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1 Le mercredi 13 novembre 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes
6 dans ce prétoire et autour de celui-ci.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
9 Ceci est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
11 La Chambre a été informée d'une question que l'Accusation souhaite soulever
12 à titre préliminaire.
13 M. GROOME : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
14 Tout d'abord, le premier point, la décision d'hier rendue par la Chambre
15 d'appel concerne les faits déjà jugés. Nous n'avons pas fini d'examiner
16 cette décision, mais apparemment il y a 40 faits qui ont été mis de côté
17 par la Chambre d'appel. L'Accusation propose qu'une semaine soit accordée
18 et que mardi prochain, je fasse savoir à la Chambre les conséquences que
19 cela entraîne pour notre thèse et en l'espèce.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Entendu.
21 M. GROOME : [interprétation] Le deuxième point que je souhaite porter à
22 votre attention, c'est que - et je ne suis pas en train de faire une
23 requête - la Chambre sera certainement déjà au courant du nouveau charnier
24 qui a été découvert dans la mine de Tomasica. Nous avons reçu un rapport de
25 personnes qui sont au travail là-bas sur le terrain, hier. Et la dernière
26 situation telle qu'elle était connue hier fait état de 470 corps. Un grand
27 nombre de ces corps, de façon assez inhabituelle, présentent encore des
28 tissus, des tissus mous, et des rapports devraient être disponibles qui
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1 permettront d'examiner les éléments de preuve relatifs aux modalités de
2 leur décès.
3 C'est particulièrement pertinent en l'espèce pour deux raisons.
4 Premièrement, il y a environ dix victimes qui ont déjà été identifiées à
5 titre préliminaire en se fondant sur les documents d'identité retrouvés sur
6 les corps. Ces dix victimes sont des victimes nommément identifiées en
7 l'espèce. C'est également pertinent parce que si la Chambre examinait
8 l'entrée du 27 mai 1993 dans les carnets de Mladic - P358 au dossier, pièce
9 P154 dans le prétoire électronique - les Juges de la Chambre se
10 convaincront que M. Mladic a à ce moment-là une conversation avec des
11 fonctionnaires de la police au sujet de 5 000 corps qui se trouvent dans la
12 mine de Tomasica, donc il y a un lien direct en l'espèce.
13 Et nous sommes régulièrement en contact avec les fonctionnaires locaux et
14 les membres de l'ICMP, qui considèrent que le travail pourrait être terminé
15 au début du mois de janvier. Avec une centaine de corps supplémentaires,
16 j'imagine que cela prendra un peu plus de temps. Mais John Clark, qui a
17 déposé devant cette Chambre, prévoyait déjà de se rendre sur place et d'y
18 travailler.
19 Donc, je signale tout simplement ceci à la Chambre. Nous sommes en
20 train de revoir notre position au vu de nos obligations par rapport à ces
21 éléments de preuve extrêmement importants qui ont été mis au jour et qui
22 continuent d'être mis au jour ces jours-ci. Nous nous penchons également
23 sur les conséquences que cela aura. Mais, encore une fois, je souhaitais
24 simplement signaler ceci aux Juges de la Chambre.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Groome. Une référence a
26 déjà été faite à P358 et au document P154 du prétoire électronique. Je
27 pense qu'il y a peut-être un malentendu et que l'un de ces deux nombres est
28 probablement le numéro de page. Alors,
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1 lequel ?
2 M. GROOME : [interprétation] La page 154 dans la version anglaise.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
4 M. GROOME : [interprétation] Et j'ai encore une requête à faire, si nous
5 pouvions passer à huis clos partiel.
6 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
20 Alors, pendant que nous attendons le témoin, je voudrais reprendre le sujet
21 que vous avez abordé, Monsieur Groome.
22 Le 12 novembre, la Chambre d'appel a statué quant à l'appel de la Défense
23 relatif aux faits déjà jugés. Et suite à la décision de la Chambre d'appel,
24 la Chambre de première instance, par la présente, décide que les faits déjà
25 jugés énumérés aux points 1 à 3 du dispositif de la décision de la Chambre
26 d'appel sont retirés. La Chambre donne pour instruction à l'Accusation de
27 l'informer, elle, ainsi que la Défense, dans le délai indiqué par vous-
28 même, Monsieur Groome, des mesures, s'il y en aura, que vous avez
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1 l'intention de prendre suite à cette décision. Mais, de toute façon, vous
2 avez anticipé nos instructions.
3 [Le témoin vient à la barre]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Tabeau, bonjour.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est peut-être superflu, mais je
7 souhaite malgré tout vous rappeler que vous êtes toujours liée par la
8 déclaration solennelle que vous avez prononcée hier au début de votre
9 déposition.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, à vous.
12 Mme MARCUS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous.
13 LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Interrogatoire principal par Mme Marcus : [Suite]
16 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau.
17 R. Bonjour.
18 Mme MARCUS : [interprétation] Messieurs les Juges, Mme Tabeau a préparé
19 quelques transparents pour faciliter sa déposition. P2792, sous cote
20 provisoire, c'est la cote pertinente. Je vais demander à Mme Stewart de
21 nous aider avec l'affichage de ces transparents dans le système Sanction
22 pendant l'interrogatoire du témoin.
23 Pourrions-nous, s'il vous plaît, afficher la planche numéro 1. Alors,
24 pendant que ceci s'affiche, Messieurs les Juges, je relève pour le compte
25 rendu d'audience qu'il y a deux acronymes qui ne vont cesser de revenir
26 pendant l'interrogatoire. Le premier est POD pour l'acronyme anglais preuve
27 de décès. Et le second est DU, pour "Demographics Unit", c'est-à-dire le
28 Service des démographes, qui est en fait l'unité que dirigeait Mme Tabeau.
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1 Pourrions-nous avoir la planche numéro 2.
2 Q. Madame Tabeau, pouvez-vous nous expliquer la pertinence de cette
3 planche.
4 R. Sur cette planche, il est fait référence au premier rapport
5 démographique présenté devant ce Tribunal. Il concernait les victimes de
6 Srebrenica, la chute de Srebrenica, dans le cadre de l'affaire Krstic en
7 2000. Dans ce tableau, un certain nombre de chiffres sont présentés, il
8 s'agit avant tout des personnes portées disparues à Srebrenica, 7 475.
9 C'était là le résultat central de ce rapport qui a été rédigé en se fondant
10 exclusivement sur les enregistrements de personnes disparues. A l'époque,
11 seul 68 individus ont été identifiés. Il ne s'agissait pas d'une
12 identification par ADN mais d'une identification classique, et le taux
13 d'échec était de moins de 1 %.
14 Donc, bien que ce rapport à l'époque ait été considéré comme un résultat
15 particulièrement important de notre service, nous avons considéré qu'il
16 était nécessaire d'améliorer la qualité des éléments de preuve concernant
17 les victimes de la chute de Srebrenica. De notre point de vue, les
18 améliorations possibles portaient sur l'appariement des données relatives
19 aux personnes disparues d'une part, et des éléments de preuve relatifs aux
20 exhumations des personnes et aux personnes identifiées d'autre part.
21 Mme MARCUS : [interprétation] Pourrions-nous avoir la planche 3.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant, j'aurais une question.
23 Il y a une entrée IP [comme interprété] avec un numéro. Qu'est-ce que cela
24 signifie ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] PIP signifie Projet d'identification du
26 Podrinje qui était mené par les autorités locales avec la participation de
27 l'ICMP en Bosnie-Herzégovine. C'est un projet qui se concentrait sur
28 l'identification des victimes de la chute de Srebrenica en tout premier
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1 lieu. Et ces références concernent la source de 68 identifications.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une autre question. Le chiffre 9,
4 cela correspond au nombre de personnes qu'on a au début portées disparues
5 mais qui, en fait, avaient survécu, n'est-ce pas ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Au début, certaines personnes qui
7 avaient été portées disparues dans le cadre de la chute de Srebrenica se
8 sont avérées être encore vivantes.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite, nous avons 7 477 dans la
10 colonne victimes reconnues ou confirmées, qui est plus important que le
11 nombre de personnes disparues.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Parce qu'il y avait deux victimes dans la
13 section des personnes identifiées qui sont des victimes supplémentaires par
14 rapport aux personnes disparues de la liste du bureau du Procureur.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ici, nous avons le pourcentage des
16 personnes identifiées. C'est en fait les 68 par rapport à 7 475 ou 7 477,
17 n'est-ce pas ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je ne m'abuse, cela concerne uniquement les
19 personnes disparues. Les pourcentages peuvent être calculés de différentes
20 façons.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais cela a perdu en grande partie
22 de sa pertinence parce que maintenant nous avons un chiffre beaucoup plus
23 important, n'est-ce pas, de victimes reconnues, à défaut d'être identifiées
24 ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en parlerai de ces chiffres aujourd'hui. Les
26 chiffres sont donc mis à jour, parce qu'il y a eu mise à jour au fil des
27 ans, à mesure que nous progressions dans notre travail et dans les rapports
28 ultérieurs.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, à vous.
2 Mme MARCUS : [interprétation]
3 Q. Sur la planche 3, Madame, pourriez-vous nous expliquer ce que nous
4 voyons ?
5 R. Il y a trois ensembles de personnes disparues : l'ensemble rouge c'est
6 celui des personnes disparues; ensuite, l'ensemble bleu est celui des
7 personnes dont les restes ont été retrouvés; et enfin, en vert, on trouve
8 l'ensemble des personnes identifiées.
9 Alors, la question qui se pose, c'est celle de la fusion de ces trois
10 ensembles, ou plutôt, de l'intersection de ces trois ensembles. A quoi
11 correspond-elle exactement ? Quelle intersection avons-nous entre les
12 personnes portées disparues, les personnes dont les corps ont été exhumés
13 et celles qui ont été identifiées ? C'est une question qui est toujours
14 sans réponse définitive. La planche recense simplement les ressources et
15 les recherches effectuées dans chaque groupe.
16 Q. Cette planche représente une analyse des sources pertinentes du point
17 de vue des preuves de décès concernant Srebrenica ainsi qu'une analyse des
18 preuves de décès pour le reste de la Bosnie, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, parce que ce sont les mêmes fondements qui ont été utilisés dans
20 le projet pour Srebrenica et le projet des preuves de décès qui a été mené
21 à bien en l'espèce.
22 Mme MARCUS : [interprétation] Veuillez afficher la planche 4.
23 Q. Madame Tabeau, pouvez-vous nous dire ce que nous voyons ici.
24 R. Cette planche va une étape plus loin et nous montre la superposition de
25 ces trois ensembles de sources, ou plutôt, leur intersection. En substance,
26 nous parlons d'appariement des données entre les enregistrements de
27 personnes disparues, les enregistrements de personnes dont les restes post
28 mortem ont été retrouvés et les enregistrements de personnes identifiées.
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1 Idéalement, ce que nous souhaiterions voir, c'est la zone coloriée en rouge
2 avec la plus grande surface possible. Idéalement, il y aurait une
3 correspondance exacte entre les trois ensembles, ce qui signifierait que
4 nous serions en mesure de dire exactement ce qui s'est passé pour chaque
5 personne portée disparue entre le moment où elle a disparu jusqu'au moment
6 où les restes post mortem de cette personne ont été exhumés d'un charnier
7 ou d'ailleurs, et enfin, jusqu'au dernière stade, son identification par
8 ADN ou par une autre méthode, ce qui bouclerait la boucle du processus et
9 de l'identification de chacune de ces personnes.
10 En pratique, il n'y a pas de correspondance parfaite. La partie
11 coloriée en rouge croît au fil du temps, à mesure que l'on collecte
12 davantage de données et que plus de résultats d'analyses sont obtenus. Mais
13 en raison même de la situation qui est marquée par la guerre, il n'est pas
14 possible d'obtenir une correspondance parfaite, une bijection, si vous
15 voulez.
16 Mme MARCUS : [interprétation] Puis-je demander à Mme Stewart
17 d'afficher la planche numéro 5.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce que
19 vous nous dites que c'est impossible ou que ce n'est pas toujours possible
20 ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'expérience qui est la mienne,
22 c'est quelque chose que je n'ai jamais rencontré dans mon travail sur les
23 victimes. En théorie, c'est possible; mais du fait que les sources sont à
24 ce point incomplètes, qu'elles sont compilées selon des méthodologies et
25 des approches différentes et qu'il y a aussi des problèmes techniques qui
26 se présentent, en pratique, la possibilité d'appariement et d'établissement
27 de lien reste en dessous de 100 % concernant les sources.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
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1 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.
2 Planche 5, s'il vous plaît, Madame Stewart.
3 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer les sources des preuves de décès.
4 R. Dans cette planche, la référence a été faite au projet POD complété
5 pour l'affaire Mladic. J'ai utilisé les mêmes couleurs sur cette
6 diapositive que les cercles dans la diapositive précédente. Pour ce qui est
7 maintenant des sources de personnes disparues, nous nous sommes servis des
8 registres du CICR des personnes portées disparues, et on a également
9 utilisé les registres de personnes portées disparues de la Bosnie-
10 Herzégovine. Le cercle bleu, l'exhumation, est représenté par un très grand
11 nombre de documents concernant les exhumations qui ont porté sur les
12 incidents qui se trouvent dans les tableaux de l'acte d'accusation de
13 Mladic; il s'agirait de rapports d'exhumation, de rapports sur le site, des
14 certificats de décès. Et le troisième groupe, c'est l'identification des
15 victimes. Ceci a été analysé sur la base des rapports d'identification,
16 principalement de manière classique, et certains ont été disponibles grâce
17 à l'identification par ADN.
18 En plus de ces sources principales, nous nous sommes également servis de
19 sources qui portaient sur les déclarations de témoin; il s'agit de
20 décisions de tribunaux locaux de la Bosnie-Herzégovine, et celles-ci ont
21 été compilées sur la base de déclarations de témoin. Et ce qui est très
22 important aussi, c'est que nous avons effectué des recherches dans une base
23 de données de grande taille établie par mon unité. Il s'agit d'une base de
24 données intégrée, c'est ainsi qu'on l'a appelée. Il s'agit d'une fusion de
25 plusieurs sources très importantes qui portaient sur les victimes de
26 guerre, et donc il s'agit de sources dont nous allons peut-être parler un
27 peu plus tard aujourd'hui.
28 Q. Pour être bien clair, lorsque vous parlez qu'en haut de cette
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1 diapositive on peut voir que l'on "vérifie les victimes" dont on fait
2 référence dans la liste de tableaux du bureau du Procureur, c'est le bureau
3 du Procureur qui l'a assemblée, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que l'Unité de démographie s'est servie --
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux interlocuteurs de ralentir le
7 débit.
8 Mme MARCUS : [interprétation] Je suis vraiment désolée, je vais essayer de
9 faire de mon mieux.
10 Q. Est-ce que l'Unité de démographie s'est servie des éléments de preuve
11 recueillis dans l'affaire Mladic, dans l'analyse POD ?
12 R. Non.
13 Q. Maintenant, s'agissant des sources POD, dans cette diapositive, de
14 quelle manière est-ce que vous pouvez comparer de nouveau, ceci sur la base
15 de cette diapositive, les sources utilisées pour l'analyse POD pour
16 Srebrenica avec les sources POD utilisées pour le reste de la Bosnie ?
17 Donc, des preuves de décès, en parlant de POD.
18 R. Lorsque vous parlez du reste de la Bosnie, vous voulez dire les preuves
19 de décès dans l'affaire Mladic ?
20 Q. Oui.
21 R. Eh bien, comme je l'ai dit, il s'agit du même type de sources, il
22 s'agit donc de la même approche méthodologique qui était appliquée dans les
23 deux cas. Pour Srebrenica, nous nous sommes surtout concentrés sur les
24 personnes portées disparues et sur les registres basés sur l'ADN. Et par
25 des registres grâce à l'ADN, des informations ont été rendues disponibles à
26 la suite d'exhumations et de fosses communes, et il y avait plusieurs
27 sources qui n'ont pas été mentionnées dans notre rapport sur Srebrenica.
28 Mais dans cette affaire-ci, en plus des registres de personnes portées
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1 disparues et des registres d'identification, nous avons travaillé
2 directement avec les sources qui ont procédé à l'exhumation. Donc, ceci est
3 plus complet, d'une certaine façon, parce que ceci nous permet de voir les
4 trois aspects du processus qui a été utilisé et ceci le regroupait dans un
5 même rapport.
6 Q. Donc, je crois comprendre de votre réponse qu'il y a eu moins
7 d'identifications par ADN lorsqu'il s'agit de municipalités que de
8 Srebrenica, si je vous ai bien comprise. Si j'ai bien compris ce que vous
9 nous avez dit, pourriez-vous nous expliquer, je vous prie, très brièvement,
10 quelles en sont les raisons, si vous le savez ?
11 R. Oui, c'est tout à fait exact. Il y avait donc beaucoup moins
12 d'identifications faites par ADN disponibles pour les preuves de décès pour
13 les victimes, donc. Et pour ce qui est des victimes qui provenaient
14 d'ailleurs que de Srebrenica, nous parlons, en fait, du début de la guerre
15 en 1992, car Srebrenica a eu lieu en 1995. Mais lorsque l'on parle de
16 Srebrenica, c'était effectivement la priorité principale de l'ICMP, et ce,
17 pendant très longtemps. Srebrenica se trouvait donc au cœur du processus
18 d'identification pour ce qui est de cette organisation. Il était clair que
19 nous pouvions voir les résultats de ce type de priorité accordée à
20 Srebrenica, dans le sens où un très grand nombre d'identifications par ADN
21 étaient rendue disponible pour les victimes de Srebrenica, mais beaucoup
22 moins pour les victimes provenant d'ailleurs ou qui auraient trouvé la mort
23 à d'autres moments de la guerre.
24 Q. J'aimerais maintenant vous poser une question hypothétique, simplement
25 afin que l'on puisse se comprendre très clairement.
26 Si nous prenons, par exemple, une victime, la victime A, nous avons une
27 source qui nous donne les éléments de preuve concernant les circonstances
28 du décès de cette personne A, comparée maintenant à la victime B pour
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1 laquelle nous avons cinq sources qui fournissent des éléments de preuve
2 concernant les circonstances du décès de cette personne. Pourriez-vous nous
3 dire de quelle manière est-ce que vous pouvez comparer à quel point vous
4 êtes confiante de la détermination des preuves de décès concernant la
5 personne A par rapport à la personne B ?
6 R. Eh bien, un commentaire : vous n'avez pas parlé de documents qui sont
7 disponibles. Vous avez parlé de cinq sources, de cinq documents, alors vous
8 parlez de cinq par rapport à un document. Eh bien, ceci est pertinent,
9 c'est très pertinent concernant les sources que nous avons à notre
10 disposition, mais je crois que ce qui est très important, si l'on prend
11 pour acquis que ces documents, donc un document pour la personne A et les
12 cinq documents pour la personne B, confirment de manière cohérente le fait
13 qu'une personne est décédée dans une certaine situation. De manière
14 générale, la question que l'on se pose est quelle est l'importance
15 d'utilisation d'une source par rapport à des sources multiples ? Eh bien,
16 en situation de guerre, il est très difficile d'être sûr de ce qui s'est
17 exactement passé et de la manière dont les événements se sont réellement
18 déroulés. Car les documents sont fragmentés, la documentation est
19 fragmentée et il y a des erreurs de communication, et ceci arrive assez
20 souvent.
21 Donc, lorsque nous parlons du sort des victimes et lorsque nous essayons de
22 prouver ce qui leur est arrivé, il est très important, il est essentiel
23 même, de se servir du plus grand nombre de sources fiables que possible,
24 parce que l'on peut corroborer, on peut comparer les conclusions concernant
25 une victime. Donc, ceci augmente notre certitude quant à la preuve de décès
26 d'une certaine personne.
27 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander à Mme Stewart de nous
28 afficher la diapo numéro 6.
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1 Q. Madame Tabeau, pouvez-vous nous parler des obstacles que vous avez
2 rencontrés lors de l'analyse POD, c'est-à-dire preuve de décès, et ce, les
3 difficultés rencontrées par l'Unité de démographie.
4 R. Nous parlons de comparaison de sources, de l'établissement des liens
5 entre les sources, c'est-à-dire que nous sommes en train de parler de la
6 déclaration des registres d'information concernant une même personne mais
7 dans différentes sources et que ceci doit également être cohérent, bien
8 sûr.
9 Notre travail serait très facile si nous avions, par exemple, une
10 caractéristique numérique pour chaque affaire et que si l'on pouvait
11 comparer ces numéros pour chaque source, les liens seraient faciles à
12 comparer. Nous pourrions à ce moment-là comparer les numéros, et en
13 comparant les numéros, nous pourrions avoir un certain nombre de liens déjà
14 établis. Mais ce n'est pas le cas lorsque nous parlons du projet POD, et ce
15 n'est pas également le cas lorsque nous parlons du projet de Srebrenica. La
16 comparaison est faite sur la base d'éléments descriptifs, comme, par
17 exemple, les noms, les dates de naissance, le lieu de naissance, mais il y
18 a des questions maintenant qui surviennent. Par exemple, il peut y avoir
19 des erreurs de la manière dont on épelle le nom, on peut changer ou
20 interchanger le nom du père, par exemple, il peut y avoir des erreurs de
21 frappe. Nous parlons également du doublon qui arrive parfois, mais nous
22 parlons aussi de la possibilité de survivants qui figurent parmi les
23 victimes, également.
24 Q. Et que faites-vous pour surmonter ces obstacles, qu'est-ce qui vous
25 permet d'arriver à certaines conclusions avec confiance ?
26 R. Nous avons déployé des efforts considérables, nous avons passé
27 énormément de temps à essayer d'éliminer les incohérences, les différences,
28 les formats différents entre les sources, nous avons vérifié pour voir s'il
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1 y avait des doublons, pour les éliminés, les survivants également, nous
2 nous sommes penchés sur eux, et tout ceci est décrit dans nos rapports.
3 J'aimerais attirer l'attention de la Chambre et des personnes intéressées
4 que dans les annexes de 2009 et dans le rapport intégré de Srebrenica,
5 ceci est expliqué, ainsi que dans les annexes du rapport Slobodan
6 Milosevic.
7 Mais essentiellement, je dois répondre pas l'affirmative, oui, en dehors du
8 travail qui était établi, il est très important d'utiliser des normes de
9 référence sur -- donc, des sources qui peuvent aider, qui pourraient nous
10 permettre de voir de quelle manière on peut déceler les incohérences dans
11 les rapports. Et dans le standard où la norme est devenue le recensement
12 d'avant la guerre de 1991, et c'est le recensement de la population en
13 Bosnie-Herzégovine qui est disponible. Et, en réalité, c'est ce recensement
14 qui nous a servi de base pour notre travail au sein de l'Unité de
15 démographie. Ce recensement a été utilisé avec toutes les autres sources,
16 et ceci nous a permis à comparer les liens qui étaient établis entre les
17 sources utilisées et le recensement.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous demander, Madame
19 Tabeau, de bien vouloir nous expliquer les acronymes que vous avez utilisés
20 au point numéro 2, surtout lorsque vous parlez à la deuxième ligne, en
21 rouge.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je fais référence au registre
23 d'identifications numérique ou alphanumérique provenant des trois sources.
24 S'agissant de la base de données du CICR, on parle du numéro BAZ, B-A-Z.
25 C'est un numéro qui a été utilisé. Il ne s'agit pas simplement d'un numéro
26 exclusif, mais c'est en fait une référence alphanumérique. Le protocole ID,
27 le "case ID", le "ICMP ID", il s'agit ici de trois méthodes, de trois
28 identificateurs, si vous voulez, de trois modes d'identification qui nous
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1 permettent d'identifier les témoins. Et le "case ID", c'est en fait ce qui
2 est rattaché au -- c'est l'étiquette qui est annexée aux restes qui ont été
3 exhumés.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qu'est-ce que cela veut dire
5 exactement BAZ ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, c'est un symbole qui a sans doute une
7 signification et c'est pertinent du point de vue de la manière dont l'on
8 s'en sert. Ici, il s'agit simplement d'un numéro de référence pour chaque
9 affaire. Chaque affaire, en fait, a un numéro qui commence avec les numéros
10 [comme interprété] BAZ, ou BAS lorsqu'on l'épelle de manière erronée. En
11 fait, ensuite, on ajoute un numéro et, par la suite, il y a toute une série
12 de caractères, donc BAZ plus un numéro, et c'est le numéro de registre dans
13 la base de données du CICR.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
15 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais demander l'affichage de la
16 diapositive numéro 7.
17 Q. Docteur Tabeau, vous avez commencé à aborder la question des sources
18 principales. Vous avez commencé à répondre à ceci. Pourriez-vous nous
19 expliquer de quelle manière ces sources sont reliées aux autres sources POD
20 dont nous avons parlé lorsque nous avons regardé la diapositive numéro 5 ?
21 R. Le recensement de la population de 1991 pour l'ensemble du pays, il y a
22 donc 4,4 millions de registres utilisés. Il s'agit d'une liste centrale
23 d'individus. C'est une source de référence qui nous permet de comparer les
24 noms avec d'autres détails personnels. Le deuxième point, l'OSCE, donc le
25 registre des électeurs de l'OSCE, nous permet de voir que 2,5 millions ont
26 été utilisés s'agissant des survivants d'après la guerre, et on a vérifié
27 le tout, on a cherché dans ce registre pour voir s'il y a eu des victimes
28 qui ont, en fait, survécu.
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1 Le gouvernement de la BiH sur les personnes déplacées à l'interne, des
2 personnes déplacées et des réfugiés, donc là, nous avons un très grand
3 nombre de registres. Nous avons 580 000 registres, et ceci nous a servi. De
4 plus, nous nous sommes servis des listes militaires pour les trois armées -
5 l'ABiH, la VRS et la HVO - afin de pouvoir identifier les victimes et de
6 savoir qui de ces listes a été trouvé par rapport aux personnes qui n'ont
7 pas été retrouvées. Donc, voici les sources principales de référence qui
8 nous ont servi à effectuer notre travail.
9 Mme MARCUS : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, nous afficher la
10 diapositive suivante.
11 Q. Docteur Tabeau, vous êtes ici aujourd'hui pour représenter trois
12 rapports principaux : le rapport POD de Srebrenica; le rapport POD pour les
13 municipalités; et les rapports du IDP des réfugiés. Alors, quel est le lien
14 qui existe entre le cadre méthodologique utilisé pour ces trois rapports ?
15 R. Cette diapositive résume la routine, la manière dont nous avons
16 effectué notre examen s'agissant de mon unité pour chacun de ces trois
17 types d'analyse. S'agissant de listes de victimes et de personnes portées
18 disparues et d'autres listes de victimes également, tout ceci fait l'objet
19 d'une même routine, si vous voulez, d'une même méthodologie telle
20 qu'utilisée ici. A la base, nous avons le recensement de la population et
21 le recensement qui a été mené après la guerre concernant les survivants, et
22 ceci est utilisé pour chacune des listes de victimes, et le fait est
23 d'éliminer les incohérences et les survivants afin de pouvoir se préparer à
24 la prochaine étape. Pour ce qui est du rapport des personnes déplacées à
25 l'interne et des réfugiés, dans la partie du milieu, ceci n'est pas
26 vraiment pertinent. C'est plutôt le recensement de la population et le fait
27 d'effectuer un recoupement avec le recensement et les listes d'après-guerre
28 sur les survivants et les listes d'électeurs qui nous ont permis de tirer
Page 19241
1 nos conclusions concernant le déplacement de la population pendant la
2 guerre.
3 Q. J'étais en train d'attendre la fin de l'interprétation.
4 Mme MARCUS : [interprétation] Madame Stewart, pourriez-vous, je vous prie,
5 nous montre la diapositive numéro 9.
6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avec justement ce survol que
7 nous a présenté Mme Tabeau, j'aimerais me concentrer sur la prochaine
8 partie de mon interrogatoire. Il s'agira des preuves de décès de
9 Srebrenica, donc les rapports d'experts portant sur les preuves de décès de
10 Srebrenica. Alors, pour vous expliquer, Monsieur le Président, de quoi il
11 s'agit, nous aurons P1900 et P1901, et les deux ont été versés au dossier
12 par le truchement du Témoin Helge Brunborg. Le P2794, versé au dossier aux
13 fins d'identification, est le rapport mis à jour sur Srebrenica de 2013,
14 fourni par le Dr Tabeau pour l'affaire Mladic. Et nous avons également
15 P2795, versé au dossier aux fins d'identification, et il s'agit là
16 d'annexes à ce rapport mis à jour.
17 Q. Madame Tabeau, votre rapport d'expert pour Srebrenica dans cette
18 affaire-ci met à jour votre rapport précédent qui a été versé au dossier
19 par le truchement de Helge Brunborg en tant que pièce P1900. Pourriez-vous
20 nous dire, s'il vous plaît, ce que votre rapport mis à jour de 2013, qui
21 porte le numéro P2794 versé au dossier aux fins d'identification, par
22 rapport au rapport de 2009, alors quelles sont les différences ?
23 R. Le rapport de 2013, qui est une mise à jour et que j'ai rédigé, se
24 concentre principalement sur l'analyse de nouvelles identifications qui ont
25 été délivrées par l'ICMP entre le moment où le rapport intégré de 2009 a
26 été complété jusqu'en février 2013. C'était donc la date que j'ai utilisée
27 pour mon rapport dans l'affaire Mladic. Donc, au total, il y avait 1 190
28 nouvelles identifications pour cette période, au total. Concernant ce
Page 19242
1 numéro, une quantité importante a été recoupée. On a réussi à trouver des
2 correspondances avec la liste des victimes de 2009 du bureau du Procureur.
3 Je propose maintenant de passer au tableau afin de voir de quoi il en
4 retourne.
5 Le tableau a été tiré du rapport de 2009. Il s'agit du tableau 12 se
6 trouvant à la page 28. Il ne s'agit pas là d'un tableau complet. Il ne
7 représente que les colonnes essentielles reprises du tableau. Les colonnes
8 essentielles étant les personnes portées disparues pour Srebrenica, les
9 personnes identifiées pour Srebrenica, les survivants exclus, les
10 survivants confirmées, et le pourcentage qui est identifié.
11 Nous avons vu la première ligne de ce tableau un peu plus tôt aujourd'hui.
12 Je vais maintenant vous parler de la dernière ligne de ce tableau, qui
13 résume le progrès effectué jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à ce jour. Donc, nous
14 voyons maintenant le nombre de personnes portées disparues pour Srebrenica,
15 qui est maintenant légèrement plus élevé par rapport au rapport initial qui
16 a été élaboré en 2000. Il ne s'agit pas d'une énorme augmentation.
17 L'augmentation a été ajoutée, toutefois, à la liste initiale.
18 Dans la deuxième colonne, sous le titre "Personnes identifiées", nous
19 sommes passés des 68 personnes identifiées en fonction de la méthode
20 classique, à 6 745 personnes identifiées, en incluant les résultats de
21 2013.
22 Les chevauchements de ce chiffre, 6 745, et la liste du bureau du
23 Procureur, nous donnent un total de 6 603, et vous le voyez dans la Note 2
24 de ce tableau.
25 Le chevauchement est assez important, et si l'on compare ces deux
26 chiffres, 6 603 et le nombre de personnes disparues dans la liste du
27 Procureur, 7 692, le pourcentage qui est résulte est de près de 86 %, 85,8
28 % exactement.
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1 Donc, nous sommes passés à moins de 1 % à la première ligne du
2 tableau à 85,8 %.
3 Le nombre de survivants éventuels exclus est resté faible; 12, au
4 jour d'aujourd'hui, et ce chiffre n'a pas bougé depuis 2005. Le nombre de
5 victimes intégrées est passé de 7 477 à 8 047 victimes.
6 Voilà donc les chiffres statistiques les plus récents qui intègrent les
7 résultats de ma mise à jour de 2013 sur Srebrenica.
8 Q. Donc, en fait, la dernière ligne du tableau que nous voyons à l'écran
9 reprend les données qui ont été fusionnées grâce à la mise à jour dans
10 l'affaire Mladic, à savoir le rapport de 2013 [comme interprété], sur 2013
11 [comme interprété], par rapport à la pièce P1900 qui a été versée par le
12 Témoin Helge Brunborg, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais consigner au compte rendu que le
15 tableau 12 du rapport de 2009, comme nous l'a confirmé le Dr Tabeau, se
16 trouve à la page 28 dans la version anglaise et à la page 32 de la version
17 B/C/S de cette pièce P1900, et a été admise sous la cote P1902. Donc, ce
18 que nous voyons à l'écran en ce moment est une mise à jour de cette pièce.
19 J'aimerais, à présent, demander à Mme Stewart de nous montrer le
20 transparent numéro 13. Nous allons sauter quelques transparents.
21 Q. Madame Tabeau, j'aimerais vous demander de nous expliquer brièvement le
22 tableau numéro 7 que nous avons sous les yeux et qui découle de la pièce
23 P1900.
24 R. Nous ne voyons pas la référence sur le transparent. Voilà, il faut
25 descendre. Exactement. C'est bien. Ce tableau vient du rapport de 2009 sur
26 Srebrenica, rapport de synthèse. Donc, nous n'avons rien de nouveau là. Ce
27 sont les mêmes chiffres.
28 Et ces chiffres restent presque inchangés si l'on recalcule les
Page 19244
1 résultats en incluant les identifications qui ont été étudiées dans le
2 rapport de 2013 sur Srebrenica, c'est-à-dire mon rapport dans l'affaire
3 Mladic.
4 Remontons dans le transparent pour voir le titre, s'il vous plaît.
5 Nous voyons ici quelques pourcentages pour trois groupes d'âge, 45-49
6 ans, 50-54 ans, et 55-59 ans. Concentrons-nous sur un groupe d'âge pour
7 illustrer mon propos. Les barres en marron, elles représentent les victimes
8 hommes lors de la chute de Srebrenica en pourcentage de la population de
9 1991 dans leurs municipalités de résidence en 1991. Cela veut dire que nous
10 avons les victimes musulmans, donc uniquement les hommes, en pourcentage
11 sur la base de la population de 1991 en fonction de leur lieu de résidence
12 en 1991.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous faites référence au
14 même groupe d'âge que celui repris dans le recensement de 1991.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement. C'est le même groupe.
16 Les résultats sont présentés en fonction des registres appariés. Donc,
17 c'est exactement le même groupe de personnes dont nous parlons.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le groupe d'âge, les groupes
19 d'âge sont définis en fonction de l'année 1991 ou en fonction des
20 événements de 1991 lorsque ces personnes ont été portées disparues ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est surtout l'âge en 1991 qui a
22 été pris en compte. Quoi qu'il en soit, je crois que cela ne ferait pas une
23 grande différence. Je dois vérifier les chiffres et je pourrais revenir
24 vers vous demain, si vous le désirez.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui, cela pourrait être important,
26 car il faudrait savoir à quel âge, quel âge avait une victime lorsqu'elle a
27 été portée disparue.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je comprends.
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1 Donc sur ce tableau, nous ne voyons que cinq municipalités; Srebrenica,
2 Bratunac, Vlasenica, Zvornik et Han Pijesak. Ce sont les cinq municipalités
3 qui ont été les plus touchées lors de la chute de Srebrenica. Et Srebrenica
4 a été de loin la municipalité la plus touchée par rapport aux autres. Donc
5 pour Srebrenica, pour ce groupe d'âge, nous sommes toujours sur la barre en
6 marron, groupe d'âge 45-49, vous voyez que 50 % des hommes qui résidaient à
7 l'origine dans cette municipalité en 1991 ont été portés disparus lors de
8 la chute de Srebrenica, et ce chiffre est considérable et illustre
9 l'ampleur de la souffrance des hommes musulmans qui vivaient dans ce
10 territoire.
11 Autre conclusion que l'on peut lire sur ce tableau, Zvornik a été
12 relativement faiblement touchée par rapport à Srebrenica. Et d'un point de
13 vue général, les municipalités qui sont proches de celle de Srebrenica ont
14 été plus touchées. Zvornik se trouve plus loin d'un point de vue
15 géographique, et nous pensons que cet éloignement géographique explique les
16 chiffres assez bas pour la municipalité de Zvornik.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander quels sont les
18 critères que vous avez utilisés pour qualifier une personne de victime ? Le
19 point de départ, a-t-il été le statut de personne disparue, y a-t-il eu
20 identification ? Quel a été le critère pour ce tableau ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous sommes partis pour ce
22 tableau du statut de personnes disparues. Pour les nouvelles victimes qui
23 ont été intégrées à la liste de Srebrenica, nous n'avions pas, en fait,
24 d'informations quant à leur disparition, en tout cas pas des informations
25 aussi détaillées que pour les personnes qui ont été portées disparues,
26 parce que la Commission internationale pour les personnes disparues ne
27 fournit pas ce genre d'information. Donc, nous sommes partis principalement
28 du statut de personnes disparues.
Page 19246
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez continuer, Madame
2 Marcus.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
4 Le Dr Tabeau dans son rapport a fourni énormément d'informations à ce
5 sujet. Voilà pourquoi j'aimerais à présent passer au rapport sur la preuve
6 de décès pour les municipalités.
7 Le rapport d'expert sur les preuves de décès du Dr Tabeau pour les
8 municipalités inclut les éléments suivants. La partie du rapport preuve de
9 décès qui a été versé au dossier dans les affaires Stanisic et Simatovic,
10 et qui porte la cote P2787, cote provisoire; ensuite, le rapport preuve de
11 décès dans l'affaire Mladic portant la cote P2796, cote provisoire;
12 l'annexe au rapport de preuve de décès portant la cote P2797, cote
13 provisoire; les éclaircissements apportés à cet annexe portant la cote
14 provisoire P2793; l'addendum à l'annexe preuve de décès se rapportant à
15 quatre victimes et portant la cote provisoire P2790; et, enfin, le tableau
16 énumérant les noms, les correspondances de noms portant la cote provisoire
17 P2791.
18 Je demande à Mme Stewart d'afficher le transparent numéro 14 à présent.
19 Q. Docteur Tabeau, sur la base de vos connaissances et de votre expertise,
20 quelle est la pertinence d'une analyse menée sur les preuves de décès de
21 victimes identifiées telle que celle-ci ?
22 R. J'aimerais demander quelque chose. Serait-il possible de voir le compte
23 rendu à l'écran ou pas ?
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on aider Mme Tabeau à voir sur
25 l'écran le compte rendu et sur l'autre écran, les pièces.
26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous sommes en train d'utiliser le
28 système Sanction, nous ne pouvons pas vous aider Madame.
Page 19247
1 Mais Mme Hellman et Mme Stewart peuvent peut-être essayer de résoudre ce
2 problème.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non pas de problème. Je peux m'en sortir
4 comme cela.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'hésitez pas à poser des questions si
6 vous avez besoin d'éclaircissements.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le ferai.
8 Mme MARCUS : [interprétation] Et je vous le demanderai également.
9 Q. D'après vos connaissances et votre expertise, quelle est l'importance
10 d'une analyse menée sur les preuves de décès de victimes identifiées dans
11 des affaires telles que l'affaire en l'espèce ?
12 R. La pertinence est, bien entendue, fondamentale, en effet, lorsque nous
13 connaissons le nom des victimes et lorsque nous sommes en mesure
14 d'identifier ces victimes dans plusieurs sources liées, dès lors, nous
15 pouvons fournir énormément d'informations utiles qui expliqueront, qui
16 aideront à comprendre les données.
17 Q. Le rapport preuve de décès portant la cote provisoire P2796, et son
18 annexe P2797, sont le fruit de l'analyse de documents sur des preuves de
19 décès et de sources démographiques auxquelles vous faites référence dans
20 votre rapport comme étant une base de données compilée. Confirmez-vous cela
21 ?
22 R. Oui.
23 Q. Regardons le transparent 14, le haut de la page, nous voyons les
24 différents documents preuve de décès utilisés, et puis plus bas sur la
25 page, nous voyons la base de données consolidée.
26 Mais concentrons-nous sur le haut de la page pour l'instant. Vous énumérez
27 là, les différents types de documents qui ont été utilisés. J'aimerais
28 savoir dans quelle mesure vous êtes familiarisé avec ce genre de documents
Page 19248
1 preuve de décès qui ont été analysés dans le cadre du rapport preuve de
2 décès ?
3 R. Je dirais que je suis très familiarisée avec ce genre de document. Je
4 travaille depuis très longtemps sur ce genre de document. Le premier
5 rapport que j'ai rédigé pour ce Tribunal date de 2002 et ce rapport portait
6 sur ce même épisode de guerre, les victimes de 1992 mais dans la région de
7 Krajina. Et déjà à l'époque, le même genre de sources a été utilisé
8 conjointement avec des registres de personnes disparues pour tirer des
9 conclusions sur le nombre de victimes et leur sort.
10 Peut-être qu'il est important de faire remarquer à ce stade-ci qu'en
11 général il y a un grand nombre de documents reprenant des exhumations, des
12 autopsies, des rapports médico-légaux, des rapports anthropologiques, des
13 rapports d'exhumations, des rapports d'enquêtes, donc nous avons énormément
14 de documents à disposition. Il est très important lorsque l'on travaille
15 avec ce genre de sources de savoir clairement quels sont les liens entre
16 ces différents rapports et les victimes identifiées dans les listes et
17 faire le tri, de pouvoir dégager les documents pertinents et laisser de
18 côté les documents qui ne sont pas pertinents. Et le travail que nous avons
19 effectué dans le cadre du projet preuve de décès consistait à dégrossir le
20 tableau, à déblayer le terrain pour pouvoir expliquer quel a été le sort de
21 ces personnes.
22 Q. Lorsque vous avez analysé ces documents et au fil des ans, j'aimerais
23 savoir si vous vous êtes familiarisée avec le format habituel de ces
24 documents, les positions fonctionnelles, donc l'emploi, le poste occupé par
25 les signataires de ce genre de documents et les organisations particulières
26 qui avaient rédigé ces documents en Bosnie-Herzégovine ?
27 R. Oui, bien sûr, pendant ma carrière au TPIY, je me suis rendue plusieurs
28 fois à la Commission des personnes disparues de Bosnie à Sarajevo. Je me
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1 suis également rendue dans les tribunaux cantonaux à Tuzla et à Sarajevo.
2 Je me suis rendue dans le bâtiment du Projet d'identification Podrinje. Je
3 me suis rendue plusieurs fois également à la Commission internationale pour
4 les personnes disparues. J'ai parlé directement avec des personnes qui
5 participaient à la procédure d'exhumation et qui rédigeaient des documents.
6 J'ai moi-même travaillé à plusieurs de ces documents dans plusieurs
7 affaires dans le cadre de mon travail au Tribunal, donc je pense que même
8 mon unité est devenue un point de contact du bureau du Procureur pour les
9 documents relatifs aux exhumations.
10 Q. Pouvez-vous nous dire en toute certitude que si un document n'avait pas
11 été authentique, n'avait pas été un document authentique de preuve de
12 décès, si, sur la base de votre expertise, l'unité de démographie ne se
13 serait pas fondée sur ce document lors de l'analyse ?
14 R. Oui, bien sûr. Si un document non authentique est fourni, nous pouvons
15 l'identifier et nous pouvons le rejeter.
16 Q. Messieurs les Juges, je remarque qu'il reste une minute avant la pause.
17 Si vous le désirez, nous pouvons faire la pause à présent.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre n'y voient pas
19 d'inconvénients.
20 Madame Tabeau, nous allons faire une pause, et nous allons reprendre dans
21 20 minutes. Je vous invite à suive l'huissier.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous
24 allons reprendre à 11 heures moins 10.
25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
26 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
27 [Le témoin vient à la barre]
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Marcus.
Page 19250
1 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.
2 Je voudrais maintenant demander l'affichage du document P2796, cote
3 provisoire, dans les deux langues à la page 2.
4 Q. Et pendant que nous l'attendons, Madame Tabeau, quand le Service des
5 démographes du bureau du Procureur a-t-il été fermé ?
6 R. En septembre 2001 [comme interprété].
7 Q. Qu'est-ce que cela signifiait en pratique, par rapport aux preuves de
8 décès et les informations démographiques dont disposait le bureau du
9 Procureur ?
10 R. Eh bien, tout ce que l'unité et le service avaient produit est demeuré,
11 mais il n'y a pas eu de suivi de ces travaux, mis à part le fait de
12 terminer certaines parties comme, par exemple, ma déposition dans le procès
13 Karadzic, et cetera.
14 Q. Alors, en bas de la page 2, il est question, par exemple, d'analyses
15 qui ont été terminées par le Dr Jan Zwierzchowski. Est-ce que le travail de
16 celui-ci dans ce projet est équivalent à ce que faisait le Service des
17 démographes sous votre direction dans le passé ?
18 R. Oui. Le Dr Zwierzchowski appartenait au Service des démographes vers la
19 fin de l'existence de celui-ci. Nous avons travaillé sur plusieurs rapports
20 ensemble, et il était celui qui avait la possibilité de venir au bureau du
21 Procureur et de travailler sur le rapport des preuves de décès dans
22 l'affaire Mladic.
23 Q. Donc, il serait juste de dire que le Service des démographes a en
24 quelque sorte été remis en place dans le but de préparer le présent -- ou
25 plutôt, les rapports en l'espèce ?
26 R. Oui. Le Dr Zwierzchowski a passé environ trois mois et demi à
27 travailler sur le projet des preuves de décès. Pour ma part, j'ai consacré
28 un peu plus d'un mois à ce projet, ainsi qu'à un autre sujet. Et il est
Page 19251
1 possible de présenter les choses comme vous l'avez fait.
2 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais demander maintenant à Mme Stewart
3 d'afficher dans le système Sanction la planche numéro 14.
4 Q. Dans la partie de votre rapport qui a été préparée pour le procès
5 contre Stanisic et Simatovic, que nous avons isolée sous la cote P2787,
6 cote provisoire, vous avez mis en avant la méthodologie sous-jacente à la
7 constitution de la base de données intégrée. Est-ce que le projet des
8 preuves de décès dans l'affaire Mladic a été mené de façon cohérente par
9 rapport à la méthodologie expliquée dans cette partie du rapport que vous
10 avez rédigée dans l'affaire Stanisic et Simatovic ?
11 R. Oui. Il y avait deux processus qui se déroulaient en parallèle dans le
12 cadre du projet sur les preuves de décès. L'un de ces processus était
13 l'examen des documents relatifs aux exhumations et des enregistrements des
14 personnes disparues aux fins de les apparier en se fondant sur les
15 résultats d'un examen, entrée par entrée, qui était fait à la main, et il y
16 avait un autre processus qui se déroulait en parallèle consistant à
17 utiliser la base de données intégrée et à établir automatiquement des liens
18 entre les listes de victimes figurant en annexe de l'acte d'accusation et
19 la base de données intégrée, et ceci afin d'augmenter la quantité
20 d'information disponible pour chacune des victimes énumérées à l'acte
21 d'accusation en annexe. La méthodologie, cependant, était exactement la
22 même dans les deux cas.
23 Q. Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer dans les termes les plus
24 simples possibles ce qu'est cette base de données intégrée ? Nous voyons à
25 l'écran les sources utilisées.
26 R. La base de données intégrée est le résultat de l'appariement d'une
27 série de sources volumineuses et importantes relatives aux victimes de la
28 guerre.
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1 Parmi les sources de cette base de données, nous trouvons entre
2 autres les avis de décès officiels provenant des familles des personnes
3 décédées, toutes les listes des forces armées, les enregistrements de
4 personnes portées disparues, les enregistrements relatifs aux exhumations,
5 ainsi qu'une série de sources compilées par d'autres organisations, par des
6 organisations non gouvernementales, telle que MAG, les Musulmans contre le
7 génocide, ou le Livre des disparus de la municipalité de Prijedor. On
8 trouve également les enregistrements relatifs à l'identification des
9 victimes de Srebrenica se fondant sur des analyses d'ADN. Et toutes ces
10 sources sont particulièrement volumineuses, elles couvrent assez bien
11 l'ensemble des victimes de la guerre, bien que la fusion de l'ensemble de
12 ces sources ne nous donne toujours pas le nombre total des victimes de la
13 guerre.
14 Q. Je vais vous demander de nous expliquer le rôle que vous avez joué au
15 sein du bureau du Procureur en matière de collecte de données et pour ce
16 qui concerne la création de cette base de données intégrée à proprement
17 parler.
18 R. Eh bien, les sources ont fait l'objet d'une collecte de données par mon
19 équipe et par moi-même personnellement au fil des ans, et notre idée était
20 de mettre sur pied progressivement un système d'information de bonne
21 qualité qui pourrait être utilisé dans l'ensemble du service afin de tracer
22 les victimes de la guerre. Le système a fini par être développé, en
23 commençant par les données relatives à la population au moment où la guerre
24 a éclaté. Il comprenait toute une série de sources relatives aux victimes,
25 semblable à celle utilisée pour la base de données intégrée, et à la fin,
26 nous avons utilisé des sources relatives également aux survivants, sources
27 d'après-guerre. Donc, c'était un système de suivi et d'information qui
28 avait pour objectif de pouvoir être utilisé dans toutes sortes de
Page 19253
1 situations différentes. Une base de données intégrée est simplement un pas
2 supplémentaire en avant dans le développement de ce système d'information
3 généralisée. Cela permet simplement de rassembler toutes ces sources et de
4 les compiler, de compiler différents types de listes de victimes de façon
5 plus simple afin de fusionner tout ceci, donc, et de ne plus procéder sur
6 la base d'une approche source par source.
7 Mme MARCUS : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai distribué aux Juges
8 de la Chambre et à la Défense un certain nombre de documents imprimés. Je
9 n'ai pas du tout l'intention d'en demander le versement. Ils n'ont pas été
10 téléchargés dans le système. C'est simplement pour venir en aide aux Juges
11 et aux parties. Il s'agit de l'annexe des preuves de décès et de la façon
12 dont l'analyse a été conduite.
13 Donc, j'ai un jeu de documents en anglais et un autre en B/C/S, qui a
14 été remis à la Défense. Nous allons nous référer à ces supports en même
15 temps qu'à ce qui s'affichera à l'écran, ce qui nous permettra d'examiner
16 deux documents en même temps.
17 Q. Alors, Madame Tabeau, nous allons passer à l'annexe des preuves de
18 décès, et essayez de fournir à la Chambre un certain nombre d'exemples du
19 travail que vous avez fait, la façon dont cette annexe peut être utile à la
20 Chambre.
21 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais demander à l'écran le document
22 P2797, cote provisoire. Il s'agit de l'annexe des preuves de décès. Nous
23 avons besoin de la page 254 en anglais. La version en B/C/S figure sur les
24 supports que j'ai distribués pour les locuteurs de cette langue. Parce que
25 le tableau est tellement volumineux que ce ne serait pas pratique, donc, je
26 suggère que nous ne gardions que l'anglais à l'écran, pages 261 et 2 en
27 B/C/S.
28 Il s'agit ici du fait 7.2, référencé à l'annexe A de l'acte
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1 d'accusation, où il est reproché à l'accusé le meurtre d'un certain nombre
2 de personnes dans le village de Hrustovo, à Sanski Most, au 31 mai 1992 ou
3 autour de cette date.
4 Q. Alors, Madame Tabeau, j'attire votre attention sur la victime
5 numéro 3 sur cette page, Almina Keranovic. Nous allons parcourir les
6 colonnes de ce tableau de gauche à droite, et je vais vous poser quelques
7 questions. En commençant par la gauche, nous voyons le numéro de la
8 victime, puis ensuite son nom de famille, suivi de son prénom de son père,
9 et ensuite la colonne suivante présente le lieu et la date de naissance.
10 Alors, est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la source de ces
11 informations personnelles ?
12 R. La source des informations figurant dans ces colonnes est le
13 recensement de la population de 1991, après avoir établi le lien entre les
14 informations personnelles concernant cette victime et la victime telle
15 figure dans les listes annexées à l'acte d'accusation.
16 Q. Alors, poursuivons, mais à la droite nous voyons un identifiant
17 du CICR. Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi ni Almina
18 Keranovic ni les parents de cette femme ne disposent d'un numéro
19 d'identification du CICR dans ce tableau ?
20 R. Parce que, manifestement, il n'a pas été possible d'établir un
21 lien avec la liste du CICR ici en passant par les données du recensement,
22 il n'y a pas de numéro du CICR.
23 Q. Est-ce que vous avez la moindre explication quant à la raison de cette
24 situation ?
25 R. Eh bien, comme je l'ai déjà dit, les sources ne sont pas exhaustives,
26 elles ne sont pas complètes. Certaines personnes ont porté disparu des
27 proches auprès de la commission du CICR. D'autres l'ont fait auprès de la
28 Commission bosnienne des personnes disparues, d'autres auprès de l'ICMP.
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1 Donc, nous n'allons pas nécessairement retrouver chacune des victimes qui
2 avaient pu être signalées et portées disparues sur les listes du CICR en
3 tant que personnes disparues.
4 Q. Alors, poursuivons. A la colonne suivante, nous voyons "statut
5 militaire." A la page 10 de votre rapport, page 13 en B/C/S, vous décrivez
6 ce statut militaire tel qu'il figure ici. Vous dites :
7 "Les listes des forces armées ne donnent que le statut du point de vue de
8 l'appartenance aux forces armées, mais ne spécifie pas la différence entre
9 combattant et non-combattant, ou plutôt, si la personne est décédée dans
10 une situation de combat ou hors situation de combat."
11 Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous voulez dire par
12 ceci ?
13 R. Eh bien, les listes militaires ont été dressées dans le but
14 d'enregistrer les personnes décédées ou portées disparues appartenant aux
15 forces armées, ou au ministère de la Défense, au service de la police, et
16 cetera, également les personnes qui fournissaient des services et des biens
17 à l'armée. Le site de la mort, le lieu de la mort, est donné de façon très
18 générale, et on dit simplement que la personne a été tuée ou qu'elle est
19 portée disparue. Les circonstances du décès ne sont pas abordées. Le lieu
20 du décès n'est pas connu non plus. Donc, les listes militaires ne peuvent
21 pas être considérées comme une source qui pourrait contribuer à l'ensemble
22 des informations permettant d'élucider le sort d'une personne portée
23 disparue ou tuée. C'est simplement une information qui nous indique si la
24 personne appartenait à ces structures ou non.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais simplement poser une
26 question.
27 Si quelqu'un n'apparaît pas dans une liste militaire, est-ce qu'on peut en
28 déduire que la personne doit être considérée comme un civil ? Est-ce que
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1 c'est la démarche que vous avez suivie ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, j'ai bien compris que même
4 lorsqu'une personne est qualifiée de civil dans cette table, c'est-à-dire
5 qu'elle n'a pas été enregistrée en tant que militaire dans les sources
6 militaires, il est toujours impossible d'exclure que cette personne ait pu
7 jouer le rôle de combattants à un moment ou à un autre, y compris au moment
8 où elle est disparue ou a été tuée ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Cela peut aller dans les deux
10 sens. Il peut y avoir eu un groupe de civils qui était en réalité des
11 combattants, tout comme il peut y avoir un groupe de militaires, au sens
12 large, qui ont été tués dans une situation qui n'était pas une situation de
13 combat. Et il y a de nombreux éléments d'information concernant ce type de
14 situations dans le cadre du projet Srebrenica.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais juste poser une question.
17 Madame Tabeau, vous nous avez expliqué quelles étaient les sources
18 utilisées pour les cinq premières colonnes de votre tableau. Vous avez dit
19 que la source était le recensement. Ensuite, je vois que pour cette
20 personne le numéro du CICR est manquant et vous nous avez dit que c'était
21 parce que cette personne n'avait pas nécessairement été signalée au CICR.
22 Vous avez également indiqué qu'il y avait d'autres instances, comme l'ICMP
23 ou la BCMP, la Commission bosnienne pour les personnes disparues, mais je
24 ne vois aucune colonne qui reprend ces acronymes dans le tableau.
25 Ai-je raison de dire que le recensement de population nous dira simplement
26 que la personne qui nous intéresse existe en tant que personne ? Ensuite,
27 il faut encore que cette personne soit signalée comme ayant disparu auprès
28 d'une instance ou d'une autorité comme le CICR, qui est mentionné dans ce
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1 tableau. Et voici ma question : comment établi-t-on en premier lieu qu'une
2 personne a disparu ? En se basant sur quelle source ? Parce que,
3 manifestement, ici la source n'est pas le CICR. Alors, quelle était la
4 source ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour cette personne, nous disposons de trois
6 documents ou plutôt de trois sources, pour lesquelles nous avons établi un
7 lien avec cette personne et qui sont énumérées dans le champ "source" de la
8 preuve de décès, 1, 2 et 3, et donc, en premier, il s'agit du rapport
9 d'autopsie, puis du procès-verbal d'exhumation, source numéro 2, et enfin,
10 il y a en source numéro 3 une entrée de la base de données intégrée. Il n'y
11 a pas de source qui ferait état de cette personne en tant que personne
12 disparue. Cependant, le cadavre de cette personne a été retrouvé dans un
13 charnier, ce qui est expliqué ici dans le tableau. On y trouve l'indication
14 de l'emplacement de ce charnier et du moment où le cadavre a été retrouvé.
15 Ceci signifie que même si nous n'avons pas l'enregistrement de cette
16 personne en tant que personne disparue, même si nous ne disposons pas donc
17 de ce type d'information, il y a d'autres éléments de preuve qui nous
18 confirment ce qu'il est advenu de cette personne. Donc, il se pourrait que
19 cette personne ait été signalée à la BCMP ou à l'ICMP, qui ne sont pas pris
20 en considération ici. Mais nous n'avons pas été en mesure d'établir un lien
21 avec une telle information qui nous indiquerait qu'en fin de compte cette
22 personne aurait bien été signalée à telle ou telle instance ou organisation
23 travaillant sur les disparitions.
24 Nous ne sommes même pas en mesure, à vrai dire, d'affirmer si oui ou
25 non cette personne a été à un moment donné portée disparue. La seule chose
26 que nous voyons au terme de cet exercice, c'est que nous n'avons pas trouvé
27 d'enregistrement indiquant que cette personne ait été portée disparue parmi
28 les sources utilisées dans ce projet.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dois-je donc comprendre que la
2 conclusion à laquelle nous sommes parvenus, à savoir que cette personne
3 était une personne disparue et une victime de guerre, découle en réalité du
4 rapport d'autopsie qui nous renseigne sur les circonstances de son décès ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas uniquement. Si nous parcourons les
6 sources, il y a effectivement un rapport d'autopsie qui a été dressé à
7 l'occasion de l'exhumation du cadavre de cette personne, et le rapport en
8 question décrit le cadavre exhumé en détail, avec les blessures infligées,
9 les causes de décès. Il y a également un procès-verbal d'exhumation et il y
10 a une décision judiciaire confirmant le contenu du rapport d'autopsie,
11 ainsi qu'un enregistrement dans la base de données intégrée sous le numéro
12 3. Si vous examinez la dernière ligne, numéro 3 dans cette partie du
13 tableau, vous verrez qu'il y a le chiffre 4 entre parenthèses. Ceci nous
14 indique que nous avons pu confirmer l'existence de cette personne dans la
15 source numéro 4, qui est la base de données intégrée.
16 En pratique, de quel type de source s'agissait-il, eh bien, pour le
17 vérifier, il nous faut nous reporter au tableau numéro 2 du rapport sur les
18 preuves de décès, qui se trouve en page 11 du rapport.
19 Mme MARCUS : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est page 2 du support
20 que j'ai distribué que cela se trouve. A la page suivante.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, il s'agit de l'exhumation de
22 2009.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. C'est la base de données
24 ou la liste ou la source appelée : "Données fusionnées de l'exhumation de
25 2009."
26 Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est un résumé, une liste résumée de
27 personnes portées disparues confirmées par le fait que l'on ait trouvé
28 leurs restes dans certains charniers, qui ont par la suite été identifiés
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1 grâce au processus d'exhumation, et cette liste nous a été fournie par la
2 commission bosnienne, donc le BCMP, en plus des rapports d'exhumations que
3 nous avions et des rapports d'autopsie qui ont été recueillis de manière
4 complètement indépendante s'agissant de cette liste. Et je dois, toutefois,
5 ajouter qu'ils sont venus ensemble, dans le sens où l'information, le
6 résumé qui a été fourni par le BCMP, qui a été fourni à mon unité
7 directement, a été fusionné dans la base de données en tant que liste de
8 personnes disparues confirmées et identifiées lors des exhumations. Cette
9 affirmation nous est parvenue ensemble, de manière cohérente, par rapport
10 aux deux autres documents qui ont été recueillis de manière séparée dans le
11 cadre du projet des preuves de décès.
12 Alors, pour revenir à la question que vous m'avez posée, Monsieur le Juge,
13 même s'il n'y a pas de référence pour une personne, par exemple, sur la
14 base du registre des personnes portées disparues du CICR, il y a d'autres
15 éléments de preuve qui nous permettent de conclure que cette personne en
16 question a été enregistrée comme étant portée disparue à un organisme - et
17 dans ce cas-ci, il s'agit de la commission BCMP - et les éléments de preuve
18 sont inclus dans ce matériel.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame Tabeau.
20 J'ai, en fait, encore une question : de quelle manière arrive-t-on à
21 déterminer la date de décès de cette personne comme étant, par exemple,
22 dans ce cas-ci, le 1er juin 1992 ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette détermination a été basée sur le
24 registre de la commission du BCMP. La commission BCMP aurait pu nous donner
25 les données concernant cette personne qui est portée disparue, c'est-à-dire
26 nous donner la date à laquelle elle a été vue pour la dernière fois, mais
27 également, il s'agit d'un rapport qui a été rendu disponible, le rapport
28 lors de l'exhumation, et ceci, ce rapport, comprend les événements qui ont
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1 mené à ce que l'on tue les personnes et à ce que l'on les enterre dans un
2 charnier comme celui-ci. Et donc, la date qui figure ici peut être
3 également fondée sur ce type d'information, c'est-à-dire sur le type
4 d'information concernant l'événement.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je conclure, alors, que la
6 référence à la source numéro 4 dans la base de données intégrée nous dit
7 également que la fiabilité quant à la date de décès ou de disparition est
8 relativement basse ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait sûre que l'on
10 puisse tirer cette conclusion du seul fait que l'on ait dit cela pour la
11 source numéro 4, mais pour les personnes portées disparues, les meilleures
12 indications sont celles nous disant à quel moment ces personnes ont été
13 vues pour la dernière fois. Pour ce qui est de Srebrenica, la date exacte
14 de décès, la date exacte, comme je le dis, enfin, il est difficile de
15 l'établir. Nous avons des dates de disparition, par exemple, telles que
16 communiquées par des personnes, dans le cas du CICR, par exemple, qui
17 étaient proches de la victime ou des témoins oculaires. Et il en vaut de
18 même pour la source concernant la commission du BCMP. Donc, à quel point
19 est-ce fiable ? Eh bien, c'est fiable dans la mesure où la mémoire est
20 bonne chez les personnes, les membres de la famille. Donc, la date exacte
21 de décès, pour la déterminer, il faudrait avoir des sources additionnelles
22 pour pouvoir déterminer la date exacte de décès.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais dans la source numéro 4, par
24 exemple, de la base de données intégrée, lorsque vous parlez des
25 exhumations de 2009, fusionnées, on dit que la fiabilité quant à l'endroit
26 du décès et le moment où cette personne a été portée disparue donne une
27 fiabilité assez élevée.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais que l'on prenne la page
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1 suivante --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, justement --
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la deuxième page dans le document
5 que l'on nous a remis, mais ce n'est pas nécessairement la deuxième page
6 dans le prétoire électronique, n'est-ce pas.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que vous parlez du tableau numéro 2,
8 n'est-ce pas, Monsieur le Président ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement. Il y a une certaine hiérarchie
11 de sources. Nous avons utilisée cette hiérarchie de sources dans la base de
12 données intégrée. La liste du CICR est mentionnée au numéro 3, et les
13 exhumations qui ont eu lieu en 2009 sont mentionnées au numéro 4. Moins
14 fiable que l'information provenant des rapports statistiques, la base de
15 données M2, donc, ces notifications, ces informations -- car il s'agit d'un
16 autre type de rapport. Pour les décès confirmés, nous avons des certificats
17 de décès signés par des médecins qui peuvent déterminer de manière précise
18 quand et comment une personne est décédée, alors que dans les cas de
19 personnes portées disparues, la meilleure source, c'est le CICR. Et tout
20 juste après, nous avons la commission du BCMP qui vient en deuxième place.
21 Donc, je ne dirais pas que c'est complètement non fiable. Ce n'est
22 pas la même chose que la date exacte de décès, mais c'est la meilleure
23 source que nous pouvons avoir.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne parle pas de ce qui est mieux
25 ou pas, mais je parle du fait qu'il est mentionné que c'est moins fiable.
26 Donc, c'est une source qui est moins fiable que les autres sources, n'est-
27 ce pas, Madame Tabeau ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, moins fiable que les
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1 autres sources, vous avez raison.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
4 Juges. J'allais justement parcourir l'analyse pour cette victime étape par
5 étape, et j'espère que cela pourra vous aider de manière plus claire. Donc,
6 j'aimerais revenir quelque peu en arrière afin d'éclairer la lanterne des
7 Juges de la Chambre.
8 Q. Lorsque dans cette annexe on voit les noms de victimes, il s'agit de
9 noms qui figurent dans les tableaux annexés à l'acte d'accusation ?
10 R. Oui.
11 Mme MARCUS : [interprétation] Et lorsque nous parlerons de victimes
12 supplémentaires un peu plus tard, Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges, je vais vous donner un exemple des victimes supplémentaire qui ont
14 été retrouvées. Mais cette victime en particulier, Almina Keranovic,
15 provient du tableau pour A 7.2.
16 Q. Donc ma question suivante aidera les Juges de la Chambre à comprendre
17 ceci. Donc l'analyse et le sort d'Almina, est-ce que ceci a été fait grâce
18 à une analyse combinée de trois sources ? C'est-à-dire, le rapport
19 d'autopsie, le registre du tribunal concernant l'exhumation et la base de
20 données intégrée analysés ensemble ?
21 R. Oui.
22 Q. Je vais maintenant procéder étape par étape. Mais avant d'aborder l'un
23 des documents sous-jacents, j'aimerais vous poser une dernière question
24 concernant le statut militaire.
25 Si les éléments de preuve analysés par votre équipe indiquaient qu'une
26 personne, la victime en l'occurrence, a trouvé la mort dans le cadre d'une
27 situation de combat, vous auriez énuméré cette personne comme étant exclue,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui. Parce qu'il y avait des sources comme, par exemple, les
2 déclarations de témoin provenant de décisions du tribunal, qui pouvaient
3 nous indiquer qu'il s'agissait effectivement de cela, et donc nous pouvions
4 exclure ces témoins de la liste des victimes.
5 Q. Très bien. Maintenant, aux deux prochaines colonnes, nous avons parlé
6 de la source POD et de la source type. En fait, j'allais vous demander
7 d'expliquer ces colonnes, mais je crois que vous l'avez déjà fait en
8 répondant aux questions posées par les Juges de la Chambre.
9 Maintenant, à la source au numéro 4. Nous avons déjà pris la page numéro 2
10 pour voir ce que cela couvre, c'est-à-dire la base de données intégrée.
11 Maintenant, si nous passons à la colonne suivante, nous pouvons voir les
12 circonstances de décès. Pouvez-vous nous dire où cette information dans
13 l'annexe a été tirée ?
14 R. Il s'agit de l'information se trouvant dans le document du projet, donc
15 c'est un résumé qui résume le document.
16 Q. Je vais passer en revue ces documents sous peu. Mais je veux simplement
17 vous poser la question suivante concernant les colonnes.
18 A la droite de la première colonne, nous avons le lieu d'exhumation.
19 Pouvez-vous nous dire d'où est-ce que cela provient ?
20 R. Cela provient également des documents.
21 Q. Et ensuite, à la fin, nous avons une conclusion finale, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, effectivement. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une victime de guerre
23 dont le décès a été confirmé. Nous avons développé une catégorisation.
24 Donc, lorsque nous parlons de victimes confirmées, il s'agit de la
25 catégorie la plus importante. Car, dans ces cas-ci, tous les documents
26 indiquent de manière cohérente le lieu du décès, les circonstances du décès
27 et la date du décès, et tous ces trois éléments sont cohérents,
28 correspondent à l'événement. Et donc, c'est de cette manière que nous
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1 sommes en mesure de déclarer que cette personne est confirmée. Ensuite, il
2 y a une deuxième catégorie qui est confirmée, mais la conclusion ne peut
3 pas être concluante.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous poser une dernière
5 question lorsqu'on aura parcouru toutes les colonnes.
6 Maintenant, le rapport d'autopsie -- les différentes sources, les trois
7 sources, sont liées à cette personne, vous avez dit. Je ne trouve pas de
8 particularités quant à l'identification de cette personne. L'exhumation
9 veut dire qu'un corps a été exhumé. Un rapport d'autopsie veut dire que la
10 cause de décès, dans la mesure du possible, a été déterminée. Mais où
11 trouvons-nous la confirmation qui nous permet de dire que le corps qui a
12 été exhumé et qui est en lien avec le rapport d'autopsie est bel et bien
13 cette personne ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends. Dans le registre du
15 tribunal concernant les exhumations, que nous verrons sous peu, il est fait
16 état que les membres de la famille, et les noms de ces membres sont donnés,
17 ont identifié les restes de cette personne avec son nom et d'autres
18 détails. Ceci est compris dans le registre du tribunal, il s'agit d'une
19 identification confirmée --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander s'il aurait été
21 impossible d'identifier -- si vous aviez identifié une personne qui n'a
22 toujours pas de nom, son nom ne figurerait pas dans ce rapport ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait exact.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
25 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président --
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de m'assurer d'avoir
27 bien compris la manière dont la base de données intégrée fonctionne.
28 Si j'ai bien compris, en me penchant sur cette première page et sur la page
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1 2 du document que vous nous avez remis, la base de données intégrée est la
2 somme totale des sources d'information concernant les personnes disparues.
3 A la page 2 du document que l'on nous a remis, qu'est-ce qui nous explique
4 ce qui est intégré ? C'est-à-dire nous avons la base de données concernant
5 la mort, et cetera, et cetera.
6 Mais est-il exact de dire, donc, ou peut-on conclure qu'à la première
7 page, lorsque l'on parle de cette victime numéro 3, mentionner la base de
8 données intégrée en tant que source est une erreur, alors qu'en réalité il
9 ne s'agit que d'un résumé des sources qui sont mentionnées ici. Par
10 exemple, au numéro 4, la base de données intégrée est mentionnée, il s'agit
11 des exhumations qui ont eu lieu en 2009.
12 Il semble que nous sommes en train d'utiliser la base de données
13 intégrée comme étant une preuve supplémentaire de la source, alors qu'en
14 réalité ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'un registre de la source. Ce n'est
15 qu'un document qui fait état des sources.
16 Est-ce que j'ai raison de cela ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison.
18 La base de données intégrée est -- en soi, n'est pas une nouvelle source.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un rapport de synthèse qui nous permet
21 de voir un certain nombre de sources qui y sont intégrées, qui font partie
22 du rapport. Et cela donne l'occasion de revoir toutes les sources qui ont
23 été enregistrées concernant une victime précise. Mais en même temps, cela
24 nous permet d'établir la meilleure source et de s'en servir pour procéder à
25 une analyse supplémentaire.
26 Ce n'est qu'un outil que nous avons développé qui nous permet de rendre les
27 choses plus faciles pour les analystes et pour toutes les personnes
28 intéressées de donner suite au rapport lorsque l'on fait état d'une
Page 19266
1 certaine victime. Et, d'une certaine manière, cela nous permet de
2 revérifier le processus de vérification du document d'exhumation. Cela nous
3 permet soit de corroborer ou d'infirmer les résultats de documents
4 individuels.
5 Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais j'ai fait de mon
6 mieux.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en remercie, Madame Tabeau.
8 Merci beaucoup.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une autre question.
10 Je regarde l'écran et je me penche sur le numéro 6, Sejida Keranovic. Nous
11 voyons sous type source, base de données intégrée, et entre parenthèse on
12 voit (14). Est-ce que c'est 1 et 4 ? Alors, parce que les sources sont des
13 numéros uniques, il ne faudrait pas lire ce que l'on voit entre parenthèses
14 ici en tant que 14, mais il faudrait comprendre ce chiffre comme étant
15 composé de deux éléments, de l'élément 1 et de l'élément 4, n'est-ce pas ?
16 Source 1 et source 4.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
19 Mme MARCUS : [interprétation]
20 Q. Pour donner suite à une question posée par le Juge Moloto, j'aimerais
21 vous poser la question suivante : si le Juge Moloto ou d'autres membres de
22 la Chambre de première instance souhaitaient voir un registre sous-jacent
23 qui émerge de cette base de données intégrée, cela serait techniquement
24 possible, réalisable, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, tout à fait.
26 Q. Donc, la base de données, la base intégrée sous-jacente, est un recueil
27 de centaines de milliers et de millions de registres d'individus ?
28 R. La base de données intégrée en soi comporte, si je ne m'abuse, 190 000
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1 registres individuels représentant différents cas. Et cela inclut également
2 les registres multiples pour une victime donnée, par exemple, telle qu'on
3 la retrouve dans diverses sources. Donc il ne s'agit pas de millions
4 s'agissant de cette base de données en particulier, mais c'est également
5 lié au recensement et à la source sur les survivants. Cela fait partie d'un
6 système au sens plus large qui inclut des millions de registres.
7 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander à Mme la Greffière de
8 nous afficher la source numéro 1. Nous allons passer ces documents un par
9 un.
10 Ce document est téléchargé sous le numéro 12727A de la liste 65 ter.
11 Nous l'avons créé comme étant un extrait de l'ensemble du document.
12 Et qui peut également être vu, Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges, dans le document que l'on vous a remis à la page 3.
14 Q. La source 1 pour Almina Keranovic est un rapport d'autopsie. Docteur
15 Tabeau, dites-nous si ce rapport d'autopsie représente l'un des documents
16 du POD, des documents émanant du projet de preuve de décès, avec lequel
17 vous êtes devenue familière pendant votre travail avec le Tribunal ?
18 R. Oui.
19 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme la Greffière nous informe que ce
21 n'est pas disponible dans le prétoire électronique. Il n'a pas encore été
22 téléchargé. Mais il ne s'agit que d'un extrait --
23 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, effectivement.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- donc vous allez demander le versement
25 au dossier de cet extrait en tant que pièce séparée ?
26 Mme MARCUS : [interprétation] Non, pour l'instant, nous n'allons pas en
27 demander le versement au dossier.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il serait peut-être utile de le
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1 télécharger dans le système électronique dès que possible afin que nous
2 puissions avoir l'occasion de le consulter un peu plus tard, si cela est
3 nécessaire.
4 Mme MARCUS : [interprétation] Mme Stewart vient de nous informer que le
5 document vient d'être téléchargé.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
7 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 Nous voyons maintenant l'ensemble du document dans la copie papier à la
9 page numéro 3, page 2 dans le prétoire électronique.
10 Nous voyons deux conclusions au bas de la page. La mort a été
11 violente à la suite d'un objet qui a frappé la tête. La tête a éclaté à la
12 suite d'un coup de feu provenant d'une arme à feu.
13 Q. Est-ce que cette information est entrée dans l'annexe POD dans la
14 colonne intitulée "Circonstances de décès" conformément à la source ?
15 R. Oui, c'est exactement le cas. C'était la source de cette
16 information.
17 Q. Je vous remercie.
18 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander que l'on affiche le
19 document 65 ter 12728, pages 6 et 7 en B/C/S, page 6 en anglais. Il s'agit
20 du registre du tribunal pour l'exhumation. C'est la deuxième source pour
21 Almina.
22 J'aimerais également mentionner que nous avons versé au dossier ce
23 registre du tribunal concernant l'exhumation le 31 octobre 2013 en tant que
24 requête aux fins de versement direct, et aussi, il s'agit d'un extrait de
25 ce document qui a déjà été versé au dossier sous la cote P2496.
26 Q. Il y a ici, à la page 4, un registre du tribunal pour Hrustovo 1. Ceci
27 nous permet de voir un certain nombre de victimes, de corps exhumés dans ce
28 charnier. Est-ce que c'est exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Donc, par rapport à la question du Juge Moloto - à moins que cette
3 question n'ait été posée par le Juge Orie, mais je crois que c'était bien
4 le Juge Moloto - nous voyons ici, au bas de ce numéro 7, un nouveau-né sans
5 nom. Et donc, par exemple, dans ce document, nous de verrions pas le nom de
6 cette victime sur la liste ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Et nous voyons Almina Keranovic sous corps numéro 8. Donc cette
9 information a été entrée dans l'annexe POD dans la colonne "circonstances
10 de décès". Est-ce que cela provient du registre du tribunal d'exhumation ?
11 C'est de là que vous avez pris ces informations ?
12 R. Oui. On parle également ici de l'identification de cette victime par
13 les membres de sa famille, Ramiza Keranovic et Ala Merdanovic [comme
14 interprété]. Et le nom complet de la victime, la date de naissance, le lieu
15 de résidence, les noms du père et de la mère sont également repris.
16 Q. J'aimerais vous demander la chose suivante : dans ce document, qu'est-
17 ce qui vous a poussé à confirmer cette personne comme étant une victime ?
18 Dans votre rapport, comme vous l'avez expliqué, vous avez confirmé non
19 seulement qu'Almina Keranovic était décédée, mais en plus que son décès a
20 eu lieu dans le cadre de cet événement référencé dans le tableau, A7.2.
21 J'aimerais savoir quel élément dans ce document vous a menée à conclure
22 qu'elle était victime conformément aux conditions reprises dans le tableau
23 A7.2 ?
24 R. On décrit les blessures et la cause de décès dans ce document, et on
25 dit que le décès a été violent et a eu lieu directement après un coup de
26 feu. Donc, cela ne laisse aucun doute quant aux circonstances du décès de
27 la victime. Nous avons pris ces informations et nous les avons intégrées
28 dans l'annexe qui a été préparée dans le cadre du projet preuve de décès,
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1 car il est plus facile là de voir quelle a été la cause du décès immédiate.
2 Q. Outre la cause du décès, la date, l'heure de décès et le lieu du décès
3 sont venus de quelle source pour Almina ?
4 R. Comme nous en avons déjà parlé aujourd'hui, ces informations viennent
5 des dossiers de la Commission des personnes disparues de Bosnie, la BCMP,
6 et cette personne a été rapportée comme étant disparue par les membres de
7 sa famille et probablement par d'autres témoins de cet événement.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on également confirmer que la
9 date approximative du décès de cette personne est 1985 comme mentionné dans
10 le PV ? Ou, plutôt, la date reprise dans le rapport d'autopsie ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'une coquille. On fait
12 référence dans les rapports à l'âge de la victime --
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans les deux documents ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Donc c'est 1985 qu'il faut lire, et non
15 1975.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir si vous avez réfléchi
18 à des incohérences possibles entre les différentes sources. Je vais vous
19 donner un exemple. Regardons ce document. Je vois qu'il y a un rapport
20 d'autopsie qui décrit les vêtements et qui nous dit qu'il y avait une veste
21 noire; alors que le rapport, le PV, nous parle de vêtements et d'une veste
22 rouge. Donc la couleur est différente.
23 Est-ce que vous avez écarté ce genre d'information ou est-ce que vous en
24 avez tenu compte ? Je vous pose cette question car peut-être que cela
25 pourrait indiquer que ce sont des personnes différentes. Je sais qu'avec le
26 temps il est difficile de déterminer avec exactitude la couleur de certains
27 vêtements, mais est-ce que vous avez tenu compte de ce genre d'information
28 dans vos
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1 conclusions ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, nous avons étudié l'intégralité du
3 document, donc chaque partie a été prise en compte, et ce genre
4 d'incohérence est assez courant. Comme M. le Juge l'a déclaré, c'est lié à
5 l'usure, les années qui ont passé depuis le décès. Il est très difficile
6 d'identifier et de décrire les vêtements tels qu'ils étaient à l'origine.
7 Je pense qu'il y a une information essentielle ici qui est cohérente dans
8 toutes les sources. Cette information traite du type de personne qu'est la
9 victime, de l'âge qui est clairement déterminé et de la cause du décès.
10 Nous avons des rapports et les déclarations des membres de la famille
11 concernant l'heure du décès et le lieu de décès. Il y a également un
12 rapport sur les personnes disparues. Et toutes ces informations nous
13 donnent un tableau clair de la situation.
14 Donc, dans ce cas-ci, la conclusion consisterait à dire que la description
15 des vêtements n'est pas significative parce qu'elle est moins fiable.
16 Mais des incohérences dans les sources existent. Cela ne fait aucun doute.
17 Elles existent. Voilà pourquoi nous avons développé cette catégorisation,
18 et nous avons mis en lumière des cas qui doivent être exclus à cause
19 d'incohérences, et ces cas-là se retrouvent dans l'annexe.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, dans ce cas-ci, l'incohérence
21 n'était pas suffisamment importante pour douter de l'intégration de cette
22 victime.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
25 Mme MARCUS : [interprétation]
26 Q. Madame Tabeau, il semble, dans votre rapport, que chaque événement a
27 été analysé dans son intégralité. Dans quelle mesure cette analyse totale
28 de toutes les victimes pour un événement particulier vous a-t-elle aidée à
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1 déterminer le sort des personnes qui étaient impliquées dans ces événements
2 ? Est-ce que cela vous a aidé ou pas ?
3 R. Oui, bien sûr que cela nous a aidés. Toute description générale d'un
4 événement a eu son importance, même si les descriptions disponibles dans
5 l'acte d'accusation ne sont pas très détaillées, on y retrouve des éléments
6 importants. La date de l'incident, le type d'incident, le lieu de
7 l'incident sont des éléments importants. Donc, nous cherchons là encore des
8 cohérences pour avoir une idée plus large, une vue d'ensemble de la
9 situation dans le rapport et pour savoir où se retrouvent ces personnes
10 dans les dossiers d'exhumation.
11 Q. Merci.
12 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander à présent l'affichage de
13 l'annexe du projet preuves de décès. Pièce P2797, page 91 en anglais, qui
14 correspond aux pages 108 et 109 en B/C/S. Page 5 dans la version papier.
15 Q. Madame Tabeau, le document que nous avons à l'écran fait référence à
16 l'événement référencé A4.4, et l'accusé, dans l'acte d'accusation, aurait
17 participé à l'assassinat de plusieurs hommes à l'école de Grabovica ou dans
18 ses alentours le 3 novembre 1992 ou autour de cette date.
19 Si nous regardons la liste des victimes dans l'annexe du projet, nous
20 voyons que d'après les tableaux repris dans l'acte d'accusation, il n'y a
21 que cinq victimes identifiées, mais le projet, quant à lui, a révélé qu'il
22 existait 142 victimes supplémentaires pour cet événement repris au tableau
23 A4.4.
24 J'aimerais savoir la chose suivante : comment a-t-on pu établir que
25 ces personnes étaient des victimes supplémentaires de cet événement ?
26 R. Eh bien, la recherche de victimes supplémentaires a eu lieu exactement
27 de la même façon que celle utilisée pour les victimes traditionnelles,
28 entre guillemets, qui avaient été reprises dans les tableaux. Le point de
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1 départ a été une recherche complète du système dans les ressources du
2 bureau du Procureur. Nous avons recherché les documents pertinents, les
3 rapports reprenant les circonstances de décès de personnes pour certains
4 événements. Cette recherche complète a également fourni des résultats
5 complémentaires. Nous avons recherché des victimes traditionnelles, entre
6 guillemets, des victimes référencées dans ce cas-là, et certains documents
7 ont été identifiés dans lesquels plus de victimes avaient été mentionnées.
8 Donc, cela constituait une approche, mais nous avions également d'autres
9 possibilités à disposition. La base de données consolidée nous a permis de
10 rechercher les victimes en fonction de la date et du lieu tels que définis
11 dans les événements. Les listes du CICR, par exemple, sont très faciles à
12 rechercher et nous pouvons, grâce à ce genre de liste, obtenir des listes
13 plus étoffées de victimes pour lesquelles une disparition a été mentionnée
14 aux mêmes dates et aux mêmes endroits.
15 Outre cela, lorsque nous avons étudié des documents tels que les rapports
16 d'exhumation, les rapports d'autopsie, en regard des tableaux de victimes
17 traditionnelles, nous avons retrouvé des victimes supplémentaires qui
18 avaient été rapportées exactement de la même façon. Donc, nous avions de
19 très bonnes raisons de conclure qu'outre les victimes à l'origine reprises
20 dans les tableaux, il y avait eu d'autres victimes qui n'avaient pas été
21 intégrées dans ces tableaux.
22 C'est la procédure, donc, que nous avons utilisée lorsque nous avons
23 recherché des victimes supplémentaires.
24 Q. Concentrons-nous sur la victime numéro 139 affichée à l'écran, Sulejman
25 Turudic, nous voyons dans l'entrée de la base de données consolidée qu'il y
26 a quatre bases de données différentes reprises. Et vous avez expliqué dans
27 votre rapport, et vous venez de l'expliquer aux Juges de la Chambre, que
28 cela voulait dire que le nom de cette victime était repris dans quatre
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1 bases de données séparées.
2 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander à l'huissier de garder ce
3 document à l'écran. Concentrons-nous peut-être sur la version anglaise,
4 comme je l'ai déjà mentionné tout à l'heure, et pour les Juges de la
5 Chambre, il s'agit de la page 6 de la version papier.
6 Q. Vous avez là une entrée de la base de données consolidée pour cette
7 victime, M. Sulejman Turudic. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce
8 que nous dit cette entrée de la base de données pour cette victime et ce
9 que vous avez appris sur cette victime.
10 R. Alors, cette victime, le numéro 139, est une victime supplémentaire.
11 Victime supplémentaire qui, à toute évidence, a été confirmée, puisqu'elle
12 se retrouve dans ce document. Comment avons-nous identifié cette victime,
13 nous nous sommes fondés principalement sur la recherche faite dans la liste
14 du CICR, liste des personnes portées disparues, ou cette personne se
15 retrouvait dans la liste des personnes disparues à Grabovica le 3 novembre
16 1992, et nous avons fondé notre conclusion sur ces informations.
17 Mais la liste du CICR des personnes disparues n'a pas été la seule source
18 utilisée. Il y a également eu d'autres listes, d'autres sources utilisées.
19 Sur la page suivante, vous avez des extraits de la base de données
20 consolidée, et vous voyez là où nous avons retrouvé le nom de cette
21 victime. Dans la source numéro 1, par exemple, nous avons trouvé cela, dont
22 le RS; point 2, la base de données sur la mortalité, donc c'est la
23 notification de décès statistique. On a également retrouvé le nom de cette
24 victime dans la liste des soldats tués au combat ou les listes militaires
25 de l'ABiH. Et je vous l'ai déjà dit, on le retrouvait également dans la
26 liste du CICR. Pour boucler la boucle, ce nom se retrouvait également dans
27 la base de données MAG 2002.
28 Il existe quelques différences entre les sources, mais d'après ce que
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1 les extraits nous montrent, là, nous voyons que la mention de cette victime
2 est assez cohérente dans toutes les sources, à savoir la base de données
3 MAG 2002, la base de données RS, qui donne beaucoup d'information sur les
4 informations personnelles de la victime, la date du décès. Le lieu de
5 décès, la municipalité, le CICR avait attribué également une cote à cette
6 victime. Et puis, le recensement nous a dit que cet homme était
7 d'appartenance ethnique musulmane.
8 Donc, cette page nous donne vraiment un bon aperçu des informations à
9 disposition, et nous pouvons rapidement, d'un coup d'œil, voir tout cela
10 dans la base de données consolidée.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question à vous poser : pour
12 la source numéro 2, les soldats tués au combat, est-ce que cela nous dit
13 qu'au moment de la disparition ou du décès, la personne était un soldat
14 d'active ou juste une personne qui était reprise dans les listes de l'armée
15 ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, cela veut dire que c'était juste une
17 personne qui était reprise dans les dossiers de l'armée.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, merci. Cela explique pourquoi
19 quelqu'un qui est né en 1920 était encore dans les listes de l'armée ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, vous avez tout à fait raison de
21 soulever ce point-là, Monsieur le Juge. Il s'agit d'une incohérence
22 relative à l'âge, mais cette personne était dans le dossier. On a rapporté
23 sa disparition et on l'a retrouvée comme étant membre de l'armée.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et connaissons-nous les circonstances
25 de son décès ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas eu ces informations dans le
27 dossier de l'armée.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais dans d'autres sources peut-
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1 être ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] La base de données sur la mortalité de la
3 Republika Srpska donne les raisons de la cause du décès. Dans ce cas-ci,
4 l'entrée dans la base de données sur la mortalité s'est fondée sur une
5 décision de justice. Décision de justice ou une déclaration de décès par
6 les tribunaux locaux en Bosnie-Herzégovine ont été entérinées par
7 l'autorité statistique et ont été intégrées dans le dossier. Pourquoi ? Eh
8 bien, parce que la décision est une décision juridiquement contraignante.
9 Nous avons également un certificat de décès qui a été délivré par les
10 tribunaux et qui peut être utilisé pour intégrer cela dans le registre
11 statistique des décès.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous poser encore une
14 question.
15 C'est plutôt une observation. Quelqu'un qui a 70 ans n'est plus actif d'un
16 point de vue militaire.
17 Mais mis cela à part, le lieu de naissance et la municipalité où cette
18 personne est née indiquent qu'il y a plusieurs endroits. Dois-je en
19 comprendre que dans l'ensemble, les informations, c'est-à-dire la date de
20 naissance, le nom du père, le lieu de décès et de disparition, que vous
21 avez estimées comme étant des incohérences mineures, ou, tout du moins, qui
22 n'ont pas eu un poids énorme pour un écartement possible, étaient bien ces
23 informations-là ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous tenons toujours compte des incohérences,
25 nous les étudions systématiquement, mais dans ce cas-ci, nous devions
26 utiliser une bonne source de référence, telle que le recensement de la
27 population. Si nous relions ces quatre sources avec les données reprises
28 dans le recensement de la population, et cherchons des personnes qui
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1 s'appelaient Sulejman Turudic, dont le père était Salih, qui était né à
2 cette date-là, il n'y a qu'un seul résultat dans la base de données du
3 recensement, qui nous indique que cette personne était née à cette date-là,
4 à cet endroit-là. Et c'est ce qui nous permet de détecter les incohérences,
5 également.
6 Ces incohérences peuvent s'expliquer facilement, parce que des
7 sources telles que le MAG, le M-A-G, ou les listes des soldats tués au
8 combat, ne sont pas des sources qui sont compilées par des professionnels.
9 Les bureaux de statistique utilisent des systèmes différents lorsqu'ils
10 compilent les données. Il y a des codes en fonction de certaines
11 classifications. Une règle existe pour chaque intégration dans une base de
12 données. Des questionnaires sont développés dans lesquels les victimes sont
13 reprises de la même façon. Mais ce n'est pas toujours le cas avec d'autres
14 sources.
15 Voilà pourquoi, lorsque l'on fait rapport d'endroits, de dates, il y
16 a des divergences d'une source à l'autre. C'est inévitable. Mais lors de la
17 vérification de chaque victime avec le recensement de la population,
18 lorsqu'il y a confirmation, il n'y a qu'une seule solution possible : c'est
19 la combinaison des noms, de la date du naissance, du lieu de naissance, qui
20 nous donne des informations plus précises et qui nous dit que nous parlons
21 bien de la même personne.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire ce
24 que veut dire MAG, M-A-G ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est "Muslims Against Genocide" en
26 anglais, Musulmans contre le génocide --
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une organisation qui est basée à
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1 Sarajevo et qui était active en Bosnie.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure.
4 Madame Marcus, pourriez-vous nous dire où nous en sommes pour ce qui est du
5 timing ? Nous sommes conscients que les Juges de la Chambre ont posé
6 beaucoup de questions qui ont pu vous gruger de quelques minutes dans votre
7 temps d'interrogatoire.
8 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Non, vous ne m'avez
9 pas grugé. Je dirais, pour répondre à votre question, que nous aurions
10 besoin de 20 à 25 minutes supplémentaires.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela compenserait nos
12 questions posées.
13 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vient de m'informer du temps net que
15 vous avez utilisé, et les 25 minutes supplémentaires que vous avez
16 demandées ne dépasseraient pas les prévisions que vous nous aviez données.
17 Madame Tabeau, nous allons faire une pause. Nous reprendrons dans 20
18 minutes. Je vous invite à suivre M. l'Huissier.
19 [Le témoin quitte la barre]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à 12 heures 20.
21 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.
22 --- L'audience est reprise à 12 heures 22.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons reçu un message pertinent en
24 matière de calendrier pour la semaine prochaine. Donc, les journées
25 d'audience seront prolongées. D'une demi-heure pour chacune des quatre
26 journées, je suppose ? Ou alors, de quoi s'agit-il, Maître Stojanovic ? Il
27 s'agirait de deux heures supplémentaires, donc, en tout ?
28 [Le témoin vient à la barre]
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1 M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je priais notre
2 commis à l'affaire de vous en informer : le témoin de demain ne nous
3 demandera que deux heures au lieu des deux heures et demie actuellement
4 prévues.
5 M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il y a un malentendu, Messieurs
6 les Juges.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il me semble aussi que j'ai peut-
8 être mal compris le message qui concerne le Témoin Brown.
9 M. IVETIC : [interprétation] Il s'agira de notre confrère, Me Lukic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois que le message est envoyé
11 par Me Lukic. Donc, nous n'allons pas ignorer son message, mais nous allons
12 pour le moment le laisser de côté. Donc, concentrons-nous pour le moment
13 sur le témoignage de Mme Tabeau.
14 Vous pouvez poursuivre, Madame Marcus.
15 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
16 Alors juste pour le compte rendu, deux points.
17 Premièrement, certains des éléments de preuve sur lesquels s'est
18 appuyé le Service de démographe du bureau du Procureur dans son analyse se
19 trouvaient dans les documents contenant des preuves de décès que l'on
20 s'apprêtait à ajouter à la liste 65 ter à l'époque où ces analyses ont été
21 menées. C'est la raison pour laquelle les Juges de la Chambre pourront
22 remarquer des numéros ERN qui sont toujours présents sur l'annexe des
23 preuves de décès.
24 Deuxièmement, concernant ce fait particulier, Grabovica, recensé au point
25 4.4 de l'annexe A à l'acte d'accusation, je voudrais simplement relever que
26 la pièce 28969 de la liste 65 ter est la déposition du Témoin RM377, qui
27 est toujours en suspens et fait partie de la 29e requête sous le régime de
28 l'article 92 bis. J'espère que ceci pourra venir en aide aux Juges de la
Page 19280
1 Chambre pour l'évaluation des éléments de preuve relatifs aux preuves de
2 décès en ce qui concerne ce fait particulier.
3 Alors, Messieurs les Juges, juste pour une précision par rapport à ce dont
4 nous débattions il y a quelques instants, je voudrais que nous revenions à
5 la page 1 du support que j'ai distribué. Nous pouvons laisser à l'écran ce
6 qui s'y trouve. Je voudrais revenir au cas de cette personne Almina pour
7 vous demander une précision, Madame Tabeau.
8 Q. Plus tôt aujourd'hui, à la page temporaire numéro 43 du compte rendu
9 d'audience, ligne 17, je vous ai posé une question au sujet d'Almina. Je
10 vous ai demandé ce qui vous avait conduite à confirmer son statut de
11 victime dans le cadre de ce fait ou de ces événements particuliers, et non
12 pas uniquement de la considérer comme personne décédée. Je vous ai demandé
13 également quel était le lien avec la date et le lieu du décès, outre la
14 cause du décès, et à partir de quelle source vous les aviez déterminés.
15 Vous avez dit que vous en aviez déjà parlé, que cela venait des
16 enregistrements de la BCMP ou d'autres instances chargées des personnes
17 disparues, et que c'était la façon dont cette personne avait été signalée
18 par des membres de sa famille ou d'autres, et que -- ou d'autres personnes
19 qui avaient été témoins de ces événements.
20 Alors, je voudrais vous poser la question suivante : nous voyons pour
21 Almina, dans l'entrée qui lui correspond, que dans la base de données
22 intégrée il y a un chiffre 4 qui renvoie à la base de données des
23 exhumations. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cette base de
24 données vous a fourni l'information qui figure dans l'annexe des preuves de
25 décès, à savoir que le décès est intervenu à Hrustovo, près de Sanski Most,
26 le 1er juin 1992 ? Parce que nous ne retrouvons pas ceci dans le constat
27 judiciaire de l'exhumation que nous avons examiné.
28 R. Je crois que nous avons déjà abordé ceci dans le contexte d'une
Page 19281
1 des questions que vous avez posées plus tôt aujourd'hui. Je disais que la
2 base de données des exhumations de 2009 est en fait une liste de victimes,
3 un résumé de tous les individus qui ont été signalés à la Commission
4 bosnienne des personnes disparues comme étant des personnes disparues et au
5 sujet desquelles des éléments de preuve ont été collectés au fil des ans à
6 partir des identifications et des exhumations.
7 Donc, cette liste synthétique de personnes disparues et de corps
8 exhumés, ainsi que de personnes identifiées, a été initialement compilée
9 par la commission de la BCMP, a été fournie systématiquement au bureau du
10 Procureur. Mon service de démographie les recevait, et j'étais le point de
11 contact principal pour l'intégration de ces informations. Maintenant, ceci
12 fait partie de la base de données intégrée.
13 Q. Juste pour bien comprendre, est-ce que l'entrée qui correspond à
14 cette victime dans la base de données intégrée au chiffre numéro 4 ajoute
15 quoi que ce soit par rapport au rapport d'exhumation à proprement parler ou
16 s'agit-il d'une redondance d'information ?
17 R. D'une part, il n'y pas ici redondance ou doublon, mais
18 corroboration d'éléments contenus dans les documents relatifs à
19 l'exhumation. Il y a également un ajout d'informations à partir des
20 documents relatifs aux exhumations, et cela nous dit, par ailleurs, la date
21 et le lieu où cette personne est disparue.
22 Q. Merci beaucoup.
23 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais demander à M. l'Huissier de bien
24 vouloir passer dans l'annexe qui est affichée sous nos yeux, P2797 sous
25 cote provisoire, à la page 490 en anglais. Je voudrais encore une fois
26 demander l'affichage de l'anglais à l'écran, tout en signalant pour les
27 locuteurs du B/C/S que les pages correspondantes sont les 463 et 464.
28 Messieurs les Juges, sur les supports que j'ai distribués, ceci se trouve à
Page 19282
1 la page 8.
2 Q. Passons à un autre exemple, une autre victime dans le cadre d'un autre
3 événement référencé en annexe B de l'acte d'accusation, point 13.2, où il
4 est reproché à l'accusé le meurtre d'un certain nombre de personnes au camp
5 d'Omarska ainsi qu'en différents lieux après que ces personnes ont été
6 emmenées hors du camp entre le 27 mai et le 21 août 1992.
7 Reportons-nous aux conclusions finales pour les victimes numérotées 9 et
8 10, à savoir Hamdija Avdagic et Emsud Bahonjic. Pourriez-vous expliquer aux
9 Juges de la Chambre pourquoi la victime numéro 9 a vu son statut de victime
10 confirmé dans le cadre d'un autre événement référencé en annexe de l'acte
11 d'accusation, alors que la victime numéro 10, elle, en est exclue ?
12 R. Tout d'abord, la victime numéro 9 est une personne qui était née à
13 Kozarac, au village de Kozarac, municipalité de Prijedor. Nous pouvons le
14 voir sous la date de naissance, la colonne marquée DOB, POB, "date of
15 birth, place of birth". Si nous avançons dans cette ligne, nous voyons que
16 de façon tout à fait cohérente, cette personne a été signalée comme ayant
17 disparu de Kozarac du secteur de Prijedor, et je vois qu'il y a également
18 une identification par ADN faite par l'ICMP, qui se réfère également à
19 l'exhumation à Kozarac.
20 Cependant, le fait 13.2 [comme interprété], référencé à l'annexe B à l'acte
21 d'accusation, concerne les victimes d'Omarska. Et Kozarac, manifestement,
22 ne correspond pas à Omarska, et bien que nous puissions dire que cette
23 personne soit une victime confirmée pour Kozarac à Prijedor, ce n'est pas
24 une victime confirmée pour le fait B13.2.
25 Alors, il y a un autre événement référencé dans les annexes. Il s'agit du
26 6.1 de l'annexe A. Et si nous nous référons à la liste des événements de
27 notre rapport, tableau numéro 1, page 3, nous verrons que le fait 6.1,
28 référencé à l'annexe A, concerne le meurtre d'un certain nombre de
Page 19283
1 personnes à Kozarac et dans les environs de Kozarac entre le 24 mai et le
2 mois de juin 1992.
3 Si nous revenons maintenant au support qui a été distribué. En version
4 imprimée, nous avons déjà parlé de Kozarac, Prijedor comme étant le lieu à
5 la fois de la disparition et de l'exhumation. Et la date, dans ce cas
6 particulier, est signalée comme étant le 15 juin 1992 également à Kozarac,
7 Prijedor. Si nous nous fondons sur la base de données intégrée, le chiffre
8 ou la clé 3 correspond à la liste du CICR. Le chiffre 7, c'est "Knjigah
9 Nestalih", le livre des disparus de Prijedor. Et tout ceci est cohérent
10 avec le fait 6.1 de l'annexe A à l'acte d'accusation, si bien que nous
11 pouvons recatégoriser cette victime de ce fait 13.2 de l'annexe B au fait
12 6.1 de l'annexe A.
13 Concernant la victime numérotée 10, il est indiqué que son cadavre a
14 été exhumé du charnier de Pasinac, et une décision de justice a établi
15 qu'il avait été tué au camp de Keraterm à Prijedor. Il y a également un
16 certificat de décès confirmant cela. Et la base de données intégrée en
17 donne également la confirmation. Cependant, le fait 13.2 référencé à
18 l'annexe B de l'acte d'accusation concerne les événements d'Omarska, et en
19 ce qui concerne Keraterm, il n'y a qu'un seul fait en annexe de l'acte
20 d'accusation, c'est le 13.2, et il est d'une portée très restreinte dans sa
21 définition. Il s'agit des meurtres commis dans la salle numéro 3 du camp de
22 Keraterm les 24 et 25 juillet 1992. Et, par conséquent, ce fait référencé à
23 l'annexe correspondante de l'acte d'accusation n'est pas approprié pour
24 qu'on puise y catégoriser ou y rattacher cette victime. Nous devons donc
25 l'exclure par rapport aux victimes en question et inclure la victime
26 concernée dans l'annexe à notre rapport sur les preuves de décès.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais juste poser une ou deux
28 questions à ce sujet.
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1 Si j'ai bien compris, au sujet du numéro 10, il y a eu une décision
2 de justice qui, apparemment, établit le lieu du décès.
3 En revanche, pour le numéro 9, nous n'avons pas de décision de
4 justice analogue. Il est indiqué : "a disparu de Kozarac", et il est
5 également dit l'endroit où le corps a été retrouvé. Alors, les Juges de la
6 Chambre se sont vu présenter des éléments de preuve relatifs à Kozarac
7 montrant qu'il s'agissait là d'endroits très proches du camp d'Omarska et
8 aussi que les personnes arrêtées à Kozarac et dans les environs se sont
9 retrouvées à Omarska. Qu'est-ce qui vous a amené à décider qu'il y avait là
10 une erreur d'attribution plutôt qu'à conclure qu'il s'agissait là d'un
11 cadavre de personne qui a pu décéder à Omarska ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je n'avais pas d'information
13 supplémentaire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au sujet de
14 cette victime, premièrement. Deuxièmement, sur la base des documents
15 étudiés dans le cadre du projet preuves de décès, il apparaissait plus
16 approprié d'attribuer cette victime au fait 6.1 référencé à l'annexe A de
17 l'acte d'accusation plutôt qu'au fait 13.2 de l'annexe B. Cependant, si de
18 nouvelles informations, des informations supplémentaires m'étaient
19 communiquées sur la base desquelles je pourrais être amenée à conclure que
20 malgré tout, cette victime pourrait être rattachée au fait 13.2 de l'annexe
21 B, eh bien, il conviendrait dans ce cas-là de revoir cette décision.
22 Il est certainement très difficile d'avoir une certitude totale quant
23 au rattachement de la victime à tel ou tel fait en annexe. Sur la base de
24 la description qui figurait dans les documents, nous avons décidé de la
25 rattacher au fait 6.1 de l'annexe A plutôt que 13.2 de l'annexe B.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je ne me suis pas référé à
27 des informations spécifiques, mais plutôt des informations de nature
28 générale indiquant que des personnes s'étaient retrouvées au camp
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1 d'Omarska.
2 Mais vous nous dites, en fait, que ceci n'a pas de caractère
3 catégorique ou définitif et que c'est sous réserve éventuellement de
4 l'apparition de nouveaux éléments de preuve ou informations indiquant cette
5 possibilité de mauvaise attribution de catégorisation, en fait, n'en était
6 pas une, et qu'il faille apporter une correction.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Et cela peut toujours être corrigé
8 si de nouveaux éléments deviennent disponibles.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une autre question.
11 Vous avez dit que le fait 13.2 référencé à l'annexe B de l'acte
12 d'accusation avait une portée très restreinte, qui était définie de façon
13 très restreinte parce qu'il s'agissait de meurtres commis dans la salle
14 numéro 3 du camp de Keraterm. Alors, où peut-on trouver ceci au sujet de la
15 salle numéro 3 ? Parce que je ne le retrouve pas dans l'annexe B de
16 l'annexe d'accusation, et ce fait 13.2 qui s'y trouve référencé.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce n'était pas cet incident-là. Il ne
18 s'agissait pas du 13.2 de l'annexe B. C'est un autre fait référencé en
19 annexe.
20 Excusez-moi. C'est le fait relatif à Bijelo Polje, donc 13.1 de l'annexe D.
21 Excusez-moi. L'erreur vient de moi.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, merci pour cette précision. Je
23 vois maintenant de quoi il s'agit.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre.
25 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
26 Q. Alors, Madame Tabeau, l'analyse des preuves de décès que nous voyons et
27 qui résulte de cette annexe a uniquement pris en considération les victimes
28 des faits référencés aux annexes A, B, F et G de l'acte d'accusation; est-
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1 ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Donc, si à l'annexe C de l'acte d'accusation figurait un fait tel que,
4 par exemple. C 15.3 au sujet de crimes comprenant les meurtres commis au
5 camp de Keraterm entre le 25 mai et le 21 août 1992, il demeurerait
6 possible, n'est-ce pas, d'inclure cette victime numéro 10 en tant que
7 victime dans le cadre de cet événement particulier référencé en C 15.3,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui, cela serait possible.
10 Q. Et cela serait également le cas pour tout autre victime référencée dans
11 votre analyse comme ayant été exclue mais pour laquelle des documents
12 relatifs aux preuves de décès permettraient de confirmer qu'il s'agirait
13 bien là de victimes des crimes reprochés en annexe C à l'acte d'accusation,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Bien sûr, en effet.
16 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais maintenant demander à M.
17 l'Huissier de bien vouloir afficher la page 78 de ce document, et 2797 sous
18 cote provisoire pour la version anglaise, et ceci pour les locuteurs du
19 B/C/S se trouve en page 314. Ce sera notre dernier exemple, Messieurs les
20 Juges. Et pour le support que j'ai distribué sur papier, cela se trouve en
21 page 9.
22 Q. Alors, je voudrais que nous nous attardions sur la victime numérotée 3
23 sur cette page, rattachée au fait numéro 5.1 de l'annexe B à l'acte
24 d'accusation. Donc, Miralem Altoka, il est indiqué que dans le contexte de
25 ces événements, le sort qui a été le sien ne peut pas faire l'objet de
26 conclusions définitives. Alors, comment pouvez-vous nous expliquer la façon
27 dont les incohérences éventuellement rencontrées vous amènent à considérer
28 comme impossible de tirer une conclusion quant au sort de cette victime
Page 19287
1 dans le cadre de ces événements particuliers ?
2 R. Eh bien, pour cette victime particulière, je ne dirais pas qu'il y
3 avait des incohérences. Il y avait plutôt un niveau d'information
4 disponible à son sujet qui rendait impossible de rattacher cette victime
5 aux meurtres commis au KP Dom de Foca entre juin et décembre 1992. Si nous
6 passons à la colonne intitulée "Circonstances du décès", et nous passons à
7 la source référencée pour les preuves de décès au sujet de cette victime,
8 nous verrons que pour la source numéro 1, il y eu une décision judiciaire
9 de décès établissant qu'il a été amené le 13 avril 1992 hors de sa maison à
10 Foca. Ensuite, la base de données intégrée au numéro 2 et la liste du CICR,
11 liste des personnes disparues, nous disent qu'il a disparu le 20 mai 1992 à
12 Foca. Puis un rapport de la BCMP sur les personnes disparues nous dit qu'il
13 a été enregistré en tant que personne disparue à partir de mai 1992.
14 Malgré cela, il n'est toujours pas possible d'établir un lien clair entre
15 cette victime et ce qui a été commis au KP Dom de Foca et se qui s'est
16 passé ultérieurement là-bas de juin à décembre 1992. D'où la décision
17 d'indiquer que dans ce cas précis, il n'a pas été possible de parvenir à
18 une conclusion claire.
19 Mme MARCUS : [interprétation] Je voudrais relever à l'attention des Juges
20 de la Chambre que dans ce contexte, la pièce P982 est la déclaration du
21 Témoin RM013, en espérant que ceci vienne en aide aux Juges de la Chambre
22 pour établir le lien avec les éléments de preuve relatifs aux preuves de
23 décès par rapport à cette victime et aux autres victimes de ces mêmes
24 faits.
25 Alors, ceci conclut nos exemples. Je voudrais maintenant passer au système
26 Sanction et demander à Mme Stewart de nous afficher la planche numéro 16.
27 Il s'agit, donc, des pages 32 et 33 en anglais, et 36 et 37 en B/C/S, le
28 tableau numéro 3 du rapport sur les preuves de décès, P2796, sous cote
Page 19288
1 provisoire. Alors ce tableau a été mis à jour, par rapport à ce que nous
2 voyons à l'écran, pour tenir compte des corrections qui devaient être
3 apportées, et ceci se trouve dans la pièce P2793, sous cote provisoire.
4 Q. Alors, Madame Tabeau, que nous dit ce tableau par rapport aux résultats
5 de l'analyse à laquelle vous avez procédé pour les preuves de décès dans
6 les municipalités ?
7 R. Ce tableau nous donne quelques statistiques, le résumé, en fait, des
8 statistiques calculées sur la base de l'annexe au projet de l'analyse des
9 preuves de décès. Et, en fait, l'annexe tient compte des dernières
10 corrections apportées et présentées hier aux Juges de la Chambre et les
11 statistiques sont les suivantes.
12 Je vais passer en revue chaque colonne individuellement, en commençant par
13 la colonne de victimes confirmées. Le numéro de référence pour ce tableau
14 est le 1 457, qui représente le nombre de victimes sur la liste de
15 l'Accusation qui était fournie aux fins de vérification. Donc, il s'agit
16 bel et bien de 1 457 victimes. De ces 1 457, 1 185 ont été confirmés. C'est
17 dans la première colonne.
18 En plus de ce chiffre, il y a eu encore 43 décès confirmés et qui ont été
19 référencés sous certains incidents, mais nous avons cru qu'il fallait
20 plutôt les référencer sous incidents ou événements différents. Donc, ils
21 ont été référencés comme étant des incidents survenus lors d'un autre
22 événement. Et donc, dans la colonne suivante, c'est le même numéro mais
23 distribué de façon différente, conformément à nos décisions.
24 Donc le chiffre global de victimes confirmées est de 1 228 victimes, qui
25 représentent la somme de la première colonne et des 43. Je répète de
26 nouveau, le nombre de victimes confirmées est 1 228.
27 En plus de ces victimes qui ont été confirmées dans ces tableaux, il y a
28 également un autre chiffre représentant des victimes supplémentaires, qui
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1 est au nombre de 737, et ce nombre a été ajouté à la liste du tableau. Il
2 s'agit de nouvelles victimes supplémentaires qui n'ont pas été énumérées
3 par le bureau du Procureur. Donc, le nombre de victimes confirmées, qui
4 doit être mis en rapport avec les événements étudiés dans le rapport sur
5 les preuves de décès, est 1 965, et c'est la dernière colonne, que le
6 chiffre qui figure dans la dernière colonne, c'est-à-dire un total de 1 965
7 personnes.
8 En plus de cela, 107 cas ont été déclarés comme étant des cas pour lesquels
9 on n'a pas pu arriver à une conclusion définitive. Donc, on n'a pas tenu
10 compte de ces cas-là pour le chiffre total. Et 122 cas ont été exclus. Ces
11 cas-là n'ont pas également été pris en compte pour calculer le total final.
12 Et voilà donc, ce que ceci représente. C'est la fin de mon survol.
13 Q. Je vous remercie, Madame Tabeau. A moins que la Chambre n'ait des
14 questions à votre endroit, je passerai maintenant au rapport des personnes
15 déplacées intérieurement, à l'interne.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir attiré notre attention sur
17 la pièce P982, Madame le Témoin, et je crois qu'il s'agissait de RM013. Je
18 crois que c'est au paragraphe 40, principalement, que l'information figure
19 en sus --
20 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, c'est exactement cela, Monsieur le
21 Président. En fait, les éléments de preuve concernant les preuves de décès
22 du bureau du Procureur, c'est l'analyse du Dr Tabeau, les documents sous-
23 jacents et les éléments de preuve présentés par le témoin. De manière
24 séparée et combinée. Et c'est la raison pour laquelle nous avons eu cette
25 discussion, à savoir quels sont les éléments de preuve ou quelles pièces
26 faire verser au dossier par rapport aux preuves de décès.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Il s'agit également de
28 ce que l'on a dit concernant la situation au KP Dom de Foca.
Page 19290
1 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, exactement, c'est cela.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, le rapport sur les
4 régions et les personnes déplacées internes du Dr Tabeau a été couvert non
5 pas seulement dans le rapport, mais également dans la mise à jour elle-
6 même.
7 Q. Madame Tabeau, pourriez-vous nous dire, en regardant le tableau 1,
8 figure 1 de la diapositive 17, pourriez-vous expliquer aux Juges de la
9 Chambre quelles sont les conclusions que l'on retrouve dans ces tableaux
10 qui émanent de votre rapport, qui est le P2798, versé au dossier aux fins
11 d'identification.
12 R. Le tableau numéro 1 a été fait sur la base de chiffres qui émanent de
13 l'annexe A, si je ne m'abuse, et il s'agit du rapport de personnes
14 déplacées internes et des réfugiés. Donc, le chiffre n'existe pas dans le
15 rapport en tant que tel, mais tous les chiffres sous-jacents sont utilisés
16 pour élaborer ces tableaux, et tout ceci figure dans les annexes. Et les
17 références des pages spécifiques se trouvent là également dans le tableau.
18 Le tableau numéro 1 nous permet d'avoir une vue d'ensemble des tendances
19 concernant la composition ethnique dans les 22 municipalités couvertes par
20 l'acte d'accusation Mladic, donc, il s'agit de 1991 par rapport à 1997. La
21 comparaison a été établie de manière séparée pour les secteurs appartenant
22 à la Republika Srpska et pour les secteurs appartenant à la Fédération. La
23 comparaison est seulement fondée sur les chiffres pour les personnes qui
24 sont nées avant 1980, car pour 1997, la source pour ces chiffres, c'étaient
25 les registres d'électeurs pour les élections de 1997/1998. Afin de pouvoir
26 comparer le tout, il nous a fallu exclure une partie de la population du
27 recensement de 1991.
28 S'agissant de la partie du tableau qui montre les pourcentages pour
Page 19291
1 1991, nous avons une colonne où nous avons les différents groupes
2 ethniques. Tout d'abord, nous avons une ventilation pour la RS, et ensuite
3 pour la Fédération. Il en vaut de même pour 1991 et 1997.
4 Et sans entrer dans les détails de tous ces chiffres de pourcentages et des
5 chiffres absolus, je voudrais vous expliquer le tableau qui représente une
6 illustration graphique de ces pourcentages. Tout d'abord, pour la RS à
7 gauche; et ensuite, pour la Fédération, à droite. Comme nous pouvons voir
8 dans la partie de la RS, l'on peut voir qu'il y a eu une chute
9 considérable, pour ne pas dire dramatique, de la population musulmane avant
10 1997, les lignes vertes représentent les Musulmans et les lignes bleus, les
11 Croates, et il y a eu une diminution considérable de la population avant
12 1997, quant à la barre rouge qui représente les Serbes. Donc, il y a eu une
13 augmentation, à ce moment-là, de la population musulmane, mais les Croates
14 et les autres n'ont pas montré un changement aussi important.
15 Donc, la différence sur laquelle je voudrais attirer votre attention ici
16 est la suivante. Il n'y a absolument aucun doute qu'il y a eu des
17 changements considérables dans la composition ethnique dans les
18 municipalités appartenant aux 22 municipalités recensées dans l'affaire
19 Mladic. S'agissant de ces changements, ils ont eu un caractère différent
20 pour la RS et pour la Fédération, mais ces changements suggèrent que la
21 population non-serbe quittait les régions de la RS alors que la population
22 serbe partait du secteur appartenant à la Fédération.
23 En guise de toile de fond pour le prochain sujet qui sera discuté dans le
24 rapport, le nombre des personnes déplacées à l'interne et les réfugiés, le
25 changement de la composition ethnique fait en sorte qu'il est absolument
26 clair qu'il y a eu un déplacement de population considérable, et ce, en
27 masse dans ces territoires, et il est nécessaire d'avoir une quantification
28 de ces mouvements.
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1 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, on m'informe que je
2 n'ai plus de temps. Pourrais-je poser encore quelques questions ?
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez encore trois questions.
4 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.
5 Q. Docteur Tabeau, pourrait-on se pencher sur le tableau numéro 3, et
6 pourriez-vous nous dire très brièvement ce que l'on voit au tableau numéro
7 3.
8 R. Ce tableau provient du rapport. Ce tableau, page 11, résume le nombre
9 minimum de personnes déplacées internes et de réfugiés dans les 22
10 municipalités pour chaque groupe ethnique de manière séparée. Dans la
11 première colonne, tout ensemble, nous avons 230 804 personnes pour ce qui
12 est des personnes déplacées internes et réfugiés en 1997 pour ces deux
13 [comme interprété] municipalités, les Musulmans représentent le chiffre le
14 plus important, et c'est environ 122 000. Ce sont des chiffres minimums. La
15 colonne numéro 1 ne montre que les numéros minimums.
16 La colonne numéro 2 montre des chiffres estimés. Les nombres minimums
17 sont incomplets pour plusieurs raisons que j'ai expliquées dans le rapport,
18 surtout en annexe du rapport de Slobodan Milosevic, mais l'évaluation nous
19 montre que le chiffre total devrait correspondre à 436 034 personnes
20 déplacées à l'interne et de réfugiés, et pour les Musulmans, ce chiffre
21 plus complet est évalué à 218 000 individus.
22 La procédure et l'évacuation des intervaux [phon] en résumant l'incertitude
23 de ces évaluations, et tout ceci est décrit dans l'annexe au rapport de
24 Slobodan Milosevic. Il s'agit de chiffres importants pour 22 municipalités.
25 Et ces chiffres sont très élevés, de sorte à ce que je ne peux pas
26 justifier ces numéros, ces chiffres en pensant à la migration, les réunions
27 familiales, les immigrations justifiées, et cetera. Donc, il doit y avoir
28 d'autres raisons pour ces déplacements de population et qui sont en rapport
Page 19293
1 avec la guerre.
2 Q. Pour conclure, Madame Tabeau, vous avez déposé devant ce Tribunal
3 pendant une période de 11 ans et vous avez déposé dans 15 affaires déjà,
4 c'est probablement votre dernière déposition. Pourquoi est-ce que la
5 Chambre devrait faire confiance à votre méthode de fiabilité pour arriver à
6 ces conclusions ?
7 R. C'est une question, effectivement, qui est très complexe. Les efforts
8 qui ont été effectués au cours de ces plusieurs années sont le résultat de
9 recueils d'informations très importantes émanant de sources importantes. Et
10 il y a également un rapport qui a été établi à la suite d'un système
11 d'information intégrée, qui nous permet de retracer les victimes mais
12 également les personnes qui n'étaient pas des victimes, et ce, pendant la
13 période du conflit, et avant le conflit, ainsi qu'après le conflit.
14 Ce type de systèmes d'information n'est pas très commun. C'est quelque
15 chose d'unique qui a été élaboré ici au Tribunal. C'est le mieux que l'on
16 peut offrir, et je crois que l'utilisation de ce système d'information ne
17 devrait pas être négligée. Je ne connais pas d'autres tribunaux qui
18 seraient en mesure d'offrir de telles données à l'heure actuelle.
19 Q. Je vous remercie d'avoir répondu à toutes mes questions.
20 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres
21 questions pour ce témoin.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Marcus.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous êtes prêt
24 à entamer votre contre-interrogatoire ?
25 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Tabeau, vous serez maintenant
27 contre-interrogée par Me Ivetic, qui est l'un des membres de l'équipe de la
28 Défense de M. Mladic.
Page 19294
1 Veuillez commencer, je vous prie.
2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau.
5 R. Bonjour.
6 Q. Avant de parler d'autre chose, j'aimerais que l'on se penche sur votre
7 étude de municipalités.
8 M. IVETIC : [interprétation] Et pour ce faire, je demanderais que l'on
9 affiche la pièce P2798 versée au dossier aux fins d'identification.
10 Ce n'est pas encore affiché à l'écran, Monsieur le Président. je ne sais
11 pas si vous l'avez. Je ne l'ai pas. Je suis désolé.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'on est en train de
13 s'affairer à cette tâche, Maître Ivetic, un instant. Voilà, nous l'avons à
14 l'écran.
15 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.
16 Q. Madame, le tableau et les données dont vous avez parlé il y a quelques
17 instants, est-ce que cela représente le rapport correspondant qui a permis
18 d'obtenir toutes ces informations ou le rapport sur toutes ces informations
19 ?
20 R. Oui.
21 Q. Pour les besoins de ce rapport, vous vous êtes servie des listes
22 d'électeurs de 1997 pour évaluer la population se trouvant dans plusieurs
23 parties de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que c'est bien la méthodologie que
24 vous avez utilisée ?
25 R. Non pas seulement la liste électorale de 1997, mais nous nous sommes
26 également penchés sur le recensement de la population.
27 Q. Et la raison pour laquelle vous vous êtes servie de la liste
28 électorale, c'est parce que le recensement n'avait pas encore été terminé
Page 19295
1 en Bosnie-Herzégovine lorsque ce rapport a été élaboré; est-ce exact ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les listes électorales, de
4 façon générale, ne recueillent pas les données et ne contiennent pas les
5 données quant à l'appartenance ethnique ou à la religion des personnes ?
6 R. Vous avez raison.
7 Q. Très bien.
8 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on prenne la page
9 5 des deux versions de votre rapport.
10 Q. Et je voudrais attirer votre attention vers le milieu du deuxième
11 paragraphe en anglais, et vous y dites :
12 "Les registres d'après-guerre reprennent les données qui peuvent être
13 analysées en l'absence de recensement ou d'enquête en temps de guerre ou
14 d'après-guerre."
15 J'aimerais savoir si vous pensez que le registre des électeurs de l'OSCE de
16 1997 représente une source fiable d'information ?
17 R. Oui. Oui, c'est une source très fiable d'information.
18 Q. Est-ce que vous estimez que les listes d'électeurs ultérieures sont
19 aussi fiables ?
20 R. Vous voulez dire ultérieures, enfin, comme celles de 1998 ? Oui.
21 M. IVETIC : [interprétation] Passons au document 1D1437 dans le prétoire
22 électronique à présent. Page 68, qui correspond au compte rendu de
23 l'affaire Prlic, page 21 958. J'aimerais me concentrer sur la ligne numéro
24 3 jusqu'à la ligne 21.
25 Q. Vous pourrez suivre ma lecture en voyant questions-réponses, et j'aurai
26 des questions à vous poser.
27 "Question : Pour que les choses soient claires, j'aimerais que vous
28 m'aidiez. En fait, des gens se sont portés volontaires pour s'inscrire sur
Page 19296
1 ces listes électorales, n'est-ce pas ?
2 "Réponse : Oui.
3 "Question : Ce n'était pas obligatoire.
4 "Réponse : Non.
5 "Question : Et ce n'est pas le genre de source qu'un démographe étudierait
6 normalement, n'est-ce pas ?
7 "Réponse : Non.
8 "Question : Et cette source en particulier avait également ses limites,
9 n'est-ce pas ?
10 "Réponse : Oui.
11 "Question : L'une de ces limites était, par exemple, que si l'on essaie de
12 déterminer l'appartenance ethnique, les électeurs ne devaient pas et ils
13 n'ont pas indiqué leur appartenance ethnique, n'est-ce pas ?
14 "Réponse : L'appartenance ethnique n'était pas disponible.
15 "Question : Et nous savons qu'avant -- qu'avant le conflit, au moins au
16 moment où le recensement de 1991 a eu lieu, qu'il y avait 29 façons
17 différentes de s'identifier en termes d'appartenances ethniques ?
18 "Réponse : Il y en avait 91.
19 "Question : 91 ?
20 "Réponse : Oui, c'était le résultat du recensement."
21 R. Oui.
22 Q. Vu que les listes d'électeurs ne stipulaient pas l'appartenance
23 ethnique, est-il exact que les membres de votre équipe se sont penchés sur
24 le recensement de 1991 pour établir des correspondances entre les personnes
25 des listes d'électeurs et le recensement pour, au bout du compte, estimer
26 et savoir de quelle appartenance ethnique étaient ces personnes ?
27 R. Oui et non. Je voudrais juste préciser que le registre d'électeurs de
28 1999 se fondait sur le recensement de 1991 pour l'enregistrement des
Page 19297
1 électeurs. Chaque enregistrement pendant les élections se composait de deux
2 copies du recensement de la population de 1991. L'une d'entre elles se
3 composait de 20 volumes. Il y avait une base de données électronique du
4 recensement de la population de 1991 dans laquelle la date de naissance et
5 le lieu de naissance étaient repris. Ces listes du recensement de 1991 ont
6 été utilisées pour l'enregistrement et la création du registre. Donc le
7 recensement était un prérequis de l'inscription des électeurs dans les
8 listes.
9 Cela m'amène à la deuxième partie de ma réponse qui disait non. Je dirais
10 non parce que l'OSCE utilisait les registres de recensement pendant les
11 élections, et dans ces registres de recensement, on pouvait également
12 retrouver l'appartenance ethnique. Mais lorsque nous, nous avons établi des
13 correspondances entre le recensement de 1991 et les listes des électeurs de
14 l'OSCE, nous avons travaillé avec une seule source. Ce sont les
15 recensements de 1991, une sous-partie des registres de recensement
16 originels de 1997 et 1998 pour les élections. Donc, faire correspondre ces
17 éléments et prendre les rapports d'appartenance ethnique à partir du
18 dossier de recensement a également été fait dans mon projet.
19 Q. Etes-vous d'accord pour dire que les listes d'électeurs, en particulier
20 en Bosnie-Herzégovine, faisaient l'objet de fraude et de manipulation et
21 étaient donc non fiables ?
22 R. Eh bien, je n'ai jamais étudié dans quelle mesure il y a eu fraude dans
23 les listes d'électeurs. Je sais que dans certains cas certaines personnes
24 étaient reprises dans les listes et ne pouvaient pas voter parce qu'elles
25 étaient décédées.
26 Q. Est-ce que vous pensez qu'une fraude éventuelle constituerait un
27 élément dont il ne faudrait pas tenir compte dans l'analyse ?
28 R. Eh bien, je pense que c'est à l'OSCE qu'il revient de répondre à cette
Page 19298
1 question. On a parlé de fraude dans les documents que j'ai étudiés. Donc,
2 pour répondre à votre question, je dirais que la possibilité de fraude
3 avait été prise en compte. Mais les listes d'électeurs pour les élections
4 de 1997 ont été minutieusement préparées par les rédacteurs de ces listes,
5 et je pense que ces rédacteurs avaient tiré les leçons du passé des
6 élections de 1996, et voilà pourquoi, entre autres, le recensement de 1991
7 a été utilisé pour la création du registre.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'aimerais poser une
9 question d'éclaircissement.
10 Vous étiez au courant de cas de fraude. J'aimerais savoir si ces cas
11 étaient des cas de fraude d'individus ou s'il s'agissait de cas de fraude
12 organisée ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu quelques cas isolés de fraude, mais
14 ils ont été rapportés de façon sporadique dans les registres d'électeurs,
15 et les personnes qui étaient décédées ne pouvaient tout simplement pas
16 voter. Il n'y a pas eu de fraude organisée en masse. En tout cas, je n'en
17 suis pas au courant, et on ne parle pas de ce genre de fraude dans les
18 rapports de l'OSCE pour les élections de 1997 ou de 1998. Il n'y a rien de
19 tout cela.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
21 Veuillez continuer.
22 M. IVETIC : [interprétation]
23 Q. Est-ce que l'OSCE joue toujours un rôle dans l'établissement des listes
24 d'électeurs en Bosnie-Herzégovine ?
25 R. Je ne le sais pas. Je ne fais plus attention à cette question-là.
26 Q. Très bien.
27 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage du document
28 1D1443, s'il vous plaît.
Page 19299
1 Q. En attendant qu'il s'affiche, j'aimerais vous donner quelques
2 informations liminaires, il s'agit d'un nouveau rapport de la semaine
3 dernière. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire.
4 Tout d'abord, Madame, savez-vous que les résultats préliminaires du
5 recensement ont été annoncés pour la Bosnie-Herzégovine le 5 novembre, la
6 semaine dernière ? Pourriez-vous répondre à la question, Madame ?
7 R. Pouvez-vous répéter la question, est-ce que je savais si le
8 recensement, quoi donc --
9 Q. Je voudrais savoir si les résultats préliminaires du recensement
10 publiés par l'agence chargée du recensement en Bosnie-Herzégovine avaient
11 été portés à votre connaissance ?
12 R. Oui.
13 Q. Passons à cet article qui est à l'écran. Le titre nous
14 dit : "More voters than listed", "Plus d'électeurs que d'inscrits." En
15 dessous, on nous dit :
16 "Le recensement des foyers en Bosnie-Herzégovine a montré que dans
17 certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine les électeurs inscrits
18 étaient en nombres supérieurs par rapport à ceux qui avaient été repris
19 dans les listes."
20 Est-ce que vous avez eu l'occasion de lire ce rapport ou d'autres
21 communiqués de presse sur ce sujet la semaine dernière ?
22 R. Non, pas du tout. Mais on parle là du tout dernier recensement en date,
23 qui a été mené très, très récemment.
24 Q. Oui. Regardons la partie suivante sous la photo. On donne un exemple et
25 on dit : "A Kozarska Dubica, le droit de vote lors des dernières élections
26 a habilité 23 696 citoyens. Les données du recensement préliminaires
27 montrent que dans cette municipalité il y a 23 074 habitants. Même
28 situation dans la municipalité de Krupa Na Uni, où, d'après la Commission
Page 19300
1 centrale électorale, 1 799 habitants sont habilités à voter alors que le
2 nombre total de personnes inscrites est de 1 687."
3 Si ces chiffres sont exacts, Madame, s'agirait-il de listes électorales
4 erronées à grande échelle ?
5 R. Non, pas du tout. Je ne suis pas d'accord avec vous, et ce, pour
6 plusieurs raisons. Tout d'abord, tous les habitants d'une municipalité ne
7 sont pas inclus dans le registre du recensement parce que le paramètre
8 mouvement n'est pas pris en compte dans le recensement, donc il est
9 possible que les registres de recensement reprennent moins de personnes que
10 les personnes qui vivent véritablement à un même endroit. Mais je dois dire
11 aussi que je ne sais pas totalement comment l'OSCE a rédigé les listes
12 d'électeurs pour les élections à venir, donc je ne peux pas comparer cette
13 méthodologie avec les chiffres repris dans le recensement.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Ivetic, excusez-moi, mais j'ai
15 une question à poser.
16 Serait-il possible que le témoin nous dise quelle est la date du
17 recensement qui nous a donné comme chiffre total 23 074 électeurs et la
18 date à laquelle les électeurs ont été enregistrés pour obtenir le chiffre
19 de 23 696. Peut-être que vous-même pouvez répondre à cette question, Maître
20 Ivetic.
21 M. IVETIC : [interprétation] Malheureusement, ces informations nous ont été
22 fournies la semaine dernière. J'ai obtenu ces informations assez récemment,
23 donc je n'ai pas pu mener davantage de recherches. J'ai une copie du
24 document, cependant. Les résultats préliminaires du recensement se
25 retrouvent sous la cote 1D1443. Le document a été publié le 5 novembre,
26 mais je n'ai pas eu encore la possibilité de mener ce genre de recherches.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, est-ce que vous seriez d'accord
28 pour dire qu'en fonction des dates, ces différences pourraient s'expliquer
Page 19301
1 si le recensement avait eu lieu un an ou deux avant la compilation de
2 l'enregistrement. Et quelqu'un qui avait un an de moins de l'âge légal de
3 vote, une année plus tard, n'aurait pas été repris dedans ?
4 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous suivez mon
6 raisonnement ?
7 M. IVETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question factuelle. Quand ont
10 lieu les dernières élections ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] En Bosnie ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai aucune idée.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que le rapport nous dit : Kozarska
15 Dubica.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
18 M. IVETIC : [interprétation] Les élections au niveau national ont eu lieu
19 il y a trois ans.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quelles élections fait référence ce
21 document ?
22 M. IVETIC : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Juge.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vous ne connaissiez pas
24 tous les détails du document, mais si on parle des dernières élections, il
25 faudrait savoir de quoi nous parlons précisément.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, si je puis ajouter quelque chose. Pour
27 le traitement des données du recensement, je dois vous dire que cela prend
28 énormément de temps pour obtenir les premiers chiffres, et souvent les
Page 19302
1 premiers chiffres publiés sont corrigés par la suite lorsque nous avons les
2 chiffres définitifs. Donc je reste assez sceptique sur le caractère
3 finalisé de ces chiffres.
4 Il faut savoir ce qui a été compilé et mettre un petit bémol dans l'attente
5 d'une finalisation des chiffres.
6 En plus de cela, on parle d'élections très récentes et du dernier
7 recensement, je me demande donc comment on peut arriver à une conclusion
8 sur la situation actuelle alors que l'on remonte à des données de 1997 et
9 1998.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Plus important encore peut-être,
11 Maître Ivetic, ce rapport est tellement éloigné de la période couverte par
12 l'acte d'accusation que déterminer s'il s'agit d'une fraude ou pas ne va
13 pas nous apprendre grand-chose sur ce qui s'est passé pendant la période
14 couverte dans l'acte d'accusation.
15 M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, Messieurs les Juges, malheureusement,
16 il n'y a plus de recensement depuis l'avant-guerre, donc c'est la première
17 fois qu'une fraude, si elle existait, serait mise au jour.
18 Q. Il n'y a pas eu de recensement en Bosnie-Herzégovine depuis 1991,
19 Madame Tabeau; vous pouvez le confirmer ?
20 R. Oui.
21 M. IVETIC : [interprétation] Donc, je pense qu'il aurait été impossible de
22 détecter une fraude à grande échelle étant donné qu'il n'y a pas eu de
23 recensement.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Quoi qu'il en soit, la
25 guerre s'est terminée en 1995. Nous sommes en 2013. Beaucoup de choses se
26 sont passées de 1995 à 2013, et cela aurait eu une incidence sur les
27 statistiques de la population.
28 M. IVETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
Page 19303
1 Je regarde l'heure, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Avant de prendre la pause, j'ai
3 encore une question.
4 Partant du fait que ces chiffres sont des chiffres fiables, il semble qu'il
5 y ait une différence de moins de 5 % pour certaines municipalités; mais
6 pour Banja Luka, en revanche, cette différence est de 10 %. Si ces chiffres
7 étaient fiables, cela changerait-il le tableau d'ensemble de façon assez
8 importante, ou est-ce que l'incident serait limité ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela changerait fondamentalement
10 le tableau d'ensemble. Mais d'après ce que je vois, les différences ne sont
11 pas majeures. Mais je dois vous dire que je ne comprends pas ce que ces
12 chiffres veulent dire, il est important de savoir ce que les chiffres
13 disent.
14 Et s'agissant de recensement de la population, nous sommes dans le
15 cas du premier recensement après 1991, c'est une question très sensible, et
16 je prônerais la prudence et je demanderais d'attendre les résultats
17 finalisés de ce recensement, les chiffres définitifs, avant de commencer à
18 calculer les pourcentages entre la municipalité de Krupa na Uni ou une
19 autre. Parce que nous ne savons pas si ces chiffres vont rester ou pas en
20 l'état. En statistiques, il faut finaliser ces différences dans un premier
21 temps pour ensuite pouvoir entamer un débat sur les différences finalisées.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons prendre une pause. Je
23 vous invite à suivre l'huissier, et nous reprendrons dans 20 minutes.
24 [Le témoin quitte la barre]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à 14 heures moins le
26 quart.
27 --- L'audience est suspendue à 13 heures 24.
28 --- L'audience est reprise à 13 heures 48.
Page 19304
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a été informée qu'une
2 question doit être soulevée à titre préliminaire.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
4 Il s'agit du calendrier. Comme nous nous en doutions déjà plus tôt
5 cette semaine, nous rencontrons un problème de calendrier pour cette
6 semaine. Manifestement, le contre-interrogatoire de Mme Tabeau ne se
7 terminera pas aujourd'hui. Le témoin suivant vient de Pologne, M.
8 Kalbarczyk, donc. Il est déjà arrivé de Pologne, et nous avons engagé trois
9 interprètes pour le polonais à cause de lui. Alors, Mme Tabeau vit au Pays-
10 Bas, et bien qu'elle ait déjà des engagements au cours des semaines
11 suivantes, il est possible - c'est ce que nous espérons - qu'elle soit
12 disponible pour que son témoignage s'achève le 25 novembre. C'est le lundi
13 de la semaine numéro 54, et nous pourrions revoir notre calendrier à cette
14 fin.
15 Nous demandons, en fait, aux Juges de la Chambre, soit que l'on
16 s'enquisse auprès du service chargé de la Protection des Témoins et des
17 Victimes pour vérifier si Mme Tabeau est disponible ce jour-là pour
18 terminer sa disposition, auquel cas nous interromprions peut-être sa
19 déposition à la fin de la journée d'aujourd'hui afin de pouvoir démarrer
20 avec M. Kalbarczyk demain pour qu'il puisse terminer sa déposition demain.
21 C'est notre proposition. J'ai parlé avec Me Ivetic, qui indique qu'il
22 n'y a pas de difficultés de son point de vue.
23 M. IVETIC : [interprétation] C'est exact. Nous n'avons pas de difficultés à
24 partir du moment où l'expert suivant, M. Brown, ne démarre pas demain.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ceci n'est pas prévu à ce
26 qu'il semble. Nous allons donc demander à Mme Tabeau si elle serait
27 disponible le 25 novembre.
28 Je vous prie de faire revenir le témoin dans la salle d'audience.
Page 19305
1 Les problèmes de calendrier concernant M. Brown ne sont toujours pas
2 résolus.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Eh bien, pour autant que je le sache,
4 Messieurs les Juges, la Défense a revu à la hausse son estimation qui est
5 maintenant à 8 heures, et nous avons aussi convenu avec la Défense et les
6 Juges de la Chambre que chaque journée d'audience serait prolongée d'une
7 demi-heure. Donc pour le moment, nous semblons être encore dans les clous.
8 [Le témoin vient à la barre]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci. Ma question portait
10 sur la demi-heure supplémentaire de chacune des quatre journées d'audience.
11 M. IVETIC : [interprétation] Mathématiquement, il faudrait que cela
12 s'organise effectivement ainsi.
13 Mme MARCUS : [interprétation] C'était notre compréhension de ce qu'a
14 communiqué Me Lukic, en tout cas.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, partons sur cette
16 base.
17 Avant de poursuivre, Madame Tabeau, nous rencontrons quelques
18 problèmes d'organisation et nous nous demandions simplement si vous ne
19 seriez pas disponible à un autre moment parce qu'il apparaît maintenant que
20 vous ne pourrez pas terminer votre déposition avant demain. Or, un autre
21 témoin est prévu qui s'est déplacé et qui vient de loin pour déposer
22 demain, si bien que je voudrais savoir si vous seriez disponible la journée
23 du 25 novembre pour conclure votre déposition. Pourriez-vous vérifier, s'il
24 vous plaît ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas mon agenda sur moi, mais je
26 crois que -- en fait si c'était possible, je souhaiterais pouvoir conclure
27 aussi rapidement que possible. En effet, pour moi il est extrêmement
28 difficile de revenir parce que je suis dans une période extrêmement chargée
Page 19306
1 dans le cadre du travail qui est le mien. J'ai beaucoup d'obligations, et
2 je voyage également beaucoup vers la fin du mois de novembre, si bien que
3 je ne serais pas au Pays-Bas.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
5 Maître Ivetic, est-ce que vous auriez quoi que ce soit contre une
6 communication directe entre l'Accusation et Mme Tabeau, qui porterait
7 exclusivement sur des questions de calendrier ?
8 M. IVETIC : [interprétation] Non.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas, Madame Marcus,
11 nous attendons une mise à jour de votre part dès que possible quant au
12 moment où Mme Tabeau pourrait finir sa déposition, et elle a exprimé le
13 désir que ce soit dès que possible.
14 Maître Ivetic, à vous.
15 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Alors, Madame Tabeau, je souhaiterais conclure sur ce sujet avant de
17 poursuivre.
18 Alors, d'un point de vue statistique générale, quel serait le pourcentage
19 de la population d'une localité, ville ou village dont on pourrait
20 s'attendre qu'elle se trouve enregistrée sur une liste électorale, comme
21 ayant le droit de voter en Bosnie-Herzégovine ?
22 R. Là, il y a deux facteurs. D'une part, le premier est, bien entendu,
23 l'âge. La structure d'âge de la population considérée peut varier
24 considérablement d'une localité à l'autre. Et puis, deuxièmement, il y a
25 également le problème de la participation. Parce que ne va pas
26 s'enregistrer sur les listes électorales toute la population en droit de
27 voter. Et parmi ceux qui sont enregistrés, ne vont pas voter tous ceux qui
28 sont enregistrés.
Page 19307
1 Q. Alors, pour mieux comprendre, si nous prenons, par exemple, une
2 localité de 100 personnes, et n'oublions pas que les chiffres n'ont pas été
3 vérifiés, mais si nous supposons qu'ils avaient été vérifiés, est-ce que
4 vous ne trouveriez pas préoccupant que plus de 100 % de la population soit
5 enregistrée comme ayant le droit de
6 voter ?
7 R. Ce n'est pas pour moi que ce serait préoccupant, mais peut-être pour
8 l'OSCE, si leur procédure a été bien appliquée. Mais je voudrais affirmer
9 clairement ici que ceci n'a pas d'incidence sur les résultats obtenus pour
10 22 municipalités dans l'affaire Mladic. J'aurais pu utiliser un échantillon
11 beaucoup plus réduit extrait des listes électorales que ce que nous avons
12 utilisé dans cette analyse, et les résultats pourraient toujours être
13 maintenus parce que l'échantillon qui a été utilisé pour produire les
14 résultats relatifs aux personnes déplacées internes, aux rapports à leur
15 sujet, pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine sont tout à fait solides.
16 Il s'agit en fait non pas d'échantillon, mais d'une tranche représentative
17 numériquement très importante de la population réelle de 1997 et 1998.
18 C'est 2 millions de personnes.
19 Q. Mais vous avez également compilé des informations de l'OSCE, n'est-ce
20 pas. Est-ce que vous avez connaissance du moindre changement dans la
21 méthode utilisée par l'OSCE pour la compilation, le maintien et la mise à
22 jour de ces listes qui devrait être pris en considération dans le cadre de
23 votre travail pour les années concernées mais pas nécessairement pour les
24 années antérieures ?
25 R. J'ai étudié l'approche et la méthodologie utilisées très soigneusement
26 pour 1997, 1998 et puis les élections de 2000, ce sur quoi je me suis
27 appuyée dans mon travail. Pour ce rapport particulier et dans le cadre de
28 la fusion des deux registres qui ont été utilisés, je n'étais pas en mesure
Page 19308
1 de faire un suivi du travail de l'OSCE pendant toutes ces années -- au
2 cours des années récentes. Et cela ne faisait tout simplement pas partie du
3 travail dans lequel je m'étais lancée. Mais vous êtes en train de remettre
4 en question l'OSCE et la méthodologie qui a été utilisée par elle en
5 parlant de fraude, alors je suis sûre qu'il faudrait dans un premier temps
6 s'adresser à l'OSCE pour obtenir des explications quant à cette question de
7 l'incohérence et aux cas qui ont pu être relevés. Mais si vous parlez de
8 listes dressées par des partis politiques, c'est une question totalement
9 différente.
10 Q. Eh bien, peut-être que vous pourrez nous aider. La liste est référencée
11 en tant que liste de la Commission électorale centrale. Et d'après vos
12 recherches et votre connaissance, est-ce que c'était une liste qui était
13 dressée et maintenue par les partis politiques ou bien une liste officielle
14 dont le gouvernement central avait la responsabilité et qui était
15 administrée par l'OSCE ?
16 R. Je serais d'accord pour dire que c'était une liste compilée avec la
17 participation de l'OSCE.
18 Q. Très bien. Dans ce cas-là, passons à un autre sujet -- je voudrais
19 revenir à la pièce 29144 de la liste 65 ter, il s'agit de l'un de vos
20 curriculum vitae antérieurs. Pourrait-on afficher la page 2. Je
21 souhaiterais tout d'abord me concentrer sur la période de temps à laquelle
22 vous avez travaillé en tant qu'enseignante à l'Ecole de l'économie de
23 Varsovie. Pourriez-vous nous dire, donc, si ce travail vous a permis
24 d'obtenir une expérience importante qui vous aurait permis de travailler
25 pour le bureau du Procureur au sein de l'Unité de démographie ?
26 R. Oui, tout à fait. J'étais professeur en statistiques et économie, et
27 j'ai enseigné aux étudiants les méthodes statistiques, y compris la
28 statistique de l'économie, les méthodes de statistiques utilisées. Donc
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1 cette partie-là de ma carrière porte sur la méthodologie que j'ai utilisée
2 ici au Tribunal.
3 Q. Et qu'en est-il de la démographie en temps de guerre, était-ce un sujet
4 que vous avez enseigné ?
5 R. Non. Car, à l'époque, aucune recherche portant sur ce type de
6 démographie n'avait été faite.
7 Q. J'aimerais maintenant parler de votre emploi au sein de l'Institut
8 interdisciplinaire des Pays-Bas. J'aimerais vous demander si le poste que
9 vous avez occupé, d'après votre expérience lorsque vous avez occupé ce
10 poste, vous a permis d'obtenir les connaissances concernant la démographie
11 en temps de guerre ?
12 R. Il y a certains aspects de ce travail qui sont bien pertinents
13 concernant mon travail ici. J'ai étudié les tendances de la mortalité, des
14 causes de décès, les questions relatives à la santé publique, et, vous
15 savez, ceci revient lorsque vous étudiez les victimes de guerre. L'on parle
16 des causes de décès, l'on parle de l'histoire médicale de certaines
17 maladies, et on peut comparer ceci aux morts violentes. Donc, je crois que
18 le cadre plus général de mon travail est tout à fait pertinent et a pu être
19 appliqué dans le cadre de mon travail dans ce Tribunal.
20 Q. Avant de devenir employée au bureau du Procureur du Tribunal, est-ce
21 que vous avez été l'auteur d'articles et est-ce que vous avez été évaluée
22 par vos pairs concernant le travail que vous auriez fait dans le cadre des
23 démographies de la guerre ?
24 R. Non, pas avant mon travail au Tribunal. Mais il y a eu d'autres sujets.
25 Q. S'agissant maintenant des recherches que vous avez menées à Zagreb,
26 Belgrade et Sarajevo, est-ce que c'était à la demande de votre employeur ou
27 bien est-ce que vous fonctionniez de manière indépendante dans ces cas-là ?
28 Est-ce que vous avez travaillé dans une ONG ?
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1 R. Pourriez-vous, je vous prie, me dire à quel endroit faites-vous
2 référence dans mon CV ?
3 Q. Un instant, s'il vous plaît. Peut-être à la première page. Reprenons la
4 première page. Sous "Recherche en matière d'expérience internationale",
5 l'on peut voir que vous avez été consultante et vous avez travaillé dans le
6 domaine de la recherche pour une ONG à Zagreb --
7 R. Oui.
8 Q. -- centre de recherche et documentation à Sarajevo. J'aimerais savoir
9 si vous avez agi dans le cadre de directives reçues par le Tribunal, ou
10 bien est-ce que c'était de manière indépendante ?
11 R. C'était pendant que j'étais employée au bureau du Procureur et pendant
12 que je travaillais au bureau du Procureur, et je n'ai pas agi d'aucune
13 manière au nom du bureau. J'ai simplement agi en tant que personne
14 individuelle, en tant que professionnel.
15 Q. Est-ce que vous avez été financée pour ce travail ? Avez-vous été
16 rémunérée ?
17 R. Je n'ai jamais été rémunérée pour ce travail. L'on ne m'a jamais donné
18 de somme d'argent pour ce travail.
19 Q. Très bien. Je voudrais maintenant que l'on prenne la page 2. Sous la
20 catégorie de "Prix et bourses d'études", vous avez offert 17 témoignages en
21 tant que témoin expert dans des procès du TPIY des Nations Unies.
22 J'aimerais savoir si vous avez reçu des prix pour ce travail ?
23 R. Vous avez raison, je n'ai pas reçu de prix ou de bourse d'études pour
24 mon témoignage. Mais j'estime qu'il s'agit d'une fonction honorable, et
25 j'ai eu l'occasion de travailler -- de déposer en tant que témoin expert
26 pour le bureau du Procureur en qualité de témoin expert. Et c'est la raison
27 pour laquelle je l'ai mentionné ici.
28 Q. Maintenant, pour les fins des rapports qui ont été élaborés, il est
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1 certain que vous travailliez au sein d'une équipe. Vous aviez des
2 assistants. J'aimerais savoir si vous pouviez nous dire quelles sont les
3 études qu'avaient faites ces assistants lorsqu'ils ont fait leur travail
4 pour vous ?
5 R. J'ai travaillé avec deux jeunes professionnels, pour les appeler ainsi.
6 Nous parlons de personnes telles Jakub Bijak, Torkild Lyngstad. Il y avait
7 également Marcin Zoltkowski. Nous parlons également de Jan Zwierzchowski.
8 Toutes ces personnes avaient reçu une excellente éducation dans les
9 méthodes quantitatives et ils avaient terminé leurs études. Certains
10 d'entre eux avaient des maîtrises. Ils n'avaient pas tous de doctorat à
11 l'époque, mais au fil des ans, ils ont tous obtenu des doctorats. Et le Dr
12 Torkild travaille en Norvège en tant que professeur à l'Université d'Oslo.
13 Jakub Bijak est professeur à l'Université du Southampton dans le
14 département de démographie. Marcin Zoltkowski a obtenu un doctorat en
15 mathématiques et en économie, et il a un poste très élevé dans le système
16 bancaire en Pologne. Et Jan Zwierzchowski, pour conclure, a un doctorat en
17 économie, statistiques et démographie, et il travaille en tant que
18 professeur à l'Université de l'économie à Varsovie. Je crois qu'il
19 s'agissait de jeunes professionnels très qualifiés, avec beaucoup de
20 talent, et ce sont tous -- il s'agit de personnes très talentueuses. Et
21 grâce à cette combinaison talent, compétence et motivation de nous tous, en
22 fait, ce travail a pu être réalisé.
23 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la méthodologie que vous avez
24 utilisée afin de maintenir une surveillance du travail de ces personnes ?
25 Est-ce que vous aviez des méthodes pour les superviser ?
26 R. On travaillait ensemble. Je ne faisais que partie de l'équipe. Donc,
27 tout ce que nous faisions, nous discutions des résultats, nous parlions des
28 incohérences, et cetera, cela faisait partie d'un travail d'équipe. J'ai
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1 fait partie de l'équipe, je faisais mon travail, et en faisant mon travail,
2 je maintenais mon équipe en place. Mais il est évident qu'il y avait à
3 chaque étape des vérifications. A chaque étape de l'analyse ou du travail
4 concernant les données, j'effectuais une surveillance. Mon rôle était peut-
5 être plus concentré à recueillir des sources. C'était plutôt moi qui
6 réfléchissais aux questions stratégiques, à savoir quelles étaient les
7 sources nécessaires pour ce travail, et effectuais des missions. C'était
8 moi qui communiquais avec les personnes qui avaient développé les
9 ressources. Et j'étais également responsable pour toutes les questions
10 relatives à la méthodologie. Et principalement, c'était moi qui avais
11 effectué les analyses. Je ne dis pas que c'était exclusivement et
12 uniquement moi, mais ces personnes ont contribué à l'état de l'analyse.
13 J'ai principalement effectué l'analyse et élaboré les rapports.
14 Q. S'agissant de la méthodologie, j'aimerais revenir sur l'une de vos
15 dépositions précédentes.
16 M. IVETIC : [interprétation] Regardons le document 1D1437, s'il vous plaît,
17 page 36 dans le prétoire électronique. Il s'agit du compte rendu de
18 l'affaire Prlic, page 21 926.
19 Q. Et j'aimerais me concentrer sur les questions et les réponses qui sont
20 reprises aux lignes 4 à 22 :
21 "Question : Très bien. Les méthodes que vous avez utilisées et que
22 Brunborg a utilisées, ces méthodes ont-elles été utilisées par d'autres
23 démographes avant de commencer à travailler au sein du bureau du Procureur
24 et avant que Brunborg ne commence à travailler au bureau du Procureur ?
25 "Réponse : Eh bien, les méthodes que nous utilisons ne sont pas nouvelles
26 et ne sont pas standardisées. Il existe une statistique et il existe
27 plusieurs méthodes statistiques. Le contexte dans lequel la méthode est
28 utilisée est nouveau. Je pense que c'est la première fois que ce genre
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1 d'étude a été menée par Brunborg et moi-même, mais Patrick Ball aussi a
2 rédigé plusieurs rapports de ce genre dans le cadre d'autres conflits. Le
3 TPIY n'est pas le seul endroit où ce genre d'études sont menées.
4 "Question : Mais la méthode que vous avez utilisée, la méthodologie, la
5 façon dont vous avez pris certaines sources, la façon dont vous avez
6 nettoyé les sources, si je puis m'exprimer ainsi, la façon dont vous avez
7 appliqué les sources par la suite, la correspondance, cette méthodologie a-
8 t-elle été utilisée dans d'autres conflits, dans d'autres tribunaux, pour
9 obtenir des chiffres comparables à ceux que vous avez obtenus ?
10 "Réponse : Eh bien, je n'ai aucun autre tribunal qui me vient à l'esprit,
11 mais il y a eu des rapports rédigés pour des commissions de vérité. Patrick
12 Ball a utilisé la même méthodologie pour ce genre de documents."
13 Madame Tabeau, est-ce que vous maintenez que ce passage de votre déposition
14 dans cette affaire, l'affaire précédente, est précis et véridique et que
15 vous diriez la même chose aujourd'hui ?
16 R. Oui, bien sûr. Je pourrais ajouter quelques éléments, mais je confirme
17 et je maintiens ce que j'ai dit.
18 Q. Et s'agissant de M. Patrick Ball, vous avez collaboré avec lui et vous
19 avez rédigé ensemble certains articles, n'est-ce pas ?
20 R. Oui. Un rapport, en fait, a été rédigé conjointement, un rapport qui
21 avait trait aux victimes de la guerre en Bosnie-Herzégovine.
22 Q. Est-ce que M. Ball travaillait dans ce domaine-là avant vous ? En
23 d'autres mots, est-ce que vous fondiez votre travail sur le sien ou vice-
24 versa, ou était-ce fait en parallèle ?
25 R. Je dirais en parallèle.
26 Q. Toujours s'agissant de M. Ball, pensez-vous que le genre de travail
27 qu'il effectue dans le domaine de la démographie et les droits de l'homme
28 se rapproche de votre travail ?
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1 R. Dans un sens, oui, mais il se concentre sur d'autres points dans le
2 même domaine de travail. Par exemple, ce qui l'intéresse très fort, c'est
3 les modèles statistiques et les estimations statistiques, les projections
4 statistiques quant aux victimes.
5 Q. J'aimerais, à présent, me concentrer sur un point, et je vais vous
6 reposer la même question.
7 M. IVETIC : [interprétation] Mais avant cela, je demande l'affichage du
8 document 1D1432, s'il vous plaît. Agrandissons l'image, s'il vous plaît. Il
9 s'agit d'un article qui s'appelle "Hacktivism" auquel apparemment M. Ball a
10 participé. Agrandissons l'image, s'il vous plaît. Voilà.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ivetic, pouvez-vous répéter. Il
12 s'agit d'un article paru dans "Hacktivism"; c'est bien ça ?
13 M. IVETIC : [interprétation] Non, c'est un article sur le "Hacktivism",
14 avec un h, et qui est paru dans le magazine "PCWorld". Vous voyez la source
15 en bas de la page.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et M. Ball a participé à cet article ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Oui. D'après cet article, oui. Il a fait
18 l'objet d'un entretien. Et je voulais poser des questions à ce sujet à Mme
19 Tabeau.
20 Nous allons commencer par le début du document, qui commence par :
21 "Las Vegas : 'Hacktivisme' veut dire hacker une cause politique ou
22 une déclaration politique. Pour plusieurs membres du personnel de la
23 sécurité et cadres, ce terme rappelle des images peu glorieuses, des
24 activistes tatoués, portants des piercings, courbé sur des ordinateurs et
25 qui "hack" des sites Web ou des serveurs.
26 "Mais le 'hacktivisme' ne doit pas suivre nécessairement cette voie
27 négative, nous disent des membres du groupe de hackers 'Cult of the Dead
28 Cow', CDC, et des défenseurs des droits de l'homme, lors d'une discussion
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1 qui a eu lieu à la conférence sur le 'hacking' ce samedi.
2 "'Hacker', c'est trouver des choses, découvrir des informations cachées,
3 obscures, importantes", nous dit Patrick Ball, le directeur adjoint du
4 programme science et droits de l'homme à l'Association américaine pour
5 l'évolution des sciences à Washington DC, qui a pris la parole dans ce
6 panel.
7 "Hacker pour aider les autres : 'le 'hacktivisme', c'est l'utilisation de
8 la technologie au service des droits de l'homme', nous dit Ball. Il a
9 travaillé dans le cadre de projets des Nations Unies relatifs aux droits de
10 l'homme et a enquêté sur des crimes de guerre et des génocides, ainsi que
11 sur des projets au Guatemala, en Haïti et en Afrique du Sud. 'Le
12 'hacktivisme' n'est pas une sorte de cyber terrorisme', nous dit le membre
13 du CDC et membre du panel Reid Fleming. Les membres du panel ont convenu de
14 dire que le 'hacktivisme' fait partie d'un programme équilibré, bien
15 dirigé, qui sert à utiliser des données et la technologie pour améliorer
16 les droits de l'homme. Ball, en participant à plusieurs des ces programmes,
17 nous a donné davantage de détails sur ses expériences en utilisant la
18 technologie pour rassembler des documents et des cas d'abus des droits de
19 l'homme. Mais réunir les informations et obtenir des documents ne suffit
20 pas. 'Sans suffisamment de données, les gouvernements oppressifs peuvent
21 toujours nier que des campagnes systématiques ont eu lieu', nous dit-il :
22 'Si vous voulez dire que quelque chose a eu lieu suite à une politique,
23 vous avez besoin d'énormément de données', nous dit-il, et il ajoute que
24 'prouver que ces politiques sont en cours et violent les droits de l'homme,
25 est la seule façon d'accuser des personnes et de les retirer du pouvoir.'"
26 Madame, connaissiez-vous le point de vue de M. Ball et ses efforts de
27 militant et son "hacktivisme" ?
28 R. Non, je ne savais pas cela à ce sujet. Mais je pense que vous avez
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1 présenté le "hacktivisme" d'une façon très négative. J'aimerais vous dire
2 qu'il y a environ deux ans, j'ai participé à une conférence organisée par
3 plusieurs ONG britanniques qui travaillent dans le domaine des droits de
4 l'homme. Et l'une des présentations lors de cette conférence était
5 exceptionnelle, l'intervenant a parlé de jeunes hackers talentueux et la
6 façon dont ces derniers pouvaient servir une cause pour défendre les
7 victimes de guerre et pour identifier des événements qui avaient eu lieu
8 pendant une guerre. Il nous parlait des médias sociaux, il nous a parlé de
9 projets que son organisation avait menée à la demande des Nations Unies. Et
10 ce 'hacktivisme' que vous avez dépeint très négativement en lisant cet
11 article est en fait un moyen fantastique de réunir des informations qui, en
12 général, ne son pas disponibles, plus particulièrement lors de conflits en
13 cours, lorsque des choses se passent très rapidement et qu'il n'y a pas de
14 couverture des événements, que l'on ne retrouve pas ce genre d'information
15 dans des sources statistiques traditionnelles ou d'autres sources
16 gouvernementales.
17 Et les médias sociaux et le talent des personnes qui peuvent traiter ces
18 informations énormes peut contribuer et considérablement à améliorer les
19 connaissances sur le conflit en lui-même et en savoir davantage sur ce
20 qu'il s'est passé, quand cela s'est passé, où cela s'est passé, et qui est
21 devenu une victime de ce qu'il s'est passé. Je ne vais pas entrer dans les
22 détails de tout cela, mais les médias sociaux sont un outil formidable pour
23 réunir des informations sur des conflits et les victimes de guerre, et les
24 personnes talentueuses ont vraiment de la valeur dans ce genre de cas.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous permettez, il est temps de faire
26 une pause.
27 Mais je suis un peu surpris, aussi bien par la question que par la réponse.
28 J'ai compris que "hacktivisme" signifiait une intrusion illégale dans un
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1 système d'information, alors que dans votre réponse, Madame le Témoin, vous
2 ne vous concentriez pas sur quelque chose que j'ai compris comme étant une
3 référence à un acte illégal. Donc, il semble qu'il y ait un certain
4 décalage entre la question et la réponse.
5 Et Maître, vous avez dit précédemment que -- en fait, vous avez posé une
6 question au sujet de M. Ball. Vous avez demandé si Mme Tabeau considérait
7 que le type de travail dans lequel M. Ball était toujours engagé en
8 démographie et en droits de l'homme était de très près similaire à celui de
9 Mme Tabeau.
10 Et la question suivante que vous avez posée, c'est ce qui me pose un peu
11 problème, parce que si vous aviez voulu être vraiment juste envers le
12 témoin, vous auriez précisé où vous vouliez en venir dès la première de ces
13 questions. Donc, nous voyons que vous avez posé une question très générale
14 en premier, donc, vous vous attendiez plus ou moins à une réponse, et puis
15 ensuite vous pesez cette deuxième question et cela vous permettrait presque
16 de conclure : Donc, vous-même vous êtes une hacktiviste aussi, n'est-ce
17 pas ?
18 M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, si j'avais lu la question et ensuite
19 j'avais dit : Je vais [inaudible]. Je crois que c'était une question que
20 j'ai posée de façon très juste, parce que je l'ai lu dans un premier temps,
21 ensuite j'ai dit que j'allais poser la même question.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais, c'est la raison pour laquelle
23 j'ai dit que dès votre première question, vous auriez dû indiquer
24 clairement où vous vouliez en venir. C'est-à-dire établir un lien entre ce
25 témoin et le "hacktivisme". En tout cas, c'est la façon dont je l'ai
26 compris et cela aurait dû être clair dans votre question.
27 Madame Tabeau, nous allons conclure pour aujourd'hui. Encore une fois, nous
28 attendons votre retour à une date ultérieure, mais toutes vos
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1 communications avec l'Accusation doivent se limiter exclusivement à la
2 question du calendrier et de votre retour, rien d'autre. Parce que je vous
3 donne par la présente pour instruction de ne communiquer avec personne au
4 sujet de votre déposition que ce soit celle donnée aujourd'hui ou celle que
5 nous attendons de pouvoir d'entendre à votre retour.
6 Vous pouvez maintenant suivre M. l'Huissier.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
8 [Le témoin quitte la barre]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience pour aujourd'hui,
10 et nous reprendrons nos débats demain, jeudi, 14 novembre, dans celle même
11 salle d'audience numéro III, à 9 heures 30.
12 --- L'audience est levée à 14 heures 22 et reprendra le jeudi, 14 novembre
13 2013, à 9 heures 30.
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