Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 25 octobre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans la salle

  6   d'audience et dans les salles adjacentes.

  7   Madame la Greffière, je vais vous inviter à citer le numéro de l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 11   Si j'ai bien compris, les parties souhaitent aborder quelques questions à

 12   titre préliminaire. L'Accusation a demandé cinq minutes pour aborder la

 13   question de P1060.

 14   Je donne la parole à l'Accusation.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie. Passons à huis clos partiel,

 16   s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 19   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 21   Très brièvement, deux questions portant sur le calendrier. Le 22 octobre

 22   dernier, la Chambre d'appel a invalidé la décision de la Chambre de

 23   première instance portant sur son calendrier d'audience, lui demandant,

 24   entre autres, de prévoir des audiences quatre jours par semaine jusqu'à la

 25   fin de la présentation des moyens à charge de l'Accusation. La Chambre a

 26   informé les parties en date du 23 octobre 2013 des dates où elle n'aurait

 27   pas tendance à tenir audience. Et la Chambre aimerait savoir si cela agréée

 28   aux parties ?

 


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  1   Mme BIBLES : [interprétation] Pas d'objection de l'Accusation.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection de la part de la Défense.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En conséquence, nous avons décidé de ne

  4   pas avoir d'audience les jours comme suit : le 30 octobre, le 6 novembre,

  5   le 15 novembre, le 20 novembre, ainsi que le 29 novembre.

  6   On demande à l'Accusation d'informer la Défense et la Chambre de son

  7   calendrier de comparution de témoins d'ici à la fin de la journée

  8   d'aujourd'hui. En faisant cela, en adoptant son calendrier de comparution

  9   de témoins, l'Accusation devrait prendre en considération le fait qu'un

 10   volume très important de documents prévus pour être utilisés par le

 11   truchement du Témoin Tabeau, qui font l'objet de la onzième requête de

 12   l'Accusation aux fins d'adjonction de documents à sa liste 65 ter,

 13   n'apparaissent toujours pas en traductions anglaises disponibles dans le

 14   système du e-court. Cela a été communiqué par voie de correspondance

 15   informelle. L'Accusation ne peut pas se faire garantir l'autorisation

 16   d'ajouter des documents qui ne sont pas disponibles dans une langue

 17   officielle du Tribunal. Le Témoin Tabeau est actuellement prévu pour

 18   comparaître dans la semaine du 4 novembre 2013.

 19   Je suppose que cette question retiendra toute l'attention de l'Accusation.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, c'est exact. Nous avons consacré des

 21   ressources importantes uniquement à cela, le téléchargement de ces

 22   documents. C'est une tâche très lourde. Et nous allons aborder cette

 23   question-là, ainsi que celles du calendrier.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette information.

 25   Dans ce cas, il n'y a pas d'autres questions préliminaires, je vous demande

 26   donc de bien vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire. Il n'y a pas

 27   de mesures de protection, Monsieur Jeremy ?

 28   M. JEREMY : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. C'est exact, pas

 


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  1   de mesures de protection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce sera le Témoin Jonathon Riley ?

  3   M. JEREMY : [interprétation] C'est exact.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin dans le

  5   prétoire, s'il vous plaît.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Riley. D'après notre

 11   Règlement, nous vous demandons de prononcer la déclaration solennelle. Le

 12   texte, vous l'avez sous les yeux maintenant. Je vous demande de bien

 13   vouloir prononcer la déclaration solennelle.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : JONATHON RILEY [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Riley.

 19   Veuillez vous asseoir.

 20   Monsieur Riley, vous allez tout d'abord être interrogé par M. Jeremy, qui

 21   est conseil de l'Accusation. Il est sur votre droite.

 22   Monsieur Jeremy, c'est à vous.

 23   M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Interrogatoire principal par M. Jeremy :

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Riley.

 26   R.  Bonjour à vous.

 27   Q.  Veuillez nous donner vos coordonnées, nom, prénom, s'il vous plaît.

 28   R.  Je m'appelle Jonathon Peter Riley.


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  1   Q.  Vous souvenez-vous avoir remis une déclaration écrite au bureau du

  2   Procureur datée du 15 avril 1996 ?

  3   R.  Oui.

  4   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande au

  5   représentant du Greffe de bien vouloir afficher sur nos écrans le numéro 65

  6   ter 30421. Il s'agit là de la déclaration de ce témoin. 

  7   Q.  Monsieur Riley, une fois que le document sera affiché sur votre écran,

  8   je vous demande de bien vouloir regarder la partie qui se trouve en bas à

  9   droite de la version anglaise. Voyez-vous votre signature à cet endroit ?

 10   R.  Oui, tout à fait.

 11   M. JEREMY : [interprétation] Je demande maintenant à ce que nous regardions

 12   la dernière page du document en anglais, s'il vous plaît.

 13   Q.  Encore une fois, Général, reconnaissez-vous votre signature ici ?

 14   R.  Oui, tout à fait.

 15   Q.  Avez-vous eu l'occasion de lire et de revoir cette déclaration dans le

 16   cadre de votre préparation de votre déposition d'aujourd'hui ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Et d'après ce que j'ai compris, vous avez deux précisions que vous

 19   souhaitez apporter à votre déclaration.

 20   M. JEREMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions tout d'abord avoir

 21   la page 2, s'il vous plaît, dans les deux versions.

 22   Q.  Et nous allons regarder le paragraphe 5, Général. D'après ce que j'ai

 23   compris, vous souhaitez apporter une précision à la troisième phrase.

 24   R.  Oui, je vous remercie. Le paragraphe déclare que la zone d'exclusion

 25   totale de 3 kilomètres à l'extérieur de Gorazde s'appliquait aux deux

 26   parties et que les deux parties ont eu l'obligation de retirer leurs armes

 27   lourdes jusqu'à 20 kilomètres de la ville. Cette exigence ne s'appliquait

 28   qu'au côté serbe, et non pas au côté bosniaque.


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  1   Q.  Je vous remercie.

  2   M. JEREMY : [interprétation] Alors, la page du prétoire électronique, page

  3   6 en anglais, 7 en B/C/S, s'il vous plaît.

  4   Q.  Général, vous souhaitez apporter une précision au paragraphe 30, me

  5   semble-t-il, et en particulier la quatrième phrase qui se trouve à cet

  6   endroit ?

  7   R.  Oui, s'il vous plaît. Il est dit ici que le 29 [comme interprété] août,

  8   nous avons reçu des nouvelles des frappes aériennes de l'OTAN à Sarajevo.

  9   En réalité, nous avons reçu les informations sur le fait qu'il y avait eu

 10   le bombardement d'un marché à Sarajevo et que ceci allait sans doute

 11   conduire à des frappes aériennes de l'OTAN. A cette date-là, les frappes

 12   aériennes n'avaient pas encore eu lieu.

 13   Q.  Avec ces précisions, est-ce que vous confirmez la véracité,

 14   l'exactitude de cette déclaration ?

 15   R.  Oui, tout à fait.

 16   Q.  Et si on devait aujourd'hui vous poser des questions analogues que

 17   celles qu'on vous a posées, est-ce que, pour l'essentiel, vous répondriez

 18   de la même façon ?

 19   R.  Oui, tout à fait.

 20   M. JEREMY : [interprétation] Je demande à ce que soit versé au dossier ce

 21   document en tant que pièce suivante de l'Accusation, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30421 reçoit la cote P2543.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 2543 est versé au dossier.

 27   M. JEREMY : [interprétation]

 28   Q.  Général, vous avez fourni cette déclaration en 1996. D'après ce que


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  1   j'ai compris, vous avez été très actif sur un plan professionnel. Mais pour

  2   l'instant, je vous demande de bien vouloir nous décrire, aux Juges de la

  3   Chambre, les postes les plus élevés que vous avez occupés dans l'armée

  4   depuis, s'il vous plaît.

  5   R.  J'ai été général adjoint des forces de l'OTAN en Afghanistan.

  6   M. JEREMY : [interprétation] Je souhaite maintenant lire un résumé de la

  7   déclaration du témoin, que j'ai déjà expliqué au témoin.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

  9   M. JEREMY : [interprétation] Le général Jonathon Riley a commandé le 1er

 10   Bataillon des "Royal Welsh Fusiliers" lors de leur déploiement à Gorazde

 11   entre février et août 1995 dans le cadre de leur mission de maintien de la

 12   paix de la FORPRONU.

 13   Après les frappes aériennes de l'OTAN les 25 et 26 mai, le témoin a reçu un

 14   message par radio du commandant local, Radomir Furtula, indiquant qu'il

 15   avait reçu l'ordre de la part du général Mladic que si l'OTAN attaquait à

 16   nouveau les Serbes, il devait bombarder le camp du Bataillon britannique,

 17   étant donné que la Grande-Bretagne était un pays de l'OTAN. Deux jours plus

 18   tard, les postes d'observation sur les rives est et ouest de la Drina ont

 19   été attaqués par des Bosno-Serbes lourdement armés et 33 des hommes du

 20   bataillon du témoin ont été pris en otage.

 21   Le 28 août, le bataillon du général Riley s'est retiré de Gorazde, un

 22   retrait qui a fait l'objet d'un accord lors d'une réunion précédente en

 23   présence du général Smith, du général Riley et du général Mladic.

 24   Ceci conclut le résumé de la déclaration du témoin.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous avez d'autres questions à poser

 26   au témoin, je vous en prie, allez-y.

 27   M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Q.  Général, au paragraphe 14 de votre déclaration, qui est le P2543, page


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  1   3 en anglais et page 4 en B/C/S, vous déclarez qu'à la date du 26, le

  2   commandant serbe local, par le truchement d'un interprète -- que

  3   conformément aux ordres du général Mladic, s'il y avait d'autres frappes

  4   aériennes de l'OTAN, votre bataillon devait être bombardé. En page 5 sur le

  5   prétoire électronique, paragraphes 21 à 23, vous parlez de circonstances

  6   dans lesquelles deux jours plus tard, le 28 mai 1995, 33 des hommes de

  7   votre bataillon ont été pris en otage par les forces bosno-serbes. En vous

  8   fondant sur les observations qui étaient les vôtres à l'époque, d'après

  9   vous, quel était l'objectif de cette prise d'otages ?

 10   R.  Alors, j'ai estimé qu'il s'agissait d'une tactique différente pour

 11   réaliser le même objectif, comme l'était du reste la menace de

 12   bombardement, qui avait pour but d'empêcher d'autres frappes de l'OTAN

 13   contre les forces serbes.

 14   Q.  En qualité de commandant de bataillon, après la libération de 33 de vos

 15   hommes qui avaient été pris en otage, avez-vous eu l'occasion d'apprendre

 16   ce qu'ils avaient vécu lorsqu'ils étaient pris en otage, lorsqu'ils étaient

 17   otages ?

 18   R.  Oui, tout à fait. Je les ai tous rencontrés à Bugojno, en Bosnie

 19   centrale, où ils avaient été envoyés pour remplir leurs fonctions, et j'ai

 20   eu l'occasion de lire leurs dépositions et de m'entretenir avec un grand

 21   nombre d'entre eux, en particulier avec les officiers et les sous-

 22   officiers.

 23   Q.  Et lors de ces conversations, avez-vous pu comprendre quels étaient les

 24   endroits où ces 33 hommes ont été détenus ?

 25   R.  Oui, effectivement. Il me semblait qu'à l'origine, ils avaient été

 26   détenus ensemble en deux groupes et qu'ensuite on les avait emmenés à bord

 27   de véhicules. Ceux qui ont été emmenés sur la rive ouest semblent avoir été

 28   emmenés vers le nord, et ceux qui étaient sur la rive est semblent avoir


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  1   été emmenés vers le sud. Et les sous-officiers qui étaient tous deux

  2   responsables des deux groupes ont essayé de mettre ensemble les personnes

  3   deux par deux, par exemple, un soldat plus jeune et un soldat plus âgé,

  4   dans le cas où ils seraient séparés en tant que groupe. Et on les a lâchés,

  5   d'après leurs propres récits, on les a lâchés à différents endroits. Du

  6   nord au sud, cela correspondait à une distance de 200 kilomètres environ.

  7   Q.  Et en vous fondant sur cette réponse que vous venez de donner, je

  8   souhaite vous montrer une pièce à conviction.

  9   M. JEREMY : [interprétation] Est-ce que le représentant du Greffe peut

 10   afficher sur nos écrans le numéro 65 ter 19790. Il s'agit d'une carte qui

 11   nous montre les endroits où les 33 membres de "Royal Welsh Fusiliers" ont

 12   été détenus.

 13   Q.  Général, reconnaissez-vous la carte annotée que vous avez sous les yeux

 14   à l'écran ? Veuillez expliquer aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit et

 15   ce que représentent les points noirs ?

 16   R.  Oui. Il s'agit d'une carte de la Bosnie orientale. On y voit les

 17   frontières des trois corps de la VRS, et on y voit les endroits où les

 18   otages, d'après leurs récits, ont été lâchés. Et l'endroit qui se trouve le

 19   plus au sud était le groupe qui avait été capturé sur la rive est, à

 20   Bileca; et le groupe du nord, de Visegrad à Rogatica et vers le nord

 21   jusqu'à Zvornik, ce sont ceux qui ont été capturés sur la rive ouest.

 22   M. JEREMY : [interprétation] En me fondant sur la réponse du témoin, je

 23   demande le versement au dossier de cette carte en tant que document suivant

 24   de l'Accusation.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 19790 reçoit la cote P2544.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est versé au dossier.


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  1   M. JEREMY : [interprétation]

  2   Q.  Général, vous avez déjà cité le nom d'un de vos hommes qui a été pris

  3   en otage, lieutenant Nightingale. Et un "Lance Corporal" Michael Cornish a

  4   également été pris en otage ?

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   M. JEREMY : [interprétation] Je souhaite indiquer au compte rendu

  7   d'audience que les déclarations du lieutenant Nightingale et du "Lance

  8   Corporal" Cornish ont déjà été versées au dossier conformément à votre

  9   décision -- décision rendue en vertu du 92 bis le 19 octobre 2012.

 10   Q.  En tenant compte de vos réponses, Général, je vous demande de bien

 11   vouloir regarder une autre pièce à conviction.

 12   M. JEREMY : [interprétation] Je souhaite que nous affichions le P00789,

 13   s'il vous plaît.

 14   Q.  Il s'agit d'un ordre qui émane de l'état-major de la VRS, signé par le

 15   général Milovanovic et daté du 27 mai 1995, et qui porte sur l'accueil et

 16   le redéploiement des membres de la FORPRONU dans la zone de responsabilité

 17   du corps.

 18   Dans le premier paragraphe, pour paraphraser ce qui est dit dans cette

 19   déclaration, on y fait référence à l'intention de l'OTAN ou intention

 20   supposée de l'OTAN qui consisterait à continuer à bombarder des entrepôts,

 21   des installations, des infrastructures sur le territoire de la Republika

 22   Srpska. Le texte se poursuit en disant pour empêcher les dirigeants de

 23   l'OTAN à appliquer ou à mener à bien leurs intentions. Alors, une série

 24   d'ordres s'ensuit. Général, je souhaite que nous regardions ces ordres que

 25   nous trouvons au paragraphe 5, page suivante, s'il vous plaît.

 26   Au paragraphe 5, nous constations, entre autres, que :

 27   "Le commandement du Corps de la Drina va placer les troupes de la FORPRONU

 28   capturées ainsi que des membres d'autres organisations internationales dans


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  1   ces installations placées dans sa zone de responsabilité."

  2   Général, ceci -- cet ordre correspond-il à ce qui s'est véritablement passé

  3   et à ce que vos hommes ont vécu lorsqu'ils ont été pris en otage et compte

  4   tenu de leurs récits ?

  5   R.  D'après leurs récits et d'après les rapports et le retour d'information

  6   que nous avons eus, il était clair qu'ils pensaient tous avoir été lâchés

  7   dans des installations militaires par groupes de taille différente.

  8   Q.  Et en me fondant sur votre réponse, je souhaite que nous regardions une

  9   autre pièce à conviction.

 10   M. JEREMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le

 11   65 ter 05738A, s'il vous plaît.

 12   Q.  Il s'agit d'un ordre du commandement du Corps de la Drina daté du 27

 13   mai 1995 et qui parle particulièrement de l'ordre de l'état-major que nous

 14   venons de voir, le P789.

 15   M. JEREMY : [interprétation] La version en B/C/S n'est pas très lisible,

 16   mais nous avons fourni des copies papier plus lisibles à la Défense et aux

 17   cabines d'interprètes.

 18   Q.  Général, je vais vous demander de bien vouloir regarder, s'il vous

 19   plaît, les ordres qui se trouvent au milieu de la page de ce document,

 20   paragraphe 1, ordre :

 21   "Le commandement de la 5e Brigade d'infanterie légère de Podrinje, de

 22   capturer et de désarmer des membres des Nations Unies qui sont bloqués dans

 23   la région de Sjenokos."

 24   Ceci correspond-il avec ce qui est arrivé à vos observateurs dans le

 25   secteur ?

 26   R.  Oui. Sjenokos est une montagne qui se trouve sur la rive ouest de la

 27   Drina, au-dessus de Gorazde. Il y a là trois postes d'observation où ces

 28   hommes ont été faits prisonniers, pris en otage, et ces postes


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  1   d'observation se trouvaient là.

  2   Q.  Au paragraphe 3, on ordonne au commandant du 5e Bataillon de la section

  3   militaire de capturer les membres des Nations Unies et de les réinstaller à

  4   différents endroits en groupes de tailles différentes. Il y en a un à

  5   quatre emplacements différents.

  6   Encore une fois, cet ordre correspond-il à ce que vos hommes ont vécu

  7   compte tenu de ce qu'ils vous ont relaté ?

  8   R.  Même si les rapports ne pouvaient pas identifier les unités, tel que la

  9   répartition est indiquée ici, en tout cas la manière dont les choses ont

 10   été réparties, comme vous l'indiquez, correspond tout à fait à ce que m'ont

 11   dit mes hommes.

 12   M. JEREMY : [interprétation] Je demande à ce que soit versé au dossier ce

 13   document en tant que document suivant de l'Accusation.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 05738A reçoit la cote

 16   P2545.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P2545 est versé au dossier.

 18   M. JEREMY : [interprétation]

 19   Q.  Général Riley, sur le même thème, je souhaite vous montrer d'autres

 20   documents.

 21   M. JEREMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, s'il vous plaît,

 22   avoir le numéro 65 ter 15412, s'il vous plaît.

 23   Q.  Il s'agit d'un rapport de situation qui émane de l'état-major de la VRS

 24   et qui est daté du 28 mai 1995. Le rapport est envoyé au président de la

 25   Republika Srpska et à tous les commandants de différents corps d'armée.

 26   M. JEREMY : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, la page 6

 27   de la version anglaise, qui correspond à la page 3 de la version B/C/S.

 28   Q.  Général, j'aimerais que vous vous penchiez sur le paragraphe qui figure


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  1   en haut de la page en anglais. Et le paragraphe correspondant de la version

  2   B/C/S, c'est l'avant-dernier paragraphe. Dans la dernière phrase de ce

  3   premier paragraphe, que nous voyons dans la version anglaise, on peut lire

  4   :

  5   "Au cours de la journée, le Corps de Drina a capturé 27 membres des forces

  6   de l'ONU (des Anglais) et quatre véhicules blindés."

  7   Général, est-ce que vous pouvez nous livrer vos observations sur ce point

  8   particulier, s'il vous plaît ?

  9   R.  Oui. Je souhaite faire les deux commentaires suivants. Le premier,

 10   c'est que la plupart des hommes de mon bataillon qui ont été pris en otage

 11   n'étaient pas du tout des Anglais; c'étaient des Gallois. Et, par ailleurs,

 12   je suis certain que le fait d'avoir été décrits comme des Anglais serait

 13   insultant à leurs yeux. Par ailleurs, je relève une certaine discordance au

 14   niveau des chiffres. Nous avons les chiffres 33 et 27, et je pense que cela

 15   concerne le fait que l'un de nos quatre véhicules qui avaient été pris est

 16   tombé d'un chemin de montagne et s'est écrasé. Par conséquent, six soldats

 17   qui se trouvaient à bord ont été blessés. Ils ont été emmenés à un hôpital

 18   de la VRS à Visegrad, me semble-t-il. Et cela, en fait, permet d'expliquer

 19   cette discordance au niveau des chiffres.

 20   Q.  Quand vous parlez de cet écart qui existe au niveau des chiffres, vous

 21   parlez du nombre total des hommes qui ont été pris en otage ? Et ici, on ne

 22   voit que 27 personnes ?

 23   R.  En effet, 33 au total moins 27.

 24   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

 25   versement au dossier de ce document en tant que pièce suivante de

 26   l'Accusation.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 15412 reçoit la cote P2546,


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  1   Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2546 est admis au dossier.

  3   M. JEREMY : [interprétation]

  4   Q.  Général, puisque vous venez d'évoquer ces six soldats, j'aimerais vous

  5   présenter un dernier document.

  6   M. JEREMY : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, la pièce

  7   P2481, s'il vous plaît. C'est un ordre émanant du général Mladic et il

  8   concerne les soldats de la FORPRONU détenus. Le rapport porte la date du 2

  9   juin 1995. Il me faut la page 1 dans la version anglaise -- ou, plutôt, la

 10   page 1 dans la version B/C/S, qui correspond à la page 2 de la version

 11   anglaise.

 12   Q.  Général, au paragraphe 2, que nous voyons sur cette page, nous pouvons

 13   lire la phrase suivante :

 14   "Le commandant du Corps de Drina donnera la liberté aux six membres de la

 15   FORPRONU détenus qui sont soignés à l'hôpital de l'état-major principal de

 16   la VRS ainsi qu'aux cinq membres de la FORPRONU détenus à la caserne de

 17   Vlasenica. Ces personnes seront rendues entre les mains des organes du MUP

 18   à Sokolac ainsi qu'au personnel de la caserne de Vlasenica."

 19   Général, est-ce que vous voyez un lien entre ce paragraphe particulier et

 20   les six soldats que vous avez évoqués tout à l'heure en lisant le document

 21   précédent ?

 22   R.  Oui, et permettez-moi de vous fournir une réponse un peu plus longue.

 23   J'ai appris que ces six soldats ont été blessés grâce à une conversation

 24   par radio avec l'officier de liaison du général Mladic dans la municipalité

 25   serbe de Gorazde. Et puisque ces personnes avaient été blessées, j'ai

 26   demandé qu'on les relâche. Et par la suite, peu de temps après, j'ai appris

 27   - et c'est ce qui est indiqué dans le document - que, en effet, ils ont été

 28   mis en liberté, qu'ils avaient été soignés d'une façon tout à fait correcte


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  1   dans un hôpital. Et, par ailleurs, je dois ajouter que d'après ce que j'ai

  2   entendu de la part des personnes prises en otage, ils avaient tous été

  3   traités correctement pendant leur détention.

  4   Q.  Au paragraphe 4, nous pouvons lire :

  5   "Les commandants des autres corps d'armée et de la défense antiaérienne

  6   garderont les membres détenus de la FORPRONU dans leurs zones de

  7   responsabilité et dans les endroits où ils sont détenus actuellement

  8   jusqu'à nouvel ordre, conformément aux instructions fournies précédemment."

  9   Général, aujourd'hui au début de votre déposition, vous avez indiqué que

 10   lorsque 33 de vos hommes avaient été pris en otage au départ, vous avez cru

 11   qu'il s'agissait en fait de prévenir de nouvelles frappes aériennes de

 12   l'OTAN. Est-ce que vous vous en tenez toujours à cette interprétation des

 13   événements compte tenu de la situation telle qu'elle s'est développée sur

 14   le terrain ?

 15   R.  Oui, en effet. Il n'y a plus eu de frappes aériennes au cours de cette

 16   période, et même si je ne le savais pas à l'époque, j'ai appris par la

 17   suite qu'il y a eu des négociations et des discussions à cet effet.

 18   Q.  Merci, Général.

 19   M. JEREMY : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin,

 20   Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jeremy.

 22   Avez-vous appris quelque chose sur la manière dont ces six soldats ont été

 23   blessés ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que j'ai pu apprendre et d'après

 25   mes souvenirs, Monsieur le Juge, ils se trouvaient à l'arrière d'un

 26   véhicule blindé léger qui avait glissé d'une route d'assez mauvaise

 27   qualité, ensuite la voiture a fait un tonneau, et ensuite ils ont été

 28   blessés par l'équipement qui se trouvait à bord du véhicule et qui a été

 


Page 18312

  1   bousculé au cours de la chute.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est clair.

  3   Maître Lukic, êtes-vous près à entamer votre contre-interrogatoire du

  4   témoin ?

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je l'espère, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aussi.

  7   Monsieur Riley, vous allez maintenant être contre-interrogé par Me Lukic.

  8   Me Lukic représente la Défense de M. Mladic.

  9   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 11   R.  Bonjour. Comment allez-vous ?

 12   Q.  Très bien. Merci.

 13   R.  [aucune interprétation]

 14   Q.  En lisant votre déclaration précédente, j'ai pu m'apercevoir que vous

 15   parliez B/C/S.

 16   R.  Un tout petit peu.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si nous laissons cela à côté et

 18   si vous ne passez pas maintenant en gallois, qui, d'après ce que j'ai pu

 19   lire, fait partie des langues maîtrisées par le témoin, vous pouvez entamer

 20   le contre-interrogatoire, et nous pouvons espérer aussi de mener la

 21   déposition de ce témoin à sa fin au cours de la journée d'aujourd'hui.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne pense pas

 23   que je vais m'aventurer à parler le gallois. Malheureusement, ce n'est pas

 24   une langue que je maîtrise.

 25   Q.  Général, je vais poursuivre mon interrogatoire en B/C/S. Avez-vous

 26   l'accord de 1994 concernant Gorazde ?

 27   R.  Vous parlez de l'accord portant sur la zone d'exclusion totale ?

 28   Q.  En effet.


Page 18313

  1   R.  [aucune interprétation]

  2   Q.  Cet accord prévoyait-il le repli des forces musulmanes de certaines

  3   zones de l'enclave ?

  4   R.  Je n'ai pas cet accord sous les yeux en ce moment et -- enfin,

  5   permettez-moi de voir si je l'ai ici.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Nous pouvons afficher le document à l'écran. Il

  7   porte la cote D131.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le coup, je ne me souviens plus de

  9   disposition concernant le repli de la partie bosniaque. Bon, il est vrai

 10   que cet accord a été signé il y a 18 ans, et si les Juges de la Chambre

 11   sont bien d'accord, j'aimerais me pencher sur le document avant de me

 12   prononcer. Mais si mes souvenirs sont bons, le repli n'exigeait, ne

 13   demandait que le côté serbe.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Affichons, s'il vous plaît, la page 2 du

 15   document.

 16   Q.  Général, regardez le point numéro 3, s'il vous plaît. Nous pouvons y

 17   lire que :

 18   "Le commandant bosniaque s'engage à ne pas lancer d'action d'offensive." Et

 19   "… les seules personnes armées sur les parties rayées de la carte seront

 20   les membres de la FORPRONU."

 21   R.  En effet. Est-ce que je peux voir ces parties qui sur la carte étaient

 22   rayées ?

 23   Q.  Bien sûr.

 24   Etes-vous d'accord pour dire qu'à la page 3 de ce document, nous pouvons

 25   bien distinguer la zone rayée d'où le personnel musulman armé était censé

 26   se retirer, et pourriez-vous nous dire si c'est, en effet, quelque chose

 27   qui s'est produit sur le terrain ?

 28   R.  En effet. Nous voyons la ligne noire qui dessine la partie intérieure


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  1   de la zone hachurée sur la carte, et elle correspond aux tranchées qui

  2   étaient occupées par les forces bosniaques. Au-delà de ces tranchées et

  3   jusqu'à la fin de ce cercle de 3 kilomètres se trouvaient les postes

  4   d'observation de la FORPRONU ainsi que des postes de contrôle. 

  5   Q.  La zone qui est restée sous le contrôle des forces musulmanes était

  6   bien armée, bien fortifiée et bien défendue. Etes-vous d'accord avec ce

  7   constat ?

  8   R.  Vous parlez de la zone qui se trouve à gauche par rapport à la zone

  9   hachurée que nous avons examinée tout à l'heure ?

 10   Q.  Oui.

 11   R.  Je suis d'accord pour dire que la défense était en bon état. Il y avait

 12   de longues tranchées qui avaient été construites et il y avait aussi des

 13   champs de mines. Quant aux armes dont disposaient les troupes, les soldats

 14   qui étaient de service dans les tranchées avaient des armes légères. Mais

 15   au-dessus du niveau d'une compagnie ou d'un bataillon, du côté bosniaque,

 16   j'ai vu très peu d'armes lourdes. Pendant toute la période que j'ai passée

 17   à Gorazde, je n'ai vu qu'un char, deux pièces d'artillerie et un certain

 18   nombre de mortiers qui n'avaient, pourtant, qu'une portée relativement

 19   limitée. Donc je m'exprime en tant qu'un militaire de carrière qui à

 20   l'époque avait quelque 20 ans d'expérience, et je vous dis qu'à mon avis

 21   ils étaient armés plutôt légèrement.

 22   Q.  Savez-vous que les forces de la 81e Division de l'armée de la BiH

 23   déployées à Gorazde se sont multipliées lorsque cette zone a été proclamée

 24   zone de sécurité ?

 25   R.  Je ne me trouvais pas à Gorazde à l'époque. Cet événement s'est produit

 26   plus de six mois -- voire neuf mois avant mon arrivée, me semble-t-il. Tout

 27   ce que je peux vous dire, c'est qu'au moment où je suis arrivé sur place,

 28   la 81e Division était déjà bien organisée. Elle comprenait quatre [comme


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  1   interprété] brigades déployées sur le terrain, une brigade chargée de

  2   manœuvre appelée la brigade des forces spéciales, et elle comptait à mon

  3   avis quelque 8 500 soldats. Ils avaient des armes pour peut-être 6 000

  4   soldats ou 6 500. Ils étaient très bien motivés et ils avaient des

  5   dirigeants compétents, mais ils n'avaient pas la capacité de communiquer

  6   facilement, de transférer les ordres et les messages.

  7   Q.  Etiez-vous au courant du projet de relier la zone de Gorazde avec celle

  8   de Sarajevo par voie militaire ?

  9   R.  Je n'ai jamais été mis au courant de l'existence d'un tel plan, d'un

 10   tel projet.

 11   Q.  Etiez-vous au courant de plusieurs attaques qui avaient été lancées

 12   contre les positions serbes depuis Gorazde ?

 13   R.  Pendant ma mission à Gorazde et jusqu'au moment où les hostilités ont

 14   éclaté le 28 mai, je n'avais pas été mis au courant d'aucune attaque montée

 15   par les Bosniaques depuis cette zone. Si j'avais été mis au courant de

 16   l'existence de telles attaques, alors j'aurais fait de mon mieux pour les

 17   prévenir.

 18   M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions brièvement

 19   sur un document de l'Accusation qui porte la cote 14667, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, vous dites -- vous avez

 21   parlé, en fait, d'une pièce de l'Accusation. Est-ce que c'est véritablement

 22   une "pièce à conviction" qui porte une cote P, ou s'agit-il plutôt d'un

 23   document de la liste 65 ter ?

 24   M. LUKIC : [interprétation] Un document de la liste 65 ter. Q.  Ceci est un

 25   document qui émane de l'armée de la Republika Srpska. Il porte la date du 3

 26   mars 1995.

 27   M. LUKIC : [interprétation] C'est un document que j'ai ajouté au dernier

 28   moment, si bien que les pages ne sont pas très bien organisées, ou je n'ai


Page 18316

  1   pas très bien noté les références. Mais il nous faut la page 2 de la

  2   version en B/C/S, qui correspond probablement à la page 2 de la version

  3   anglaise. Et ce qui nous intéresse, c'est le texte qui figure au point 5.

  4   Q.  Donc, en haut de la page en version anglaise, vous pouvez voir qu'on

  5   indique ici que le long de l'axe Gorazde-Cajnice, on tire sur les civils du

  6   village de Kazagici en se servant des armes d'infanterie. Etes-vous

  7   d'accord avec moi pour dire que compte tenu de la taille de cette enclave,

  8   vous ne pouviez pas être au courant de toutes les activités entreprises par

  9   l'armée de la BiH, et notamment par la 81e Division ?

 10   R.  Je suis d'accord sur ce point.

 11   Q.  Prenons le point 6, en conservant toujours la même page en anglais. Ce

 12   que nous voyons ici c'est qu'au (a), le texte se lit comme suit, vers la

 13   fin :

 14   "Dans la matinée, dans l'enclave de Gorazde, depuis le village de Radici,

 15   l'ennemi a ouvert le feu sur une patrouille de la FORPRONU. A cette

 16   occasion, un militaire ukrainien a été blessé."

 17   Etes-vous au courant de cet événement ?

 18   R.  Excusez-moi, je dois dire que je n'en ai gardé aucun souvenir.

 19   Q.  Le renseignement vous a-t-il fourni des informations au printemps 1995

 20   comme quoi une grande offensive était en préparation du côté des forces

 21   musulmanes qui devait englober l'ensemble du territoire de Bosnie-

 22   Herzégovine et qui devait permettre de lever le siège de Sarajevo ?

 23   R.  Excusez-moi, j'essaye de me rappeler ce que je savais il y a 18 ans et

 24   ce que j'ai appris par la suite. Je faisais partie des forces des Nations

 25   Unies et, en tant que tel, nous ne recueillions pas le renseignement de la

 26   manière dont une force conventionnelle le ferait puisque nous n'étions pas

 27   partie belligérante. Une guerre était en cours entre les parties opposées,

 28   et ce que nous apprenions sur les intentions d'une partie ou de l'autre


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  1   provenait de nos propres observations et conversations, s'appuyait sur les

  2   médias, était donc du domaine public, et parfois ce sont nos instances de

  3   pouvoir nationales qui nous fournissaient du renseignement lorsqu'il était

  4   nécessaire de nous protéger.

  5   Je pense que, en effet, on a pu voir des indices, des signes, annonçant une

  6   offensive des forces bosniennes autour de Sarajevo. Et je pense que nous

  7   savions --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic -- Monsieur Mladic, ne

  9   parlez pas aussi fort.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Le moment de la pause est venu.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le moment de la pause est venu.

 12   Mais, peut-être, invitons le témoin à terminer sa réponse.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, donc je reprends et je résume.

 15   Donc je pense que nous avons compris que du côté bosnien on avait

 16   l'intention de lever le siège de Sarajevo, mais vu les distances, vu la

 17   topographie du terrain, vu la puissance des forces de la VRS entre les

 18   enclaves à l'est et Sarajevo, cela m'a incité à penser qu'il était très peu

 19   probable qu'ils opèrent cette jonction et que cela ne changerait pas la

 20   situation.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que le moment s'y prête ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on peut, s'il vous plaît,

 24   permettre au témoin de quitter la salle d'audience.

 25   Revenez dans 20 minutes, s'il vous plaît, Monsieur Riley.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   M. LUKIC : [interprétation] Avant que le document ne soit enlevé de nos

 


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  1   écrans, je vais peut-être demander qu'il soit versé au dossier.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  3   M. JEREMY : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

  5   Madame la Greffière.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 14667 reçoit pour cote

  7   D388.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document D388 est admis au dossier.

  9   Nous allons faire une pause et nous reprendrons à 10 heures 55.

 10   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

 11   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, si j'ai pris la parole,

 13   il n'y a plus lieu que vous vous exprimiez à haute voix vous-même.

 14   Je demande que l'on fasse entrer le témoin dans le prétoire.

 15   En attendant que le témoin n'entre dans la salle d'audience, je saisis

 16   l'occasion pour m'occuper des documents D245 et D246. Le 26 février, la

 17   Défense a utilisé deux extraits vidéo par le truchement du Témoin Overgard,

 18   ces documents ont reçu des cotes provisoires aux fins d'identification. La

 19   Chambre s'est penchée sur les arguments des parties qui ont été exposés

 20   dans la salle d'audience le 26 février, le 25 et le 26 juillet 2013. Je

 21   vous renvoie aux pages du compte rendu d'audience 9 199 à 9 200; 9 214, et

 22   le texte se termine sur la même page; la page 15 098; page 15 148 et page

 23   15 182. En conséquence, la Chambre décide que ces deux extraits vidéo sont

 24   désormais admis au dossier de l'affaire.

 25   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Maître Lukic,

 28   poursuivez avec votre contre-interrogatoire.

 


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  2   Brièvement, le document 1D1355, s'il vous plaît.

  3   Q.  Général, comme vous pouvez le voir vous-même, nous avons sous les yeux

  4   --

  5   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous avons une traduction anglaise

  6   de ce document ?

  7   Q.  Sinon, je vous dirai de quoi il s'agit. C'est un document qui émane de

  8   l'état-major principal. Il porte la date du 16 avril 1995. En page 3 de ce

  9   document, le texte se lit, dans la partie surlignée en jaune, que dans le

 10   secteur de Gorazde, les Musulmans ont intensifié leurs activités depuis les

 11   parties nord et sud de l'enclave, et que les unités de Gorazde ont été

 12   probablement redéployées par eux dans le secteur de Zorovici et Gahevar

 13   [phon] afin de pouvoir lancer une attaque vers Grebak. Il est dit dans la

 14   suite que le commandement de la FORPRONU de Gorazde a adressé une

 15   protestation à cause du fait que la population et la FORPRONU de Gorazde se

 16   seraient trouvées menacées par cela et ont menacé de lancer une action par

 17   l'aviation de l'OTAN si ces activités ne s'arrêtaient pas. En estimant que

 18   ceux-là cherchent à créer de meilleures conditions pour préparer les forces

 19   musulmanes pour l'offensive à venir.

 20   Saviez-vous qu'on était en train de retirer les forces musulmanes de

 21   Gorazde et de les redéployer vers les secteurs d'où ils attaquaient les

 22   positions serbes ?

 23   R.  Très certainement, je n'ai été au courant de rien de tout cela. Et je

 24   ne pense pas que cela aurait été possible, puisque l'enclave était

 25   encerclée par l'armée serbe. Les forces musulmanes n'avaient aucun moyen de

 26   déployer leurs forces, si ce n'est à pied. Je ne sais pas sur quoi se fonde

 27   cette affirmation, mais cela me parait impossible. Et en tant que

 28   commandant de la FORPRONU de Gorazde, donc c'est moi lançant une


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  1   protestation et menaçant de lancer des frappes aériennes. Excusez-moi, je

  2   n'étais pas un officier de l'OTAN à ce stade. Je n'étais pas en mesure de

  3   faire ce type de déclaration, et je ne me rappelle absolument pas que cela

  4   ait eu lieu.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que cela est

  6   peut-être possible que vous ayez mentionné des frappes aériennes de l'OTAN,

  7   que vous en ayez parlé en tant que conséquence possible ou résultat de

  8   quelque chose, même si vous n'étiez pas là en tant qu'officier du

  9   commandement de l'OTAN ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours d'un échange, d'une conversation,

 11   Monsieur le Président, cela aurait pu être mentionné. Mais je n'en ai aucun

 12   souvenir.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Et je n'étais qu'un commandant de bataillon.

 15   Je n'étais pas placé sous le commandement de l'OTAN, et je n'avais

 16   absolument pas la compétence, le pouvoir, de proférer ce genre de menace.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, continuez, Maître

 18   Lukic. Donnez-nous un peu plus d'information sur ce document de l'état-

 19   major principal qui a été émis par Salapura. Est-ce un ordre ?

 20   M. LUKIC : [interprétation] Il est dit qu'il s'agit d'une information qui

 21   relève du renseignement et que cette information est adressée au ministère

 22   de l'Intérieur et au service de la Sûreté de l'Etat. Donc c'est une

 23   information que l'armée adresse à la police.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous en demandez le

 25   versement ?

 26   M. LUKIC : [interprétation] Nous ne pouvons demander qu'une cote provisoire

 27   en attendant la traduction du texte.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Cela étant dit, j'aimerais en demander le

  2   versement, effectivement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, quelle serait la

  4   cote de ce document ?

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1355 reçoit pour cote MFI

  6   D389.

  7   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez un instant.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document D389 reçoit une cote aux

 12   fins d'identification.

 13   Veuillez poursuivre.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi, Général, pour dire que l'armée de la

 16   Republika Srpska était en défensive à ce moment-là et qu'elle n'avait pas

 17   suffisamment de forces pour lancer une offensive et qu'elle ne pouvait pas

 18   à ce moment-là capturer de nouveaux territoires ?

 19   R.  Est-ce que vous me parlez de la date du 16 avril ?

 20   Q.  Oui.

 21   R.  Le 16 avril, ce qui était toujours en place, c'était l'accord de

 22   cessation des hostilités qui avait été négocié par Jimmy Carter, et je

 23   pense que sa date d'expiration était le 1er mai. Donc, compte tenu que les

 24   parties serbe et bosnienne s'étaient mises d'accord pour respecter les

 25   termes de cet accord, et sur ce point je serais d'accord avec vous, la

 26   partie serbe était sur la défensive à ce moment-là.

 27   Q.  Mais partout sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, si vous

 28   connaissez la situation qui prévalait en Bosnie-Herzégovine, eh bien, ne


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  1   pourrait-on pas dire que l'armée de la Republika Srpska n'avait lancé

  2   d'offensive nulle part ?

  3   R.  Le 16 avril ?

  4   Q.  Oui, le 16 avril, par exemple.

  5   R.  Pour autant que je le sache, ils n'avaient lancé d'offensive nulle part

  6   en Bosnie le 16 avril.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Même à Sarajevo ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, mais je n'étais

  9   pas à Sarajevo moi-même. Donc c'est tout ce je puisse vous dire. Je suis

 10   désolé.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la terminologie utilisée peut peut-

 13   être aussi être importante ici. Lorsqu'on dit être sur l'offensive, est-ce

 14   que cela veut dire lancer des actions d'offensive ou maintenir ses

 15   positions qu'on a obtenues après avoir lancé des offensives de par le passé

 16   ? Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire. Je ne sais pas si je

 17   vous comprends parfaitement.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est en employant un langage militaire. Eh

 19   bien, à mon sens, cela voudrait dire que la force, soit avance pour

 20   attaquer plutôt que de maintenir ses positions qu'elle tient, ou qu'elle

 21   tire dans le cadre d'une offensive.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ouvrir le feu ou tirer pour maintenir

 23   un statu quo, cela ne veut pas dire être sur l'offensive ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui, en fait. En principe, aucune

 25   des parties ne devrait ouvrir le feu si nous sommes dans une situation de

 26   cessation d'hostilités, du respect de l'accord portant là-dessus.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui devrait être le cas et ce qui est

 28   le cas n'est pas toujours exactement la même chose. Je ne sais pas si vous


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  1   pouvez développer un petit peu : est-ce qu'on a pleinement respecté la

  2   cessation d'hostilités, dans la mesure où vous le savez ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Généralement, ça a été respecté dans le

  4   secteur de Gorazde. Il y a eu des violations, mais rien ne me permet de

  5   penser que ça a été partie intégrante d'un plan délibéré de quelque partie

  6   que ce soit présente à Gorazde. Le Procureur m'a demandé si je pouvais être

  7   au courant de tout ce qui se passait dans mon secteur et ma réponse a été

  8   non. Il faut appliquer la même chose au commandant de la 81e Division

  9   bosnienne, ainsi qu'au commandant serbe de l'autre côté, ainsi qu'au

 10   général Mladic lui-même. Ils se sont peut-être simplement contentés de

 11   signer l'accord.

 12   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne veut pas dire que tout ce que leurs

 14   subordonnés faisaient --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait que je vérifie si c'est le

 16   Procureur qui vous a demandé si vous étiez au courant de tout --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   M. LUKIC : [interprétation]

 20   Q.  Reprenons la question de Gorazde. Est-ce que vous saviez que les unités

 21   musulmanes avaient apporté par hélicoptère à Gorazde des armes ?

 22   R.  J'ai entendu dire qu'il y avait eu des vols, des sorties d'hélicoptère,

 23   dans un sens comme dans l'autre, donc vers l'enclave et vers l'extérieur de

 24   l'enclave. C'est uniquement plus tard que j'allais apprendre qu'un

 25   hélicoptère s'était écrasé et qu'il a tué un certain nombre de personnes,

 26   mais je ne sais pas ce qu'il transportait. Ça, je ne peux pas vous en

 27   parler.

 28   Q.  Alors, est-ce que vous savez, pour ce qui est de la ville elle-même,


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  1   quelles sont les installations militaires, des commandements militaires,

  2   qui étaient sur place ? Est-ce que vous savez leurs emplacements ?

  3   R.  Je savais où était le QG de la division parce qu'il m'est arrivé d'y

  4   aller dans le cadre de ma mission de liaison. Je m'y rendais régulièrement,

  5   tout comme je me rendais au QG serbe dans la municipalité serbe. Et je

  6   connaissais au moins un QG de brigade, mon commandant de compagnie s'y

  7   rendait. Et je savais où se trouvait l'usine de munitions qui était là

  8   avant la guerre, c'était au nord de la ville. Et, bien sûr, je savais où se

  9   trouvaient les positions de défense, les tranchées, autour de la ville.

 10   Q.  A la mi-mai, et vous nous dites que vous connaissiez un peu la

 11   situation qui prévalait à Sarajevo, vous savez qu'une offensive de grande

 12   envergure a été lancée depuis Sarajevo pour lever le siège de Sarajevo et

 13   pour opérer une jonction avec Gorazde. J'aimerais savoir si vous êtes au

 14   courant de l'existence de cette offensive, je ne parle pas maintenant de

 15   son succès ou de son échec ?

 16   R.  Je savais que l'offensive était lancée. Mais je n'étais pas au courant

 17   que l'objectif était d'opérer une jonction avec Gorazde. Si je me souviens

 18   bien, cela ne m'a jamais été communiqué d'aucune manière, et je ne me

 19   souviens pas que le commandant de la division bosnienne de Gorazde ait

 20   pensé que c'était possible de se relier, d'opérer cette jonction.

 21   Q.  Est-ce que vous savez quelles étaient les actions de la 81e Division de

 22   l'ABiH eu égard à cette offensive visant à lever le siège de Sarajevo, qui

 23   était censé attirer les forces serbes pour les éloigner de Gorazde ?

 24   R.  Ecoutez, je suis désolé, Maître Lukic, je ne pense pas bien comprendre

 25   votre question. Le gros de la 81e Division se trouvait dans la ville et à

 26   l'extérieur, autour de la ville de Gorazde, donc c'est à l'opposé de la

 27   partie de l'enclave qui se trouve face à Sarajevo. Donc je ne suis pas au

 28   courant du fait que la 81e Division ait affaibli son effectif autour de la


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  1   ville afin de se rendre ailleurs, lancer des actions ailleurs. Elle n'avait

  2   pas les moyens de le faire. Elle n'avait ni la mobilité, ni la puissance de

  3   feu, ni l'effectif lui permettant de faire cela.

  4   Q.  Savez-vous qu'à Gorazde il y avait une usine qui s'appelait Pobjeda ?

  5   R.  C'est l'usine qui se trouve au nord de la ville, l'usine de munitions

  6   qui date d'avant la guerre ?

  7   Q.  Savez-vous si cette usine a fabriqué les munitions pendant la guerre ?

  8   Et oui, c'est cette usine-là.

  9   R.  Je suis jamais entré à l'intérieur. Je n'étais pas autorisé à le faire.

 10   Mais je suis certain que cette usine fabriquait des munitions pour petites

 11   armes, pour fusils ainsi que des mitrailleuses, et également des mines

 12   antipersonnel. Je crois qu'elle fabriquait également des obus de mortier.

 13   Q.  Et savez-vous que l'usine qui fabriquait de l'azote qui existait à cet

 14   endroit fabriquait également des engins explosifs ? Savez-vous de quel type

 15   il s'agissait, ce qu'ils fabriquaient ?

 16   R.  Alors, je ne suis pas au courant de cela. Si vous avez l'intention de

 17   fabriquer les munitions, il est clair que vous allez fabriquer un

 18   propergol. Cela devait venir de quelque part, je serais surpris si ce

 19   n'était pas le cas.

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas les raisons pour lesquelles

 22   cette usine n'aurait pas fabriquer les munitions.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, tout d'abord, Monsieur Mladic,

 24   il faut attendre un instant.

 25   Vous avez une pratique maintenant communément établie qui consiste à donner

 26   des petits papiers à la Défense pour communiquer, qui devient maintenant

 27   une pratique courante, et qui interrompt sans cesse le débat parce que M.

 28   Mladic parle d'une voix forte.


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  1   Maître Lukic, faites attention, cette pratique ne peut être appliquée qu'à

  2   titre exceptionnel. Et il ne faut pas interrompre ainsi les débats ni la

  3   déposition des témoins. Il semble que M. Mladic souhaite vous consulter

  4   pendant quelques instants. Consultation courte, mais encore une fois,

  5   uniquement à voix basse.

  6   [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître

  8   Lukic.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Général, pardonnez-moi, je dois simplement vous poser une question

 11   encore concernant les munitions. Avez-vous entendu parler du fait que les

 12   munitions de vibration ont été fabriquées à Gorazde, c'étaient des

 13   munitions antiblindées ?

 14   R.  Non. Et je n'ai pas le souvenir d'avoir vu des armes antichars, à

 15   l'exception de quelques RPG-7.

 16   Q.  Avez-vous eu l'occasion de vous rendre dans le dépôt de Kopaci, qui

 17   était placé sous le contrôle de la 81e Division de l'ABiH à Gorazde ?

 18   R.  Alors, je ne le pense pas.

 19   Q.  C'est un entrepôt qui est souterrain.

 20   R.  Je ne m'y suis jamais rendu. Je suis même pas certain d'en avoir connu

 21   l'existence. Et comme l'usine de munitions, je suis sûr que la 81e Division

 22   n'aurait pas souhaité que je la voie.

 23   Q.  Merci. Nous allons maintenant regarder un document, et je vais vous

 24   poser des questions sur Gorazde, même si le document concerne Sarajevo.

 25   Nous lui avons attribué une cote provisoire qui est le 1D602. Il s'agit

 26   d'un document qui émane de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine.

 27   C'est un document qui émane du commandement du 1er Corps, et la date est

 28   celle du 16 mai 1995.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Dans le prétoire électronique, en anglais ainsi

  2   qu'en B/C/S, il nous faut afficher la page 3. Et il nous faut regarder le

  3   point 4.1, qui décrit les activités de la FORPRONU.

  4   Q.  Alors, nous pouvons constater que le document dit que les membres de la

  5   FORPRONU ne sont pas autorisés à entrer ou à sortir, d'après la demande de

  6   la 12e Division. Les troupes des Nations Unies ont quitté leurs postes de

  7   contrôle à Debelo Brdo et à Hladnjaca à cause des combats. Un char chetnik

  8   à Grbavica, rue Petrovacka, a touché un poste d'observation des Nations

  9   Unies à Demino Brdo.

 10   "Les membres du 2e Bataillon français ont photographié l'usine Zrak

 11   mais ont été détenus par le MUP, le ministère de l'Intérieur. On a

 12   confisqué le film de ces personnes. A 22 heures 30 hier soir, deux membres

 13   du Bataillon ukrainien ont été arrêtés au poste de contrôle de Lipa et ont

 14   été remis aux organes de la sécurité de la 12e Division."

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Voici ma question : au cours de cette période, les forces musulmanes

 17   ont-elles imposé des restrictions sur la circulation des membres de la

 18   FORPRONU à Gorazde ?

 19   R.  Veuillez me donner la date encore une fois, s'il vous plaît.

 20   Q.  Le document est daté du 16 mai 1995.

 21   R.  Non, pas à ce moment-là. Beaucoup plus tard, effectivement; mais pas à

 22   ce moment-là.

 23   Q.  Quand vous étiez à Gorazde, vous avez pu certainement apprendre

 24   que 12 500 Serbes y habitaient auparavant. Et, à l'exception de quelques

 25   personnes, ils ont tous été chassés de ce secteur. Etiez vous au courant de

 26   cela ?

 27   R.  Alors, je le savais d'après le recensement qui datait d'avant la

 28   guerre, je savais que plus de 11 000 Serbes - et je n'ai aucune raison de


Page 18329

  1   mettre en doute le chiffre que vous avancez - habitaient dans l'enclave, et

  2   que lorsqu'il y a eu le nettoyage ethnique des différents groupes ethniques

  3   sur l'ensemble de la Bosnie orientale de part et d'autre, je savais que des

  4   Serbes, effectivement, avaient été chassés et, dans certains cas, tués à

  5   Gorazde. On m'a montré leurs maisons. Et je savais, en tout cas, qu'il ne

  6   restait que 11 000 Serbes qui habitaient encore à l'intérieur de l'enclave

  7   au moment où je suis arrivé.

  8   Q.  Merci. A l'époque, en mai 1995, y avait-il des prisons pour les civils

  9   serbes à Gorazde ?

 10   R.  Je ne le pense pas, mais je ne m'en souviens pas. Je ne le pense pas.

 11   Q.  Dans votre déclaration, P2543 -- cela étant dit, est-ce que vous

 12   disposez d'une copie papier de votre déclaration ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Paragraphe 14, s'il vous plaît. C'est la page 3 de l'anglais et la page

 15   4 en B/C/S.

 16   Dans ce paragraphe, vous parlez des frappes aériennes de l'OTAN au mois de

 17   mai de l'année 1995, et vous dites :

 18   "On m'avait prévenu à l'avance des frappes aériennes de l'OTAN qui ont eu

 19   lieu à la fin du mois de mai."

 20   Quand avez-vous été averti du fait qu'il y aurait des frappes aériennes de

 21   l'OTAN à la fin du mois de mai ?

 22   R.  Il me semble que c'était 24 heures avant que cela ne se passe.

 23   Q.  Et c'était une pratique courante, à savoir d'être averti avant qu'il

 24   n'y ait des frappes aériennes, de façon à ce que vous puissiez prendre des

 25   mesures de protection adéquates ?

 26   R.  Alors, c'était la première fois, en tout cas, pour ce qui est du temps

 27   que j'ai passé à Gorazde. Il n'y avait pas de procédure standardisée. Je

 28   crois que c'était - quel est le terme ? - c'était le général Smith qui


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  1   faisait attention, parce qu'il souhaitait que les mesures soient prises

  2   pour que nous puissions nous protéger.

  3   Q.  Alors, qui précisément vous en a informé ? Etait-ce le général Smith

  4   personnellement ou était-ce un de ses aides de camp ?

  5   R.  Malheureusement, je ne m'en souviens pas. Je pense qu'il devait s'agir

  6   du lieutenant-colonel qui dirigeait son bureau, je ne m'en souviens pas. Je

  7   crois que je m'en serais souvenu s'il s'était agi du général Smith lui-

  8   même, donc c'est la raison pour laquelle je pense que ce n'était pas le

  9   cas.

 10   Q.  En fonction de cet avertissement qui précisait que les frappes

 11   aériennes de l'OTAN étaient imminentes…

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quelle est votre question, Maître

 13   Lukic ?

 14   M. LUKIC : [interprétation]

 15   Q.  Alors, en fonction des avertissements selon lesquels les frappes

 16   aériennes de l'OTAN seraient lancées…

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, votre question n'est pas claire,

 18   Maître Lukic. Vous dites : En fonction des avertissements, et que voulez-

 19   vous dire ? Avez-vous agi ? Quelle est votre question ?

 20   M. LUKIC : [interprétation] Je vois qu'il manque une partie de la

 21   traduction de la question.

 22   Q.  Alors, en fonction de cet avertissement, quelle partie était censée

 23   être touchée par ces attaques de l'OTAN ?

 24   R.  La partie serbe.

 25   Q.  Les Musulmans ont-ils été avertis de ces frappes 

 26   imminentes ? Savez-vous quelque chose à ce sujet ?

 27   R.  Je ne m'en souviens pas. Il serait surprenant qu'ils ne le sachent pas

 28   et s'il n'y avait pas une liaison à cet effet à Sarajevo, mais je dois vous


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  1   dire que je ne m'en souviens pas.

  2   Q.  Bon. Dans votre unité, il y avait des membres du SAS ?

  3   R.  Oui, il y avait deux équipes de quatre, ce qui correspond à huit au

  4   total.

  5   Q.  Leur rôle consistait à guider les aéronefs de l'OTAN sur les positions

  6   serbes. Est-ce que vous êtes d'accord ?

  7   R.  Alors, un de leurs rôles consistait à agir en tant que partie censée

  8   assurer le contrôle aérien tactique pour diriger les aéronefs sur une cible

  9   qui avait été désignée comme telle. Leur autre rôle consistait à assurer

 10   des fonctions de liaison entre le général Smith, le commandant de la

 11   FORPRONU, et les parties.

 12   Q.  Alors, ces membres du SAS étaient-ils membres de la FORPRONU ou de

 13   l'OTAN ?

 14   R.  Ils étaient membres de la FORPRONU.

 15   Q.  D'après vous - et je vous pose la question en m'adressant à vous en

 16   tant que soldat - un pilote qui tire sur une position serbe constitue-t-il

 17   une cible légitime pour les défenses serbes ?

 18   R.  Si l'aéronef intervenait sous l'autorité des Nations Unies aux fins

 19   d'assurer la protection dans le cas d'une mission du maintien de la paix,

 20   dans ce cas, non, cela n'était pas une cible légitime parce que les Nations

 21   Unies n'étaient pas engagées dans la guerre. D'après ce que je sais, à

 22   l'époque, toutes les frappes aériennes qui ont reçu l'autorisation du

 23   représentant spécial des Nations Unies, eh bien, comme c'était le cas, cela

 24   faisait partie de la mission.

 25   Q.  Et donc, d'après vous, les Serbes devaient simplement attendre et être

 26   tués par les aéronefs de l'OTAN ?

 27   R.  Les Serbes, effectivement, ou l'autre partie ne pouvaient attirer

 28   l'attention des aéronefs de l'OTAN qui avaient été transférés à la FORPRONU


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  1   que s'ils menaient des actions qui justifiaient d'une telle attaque. Alors,

  2   pour éviter cela, il suffisait simplement de ne pas mener ce type

  3   d'opération ou d'action.

  4   Q.  Alors, vous ne répondez pas à ma question. Parce que, d'après vous,

  5   tout ce que les Serbes pouvaient faire pendant les frappes aériennes de

  6   l'OTAN était simplement d'attendre, de ne rien faire et d'attendre d'être

  7   tués par l'OTAN, sans avoir la possibilité d'avoir une quelconque défense

  8   légitime.

  9   R.  Alors, je vois où vous voulez en venir. Si vous êtes en plein milieu

 10   d'une guerre, évidemment, la défense légitime est tout à fait autorisée.

 11   Mais dans ce cas-ci, les forces de la FORPRONU n'étaient pas une partie

 12   prenante à la guerre. Les forces de la FORPRONU étaient là à cause de la

 13   guerre et à cause du mandat qui leur avait été confié, et le mandat doit

 14   être protégé, et le mandat droit être protégé de façon impartiale. Et donc,

 15   quand on est impartial, cela ne signifie pas que les forces qui sont là se

 16   comportent exactement de la même façon envers les deux parties. Cela fait

 17   partie de la définition même de l'impartialité des Nations Unies. On avait

 18   dit à la partie serbe à maintes reprises, et c'est le général Smith qui

 19   leur avait enjoint, de ne pas faire certaines choses et qu'il y aurait des

 20   conséquences si ce n'était pas le cas. Et les Serbes ont continué à agir de

 21   la sorte et, donc, ont dû subir les conséquences, et les conséquences

 22   consistaient à être bombardés.

 23   Q.  Et, d'après vous, les Serbes n'avaient pas le droit de se défendre

 24   contre les frappes aériennes de l'OTAN ?

 25   R.  Les frappes aériennes de l'OTAN ont été lancées pour protéger ou

 26   défendre la mission de la FORPRONU ainsi que de ses troupes. Alors, je ne

 27   sais pas ce que dirait un avocat, parce que je ne suis pas avocat moi-même.

 28   Je ne peux que vous réitérer que le bombardement avait pour but de protéger


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  1   les forces de l'OTAN -- non, pardonnez-moi, de protéger la FORPRONU et sa

  2   mission qui consistait surtout à protéger les civils qui ont été attaqués.

  3   La partie serbe avait été enjointe de ne pas faire certaines choses; elle

  4   l'a fait et, donc, a dû subir des conséquences ou ce type de riposte.

  5   Q.  Alors, les soldats qui se trouvaient à terre et qui guidaient les

  6   aéronefs ne peuvent pas constituer une cible de l'armée serbe d'après vous.

  7   C'est ce que vous dites ?

  8   R.  Alors, aucune frappe aérienne de l'OTAN ou frappe aérienne dans le

  9   cadre d'un mandat de Nations Unies n'a eu lieu pendant le moment où j'étais

 10   à Gorazde. Alors, si vous me demandez d'apporter un commentaire concernant

 11   Sarajevo, je ne le peux pas parce que je n'y étais pas.

 12   Q.  Alors, je souhaite vous poser une question au sujet du paragraphe 14 de

 13   votre déclaration, où vous dites :

 14   "Il n'y avait pas de communication après cela. A l'exception faite du 26

 15   mai, où le commandant local, Radomir Furtula, d'après les ordres de Mladic

 16   que s'il y avait d'autres frappes aériennes, notre camp serait bombardé, et

 17   que ce message a été transmis à la radio par l'intermédiaire de son

 18   interprète serbe Natasa, dont on a pu reconnaître la voix immédiatement."

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Radomir Furtula était directement subordonné au commandement du Corps

 21   de la Drina; est-ce exact ?

 22   R.  D'après ce que je sais, oui.

 23   Q.  Alors, est-ce que vous savez que dans l'armée de la Republika Srpska il

 24   y avait des gens qui contournaient certains échelons dans la chaîne de

 25   commandement, et quelquefois le général Mladic donnait des ordres

 26   directement à Radomir Furtula ?

 27   R.  Cela, je ne le savais pas, mais je savais que le général Mladic avait

 28   un officier de liaison dans le QG de Furtula qui s'appelait Brane Suka. Et


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  1   donc, cela ne me surprend pas que vous me disiez que les ordres étaient

  2   transmis directement par l'intermédiaire de cet officier de liaison, mais

  3   je ne peux pas vous dire qu'il s'agit d'un fait dont j'ai eu connaissance.

  4   Q.  Alors, croyez-moi, j'ai essayé de savoir qui était Brane Suka. Cet

  5   homme n'a aucun lien avec le général Mladic, aucun lien du tout. Alors, sur

  6   quoi vous êtes-vous fondé pour conclure que le général Mladic, d'une

  7   certaine façon, avait son propre officier de liaison au niveau du

  8   commandement et qu'il s'agissait de M. Furtula ? Etait-ce le cas de toutes

  9   les autres unités ou était-ce une situation unique ?

 10   R.  Malheureusement, je ne suis pas au courant de ce qui se passait dans

 11   les autres unités. Je crois qu'on m'a dit que Suka était cet officier de

 12   liaison. Il me semblait que ceci était étayé par deux événements --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous interrompre.

 14   Monsieur Mladic, le fait de rire lorsqu'un témoin répond ou le fait

 15   d'affirmer par un hochement de tête ou d'infirmer par un hochement de tête

 16   est strictement interdit. Si cela se répète, vous devrez impérativement

 17   quitter le prétoire.

 18   Veuillez poursuivre, Maître Lukic.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, vous souhaitez que je poursuive ma

 20   réponse, Monsieur le Président ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous le pouvez.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   Alors, il y avait deux cas ou circonstances qui me semblaient

 24   confirmer ce rôle-là. Alors, le premier exemple : de temps en temps, nous

 25   recevions la visite d'un officier de liaison qui s'appelait le colonel

 26   Popovic, qui m'a dit qu'il était venu du QG du général Mladic. Et toutes

 27   les fois que je rencontrais Popovic, Brane Suka était là, mais Furtula

 28   n'était jamais là. Et le deuxième exemple, c'est lorsqu'on m'a appelé pour


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  1   que je puisse rencontrer -- on m'a convoqué pour rencontrer le général

  2   Smith et le général Mladic au mois d'août de l'année 1995. Brane Suka était

  3   également là, il a assisté à la réunion.

  4   Q.  Lorsque vous dites "Popovic", son nom était-il Vujadin Popovic; le

  5   savez-vous ?

  6   R.  Pardon, je ne m'en souviens pas. C'était un jeune homme, il avait peut-

  7   être le même âge que moi à l'époque, petite trentaine, pas très grand, avec

  8   des cheveux bruns, et un officier tout à fait professionnel.

  9   Q.  Etant donné qu'il y avait un Popovic dans le Corps de la Drina mais

 10   qu'il n'y avait pas de Popovic au niveau de l'état-major, la présence de

 11   Vujadin Popovic au QG de Radomir Furtula aurait pu expliquer la présence de

 12   Brane Suka. Mais nous allons aborder cette question un peu plus tard sans

 13   doute en présence d'autres témoins. Cependant, pouvons-nous conclure que

 14   vous n'avez jamais reçu ce message directement du général Mladic; est-ce

 15   exact ?

 16   R.  Oui, ça, c'est exact.

 17   Q.  Il n'y a pas eu de bombardement de votre camp. Cela est-il exact

 18   également ?

 19   R.  Cela est exact également.

 20   Q.  Donc, Si Natasa, l'interprète de Furtula, dont vous avez reconnu la

 21   voix, a dit la vérité, dans ce cas ils ont désobéi à l'ordre de Ratko

 22   Mladic. Est-ce une conclusion valable ?

 23   R.  Est-ce que vous voulez dire que compte tenu du fait qu'il n'y a pas eu

 24   de bombardement, ils ont dû désobéir à l'ordre de bombarder ? Je pense

 25   qu'après le premier tour des frappes aériennes, il n'y en a plus eu, et,

 26   par conséquent, il n'y avait plus de raison pour poursuivre les

 27   bombardements non plus. Donc ce n'est pas la question de savoir si l'ordre

 28   a été obéi ou non.


Page 18336

  1   Q.  Mais est-ce que vous avez vérifié si ce message avait vraiment été

  2   envoyé par le général Ratko Mladic à Furtula ?

  3   R.  Lorsque je me suis présenté au QG du général Smith, j'ai appris que des

  4   messages similaires avaient été reçus à des endroits différents, par

  5   exemple, à Tuzla, à Sarajevo aussi. Donc cela me semblait correspondre à

  6   une matrice générale qui s'appliquait sur tout le territoire de la Bosnie

  7   orientale. Mais si vous êtes en train de me demander si je pouvais tout

  8   simplement téléphoner au général Mladic pour lui demander : Est-ce vous qui

  9   avez donné cet ordre ? Eh bien, non, bien sûr que je ne le pouvais pas.

 10   Q.  J'aimerais que nous passions au paragraphe 21 de votre déclaration

 11   préalable.

 12   "Entre-temps, les prisonniers ont reçu l'autorisation de prendre leurs

 13   effets personnels et ils ont été escortés à bord de leurs véhicules à

 14   Visegrad. Ils sont restés en contact par radio jusqu'au moment où ils se

 15   trouvaient en dehors de la portée."

 16   Quand vous dites que les prisonniers ont reçu l'autorisation de prendre

 17   leurs effets personnels, est-il vrai qu'on leur avait permis de garder

 18   leurs armes personnelles ?

 19   R.  Ils avaient gardé leurs armes personnelles jusqu'au moment où ils sont

 20   arrivés à Visegrad, en effet, d'après ce que j'en sais.

 21   Q.  Et ils ont été escortés à Visegrad à bord de leurs véhicules. Il

 22   s'agissait de véhicules militaires, n'est-ce pas ?

 23   R.  Tout à fait. Et l'un de ces véhicules a eu un accident, que nous avons

 24   évoqué tout à l'heure.

 25   Q.  J'aimerais maintenant passer au paragraphe 22. Vous y dites, compte

 26   tenu de la situation :

 27   "Je donne l'ordre au commandant qui dirigeait la Compagnie B de défendre la

 28   ligne si elle était attaquée, mais qu'ils soient aussi prêts à se retirer


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  1   si la situation devenait intenable." Et vous 

  2   dites : "Peu de temps après, la Compagnie B a subi une attaque. Et ils ont

  3   combattu les Serbes tout cet après-midi."

  4   Mais les forces musulmanes ont, elles aussi, participé à ces combats,

  5   n'est-ce pas, donc elles combattaient les Serbes de pair avec cette autre

  6   force ?

  7   R.  Non. Il faut préciser l'ordre chronologique des événements. Les troupes

  8   de la FORPRONU ont subi une attaque sur cette rive, et j'ai donné l'ordre

  9   au commandant Wesley, qui était à la fois le commandant de la compagnie, de

 10   tenir bon sur le terrain aussi longtemps qu'il le pouvait. Parce que cette

 11   partie du terrain était d'une importance cruciale; quiconque contrôlait

 12   cette zone-là contrôlait du même coup la ville de Gorazde. Et puisque ma

 13   mission concernait avant tout la sécurité de la population civile, je

 14   devais m'assurer que cette zone-là n'était pas contrôlée par une partie ou

 15   une autre qui serait prête à ouvrir le feu, à engager des hostilités ou des

 16   attaques depuis cette zone. Et c'est pourquoi je l'ai gardée entre mes

 17   mains. J'ai transféré le message au commandant de la 81e Division de

 18   l'armée de la BiH et je l'ai averti que je ne serais pas en mesure de tenir

 19   bon pendant plus que quelques heures parce que, d'après ce que je pouvais

 20   voir, il y avait une grande disparité dans les effectifs. Ses troupes ont

 21   pris de l'avance pour reprendre ces positions, alors que mes troupes se

 22   sont retirées. Donc il ne s'agissait pas de combats qui auraient été menés

 23   côté à côté. Mes unités n'étaient pas sur place pour participer au combat

 24   au côté des unités musulmanes, et je ne l'aurais pas permis.

 25   Q.  Mais vous avez remis vos positions entre leurs mains, n'est-ce pas ?

 26   R.  Certainement, c'était le devoir de la 81e Division de défendre son

 27   propre territoire. Et puisque la zone d'exclusion totale avait été violée

 28   par cette attaque même, je crois qu'ils avaient tout à fait le droit de


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  1   réagir et de défendre leur territoire.

  2   Et permettez-moi, s'il vous plaît, d'expliquer ceci, Messieurs les Juges.

  3   La zone d'exclusion totale était en fait une mesure de contrôle à laquelle

  4   les deux parties avaient donné son accord. Ce n'était pas une mesure

  5   imposée par l'ONU; c'était un point qui avait fait l'objet d'un accord.

  6   Donc, si l'une partie ou l'autre décidait d'ignorer cet accord, alors

  7   l'accord n'était plus valable. Et dans ce cas de figure particulier,

  8   c'était la partie serbe, me semble-t-il, qui avait décidé de ne plus

  9   respecter l'accord.

 10   Q.  Et qu'en est-il du poste d'observation numéro 3, est-ce là la position

 11   que vous avez évoquée tout à l'heure ? Est-ce qu'elle correspond au poste

 12   d'observation numéro 3 ? Ou parliez-vous de quelque autre installation ?

 13   R.  Le poste d'observation numéro 3 se trouvait directement au sommet de

 14   Mala Biscerna.

 15   M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions brièvement

 16   sur le document 18829 de la liste 65 ter, c'est un document de

 17   l'Accusation, s'il vous plaît.

 18   Q.  Vous avez déjà eu l'occasion de voir ce questionnaire, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Qui a fourni cette déclaration; le savez-vous ?

 21   R.  Oui. Il s'agit du capitaine Nick Lock, officier chargé des opérations à

 22   l'époque.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Il nous faut la page 3 de sa déclaration dans

 24   la version anglaise, qui correspond à la page 4 dans la version B/C/S. Nous

 25   allons examiner de plus près le point numéro 13.

 26   Q.  Nous pouvons y lire :

 27   "Le poste d'observation numéro 3, le dernier poste d'observation de la rive

 28   orientale, a tenu bon jusqu'à 15 heures 54. A ce moment-là, l'armée de la


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  1   BiH a avancé vers cette position. Les unités serbes se sont rapprochées du

  2   poste elles aussi, et un combat armé a eu lieu, un combat duquel l'armée de

  3   la BiH est sortie comme vainqueur."

  4   D'après vous, le récit que nous voyons ici est-il exact, parce que d'après

  5   ce récit vos forces et les forces de l'ABiH combattaient simultanément les

  6   forces serbes ?

  7   R.  Non. Mes troupes ont combattu avant l'arrivée des troupes de l'armée de

  8   la BiH. Au moment où les troupes de l'armée de la BiH sont arrivées de

  9   derrière, mes troupes ont été prises entre les deux parties belligérantes

 10   qui se tiraient mutuellement dessus. Et, à ce moment-là, il est devenu

 11   clair que les troupes bosniaques allaient reprendre cette position. Par

 12   conséquent, mes unités se sont repliées pour ne pas se trouver déployées le

 13   long de la ligne au même moment que les troupes bosniaques.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je regarde l'heure qu'il

 15   est. Le moment est venu de faire une pause.

 16   Est-ce qu'on peut faire sortir le témoin du prétoire, s'il vous

 17   plaît.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pendant la pause,

 20   veuillez, s'il vous plaît, vous adresser à M. Mladic pour lui expliquer

 21   qu'apparemment il n'a pas bien entendu les instructions que j'ai données

 22   précédemment, à savoir que pour communiquer il faut rédiger des notes ou

 23   alors, de temps en temps, exceptionnellement, on peut communiquer

 24   oralement, mais en parlant très bas. Mais il me semble que les petites

 25   notes écrites ne sont plus utilisées et ce n'est pas ce que la Chambre

 26   souhaite voir.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Nous nous en servons toujours, Monsieur le

 28   Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Mais j'en vois peut-être

  2   quatre, alors qu'avant vous en échangiez 25 ou 30 dans la journée. Je

  3   comprends qu'exceptionnellement, vous deviez vous consulter oralement. Mais

  4   les choses se dirigent dans une direction qui n'est pas souhaitée par les

  5   Juges de la Chambre.

  6   Nous allons faire une pause et reprenons nos travaux à 12 heures 15.

  7   --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 22.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons qu'on fasse

 10   entrer le témoin dans la salle d'audience, je vais me pencher sur une autre

 11   question.

 12   Le 21 octobre 2013, l'Accusation a reçu l'instruction de fournir des

 13   informations supplémentaires dans le délai d'une semaine confirmant la

 14   question de savoir pourquoi les documents qui portent la cote 13375 de la

 15   liste 65 ter, versés au dossier en vertu de l'article 92 bis conformément à

 16   une décision émise le 25 septembre de l'année courante, devraient garder le

 17   statut confidentiel. Ceci figure à la page du compte rendu d'audience 18

 18   199. La Chambre a pris connaissance d'une des raisons avancées par

 19   l'Accusation par le biais d'une communication inofficielle [phon] du 22

 20   octobre 2013, la Chambre en est satisfaite, et c'est la raison pour

 21   laquelle elle annule ses instructions données au Greffier pour lever le

 22   statut accordé à cette pièce de conviction qui va, donc, garder le statut

 23   confidentiel. L'Accusation reçoit l'instruction de soumettre une

 24   notification qui comprendrait son courrier électronique du 22 octobre. Ceci

 25   met un terme à cette question.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous pouvez poursuivre.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Général, êtes-vous prêt ?

  2   R.  Oui, Monsieur.

  3   Q.  Permettez-moi de vous poser une autre question relative à l'enclave de

  4   Gorazde. Saviez-vous où se trouvait exactement les limites de cette enclave

  5   ?

  6   R.  Je pouvais dessiner précisément le périmètre de l'enclave sur une

  7   carte, et lorsque je me suis rendu sur les lieux, j'ai essayé d'inspecter

  8   le périmètre dans la mesure du possible suite à l'accord sur l'arrêt des

  9   hostilités. Je ne pense pas que j'aie réussi à couvrir tout le territoire,

 10   mais j'ai dû en couvrir les trois quarts.

 11   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que cette zone n'a jamais été décrite de

 12   façon exhaustive et que, par conséquent, vous n'avez jamais vu une

 13   description détaillant tout le territoire couvert par cette zone ?

 14   R.  Est-ce que vous faites référence à la zone de sécurité ou à l'enclave

 15   elle-même, ou aux deux ?

 16   Q.  J'avais cru qu'il s'agissait d'une seule et même chose. Si les

 17   territoires de ces deux entités ne coïncident pas, veuillez nous

 18   l'expliquer.

 19   R.  Comme je viens de l'expliquer, je savais quelles étaient les frontières

 20   géographiques de l'enclave. C'était la zone défendue par le côté bosniaque.

 21   Bien sûr, je savais aussi où se trouvait la zone d'exclusion totale.

 22   C'était une zone de 3 kilomètres à compter du pont central de la ville.

 23   Puis il y avait aussi une zone d'exclusion des armes lourdes qui couvrait

 24   un territoire de 20 kilomètres. Et ces trois zones étaient définies dans la

 25   documentation pertinente.

 26   Mais la zone de sécurité n'a jamais été définie en termes

 27   géographiques, qu'il s'agisse de Gorazde ou d'une autre région. La seule

 28   précision que j'aie jamais obtenue provenait de général Smith, qui m'a


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  1   fourni une définition fonctionnelle plutôt que géographique. Et si je me

  2   souviens bien des propos qu'il a tenus, il a expliqué que la fonction de

  3   cette zone était de protéger la population civile dans la mesure du

  4   possible lorsque nous faisons face à une guerre. Donc cette mention

  5   concernait la population, et non pas un territoire donné. Et, par

  6   conséquent, on pourrait dire que cette zone comprenait la totalité de

  7   l'enclave. Mais je n'avais pas les moyens nécessaires pour, soit suivre ce

  8   qui se passait sur la totalité du territoire de l'enclave, soit de prévenir

  9   d'éventuelles actions dans cette zone ou pour la protéger.

 10   Q.  Donc vous ne saviez pas quelles étaient les frontières exactes de cette

 11   zone de sécurité ?

 12   R.  Elles n'ont jamais été définies par écrit. En pratique, j'ai cru

 13   comprendre qu'elles comprenaient la zone qui entourait la ville de Gorazde

 14   et les villages environnants parce que c'est là que j'étais présent moi-

 15   même, mais c'était tout simplement une interprétation basée sur la

 16   situation locale et qui n'a pas de valeur intrinsèque particulière. Je

 17   l'avais basée sur ce que j'avais pu voir et faire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser une question de

 19   suivi.

 20   Etes-vous d'accord avec moi pour dire que même si, par exemple, la région

 21   de Londres n'est pas définie de façon stricte en termes géographiques, on

 22   peut toutefois dire que certaines localités appartiennent à cette région ?

 23   Par exemple, le square de Trafalgar ne fait pas partie de la région de

 24   Londres dans le sens large de ce terme. Donc, êtes-vous d'accord avec moi

 25   pour dire que ce sont des choses qu'on peut observer même si elles ne sont

 26   pas définies de façon très précise ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous. Cela ne

 28   facilite pas la situation sur le terrain, et c'est pourquoi je me suis


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  1   appuyé sur les propos tenus par le général Smith, que cette notion

  2   concernait avant tout la population civile --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et c'est pourquoi j'essayais d'œuvrer dans

  5   l'intérêt de la population civile chaque fois et partout où je le pouvais.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on peut dire aussi que c'était là le

  8   territoire de la zone de sécurité.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il est facile de se prononcer sur

 10   le square de Trafalgar --

 11   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- mais quand il s'agit de la banlieue,

 13   les choses sont un peu plus compliquées, par exemple.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les choses deviennent un peu plus floues.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci.

 16   Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses, parce que là je

 18   vais sauter d'un sujet à un autre, mais M. Jeremy vient de m'avertir qu'un

 19   malentendu s'est peut-être produit au sujet du document 18829 de la liste

 20   65 ter, donc j'aimerais qu'on le réaffiche à l'écran, s'il vous plaît. Oui,

 21   voilà, c'est bien le document qu'il nous faut.

 22   Q.  Général, tout à l'heure je vous ai posé une question qui vous a peut-

 23   être induit en erreur. Si tel est le cas, je vous présente mes excuses.

 24   Vous avez lu le nom qui figure à la page 1, et nous avons constaté que

 25   c'est une déclaration fournie par le capitaine Lock. Mais j'aimerais que

 26   nous nous penchions maintenant sur la dernière page du document, s'il vous

 27   plaît.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Il se peut qu'il y ait eu confusion à cause du


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  1   système de prétoire électronique. Est-ce que vous pouvez nous afficher la

  2   page où figure la signature, s'il vous plaît.

  3   Q.  A la fin de ce document figure votre nom. Reconnaissez-vous votre

  4   signature ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dans le cadre des préparatifs menant à votre déposition, avez-vous vu

  7   ce document ? S'agit-il de votre déclaration ou de la déclaration donnée

  8   par le capitaine Lock ?

  9   R.  Je ne pense pas qu'on ait examiné cela pendant le récolement. Je pense

 10   que le commandant Lock l'a rédigée et qu'il me l'a soumise pour signature,

 11   mais normalement je l'aurais lue et vérifié son contenu avant de signer.

 12   Q.  Donc nous devons juste corriger pour le compte rendu d'audience qu'il

 13   s'agit bien d'une déclaration qui vient de vous, et non pas du capitaine

 14   Lock ?

 15   R.  Oui, je suis d'accord avec cela.

 16   Q.  Merci.

 17   M. LUKIC : [interprétation] J'espère que maintenant nous avons précisé la

 18   situation pour mon confrère.

 19   M. JEREMY : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie, Maître

 20   Lukic.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Reprenons votre déclaration, si vous voulez bien, le paragraphe 27 de

 23   la pièce P2543. Comme vous pouvez le voir, l'on dit ici de nouveau que vous

 24   avez pu défendre la rive est "tant que les Musulmans ne se mobilisent et

 25   qu'ils ont réussi à sauver la ville --"

 26   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas pu suivre la citation de Me Lukic.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "Avec succès", ce n'est pas exactement

 28   ce que je vois dans la déclaration. Peut-être que je me trompe ? Je regarde


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  1   le paragraphe 27 ?

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète reprend la citation du paragraphe :

  3   "Je pense que l'on peut dire que nous avons défendu la rive est avec succès

  4   tant que les Musulmans n'ont pas réussi à se mobiliser et à sécuriser Mala

  5   Biscerna."

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez brancher votre

  7   microphone.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Je pense qu'il y a peut-être une petite

  9   différence au niveau de la traduction. On voit le terme "uspjesno", "avec

 10   succès", dans la version en B/C/S, au milieu de la première ligne du

 11   paragraphe 27.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela veut dire "avec succès" ?

 13   M. LUKIC : [interprétation] Je lisais le document en B/C/S.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, ce n'est pas si

 15   important que ça peut-être.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux intervenir, je pense que cela a une

 17   importance, puisque j'étais en train d'essayer de gagner du temps. C'est

 18   tout ce que j'ai fait. Donc, maintenir nos positions jusqu'à ce qu'elles

 19   puissent être tenues par ceux qui devaient les défendre. Donc, dans cette

 20   mesure-là, c'était avec succès.

 21   Maître Lukic, si je ne me trompe pas, vous m'avez demandé si je

 22   combattais au côté des Musulmans de Bosnie. Vous ne m'avez pas demandé si

 23   je faisais la guerre aux Serbes. Les deux sont légèrement différents.

 24   M. LUKIC : [interprétation]

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons

 27   comprendre cette affirmation comme consistant à dire que vous avez réussi à

 28   sauver la ville en repoussant l'attaque pendant quelque temps et que cela


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  1   permet aux Musulmans de reprendre vos positions, mais vous n'avez pas

  2   réussi dans la mesure où vous n'avez pas repoussé les attaques serbes ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que c'est exact. Je pense que

  4   cette zone avait une importance cruciale pour la sécurité de la ville et

  5   pour les civils qui s'y trouvaient. Si je ne pouvais pas tenir cela, il

  6   fallait que ce soit tenu par ceux qui défendaient la ville.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LUKIC : [interprétation]

  9   Q.  Alors, prenons maintenant le paragraphe 29 de votre déclaration. C'est

 10   celui qui s'affiche. Et vous dites :

 11   "Au moment où la ligne PP [phon] a disparu, et lorsque de moins en

 12   moins de convois ont commencé à arriver, nous n'étions plus utiles aux

 13   Musulmans. Ils sont devenus très restrictifs…"

 14   Quand est-ce que cela s'est produit, et qu'entendez-vous par les termes que

 15   vous employiez ici, "ils sont devenus très restrictifs" ? C'est là que se

 16   produit ce que nous avons vu dans le document où la situation à Sarajevo

 17   est décrite.

 18   R.  Quel document, excusez-moi ? Vous m'avez montré beaucoup de documents.

 19   Q.  Oui, tout à fait.

 20   R.  Excusez-moi, vous parlez de la 12e Division à Sarajevo ?

 21   Q.  Oui, oui, c'est cela.

 22   R.  Oui. Oui, tout à fait.

 23   Mais si j'ai bien compris, maintenant nous parlons de la mi-juillet,

 24   voire la fin du mois de juillet. Et après le 28 mai, il y a eu des combats

 25   qui s'étaient calmés autour de l'enclave à ce moment-là, et je n'étais pas

 26   capable, cependant, de reprendre la ligne OP parce que la zone d'exclusion

 27   totale avait disparu et il y a eu déplacement de lignes. Par conséquent, on

 28   s'est demandé s'il fallait qu'on reste ou non, et le gouvernement


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  1   britannique a annoncé qu'on allait nous retirer de là. Et c'est à ce

  2   moment-là que les forces musulmanes de Bosnie ont commencé à essayer

  3   d'imposer des restrictions à nos déplacements, que ce soit autour de la

  4   ville ou vers l'extérieur ou l'intérieur de l'enclave. Même s'il y a eu un

  5   nouveau départ des convois de réapprovisionnement, qu'il s'agisse de nous

  6   ou du HCR des Nations Unies. Et ceux-là, ils ne les empêchaient pas de

  7   circuler parce que cela aurait été contraire à leurs intérêts.

  8   Effectivement, la vie est devenue difficile -- enfin, elle avait déjà été

  9   difficile, mais elle est devenue encore plus difficile lorsque les deux

 10   parties essayaient de nous empêcher de circuler.

 11   Q.  Alors, je voudrais maintenant que l'on aborde le paragraphe 30. Vous

 12   l'avez modifié aujourd'hui. Vous parlez là de votre retrait de l'enclave.

 13   Pour commencer, je vais vous demander à quel moment vous avez reçu pour

 14   consigne de vous retirer de l'enclave de 

 15   Gorazde ?

 16   R.  Le gouvernement britannique avait donné pour instruction que l'on se

 17   retire -- et excusez-moi, je vais devoir vérifier la date exacte. Un

 18   instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce que vous êtes en train de

 20   regarder maintenant ? C'est votre déclaration ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un livre qui porte le 

 22   titre : "Le dragon blanc", "White Dragon", et qui s'appuie sur les notes de

 23   mon journal ou de mon carnet et sur les notes d'autres carnets tenus par

 24   d'autres personnes à l'époque --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous consultez quoi que ce soit

 26   d'autre que votre déclaration, il faudra que vous demandiez l'autorisation

 27   de le faire.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aimerions savoir ce que vous êtes

  2   en train de regarder.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, poursuivez.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis désolé, je n'arrive pas à

  6   retrouver la date.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous ne cherchez que la date ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Donc il y a eu une décision

  9   qui a été prise par le gouvernement britannique, et si je ne me trompe pas,

 10   c'était au début du mois d'août, à peu près un mois avant la fin prévue de

 11   notre mission de six mois. Donc l'intention a été exprimée que de nous

 12   retirer et qu'on ne serait pas remplacé. Et si je ne me trompe pas, c'est

 13   une information qui a été communiquée aux deux parties concernées.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre question suivante, Maître Lukic.

 15   M. LUKIC : [interprétation]

 16   Q.  D'après cette déclaration, au paragraphe 30, vous nous avez dit que

 17   c'est dans la matinée que l'on vous a informé des frappes aériennes de

 18   l'OTAN. Est-ce que vous vous souvenez de quel moment plus précisément dans

 19   la matinée il s'agissait lorsqu'on vous a informé de cela ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que ce n'est pas ça qui a

 21   fait partie intégrante de la correction apportée ? Si je me souviens bien,

 22   le témoin a dit : Nous n'avons pas entendu parler de frappes aériennes de

 23   l'OTAN, mais nous avons bel et bien entendu parler d'un événement de

 24   bombardement qui aurait pu avoir pour résultat ou pour conséquence les

 25   frappes aériennes de l'OTAN. C'est de cette manière-là que le témoin a

 26   corrigé sa déclaration --

 27   M. LUKIC : [interprétation] Mais ce qui m'intéresse, c'est le temps.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, très bien. A quel moment avez-vous


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  1   été informé de l'événement de bombardement qui, d'après vous, risquait de

  2   déclencher les frappes aériennes ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je dois dire que je devrais consulter

  4   mes notes de mon carnet de guerre pour répondre avec sécurité. Mais si mes

  5   souvenirs sont bons, c'était en fin de matinée, vers 11 heures, quelque

  6   chose de cet ordre-là.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas vous aider là-dessus.

  8   Maître Lukic, votre question suivante, s'il vous plaît.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Il vous a fallu combien de temps pour organiser votre unité pour

 11   qu'elle puisse se retirer, et à quel moment avez-vous quitté l'enclave de

 12   Gorazde ?

 13   R.  Le retrait était en cours depuis au moins deux semaines. Suite à la

 14   réunion qui a eu lieu avec le général Mladic, il nous a fallu retirer

 15   autant d'hommes, de véhicules et d'équipement lourd que nous pouvions par

 16   rapport à ce qui n'était pas immédiatement nécessaire. Nous avons distribué

 17   des vivres et notre équipement aux hôpitaux de part et d'autre -- donc, du

 18   côté serbe et du côté musulman de Bosnie. Et donc, à la date dont vous

 19   parlez maintenant, je pense qu'il ne restait plus que 80 hommes au total à

 20   Gorazde et juste ce qu'il fallait comme véhicules pour pouvoir les emmener,

 21   et ils n'avaient que leurs armes personnelles et les munitions nécessaires.

 22   Donc il m'a fallu à peu près une heure pour organiser cette étape finale de

 23   notre retrait compte tenu de ce que je viens de vous dire.

 24   Q.  Est-ce que vous avez été informé par qui que ce soit du fait que cette

 25   décision de bombarder les positions serbes avait été prise le 21 juillet

 26   1995 lors de la Conférence de Londres ? Du moins, c'est ce que le général

 27   Smith nous a dit dans sa déposition.

 28   R.  J'ai vu le message écrit qui a été remis par le maréchal de l'air Ratan


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  1   et d'autres à la partie serbe de Belgrade après la Conférence de Londres.

  2   C'était une mise en garde de la partie serbe, à savoir s'ils attaquaient

  3   Gorazde et s'ils compromettaient les vies des hommes qui faisaient partie

  4   des troupes de maintien de la paix des Nations Unies, à ce moment-là on

  5   allait les attaquer, et je pense que les termes exacts employés étaient

  6   "avec une puissance de force aérienne substantielle", et que cela allait

  7   être lancé avec suffisamment de ressources pour les empêcher de développer

  8   leur attaque.

  9   Q.  Saviez-vous que les puissances occidentales avaient proposé que la

 10   Bosnie-Herzégovine soit divisée entre la Republika Srpska et le reste de la

 11   Bosnie-Herzégovine, qui constitue aujourd'hui la Fédération, à raison de 49

 12   % pour la Republika Srpska et 51 % du territoire pour le reste ? Est-ce que

 13   vous étiez au courant de ces efforts de l'OTAN à l'époque au moment où vous

 14   êtes arrivé à 

 15   Gorazde ?

 16   R.  Vous savez, j'étais lieutenant-colonel, je commandais un bataillon et

 17   je n'étais pas vraiment admis dans ces cercles les plus élevés du pouvoir.

 18   Ce que je savais, c'était qu'on avait accepté le plan Vance-Owen, que la

 19   partie serbe l'avait accepté, mais pas les autres parties. Et pour le

 20   reste, c'était le seul accord qui était négocié à ce moment-là. Et je

 21   n'avais pas un rang suffisamment élevé pour être au courant d'autres

 22   propositions.

 23   Q.  Justement, ce maréchal que vous venez de mentionner, est-ce que vous

 24   savez qu'il a lancé un ultimatum relatif au bombardement ?

 25   R.  Comme je viens de vous dire en répondant à votre question, j'avais vu

 26   une mise en garde par écrit. Mais c'était une mise en garde, dirais-je, ce

 27   n'était pas un ultimatum. Ça ne disait pas : Nous allons vous attaquer. Il

 28   était dit : Si vous faites --


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, restez assis, s'il vous

  2   plaît.

  3   Maître Lukic, la patience des Juges de la Chambre s'étiole.

  4   [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je vais vérifier dans cet ouvrage, "Le

  6   dragon blanc", peut-être qu'on y trouve mention de cet avertissement.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Me Stojanovic a dit que cela ne

  8   lui pose aucun problème. Vous pouvez regarder le texte.

  9   Monsieur Mladic, veuillez parler plus bas.

 10   Maître Lukic, pour la troisième ou quatrième fois ce matin je dois

 11   intervenir.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  Mon client insiste pour que je vous pose la question suivante : savez-

 14   vous quelque chose au sujet de la réunion au cours de laquelle le maréchal

 15   Ratan a lancé un ultimatum au général Mladic, comme vous le dites ? Et

 16   savez-vous qui d'autre a assisté à cette réunion ?

 17   R.  Je n'ai vu que le texte écrit de l'avertissement. Je ne connais pas le

 18   maréchal Ratan. Je l'ai peut-être rencontré par la suite. Je ne sais pas

 19   qui d'autre était là. Le texte du message m'a été envoyé, il n'y avait pas

 20   internet à l'époque, ceci m'a été envoyé par télécopie quelque part. J'ai

 21   encore l'original.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez d'une réunion. Quelle est

 23   cette réunion ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec le maréchal Ratan. Je crois que c'était

 25   avec le président de la Yougoslavie à Belgrade.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous, Maître Lukic.

 27   M. LUKIC : [interprétation]

 28   Q.  Dans ce même paragraphe numéro 30, vous dites que :


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  1   "Nous avons été avertis du fait que nous étions sérieusement menacés

  2   d'une attaque lancée par des 'éléments incontrôlés' de l'ABiH qui

  3   redoublaient leurs efforts pour essayer de faire échouer notre retraite."

  4   Dans ces circonstances-là, y a-t-il eu des attaques directes ou

  5   particulières contre vos forces de la part des forces musulmanes ?

  6   R.  Oui, nous avons été attaqués deux jours précédemment par les forces de

  7   Bosnie. Alors, il y a deux raisons possibles à cela. La première consistait

  8   à voler des armes, des munitions et de la nourriture et du matériel. Et

  9   l'autre raison, c'est que les commandants militaires locaux de Bosnie ne

 10   comprenaient pas que le gouvernement britannique souhaitait retirer ses

 11   troupes, que c'était une mesures de protection, et que la protection que

 12   les Nations Unies pouvaient accorder à Gorazde serait assurée à ce moment-

 13   là par les aéronefs plutôt que ce qu'il restait du bataillon. Ils pensaient

 14   que le retrait d'un bataillon signifiait qu'ils allaient être abandonnés,

 15   donc je crois que si les Serbes pouvaient prendre les Serbes en otage pour

 16   parvenir à leurs fins, à ce moment-là ils le feraient. Et donc, je crois

 17   que c'était tout à fait plausible, ils jouaient le même jeu, mais nous

 18   étions très préparés, et l'attaque a cessé.

 19   Nous avons tué un certain nombre de leurs soldats, et le lendemain un tir

 20   de tireur embusqué a touché une de mes sentinelles. Je crois peut-être

 21   qu'il y avait un membre de la famille d'un soldat de la BiH qui a été tué.

 22   Mais j'ai donc averti le général, le général de brigade Barton [phon], le

 23   commandant de la 81e Division, je crois, et nous lui avons dit que nous

 24   allions continuer à résister pour nous défendre si nous étions encore

 25   attaqués. Mais malgré cela, il pensait que c'était probable que, placés

 26   sous un commandement, il ne serait pas en mesure de les contrôler et qu'ils

 27   seraient à nouveau attaqués parce qu'ils étaient dans une situation

 28   désespérée.


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  1   Et lui-même -- je dois ajouter, lui-même avait donné des ordres pour que --

  2   bon, après avoir reçu une directive, me semble-t-il, du président

  3   Izetbegovic, qu'il ne fallait pas entraver nos mouvements, mais il n'était

  4   pas sûr de pouvoir placer tout le monde sous son commandement et que tout

  5   le monde obéisse. Il n'était pas sûr de pouvoir garantir cela.

  6   Q.  Vous parlez d'une réunion à laquelle vous avez assisté en présence du

  7   général Mladic et du général Smith, réunion au cours de laquelle il vous a

  8   fourni des garanties, il vous a dit qu'il vous aiderait dans ce retrait, et

  9   vous dites qu'il a tenu parole.

 10   "Malgré des attaques violentes de la part des Musulmans qui souhaitaient

 11   entraver nos mouvements, nous avons pu quitter, nous retirer de Gorazde, et

 12   traverser le territoire serbe sans qu'il y ait un seul mort."

 13   Donc, pour ce qui est de ce que je viens de vous lire, je souhaite vous

 14   poser la question suivante : quand cette réunion entre vous, le général

 15   Mladic et le général Smith a-t-elle eu lieu ?

 16   R.  Encore une fois, comme ça, de mémoire, je ne me souviens pas de la date

 17   exacte.

 18   Me permettez-vous de consulter cet ouvrage pour que je puisse vérifier la

 19   date ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, s'il s'agit simplement de la date,

 21   je vous en prie.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, je ne le trouve pas.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez de le trouver au cours de la

 24   pause suivante si c'est aussi important. Répondez à la question dans

 25   l'intervalle.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ça s'est passé à un moment donné

 27   au début du mois d'août.

 28   M. LUKIC : [interprétation]


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  1   Q.  Vous souvenez-vous à quel endroit cette réunion s'est déroulée ? Et

  2   outre le général Smith, le général Mladic et vous-même, qui d'autre était

  3   présent, si c'était le cas ?

  4   R.  Je crois que la réunion s'est déroulée à Sokolac ou, en tout cas, à

  5   proximité de Sokolac. C'était sur un haras. Je me souviens qu'il y avait

  6   énormément de chevaux. Et la réunion était, en réalité, entre le général

  7   Smith et le général Mladic. On m'a convié à cette réunion. Il y avait

  8   également le commandant Richard Wesley. Il y avait un colonel qui

  9   s'appelait Popovic, pas le même Popovic que j'ai cité plus tôt. Je me

 10   souviens que le général Mladic lui a dit : Vous, vous allez rester ici sur

 11   le terrain dans la municipalité serbe de Gorazde et vous allez servir de

 12   point de contact et vous allez vous assurer que l'évacuation se passe sans

 13   encombre. Il y avait Brane Suka qui était là également, et je puis vous

 14   assurer que cet homme existe. Et je me souviens l'avoir rencontré en 1999,

 15   donc il était toujours dans la région à ce moment-là.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, puis-je vous poser une

 17   question. Si je lis le paragraphe 30, en fait, vous dites qu'il y avait une

 18   véritable inquiétude au sujet de vos troupes. Ce n'est pas clair dans mon

 19   esprit. Et l'aide fournie à l'évacuation pour que cette évacuation se passe

 20   sans problème servait également les intérêts de l'armée musulmane [comme

 21   interprété] de Bosnie, et donc votre présence à ce moment-là ne serait plus

 22   utile dans la région.

 23   Veuillez nous dire comment vous avez vécu cela ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, vous voulez parlez de l'entrave de la

 25   part de la partie bosniaque ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous avez reçu de l'aide

 27   pour outrepasser ou vous défaire de cette entrave. Au paragraphe 30, vous

 28   dites que le général Mladic a tenu parole et que vous avez pu vous extraire


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  1   de Gorazde sans qu'une seule personne soit tuée.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, il y a eu deux phases pour

  3   cette extraction dans le premier jour. Nous devions sortir de la ville de

  4   Gorazde et nous devions traverser la ligne de confrontation, qui était un

  5   territoire contrôlé par l'armée de Bosnie. Donc, ça, c'était la première

  6   partie, la première étape. Et, évidemment, il aurait pu y avoir un combat

  7   avec eux. Et puisqu'ils avaient entravé nos démarches, on leur a demandé de

  8   ne pas poser d'entraves. Et à une distance relativement courte de la ville

  9   -- il y avait environ 3 kilomètres, qui correspondaient à l'ancienne zone

 10   d'exclusion totale.

 11   Donc, de l'autre côté de la ligne de confrontation, nous étions sur le

 12   territoire contrôlé par la VRS, l'armée bosno-serbe, placée sous l'autorité

 13   du général Mladic --

 14   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- alors, à partir de là, nous étions entre

 16   ses mains, si je puis dire.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, s'agissant de la première

 18   partie ou de la première étape, il aurait pu y avoir éventuellement un

 19   combat avec "eux", n'est-ce pas --

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] La partie bosniaque.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La partie bosniaque.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous les avions combattus trois jours

 23   auparavant.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et ceux-là, ils auraient pu vous

 25   empêcher de partir --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de quitter le territoire.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement, Monsieur.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ma question -- je vois que plus

  2   tard c'est l'armée bosno-serbe qui vous est venue en aide, non pas pour

  3   vous [inaudible], mais pour vous permettre de traverser le territoire qui

  4   était tenu par eux.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, moi, je cherche à comprendre

  7   votre interprétation de savoir si votre inquiétude principale consistait à

  8   quitter cette région ou si votre inquiétude principale portait

  9   véritablement sur votre sécurité ? S'agissait-il d'une seule et même chose

 10   ? Ou est-ce que c'est ce que vous avez 

 11   vécu ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, il s'agit d'une pure spéculation de ma

 13   part, parce que je crois qu'à ce stade, cela posait trop de problèmes et

 14   nous n'en valions pas la peine, en tout cas, aux yeux de l'une ou de

 15   l'autre partie. Je crois que les deux parties souhaitaient simplement que

 16   nous, nous quittions leur territoire. Les deux enclaves avaient disparu,

 17   avaient été capturées, et nous étions un accident historique, si je puis

 18   dire.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, en même temps, j'ai entendu

 20   dans vos réponses dire que les forces musulmanes souhaitaient que vous

 21   restiez là. Donc, de dire que votre présence ne présentait aucun intérêt

 22   pour l'une ou l'autre partie --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je crois que ça dépend à quel niveau

 24   vous vous placez et si vous parlez de la partie musulmane. Pour ce qui est

 25   du gouvernement de Bosnie et du commandement militaire dans l'enclave,

 26   d'accord, cela, je comprends, ils voulaient que nous partions. Mais au

 27   niveau des échelons inférieurs, des troupes sur le terrain, ils ne

 28   souhaitaient pas -- ils ne comprenaient pas l'image d'ensemble. On ne leur


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  1   a pas expliqué. Ils voyaient très bien que si les Britanniques partaient,

  2   eh bien, ils devaient faire face aux Serbes tout seuls.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  4   Maître Lukic, veuillez poursuivre.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Alors, je souhaite revenir sur votre observation. Nous n'avons pas du

  7   tout l'intention --

  8   L'INTERPRÈTE : Me Lukic peut-il répéter le nom, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répéter le nom que vous avez

 10   cité. Alors, vous avez dit vous n'avez pas du tout l'intention d'inventer…

 11   c'est comme ça que vous avez commencé.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Brane Suka.

 13   Q.  Alors, nous affirmons qu'il n'avait aucun lien direct avec le général

 14   Mladic. D'après ce que nous avons pu comprendre, il parlait anglais.

 15   R.  Non, il ne parlait pas anglais.

 16   Q.  Etait-ce un officier de liaison ?

 17   R.  Moi, c'est ce que j'ai été porté à croire. Il ne s'agissait pas d'un

 18   soldat régulier; c'était un réserviste. Il était toujours dans la région en

 19   1999, mais il m'a dit en 1999 qu'il pensait émigrer au Canada. C'est sans

 20   doute la raison pour laquelle vous n'arrivez pas à mettre la main dessus.

 21   Pardonnez-moi, je ne souhaitais pas entendre que nous voulions inventer qui

 22   que ce soit.

 23   Q.  Alors, pour ce qui est de la correction que vous avez apportée au

 24   paragraphe 30, je constate que vous devez souvent vous reporter à vos

 25   notes, car vous avez donné votre déclaration en 1996. Et vous conviendrez

 26   avec moi que vos souvenirs étaient beaucoup plus présents dans votre esprit

 27   à l'époque, en 1996, concernant les événements de 1995 ?

 28   R.  Certainement.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je ne sais pas si vous aviez

  2   l'intention de transmettre ce message-là, mais en tout cas, vous suggérez

  3   une idée de façon sous-jacente, parce que vous avez parlé du fait que le

  4   témoin ait consulté ses notes.

  5   Vous souvenez-vous -- lorsque vous relisez tout ceci, vous souvenez-vous de

  6   ce qui a justifié votre réaction ? Vous dites que ce n'était pas bien,

  7   qu'il n'est pas exact que vous avez été informé des frappes aériennes de

  8   l'OTAN, mais que vous avez plutôt été informé du bombardement. Après avoir

  9   consulté les notes, et 20 ans plus tard, qu'est-ce qui vous a permis de

 10   décider que votre déclaration était erronée et que celle d'aujourd'hui est

 11   exacte ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, lorsque j'ai préparé cette audience,

 13   Monsieur le Président, j'ai relu mon journal de l'époque et les récits qui

 14   ont été publiés de notre bataillon, et cela était extrait du journal de

 15   guerre.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le journal de guerre a été rédigé

 17   avant votre déclaration ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. C'est un document d'époque.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 20   Veuillez poursuivre.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, pour ce qui est des rapports que nous avons reçus de

 23   l'Accusation et les notes de récolement, vous n'avez pas apporté cette

 24   correction plus tôt. Vous avez apporté la correction pour la première fois

 25   aujourd'hui, ou peut-être que nous n'avons pas été informés des

 26   commentaires que vous avez apportés lors de la séance de récolement. Nous

 27   avons reçu deux rapports de l'Accusation et aucun de ces rapports ne

 28   contient cette correction.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy.

  2   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, les notes de récolement

  3   contiennent des informations supplémentaires qui nous viennent du témoin.

  4   Cette précision particulière a été faite lors de la déposition du témoin

  5   dans l'affaire Karadzic, et c'est en se fondant là-dessus que nous avons

  6   décidé qu'il n'y a pas d'information supplémentaire, et donc il n'était pas

  7   utile de les inclure dans la note de récolement qui a été envoyée hier.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, Me Lukic dit que le

  9   témoin n'a pas apporté la correction plus tôt. Vous dites que cette

 10   correction se trouve dans la déposition du témoin dans l'affaire Karadzic ?

 11   M. JEREMY : [interprétation] C'est exact, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Très bien.

 14   Q.  Alors, conviendrez-vous avec moi pour dire que la perception qu'avaient

 15   les Serbes à la date du 25 mai, à savoir pendant les frappes aériennes de

 16   l'OTAN contre les positions serbes, consistait à dire que les forces de la

 17   FORPRONU et de les forces musulmanes combattaient côte à côte, du même côté

 18   ? Et lors du récolement, on vous a montré des documents à cet effet,

 19   documents qui disent que dans un ordre, par exemple, donné par le Corps de

 20   la Drina le 25 mai, il est dit qu'il faut s'attendre à ce que les forces

 21   musulmanes combattant au côté des forces de la FORPRONU continueront à

 22   prendre pour cible les positions de l'armée serbe ?

 23   R.  Alors, je suis d'accord pour dire avec vous que telle a pu être la

 24   perception, mais la perception ne correspond pas forcément à la vérité ou à

 25   la réalité.

 26   Q.  En lisant le document, j'ai trouvé le fait suivant : les véhicules qui

 27   ont été confisqués à vos unités ont été repeints aux couleurs de la

 28   Republika Srpska. Donc ces véhicules n'ont pas gardé leurs couleurs


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  1   originales et celles de l'ONU.

  2   R.  Oui, j'ai pu voir l'un de ces véhicules moi-même qui avait été repeint

  3   avec un motif de camouflage, et il avait, par ailleurs, été modifié,

  4   puisque une arme lourde avait été montée sur le toit.

  5   Q.  Donc, un an plus tard, tout l'équipement qui avait été confisqué vous a

  6   été rendu, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, en effet. Enfin, cela vaut certainement pour les casques, les

  8   gilets pare-balles, les fusils. Je pense que ce n'est que plus tard que les

  9   véhicules ont été rendus, dont trois qui n'avaient pas été endommagés.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et savez-vous pour quel motif cet

 11   équipement militaire vous a été rendu ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, Monsieur le

 13   Président, cela s'est produit à l'époque où l'IFOR, donc la Force de

 14   l'implémentation de l'OTAN, a été déployée sur le terrain. Alors, il

 15   s'agissait d'une force qui avait un mandat très différent par rapport aux

 16   nôtres et qui pouvait s'assurer de l'application de toute une série de

 17   dispositions, et qui avait, entre autres, l'autorité nécessaire pour

 18   procéder à des inspections des entrepôts où se trouvaient des armes. Et je

 19   pense que c'était lors d'une des fouilles qu'ils avaient opérées qu'ils

 20   avaient retrouvé ces armes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ces armes n'ont pas été rendues à

 22   leurs propriétaires de façon spontanée ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Si mes souvenirs sont bons, non, Monsieur.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ceci s'est produit après la signature

 25   de l'accord de Dayton ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuez.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Vous nous avez montré aujourd'hui une carte qui montrait le déploiement

  2   de vos hommes en Republika Srpska, ou plutôt, les endroits où vos hommes

  3   avaient été emprisonnés sur le territoire de la Republika Srpska. Etes-vous

  4   d'accord avec moi pour dire que les prisonniers de ce type ne peuvent pas

  5   tous être gardés dans un seul et même endroit, qu'il faut plutôt les

  6   déplacer d'une localité à une autre ?

  7   R.  Vous parlez des soldats qui ont été pris en otage à Sjenokos et sur la

  8   rive orientale ?

  9   Q.  C'est vous qui vous êtes servi de ce terme en référant à "la prise

 10   d'otage" --

 11   R.  Oui, en effet.

 12   Q.  Vos soldats vous ont-ils dit qu'ils avaient été traités en tant que

 13   prisonniers de guerre ?

 14   R.  Il y en avait au moins un qui m'avait dit qu'on lui avait fait croire

 15   qu'il était, en effet, un prisonnier de guerre, et d'après ce que j'en

 16   sais, on les traitait comme des prisonniers de guerre. Et d'ailleurs, je

 17   pense que la façon dont ils ont été traités ne pose pas problème. Ils ont

 18   été traités de façon tout à fait correcte. Ce n'est pas là ce qui est

 19   important. Nous avions le droit de protéger nos forces de maintien de la

 20   paix. Ils n'étaient pas censés être emprisonnés ou pris en otage du tout.

 21   Quant à la question de savoir --

 22   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] -- si l'on était censé les déplacer ou non, je

 24   ne peux répondre rien de particulier. Ils n'auraient pas dû être pris, et

 25   c'est pourquoi la question de savoir si par la suite ils ont été déplacés

 26   ou non n'est pas particulièrement pertinente.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous dites qu'ils ont été "traités

 28   de façon correcte", est-ce que vous pensez aussi à ces  situations où ils


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  1   ont été utilisés comme des potentielles cibles militaires ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout. Je pensais tout simplement à

  3   la façon dont ils ont été traités personnellement.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] On leur a donné à manger. Ils ont bénéficié de

  6   soins médicaux. On ne les a pas menacés --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, mais vous n'aviez pas

  8   inclus le point précédent dans votre réponse.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci de me

 10   l'avoir rappelé. En tant que force chargée du maintien de la paix, ils

 11   devaient bénéficier de la protection, et du moment où ils avaient été

 12   capturés comme prisonniers de guerre, on n'aurait pas dû les exposer à des

 13   situations dangereuses de façon délibérée.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.

 15   Par ailleurs, je vois que le moment est venu de faire une pause. Pourriez-

 16   vous nous dire de combien de temps vous avez encore besoin ?

 17   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons terminer notre contre-

 18   interrogatoire aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais cela ne dépend pas uniquement

 20   de vous, mais aussi de M. Jeremy. Je ne sais pas de combien de temps M.

 21   Jeremy aura besoin, mais j'aimerais lui poser la question.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Mais j'ai toujours besoin d'avoir d'un peu plus

 23   de temps --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est pourquoi je vous pose la

 25   question.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Il faudrait peut-être d'abord poser la question

 27   à M. Jeremy.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy, compte tenu de la


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  1   situation actuelle, et sans savoir quelle sera la durée totale du contre-

  2   interrogatoire de Me Lukic, qui doit encore étudier ces documents, qu'est-

  3   ce que vous pouvez nous dire ?

  4   M. JEREMY : [interprétation] Compte tenu de la situation présente, il me

  5   faut cinq minutes, dix minutes au maximum. Plutôt cinq.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, qu'est-ce que vous en

  7   dites ?

  8   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons terminer avec la déposition de ce

  9   témoin aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si vous pouvez me laisser

 11   encore cinq minutes, j'aimerais à la fin lire une décision des Juges de la

 12   Chambre.

 13   Madame Bibles.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Est-ce que nous pouvons laisser partir le

 15   témoin suivant ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez le laisser partir --

 17   ah, d'accord, il est déjà disponible.

 18   Est-ce qu'on peut faire sortir le témoin de la salle d'audience.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous aviez annoncé deux

 21   heures et demie, Maître Lukic. Vous avez déjà utilisé une heure et 54

 22   minutes, donc il vous reste un peu plus d'une demi-heure. Donc vous devriez

 23   finir vers 14 heures.

 24   Nous allons faire une pause et reprendre nos travaux à 14 heures moins 25.

 25   --- L'audience est suspendue à 13 heures 17.

 26   --- L'audience est reprise à 13 heures 38.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.


Page 18365

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Vous

  2   m'avez demandé de vérifier un certain nombre de dates. Je peux maintenant

  3   vous les indiquer, si vous pensez que cela peut être utile et répondre aux

  4   questions posées par Me Lukic. La date où la réunion a eu lieu avec le

  5   maréchal Ratan, à Beograd, c'était le 23 juillet, si mes informations sont

  6   correctes. La proclamation faite par le gouvernement britannique à savoir

  7   que nous allions quitter Gorazde sans être remplacés par qui que ce soit,

  8   cette proclamation a été faite le 18 août. Et la date où le général Smith

  9   et le général Mladic se sont rencontrés à Borike, et il s'agit d'une

 10   réunion à laquelle j'ai assisté, cette rencontre a eu lieu le 20 août.

 11   M. LUKIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci, Général, de ces précisions.

 13   M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais qu'on nous présente brièvement le

 14   document 19790 de la liste 65 ter de l'Accusation dans le système du

 15   prétoire électronique, s'il vous plaît.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce P2544, Messieurs les

 17   Juges.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Ce n'est pas là le document qu'il me faut. Je

 19   vais vérifier mes références. Veuillez afficher, s'il vous plaît, la pièce

 20   P1849, s'il vous plaît.

 21   Q.  Général, ce que nous avons sous les yeux est un document de l'armée de

 22   la Republika Srpska, son état-major général, du 27 mai 1995. Il y est

 23   indiqué qu'il dispose des renseignements relatifs à la séance de l'OTAN qui

 24   s'est terminée à 16 heures le 27 mai. Lors de cette séance, il a été décidé

 25   que des frappes aériennes de l'OTAN importantes devaient être continuées à

 26   l'encontre des positions de la VRS. Lorsque vous étiez sur le terrain, est-

 27   ce que vous disposiez de cet élément d'information ?

 28   R.  C'est la première fois que je vois ce document. Non, ce n'est pas un


Page 18366

  1   élément d'information qui m'a été communiqué.

  2   Q.  Excusez-moi, peut-être que je n'ai pas été tout à fait clair. Est-ce

  3   que vous aviez appris qu'une séance de l'OTAN avait eu lieu le 27 mai et

  4   que lors de cette séance, la décision a été prise pour poursuivre les

  5   frappes aériennes contre les positions serbes ?

  6   R.  Non, je ne l'avais pas appris.

  7   Q.  Aujourd'hui, vous nous avez fait savoir que les membres de votre unité

  8   qui provenaient du SAS fournissaient à l'OTAN des informations relatives

  9   aux cibles. Est-ce que cela faisait partie du mandat donné à votre unité,

 10   est-ce que votre unité avait le mandat de fournir des renseignements à

 11   l'OTAN ?

 12   R.  Le mandat de mon unité consistait à observer les zones de sécurité pour

 13   détecter des brèches éventuelles et prévenir les attaques éventuelles. Les

 14   choses de la nature que vous venez d'évoquer n'étaient pas précisées dans

 15   notre mandat. Cela concerne plutôt les procédures à engager, et les

 16   éléments de ce type pouvaient figurer dans les règles de l'engagement. Or,

 17   les règles de l'engagement pour les forces de Gorazde étaient plus fortes

 18   que pour les forces de la FORPRONU ailleurs. Elles permettaient des tirs

 19   indirects pour défendre la mission, par exemple, des tirs effectués à

 20   partir d'un avion, et ce type de tirs était autorisé aussi pour défendre la

 21   zone de sécurité. J'ai fourni un exemplaire de ces règles d'engagement

 22   pendant ma déposition dans l'affaire Karadzic.

 23   Q.  Est-ce que la partie serbe a été informée de cette partie de votre

 24   mandat, est-ce que la partie savait que les membres des votre unité

 25   guidaient les avions de l'OTAN ?

 26   R.  Eh bien, pour commencer, je dois vous dire que cela concerne des

 27   questions de procédure. Cela concerne les moyens particuliers qui doivent

 28   être utilisés dans une situation donnée. Ce n'est pas quelque chose qui est


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  1   précisé dans le cadre d'un mandat. Le mandat avait été donné par l'ONU.

  2   Quant aux informations que nous aurions fournies à une partie ou à une

  3   autre, non, je ne pense pas que nous ayons informé quelque partie que ce

  4   soit de nos capacités. Mais quoi qu'il en soit, comme je l'ai déjà dit,

  5   pendant que j'exerçais les fonctions de commandement à Gorazde, il n'y a

  6   pas eu de frappes aériennes d'engagées ou de dirigées par les contrôleurs

  7   aériens qui se trouvaient sous mon commandement.

  8   Q.  Merci.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur la pièce P2481.

 10   Q.  Mon confrère, M. Jeremy, vous a déjà présenté ce document. Moi, je vous

 11   serais reconnaissant de bien vouloir examiner l'introduction, où l'on peut

 12   lire : Le président de la Republika Srpska a ordonné, en vertu d'un ordre,

 13   que le 20 juin 1993, 120 membres de la FORPRONU capturés doivent être mis

 14   en liberté. Ce document est signé --

 15   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, montrer la

 16   signature en bas de la page.

 17   Q.  Nous avons le nom tapé à la machine, c'est le nom du général Mladic.

 18   Etes-vous d'accord pour dire qu'il ne fait, ici, que transmettre

 19   l'ordre plutôt que de donner un ordre ?

 20   R.  Vous voulez dire que c'est le président qui a donné des instructions et

 21   que le général donne, par conséquent, un ordre militaire afin de mettre en

 22   œuvre les instructions qui lui ont été transmises ?

 23   Q.  Saviez-vous que le commandement Suprême de l'armée de la Republika

 24   Srpska à l'époque était M. Radovan Karadzic ?

 25   R.  Oui, oui, je le sais.

 26   Q.  Donc c'est lui qui donne des ordres, n'est-ce pas ? Il peut donner les

 27   ordres en tant que commandant suprême. Il ne s'agit pas d'une simple

 28   instruction. Il s'agit bien d'un ordre, comme nous le voyons en lisant ce


Page 18368

  1   document, où il est indiqué "sur un ordre de"; en anglais, "by the order".

  2   R.  Oui, je le vois.

  3   Q.  Donc le général Mladic transmet un ordre ici; il ne le donne pas ?

  4   R.  Oui, en effet.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que je peux poser une

  6   question, s'il vous plaît.

  7   Monsieur Riley, si vous regardez la partie introductoire, on y parle de :

  8   "La mise en liberté des membres de la FORPRONU capturés."

  9   Et puis, un peu plus loin, on dit que les prisonniers doivent être

 10   relâchés et remis entre les mains des organes du MUP avec leur équipement

 11   personnel et leurs armes dans le secteur de Pale. Il s'agit du MUP de la

 12   Republika Srpska, qui doit ensuite organiser leur transfert vers la

 13   République fédérale de Yougoslavie.

 14   Est-ce que vous pouvez nous expliquer cette procédure, cette remise

 15   entre les mains du ministère de l'Intérieur pour qu'ils puissent être

 16   transportés vers la Yougoslavie ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Enfin, on peut soulever des doutes quant

 18   à ce terme de "prisonniers de guerre", qu'ils n'étaient pas, en réalité.

 19   Mais, bon, c'est la façon dont ils sont décrits dans le document. Je vous

 20   donne mon opinion personnelle. A mon avis, ils ont été remis entre les

 21   mains du ministère de l'Intérieur -- entre les mains de la police, qui

 22   devait assumer la responsabilité de ces otages à la place de l'armée. Et

 23   ils devaient organiser le transport, et dans le cas des soldats

 24   britanniques, je pense qu'ils ont été envoyés à Zvornik, où ils ont été

 25   accueillis par l'ambassadeur britannique. La police du ministère de

 26   l'Intérieur avait l'autorité nécessaire et les moyens nécessaires pour

 27   transporter toutes ces personnes à travers les différentes frontières ou à

 28   travers les différentes zones de responsabilité de différents corps


Page 18369

  1   d'armée. Je pense que c'était tout simplement une façon plus simple de

  2   procéder.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais est-ce que vous considérez que

  4   dès ce moment-là, les prisonniers ont été relâchés ? Parce que s'ils

  5   avaient été relâchés directement, cela voulait dire qu'ils auraient été mis

  6   en liberté et qu'il leur aurait été possible de revenir là d'où ils étaient

  7   partis.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce sont des questions

  9   linguistiques qui se posent ici. Je crois que cela veut dire que les

 10   prisonniers de guerre doivent être relâchés des localités où ils sont

 11   détenus et qu'ils doivent être remis entre les mains ou sous la

 12   responsabilité de la police du ministère de l'Intérieur, qui doit ensuite

 13   s'en charger pour les transporter ailleurs. Je ne pense pas qu'on leur ait

 14   accordé leur liberté immédiatement; je pense qu'ils ont tout simplement été

 15   relâchés de la détention, mais ce n'est pas la même chose que d'être mis en

 16   liberté.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ils n'étaient toujours pas

 18   capables de remplir les missions de la FORPRONU, n'est-ce pas ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment précis, non. Parce qu'il est

 20   indiqué qu'ils seront remis avec leur équipement personnel et avec leurs

 21   armes, mais je pense que tout ce qui leur avait été laissé c'étaient leurs

 22   effets personnels. On n'avait pas volé quoi que ce soit. Ils avaient bien

 23   leurs vêtements, mais ils n'avaient plus leurs armes, leurs gilets pare-

 24   balles, leurs casques et autre équipement militaire. Et ils n'avaient plus

 25   leurs systèmes de communication.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais aussi une question

 28   supplémentaire.


Page 18370

  1   M. Lukic vous a demandé si c'était un ordre émis par le général Mladic ou

  2   si le général Mladic s'était contenté de transmettre un ordre. Or, dans le

  3   texte il est indiqué, et je lis maintenant la dernière ligne à la page 1 :

  4   "Conformément à un ordre émis par le président de la Republika Srpska,

  5   j'ordonne…"

  6   Alors, en termes militaires, si vous recevez un ordre de votre supérieur

  7   hiérarchique qui doit être mis en œuvre, est-ce que vous vous dites : Je

  8   vous transfère un ordre émanant du président ? Ou est-ce qu'une hiérarchie

  9   militaire requiert que vous donniez un ordre vous-même pour qu'il puisse

 10   être transféré le long de la chaîne ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est plutôt la deuxième

 12   interprétation qui est correcte. Je dirais que si vous recevez un ordre,

 13   vous devez accepter la responsabilité de le mettre en œuvre. Et une fois

 14   cette responsabilité acceptée, vous devez donner des ordres plus détaillés

 15   à vos subordonnés qui reposent sur votre autorité personnelle que vous avez

 16   reçue de vos supérieurs hiérarchiques.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et si vous recevez un ordre qui est

 18   illégal, est-ce que vous assumez la responsabilité en transmettant cet

 19   ordre à vos subordonnés ? Est-ce que cela vous rend responsable pour cet

 20   ordre --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous acceptez un ordre illégal et si vous

 22   le transférez, alors vous êtes coupable en tant qu'individu. Les ordres

 23   illégaux ne doivent pas être respectés.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne pouvez pas le justifier en

 25   disant : Eh bien, je viens de recevoir cet ordre et je vous le transmets --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Chacun est responsable des conséquences de ses

 27   propres actions, d'après moi. Si quelque chose est illégal, alors c'est

 28   illégal. La loi c'est la loi, elle s'applique à tout le monde.


Page 18371

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, on a accordé beaucoup

  2   d'attention à la question de savoir si cet ordre a été transmis ou s'il a

  3   été donné. Est-ce que c'est une question purement sémantique ou est-ce que

  4   c'est une question qui touche à des choses essentielles ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas cela comme une question

  6   essentielle ou cruciale. Je pense que le président donne un ordre ou une

  7   instruction - quel que soit le terme que nous utilisions - pour que ces

  8   personnes soient relâchées. Et ensuite, c'est le général Mladic qui donne

  9   un ordre pour pouvoir l'exécuter.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 11   Vous pouvez poursuivre.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  Je m'approche de la fin de mon interrogatoire principal. D'abord,

 14   permettez-moi de vous poser une question : au moment où les avions de

 15   l'OTAN étaient en train de bombarder les positions serbes, est-ce que la

 16   FORPRONU devait toujours maintenir la paix en Bosnie ?

 17   R.  Vous parlez des frappes aériennes qui ont eu lieu dans la région de

 18   Pale au mois de mai ?

 19   Q.  Oui.

 20   R.  Oui, parce que c'est le mandat que la FORPRONU a reçu des Nations

 21   Unies, et je ne pense pas, Maître Lukic, qu'il y ait une plus grande

 22   autorité que celle-ci dans le monde entier. Si les Nations Unies disent que

 23   la FORPRONU se trouvent sur place pour exécuter un projet particulier, eh

 24   bien, c'est cela, un point c'est tout.

 25   Q.  Et, d'après vous, la FORPRONU était-elle impartiale à ce moment-là ?

 26   R.  L'impartialité n'implique pas que vous deviez traiter nécessairement

 27   les deux parties dans un conflit ou toutes les parties dans un conflit

 28   exactement de la même façon. Vous pouvez les traiter de façon différente


Page 18372

  1   pour vous assurer que votre mandat sera rempli. Et ceci est en accord avec

  2   la définition d'impartialité proposée par l'ONU.

  3   M. LUKIC : [interprétation] 1D911, s'il vous plaît, j'aimerais que nous

  4   examinions ce document. C'est un ordre émanant du commandant de l'état-

  5   major principal de la FORPRONU, le général Smith. Ce qui nous intéresse,

  6   c'est ce qui figure au numéro 4 à la fin de la page.

  7   Q.  Conformément au général Smith, et je cite ce qui est indiqué sous la

  8   lettre (A), la FORPRONU n'est plus en relation de maintien de la paix vis-

  9   à-vis de la VRS, puisque la FORPRONU a perdu l'approbation d'une des

 10   parties. Par ailleurs, conformément au général Smith, et je me réfère

 11   maintenant à ce qui figure sous la lettre (B), la FORPRONU s'est rapprochée

 12   d'une situation où elle deviendrait un allié du gouvernement bosniaque. Et,

 13   par conséquent, la FORPRONU est sur le point de ne plus être impartiale.

 14   Etes-vous d'accord avec moi pour dire que votre façon d'envisager le

 15   rôle et les relations engagés par la FORPRONU ne coïncident pas avec ceux

 16   du général Smith ?

 17   R.  Vous m'avez demandé ce qui se passait au moment des frappes aériennes.

 18   Ce document décrit la situation qui a été créée par la suite, après les

 19   frappes aériennes, après la prise d'otages, et cetera. Donc vous parlez

 20   d'une situation qui, entre-temps, s'est changée. Ce n'est pas la situation

 21   sur laquelle vous m'aviez posé votre question.

 22   Est-ce que je peux voir la deuxième page de ce document, s'il vous plaît,

 23   pour pouvoir envisager ce passage dans le contexte --

 24   Q.  Ce document compte plusieurs pages. Nous pouvons les examiner. Nous

 25   pouvons regarder le point (C) de la page suivante, où il est indiqué que la

 26   FORPRONU a recouru à la force pour pouvoir remplir son mandat --

 27   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Nous ne voyons plus l'original.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Revenons à la page 1 de la version


Page 18373

  1   anglaise.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Vous avez entendu le Juge Fluegge ?

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est maintenant affiché à l'écran, au

  5   haut de la page.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Très bien. Nous avons la version anglaise. Moi,

  7   je suivais la version B/C/S.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous voyons tout sur l'écran. Vous

  9   pouvez poursuivre.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Puis-je poursuivre ?

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, allez-y.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Très bien.

 13   Q.  Donc, puisque vous pensez que c'est un document du 29 mai 1995, est-ce

 14   que vous croyez que ce qui est indiqué ici ne vaut que pour cette date et

 15   que le général Smith a désormais raison, que désormais il est impossible de

 16   poursuivre une mission de maintien de paix vis-à-vis de l'armée des Serbes

 17   de Bosnie et que la FORPRONU est sur le point de devenir un allié de la

 18   partie bosniaque ?

 19   R.  Sur le point de le devenir, mais cela ne s'est jamais produit, si vous

 20   me demandez mon avis, pendant ma mission sur place. Et je voudrais aussi

 21   attirer votre attention sur la première phrase. C'est là que le général

 22   Smith nous dit de quoi il s'agit dans ce document, sur quoi il porte.

 23   D'abord, il cherche à nous informer sur l'échange qui est en cours; et le

 24   deuxième est de diriger nos actions. Donc il ne faudrait pas faire une

 25   confusion entre les deux. Mais il a raison de dire qu'après les frappes

 26   aériennes et la prise d'otages, il était très clairement exprimé quelle est

 27   la partie qui n'avait pas respecté les accords. Mais d'expérience,

 28   lorsqu'on parle de consentement ou d'approbation, ce n'est pas un concept


Page 18374

  1   qui est tout à fait absolu dans le cadre des opérations de maintien de

  2   paix. Il est relatif. Et il peut disparaître à un moment donné pour être

  3   rétabli par la suite.

  4   Q.  Au point 4, Général, nous allons nous approcher de la fin de cela. Je

  5   ne vais pas vous imposer mes questions encore plus longtemps. Donc nous

  6   voyons la dernière phrase au petit (a), qui se lit comme suit : La FORPRONU

  7   a entre ses mains quatre soldats de l'armée des Serbes de Bosnie. Alors,

  8   d'après vous, est-ce que ce sont des otages ou des prisonniers de guerre ?

  9   R.  Je n'en ai pas la moindre idée; ce n'est pas moi qui les détenais.

 10   Q.  Vous étiez prêt à dire que les personnes capturées et qui étaient dans

 11   les rangs de la FORPRONU étaient des otages. Alors, qu'en est-il des

 12   soldats de l'armée serbe ? Etaient-ils des otages ou des prisonniers ? La

 13   FORPRONU était-elle en droit de prendre des otages ou des prisonniers de

 14   guerre ?

 15   R.  Eh bien, dites-moi de quelles circonstances il s'agit, et à ce moment-

 16   là je pourrai vous répondre.

 17   Q.  Oui. Ils ont été faits prisonniers sur le pont de Vrbanja de Sarajevo

 18   par la FORPRONU. Au moment où l'armée serbe de Bosnie était en train de

 19   faire des prisonniers parmi les membres de la FORPRONU, à ce moment-là la

 20   FORPRONU a fait prisonniers quatre soldats de l'armée serbe de Bosnie.

 21   R.  Donc vous êtes en train de me dire que l'armée serbe de Bosnie était en

 22   train de se lancer dans une action tout à fait impropre, potentiellement

 23   criminelle, en attaquant les forces de maintien de paix de Sarajevo, et

 24   pendant cette action, l'effectif 

 25   de maintien de paix, en se défendant, a pris quatre de leurs attaquants ?

 26   Q.  Non, non, non. Attendez. Les membres français de la FORPRONU ont

 27   attaqué un poste de contrôle de l'armée de la Republika Srpska et a fait

 28   prisonniers ces quatre soldats.


Page 18375

  1   R.  Mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit que c'était

  2   pendant que l'armée serbe de Bosnie-Herzégovine était en train de prendre

  3   des hommes en otage, en train de faire des prisonniers, d'après ce que vous

  4   avez dit, d'après vos propres mots.

  5   Q.  Et en même temps, c'est ce qui s'est produit. Ces membres français de

  6   la FORPRONU ont attaqué un poste d'observation d'un poste de contrôle de

  7   l'armée de la Republika Srpska et se sont emparés de quatre de leurs

  8   soldats. Je vous demande d'établir un parallèle entre ces deux situations.

  9   R.  Ecoutez, je ne pense pas que ce soit des choses comparables. Je n'ai

 10   aucun moyen de vérifier ce que vous êtes en train de dire, si c'est

 11   effectivement ce qui s'est produit sur le terrain. Je me souviens qu'il y a

 12   eu des combats intenses sur ce pont et au sujet de ce pont, d'après les

 13   rapports que j'ai vus, entre la FORPRONU française et la VRS. Et si pendant

 14   cet échange on s'est emparé de ces soldats, alors je dirais que les forces

 15   de la FORPRONU, qui agissaient sous la protection du mandat des Nations

 16   Unies, qui étaient en train de se protéger et ils avaient le droit de le

 17   faire.

 18   Alors, je ne connais pas les détails de cette situation où ces quatre

 19   soldats ont été pris, donc je ne peux pas vous commenter là-dessus.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, le témoin semble nous dire

 21   qu'il s'appuie sur ce qu'il a vu personnellement et sur son propre vécu et

 22   il vous demande plus de détails et plus d'élément, il vous demande de lui

 23   préciser la situation. En fait, vous devriez poser ce genre de question aux

 24   témoins qui ont une connaissance directe de la situation. Donc je pense que

 25   ce n'est pas utile que vous continuiez avec ces questions avec ce témoin.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 27   document au dossier.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.


Page 18376

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D911 reçoit pour cote

  2   D390.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document est admis au dossier.

  4   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'abandonne mon intention de donner

  6   lecture de la décision vu le temps.

  7   Monsieur Jeremy, vous avez dit qu'il vous fallait cinq à dix minutes ?

  8   M. JEREMY : [interprétation] Dix minutes.

  9   M. LUKIC : [aucune interprétation] 

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, une question à ce moment-là,

 11   Maître Lukic.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  Général, est-ce que vous pouvez nous dire brièvement ce qui est arrivé

 14   aux membres ukrainiens de la FORPRONU de Gorazde ?

 15   R.  L'effectif ukrainien a été attaqué dans leur base, ils ont été attaqués

 16   par l'armée musulmane de Bosnie. Ils ne se sont pas défendus. On leur a

 17   pris leurs armes et leur équipement. J'ai dû les prendre en charge, et par

 18   la suite ils ont été évacués par le contingent russe de la FORPRONU.

 19   J'étais en colère à cause de cela, très en colère, mais au moment où j'ai

 20   su exactement ce qui était en train de se produire, je n'ai pas pu

 21   l'empêcher.

 22   Q.  Je vous remercie, Général, d'avoir répondu à mes questions. Je n'en ai

 23   pas d'autres.

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Jeremy, est-ce que vous

 26   avez des questions supplémentaires ?

 27   M. JEREMY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 28   Nouvel interrogatoire par M.Jeremy:

 


Page 18377

  1   Q.  [interprétation] Général Riley, dans le cadre du contre-interrogatoire,

  2   page du compte rendu d'audience temporaire 41, pendant l'échange qui

  3   portait sur la question qui était de savoir si c'est le général Mladic qui

  4   a ordonné que l'on bombarde la base du Bataillon britannique de Gorazde si

  5   d'autres frappes aériennes avaient lieu, voilà ce que l'on vous a soumis

  6   comme ayant été dit par l'officier de liaison de la VRS, et je vous renvoie

  7   à la page 42, lignes 13 à 14 du compte rendu d'audience : 

  8   "J'essayais de trouver qui est Brane Suka. Cet homme n'a absolument aucun

  9   lien avec le général Mladic."

 10   Et ça a été répété de nouveau en page 65 du compte rendu d'audience

 11   temporaire d'aujourd'hui. En réponse, vous avez déclaré que l'on vous a

 12   convoqué à une réunion avec le général Smith et Mladic en août 1995 et qu'à

 13   ce moment-là, cet homme était présent. Par rapport à cette réponse, je

 14   voudrais vous montrer le document P345, c'est le carnet du général Mladic.

 15   M. JEREMY : [interprétation] Et, plus précisément, page 310 en anglais et

 16   314 en B/C/S.

 17   Q.  Général Riley, à partir du moment où on verra s'afficher la version

 18   anglaise de ce document à l'écran, j'aimerais que vous vous concentriez sur

 19   la deuxième mention au milieu de la page. Nous voyons qu'il est question de

 20   Borike ici. Et on voit parmi les présents, en date du 22 août 1995, il y a

 21   le général Smith et puis d'autres noms, et nous voyons Indjic, Kusic,

 22   Krunic, Kosoric, Suka". Et page suivante.

 23   R.  Kusic était le commandant de brigade à Rogatica, et je pense que la

 24   réunion s'est placée dans sa zone de responsabilité.

 25   Q.  Et puis, plus tard, nous avons Furtula, Popovic et puis l'interprète,

 26   Tijana.

 27   Général Riley, est-ce que c'est la réunion à laquelle vous avez assisté en

 28   relation au retrait de votre bataillon de Gorazde ?


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  1   R.  Il me semble bien. Et Suka est présent. Et je me souviens bien que le

  2   général Mladic le connaissait et lui parlait comme s'il le connaissait.

  3   Je ne suis pas tout à fait sûr si cela -- s'il y a des doutes ou des

  4   questions sur l'intégrité de Brane Suka. Brane Suka était quelqu'un de tout

  5   à fait intègre, un patriote, c'est comme cela qu'il se voyait. Il haïssait

  6   la guerre et il aurait fait tout ce qu'il aurait pu pour que la situation

  7   soit résolue.

  8   M. JEREMY : [interprétation] Je voudrais montrer un dernier document au

  9   témoin, et cela porte de nouveau sur Brane Suka. Il s'agit du document

 10   23892 de la liste 65 ter.

 11   Q.  Général, maintenant que c'est sur l'écran, vous voyez que c'est un

 12   document qui émane de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska, le

 13   secteur chargé de la sécurité et du renseignement, daté du 7 mai 1955, et

 14   cela est adressé au commandement du Corps de la Drina, également au

 15   commandement de la 5e Brigade d'infanterie légère. Il est fait mention du

 16   capitaine Brane Suka personnellement.

 17   M. JEREMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à la deuxième

 18   page de ce même document, s'il vous plaît.

 19   Q.  Je ne vais pas vous lire ce document, mais au deuxième paragraphe, il

 20   est fait mention de Brane Suka à nouveau. Et dans le quatrième paragraphe,

 21   il est fait mention de :

 22   "Notre officier de liaison, le capitaine Suka, fixera les conditions

 23   de l'évacuation médicale et sociale lors de la remise en liberté des Serbes

 24   capturés à Gorazde…"

 25   Ceci vous rafraîchit-il la mémoire pour ce qui est du capitaine Suka

 26   ?

 27   R.  Oui. Alors, je me souviens en particulier de cet échange et cette

 28   évacuation. Et je ne peux que répéter ce que j'ai dit plus tôt, c'est-à-


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  1   dire qu'il était basé dans la municipalité serbe au QG de Furtula. Mais on

  2   m'a toujours laissé entendre qu'il était là pour établir la liaison

  3   directement avec le général Mladic, ce qui semble correspondre à ce que

  4   disent les documents.

  5   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

  6   versement au dossier de ce document en tant que pièce à conviction suivante

  7   de l'Accusation.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 2392 [comme interprété] recevra la

 10   pièce P2547, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 2547 est versé au dossier.

 12   M. JEREMY : [interprétation]

 13   Q.  Merci, Monsieur Riley.

 14   M. JEREMY : [interprétation] Pas d'autres questions, Messieurs les Juges.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que les questions

 17   supplémentaires ont donné lieu à d'autres questions de votre part ?

 18   Monsieur Mladic - nous sommes à la fin de cette audience - si vous

 19   souhaitez consulter votre conseil, bien sûr, vous aurez l'occasion de le

 20   faire.

 21   [Le conseil la Défense et l'accusé se concertent]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez parler moins fort, s'il vous

 23   plaît. Moins fort, s'il vous plaît, et lorsque je dis ça, je m'attends à ce

 24   que vous parliez moins fort.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'autres questions.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, Monsieur Riley, ceci met un

 27   terme à votre déposition. Je souhaite vous remercier beaucoup d'être venu à

 28   La Haye pour répondre à toutes les questions qui vous ont été posées par

 


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  1   les parties et par les Juges de la Chambre. Je vous souhaite un bon voyage

  2   de retour.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez suivre l'huissier.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience et nous

  7   reprendrons le lundi 28 octobre, à 9 heures 30, dans la salle d'audience

  8   numéro III. L'audience est levée.

  9   --- L'audience est levée à 14 heures 16 et reprendra le lundi 28 octobre

 10   2013, à 9 heures 30.

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