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1 Le vendredi 18 octobre 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le
6 prétoire et à l'extérieur de ce dernier.
7 Madame la Greffière, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
9 Messieurs les Juges. Affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
11 La Chambre a été informée qu'aucune question préliminaire ne sera soulevée
12 avant le début de la déposition du témoin; alors veuillez, je vous prie,
13 faire entrer le témoin dans la salle d'audience.
14 [Le témoin vient à la barre]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, j'aimerais vous
18 rappeler que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle
19 prononcée hier au début de votre déposition.
20 LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Reprise]
21 [Le témoin répond par l'interprète]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen et Monsieur Jeremy, je
23 voudrais vous rappeler de ménager des pauses entre les questions et les
24 réponses et de ne pas parler trop rapidement. Vous devriez suivre mon
25 exemple et parler calmement comme je l'ai fait il y a quelques instants.
26 Cela faciliterait le travail des interprètes et des sténotypistes.
27 Veuillez poursuivre, je vous prie.
28 M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
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1 Messieurs les Juges.
2 Interrogatoire principal par M. Jeremy : [Suite]
3 Q. [interprétation] Et bonjour, Monsieur Bowen.
4 R. Bonjour.
5 Q. J'aimerais commencer avec une précision pour ce qui est de votre
6 déposition d'hier, et surtout j'aimerais que l'on précise un point qui
7 porte sur le départ des civils de Cerska.
8 Maintenant, à la page du compte rendu d'audience 18 055, lignes 7 à 9, le
9 compte rendu d'audience se lit comme suit. Je vous pose la question
10 suivante, et donc je dis :
11 "Question : Est-ce que vous savez s'il s'agit de civils serbes de Bosnie
12 qui étaient à Cerska qui étaient partis ?"
13 Et vous avez répondu à la question par la suivante, vous avez dit que:
14 "Réponse : La présomption était qu'ils s'étaient retirés vers Srebrenica."
15 En réalité, j'aimerais vous poser une question concernant les civils
16 musulmans de Bosnie plutôt que de vous poser une question concernant les
17 civils serbes de Bosnie. Donc je voulais simplement préciser un point avec
18 vous. En répondant à ma question, à quel groupe avez-vous réellement fait
19 référence ?
20 R. Eh bien, je vous ai compris comme étant une question portant sur les
21 Musulmans de Bosnie, donc j'ai compris votre question comme étant une
22 erreur, en réalité. Et donc, c'est ainsi que j'ai répondu.
23 Q. Très bien. Merci.
24 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, Mme Stewart nous
25 présentera maintenant un extrait vidéo portant sur le mouvement des civils
26 dans Srebrenica. Il s'agit du document 65 ter 22510I.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vérifier pour voir si la
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1 transcription est terminée et si tout a été correctement transcrit.
2 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, la transcription a été
3 fournie aux cabines d'interprètes.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nonobstant ce fait, le débit était très
5 rapide. Je demanderais aux parties de nous dire si elles ont besoin de plus
6 de temps. Veuillez poursuivre, je vous prie.
7 M. JEREMY : [interprétation]
8 Q. Monsieur Bowen, avez-vous reconnu ce rapport ?
9 R. Oui.
10 Q. Et vous souvenez-vous de la date approximative à laquelle ce rapport a
11 été fait ?
12 R. Je crois qu'il s'agissait du mois d'avril, je crois, du mois d'avril
13 1993. Ou bien était-ce 1994 ? C'était le mois d'avril après la chute de
14 Cerska dont nous avons parlé hier.
15 Q. Je vous remercie. L'homme que nous avons vu dans cet extrait vidéo et
16 qui disait que la population était évacuée de Srebrenica et que ces
17 derniers avaient déjà fait l'objet de nettoyage ethnique ailleurs, vous
18 rappelez-vous de qui il s'agissait ?
19 R. C'était un envoyé spécial du Haut-commissaire des Nations Unies pour
20 les Réfugiés. Je crois que son nom était Jose Maria -- mais je ne me
21 souviens pas du nom de famille de cette personne. C'était un envoyé pour
22 HCR, un envoyé qui était beaucoup plus qu'un porte-parole. C'était
23 réellement quelqu'un qui était engagé également dans des réunions et des
24 rencontres avec les dirigeants.
25 Q. Et il nous parle de personnes à Srebrenica qui avaient déjà fait
26 l'objet de nettoyage ethnique autour de Srebrenica. S'agit-il du schéma du
27 déplacement de la population dont vous avez fait référence dans votre
28 témoignage hier ?
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1 R. Oui. J'ai fait référence à ce type de schéma, c'est-à-dire où les
2 personnes se retrouvaient dans une situation ou ils se retrouvaient dans un
3 endroit pour lequel ils estimaient qu'il s'agissait d'une zone sûre, alors
4 que la pression de l'armée des Serbes de Bosnie continuait même à ce nouvel
5 endroit, même là.
6 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander que
7 cet extrait vidéo soit versé au dossier.
8 M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22501I recevra la cote
11 P2529.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.
13 Monsieur Jeremy, vous pouvez poursuivre.
14 M. JEREMY : [interprétation]
15 Q. Monsieur Bowen, au paragraphe 11 de votre déclaration, P2515 MFI, vous
16 parlez d'une visite à Bijeljina en 1994 où vous avez rencontré un
17 représentant serbe de Bosnie, et vous dites qu'il était impliqué dans
18 "l'envoi des Musulmans". J'aimerais maintenant vous montrer un extrait
19 vidéo qui est en rapport avec ceci.
20 M. JEREMY : [interprétation] Il s'agit du document 65 ter 22511C, et nous
21 allons commencer à 56 secondes.
22 Monsieur le Président, la transcription de cet extrait vidéo a été
23 remise aux cabines.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
26 "Le reporter : Vojkan était le président de la commission pour le mouvement
27 libre de la population civile. Cela veut dire qu'il était chargé du
28 nettoyage ethnique. Un rapport comparé pour les Nations Unies établit qu'il
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1 dirige des groupes d'hommes musulmans qui terrorisent les communautés
2 musulmanes. Vojkan Jerkovic nie le tout.
3 Il dit, Je suis très heureux que cette équipe de télévision est venue. Il a
4 transformé Bijeljina en une ville ethnique serbe et les Musulmans ont hâte
5 de sortir.
6 Interlocuteur en B/C/S : Il devrait remercier l'Etat serbe de leur avoir
7 permis un mouvement, un déplacement de la population, de leur avoir permis
8 de se déplacer librement.
9 Une femme : C'est très dangereux. J'ai tout perdu. Je n'ai que les
10 vêtements sur mon dos.
11 Un homme en B/C/S : On frappait très fort à la porte. C'était un
12 représentant serbe.
13 Le reporter : Lorsque la permission est arrivée pour leur départ, Vojkan
14 s'est assuré que nous étions là. Il leur a dit qu'ils pouvaient se saluer,
15 et ensuite ils devaient partir. Les expulsions ne sont plus faites à bout
16 portant, mais les Serbes comme Vojkan sont déterminés à chasser les
17 Musulmans de ces villes. Il s'agit toujours de nettoyage ethnique."
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. JEREMY : [interprétation]
20 Q. Monsieur Bowen, le représentant auquel vous faites référence au
21 paragraphe 11 de votre déclaration, s'agit-il du représentant que nous
22 avons vu ici, Vojkan ?
23 R. Oui. Son nom était Vojkan Jerkovic.
24 Q. Dans ce reportage, vous dites que Vojkan avait fait du nettoyage
25 ethnique "une procédure officielle". Pourriez-vous expliquer cette
26 observation en fournissant un peu plus de détails ?
27 R. Il s'agissait là d'un documentaire d'une heure que j'ai fait sur le
28 voyage emprunté par les personnes qui ont pris le corridor qui passait par
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1 le secteur serbe. Donc vous n'avez vu là qu'un extrait vidéo. Mais c'était
2 devenu une procédure bureaucratique. C'étaient des personnes qui, d'après
3 le témoignage des personnes concernées, nous montrent un vieil homme et une
4 personne, et ces derniers nous disent qu'ils avaient fait l'objet de
5 pressions et ils se sentaient intimidés. Il y avait des expulsions à bout
6 portant. Ces dernières avaient cessé, mais les personnes qui étaient
7 restées derrière étaient néanmoins chassées. Ils étaient contraints de
8 partir. Et, en réalité, maintenant ils avaient une procédure bureaucratique
9 où ces gens devaient se rendre à un bureau pour remplir les formulaires. Et
10 Vojkan Jerkovic a déclaré que sa mission ailleurs était telle qu'il
11 s'attendait à recevoir un prix Nobel pour la paix pour son travail, parce
12 qu'il essayait de faire la paix, de transporter ces gens de manière
13 pacifique.
14 Mais les dernières personnes qui étaient déplacées étaient intimidées. Il
15 m'a semblé également qu'au reporter des Nations Unies, nous avions tenté de
16 voir de quoi il s'agissait réellement, parce que les conséquences étaient
17 les mêmes, les traumatismes étaient les mêmes; sauf maintenant qu'au lieu
18 de se faire expulser à bout portant, ils étaient néanmoins expulsés par un
19 changement d'équilibre ethnique dans la ville. Des personnes qui avaient
20 des points de vue extrémistes avaient le pouvoir dans la ville et ils
21 essayaient de faire de leur mieux pour essayer de chasser ces personnes.
22 Donc la nuit, lorsque les caméras de télévision n'étaient pas là, les
23 habitants étaient passés à tabac, on entrait dans leurs demeures par
24 effraction et ils étaient chassés.
25 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que cet
26 extrait vidéo soit versé au dossier en tant que pièce de l'Accusation.
27 M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P2530,
2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
3 M. IVETIC : [interprétation] Nous aimerions demander l'autorisation de
4 consulter notre client.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. M. Mladic
6 doit rester assis.
7 Mais avant de continuer, je voudrais mentionner que P2530 est versé au
8 dossier.
9 Si vous avez besoin de plus de temps pour consulter votre client, Maître
10 Ivetic, vous pouvez le faire.
11 Monsieur Jeremy, je vois que vous êtes debout. Non, je ne savais pas si
12 vous vouliez intervenir ou pas, donc vous pouvez vous asseoir. Je ne
13 voulais pas vous dire que vous ne devriez pas être debout, mais je voulais
14 simplement savoir si vous vouliez intervenir.
15 M. JEREMY : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président. Je vais
16 simplement donner à Me Ivetic un petit peu plus de temps pour qu'il puisse
17 consulter son client.
18 Q. Monsieur Bowen, vous avez couvert des événements également à Srebrenica
19 en juillet 1995. C'est là que vous vous êtes rendu après Sarajevo ?
20 R. C'est exact. J'étais à Sarajevo à l'époque -- c'est-à-dire, au moment
21 de la chute de Srebrenica et de la prise de contrôle par les forces serbes
22 de Bosnie. Nous n'étions pas en mesure de nous déplacer de Sarajevo à
23 Srebrenica et c'est pourquoi nous avons fait nos reportages depuis Sarajevo
24 même.
25 Q. J'aimerais vous montrer un autre extrait vidéo.
26 M. JEREMY : [interprétation] Il s'agit du document 65 ter 22879H.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
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1 "Les premières photographies de l'enclave de Srebrenica sont montrées
2 par la télévision. Les Casques bleus néerlandais ont simplement pu voir les
3 Serbes de Bosnie qui, pour les caméras allumées, remettaient des chocolats.
4 Le général Ratko Mladic, le commandant en chef de l'armée des Serbes de
5 Bosnie, s'est adressé à la population : 'N'ayez pas peur, les autocars vous
6 transporteront vers un territoire musulman. Les femmes et les enfants
7 d'abord. Personne ne sera blessé.'
8 Aujourd'hui, 30 000 personnes ont été évacuées.
9 Radovan Karadzic, le leader des Serbes de Bosnie, se trouvait dans le
10 studio. Ceci montre la supériorité de la population serbe. Les menaces de
11 la communauté internationale ne veulent rien dire pour nous. Si l'OTAN
12 attaque, nous allons réagir. Il a dit que les Musulmans de Zepa et de
13 Gorazde et se trouvant dans d'autres zones de sécurité, si ces derniers ne
14 remettaient pas les armes, les Serbes allaient attaquer. Et pour ce qui est
15 des personnes qui quittaient Srebrenica, il a dit que personne ne les
16 forçait de partir.
17 Il s'agit là du nettoyage ethnique, je dirais. Tout d'abord, la
18 différence est que ces personnes ne veulent pas profiter de l'hospitalité
19 de l'armée des Serbes de Bosnie.
20 Que disent les Nations Unies ?
21 Les Nations Unies ont toujours avancé qu'il s'agissait du nettoyage
22 ethnique et qu'il s'agissait d'un génocide."
23 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
24 M. JEREMY : [interprétation]
25 Q. Monsieur Bowen, vous rappelez-vous d'où proviennent les images pour ce
26 reportage ?
27 R. Je me souviens très bien d'avoir monté ce reportage. Techniquement,
28 nous étions à Sarajevo et nous étions en mesure d'enregistrer la télévision
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1 des Serbes de Bosnie qui était diffusée depuis Pale. Nous étions dans une
2 station de télévision à Pale, et c'est là que nous avons reçu la majorité
3 de ces images. Il est tout à fait possible que certaines images provenaient
4 de différentes sources et que nous les avions envoyées à Londres pour
5 améliorer la qualité technique. Mais essentiellement, toutes les images
6 provenaient de la télévision de Pale. Nous étions en mesure de les voir
7 depuis Sarajevo, et c'est ainsi que nous avons pu nous servir de ces
8 images.
9 Q. Et la personne que l'on voyait à la fin de cet extrait vidéo, celui qui
10 disait que les Nations Unies condamnaient le nettoyage ethnique et
11 estimaient qu'il s'agissait d'un génocide, vous souvenez-vous de qui il
12 s'agissait ?
13 R. Oui, c'était Alexander Ivanko. C'était le porte-parole pour le HCR des
14 Nations Unies.
15 Q. J'aimerais maintenant vous poser une dernière question, Monsieur Bowen.
16 Aujourd'hui, et hier d'ailleurs, nous avons parlé des réfugiés musulmans de
17 Bosnie, des personnes que vous avez pu remarquer pendant votre séjour en
18 Bosnie, au cours de vos séjours en 1992, 1993, 1994 et 1995. Réfugiés qui
19 se trouvaient à Sarajevo, à Gorazde, Travnik, Trnopolje, Cerska et
20 Bijeljina, entre autres. Pourriez-vous nous donner une évaluation du nombre
21 de réfugiés avec lesquels vous êtes entré personnellement en contact, que
22 vous avez interviewés et que vous avez vus de vos propres yeux ?
23 R. Eh bien, je dirais que dans le cadre -- ou, plutôt, dans le courant de
24 ces quelques années en Bosnie, je me suis sans doute entretenu avec des
25 centaines de réfugiés un à un, et j'en ai vu des milliers. Des milliers de
26 personnes, littéralement. Des personnes dans des abris improvisés. Des
27 personnes marchant dans la rue, eux qui venaient juste de se faire expulser
28 de leurs maisons. Des personnes montant à bord des autocars. Des personnes
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1 en train de pleurer. J'ai vu des centres de réfugiés. C'était le sujet
2 constant, le leitmotiv constant de la guerre. Il s'agissait de réfugiés qui
3 très souvent se trouvaient dans des situations précaires. Ils étaient
4 traumatisés. J'ai sûrement dû m'entretenir avec plus d'une centaine de
5 réfugiés. J'en ai vu certainement des milliers.
6 Q. S'agissant de réfugiés auxquels vous venez de faire référence, quelles
7 étaient vos observations personnelles de l'impact que ce nettoyage ethnique
8 a eu sur ces personnes et leurs familles ?
9 R. L'impact du nettoyage ethnique -- l'impact de ce nettoyage ethnique sur
10 ces personnes était absolument catastrophique. Cela ne fait aucun doute.
11 J'étais journaliste même avant mon mandat là-bas. J'ai eu beaucoup
12 d'expérience, donc j'avais une expérience de plus de 20 ans et je m'étais
13 rendu sur le terrain où 17 ou 18 guerres avaient déjà eu lieu. J'ai vu un
14 très grand nombre de réfugiés. C'est toujours traumatisant. Mais je pense
15 que la manière dans laquelle ces personnes étaient déplacées, il s'agissait
16 d'un nettoyage ethnique qui était vraiment traumatisant. Ceci avait un
17 caractère catastrophique sur leurs vies. Très souvent, ils étaient expulsés
18 à bout portant, parfois ils n'avaient que quelques minutes pour sortir de
19 leurs maisons, ne pouvant rien prendre avec eux. Ils étaient sans argent,
20 sans demeure. Ils disaient que cela est arrivé du jour au lendemain.
21 Et très souvent, lorsque je me suis entretenu avec ces réfugiés, je dois
22 vous dire que j'ai entendu les mêmes récits au cours de ces plusieurs
23 années, ils disaient que très souvent ils étaient déplacés ou ils étaient
24 chassés de chez eux par des personnes qu'ils connaissaient, de manière
25 violente, et surtout au début de la guerre. Et l'impact sur eux était
26 terrible. Ils étaient traumatisés. Je m'entretenais avec des vieilles
27 personnes, des vieux hommes, parce que les hommes en âge de porter des
28 armes - encore une fois, c'est une caractéristique - mais les hommes en âge
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1 de porter les armes étaient séparés, ils avaient été emmenés. Et très
2 souvent, les personnes qui restaient derrière c'étaient les femmes et les
3 personnes âgées. Donc ils ont souvent vu, été témoin du meurtre de leurs
4 maris, de leurs fils, de leurs frères. Et j'ai souvent entendu ce genre de
5 récit. Et parfois, ils parlaient également de jeunes garçons adolescents,
6 âgés de 13 ou 14 ans, qui avaient été emmenés avec des hommes un petit plus
7 âgés qu'eux.
8 Et donc, il s'agit là, encore une fois, d'une société patriarcale
9 très traditionnelle, et très souvent ces derniers étaient laissés sans
10 hommes, si vous voulez, alors que les femmes avaient un rôle à jouer
11 important dans la communauté. Mais les hommes n'y étaient plus, et donc les
12 gens avaient peur. Ils étaient traumatisés et ils étaient complètement
13 perdus. Et ceci s'est gravé dans ma mémoire, le fait de voir ces personnes
14 qui avaient été chassées de chez eux d'une manière aussi brutale. C'était
15 réellement horrible. Et je dois vous dire, en tant que journaliste, il
16 m'était devenu difficile de faire en sorte que ces extraits soient montrés
17 à la télévision, parce qu'il y avait presque une fatigue concernant les
18 réfugiés, si vous voulez, par les personnes qui organisaient les
19 programmes, et donc c'était très difficile. Encore une fois, ces réfugiés
20 ont fait l'objet d'un abus physique. Et très souvent, il leur était -- et
21 je dois vous dire, encore une fois maintenant --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ralentissez, je vous prie.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais ralentir. J'avançais à l'époque que le
24 fait même que l'on répétait ces récits de manière fréquente était justement
25 ce qui les rendait encore plus importants, parce qu'il y avait un schéma
26 qui était clair déjà au tout début de la guerre et qui s'est poursuivi tout
27 au long de la guerre.
28 M. JEREMY : [interprétation]
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1 Q. Merci, Monsieur Bowen.
2 M. JEREMY : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le
3 Président, Messieurs les Juges.
4 Il y a deux pièces que j'aimerais encore verser au dossier. Tout
5 d'abord, c'est le dernier extrait vidéo, 22879H.
6 M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection pour que le document 22879H
7 soit versé au dossier.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22879H recevra la cote
10 P2531, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2531 est versé au dossier.
12 M. JEREMY : [interprétation] Le deuxième document est le document avec
13 lequel nous avons terminé l'audience d'hier, il s'agit du document 65 ter
14 01027. Il s'agit d'une lettre de la Mission de surveillance de l'EC envoyée
15 au général Mladic et datée du 2 mars 1993. Ce n'est pas un document que M.
16 Bowen a vu de manière simultanée à ce moment-là. Donc son témoignage se
17 recoupe avec le contenu de ce document, et c'est sur la base de ceci que je
18 demande le versement au dossier de ce document.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
20 M. IVETIC : [interprétation] Nous nous opposons à ce que ce document soit
21 versé au dossier parce qu'il n'a pas été rédigé par le témoin. Ce n'est pas
22 un document que le témoin connaissait. Son témoignage d'hier ne peut pas
23 corroborer ce que les communications ont affirmé dans ces documents. Si
24 l'Accusation demande à ce que ce document soit versé directement, nous nous
25 attendons à ce qu'ils présentent une version aux fins d'une requête aux
26 fins de versement direct avec tous les critères nécessaires pour ce type de
27 requête, comme il a été le cas avec plusieurs requêtes aux fins de
28 versement direct par le passé.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document qui n'est pas
3 très long, et les règlements concernant le versement au dossier des
4 documents de manière directe, la Chambre a accepté et a expliqué pourquoi
5 les documents qui sont versés au dossier directement et qui sont
6 directement liés au sujet sur lequel porte la déposition du témoin à ce
7 moment-là, ceci peut être versé de cette manière. Mais l'objection est
8 rejetée.
9 Madame la Greffière, quelle sera la cote de ce document ?
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 01027 recevra la cote
11 P2532.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.
13 M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
14 Messieurs les Juges.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous êtes prêt
16 pour ce qui est du contre-interrogatoire du témoin ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que oui, Monsieur le Juge.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen, vous allez à présent
19 être contre-interrogé par Me Ivetic, qui est l'un des membres de l'équipe
20 de Défense de M. Mladic.
21 Allez-y, je vous prie.
22 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.
25 R. Bonjour.
26 Q. Avant que d'entamer mes questions, je vais vous demander de veiller à
27 faire une pause après ma question, et les réponses qui seront apportées
28 aussi devront avoir une pause après, et je vais m'efforcer de faire la même
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1 chose après vos réponses, pour faciliter le travail des sténotypistes et
2 les interprètes. Nous sommes-nous compris ?
3 R. Oui, c'est compris.
4 Q. Bien. Alors, pour être tout à fait certain d'avoir compris les choses
5 convenablement au sujet de votre biographie, je vous demanderais -
6 référence faite à la première page de votre déclaration en application de
7 l'article 92 ter, qui est la pièce P2515, MFI - il a été indiqué trois
8 langues, mais il n'y a pas une seule qui se trouvait être le serbo-croate.
9 Est-ce que nous pouvons donc conclure du fait que vous n'êtes pas à même de
10 vous servir, ni couramment, ni autrement, du serbo-croate ?
11 R. C'est exact. J'ai appris quelques choses lorsque je suis allé dans les
12 Balkans, j'en ai appris assez pour pouvoir parler aux barrages routiers.
13 Mais je ne peux pas m'entretenir avec qui que ce soit en langue serbo-
14 croate.
15 Q. Est-ce qu'il y aurait eu qui que ce soit d'autre de la BBC à avoir
16 participé à l'approbation de votre déplacement vers La Haye pour témoigner
17 en application du 92 ter ou alors au sujet du témoignage dans l'affaire
18 Karadzic qui a également été présenté pour un versement au dossier en
19 application de l'article 92 ter ?
20 R. Quand vous dites déclaration en application du 92 ter, c'est la
21 déclaration de témoin que j'ai déjà faite ?
22 Q. Oui, c'est exact.
23 R. Personne au niveau de la BBC n'était censé approuver ou ne pas
24 approuver mon témoignage et mon déplacement ici, non.
25 Q. Une question de nature générale d'abord pour vous. Etes-vous d'accord
26 avec moi pour dire qu'un journaliste a une obligation professionnelle qui
27 est celle de rapporter de façon précise au sujet des faits dont il vient à
28 avoir connaissance ?
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1 R. Oui, je suis d'accord.
2 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'un journaliste a
3 aussi l'obligation professionnelle d'être impartial dans la transmission
4 des faits dont il vient à prendre connaissance ?
5 R. Oui.
6 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'un journaliste a également
7 l'obligation professionnelle d'investiguer et de vérifier les faits qui
8 sont rapportés par autrui avant que de les diffuser afin de s'assurer que
9 cela est bien exact ?
10 R. Oui, je serais d'accord avec vous dans une certaine mesure. Parfois, il
11 est nécessaire de transmettre les opinions d'autrui, ne pas les traiter
12 comme étant des déclarations de fait, mais dire que vous êtes en train de
13 transmettre des points de vue d'autrui ou la façon de percevoir qu'a
14 quelqu'un d'autre d'une situation donnée. Et il n'est pas toujours à même,
15 ce journaliste, d'investiguer au sujet de déclarations qui sont faites à
16 une conférence de presse, d'interview ou autre conversation, en particulier
17 lorsque cette personne parle à partir de fonction de responsabilité
18 quelconque. Et vous devez dire en tant que journaliste que ça, c'est le
19 point de vue avancé par cet individu-là.
20 Q. Monsieur, est-ce que vous estimez que lorsque vous avez fait des
21 reportages au sujet de ce qui se passait en ex-Yougoslavie, vous vous êtes
22 efforcé de vous conformer à l'obligation d'être impartial et précis ?
23 R. Oui.
24 Q. Et cette déclaration de témoin que nous avons à présent sous les yeux,
25 le P2515, marqué à des fins d'identification, est-ce que vous estimez que
26 cette déclaration aussi se trouve être conforme à la vérité et conforme à
27 l'obligation du journaliste d'être précis et impartial ?
28 R. Oui, je pense que cela correspond à la vérité et que cela satisfait à
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1 l'obligation du journaliste, tout comme ce que j'ai déjà eu l'occasion de
2 déclarer devant ce Tribunal.
3 Q. Est-il exact de dire que vous avez certaines fois dû vous fier à des
4 informations obtenues par des opérateurs radioamateurs à Sarajevo lorsque
5 vous avez envoyé des reportages pour la BBC ?
6 R. A plusieurs occasions, nous avons cité, voire filmé, des amateurs radio
7 qui entretenaient des communications depuis Sarajevo avec certaines des
8 enclaves sous le contrôle du gouvernement bosnien en Bosnie de l'Est. Et
9 quand vous parlez du fait de se fier à cela, je crois que c'est exagéré. On
10 les citerait comme sources d'information, tout comme on citerait, par
11 exemple, la source de l'information au UNHCR ou la télévision de Serbes de
12 Bosnie à Pale.
13 Q. Dans les occasions où vous veniez à citer des amateurs radio comme
14 étant des sources, est-ce que vous avez pris des mesures pour ce qui était
15 de vérifier les informations divulguées à vous avant que vous ne les
16 diffusiez sur les ondes ?
17 R. Je pense que mon approche était celle de dire que les informations de
18 la source n'étaient pas nombreuses. Et la façon dont les gens se
19 procuraient des informations à Sarajevo était celle de passer par des
20 amateurs radio. Alors, quand vous citez ce type d'information, il convient
21 aussi de fournir le contexte; il est évident que ces amateurs radio
22 intervenaient dans des circonstances qui leur étaient particulières.
23 Q. Etiez-vous conscient du fait qu'à l'époque, d'autres individus avaient
24 des préoccupations relatives à l'exactitude ou l'inexactitude de ce qui a
25 été diffusé par les amateurs radio ?
26 R. En ma qualité de journaliste, indépendamment de l'origine de ce celui
27 qui parle, je suis toujours préoccupé par l'exactitude de ce qu'il m'est
28 raconté. Je le savais il y a 20 ans, je le sais également maintenant. Les
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1 gens, pour parler, parlent d'une perspective qui est la leur. Ils ne sont
2 pas objectifs. Ils sont influencés par les circonstances, leur éducation,
3 leur contexte. Et je crois que c'est un élément normal dans la
4 communication humaine.
5 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 3 de la
6 déclaration du témoin au prétoire électronique, et je précise qu'il s'agit
7 de la page 4 en B/C/S.
8 Q. Nous avons besoin de nous pencher sur le paragraphe 2, où vous nous
9 dites que vous vous êtes penché sur votre déclaration première et que vous
10 avez également revu certains enregistrements vidéo à des fins de rédaction
11 de cette déclaration. Alors, étant donné qu'il n'y a aucun enregistrement
12 vidéo ou aucun enregistrement audio à être mentionné de façon précise, je
13 voudrais vous demander si vous avez réexaminé et revu la totalité de vos
14 reportages de l'ex-Yougoslavie ou est-ce que vous avez pris une sélection
15 de ces reportages et déclarations ?
16 R. Au fil des années, j'ai envoyé beaucoup de reportages de l'ex-
17 Yougoslavie. Il y avait différentes versions d'une même histoire, je ne
18 peux pas vous affirmer que j'aie tout revu. Mais avant que de faire ma
19 déclaration de témoin en juin 2009, j'ai également rédigé un livre. Ce
20 livre ne se rapportait pas seulement à l'ex-Yougoslavie, mais on y a
21 mentionné l'ex-Yougoslavie. Et pour rédiger ce livre, je me suis également
22 penché à nouveau sur les copies de reportages dont je disposais à la
23 maison. J'ai également consulté mes carnets de notes originaux et je me
24 suis entretenu avec des personnes avec qui j'avais travaillé pour me
25 rafraîchir la mémoire. Ce qui fait que j'estime m'être bien préparé, et, en
26 fait, je pense que c'est surtout le cas pour ce qui est des informations
27 contextuelles dont j'avais besoin. Bien entendu, au bout d'un certain
28 nombre d'années, il faut vous rafraîchir la mémoire. Mais oui, je me suis
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1 penché sur tout ceci, et je pense pouvoir dire que je suis très familiarisé
2 avec la totalité des reportages qui ont été présentés ici en tant
3 qu'éléments de preuve.
4 Q. Fort bien. Revenons maintenant vers le texte de votre déclaration qui
5 nous avons sous nos yeux à l'écran. Au paragraphe 4, vous vous décrivez
6 comme étant "un reporter de guerre assez expérimenté" lorsque cette guerre
7 a commencé en Yougoslavie. Au paragraphe 3, vous dites que vous avez fait
8 des reportages à partir de toute une série d'endroits. Serait-il plus exact
9 de dire que vous avez envoyé des reportages en provenance de quelque 60
10 pays où il y avait eu des conflits armés entre les années 1970 et 1980
11 [comme interprété] ?
12 R. Ça devrait être ça. Je ne peux pas vous dire exactement 60. Mais vous
13 vous souviendrez qu'à l'époque, il y avait des pays nouvellement créés. Et
14 oui, j'ai eu beaucoup de travail. J'ai constamment voyagé entre 1989,
15 lorsque je suis allé faire des reportages depuis ma première guerre, c'est-
16 à-dire celle du Salvador. Et oui, j'ai été témoin oculaire bon nombre de
17 conflits armés.
18 Q. Alors, quand on parle de quelque 60 pays différents ou à partir
19 desquels vous avez fait des reportages relatifs à des conflits armés et
20 avant la guerre de Yougoslavie, avez-vous vu des combats à quelque endroit
21 où vous seriez allé avant ce conflit ?
22 R. Attendez, il faut être tout à fait clair. Il ne s'agit pas de 60 pays
23 et il ne s'agit pas de 60 zones de guerre. Les 60 pays englobent aussi des
24 récits en temps de paix. Donc j'ai été à bien des endroits qui avaient été
25 exposés à des tirs directs avant l'ex-Yougoslavie, au Salvador, à Bagdad
26 avant que cette ville ne soit bombardée par les Américains, Britanniques et
27 autres. En 1991, j'ai été en Afghanistan lorsque les Soviétiques s'en
28 allaient. En 1992, avant que d'aller à Sarajevo, j'ai été à Kaboul lorsque
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1 les Moudjahidines ont pris la ville, et il y a eu des combats violents avec
2 beaucoup de victimes que j'ai eu l'occasion de voir moi-même et il y a eu
3 des moments très périlleux.
4 Mais oui, en d'autres termes, j'ai eu une expérience assez importante
5 pour ce qui est du fait d'être exposé à des tirs, de me retrouver parmi des
6 gens armés à différents endroits, différentes circonstances, différentes
7 guerres, avec des armées régulières, des groupes d'insurgés. Et avant la
8 Bosnie en 1992, j'avais été en Croatie en 1991 aussi.
9 Q. C'est peut-être cela qui a prêté à confusion dans mon esprit. Alors,
10 étant donné que vous avez déjà disposé de cette expérience en matière de
11 reportage en provenance de lieu de combat, comment ne pouviez-vous pas
12 croire vos yeux en 1991 en Croatie lorsque vous avez précisé, au paragraphe
13 5, que vous n'en croyiez pas vos yeux lorsque vous avez vu un char en train
14 de tirer ?
15 R. Oui, mais la phrase d'après de cette déclaration vous dit pourquoi. Ce
16 qui m'a frappé, c'est que rien de semblable ne s'était passé en Europe
17 depuis 1945. Ce qui m'a stupéfait, c'est de voir en ma qualité d'Européen
18 des chars en train de tirer non pas des manœuvres mais pour de bon. Il y a
19 eu en Hongrie en 1956 des chars qui ont, j'imagine, aussi tiré. Mais
20 lorsqu'il s'agit de ce type de guerre, j'ai vu utiliser des chars datant de
21 la Deuxième Guerre mondiale avec des chars aussi plus modernes, des T-54.
22 Et ce qui m'avait stupéfait, c'était non pas de voir un char tirer, mais
23 c'était de voir un char tirer en Europe et des villages en train de brûler
24 avec des corps éparpillés partout dans les rues. Je ne m'attendais pas en
25 ma qualité d'Européen à voir ceci. Mes expériences de guerre étaient des
26 expériences d'Asie, d'Amérique centrale. Mais ce n'était pas dans ma propre
27 cour que cela se passait jusque-là. Et c'est cela qui m'avait stupéfait.
28 Q. Alors, revenons un peu vers votre contexte de carrière. Est-il exact de
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1 dire qu'avant que d'être reporter, vous n'avez jamais fait votre service
2 dans des forces armées, ni dans votre pays, ni ailleurs ?
3 R. Je n'ai jamais été dans les forces. Avant que de devenir journaliste,
4 j'ai été étudiant en troisième cycle dans les affaires internationales aux
5 Etats-Unis d'Amérique.
6 Q. Est-il exact de dire qu'au fil de votre éducation, vous n'avez jamais
7 eu un entraînement militaire ?
8 R. Non. Je n'ai jamais été dans l'armée.
9 Q. Est-il exact de dire, quand on parle de vos activités de journaliste,
10 que vous avez reçu un prix à Monte Carlo en 1994 pour un documentaire que
11 vous avez intitulé "Un travail non achevé", relatif aux événements de
12 Mostar ?
13 R. C'est exact. Il s'agissait du siège de la partie est, essentiellement
14 musulmane, à Mostar en 1993.
15 Q. Mis à part ce prix, est-ce qu'on vous a accordé d'autres discernements
16 pour ce que vous avez fait en ex-Yougoslavie ?
17 R. Il s'est passé pas mal de temps depuis. J'ai eu une médaille à un
18 festival de la télévision à New York vers cette même période pour ce qui
19 est de la couverture que j'avais assurée depuis Mostar. Et je crois que ce
20 serait tout pour ce qui est des distinctions qui seraient liées à mes
21 reportages en provenance de l'ex-Yougoslavie.
22 Q. Vous avez mentionné le fait que vous avez aussi publié un livre. Est-ce
23 que ce livre est intitulé "Récits de guerre" ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous avez publié d'autres livres où vous parlez de l'ex-
26 Yougoslavie, exception faite d'une section dans ce livre qui se rapporte à
27 cette ex-Yougoslavie ?
28 R. Non. Mais j'ai déjà mentionné le fait que l'an passé, j'ai publié un
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1 livre au sujet des insurrections arabes, et ce livre-là, je le commence en
2 mentionnant le témoignage que j'ai fourni dans ce même prétoire dans
3 l'affaire diligentée contre Radovan Karadzic, et ça coïncidait avec le
4 début de la Révolution tunisienne. Et j'ai fait quelques comparaisons avec
5 ce qui risquait de survenir au niveau de poursuite en justice contre des
6 leaders arabes comme cela a été le cas pour ce qui est des leaders de l'ex-
7 Yougoslavie. Et j'ai mentionné cette ex-Yougoslavie dans ce que j'ai rédigé
8 par la suite.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander un
10 éclaircissement. Vous nous avez dit que vous avez témoigné dans ce prétoire
11 contre Radovan Karadzic. Est-ce que vous vouliez dire que vous avez
12 témoigné contre Radovan Karadzic ou est-ce que vous avez témoigné dans
13 l'affaire contre Radovan Karadzic ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je ne
15 suis pas sûr de faire la distinction juridique.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, on ne s'attend pas de la part
17 d'un témoin à un témoignage contre ou pour quelqu'un. On s'attend à ce
18 qu'ils témoignent partant de leurs souvenirs véridiques de certains
19 événements, et cela peut se produire dans le contexte d'un procès diligenté
20 contre quelqu'un.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez peut-être être cité par l'une
23 des parties en présence. Et si l'Accusation vous cite à comparaître, on
24 peut raisonnablement s'attendre à ce que cette Accusation s'attende à ce
25 que votre témoignage vienne étayer leur thèse contre telle personne.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends maintenant, Monsieur le
27 Président. Je m'excuse de cette mauvaise compréhension de la terminologie
28 juridique qui est la mienne. Je suis comparu ici comme témoin contre
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1 Radovan Karadzic, j'ai été cité à comparaître par l'Accusation.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous êtes en train de répéter que
3 vous avez été témoin contre une personne.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oh, excusez-moi. Je suis comparu en tant que
5 témoin dans le procès contre le Dr Karadzic.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant, je voulais m'assurer
7 du fait que lorsque vous vous servez de ces mots, vous n'avez pas
8 l'intention de dire que dans votre témoignage il y a eu des éléments
9 d'attitude hostile à l'égard de l'un quelconque des accusés. Est-ce que
10 nous nous comprenons bien ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, je comprends. J'ai
12 fourni mon témoignage partant du meilleur de mes souvenirs de l'époque, et
13 j'ai cité à comparaître par l'Accusation.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, ceci a été tiré au clair.
15 Maître Ivetic, vous pouvez continuer.
16 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
17 Q. Alors, Monsieur, je souhaite revenir sur la question du char vous avez
18 vu tirer en 1991 en Croatie, vous ne pouviez pas en croire à vos yeux. Je
19 note dans votre déclaration, que nous avons encore toujours sous les yeux,
20 au paragraphe 5, la référence faite à l'incendie d'un village croate semble
21 indiquer que le char dont vous parlez était un char serbe qui tirait sur
22 les Croates. En réalité, Monsieur, vous rapportez un échange de tirs entre
23 un char yougoslave et les forces croates, y compris un char croate, n'est-
24 ce pas ?
25 R. Alors je ne vois pas qu'il y ait une quelconque implication dans cela,
26 à savoir qu'il s'agissait d'un char serbe qui tirait de façon indiscriminée
27 sur un village croate. En réalité, il y avait un char croate qui se
28 trouvait dans la région, il y avait des combats en cours, le village était
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1 en flammes, et le char que j'ai vu ne tirait pas sur le village. Le char
2 tirait dans une autre direction. Nous avons eu accès à cette partie-là de
3 l'endroit où il y avait les combats, nous venions de Zagreb, et donc je
4 devais me trouver du côté croate des lignes. Donc c'était croate, c'était
5 un char croate. Je n'ai pas laissé entendre, me semble-t-il, que ce char
6 appartenait à la JNA.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Ivetic, où dans ce paragraphe
8 avez-vous l'impression que le témoin sous-entendait qu'il s'agissait d'un
9 char serbe ?
10 M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, je n'ai pas dit que c'est ce que
11 laissait entendre le témoin. J'ai dit que c'est ce que sa déclaration
12 semblait entendre.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est la déclaration du témoin.
14 Ça, c'est ma première question.
15 M. IVETIC : [interprétation] A la lecture de la déclaration, Messieurs les
16 Juges --
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est précisément la question que je
18 vous demande. Où dans ce paragraphe avez-vous cette impression ?
19 M. IVETIC : [interprétation] Moi, j'ai eu cette impression à la lecture de
20 l'intégralité de la déclaration, qui se concentre sur les actions des
21 Serbes. Et c'est ambigu lorsque cela n'est pas précisé, on ne sait pas quel
22 char tire.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, revenons-en à ce que vous avez
24 dit. A la page 23, ligne 13, vous avez dit :
25 "Je souhaite revenir sur la question du char que vous avez vu tirer en 1991
26 en Croatie, vous ne pouviez pas en croire vos yeux. Je note que concernant
27 la déclaration, que nous avons toujours sous les yeux, au paragraphe 5, il
28 est fait état de l'incendie d'un village croate, ça semble indiquer que le
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1 char dont vous parlez est un char serbe qui tire tranquillement sur les
2 Croates."
3 M. IVETIC : [interprétation] Tous les membres de mon équipe ont eu cette
4 impression-là. Donc je souhaitais simplement demander des précisions.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'entends bien. J'entends bien. Vous
6 dirigez l'intention du témoin sur le paragraphe 5 --
7 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- et vous lui posez la question. Vous
9 lui dites à partir du paragraphe 5 -- veuillez me dire d'où vous déduisez
10 cette impression.
11 M. IVETIC : [interprétation] Oui, à la lecture du paragraphe 5, dans le
12 contexte de l'ensemble de sa déclaration.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vous demande de bien
14 vouloir ne pas vous cacher derrière les membres de votre équipe. Vous êtes
15 responsable de vos propos et de ce que vous dites au témoin.
16 Nous allons maintenant avoir une pause.
17 Monsieur Bowen, on va vous raccompagner.
18 Nous allons avoir une pause, et nous reprendrons à 10 heures 50.
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
20 [Le témoin quitte la barre]
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 54.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant l'entrée du témoin dans le
23 prétoire, la Chambre de première instance remarque que dans la réponse
24 fournie par la Défense dans sa 39e requête dans le cadre du 92 bis, qui a
25 été déposée hier, nous n'avons pas encore précisé qu'une prorogation de
26 délai a été accordée. La prorogation de délai a été accordée le 4 octobre
27 et la prorogation accordée est de 14 jours. Le nouveau délai a donc été
28 fixé à la date du 17 octobre.
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1 Faites entrer le témoin dans le prétoire, s'il vous plaît.
2 La Chambre de première instance a informé les parties en conséquence. Et
3 donc, ceci a été maintenant consigné au compte rendu d'audience.
4 [Le témoin vient à la barre]
5 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de préciser une de mes réponses
10 dans le volet d'audience précédent.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors on m'a demandé si j'avais servi dans les
13 forces armées, et la réponse exacte que j'ai donnée était non. Mais pour
14 que je puisse vous donner une image complète, j'ai passé du temps dans
15 l'armée britannique lorsque j'étais un jeune homme. J'avais environ 18 ans.
16 C'est qu'on appelle un officier potentiel. Je pensais rejoindre l'armée.
17 J'étais à Aldershot, qui est une ville britannique militaire importante, et
18 j'ai passé du temps chez eux et j'ai fait un certain nombre de choses. Donc
19 j'ai eu des rapports avec l'armée dans ce sens-là. C'est tout ce que je
20 souhaitais préciser.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
22 Maître Ivetic, c'est à vous.
23 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le 1D1339
24 dans le prétoire électronique, s'il vous plaît. Cela doit correspondre à
25 l'ouvrage dont le témoin est l'auteur. Et si nous pouvons passer à la page
26 2 du prétoire électronique, pages 126 à 127, s'il vous plaît, de ce même
27 ouvrage.
28 Q. Et je souhaite vous demander de vous reporter à la fin de la page 126
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1 et le haut de la page 127. Je crois que nous pouvons voir que nous parlons
2 toujours du même char cité dans le paragraphe 5 de votre déclaration. Vous
3 dites que "cela ressemblait à une nouvelle version de Kelly's Heros, je
4 m'attendais à voir Telly Savalas en train de mâchouiller un cigare."
5 Ensuite, au milieu de la page 127 :
6 "Les Croates de la région avaient investi un musée militaire et ont emporté
7 un char T-34, le type de char que l'Armée rouge a amené de Stalingrad à
8 Berlin pour infliger une défaite aux Nazis. Son canon fonctionnait encore
9 et ils disposaient des obus adéquats. Ils ont donc creusé pour que ce
10 vétéran de la Deuxième Guerre mondiale puisse être positionné le long de
11 l'autoroute de la Fraternité et de l'Unité qui reliait Zagreb à Belgrade.
12 De temps en temps, ils tiraient sur les Serbes qui se trouvaient à un mille
13 environ.
14 "Dans un hôpital qui avait été un lieu de villégiature et une ville
15 thermale, dans cette ville se trouvait un nombre très important d'hommes
16 blessés. Dans le sous-sol, il y avait des médecins. C'était relativement
17 sûr comme environnement. Il y avait les Croates qui étaient blessés. Dans
18 un service médical au rez-de-chaussée, à côté des grandes fenêtres, se
19 trouvaient les combattants serbes blessés qui avaient été attachés aux lits
20 lors d'un barrage. Les fenêtres avaient été soufflées par le bombardement
21 et les hommes qui étaient couchés sur leurs lits avaient de nouvelles
22 blessures et coupures aux bras et sur le visage qui provenaient des éclats
23 d'obus et de verre. Et leurs visages étaient contusionnés parce qu'ils
24 pensaient que l'obus suivant allait peut-être venir du toit. On aurait tout
25 aussi bien pu les placer au soleil pour que les vautours les dévorent."
26 Tout d'abord, ce récit qui est extrait de votre livre, est-il un récit
27 exact et correspond-il à la vérité concernant les faits dont vous avez été
28 le témoin oculaire à l'époque ?
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1 R. Oui.
2 Q. Et, en fait, s'agit-il du même char que vous citez au paragraphe 5 de
3 votre déclaration ?
4 R. Vous voulez parler du T-346 [comme interprété] que l'on a installé sur
5 la rive en creusant un endroit pour le faire ?
6 Q. C'est exact.
7 R. Non.
8 Q. Donc vous ou quelqu'un d'autre du bureau du Procureur avez-vous pris
9 une décision en toute connaissance de cause pour retirer toute mention du
10 char au paragraphe 5 pour préciser qu'il s'agissait d'un char croate ?
11 R. Non.
12 Q. [aucune interprétation]
13 R. Alors je souhaite ajouter quelque chose, Monsieur. Si vous regardez le
14 paragraphe précédent, je parle du char qui se déplaçait. A aucun moment je
15 n'ai dit que c'était un char serbe.
16 Q. Soit. Alors il y a autre chose que vous n'avez pas mentionné dans votre
17 déclaration, c'était une couverture assez importante des événements de
18 Mostar. Conviendriez-vous avec moi pour dire que Mostar, plutôt que
19 Sarajevo, était le théâtre des opérations le plus épouvantable en Bosnie-
20 Herzégovine ?
21 R. Alors, moi, j'ai estimé, en 1993, lorsque j'étais à Mostar, que quand
22 bien même il s'agissait d'une petite enclave, d'une petite région, que le
23 niveau de violence que j'ai constaté, le niveau des combats et le niveau de
24 souffrance étaient pires qu'à Sarajevo. C'est ce que je pensais en tout cas
25 à l'époque. Je ne suis pas du tout en train de minimiser ce que j'ai vu à
26 Sarajevo. Sarajevo était un secteur plus important. Et la différence
27 essentielle était qu'il y avait à Sarajevo une aide humanitaire plus
28 importante, même si le -- et je pense que le niveau de souffrance était
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1 plus important à Mostar, parce qu'à ce moment-là, en 1993, il y avait
2 quasiment aucune aide humanitaire qui parvenait dans la ville à l'époque.
3 Moi, j'ai dû traverser la montagne pour pouvoir y arriver car les routes
4 avaient été complètement coupées.
5 Q. Et conviendriez-vous qu'une autre différence entre Mostar et Sarajevo
6 qui vous a conduit à conclure cela, c'est qu'à Mostar vous dites que
7 c'était le théâtre des opérations le plus épouvantable, il y avait un
8 niveau de dévastation très important et il n'y avait pas de marché noir à
9 Mostar ?
10 R. Alors le manque d'aide humanitaire signifiait qu'il y avait très peu de
11 marchandises à échanger, donc un marché noir tout petit à Mostar. Il y
12 avait quelques personnes qui avaient des liens de l'autre côté des lignes,
13 je ne veux pas parler des Serbes de la région du côté est, et certains
14 avaient des connaissances. Et c'était une enclave beaucoup plus petite,
15 beaucoup plus militarisée et beaucoup plus organisée. On pourrait comparer
16 cela avec la situation à Gorazde, et voire même à Dobrinja. Comme à
17 Sarajevo, nous savons que dans le centre de Sarajevo il y avait un marché
18 noir prospère.
19 Q. Conviendriez-vous, alors, que malgré le fait qu'il n'y ait pas de
20 marché noir prospère, le fait que cela était plus isolé que Sarajevo,
21 Mostar est, contrôlé par la partie musulmane, a pu maintenir un
22 approvisionnement régulier en armes et autres approvisionnements pour
23 permettre aux forces de l'ABiH dans cette partie-là de la ville de mener
24 une offensive et de prendre du terrain de façon importante des Croates ?
25 R. Alors ils tenaient la ligne de Jablanica, et moi, j'ai emprunté cette
26 route pour entrer dans Mostar est. Moi, je suis rentré à cheval, des bêtes
27 de somme qui transportaient un nombre important de choses, comme des obus
28 de mortier et des munitions pour des petites armes. Ça, c'était en 1993. Je
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1 me souviens que sur le plan militaire, c'était très organisé. Les Croates
2 s'appuyaient beaucoup sur leurs armes lourdes pour bombarder la ville
3 plutôt que d'utiliser les fantassins.
4 Q. Est-il exact que les forces de l'ABiH qui étaient approvisionnées par
5 cette route, le long de cette route Ho Chi Minh que vous avez décrite, ont
6 pu lancer une offensive et prendre un territoire important des forces
7 croates de Bosnie avant que Sarajevo ne leur ordonne d'arrêter l'offensive
8 ?
9 R. Alors je ne me souviens pas des détails précis. Je ne sais pas très
10 bien si cela est arrivé au moment où j'étais là, mais je me souviens
11 certainement du fait que les gens qui ont participé à ces opérations
12 militaires me disaient qu'ils avaient pris -- ou, en tout cas, je ne me
13 souviens pas si je n'étais pas dans le secret, je ne sais pas si ce sont
14 les autorités de Sarajevo qui leur ont demandé de mettre un terme à cela.
15 Je ne sais pas.
16 Q. Je vais maintenant revenir à Sarajevo. Avez-vous eu l'occasion de vous
17 pencher sur la question, avez-vous eu une quelconque connaissance qu'à
18 Sarajevo, avec un marché noir qui fonctionnait bien et une ville qui
19 n'était pas sur un plan géographique isolée comme Mostar, que les forces de
20 l'ABiH ont pu s'équiper encore mieux et se procurer des armes et des
21 munitions ?
22 R. Alors, en 1992, ils n'étaient pas bien équipés. J'ai vu des
23 combattants, par exemple, qui étaient armés de fusils de chasse, qui
24 n'avaient pas de kalachnikovs ou des armes automatiques de type militaire.
25 Et au fil de la guerre, surtout après avoir construit leur tunnel, il est
26 vrai qu'ils étaient mieux organisés et ils se sont organisés sur le plan
27 militaire. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Oui, ils étaient mieux.
28 1992 était assez chaotique, ils n'avaient pas grand-chose. Mais en 1994,
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1 1995, ils étaient mieux équipés, et au fil du temps ils se sont mieux
2 équipés.
3 Q. Alors, est-ce que nous pouvons nous concentrer sur Sarajevo pendant
4 quelques instants. Conviendriez-vous qu'une des autres différences entre
5 Sarajevo et Mostar, c'est le fait qu'à Mostar les forces de l'ABiH étaient
6 unifiées, alors qu'à Sarajevo il y avait de nombreuses factions armées,
7 hostiles les unes envers les autres ?
8 R. Oui, je dirais que c'est une façon adéquate, exacte, de décrire la
9 situation à l'époque. Encore une fois, il s'agissait de taille. A Mostar,
10 les forces de l'ABiH étaient beaucoup plus -- ils étaient davantage une
11 force de cohésion qu'à Sarajevo, parce que c'était différent. Surtout en
12 1994, 1993-1994, il y avait un nombre important de factions belligérantes
13 différentes à Sarajevo. Je dirais que le terme de "factions belligérantes"
14 est trop fort. Il y avait des factions rivales, je devrais dire.
15 Q. Alors, pour être plus clair, ces factions rivales étaient surtout
16 constituées des forces musulmanes ?
17 R. Non, pas tout à fait, pas toujours. Il s'agissait des personnes qui
18 étaient de mariage mixte et il y avait des Croates et des Serbes
19 d'appartenance ethnique purement serbe et purement croate, mais je ne
20 dirais pas qu'il n'y avait que des Musulmans. La plupart des dirigeants que
21 je connaissais personnellement, néanmoins, étaient Musulmans. Et la plupart
22 des hommes qui portaient des armes également.
23 M. IVETIC : [interprétation] Alors je demande à ce que l'on regarde
24 maintenant le 1D1348 dans le prétoire électronique.
25 Q. Il s'agit là du compte rendu d'audience de votre déposition dans
26 l'affaire Prlic.
27 M. IVETIC : [interprétation] Je souhaite que nous regardions la page 46 du
28 prétoire électronique, qui devrait correspondre à la page du compte rendu
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1 d'audience 12 756 du compte rendu sous-jacent. Je souhaite que nous
2 regardions ceci à partir de la ligne 3.
3 Q. Je vais vous citer les questions et les réponses, et ensuite j'aurai
4 des questions de suivi à vous poser :
5 "Question : Monsieur Bowen, vous avez évoqué les tirs embusqués.
6 Maintenant, lorsque vous avez parlé de votre expérience à Mostar est, ainsi
7 que dans votre déclaration écrite, vous faites mention de plusieurs
8 activités de tireurs embusqués. La question que j'ai à vous poser est
9 celle-ci : avez-vous remarqué ou avez-vous eu connaissance qu'il y avait
10 des actions menées par des tireurs embusqués de Mostar est en direction de
11 Mostar ouest, ce qui signifie que les forces musulmanes, dans ce cas,
12 auraient utilisé ces actions de tireurs embusqués comme moyens de combat,
13 ou cela se concentrait-il surtout sur les actions de tireurs embusqués de
14 la partie ouest de Mostar ?
15 "Le témoin : Je n'ai pas vu cela, mais je suppose que cela se produisait.
16 Je suppose qu'il s'agissait d'une tactique qu'ils utilisaient. L'armée de
17 Bosnie -- les autorités de Bosnie utilisaient -- l'armée de Bosnie
18 utilisait cette tactique-là à Sarajevo, et les tirs embusqués allaient dans
19 les deux sens, de part et d'autre de la ligne de front de Sarajevo, et je
20 n'avais aucune raison de douter que les tirs embusqués allaient de part et
21 d'autre des lignes de front à Mostar également."
22 Ceci reflète-t-il fidèlement votre réponse à la question ?
23 R. Je n'ai aucune raison de mettre en doute le compte rendu d'audience.
24 Q. La réponse correspond-elle à la vérité ou diriez-vous la même chose
25 aujourd'hui dans votre déposition ?
26 R. Oui.
27 Q. Alors, pour ce qui est de la tactique consistant à utiliser les tireurs
28 embusqués à Sarajevo par les autorités de Bosnie, pourriez-vous préciser
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1 cela. Dans l'affaire Prlic, il y a les pages qui précèdent ce que je viens
2 de lire et on parlait des tireurs embusqués qui tiraient sur les civils qui
3 tentaient de traverser la frontière ou la ligne de démarcation. Est-ce le
4 type de tactique dont vous parlez ici ou autre chose ?
5 R. Vous voulez parler de Mostar ou de Sarajevo ici ?
6 Q. Pardon, à Sarajevo.
7 R. Non. Lorsque je parle d'actions menées par des tirs embusqués de la
8 partie serbe ou de la partie bosniaque ?
9 Q. La partie bosniaque.
10 R. Alors je crois qu'il y avait suffisamment d'éléments de preuve pour
11 indiquer que du côté bosniaque il y avait des tireurs embusqués qui
12 tiraient au-delà des lignes de front sur le territoire contrôlé par les
13 Serbes. Personnellement, je n'ai jamais filmé les types qui ont fait cela.
14 Mais je sais j'ai des collègues qui ont fait cela, et j'ai vu des vidéos.
15 Et je crois que j'ai utilisé à un moment donné des images d'un de mes
16 collègues, quelqu'un qui avait filmé cela, un tireur embusqué bosniaque qui
17 tirait du côté serbe. Et également les tirs embusqués qui venaient de
18 l'autre côté aussi. Donc il est vrai que les tirs embusqués pouvaient être
19 aperçus de part et d'autre.
20 Q. Très bien.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez.
22 Monsieur Jeremy, est-ce que la thèse de l'Accusation consiste à dire qu'il
23 n'y avait absolument pas de tirs embusqués du côté musulman sur le
24 territoire détenu par les Serbes ?
25 M. JEREMY : [interprétation] Non, pas du tout, Monsieur le Président. En
26 réalité, une des pièces connexes dans le cadre de la déposition de ce
27 témoin est la vidéo que M. Bowen a citée lorsqu'il a parlé de tirs
28 embusqués des Musulmans de Bosnie sur le territoire serbe.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, d'après la manière dont
2 je comprends vos questions, vous essayez d'établir qu'il y a eu des tirs
3 embusqués de l'autre côté également. Donc cela ne semble être pas contesté.
4 Par conséquent, je vous demande de bien vouloir vous concentrer sur les
5 questions qui sont contestées.
6 M. IVETIC : [interprétation] Alors je vais me rapporter à ma question,
7 Messieurs les Juges, je crois que j'avais été plutôt clair. J'ai cité ici
8 l'affaire Prlic où le témoin a déposé en disant qu'on a parlé des tirs
9 embusqués contre des civils qui tentaient de traverser la frontière entre
10 l'est et l'ouest de Mostar, et je lui ai demandé s'il faisait référence à
11 la tactique de tir embusqué dont il a parlé lorsqu'il a dit que les tireurs
12 embusqués ont tiré sur des civils en essayant de traverser la frontière ou
13 autre chose. Et il parle d'autre chose. Donc j'ai essayé de préciser cette
14 tactique qui consistait à utiliser les tireurs embusqués dont il a parlé.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux ajouter quelque chose.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je vous remercie. Je ne sais pas s'il y
18 avait également des tireurs embusqués qui tiraient sur des personnes qui
19 essayaient de traverser la ligne de démarcation, mais l'impression que
20 j'avais c'est qu'ils se mettaient en position de façon à pouvoir voir les
21 cibles qui bougeaient de l'autre côté et ensuite tiraient dessus.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.
23 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
24 1D1347 du prétoire électronique, page 33.
25 Q. Un autre extrait de compte rendu d'audience dans l'affaire Naletilic.
26 Je crois qu'il s'agit d'une partie de vos documents "Questions inachevées".
27 Et je souhaite vous demander de regarder ici ce qui est écrit :
28 "Hodja, le commandant de Goran, a utilisé un miroir pour vous indiquer où
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1 se trouvait un tireur embusqué croate. Il était dans la tour. Hodja n'a pas
2 essayé de cacher la manière dont l'armée bosnienne traite ses prisonniers
3 non plus. Un prisonnier de guerre croate est apparu dans la tranchée que
4 nous venons de traverser. Les prisonniers devaient creuser les tranchées et
5 poser des sacs de sable dans des positions très exposées et très
6 dangereuses sur la ligne de front. Lorsque ces personnes ne travaillent
7 pas, elles sont détenues dans une cave mal ventilée où ils transpirent.
8 Nous pouvions les filmer, mais nous n'étions pas autorisés à leur parler.
9 "Un prisonnier était gravement blessé et il souffrait beaucoup. De
10 nombreux prisonniers avaient été blessés, et les blessures avaient été
11 provoquées, disaient les gardes avec un certain contentement, par les tirs
12 croates sur la ligne de front. Les prisonniers étaient maigres, mais ils
13 n'étaient pas pires que les civils. Et les gardes disaient qu'ils
14 mangeaient la même nourriture.
15 "Les personnes qui les ont capturées savaient que le travail qu'ils
16 faisaient sur le front - ce qu'ils faisaient, ils exhumaient les corps - ce
17 qui est contraire aux conventions de Genève. D'après eux, cela est mieux
18 que de voir leur propre peuple le faire. Et dans cette guerre, il n'y a pas
19 d'endroit à mi-chemin. Il y a des victimes et des vainqueurs. Les soldats
20 bosniaques savent qui ils veulent être. Ils ont déterré ces corps parce
21 qu'ils savent que c'est une monnaie d'échange dans le cadre d'échange de
22 prisonniers."
23 Tout d'abord, Monsieur, dites-nous si ceci correspond à ce que vous
24 avez vu et si ceci correspond à vos connaissances concernant les événements
25 qui se sont déroulés dans la partie est de Mostar ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous venez de lire, est-ce de la
27 déposition du témoin ou est-ce que cela fait partie d'un extrait vidéo ?
28 M. IVETIC : [interprétation] C'est un documentaire intitulé "Travaux
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1 inachevés", qui a été produit par le témoin.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la première chose qu'il faut
3 d'abord établir est qui est la personne qui parle, et il ne faut pas se
4 référer à ce texte comme étant des réponses données par le témoin dans le
5 cadre de son témoignage.
6 M. IVETIC : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, maintenant que ceci est clair, il
8 faudrait peut-être poser vos questions de manière à ce que cela devienne
9 plus clair. C'est-à-dire qu'ainsi nous pourrons savoir si le témoin est en
10 train de répondre aux questions dans le cadre de son témoignage, ou bien
11 est-ce des extraits des vidéos qui lui sont montrés dans le prétoire.
12 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
14 M. IVETIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que c'est vos propres propos extraits du
16 documentaire "Travaux inachevés" ?
17 R. Oui, c'est moi qui ai écrit le récit pour ce documentaire. Ce
18 documentaire était étoffé par des images. C'est donc le script que j'ai
19 rédigé. Et c'était un extrait du récit que j'ai rédigé, donc, du
20 documentaire qui a été montré dans l'affaire en question en tant qu'élément
21 de preuve.
22 Q. Et ce script qui faisait partie du documentaire, est-ce que cela
23 correspond à la vérité, à ce que vous avez vu à Mostar est ?
24 R. Oui.
25 Q. Très bien. Cette tactique ou cette façon de se comporter envers les
26 prisonniers, est-ce quelque chose que vous avez également vu à Sarajevo;
27 comme, par exemple, lorsque vous avez vu les hommes de Caco forçant les
28 hommes à se rendre sur la ligne de front avec des pelles ?
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1 R. C'était quelque peu différent à Sarajevo, car Caco et ses hommes
2 essayaient de chercher des gens dans les cafés qu'ils considéraient comme
3 étant des personnes qui ne foutaient rien, qui ne faisaient rien, et donc
4 ils les emmenaient sur la ligne de front. Je l'ai vu de mes propres yeux,
5 c'est-à-dire qu'il y avait un groupe de personnes en civil, et ils étaient
6 escortés par un groupe d'hommes armés qui avaient passé à côté d'une
7 caserne et se dirigeaient vers la ligne de front qui se trouvait sur la
8 colline. C'était une tactique dont Caco s'est servi. C'était une tactique
9 populaire, si vous voulez. Donc ils allaient chercher des hommes dans les
10 cafés. Donc il ne s'agissait pas de combattants qui étaient prisonniers,
11 comme c'était le cas à Mostar. Il s'agissait de civils, et je n'ai pas
12 connaissance de leur origine ethnique, mais Caco et ses hommes estimaient
13 que ces personnes ne faisaient pas tout ce qu'elles pouvaient faire dans
14 cette guerre et, donc, les contraignaient à faire quelque chose.
15 Q. Très bien. Je vous remercie. Maintenant, j'aimerais revenir à votre
16 déclaration, P2515, marquée aux fins d'identification. Page 13 en anglais,
17 page 17 en B/C/S. Je voudrais attirer votre attention sur les trois
18 dernières lignes du paragraphe 42. Il est indiqué :
19 "Les étrangers étaient moins bienvenus. Certaines parties de Sarajevo
20 étaient en train de devenir des zones où l'on ne pouvait pas être présents,
21 surtout lorsqu'il s'agit de reporteurs étrangers, en raison des hostilités
22 des chefs locaux."
23 Est-ce que Caco en est un ? Caco dont le nom complet est Muslan Topalovic,
24 commandant de la 10e Brigade de Montagne de l'ABiH ?
25 R. Oui, j'ai fait très spécifiquement référence à Caco et au secteur de
26 Sarajevo sous le contrôle de la 10e Brigade de Montagne.
27 Je connaissais des gens qui s'y trouvaient. Donc j'ai essayé d'y aller,
28 mais je ne m'y suis jamais rendu avec ma caméra ou avec un gilet pare-
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1 balles qui m'identifierait comme étant un reporter. Je me suis simplement -
2 - je marchais dans les rues avec un ami qui, en réalité, était un membre de
3 la 10e Brigade de Montagne. Donc j'étais en mesure de voir ce qui s'y
4 passait, mais je n'aurais pas été en mesure de filmer. On aurait au moins
5 retiré l'appareil photo ou la caméra.
6 Q. Essayez de préciser un point, je vous prie. Il y a quelques instants,
7 vous nous avez dit que les activités de Caco n'impliquaient pas les
8 prisonniers, alors que maintenant, en réponse à une autre question, vous
9 dites à la ligne 14 : "C'est ainsi que j'ai réussi à voir ses prisonniers."
10 R. Non. Excusez-moi, je faisais référence aux personnes qui se trouvaient
11 à l'intérieur de Sarajevo et qu'il avait fait prisonnières. Donc c'étaient
12 les prisonniers de ses hommes. C'étaient des prisonniers de guerre, si vous
13 voulez. Il s'agissait de combattants serbes qui avaient été capturés. Il y
14 avait des personnes qui avaient -- c'étaient des personnes qui avaient été
15 prises dans les cafés et elles avaient été escortées sur la ligne de front.
16 C'étaient des prisonniers, mais ce n'étaient pas des prisonniers de guerre.
17 Q. Je vous remercie de cette précision. Est-il exact de dire que la 10e
18 Brigade de Montagne, dirigée par cette personne dont le surnom est Caco,
19 était composée d'un très grand nombre de Moudjahidines ?
20 R. Je n'ai jamais entendu parler de cela pendant que j'étais à Sarajevo.
21 Je n'ai rien vu de la sorte non plus. Je n'ai pas vu de combattants
22 étrangers faisant partie de ce groupe.
23 Q. Très bien.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'aimerais obtenir une
25 précision quant à une réponse qui est donnée par le témoin.
26 Monsieur, un peu plus tôt, vous nous avez dit dans le cadre de
27 l'interrogatoire principal que vous avez tenté d'entrer dans Grbavica et
28 que vous avez réussi à le faire à une reprise seulement au cours de toutes
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1 ces années. Dois-je comprendre ce paragraphe 41 [comme interprété] comme
2 étant celui qui dit que s'agissant du territoire serbe où l'on ne pouvait
3 pas se rendre sans permission, permission que vous n'avez presque jamais
4 obtenue, et que vous dites maintenant qu'à l'intérieur de la ville, dans
5 les parties contrôlées par les Musulmans, une situation analogue s'est
6 produite, c'est-à-dire qu'il y avait des zones où l'on ne pouvait pas être
7 présent, où vous ne pouviez pas vous rendre ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exactement pareil. Pour aller à
9 Dobrinja, il fallait traverser l'aéroport, la ligne de front également. En
10 fait, l'aéroport agissait en guise de ligne de front. Donc il fallait
11 obtenir une permission pour aller à Pale. Et à Pale, j'ai obtenu une
12 permission d'aller à Grbavica. Mais j'ai réussi à y aller une seule fois
13 entre 1992 et 1993 [comme interprété]. Je ne m'y suis rendu qu'une seule
14 fois, malgré mes maintes demandes. Et donc, il fallait se rendre dans le
15 secteur en passant par la caserne de Bistrica, et c'est là que je me suis
16 rendu. En fait, c'est un secteur qui est contrôlé par la 10e Brigade de
17 Montagne, et là on pouvait y aller. Mais si vous preniez votre caméra, si
18 vous commenciez à travailler, ils étaient hostiles. Il y avait un très
19 grand nombre de cas où les hommes se faisaient arrêter, les caméras étaient
20 confisquées, les gilets pare-balles étaient confisqués. Donc je n'ai jamais
21 pris le risque de faire. Je n'ai pas voulu perdre notre véhicule, nos
22 gilets pare-balles, notre équipement de tournage non plus.
23 Mais comme je l'ai dit, j'ai réussi à m'y atterrer, à y aller en
24 compagnie de mon ami qui était un membre de la 10e Brigade de Montagne.
25 Donc c'était un secteur où l'on ne pouvait pas aller travailler, mais ce
26 n'était pas comme, par exemple, traverser une ligne de front et obtenir une
27 permission pour aller vers un territoire. Je pouvais me déplacer à pied
28 sans montrer mes papiers. Mais un journaliste, un reporter, étranger
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1 surtout, ne pouvait pas y pénétrer pour y travailler de manière ouverte.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. IVETIC : [interprétation]
4 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que Caco se livrait à des
5 activités criminelles contre les Serbes et les non-Serbes ?
6 R. Lorsque j'ai entendu parler de Caco pour la première fois, il avait une
7 réputation de Robin des Bois, comme on le dit au Royaume-Uni. C'est-à-dire
8 que lorsque les personnes souffraient de manque de nourriture -- bon, ils
9 avaient suffisamment de denrées alimentaires pour ne pas mourir de faim,
10 parce que l'opération d'aide humanitaire du HCR existait et leur
11 fournissait des approvisionnements. Mais personne ne pouvait vraiment
12 devenir gros de cette nourriture, dans le sens où c'était distribué de
13 façon régulière, mais les denrées étaient plus ou moins les mêmes. Et donc,
14 il avait cambriolé un entrepôt de nourriture et l'avait distribuée aux
15 gens. Donc c'est là qu'il s'est forgé cette réputation de Robin des Bois.
16 Mais il y avait un très grand nombre de rapports qui nous parvenaient en
17 nous disant que Caco était en train d'intimider les Serbes, il défiait le
18 gouvernement. Et, en même temps, il faut dire que ses effectifs ou ses
19 forces menaient à bien des activités militaires sur la ligne de front. Et
20 je le sais de nouveau de par mon ami, de par ma connaissance qui, en fait,
21 a pris part à certaines de ces actions, et donc il m'a décrit les
22 différends qui existaient entre le gouvernement et Caco. Cette personne me
23 disait qu'ils étaient en train d'effectuer leur opération, et le plan était
24 d'obtenir le soutien du gouvernement, mais cela n'est jamais arrivé. Le
25 soutien n'est jamais arrivé, et ils ont perdu des combattants. Et ce genre
26 d'incidents, justement, a augmenté les tensions entre le gouvernement et
27 Caco.
28 Q. Monsieur, hier, lorsque le Procureur a commencé votre contre-
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1 interrogatoire [comme interprété] en vous montrant une vidéo par rapport à
2 l'hôtel Europa, vidéo dans laquelle on pouvait apercevoir plusieurs hommes
3 vêtus de vêtements civils se déplaçant dans l'hôtel et portant des
4 kalachnikovs, vous avez dit à la page du compte rendu d'audience 1 835
5 [comme interprété], il s'agissait d'hommes qui étaient des combattants qui
6 étaient venus en aide aux réfugiés.
7 Est-ce que vous êtes réellement en train de nous dire que ces hommes armés,
8 portant des armes, étaient là pour aider l'évacuation plutôt que d'être
9 cantonnés à l'hôtel Europa ?
10 R. Ils étaient en train d'aider l'évacuation. Je ne me suis -- je me suis
11 rendu à l'hôtel Europa souvent et je n'ai jamais vu d'hommes armés
12 cantonnés à l'hôtel. Ils se trouvaient à différents endroits, à différents
13 points de contrôle dans la ville. Il y avait effectivement des hommes
14 armés. Mais ce jour-là particulier, et pendant la nuit en question, si j'ai
15 bien compris, ils étaient venus aider pour ce qui est de l'évacuation de
16 certains civils vieux et infirmes, de femmes et d'enfants qui essayaient de
17 sortir d'un bâtiment incendié. Et donc, à aucun moment de l'époque pendant
18 la guerre - et comme je l'ai dit, je me suis rendu souvent à l'hôtel - je
19 n'ai jamais vu d'hommes armés réellement cantonnés à l'intérieur de
20 l'hôtel. Cet hôtel n'agissait pas en tant que QG de l'armée. Ce n'était
21 même pas un endroit où ils allaient prendre un café entre les différents
22 quarts de travail.
23 Q. Est-il correct de dire que vous vous rendiez à cet hôtel pour rendre
24 visite à votre ami qui était un membre de l'unité de
25 Caco ?
26 R. Oui, c'était mon ami, et la famille de mon ami, oui.
27 Q. [aucune interprétation]
28 R. J'aimerais ajouter quelque chose. Après que mon ami ait rejoint les
Page 18100
1 rangs de l'unité de Caco, je pouvais voir sa famille beaucoup plus souvent
2 que mon ami. Donc je voyais sa mère, ses sœurs, je leur offrais du café. Et
3 nous avions apporté notre approvisionnement avec nous, et donc je
4 considérais qu'il était injuste que nous ayons autant de denrées, et donc
5 je voulais distribuer ces denrées parmi ces personnes.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez dit que vous êtes allé voir
7 votre ami à l'hôtel Europa.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était mon ami. Ce n'était pas Caco.
9 C'était mon ami qui est devenu un combattant dans l'unité de Caco.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi. J'ai eu un lapsus
11 linguae.
12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourquoi est-ce que votre ami ou sa
14 famille vivait à l'hôtel Europa ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, c'est une femme. C'est sa famille, et
16 ils étaient déplacés de leur maison qui se trouvait en haut -- sur une
17 élévation, à côté de la ligne de front, en fait. C'était juste à côté du
18 point où il y avait la piste de luge.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais qu'on prenne le document 1D339
21 [comme interprété] dans le prétoire électronique, page 8.
22 Q. De nouveau, Monsieur, il s'agit de votre livre, et pour être juste et
23 pour donner une image complète, j'aimerais me concentrer sur le bas de la
24 page droite, 139. C'est là que vous parlez de votre amie et de l'hôtel
25 Europa. Et vous dites :
26 "A tous les quelques mois par la suite, lorsque j'étais à Sarajevo, je me
27 rendais à l'hôtel Europa pour essayer de la retrouver. Je donnais
28 habituellement à sa famille un sac de provisions pris des magasins de la
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1 BBC. Très souvent, elle n'était pas là et je laissais la nourriture avec sa
2 mère. La guerre avait tout changé pour les civils de Sarajevo, et alors
3 qu'elle se poursuivait, les gens ont commencé à oublier les vies qu'ils
4 avaient auparavant et leurs rêves d'avenir. Alors que la paix tombe dans
5 l'oubli et que la guerre l'emporte sur tout, mon amie - je ne vais pas
6 mentionner son nom - était retournée dans sa maison familiale pour
7 s'occuper de son père. C'était dangereux, mais il était également dangereux
8 d'être assis dans les couloirs incendiés et sombres de l'hôtel Europa. Au
9 moins, elle faisait quelque chose, et très rapidement elle en a fait même
10 plus. Elle a rejoint l'unité de son père en tant qu'infirmière. Je ne l'ai
11 pas revue jusqu'à l'année suivante, dans la vieille ville de Sarajevo, tout
12 près de l'hôtel Europa. Les cernes sous ses yeux étaient plus sombres et
13 elle portait un uniforme de camouflage. Elle a dit qu'elle était devenue un
14 combattant, et elle a raconté l'histoire de déception."
15 Tout d'abord, Monsieur, est-ce que cet extrait de votre livre cadre avec
16 les faits ?
17 R. Oui.
18 Q. L'amie dont vous nous parliez et cette histoire, en fait, de déception,
19 est-ce que c'était l'histoire que vous nous avez racontée ? Est-ce que ça
20 correspond au récit que vous nous avez raconté il y a quelques instants,
21 correspondant à l'ABiH et les hommes de Caco et l'offensive ?
22 R. Oui, c'est l'un des incidents. Parce que les gens qui le soutenaient
23 étaient progressivement de plus en plus éloignés du leadership du
24 gouvernement bosnien et des forces armées de ce dernier.
25 Q. Très bien.
26 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on prenne la page 11 de ce
27 livre.
28 Q. Qui devrait correspondre aux pages 144 et 145 de votre ouvrage. A
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1 gauche, le premier paragraphe qui commence par "Dans le domaine de Caco",
2 ce paragraphe parle de l'un des incidents dont nous avons parlé concernant
3 les hommes qui avaient été envoyés pour creuser les tranchées. J'aimerais
4 donner lecture du milieu du paragraphe et je vais vous poser une question
5 par la suite :
6 "Après la guerre, certains des hommes de Caco ont également été emprisonnés
7 pour avoir tiré sur les civils serbes pour aucune autre raison que leur
8 origine ethnique. Ils ont jeté les corps de leurs victimes dans un ravin.
9 Mon amie, qui s'est trouvée dans un monde de violence, semblait être près
10 de s'effondrer. Elle était pâle. Elle portait un pain qui était destiné à
11 sa mère et à sa sœur. Un homme de son unité qui la protégeait avait été
12 tué. Elle ne savait pas ce qui allait se passer ensuite."
13 Donc, est-ce que c'est bien ce que vous avez écrit dans votre ouvrage ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que ce que vous avez écrit ici est un récit véridique des
16 événements ?
17 R. Oui.
18 Q. J'aimerais maintenant que l'on prenne P2515, marqué aux fins
19 d'identification. C'est votre déclaration. Page 7 en anglais, page 9 en
20 B/C/S. Et j'aimerais vous renvoyer au paragraphe 20. Et vous dites :
21 "L'accès à la ville était toujours difficile, la raison en étant que les
22 Serbes de Bosnie prenaient la décision sur les personnes qui pouvaient
23 entrer et sortir."
24 Je vous ai demandé si vous aviez pensé que les actions de Caco et de
25 ses hommes, et d'autres comme eux, avaient peut-être une incidence sur la
26 capacité des personnes de quitter Sarajevo ?
27 R. La raison principale pour laquelle les gens ne pouvaient pas
28 quitter la ville, c'était le siège. Au fil du temps, il y a eu apparition
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1 de personnes ou d'individus tels que Caco. Mais il serait erroné de dire
2 qu'ils contrôlaient de grandes parties de la ville et qu'ils avaient été
3 maîtres de la vie là-bas. Ils ont joué un rôle de facteur important à
4 certains moments. Mais la raison fondamentale pour laquelle les gens ne
5 pouvaient pas quitter la ville, d'après moi, et partant de ce que j'ai pu
6 voir et partant des éléments de preuve qu'on m'a soumis, c'était le siège
7 que les Serbes de Bosnie avaient établi autour de la ville.
8 Q. Nous avons déterminé qu'au moins dans un paragraphe de cette
9 déclaration, il a été fait référence à Caco, bien que vous n'ayez pas
10 mentionné son nom. Pourquoi n'avez-vous pas, de façon concrète, fait
11 référence à Caco dans ce paragraphe de votre déclaration où vous parliez
12 des activités qui ont été les siennes et celles de ses hommes à lui ?
13 R. Peut-être pourrait-on se pencher sur le paragraphe concret afin que je
14 voie de façon précise à quoi vous faites référence.
15 Q. Absolument. Page 13 en anglais, page 17 en B/C/S. Il s'agit de la
16 dernière partie de ce paragraphe 42, où nous avons commencé à discuter de
17 Caco.
18 R. Je pense que je n'ai pas mentionné son nom là-bas parce que je ne
19 voulais pas m'occuper de tout son récit. Et je suppose que c'était aussi
20 mon instinct de journaliste. Quand vous évoquez le nom de quelqu'un, il
21 convient de parler plus en détail de l'individu en question. Quand on dit,
22 en termes simples, "les chefs de guerre locaux", ça en disait assez pour ce
23 dont on voulait parler. Nous n'avions pas besoin de couvrir tout ce qu'il
24 faisait.
25 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec nous pour dire que Caco n'était pas
26 le seul des chefs de guerre locaux du côté de la Bosnie-Herzégovine pour
27 lesquels vous savez qu'ils opéraient selon ces modalités-là ?
28 R. A compter du tout début de la guerre, il y a eu d'autres hommes en
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1 puissance, ou chefs de guerre, si vous le préférez, qui intervenaient dans
2 Sarajevo et qui ont eu des hommes à eux. Il y avait deux Celo. J'en ai --
3 j'ai connu l'un des deux, qui s'appelait Juka. C'étaient des gens dont on
4 parlait pas mal, que l'on connaissait par leurs surnoms à l'époque et que
5 l'on avait considéré être des acteurs ou intervenants semi-indépendants
6 dans la constellation des forces militai qui se trouvaient là-bas.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je voudrais poser une
8 question à titre d'éclaircissement.
9 Est-ce que vous vous êtes fait une impression au sujet de l'aspect
10 quantitatif de tout ceci ? Est-ce qu'il y en avait, par exemple, 30 % à
11 avoir suivi ces chefs de guerre autodésignés qui avaient eu leur propre
12 programme, et je ne dis pas nécessairement qu'ils ont pris part aux
13 hostilités de façon tout à fait autonome ? Est-ce qu'ils étaient 10 % ou 70
14 % ? Enfin, est-ce que vous vous êtes fait une impression au sujet de
15 l'importance -- de la taille de ces factions ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Au tout début de la guerre -- en fait, lorsque
17 je suis revenu de là-bas en juillet 1992, ce Juka, c'était quelqu'un dont
18 la carrière prenait déjà fin, mais au tout début c'était un combattant très
19 en vue qui avait une force assez organisée. L'impression générale, c'était
20 que c'étaient des joueurs minoritaires. Et je pense que la plus grande des
21 menaces à l'égard du gouvernement du président Izetbegovic c'était Caco. Et
22 je crois qu'ils ont entrepris quelque chose contre lui.
23 Au fur et à mesure que le temps passait, l'ABiH se faisait de plus en plus
24 organisée et ces gens perdaient de leur importance. Mais le fait est que le
25 siège se poursuivait, les niveaux de la perpétration de crime augmentaient,
26 les niveaux de corruption aussi, le marché noir également, et ces gens
27 étaient déjà ou étaient devenus des criminels ou des semi-criminels dans
28 leurs activités. Il était difficile de voir où cessaient les activités
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1 militaires légitimes et où commençaient les activités criminelles.
2 Je me souviens de l'un des Celo qui, au début de la guerre, avait en fait
3 été une espèce de mafieux au fond. Mais il avait des gens qui le suivaient
4 et qui allaient se battre. C'étaient des durs.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que c'était devenu des
6 joueurs de moindre importance ou des intervenants de moindre importance.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais plutôt qu'ils constituaient 5 %
8 plutôt que les 45 ou 49 %. Je ne peux pas parler de chiffres, je ne sais
9 pas combien ils étaient, mais c'étaient des intervenants de taille moindre.
10 Il y avait un certain nombre d'individus qui les suivaient. Mais je ne peux
11 parler de pourcentages ou de mouvements en masse.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
13 Continuez, je vous prie.
14 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on nous affiche le
15 1D13389 [comme interprété], page 9 du prétoire électronique. Ça devrait
16 correspondre aux pages 140 et 141 de votre livre à vous.
17 Q. Nous avons déjà parlé de Juka Prazina, il est mentionné en fin de la
18 page 140 et début de page 141, en haut à droite. Et là, je crois qu'on
19 commence à parler d'un homme que vous avez évoqué tout à l'heure. Et
20 j'aimerais que vous me suiviez :
21 "Ils se sont faits des fortunes à la revente de vivres et de cigarettes au
22 marché noir, tout ce qui pouvait être passé en contrebande vers Sarajevo
23 par les lignes de front et ce qui était apporté par les soldats corrompus
24 des Nations Unies et les employés corrompus des Nations Unies. Les mafieux
25 locaux étaient devenus très puissants. J'en ai connu un plus ou moins.
26 C'était quelqu'un qui, dans des temps normaux, aurait été arrêté par la
27 police, mais lorsque la guerre a commencé, il s'était fait une réputation
28 de combattant dans ce qu'il appelait ou qualifiait d'unité spéciale de la
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1 police militaire. C'était, physiquement parlant, quelqu'un de très costaud;
2 il ne pouvait pas passer inaperçu. Il avait le crâne rasé, et son nom était
3 Celo, ce qui signifiait qu'il était chauve. Une année après le début de la
4 guerre, il avait conçu toute une série d'opérations. Il roulait dans une
5 espèce de décapotable avec une très jeune fille, qui était sexy d'une façon
6 assez étrange, et il était accompagné d'un certain nombre de gardes du
7 corps. Tous ses hommes étaient armés. Il entrait dans les bars en faisant
8 le malin, en crânant avec cette jeune femme. Il portait un pendentif en
9 argent en forme de gang de boxe. Et il avait beaucoup d'argent, il avait
10 beaucoup de marks. Il avait des paquets de Malboro qu'il jetait, et il
11 savait que ses hommes allaient les récupérer."
12 Est-ce que vous pouvez nous dire si ceci est précis et correspond à la
13 vérité de ce que vous avez pu voir à Sarajevo au sujet de cet individu ?
14 R. Oui.
15 Q. Et est-ce que c'est le Celo que vous avez mentionné à plusieurs
16 reprises ? Parce que vous avez dit qu'il y en avait eu plusieurs, des Celo.
17 R. Oui. Et comme l'a dit le Juge de la Chambre, il avait un petit groupe
18 d'individus, une douzaine d'hommes qui l'accompagnaient tout le temps.
19 Enfin, à l'époque, c'est ainsi que les choses se présentaient. Mais au bout
20 d'une année, ce n'était plus le combattant du début. Il avait fait du
21 racket. Il avait l'apparence de quelqu'un de cette émission de télévision
22 "Les Sopranos". Il crânait dans la ville. Ce n'était pas quelqu'un qui
23 constituait une véritable force militaire, mais c'était un criminel. Il
24 avait joué un rôle remarquable au début de la guerre lorsqu'il faisait
25 partie de ce qu'il était convenu d'appeler unité spéciale.
26 Q. J'allais vous poser la question justement. Est-ce que vous avez
27 considéré qu'il s'agissait d'une unité spéciale de la police militaire de
28 l'ABiH loyale au président Izetbegovic ?
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1 R. Au début de la guerre, il y a eu toutes sortes d'unités qui, de façon
2 générale, disaient d'elles-mêmes que c'étaient des "forces spéciales" ou
3 des "unités spéciales" alors qu'il n'y avait véritablement aucun fondement
4 en termes d'entraînement militaire. Mais ça sonnait bien, ça faisait bien.
5 Et comme je l'ai dit, en 1992, lorsqu'ils ont organisé leur propre défense
6 dans cette partie-là de la ville, les choses étaient plutôt chaotiques. La
7 première fois où on m'a présenté à cet homme Celo, il a dit de lui-même
8 qu'il faisait partie d'une unité spéciale. Il portait un uniforme, il avait
9 une kalachnikov et il disait qu'il était combattant dans une unité
10 spéciale, telle qu'il la qualifiait, unité de la police militaire, me
11 semble-t-il. Et lorsque je suis allé le trouver une deuxième fois au bout
12 d'un an depuis le début de la guerre, il ressemblait plus à un mafieux qu'à
13 autre chose, et il ne disait pas de lui-même qu'il était combattant. Il a
14 dit qu'il était dans le business, business en matière de criminalité.
15 Q. Merci.
16 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure
17 est venue de faire notre deuxième pause.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.
19 Mais une toute petite question pour ce qui est de la dernière des réponses
20 que vous venez d'apporter. Vous avez parlé d'unités ou de prétendues unités
21 où les choses se faisaient de façon plutôt chaotique. Lorsqu'ils ont
22 affirmé qu'ils faisaient partie d'unités spéciales, vous êtes-vous fait
23 l'impression qu'il s'agissait là d'unités qui ont été créées par des
24 autorités plus haut placées, ou alors étaient-ce des unités autoproclamées
25 affirmant pour elles-mêmes qu'elles faisaient partie de ces effectifs ayant
26 des attributions ou compétences de la police et qui avaient peut-être à ce
27 moment-là formellement bénéficié de compétences de la sorte ? Donc,
28 étaient-ce des effectifs de police autoproclamés ou est-ce qu'ils faisaient
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1 partie en quelque sorte des structures de l'autorité gouvernementale ou de
2 l'autorité de la police ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, mon impression au début
4 de la guerre, quand je suis allé là-bas en juillet 1992, bien qu'il y ait
5 eu des unités officielle liées au gouvernement, il y a eu ces espèces
6 d'unités de renégats, et c'était l'une de ces unités autoproclamées. Je
7 pense qu'ils étaient plutôt autoproclamés que nommés à ces postes-là. Ils
8 ont été utiles, ils ont fait une partie du boulot, mais ils ne recevaient
9 d'ordres de quiconque d'autre, si ce n'est d'eux-mêmes.
10 Au début de l'année d'après, en 1993, il y avait le général Delic qui
11 était chargé de l'armée, il y avait un QG officiel, il y avait des
12 procédures. Lorsque j'allais à Mostar, il fallait avoir des permissions de
13 passage de la ligne de front, et j'allais voir le général Delic pour avoir
14 des lettres d'accréditation et il nous les donnait. Mais en 1992, il n'y a
15 pas eu de procédure de ce type. Et je crois que le meilleur terme à
16 utiliser, c'est celui de la situation chaotique et d'unités autoproclamées,
17 que de parler d'unités qui auraient été formellement investies de certains
18 pouvoirs par le gouvernement central -- en fait, il s'agissait d'un groupe
19 de leaders qui siégeaient dans la présidence, ce gouvernement central.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ces unités auto-organisées ou
21 quasi-unités, est-ce que ça fonctionnait dans le cadre de ce nouveau
22 système mis en place, si on peut le qualifier ainsi ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Juka a été expulsé, je crois, de
24 Sarajevo, et par la suite, en 1994, on l'a retrouvé mort en Belgique. Ce
25 Celo, je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. En 1993, il était dans des
26 affaires mafieuses plutôt que dans des combats. Et ils se sont organisés
27 très vite, parce qu'ils ont dû s'organiser vite. Et lorsque dans tout ceci
28 il y a eu participation d'officiers de la JNA ou ex-officiers de la JNA de
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1 façon plus réelle, ils se sont organisés le long de lignes militaires. Ils
2 ont récupéré des unités de la Défense territoriale qui ont obtenu des armes
3 pour créer des unités spéciales, et vers la fin de la guerre c'est devenu
4 une armée organisée, plus ou moins organisée.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
6 Monsieur Jeremy.
7 M. JEREMY : [interprétation] A des fins d'organisation de nos activités,
8 nous aimerions savoir si nous en arriverons à notre témoin suivant à la fin
9 de la journée ou est-ce qu'on devrait le garder pour lundi ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous pouvez
11 aider M. Jeremy ?
12 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que nous sommes encore dans les
13 estimations de temps nécessaire, on avait parlé de trois heures et demie.
14 Et je pense que nous allons utiliser le reste de la journée avec ce témoin-
15 ci.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela revient à dire que le témoin
17 suivant n'a pas à rester ici en stand-by.
18 M. JEREMY : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen, je vous prie de suivre
20 l'huissier. Nous allons faire une pause de 20 minutes.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre à midi et quart.
24 --- L'audience est suspendue à 11 heures 56.
25 --- L'audience est reprise à 12 heures 16.
26 M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Jeremy.
28 M. JEREMY : [interprétation] Dans l'intérêt des efforts que nous nous
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1 assurions d'être sûrs de terminer aujourd'hui, je dirais que je n'ai pas de
2 questions supplémentaires à poser.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.
4 Maître Ivetic, alors on en est entre vos mains pour ce qui est de
5 laisser ce témoin partir aujourd'hui. Veuillez le garder à l'esprit.
6 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je vais faire de mon mieux.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entre-temps, je vais profiter de
8 l'opportunité -- non, je vais le faire après la pause.
9 [Le témoin vient à la barre]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Ivetic.
11 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
12 Q. Monsieur, lorsque nous avons interrompu nos échanges tout à l'heure, on
13 avait parlé d'unités que vous avez décrites comme étant des unités
14 autoproclamées, et on en a évoqué trois. Ensuite, on a dit qu'il y avait
15 plus d'un Celo. L'un d'entre eux était un mafieux. L'autre, était-ce Ramiz
16 Delalic, qui était le commandant de la 9e Brigade de Montagne de l'ABiH ?
17 R. La raison pour laquelle j'ai été quelque peu vague au sujet de ce Celo-
18 là, c'est que je n'avais pas eu beaucoup de contact avec et je n'ai pas su
19 grand-chose à son sujet. Je crois que vers la fin de la guerre il a été
20 grièvement blessé, mais je ne sais pas trop ce qu'il a fait pendant la
21 guerre.
22 Q. Bon. Ces gens-là et leurs unités que vous avez décrits comme étant des
23 intervenants de moindre importance dans Sarajevo, est-il exact de dire
24 qu'ils étaient stationnés et qu'ils opéraient à l'extérieur de différentes
25 écoles dans Sarajevo ?
26 R. Si tant est que cela ait été le cas, je n'ai pas eu l'occasion de
27 l'apprendre. Je n'ai vu aucun élément de preuve qui montrerait qu'ils
28 opéraient depuis ou depuis les environs de bâtiments d'école.
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1 Q. Mais est-ce que vous avez appris que ces gens-là - par exemple, Caco
2 faisait partie de la 10e Brigade de Montagne, et Celo, le numéro deux,
3 était dans la 9e Brigade de Montagne - qu'ils exerçaient un contrôle à
4 l'égard de l'artillerie, des chars, mortiers et ce genre d'armes ?
5 R. Je ne savais pas de quel type d'armement ils disposaient. Ces soldats
6 ou combattants de Caco que j'ai vus portaient essentiellement des
7 kalachnikovs.
8 Q. Bien. Mais tant que nous avons votre livre sur nos écrans, j'aimerais
9 que nous nous penchions sur la page 14 du prétoire électronique. Et ce qui
10 nous intéresse, c'est le haut de la page 151. C'est ce qui se trouve à
11 droite de l'écran. Vous y dites, Monsieur :
12 "Les reporters ne devraient pas perdre de vue la cruauté de la guerre, mais
13 il convient aussi de dire clairement quand des crimes sont commis et, si
14 possible, dire qui en est responsable. Nous nous devions d'être plus
15 sévères à l'égard des dirigeants des Serbes de Bosnie que les gouvernements
16 occidentaux avaient traités jusqu'à la quasi-fin de la guerre comme étant
17 des personnalités légitimes avec qui l'on pouvait tenter de s'entendre."
18 Est-ce que c'est toujours de cette opinion-là que vous êtes, Monsieur ?
19 R. Ce à quoi j'ai fait référence à ce moment-là, c'est le fait d'avoir été
20 très pris de court mis à part la série de questions relatives aux
21 violations des droits de l'homme, aux violations des droits de la guerre ou
22 de la loi humanitaire internationale, ce qui a d'ailleurs fait
23 particulièrement l'objet d'accusations formulées à l'égard de la direction
24 des Serbes de Bosnie. C'est le fait de voir les leaders de la FORPRONU, des
25 gens des armées occidentales, les rencontrer, trinquer avec, et j'ai
26 considéré que cela était un comportement qui était en contradiction avec ce
27 qui venait des autres sources d'information.
28 Je crois qu'eux, ils devaient se concentrer sur un contexte
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1 politique. Et moi, je me concentrais sur les reportages relatifs au sort
2 des civils, et je l'ai fait de façon plus approfondie que je ne le ferais à
3 présent. En ma qualité de journaliste plus expérimenté, je situerais plutôt
4 le contexte politique de ce qui se passait, mais il me semblait qu'il y
5 avait une espèce d'initiative d'organisée de la direction des Serbes de
6 Bosnie, par exemple, du point de vue d'un nettoyage ethnique. Et je vois
7 que j'ai fait des erreurs dans les reportages parce que j'ai considéré que
8 la politique était par trop compliquée pour le public, mais là j'estime que
9 c'est une erreur. Si je pouvais à présent de nouveau informer le public de
10 la guerre en Bosnie, je crois que je le ferais autrement. Nous avons
11 beaucoup parlé des aspects humanitaires, de l'impact de la guerre sur les
12 civils, mais nous aurions dû nous concentrer davantage sur les hommes
13 politiques de ce qui se passait, et c'est ce que je pense qu'on aurait dû
14 faire.
15 Q. Page 24 du document au prétoire électronique, je vous renvoie vers les
16 pages 168 et 169 de votre livre. Ce qui nous intéresse, c'est ce qui figure
17 en bas de page 169 :
18 "Les motifs des journalistes ne sont jamais tout à fait purs dans ce type
19 de domaines. Nous intervenons également dans la vie des autres personnes,
20 et nous nous disons qu'au final on devrait aboutir à quelque chose de
21 positif. Quel était donc mon droit que de jouer au bon Dieu lorsque j'ai
22 décidé de me servir de la plateforme de BBC News pour m'assurer qu'Eldar
23 Kalamujic, cet homme qui avait un enfant malade, puisse être évacué ?
24 Réponse : j'ai pensé faire quelque chose de bien, rectifier des torts. Mais
25 ces actions ont aussi des conséquences."
26 Alors, Monsieur, est-ce que, en votre qualité de journaliste, vous pensez
27 que ceci doit être la tâche d'un journaliste ?
28 R. Je crois que vous devriez donner le contexte complet de ce paragraphe,
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1 parce que vous devriez vous référer au paragraphe qui figure à la page
2 précédente parce que j'y ai dit que je n'ai qu'une fois de ma vie décidé de
3 manipuler un récit pour essayer de faire sortir Eldar et sa famille et les
4 faire évacuer.
5 Par la suite, il y a eu le cas d'une fille qui a été grièvement blessée, le
6 gouvernement britannique a envoyé un avion médical pour évacuer plus
7 d'enfants. Et j'ai pensé que cela avait été fait sous des pressions
8 politiques pour aider la situation en Bosnie. Ils ont été également sous
9 pression pour ce qui est d'une intervention militaire, mais ils n'étaient
10 pas disposés à le faire. Et il y avait eu un docteur dans un hôpital qui a
11 dit que cet enfant ne serait pas évacué parce qu'il y a des enfants en
12 Grande-Bretagne qui sont en train de mourir de maladie du foie, eux aussi.
13 Il n'était pas blessé. Il mourait parce qu'il avait des problèmes de foie.
14 Et j'ai estimé que ce n'était pas une bonne chose que de laisser les choses
15 se passer ainsi. Et comme vous pouvez le voir dans le livre, nous avons
16 décidé de faire en sorte que cet homme soit sauvé.
17 J'ai décidé de le faire - et c'est la seule fois où je l'ai fait - je
18 me suis dit pourquoi ne pas mettre à profit le pouvoir de la presse pour
19 essayer de faire évacuer cet enfant. Et c'est ce que j'ai fait. Et
20 maintenant, je dois dire que quand il y a eu transplantation de foie à
21 Londres, il y a déjà eu des dégâts au cerveau. Il a vécu encore quelques
22 années. Ses parents ont été heureux de la chose. Ils ont dit que nous
23 avions fait une bonne chose, et il a encore vécu pendant plusieurs années.
24 Ses parents ont estimé que nous avions fait une bonne chose dans ce cas de
25 figure.
26 Mais j'ai considéré que le livre devrait parler aussi des motivations
27 des journalistes pour ce qui est de la couverture des guerres, et j'ai
28 estimé qu'il était de l'intérêt de la vérité de parler également de cet
Page 18115
1 événement. Je n'ai pas fait état de la façon dont je faisais mes
2 reportages. Là, je parle de cet événement de façon claire, et ça se trouve
3 en page 168, deuxième paragraphe à compter du bas.
4 Q. Alors je souhaite aborder maintenant quelque chose dont vous parlez
5 dans votre déclaration. Est-ce que nous pouvons afficher la page 11 du
6 prétoire électronique, page 14 en B/C/S. Cela se trouve aux paragraphes 37
7 et 38, et il s'agit de l'événement de l'autocar transportant les orphelins
8 et le bombardement qui a suivi l'enterrement. Etes-vous sûr qu'il ne s'agit
9 pas encore d'un autre événement pour lequel vous pensiez intervenir pour
10 corriger les
11 torts ?
12 R. Tout à fait sûr, à 100 %.
13 Q. Alors, regardons un petit peu cet événement ensemble. Tout d'abord,
14 est-il exact de dire que d'un des enfants tués, orpheline Glavas, en
15 réalité, était d'appartenance ethnique serbe, et elle savait que sa famille
16 n'avait jamais donné son accord pour qu'elle soit emmenée à Sarajevo avec
17 le convoi ?
18 R. Eh bien, voyez-vous, je n'ai jamais demandé à la famille quel était
19 leur groupe ethnique. Et curieusement, je me suis concentré sur la mort de
20 l'enfant. Et d'après mon rapport, il est clair que la famille ne souhaitait
21 pas qu'elle soit emmenée, et elle avait été défendue par cette organisation
22 d'aide locale qui avait organisé cette évacuation mal ficelée. On nous a
23 dit à l'origine qu'elle était orpheline, et ensuite nous avons découvert
24 qu'elle n'était pas du tout orpheline. Elle avait une mère et une grand-
25 mère. Pour ce qui est de son groupe ethnique, je n'ai jamais posé la
26 question.
27 Q. Alors, au paragraphe 37 de votre déclaration, vous dites que l'autocar
28 a fait l'objet de balles qui semblaient provenir de positions serbes. Vous
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1 n'avez pas été le témoin oculaire de ces tirs, n'est-ce pas ?
2 R. Non. Des tirs entrants, non.
3 Q. Est-il exact de dire que votre reportage qui a été diffusé au sujet de
4 cet événement, que vous avez évoqué lors de l'interrogatoire principal, a
5 mal identifié l'emplacement ou a identifié de façon erronée l'endroit où se
6 trouvait l'autocar ? Ou, en tout cas, l'endroit où il y a eu les tirs de
7 feu ?
8 R. Alors, comme je l'ai dit au début de ma déposition, dans cette partie-
9 là du reportage, j'ai mal identifié l'endroit où se trouvaient les tireurs.
10 Mais, en réalité, si je regarde la vidéo, c'était illogique, connaissant le
11 terrain à Sarajevo comme je le savais. C'était illogique car, comme je le
12 savais, que je l'ai appris après, les tirs auraient pu provenir de cet
13 endroit, parce que cet endroit était toujours entre les mains des forces du
14 gouvernement. Et nous avons quitté le poste de contrôle bosniaque et nous
15 avons descendu la route jusqu'à Ilidza, le poste de contrôle à la fin qui
16 était sans doute à un demi-mille du bâtiment, peut-être un peu plus.
17 Q. Alors, quelle est la distance à laquelle peut tirer un tireur embusqué
18 ?
19 R. Alors ça dépend du type d'arme utilisé et ça dépend des conditions
20 météologiques. Cela dépend de la dextérité et cela dépend de la vitesse du
21 vent. Je crois qu'entre les mains d'un tireur expert, une balle de gros
22 calibre - à mon sens, je ne pense pas que cela ait été utilisé à cette
23 occasion-ci - d'après les blessures dont on m'a parlé constatées sur les
24 enfants, je crois que cela représente à peu près un kilomètre, m'a-t-on
25 dit. Une kalachnikov, d'après ce que j'ai compris, entre les mains d'un
26 tireur d'élite accompli, peut tirer jusqu'à 300 ou 400 mètres.
27 Mais comme vous l'avez signalé à juste titre, je ne suis pas un militaire,
28 donc je peux effectivement me tromper au niveau de la distance parcourue.
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1 Ce que je sais, en revanche, c'est que cet événement portant sur ces tirs
2 s'est déroulé quelques minutes après que l'autocar ait quitté le dernier
3 poste de contrôle bosniaque et se dirigeait vers Ilidza. Il y avait très
4 peu de place, un petit tronçon de route, parce que j'avais emprunté cette
5 route jusqu'à Ilidza moi-même. Donc la distance était courte entre ces deux
6 endroits. A quelques minutes, me semble-t-il, en voiture. Trois, voire
7 quatre minutes, peut-être.
8 Q. Est-il exact de dire que vous avez vu un caméraman sur les lieux tout
9 de suite après les tirs ?
10 R. Non, pas tout de suite après les tirs, je crois, parce qu'il pensait
11 avoir filmé l'autocar alors qu'il se dirigeait vers le dernier poste de
12 contrôle, lorsque nous avons vu les images des enfants qui étaient attachés
13 avec des draps de lit. Ensuite, ils sont descendus de l'autocar. Ils ont
14 tiré sur l'autocar qui se dirigeait vers Ilidza et ils sont retournés dans
15 leurs bureaux. C'est-à-dire que par la suite, comme nous l'avons appris --
16 je crois une heure environ après ce moment-là, nous avons appris ce qui
17 s'était passé. Nous sommes retournés -- je crois que j'ai raison de dire
18 qu'à l'époque nous sommes retournés. Les enfants se trouvaient dans une
19 morgue de fortune qui n'était pas très éloignée du poste de contrôle
20 bosniaque. Et comme vous avez pu le voir d'après les images, ce qui a été
21 diffusé aujourd'hui [comme interprété], nous disposions des images de deux
22 enfants recouverts de draps, et les draps étaient tachés de sang. En
23 d'autres termes, peu de temps après que ces enfants aient été tués. Et le
24 sang n'avait pas séché. Le sang coulait toujours de leurs corps lorsque
25 nous sommes arrivés sur les lieux.
26 Q. Est-il exact, Monsieur, que votre caméraman a reçu l'information
27 initiale indiquant que la source provenait du bâtiment de "Oslobodjenje" ?
28 R. Non, je ne pense pas que le caméraman ait reçu cela. Je ne me souviens
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1 pas, en fait, d'où venait ce rapport externe.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande encore une fois de bien
3 vouloir ralentir, s'il vous plaît.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne me souviens pas de ce rapport
5 externe. Je ne sais pas d'où il venait, mais je pense que cela aurait pu
6 provenir de notre staff qui se trouvait dans la région parce qu'ils
7 m'auraient, en tout cas, corrigé si j'avais commis une erreur quant à qui
8 contrôlait le bâtiment de "Oslobodjenje" à ce moment-là et pendant toute la
9 durée de la guerre.
10 M. IVETIC : [interprétation]
11 Q. Donc, si nous excluons Oslobodjenje comme étant une source de tir en
12 raison de l'endroit où il se trouvait, qui contrôlait le bâtiment ?
13 R. Eh bien, en se fondant sur l'endroit où il se trouvait et qui le
14 contrôlait, parce que la manière dont nous essayions de comprendre cela,
15 c'était de parler aux gens qui se trouvaient près du poste de contrôle. Par
16 la suite, également, nous avons parlé aux gens des Nations Unies, quelles
17 étaient les informations dont ils disposaient. Nous nous sommes rendus à la
18 FORPRONU pour leur demander des informations également, parce que la source
19 des soldats de la FORPRONU à différents endroits était une information que
20 nous rapportions à la presse. On nous a dit très clairement que cette
21 fusillade s'est déroulée longtemps après que l'autocar ait quitté le
22 dernier poste de contrôle bosniaque. Et étant donné que vous en parlez,
23 étant donné que le bâtiment de "Oslobodjenje" est peut-être à un demi-mille
24 de cet endroit, je ne pense pas que ce soit physiquement possible d'ouvrir
25 le feu de là et d'atteindre l'autocar.
26 Si je me souviens bien, l'autocar a été touché sur le côté. Donc cela
27 n'aurait pas pu être le long de la route; cela a dû se passer quelque part
28 sur le côté de la route, après qu'il ait quitté le dernier poste de
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1 contrôle bosniaque et qu'il se soit rapproché d'Ilidza. Je ne sais pas à
2 quel endroit de la route ou sur quel tronçon ceci s'est produit.
3 Q. Alors, pour ce qui est de votre conclusion de savoir qui est
4 responsable de la fusillade contre l'autocar, avez-vous diligenté une
5 enquête officielle pour déterminer qui était à l'origine de
6 cela ?
7 R. Je ne pense pas. Les choses avançaient très vite à ce moment-là. Je
8 crois que nous avons été pris dans d'autres reportages des médias.
9 M. IVETIC : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons regarder
10 quelque chose qui provient de l'affaire Karadzic, qui est le 1D1349. Page
11 99 dudit document, qui devrait correspondre à la page
12 10 166 du compte rendu sous-jacent.
13 Q. A partir de la ligne 16, voici la question qu'on vous
14 pose :
15 "Question : Comment avez-vous pu établir que c'étaient les Serbes qui ont
16 tiré sur l'autocar ? Comment en êtes-vous arrivé à rejeter la thèse en
17 vertu de laquelle ceci aurait pu être l'œuvre de soldats musulmans, ou
18 plutôt, du gouvernement, même si la thèse était étayée par les Nations
19 Unies ?
20 "Réponse : A ce moment-là, je n'avais pas entendu parler de la thèse qui
21 indiquait que la partie gouvernementale de Bosnie agissait contre son
22 propre peuple. J'ai pour la première fois entendu parler de cette thèse de
23 la part d'un aide militaire du général Lewis MacKenzie, qui était le
24 commandant de secteur de Sarajevo pour la FORPRONU à l'époque, vers la fin
25 de cette première visite où je me suis rendu à Sarajevo, qui était au mois
26 d'août 1992. Donc il m'a pris de côté et il m'a dit : Ecoute, en fait, je
27 souhaite que vous sachiez que nous sommes convaincus que les Serbes --
28 pardon, que le gouvernement bosniaque se pilonne lui-même. Et donc, j'ai
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1 dit : De quelle preuve disposez-vous ? Et il a dit : Nous n'avons pas
2 vraiment de preuve, mais c'est ce que nous pensons."
3 Tout d'abord, Monsieur, s'agit-il là du même aide de camp ou aide que vous
4 évoquez dans votre déclaration au paragraphe 39, qui se trouve à la page 12
5 de l'anglais et page 16 en B/C/S ? Encore une fois, il s'agit de la pièce
6 P2251 [comme interprété], avec une cote provisoire. Est-ce que nous parlons
7 du même individu ?
8 R. Oui, nous parlons du même individu.
9 Q. Alors ma première question sur ce thème : pourriez-vous nous identifier
10 cet aide de camp du général MacKenzie qui vous a donné ces informations ?
11 Si vous le souhaitez, nous pouvons passer à huis clos partiel.
12 R. Non. En tant que journaliste, je ne peux pas divulguer mes sources.
13 Q. Outre cet aide de camp du général MacKenzie, était-ce le seul homme qui
14 vous a parlé d'un tel complot ou d'autres représentants officiels des
15 Nations Unies à l'époque vous ont-ils fait part de ce genre de choses ou
16 pas ?
17 R. C'était le seul représentant officiel des Nations Unies qui en a parlé.
18 Il était -- il m'a pris de côté et il m'a dit à voix basse comme si c'était
19 quelque chose qui était en partie secret. Et comme je l'ai dit -- comme
20 vous venez de l'indiquer, mon opinion à moi consistait à dire que les
21 preuves auraient dû surgir. Dans mon métier de journaliste, j'ai constaté
22 qu'il était difficile de garder quelque chose secret pendant 20 ans. Et je
23 suis surpris que quelque chose de ce genre n'ait pas été avancé jusqu'à
24 présent. J'ai dit qu'effectivement, c'était le cas. Pour ce qui est de cet
25 autocar, on a tiré dessus à bout portant depuis le territoire serbe de
26 Bosnie.
27 Q. Alors, est-ce que vous pensez, Monsieur, qu'il n'y a pas eu de preuve
28 dans les 20 années qui se sont écoulées, un seul élément indiquant que
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1 c'était l'ABiH qui tirait de leur côté, pour quelque raison que ce soit ?
2 R. Alors que j'étais à Sarajevo, je n'ai vu aucune preuve de ce genre.
3 Maintenant, au cours des 20 dernières années, il y a eu des rapports qui
4 ont été rendus publics, il est vrai, et des sources militaires, par
5 exemple, qui ont partagé ce genre d'information avec moi récemment à propos
6 d'événements qui se sont déroulés en 1995. L'événement -- par exemple, j'ai
7 entendu quelqu'un affirmer qu'au cours de l'attaque contre le marché qui a
8 occasionné l'intervention de l'OTAN en 1995, eh bien, qu'il existait des
9 preuves d'après les analyses du cratère qui précisaient que les tirs
10 provenaient des explosions -- les tirs, les explosions provenaient de la
11 partie bosniaque.
12 Mais je souhaite consigner au compte rendu d'audience qu'en tant que
13 journaliste, j'aurais été absolument ravi de rédiger ce genre d'histoire.
14 J'aurais obtenu beaucoup de reconnaissance pour cela et je n'aurais eu
15 aucune hésitation à diffuser ce genre de récit. Et nous avons essayé de
16 comprendre cela autant que faire se peut, sur qui pilonnait qui, et
17 j'aurais été ravi de pouvoir déclarer cela sans équivoque, que j'aurais pu
18 constater que le gouvernement de Bosnie tirait sur son peuple en provoquant
19 un nombre très important de victimes parmi les civils ou des victimes.
20 J'aurais pu faire un reportage là-dessus. Mais je n'ai pas vu ce genre de
21 preuve.
22 Et il y a des personnes qui se sont exprimées depuis ce moment-là et qui
23 disent : Oui, nous avons mené une opération qui s'est occupée de ça. Alors
24 il y a d'autres choses un peu malsaines qui se sont passées qui sont
25 ressorties depuis. Mais, à mon sens, rien ne permet d'avancer cela dans les
26 20 années qui se sont écoulées. Je crois que les niveaux de détail --
27 enfin, les détails seraient ressortis, me semble-t-il. Mais je peux me
28 tromper.
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1 Q. Alors vous n'avez pas entendu parler de la soi-disant unité Seva qui
2 intervenait à Sarajevo et qui a mené de telles opérations ?
3 R. Non.
4 Q. Alors je souhaite regarder le document avec vous. Le 1D --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, précisez, s'il vous
6 plaît, un dernier point.
7 M. IVETIC : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a dit quelque chose à propos
9 du pilonnage de son propre peuple. La question suivante à propos du
10 pilonnage. Vous avez l'intention de parler du pilonnage également ? Parce
11 que le témoin a répondu encore une fois lorsqu'il a parlé du pilonnage.
12 Vous avez utilisé un terme différent. J'essaye de comprendre si, oui ou
13 non, vous vous êtes mal exprimé ou si vous avez l'intention de passer de
14 pilonnage à tir. Et ensuite, nous pouvons vérifier auprès du témoin, de
15 savoir si sa réponse correspond effectivement à tir ou pilonnage.
16 M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, à l'origine, je lui ai posé une
17 question à propos du pilonnage et des tirs de façon générale, et le témoin
18 a répondu en disant que -- et ensuite j'ai posé une question spécifique à
19 propos de l'unité Seva par rapport à cela ou par opposition au pilonnage.
20 C'est ce que j'entendais par ma question.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je vais essayer de reconstituer ce
22 qui s'est passé. Le témoin nous a parlé de quelqu'un qui lui a dit que les
23 forces gouvernementales pilonnaient leur propre côté. Et le témoin a dit :
24 "Je ne vais pas divulguer mes sources." Il nous a dit que cet homme était
25 le seul à lui avoir exposé cette théorie du complot. Et on a parlé à ce
26 moment-là de pilonnage.
27 Et ensuite, vous lui avez posé la question, "Est-ce que vous pensez" - et
28 le témoin a dit qu'il n'avait jamais reçu de preuve à cet égard - "Est-ce
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1 que vous pensez, Monsieur, qu'il n'y a pas eu de preuve qui ait resurgi à
2 la surface dans ces 20 années qui se sont écoulées indiquant que la partie
3 BiH tirait sur son propre camp pour quelque raison que ce soit ?" Donc, là,
4 nous sommes passés du pilonnage au tir. Et le témoin a répondu à cette
5 question-là lorsqu'il a parlé de ces 20 années de preuve, qui se sont
6 concentrées encore une fois sur le pilonnage. Et ensuite, vous avez posé
7 une question à propos de l'unité de Seva, et vous parlez de l'unité de Seva
8 comme une unité "qui intervenait à Sarajevo et qui a mené de telles
9 opérations." Ce n'était pas très clair, on ne sait pas s'il s'agissait de
10 pilonnage ou de tir. Je souhaite simplement éviter tout malentendu.
11 Avez-vous jamais reçu des preuves au sujet de tir ou de coup de feu tiré
12 sur votre territoire, le territoire contrôlé par les forces de l'ABiH ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Par la suite, et je l'ai déjà dit ce matin,
14 cela a été évoqué ce matin, on parlait des hommes de Caco qui tiraient sur
15 des Serbes qui se trouvaient sur le territoire détenu par le gouvernement
16 de Bosnie. C'était une accusation contre les Musulmans parce qu'on a
17 indiqué qu'il s'agissait de personnes qui ont été exécutées sommairement.
18 Alors, lorsque j'ai parlé de l'unité de Seva, il s'agissait d'une référence
19 au pilonnage, je me concentrais là-dessus essentiellement. Et donc, toutes
20 mes réponses portaient sur le pilonnage, en réalité.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite éviter toute forme de
22 confusion, c'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, moi, je n'ai pas du tout entendu
24 parler de tir.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous, Maître Ivetic.
26 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le
27 1D3388 [comme interprété] du prétoire électronique. Le document est daté du
28 27 octobre 1994 et il émane du général Rose, qui commande le secteur
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1 Sarajevo de la FORPRONU.
2 Q. Si vous regardez la date, est-ce que vous étiez toujours en Bosnie-
3 Herzégovine et à Sarajevo à l'époque ? Est-ce que vous assuriez la
4 couverture des événements ?
5 R. J'étais en Bosnie-Herzégovine en 1994. Je n'étais pas à Sarajevo à
6 cette date-là. Je crois que c'était à peu près le moment où je m'occupais
7 de ce documentaire qui comprenait l'entretien avec le représentant officiel
8 serbe qui était engagé dans des expulsions. Donc j'étais davantage sur le
9 territoire bosno-serbe à ce moment-là. A l'automne de l'année 1994, je
10 n'étais pas à Sarajevo en tant que tel, contrôlé par le gouvernement de la
11 BiH.
12 Q. Est-ce que vous connaissez le général de brigade Fikret qui est
13 mentionné en rapport avec "recce" d'Igman ?
14 R. Son nom me dit quelque chose. Ce n'est pas quelqu'un que j'ai
15 rencontré.
16 Q. Alors je peux peut-être vous rafraîchir la mémoire. Lors de ce procès,
17 plusieurs témoins ont identifié un général de brigade Fikret, qu'ils
18 disaient avoir participé à des activités criminelles, contrebande et tous
19 types de trafics par le tunnel de l'aéroport de Butmir. Par exemple, David
20 Frasier, pages du compte rendu d'audience 5 825 à 5 826; RM-136 [comme
21 interprété], pages 1 664 à 1 666 [comme interprété]. Est-ce que ceci vous
22 rafraîchit la mémoire concernant le général de brigade Fikret qui
23 intervenait à Sarajevo ?
24 R. Alors, moi, je ne me suis pas occupé de l'histoire du tunnel. Nous
25 avions un système de roulement entre collègues journalistes, nous entrions
26 et sortions de Sarajevo. Et je me souviens pas d'avoir eu une interview
27 avec un général de brigade Fikret, et je n'ai certainement pas traversé le
28 tunnel. Je savais que cet homme existait, mais je n'ai jamais écrit quoi
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1 que ce soit sur lui. Je pense que ce sont d'autres journalistes de la BBC
2 qui s'en sont chargés.
3 Q. Est-ce que c'est un fait connu que le tunnel existait et qu'il était
4 emprunté pour le transport de biens et de personnes pour entrer et sortir
5 de la ville ?
6 R. Eh bien, si j'avais connaissance de l'existence du tunnel, je crois que
7 d'autres personnes sans doute en ont eu connaissance également. Je crois
8 que c'était de connaissance de tous. Mais, en fait, lorsque je me suis
9 entretenu avec les personnes, des dignitaires étrangers, par exemple, qui
10 avaient emprunté le tunnel et qui sont passés par le tunnel, ils l'ont
11 décrit en détail.
12 Q. Est-ce qu'il serait juste de dire que compte tenu de l'opération du
13 tunnel, par le général de brigade Fikret ou d'autres personnes, pour ce qui
14 est de l'évaluation de la déclaration et de la responsabilité que vous
15 attribuez aux Serbes comme étant ceux qui contrôlaient tout ce qui pouvait
16 entrer et sortir de Sarajevo ?
17 R. Le tunnel était un trou dans le mur. Ce n'était pas une faille dans le
18 mur. Et lorsque je parle du "mur", je parle d'une manière métaphorique.
19 C'est-à-dire que le siège se poursuivait. Et lorsque les gens ne sont pas
20 en mesure de se déplacer de leur propre gré de manière aisée, oui, à ce
21 moment-là, c'était un siège. C'est dans ce sens-là que nous l'appelons un
22 siège. Mais à l'époque, le siège était poreux en raison de l'activité du
23 marché noir, de la corruption et des alliances locales entre les personnes
24 se trouvant des deux côtés de la ligne de front, et le tunnel était un trou
25 dans ce mur. Maintenant, pour vous parler de la manière dont ceci affectait
26 la vie des personnes, les personnes ne pouvaient pas emprunter le tunnel
27 comme ils le souhaitaient. Ils ne pouvaient pas aller visiter leurs
28 familles se trouvant de l'autre côté de l'aéroport de Butmir. C'était
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1 contrôlé par l'armée, le tunnel. Il était utilisé pour, j'imagine, le
2 transport d'approvisionnements militaires.
3 Q. J'aimerais que l'on prenne la page 2 de ce même document. En haut, nous
4 voyons un mot, "tram", et ensuite "flag B", "drapeau B". Et :
5 "A 17 heures 35, le 25 octobre, un tram tiré dessus, zone BRATSVA Br, huit
6 personnes blessées. BAT 4 mène à bien l'enquête (voir le rapport).
7 "Conclusions
8 "- la présence des sentinelles et de la police suggère des 'rondes' près de
9 la rive nord de la rivière;
10 "- les restes de peinture suggèrent que le tram était situé du côté nord-
11 est du kiosque de police;
12 "- et la trajectoire des 'rondes' suggère que le tireur se trouvait
13 près du sol et qu'il ait tiré du côté de la rivière du côté de la BiH;
14 "- tout élément corroboratif par les représentants de Bosnie indique
15 que les tirs étaient de provenance du territoire tenu par les Bosniens
16 (voir mappe du bâtiment)."
17 Donc j'aimerais vous demander maintenant de nous dire, avez-vous
18 connaissance de cet incident qui s'est déroulé le 25 octobre 1994 à
19 Bratsva, près du pont ?
20 R. Non, en tant que journaliste, je n'étais pas dans la ville à ce moment
21 particulier. Je veux dire que, en tant que journaliste, si j'avais vu ce
22 document à l'époque, cela aurait fait une excellente histoire. J'aurais
23 probablement demandé de voir des éléments qui pouvaient corroborer ces
24 affirmations du côté des représentants bosniens. Ce que je veux dire par
25 là, c'est que, d'un point de vue journalistique, cela aurait été très
26 intéressant. Mais je n'étais pas à ce moment-là dans la ville.
27 Q. Est-ce que vous pensez que vous aviez pu avoir accès à l'information
28 concernant un incident comme celui-ci, et que si vous aviez eu cette
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1 information, vous auriez repensé, vous auriez retiré votre affirmation
2 quant à la validité de cette théorie de complot dont nous avons parlé au
3 paragraphe 39 de votre déclaration ?
4 R. Non, je ne l'aurais pas retirée, parce que je ne pensais pas au fait
5 que des opérations majeures de pilonnage contre une population infligeaient
6 un très grand nombre de pertes, mais cela aurait fait une excellente
7 histoire à publier et cela aurait été une histoire très intéressante et
8 importante. Il s'agissait des circonstances particulières d'incidents
9 particuliers. Et pour revenir à l'incident avec l'autocar, étant donné que
10 cela ne change pas du tout mon opinion concernant les conclusions que j'ai
11 tirées et parce qu'à l'époque, concernant l'endroit où l'autobus est arrivé
12 --
13 Q. Je comprends, mais j'aimerais simplement vous poser une question --
14 R. Oui.
15 Q. -- des observations que vous avez faites concernant la théorie du
16 complot. Vous l'avez faite au bas de la déclaration, n'est-ce pas ?
17 R. Non, je ne crois pas que c'est cet incident nécessairement qui confirme
18 cette thèse.
19 Q. Très bien.
20 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant demander que l'on verse
21 au dossier ce document.
22 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne m'oppose pas à
23 l'admission de ce document sur la base de ce contexte. Nous en avons parlé
24 aujourd'hui. Même si, vous savez, je voudrais noter que le témoin ne se
25 trouvait pas à Sarajevo à l'époque de l'incident. Et j'aimerais également
26 mentionner que pour ce qui me concerne, je n'étais pas au courant que ce
27 document n'était pas un document du général Rose et qui aurait été versé au
28 dossier par son truchement, tel que l'on s'attendrait à ce que cela soit
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1 fait en vertu de l'article 90(E). Mais je ne m'oppose pas à l'admission de
2 ce document.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
4 Madame la Greffière.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1338 recevra la cote
6 D387, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
8 Maître Ivetic, il serait utile aux Juges de la Chambre, et je ne sais pas
9 s'il existe ou non, mais il s'agit d'éléments de preuve qui pourraient
10 corroborer que les tirs provenaient du côté bosnien. S'il y a d'autre
11 matériel concernant ceci, il serait intéressant que la Chambre puisse le
12 voir.
13 M. IVETIC : [interprétation] Je comprends très bien. Je vais essayer de
14 voir s'il y a autre chose que je puisse trouver.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.
16 M. IVETIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le document
17 1D1336 dans le prétoire électronique.
18 Q. Comme vous pouvez le voir, le document date du 17 août 1994 et il émane
19 du Centre des droits de l'homme de l'ONU à Sarajevo par rapport à une
20 réunion qui s'est déroulée avec le général --
21 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
22 M. IVETIC : [interprétation]
23 Q. -- de la FORPRONU du secteur Sarajevo. Et maintenant, j'aimerais que
24 vous preniez la deuxième page et que vous vous concentriez sur le point
25 numéro 2 :
26 "Le gouvernement de la BiH semble présenter à la communauté internationale
27 des points de vue de propagande concernant les violations commises par le
28 côté serbe, omettant de le faire lorsqu'il s'agissait de leurs actions.
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1 "Par exemple, la population civile avait des obstacles administratifs
2 majeurs pour quitter Sarajevo, et la police et les représentants de l'armée
3 avaient beaucoup de pouvoir. Ils ont contribué de manière importante à
4 cette politique."
5 La question que j'aimerais vous poser, Monsieur : est-ce que vous avez
6 jamais eu accès à cette information de ce type des représentants
7 internationaux ou d'autres sources, à savoir que le gouvernement de la BiH
8 imposait des obstacles administratifs aux personnes qui voulaient quitter
9 la ville de Sarajevo ?
10 R. Juste pour préciser quelque chose, c'est une déclaration --j'avais
11 touché à l'écran, pardon. Excusez-moi. Oui, vous parliez du général
12 Soubirou ?
13 M. IVETIC : [interprétation] Non. Reprenez, s'il vous plaît, la première
14 page.
15 Q. La première page --
16 R. Oui.
17 Q. -- le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme, oui, vous
18 avez mentionné ceci ?
19 R. [aucune interprétation]
20 Q. Oui, effectivement. Est-ce que vous aviez connaissance de cela ?
21 R. Oui, j'avais entendu parler de cela pendant la guerre, effectivement,
22 qu'il y avait ces types de problèmes qui existaient -- en fait, qu'il y
23 avait des obstacles qui étaient mis en place afin que personne ne puisse
24 pas quitter, et je me demandais si à l'époque ceci avait changé le statut
25 de la situation, car il s'agissait d'un siège. Mais j'avais l'impression
26 que non, qu'il ne s'agissait pas de cela, que la situation n'était pas
27 changée. Car la manière dont j'ai compris cela, c'est qu'ils essayaient de
28 garder les gens là et que cela faisait partie de leurs efforts de guerre,
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1 et je crois que ce qui a enclenché le tout c'est l'imposition d'un siège.
2 Et également, d'après ce que j'avais cru comprendre, c'est que cela ne
3 voulait pas dire qu'il était absolument impossible pour les gens de quitter
4 Sarajevo, car je savais qu'un très grand nombre de personnes avaient quitté
5 Sarajevo à l'époque. Mais alors qu'elles se sont organisées de plus en
6 plus, elles sont devenues de plus en plus bureaucratiques. Et je crois
7 qu'il fallait remplir un très grand nombre de formulaires pour pouvoir
8 obtenir la permission de se déplacer, de voyager, et cetera.
9 Q. Est-ce que vous pensez que votre déclaration qui fait environ 21 pages
10 et qui omet des références au fait que vous saviez que le côté de la BiH
11 imposait des obstacles aux personnes qui voulaient quitter Sarajevo, et que
12 c'était vraiment précis et qu'il n'y avait pas de parti pris pour ce qui
13 est d'une évaluation des Serbes de Bosnie qui essayaient de quitter la
14 ville de Sarajevo ?
15 R. Non. Je crois que le fait fondamental du siège est vraiment celui-ci :
16 c'est que le siège avait été imposé et le siège continuait, il se
17 poursuivait, et c'était réalisé grâce aux forces serbes du côté -- enfin,
18 en raison des forces serbes du côté bosnien. Et à la suite du siège, de la
19 manière dont le siège fonctionnait, c'est-à-dire que la vie était devenue
20 très difficile, corrompue, et pour beaucoup de personnes à l'intérieur de
21 Sarajevo, ce n'était pas une ville très heureuse. Les gens ne vivaient pas
22 en harmonie, si vous le souhaitez. Il s'agissait d'un endroit très triste,
23 divisé. Mais mon opinion était de savoir que le siège était imposé par les
24 Serbes de Bosnie, et rien ne change en ceci.
25 Q. Parlons maintenant de ce dont vous parlez, non pas de l'auteur de ce
26 document, mais j'aimerais savoir ce que vous savez qui ne figure pas dans
27 votre déclaration. Est-ce que vous pensez, et ce, également y inclus dans
28 votre déclaration, que les obstacles avaient été -- est-ce que vous pensez
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1 que les obstacles avaient été mis en place du côté de la BiH pour empêcher
2 les personnes de quitter Sarajevo, si votre déclaration décrit de manière
3 précise et sans parti pris cette information, donc ce dont vous avez parlé
4 ?
5 R. Cette déclaration n'est pas un récit de tout ce que je savais de
6 Sarajevo du début à la fin. J'y étais de manière régulière pendant trois
7 ans. Je ne crois pas -- parce que comme je l'ai dit, je crois que le fait
8 qu'il y avait des obstacles bureaucratiques qui avaient été mis en place,
9 cela affectait les personnes qui voulaient voyager. Ça n'affectait pas
10 toutes les personnes, et je ne veux pas répéter, je ne veux pas -- je
11 n'essaie pas de dire que cela nous écarte du fait que le siège était imposé
12 par les Serbes de Bosnie.
13 J'ai voyagé de manière régulière, j'empruntais de manière régulière
14 la route de Pale, j'ai passé à côté des positions serbes de manière
15 régulière et j'ai vu les armes, j'ai vu les douilles de calibre allant de
16 7.5 [comme interprété] à plus. J'ai parlé aux tireurs par le truchement
17 d'un interprète, et une ou deux fois ils ont pu parler en anglais. Mais je
18 me suis entretenu avec eux par le truchement d'un interprète, et ces hommes
19 étaient joyeux d'admettre ce qu'ils étaient en train de faire. Ils nous ont
20 permis de filmer les armes qui ciblaient des endroits dans la ville. Et
21 cela constitue un siège. Je suis vraiment désolé. C'est un fait fondamental
22 et c'est la raison pour laquelle il fallait avoir un pont aérien. Pourquoi
23 est-ce qu'à ce moment-là il fallait avoir un pont aérien, pour pouvoir
24 apporter l'approvisionnement, parce qu'il y avait un siège. Et que
25 faisaient ces hommes sur les collines, que je voyais de manière générale ?
26 Et j'ai vu des piles de douilles. Que faisaient-ils, autre que de mettre en
27 place un siège ?
28 Il y avait des problèmes bureaucratiques pour les personnes, oui, je
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1 l'ai dit. Il n'y avait pas le formulaire exact, on ne leur tirait pas
2 dessus pour les empêcher de partir, mais ils avaient des formulaires à
3 remplir. Et je ne crois pas que cela dilue le fait qu'il y avait un siège.
4 Q. S'agissant des hommes de Caco et la 10e Brigade de Montagne,
5 arrêtaient-ils les gens à bout portant de quitter le territoire ?
6 R. Je ne savais absolument pas ce qu'ils faisaient, parce qu'ils
7 n'étaient pas opérationnels, si vous voulez. Leur zone d'opération n'était
8 pas près du tunnel qui allait à Butmir, et ils n'étaient pas près non plus
9 -- près de cette partie-là de la ville. C'était plutôt vers la vieille
10 ville, et je pense aux hauteurs à côté de la piste de luge. Donc il y avait
11 une enclave à cet endroit-là. Et je peux vous le dire, et je peux vous
12 l'affirmer, parce que lorsque je me suis rendu à Mostar, tout d'abord au
13 mois d'août 1993, lorsque j'ai voulu traverser l'aérodrome et passer par
14 divers points de l'ABiH, il m'a fallu obtenir une permission officielle. Il
15 fallait que je m'adresse au général Delic, qui à ce moment-là était le
16 commandant militaire, et les personnes avec qui nous nous entretenions sur
17 les points de contrôle étaient des membres en uniforme des forces de la
18 BiH. C'était encore l'ère de Caco, si je ne m'abuse, et donc ces personnes
19 n'auraient pas pu avoir le contrôle de cet endroit-là à ce moment-là.
20 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
21 Juges, je demande la permission de consulter mon client très brièvement.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement, mais seulement si M.
23 Mladic parle à voix basse.
24 [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, Maître Ivetic, est-ce que
26 ça vous aiderait si nous prenions la pause un peu plus tôt ? Comme ça, vous
27 aurez plus de temps pour procéder à vos consultations. On n'est pas loin.
28 M. IVETIC : [interprétation] Ce serait utile, Messieurs les Juges, en
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1 effet.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause de 20
3 minutes.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Grand merci.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que l'on escorte donc le témoin hors du
6 prétoire.
7 [Le témoin quitte la barre]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous allons reprendre à 1 heure 30.
9 --- L'audience est suspendue à 13 heures 11.
10 --- L'audience est reprise à 13 heures 32.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais me servir du temps d'attente
12 pour dire la chose suivante. Le 1er octobre de cette année, l'Accusation a
13 demandé le versement au dossier du 65 ter 28036, qui a initialement été
14 conçu ou effectué par le biais du Témoin RM506. La Défense a dit qu'elle
15 devait prendre un peu de temps pour voir s'il y avait des objections au
16 versement, et ils ont reçu instruction de le faire avant la fin de la
17 semaine; compte rendu, page 1 711 [comme interprété]. La Défense est donc
18 conviée à prendre position. Elle n'a pas à le dire tout de suite, à moins
19 qu'elle soit en mesure de dire oui ou non tout simplement, mais de le faire
20 le plus tôt possible.
21 [Le témoin vient à la barre]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez continuer.
23 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
24 Q. Pendant que ce document est encore sur nos écrans, je voudrais qu'on se
25 penche sur le point 4 qui se rapporte à Rogatica. Dans votre déclaration de
26 témoin, vous en avez parlé au paragraphe 10. Et le document dit ce qui suit
27 :
28 "S'agissant des déplacements forcés de civils de Rogatica qui ont été
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1 qualifiés par les médias de nettoyage ethnique, le général Soubirou a
2 considéré que cela faisait partie d'un accord réalisé entre les deux
3 parties."
4 Est-ce que, en votre qualité de journaliste, vous avez fait des
5 investigations pour trouver des informations qui indiqueraient que les
6 échanges de population à Rogatica en 1994, au mois d'août, concrètement
7 parlant, étaient en fait une chose négociée entre les deux parties ?
8 R. Non, je n'ai jamais vu d'élément de preuve à ce sujet. Mais je n'en ai
9 pas cherché non plus. Comme je vous l'ai déjà dit, je n'étais pas dans la
10 ville à ce moment concret. Lorsque j'ai précédemment parlé de Rogatica,
11 j'en ai parlé au sujet d'événements qui s'y étaient produits en 1992, 1993.
12 Toujours est-il que les gens qui se sont entretenus avec moi au sujet de la
13 situation à Rogatica lorsque je passais par elle pour aller à Gorazde en
14 1992, et par la suite je me suis entretenu avec des personnes qui ont été
15 déplacées de Rogatica vers Sarajevo, et pendant qu'elles se trouvaient à
16 Sarajevo, je me souviens que ces personnes m'avaient parlé d'un traitement
17 particulièrement brutal de la part des forces serbes, y compris viol.
18 Alors, est-ce que cela a par la suite fait l'objet d'un accord, je n'en ai
19 absolument aucune idée.
20 Q. Nous allons bientôt nous pencher sur un clip vidéo qui dure moins d'une
21 minute. Nous n'avons pas vérifié les comptes rendus, alors on va le
22 visionner une fois et une deuxième fois conformément à la procédure.
23 M. IVETIC : [interprétation] Les cabines se sont vues distribuer les
24 transmissions hier.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est la référence quoi ?
26 M. IVETIC : [interprétation] Oui, excusez-moi. Il s'agit du 1D1354.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commencez comme suggéré.
28 M. IVETIC : [interprétation] Premier passage.
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 M. IVETIC : [interprétation] Je n'entends pas de bande audio.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi non plus.
4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que eux non plus.
5 M. IVETIC : [interprétation] Peut-être, en attendant de résoudre le
6 problème technique, pourrais-je poser d'autres questions.
7 Je voudrais demander le 1D1337.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que c'est plutôt difficile -
9 - là, oui, l'image est partie de nos écrans.
10 M. IVETIC : [interprétation]
11 Q. Ce document est daté du 9 novembre 1994. Il émane d'une équipe
12 d'investigation de la FORPRONU conduite par le lieutenant-colonel --
13 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.
14 M. IVETIC : [interprétation]
15 Q. -- à Sarajevo, qui parle du fait qu'il y a un rapport technique
16 d'établi au sujet des obus de mortier. Et nous allons nous pencher sur le
17 descriptif de l'incident. Au milieu de la page, il est question de deux
18 obus de 82 millimètres qui sont tombés dans la rue Livanjska.
19 Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que cet endroit,
20 cette rue Livanjska, se trouve à l'intérieur du territoire contrôlé par
21 l'ABiH, chose qui se trouve être confirmée par le fait que c'est la police
22 bosnienne qui s'est déplacée sur les lieux de l'événement ?
23 R. Je veux bien vous croire sur parole. Je ne me souviens pas concrètement
24 ni de cette rue, ni du nom et de son emplacement.
25 Q. J'aimerais qu'on nous montre la page 3 en B/C/S et en anglais. Et ce
26 qui nous intéresse, c'est la conclusion rédigée par l'équipe des Nations
27 Unies.
28 "Conclusion :
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1 "Il est possible de conclure du fait que le secteur le plus suspect se
2 trouve sous le contrôle de la Bosnie-Herzégovine.
3 "Pour tirer depuis les positions de l'armée des Serbes de Bosnie un obus de
4 mortier avec le même angle et la même portée, l'axe du mortier devrait être
5 à 4 200 millièmes (de Grdonj, voire d'Orlovac), ce qui signifie que l'axe
6 de l'arme par rapport au lieu d'impact se trouverait devoir être de 1 000
7 millièmes ou de 200 [comme interprété] millièmes (d'Orlovac). Et c'est par
8 trop clair pour qu'il puisse y avoir ce type d'erreur. Pour qu'un obus de
9 mortier puisse être tiré depuis la position des Serbes de Bosnie et la
10 distance devrait être au moins de 3 700 mètres. Et dans ce cas-là, l'angle
11 de chute devrait être inférieur à 60 degrés."
12 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ceci sont des éléments de
13 preuve plutôt convaincants montrant que c'est l'ABiH qui avait tiré cet
14 obus de mortier ?
15 R. Je dois être franc et dire que je ne sais pas ce que voulaient dire ces
16 "millièmes" dont vous parlez. Mais au vu de la première phrase, qui dit que
17 la zone la plus suspecte c'est le secteur tenu par l'ABiH, est-ce que ça
18 veut dire que c'est de là que ça a été tiré ?
19 Alors, moi, je n'étais pas en ville. Je ne peux pas commenter. En ma
20 qualité de journaliste et d'observateur, je dirais peut-être : quelle est
21 l'intention de l'attaque si le tir était venu du secteur de la Bosnie-
22 Herzégovine ? Avaient-ils essayé de toucher une position des Serbes de
23 Bosnie ou est-ce qu'ils ont tiré à tort et à travers ? Alors ça pose autant
24 de questions que ça apporte de réponses. S'agissant maintenant des angles
25 techniques, angles de chute, des millièmes, je ne suis pas un expert, je ne
26 peux absolument pas commenter.
27 Q. Bien. David Frasier, dans ce procès-ci, qui a été le MA du chef du
28 secteur de Sarajevo de 1994 et 1995, a déclaré au compte rendu, pages 5 880
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1 à 5 882, des connaissances qui étaient les siennes au sujet d'un certain
2 nombre d'incidents où l'ABiH a essayé de tromper tout le monde en générant
3 un événement où l'emplacement d'impact d'un obus étant tiré par les Serbes
4 de Bosnie et puis par la partie bosnienne lorsque les gens étaient sortis
5 pour enquêter, avec, bien sûr, des victimes humaines. Alors, pour la
6 première fois, on a dit que ça venait du côté des Serbes, et pour le
7 deuxième obus, on nous a confirmé que ça venait du côté de la Bosnie-
8 Herzégovine.
9 Donc, est-ce qu'on peut conclure du fait que vous n'avez pas eu à
10 connaître de tels types d'événements qui ont été rapportés par le général
11 Frasier, qui était commandant à l'époque ?
12 R. Non, je n'ai pas eu à connaître de l'événement. Ils n'avaient pas
13 coutume de dire ce type de choses à la presse, pas de façon ouverte. Donc
14 je n'ai pas eu à connaître de l'événement.
15 Q. Est-ce que ce type d'événements pouvait vous inciter à modifier vos
16 conclusions pour ce qui est de la déclaration qui figure au paragraphe 39
17 et qui parle d'une "théorie de complot" au sein des Nations Unies ?
18 R. Ecoutez, moi, dans cette question, j'entends aussi des réponses pour ce
19 qui est de ce commandant Frasier, qui est général maintenant. Par exemple,
20 je suis encore très intrigué par le fait que des autorités de Bosnie aient
21 été impliquées dans l'investigation et semblaient corroborer les choses.
22 Ils ont peut-être voulu dire qu'il y avait eu des francs-tireurs de leur
23 côté qui ont procédé à ce type d'activité. Donc, pour commenter, il
24 faudrait que j'entende le contexte entier, le récit entier, plutôt que
25 d'avoir les quelques lignes que vous venez de nous lire.
26 Q. J'aimerais que nous nous penchions sur une autre partie de votre
27 déclaration en application de l'article 92 ter. Il s'agit de la pièce P2515
28 MFI, page 8 en anglais, page 11 en B/C/S. Le paragraphe qui nous intéresse
Page 18140
1 est le numéro 25. Ici, vous parlez du temps que vous avez passé à l'hôpital
2 d'Etat et à l'hôpital de Kosevo à Sarajevo, et vous parlez de trous créés
3 par les obus dans les murs de l'hôpital d'Etat.
4 Est-ce qu'il y a eu des dégâts analogues de provoqués par des obus de
5 chars à l'hôpital de Kosevo lorsque vous êtes allé en
6 visite ?
7 R. Non, c'était à un autre emplacement. L'hôpital d'Etat est un bâtiment
8 très élevé, avec beaucoup d'étages. Il devait y en avoir huit -- six ou
9 huit étages. Ça fait directement face aux positions qui se trouvaient de
10 l'autre côté dans la montagne où se trouvaient les Serbes, et il pouvait
11 donc y avoir une ligne directe de tir en direction de l'hôpital d'Etat.
12 Alors, pour ce qui est des étages supérieurs, j'y suis allé, j'ai examiné
13 les choses par moi-même. Ça se passait au début de la guerre. Et aux étages
14 supérieurs, c'était inhabitable. Il y avait des très gros trous au niveau
15 des fenêtres. On pouvait même faire passer un corps d'homme par ces trous.
16 Donc les gens sont passés vers les étages inférieurs et le sous-sol.
17 L'hôpital de Kosevo, c'était plus petit comme bâtiment. Ça a été
18 aussi endommagé, mais c'était stratégiquement placé à une position
19 différente. Parce que l'hôpital d'Etat se trouvait face aux positions de
20 l'adversaire, alors que ceci était au centre-ville.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, avant que d'oublier, vous
22 avez parlé du témoignage de M. Frasier en vous adressant au témoin. Je
23 crois qu'à l'époque où ce témoignage a été fourni, je m'étais adressé à
24 l'Accusation et à la Défense, à Mme Bolton et à vous, pour voir s'il y
25 avait une autre documentation, des rapports contemporains liés à ces
26 événements. Est-ce que vous avez consulté l'Accusation sur ce point-là et
27 quelle a été l'issue de cette recommandation fortement présentée aux
28 parties pour ce qui est d'obtenir un rapport détaillé, nous, en tant que
Page 18141
1 Juges de la Chambre, afin de pouvoir évaluer la valeur probante de cette
2 documentation ?
3 M. IVETIC : [interprétation] Je ne pense pas avoir retrouvé de la
4 documentation afférente. Je me souviens du fait que lorsque nous avions
5 consulté l'Accusation, ils n'ont pas été au courant de ce type de
6 documents. Et je ne me souviens pas du fait que le général Frasier ait
7 mentionné des dates. Je ne pense pas qu'une date ait été mentionnée pour ce
8 qui est de cet événement.
9 Nous avons essayé et continué à chercher des documents afférents,
10 mais nous n'avons pas jusqu'à présent retrouvé de rapport écrit à ce sujet,
11 exception faite de la déclaration faite par le général Frasier dans son
12 témoignage. Et je crois qu'il a mentionné ce fait dans une autre
13 déclaration qui se trouve être faite à une date plus proche des événements
14 et des conflits.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez pu entendre quoi
16 que ce soit de la part de Mme Bolton pour ce qui est du résultat de ces
17 démarches ?
18 M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas la
19 possibilité de vous répondre. Je devrai me pencher sur le sujet.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre est très intéressée par
21 l'obtention de détails au sujet de cette partie importante des pièces à
22 conviction.
23 Veuillez continuer.
24 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
25 Q. Est-ce qu'à l'occasion de vos activités vous avez pu entendre parler de
26 ce colonel John Hamill, qui était un officier irlandais dans les UNMO, et
27 qui par la suite est devenu officier des Nations Unies chargé de
28 l'artillerie et qui a enquêté au sujet du premier pilonnage du marché de
Page 18142
1 Markale ?
2 R. Non, je n'ai jamais rencontré ce monsieur.
3 Q. Ce M. Hamill a été témoin de l'Accusation dans ce procès, et il a parlé
4 de certains dégâts constatés par lui au niveau de l'hôpital de Kosevo.
5 M. IVETIC : [interprétation] Et je vais demander à ce qu'on nous l'affiche,
6 il s'agit de la pièce 1D1352 du prétoire électronique. Page 2 du même
7 document, qui est la page imprimée du compte rendu d'audience à la page 5
8 514 de cette affaire-ci.
9 Q. Je souhaite parcourir certains éléments de ce compte rendu pour voir si
10 cela concerne des éléments que vous auriez vus vous-même. Alors je cite :
11 "Question : A commencer par la question, et ceci vous donnera les dates
12 dont nous parlons :
13 "'Question : Le 5 décembre 1993, vous vous êtes rendu à Kiseljak pour
14 assister à une conférence, et ensuite vous vous êtes rendu du côté Papa.
15 Vous avez vu l'hôpital de Kosevo et vous avez vu deux infirmières et un
16 médecin tués par un obus. Vous avez également vu un trou dans un mur d'un
17 mètre de diamètre, qui constituait un cercle quasi parfait. Vous souveniez-
18 vous de cela ?
19 "'Réponse : C'est presque exact. Je n'ai pas vu d'infirmières ou de médecin
20 tués. On m'a informé lorsque j'étais là qu'il y avait eu ces victimes au
21 moment où le bâtiment a été touché par un mortier, mais cela était arrivé
22 quelque temps auparavant et je ne sais pas quand. J'ai vu le trou dans le
23 mur. C'était un trou important, et cela constituait un cercle quasi
24 parfait. Donc cette partie-là est exacte.'
25 "Tout d'abord, lorsque vous parlez -- ceci coïncide-t-il avec vos
26 souvenirs, vos observations des faits dans le bâtiment de l'hôpital de
27 Kosevo en décembre 1993 ?
28 "Réponse : Oui. Ma réponse, oui. La question, bien évidemment, non.
Page 18143
1 "Question : Et ai-je raison de dire que vous êtes parvenu à une conclusion
2 en vous fondant sur cette observation des faits, c'est-à-dire que le tir
3 provenait sans doute davantage du côté musulman ou de la zone Papa plutôt
4 que de la VRS, semble-t-il, comme cela est indiqué dans les quatre phrases
5 suivantes du compte rendu
6 d'audience ?
7 "Réponse : C'était mon opinion, oui."
8 Donc, Monsieur, disposiez-vous d'information de ce genre, à savoir que les
9 dégâts provoqués au niveau de l'hôpital de Kosevo étaient dû à des tirs
10 tirés par des chars et cela provenait sans doute du côté de la BiH, comme
11 l'indique M. Hamill dans cette partie du compte rendu d'audience que j'ai
12 examinée avec vous ?
13 R. Non, il n'a jamais partagé son opinion avec moi. Donc je ne disposais
14 pas de cette information-là.
15 Q. Avez-vous eu l'occasion de voir ce trou dont il parle sur ce mur à
16 l'hôpital de Kosevo lorsque vous vous y êtes rendu ?
17 R. Je ne me souviens pas d'un cercle quasi parfait dans le mur, non.
18 Q. Puisque nous sommes sur le sujet des hôpitaux, plusieurs témoins en
19 l'espèce ont parlé de mortiers mobiles de l'ABiH fixés sur des véhicules
20 qui tiraient près de l'hôpital ou sur l'hôpital afin de provoquer des tirs
21 en riposte de la part des Serbes. M. Tucker, par exemple, en ce qui
22 concerne l'hôpital de Kosevo; M. Abdel-Razek, page du compte rendu
23 d'audience 3 639, parlant de l'emploi de tels obus contre des bâtiments où
24 était abritée l'aide humanitaire; John Jordan, page du compte rendu
25 d'audience 1 818 à 1 820, il évoque l'hôpital de Kosevo; et le colonel
26 Richard Mole, 4 412 à 4 413 du compte rendu, qui parle de l'hôpital de
27 Kosevo.
28 Donc, Monsieur, aviez-vous de telles informations concernant des obus
Page 18144
1 mobiles qui étaient tirés du côté de la BiH près de l'endroit où se
2 trouvait l'hôpital ou les bâtiments qui abritaient des agences d'aide
3 humanitaire pour provoquer des tirs en riposte des Serbes ?
4 R. Non, je ne disposais pas ce type d'information. Je savais que
5 dans le secteur où nous étions nous-mêmes à Sarajevo, l'endroit où je
6 dormais, à l'hôtel Holiday Inn, là où nous avions un bureau également, je
7 savais qu'il y avait des tirs sortants que l'on entendait très fort. Et je
8 sais que quelquefois ils utilisaient un canon sans recul à cet endroit. Et
9 j'ai entendu des tirs sortants qui provenaient de ce secteur autour de
10 l'hôtel de temps en temps, mais je ne disposais pas d'information à cet
11 égard. On ne m'a jamais rien dit sur ce sujet. On ne m'a jamais dit que ce
12 genre de chose s'était produit à proximité de l'hôpital, non.
13 Q. Bien. Maintenant, je vais vous poser une question. Ayant à
14 l'esprit cette information complémentaire, à savoir la déposition du
15 colonel Hamill, ces cas où l'ABiH aurait déployé des obus mobiles, est-ce
16 que ceci vous inciterait à modifier vos conclusions -- ou à réexaminer vos
17 conclusions pour ce qui est de la théorie du complot des Nations Unies que
18 nous avons abordée un peu plus tôt, relative au paragraphe 39 de votre
19 déclaration ?
20 R. Alors je crois que si j'avais été dans le secret de cette
21 information ou de ces éléments à l'époque, j'aurais souhaité me pencher
22 dessus, vérifier si c'était exact ou pas et sur quoi se fondaient ces
23 officiers pour dire cela. Et j'aurais aimé parlé à des personnes et avoir
24 des informations de première main des personnes qui prétendument auraient
25 agi ainsi ou des personnes qui auraient prétendument entendu parler de cela
26 ou qui l'auraient vu. Il est très difficile, en fait, de se faire une idée
27 en se fondant sur quelques éléments très parcellaires et d'arriver à une
28 conclusion. Alors, si cela modifiait de quelque manière que ce soit ce que
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1 j'ai vu moi-même -- eh bien, ce que j'ai appris au fil des ans en tant que
2 journaliste, c'est que toutes sortes d'experts peuvent commettre des
3 erreurs. Ils sont faillibles également.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy.
5 M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas pu vérifier
6 les références au compte rendu d'audience citées par Me Ivetic. Nous devons
7 regarder une de ces références de près par rapport au Témoin Tucker, 3 487
8 [comme interprété], et rien n'est dit à propos du fait que l'ABiH utilisait
9 des mortiers mobiles pour provoquer des tirs en riposte des Serbes. Donc
10 nous sommes un petit peu inquiets quant à ce qu'il en est de la
11 qualification des éléments de preuve. Nous avons déjà entendu parler de ces
12 éléments dans cette affaire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, nous contestons -- votre
14 source est contestée, votre référence. Veuillez nous montrer la page 3487
15 [comme interprété] que vous nous avez signalée --
16 M. IVETIC : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, les
17 comptes rendus d'audience ne sont pas chargés dans le prétoire électronique
18 en l'espèce.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, si ce n'est pas le cas,
20 sans le prétoire électronique, veuillez nous donner le numéro, s'il vous
21 plaît, de la page.
22 M. IVETIC : [interprétation] 3 847.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, 3 847.
24 M. IVETIC : [interprétation] Donc les mortiers mobiles lancés depuis
25 l'hôpital de Kosevo.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez m'orienter, s'il vous plaît, me
27 dire où c'est, 3 847. Ça y est, je suis sur cette page dans mon système.
28 M. IVETIC : [interprétation] Alors, depuis le prétoire, on ne peut pas
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1 utiliser "Livenote". Donc il m'est difficile de monter et de descendre sur
2 nos écrans pour voir les pages.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, Monsieur Jeremy, pour
4 ce qui est de la page 3 847, mention est faite du pilonnage dirigé contre
5 l'hôpital de Kosevo par un groupe de mortiers bosno-musulmans. Il n'est
6 rien dit au sujet du fait que ces mortiers sont mobiles, mais --
7 M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, ce qui me préoccupe,
8 c'est qu'on a laissé entendre dire que le but était d'attirer les tirs en
9 riposte.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que rien n'était dit au
11 sujet des mortiers mobiles. Lorsqu'on tire depuis l'enceinte d'un hôpital
12 pour quelque raison que ce soit, à savoir si c'est pour attirer les tirs en
13 riposte ou non -- je veux dire qu'il y a un fondement, n'est-ce pas,
14 lorsque Me Ivetic dit sur cette page -- peut-être que ce ne sont pas les
15 termes exacts. Page 3 847, je vais lire ceci à voix haute :
16 "Hier, à la page du compte rendu d'audience," telle et telle, "je souhaite
17 obtenir davantage de détails au sujet des événements que vous décrivez au
18 paragraphe 33 [comme interprété] de votre déclaration sur la même page que
19 nous voyons un peu plus bas. Le pilonnage mené depuis l'hôpital de Kosevo
20 par un groupe de mortiers bosno-musulmans."
21 Ou est-ce que vous dites, en réalité, qu'ils disposaient de positions de
22 mortiers fixes ?
23 M. JEREMY : [interprétation] Non, je crois qu'il s'agit d'une référence
24 faite aux mortiers mobiles. Peut-être que mon objection n'était pas claire.
25 Je m'oppose au fait que ces mortiers mobiles aient été utilisés, par
26 exemple, à l'hôpital de Kosevo pour attirer les tirs en riposte sur
27 l'hôpital.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ainsi que j'ai compris
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1 votre observation. Nous allons vérifier les autres instances, les autres
2 exemples, et nous verrons.
3 Entre-temps, Maître Ivetic, vous pouvez reprendre.
4 M. IVETIC : [interprétation]
5 Q. Aujourd'hui, à la page du compte rendu provisoire 16, ligne 2, je vous
6 ai posé une question, et vous avez répondu comme suit :
7 "Question : Est-ce que vous convenez pour dire qu'un journaliste a une
8 obligation sur un plan professionnel d'enquêter sur les faits et de les
9 vérifier, faits donnés par d'autres, avant de faire un reportage dessus
10 pour s'assurer de l'exactitude desdits faits ?"
11 Vous avez dit :
12 "Oui, jusqu'à un certain point. Quelquefois, il est important de rapporter
13 les opinions des uns et des autres. Il ne s'agit pas de déclarations de
14 fait, mais il faut clairement indiquer lors du reportage que vous présentez
15 le point de vue de quelqu'un et la perception de quelqu'un à l'égard d'une
16 situation donnée. Ce qui ne signifie pas dans ce cas-là que vous allez
17 enquêter sur une déclaration faite par quelqu'un lors d'une conférence de
18 presse ou d'une interview en particulier, et d'autant plus si cette
19 personne prenait la parole alors qu'elle était en position d'autorité. Et
20 ce que vous dites en somme, c'est l'opinion donnée par l'individu en
21 question."
22 Monsieur, lorsque vous faites des reportages et que vous avancez
23 votre propre point de vue ou perception d'une situation donnée, est-ce
24 quelque chose que vous indiquez ?
25 R. Je ne fais pas mention de mes opinions personnelles. Je fais un
26 jugement professionnel basé sur mon observation, lorsque je parle aux gens,
27 et plus particulièrement à Sarajevo, par rapport à ce que j'ai vu et ce que
28 j'ai entendu moi-même. Alors, pour répondre à la citation qui se trouvait
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1 dans ma réponse, il est clair que toute personne qui s'adresse aux médias,
2 en particulier si la personne en question est dans une position d'autorité
3 ou en position forte, elle a tendance à avancer son propre point de vue.
4 C'est la raison pour laquelle il est très important d'élucider ou de
5 comprendre d'où viennent ces remarques. Et moi, je ne me lève pas en tant
6 que correspondant de la BBC pour dire, Voilà, mon point de vue. Je rends
7 des jugements professionnels qui sont les miens à un instant T.
8 Q. Est-il exact de dire, Monsieur, que vous avez fait l'objet d'une
9 conclusion établie par le comité de la BBC dans votre reportage du 4 juin
10 1997, de quelle manière cet article était allé à l'encontre des lignes
11 directrices de la BBC, en 1967 ?
12 R. Non, je crois que c'était en 2007. N'est-ce pas ?
13 Q. Vous avez raison, 2007. Par rapport à ceci, est-il exact de dire que le
14 comité concernant les normes éditoriales ont trouvé que vous n'aviez pas
15 indiqué de manière claire lorsque vous avez présenté une thèse ou lorsque
16 vous avez interprété des sujets qui étaient hautement controversés ?
17 R. Eh bien, nous n'avons pas énormément de temps, mais puisque vous avez
18 pris la décision de parler de cette décision controversée, je dois dire, je
19 suis navré, Monsieur le Président, mais je crois que je vais devoir
20 expliquer le contexte en quelques minutes. Je vais essayer de m'efforcer
21 d'être très rapide.
22 Dans le cadre de la couverture du Moyen-Orient, plus particulièrement
23 lorsqu'il s'agit du conflit entre la Palestine et Israël, cela veut dire
24 qu'il y a eu parfois des complaintes présentées au comité de procédure de
25 la BBC, et très souvent par des lobbies qui ne sont pas du tout partiaux.
26 Et donc, il s'agit d'une situation -- dans cette situation-ci, un lobbyiste
27 payé et un lobbyiste très actif en Grande-Bretagne se sont joints, pour
28 établir une très longue liste de plaintes. Et je devrais dire que
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1 finalement, pour conclure, le comité sur les normes de la BBC a pris une
2 décision qui n'était pas correcte d'après moi, et je pense que le fait est
3 -- en fait, je n'ai pas reçu de censure de la BBC, je dois vous dire. J'ai
4 reçu des correspondants de la BBC, des séniors de la BBC beaucoup de
5 soutien. Ils avaient l'impression que cette complainte n'était pas faite de
6 manière correcte, et qu'à la suite de ceci une décision incorrecte a été
7 prise par des personnes qui n'étaient pas bien informées.
8 Il y avait également une question toute particulière qui s'était posée, à
9 savoir si j'allais révéler une source. Ils ont dit que si j'avais révélé
10 cette source, à ce moment-là la véracité de mes propos aurait été plus
11 claire. Bien évidemment, un journaliste ne peut pas révéler la source, donc
12 je l'ai pas fait. Et finalement, j'avais une très bonne source, mais j'ai
13 respecté l'identité de la personne et je ne l'ai pas révélée, je ne l'ai
14 pas communiquée.
15 Effectivement, ils ont trouvé une conclusion contre moi, et j'ai
16 continué à rejeter cette décision. Et ce qui me réconforte, c'est que mes
17 supérieurs et également les personnes avec lesquelles je travaille l'ont
18 rejeté eux aussi.
19 Je devrais dire que le comité de la BBC concernant les normes fait partie
20 de l'organe qui est en lien avec la BBC, mais ce n'est pas la BBC. En fait,
21 le statut se trouve dans une zone quelque peu grise concernant ce trust de
22 la BBC, de ce comité de normes.
23 Q. Est-il exact de dire que s'agissant de votre reportage du 12 janvier,
24 l'on a trouvé que vous avez violé les lignes directrices concernant la
25 précision ?
26 R. Cette conclusion concernant la précision portait sur la source dont
27 j'ai parlé, car ils avançaient qu'il s'agissait en fait d'une attitude
28 américaine envers les territoires occupés. Et très bizarrement, ils ont
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1 conclu que si je l'ai dit -- un représentant sénior américain m'avait dit
2 qu'ils avaient traité ce territoire comme étant un territoire occupé, même
3 si dans les déclarations publiques ils n'avaient condamné certains faits
4 durant l'administration Bush. Même si j'avais dévoilé la source, ils
5 auraient trouvé que la déclaration aurait été précise; mais comme je n'ai
6 pas révélé la source, ce n'était pas précis et c'était incorrect.
7 Mais pour ce qui est des normes de journalisme, ceci n'a rien à voir. Et
8 donc, les normes n'ont pas été respectées, ont-ils dit.
9 Mais je dois vous dire que je suis d'accord pour dire qu'ils sont parvenus
10 à une conclusion, mais je suis en désaccord avec la conclusion. Et de
11 nouveau, encore une fois, mes supérieurs m'ont soutenu, il n'a pas eu de
12 censure. Et mes supérieurs m'ont soutenu.
13 Et je devrais également ajouter qu'il y a eu par la suite -- après cet
14 incident particulier, la BBC a commencé à se pencher sur cette procédure de
15 plaintes et ils ont commencé à voir qu'en réalité les personnes qui portent
16 des plaintes de manière professionnelle, ainsi, pourraient d'une certaine
17 façon causer des pressions, et les choses ont été changées depuis.
18 Q. Est-il exact de dire que le comité du trust de la BBC a établi que :
19 "Jeremy Bowen a donné ses points de vue professionnels sans
20 qualification ou sans précision et que le manque de précision dans ses
21 propos rendait sa déclaration imprécise. Le comité a estimé que le
22 correspondant du Moyen-Orient aurait dû avoir des sources et établir des
23 sources dans son commentaire."
24 R. Eh bien, je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Ils avaient
25 estimé que je devais révéler ma source et que, de manière magique, la
26 déclaration serait devenue correcte ou précise ou véridique. Mais je crois
27 que cela, absolument, n'a aucun sens. Je crois que c'est le résultat de
28 personnes qui manquaient d'expérience et qui étaient tombées sous
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1 l'influence de ces lobbyistes professionnels.
2 Q. Et un peu plus loin, on peut lire :
3 "Le comité a estimé que le correspondant du Moyen-Orient aurait dû
4 soit donner la source des commentaires ou dire qu'il s'agissait d'opinions
5 de personnes, de représentants, mais que c'était quelque chose qu'il ne
6 pouvait pas dire."
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est la même question que vous
8 avez posée il y a quelques instants.
9 M. IVETIC : [interprétation]
10 Q. Cela n'est-il pas une option moins sévère, de donner cette information
11 supplémentaire sans nommer la source, puisque vous nous dites que vous
12 aviez l'impression que vous ne pouviez pas révéler votre source ?
13 R. Ils faisaient référence, en réalité, à quatre mots que j'avais mis
14 entre parenthèses et ce, entre guillemets. Vous ne dites pas -- dans chaque
15 phrase que vous écrivez, vous ne pouvez pas dévoiler la source, parce que
16 si c'était, le cas le flux de l'argument ne serait pas cohérent dans ce
17 récit. Donc j'estimais que le fait qu'un représentant américain très haut
18 gradé m'avait appuyé, je croyais que c'était tout à fait normal et correct
19 d'écrire cela. Et j'étais préparé à lui demander s'il aurait accepté que
20 son identité soit dévoilée au comité, et ils m'ont dit par la suite que
21 cela n'était pas nécessaire.
22 Et donc, je maintiens ce que j'ai écrit, et je crois que c'est eux
23 qui ont fait une erreur professionnelle sérieuse. Et c'est eux qui ont été
24 critiqués pour ce qui a été perçu comme étant un jugement qui était
25 influencé.
26 Q. Etes-vous d'accord pour dire que le BBC Trust a pour fonction générale
27 d'établir le cadre stratégique pour la BBC en conformité avec la Chartre
28 royale de l'accord cadre ?
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1 R. Oui, effectivement. Dans le cadre de cet accord, oui.
2 Q. Est-ce que vous êtes d'accord également pour dire que la décision prise
3 par la BBC, c'est-à-dire de maintenir les plaintes contre les journalistes,
4 comme nous l'avons vu dans votre cas, n'est pas quelque chose qui arrive de
5 manière régulière au sien de la BBC ?
6 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas en détail ce que fait le comité sur les
7 normes éditoriales. Je ne sais pas pour ce qui est -- mais je sais
8 simplement que pour ce qui me concerne, pour ce qui concerne mon travail,
9 au fil des années, je sais que je me suis entretenu avec les représentants
10 haut placés au sein du trust de la BBC par la suite, des personnes très
11 haut placées, effectivement, qui m'ont dit qu'ils avaient rejeté en fait
12 les conclusions du comité. Et, en fait, le trust est devenu un organe très
13 controversé en Grande-Bretagne, et il est question de changement ou de
14 réforme de cet organe.
15 Q. Pourriez-vous nous dire combien de vos collègues, tels que vous,
16 avaient fait l'objet d'une décision analogue ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'était là votre objectif d'attirer
18 l'attention de la Chambre à deux reprises où le comité avait statué de
19 manière négative sur les reportages faits par ce témoin, il s'agissait de
20 reportages qui n'étaient pas liés à la Bosnie-Herzégovine de tout façon, si
21 j'ai bien cru comprendre, alors vous avez atteint votre objectif. Bien
22 évidemment, vous pourriez nous présenter les statistiques, nous dire à
23 quelle fréquence est-ce que cela arrive. C'est autre chose. Vous avez
24 attiré notre attention sur ce point. Le témoin nous a également donné ses
25 réponses. Si vous estimez avoir besoin d'encore quelques instants, je ne
26 vais pas vous arrêter ici, mais vous pouvez poursuivre.
27 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais savoir combien de ses collègues ont
28 fait l'objet de décisions analogues à leur encontre.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je propose ceci. Les parties
2 devraient donner à la Chambre des informations sur les statistiques sur le
3 nombre de cas qui ont été présentés au comité de la BBC et donner à la
4 Chambre des informations détaillées sur ces questions afin que nous
5 puissions avoir ces événements de preuve que vous estimez être importants,
6 Maître Ivetic. Et nous allons pouvoir statuer nous-mêmes si cela est
7 quelque chose que nous aurions besoin ou pas.
8 M. IVETIC : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jeremy.
10 M. JEREMY : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je demande aux parties de faire
12 cela.
13 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
15 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
16 Je demanderais l'affichage du document 1D1344 dans le prétoire
17 électronique.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De combien de temps avez-vous encore
19 besoin, Maître Ivetic ?
20 M. IVETIC : [interprétation] J'aurais besoin d'encore environ 15 minutes,
21 je crois, et il faudrait également -- s'il est possible de présenter la
22 vidéo qui dure 48 secondes, donc, deux fois. Donc, pas plus de 2 minutes en
23 tout pour ce qui est de l'extrait vidéo.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. [La Chambre
25 de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous auriez aussi des
27 questions supplémentaires ?
28 M. JEREMY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Mais je voudrais
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1 également ajouter que l'extrait vidéo qui porte le numéro 1D1354 ressemble
2 à la deuxième partie de la vidéo que j'ai passée hier --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez dire qu'il n'est pas
4 nécessaire de la faire passer à moins d'avoir des questions spécifiques sur
5 ce que nous voyons ?
6 M. JEREMY : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre s'est penchée
8 sur votre demande et nous avons également tenu compte de la manière dont
9 vous avez développé votre contre-interrogatoire. La Chambre vous accorde
10 dix minutes. Bien évidemment, si nous avons le soutien des cabines
11 d'interprètes nous permettant de dépasser l'heure prévue de 12 minutes.
12 Veuillez poursuivre, je vous prie.
13 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.
14 Je demande l'affichage du document 1D1344 dans le prétoire électronique.
15 Q. Il s'agit d'un site Web connu sous le nom de BBC Watch. Et j'aimerais
16 simplement savoir si cette citation qui vous est attribuée est exacte.
17 Prenons la page 3, s'il vous plaît. Et c'est vers le milieu de la page.
18 "Nous provenons tous de quelque part; nous avons tous un prisme nous
19 permettant de voir le monde; nous avons tous reçu une éducation; et nous
20 avons nos points de vue et nos expériences. C'est un objectif faux de
21 vouloir être objectif.
22 "Mais je crois que je peux être impartial en essayant de démêler tous les
23 fils qui font une histoire. C'est quelque chose de très ambitieux à
24 accomplir en deux minutes et demie à la télévision. Il faut comprendre
25 quels sont nos propres préjudices et nos propres principes et il faut les
26 mettre de côté dans une boîte."
27 Est-ce que vous reconnaissez ces propos comme étant les vôtres et qui sont
28 extraits d'un entretien qui a eu lieu en 2006 avec Ian Burrell ?
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1 R. Je crois qu'il s'agit d'une citation probablement précise. Je ne me
2 souviens pas exactement. Mais je voudrais mentionner que le BBC Watch est
3 une organisation très partiale, et elle existe pour discréditer la BBC
4 essentiellement. C'est une opération qui est très pro-israélienne et elle
5 est conçue pour essayer de faire en sorte que la BBC adopte un narratif
6 pro-Israël à tout moment. C'est une citation précise, mais la source est
7 très partiale. Et je pourrais vous expliquer ce que j'ai voulu dire dans
8 cette déclaration, si vous le souhaitez.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Me Ivetic veut utiliser ses dix
10 minutes de cette manière-là, il vous le dira.
11 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
12 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
13 Monsieur le Président, je demanderais que l'on affiche le document 1D1342
14 dans le prétoire électronique.
15 Q. Je crois qu'il s'agit ici d'un article dont vous êtes l'auteur. Ça se
16 rapporte à la situation en Egypte. J'aimerais qu'on nous affiche la page 2
17 du prétoire électronique, s'il vous plaît. Ici, vous parlez de cette
18 organisation des Frères musulmans, et vous dites que :
19 "Le mouvement politique organisé de façon appropriée, et le seul à
20 l'être, c'est cette organisation des Frères musulmans. Et il l'emporterait
21 aux élections libres.
22 "A la différence de ceux qui combattent pour le Djihad, ils ne
23 croient pas à la guerre avec l'ouest. Ils sont très conservateurs et non
24 violents, mais ils sont critiques de la politique occidentale au Moyen-
25 Orient."
26 Alors, est-ce que vous estimez que c'est ce que vous avez dit au
27 sujet de ces Frères musulmans ?
28 R. En effet. Mais j'aimerais ajouter quelque point de contexte. Comme vous
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1 devez certainement le savoir tous si vous suivez les événements qui sont en
2 train de se produire en Egypte, les Frères musulmans l'ont emporté aux
3 libres élections, comme je l'avais prévu. Les élections se sont tenues,
4 c'était librement conduit, les Frères musulmans l'ont emporté et le
5 président des Frères musulmans a été écarté par un coup d'Etat militaire de
6 ses fonctions. Et c'est la raison pour laquelle il y a eu des violences.
7 Bon nombre d'adeptes ont été tués.
8 Et ces Frères musulmans, bien après tous ces événements, n'ont aucune
9 espèce de politique officielle de violence. Dans les années 1960 et 1950 du
10 siècle passé, il y a eu des débats au niveau des Frères musulmans pour ce
11 qui était de recourir à nouveau aux méthodes violentes qu'ils avaient
12 utilisées de par le passé. La majorité a décidé que non. Et certains
13 groupes mineurs qui se sont séparés des Frères musulmans sont par la suite
14 devenus l'al-Qaeda et ont suivi cette autre voie. Les Musulmans dont je
15 parle sont très conservateurs, en Egypte et ailleurs, mais véritablement
16 ils ne sont pas favorables à une politique de violence. Et je le maintiens
17 -- donc je maintiens ce que j'ai rédigé bien avant la chute de Moubarak.
18 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de Mahdi Akef ?
19 R. Mahdi Akef ? Non. Là, il faudrait que vous me rafraîchissiez la
20 mémoire.
21 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on nous affiche le 1D124
22 [comme interprété].
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre estime que
24 cela ne l'aide pas que d'entendre des réponses à ces questions, à moins que
25 vous ne nous expliquiez en une question la pertinence de tout ceci. Vous
26 êtes en train de contester les opinions formulées par ce témoin qu'il a
27 exprimées dans son reportage au sujet de thèmes qui ne sont pas ceux qui
28 sont abordés par ce procès. Veuillez garder ceci à l'esprit pour les
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1 quelques minutes qu'il vous reste.
2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Si vous vous penchez sur le milieu de l'écran, et ça vient d'un site
4 internet --
5 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.
6 M. IVETIC : [interprétation]
7 Q. -- l'homme pour qui les Frères musulmans disent qui s'appelle Mahdi
8 Akef nous dit ici au sujet des questions liées à la résistance et au
9 Djihad.
10 "… est-ce que vous estimez que bin Laden est un terroriste ou un Moudjahid
11 islamique ?
12 Alors il dit que :
13 "C'était certainement un Moudjahid. Je n'ai aucun doute sur sa sincérité
14 pour ce qui est de résister à l'occupation, et c'est ce qui l'a rapproché
15 de Dieu tout Puissant."
16 Alors, est-ce que, en procédant à des recherches relatives aux Frères
17 musulmans, est-ce que vous êtes tombé sur ce type d'opinions exprimées par
18 Mahdi Akef avant que de publier l'article que nous avons eu l'occasion de
19 voir tout à l'heure ?
20 R. J'ai longuement parlé à des membres de la direction supérieure des
21 Frères musulmans, devant des caméras et sans caméra, et j'ai eu l'occasion
22 d'entendre bon nombre de condamnations pour ce qui est de ce qu'Osama bin
23 Laden faisait, ce que faisaient al-Qaeda et tous ceux qui avaient suivi
24 l'idéologie des théories d'attaques. Alors, si vous vous penchez sur ce
25 contexte, vous allez trouver des tas de choses pour ce qui est du Moyen-
26 Orient, et partant de là vous pouvez édifier toutes sortes
27 d'argumentations. Mais je me suis entretenu avec les principaux
28 protagonistes de tout ceci, et je les ai à maintes reprises entendu
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1 condamner bin Laden. Et le fait est que les activités d'al-Qaeda et d'Osama
2 bin Laden, parmi la majorité des Musulmans du Proche-Orient ou du Moyen-
3 Orient, c'est très impopulaire, parce que les objectifs poursuivis par lui
4 et al-Qaeda, c'est des Musulmans qu'ils accusent d'avoir renoncé à leur
5 foi. Donc, non -- je dis non. Si vous avez besoin d'information liée au
6 Moyen-Orient, il ne faut pas aller sur hurryup.org [comme interprété].
7 Q. Et BBC Trust, on n'y irait pas non plus ?
8 R. [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il y a une phrase que
10 vous avez prononcée trop vite, elle manque au compte rendu. J'ai dit que la
11 Chambre n'allait pas être aidée par l'audition des réponses à ces questions
12 à moins que vous n'établissiez une pertinence. Vous ne l'avez pas fait,
13 donc, et je ne vous ai pas interrompu. Les dix minutes se sont écoulées
14 pour ce qui est de votre contre-interrogatoire.
15 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que je peux vous faire passer le clip
16 vidéo que nous n'avons pas pu passer pour des raisons techniques ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur Ivetic. Je vous ai dit que
18 vous aviez dix minutes, vous avez interrompu les choses à mi-chemin, et ce
19 que vous avez posé comme questions ne nous a pas aidés. Et vous avez
20 continué dans le même sens.
21 Alors ma question pour M. Jeremy, est-ce que vous avez des questions
22 supplémentaires ?
23 M. JEREMY : [interprétation] Non, nous n'avons pas d'autres questions.
24 M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais que l'on consigne au compte rendu
25 d'audience qu'on nous a refusé le droit de passer la vidéo que les services
26 techniques du Tribunal n'avaient pas pu faire passer du fait de l'audio
27 manquant.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est déjà consigné au compte rendu
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1 d'audience, Maître Ivetic.
2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous avez passé les dix minutes,
4 donc, d'une autre façon. Je vous ai demandé de conduire votre contre-
5 interrogatoire conformément aux observations des Juges de la Chambre, mais
6 vous ne l'avez pas fait.
7 Monsieur Bowen, je vous remercie d'être venu à La Haye pour répondre aux
8 questions des deux parties et des Juges de la Chambre. Je vous souhaite un
9 bon retour chez vous. Vous pouvez suivre l'huissier.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Président. Merci,
11 Mesdames et Messieurs.
12 [Le témoin se retire]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je vais demander encore
14 l'indulgence de tout un chacun pour deux ou trois minutes afin d'aborder un
15 sujet important que je ne peux pas reporter à plus tard parce que cela
16 n'est pas faisable.
17 Alors je vais être bref. Il s'agit d'une décision relative à une
18 proposition formulée par l'Accusation concernant le rapport d'expert de M.
19 Theunens. A la date du 25 septembre 2013, la Chambre a informé les parties
20 en présence du fait qu'elle était portée à rejeter la première partie du
21 rapport Theunens et a demandé à l'Accusation de faire en sorte que les
22 informations pertinentes de cette partie-là du rapport soient présentées à
23 l'occasion de l'interrogatoire au principal du témoin.
24 Le 27 septembre, suite aux présentations d'arguments complémentaires de la
25 part de l'Accusation, la Chambre a invité celle-ci à faire une proposition
26 pour ce qui est de savoir de quelle façon il conviendrait au mieux de se
27 procurer les informations les plus pertinentes de la partie 1, sans pour
28 autant verser cette première partie au dossier. La Chambre a fourni en
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1 guise d'exemple le fait que l'Accusation pourrait se pencher sur la
2 possibilité de verser au dossier une partie 1 dramatiquement réduite, 10 ou
3 15 % de l'original, ce qui, avec les questions centrées de posées à M.
4 Theunens, pourrait fournir aux Juges de la Chambre les informations
5 nécessaires.
6 Le 2 octobre, la Chambre a formulé une proposition pour ce qui était
7 d'expurger à peu près 50 pages sur un total de 180 pages de la partie 1.
8 Après avoir examiné les parties non expurgées, la Chambre est toujours
9 d'avis que cette partie 1 est par trop longue à la lumière du fait que la
10 pertinence semble être très limitée. La Chambre pense donc que l'Accusation
11 devrait prendre les informations pertinentes de la partie 1 pour les faire
12 verser au dossier à l'occasion de l'interrogatoire au principal de M.
13 Theunens. L'Accusation doit informer la Chambre et la Défense du temps
14 complémentaire qu'elle estime nécessaire à cette fin.
15 C'est ce que nous avions à dire au sujet du témoignage de M. Theunens. Nous
16 allons lever l'audience pour aujourd'hui et reprendre lundi 21 octobre
17 2013, à 9 heures 30 du matin dans ce même prétoire, dans cette même salle
18 d'audience numéro I.
19 --- L'audience est levée à 14 heures 31 et reprendra le lundi 21 octobre
20 2013, à 9 heures 30.
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