Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 22 août 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 34.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  6   dans ce prétoire et autour de celui-ci.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire, s'il vous

  8   plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, et merci.

 10   Ceci est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Quelques

 12   points à traiter avant la venue du témoin.

 13   Tout d'abord, les parties ont été informées hier que nous aborderions

 14   un certain nombre de questions avant de faire venir M. Donia dans le

 15   prétoire.

 16   La Chambre considère que Robert Donia est un expert au sens de la

 17   déposition qui est attendue de lui devant cette Chambre, par conséquent

 18   elle ne fait pas droit à la requête de la Défense aux fins d'exclure la

 19   présentation par M. Donia de sa déposition avec des raisons qui seront

 20   exposées ultérieurement. Toute requête de la Défense pour un report du

 21   contre-interrogatoire ou une nouvelle comparution du témoin ou encore un

 22   temps supplémentaire au titre du contre-interrogatoire sera examinée après

 23   l'interrogatoire principal. La Chambre fait droit à la requête de

 24   l'Accusation aux fins d'ajout des rapports et annexes à la liste des pièces

 25   de l'Accusation en application de l'article 65 ter, décision dont les

 26   raisons seront fournies ultérieurement et surseoit à sa décision quant au

 27   versement au dossier des rapports et annexes jusqu'au moment où le témoin

 28   en aura terminé avec sa déposition.


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  1   Ceci conclut la position de la Chambre à cet égard.

  2   Maître Lukic, la Chambre a été informée que la Défense souhaitait soulever

  3   un point relatif au contre-interrogatoire du Témoin Robert Donia. Je vous

  4   invite à vous exprimer.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Merci, et bonjour, Messieurs les Juges.

  6   Premièrement, je voudrais apporter une correction à quelque chose qui a été

  7   consigné hier en page 15 448 du compte rendu d'audience. Mon estimé

  8   confrère, M. Groome, a dit que je n'aurais pas reçu quelque chose de la

  9   part de mon confrère, Me Ivetic, mais en fait, je l'ai bien reçu.

 10   Néanmoins, l'erreur venait de moi, car bien que l'ayant reçu, je n'ai pas

 11   ouvert ce ou ces emails. Donc, du point de vue des Juges de la Chambre, je

 12   comprends bien que c'est la même chose.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'est plus équitable envers Me

 14   Ivetic.

 15   M. LUKIC : [interprétation] En effet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous en tenons compte, et

 17   nous l'apprécions.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Deuxièmement, nous nous attendions à la

 19   décision de ce matin, mais nous nous attendions aussi à entendre les motifs

 20   de cette décision. Maintenant, nous apprenons que les motifs viendront

 21   ultérieurement, et nous craignons que les raisons qui motivent votre

 22   décision ne nous soit fournie qu'après la fin de la déposition du témoin, à

 23   un moment auquel notre requête n'aura plus lieu d'être. Donc, si nous avons

 24   de bonnes raisons de croire que nous ne serons pas absolument convaincus

 25   par le raisonnement de la Chambre, nous souhaiterions avoir la possibilité

 26   de demander une certification en appel.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je ne sais pas si cela

 28   changera quoi que ce soit aux raisons que nous avons retenues pour le


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  1   moment et même une demande anticipée de certification en appel n'aurait pas

  2   pour effet automatique d'interrompre ou d'arrêter la déposition de M.

  3   Donia. Donc, de ce point de vue, votre démarche n'aura pas de conséquences

  4   pratiques, en tout cas n'est pas susceptible d'en avoir.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Mais pour nous, il n'est pas possible de faire

  6   appel sans fournir des motifs.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout à fait compréhensible et

  8   clair, mais si vous aviez les raisons en question et étiez en mesure de

  9   déposer une telle écriture, dans ce cas l'Accusation aurait la possibilité

 10   d'y répondre et la Chambre statuerait, ce qui d'habitude prend au moins

 11   deux semaines, parfois bien plus, ce qui, encore une fois, ne nous

 12   empêcherait pas d'entendre la déposition de M. Donia.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, il y a également un

 15   point que l'Accusation souhaite soulever. Madame Bibles, c'est vous qui

 16   vous en chargez ?

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour,

 18   Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, comme indiqué hier soir,

 21   l'Accusation a décelé une erreur qui s'est glissée dans un document

 22   téléchargé sous la cote P01790 qui a été versée par le truchement du Témoin

 23   Obradovic. La description du document est exacte. Cependant, les références

 24   et les numéros ERN pour ce document sont erronés. Par conséquent, le

 25   document n'est pas le bon. Nous avons demandé l'autorisation de la Chambre

 26   de première instance afin de pouvoir procéder à une substitution du

 27   document qui figure actuellement dans le prétoire électronique par le bon

 28   document.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Autorisation vous est donnée

  3   de procéder à la substitution du document téléchargé dans le système en

  4   tant que pièce P01790 par quel document ? Madame Bibles, vous avez la bonne

  5   référence ?

  6   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Les bons numéros

  7   ERN sont 0425-8739-0425-8739.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  9   Alors, nous avons eu un débat hier au sujet des communications

 10   erratum et mémorandum. La Chambre n'a pas reçu le mémorandum dont Me Lukic

 11   a dit qu'il apportait une modification au rapport plutôt que des

 12   précisions. Alors, nous nous en remettons à ce stade aux parties. Si

 13   celles-ci considèrent qu'il serait approprié pour les Juges de la Chambre

 14   d'examiner ce mémorandum afin d'être mieux à même de prendre à l'avenir

 15   toute décision qui s'avérerait nécessaire, eh bien, nous aurions, bien

 16   entendu, besoin de recevoir ce document.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi. Il ne s'agit pas de dire que le

 18   mémorandum apporte une modification au rapport. Le problème, c'est que ce

 19   mémorandum a connu des modifications dans le temps. Nous en avons reçu une

 20   version modifiée le 15 août.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Eh bien, je laisse ceci en

 22   l'état à ce stade. Si nous ne disposons pas de ce document, il est évident

 23   que nous ne pouvons pas le comparer à des versions précédentes. Par

 24   conséquent, encore une fois, nous nous en remettons aux parties qui

 25   seraient bien avisées d'en débattre, puisque nous ne disposons pas de ce

 26   document à ce stade, et si ce n'est pas urgent, eh bien, nous attendrons de

 27   voir.

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, eh bien, je prendrai


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  1   langue avec Me Lukic pendant la première pause, et si nous ne trouvons pas

  2   une solution, nous fournirons à la Chambre aussi bien le mémorandum

  3   original que la version modifiée.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Y a-t-il d'autres questions à

  5   aborder à titre préliminaire -- ah, oui. Je crois que j'ai déjà indiqué

  6   hier quelque chose que je souhaiterais en fait consigner de façon un peu

  7   plus détaillée au compte rendu d'audience. La Chambre souhaiterait rappeler

  8   à l'Accusation la date butoir du 30 août 2013 s'appliquant au dépôt de

  9   toutes les écritures restantes en application des articles 92 bis et 92

 10   quater ainsi que de toutes les demandes de versement direct à l'exception

 11   d'une. Depuis l'annonce de cette date butoir le 19 juillet, l'Accusation

 12   n'a déposé que deux de ses écritures en application de l'article 92 bis sur

 13   les neuf annoncées; quatre écritures en application de l'article 92 quater

 14   les dix annoncées, et une seule sur les sept demandes de versement direct.

 15   Afin de donner à la Défense suffisamment de temps pour répondre à toutes

 16   ces requêtes et de s'assurer que des décisions pourront être rendues en

 17   temps voulu et avant la fin de la présentation des moyens à charge, il est

 18   important que l'Accusation dépose les requêtes restantes dans les délais

 19   impartis et annoncés précédemment.

 20   Alors, je vois que personne ne se manifeste du côté de l'Accusation.

 21   Dois-je comprendre que vous considérez que vous vous confirmerez sans

 22   difficultés au délai imposé ?

 23   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, oui, nous considérons

 24   que nous resterons dans le cadre du délai imparti et que certaines

 25   requêtes, d'ailleurs, seront déposées aujourd'hui même ainsi que demain.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ceci est donc confirmé. Je

 27   crois que nous n'avons pas d'autres questions à aborder à titre

 28   préliminaire.


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  1   Est-ce que l'Accusation est prête à faire venir son témoin suivant ?

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il y a encore une

  3   question préliminaire concernant le Dr Donia. Je souhaiterais demander

  4   l'autorisation d'ajouter un erratum d'une page à la synthèse des rapports

  5   concernant l'assemblée dans la liste 65 ter. Ceci a été téléchargé dans le

  6   système sous la cote 30166 dans notre liste 65 ter, 30166A, en fait. Et je

  7   voudrais également demander l'autorisation d'ajouter à notre liste 65 ter

  8   le CV le plus récent du Dr Donia, qui correspond au numéro de pièce 30165

  9   dans la liste 65 ter.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic ?

 11   M. LUKIC : [interprétation] Je m'en remets aux Juges.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je crois que nous avons reçu

 13   l'erratum. Nous l'avons examiné, et il s'agit avant tout d'éliminer des

 14   doublons de cet aperçu, cette synthèse des rapports sur l'assemblée,

 15   certains passages qui apparaissent plusieurs fois, des coquilles, et

 16   cetera. Donc cela ne semble pas concerner la substance et, par conséquent,

 17   nous vous en donnons l'autorisation. La même chose s'applique au CV.

 18   Monsieur Groome ?

 19   M. GROOME : [interprétation] Il y a encore une question que je souhaiterais

 20   porter à l'attention de la Chambre concernant le délai du 30 août.

 21   L'Accusation a un certain nombre de requêtes pendantes aux fins de l'ajout

 22   de témoins à ces listes de témoins, et nous avons déjà rédigé nos requêtes

 23   en application de l'article 92 bis. Cependant, nous n'avons pas l'intention

 24   de les déposer tant que la Chambre n'aura pas rendu sa décision. Par

 25   conséquent, je voudrais demander à la Chambre une indication quant à la

 26   question de savoir s'il convient également de déposer ces écritures-là

 27   avant le 30 août, tout ceci étant conditionné par la décision finale de la

 28   Chambre relative à notre demande d'ajout de ce témoin.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, nous vous le ferons savoir. La

  2   Chambre devra se pencher sur cette question.

  3   M. GROOME : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, je sais qu'il y a un

  5   certain nombre de requêtes qui sont au stade de non pas premier mais

  6   quasiment dernier jet.

  7   S'il n'y a rien d'autre, nous pourrions faire venir le témoin dans la

  8   salle d'audience, s'il vous plaît.

  9   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne déposiez, je vous

 13   invite à prononcer le texte de la déclaration solennelle qui vous est

 14   présentement remis.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Donia. Veuillez vous

 20   asseoir.

 21   Monsieur Donia, vous allez d'abord être interrogé par Mme Bibles qui se

 22   trouve à votre droite. Vous savez peut-être pertinemment qu'elle est une

 23   représentante de l'Accusation.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Interrogatoire principal par Mme Bibles :

 28   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous décliner votre


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  1   identité pour le compte rendu d'audience et nous dire quelle est votre

  2   profession ?

  3   R.  Robert J. Donia. Je suis à la retraite. J'ai été professeur d'histoire,

  4   mais dans le passé j'ai également travaillé dans l'industrie des services

  5   financiers.

  6   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que nous

  7   affichons la première page du document numéro 30165 de la liste 65 ter.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous rédigé un curriculum vitae en préparation

  9   de votre déposition ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors si vous vous reportez à l'écran devant vous, pourriez-vous nous

 12   dire s'il s'agit bien de ce curriculum vitae ?

 13   R.  Oui, c'est bien lui.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Si nous pouvions afficher, s'il vous plaît,

 15   la dernière page du document, il me semble que c'est la page numéro 6.

 16   Q.  Votre CV indique que vous avez obtenu un master et un doctorat en

 17   histoire à l'Université du Michigan. Y avait-il un domaine particulier en

 18   histoire sur lequel vous vous êtes concentré dans ces travaux de master et

 19   de doctorat ?

 20   R.  Oui. Mon doctorat a été consacré à l'histoire de l'Europe du sud-est,

 21   et plus spécifiquement à la Yougoslavie, plus précisément encore à la

 22   Bosnie-Herzégovine, et notamment à l'histoire sociale et politique des XIXe

 23   et XXe siècle ainsi qu'à l'histoire des guerres dans la région.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire quand vous vous êtes pour la première fois

 25   rendu sur place en Bosnie ?

 26   R.  En 1965.

 27   Q.  Combien de fois à peu près vous êtes-vous rendu en Bosnie depuis 1965 ?

 28   R.  Je ne suis pas tout à fait certain du nombre, mais mon estimation est


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  1   une cinquantaine de fois.

  2   Q.  En tant que chercheur doté d'une bourse Fulbright en 1974 et 1975, où

  3   avez-vous conduit vos recherches ?

  4   R.  Principalement à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, et également à

  5   Zagreb, Belgrade, c'est-à-dire en Serbie, et à Vienne.

  6   Q.  Pourriez-vous décrire quel niveau de maîtrise vous avez du serbo-croate

  7   ou du B/C/S ?

  8   R.  Eh bien, je parle bien la langue. Je ne dirais pas que je la parle

  9   couramment, mais je la parle bien, je la maîtrise bien. Je la lis avec

 10   facilité, je l'écris un peu moins facilement, et j'ai notamment des

 11   difficultés avec la lecture de l'alphabet cyrillique, pas tant de

 12   l'alphabet que de l'écriture manuscrite cyrillique.

 13   Q.  Pourriez-vous nous décrire quand vous avez commencé à acquérir vos

 14   compétences linguistiques en la matière ?

 15   R.  En 1965, lorsque je suis venu pour la première fois, et j'ai repris

 16   avant ma visite de 1974-75.

 17   Q.  Pourriez-vous nous décrire quel type de documents vous avez utilisés,

 18   examinés dans vos travaux des années 1970 ?

 19   R.  J'ai largement utilisé des documents d'archive mais je me suis

 20   également appuyé sur la presse contemporaine, la presse de l'époque, qui

 21   faisait également l'objet de mes recherches, ainsi que sur différents

 22   récits qui avaient été couchés par écrit à l'époque par différentes

 23   personnalités.

 24   Q.  Qu'avez-vous remarqué dans votre travail sur le plan de l'utilisation

 25   du langage dans les différents types de documents que vous avez examinés ?

 26   R.  Eh bien, j'ai relevé que le vocabulaire et les habitudes lexicales

 27   variaient considérablement en fonction du contexte particulier dans lequel

 28   quelqu'un écrivait et en fonction de l'institution à laquelle la personne


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  1   était affiliée.

  2   Q.  Est-ce qu'actuellement vous examinez également les documents émanant de

  3   cette région dans la langue originale ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Depuis le début de votre travail académique ou plutôt depuis les années

  6   1970, vous avez également commencé une carrière à temps plein dans

  7   l'industrie des services financiers. Est-ce qu'à ce moment-là vous avez

  8   continué pendant cette période à travailler dans le domaine de l'histoire ?

  9   R.  Oui. J'ai en fait commencé à travailler dans l'industrie des services

 10   financiers en 1981. Pendant les cinq ou six premières années, j'ai été en

 11   mesure de produire quelques articles et également de rester à niveau dans

 12   mon domaine d'expertise, mais ensuite cela s'est en quelque sorte arrêté

 13   avant de reprendre au début des années 1990.

 14   Q.  Avez-vous poursuivi votre engagement dans les institutions académiques

 15   de Bosnie ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et par rapport à vos recherches dans leur ensemble, est-ce que ceci

 18   comprenait également les événements actuels contemporains pas uniquement

 19   les événements historiques ?

 20   R.  Oui.

 21   Mme BIBLES : [interprétation] Eh bien, Messieurs les Juges, je crois qu'il

 22   est temps de demander le versement du document 30165 de la liste 65 ter.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1998.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic ?

 26   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons les mêmes objections que celles que

 27   nous avions à l'égard du rapport.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en train de parler du CV


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  1   pour le moment, Monsieur Lukic.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi, je me suis un peu perdu. Je n'ai

  3   pas d'objection pour ce qui est du CV.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, cette pièce P1998 sera

  5   versée au dossier.

  6   Mme BIBLES : [interprétation]

  7   Q.  Pour ce qui est des trois premières pages de votre CV nous avons pu y

  8   apprendre que vous avez été auteur ou coauteur ou éditeur de toute une

  9   série de livres et d'articles liés à la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous

 10   pouvez décrire pour le compte des Juges de la Chambre comment vous avez

 11   évalué les sources historiques que vous avez sélectionnées pour de tels

 12   travaux ou rapports à l'intention des Juges de différentes Chambres ?

 13   R.  Certes, il y a eu quatre critères que j'ai utilisés pour évaluer la

 14   valeur des sources historiques. D'abord, il y a la source qui est

 15   l'original. Deuxièmement, ce serait la véracité ou la capacité de vérifier

 16   les données d'autres documents datant de la même période, et j'ai également

 17   pris en considération le fait de savoir si ces sources étaient fiables. Il

 18   y avait la pertinence du sujet. Et quatrièmement, la richesse de la source.

 19   C'est-à-dire, dans ce document, il s'agissait de voir si cela avait un

 20   trait quelconque de pertinent pour ce qui est du sujet ou des sujets que

 21   j'abordais.

 22   Q.  Alors, dans vos récents travaux, il y a un livre intitulé "Les extraits

 23   de l'assemblée de la Republika Srpska, 1991 à 1996". Etant donné que ceci

 24   ressemble aux rapports que nous allons avoir l'occasion d'aborder devant la

 25   Chambre aujourd'hui, je vais vous poser un certain nombre de questions

 26   s'adressant aux deux.

 27   D'abord, la question serait celle-ci : combien de temps avez-vous travaillé

 28   sur l'étude des sessions de l'assemblée de la Republika Srpska en vous


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  1   servant de ces sessions comme source ?

  2   R.  Depuis 2002.

  3   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire la valeur de ces transcriptions des

  4   sessions de l'assemblée, des PV, en termes de recherche historique ?

  5   R.  Je crois que c'est une grande valeur, c'est d'une grande valeur. C'est

  6   une source incontournable pour ce qui est de connaître les motivations, les

  7   intentions, les perspectives et la façon de voir des leaders du mouvement

  8   national des Serbes de Bosnie.

  9   Q.  Les extraits que vous avez utilisés dans votre livre ainsi que les

 10   rapports que vous surlignez pour ce qui est de ce que vous considérez comme

 11   crucial, c'est organisé de façon thématique. Est-ce que vous pouvez dire

 12   aux Juges de la Chambre comment vous avez sélectionné la documentation ?

 13   R.  C'est un processus quelque peu subjectif. Je me suis penché sur les

 14   comptes rendus ou des transcriptions de sessions concrètes et j'identifiais

 15   ou je relevais les parties qui correspondaient le mieux aux critères que

 16   j'avais établis par avance. Et c'est ainsi que j'ai réparti les choses en

 17   huit secteurs thématiques dont j'ai déjà parlé et je les ai

 18   chronologiquement présentés dans chaque domaine.

 19   Q.  Lorsque vous avez travaillé sur les sessions de l'assemblée, quel type

 20   de contexte avez-vous pris en considération aux fins de comprendre ce qui

 21   s'y passait à ces sessions ?

 22   R.  Eh bien, si je puis à présent me pencher sur certains extraits

 23   concrets, je pourrais dire qu'il y a eu trois couches de contexte qui

 24   avaient autant d'importance les unes que les autres pour ce qui est de

 25   l'évaluation des différents extraits. Tout d'abord, il y avait le contexte

 26   concret immédiat en termes du fait de savoir qui a dit quoi, devant quel

 27   forum, à qui on s'adressait, de quoi avait-on parlé à ce moment-là, et de

 28   présenter ce qui a précédé et ce qui a suivi. Le deuxième niveau est d'une


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  1   nature plus générale du point de vue des événements politiques, sociaux,

  2   militaires et autres se déroulant à l'époque. Donc de savoir si c'était en

  3   temps de paix ou en temps de guerre, était-il question d'un plan de paix ou

  4   de planning pour l'avenir. Et le troisième contexte est un contexte interne

  5   qui est lié au mouvement en tant que tel. Et dans ce cas concret, il s'agit

  6   du mouvement national des Serbes de Bosnie qui étaient en grande partie

  7   membres du SDS. Et je dirais que là, il s'agit de codes de langage, de

  8   codes lexicologiques, de significations à attribuer à différents termes et

  9   à l'importance qu'il convenait d'attribuer aux différents événements et aux

 10   différents mouvements.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander à

 12   ce que l'on nous fasse afficher la première page du 65 ter 3168.

 13   Q.  Et j'aimerais attirer votre attention sur deux rapports que vous avez

 14   préparés à l'intention de la Chambre.

 15   Est-ce que ceci est la première page du rapport relatif à Sarajevo

 16   que vous avez rédigé pour cette affaire ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez décrit la façon dont vous avez sélectionné vos sources. Est-

 19   ce qu'il y a eu des facteurs complémentaires que vous avez pris en

 20   considération s'agissant de la rédaction de ce rapport concret ?

 21   R.  S'agissant de ce rapport concret, j'ai été particulièrement intéressé

 22   par la façon de percevoir ou les façons de percevoir des différents

 23   intervenants mais je suis aussi efforcé d'établir une espèce d'aperçu

 24   thématique des causes et des conséquences d'événements avant de pendant le

 25   siège.

 26   Q.  Mais quels ont été les éléments que vous avez pris en considération

 27   pour ce qui est du rôle joué par l'accusé dans ce cas concret ?

 28   R.  Certes. Le rapport, de façon similaire à ce que j'avais rédigé


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  1   antérieurement pour d'autres affaires, se trouve être concrètement rédigé

  2   pour ce qui est de le voir se pencher concrètement sur ce que l'accusé

  3   avait eu comme perception ou ce qu'il a dit pendant cette période.

  4   Q.  Et est-ce que ceci permet aux lecteurs de comprendre quelque chose au

  5   sujet de la Bosnie-Herzégovine ?

  6   R.  Oui. Je suis parti d'une supposition qui est celle de dire que le

  7   lecteur comprendra quelque chose au sujet de la Bosnie, de Sarajevo, et de

  8   tout ce qui avait généré la guerre en 1990.

  9   Q.  Dans la partie introductive de ce rapport relatif à Sarajevo, je crois

 10   qu'il s'agit des pages 2 et 3, vous avez formulé des points de vue sur les

 11   nations et les mouvements nationalistes. De quelle façon ceci a-t-il influé

 12   sur votre rapport ?

 13   R.  Compte tenu de ce cadre où l'identité nationale se trouve être une

 14   variable et non pas une donnée éternellement immuable de toute personne ou

 15   de tout individu, cela nous a amené à faire en sorte que dans ce rapport il

 16   n'y a pas eu d'attribution d'activités à un groupe ethnique concret. Ça n'a

 17   pas été la motivation. Ça a pu devenir une motivation de façon liée à autre

 18   chose. Deuxièmement, ceci signifierait que je n'ai pas attribué un crédit

 19   particulier, pas plus que retranché un crédit particulier sur les

 20   événements pour ce qui est de l'appartenance ethnique ou de l'identité

 21   nationale de la personne qui a fait telle ou telle autre chose.

 22   Q.  Est-ce que vous pouvez brièvement nous décrire de quelle façon vous

 23   avez organisé les parties finales de ce rapport ?

 24   R.  Les constatations finales dans le texte correspondent à l'original en

 25   B/C/S' et il s'agit de déclarations faites par des individus ou de textes

 26   qui ont été publiés dans différents publications et la finalité, c'est de

 27   faire en sorte que ceux qui comprennent ou peuvent lire le B/C/S soient à

 28   même de vérifier l'exactitude de la traduction et de comparer ceci avec le


Page 15504

  1   langage utilisé dans la version originale en B/C/S, et c'est ce qui vient à

  2   la fin du rapport.

  3   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire quels sont les avenants que vous avez

  4   utilisés pour ce qui est de la rédaction de ce rapport ?

  5   R.  Il y en a plusieurs. Ceci permet d'avoir une présentation visuelle, par

  6   exemple, des cartes, ou alors, une présentation numérique de ce qui a été

  7   donné comme descriptif dans le texte lui-même.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que l'on

  9   nous affiche à présent la pièce 65 ter 30167 sur nos écrans.

 10   Q.  En attendant que ce document ne soit affiché sur nos écrans, est-ce que

 11   vous pouvez nous dire si ces avenants sont composés de cinq cartes d'un

 12   tableau ?

 13   R.  Oui, c'est cela.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander à

 15   ce que 30167 et le 30168 se voient attribuer une cote à des fins

 16   d'identification.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le 65 ter 30168 deviendra la pièce P1999

 19   MFI. Et le 30167 deviendra la pièce à conviction P2000 MFI.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre décidera plus tard du

 21   versement au dossier de ces pièces. Veuillez continuer.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais qu'on nous

 23   affiche à présent sur nos écrans la pièce 65 ter 30166.

 24   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le document qui se trouve sur nos écrans ?

 25   R.  Oui. Il s'agit de la première page du rapport que j'ai qualifié

 26   d'extraits cruciaux au sujet des délibérations qui se sont tenues dans

 27   l'assemblée de la Republika Srpska.

 28   Q.  Est-ce que brièvement vous pourrez nous décrire de quelle façon ces


Page 15505

  1   extraits ont été organisés en matière de sujet abordé ?

  2   R.  Eh bien, je crois que les sujets sont listés en deuxième page du

  3   rapport, et on a décomposé ceci en huit thèmes différents, et les

  4   différents sujets sont donnés avec une présentation chronologique des

  5   extraits.

  6   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais à

  7   l'huissier de nous faire afficher la page 111 en anglais, et en B/C/S la

  8   page 152.

  9   Q.  Pour ce qui est de ces textes, des extraits 258 et de l'extrait 259

 10   ensuite, qui se trouve à la page d'après, est-ce que vous estimez

 11   nécessaire d'apporter certaines corrections ?

 12   R.  Oui. J'ai fourni des dates erronées pour ces deux sessions. Il ne s'est

 13   pas agi du 12 mai 1992 mais du 15 au 16 mai ou juillet de la même -- non,

 14   non, juillet de la même année.

 15   Q.  Dans le cours de votre récolement, est-ce que vous avez établi un

 16   aperçu des corrections à faire apporter ?

 17   R.  Oui.

 18   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander

 19   l'affichage de la pièce 65 ter 30166A sur nos écrans.

 20   Q.  Lorsque vous allez à présent vous pencher sur l'écran, est-ce que vous

 21   seriez à même de nous dire qu'il s'agit là de l'erratum que vous avez

 22   préparé à notre intention ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander à

 25   ce que le 30166A et le 30166 reçoivent une cote à des fins

 26   d'identification.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, le 65 ter 30166


Page 15506

  1   recevra la cote P2001 MFI, et le 65 ter 30166A recevra la cote P2002 MFI.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela gardera ce statut pour le

  3   moment.

  4   Est-ce que je peux demander un éclaircissement ? Monsieur Donia, vous nous

  5   avez dit que vous avez indiqué des dates erronées s'agissant de deux

  6   sessions, dans les deux cas de figure il s'agit de la 20e session, c'est ce

  7   qui se trouve au paragraphe 258 et 259, on y a indiqué 12 mai 1992. Et vous

  8   nous avez dit que vous étiez d'avis qu'il s'agissait "du 15 au 16 mai ou

  9   juillet". Alors, ça me semble être comme si vous aviez dit que c'est soit

 10   Pâques soit Noël.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, c'est juillet qu'il fallait

 12   entendre, Monsieur le Juge.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc 15 au 16 juillet ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Franchement, je ne me souviens pas si c'était

 15   du 15 au 16 ou du 16 au 17 juillet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui signifie quoi ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] 1992.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il y a eu deux jours de session en

 19   juillet.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 22   Veuillez continuer, Madame Bibles.

 23   Mme BIBLES : [interprétation]

 24   Q.  Le domaine suivant que j'aimerais aborder englobe six objectifs

 25   stratégiques à compter du 12 mai 1992.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Et j'aimerais demander au Greffier de nous

 27   faire afficher le 03432 sur nos écrans, de la liste 65 ter.

 28   Q.  Alors est-ce que vous pouvez nous dire ce que nous sommes en train de


Page 15507

  1   voir ici ?

  2   R.  Oui. Dans la colonne de gauche à compter du tiers, du quart, vers le

  3   bas, nous pouvons voir sur l'écran la version en B/C/S et la version

  4   anglaise qui apparaît à droite, c'est ce qui a été publié à la gazette

  5   officielle de la Republika Srpska en novembre 1993. Il est question,

  6   toutefois, de ce qui avait été entrepris comme activité à la date du 12 mai

  7   1992, et on établit une liste des objectifs stratégiques et des priorités

  8   du peuple serbe en Bosnie.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner lecture du premier objectif

 10   stratégique ?

 11   R.  Oui, une délimitation de l'Etat par rapport aux deux autres communautés

 12   ethniques.

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelle en est la signification, si

 14   tant est qu'il y en a une, pour ce qui est de publier les objectifs ainsi

 15   énoncés dans la gazette officielle ?

 16   R.  Les PV et le compte rendu d'audience de la 16e Session qui s'est tenue

 17   le 12 mai ne montrent pas ou ne reflètent pas le fait que l'assemblée avait

 18   formellement adopté ces objectifs stratégiques. Mais leur publication ici à

 19   la gazette officielle, ça signifie que ceci se trouve être reconnu à titre

 20   officiel par l'Etat comme étant des normes d'établies bien qu'il n'y ait

 21   pas de rapport dans la documentation qui montrerait que ceci aurait été

 22   adopté.

 23   Q.  Si l'on revient maintenant vers le premier objectif stratégique, est-ce

 24   que la signification de ce premier objectif stratégique devient évidente si

 25   l'on interprète littéralement la formulation originale de l'objectif

 26   formulé, est-ce qu'il s'agit de frontières politiques ou de séparation des

 27   différentes populations ?

 28   R.  Eh bien, à mon avis ce n'est pas tout à fait clair. Ici, il y a deux


Page 15508

  1   types de démarcation ou de délimitation qui sont mélangés. Il y a d'abord

  2   une séparation politique de l'Etat, qui parle donc de frontière, et l'autre

  3   élément parlerait de séparation de communautés ethniques. Donc c'est

  4   ambigu, et on ne sait pas ce que ceci veut concrètement dire comme

  5   objectif.

  6   Q.  En votre qualité d'historien, qu'avez-vous étudié pour comprendre

  7   l'intention et la signification de l'objectif ?

  8   R.  Je me suis penché sur les formulations linguistiques utilisées pour ce

  9   qui est de la description de l'objectif, formulations émanant de personnes

 10   qui considéraient que ces objectifs avaient été adoptés à la date du 12

 11   mai, et bon nombre d'individus ou personnalités différentes se sont

 12   référées à ces objectifs stratégiques à l'occasion des sessions de

 13   l'assemblée des Serbes de Bosnie, et je me suis penché sur la totalité de

 14   ces extraits pour mieux comprendre la signification de ce premier objectif

 15   stratégique.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Avant que de passer à l'une quelconque de ces

 17   sources, Messieurs les Juges, je demanderais un versement au dossier de la

 18   pièce 65 ter 03432.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le 65 ter 03432 deviendra la pièce à

 22   conviction P2003.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le P2003 est versé au dossier.

 24   Mme BIBLES : [interprétation]

 25   Q.  J'aimerais maintenant me pencher sur un certain nombre de sources que

 26   vous avez examinées afin de pouvoir trouver la signification derrière cet

 27   objectif.

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que M.


Page 15509

  1   le Greffier nous montre le document suivant à l'écran qui a reçu la cote

  2   P2001, c'est-à-dire le rapport des éléments-clé, des moments-clé.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais juste avant l'affichage de ce

  4   document, j'aimerais poser une question au Dr Donia.  Monsieur, si vous

  5   lisez les commentaires des participants à la réunion, qui ont élaboré les

  6   six objectifs stratégiques, vous nous avez dit que vous alliez nous aider à

  7   comprendre la signification. Mais, il y a des textes très importants qui

  8   ont également été utilisés à mauvais escient par des personnes qui se sont

  9   servis de ces définitions, de ces textes pour essayer de trouver un appui à

 10   leurs propres opinions et points de vue plutôt que d'exprimer ce que les

 11   auteurs du texte voulaient dire. J'entends par là, par exemple, lorsqu'on

 12   parle d'ouvrages religieux, comme par exemple la Bible. Pourriez-vous nous

 13   dire de quelle manière vous arrivez à faire une distinction entre un abus

 14   du texte, une mauvaise utilisation du texte à mauvais escient, et la

 15   précision de ces mêmes propos repris par des personnes qui n'étaient pas

 16   nécessairement les auteurs du texte lui-même ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 18   d'avoir posé cette question. Je suis tout à fait d'accord pour dire que ce

 19   texte-ci ou n'importe quel texte peut être utilisé à mauvais escient par

 20   des personnes qui lui attribuent une signification afin d'arriver à un

 21   objectif pour lequel ce texte n'a pas été écrit. Mais je crois qu'il est

 22   important de se pencher sur le contexte et de voir de quelle manière on a

 23   libellé les propos. Et je crois que ceci est fait, par exemple, lorsque

 24   l'on se penche sur les débats au sein du Conseil de sécurité avant qu'une

 25   résolution ne soit adoptée, et si l'on prend quelle que législation que ce

 26   soit, lorsqu'il y a des mesures qui sont présentées, elles sont soit

 27   adoptées ou rejetées. Donc, c'est un exercice tout à fait différent, je

 28   dois le dire, c'est-à-dire que d'essayer de déterminer sans une


Page 15510

  1   présupposition de comprendre la signification sans la signification qui a

  2   été attribuée par les auteurs du texte.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Bibles.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais que l'on prenne la page 11 en

  5   anglais et la page 12 également en anglais, et que l'on affiche la page 13

  6   en B/C/S.

  7   Q.  Je voudrais appeler votre attention d'abord au moment-clé numéro 14.

  8   S'agit-il de l'une des sources que vous avez consultées dans le cadre de

  9   votre enquête concernant ce rapport ?

 10   R.  Oui. Je crois que le point 14 n'est pas encore visible en B/C/S.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est la

 12   page 13 dans le prétoire électronique. Je ne sais pas si dans la version en

 13   langue anglaise, la deuxième partie de cet extrait se trouve à la deuxième

 14   page.

 15   Q.  Mais avant de nous pencher sur ce texte, j'aimerais vous demander,

 16   Monsieur, de nous expliquer le contexte dans lequel cette déclaration a été

 17   faite en date du 18 mars 1992.

 18   R.  Ce jour-là, les dirigeants des Serbes de Bosnie, les Musulmans serbes

 19   et les Croates ont conclu un accord de principe connu sous le nom d'accord

 20   de Lisbonne ou l'accord Cutileiro. Il s'agissait d'un accord de principe

 21   seulement. Il ne s'agissait pas d'un accord qui ait été ni signé ni

 22   finalisé par l'une ou l'autre des parties. Mais c'est à cet accord de

 23   principe que M. Krajisnik réagit dans le cadre de cette 11e Session qui a

 24   été consacrée à la discussion de ce plan. Et donc, il essaie simplement de

 25   placer cet accord dans le contexte des valeurs des Serbes de Bosnie. Et,

 26   bien sûr, la première phrase que l'on voit ici nous montre qu'il appuyait

 27   la notion fondamentale d'une division selon les principes ethniques, et au

 28   deuxième paragraphe, qui se trouve à la page suivante, il propose que ce


Page 15511

  1   principe soit mis en œuvre immédiatement.

  2   Q.  Et qu'avez-vous pu conclure de par cet extrait sur l'objectif visant

  3   une séparation ?

  4   R.  Il me semblerait que cette séparation ait été voulue par les dirigeants

  5   du mouvement des Serbes de Bosnie bien avant l'adoption et la discussion de

  6   l'adoption des accords du 12 mai.

  7   Q.  Passons maintenant au point suivant, au point 15. Je veux simplement

  8   m'assurer que les deux versions sont exposées ici. Alors, pourriez-vous

  9   nous dire quel est le contexte de cette session-ci ?

 10   R.  Eh bien, c'est une déclaration qui a été faite plusieurs sessions plus

 11   tard, au moment où Karadzic et les autres dirigeants essaient de voir de

 12   quelle manière leurs objectifs stratégiques pourraient être mis en œuvre

 13   dans la mesure du possible, et c'est dans ce contexte-là que Karadzic parle

 14   des raisons fondamentales de l'objectif, le caractère de cet objectif, et

 15   affirme que cela fait partie de l'essence même serbe et que cela a

 16   toujours, en réalité, fait partie des objectifs serbes, depuis longtemps.

 17   Q.  Est-ce que vous avez de temps en temps vérifié des citations faites

 18   ultérieurement ?

 19   R.  Oui. Et je pense que ces citations peuvent dévoiler un très grand

 20   nombre de choses. Mais il faut également les examiner avec beaucoup de

 21   précautions, parce que les gens ne réfléchissent pas toujours à ce qu'ils

 22   ont dit auparavant, mais ces citations-là peuvent avoir beaucoup de valeur

 23   pour nous expliquer quel était leur état d'esprit auparavant.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Je demanderais que l'on passe à la page 23

 25   dans le prétoire électronique en anglais et à la page 31 du prétoire

 26   électronique pour ce qui est de la version en B/C/S.

 27   Q.  Nous sommes maintenant en 1994. Et j'aimerais attirer votre attention

 28   au point 46, au point-clé 46. Pourriez-vous nous décrire le contexte de


Page 15512

  1   cette déclaration ?

  2   R.  Oui. Je crois que c'est 1994, et j'espère que l'on ne parle pas de

  3   1944. Eh bien, c'est de nouveau une affirmation que fait Karadzic au sein

  4   de la session des Serbes de Bosnie où il essaie, encore une fois, de

  5   rappeler l'importance de l'objectif stratégique, qui est très important, et

  6   très clairement, il établit ici qu'il existe une frontière humaine qu'il

  7   faut établir -- enfin, il a dit [inaudible] humaine qu'il est important

  8   d'établir pour atteindre les objectifs.

  9   Q.  Sur la base de l'examen rigoureux que vous avez appliqué ici pour

 10   arriver à ceci, dites-nous, s'il vous plaît, de quel type de séparation

 11   s'agit-il s'agissant du premier objectif ?

 12   R.  Je crois qu'il s'agissait, en fait, lorsque l'on prend les diverses

 13   citations, il existe également une séparation humaine, c'est-à-dire que

 14   d'un côté il y a les Serbes et de l'autre côté les Croates, les Musulmans

 15   et les autres. Et donc, il y a également une séparation pour ce qui est de

 16   la frontière entre les deux.

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Je suis en train de regarder l'heure,

 18   Monsieur le Président, et je peux dire que nous sommes dans nos temps pour

 19   ce qui est de l'interrogatoire de ce témoin, et je proposerais donc que

 20   l'on fasse une pause à cette heure-ci.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une pause

 22   de 20 minutes, Monsieur Donia. Je demanderais, Monsieur l'Huissier,

 23   d'escorter le témoin hors du prétoire.

 24   [Le témoin quitte la barre]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause, et nous

 26   reprendrons nos travaux à 11 heures moins 10.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 28   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.


Page 15513

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez faire entrer le témoin dans le

  2   prétoire, s'il vous plaît.

  3   Dans l'intervalle, je vais saisir l'occasion de rendre une décision sur les

  4   mesures de protection pour le Témoin RM021. Le 5 décembre de l'année

  5   dernière, l'Accusation a demandé que les mesures de protection de

  6   pseudonyme et de huis clos accordées à RM021 dans l'affaire Brdjanin soient

  7   modifiées. Et la Chambre fait droit à cette requête dans sa décision du 9

  8   pour admettre les éléments de preuve relatifs ou en vertu de l'article 92

  9   bis qu'elle a délivré le 18 juillet. Dans cette décision, la Chambre a

 10   rejeté la déposition du Témoin RM021 en vertu de l'article 92 bis, le 19

 11   juillet, et l'Accusation a fait une demande orale aux fins de modifier la

 12   requête qui était une requête 92 bis en une requête 92 ter et a déclaré

 13   qu'il était probable que le témoin demanderait des mesures de protection de

 14   nouveau pour cette comparution. La Chambre invite l'Accusation de nous

 15   présenter leurs arguments sur cette question au plus tard le 26 août de

 16   cette année.

 17   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera Mme D'Ascoli

 18   qui présentera cette requête. Aimeriez-vous qu'elle soit présente au début

 19   du prochain volet d'audience ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela serait peut-être une bonne

 21   idée.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Donia, je suis tout à fait

 24   désolé, nous avons dû traiter de quelques questions qui n'ont pas trait à

 25   votre déposition.

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, vous pouvez continuer

 28   votre interrogatoire principal.


Page 15514

  1   Je crois que vous aurez besoin d'encore 45 minutes, n'est-ce pas ?

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, c'est cela. Je devrais pouvoir en

  3   terminer dans les 45 prochaines minutes.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Veuillez

  5   poursuivre.

  6   Mme BIBLES : [interprétation]

  7   Q.  Pourriez-vous nous décrire de quelle manière est-ce que vous avez

  8   compris l'importance du premier objectif stratégique concernant le

  9   mouvement nationaliste des Serbes de Bosnie ?

 10   R.  Eh bien, je pense que le premier objectif marque une transition à

 11   l'intérieur du mouvement des Serbes de Bosnie, parce que je crois qu'il

 12   était important pour eux de reprendre des terres sur lesquelles des Serbes

 13   avaient habité et avaient été déplacés dans le cadre du génocide au cours

 14   de la Deuxième Guerre mondiale, de faire des demandes qui sont

 15   stratégiques. En fait, ceci a en sorte complètement mis de côté toutes

 16   réflexions sur la résidence ou l'habitation.

 17   Q.  Et est-ce que vous avez pensé à identifier les extraits, à comprendre

 18   ce que voulaient dire les dirigeants serbes de Bosnie dans le contexte ?

 19   R.  Eh bien, ce qui fonctionne très bien, c'est simplement de passer en

 20   revue un très grand nombre de documents et de rapports et de remarquer les

 21   schémas d'utilisation. Très souvent, l'on retrouvera des politiques

 22   officielles qui sont articulées et autour d'une terminologie qui devrait

 23   être utilisée ou pas, et ce, dans un contexte donné. Mais je dirais que

 24   cela n'est pas toujours le cas, lorsque l'on cherche ces conventions

 25   lexicologiques ou ces conventions d'usage dont on parle.

 26   Q.  Est-ce que leurs propos ou est-ce que les expressions utilisées par les

 27   Serbes de Bosnie, le mouvement nationaliste des Serbes de Bosnie, est-ce

 28   que ces derniers avaient une signification au-delà de leur signification au


Page 15515

  1   sens propre du mot ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  S'agissant maintenant du mot "Turc", est-ce que c'est un exemple de ce

  4   genre de terme employé ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pourriez-vous nous décrire brièvement l'historique du mot et de quelle

  7   manière ce mot a évolué entre 1992 et 1994 en Bosnie-Herzégovine dans le

  8   cadre de son utilisation ?

  9   R.  De manière générale, en Europe et partout dans le monde, le terme de

 10   façon générale est utilisé pour faire référence aux habitants ou aux

 11   citoyens de la République de Turquie, des habitants donc de la République

 12   de Turquie du XXe siècle. Mais également, l'usage de ce terme a été utilisé

 13   pour remplacer l'empire Ottoman, il n'y avait aucune connotation

 14   dérogatoire ou péjorative au cours du XXe siècle. Mais certaines personnes

 15   ont commencé à utiliser ce terme par les personnes qui ont survécu sous le

 16   joug de l'empire Ottoman de manière péjorative pour décrire l'empire qui

 17   les avait opprimés au XIXe siècle. Donc lorsque, je dirais, que les

 18   élections en 1990 se sont présentées, le terme "Turc" commençait à avoir

 19   des connotations très péjoratives. Donc les Serbes de Bosnie ainsi que les

 20   Croates de Bosnie ont commencé à utiliser ce terme pour faire référence aux

 21   Musulmans qui habitaient en Bosnie-Herzégovine, et ceci a apporté donc en

 22   soi cette connotation négative de l'empire Ottoman envers d'autres peuples

 23   et on a également associé ce terme de "Turc", de manière générale, des

 24   ambitions qui, d'après ces personnes, existaient dans la région.

 25   Q.  Donc lorsque le terme a été utilisé soit par les dirigeants ou par la

 26   population en 1992, 1995, en Bosnie, lorsqu'un Serbe de Bosnie utilisaient

 27   ce terme, quelle était la connotation exacte s'agissant de la signification

 28   de ce terme ?


Page 15516

  1   R.  Eh bien, il s'agissait d'un terme péjoratif qui voulait dire en soi

  2   ennemi, et c'est un ennemi qui posait une menace immédiate, directe à

  3   l'existence du peuple serbe.

  4   Q.  Lorsque vous avez passé en revue les PV des sessions de l'assemblée,

  5   est-ce que vous avez également noté le terme "génocide", avez-vous examiné

  6   l'utilisation du terme "génocide" ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous décrire cela ?

  9   R.  Eh bien, lorsque je me suis penché sur l'utilisation du terme

 10   "génocide" dans le cadre des sessions de l'assemblée, tout d'abord j'ai

 11   remarqué que le terme avait été utilisé de manière presque exclusive

 12   lorsqu'on faisait référence aux exactions qui ont été commises contre les

 13   Serbes par d'autres peuples, et très rarement il s'agissait d'un terme qui

 14   était employé en référence des exactions employées par les Serbes à

 15   l'encontre d'autres peuples. Et lorsque l'on se penche sur les extraits qui

 16   se trouvent là devant nous dans ce rapport de moments-clé, j'ai noté que

 17   l'utilisation de ce terme fait référence -- c'est-à-dire qu'à 12 reprises,

 18   on fait référence ou l'on utilise ce terme pour décrire des exactions

 19   menées à l'encontre des Serbes mais seulement à deux reprises, et lorsqu'il

 20   s'agissait d'exactions commises par les Serbes à l'encontre d'autres

 21   populations. Et, j'ai cherché les PV des sessions, j'ai trouvé que ce

 22   déséquilibre est encore plus important lorsque l'on examine les autres

 23   sessions.

 24   Q.  Et quelle est l'importance que vous tirez de cette observation ?

 25   R.  Eh bien, par consensus par les personnes, les interlocuteurs aux

 26   sessions de l'assemblée, il s'agissait d'un mot sale, et les Serbes

 27   n'étaient en mesure, n'étaient pas capables de se donner à ce type

 28   d'exactions, et donc ce terme ne devrait pas être utilisé dans le cadre des


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  1   discussions qui étaient en cours.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que le

  3   Greffier d'audience nous montre la page 78 en anglais du document P2001, et

  4   la page 108 de la version en B/C/S à l'écran, je vous prie.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entre-temps, j'aimerais demander à M.

  6   Donia de répondre à une question.

  7   Voilà, vous avez dit, Monsieur Donia,  qu'il s'agissait d'une utilisation

  8   déséquilibrée du terme "génocide", et que ce terme ait pu être utilisé par

  9   rapport à ce qui est arrivé aux Serbes plutôt que de quelque chose qui

 10   aurait pu être fait par les Serbes. Donc, seriez-vous d'accord avec moi que

 11   lorsqu'on parle de ce déséquilibre, ça dépendait de la réalité des choses ?

 12   C'est-à-dire que si les faits étaient tels que, par exemple, les

 13   agissements auxquels on faisait référence auraient pu être commis à

 14   l'encontre des Serbes, à ce moment-là est-ce qu'il serait déséquilibré ou

 15   exagéré de l'utiliser plus souvent dans ce contexte ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, s'il s'agissait de faits,

 17   de faits, bien sûr, qui sont contestés de manière générale par les

 18   historiens et par les écrivains populaires, mais je ne dirais pas que cela

 19   serait vrai pour ce qui est de l'idée du génocide commis à l'avenir. Cela

 20   n'aurait pas créé une utilisation du terme disproportionné.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose cette question car vous

 22   avez fait référence à l'utilisation de ce terme de manière

 23   disproportionnée, et vous avez cité également un terme numérique, et cela

 24   devient un déséquilibre si vous vous penchez sur le fait également, et non

 25   pas seulement sur le nombre de fois que le terme a été utilisé.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, le déséquilibre pourrait également

 27   résulter simplement d'une décision prise par les dirigeants de tout

 28   mouvement, qui auraient donc décidé de placer cette notion au centre de


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  1   leur idéologie ou de leur propagande.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc les chiffres en eux-

  3   mêmes ne sont pas le critère-clé qui permet de déterminer s'il y a

  4   déséquilibre ou non-disproportion ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, s'il ne s'agissait que de chiffres en

  6   effet. Simplement, il pourrait jouer un rôle très important pour déterminer

  7   cette question mais il pourrait également ne pas avoir une très grande

  8   importance.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, merci.

 10   Mme BIBLES : [interprétation]

 11   Q.  En vous fondant sur votre expérience, Monsieur Donia, en examinant

 12   cette question, est-ce que vous avez une position quant à l'importance de

 13   ce déséquilibre dans les chiffres par rapport à ce problème en particulier

 14   ?

 15   R.  Eh bien, je crois que la signification sera la suivante, les

 16   nationalistes serbes considèrent, croient que de s'engager dans des

 17   activités génocidaires allait au-delà, était complètement au-delà de leur

 18   nature, de leur caractère, et que, par conséquent, ils n'auraient pas été

 19   du tout en mesure de commettre le génocide.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Je voudrais que nous passions à l'extrait

 21   numéro 182, la fin du numéro 182 en anglais. Il faut revenir en arrière

 22   dans la version en B/C/S. Dans la version en B/C/S, passons à la page

 23   suivante, s'il vous plaît, en fait l'extrait qui m'intéresse est déjà sur

 24   la page suivante. Merci.

 25   Q.  Vous avez expliqué que dans les extraits il n'y avait que deux

 26   passages, deux occasions auxquelles le terme "génocide" a été utilisé pour

 27   qualifier de possibles actions commises par les Bosno-serbes, les Serbes de

 28   Bosnie. Est-ce que nous avons sous les yeux l'une de ces deux occurrences


Page 15519

  1   au numéro 182 ?

  2   R.  Oui, la dernière phrase du paragraphe que vous avez identifiée.

  3   Q.  Qui parle dans cet extrait ?

  4   R.  Le général Mladic.

  5   Q.  Et de quelle date s'agit-il ?

  6   R.  Il s'agit du 12 mai 1992, lors de la 16e Session.

  7   Q.  Pourriez-vous nous décrire le contexte dans lequel cette déclaration

  8   est faite ?

  9   R.  Le général Mladic, juste avant ceci, a fait toute une série de

 10   déclarations exprimant sa préoccupation et sa vive inquiétude à voir les

 11   dirigeants civils du mouvement formuler des objectifs qui ne pouvaient

 12   absolument pas être mis en œuvre par ceux qui étaient censés les mettre en

 13   œuvre. Et, en fait, c'est à répétition qu'il met en avant le fait que

 14   l'armée ne peut aller que jusqu'à un certain point et qu'elle a des

 15   possibilités très limitées de mettre en œuvre tout ceci. Il estimait, en

 16   effet, que les Serbes ne pouvaient pas exercer le pouvoir dans des secteurs

 17   où les Serbes ne vivaient pas, et aussi parce qu'ils n'avaient pas le

 18   pouvoir militaire d'obtenir ceci. Donc, ceci, de mon point de vue, ressort

 19   assez nettement comme un avertissement très sérieux contre ces actions et

 20   une forme de crainte quant à leurs conséquences, le fait qu'ils utilisent

 21   le terme, même quelque chose de choquant peut entraîner un choc, parce que

 22   cela n'apparaît que très rarement dans de nombreux autres contextes.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites un avertissement, un

 24   avertissement à la direction politique, c'est ce que vous voulez dire ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Un avertissement à tous les Serbes, en

 26   réalité.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Mme BIBLES : [interprétation]


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  1   Q.  En examinant cet extrait dans le contexte que vous venez de décrire,

  2   comment comprenez-vous les propos de l'accusé consistant à dire : "Vous

  3   savez, ce serait un génocide" ?

  4   R.  Eh bien, il utilise ce terme, ce qui peut produire un effet de choc, en

  5   quelque sorte, et il l'utilise pour qualifier certaines activités dont il

  6   considérait soit qu'elles étaient en train de se dérouler soit qu'elles

  7   pourraient venir à se dérouler comme résultat du programme extrêmement

  8   ambitieux que la direction défendait.

  9   Q.  Et est-ce que vous pourriez nous expliquer le bénéfice qu'a retiré la

 10   direction nationaliste des Serbes de Bosnie de l'utilisation de certaines

 11   termes ou de la non-utilisation d'autres termes et de la façon dont ils les

 12   utilisaient ?

 13   R.  Eh bien, dans leur usage, ils ont certainement obtenu un très large

 14   consensus et ont été en mesure de persuader des personnes qui étaient à

 15   l'extérieur de leur mouvement que les Serbes de Bosnie avaient enduré de

 16   nombreuses souffrances dans le passé et que les tensions existantes et les

 17   menaces qui pesaient sur eux raviveraient ou pourraient raviver et

 18   réactiver dans le présent et l'avenir proche ce qui s'était déjà produit

 19   dans le passé.

 20   Q.  Et compte tenu de la nature des séances de l'assemblée, il y a-t-il

 21   certaines d'entre elles dans lesquelles il est plus approprié d'examiner

 22   l'ensemble du procès-verbal pour mieux comprendre les orateurs, leurs actes

 23   et leurs intentions ?

 24   R.  Oui, je crois que c'est bien le cas. Bien entendu, je préférerais dire

 25   que tous les procès-verbaux sont essentiels dans leur intégralité, mais il

 26   y a véritablement un petit nombre de séances pour lesquelles j'ai eu du mal

 27   à ne m'appuyer que sur certains extraits parce que l'intégralité donne

 28   vraiment une explication très profonde de la situation et des


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  1   comportements.

  2   Q.  Très bien. Alors, revenons maintenant aux objectifs stratégiques avec

  3   l'objectif global qui était l'objectif numéro 1. En gardant cet objectif

  4   numéro 1 à l'esprit, quelle était la nature des objectifs restants, les

  5   objectifs stratégiques ?

  6   R.  Eh bien, les cinq objectifs stratégiques restants avaient un caractère

  7   spécifiquement géographique, ils définissaient le territoire sur lequel ou

  8   à l'intérieur duquel le premier objectif devait être réalisé.

  9   Mme BIBLES : [interprétation] Eh bien, je voudrais que nous gardions ceci à

 10   l'esprit à ceci, Messieurs les Juges, et que nous passons à un recueil de

 11   cartes, la pièce P178, page numéro 6.

 12   Q.  Monsieur Donia, je vais vous demander de parcourir un par un les

 13   objectifs stratégiques en nous appuyant sur cette carte.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît, Messieurs

 15   les Juges. Est-ce que nous pourrions passer à la carte suivante, page

 16   numéro 7 dans le prétoire électronique.

 17   Q.  Alors, j'attire votre attention sur l'objectif stratégique numéro 2.

 18   Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agissait ?

 19   R.  L'objectif stratégique numéro 2 consistait à créer un couloir, un

 20   corridor s'étendant d'est en ouest, c'est-à-dire du secteur de la Semberija

 21   à la Krajina de Bosnie.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire si en 1991 il y avait des communautés

 23   multiethniques qui y résidaient et vivaient dans ces secteurs du corridor ?

 24   R.  Oui. La région qui présentait le caractère le plus multiethnique de ce

 25   corridor était la région orientale, en fait, les régions orientales qui se

 26   trouvent donc à droite sur cette carte. La municipalité concernée était

 27   Bijeljina qui se trouvait, en quelque sorte, dans l'angle, juste dans

 28   l'angle nord-est de la Bosnie. Celle-ci avait, en fait, une majorité


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  1   absolue de Serbes, ou en tout cas, 59 % à peu près. Les cinq municipalités

  2   suivantes, en allant vers la gauche le long du corridor, c'est-à-dire en

  3   allant vers l'ouest, étaient soit dépourvues de groupes majoritaires, soit

  4   dépourvues de groupes qui auraient eu une majorité absolue, soit

  5   présentaient une population majoritairement croate. Et l'une d'entre elle,

  6   Brcko, avant une population majoritairement musulmane. Donc, dans ces

  7   municipalités, il y avait beaucoup de population mixte et le caractère

  8   multiethnique était principalement présent dans la partie orientale de

  9   cette zone et l'assise de Serbes se renforçait en avançant vers l'ouest.

 10   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'objectif stratégique numéro 3 ?

 11   R.  Il consistait à mettre en place un corridor dans la vallée de la Drina,

 12   c'est-à-dire à éliminer la Drina en tant que frontière d'Etat entre

 13   différents territoires serbes. Ceci concernait un territoire qui se

 14   trouvait à l'extrême est de la Bosnie où la Drina avait en fait servi à

 15   définir la frontière entre la République de Serbie à l'est et la Bosnie à

 16   l'ouest. Et à l'exception de Bijeljina, ces secteurs, les secteurs

 17   concernés, à savoir les quatre municipalités suivantes en descendant vers

 18   le sud à partir de Bijeljina, avaient une population majoritairement

 19   musulmane, voire une majorité absolue de Musulmans. Encore une fois, ceci

 20   nous suggère que l'objectif stratégique en question prenait le pas sur des

 21   critères strictement fondés sur des revendications territoriales ou de

 22   résidence.

 23   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'objectif numéro 4 ?

 24   R.  Eh bien, c'est peut-être celui qui est le plus difficile à expliquer,

 25   même s'il apparaît très clair dans son texte. L'objectif stratégique numéro

 26   4 consiste à établir la frontière sur les rivières Una et Neretva. Ces deux

 27   rivières sont indiquées en bleu sur la présente carte, et je crois que cela

 28   mérite quelques mots d'explication quant à la signification de ceci. La


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  1   rivière Una, comme vous pouvez le voir a son cours sur les plateaux qui se

  2   trouvent sur la frontière entre la Croatie et la Bosnie, elle s'écoule vers

  3   le nord, puis tourne au niveau de la ville de Bihac, vers le nord-est à peu

  4   près, pour finir par jeter dans la rivière Sava, là où se termine la ligne

  5   de couleur bleue. Alors, quel est l'effet de cette frontière, il s'agit de

  6   tracer une démarcation très précise du côté nord-ouest qui réalise une

  7   séparation par rapport à des municipalités presque exclusivement

  8   musulmanes, par exemple, Velika Kladusa et j'ai oublié le nom de l'autre,

  9   et elle passe également par le milieu de deux autres municipalités qui

 10   présentaient également une large population musulmane mais moins

 11   importante. Donc l'idée était de créer une enclave dans un territoire qui

 12   était par ailleurs habité par les Musulmans.

 13   La seconde rivière ici mentionnée est la Neretva. La Neretva voit son cours

 14   commencer dans les hauts plateaux de l'Herzégovine occidentale, qu'elle

 15   s'écoule vers le nord-ouest avant de bifurquer vers le sud, sud-est, et de

 16   se jeter dans la mer Adriatique, elle traverse la ville de Mostar. Et

 17   conformément à la répartition ethnique de la population dans ce secteur, on

 18   peut voir que cette frontière aurait servi de démarcation par rapport aux

 19   territoires habités par des Croates qui se seraient trouvés à gauche de la

 20   rivière si l'on a cette carte face à nous, alors que les zones présentant

 21   une population mixte, serbe et musulmane, et dans certains cas purement

 22   serbe, ce serait trouvé à droite.

 23   Q.  Passons à l'objectif numéro 5, ou, plutôt 6, et laissons le 5 de côté

 24   pour le moment.

 25   R.  L'objectif numéro 6 concernait l'accès à la mère pour la Republika

 26   Srpska, c'est quelque chose qui existait en Bosnie-Herzégovine. En fait, il

 27   y avait une toute petite zone où - on voit sur la carte d'ailleurs - il est

 28   indiqué accès à la mer, cela ressemble à une enclume renversée, dans sa


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  1   forme. Et il s'agissait de prendre une partie de territoire qui aurait

  2   garanti à la Republika Srpska un accès direct à la mer Adriatique.

  3   Q.  Merci. Nous pouvons refermer le livre de carte.

  4   Votre rapport consacré à Sarajevo - juste pour être précis il s'agit des

  5   pages 16 à 20 tant en anglais qu'en B/C/S - dans cette partie de votre

  6   rapport, vous décrivez la fondation, les origines et la croissance de

  7   Sarajevo. Nous n'allons pas entrer dans ces détails mais je vous prierais

  8   de décrire pour les Juges de la Chambre ce en quoi consistait le cinquième

  9   objectif stratégique, ce qu'il signifiait pour l'avenir de Sarajevo.

 10   R.  Sarajevo était une ville particulièrement mixte sur le plan ethnique,

 11   et cet objectif impliquait qu'il y aurait eu des mouvements considérables

 12   de population pour procéder à une séparation, des mouvements considérables

 13   de population à partir des lieux de résidence existants vers d'autres

 14   lieux, il impliquait également qu'il y aurait eu création de deux régimes

 15   politiques séparés, différents, l'un censé être serbe et l'autre musulman.

 16   Q.  Avant que nous ne passions à l'aspect concret de mise en œuvre de ces

 17   objectifs, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y a eu des moments

 18   charnières qui ont marqué l'orientation de la direction nationaliste des

 19   Serbes de Bosnie et l'adoption par elle de ces objectifs ?

 20   R.  Oui. J'en ai identifié trois, mais je reconnais qu'on pourrait en

 21   identifier d'autres. Pour moi, les moments les plus significatifs pour le

 22   mouvement nationaliste, pour le mouvement national des Serbes de Bosnie

 23   étaient, tout d'abord, les élections du 18 novembre 1990, qui ont mené au

 24   pouvoir les trois partis nationalistes et, en fait, ont aboli, mis fin à

 25   l'autorité des Communistes, ceci indiquait que l'appartenance ethnique,

 26   l'ethnicité était désormais la caractéristique saillante de la vie

 27   politique de la république.

 28   Deuxièmement, la date du 15 octobre 1991, en raison des décisions de


Page 15525

  1   l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, le parti serbe a peu ou prou renoncé à

  2   l'idée que l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine resterait dans le juron de

  3   la Yougoslavie, et a commencé à prendre une direction différente, à savoir

  4   la définition des stratégies en vue de créer leur propre Etat et de prendre

  5   le pouvoir dans certaines parties du territoire de la Bosnie-Herzégovine

  6   afin de faire advenir cet Etat.

  7   Quant au troisième moment charnière, eh bien, il s'agirait de l'adoption

  8   des six objectifs stratégiques qui a transformé l'ensemble de ce processus

  9   tel qu'il avait existé en se basant sur le critère de la résidence et de la

 10   présence des individus dans telles ou telles municipalités en un processus

 11   défini par des objectifs stratégiques plus larges qui avaient donc été

 12   définis.

 13   Q.  J'attire votre attention sur la date du 15 octobre 1995 [comme

 14   interprété]. Y a-t-il une enceinte, un forum dans lequel ces questions ont

 15   été politiquement discutées ?

 16   R.  Oui. La 8e Session du parlement de la Bosnie qui a débuté, je crois, le

 17   10 ou le 11 octobre et s'est conclue dans la matinée du 15 octobre, était

 18   l'enceinte dans laquelle ces questions ont été débattues.

 19   Q.  Etes-vous familier d'un discours prononcé par Radovan Karadzic le 15

 20   octobre 1991 dans ce contexte ?

 21   R.  Oui. Et, en fait, c'était je crois très, très tôt dans la matinée du

 22   15, après une session qui avait été particulièrement longue. C'est devenu

 23   un discours mémorable.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Je voudrais maintenant passer à la pièce

 25   numéro 227222A de la liste 65 ter, c'est un enregistrement vidéo de dix

 26   minutes. A ce stade, je voudrais demander à Mme Stewart de nous faire

 27   visionner un extrait, simplement de 9 minutes et 29 secondes à 9 minutes et

 28   56 secondes. Et je crois savoir que la transcription a été fournie aux


Page 15526

  1   interprètes.

  2   L'INTERPRÈTE : De la cabine anglaise : Pourrait-on nous donner une

  3   indication de la page correspondante ?

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, mes excuses. Il s'agit de la dernière

  5   page, page 4 sur 4 dans la version anglaise, et je crois que dans la

  6   version en B/C/S c'est la fin de la page numéro 3 sur 4.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et nous devons visionner la vidéo

  8   ou l'extrait vidéo deux fois. La première fois sans interprétation, et la

  9   seconde avec. C'est une question d'ordre technique qui nous amène à

 10   procéder ainsi, Monsieur Donia. Allons-y.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Ce que vous faites n'est pas bon. C'est ça la voie sur laquelle vous

 14   voulez engager la Bosnie-Herzégovine ? C'est la même autoroute de l'enfer

 15   et de la destruction sur laquelle se sont engagées la Slovénie et la

 16   Croatie."

 17   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvons-nous nous arrêter ? Nous devions

 19   entendre l'interprétation anglaise lors de la seconde diffusion.

 20   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Nous n'avons pas retrouvé ceci

 21   sur la page 5, mais maintenant, nous l'avons retrouvé sur la page 3, merci.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous souhaitez

 23   avoir de nouveau une première diffusion ou bien seriez-vous prêts à fournir

 24   l'interprétation dès maintenant ?

 25   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Nous sommes prêts.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons

 27   faire une deuxième diffusion de l'extrait avec interprétation.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Radovan Karadzic : Ce que vous faites n'est pas bon. C'est cela la

  3   voie sur laquelle vous souhaitez engager la Bosnie-Herzégovine. C'est la

  4   même autoroute de l'enfer et de la destruction sur laquelle se sont engagés

  5   la Slovénie et la Croatie. N'imaginez pas que vous n'allez pas emmener la

  6   Bosnie-Herzégovine en enfer et le peuple musulman peut-être dans sa

  7   destruction et sa disparition parce que le peuple musulman ne peut pas se

  8   défendre s'il y a une guerre ici. Et je vous en prie, je sais que ce sont

  9   des mots graves…"

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Q.  Est-ce que M. Radovan Karadzic a parlé auparavant de manière publique

 13   de cette façon-là concernant la population musulmane de Bosnie auparavant ?

 14   R.  Non. Du meilleur de ma connaissance, pas en public. Il ne s'est jamais

 15   exprimé ainsi réellement.

 16   Q.  De la date de ce discours jusqu'à l'éclatement de la guerre, pourriez-

 17   vous nous décrire, s'il vous plaît, quelles étaient les actions prises par

 18   les dirigeants serbes de Bosnie ?

 19   R.  Ils ont commencé immédiatement, donc dans la soirée de la même journée,

 20   ils ont commencé à planifier, à prendre des mesures pour en arriver à la

 21   création d'un Etat serbe de Bosnie à l'intérieur de la Bosnie. Ils ont, par

 22   la suite, organisé une assemblée séparée des Serbes de Bosnie, convoqué une

 23   assemblée séparée des Serbes de Bosnie pour la première fois le 24 octobre

 24   1991. Et, par la suite, ils ont tenu un plébiscite sur une question qui,

 25   d'après eux, ne les autoriserait à former un Etat. Et ensuite, ils ont

 26   commencé à procéder à la planification pour différencier les municipalités

 27   entre les municipalités serbes et non-serbes. Ils ont commencé à mobiliser

 28   les membres locaux du SDS pour prendre les mesures nécessaires afin de


Page 15528

  1   pouvoir prendre le pouvoir dans les parties serbes de ces municipalités.

  2   Q.  Et lorsqu'on parle des pages 31 à 32 de votre rapport sur Sarajevo,

  3   vous avez décrit la présentation des variantes A et B du SDS pour ce qui

  4   est des structures municipales. Pourriez-vous nous décrire de quelle façon

  5   est-ce que ceci s'insère et cadre avec le développement politique du

  6   mouvement nationaliste des Serbes de Bosnie ?

  7   R.  Eh bien, de manière très spécifique, puisqu'on recevait maintenant des

  8   -- enfin, les dirigeants à un niveau inférieur municipal du SDS avaient

  9   reçu des instructions maintenant, ce qui cadrait avec les résolutions

 10   qu'ils avaient adoptées dans le cadre des sessions de l'assemblée quelques

 11   jours auparavant. Et donc, il s'agissait d'une mise en œuvre qui s'en est

 12   suivie, d'une mise en œuvre du processus de planification de ce qui allait

 13   suivre, soit une prise de pouvoir concrète ou bien soit la création d'un

 14   Etat serbe par voie diplomatique.

 15   Q.  S'agissant maintenant de Sarajevo, pourriez-vous décrire brièvement de

 16   quelle manière la stratégie des municipalités a été mise en œuvre ?

 17   R.  S'agissant de Sarajevo, les choses étaient quelque peu différentes.

 18   Sarajevo était différente d'autres secteurs du pays, parce que très tôt

 19   dans le cadre de ce processus, déjà en janvier et février 1992, les

 20   dirigeants serbes de Bosnie ont créé une nouvelle municipalité qui avait

 21   déjà existé auparavant il y a plusieurs décennies, appelée Rajlovac, et ils

 22   ont changé toutes les frontières ou un très grand nombre de frontières des

 23   municipalités existantes afin de pouvoir correspondre avec la création de

 24   cette nouvelle municipalité de Rajlovac.

 25   Q.  Nous avons parlé du programme nationaliste serbe de Bosnie.

 26   R.  Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

 27   Q.  Pourriez-vous nous décrire le rôle joué dans le développement

 28   idéologique et politique s'agissant du développement du SDS et du programme


Page 15529

  1   nationaliste des Serbes de Bosnie s'agissant du programme de Radovan

  2   Karadzic ?

  3   R.  M. Karadzic a été élu président du parti du SDS en juillet 1990, et il

  4   a dirigé le parti dans une campagne électorale avant les élections du 18

  5   novembre. C'était le porte-parole idéologique, si vous voulez. Il n'a pas

  6   été un innovateur quant aux questions idéologiques, et donc il a continué à

  7   diriger le parti sans jamais tenir ou avoir un rôle très précis au sein des

  8   structures du gouvernement bosnien, et ce, juste avant l'éclatement de la

  9   guerre, et par la suite également.

 10   Q.  Dans votre note-clé 281, Radovan Karadzic a décrit qu'il a demandé

 11   Mladic et il l'a obtenu. Pourriez-vous nous décrire maintenant de quelle

 12   manière est-ce que Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik et Nikola Koljevic

 13   s'entendaient-ils ?

 14   R.  Sur la base des discussions au sein de l'assemblée des Serbes de Bosnie

 15   et à la suite d'examen de quelques autres mentions que j'ai pu trouver dans

 16   la presse, je dirais que les trois dirigeants civils les plus élevés

 17   s'entendaient très bien. C'est-à-dire je parle de Nikola Koljevic qui était

 18   professeur de la langue anglaise à l'Université de Sarajevo et un très

 19   grand ami de longue date de Karadzic, et il y avait également Momcilo

 20   Krajisnik, un ami de longue date de Karadzic. Donc, le niveau de cohésion

 21   n'existait pas. Ce niveau de cohésion n'existait pas quand il s'agit du

 22   général Mladic.

 23   Q.  De manière générale, de quelle manière travaillaient-ils ensemble

 24   pendant la guerre ?

 25   R.  De qui parlez-vous ?

 26   Q.  Je parle des trois dirigeants politiques et du général Mladic. De

 27   quelle manière ont-ils travaillé ensemble ? Comment cela se passait-il ?

 28   R.  Je pense que les trois dirigeants politiques, très souvent, se sont


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  1   rencontrés de manière informelle et ont rédigé ce qui devait se passer au

  2   sein des entités qui prenaient des décisions. Ils ont agi en tant que

  3   dirigeants civils d'une organisation militaire. Et ils pensaient qu'il

  4   s'agissait de leur obligation d'établir des objectifs, d'établir des

  5   politiques et que la mission du général Mladic était de les mettre en

  6   œuvre.

  7   Q.  Et, effectivement, au cours de la guerre, est-ce que cela s'est passé

  8   de cette manière-là ?

  9   R.  Oui, tout à fait, dans son ensemble, bien sûr. Il y a eu beaucoup de

 10   désaccords entre eux concernant ces politiques, et on le voit dans

 11   certaines sessions de l'assemblée, ceci était très prononcé. Mais lorsque

 12   l'on regarde les politiques de manière générale et les mises en œuvre

 13   générales des politiques, le général Mladic a mené à bien ces politiques.

 14   Q.  Et j'aimerais maintenant appeler votre attention sur la mise en œuvre

 15   des objectifs stratégiques. Ratko Mladic, de manière officielle, vous notez

 16   dans votre document, a pour la première fois tenu un rôle officiel en

 17   Bosnie-Herzégovine le 25 avril 1992. Pour ce qui est maintenant de la mise

 18   en œuvre des six objectifs stratégiques, pourriez-vous nous dire quel rôle

 19   Ratko Mladic avait-il pour que ceci puisse avoir lieu ?

 20   R.  Eh bien, il avait, bien sûr, le fardeau qui était très lourd, c'est-à-

 21   dire une grande responsabilité de les mettre en œuvre. Je ne dirais pas

 22   qu'il était le seul, il y avait également d'autres forces qui avaient reçu

 23   pour mission de mettre en œuvre ces objectifs stratégiques, mais en tant

 24   que commandant de l'armée ou en tant que chef de l'état-major principal,

 25   cela incombait à lui de mettre en œuvre les objectifs stratégiques qui

 26   avaient été établis.

 27   Q.  Est-ce que vous avez vu quelle qu'indication que ce soit qu'à partir du

 28   25 mai 1992, Ratko Mladic ait pu avoir quelques désaccords, avait pu avoir


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  1   des malentendus concernant des choses que l'on s'attendait de lui ?

  2   R.  Non, je n'ai pas trouvé aucun élément portant à croire qu'il y a eu un

  3   malentendu et qu'il est mal compris ces ordres.

  4   Q.  Y a-t-il un lien entre les six objectifs stratégiques et les directives

  5   militaires qui ont été adoptées pendant la guerre ?

  6   R.  Oui, plus particulièrement lorsqu'il s'agit des objectifs militaires

  7   numéro 3 à 7, ces objectifs militaires étaient un moyen bien précis par

  8   lesquels les objectifs stratégiques allaient être mis en œuvre, élaborés

  9   par les dirigeants civils et les dirigeants militaires. Mais il y a eu

 10   quelques exceptions, si je ne m'abuse, à savoir lorsqu'il y avait, par

 11   exemple, une opération très précise qui devait aller au-delà de certains

 12   éléments, frontières qui ont été établies au sein du sixième objectif

 13   stratégique. Par exemple, de créer des problèmes au-delà de la ligne de

 14   l'ennemi, et cetera, ce genre d'exemples-ci. Mais, en général, les

 15   directives étaient concentrées sur la mise en œuvre des objectifs

 16   stratégiques.

 17   Q.  Ratko Mladic a parlé lors de plusieurs sessions de l'assemblée.

 18   J'aimerais appeler votre attention sur la 37e Session de l'assemblée qui

 19   s'est déroulée en janvier 1994.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Et j'aimerais demander à M. le Greffier de

 21   nous montrer le document 65 ter 2388, page 49 dans le prétoire

 22   électronique, en anglais, et 36 dans l'original à l'écran.

 23   Q.  Je vous demanderais de très brièvement nous décrire le contexte qui

 24   existait au cours de cette période.

 25   R.  La 37e Séance de l'assemblée s'est tenue immédiatement après la

 26   présentation aux parties au conflit du plan de paix Vance-Owen, je crois

 27   que c'était à Genève. L'assemblée débattait de la question de savoir s'il

 28   convenait pour les Serbes de Bosnie d'accepter ceci ou de le rejeter avant


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  1   de demander une poursuite des négociations.

  2   Q.  Messieurs les Juges et Monsieur le Témoin, je souhaiterais attirer

  3   votre attention sur la version anglaise où vous voyez le numéro 35 --

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Les deux côtés de l'écran sont en

  5   anglais. Maintenant on voit également le B/C/S.

  6   Mme BIBLES : [interprétation] Je crois qu'en fait en B/C/S, il convient de

  7   passer à la page suivante, juste au-dessus du chiffre 35. Excusez-moi,

  8   c'était la page précédente.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juste au-dessus de 35, très bien, donc

 10   la fin du numéro 34.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] En effet.

 12   Q.  Donc dans la dernière ligne, avant le chiffre 35, pourriez-vous nous

 13   dire d'abord qui parle ici ?

 14   R.  En fait, je ne peux pas. Parce que je n'ai pas cette page qui s'affiche

 15   devant moi, la page où l'orateur prend la parole.

 16   Q.  Mais est-ce que vous reconnaissez peut-être la citation, "ma

 17   préoccupation n'est pas qu'ils sont en train de créer un Etat, ce à quoi

 18   j'œuvre c'est de les voir disparaître complètement."

 19   R.  Oui. C'est le discours fait par le général Mladic pendant cette séance.

 20   Q.  Et il indique que ce à quoi il travaille c'est de les faire disparaître

 21   complètement, alors à qui se réfère-t-il ?

 22   R.  C'est l'ennemi. On ne voit pas très bien s'il s'agit des Musulmans et

 23   des Croates ou seulement des Musulmans ou seulement des Croates.

 24   Q.  Pour finir, dans votre examen des séances de l'assemblée, à mesure que

 25   vous avanciez dans le développement des événements au cours de la guerre,

 26   est-ce que vous avez été en mesure de qualifier, de caractériser le

 27   dévouement avec lequel Ratko Mladic s'est consacré à la mise en œuvre des

 28   objectifs stratégiques ?


Page 15533

  1   R.  Eh bien, je crois qu'il était très dévoué à leurs réalisations, et il

  2   l'a dit d'ailleurs à plusieurs occasions. En fait, cela représente une

  3   évolution par rapport aux mots qu'il avait prononcés le 12 mai à la 16e

  4   Séance de l'assemblée où il avait fait part de réserve quant à la portée

  5   des objectifs tout en exprimant toujours son accord à trois des notions qui

  6   étaient inséparables des objectifs en question.

  7   Q.  Et de quelles trois notions s'agissait-il auxquelles il adhérait ?

  8   R.  Eh bien, lors de la séance du 12 mai, il a parlé de façon véhémente en

  9   faveur de la délimitation, l'établissement d'une frontière, également de

 10   l'importance du corridor est-ouest, il a également parlé en faveur d'une

 11   action militaire plus puissante et plus déterminée sur le théâtre de guerre

 12   de Sarajevo.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, près de 50 minutes se

 14   sont écoulées depuis que vous nous avez dit être à peu près sûre que vous

 15   termineriez en 45 minutes.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Et j'en ai terminé, Messieurs les Juges,

 17   excusez-moi du dépassement. Apparemment, j'ai péché par excès d'optimisme

 18   dans mon estimation, mais maintenant j'ai terminé mon interrogatoire

 19   principal.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Alors --

 21   Mme BIBLES : [interprétation] Juste une dernière question. Je voudrais

 22   demander le versement du document 2272A, qui est l'enregistrement vidéo.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous en avez diffusé 30 secondes

 24   alors que l'enregistrement dans sa totalité est bien plus long. Je crois

 25   qu'il fait neuf minutes.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] En fait, il s'agit de l'intégralité, nous

 27   avons diffusé juste la fin du discours de Radovan Karadzic. Mais cette

 28   vidéo de 10 minutes représente l'intégralité du discours de Radovan


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  1   Karadzic prononcé par lui à cette occasion, et je pense qu'il conviendrait

  2   de verser l'intégralité pour des raisons d'équité et de contexte afin que

  3   l'on saisisse bien la portée des mots qu'il prononce à la fin.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que vous considérez

  5   que c'est plus équitable ainsi ?

  6   M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas, je m'en remets à l'Accusation,

  7   et à ce qu'elle considère nécessaire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il n'y a pas d'objection contre le

  9   versement des dix minutes dans leur intégralité ?

 10   M. LUKIC : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 12   Monsieur le Greffier ?

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document numéro 22722A de la liste 65

 14   ter recevra la cote P2004, Messieurs les Juges.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2004 est donc versé au dossier.

 16   Maître Lukic, il nous reste à peu près cinq minutes avant de prendre la

 17   pause, est-ce que vous préféreriez faire la pause maintenant et démarrer

 18   ensuite votre contre-interrogatoire ou bien souhaitez commencer dès

 19   maintenant ?

 20   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, si nous pourrions faire la pause

 21   d'abord, je pourrais en profiter pour prendre mes dispositions.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons donc faire la

 23   pause. Oui, Madame Bibles ?

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une question

 25   que je souhaite porter à votre attention. La traduction en B/C/S du CV du

 26   Dr Donia, pièce P1998 a été à présent téléchargée dans le prétoire

 27   électronique sous le numéro 0686-0156-B/C/S. C'est le numéro ID. Je demande

 28   l'autorisation donc d'établir un lien entre le document et sa traduction et


Page 15535

  1   que l'on demande à l'huissier de le faire.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, il est donné par la présente

  3   instruction à l'huissier d'attacher cette traduction, de la joindre au

  4   document qui a déjà été versé sans traduction. Pourrait-on demander aux

  5   parties dorénavant de toujours clairement annoncer lorsqu'elles demandent

  6   le versement d'un document s'il y a ou non une traduction disponible.

  7   Merci.

  8   Alors, nous allons maintenant demander à M. Donia de quitter la salle

  9   d'audience, et nous allons faire une pause pour reprendre à 12 heures 10.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   --- L'audience est suspendue à 11 heures 47.

 12   --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais d'abord m'excuser auprès de

 14   l'Accusation parce que lorsque j'ai dit que le témoin dont il était

 15   question devrait commencer à témoigner le 26, il y a eu méprise. Il n'était

 16   que le troisième témoin de la semaine. Et d'après mon commentaire, on

 17   aurait cru comprendre que c'était plus urgent que ça ne l'est vraiment. Et,

 18   en dépit de ceci, Madame D'Ascoli, si vous voulez vous exprimer sur le

 19   sujet, vous pouvez le faire en précisant que vous souhaitez le faire en

 20   audience publique ou à huis clos partiel.

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] A huis clos partiel, Monsieur le Président,

 22   merci.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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 13  Pages 15536-15537 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  4   Madame D'Ascoli, vous pouvez vous retirer.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites donc entrer le témoin dans le

  7   prétoire.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Donia, vous allez à présent

 10   être contre-interrogé par Me Lukic. Me Lukic est le conseil de la Défense

 11   de M. Mladic, et il se trouve à votre gauche.

 12   Maître Lukic, à vous.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Si j'ai bien compris, pour vous, c'est égal si je vous poser mes

 18   questions en B/C/S en anglais. Et pour moi, il serait beaucoup plus facile

 19   de continuer en B/C/S. Mais vous allez probablement suivre la traduction en

 20   anglais ?

 21   R.  Eh bien, j'aurais préféré -- mais, à vous de procéder comme vous

 22   souhaitez, et je le comprendrai d'une façon ou d'une autre n'est-ce pas.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, vous pouvez écoutez le B/C/S ou

 24   la traduction en anglais.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, si j'écoute l'anglais, j'ai un avantage

 26   double, parce que je peux écouter l'un et l'autre. Merci.

 27   M. LUKIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Donia, vous vous êtes déjà habitué à cette façon de procéder


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  1   dans les procès antérieurs. Mais comme ce procès est quelque peu différent,

  2   il nous faudra passer par un petit exercice, et à cet effet, je vous

  3   poserai un certain nombre de questions portant sur le domaine qui a fait

  4   l'objet de vos témoignages antérieurement. Et pour les besoins du compte

  5   rendu d'audience, je voudrais que nous déterminions que vous n'êtes pas un

  6   politicologue, c'est-à-dire vous n'êtes pas un diplômé en sciences

  7   politiques et que vous n'avez reçu aucune formation dans ce domaine-là ?

  8   R.  Non, je ne suis pas un politicologue.

  9   Q.  Vous n'êtes pas non plus un anthropologiste ?

 10   R.  Non, je ne suis pas un anthropologiste.

 11   Q.  Vous n'êtes ni sociologue, ni psychologue, ni psychiatre non plus,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Et vous n'avez pas de formation particulière en matière de démographie,

 15   non plus ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Vous n'êtes pas non plus un statisticien ?

 18   R.  Non. Je ne suis pas un statisticien, mais j'ai eu une formation en

 19   matière de statistiques.

 20   Q.  Mais vous n'êtes pas un juriste et encore moins un expert en matière de

 21   droit constitutionnel, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Vous n'êtes pas non plus un expert militaire ?

 24   R.  C'est exact, je ne le suis pas.

 25   Q.  Je dois vous dire aussi que nous avons reçu votre CV le 12 août 2013,

 26   ce qui fait qu'il nous faudra probablement revenir demain sur certains de

 27   ces aspects. Mais je voudrais aujourd'hui vous poser ceci comme question.

 28   Vous avez travaillé pour Merrill Lynch entre 1981 et l'an 2000, au fil de


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  1   votre carrière, n'est-ce pas ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Vous avez travaillé à plein temps pour cette compagnie ?

  4   R.  Oui. 

  5   Q.  Et est-ce que vous avez été payé, reçu un salaire, en votre qualité

  6   d'historien ?

  7   R.  En ma qualité de professeur d'histoire et d'instructeur en histoire,

  8   oui.

  9   Q.  Et au fil de votre carrière, combien cela totaliserait-il d'année, en

 10   tout et pour tout ?

 11   R.  Je ne le sais pas. Environ six ou sept, peut-être, le tout réuni.

 12   Q.  On vous pose souvent la question et je vais moi aussi me pencher

 13   brièvement dessus. S'agissant de la fondation que vous avez mise sur pied

 14   en Bosnie-Herzégovine, vous l'avez expliqué par un jeu de mots. A Donji

 15   Vakuf, vous avez créé une fondation qui s'appelle Donia, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, c'est la meilleure explication que j'ai jamais entendue jusqu'à

 17   présent, oui, en effet.

 18   Q.  Qui sont les bénéficiaires des services de cette fondation ?

 19   R.  Il n'y en a pas. Cette fondation n'existe plus. Mais de par le passé,

 20   il y a eu des bénéficiaires ou des gens qui ont reçu des biens distribués

 21   par cette fondation. Il s'agissait de donations de l'Université du

 22   Michigan, de l'Université de Saint-Lawrence et d'une petite ONG qui

 23   existait aux Etats-Unis, mais dont la mission consistait à rassembler des

 24   hommes d'affaires en Bosnie en fin des années 1990.

 25   Q.  Donc, l'une des missions de cette fondation n'était-elle pas de servir

 26   d'école religieuse ou pas ? Puisqu'on trouve ceci à "Vakuf", ce qui laisse

 27   entendre que c'est une école religieuse musulmane ?

 28   R.  C'est le cas, mais la fonction première de cette fondation n'avait rien


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  1   à voir avec une formation ou une école religieuse quelle qu'elle soit,

  2   exception faite peut-être du fait, si l'on mentionne l'Université de Saint-

  3   Lawrence, qui, de par son nom, peut être considérée comme étant une

  4   université chrétienne.

  5   Q.  Je vais passer à un autre sujet. Vous avez lu acte d'accusation dressé

  6   à l'encontre du général Mladic, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  L'un de vos travaux, l'une des études que vous avez faites, c'est

  9   précisément quelque chose de basé sur l'acte d'accusation et sert à étayer

 10   les chefs d'accusation, ce sont les activités développées au niveau des

 11   sessions de l'assemblée de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 12   R.  Ça pourrait être utilisé de la sorte, si l'on part du fait que c'est

 13   l'une des finalités pour lesquelles on m'a demandé de rassembler ceci pour

 14   le placer dans un rapport.

 15   Q.  Dans les affaires précédentes, aussi, et je me dois de vous faire

 16   savoir que c'est moi qui l'ait relevé que, très souvent, vous faites

 17   référence aux journaux, à des textes publiés par la presse, à des livres, à

 18   des mémoires. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ce

 19   sont en premier lieu des livres, des mémoires et des journaux qui parlent

 20   de documents autres, donc cela peut être considéré comme des sources

 21   secondaires ?

 22   R.  Non. Je n'ai pas véritablement utilisé cette distinction entre sources

 23   primaires et secondaires et, pour être tout à fait franc, la plupart des

 24   histories ne le fait plus depuis à peu près 50 ans. Je dirais que le

 25   caractère de ces écris, des mémoires et de documents que j'ai utilisés est

 26   très varié. Il y a des éléments qui se trouvent dans les archives. D'autres

 27   éléments d'information dans les journaux. Il y a des sources secondaires du

 28   point de vue de dire que c'est le fait d'une maison d'édition, l'œuvre


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  1   d'une maison d'édition, et je ne me suis pas penché forcément sur les

  2   textes originaux. Mais les sources sont des plus variées.

  3   Q.  Vous ai-je bien compris, vous n'avez pas fait de distinction dans votre

  4   travail entre sources primaires et sources secondaires, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne vois tout simplement pas de différence et je ne vois pas où il

  6   conviendrait de faire la distinction.

  7   Q.  Merci. Je vais, tout d'abord, parler de ce rapport qui est intitulé

  8   l'arrière, la toile de fond, la stratégie et la politique relative à

  9   Sarajevo de 1991 à 1995.

 10   L'INTERPRÈTE : Les interprètes font savoir qu'ils n'ont pas le texte

 11   original de l'ouvrage cité tout à l'heure.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  Dans ce rapport --

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aussi à ce que tous les micros

 15   soient éteints dans le prétoire.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas entendu votre question parce qu'il

 17   y a un bruit de fond.

 18   M. LUKIC : [interprétation]

 19   Q.  Je vais répéter ma question. J'espère que l'on m'entend maintenant. Car

 20   les interprètes n'ont pas pu bien m'entendre, chose qui arrive lorsque

 21   plusieurs micros sont activés en même temps.

 22   Donc voici ma question. Dans le cadre de votre travail, est-ce que vous

 23   avez vous-même cherché, trouvé les documents sur lesquels vous avez basé ce

 24   rapport, ou bien est-ce que c'est quelque chose que quelqu'un vous a

 25   offert, ou bien était-ce un mélange des deux ?

 26   R.  Oui, un mélange des deux, je dirais.

 27   Q.  Toujours dans le cadre de votre travail concernant Sarajevo et son

 28   siège, le siège de Sarajevo comme vous le dites, avez-vous pu passer en


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  1   revue les documents du Parti du SDA ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que cela est clairement visible dans ce rapport ?

  4   R.  Je me souviens pas très précisément de la note de bas de page qui

  5   pourrait répondre à votre question, mais il est certain qu'il y a un très

  6   grand nombre de déclarations qui y figurent et qui reprennent les propos

  7   des documents en question.

  8   Q.  Est-ce que vous avez passé en revue des documents émanant des unités

  9   militaires du SDA, et plus tard, de l'ABiH ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Avez-vous passé en revue les documents du MUP, le ministère de

 12   l'Intérieur à Sarajevo, sur le territoire placé sous le contrôle des forces

 13   musulmanes ?

 14   R.  Je me suis penché sur plusieurs documents émanant de la période

 15   précédant le mois d'avril 1992.

 16   Q.  Pour le compte rendu d'audience, donc après cette période en question,

 17   vous n'avez plus passé en revue des documents du MUP pour ce qui est de

 18   cette période-là et s'agissant de Sarajevo toujours ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Même si vous n'avez pas parcouru les documents militaires, est-ce que

 21   vous aviez une idée des effectifs des unités militaires à Sarajevo par

 22   rapport aux unités militaires musulmanes, c'est-à-dire en comparant les

 23   unités militaires musulmanes et les unités militaires serbes autour de

 24   Sarajevo ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et qu'est-ce que vous avez appris ? Quel était le rapport de force

 27   entre ces deux ?

 28   R.  Dépendamment, bien sûr, de la période dont on parle. Par exemple, en


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  1   1991, la JNA était une force bien supérieure aux unités militaires, aux

  2   unités du MUP à Sarajevo, ils ont continué jusqu'en 1992, au moment où la

  3   JNA a été convertie en la VRS. Et je crois que c'est à ce moment-là que les

  4   choses ont commencé à changer. Les effectifs qui luttaient au nom du

  5   gouvernement ont eu un très grand nombre de recrues, alors que la VRS

  6   perdait des recrues, et la VRS a également pu obtenir certaines armes

  7   lourdes.

  8   Q.  Très brièvement, puisque vous avez parlé du gouvernement. Est-ce que ce

  9   gouvernement, tout au long de la guerre, représentait tous les peuples de

 10   la Bosnie-Herzégovine ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc le gouvernement de Sarajevo représentait également les intérêts

 13   serbes en Bosnie-Herzégovine et à l'étranger, d'après vos recherches ?

 14   R.  Oui, il comprenait des représentants qui étaient Serbes, des

 15   représentants de Serbes et tout du moins, de leurs points de vue, ils

 16   représentaient les intérêts serbes en Bosnie-Herzégovine.

 17   Q.  Mais après 1993 ils ont également représenté des intérêts croates,

 18   après 1993 donc, d'après vous, c'est-à-dire après que la guerre ait éclaté

 19   entre les Croates et les Musulmans ?

 20   R.  Oui. Beaucoup moins, bien sûr, après 1993, mais, oui, cela ait été le

 21   cas, c'est-à-dire qu'il y avait des personnes au sein du gouvernement qui

 22   représentaient les intérêts croates, bien évidemment.

 23   Q.  Lorsque vous parlez des représentants au sein du gouvernement qui

 24   représentaient les Serbes, est-ce que vous entendez par là Mirko Pejanovic,

 25   par exemple ?

 26   R.  Oui, parmi d'autres.

 27   Q.  Quelle a été la position qu'avait occupée Mirko Pejanovic au sein du

 28   gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?


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  1   R.  Il était membre de la présidence entre juin 1992 jusqu'à presque la fin

  2   de la guerre.

  3   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi que Mirko Pejanovic n'était pas un membre

  4   élu, les Serbes n'avaient jamais voté pour lui afin qu'il les représente,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  S'agissant de l'élection de 1990, il s'était présenté, il a remporté

  7   des voix, et sur la base des voix qu'il avait remportées dans le cadre de

  8   cette élection, il a été choisi par le nombre de voix qu'il avait reçu par

  9   les Serbes, il a donc été élu.

 10   Q.  Il a été élu pour occuper quel poste ?

 11   R.  Pour occuper le poste de membre de la présidence. Il s'est présenté

 12   pour ce poste en novembre 1990 lors des élections du mois de novembre 1990,

 13   et il s'est classé troisième ou quatrième. Et ensuite les numéros 1 et 2 se

 14   sont retirés, il a été invité à rejoindre les rangs de la présidence.

 15   Q.  En fait, il a été utilisé par Alija Izetbegovic, n'est-ce pas ? Et le

 16   peuple serbe en Bosnie-Herzégovine ne l'a jamais reconnu comme étant un de

 17   leur représentant dans aucun gouvernement. Est-ce que c'est une conclusion

 18   à laquelle vous pourriez parvenir lors de vos recherches dans le cadre de

 19   l'histoire, ou bien est-ce que vous diriez que le peuple serbe a accepté

 20   pour que ce dernier les représente en Bosnie-Herzégovine ?

 21   R.  C'est une question qui est composée de plusieurs questions.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement j'allais inviter le conseil de

 23   la Défense de scinder sa phrase en plusieurs questions. Donc la première

 24   question était de savoir s'il était utilisé par M. Izetbegovic.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il y a ceux qui le pensent, mais je

 26   ne sais pas, je ne crois pas que cela fut le cas.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Q.  Et dans le cadre de vos recherches, est-ce que vous avez pu trouver des


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  1   informations selon lesquelles le peuple serbe ait reconnu quoi que ce soit,

  2   quel qu'accomplissement que ce soit de Mirko Pejanovic en tant que membre

  3   de la présidence de Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  Oui. Pejanovic et plusieurs autres personnes ont formé le Conseil

  5   civique serbe en 1994, à Sarajevo, et c'était en quelque sorte un mécanisme

  6   formel, il représentait les intérêts du peuple serbe dans le cadre des

  7   pourparlers de paix, tout d'abord, et au nom de la Fédération, et ensuite

  8   quand il était question des accords de Dayton. Donc oui, il y avait

  9   plusieurs Serbes, je pourrais donner leurs noms si je me rappellerais, qui

 10   pensaient que c'était le meilleur représentant du peuple serbe en Bosnie.

 11   Q.  Je dois vous dire que je suis absolument étonné de ce type de points de

 12   vue, mais je suis vraiment désolé, mais c'est un commentaire, et je vais

 13   vous poser ma prochaine question.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez à ne pas faire ce genre de

 15   commentaire, s'il vous plaît.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Oui, je vais essayer de le faire mais je ne

 17   pouvais vraiment pas m'abstenir de faire ce genre de commentaire. Bien.

 18   Q.  Alors, Monsieur, pourriez-vous nous dire qu'a fait Mirko Pejanovic pour

 19   les 5 500 civils qui ont été tués à Sarajevo, et ce, seulement parce qu'ils

 20   étaient Serbes ? De quelle manière a-t-il représenté leurs intérêts ?

 21   R.  Vous citez un fait qui ne fait pas partie des éléments de preuve dans

 22   cette affaire.

 23   Q.  Juste un instant, s'il vous plaît. Je suis vraiment désolé, mais

 24   lorsque vous dites que cela ne fait pas partie des éléments de preuve, vous

 25   voulez dire que ça ne concerne pas cette affaire-ci ?

 26   R.  Non, je ne veux pas dire dans cette affaire-ci. Mais je veux dire que

 27   c'est quelque chose qui découle du domaine public, ce sont des informations

 28   qui ont été confirmées par des observateurs indépendants.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais simplement préciser un point

  2   pour éviter toute confusion. Donc vous avez parlé de 5 500 civils. Tout

  3   d'abord, vous avez posé deux questions en une, et j'aimerais savoir là où

  4   le témoin dit qu'il n'y a aucun élément de preuve à cet effet qui figure

  5   dans le domaine public. En fait, est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec

  6   le chiffre de 5 500 personnes tel qu'évoqué par Me Lukic, à savoir que ces

  7   derniers étaient des Serbes ou n'êtes-vous pas d'accord avec le fait que si

  8   effectivement il y a eu 5 500 Serbes tués, qu'ils étaient tués justement

  9   parce qu'ils étaient Serbes, et seulement parce qu'ils étaient Serbes ?

 10   Donc pourriez-vous, je vous prie, vous prêter à une analyse un peu

 11   détaillée et de scinder les divers aspects de la question que Me Lukic vous

 12   a posée ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que les éléments de preuve sont en

 14   fait que les Serbes ont été tués à Sarajevo parce qu'ils étaient Serbes ou,

 15   tout du moins, parce qu'ils s'adonnaient à certains types d'activités que

 16   l'on estimait être des activités qui appuyaient les objectifs serbes,

 17   disons-le ainsi. Je crois que ce chiffre de 5 500 n'est pas un chiffre qui

 18   a été prouvé, et je crois que ce chiffre est probablement excessif.

 19   Certains efforts ont été déployés effectivement pour déterminer ce chiffre,

 20   mais je dois dire que les efforts n'ont pas été couronnés de succès

 21   réellement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et lorsque l'on parle de Sarajevo --

 23   Monsieur Mladic, vous savez que vous n'êtes pas censé vous lever, vous

 24   devez rester assis.

 25   Lorsque nous parlons de Sarajevo, de quoi parlons-nous exactement, parlons-

 26   nous de la ville, du noyau interne de Sarajevo ? Ou enfin, je ne sais pas

 27   si, Maître Lukic, vous aviez une référence géographique précise lorsque

 28   vous parlez de Sarajevo ?


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Je parle du secteur de la ville de Sarajevo

  2   placé sous le contrôle de l'armée musulmane.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Donc vous ne parlez pas de

  4   personnes tuées provenant de l'intérieur de la ville mais des personnes qui

  5   ont été tuées à l'extérieur.

  6   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Car certaines personnes pourraient

  8   estimer que les alentours de Sarajevo pourraient faire partie de Sarajevo

  9   également.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Effectivement, peut-être que ma question

 11   n'était pas tout à fait précise. Mon intention était justement de poser la

 12   question de la manière dont vous l'avez faite en me corrigeant.

 13   Effectivement, je parle de Serbes tués sur le territoire qui était placé

 14   sous le contrôle des forces musulmanes.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Et donc, M. Donia dit ce

 16   qu'il a appris par ses recherches, qu'il s'agirait probablement d'une

 17   exagération que de parler du chiffre de 5 500 personnes. Si vous voulez

 18   poser d'autres questions pour approfondir ce sujet, je ne vais pas

 19   m'immiscer plus longuement dans vos questions.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Pourrais-je consulter M. Mladic pour quelques

 21   instants.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais à voix basse, s'il vous plaît,

 23   sinon vous allez devoir attendre la prochaine pause. 

 24   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Donia, d'après vous, combien de civils serbes ont été tués à

 28   Sarajevo sur le territoire qui était placé sous le contrôle des forces


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  1   musulmanes, puisque vous contestez le chiffre de 5 500 ?

  2   R.  Je ne connais pas le chiffre exact. Je sais, cependant, qu'une étude

  3   démographique très approfondie a été menée au cours des six ou sept

  4   dernières années par une agence située à Sarajevo, et qui a été financée

  5   par des agences externes, et ces derniers ont conclu que le nombre total de

  6   personnes tuées à Sarajevo pendant la guerre était de 10 000 personnes. Je

  7   crois qu'il est fort peu probable que plus de 5 500 d'entre eux soient des

  8   Serbes.

  9   Certains Serbes ont quitté le territoire au début de la guerre. Il y

 10   a eu également des Musulmans et des Croates qui sont partis, effectivement.

 11   Mais le fait est que certains Serbes ont été tués parce qu'ils étaient

 12   Serbes et parce qu'ils se trouvaient sur le territoire que vous avez décrit

 13   comme étant le territoire tenu par les forces musulmanes. Et d'autres ont

 14   été tués simplement parce qu'ils se sont trouvés dans la ville et qu'ils

 15   ont fait l'objet de différents types d'attaques au cours de ces quatre

 16   années.

 17   Q.  Très bientôt, un recensement aura lieu en Bosnie-Herzégovine qui nous

 18   donnera des données beaucoup plus précises, n'est-ce pas, et ce recensement

 19   se tiendra sous peu. Mais, est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour

 20   dire que les autorités musulmanes en Bosnie-Herzégovine ont, pendant des

 21   années, essayé d'empêcher qu'un recensement ait lieu en Bosnie-Herzégovine

 22   ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous savez si déjà au début du conflit les forces musulmanes

 25   ont lancé une attaque contre Pofalici, qui est une agglomération serbe, et

 26   est-ce que vous savez qu'ils ont chassé l'ensemble de la population civile,

 27   bien sûr, celle qui avait survécu à cette attaque ?

 28   R.  Je suis au courant du combat qui a eu lieu pour Pofalici en mai de


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  1   1992, effectivement.

  2   Q.  Et lorsqu'on parle de Sarajevo, vous seriez sans doute d'accord avec

  3   moi pour dire qu'il n'est pas possible d'observer cette ville de manière

  4   isolée en Bosnie-Herzégovine, mais qu'il faut bien l'observer dans le cadre

  5   d'événements au sens plus large du terme qui se sont déroulés dans la

  6   région ?

  7   R.  Oui, je suis d'accord avec vous.

  8   Q.  Quelle a été la cause, l'origine des tensions en Bosnie-Herzégovine à

  9   cette époque ?

 10   R.  De nombreux facteurs différents y ont contribué. Le quasi-effondrement

 11   des structures du gouvernement socialiste de la Bosnie-Herzégovine a

 12   certainement joué un rôle en tant que cause. Ensuite, l'armement des

 13   différentes factions et paramilitaires sous la conduite de dirigeants

 14   appartenant aux trois différents groupes y a également contribué, tout

 15   comme la distribution d'armes de la JNA par celle-ci à des agents serbes,

 16   des membres du SDS et d'autres. Les désaccords très profonds quant à

 17   l'avenir constitutionnel de la Bosnie, comme nous en avons parlé

 18   précédemment, ont été un terme de l'équation aussi. Et une très profonde

 19   méfiance, je crois, a également contribué à l'apparition de ces tensions au

 20   début de 1992 et au-delà.

 21   Q.  Conviendriez-vous que les mouvements d'indépendance en Slovénie et en

 22   Croatie ont également contribué à la guerre en Bosnie-Herzégovine ?

 23   R.  Oui. Ils y ont contribué selon des modalités qui étaient pour partie

 24   prévisible et d'autres non, mais en tout état de cause, oui, ils ont

 25   représenté un des facteurs de cette équation globale.

 26   Q.  Vous avez parlé de l'armement de formations paramilitaires. Mais

 27   seriez-vous d'accord pour dire que ce sont tout d'abord des formations ou

 28   des unités paramilitaires contrôlées par le Parti de l'Action démocratique


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  1   d'Alija Izetbegovic, le SDA, qui ont été mis en place ? Je parle ici des

  2   Bérets verts et de la Ligue patriotique.

  3   R.  Non. Je dois vous dire qu'à mon avis, il est assez difficile d'établir

  4   qui a été le premier en la matière. Je reconnais, bien entendu, que la

  5   Ligue patriotique et les Bérets verts ont été créés au plus tard en juin

  6   1990, et à ce titre ont certainement fait partie des premiers effectifs

  7   paramilitaires à être actifs en Bosnie.

  8   Q.  Mais ces deux formations paramilitaires étaient en fait l'aile

  9   militaire du SDA d'Alija Izetbegovic, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Un instant, s'il vous plaît.

 12   On assiste donc à la désagrégation de la Yougoslavie et à l'apparition de

 13   liens de cohésion sur une base nationale d'appartenance ethnique, donc, et

 14   ce, dans une mesure bien plus large que cela avait pu être le cas avant la

 15   guerre. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire cela ?

 16   R.  Oui. Je crois que ces liens ont été renforcés à partir de la fin des

 17   années 1980 pour devenir plus forts encore à la veille de la guerre et se

 18   consolider plus encore au cours de celle-ci.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Nous pourrions peut-être maintenant examiner la

 20   pièce P1999. Il nous faudrait la page 7 de la version anglaise, paragraphe

 21   numéro 2, et la page 7 en B/C/S également dans le prétoire électronique.

 22   Page 7 dans le prétoire électronique et non pas la page 7 dans la

 23   pagination interne du document. Nous l'avons donc en anglais à l'écran.

 24   C'est bien ce dont nous avons besoin.

 25   Q.  Et vous dites :

 26   "Lorsque nous interrogeons les causes de cette confrontation violente, nous

 27   sommes amenés à examiner la nature changeante de l'identité --"

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, les interprètes ne retrouvent


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  1   pas ce que vous lisez en anglais.

  2   M. LUKIC : [interprétation] C'est le deuxième paragraphe de cette page,

  3   dernier paragraphe.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'essaie de voir si je le retrouve.

  5   Je ne vois pas. Alors, c'est bien la page 7 dans le prétoire électronique.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Et je donne lecture de la version en B/C/S qui

  7   se trouve sur la moitié gauche de l'écran et dont nous voyons la traduction

  8   en anglais sur la moitié droite.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez examiner

 10   l'anglais et voir si vous retrouvez ce que vous aviez l'intention de lire ?

 11   M. LUKIC : [interprétation] Je peux lire en anglais. 

 12   "La littérature consacrée à la construction de l'identité nous met au défi

 13   d'examiner la structure changeante de l'identité lorsque nous examinons les

 14   causes et le déroulement des conflits violents. Je me suis employé à

 15   répondre à ce défi dans le présent rapport, m'engageant dans une analyse

 16   causale des événements et laissant celle-ci ouverte à des explications

 17   multiples, éventuellement concurrentes des différentes formes d'identité et

 18   de loyauté constatées parmi la population de Sarajevo dans le cours des

 19   années 1990."

 20   Alors, ma question ne portait que sur une partie de ceci.

 21   Q.  Docteur Donia, est-ce que cet effacement du sentiment d'appartenance ou

 22   sa réaffirmation du sentiment d'appartenance -- en fait, qu'est-ce que cela

 23   signifie pour vous ? Quelle en est votre compréhension ?

 24   R.  Eh bien, j'envisage ceci comme un processus ininterrompu au cours

 25   duquel on observe occasionnellement des variations dans l'intensité du

 26   sentiment d'appartenance ou de loyauté pour un individu donné. Donc, ceci

 27   s'inscrit en faux contre la notion selon laquelle on serait là en présence

 28   d'une définition et d'une appartenance immuable, éternelle, inaltérable,


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  1   qui ferait partie intégrante de la personne considérée ou du groupe, à

  2   savoir le peuple serbe, par exemple. L'idée, c'est qu'il s'agit là d'une

  3   construction ou d'une abstraction. La même chose s'appliquerait évidemment

  4   au peuple musulman ou bosnien, comme vous voulez.

  5   Q.  Et donc, selon vous, cela signifie que les Serbes de Sarajevo n'étaient

  6   plus des Serbes ou que quelque chose les avait amenés ou contraints à

  7   renier leur identité précédente, à renoncer à cette appartenance serbe ?

  8   Est-ce que vous pourriez nous fournir quelques détails à ce sujet ?

  9   R.  Eh bien, j'accepte l'idée selon laquelle l'appartenance ethnique ou

 10   l'appartenance nationale est quelque chose qui dépend d'une

 11   autodétermination individuelle. Par conséquent, ceux qui se considèrent

 12   comme étant Serbes s'identifieront probablement comme tels dans le cadre

 13   d'un recensement ou à d'autres occasions. A un stade donné de leur vie,

 14   cependant, ils pourraient être amenés à prendre une décision, parce qu'ils

 15   font partie d'un mariage mixte ou parce que pour quelle que raison que ce

 16   soit ils ont été amenés à ne plus souhaiter être assimilés à des membres du

 17   groupe ethnique serbe, ils pourraient tout à fait être amenés à prendre la

 18   décision de se déclarer comme appartenant au groupe des Yougoslaves ou à un

 19   autre groupe complètement différent.

 20   Et, en fait, dans mon rapport, j'ai fourni quelques exemples de ce

 21   type de situation, donc des gens qui en arrivent à décider de cesser de

 22   s'identifier comme étant des Serbes. Et le mouvement ou l'évolution la plus

 23   marquée au cours de cette période est sans doute celle qui concerne le

 24   groupe de ceux qui se déclarait comme Yougoslaves en 1981, par exemple,

 25   l'une des identités qui existaient à l'époque, et qui se sont déclarés

 26   différemment en 1991. Donc ça, c'était un mouvement de fond. Du point de

 27   vue des observateurs serbes, on a considéré que cela revenait à diminuer le

 28   nombre des Serbes, que c'en était la conséquence. Du point de vue des


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  1   observateurs musulmans, il a été considéré que tous ces Yougoslaves étaient

  2   en fait des Musulmans.

  3   Q.  Dans vos recherches, avez-vous retrouvé des informations quant à

  4   l'effectif des Serbes qui ont été mobilisés par la force au sein de l'ABiH

  5   et quant au nombre de ceux d'entre eux qui ont été engagés dans le

  6   creusement de tranchées sur les lignes de front de l'ABiH ?

  7   R.  Non, pas d'information fiable ou, en tout cas, pas d'information que je

  8   considèrerais comme fiable. Il y avait, en réalité, de nombreuses personnes

  9   participant au creusement des tranchées. Parmi ces personnes, il y avait

 10   également des Serbes et d'autres personnes appartenant à d'autres groupes

 11   ethniques. Mais quant à leur nombre, je n'ai rien retrouvé que je puisse

 12   considérer comme suffisamment fiable pour me dire combien ils étaient.

 13   Q.  Mais ce n'est pas quelque chose à quoi vous vous êtes employé, par

 14   ailleurs ?

 15   R.  Je ne pense pas m'être penché de façon spécifique sur ce problème dans

 16   le cadre de ce rapport.

 17   Q.  Vous ne vous êtes pas non plus occupé du nombre des Serbes qui avaient

 18   été tués à Sarajevo ?

 19   R.  Non. Je dois dire que c'est quelque chose à quoi j'ai consacré du temps

 20   dans le cadre d'un autre rapport dans le contexte d'un autre procès, mais

 21   en l'espèce, je ne me suis pas penché sur cette question particulière.

 22   Q.  Très bien. Dans ce cas-là, excusez-moi mais je suis obligé de revenir

 23   en arrière. Est-ce que vous êtes parvenu à la moindre conclusion quant au

 24   nombre des Serbes tués à Sarajevo, et ce, dans la mesure où vous vous êtes

 25   penché sur cette question ?

 26   R.  Selon moi, leur nombre se monte à au moins plusieurs centaines, et

 27   plutôt en se rapprochant du millier. C'est une conclusion à laquelle je

 28   suis parvenu en examinant le nombre de prisons dans lesquelles les Serbes


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  1   ont été placés en détention et le type d'actes de violence auxquels ils ont

  2   été soumis. Quant à déterminer le nombre total des Serbes qui ont été tués,

  3   je crois que ceci a fait l'objet d'une étude par un groupe particulier dont

  4   je ne me rappelle pas le nom à Sarajevo et qui s'est efforcé d'attribuer à

  5   chaque victime son nom, on lieu de décès, et à déterminer son affiliation,

  6   et je crois que le nombre auquel ils ont conclu était de l'ordre de 10 à 15

  7   000, plus ou moins. Je crois que ceci concerne la région de Sarajevo au

  8   sens large telle qu'elle existait en 1991. Mais je ne me rappelle pas du

  9   nombre total des victimes serbes décédées à Sarajevo auquel ils ont conclu.

 10   Q.  Très bien. Donc, j'admets que vous ne vous êtes pas penché sur la

 11   question du nombre de ces victimes. Je vais donc vous poser la question

 12   suivante : dans vos recherches, à quelle conclusion êtes-vous parvenu quant

 13   à la liberté de quitter Sarajevo de son propre gré ? Est-ce que les Serbes

 14   étaient libres de quitter Sarajevo selon leur bon vouloir ?

 15   R.  Eh bien, j'ai essayé d'étudier ceci, et je crois qu'il est très

 16   difficile de déterminer comment cette situation se présentait pendant la

 17   guerre. Elle a probablement évolué pendant celle-ci. Je dirais que mon

 18   impression générale était qu'il était très facile de sortir de Sarajevo,

 19   non seulement les Serbes mais d'autres groupes l'ont également fait, et je

 20   dirais que cela est resté vrai à peu près jusqu'au 2 mai, environ. Après

 21   cela, le gouvernement a entrepris différents efforts pour limiter l'exode

 22   des Serbes -- ou plutôt, des citoyens de Sarajevo, de ses habitants, en

 23   exigeant, par exemple, une quantité excessive de documents d'identité, ou

 24   dans d'autres cas on reportait leur départ de plusieurs jours ou semaines.

 25   Et j'ai eu l'impression qu'au bout du compte, vous n'aviez pas, en réalité,

 26   un si grand nombre de personnes que cela qui aspirait à partir et qui n'a

 27   pas réussi, en définitive, à partir. C'est mon impression générale. Mais

 28   comme je l'ai dit, il y avait de façon tout à fait certaine différents


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  1   types de restrictions qui étaient imposées à leur départ, au moins à partir

  2   du 2 mai.

  3   Q.  Quand vous parlez du 2 mai, vous avez à l'esprit le 2 mai 1992, n'est-

  4   ce pas ?

  5   R.  Oui, tout à fait.

  6   Q.  Alors, avant de prendre la pause, avez-vous entendu dire que les Serbes

  7   payaient pour pouvoir quitter Sarajevo ?

  8   R.  Oui, je l'ai bien entendu dans un certain nombre de cas.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président et Monsieur le Témoin, je

 10   crois qu'il est temps maintenant de faire notre pause.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons donc faire la pause, qui

 12   durera 20 minutes. Je demande à Monsieur l'Huissier d'accompagner M. Donia

 13   hors de cette salle d'audience.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons nos débats à 13 heures

 16   30.

 17   --- L'audience est suspendue à 13 heures 10.

 18   --- L'audience est reprise à 13 heures 33.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin

 20   dans le prétoire, s'il vous plaît.

 21   J'aimerais me réserver les 12, 13 minutes de la fin de l'audience

 22   d'aujourd'hui pour aborder des questions de procédure.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Je suis en train d'informer mon collègue, Me

 24   Ivetic, qui est plus familiarisé avec ces questions, mais il sera ici pour

 25   les 15 dernières minutes de notre session d'aujourd'hui.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous pouvez continuer.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci.


Page 15557

  1   J'aimerais qu'on nous affiche la page 8 du document qui se trouve

  2   déjà sur l'écran.

  3   Q.  Il s'agit de votre rapport, Docteur, celui qui se rapporte à Sarajevo.

  4   Il est question de la transformation de la JNA. Au début, vous dites que ce

  5   chapitre est consacré à la transformation de l'armée populaire yougoslave,

  6   JNA dans la suite, qui a évolué partant d'une armée pluriethnique en

  7   finissant par être un instrument de réalisation des intérêts ethniques

  8   serbes. Alors, est-ce que cette homogénéisation de la JNA n'est pas plutôt

  9   le fait du refus des non-Serbes de répondre aux appels sous les drapeaux ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, on vous demande de répéter

 11   votre question. C'est les interprètes qui le demandent.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Bien, excusez-moi.

 13   Q.  Serait-il exact de dire que l'homogénéisation de la JNA s'est faite

 14   parce que les ressortissants des groupes ethniques croates et musulmans ne

 15   répondaient pas aux appels à la mobilisation ?

 16   R.  Ce serait l'une des causes multiples, probablement pas la plus

 17   importante, mais il est certain que ceci s'est produit, et cela a influé

 18   sur la direction qui sera suivie par ce processus d'homogénéisation.

 19   Q.  Dans votre travail, est-ce que vous avez trouvé des instructions

 20   fournies par les autorités musulmanes et croates à la population leur

 21   disant de ne pas répondre aux appels sous les drapeaux faits par la JNA ?

 22   R.  Pour autant que je m'en souvienne, et je suis certain du fait que les

 23   instructions que vous mentionnez là ne leur disaient pas véritablement de

 24   ne pas rejoindre les rangs de la JNA, mais on leur permettait de ne pas le

 25   faire s'ils ne le voulaient pas. Donc c'était des instructions qui étaient

 26   données le 30 septembre 1991 par la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

 27   Q.  Est-ce que vous avez trouvé dans vos travaux des documents montrant que

 28   la JNA a également eu à s'opposer, a eu des conflits avec des formations


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  1   armées serbes ?

  2   R.  Oui. Çà et là. Il me semble que cela a été dit non pas dans mon rapport

  3   mais dans l'un de mes livres.

  4   Q.  Mais pas dans ce livre-ci.

  5   R.  C'est cela, c'est cela.

  6   Q.  Et le sous-titre suivant, c'est "La JNA déviant vers le nationalisme".

  7   Alors, je vais donner lecture d'une partie de ce paragraphe pour qu'on

  8   sache de quoi il s'agit.

  9   "Mis à part la responsabilité assumée par la JNA pour la Défense de la

 10   patrie vis-à-vis de l'ennemi, l'armée avait pour mission --"

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons pas d'interprétation.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez dire aux

 13   interprètes quelle est la partie que vous êtes en train de lire ?

 14   M. LUKIC : [interprétation] Je m'excuse, je pense avoir dit que c'était le

 15   sous-titre disant : "La JNA déviant discrètement vers le nationalisme".

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, ça, ça a été traduit. Qu'est-ce que

 17   vous êtes en train de nous lire au juste ? Est-ce que c'est la même page ?

 18   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi.

 19   J'ai découpé cette partie du texte du reste et je pensais que c'était juste

 20   après le titre, mais ça se trouve à la quatrième ligne dans le paragraphe

 21   qui se trouve juste en dessous du titre de ce paragraphe. Ça commence par

 22   "Mis à part".

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la cinquième ligne en

 24   version anglaise.

 25   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 27   M. LUKIC : [interprétation]

 28   Q.  "Mis à part le fait que la JNA ait eu des responsabilités relatives à


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  1   la défense de la patrie face à l'ennemi étranger, à l'ennemi extérieur, il

  2   y avait aussi une mission prévue par la constitution qui consistait à

  3   préserver l'ordre interne établi au sein de cette Yougoslavie fédérative et

  4   socialiste…"

  5   Docteur Donia, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que l'armée ne

  6   pouvait pas dénigrer ou négliger son rôle de gardien de l'ordre interne

  7   établi au sein de l'Etat ?

  8   R.  Eh bien, ils pouvaient, en principe, le faire, mais ils n'ont

  9   certainement pas agi de la sorte. Ils ont pris cette mission très au

 10   sérieux et se sont comportés de la sorte.

 11   Q.  Est-ce qu'on peut prendre une mission de préservation d'un état de

 12   façon non sérieuse ? Est-ce qu'un policier en Amérique peut sérieusement ou

 13   pas sérieusement du tout préserver l'ordre établi dans cet Etat ?

 14   R.  Eh bien, je pourrais dire qu'il serait possible de le faire d'une façon

 15   et de l'autre. Mais il convient d'espérer que les autorités prennent au

 16   sérieux leur mission et le font de la sorte. Mais est-ce qu'il est possible

 17   de se pencher de façon peu sérieuse sur une mission ? Oui, c'est possible.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, je crois que c'est une question de

 19   langage, il n'y a aucune contestation. Vous avez voulu demander s'ils

 20   avaient l'autorisation d'ignorer cela, et il aurait répondu qu'il n'avait

 21   pas l'autorisation de le faire ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Ça aurait été ma réponse,

 23   ils n'auraient pas eu l'autorisation. Je ne sais pas par qui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuons.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors, dans les situations de crise au travers de l'histoire, n'est-il

 27   pas exact de dire qu'il faut une poigne plus ferme, que quand les temps

 28   sont des temps de paix et de sécurité, où le gouvernement peut être plus


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  1   indulgent ?

  2   R.  Est-ce vrai pour toute l'histoire ? Non. Je dirais que c'est la vérité

  3   dans la plupart des situations mais je ne peux pas dire que ceci a toujours

  4   été une vérité et que ça a toujours, à jamais, été vrai.

  5   Q.  Bien. Mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire que tout officier

  6   qui n'accomplissait pas sa mission pouvait et devait tomber sous la coupe

  7   de la justice militaire ?

  8   R.  Devait ou aurait dû ? Oui.

  9   Q.  Dans votre rapport - et j'ai besoin de la version anglaise page 9,

 10   ligne 3, et page 9 en B/C/S aussi - vous y dites :

 11   "La JNA a entrepris des mesures visant à empêcher sa décomposition le long

 12   des frontières des républiques et en renforçant sa loyauté vis-à-vis de

 13   l'idée du pan yougoslavisme."

 14   Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que cette idée de

 15   yougoslavisme avait été représentée en premier lieu au sein de la JNA

 16   pendant toute l'existence de la Yougoslavie après 1945 ?

 17   R.  Si j'ai bien compris votre question, elle consistait à dire que

 18   l'impulsion vers le yougoslavisme avait été la plus forte après 1945 ?

 19   Q.  Non, j'ai demandé est-ce que c'était la chose la plus présente parmi

 20   les membres de la JNA.

 21   R.  Oh, oui.

 22   Q.  Et j'aimerais vous demander la chose suivante : est-ce que vous seriez

 23   d'accord avec moi pour dire qu'il n'y a pas eu de renforcement de cette

 24   idée ? Il y a eu continuation de la mise en œuvre des mêmes idées, de la

 25   même volonté de préserver un état commun ?

 26   R.  Par qui ? Cette question est plutôt vague. Est-ce que vous pouvez être

 27   plus précis, plus concret, je vous prie ?

 28   Q.  J'essaie de dire que ce que vous avez constaté ici à partir de la


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  1   troisième ligne et au-delà, à savoir que la JNA a pris des mesures pour

  2   prévenir sa propre fragmentation le long des lignes ou des frontières des

  3   républiques, tout en renforçant son attachement à la Yougoslavie ?

  4   R.  Oui, si c'est la question, ma réponse est oui.

  5   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ceux qui oeuvraient contre

  6   cette idée-là n'acceptaient pas ou oeuvraient contre le communautarisme ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Vous ne seriez pas d'accord avec moi ?

  9   R.  Non, je ne serais pas d'accord avec ce point-là.

 10   Q.  Donc, d'après vous, les séparatistes sont favorables à l'esprit

 11   communautaire ? Est-ce que c'est bien ce que vous nous dites dans votre

 12   témoignage ?

 13   R.  Ça peut être le cas, certainement.

 14   Q.  C'est plutôt étrange, difficile à comprendre.

 15   R.  Je pense que c'est votre réaction au terme de communautarisme et,

 16   maintenant, vous avez intégré dans le jeu la notion de séparatisme, qui est

 17   un concept politique à l'opposé du communautarisme, et ça peut être social,

 18   organisationnel ou d'une autre nature. C'est la raison pour laquelle j'ai

 19   répondu que les séparatistes pouvaient également être favorables à cet

 20   esprit communautaire et peuvent être contre au cas où il y aurait un

 21   pouvoir prédominant qui serait pas trop exclusiviste, en essayant de

 22   restaurer ce sentiment de communautarisme. Donc, la réponse à votre

 23   question est celle-ci : je ne dis pas que les séparatistes, de façon

 24   inhérente, de par leur nature, sont favorables ou opposés à l'esprit

 25   communautaire.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que vous reveniez, le témoin

 27   et vous-mêmes, à l'une de vos questions précédentes. Vous avez commencé,

 28   Monsieur Lukic, par demander si le témoin serait d'accord avec vous pour


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  1   dire qu'aucun renforcement de cette idée du yougoslavisme n'a eu lieu, et

  2   le témoin a ensuite posé plusieurs questions, et vous avez indiqué que ce

  3   n'était pas un renforcement mais que c'était le fait de le maintenir. Puis,

  4   vous avez lu une partie du rapport où ces mots-là ont été utilisés, à

  5   savoir que la JNA a pris des mesures aux fins d'empêcher sa propre

  6   fragmentation le long des frontières des républiques et renforcer son

  7   sentiment de yougoslavisme. Et le témoin a dit que si c'était cela la

  8   question, sa réponse était oui.

  9   Alors, la question était celle de savoir qu'il ne s'agissait pas d'un

 10   renforcement, mais d'un maintien de ce yougoslavisme au même niveau. Et une

 11   fois que vous avez lu cette partie, j'ai été quelque peu surpris de vous

 12   voir répondre par oui. Parce que cette partie dit clairement qu'il y a

 13   également eu renforcement de ce yougoslavisme. Donc, il n'est pas clair à

 14   mes yeux si vous avez complètement compris cette question et, si c'est le

 15   cas, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi, en dépit du langage

 16   utilisé par vous, il a été répondu à la question par une affirmation qui

 17   était celle d'affirmer que ou de dire qu'il n'y a pas eu de renforcement ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je crois que c'est lié essentiellement à

 19   la période dont nous sommes en train de parler. Lorsque j'ai essayé de

 20   répondre à la question, je voulais indiquer que dans les années 1980, au

 21   commandement ou au commandement au sommet de la JNA, il y a eu beaucoup de

 22   débats pour ce qui était de savoir s'il fallait autoriser la présence de

 23   forces qui visaient une fragmentation ou une division le long des lignes ou

 24   des frontières des républiques et c'était, par exemple, ce qui se passait

 25   en Union soviétique où l'armée, en fait, s'est scindée en composantes

 26   républicaines, comme cela a d'ailleurs été le cas avec les Ligue des

 27   Communistes. Ils ont pris des mesures pour empêcher cela par la force, pour

 28   éviter cela, tout en essayant de renforcer la composante yougoslave,


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  1   l'idéologie yougoslave dans son organisation, dans leur organisation, et

  2   lorsqu'il s'agit de ceci, du renforcement d'une loyauté publique à l'égard

  3   de cette idée. Donc, le récit est quelque peu différent si nous sommes en

  4   train de parler de l'année 1991 en Croatie, lorsque l'armée a opéré un

  5   tournant, a opéré un virage, et où il y a eu, et notamment en Bosnie en

  6   1992, où elle s'est subdivisée dans ses composantes républicaines.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, ceci tire la chose au clair pour

  8   moi.

  9   M. LUKIC : [interprétation]

 10   Q.  J'aimerais que vous vous penchiez sur la prise de mesures violentes ou

 11   de mesures de coercition pour empêcher ceci. Alors, vous avez dit en ligne

 12   18, page 70, il est question de mesures visant à recourir à la force.

 13   Qu'avez-vous voulu dire ?

 14   R.  Je n'ai pas entendu par là des mesures de violence. J'ai voulu parler

 15   de mesures déterminées. Je n'ai pas affirmé qu'ils ont eu recours à la

 16   violence pour y aboutir.

 17   Q.  Mais qui ? Les gens qui oeuvraient contre la JNA, qu'ils soient membres

 18   de la JNA ou qu'ils soient extérieurs à la JNA, est-ce que ces gens-là le

 19   font pour renforcer ou pour affaiblir la Yougoslavie ? Quel est le résultat

 20   des recherches que vous avez effectuées ?

 21   R.  Une fois de plus, c'est une question qui est liée à la période de temps

 22   que vous évoquez.

 23   Q.  1991 ?

 24   R.  Oui. En 1991, ils oeuvraient à l'affaiblissement, en faveur de

 25   l'affaiblissement de la Yougoslavie ou, du moins, de cette partie de la

 26   Yougoslavie dont ils étaient partie intégrante, dont ils faisaient partie

 27   intégrante.

 28   Q.  Bien que vous ne soyez pas juriste, puisque l'on déjà établi cela, est-


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  1   ce que dans vos travaux vous avez pu trouver des informations qui vous

  2   diraient que ces gens-là ont été mis en accusation pour avoir essayé

  3   d'affaiblir la Yougoslavie et d'affaiblir la JNA et la Yougoslavie, donc

  4   qu'ils oeuvraient contre la constitution ?

  5   R.  Oui, je l'ai mentionné. J'ai mentionné un incident de cette nature

  6   lorsque les procureurs de la JNA visaient à faire prononcer des mesures

  7   punitives contre l'éditeur du journal "Mladina" en Slovénie, ils n'ont pas

  8   réussi à le faire. Et les personnes mises en accusation en sont sorties

  9   comme des héros nationaux et c'est la réputation de la JNA qui en a pris un

 10   coup, mais c'est exactement la situation à laquelle vous venez de faire

 11   référence, oui.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que maintenant, le moment serait venu de

 13   mettre un terme à mon contre-interrogatoire ? 

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, je ne pense pas que nous ayons

 15   besoin des 17 minutes complètes pour le faire, mais si vous estimez que le

 16   moment est opportun, on peut le faire.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je vais continuer ou m'arrêter selon votre

 18   décision, Monsieur le Juge.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, on va mettre un terme pas à

 21   titre définitif, mais nous allons mettre un terme provisoirement à ce

 22   contre-interrogatoire. Nous allons reprendre demain matin, Monsieur Donia,

 23   9 heures 30 dans ce même prétoire. Je vous demande de ne pas vous

 24   entretenir avec qui que ce soit au sujet de votre témoignage, de celui que

 25   vous avez déjà fourni ou de celui que vous êtes censé fournir à l'avenir.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Juge.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez, à présent, suivre

 28   l'huissier et quitter le prétoire


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite d'abord rendre une décision.

  3   Il s'agit d'une décision suite à la requête de l'Accusation demandant à

  4   rajouter 13 documents relatifs au Témoin Turkusic sur la liste des éléments

  5   de preuve de l'Accusation en application de la liste 65 ter.

  6   Le 26 juillet 2013, l'Accusation a déposé sa requête en application de

  7   l'article 92 ter relative au Témoin Emir Turkusic. Dans cette requête, elle

  8   demandait également l'autorisation d'ajouter 13 documents à sa liste 65

  9   ter.

 10   Le 9 août 2013, la Défense s'est opposée à l'intégralité de la requête de

 11   l'Accusation.

 12   Conformément aux lignes directrices émises par la Chambre quant à la façon

 13   dont celle-ci entend statuer des requêtes en application de l'article 92

 14   ter, lignes directrices figurant aux pages du compte rendu 2 408 à 2 410,

 15   la Chambre prendra une décision quant à la requête en application de

 16   l'article 92 ter après que le témoin aura conclu sa déposition. Par

 17   conséquent, la Chambre va à présent se pencher uniquement sur la requête

 18   aux fins d'ajout à la liste de pièces de l'Accusation de documents

 19   pertinents, tous documents qui concernent les enquêtes diligentées par le

 20   ministère de l'Intérieur de la Bosnie-Herzégovine au sujet des incidents de

 21   bombardement à Sarajevo.

 22   La Chambre estime que l'Accusation n'a pas avancé des motifs valables

 23   susceptibles de justifier l'ajout de ces documents à sa liste de pièces à

 24   ce stade du procès. La Chambre considère cependant que les documents en

 25   question, à première vue, présentent une valeur probante et sont pertinents

 26   quant aux incidents de bombardement allégués à Sarajevo tels qu'ils sont

 27   retenus à charge dans l'acte d'accusation.

 28   La Chambre relève également que quatre de ces documents ont été


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  1   identifiés dans la requête initiale en application de l'article 92 ter

  2   relative à ce témoin, requête déposée le 25 janvier. Les neuf documents

  3   restants ont été identifiés dans la présente requête en application de

  4   l'article 92 ter déposée 30 jours avant la déposition de ce témoin tel que

  5   prévue au calendrier. La Chambre estime, par conséquent, qu'un temps

  6   suffisant a été laissé à la Défense pour examiner et étudier ces documents.

  7   Ceci est tout particulièrement vrai compte tenu de la taille de ces

  8   documents, qui comprennent entre une et six pages dans leur version en

  9   B/C/S. Pour ces raisons, la Chambre conclut que l'ajout de ces documents à

 10   la liste 65 ter de l'Accusation n'entraînera pas une charge supplémentaire

 11   de travail pour les préparatifs de la Défense, charge qui pourrait être

 12   considérée comme indue.

 13   Par conséquent, la Chambre conclut que l'ajout des documents portant les

 14   numéros 29153 à 29165 au titre de l'article 65 ter à la liste 65 ter de

 15   l'Accusation est dans l'intérêt de la justice et fait droit à la requête.

 16   Ceci met un terme à la décision.

 17   Maintenant, un autre point.

 18   Le 24 janvier de cette année, la Chambre a demandé à l'Accusation de

 19   corriger un certain nombre d'erreurs techniques survenues dans le

 20   téléchargement des rapports de M. Theunens pour expliquer la pertinence de

 21   certains passages de ce rapport, également ainsi que pour en retirer toute

 22   redondance ou tout recouvrement avec des faits déjà jugés. L'Accusation

 23   s'est penchée sur ces différentes questions en déposant des écritures le 14

 24   février, le 15 juillet et le 26 juillet de cette année. Par conséquent, la

 25   Chambre considère que le délai applicable au dépôt par la Défense d'une

 26   notification en application de l'article 94 bis est en cours. La Chambre

 27   considère, cependant, sur la base d'une communication informelle intervenue

 28   le 21 août 2013, que ceci n'était pas entièrement clair pour la Défense.


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  1   Compte tenu de cela, la Chambre est disposée à accorder deux semaines

  2   supplémentaires de délai à la Défense, c'est-à-dire jusqu'au 9 septembre

  3   2013, date butoir avant laquelle les écritures correspondantes devront être

  4   soumises.

  5   Oui, Maître Ivetic ?

  6   M. IVETIC : [interprétation] Pouvons-nous avoir une précision

  7   supplémentaire. Concernant le 15 février 2013, à cette date, la Chambre a

  8   indiqué que 180 pages du rapport rédigé par le Témoin Theunens devaient

  9   être réexaminées afin de décider s'il était nécessaire de les inclure ou

 10   non. Est-ce que nous avons une décision de la Chambre à cet effet et cette

 11   portion est-elle exclue, afin que nous sachions comment répondre ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je crois que l'Accusation les

 13   considère comme nécessaires.

 14   Monsieur Weber ?

 15   M. WEBER : [interprétation] En effet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, elles sont toujours

 17   incluses.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, si ceci est clair, et comme je

 20   l'ai dit, la Chambre est disposée à accorder deux semaines de délai

 21   supplémentaire à la Défense. Par conséquent, celle-ci dispose jusqu'au 9

 22   septembre 2013 pour le dépôt de ses écritures en application de l'article

 23   94 bis.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je l'ai dit, nous n'avons pas

 27   besoin de l'ensemble des 17 minutes.

 28   Monsieur Weber, vous souhaitez en profiter ?


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  1   M. WEBER : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'il est question

  2   du Témoin Theunens, je souhaite juste consigner au compte rendu d'audience

  3   quelque chose dont j'ai fait part par e-mail à Me Ivetic. L'Accusation est

  4   à la disposition de la Défense pour coopérer avec celle-ci en amont de la

  5   déposition du témoin au sujet des documents ou du contenu du rapport. Elle

  6   sera à la disposition, donc, de la Défense, pour ce type de coopération

  7   lorsque le témoin déposera également. Je souhaitais consigner cela au

  8   compte rendu d'audience.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Cette proposition de votre

 10   part est donc consignée et elle est bien comprise par Me Ivetic.

 11   En l'absence de tout autre point à discuter, nous levons l'audience pour

 12   aujourd'hui, et nous reprendrons demain, vendredi, 23 août à 9 heures 30

 13   dans cette même salle d'audience numéro III.

 14   --- L'audience est levée à 14 heures 07 et reprendra le vendredi, 23 août

 15   2013, à 9 heures 30.

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