-il exact de dire qu'il y avait eu une décision politique consistant

 26   à lancer une attaque sur Hambarine émanant de la cellule de Crise ou du

 27   Conseil de crise de Prijedor, chose que la VRS a exécutée ?

 28   R.  Dans la déclaration à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure,


Page 3525

  1   j'ai dit qu'en principe - et il a toujours été ainsi - pour utiliser la

  2   force, il faut qu'il y ait une décision politique. L'armée, elle, reçoit

  3   des ordres suivant la filière de subordination et exécute ces ordres. Pour

  4   ce qui est de savoir qui est l'autorité politique concernée, aux yeux de

  5   l'armée, ça c'est une autre question maintenant.

  6   Q.  Bon.

  7   M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais qu'au prétoire électronique on nous

  8   montre le 1D322. Il s'agit d'un rapport établi par le ministère de

  9   l'Intérieur, centre des services de Sécurité à Banja Luka, poste de

 10   sécurité publique Prijedor. Le rapport est destiné aux centres d'accueil

 11   sur le territoire de la municipalité de Prijedor.

 12   Q.  En page 2 de la version en B/C/S - en B/C/S, c'est le dernier

 13   paragraphe de la page 2, et la page 2 de la version anglaise, c'est le

 14   paragraphe numéro 2 à partir du haut - il y est dit :

 15   "La cellule de Crise de la municipalité de Prijedor a décidé d'intervenir

 16   militairement dans ce village aux fins de désarmement et de la capture

 17   d'auteurs connus de crimes à l'égard de soldats. L'armée est intervenue et

 18   a placé sous son contrôle le village de Hambarine."

 19   Est-ce que c'est ce que vous avez appris de l'époque où vous étiez, à

 20   savoir que la cellule de Crise donnait des ordres à l'armée ?

 21   R.  Moi, je sais d'expérience qu'à Prijedor c'était le commandement

 22   militaire de Banja Luka qui donnait des ordres; or, la cellule de Crise de

 23   Prijedor ne pouvait pas, elle, donner des ordres au Corps de Banja Luka. Il

 24   fallait qu'il y ait une instance plus élevée, plus haut placée pour qu'il y

 25   ait, partant de là, des activités de déployées.

 26   Q.  Bon. Plus tard vous avez parlé d'Omarska, mais comme ce document est

 27   déjà affiché sur nos écrans, je me propose de vous poser quelques

 28   questions. Page 4 de la version B/C/S, maintenant. Je n'arrive pas à


Page 3526

  1   retrouver le paragraphe en version anglaise. Aussi, vais-je passer à un

  2   sujet autre.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Page 8 de la version B/C/S, s'il vous plaît, et

  4   page 6 de la version anglaise.

  5   Q.  Au paragraphe 5 à partir du haut dans la version en B/C/S, et c'est le

  6   paragraphe 5 aussi pour ce qui est de la version anglaise, à l'intitulé

  7   grand 3, il est dit, et je précise qu'il s'agit du rapport présenté par le

  8   poste de sécurité publique de Prijedor :

  9   "Le centre d'investigation des prisonniers de guerre à Omarska, ainsi que

 10   le site de transition Keraterm sont sécurisés directement par les employés

 11   de la police conformément à la décision de la cellule de Crise, étant donné

 12   qu'il a été jugé du fait qu'il y avait beaucoup d'endroits et de sites où

 13   il y avait des combats armés, l'armée n'a pas les forces nécessaires pour

 14   ce qui est de prendre en charge ces installations-là aussi."

 15   Dans votre déclaration, à partir du paragraphe 52, vous indiquiez que vous

 16   avez vu des soldats dans le camp d'Omarska. Vous dites que vous les avez

 17   vus dans plusieurs endroits, vous dites que vous avez vu des soldats qui

 18   s'y trouvaient cantonnés et vous les avez vus également marcher entre les

 19   hangars. Donc, vous dites avoir vu des personnes portant l'uniforme. Mais

 20   comment est-ce que vous avez pu déterminer à l'intérieur d'Omarska, au

 21   centre d'Omarska, où se trouvaient des personnes qui faisait partie de

 22   l'armée et qui n'en faisait pas partie ?

 23   R.  Bien, écoutez, en partie d'après les uniformes, et puis j'ai également

 24   obtenu des renseignements en parlant avec d'autres personnes.

 25   Q.  Justement, lorsque vous avez parlé à d'autres personnes, est-ce que

 26   vous avez entendu le nom de ces militaires, est-ce que vous avez appris à

 27   quelles unités ils appartenaient, par exemple, ou est-ce que vous avez

 28   appris le nom de ces unités ?


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  1   R.  Non. Non, non. Je n'ai pas pu obtenir ce genre d'information.

  2   Q.  Mais vous savez que de nombreuses personnes ont été condamnées pour ce

  3   qui a été fait à Omarska, ici par ce Tribunal, par des tribunaux de Bosnie-

  4   Herzégovine; vous savez cela ?

  5   R.  Oui, je sais qu'il y a eu des condamnations, effectivement, mais je ne

  6   sais pas combien. Je n'ai pas suivi cela de très, très, près.

  7   Q.  Mais est-ce que vous savez que ces jugements ont déterminé qu'il n'y

  8   avait que des policiers qui avaient travaillé à Omarska ?

  9   R.  Non, cela, je ne sais pas. Mais d'après mon vécu, je peux vous dire

 10   qu'il n'y avait pas que des policiers.

 11   Q.  Bien. Mais vous n'avez pas d'exemples précis à nous donner à ce sujet

 12   pour contrecarrer ces jugements, les jugements de ce Tribunal et les

 13   jugements de la cour de Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Non. Je ne connais pas les noms, les prénoms ou, d'ailleurs, les

 15   affectations militaires en temps de guerre de ces personnes.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Un petit moment, je vous prie.

 17   Peut-être qu'on serait mieux de faire la pause ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que nous avons commencé avec un

 19   certain retard, nous pouvons poursuivre.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Bien.

 21   Q.  Au paragraphe 24, voilà ce que vous dites :

 22   "Slobodan Kuruzovic, un représentant du SDS, était présent à la réunion, et

 23   par la suite est devenu garde au camp de Trnopolje."

 24   Etant donné que vous étiez actif dans l'arène politique à ce moment-là,

 25   est-ce que vous saviez quelle était la fonction ou le poste de Slobodan

 26   Kuruzovic au sein du SDS ?

 27   R.  Non, je ne connais pas sa fonction précise, mais c'était un notable du

 28   SDS. Je pense qu'il faisait partie du conseil municipal, mais je n'en suis


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  1   pas sûr.

  2   Q.  Et vous parlez également de l'ultimatum qui a été donné pour que entre

  3   5 000 à 7 000 armes soient rendues, et vous avez dit qu'à l'époque à

  4   Kozarac il n'y avait pas ce nombre d'armes. Mais est-ce que vous avez

  5   participé à l'armement de Kozarac ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Est-ce que vous étiez présent lorsque les armes ont été emmenées à

  8   Kozarac ?

  9   R.  Il n'y a pas eu d'armes qui ont été livrées ou qui sont arrivées à

 10   Kozarac. Je ne dispose pas de ce genre d'information. Les gens achetaient à

 11   titre individuel des armes lorsqu'ils étaient en mesure de le faire. Il n'y

 12   a absolument pas question -- on ne peut pas penser à cet armement organisé,

 13   parce que j'aurais été mis au courant de cela.

 14   Q.  Pourquoi est-ce que vous auriez été mis au courant de cela ?

 15   R.  Parce qu'après la prise de cette localité, c'est notre existence à

 16   proprement parler qui était en danger. La question des armes était

 17   justement une question absolument vitale. Il n'y avait pas d'armes. Les

 18   gens essayaient d'en fabriquer, de fabriquer et d'improviser des armes.

 19   Donc, s'il y avait eu des armes, les gens n'auraient pas eu besoin de les

 20   fabriquer à la main, ces armes.

 21   Q.  Est-il vrai que vous avez préconisé, que vous avez indiqué que les gens

 22   devaient s'armer plutôt que de rendre les armes, que vous l'avez dit lors

 23   des réunions vous avez eues à Kozarac ?

 24   R.  Ce n'est pas vrai. Ce qui est vrai c'est que j'ai toujours préconisé le

 25   respect des lois de la Bosnie-Herzégovine. J'ai dit qu'il fallait élargir

 26   la Défense territoriale et qu'il fallait la laisser faire ce qu'elle était

 27   censée faire, cette Défense territoriale, parce que nous n'avions pas de

 28   garantie de pouvoir mettre un terme au bain de sang, en fait, d'une autre


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  1   façon.

  2   Q.  Mais lorsque vous dites "élargir la Défense territoriale", qu'entendez-

  3   vous, élargir l'effectif de la Défense territoriale et d'augmenter le

  4   nombre d'armes, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ce que j'entends c'est qu'il fallait organiser les défenses qui étaient

  6   nécessaires dans des cas d'attaques de populations ou de villages non-

  7   serbes. Voilà. C'est cela. Essentiellement, il s'agissait de défense, et

  8   seulement de défense.

  9   Q.  Oui, mais vous ne répondez pas à ma question.

 10   R.  J'ai répondu à votre question. Nous en avons déjà parlé. La question

 11   était comme suit. Le problème, c'était qu'on ne peut pas accepter un

 12   ultimatum qu'on n'aurait pas pu respecter.

 13   La situation était très claire : soit il fallait rendre 7 000 fusils…

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que vous nous l'avez déjà

 15   dit, Monsieur.

 16   Maître Lukic, poursuivez.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Qu'est-ce que vous venez de dire ? D'après vous, qu'est-ce que cela

 19   signifiait qu'organiser la défense essentielle ? Est-ce que cela voulait

 20   dire qu'il fallait élargir l'effectif de la Défense territoriale et qu'il

 21   fallait, en fait, faire en sorte d'avoir davantage d'armes ? Là, en fait,

 22   on enchaîne les platitudes politiques. Je vous demande si vous préconisiez

 23   l'achat, l'acquisition d'armes et l'organisation des combats ?

 24   R.  Ecoutez, Maître, là, nous parlons d'un moment où il y avait un

 25   ultimatum. Nous n'avions plus le temps d'acquérir des armes.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que réellement vous avez

 27   préconisé l'achat d'armes ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à ce moment-là on ne


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  1   pouvait rien préconiser du tout. Il y avait un blocus, un embargo, et en

  2   plus on était assiégés.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas de savoir si vous

  4   pouviez ou vous ne pouviez pas, est-ce que vous pouviez ou ne pouviez pas

  5   le faire. La question qui vous a été posée était comme suit : Est-ce que

  6   vous avez préconisé l'achat d'armes ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous avions été en mesure de les acheter,

  8   j'en aurais acheté des avions entiers d'armes. J'aurais même acheté des

  9   chars, des blindés. Mais ce n'était pas possible.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous étiez partisan de

 11   l'achat d'armes ? Est-ce que c'est quelque chose auquel vous pensiez en

 12   votre for intérieur, ou est-ce que vous l'avez exprimée, cette idée, en

 13   présence d'autrui ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, c'était une nécessité, c'était un

 15   cas de vie ou mort, mais de toute façon, ce n'était pas possible.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vous exhorte vraiment à

 17   répondre aux questions que je vous pose. Je ne vous ai pas demandé s'il

 18   s'agissait d'une question de vie ou de mort. Je vous ai demandé si vous

 19   avez exprimé ces pensées en présence d'autres personnes. C'est la question

 20   que je vous ai posée. Est-ce que vous l'avez dit, cela, ou non ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est une question à laquelle il est

 22   impossible de répondre. Nous étions en train de parler de la reddition des

 23   armes.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ce n'est pas une question à

 25   laquelle il est impossible de répondre. Je viens de vous demander,

 26   Monsieur, si votre souhait d'achat d'armes, puisque vous avez dit que vous

 27   souhaitiez pouvoir acheter des armes, est-ce que cela, vous l'avez pensé en

 28   votre for intérieur, ou est-ce que vous l'avez déclaré à d'autres personnes


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  1   ? Est-ce que c'est une pensée que vous avez partagée avec d'autres ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous souhaitions plus rien à ce moment-là, et,

  3   de toute façon, nous n'avons plus les moyens de souhaiter quoi que ce soit.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous auriez acheté des avions

  5   remplis des armes, mais ça n'a été plus possible; c'est cela ? Mais ce

  6   n'était plus possible. Donc ça, cela reprend clairement ce que vous avez

  7   pensé à un moment donné, n'est-ce pas ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, est-ce que cette pensée, vous en

 10   avez fait part à d'autres ? Je ne vous demande pas de me dire si à un

 11   moment donné vous avez abandonné cette idée comme étant absolument

 12   impossible. Ce que je veux savoir c'est si vous avez jamais parlé de cela à

 13   d'autres personnes ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne -- d'abord,

 15   est-ce qu'on pourrait m'indiquer de quelle période nous parlons, exactement

 16   ? S'il s'agit de la réunion à Kozarac --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai dit : est-ce que vous avez

 18   jamais à un moment donné. Ce qui signifie que vous pouvez nous dire quand

 19   vous avez fait part à d'autres de ces pensées, ou, d'après ce que je

 20   comprends, à partir de quel moment vous n'avez plus exprimé ce souhait ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai dit une fois.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand ? A quelle occasion ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'un ultimatum a été prononcé, lorsqu'il

 24   n'y a plus eu de pourparlers ou de discussions avec Zeljaja. A ce moment-

 25   là, j'ai eu peur, parce que je me suis dit que nous venions à rendre les

 26   quelques armes, cela allait se solder par un massacre. Donc, j'ai exprimé

 27   cela, j'ai dit que j'avais peur que ces armes soient rendues parce que

 28   j'avais peur que cela signifie la fin pour nous.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela ne me permet de comprendre si

  2   vous avez partagé cette pensée avec d'autres, votre souhait d'acheter des

  3   armes, parce que c'était ça la question. Mais je comprends qu'après

  4   l'ultimatum, vous avez au moins souhaité --

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Je n'ai jamais parlé d'achat

  6   d'armes. Je n'en ai jamais parlé, à aucun moment.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je pense que maintenant le

  8   moment est venu de faire la pause.

  9   Et, Monsieur, j'aimerais vous enjoindre vraiment à ne pas nous dire ou à ne

 10   pas nous relater vos pensées mais plutôt à répondre aux questions qui vous

 11   sont posées. Si je venais à vous demander s'il vous est arrivé, à un moment

 12   donné dans un lieu donné, en voiture, si vous commencez à nous dire que

 13   vous auriez pu venir en avion ou en tramway, ou vous pourriez commencer à

 14   me dire qu'une bicyclettes était à votre disposition, mais le problème

 15   c'est que la question est très simple. La question était : est-ce que vous

 16   êtes arrivé dans cet endroit en voiture.

 17   Donc, je sais que mon exemple est fort simple, mais ce n'est qu'un exemple.

 18   Alors, essayez d'y réfléchir pendant la pause. Essayez de vous concentrer

 19   vraiment sur les questions qui vous sont posées plutôt que de nous parler

 20   et de nous fournir moult détails à propos de bicyclettes, de tramways et

 21   d'avions.

 22   Maintenant je vous demanderais de bien vouloir suivre Mme l'Huissière. Nous

 23   allons faire une pause.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

 27   reprendrons à midi 15.

 28   --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.


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  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 16.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire entrer le

  3   témoin dans le prétoire.

  4   Maître Lukic, alors je vais peut-être soulever une question

  5   rapidement, car vous nous avez donné les conclusions qui ont été envoyées

  6   personnellement au président de la municipalité.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis, au petit 3, voici ce que je lis :

  9   "Nous exprimons ainsi notre soutien au travail fait par la cellule de Crise

 10   de la Région autonome de la Krajina."

 11   Alors, apparemment c'est une conclusion à laquelle est parvenue la fameuse

 12   cellule de Crise, donc j'étais un petit peu surpris et je me demandais s'il

 13   y avait un problème de traduction. Parce que je vois qu'il est indiqué

 14   "nous apportons notre soutien."

 15   C'est ce qui est écrit en tout cas ?

 16   M. LUKIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, cela ne pose plus de

 18   problèmes.

 19   M. LUKIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Sejmenovic, aux paragraphes 29 à 31, vous faites référence à

 21   la tentative d'élargissement de la Défense territoriale à Kozarac.

 22   Au paragraphe 30 maintenant, vous dites que la Défense territoriale a

 23   demandé aux gens de se mettre à sa disposition. Est-ce que les réactions

 24   vous ont posé des problèmes ou est-ce que les réactions ont été plutôt

 25   positives ?

 26   R.  Ecoutez, moi, je n'ai pas été partie prenante directement dans tout

 27   cela, parce que je n'étais ni compétent pour le faire, et de toute façon je

 28   n'avais pas l'autorité ou le pouvoir pour le faire. Mais je ne me souviens


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  1   pas, en fait, qu'il y ait eu des problèmes avec les personnes qui ont réagi

  2   à cet appel. C'est plutôt le contraire qui s'est passé. Car cela a été mis

  3   en place à la suite des pressions exercées sur la population.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'ai omis de vous dire que

  5   nous avons en fait évalué le temps qui vous sera imparti pour le contre-

  6   interrogatoire. Alors, ayant pris en considération tous les éléments, avec

  7   un certain degré de réponse évasive de la part du témoin, nous nous

  8   attendons à finir aujourd'hui.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Oui, c'est ce à quoi je m'attendais, Monsieur

 10   le Président.

 11   Q.  Est-il correct de dire que plus de 3 500 personnes ont répondu ?

 12   R.  Je ne sais pas combien de personnes se sont mises à disposition. Il

 13   doit y avoir une liste qui existe.

 14   Q.  Le chapitre suivant porte sur la campagne d'expulsion à Prijedor. Au

 15   paragraphe 33, vous débattez de Hambarine. Je voulais vous poser une

 16   question sur ledit paragraphe. Vous y déclarez que le 22 mai, un endroit

 17   nommé Hambarine a été bombardé. Conviendriez-vous que le 22 mai, il n'y

 18   avait toujours pas de combats, sauf pour ce qui est d'une attaque contre

 19   certains soldats et un véhicule de passagers qui tentaient de traverser le

 20   poste de contrôle de Hambarine ?

 21   R.  Cet incident s'est tenu du 22 au 23, l'attaque contre Hambarine.

 22   Q.  Très bien. Saviez-vous que des membres de l'armée ont été tués au poste

 23   de contrôle ? Rade Lukic et Radovan Milojica ont été tués et quatre autres

 24   ont été blessés ?

 25   R.  Nous l'avons entendu dans les médias, par voie de communication radio

 26   dans la municipalité. Nous avons entendu parler d'un incident et d'un

 27   échange de tirs, mais je n'ai pas été en mesure d'en avoir davantage de

 28   détails.


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  1   Q.  Connaissiez-vous Aziz Aliskovic ?

  2   R.  Non. Peut-être que je le connaissais de vue, mais je ne connaissais pas

  3   son nom ni son prénom. De vue, je le connaissais.

  4   Q.  Est-il vrai que les organisations militaires ont été débattues dès mars

  5   1992 à l'hôtel Prijedor, au niveau du conseil régional du SDA ?

  6   R.  J'étais président adjoint du SDA, mais c'est la première fois que je

  7   l'entends de votre bouche, et, toutefois, j'étais le président adjoint.

  8   Q.  Est-il vrai qu'après -- eh bien, y avait-il eu une réunion du conseil

  9   régional du SDA à l'hôtel Prijedor en mars 1992 ?

 10   R.  Je l'ignore. Je ne saurais le dire. Je n'étais pas au conseil régional.

 11   Je ne le sais réellement pas. Il ne semblerait pas probable qu'une réunion

 12   avec ce type d'ordre du jour se tienne à ce moment-là à l'hôtel Prijedor.

 13   Q.  Quoi qu'il en soit, nous pouvons conclure que s'il y a eu une réunion

 14   en mars 1992, réunion donc du conseil régional du SDA, vous n'y avez pas

 15   pris part et vous ne savez pas ce qu'on y a débattu ?

 16   R.  S'il y a eu réunion, je n'y me trouvais pas et je ne sais pas ce qui y

 17   a été débattu.

 18   Q.  Merci. Avez-vous eu vent de l'exécution de Radenko Djapa le 1er mars

 19   1992, sur la rue -- en mai, dans la rue Kozarska ? Il était agent de police

 20   ordinaire.

 21   R.  J'ai entendu parler d'un agent de police qui avait été tué, et que le

 22   village non-serbe de Cerevci était responsable et que l'auteur s'y était

 23   dissimulé.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si vous voulez continuer.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 26   Q.  Saviez-vous que le 3 mai à Hambarine, un état-major a été constitué par

 27   le SDA pour la région ?

 28   R.  Un état-major du SDA formé en Hambarine ?


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  1   Q.  Oui. Pour la région de Prijedor, pour le secteur de Prijedor.

  2   R.  Pour autant que je le sache, le SDA n'a jamais établi d'états-majors.

  3   Il appuyait l'expansion et le travail des instances de défense juridique.

  4   C'était là la position du SDA.

  5   Q.  Savez-vous ce qui se trouvait dans un bunker souterrain qui se trouvait

  6   à la colline Borahovo ?

  7   R.  C'est la première fois que j'entends parler de cette colline. Je n'ai

  8   jamais entendu ce nom. Et en ce qui concerne les bunkers, il est inutile

  9   d'en débattre plus avant.

 10   Q.  Très bien. Donc, je n'ai pas de fondement pour vous poser d'autres

 11   questions en la matière. Passons à Kozarac, maintenant. Le commandant

 12   d'unité à Kozarac était Sead Cirkin, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui. Il faisait partie de l'état-major.

 14   Q.  Il était militaire de profession ?

 15   R.  Oui. Quelques mois auparavant, il avait été inclus dans la guerre en

 16   Croatie, où il avait été blessé et retourné chez lui, et il était entré

 17   dans la Défense territoriale.

 18   Q.  Donc, il avait quitté la JNA et était revenu pour se joindre à la

 19   Défense du territoire.

 20   R.  Oui, en qualité de blessé.

 21   Q.  Y avait-il des abris construits à Kozarac, ainsi que les entrepôts où

 22   l'on trouvait des médicaments, du carburant et des vivres ?

 23   R.  Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, toutefois, c'est que la

 24   télévision serbe a diffusé effectivement des filmes sur deux ou trois abris

 25   quelque part dans le secteur de Kozarac. Deux ou trois. Bien que le secteur

 26   était énorme.

 27   Q.  Avant l'attaque, avant le conflit à Kozarac, avez-vous eu des

 28   tranchées, des fortifications qui ont été réalisées ainsi que les obstacles


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  1   qui ont été posés le long des routes ?

  2   R.  Pour la plupart, rien de tout cela. J'ai entendu parler de certains

  3   obstacles posés en parallèle au poste de contrôle serbe d'Orlovci, ainsi

  4   que ceux qui avaient été mis en place par l'armée serbe à Jakupovici, qui

  5   était un village.

  6   Q.  Est-il vrai qu'une colonne militaire a été attaquée au village de

  7   Jakupovici ?

  8   R.  Nous en avons eu vent à la radio serbe. D'aucuns l'ont nié, d'autres

  9   ont affirmé que c'était vrai, mais je ne sais pas si quoi que ce soit se

 10   soit déroulé ou pas.

 11   Q.  A la suite des combats à Kozarac, est-il vrai que la ville de Prijedor

 12   elle-même a été attaquée le 30 mai 1992 ?

 13   R.  Nous avons entendu parler d'un groupe qui était arrivé de la direction

 14   de Hambarine, qui avait été incendié à Prijedor et avait exécuté une

 15   attaque d'infanterie. Nous l'avons également entendu par les médias, ainsi

 16   que par différentes voies de communication au sein de la Défense du

 17   territoire.

 18   Q.  A la suite des premiers combats à Kozarac, avez-vous entendu dire que

 19   Kemal Alagic avait pris la tête d'un groupe qui avait tenté de reprendre

 20   Kozarac ?

 21   R.  J'en entends parler pour la première fois.

 22   Q.  Saviez-vous que les combats ont continué à Kozarac pendant tout le mois

 23   de mai et le mois de juin ?

 24   R.  Mai et juin ?

 25   Q.  Oui.

 26   R.  Oui, c'est cela. Ce n'est pas correct. Ce sont de mauvaises

 27   informations. Il n'y avait pas de combats en mai et en juin.

 28   Q.  Est-il exact qu'il y a eu des sabotages dans le secteur de Kozarac en


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  1   août et en septembre 1992 ? En avez-vous entendu parler ?

  2   R.  C'est la première fois que j'en entends parler. Je sais qu'en août et

  3   en septembre, le processus d'expulsion des villages vers des camps se

  4   poursuivait.

  5   Q.  Les agents de police qui se trouvaient à Kozarac, ont-ils pris part au

  6   combat les 24 et 25 ?

  7   R.  Le jour où ceci s'est déroulé, je me trouvais à Trnopolje. Je ne suis

  8   pas allé à la ville de Kozarac. J'ai tenté de m'y rendre, mais j'ai

  9   rebroussé chemin. Qu'il y ait eu des combats de la sorte qui s'y

 10   déroulaient, je l'ignore.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez pu commencer votre réponse par

 12   là, en disant que vous l'ignoriez. On aurait pu continuer.

 13   Veuillez poursuivre.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Toutefois, au paragraphe 35, vous décrivez les combats à Kozarac. Vous

 16   ne vous y trouviez pas, et vous n'avez pas de connaissance directe.

 17   R.  Pourriez-vous me donner un instant pour que je regarde le paragraphe 35

 18   ?

 19   Q.  Allez-y.

 20   R.  Non, je ne décris pas des combats d'infanterie, ce dont vous parlez.

 21   Q.  Vous ne parlez que du bombardement ?

 22   R.  Oui, le bombardement et les incendies à Kozarac.

 23   Q.  Très bien. Avez-vous vu que le 25 mai ces combats se sont arrêtés ?

 24   L'avez-vous remarqué ?

 25   R.  Oui, il y a eu plusieurs interruptions de combat. D'aucuns ont duré

 26   plus longtemps, d'autres ont été plus courtes -- désolé. Je voulais dire

 27   bombardement.

 28   Q.  Savez-vous que les habitants de Kozarac ont été appelés au cessez-le-


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  1   feu pendant les combats eux-mêmes ?

  2   R.  Les habitants de Kozarac ont reçu des messages et des demandes par voie

  3   de radio, mais pendant les deux ou trois premiers jours il n'y avait pas

  4   d'armée serbe. Il ne pouvait y avoir de combats. Seulement des

  5   bombardements.

  6   Q.  Vous avez dit que vous ne le savez pas parce que vous vous n'y trouviez

  7   pas. Mais je vais vous poser une autre question : avez-vous entendu des

  8   appels aux civils de Kozarac pour aller s'abriter à Prijedor jusqu'à ce que

  9   les combats se terminent ?

 10   R.  J'ai entendu que les civils étaient appelés à se rendre à Trnopolje.

 11   Q.  Savez-vous que pendant les combats, nombre de civils ont trouvé abri à

 12   Prijedor, tant auprès de leurs familles que dans les maisons serbes ?

 13   M. LUKIC : [interprétation] Vais-je trop vite ?

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, je vous demanderais de

 15   ménager une pause.

 16   Pourriez-vous répéter votre dernière question.

 17   M. LUKIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Sejmenovic, savez-vous qu'à l'époque les blessés de Kozarac

 19   sont arrivés à l'hôpital de Prijedor, tant des Serbes que des Musulmans ?

 20   R.  Non, je l'ignore parce que je ne m'y trouvais en personne.

 21   Q.  Vous n'avez jamais entendu parler de la chose par la 

 22   suite ?

 23   R.  Oui, j'en ai entendu parler. Mais il s'agissait de ceux qui ont été

 24   amenés d'autres secteurs.

 25   Q.  Pourriez-vous nous expliquer un élément. Je vais vous poser une

 26   question totalement différente. Pendant combien de temps vous êtes-vous

 27   caché avant que de vous rendre à Trnopolje pour la première fois ? Et je ne

 28   veux pas dire le village, mais bien le centre.


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  1   R.  Eh bien, dans la pratique, depuis le début de l'attaque contre Kozarac

  2   et jusqu'à la fin du mois de juillet ou la deuxième moitié, du tout moins,

  3   du mois de juillet.

  4   Q.  A ce moment-là, où êtes-vous descendu ? En un seul endroit ou dans

  5   plusieurs endroits ? Vous ne l'avez jamais expliqué. Pourriez-vous nous

  6   l'expliquer maintenant.

  7   R.  J'ai passé le plus clair de mon temps dans une maison où une femme

  8   bosnienne habitait, et elle était entourée de maisons dont des Ukrainiens

  9   étaient propriétaires. Pendant un certain temps, j'ai vécu dans une maison

 10   qui n'avait pas été finie, ou encore dans des appentis, ou même à ciel

 11   ouvert.

 12   Q.  Vous vouliez avoir un profil bas et ne pas trop vous déplacer, n'est-ce

 13   pas ? C'est la raison pour laquelle vous vous étiez caché ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Au paragraphe 36, quand vous y décrivez les colonnes de réfugiés et ce

 16   qui se déroulait à Trnopolje, vous avez déclaré : "J'ai tout vu de mes

 17   propres yeux." Est-ce que cela signifie uniquement la période au départ

 18   quand vous alliez en direction de Kozarac et avant que vous ne vous soyez

 19   caché ?

 20   R.  Il s'agit d'une période qui a duré de 15 à 20 jours. Mais certains de

 21   ces événements se sont déroulés même un mois plus tard.

 22   Q.  Vos sources d'information venaient effectivement d'on-dit, c'est-à-dire

 23   ce que d'autres vous avaient dit ?

 24   R.  Non, non. Je parle de ce que j'ai vu de mes propres yeux. Et j'ai vu la

 25   colonne de réfugiés ainsi que le nettoyage ethnique. Je l'ai vu à plusieurs

 26   occasions. Permettez-moi de vous rendre la tâche plus facile. Parfois je

 27   n'ai pas eu le temps de fuir, et j'ai dû me cacher à proximité d'une route

 28   ou, tout du moins, dans un bâtiment à proximité de la route.


Page 3542

  1   Q.  Quand vous déclarez que vous vous cachiez dans deux maisons,

  2   d'ailleurs, ou à ciel ouvert à proximité de ces maisons; est-ce exact ?

  3   R.  Oui. C'était dans un rayon de 250 à 300 mètres. Mais c'est le point où

  4   trois ou quatre villages se retrouvent. C'est-à-dire, le carrefour de ces

  5   villages.

  6   Q.  Bien. Maintenant, revenons au paragraphe 36. Vous y déclarez que :

  7   "L'infanterie serbe avançait, expulsant les personnes et tuant ceux qui

  8   étaient des traînards dans les villages."

  9   Alors, ces meurtres dans les villages, de quels villages parlez-vous ?

 10   R.  C'est un groupe de réfugiés dans le village de Sivci, et quand l'armée

 11   y est entrée pour les expulser, ils ont tué quelques personnes. Je me

 12   trouvais à un kilomètre environ de là, et certaines personnes sont venues

 13   dans la maison de Dzenoci [phon], et c'est les informations que j'ai

 14   entendues. Par la suite, comme j'ai pris la route à pied de nuit, je suis

 15   arrivé à côté de ces tombes. A une autre occasion, je regardais le

 16   nettoyage du village de Mujkanovici. J'étais à proximité et j'ai tout vu.

 17   Toutefois, personne n'y a été tué à cette occasion-là. Ce qui s'est passé,

 18   c'est qu'après les tirs, les habitants ont été mis en colonne, alignés et

 19   emmenés à Kozarac, et ceci s'est accompagné de chansons et autres éléments

 20   de la sorte.

 21   Q.  Est-ce que sur ce territoire il y avait des membres de la police serbe,

 22   de l'armée serbe ou de la Défense territoriale serbe qui, donc, ne vous ont

 23   pas vu ?

 24   R.  Vous voulez dire ils y étaient cantonnés ?

 25   Q.  Non, qui se déplaçaient. Enfin, vous, en tout cas, vous vous déplaciez

 26   sur ce territoire et vous observiez, n'est-ce pas ?

 27   R.  Moi, à deux ou trois reprises j'ai pu observer cela, parce que j'étais

 28   en fuite, mais je répète encore une fois que je n'avais pas suffisamment de


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  1   temps pour fuir. Je me cachais aussi rapidement que cela m'était possible

  2   et j'observais. A une autre occasion, je me suis caché très rapidement dans

  3   un vieil appentis pour bois de chauffage et j'ai entendu une conversation.

  4   J'ai vu qu'ils se sont attardés un peu sur place, ils ont tiré des rafales

  5   dans la porte d'un garage pour essayer d'accéder au contenu, et comme

  6   j'étais à côté, j'ai pu entendre une partie de leur conversation.

  7   Q.  Alors, au paragraphe numéro 37, vous dites que :

  8   "Certains soldats portaient des uniformes de la police de Martic; certains

  9   autres, des uniformes de la JNA; et d'autres, des uniformes de la 5e

 10   Brigade de Kozara. Les autres étaient en tenue civile."

 11   Alors, ceux qui étaient en tenue civile étaient-ils également armés ?

 12   R.  Oui. En fait, c'était le haut de leur tenue généralement qui était

 13   militaire. Dans cette situation, ces hommes étaient armés et accompagnaient

 14   un groupe de soldats.

 15   Q.  Quelle est la différence entre l'uniforme d'un soldat de la 5e Brigade

 16   de Kozara et l'uniforme d'un soldat de la JNA ?

 17   R.  Eh bien, les soldats de la JNA étaient, la plupart du temps, plus

 18   soignés dans leur tenue. Les uniformes n'étaient pas exactement identiques,

 19   mais ils étaient semblables. En tout cas, leur comportement, le

 20   comportement des soldats de la JNA ainsi que leur ordre de marche étaient

 21   généralement meilleurs ainsi que leur discipline par rapport aux soldats de

 22   la Brigade de Kozarac, qui étaient plus souvent indisciplinés.

 23   Q.  Oui, mais moi, ce que je vous demande c'est la différence dans les

 24   uniformes.

 25   R.  Eh bien, la 5e Brigade de Kozara avait généralement les vieux uniformes

 26   portés par les réservistes.

 27   Q.  Et la JNA ?

 28   R.  La JNA, ce n'était pas son cas. Elle avait des uniformes plus récents.


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  1   C'étaient également des tenues de couleur vert olive, ce n'était pas des

  2   tenues camouflées -- ou, plutôt, une partie était camouflée seulement, et

  3   il y avait des fantassins et d'autres soldats qui portaient des uniformes

  4   différents à bord des véhicules de transport.

  5   Quant aux hommes de Martic, ils avaient des uniformes un peu différents,

  6   avec des rayures ou des éléments colorés plus clairs. C'est quelque chose

  7   que j'ai pu voir avant la guerre, évidemment, parce qu'ils se rendaient

  8   habituellement dans un café, les habitants de Prijedor qui avaient revêtu

  9   l'uniforme de la police de Martic, ils venaient souvent prendre un café là-

 10   bas, et je l'ai retenu de cette période-là encore, et j'ai retenu qu'il y

 11   avait également ce type d'uniforme.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Allez-y, Maître.

 13   M. LUKIC : [interprétation]

 14   Q.  Au paragraphe numéro 38, vous dites que les femmes et les enfants ont

 15   été regroupés à Trnopolje ou en certains endroits où des groupes de

 16   réfugiés s'étaient rassemblés. Après quelques jours, l'armée est arrivée et

 17   a tué là-bas plusieurs personnes. Fin de citation. Est-ce que vous vous

 18   êtes trouvé à ces endroits où l'armée est arrivée et a tué un certain

 19   nombre de personnes ?

 20   R.  Oui, j'ai été présent à deux endroits où il y avait des réfugiés, et à

 21   deux endroits où une femme a été blessée et où une femme a été tuée.

 22   Q.  Et où cela s'est-il produit ?

 23   R.  Des hommes âgés et deux femmes âgées ont été tués dans le village Circi

 24   [phon]. Un homme âgé et son épouse ont été tués dans leur maison, devant un

 25   très grand nombre de réfugiés, et il y a eu encore deux ou trois autres

 26   personnes près de cette maison. J'ai entendu les tirs. J'ai entendu que

 27   cela était en train de se passer, mais je n'étais pas présent précisément à

 28   cet endroit. Ce n'est que plus tard que je suis tombé sur leurs sépultures.


Page 3545

  1   Q.  Quand cela s'est-il produit ?

  2   R.  Je dirais début juillet, début juillet 1992. Le deuxième endroit où ils

  3   ont tué des gens, ou plutôt ils ont tué une femme, était éloigné d'environ

  4   500 mètres par rapport à l'endroit où je me cachais. En traversant le

  5   village, ils chassaient les villageois devant eux, ils ont tué cette femme

  6   dans son jardin. Bien qu'elle n'ait pas été musulmane, mais en raison de la

  7   proximité de ce village qu'ils étaient en train de nettoyer, de vider, ils

  8   ont probablement tiré sur elle en pensant qu'elle appartenait au groupe

  9   ethnique bosniaque, qu'elle était Musulmane.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais demander au témoin de

 11   répéter ce qu'il a dit au sujet du premier endroit. Vous avez dit que :

 12   "Un certain nombre d'hommes et de femmes âgés ont été tués…"

 13   Et vous avez mentionné un village où il y avait un groupe très

 14   important de réfugiés. Est-ce que vous pourriez répéter le nom du village ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le village de Sivci. Et il y avait là

 16   une concentration assez importante de réfugiés.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je crois que vous avez déjà

 18   parlé précédemment du village de Sivci, mais je n'arrive pas encore à

 19   retrouver précisément la référence. Vous avez parlé de tombes que vous avez

 20   vues à Sivci. Est-ce que ce sont là les mêmes tombes ou fosses dont vous

 21   avez déjà parlé, ou bien s'agit-il d'un événement différent ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est bien le même endroit.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien le même endroit. Mais

 24   s'agissait-il également des mêmes événements ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du même événement et de ces quelques

 26   fosses qui ont été ménagées à la hâte, donc quelques tombes creusées à la

 27   va-vite.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que le nom de ce village a été


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  1   consigné comme Civice, C-i-v-i-c-e, plutôt que Sivci, S-i-v-c-i. Mais vous

  2   nous parlez, en tout cas, d'un seul et même événement ?

  3   Veuillez poursuivre, Maître.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Monsieur Sejmenovic, ces tombes, d'après vous, les personnes tuées, y

  6   ont-elles été enterrées immédiatement après avoir été tuées ?

  7   R.  Non, ce sont d'autres réfugiés qui les ont creusées. L'armée était déjà

  8   passée. C'était tard dans l'après-midi ou en début de soirée. L'armée était

  9   passée, elle était à la recherche d'hommes et de certaines personnes. Elle

 10   a commis plusieurs meurtres. Les réfugiés ont enterré en vitesse les tués à

 11   l'arrière d'un édifice religieux, ces personnes qui ont été tuées et ces

 12   femmes. Et le lendemain, au cours de la journée, l'endroit a été

 13   complètement vidé et il n'y avait plus personne à Sivci. Moi, je ne

 14   connaissais pas l'endroit où ils avaient été enterrés, et c'est par hasard,

 15   dans l'obscurité, en rampant, que je suis tombé sur ces tombes.

 16   Q.  Donc, vous n'avez même pas eu l'occasion de parler avec ces personnes

 17   au sujet de ces meurtres ?

 18   R.  Ceux qui sont venus jusqu'à la maison de Dzemal Sivac, et qui ont

 19   discuté avec moi et avec la femme dans la maison dans laquelle je me

 20   trouvais ont raconté ce qui s'était passé. Ils ont raconté également un

 21   certain nombre de détails que je peux vous donner.

 22   Q.  Vous dites qu'ils ont vidé, ou, plutôt, évacué ces colonnes de

 23   réfugiés, mais vous étiez dans la maison de cette femme. Alors qu'est-ce

 24   que vous voulez dire par "évacuer" ? 

 25   R.  Eh bien, après un ou deux jours, il n'y avait plus personne à Sivci.

 26   Ils sont venus, en fait, un ou deux jours plus tard, et la femme chez qui

 27   je me cachais a été obligée de partir sous la menace de l'armée après

 28   plusieurs jours, et après cela, moi, je suis resté complètement seul.


Page 3547

  1   Q.  A quelle unité appartenaient ces hommes armés, si vous le savez ?

  2   R.  Les hommes armés qui sont entrés dans le village de Sivci, je l'ignore.

  3   Q.  Paragraphe 39 de votre déclaration, vous dites que :

  4   "Les forces serbes de Bosnie-Herzégovine et d'ailleurs faisaient la

  5   même chose en suivant la même procédure, avec les mêmes conséquences."

  6   Ensuite, vous nous dressez un tableau général de la chose. Vous

  7   n'avez pas été présent lors de ces événements, mais il s'agit ici de vos

  8   propres conclusions, n'est-ce pas ?

  9   R.  J'ai observé ces événements plus ou moins à distance. Il y a eu

 10   trois événements que j'ai pu observer directement. Il y a deux événements

 11   que je connais de seconde main. Et ce que je vois dans tous ces événements,

 12   c'est un schéma ou une procédure qui sont tout à fait identiques. Dans le

 13   village de Novikamovici [phon], j'ai pu assister à la totalité de ce qui

 14   s'est passé.

 15   Q.  Mais en fait, vous tirez des conclusions sur la base de ce que

 16   vous savez, alors que vous nous avez souvent dit aujourd'hui qu'il y avait

 17   des sujets pour lesquels vous n'avez pas de connaissances, qu'il s'agisse

 18   de l'organisation, de l'armement, et cetera. Vous ne savez pas s'il y a eu

 19   ou non des combats dans certains villages, alors que parfois vous dites que

 20   les habitants en sont partis ou en ont été chassés. Vous ne savez pas s'ils

 21   avaient été armés, vous ne savez pas de quelle façon. Vous ne savez pas qui

 22   a participé aux combats et quelles forces armées exactement sont entrées au

 23   conflit.

 24   R.  Pour ce qui est de la localité où je me trouvais et du territoire où je

 25   me trouvais, j'ai dit ce que je savais. Et la plupart des questions que

 26   vous avez posées ou que vous avez soulevées, je sais ce qu'il en est. Mais

 27   évidemment, pendant la période où j'ai été complètement isolé, je ne peux

 28   pas savoir, ou pour ce qui est des villages qui étaient à 15 ou 20


Page 3548

  1   kilomètres de distance.

  2   Q.  Je voudrais qu'on passe à ce qui figure au-dessus du paragraphe numéro

  3   43, le point J, camp de Trnopolje. Vous êtes entré au camp de Trnopolje

  4   sans vous faire remarquer, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous dites avoir rampé sous une clôture ou sous des fils ?

  7   R.  Non. J'ai rampé le long d'un canal et je suis passé sous une clôture ou

  8   sous un fil, en fait, en un seul pas. C'était une délimitation

  9   traditionnelle, comme nous l'appelons, avec des mûriers.

 10   Q.  Est-il exact que la zone dans laquelle les gens ont été placés n'était

 11   pas entourée de toutes parts par une clôture ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Une partie était entourée simplement d'une clôture assez basse d'un

 14   mètre ou de 80 centimètres, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Mais il y avait également des nids de mitrailleuses qui assuraient

 16   le contrôle de cette zone qui était à découvert.

 17   Q.  Vous dites au paragraphe 44 que :

 18   "Le camp de Trnopolje était contrôlé par une organisation militaire."

 19   R.  Oui.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LUKIC : [interprétation]

 23   Q.  Nous lisons quelque chose dans la documentation et je voudrais savoir

 24   si c'est quelque chose dont vous avez connaissance, à savoir que la police

 25   aurait repris le contrôle du centre de l'armée ? Ou bien ne faisiez-vous

 26   pas de différence, et pour vous il s'agissait simplement de personnes en

 27   uniforme ?

 28   R.  La personne à qui je me suis rendu était un officier de l'armée, le


Page 3549

  1   lieutenant Slavko.

  2   Q.  Kuruzovic ?

  3   R.  Non, pas Kuruzovic. Kuruzovic était le commandant du camp. L'officier

  4   auprès duquel je me suis rendu et qui m'a ensuite emmené jusqu'au

  5   commandement puis ensuite à la police militaire près de Keraterm était un

  6   lieutenant répondant au prénom de Slavko. A côté de lui, il y avait encore

  7   d'autres soldats, donc c'était un soldat.

  8   Q.  Merci. A quelle unité appartenait-il ?

  9   R.  Je ne sais pas à quelle unité il appartenait. Je ne pouvais pas le

 10   savoir.

 11   Q.  Lorsque vous êtes entré cette fois-là, est-ce que l'endroit était

 12   marqué par une désorganisation totale ?

 13   R.  A ce moment-là, oui. Mais avant cela, la discipline y régnait; on

 14   faisait s'aligner les détenus et il y avait un appel des hommes par leur

 15   prénom et leur nom.

 16   Q.  Un instant. Alors, passons maintenant au paragraphe 45, s'il vous

 17   plaît. Vous y décrivez les raisons pour lesquelles d'autres personnes

 18   arrivaient à Trnopolje. Est-ce que les gens venaient à Trnopolje de leur

 19   propre chef ?

 20   R.  Certains groupes, oui, après que dans les villages voisins des maisons

 21   avaient été incendiées et des personnes tuées. Ils avaient reçu

 22   l'information que la seule voie susceptible de leur offrir une certaine

 23   sécurité consistait à prendre le chemin de Trnopolje, et certaines

 24   personnes venaient, en effet, de cette façon. Mais c'était une petite

 25   fraction de l'ensemble.

 26   Q.  Au paragraphe 46 maintenant, je vous prie de vous pencher dessus, vous

 27   parlez d'un vieillard, d'une femme et d'un jeune homme, et vous parlez d'un

 28   viol. Vous n'avez pas assisté à tout ceci, n'est-ce pas ?


Page 3550

  1   R.  J'ai assisté au moment où six personnes ont été emmenées.

  2   Q.  Excusez-moi. Excusez-moi. Ça, c'est le paragraphe 47. Moi, je suis en

  3   train de parler du 46.

  4   R.  Oui. J'ai eu un bref contact avec cette femme médecin, qui était

  5   médecin vétérinaire, qui était présente. Je sais qu'ils étaient là et

  6   qu'ils avaient envoyé de l'aide. Pour ce qui est des meurtres, j'en ai

  7   entendu parler, ceux dont je parle au paragraphe 46, mais je n'ai pas été

  8   présent. Ça s'est produit avant que je n'arrive au camp de Trnopolje.

  9   Q.  Bien. Passons maintenant au paragraphe 47. Vous décrivez là les six

 10   personnes qui portent le nom de famille Foric. Alors, combien de personnes

 11   emmenaient ces gens-là ?

 12   R.  Voilà. Alors, d'après ce que j'ai pu voir, parce qu'il faisait déjà

 13   nuit, je pense qu'il y avait trois hommes à les avoir emmenés. De là à

 14   savoir si derrière le tracteur il y en avait d'autres qui attendaient, je

 15   ne sais pas. Je sais qu'il y en avait un seul à être, en fait, un policier.

 16   Q.  Alors, aujourd'hui vous nous dites trois hommes. Dans votre

 17   déclaration, vous dites deux. Un policier et un soldat.

 18   R.  Je répète. La situation se présentait ainsi. Il faisait sombre. Un

 19   soldat est venu chez les Foric pour s'entretenir avec eux dans la journée,

 20   puis il est reparti. Puis, la nuit tombe. Un policier arrive, un autre

 21   soldat arrive. Et ils sont en bordure du terrain à côté du tracteur. J'ai

 22   l'impression qu'il y avait d'autres personnes. Ils donnent l'ordre à l'un

 23   des Foric d'appeler ses frères --

 24   Q.  Non, non. Ça, vous nous l'avez raconté. Moi, ce que je voulais savoir,

 25   c'était le nombre de personnes qui les avait emmenées.

 26   R.  Je suis sûr pour deux. Il se peut qu'il y en ait eu plus. Il faisait

 27   nuit et je n'avais pas le loisir de lever la tête et voir avec plus de

 28   précision s'ils étaient plus nombreux.


Page 3551

  1   Q.  Dans l'affaire Tadic, le compte rendu du 24 mai 1996, page 1 390, ou

  2   alors c'est la page 1 391, vous avez dit que quatre personnes avaient

  3   emmené les dénommés Foric.

  4   R.  Alors, ils devaient être quatre. J'avais un souvenir bien meilleur à ce

  5   moment-là. Alors, pour ce qui est de l'entretien avec eux, c'était en

  6   présence de deux hommes. Ça, je l'ai vu.

  7   Q.  Bien. Je voudrais passer à présent à des documents qui ont été abordés

  8   par l'Accusation avec vous. Enfin, nous n'avons pas besoin du prétoire

  9   électronique. Le P290. C'est une décision du Conseil exécutif de la

 10   municipalité de Prijedor disant que Mirza Muftic allait être licencié. Et

 11   c'est signé par le Dr Kovacevic.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Alors, moi, je voudrais qu'au prétoire

 13   électronique on nous montre le document 65 ter 07105. Et je me propose de

 14   vous poser plusieurs questions à ce sujet.

 15   On a également un document émanant de ce Conseil exécutif, c'est aussi

 16   signé par le Dr Kovacevic en sa qualité de président du Conseil exécutif,

 17   et il s'agit de la révocation de Djukanovic, Milenko, un économiste

 18   diplômé, révocation de ses fonctions de directeur de l'entreprise sociale

 19   Voce de Zagreb.

 20   Q.  Mais ce Djukanovic, c'est un Serbe, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je suppose que oui. J'ai l'impression d'après les nom et prénom que

 22   c'en est un, et je suppose aussi que c'est quelqu'un qui faisait partie

 23   d'un autre parti, qui n'était pas membre du SDS, et que c'est là la raison

 24   de sa révocation de fonctions.

 25   Q.  Bien.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Pour les besoins de notre cause, je demanderais

 27   le versement au dossier de cette pièce, Messieurs les Juges.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je poser une 

  2   question ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Le Juge Moloto a une

  4   question.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, lorsque vous avez

  6   mentionné ce document au paragraphe 59, ligne 22 à ligne 25, ou plutôt

  7   ligne 62, vous dites :  

  8   "Fort bien. Je voudrais passer à des documents que vous avez abordés avec

  9   les gens du bureau du Procureur. Nous n'avons pas à les afficher sur le

 10   prétoire. Il s'agit du P290."

 11   Mais où est-ce donc cette décision du Conseil exécutif signée par le Dr

 12   Kovacevic. Est-ce qu'on peut voir ceci, par exemple, cette pièce 65 ter

 13   07105.

 14   Parce que là je ne suis pas du tout sûr de quoi il est question. Est-ce que

 15   c'est du P290 qu'on parle ou est-ce qu'on voit le 07175 [comme interprété].

 16   M. LUKIC : [interprétation] Oui, c'est le 07175 [comme interprété]. Parce

 17   que ça fait partie du même jeu de documents. Nous avons dit hier qu'il y

 18   avait plusieurs documents du genre de celui qu'on a vu hier, à savoir le

 19   P290.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez continuer.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons -- enfin, nous aurons à

 24   en décider tout de même.

 25   Madame la Greffière, ce serait la pièce quoi.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le 07105 deviendra la pièce D62,

 27   Messieurs les Juges.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le D62 est versé au dossier.


Page 3553

  1   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Le Procureur vous a montré hier le P289, et je voudrais qu'on nous

  3   l'affiche sur nos écrans.

  4   Ici, nous voyons -- puisque c'est un document abordé par l'Accusation avec

  5   vous. Il s'agit du document daté du 1er juillet 1992. Il est question de la

  6   cellule de Crise de la Région autonome de la Krajina qui a décidé, au

  7   paragraphe 1 - et ça, vous l'avez évoqué vous aussi - il y est dit qu'aux

  8   fonctions d'importance, on ne peut avoir que des cadres du groupe ethnique

  9   serbe.

 10   Au paragraphe 2, il est dit, en outre, à ces postes-là, il ne peut pas y

 11   avoir des employés du groupe ethnique serbe qui n'ont pas confirmé des

 12   choses par plébiscite ou qui n'ont pas encore tiré au clair le fait que le

 13   seul représentant du peuple serbe c'est la Parti démocratique serbe. Alors,

 14   est-ce que, ici, l'explication est la même que pour le document précédent ?

 15   R.  Oui. Mais ce document a été promulgué deux mois plus tard.

 16   Q.  Le 1er juillet.

 17   R.  Oui. Ça ne peut pas constituer un fondement pour les documents.

 18   Q.  Non, je ne parle pas de fondement juridique. Je suis en train de vous

 19   demander si, ici, le fait de ne pas accepter les gens qui ne sont pas

 20   membres du SDS.

 21   R.  C'est ainsi qu'on peut le comprendre. C'est ainsi que cela est énoncé

 22   dans le document émanant de la cellule de Crise.

 23   Q.  Merci. Hier, nous avons pu voir le P291, et j'aimerais qu'on nous le

 24   montre à nouveau sur nos écrans.  Et en attendant son affichage, je dirais

 25   qu'il s'agit d'une photo d'un homme maigre au sujet de qui vous avez dit

 26   que c'était à peu près de cette façon-là que se présentait l'aspect

 27   physique des gens à Trnopolje.

 28   R.  J'ai dit que c'était dans la plupart des cas ainsi. Selon le temps que


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  1   tout un chacun a passé au camp.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais que l'on nous montre au prétoire

  3   électronique le 1D350 sur nos écrans, s'il vous plaît.

  4   Q.  Ici, on voit tout un groupe d'individus.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  A droite, on voit que c'est quelqu'un d'assez dodu, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est exact.

  8   Q.  Aucune de ces personnes ici ne présente l'aspect de l'homme qui vous a

  9   été montré sur la photo précédente.

 10   R.  Ça dépend de la période de son expulsion. Il y en a qui ont passé un

 11   mois et demi à deux au camp, et d'autres sont venus plus tard, qui ont été

 12   expulsés d'autres parties de Prijedor.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à dire aussi, à

 14   préciser qu'il y a une référence de la photo prélevée sur un clip vidéo, il

 15   s'agit du V000-0664. Et on voit au bas de la page la seconde exacte de

 16   l'arrêt sur image. Il est certain que c'est quelque chose qui a été prélevé

 17   sur une vidéo. Et nous demanderions que cette photo-ci soit versée au

 18   dossier également.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D00350 deviendra la pièce

 23   D63, Messieurs les Juges.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est versé au dossier.

 25   Je crois que les parties - et je m'adresse en particulier à l'Accusation,

 26   plus qu'à la Défense - c'est de se retenir pour ce qui est de montrer des

 27   personnes qui sont plutôt grosses et d'autres qui auraient plutôt besoin

 28   d'un peu d'exercice pour se remettre en forme.


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  1   Alors, d'un point de vue de présentation d'éléments de preuve, c'est

  2   ce que je voulais déjà dire hier, je voulais dire que ce n'est pas de

  3   nature à nous aider. Parce que l'impression principale que ces gens

  4   laissaient, du point de vue de leur apparence physique, il est évident que

  5   les Juges de la Chambre peuvent imaginer l'apparence de personnes qui sont

  6   sous-alimentées. Mais étant donné que l'Accusation a demandé le versement

  7   de cette pièce au dossier, la Défense a une autre image qui sera, elle

  8   aussi, versée au dossier.

  9   Veuillez continuer.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

 11   d'autres photos de ce type, mais nous allons nous retenir pour ce qui est

 12   de demander leur versement.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Ces photos de personnes

 14   maigres ou de personnes bien enveloppées, je crois que vous devez forcément

 15   comprendre --

 16   M. LUKIC : [interprétation] Oui, je comprends.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je crois que -- mais enfin --

 18   Monsieur Traldi, peut-être l'heure serait-elle bien choisie pour faire une

 19   pause.

 20   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais avant que de faire la pause, il

 22   faut faire sortir le témoin hors du prétoire.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Et pendant --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   M. LUKIC : [interprétation] -- que le témoin est en train de sortir, est-ce

 26   que je peux annoncer à M. Traldi le fait que nous allons ménager du temps

 27   pour ses questions complémentaires, s'il en a besoin.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, c'est grandement apprécié.


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  1   Nous allons faire notre pause, et nous allons reprendre ici, dans le même

  2   prétoire, à 2 heures moins 25.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   --- L'audience est suspendue à 13 heures 15.

  5   --- L'audience est reprise à 13 heures 36.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire revenir le témoin dans le

  7   prétoire.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Sejmenovic, veuillez vous

 11   asseoir.

 12   Maître Lukic, veuillez poursuivre.

 13   M. LUKIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Sejmenovic, nous en avons presque terminé. Encore un document.

 15   Hier, vous avez fait des commentaires sur le document P288.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais donc demander qu'on l'affiche dans

 17   le prétoire électronique. Il s'agit d'un document daté du 30 avril 1992, et

 18   émis par le SJB de Prijedor.

 19   Q.  Il y est question de la prise du pouvoir du nombre de postes de police

 20   mobilisés.

 21   Alors, est-ce qu'à l'époque vous vous rappelez si le MUP avait déjà fait

 22   l'objet d'un partage ?

 23   R.  Partagé de quelle façon ?

 24   Q.  Est-ce que les membres du MUP continuaient à travailler ensemble le 30

 25   avril ?

 26   R.  C'est le jour de la prise du pouvoir. Ce jour-là, ils ne travaillaient

 27   plus tous ensemble.

 28   Q.  Vous avez passé quelques jours à Trnopolje.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que des vivres étaient fournis dans l'enceinte de Trnopolje, et

  3   est-ce qu'il y avait des vivres autres que ceux que les gens pouvaient

  4   apporter eux-mêmes ? Est-ce qu'il y avait une cuisine ?

  5   R.  J'ai entendu dire qu'on donnait du pain mais en quantité insuffisante,

  6   si bien qu'on a alors autorisé les gens à aller chercher des vivres dans

  7   les fermes environnantes et les maisons proches. Une partie des détenus a

  8   eu l'autorisation de sortir pour capturer des animaux, du bétail qui

  9   s'était échappé et qui errait en liberté afin d'avoir de la viande.

 10   Q.  Merci. Avez-vous observé que les gens avaient des poux, qu'ils

 11   souffraient de typhus ou de dysenterie ? Est-ce que cela a fait partie de

 12   vos observations ?

 13   R.  A Omarska, un grand nombre de détenus souffraient de dysenterie. Mais à

 14   Trnopolje, je n'ai même pas eu la possibilité de le voir, parce que pendant

 15   toute la durée de mon séjour, je l'ai passée à un seul et même endroit, et

 16   je me cachais.

 17   Q.  Est-ce que vous en avez entendu parler, peut-être ?

 18   R.  Il y avait beaucoup de malades, mais je ne peux pas vous dire

 19   exactement de quelles maladies il s'agissait.

 20   Q.  Très bien.

 21   M. LUKIC : [interprétation] Quelques instants, je vous prie. J'essaie de

 22   voir de quelle façon je vais conclure. 

 23   Désolé pour cette confusion.

 24   Q.  Je voudrais parler encore pendant quelques instants des rapports avec

 25   la JNA. Alors, le délai ultime pour le retrait des unités de la JNA de

 26   Bosnie-Herzégovine se situait en mai, le 19 mai 1992, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, je sais que c'était quelque part vers la mi-mai, dans la deuxième

 28   moitié du mois de mai, mais je ne me rappelle pas la date exacte.


Page 3558

  1   Q.  Est-il exact qu'une grande majorité d'officiers, après le départ de la

  2   JNA de Bosnie-Herzégovine, sont restés en Bosnie-Herzégovine, la plupart

  3   des officiers donc, en tout cas ceux qui étaient originaires de Bosnie-

  4   Herzégovine ?

  5   R.  Non, je ne sais pas.

  6   Q.  Ramiz Drekovic, Sefer Halilovic; vous savez, n'est-ce pas, que certains

  7   officiers musulmans étaient originaires de Serbie et du Sandzak ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Est-ce que vous savez qui a pris la décision concernant l'armement et

 10   la formation des unités connues sous le nom de Bérets verts et de la

 11   Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la Ligue

 12   patriotique ? Que savez-vous de cela ?

 13   R.  Je sais pas mal de choses à ce sujet concernant Prijedor. Mais à

 14   l'échelon de l'Etat en général, je sais que la Défense territoriale était

 15   une formation armée qui recevait des instructions du sommet de l'Etat. Elle

 16   avait son commandement situé à Sarajevo et il s'agissait d'une structure

 17   légale et légitime.

 18   Q.  Et vous savez quand les Bérets verts et la Ligue patriotique ont été

 19   créés ?

 20   R.  Je sais qu'il y a eu d'autres groupes dans d'autres parties du

 21   territoire de l'Etat qui se sont constitués sur le principe de la défense

 22   ou de l'autodéfense. Mais je n'étais pas présent dans ces parties du

 23   territoire, si bien que je ne peux pas vous parler de cela en détail. Il y

 24   a d'autres personnes qui seraient plus compétentes pour cela. A Prijedor,

 25   nous n'avons pas eu ce type d'organisation.

 26   Q.  Savez-vous qu'il y a eu un assez grand nombre d'attaques visant la JNA,

 27   avant le départ de cette dernière de Bosnie-Herzégovine ?

 28   R.  Ce qui était généralement connu, eh bien, j'en étais également informé.


Page 3559

  1   Les affrontements à Tuzla, peut-être également dans une autre localité, je

  2   l'ignore. Mais pour Tuzla, je suis au courant, et pour Sarajevo aussi, plus

  3   tard, lorsque les événements de la guerre ont commencé.

  4   Q.  Est-ce que vous savez qui prenait ces décisions d'attaquer la JNA ?

  5   Est-ce que lors des réunions du SDA vous avez pu obtenir cette information

  6   ?

  7   R.  Les attaques visant la JNA ? C'est en fait l'interprétation d'une des

  8   parties, et l'autre partie apporte une explication différente de cela. Et

  9   c'est quelque chose qui est toujours controversé. Par conséquent, je

 10   préférerais ne pas m'aventurer sur ce terrain.

 11   Q.  J'espère qu'il n'y a pas de controverse autour du fait que si l'on

 12   attaque l'épouse -- qu'il n'y a pas de controverse autour du fait que

 13   l'épouse d'un militaire a été attaquée ou l'enfant d'un militaire a été

 14   attaqué, et que c'est quelque chose dont vous avez entendu parler.

 15   R.  Il y a une attaque et une défense, et chacune des parties impliquées a

 16   tendance à le définir de la façon dont elle l'interprète. Donc, c'est

 17   quelque chose sur quoi je préfère ne pas avoir à m'appesantir.

 18   Q.  Est-ce que vous savez qu'au moment de l'attaque visant Prijedor le 30

 19   mai 1992, la plus grande partie de la 43e Brigade et de la 5e Brigade de

 20   Kozara se trouvait sur le théâtre de guerre en Croatie ou était déployée

 21   dans le corridor ?

 22   R.  Je sais qu'une partie de ces soldats se trouvaient en Posavina. C'était

 23   déjà le cas précédemment. Quant au théâtre de guerre en Croatie, ou du

 24   moins pour ce qui est du secteur qui était couvert par la 5e Brigade de

 25   Kozara, en fait, les activités de guerre y étaient déjà terminées. Il

 26   s'agissait d'un territoire qui était déjà intégralement contrôlé par cette

 27   armée, si bien qu'il n'y avait plus d'événements qui s'y déroulaient et qui

 28   auraient eu la moindre importance. En tout cas, il n'y avait de combats


Page 3560

  1   importants.

  2   Q.  Encore une chose. C'est plutôt marginal, mais cela concerne le

  3   paragraphe numéro 58 de votre déclaration, versée sous la cote P283. Vous y

  4   dites que deux journalistes serbes vous ont interviewé.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et vous dites que l'un des deux vous a promis qu'il apporterait un

  7   texte écrit pour que vous en donniez lecture. Vous dites ensuite que vous

  8   avez lu ce texte devant une caméra. Alors, dans quel entretien ou interview

  9   voit-on que vous êtes en train de lire un texte ?

 10   R.  Cela n'est pas visible. Et je n'ai pas cet enregistrement. En tout cas,

 11   c'est un journaliste de Prijedor, Mutic. Il est venu un jour, il a eu une

 12   discussion avec moi et il a dit ce qu'il entendait faire. Il a dit qu'il

 13   préparerait ce texte -- excusez-moi.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous venez de répéter ce que se

 15   trouve dans votre déclaration.

 16   Maître Lukic, vous nous direz où est-ce que l'on peut voir cette

 17   interview. Vous voulez parler de la vidéo de l'interview en question ?

 18   M. LUKIC : [interprétation] Oui, nous l'avons reçue.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous vous attendez à ce que

 20   le témoin ait vu cela ?

 21   Est-ce que vous avez, Monsieur, vu la vidéo qui correspond à cette

 22   interview ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Et j'aurais

 24   beaucoup aimé, d'ailleurs, la voir, mais je n'ai pas eu la possibilité de

 25   le faire.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous comprendrez, Maître Lukic,

 27   qu'il est peut-être difficile au témoin de répondre à cette question.

 28   M. LUKIC : [interprétation]


Page 3561

  1   Q.  Justement, moi, je l'ai vue cette vidéo, et c'est pour cela que je vous

  2   pose la question, parce que je n'ai pas vu ceci. Aujourd'hui, en fait, vous

  3   nous avez dit que cela ne se trouvait pas parmi toutes les interviews ou

  4   entretiens que vous avez eus. Après cela, M. Kupresanin est arrivé et vous

  5   a emmené; c'est cela ? Donc, vous avez été conduit d'Omarska jusqu'où ?

  6   R.  Jusqu'au bâtiment municipal, jusqu'à son bureau à Banja Luka, plus

  7   précisément.

  8   Q.  Et puis, par la suite, où est-ce que vous résidiez ?

  9   R.  A Bosanska Vrbanja, où habitaient ma sœur et mon beau-frère.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pour que nous comprenions

 11   bien, est-ce que cette interview fait partie des éléments de preuve ?

 12   M. LUKIC : [interprétation] Moi, j'ai vu cet homme lire un texte --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Ecoutez. Alors, bien entendu, la

 14   Chambre devra, bien entendu, évaluer et apprécier les éléments de preuve.

 15   Parce que vous êtes en train de suggérer qu'il n'est pas fiable, qu'il

 16   n'est pas digne de foi. C'est la suggestion qui se dégage très clairement

 17   de votre question.

 18   Donc, ce n'est pas très juste à l'égard du témoin, parce qu'il

 19   faudrait que vous lui montriez le fameux entretien, ou l'interview, et que,

 20   d'ailleurs, vous le montriez également à la Chambre pour que nous puissions

 21   nous-mêmes évaluer et apprécier ainsi sa crédibilité. Mais vous ne pouvez

 22   pas juste poser une question au témoin afin de suggérer, en fait, qu'il ne

 23   dit pas tout à fait la vérité et puis vous en tenir à cela.

 24   Bien entendu, lorsque le témoin partira, il ne pourra plus faire

 25   d'observations à ce sujet, et donc vous ne pourrez pas dire par la suite :

 26   Regardez la vidéo en question, nous ne voyons rien du tout, parce que sinon

 27   le témoin aurait pu dire autre chose. Mais nous ne savons pas. Donc, ce

 28   n'est pas la façon de mener à bien un contre-interrogatoire. Voilà ce que


Page 3562

  1   je voulais vous dire.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Malheureusement, je n'ai pas préparé cela.

  3   Sinon, si j'avais eu le temps, j'aurais préparé et regardé toutes les

  4   vidéos que nous avons pour ce témoin.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, écoutez, si vous dites, J'ai

  6   regardé les vidéos, ça veut dire que vous avez regardé. Donc, demandez à M.

  7   Traldi si à un moment donné il voit le témoin lire, s'il est d'accord avec

  8   ce que vous avancez, puis ensuite donnez cela à la Chambre pour que nous

  9   puissions nous-mêmes apprécier ce dont il est question.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Non, mais je retire cette question. Et de toute

 11   façon, ce n'est pas vraiment la clé de voûte de mon contre-interrogatoire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 13   M. LUKIC : [interprétation]

 14   Q.  Vous étiez en train de dire que vous êtes allé chez votre sœur et votre

 15   beau-frère et que vous êtes resté là jusqu'à la fin de cette année ?

 16   R.  Jusqu'au 14 janvier 1993.

 17   Q.  Et après ?

 18   R.  Après, avec l'aide du CICR, je suis allé à Banja Luka.

 19   Q.  Et votre sœur et votre beau-frère, ils sont restés là-bas ?

 20   R.  Oui, jusqu'au moment où j'ai eu la possibilité de partir, et ils ont

 21   été évacués.

 22   Q.  Lorsque vous étiez avec eux, est-ce que vous avez subi des sévices ?

 23   R.  Non. Bon, la suggestion qui m'a été faite était qu'il serait beaucoup

 24   plus judicieux que je reste à l'intérieur sans sortir dehors.

 25   Q.  Je vous remercie, Monsieur Sejmenovic. Je n'ai plus de questions à vous

 26   poser.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Lukic.

 28   Monsieur Traldi, une petite minute, je vous prie, je souhaiterais consulter


Page 3563

  1   mes collègues.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, je vous en prie.

  4   Nouvel interrogatoire par M. Traldi :

  5   M. TRALDI : [interprétation] Oui. J'aimerais en fait commencer par l'un des

  6   derniers thèmes abordés lors du contre-interrogatoire. Nous allons vous

  7   montrer un extrait vidéo du document 22615 en application de la liste 65

  8   ter qui, en fait, est intitulé 22615B en application de la liste 65 ter. Et

  9   nous allons, conformément aux nouvelles consignes, diffuser cette vidéo

 10   deux fois.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. S'il y a un texte et que vous

 12   souhaitez que ce texte soit traduit, il va falloir le faire. Sinon, ce

 13   n'est pas la peine.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Non, mais j'avais une ou deux questions à

 15   poser à propos du texte également.

 16   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de diffuser cette vidéo pour la

 19   deuxième fois, j'aimerais poser une question au témoin. Est-ce qu'il s'agit

 20   de l'une des deux interviews avec le journaliste M. Mutic, ou est-ce qu'il

 21   s'agit de cette interview faite par Dragan Bozanic ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ça, c'est l'interview de Dragan Bozanic.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Et je suppose que vous souhaitiez le diffuser une deuxième fois.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Oui. Nous allons commencer maintenant.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Les journalistes britanniques n'ont pas voulu filmer l'infirmerie de


Page 3564

  1   ce centre, ils n'étaient pas non plus intéressés par le prisonnier Mevludin

  2   Sejmenovic, un député de l'ancienne assemblée de Bosnie-Herzégovine, un

  3   militant du SDA.

  4   Nous avons entendu que vous étiez l'un des quelques membres, quelques

  5   personnes qui se trouvent dans ce centre de réception à être venus ici

  6   volontairement à Omarska.

  7   Sejmenovic : Oui, tout à fait.

  8   Journaliste : Est-ce que vous pouvez nous expliquer vos raisons ? Pourquoi

  9   est-ce que vous êtes venu ?

 10   Sejmenovic : Eh bien, écoutez, je suis venu après avoir attendu un certain

 11   temps après m'être caché, mais je suis venu pour que les principaux auteurs

 12   de ces événements horribles puissent être attrapés, capturés, appréhendés

 13   pour que toute la vérité à propos de cet incident puisse éclater, puisse

 14   être déterminée, pour que l'on connaisse les gens qui ont commis ces crimes

 15   horribles pour que les gens croient à mon travail de déclarations.

 16   Journaliste : Mais à qui faites-vous référence lorsque vous dites qu'ils

 17   doivent appréhender ? Qui est responsable de toutes ces horreurs qui se

 18   sont produites dans cette région ?

 19   Sejmenovic : Eh bien, je fais référence tout d'abord aux dirigeants de

 20   cette partie de la Krajina de Bosnie, le président de la région Mirza

 21   Mujadzic, et au président du parti à Prijedor, également Mirza Mujadzic, et

 22   aux membres du comité exécutif pour la Bosnie-Herzégovine, ainsi que les

 23   personnes de son parti qui ont organisé toutes ces tâches militaires.

 24   Journaliste : Est-ce que vos collègues, ceux qui sont ici avec vous dans ce

 25   centre, savent qu'en est votre opinion ? Est-ce que vous pouvez dire ce que

 26   vous pensez ouvertement à propos de ce mal, de ce fléau qui a frappé la

 27   population musulmane ?

 28   Sejmenovic : Je l'ai déjà dit deux fois ici lors des conversations avec des


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  1   gens lors d'une interview pour la télévision de la Krajina. J'ai déjà donné

  2   mes déclarations et j'ai déjà envoyé un message au peuple eu égard à la

  3   situation. Je leur ai dit ce que j'avais pu observer directement sur le

  4   terrain en Krajina bosnienne, c'est-à-dire à Prijedor, et non pas par le

  5   biais d'un télescope, ce qui semble être le cas de la plupart des personnes

  6   qui sont responsables de tout cela.

  7   Journaliste : Je ne sais pas si vous avez eu la possibilité de voir les

  8   journalistes étrangers qui viennent quasiment tous de la Grande-Bretagne et

  9   qui sont venus dans ce centre. La raison, c'est qu'il y a eu des rapports

 10   ou des reportages dans le monde indiquant qu'il y avait des camps de

 11   concentration pour les Musulmans et les Croates en République serbe, dans

 12   cette zone où vous vous trouvez maintenant. Etant donné que vous êtes dans

 13   ce centre et que vous êtes venu ici de votre propre initiative, est-ce que

 14   vous pourriez dire à ces journalistes étrangers la vérité, est-ce que vous

 15   savez ce qu'est un camp de concentration ? Est-ce qu'il s'agit d'un camp de

 16   concentration ou est-ce qu'il s'agit d'un centre de rassemblement ? Qu'est-

 17   ce que vous leur diriez ?

 18   Sejmenovic : Eh bien, écoutez, je peux leur dire que les opérations de

 19   guerre ont eu de telles conséquences qu'il a fallu regrouper les peuples

 20   pour des raisons de sécurité et puis aussi pour qu'ils puissent survivre

 21   finalement. Et que cela ne présentait les caractéristiques d'un camp de

 22   concentration, tels que les camps de concentration sont décrits par la

 23   propagande politique, et il pourrait le voir pour eux-mêmes aujourd'hui.

 24   Journaliste : Une autre question. Avant que la guerre n'éclate

 25   véritablement ici, est-ce qu'il y avait des gens parmi la population

 26   musulmane dans cette zone qui se préparaient à la guerre ?

 27   Sejmenovic : Il a été question au cours des derniers mois d'armes, et je

 28   pense aux conversations quotidiennes parmi la population, qui n'avait


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  1   absolument rien à voir avec la politique, ainsi que de conversations au

  2   sein de partis politiques, notamment au sein du SDA, parce qu'il y avait

  3   quand même un certain niveau de crainte, d'incertitude, et les gens

  4   essayaient de chercher un soutien. En tout cas, au niveau des conversations

  5   les gens parlaient de leur sécurité personnelle, par exemple. Mais

  6   maintenant il est absolument manifeste qu'en coulisses, les oligarchies

  7   politiques ont véritablement joué à un jeu très trouble, et ce, en

  8   coulisses, sans rendre compte à leurs membres ou à la population. Leur

  9   objectif était probablement de faire de sorte que leur peuple participe à

 10   une lutte, et ce, pour leur intérêt individuel ou personnel, et ils n'ont

 11   même pas en fait pris la mesure des véritables conséquences que tout cela

 12   pouvait avoir, ou même qu'ils n'y s'y attendaient pas du tout, ou alors

 13   peut-être que c'est ce qu'ils voulaient. Je n'en sais rien.

 14   Journaliste : Etant donné que les journalistes ont conclu que cette guerre

 15   sur le territoire présente toutes les caractéristiques d'une guerre

 16   religieuse, est-ce que vous avez entendu dire que certains prêtres

 17   musulmans, des hodza ou des imams, disposaient avant la guerre, juste avant

 18   la guerre, d'armes fabriquées aux Etats-Unis, et qu'ils étaient prêts donc

 19   pour ce jeu militaire ?

 20   Sejmenovic : Ecoutez, je ne connais rien en matière d'armement et d'armes,

 21   et nous en avons parlé depuis assez longtemps. Bon, il y a des éléments de

 22   preuve. On entend encore aujourd'hui ici, parce qu'il y a des éléments de

 23   preuve suivant lesquels un certain nombre de prêtres ont participé à

 24   l'armement et à la contrebande d'armes d'une certaine façon. Je ne sais

 25   pas. Mais ce que je sais, c'est que ce faisant ils ont probablement

 26   enfreint les normes et les règlements de leur religion, de la religion

 27   qu'ils prêchent. Ils ont violé les normes morales humaines, et qu'en fait

 28   quelque part c'est eux qui sont responsables en partie. C'est à eux que


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  1   l'on peut attribuer en partie, et je mets ça entre guillemets, une partie

  2   de ce mal est de cette malédiction pour tous nos peuples, et non pas

  3   seulement pour un seul peuple."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. TRALDI : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur, je pense que vous avez reconnu l'homme qui portait un tee-

  7   shirt et qui parlait dans cet extrait vidéo ?

  8   R.  Oui. C'est moi.

  9   Q.  Avez-vous reconnu le journaliste qui s'entretenait avec vous ?

 10   R.  Oui. Il s'agit de Dragan Bozanic, un journaliste.

 11   Q.  Et on vous a donné un texte à lire devant la caméra. Quel était le

 12   journaliste qui s'entretenait avec vous à ce moment-là ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, c'est clair du compte

 14   rendu, n'est-ce pas, je veux dire de la déclaration.

 15   M. Mutic lui a donné un texte à lire et il a également fait l'objet d'un

 16   entretien avec quelqu'un d'autre. Il a annoncé, bien sûr, qu'un tel -- et

 17   donc, en fait, on a dit que c'était lui, le témoin. Voyons. Si nous pouvons

 18   donc peut-être passer au fond.

 19   M. TRALDI : [interprétation]

 20   Q.  Je vais passer à ce que vous avez dit pendant cette vidéo, et je dois

 21   dire qu'elles sont surprenantes. J'aimerais vous poser des questions en la

 22   matière.

 23   Tout d'abord, vous convenez avec le journaliste que vous êtes venu de votre

 24   propre gré à Omarska. Est-ce là une déclaration exacte de la façon dont

 25   vous ressentiez la chose à l'époque ?

 26   R.  Non, ce n'était pas exact.

 27   Q.  Et il semblait que vous disiez qu'Omarska était nécessaire et que les

 28   gens y étaient regroupés aux fins de sécurité. Est-ce bien une déclaration


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  1   de ce que vous estimez à l'époque ?

  2   R.  Non, c'était une déclaration erronée également.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Lukic.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Après que ceci a été élucidé que ce n'est pas

  5   Mutic, ceci n'est pas venu de mon contre-interrogatoire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire que la

  8   vidéo relève du contre-interrogatoire. Il y a eu contre-interrogatoire sur

  9   les paragraphes pertinents, ainsi que sur l'entretien vidéo, mais je m'en

 10   remets à vous, Monsieur le Président.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous avez raison. Si

 13   l'Accusation souhaitait nous projeter cette vidéo, en outre de la

 14   déclaration, elle aurait eu la possibilité de le faire.

 15   Et, Monsieur Traldi, le contre-interrogatoire portait sur la lecture

 16   de cette déclaration dans un entretien différent, et vous allez maintenant

 17   nous passer l'entretien suivant. C'est la raison pour laquelle j'ai

 18   immédiatement demandé après la première vidéo de quel entretien il

 19   s'agissait.

 20   Si vous voulez bien continuer, si vous avez des questions

 21   supplémentaires.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, cinq questions

 23   brèves.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Encore une fois, toutes les

 25   parties --

 26   M. TRALDI : [interprétation] Je vais essayer de faire aussi efficace que

 27   faire se peut.

 28   Q.  A partir du compte rendu, de la page 26, Monsieur Sejmenovic, M. Lukic


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  1   vous a posé une question sur la participation d'officiers militaires à la

  2   cellule de Crise.

  3   M. TRALDI : [interprétation] Je demanderais maintenant à l'huissier de nous

  4   afficher le document 1D00323, qui est également le 65 ter 07105 [comme

  5   interprété]. Passons à l'article 9, page 4 en anglais.

  6   Q.  On y voit :

  7   "La cellule de Crise restera en contact constant avec la protection civile,

  8   la sécurité publique, la défense du territoire et les supérieurs de ces

  9   organismes et organes."

 10   Ma question est suivante : est-ce dans le droit fil de votre observation de

 11   la relation entre la cellule de Crise et les forces serbes dans la

 12   municipalité de Prijedor ?

 13   M. LUKIC : [interprétation] Objection à nouveau. Ma question a été à savoir

 14   si ces hommes étaient des membres de la cellule de Crise, et non pas s'ils

 15   avaient coopéré ou pas.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci est à l'évidence relié à la

 17   question. Objection rejetée.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Si la Défense souhaite le stipuler, je vais

 19   retirer ma question.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une invitation qui vous est

 21   offerte, Maître Lukic.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, conviendrez de ce qui se trouve à

 24   l'article 9 et à la page 4; l'acceptez-vous ? La Défense l'accepte-t-elle ?

 25   M. TRALDI : [interprétation] Coopération entre les militaires et la cellule

 26   de Prijedor.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci se trouve dans le document, ou

 28   s'ils ont coopéré ? Que la relation, donc, est décrite par le témoin dans


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  1   la déclaration. Nous parlons maintenant de ce qui se trouve dans le

  2   document. Et le document est versé et se trouve au dossier, n'est-ce pas,

  3   Monsieur Lukic ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'au paragraphe 9 ces termes s'y

  6   trouvent ou pas, pourquoi nous faut-il en convenir ? Je chausse mes

  7   lunettes, nous pouvons lire.

  8   M. TRALDI : [interprétation] Eh bien, je retire cette invitation et je vais

  9   poser ma question.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir si cela se trouve au paragraphe

 11   9 ? Je ne l'ai pas sur mon écran.

 12   M. TRALDI : [interprétation] La question de savoir si ceci est dans le

 13   droit fil de ses observations.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. TRALDI : [interprétation]

 16   Q.  Aux pages 36 et 37 du compte rendu d'aujourd'hui, Me Lukic vous a

 17   déclaré que seuls les agents de police travaillant à Omarska. Au paragraphe

 18   45 [comme interprété] de votre déclaration, P283, il y avait des soldats

 19   qui faisaient des patrouilles dans le secteur où se trouvaient les

 20   prisonniers. Où avez-vous vu ces soldats plus précisément ?

 21   R.  J'ai vu les soldats sur le terrain d'atterrissage. Certains d'entre eux

 22   entraient dans le hangar, d'autres en sortaient. Quand j'ai été emmené dans

 23   la maison blanche, les soldats sont venus pour me rouer de coups. Les

 24   soldats sont également entrés dans la salle à côté de la serre. Et ils

 25   étaient positionnés le long de la route entre Omarska et le camp lui-même

 26   et étaient équipés, donc, de sacs de sable et de mitrailleuses.

 27   Q.  Au compte rendu, page 49, Me Lukic vous a demandé si vous aviez entendu

 28   dire que des Musulmans blessés de Kozarac avaient été amenés à l'hôpital de


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  1   Prijedor. Vous avez répondu :

  2   "Oui, mais je sais qu'ils venaient d'un secteur différent."

  3   Est-ce que cela signifie que vous n'avez pas entendu dire que des Musulmans

  4   blessés de Kozarac avaient été amenés à l'hôpital de Prijedor ?

  5   R.  Littéralement, j'ai dit la chose suivante : j'ignore en ce qui concerne

  6   Kozarac, mais j'ai entendu dire que certaines personnes avaient été

  7   emmenées à l'hôpital, personnes venant d'autres régions.

  8   Q.  Et enfin, Monsieur, Me Lukic vous a posé donc la question à savoir

  9   d'armer la défense du territoire de Kozarac, et vous avez mentionné -- dans

 10   l'entretien avec le major Zeljaja. Pendant la rencontre que vous aviez

 11   tenue avec le colonel Arsic et d'autres personnes du quartier général du

 12   SDS de Prijedor, est-ce que des autorités serbes, par la suite, vous

 13   donnaient l'impression que si vous déposiez les armes que vous aviez, quel

 14   que ce soit le nombre, qu'une attaque contre Kozarac pourrait être évitée ?

 15   R.  Non, non, ils n'ont démontré quelque geste que ce soit ou disposition

 16   de bonne volonté qui donnerait un espoir quel qu'il soit. En revanche, ils

 17   ont délivré un ultimatum qu'il était impossible de respecter, et toute

 18   tentative de notre part ne pourrait qu'aboutir à un échec par rapport à cet

 19   ultimatum.

 20   Q.  Très bien. Cela vient conclure mes questions.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois signaler quelque chose au compte

 22   rendu.

 23   Monsieur Traldi, vous êtes revenu sur le document 1D00232 [comme

 24   interprété], avec le paragraphe 9 qui s'y trouve, mais ça n'a pas été versé

 25   par Me Lukic. Il en a lu une partie de ce que vous avez dit, le 65 ter

 26   07104. Les parties souhaiteraient-elles que ce soit versé au dossier ?

 27   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, afin que les Juges

 28   de la Chambre puissent le lire.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque vous avez été le premier à y

  2   revenir, voulez-vous que ce soit une pièce de la 

  3   Défense ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Je laisserai M. Traldi faire en sorte que

  5   ce soit un document provenant de l'Accusation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vous êtes fort généreux

  7   aujourd'hui.

  8   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, ce document reçoit

 10   la cote.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D323 devient la pièce D64.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est versée au dossier.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai une question

 14   à poser au témoin, si je le puis.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me tourne vers les cabines pour la

 18   bonne raison que vous ne faites qu'aggraver ma réputation. Et d'ailleurs,

 19   pendant l'entretien sur la vidéo, on disait une question supplémentaire,

 20   alors qu'il y en a eu cinq. Maître Lukic, si vous vous cantonnez à une

 21   question, allez-y.

 22   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Lukic :

 23   Q.  [interprétation] Il me faut encore vous retenir quelques instants. Les

 24   soldats à Omarska dont vous avez parlé, mais vous ne saviez pas de quelle

 25   unité ils provenaient, mais en avez-vous conclu quant à leur affiliation à

 26   l'armée en vous fondant sur leurs uniformes ?

 27   R.  Et également quant à la façon dont ils parlaient.

 28   Q.  Qu'est-ce que cela veut dire ?


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  1   R.  Eh bien, quand quelqu'un arrive et vous dit : Vous allez voir

  2   maintenant comment les militaires rouent de coups, et un agent de police à

  3   côté est en uniforme bleu, je présume que celui qui vient de parler vient

  4   de l'armée.

  5   Q.  Je n'ai pas d'autres questions.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Lukic.

  7   Monsieur Sejmenovic, ceci vient conclure votre déposition. Merci d'être

  8   venu à La Haye - ce n'est, certes, la première fois - et merci d'avoir

  9   répondu aux questions qui vous ont été présentées par les parties et par

 10   les Juges de la Chambre. Et nous vous souhaitons un bon retour.

 11   Si vous voulez bien suivre l'huissier.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Un élément supplémentaire, si vous me le

 13   permettez, Monsieur le Président.

 14   J'aimerais exprimer ma gratitude profonde à vous pour avoir témoigné

 15   plusieurs fois. Merci. Mes remerciements vous sont adressés pour le travail

 16   extraordinaire que vous réalisez, en mon nom et au nom de tous ceux qui

 17   escomptent la justice.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous remercions de suivre nos

 19   travaux et d'en être positif. Si vous voulez bien suivre l'huissière.

 20   [Le témoin se retire]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois je présente mes

 22   excuses aux interprètes et à tous ceux qui nous apportent leur aide. Vous

 23   comprenez que nous avons tenté d'en terminer de cette déposition

 24   aujourd'hui, avec l'aide des parties, nous n'aurions pas dépassé le temps,

 25   le temps qui nous était imparti. Donc nous levons l'audience et nous

 26   reprendrons demain, jeudi, 4 octobre, à 9 heures 30, ici même.

 27   --- L'audience est levée à 14 heures 24 et reprendra le jeudi, 4 octobre

 28   2012, à 9 heures 30.