Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 17 juillet 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 36.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous, à tout le monde dans le

  6   prétoire et en dehors de ce prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez appeler l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   Avant d'entendre la déposition du témoin précédent [comme interprété], je

 12   voudrais très brièvement passer à huis clos partiel.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 14   [Audience à huis clos partiel]

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  7   [Audience publique]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  9   La Chambre constate que les objections concernant le paragraphe 12 de la

 10   déclaration préalable du témoin ont été retirées par l'Accusation à travers

 11   les canaux de communication informels, mais cela figure maintenant dans le

 12   procès-verbal.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujicic.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de déposer, le Règlement exige que

 17   vous prononciez la déclaration solennelle. Le texte vous est remis.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement de dire la vérité,

 19   rien que la vérité et toute la vérité.

 20   LE TÉMOIN : MILUTIN VUJICIC [Assermenté]

 21   [Le témoin répond par l'interprète]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Vujicic. Veuillez vous

 23   asseoir.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujicic, nous avons été

 26   informés du fait que vous pourriez avoir quelques difficultés pour

 27   entendre, et ceci s'applique particulièrement à --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- notamment lorsqu'il y a un

  2   chevauchement.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, particulièrement. En fait, précisément.

  4   Oui, tout à fait. Lorsque les gens me parlent dans une langue étrangère,

  5   j'entends ce qui est dit par le truchement des interprètes qui traduisent

  6   en serbe et il y a des éléments qui sont peut-être ainsi perdus, donc

  7   techniquement parlant, je vous demanderais que cela soit pris en compte.

  8   Est-ce que je pourrais au moins entendre la phrase dans la langue étrangère

  9   parlée et ensuite entendre l'interprétation en serbe ? Je pense que je

 10   pourrais accélérer les choses de cette façon, et je n'aurais pas à demander

 11   à ce que la question me soit répétée. Et pour l'instant, j'entends très

 12   bien.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce n'est pas toujours possible

 14   d'attendre la traduction une fois que la question vous aura été posée. Mais

 15   si vous avez des difficultés à comprendre ou à entendre, levez la main,

 16   attirez mon attention, et nous ferons ce qui est nécessaire, de la façon

 17   nécessaire, probablement en demandant à ce que la question soit répétée. Et

 18   j'invite également les parties à éviter tout chevauchement, ce qui pourrait

 19   créer une confusion dans l'esprit du témoin.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujicic, vous serez d'abord

 22   interrogé par Me Ivetic, qui se trouve à votre gauche. Me Ivetic est membre

 23   de l'équipe de la Défense de M. Mladic.

 24   Maître Ivetic, veuillez poursuivre.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Interrogatoire principal par M. Ivetic :

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 28   R.  Bonjour.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Si nous pouvions avoir sur le prétoire

  2   électronique la pièce 1D01658 de la liste du 65 ter, s'il vous plaît.

  3   Q.  Si vous pouviez regarder la signature sur la première page de cette

  4   déclaration et me dire si vous reconnaissez cette signature.

  5   R.  Je reconnais cette signature. C'est ma déclaration. Il s'agit de ma

  6   signature. C'est une signature que j'ai moi-même apposée sur ce document,

  7   sur cette déclaration.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Si nous pouvions passer à la dernière page de

  9   ce document dans la version serbe.

 10   Q.  Monsieur, vous voyez également là une signature. Pourriez-vous nous

 11   dire à qui appartient cette signature ?

 12   R.  C'est ma signature, il s'agit de ma déclaration. En toute conscience et

 13   sans avoir été forcé par quiconque, j'ai moi-même fait cette déclaration et

 14   l'ai signée le 5 juin 2014.

 15   Q.  Monsieur, après avoir signé cette déclaration, est-ce que vous avez eu

 16   l'occasion de revoir ce document en langue serbe pour en vérifier la

 17   véracité et la précision ?

 18   R.  Oui, oui. Je l'ai vérifiée, et c'est exactement ce que j'ai dit la

 19   première fois que j'ai fait cette déclaration. Et en ce qui me concerne,

 20   cela peut être versé au dossier.

 21   Q.  Nous y viendrons, Monsieur. Tout d'abord, je vais vous demander si vous

 22   considérez que tout ce qui figure dans cette déclaration est exact ?

 23   R.  Oui, c'est ce que je déclare, tout ce que j'ai dit à ce moment-là, je

 24   le redirais maintenant. Et je donne également la possibilité à chacun de me

 25   poser d'autres questions. Je suis prêt à répondre à toute question que vous

 26   souhaiteriez me poser.

 27   Q.  Monsieur, et si je devais vous poser des questions aujourd'hui sur les

 28   mêmes points que ceux qui ont été couverts par votre déclaration, est-ce


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  1   que vos réponses resteraient les mêmes que celles que vous avez données

  2   dans votre déclaration ?

  3   R.  Je l'espère.

  4   Q.  Et dans la mesure où vous avez prononcé la déclaration solennelle de

  5   dire la vérité, est-ce que ces réponses qui figurent dans votre déclaration

  6   au préalable sont véridiques ?

  7   R.  Oui. J'ai déjà dit que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que

  8   la vérité, et je ferai de mon mieux pour dire la vérité. Je parlerai de ce

  9   que je sais. Et si quelqu'un me pose des questions sur ce que je n'ai pas

 10   vu des mes propres yeux mais dont j'aurais simplement entendu parler, je ne

 11   pourrai pas garantir ces réponses. Concernant ces questions, je peux dire

 12   que j'ai entendu quelque chose, même si je ne l'ai pas vu de mes propres

 13   yeux.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais verser au

 15   dossier la pièce 1D01658 dans le cadre de la Règle 92 ter.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1658 reçoit la cote D579,

 18   Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est versé au dossier comme élément de

 20   preuve.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais maintenant lire

 22   le résumé public de la déclaration préalable du témoin, qui lui a été

 23   expliqué.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous lire ce résumé, Maître

 25   Ivetic.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Le témoin a déclaré qu'au cours de la première

 27   moitié d'avril 1992, les autorités civiles de Foca ont décidé de mettre en

 28   place un abri pour les femmes musulmanes de Foca dans le club sportif des


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  1   Partizan. Ceci, c'est parce que Foca était géographiquement quelque peu

  2   éloigné, et les autorités ne pouvaient maintenir le contrôle et assurer la

  3   sécurité de la population civile des villages éloignés. Et ceci a été

  4   utilisé, donc, comme un centre permettant d'abriter ces personnes.

  5   Dans ce centre qui se trouve à 150 mètres de la maison du témoin, il

  6   a été engagé pour apporter et protéger pendant quatre nuits la sécurité des

  7   personnes. Il avait également un fusil. On lui a donné la tâche de ne

  8   permettre à personne d'entrer dans ces installations. Les femmes étaient

  9   libres de bouger et d'entrer et de sortir de ces installations. Et pendant

 10   la période où il a été garde de ces installations, il n'y a pas eu

 11   d'incidents.

 12   Le témoin sait que dans d'autres lieux, les maisons des Musulmans

 13   étaient protégées par les gardes qui avaient été envoyés également par les

 14   autorités civiles. Il est au courant d'un incident au cours duquel un garde

 15   de la maison de la famille Rikali a essayé d'empêcher un membre de faction

 16   paramilitaire d'entrer dans la maison et a tiré sur ce paramilitaire et

 17   qu'il l'a tué.

 18   Le témoin dit que les premiers tirs et les premières maisons

 19   incendiées à Foca lorsque le conflit a éclaté l'ont été par des Musulmans.

 20   Les mosquées ont été utilisées pour stocker d'importants stocks d'armes et

 21   un tireur embusqué bosniaque musulman a tiré depuis le minaret de la

 22   mosquée Aladza. Cette mosquée n'a pas été détruite ni endommagée pendant

 23   les premiers combats et a été barricadée jusqu'en août 1992, moment où des

 24   personnes inconnues ont fait sauter des explosifs dans la mosquée. Cette

 25   explosion a endommagé une cinquantaine de bâtiments aux alentours de la

 26   mosquée, les propriétaires de ces bâtiments étant en majorité des Serbes.

 27   Ceci termine le résumé de la déclaration du témoin.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Si vous avez d'autres questions à


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  1   poser au témoin, vous pouvez le faire.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Je voudrais, Monsieur, vous poser une question concernant votre

  4   déclaration préalable. Si nous passons à la page 2 des deux langues, et si

  5   nous regardons les paragraphes 4 à 9 de ce document, vous y parlez

  6   d'assurer la sécurité pendant quatre nuits d'une installation qui se

  7   trouvait à 150 mètres de votre maison. Est-ce que vous pourriez identifier

  8   ces lieux pour que nous sachions exactement de quoi vous parlez ici ?

  9   R.  Oui. Oui. Ce lieu s'appelait donc le centre sportif Partizan. Il

 10   s'agissait d'un centre sportif pour les jeunes, avec une grande salle et

 11   également quelques salles de bains et des petits bureaux.

 12   Ces lieux étaient utilisés au cours de la deuxième moitié d'avril

 13   1992, lorsque -- en fait, vous savez, la municipalité de Foca est la plus

 14   grande municipalité de l'ancienne Bosnie-Herzégovine. Il y avait beaucoup

 15   de villages. C'était un centre très important. Les villages étaient

 16   éparpillés. Les autorités ne pouvaient pas contrôler chacune des maisons.

 17   Et dans ces maisons, après le nettoyage et les combats et le départ des

 18   Bérets verts et de cette Ligue patriote, certaines familles sont restées

 19   sans protection, dont des femmes, des personnes âgées et fragiles, et

 20   cetera.

 21   Et les autorités civiles et militaires, ou plutôt, la Défense

 22   territoriale a émis un ordre qui était le suivant : chaque fois que ces

 23   structures et ces familles sont menacées, elles devraient venir et se

 24   réunir dans un seul lieu où elles pourraient rester, et ces femmes ont été

 25   logées justement dans ces lieux, dans ce centre Partizan. Lorsqu'elles sont

 26   arrivées dans ces lieux, au cours des premiers jours, la Défense

 27   territoriale -- non, plutôt, la cellule de Crise de la Défense territoriale

 28   a émis l'ordre de protéger ces installations jour et nuit.


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  1   Et pendant quatre nuits, j'ai --

  2   Q.  Allez-y, continuez, terminez votre réponse.

  3   R.  Bien. Pendant quatre nuits, je suis resté là, le fusil à la main.

  4   Certains commissaires de la cellule de Crise m'ont remis un fusil et m'ont

  5   dit qu'il ne fallait laisser entrer personne la nuit. Et si quelqu'un

  6   essayait d'entrer par la force, il faudrait l'arrêter, même physiquement si

  7   nécessaire. Néanmoins, heureusement, pendant ces quatre nuits, je n'étais

  8   pas totalement seul. Il y avait un autre homme qui se trouvait de l'autre

  9   côté, et la sécurité était assurée pour que personne ne puisse rentrer.

 10   Donc, la sécurité était assurée. Personne n'a essayé de rentrer, donc nous

 11   n'avons pas eu de problème.

 12   Ensuite --

 13   Q.  Monsieur, nous avons cela dans votre déclaration. Je suis limité par le

 14   temps. Je voudrais simplement que vous répondiez à la question et que vous

 15   limitiez votre réponse à la question qui vous avait été posée.

 16   Donc, pendant la période où vous avez assuré la sécurité du centre sportif

 17   Partizan, quelle était votre situation ? Est-ce que vous faisiez partie de

 18   la police, des militaires, ou quelle était votre situation ?

 19   R.  J'étais un civil, et pendant la période avant la guerre, j'étais

 20   président de la commune locale de Gornje Polje, où se trouvent ces

 21   installations. Donc, j'étais un civil. Et pour ce qui est de l'âge que

 22   j'avais, conformément au règlement de l'époque, je n'étais même pas un

 23   conscrit.

 24   Q.  Qu'est-ce que vous pouvez nous dire concernant l'approvisionnement en

 25   eau et en denrées alimentaires pour les personnes qui se trouvaient à

 26   l'intérieur de ces lieux ?

 27   R.  Je sais que ces personnes avaient ce dont elles avaient besoin. Il y

 28   avait une cuisine dans les lieux et des denrées alimentaires leur étaient


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  1   fournies. Et au cours de la journée, ces personnes avaient la possibilité

  2   d'aller à l'hôtel et d'y déjeuner, d'y dîner, et cetera. Et la nuit,

  3   néanmoins, elles étaient à l'intérieur des lieux. Les lieux étaient fermés

  4   à clé; il y avait une clé à l'intérieur.

  5   Et pendant que j'y étais, je sais qu'il y avait des femmes qui s'y

  6   trouvaient. Je n'ai jamais vu une seule de ces femmes. Je n'ai jamais

  7   ouvert la porte. Je n'ai même jamais mis la main sur la poignée de porte.

  8   Ça, c'est ce que je peux vous assurer. Je peux également dire qu'au cours

  9   de la journée, ces femmes avaient la possibilité de sortir, d'aller rendre

 10   visite à d'autres. Il y avait des femmes musulmanes et elles connaissaient

 11   également certaines femmes serbes en ville et pouvaient se rencontrer. Mais

 12   comme je vous l'ai dit, pendant la nuit, personne n'a essayé de rentrer, ni

 13   n'est venu.

 14   Q.  Monsieur, maintenant que vous avez dit que pendant la nuit elles

 15   étaient enfermées, qu'elles avaient une clé à l'intérieur, de qui parlez-

 16   vous lorsque vous dites "elles" avaient la clé dans ce centre sportif

 17   Partizan qui était fermé à clé la nuit ?

 18   R.  Qui étaient ces personnes ?

 19   Q.  Qui avait la clé ?

 20   R.  Elles, les femmes. Les femmes s'enfermaient à clé la nuit, et ensuite,

 21   au cours de la journée, elles pouvaient sortir aller se promener en ville,

 22   et cetera.

 23   Q.  Pendant les quatre nuits où vous avez assuré la sécurité, comment est-

 24   ce que vous avez pu manger, comment vous êtes-vous procuré des denrées

 25   alimentaires ?

 26   R.  Il y avait là une femme dans ces lieux, de l'autre côté, qui était

 27   seule, et une fois, une nuit ou deux nuits, elle nous a préparé à manger

 28   parce que nous ne pouvions pas quitter les lieux -- nous ne pouvions plus


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  1   les quitter du tout. Mon appartement se trouvait à 150 mètres de ces lieux

  2   et je ne pouvais me permettre de partir et d'aller dîner chez moi ou

  3   prendre mon petit déjeuner chez moi jusqu'à ce que l'autre équipe arrive.

  4   Je ne sais pas ce qu'il en était pour l'équipe de jour, notamment au moment

  5   où j'ai été mobilisé par la Défense territoriale.

  6   Q.  Bien. Nous en viendrons à votre mobilisation. Je voudrais tout d'abord

  7   vous poser une question : comment est-ce que vous considériez ces personnes

  8   qui se trouvaient à l'intérieur de ces lieux ? Les considériez-vous comme

  9   vos prisonniers ?

 10   R.  Non. Il s'agissait de -- est-ce que vous me permettez de parler ? Il

 11   s'agissait juste d'un centre d'accueil. C'étaient des femmes libres, comme

 12   toutes les femmes musulmanes et serbes dans la ville de Foca, si ce n'est

 13   qu'elles venaient simplement des villages pour pouvoir être hébergées en

 14   toute sécurité dans un lieu où elles seraient correctement protégées.

 15   Q.  Avez-vous jamais entendu parler d'incidents qui se seraient produits

 16   dans ces lieux, dans le club sportif Partizan, où des gens seraient venus

 17   de l'extérieur et auraient maltraité ces femmes civiles à plusieurs

 18   reprises, femmes qui se trouvaient à l'intérieur de ces lieux ?

 19   R.  Après mon départ, je n'ai pas réellement entendu parler d'incidents. Et

 20   ma femme, qui se trouvait aux alentours, à 100 ou 150 mètres, ne m'a jamais

 21   parlé de cela. Moi, j'étais sur la ligne de front, voyez-vous, mais elle ne

 22   m'a jamais parlé d'incidents de nuit ou de jour.

 23   Et il n'y a rien d'autre que je puisse vous dire, si ce n'est cela : j'ai

 24   été mobilisé, donc je rentrais tous les 15 jours pour pouvoir me changer de

 25   vêtements, et cetera, donc ne me posez pas d'autres questions parce que,

 26   honnêtement, je ne sais pas. Et je n'ai rien d'autre à ajouter.

 27   Q.  En regardant le paragraphe 8 de votre déclaration, vous avez dit que

 28   les Musulmans ont commencé à quitter Foca. Est-ce qu'il y a eu des


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  1   Musulmans qui sont restés à Foca ?

  2   R.  Oui. Une grande partie de la population civile musulmane a quitté Foca

  3   au début du conflit. En fait, ces habitants sont partis avec les Bérets

  4   verts et les membres de la Ligue patriotique, dont j'ai déjà parlé tout à

  5   l'heure, et ils se sont dirigés vers Gorazde et Ustikolina. Je parle de la

  6   majorité d'entre eux. Tous ces faits sont consignés par écrit.

  7   Et une grande partie des familles d'appartenance ethnique musulmane, en

  8   revanche, sont aussi restées en ville. Tout l'été, toutes ces personnes ont

  9   vécu à leur gré, et les autorités civiles, au moment où ces personnes

 10   s'adressaient à elles pour obtenir des autorisations de départ, leur

 11   disaient : "Vous n'avez pas besoin de partir. Vous pouvez rester. Vous

 12   serez en sécurité comme tous les autres civils de Foca." Et lorsqu'ils

 13   partaient, ils le faisaient toujours sous le prétexte de souhaiter une

 14   réunion avec des membres de leurs familles, probablement avec ces membres

 15   de famille qui étaient déjà partis auparavant ou qui étaient partis au côté

 16   des unités des Bérets verts et de la Ligue patriotique.

 17   Q.  Dans le même paragraphe --

 18   R.  Excusez-moi. Excusez-moi. La plupart de ces personnes, en fait, sont

 19   restées pendant toute la durée du conflit à Foca, jusqu'en 1995, et

 20   certaines de ces personnes qui faisaient même partie d'unités de la Défense

 21   territoriale. Et même après le mois de juin, après que la VRS ait été

 22   organisée, ils ont rejoint les unités de l'armée de la Republika Srpska et

 23   ont occupé un certain nombre de fonctions. Je peux vous donner leurs noms,

 24   si vous le voulez. Je peux donner le nom de quelques-unes de ces personnes.

 25   Q.  Vous avez déclaré au paragraphe 8 de votre déclaration, et vous l'avez

 26   répété ici même aujourd'hui, que vous avez été mobilisé. Dans quelle

 27   formation avez-vous été versé ? Est-ce que c'était une formation de la VRS

 28   ?


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  1   R.  A cette époque-là, la cellule de Crise était active de même que la

  2   Défense territoriale, et ensemble elles constituaient l'armée. Ça, c'était

  3   la situation au mois d'avril. Et l'armée de la Republika Srpska n'a été

  4   créée qu'après le mois de juin, peut-être durant la première quinzaine de

  5   juillet. Mais en tout cas, jusqu'à ce moment-là, c'était la Défense

  6   territoriale qui assurait la défense et qui se composait d'unités de ce

  7   qu'on appelait des gardes villageoises qui se rassemblaient, se

  8   regroupaient, et cetera.

  9   L'armée a été créée, ensuite deux brigades ont été organisées en juillet,

 10   les 11e et 12e Brigades d'infanterie légère, et, bien entendu, les

 11   officiers de ces brigades étaient aux ordres du commandant Marko Kovac.

 12   Jusqu'à ce moment-là, nous avions une Défense territoriale qui regroupait

 13   des personnes possédant un fusil, mais il y avait aussi des civils qui ne

 14   portaient que des vêtements civils et n'avaient absolument aucun

 15   équipement. Ces personnes qui possédaient un fusil, étant donné que c'était

 16   une arme d'infanterie, même lorsque l'armée de la Republika Srpska a été

 17   créée, ont continué à faire partie de la Brigade d'infanterie légère, qui

 18   signifiait qu'elle regroupait des hommes portant des armes d'infanterie, de

 19   simples fusils.

 20   Q.  Une fois que vous avez été mobilisé, est-ce qu'à ce moment-là vous avez

 21   reçu des instructions au sujet de lois de la guerre et de la façon de

 22   traiter des prisonniers ennemis et des civils que l'on peut rencontrer au

 23   cours des combats ?

 24   R.  A plusieurs reprises, au fur et à mesure que la mobilisation se

 25   poursuivait, les nouveaux mobilisés étaient alignés devant le centre

 26   d'enseignement secondaire. J'ai fait partie d'un de ces jeunes hommes. J'ai

 27   été engagé en tant que combattant. Ils nous ont lu le texte des conventions

 28   relatives au droit international de la guerre. Et ils ont lu cette


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  1   convention pratiquement à la lettre du début à la fin. Cela nous apprenait

  2   comment un combattant, un soldat, devait se comporter, comment les

  3   officiers devaient se comporter, comment la population devait être

  4   protégée, et qu'il était interdit d'incendier des maisons, de tuer des

  5   civils. Et que s'il y avait des prisonniers de guerre, si des combattants

  6   étaient faits prisonniers, il ne devait pas y avoir d'exécutions sommaires.

  7   Ces hommes devaient être jugés, leur responsabilité devait faire l'objet

  8   d'une enquête; tout cela nous a été lu à haute voix. Ce n'est pas seulement

  9   que cela m'a été lu à moi, mais cela a été lu à tous les hommes alignés

 10   avec moi. J'étais au garde-à-vous au moment où cela a été lu.

 11   Q.  D'accord.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que je pourrais

 13   vous demander une précision ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Bien sûr.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'abord, vous avez dit que vous

 16   connaissiez les lois de la guerre, Monsieur le Témoin, étant donné votre

 17   profession. Quelle était votre profession à l'époque ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis juriste. Je suis maintenant à la

 19   retraite, mais j'ai eu à travailler sur le droit de la guerre pendant mes

 20   études.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma deuxième question est la suivante :

 22   est-ce que vous avez appris que des prisonniers de guerre devaient être

 23   traduits en justice ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Aucun civil n'a été traduit en justice. S'ils

 25   avaient été amenés aux endroits dont nous parlons dans le but d'être

 26   protégés, mais il y a eu des villages serbes où des maisons ont été

 27   incendiées --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] -- il n'y a pas eu de procès. Il n'y a pas un

  2   seul procès qui ait été attenté à qui que ce soit à Foca, en tout cas pas

  3   aux membres des Bérets verts ou de la Ligue patriotique.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous m'avez vu lever la main tout à

  5   l'heure. Alors, lorsque je lève la main de cette façon, cela signifie que

  6   je vous demande d'arrêter de parler. Ma question était la suivante, et je

  7   vous la lis telle que je l'ai formulée la première fois une seconde fois.

  8   "Il est interdit de mettre le feu à une maison, il ne fallait pas tuer les

  9   civils. Et s'il y avait des prisonniers de guerre qui étaient faits

 10   prisonniers alors qu'ils étaient combattants, il ne devait pas y avoir

 11   d'exécutions sommaires. Ils devaient être traduits en justice."

 12   Est-ce que je dois comprendre que vous avez appris que des

 13   prisonniers de guerre faits prisonniers alors qu'ils étaient combattants

 14   devaient être traduits en justice ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Il n'y

 16   a pas eu un seul jugement fait à ces personnes. Ces personnes devaient être

 17   retenues. Elles devaient peut-être faire l'objet d'investigation, mais il

 18   n'y avait pas de jugement, aucun jugement n'a été mené s'agissant de

 19   personnes de cette catégorie.  Contre de telles personnes, je ne sais pas,

 20   je ne suis pas au courant. Pour ma part, je sais qu'il n'y a pas eu de

 21   procès.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous demandais pas s'il y avait eu

 23   un procès ou pas ou plusieurs procès. Je vous demandais si on vous avait

 24   enseigné que des prisonniers de guerre devaient être traduits en justice.

 25   Est-ce que cela a eu lieu ou pas, ça, c'est une autre question.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Lorsque ces lois de la guerre et ces

 27   conventions nous ont été lues à haute voix, il n'a jamais été dit qu'il

 28   fallait qu'il y ait des procès mais que ces personnes devaient être


Page 24198

  1   traitées dans le respect plein et entier des règlements et lois de la

  2   guerre.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il peut s'agir d'un

  4   problème de passage d'une langue dans l'autre, parce que ce que j'ai lu

  5   pour ma part diffère un peu de ce que vient de dire le témoin. S'il y a un

  6   problème de traduction, veuillez le faire savoir à la Chambre et, bien

  7   entendu, nous vérifierons. Si tel n'est pas le cas, toutefois, nous

  8   considèrerons que le témoin a dit ce qui figure sur le compte rendu

  9   d'audience.

 10   M. IVETIC : [interprétation] D'accord. 

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

 12   M. IVETIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur, au paragraphe 10 de votre déclaration préalable - on le

 14   trouve dans les deux versions en pages 2 et 3 des textes, bas de page 2,

 15   haut de page 3 - donc, dans ce paragraphe et par la suite, vous parlez de

 16   paramilitaires. D'où venaient ces paramilitaires ?

 17   R.  Franchement, je ne sais pas exactement d'où ils venaient. Ils ont

 18   traversé probablement la frontière avec le Monténégro, avec la Serbie, et

 19   ils pouvaient provenir de diverses régions de la Croatie. Ils étaient sans

 20   doute arrivés en passant par Dubrovnik, et cetera. Mais d'où ils venaient

 21   exactement, je ne sais pas.

 22   Q.  Et que faisaient-ils à Foca ? Quelles étaient leurs activités ?

 23   R.  Aucun ordre n'avait été donné par la cellule de Crise de la Défense

 24   territoriale qui aurait pu leur affecter telle ou telle action amenée. Ils

 25   étaient venus de leur propre chef. C'étaient des personnes indépendantes

 26   dont les actions étaient indépendantes. Et lorsque la Défense territoriale

 27   de Foca a remis les choses en ordre et que la paix l'emportait en ville,

 28   les villages ont été au centre de l'attention, et ces unités sont restées


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  1   dans ces villages à partir de ce moment-là.

  2   Q.  D'accord. Est-ce que ces hommes ont créé quelque problème que ce soit

  3   avec la population locale ?

  4   R.  Oui, oui. Ils ont causé des problèmes, aussi bien pour les Serbes que

  5   pour les Musulmans au sein de la population, des problèmes très précis.

  6   Pour vous dire franchement, à partir de ce que j'ai pu voir et de ce à quoi

  7   j'ai pu assister, eh bien, pour vous dire franchement, pour la plupart,

  8   c'étaient des hommes qui voulaient piller, et je parle de tous ces hommes,

  9   quel que soit le groupe auquel ils aient appartenu. Ensuite, ils ont été

 10   chassés.

 11   La cellule de Crise, lorsque nous étions encore avec la Défense

 12   territoriale, et aussi par la suite, une fois que la VRS a été créée, s'est

 13   engagée dans l'action de les chasser, et finalement ils ont été chassés,

 14   expulsés. On leur a dit, en termes tout à fait clairs, qu'ils étaient

 15   indésirables à Foca, qu'ils devaient partir, et ils ont quitté la région.

 16   Donc, ils ont agi, ils ont opéré pendant un temps relativement court à

 17   partir du mois d'avril, sans doute fin avril plus précisément, ou plutôt, à

 18   partir du 8 avril jusqu'à la fin avril à peu près.

 19   Q.  Vous avez dit : "Notamment par la suite, une fois que la VRS a été

 20   créée, ils ont été éliminés, expulsés." Est-ce qu'une personne quelconque

 21   extérieure à Foca a été appelée pour résoudre le problème que posaient les

 22   paramilitaires ?

 23   R.  Il y avait affrontement permanent entre eux d'un côté et la Défense

 24   territoriale et la cellule de Crise de l'autre, mais finalement la question

 25   a été résolue à partir du mois de juin. Ratko Mladic est venu aussi à Foca,

 26   il a remis les choses en ordre, il a dit comment les choses devaient se

 27   passer et comment l'armée devait agir, la future armée de notre Republika

 28   Srpska, comment elle devait se comporter vis-à-vis d'eux. Si je me souviens


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  1   bien, c'est soit en juillet, soit peut-être à partir de la fin juin que

  2   Ratko Mladic est arrivé à Foca pour la première fois.

  3   Q.  Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je poser une question

  5   d'éclaircissement. Vous avez dit, Monsieur, que ces hommes étaient pour la

  6   plupart motivés par le désir de pillage et qu'ils ont été expulsés mais

  7   qu'ils n'ont pas fait l'objet de quelque enquête que ce soit ou de quelque

  8   jugement que ce soit et n'ont pas été arrêtés ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, certains ont été arrêtés et enfermés

 10   là-bas, mais il n'y a pas eu d'enquête précise. En fait, la plupart d'entre

 11   eux se sont contentés de partir. Ils ont pris le chemin de destination

 12   inconnue, probablement pour retourner à l'endroit d'où ils étaient venus au

 13   départ.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner le nom de

 15   certains de ces hommes qui ont été arrêtés ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne connais vraiment aucun de ces

 17   hommes. Je pourrais reconnaître leurs visages pour certains, et je connais

 18   peut-être pour certains soit le prénom, soit le nom de famille, ou

 19   éventuellement je reconnais le nom des groupes dont ils faisaient partie.

 20   Mais je ne sais pas du tout. Je ne sais pas, je ne connais pas l'ensemble.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les hommes arrêtés, qu'est-ce qu'on

 22   leur a fait ? Est-ce que des enquêtes ont été ouvertes à leur sujet ? Est-

 23   ce qu'ils ont été mis en accusation ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas qu'ils aient été emprisonnés,

 25   parce que cela aurait provoqué des affrontements violents entre les forces

 26   paramilitaires et notre Défense territoriale, avant la création de la VRS

 27   en tout cas.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Maître Ivetic.


Page 24201

  1   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que s'affiche le

  2   document 1D04145 grâce au prétoire électronique.

  3   Q.  Monsieur, est-ce que vous connaissez la publication qui est

  4   actuellement affichée à l'écran ?

  5   R.  Oui. Oui, oui, je connais. C'est la publication qui porte le nom de

  6   "Vox". C'est Senad Pasic, surnommé Saja, qui était le rédacteur en chef de

  7   cette publication qui comportait pas mal de pages et qui était très

  8   populaire à l'époque. Ce n'était pas un quotidien; je ne me rappelle plus

  9   si c'était un hebdomadaire ou un bimensuel ou un mensuel. Mais en tout cas,

 10   c'était un journal qui sortait plusieurs fois par mois.

 11   Q.  L'individu que vous voyez en première page et dont vous avez dit qu'il

 12   était le plus haut responsable, Senad Pasic, surnommé Saja, est-ce qu'il

 13   avait des liens particuliers avec un quelconque parti politique ?

 14   R.  Oui. Je sais qu'il présidait le comité municipal du SDA, et il

 15   collaborait de façon très étroite avec Alija Izetbegovic, Cengic, Halid

 16   Cengic en particulier, d'Ustikolina, et cetera. Il était épicier de métier.

 17   Il avait en fait une épicerie où il vendait des produits agricoles, comme

 18   les fruits, les légumes, et cetera.

 19   Q.  Est-ce que cette publication était diffusée et lue à Foca dans les

 20   années 1991 et 1992 ?

 21   R.  Personnellement, je ne l'ai jamais achetée. Je n'ai pas entendu parler

 22   du fait que ce journal aurait été fermé. C'était un journal qui était

 23   diffusé. Je l'ai eu plusieurs fois sous les yeux, en fait. Il colportait

 24   des messages au vitriol, des messages dangereux, vis-à-vis de la population

 25   serbe de Bosnie-Herzégovine, réellement.

 26   Q.  J'aimerais que nous passions à la page 2 de ce document dans les deux

 27   langues. On voit là un article intitulé, "Que faire des Serbes au sein de

 28   la République islamique de Bosnie-Herzégovine." Est-ce que vous connaissez


Page 24202

  1   cet article ?

  2   R.  Oui. Je l'ai lu à plusieurs reprises, et pour vous dire franchement,

  3   étant donné le temps écoulé depuis, je ne me rappelle plus tous les

  4   détails. Mais il est dit très clairement dans cet article que si les Serbes

  5   voulaient rester en République de Bosnie-Herzégovine, il fallait qu'ils se

  6   comportent de telle et telle façon, qu'ils soient bien sages. Et quand on

  7   lit cet article, on a la chair de poule, vraiment.

  8   Q.  Quelle a été la réaction des Serbes et des Musulmans de Foca à la

  9   lecture de cet article lorsqu'il a paru ?

 10   R.  Eh bien, pas mal de Musulmans se sont montrés très mécontents de lire

 11   ce genre de chose. Cela s'est manifesté en particulier par des gens qui

 12   habitaient à côté de voisins qui n'étaient pas du même groupe ethnique

 13   qu'eux, donc un nombre de Serbes et de Musulmans ont estimé que c'était une

 14   façon de provoquer, d'appeler à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Il était

 15   tout à fait clair que c'était le cas pour ces Serbes et ces Musulmans qui

 16   ont protesté, qui ont fait connaître leur avis négatif, et les Serbes ont

 17   manifesté une crainte importante. Ils avaient peur de ce qui risquait de

 18   leur arriver dans un avenir proche.

 19   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 20   demande le versement au dossier de ce document.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D4145 devient la pièce

 23   D580.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D580 est versée au dossier à

 25   titre officiel.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Q.  J'aimerais maintenant aborder le dernier sujet qui m'intéresse en

 28   demandant l'affichage du document D579, à savoir votre déclaration


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  1   préalable. Page 3 à l'écran, dans les deux langues, je vous prie. C'est le

  2   paragraphe 12 qui va m'intéresser. Monsieur, dans le paragraphe 12 de votre

  3   déclaration, vous dites : "Pendant les affrontements du mois d'avril à

  4   Foca, les lieux de culte de Foca, les mosquées à partir desquelles des

  5   Musulmans ouvraient le feu pour tirer sur nous, ont été détruites ou

  6   endommagées."

  7   Voici maintenant ce que je voudrais savoir : à quel moment et de quelle

  8   façon ces mosquées ont-elles été détruites ou endommagées, selon les termes

  9   que vous utilisez dans votre déclaration préalable ?

 10   R.  Eh bien, suite à cette question, il faudrait que j'apporte quelque

 11   réponse détaillée, si vous me le permettez. A savoir que les Musulmans ont

 12   commencé à s'armer très tôt, et ils l'ont fait par le biais de Focatrans,

 13   une entreprise. Et lorsque le conflit a éclaté à Foca, les affrontements

 14   entre les travailleurs, les salariés serbes et musulmans de Focatrans, sont

 15   bien connus.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci figure dans

 17   votre déclaration préalable. Il n'y a aucun besoin de répéter ce qui est

 18   déjà écrit dans votre déclaration. Donc, veuillez vous concentrer sur la

 19   réponse que vous souhaitez faire à la question précise posée par Me Ivetic.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Donc, lorsque les Musulmans

 21   se sont procurés des armes et ont fait entrer des armes dans Foca, ils

 22   l'ont fait principalement en regroupant ces armes dans les lieux de culte.

 23   Dans certains lieux de culte, pas tous. C'est à cet endroit qu'ils

 24   stockaient leurs armes, leurs explosifs, et tout objet du même type.

 25   Par ailleurs, en parallèle à cela, dans certains lieux, tels que la

 26   mosquée Pilav de Gornje Polje, ils ont procédé à l'entraînement des Bérets

 27   verts et de leurs forces armées ainsi que des membres de la Ligue

 28   patriotique. Il y avait pas mal d'hommes qui venaient d'autres villages,


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  1   d'autres régions, du Sandzak par exemple, et -- ah, excusez-moi, je n'ai

  2   pas vu que vous aviez levé la main. Je peux m'arrêter tout de suite si vous

  3   le voulez.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que vous nous expliquez en ce

  5   moment les actions qui ont été menées dans les mosquées, mais la question

  6   qui vous a été posée était à quel moment et de quelle façon les mosquées

  7   ont-elles été détruites ou endommagées. Voilà ce qu'on vous demandait. Est-

  8   ce que vous pourriez vous concentrer sur la réponse à cette question, je

  9   vous prie.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces mosquées ont été démolies en majeure

 11   partie lors de batailles, lors d'activités de combat, parce que les

 12   Musulmans ouvraient le feu en particulier souvent à partir des minarets de

 13   leurs mosquées. Personnellement, j'ai vu des Musulmans qui ont bombardé des

 14   positions serbes et des maisons serbes à partir des mosquées.

 15   Et d'autre part, par la suite, en 1995, c'est-à-dire après que les

 16   forces de l'OTAN aient tiré plusieurs projectiles sur Foca, ces mosquées,

 17   qui étaient des bâtiments très anciens, ont été considérablement

 18   endommagées, et pour certaines d'entre elles, complètement détruites. Voilà

 19   dans quelles conditions les lieux de culte en sont arrivés à être détruits.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire plus en détail

 21   peut-être si ces mosquées ont été bombardées ou si d'autres armes ont été

 22   utilisées pour provoquer ces dommages et ces destructions ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, en 1995, je n'étais pas du tout loin

 24   de l'endroit où les bombes sont tombées sur la partie supérieure et sur la

 25   partie basse du pont ainsi que de chaque côté, je parle du pont qui

 26   enjambait la Drina. Les obus de l'OTAN sont tombés à ces endroits, et c'est

 27   là qu'il y avait des lieux de culte. Ces lieux de culte étaient de très

 28   vieux bâtiments qui n'étaient pas en parfait état puisque c'étaient des


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  1   bâtiments de trois ou quatre siècles. Ça, c'est la première chose.

  2   Et puis, pendant le conflit, par ailleurs, au moment où les combats ont eu

  3   lieu entre les Serbes et les Musulmans, il y en a certains de ces lieux de

  4   culte qui ont été démolis au canon antirecul. Parce que le canon antirecul,

  5   c'était la plus lourde des pièces d'artillerie que possédait la Défense

  6   territoriale. Et les obus du canon sans recul, s'ils tombaient sur une

  7   mosquée, pouvaient la détruire complètement. Ou, en tout cas, ils pouvaient

  8   être utilisés efficacement contre les lieux à partir desquels les forces

  9   musulmanes ouvraient le feu sur les maisons serbes et les positions serbes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait une distinction entre les

 11   dommages provoqués durant les combats du début du conflit, si j'ai bien

 12   compris ce que vous avez dit, et les dommages provoqués par les obus de

 13   l'OTAN. Est-ce que les bombes de l'OTAN ont touché les mosquées, ou est-ce

 14   qu'elles auraient été endommagées par des obus lancés par l'OTAN ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Pas un seul projectile n'est tombé sur

 16   les moquées directement, mais ils sont tombés au voisinage des mosquées.

 17   Certaines mosquées étaient plus ou moins près du lieu d'où partait le tir.

 18   Celles qui étaient le plus près de ces lieux de tir ont été endommagées. Je

 19   sais que lorsque des obus sont tombés sur le pont et dans les environs des

 20   ponts et il y avait d'autres bâtiments tout près, mon appartement aussi a

 21   été complètement démoli. Les vitres ont éclaté. Les portes sont sorties de

 22   leurs gonds. Et voilà ce que provoquaient les tirs, entre autres. Donc,

 23   nous représentions des dommages collatéraux, de façon générale.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais concentrons-nous sur les mosquées.

 25   Est-ce que vous pourriez nous dire -- d'abord, est-ce que vous avez vu de

 26   vos yeux des bombardements de l'OTAN qui auraient provoqué des dommages sur

 27   des mosquées ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. J'ai vu cela personnellement. Par


Page 24206

  1   exemple, la mosquée qui se trouvait tout près --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quel est le tir

  3   qui a eu lieu le plus près d'une mosquée et qui a provoqué des dégâts sur

  4   cette mosquée ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu des tirs qui se produisaient à 100

  6   ou 150 mètres de distance d'une mosquée. Et dans ce cercle de 100 ou 150

  7   mètres de diamètre, il y avait plusieurs mosquées, parce qu'il y en avait

  8   plusieurs dans la ville de Foca.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pourriez-vous nous dire, puisque

 10   vous venez de parler d'un obus qui a été tiré à 100 ou 150 mètres de

 11   distance d'une mosquée, donc le plus près d'une mosquée, quelle était la

 12   cible visée par cet obus ? Etait-ce une installation militaire ? Ou quelle

 13   était cette cible exactement ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces obus ont touché les ponts de la Drina

 15   ainsi que l'émetteur de télévision sur le mont Kumur, qui était une

 16   installation militaire de l'ancienne armée yougoslave.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 18   Veuillez procéder, Maître Ivetic.

 19   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Q.  Alors, dans le même paragraphe de votre déclaration, paragraphe 12, en

 21   particulier, vous parlez de ce que vous avez personnellement vu à la

 22   mosquée Pilav. Ce que je voudrais savoir, c'est en quelle année cela s'est

 23   passé ? Est-ce que c'était avant ou après le début de la guerre ?

 24   R.  A la mosquée de Pilav à Gornje Polje, des entraînements étaient

 25   dispensés aux Bérets verts. Cela s'est passé longtemps avant que la guerre

 26   n'éclate à Foca. En mars ou février de 1992. Je suis personnellement allé

 27   plus tard dans cette mosquée pour voir ce qu'il en était, parce que cela

 28   m'intéressait en raison du fait que j'avais un collègue de travail qui


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  1   s'appelait Pilav, la mosquée s'appelait Pilav, et quand on m'a dit ce qui

  2   s'était passé dans cette mosquée Pilav, mon collègue m'a dit qu'il

  3   incombait à la génération dont il faisait partie de reconstruire la mosquée

  4   mais qu'il n'y avait pas de reconstruction en vue. Et les entraînements se

  5   sont produits dans cette mosquée parce qu'elle était restée dans cet état

  6   aussi longtemps. C'était une espèce de damier sur lequel il disait ne pas

  7   voir comment Allah pouvait continuer le jeu.

  8   Q.  D'accord. Merci, Monsieur, pour vos réponses.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci met un point final

 10   à mon interrogatoire. Je vois également que l'heure de la pause semble être

 11   arrivée.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est temps de faire la pause.

 13   Nous allons faire une pause de 20 minutes, Monsieur Vujicic. Après que vous

 14   soyez sorti du prétoire, je déclarerai la pause de 20 minutes. Vous pouvez

 15   suivre M. l'Huissier.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous reprendrons nos débats à 11

 18   heures moins dix.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 20   --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, faire entrer

 22   le témoin dans la salle d'audience.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, avant de commencer, vous

 25   avez demandé trois heures pour le contre-interrogatoire de ce témoin. En

 26   avez-vous vraiment besoin ?

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, je pense que je serai

 28   bien en dessous de cette évaluation première.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujicic, vous allez maintenant

  2   être contre-interrogé par Mme Bibles, qui se trouve à votre droite. Elle

  3   représente l'Accusation.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Contre-interrogatoire par Mme Bibles : 

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  Pour commencer, j'aimerais vous poser quelques questions qui concernent

  9   le contexte, mais à titre d'introduction, je vais vous demander de bien

 10   vouloir faire quelque chose pour moi. Vous avez déclaré avoir été juriste

 11   au cours de votre carrière, donc j'aimerais que vous compreniez à quel

 12   point il est important d'écouter attentivement la question posée et puis de

 13   répondre uniquement à la question posée. Est-ce que vous acceptez de

 14   procéder ainsi ?

 15   R.  Je vais essayer de me retenir en mesure du possible et de restreindre

 16   mes réponses. Je comprends lorsque vous me dites que cela est très

 17   important. Je sais que mes paroles sont interprétées simultanément. Donc,

 18   il faut d'abord que la question soit interprétée pour que la réponse puisse

 19   ensuite être interprétée aussi.

 20   Q.  Monsieur, vous avez déclaré que Foca représentait la municipalité de

 21   Bosnie la plus grande. J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur

 22   quelques caractéristiques géographiques de Foca. D'abord, est-il vrai

 23   qu'elle se trouvait dans sa partie sud, à côté de la frontière avec le

 24   Monténégro ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et Gorazde, qui représentait une enclave musulmane pendant la guerre,

 27   se trouve le long de la frontière nord-est de la municipalité de Foca ?

 28   R.  Gorazde se trouve à une distance de quelque 30 kilomètres en aval par


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  1   rapport à Foca. C'est la distance qui sépare la ville de Gorazde de la

  2   ville même de Foca.

  3   Q.  Et la rivière Drina traverse la ville de Foca en plein milieu; ai-je

  4   raison de l'affirmer ?

  5   R.  Elle ne passe pas par le centre de la ville. Foca se trouve sur la rive

  6   gauche de la rivière Drina à 90 %, et ensuite, en suivant le cours de la

  7   Drina, on arrive à Gorazde, mais à Gorazde la rivière passe par le centre

  8   de la ville. Donc, Gorazde s'étend à la fois sur la rive gauche et sur la

  9   rive droite de la rivière Drina.

 10   Q.  Monsieur, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la zone connue sous

 11   le nom des municipalités de Sarajevo se trouvait le long de la frontière

 12   nord-centre de Foca ?

 13   R.  Foca se trouve à la frontière de la municipalité de Gacko puis

 14   Nevesinje le long du côté occidental, et du côté oriental c'est la

 15   municipalité de Trnovo qui est limitrophe. Et une partie de la commune

 16   locale de la Jabuka se trouve dans la zone de Jahorina, donc là on peut

 17   dire que Foca se trouve à côté de la municipalité de Pale, ainsi que de

 18   Gorazde comme je l'ai déjà indiqué. Puis il y a aussi le Monténégro.

 19   Q.  Monsieur -- 

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, vraiment, je ne comprends

 21   pas en quoi ces questions purement géographiques peuvent faire l'objet d'un

 22   litige. S'il est nécessaire d'étudier tous ces détails avec le témoin, mais

 23   vous n'avez qu'à lui faire une énumération puis de passer à vos questions.

 24   Mais là, nous venons de perdre quelques minutes en discutant les

 25   caractéristiques géographiques des différentes municipalités, alors que

 26   cela me paraît complètement superflu. En plus, nous disposons des cartes.

 27   Veuillez passer à un autre sujet, s'il vous plaît.

 28   Mme BIBLES : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que toutes ces

  2   différentes localités, à savoir la Drina, les différentes municipalités de

  3   Sarajevo, ainsi que la frontière monténégrine, étaient des points

  4   importants du point de vue des dirigeants bosno-serbes ?

  5   M. IVETIC : [interprétation] Objection. On invite le témoin à se livrer à

  6   des conjectures.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, il faudrait d'abord voir

  8   ce que le témoin en savait sur les positions affichées par les dirigeants

  9   bosno-serbes.

 10   Mme BIBLES : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur -- 

 12   Mme BIBLES : [interprétation] En fait, Messieurs les Juges, je vais revenir

 13   plus tard à cette question. Maintenant, je vais passer à un autre sujet.

 14   Q.  Monsieur, vous êtes d'accord avec moi qu'en 1991, les habitants de Foca

 15   étaient en majorité des Musulmans, il s'agissait d'une petite majorité ?

 16   R.  Je peux le confirmer.

 17   Q.  Monsieur, est-il vrai que vous avez été mobilisé le 26 avril 1992 ou

 18   vers cette date ?

 19   R.  Je ne comprends pas votre question. Qu'est-ce qui s'est passé le 26

 20   avril ?

 21   Q.  Est-il vrai que vous avez été mobilisé le 26 avril 1992 ou vers cette

 22   date ?

 23   R.  J'ai été mobilisé très précisément le 26 avril. C'était le premier jour

 24   de ma mobilisation, et cela s'est produit le 26 avril. Le jour de Pâques.

 25   Q.  Monsieur, ai-je raison de dire que vous êtes resté dans les rangs de

 26   l'armée jusqu'en 1994 ?

 27   R.  Oui, jusqu'au mois de juin 1994.

 28   Q.  Et qui a été votre commandant ?


Page 24211

  1   R.  Eh bien, il y en a eu plusieurs.

  2   Q.  Très bien. Alors, Monsieur, lorsque vous avez été mobilisé au départ,

  3   qui exerçait les fonctions de votre commandant ?

  4   R.  C'est Vukovic, Zoran, le commandant du 1er Bataillon, qui a exercé ces

  5   fonctions. J'ai été intégré au 1er Bataillon en tant que tireur, un simple

  6   soldat. J'avais mon poste dans les tranchées.

  7   Q.  Au cours de votre déposition d'aujourd'hui, à la page du compte rendu

  8   d'audience provisoire 11, à la ligne 24, il se peut qu'une erreur se soit

  9   glissée. Vous y évoquez la 11e et la 12e Brigades d'infanterie légère de

 10   Foca. Quelles sont les références exactes pour ces brigades de Foca ?

 11   R.  Il y avait la 11e et la 12e Brigades d'infanterie légère de Foca, donc

 12   deux brigades. Elles ont été créées seulement après le mois de juin.

 13   Disons, avant le 15 juillet, et jusqu'à ce point-là, il n'y avait eu que la

 14   Défense territoriale et la cellule de Crise qui la dirigeait. Les

 15   combattants étaient venus des villages environnants, qui souhaitaient

 16   justement défendre leurs maisons, et c'est ainsi que la Défense

 17   territoriale a été créée. Et elle a été en place jusqu'à à peu près le 15

 18   juillet 1992.

 19   Q.  Monsieur, à laquelle des Brigades d'infanterie légère cantonnées à Foca

 20   apparteniez-vous ?

 21   R.  La 12e Brigade d'infanterie légère, le 1er Bataillon.

 22   Q.  Et pour que tout soit parfaitement clair, est-il vrai que l'ordre donné

 23   pour intégrer les forces serbes de Foca aux forces de la VRS datait du 29

 24   juin 1992 ?

 25   R.  Je ne saurais vous citer la date. Je sais que jusqu'à cette époque,

 26   c'était la Défense territoriale qui existait et qui opérait. Et je sais que

 27   sur un ordre de Marko Kovac, qui commandait le groupe tactique, il fallait

 28   créer des unités de l'armée de la Republika Srpska avant le 5 ou le 6 ou le


Page 24212

  1   15 juillet --

  2   Q.  Monsieur --

  3   R.  -- de cette même année, de l'année 1992.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, la pièce

  5   P2838 à l'écran.

  6   Q.  Monsieur, pendant que nous attendons l'affichage de ce document, je

  7   vous signale que j'aimerais que vous examiniez le document d'abord et je

  8   vous poserai ma question ensuite. Monsieur, avez-vous sous les yeux l'ordre

  9   qui émane de Kovac et que vous venez d'évoquer ?

 10   R.  Oui. C'est un ordre émanant du commandant du groupe tactique, à savoir

 11   Marko Kovac. C'est le tout début de l'armée de la Republika Srpska, puisque

 12   la Défense territoriale devait être transformée en l'armée de la Republika

 13   Srpska. Je sais que c'est Marko Kovac qui a donné cet ordre. Je ne me

 14   souviens plus exactement des délais qui ont été fixés puisque cela s'est

 15   passé il y a longtemps. En tout cas, la chose s'est passé à la fin du mois

 16   de juin, le 29 juin, sur un ordre émanant de mon supérieur hiérarchique.

 17   Q.  Merci, Monsieur. Et cette date qui est citée dans le document, à savoir

 18   la date du 29 juin, est-ce que cela ravive vos souvenirs quant aux dates en

 19   question ?

 20   R.  Oui, en effet, il s'agissait du 29 juin. C'est à ce moment-là que

 21   l'ordre a été donné.

 22   Q.  Merci, Monsieur.

 23   R.  Et c'était ce délai qui a été fixé pour l'établissement, pour la

 24   création des unités de la VRS à Foca.

 25   Q.  Monsieur, je vais vous rappeler encore une fois qu'il faut écouter

 26   attentivement les questions que je vous pose et ne répondre qu'à la

 27   question posée.

 28   Alors, maintenant, je vais changer de vitesse pour vous poser


Page 24213

  1   quelques questions au sujet des personnes qui commandaient les unités

  2   serbes à Foca.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant d'y passer, permettez-moi de

  4   poser une question.

  5   Mme BIBLES : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur, vous avez évoqué la 11e et

  7   la 12e Brigades d'infanterie légère, mais je vois que dans cet ordre on

  8   évoque la 1ère Brigade d'infanterie légère de Foca. Avez-vous pu vous

  9   tromper peut-être ? Ou croyez-vous que vous faisiez partie peut-être de la

 10   1ère Brigade d'infanterie légère plutôt que de la 12e ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, pour vous dire la vérité, au moment

 12   où j'ai été mobilisé -- ou peut-être par la suite, cette unité était

 13   appelée la 11e et la 12e Brigades. Ou alors, peut-être que l'appellation

 14   officielle était simplement la Brigade d'infanterie légère de Foca. Je ne

 15   me souviens plus très bien. Je ne faisais pas partie du commandement

 16   militaire. J'étais tout simplement un tireur qui était déployé le long de

 17   la ligne de séparation, et cette ligne pour sa part s'étendait le long de

 18   la frontière qui séparait Gorazde de Foca. On appelait cette zone Suma. J'y

 19   suis resté jusqu'en 1994. Peut-être il n'y a-t-il eu qu'une seule brigade

 20   d'infanterie légère. Peut-être que deux ont été crées seulement plus tard,

 21   la 11e et la 12e. Je ne sais pas si cela s'est fait avant la fin du mois de

 22   juin. Mais comme j'ai déjà indiqué, après la fin du mois de juin, l'armée

 23   de Republika Srpska a été mise sur pied, et cela, avant la mi-juillet.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais passer à la page 2 de ce document.

 25   Q.  Monsieur, en haut de la page, vous verrez que dans cet ordre on fait

 26   une distinction entre les différents bataillons qui font partie de la 1ère

 27   Brigade d'infanterie légère de Foca et les bataillons qui font partie de la

 28   2e Brigade d'infanterie légère de Foca. Alors, il semblerait qu'en fait


Page 24214

  1   vous ayez fait partie de la 2e Brigade d'infanterie légère de Foca; ai-je

  2   raison de l'affirmer ?

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne voyons pas le haut de la page

  4   dans la version B/C/S.

  5   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Monsieur le

  6   Juge.

  7   Q.  Regardez vers le milieu de la page, Monsieur. Est-ce que vous voyez

  8   cette énumération, cette division en deux brigades différentes ?

  9   R.  Je ne sais pas à quel moment la Défense territoriale a été divisée en

 10   fonction des brigades. Au moment où j'ai été mobilisé, je faisais partie du

 11   1er Bataillon. De la 12e Brigade d'infanterie légère, me semble-t-il.

 12   C'était l'appellation utilisée à l'époque. Par la suite, ces brigades ont

 13   été démantelées et une seule brigade a été établie en 1994.

 14   Q.  Monsieur, j'aimerais tout simplement vous poser une question. Vous

 15   semblez avoir du mal à vous rappeler quelques détails. Est-il vrai qu'en

 16   fait, pour vous, il n'est pas facile de vous ressouvenir de tous les

 17   détails qui concernent l'année 1992 ?

 18   R.  Oui. Ecoutez, à mon âge et 22 ans plus tard, il est fort possible que

 19   je ne me souvienne pas de chaque détail. Mais pour les choses importantes,

 20   je pense les avoir gardées à l'esprit. Si, en revanche, je ne parviens pas

 21   à me souvenir de quelque chose, je vous le dirai ouvertement. Je vous dirai

 22   que je ne peux pas me prononcer sur une question puisque je ne m'en

 23   souviens pas. Voilà.

 24   Q.  Alors, Monsieur, j'aimerais maintenant passer à un autre sujet pour

 25   vous demander ce que vous savez ou ce dont vous vous souvenez au sujet des

 26   commandants des unités bosno-serbes à Foca.

 27   Pour commencer, Brane Kotovic [phon] --

 28   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien entendu le nom.


Page 24215

  1   Mme BIBLES : [interprétation]

  2   Q.  -- se trouvait à la tête d'une unité d'intervention; ai-je raison de

  3   l'affirmer ?

  4   R.  C'est la première fois que j'entends ce nom de votre bouche. Je ne

  5   connais pas l'homme que vous venez d'évoquer et je ne peux vraiment rien

  6   vous dire à son sujet. Vraiment, c'est la première fois que j'entends

  7   parler de cette personne.

  8   Q.  Et qu'en est-il de Gojko Jankovic ? Est-ce là un commandant dont vous

  9   vous souvenez ?

 10   R.  Oui, je me souviens de Gojko Jankovic. Il s'appelait Jankovic et non

 11   pas Jerkovic. Comme je vous l'ai déjà indiqué, la Défense territoriale

 12   était composée de gardes villageoises. Elle s'est développée par la suite,

 13   elle a évolué. Gojko Jankovic était déployé dans la zone qui allait de Brod

 14   vers Suceska. Mais il n'était pas vraiment un commandant d'une unité

 15   importante. Il était tout simplement un commandant des éclaireurs, d'une

 16   petite unité d'intervention. Un peu plus tard, lorsque la situation s'est

 17   calmée à Foca, lorsqu'il n'y a plus eu de conflit ou de combat, Gojko

 18   observait la situation sur le terrain, il fonctionnait comme éclaireur --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était simple, on vous a

 20   demandé si ce nom était connu de vous --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, bien sûr. Gojko Jankovic, oui, oui,

 22   je le connais.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est Mme Bibles qui vous posera

 24   maintenant sa question suivante. Attendez la question, s'il vous plaît.

 25   Mme BIBLES : [interprétation]

 26   Q.  Savez-vous à qui il soumettait ses rapports ?

 27   R.  Eh bien, il était à la tête d'un groupe tactique, et c'est la cellule

 28   de Crise qui dirigeait la Défense territoriale dans sa totalité, dont il


Page 24216

  1   faisait partie. Alors, pour vous dire la vérité, je ne sais pas qui se

  2   trouvait à la tête de la cellule de Crise. Je pense que parfois il arrivait

  3   même qu'il n'y ait pas vraiment de commandant ou de chef de la cellule de

  4   Crise, surtout au début.

  5   Q.  Monsieur -- 

  6   R.  Il s'agissait tout simplement de sauver les villages serbes.

  7   Q.  Monsieur, veuillez, s'il vous plaît, vous concentrer dans vos réponses

  8   à la question précise que je vous ai posée.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, pour être tout à fait

 10   équitable vis-à-vis du témoin, et si vous lui demandez à qui une personne

 11   donnée soumettait des rapports, le témoin ne peut pas savoir si vous pensez

 12   à une personne particulière ou à une instance, et c'est pourquoi il vous a

 13   fourni son explication. Donc, je pense qu'il a en fait répondu à la

 14   question que vous avez posée. Vous pouvez poursuivre.

 15   Mme BIBLES : [interprétation]

 16   Q.  J'aimerais maintenant que vous vous concentriez sur Pero Elez. Quel

 17   bataillon commandait-il ?

 18   R.  Je ne le sais pas. A un moment donné, il a été commandant du bataillon,

 19   mais surtout il commandait un groupe qui se trouvait dans la zone de

 20   Miljevina. Pero Elez, originaire de Miljevina, je le connaissais très bien

 21   personnellement. Il a trouvé la mort au cours de la guerre.

 22   Q.  J'aimerais maintenant passer à un autre sujet et me pencher sur le rôle

 23   politique que vous avez joué avant la guerre et au cours de la guerre. Est-

 24   il vrai que vous habitiez dans la communauté locale la plus grande de Foca

 25   ?

 26   R.  Oui. C'était la commune locale de Gornje Polje. Et j'ai exercé les

 27   fonctions du président de la communauté à deux reprises, au cours de deux

 28   mandats. Mais au cours de mon deuxième mandat, la guerre a éclaté.


Page 24217

  1   Q.  Permettez-moi de vous poser quelques questions à ce sujet. Avant la

  2   guerre, pour commencer, étiez-vous un membre du SDS ?

  3   R.  Oui, j'en ai fait partie avant la guerre, à la veille de l'éclatement

  4   du conflit. Je suis devenu membre du SDS, mais je n'ai jamais participé à

  5   des organes qui dirigeaient le parti au niveau municipal.

  6   Q.  Donc, Monsieur, en tant que président de la communauté locale avant la

  7   guerre, vous exerciez des fonctions qui étaient purement municipales et qui

  8   n'avaient rien à voir avec votre appartenance au SDS ?

  9   R.  Mais la communauté locale était organisée sur le principe territorial.

 10   Dans le cadre des autorités civiles, elle avait un certain nombre de

 11   compétences. Nous faisions tout en coopération avec la municipalité, avec

 12   ses autorités et son administration. Il s'agissait tout simplement de

 13   s'occuper des problèmes que les citoyens rencontraient dans la vie de tous

 14   les jours et de les régler. La communauté locale était dotée de son statut,

 15   de ses instances, et cetera.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le

 17   document 08611 de la liste 65 ter.

 18   Q.  Monsieur, ceci est le journal officiel de la municipalité serbe de

 19   Foca. J'aimerais commencer en examinant la page 1 dans les deux versions

 20   linguistiques. A la page affichée à l'écran, nous pouvons lire : "Première

 21   séance de l'assemblée de la municipalité serbe de Foca. Conformément à la

 22   décision prise de créer une assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine

 23   le 25 décembre 1991," puis il y a quelques précisions juridiques, et

 24   ensuite on peut lire, "une assemblée du peuple serbe a été créée dans la

 25   municipalité de Foca."

 26   Est-ce que -- est-ce que vous évoquiez ce document dans votre déposition ?

 27   R.  Non. Moi, je n'avais pas un siège dans l'assemblée municipale. Je ne

 28   travaillais pas au sein de ces organes ou de ces organes exécutifs. Je ne


Page 24218

  1   siégeais pas dans l'assemblée municipale. Je n'exerçais aucune fonction à

  2   ce niveau-là. La séance au cours de laquelle cette décision a été

  3   promulguée n'a rien à voir avec moi. Et pour vous dire la vérité, je ne

  4   savais même pas que cette décision a été adoptée. C'est la première fois

  5   que je vois le document.

  6   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais maintenant passer à la page 3 de

  7   la version anglaise, article 6. Mais gardez la page 1 dans la version

  8   B/C/S.

  9   Q.  Donc, c'est l'article 6 qui nous intéresse, Monsieur. Nous y voyons le

 10   texte suivant : "L'assemblée du peuple serbe dans la municipalité de Foca

 11   reconnaît la validité de toutes les dispositions fédérales." Est-ce qu'on

 12   s'y réfère aux dispositions juridiques de la République fédérale de

 13   Yougoslavie ?

 14   R.  Oui. Au début de la guerre, il n'y avait pas dispositions juridiques à

 15   un niveau municipal. Donc, les lois et les dispositions qui existaient à

 16   l'époque de l'ex-Yougoslavie et de la République de Bosnie-Herzégovine au

 17   niveau de la république sont les seules qui existaient à l'époque, au début

 18   de la guerre. Et on dit ici qu'en fait, il faut reprendre tous ces textes

 19   juridiques et que tous ces textes juridiques seront reconnus et respectés

 20   jusqu'à l'adoption de nouvelles dispositions.

 21   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais maintenant passer à la page 4 de

 22   la version anglaise, le haut de la page. Vers le milieu de la deuxième

 23   colonne de la page 1 en B/C/S, nous retrouverons ce même texte.

 24   Q.  La date pour cette entrée est le 25 décembre 1991. Alors, Monsieur, les

 25   Juges de la Chambre se sont vus présenter des éléments de preuve démontrant

 26   que seulement quelques jours plus tôt, le comité principal du SDS a donné

 27   des instructions pour mettre en place l'assemblée du peuple serbe. Etiez-

 28   vous au courant de ces instructions ?


Page 24219

  1   R.  Non. Vraiment, en toute sincérité, non. Je n'en savais rien du tout. Je

  2   n'ai jamais pu voir de telles instructions. Je n'ai jamais vu un document

  3   de ce type. Et vraiment, je ne sais rien à ce sujet. Je ne suis jamais trop

  4   intéressé à ce genre de chose. C'était le début de la guerre qui venait

  5   d'éclater. Tout le monde était très ému. La situation était très tendue.

  6   Trop de choses se passaient à la fois, donc je n'ai vraiment pas étudié ce

  7   genre de documents en détail. En réalité, je croyais --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez déjà

  9   indiqué que vous n'en saviez rien. Par conséquent, vous avez répondu à la

 10   question posée par Mme Bibles.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant passer à la page

 12   14 de la version anglaise, mais malheureusement, je ne sais pas quel

 13   passage il nous faut dans la version B/C/S. Je crois bien qu'il figure à la

 14   page 2. Je vous présente mes excuses.

 15   M. IVETIC : [interprétation] C'est la troisième page.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Merci. Oui, c'est bien cela.

 17   Q.  Monsieur, vous avez parlé du statut de ce que je pense être la

 18   municipalité serbe de Foca. Est-ce que vous étiez présent lors de

 19   l'assemblée de la population serbe à Foca --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que ce n'est pas la bonne

 21   partie de la page qui a été agrandie ici. Le statut semble être un petit

 22   peu plus haut, en haut à droite de cette même page. Est-ce que l'on

 23   pourrait vérifier cela ?

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là où on lit "statut", en haut à droite

 26   de la page. Presque, je dirais, au milieu. C'est ce que je vois en

 27   cyrillique. Je vois écrit "statut" en cyrillique. Merci.

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Bien.


Page 24220

  1   Q.  Monsieur, étiez-vous présent à l'assemblée le 3 avril 1992, lorsque

  2   ceci a été officiellement promulgué ?

  3   R.  Comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas membre de l'assemblée. J'étais -

  4   - je n'avais rien à voir avec la municipalité. Je parlais du statut de la

  5   commune locale et non de la municipalité. Donc, personne ne m'avait invité

  6   à cette --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était de savoir si vous

  8   étiez présent là-bas d'une façon ou d'une autre. Etiez-vous présent ou

  9   n'étiez-vous pas présent lorsque cela a été promulgué ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'étais pas présent.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Cela répond à la question.

 12   Mme BIBLES : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur, avant de quitter cette page, je noterai que la nouvelle

 14   municipalité faisait partie de la Région autonome serbe d'Herzégovine. Il

 15   s'agissait d'une entité politique que les Serbes avaient instaurée avant

 16   l'automne, n'est-ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux rien vous dire là-dessus. Ce n'est

 18   pas quelque chose qui me concernait particulièrement à l'époque.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais étiez-vous au courant du fait qu'il

 20   existait une Région autonome serbe d'Herzégovine ? Etiez-vous au courant de

 21   la déclaration de cette région autonome serbe ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne peux pas vraiment

 23   répondre à la question, parce que je ne connaissais pas cela.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais saviez-vous que cela existait ou

 25   n'étiez-vous pas du tout au courant de la mise en place d'une telle --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais que la municipalité de Foca, qu'il y

 27   avait eu une assemblée de la population serbe à Foca et que le statut avait

 28   été adopté. Mais je n'ai pas participé à cela, et comment est-ce que tout


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  1   cela s'est déroulé, je ne pourrais rien en dire. Cela faisait partie de

  2   l'Herzégovine orientale. Mais je sais qu'il y avait des liens territoriaux

  3   avec l'Herzégovine orientale.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là encore, ce n'était pas ma question.

  5   Vous avez dit que vous étiez juriste. Etiez-vous au courant de la mise en

  6   place de ce que l'on a appelé la Région autonome serbe d'Herzégovine ? Est-

  7   ce que vous avez lu quelque chose là-dessus ? Entendu parler de cela ? Est-

  8   ce que vous saviez quoi que ce soit concernant cela ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne savais rien là-dessus.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous ne savez pas, donc ça répond à

 11   la question.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas au courant de cela. Je n'avais

 13   rien lu là-dessus. J'étais au front.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, le Procureur indique que cela a

 15   été créé en automne 1991. Donc, vous n'étiez pas au front à ce moment-là,

 16   n'est-ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas au front, mais je n'étais pas

 18   non plus membre des instances municipales et je n'avais rien à voir avec la

 19   préparation ou l'adoption de cela.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le témoin dit qu'il n'était pas au

 21   courant de cela. Nous pouvons poursuivre.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous demanderais, Monsieur le Président, à

 23   ce que ce journal officiel reçoive une cote MFI. Et je discuterai avec le

 24   conseil de la Défense pour voir si nous pouvons nous mettre d'accord pour

 25   savoir s'il certaines parties de ce contenu peuvent être versées au

 26   dossier.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, quelle cote ?

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 8611 reçoit la cote P6680.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P6680 reçoit donc une cote MFI.

  2   Mme BIBLES : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, vous avez donc témoigné déjà dans l'affaire Karadzic le 17

  4   janvier 2013. Vous souvenez-vous avoir déposé dans l'affaire Karadzic ?

  5   R.  Oui. C'était l'année dernière, au mois de janvier.

  6   Q.  Monsieur, vous avez signé deux déclarations de témoin pour ce Tribunal.

  7   Est-il exact que l'une concernait l'affaire Karadzic, pour la Défense de

  8   Karadzic, et l'autre pour la Défense de Mladic ?

  9   R.  Oui. J'en ai signée une pour la Défense de Mladic récemment et

 10   auparavant j'en avais signée une pour la Défense de Karadzic. Et lorsque

 11   j'ai signé pour la Défense de Karadzic et de Mladic, j'ai déclaré que je

 12   dirais ce que je savais, que cela soit en ma faveur ou pas.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question très simple était simplement

 14   de savoir si vous avez fait ces déclarations. La réponse semble être un

 15   oui.

 16   Donc, vous pouvez poursuivre.

 17   Mme BIBLES : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur --

 19   R.  Bien, continuons.

 20   Q.  Monsieur, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que votre

 21   déclaration dans l'affaire Karadzic est une déclaration qui comporte 33

 22   paragraphes ? Est-ce que vous auriez une raison de contester cela ?

 23   R.  Je sais que j'ai fait cette déclaration. Maintenant, je ne me souviens

 24   pas exactement quelle était la longueur de cette déclaration.

 25   Q.  Monsieur, aujourd'hui - et pour référence, il s'agit donc de la page 15

 26   de la transcription provisoire, commençant à la ligne 22 - vous avez

 27   déclaré que Ratko Mladic est venu à Foca en juin 1992. Seriez-vous d'accord

 28   avec moi pour dire que cette information ne figure pas dans votre


Page 24223

  1   déclaration Mladic -- non, pardon, dans votre déclaration Karadzic, ou dans

  2   votre déposition dans l'affaire Karadzic ?

  3   R.  Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai pas dit cela dans l'affaire

  4   Karadzic. Mais concernant le mois de juin, je ne peux pas vous dire avec

  5   précision maintenant s'il est venu en juin ou juillet. Mais il est venu à

  6   Foca à cette période. La VRS était alors constituée et organisée, et ça,

  7   c'était donc fin juin 1992.

  8   Q.  Monsieur --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était de savoir si vous avez

 10   déjà mentionné cela dans votre déclaration ou dans votre déposition, et

 11   c'est aujourd'hui que pour la première fois vous faites référence à cette

 12   visite. Donc, j'ai cru comprendre que votre réponse indiquait que vous

 13   confirmez que c'est la première fois aujourd'hui que vous parlez de cela;

 14   est-ce exact ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Je n'ai pas dit cela dans l'affaire

 16   Karadzic.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Bibles.

 18   Mme BIBLES : [interprétation]

 19   Q.  Avez-vous parlé de cette visite de Mladic à Foca lors d'une de vos

 20   réunions avec la Défense de Mladic ?

 21   R.  Je n'ai pas vu Mladic de mes propres yeux. Je sais simplement que --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. La

 23   question était la suivante : est-ce que dans le cadre de vos conversations

 24   avec la Défense de Mladic, est-ce que vous avez fait mention de cette

 25   visite de M. Mladic à Foca en juin, quelle que soit la date ? Est-ce que

 26   vous en avez parlé ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle Défense de Mladic ? Je ne connais pas

 28   du tout cet homme.


Page 24224

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Vous avez été interviewé par des

  2   membres de la Défense de Mladic, n'est-ce pas ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au mois de mars de cette année.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je sais que -- eh bien, de façon

  6   générale, je sais que Ratko Mladic est venu à Foca en 1992.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là encore, vous ne répondez pas à la

  8   question. La question est la suivante : au cours des entretiens que vous

  9   avez eus, comme nous pouvons voir dans le procès-verbal, qui se seraient

 10   tenus au mois de mars de cette année, est-ce que vous avez parlé à ceux qui

 11   vous ont interviewé de la visite de M. Mladic ? Est-ce que vous en avez

 12   parlé pendant vos entretiens ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour vous dire les choses honnêtement, je ne

 14   m'en souviens pas vraiment. Il se peut que j'en aie parlé, si on m'a posé

 15   la question ou au cas où on m'aurait posé la question.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles.

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Si on pouvait maintenant avoir affiché à

 18   l'écran le document 30981 de la liste du 65 ter.

 19   Q.  Il s'agit, Monsieur, de la déclaration que vous avez faite auprès de la

 20   Défense de Karadzic. Je voudrais vous poser quelques questions sur quelques

 21   points dont vous avez parlé dans la déclaration pour l'affaire Karadzic et

 22   qui ne figurent pas dans votre déclaration pour l'affaire Mladic.

 23   Si nous pouvions passer au paragraphe 3, lorsque ce document sera affiché à

 24   l'écran. Monsieur, au paragraphe 3, vous avez décrit le Parti démocrate

 25   serbe qui avait organisé un rallye à Foca en septembre 1991 auquel ont

 26   assisté des représentants des partis serbes d'autres municipalités. Est-ce

 27   que vous vous souvenez de cette information ? Répondez par "oui" ou par

 28   "non".


Page 24225

  1   R.  Oui, je m'en souviens. C'était en septembre, et les personnes présentes

  2   étaient --

  3   Q.  Un peu plus tard dans ce paragraphe, vous dites qu'au cours de cette

  4   année, et nous avons compris qu'il s'agit de l'année 1991 :

  5   "Les deux partis nationaux ont commencé leurs préparatifs pour protéger la

  6   population. Le SDA a préparé les Musulmans et le côté serbe a préparé les

  7   Serbes. Cela impliquait d'obtenir des armes pour les personnes par des

  8   voies secrètes, mais je ne sais pas exactement où et comment."

  9   Est-ce que vous vous en tenez à ce que vous avez dit ?

 10   R.  Eh bien, je ne peux pas m'en tenir exactement à ces termes, à savoir

 11   que le Parti démocratique serbe préparait la population serbe ou quelque

 12   chose de ce style. Mais ce que je savais vraiment, c'est ce à quoi

 13   ressemblait la situation concernant les armes illégales utilisées pour

 14   armer, notamment les Musulmans dans la ville de Foca, et comment est-ce que

 15   tout ceci s'est déroulé. Lorsqu'ils ont vu cela, les Serbes ont également

 16   commencé à s'armer un peu plus tard et à se trouver des armes par d'autres

 17   moyens. C'est tout ce que je peux dire.

 18   Q.  Monsieur, juste pour être sûre que je comprends votre réponse, c'est

 19   que vous ne pouvez pas maintenant vous en tenir à ce que vous avez dit dans

 20   votre déclaration dans l'affaire Karadzic; est-ce exact ?

 21   R.  Je maintiens ce que j'ai dit concernant le Parti démocratique serbe, à

 22   savoir qu'ils ont commencé à faire cela plus tard. Mais pendant un certain

 23   temps, concernant les préparatifs pour la guerre, c'était assez passif, le

 24   SDS était relativement passif par rapport au SDA.

 25   Q.  Je voudrais maintenant, Monsieur, passer au paragraphe 18.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, à moins que vous ne

 27   souhaitiez y revenir un peu plus tard, j'aurais besoin d'une explication de

 28   la part du témoin concernant ce changement. Maintenant, si vous comptez y


Page 24226

  1   revenir par la suite, je ne poserai pas ma question maintenant.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions peut-

  3   être rester sur cette page -- je pense que c'est le bon moment de régler

  4   cela.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous dites que ce n'est pas le bon

  6   moment de le faire maintenant. Donc, je vous laisse poursuivre.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il est évident que --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous traitez la question de la façon

  9   que vous avez prévu de le faire, alors pas de problème, mais ce n'est pas

 10   quelque chose que nous devons ignorer.

 11   Mme BIBLES : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, au paragraphe 18, vous dites : "Je sais également que la JNA,

 13   qui avait de plus petites unités qui gardaient les installations militaires

 14   dans la région de Foca, s'est complètement retirée de Foca en mai 1992."

 15   Est-ce que vous maintenez cette déclaration ?

 16   R.  Pas en mai, et avant -- en mars, et avant mars, c'est là qu'ils ont

 17   commencé à se retirer. Ils avaient leurs dépôts, leurs dépôts qu'ils ont

 18   évacués en emportant le matériel. Et c'était longtemps -- longtemps avant

 19   que la guerre n'éclate à Foca. Il s'agissait donc de dépôts qui ont été

 20   évacués. Et des installations militaires qui se trouvaient à Ustikolina et

 21   Gorazde étaient sous le contrôle des Musulmans. Donc, ce n'était pas au

 22   mois de mai. En fait, cette armée n'existait pas. Il n'y avait pas d'armée

 23   à Foca. Nous avions simplement la Défense territoriale à l'époque, et non

 24   pas l'armée.

 25   Q.  Monsieur, juste pour m'assurer que les choses sont bien claires, cette

 26   information qui figure au paragraphe 18, dans lequel vous décrivez la JNA

 27   se retirant de Foca en mai 1992, est-ce qu'aujourd'hui vous déclarez que

 28   vous ne pouvez plus maintenir ce que vous avez dit à l'époque dans votre


Page 24227

  1   déposition ?

  2   R.  La façon dont cela est rédigé ici, eh bien, j'ai dit que l'armée

  3   yougoslave s'est retirée de Bosnie-Herzégovine à un moment donné au mois de

  4   mai, mais je n'ai pas dit qu'elle s'est retirée de Foca. Il n'y avait pas

  5   d'armée yougoslave à Foca.

  6   Q.  Monsieur, si nous pouvions maintenant passer au paragraphe 20. Dans ce

  7   paragraphe 20, vous avez dit :

  8   "Je ne sais pas qui a pris quoi dans les installations de la JNA, et je ne

  9   peux pas vous dire grand-chose sur ce point. Tout ce que je sais, c'est que

 10   les dépôts que les forces armées de la Republika Srpska ont trouvés après

 11   le retrait de la JNA sont devenus la propriété des unités armées serbes.

 12   Une bonne partie du matériel, les armes lourdes et autres armes, avait été

 13   prise par les unités de la JNA. Les armes que les forces serbes ont saisies

 14   dans ces dépôts, il s'agissait essentiellement d'armes d'infanterie. Je

 15   sais que les forces musulmanes ont verrouillé le dépôt à Ustikolina et ont

 16   pris des obus et des mines antichars, des armes qui ont tué la plupart des

 17   soldats serbes. Les dépôts militaires étaient --"

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez passer à la

 19   page suivante --

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- dans la version anglaise.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que vous venez de dire est exact.

 23   Mme BIBLES : [interprétation]

 24   Q.  "Les dépôts militaires étaient détenus par les forces musulmanes

 25   jusqu'à la mi-mai."

 26   Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit ?

 27   R.  Ils sont partis un petit peu avant, parce que je pense que c'était un

 28   peu plus tard au mois d'avril, vers la fin du mois d'avril, que les forces


Page 24228

  1   musulmanes qui détenaient les dépôts militaires à Ustikolina sont parties.

  2   Mais ces dépôts étaient complètement vides. Ils étaient vides parce que

  3   l'armée yougoslave était partie depuis longtemps, au mois de février cette

  4   année, et avait emporté tout ce qui était intéressant, et ce qui restait

  5   avait été distribué par les forces musulmanes à leurs combattants. Et donc,

  6   lorsque nous sommes entrés dans ces dépôts, ils étaient complètement vides.

  7   Q.  Monsieur, vers la mi-mai ou, si j'ai bien compris votre témoignage

  8   d'aujourd'hui, peut-être un peu plus tôt que cela, est-il exact de dire que

  9   les dépôts militaires ont été pris par les forces serbes de Bosnie ?

 10   R.  Les forces serbes sont entrées dans ces dépôts, et dans celui

 11   d'Ustikolina, trois jours après Pâques. J'étais dans cette unité, donc je

 12   sais très bien à quel moment ils sont entrés dans Ustikolina. C'était le 28

 13   ou le 29, je ne suis plus tout à fait sûr. A deux jours près. Mais je sais

 14   qu'il n'y avait absolument rien dans ces dépôts, qu'ils étaient totalement

 15   vides.

 16   Q.  Monsieur, est-ce que l'un des dépôts militaires est - et je vais

 17   l'épeler - Livade, L-i-v-a-d-e ?

 18   R.  Non. A Livade, il y avait la Défense territoriale, et ils avaient des

 19   armes d'infanterie pour l'entraînement de la Défense territoriale. Dans ces

 20   dépôts, lorsque la guerre a éclaté, les forces serbes de la Défense

 21   territoriale sont entrées dans ces dépôts et les forces musulmanes sont

 22   entrées dans le pénitencier, le KP Dom, et il y avait également des armes

 23   d'infanterie des deux côtés. Et les forces musulmanes sont également

 24   entrées dans Foca, et ces armes étaient essentiellement utilisées à des

 25   fins d'entraînement.

 26   Q.  Monsieur, en passant maintenant à un point différent dans votre

 27   déclaration dans l'affaire Karadzic, si nous pouvions passer au paragraphe

 28   16, vous avez également décrit des non-Serbes quittant Foca. Et dans ce


Page 24229

  1   même paragraphe, vous dites :

  2   "Les habitants musulmans de la ville --"

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous attendre un instant pour

  4   que nous ayons le paragraphe concerné affiché à l'écran, et si on pouvait

  5   agrandir cette partie.

  6   Mme BIBLES : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Vous avez décrit les non-Serbes quittant Foca dans ce paragraphe. Et

 10   vous avez dit :

 11   "Des habitants musulmans de la ville ont commencé à quitter Foca, à se

 12   rendre dans d'autres lieux en dehors de Foca et de Bosnie-Herzégovine,

 13   Monténégro, Serbie, la région de Dubrovnik et la côte adriatique et

 14   Macédoine."

 15   Et vous avez également confirmé que vous saviez que des Musulmans s'étaient

 16   enfuis de Foca, avaient passé les frontières de la Bosnie-Herzégovine pour

 17   aller et se rendre dans d'autres pays ?

 18   R.  Je peux vous dire que cela s'est produit. Certains sont partis avant le

 19   conflit, et la plupart se sont retirés avec les Bérets verts et la Ligue

 20   patriotique. Mais dans le même temps, simultanément, il y a eu des civils

 21   serbes qui sont partis, et beaucoup de bâtiments dans la ville de Foca ont

 22   été désertés. Dans mon propre bâtiment, il y avait une quarantaine

 23   d'appartements et j'étais le seul avec une autre personne à être restés.

 24   Tout le monde était parti.

 25   Q.  Monsieur, je --

 26   R.  De manière temporaire, bien entendu.

 27   Q.  Monsieur, est-ce que vous pourriez confirmer que vous saviez que des

 28   Musulmans s'étaient enfuis de Foca et avaient passé la frontière de Bosnie-


Page 24230

  1   Herzégovine pour se rendre dans d'autres pays ?

  2   R.  Je ne peux pas confirmer qu'ils se soient enfuis. Ils sont partis en

  3   raison de la guerre. Tout comme les Serbes avaient quitté Foca pendant un

  4   certain temps. Je peux vous donner des détails, si vous souhaitez que je

  5   vous explique, comment tout cela s'est déroulé. J'ai un ami qui m'a appelé

  6   et qui m'a dit : "Ma maison a été endommagée. Je pars. Est-ce que vous

  7   pourriez vous occuper de ma maison."

  8   Q.  Monsieur -- 

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à la question, à

 10   savoir que vous confirmez qu'ils sont partis, et j'ai compris, donc, qu'ils

 11   sont partis, ont passé les frontières de Bosnie-Herzégovine pour se rendre

 12   dans d'autres pays. Est-ce que vous confirmez cela ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non.

 14   L'INTERPRÈTE : Correction des interprètes : Certains d'entre eux sont

 15   partis et certains sont restés à Foca et ont déclaré qu'ils quittaient Foca

 16   pour retrouver leurs familles. Je m'en tiens à cela.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, néanmoins, ce que Mme Bibles vous

 18   a lu dit qu'ils se sont rendus dans d'autres pays à travers la Bosnie-

 19   Herzégovine. Et vous dites qu'ils ont retrouvé leurs familles dans d'autres

 20   pays ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Mais personne ne les a expulsés de

 22   Foca. Certains sont restés tout au long de l'été.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas la question. Mais puisque

 24   vous insistez, combien sont restés finalement à Foca ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y en a une grande partie qui sont restés à

 26   Foca, et certains sont même restés tout au long de la guerre. Ils ne sont

 27   allés nulle part. Certains faisaient partie des unités de la VRS, il

 28   s'agissait de Bosniens.


Page 24231

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement quel était le

  3   pourcentage, mais il y en a un grand nombre qui sont restés. Et après les

  4   Bérets verts -- ou lorsque les Bérets verts ont quitté Foca, il y a eu

  5   beaucoup de civils qui sont restés et certaines familles sont quelquefois

  6   parties après cela.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous ne connaissez pas

  8   le pourcentage exact. Est-ce que c'était plus de 10 ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Plus de 10 %. Plus de 10 %. Je dirais qu'il y

 10   a environ 50 % de la population qui est restée à Foca, et certaines

 11   personnes sont parties vers Gorazde avec les unités des Bérets verts.

 12   Maintenant où, je ne sais pas.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette Chambre avait également entendu

 14   des éléments de preuve selon lesquels, après le premier conflit, Foca était

 15   à 99 % serbe. Cela n'est pas vrai ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les Serbes étaient également partis à ce

 17   moment-là et sont revenus au bout d'un certain temps. Mais si vous voulez

 18   des pourcentages, il y avait beaucoup plus de Musulmans à Foca. Je suis

 19   bien au courant de cela. D'autres pourraient l'interpréter différemment,

 20   mais je sais qu'il y avait beaucoup plus de Musulmans. Beaucoup plus de 10

 21   %, je voulais dire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après le conflit ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, après le conflit.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Bibles.

 25   En fait, je vous dis que vous pouvez poursuivre, mais le moment est venu de

 26   faire une pause. Monsieur le Témoin, si vous voulez bien suivre l'huissier

 27   d'audience, nous allons prendre une pause et faire une pause de 20 minutes.

 28   [Le témoin quitte la barre]


Page 24232

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous reprendrons à midi dix.

  2   --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, veuillez poursuivre, je

  6   vous prie.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Q.  Monsieur, avant la pause, nous étions en train de discuter du

  9   paragraphe 16 dans la déclaration préliminaire que vous avez faite dans

 10   l'affaire Karadzic. Vous poursuiviez dans ce texte en disant, s'agissant

 11   des Musulmans :

 12   "Ils ont demandé à partir et ont demandé à ce qu'on leur fournisse un

 13   nouveau lieu de résidence. Ils ont demandé des autocars gratuitement et ces

 14   autocars leur ont été fournis. J'étais présent lorsqu'ils ont demandé à

 15   obtenir un nouveau lieu de résidence temporaire. Tout ce qu'ils demandaient

 16   leur a été fourni. On leur a également bien dit que personne ne les

 17   contraignait à partir mais qu'ils le faisaient uniquement s'ils le

 18   décidaient de leur propre chef."

 19   Monsieur, cette demande de départ dont vous avez parlé, elle devait être

 20   adressée à la Commission de guerre, n'est-ce pas ?

 21   R.  Elle devait être adressée à certaines instances officielles. C'étaient

 22   pour l'essentiel des instances qui étaient liées à l'assemblée municipale

 23   ou au conseil exécutif de l'assemblée. Je me souviens très bien que j'étais

 24   présent un jour lorsque ce genre de chose s'est passé, et je sais que c'est

 25   la façon dont cela se passait de façon générale. Ce que vous lisez ici

 26   correspond à la réalité. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 28   dans l'intérêt du compte rendu d'audience, j'indique que la décision prise


Page 24233

  1   par la Commission de guerre en juin 1992 figure dans la pièce P2822.

  2   Q.  Monsieur, dans la suite du texte, vous dites :

  3   "C'était cela la situation dans la municipalité de Foca en 1992, et ensuite

  4   il y a eu des affrontements interethniques féroces. Foca est devenue une

  5   région pratiquement complètement serbe."

  6   Alors, vous maintenez cette déclaration que Foca est devenue une région

  7   pratiquement entièrement serbe en 1992 ?

  8   R.  Lorsque nous parlons des pouvoirs officiels, je veux parler des

  9   pouvoirs serbes, purement serbes. Mais il y avait des Serbes, des Musulmans

 10   et des Monténégrins qui vivaient dans la région et qui y ont vécu pendant

 11   toute la guerre. La population, elle, était mélangée.

 12   Q.  Monsieur, j'aimerais être sûr d'avoir bien compris votre propos. Etes-

 13   vous en train de dire que vous maintenez la déclaration que vous avez faite

 14   précédemment selon laquelle -- parce que quand on lit votre texte, on peut

 15   comprendre les choses autrement. Donc, est-ce que vous maintenez cette

 16   déclaration telle qu'elle ou est-ce que vous dites que vous ne la maintenez

 17   pas, lorsque vous avez dit dans celle-ci que Foca était devenue

 18   pratiquement complètement serbe en 1992 ?

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Bibles, je crois en toute

 20   justice que la déclaration du témoin dit bien ce qu'elle veut dire, si on

 21   lit l'intégralité du paragraphe.

 22   Mme BIBLES : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur, pour finir avec ce paragraphe, un peu plus loin vous dites

 24   également :

 25   "Et je ne saurais dire que cette région est restée serbe par la suite,

 26   parce que les habitants musulmans en avaient été expulsés, mais personne ne

 27   les avait forcés à partir. Il y a eu des Musulmans qui sont restés en tout

 28   sécurité à Foca pendant toute la durée des affrontements alors que d'autres


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  1   Musulmans se battaient dans les unités de l'armée de la Republika Srpska

  2   aussi. Je connais au moins dix cas de ce genre."

  3   Alors, Monsieur, si l'on cherche à comprendre ce que vous dites dans ce

  4   passage du texte, ce qui pose quelque problème, c'est ce que vous

  5   développez, à savoir la notion que les Musulmans auraient été expulsés. Ou

  6   bien est-ce que vous affirmez que la municipalité de Foca était totalement

  7   serbe en 1992 ?

  8   R.  Eh bien, dire qu'ils aient été expulsés signifie qu'ils auraient subi

  9   une contrainte, et vous me demandez si j'admettrais quelque chose de ce

 10   genre ? Absolument pas. Ils sont partis de leur propre volonté. Mais si

 11   l'on parle du pouvoir local municipal pendant la guerre, le pouvoir local

 12   était serbe. Mais la population regroupait des Serbes, des Croates, des

 13   Monténégrins, des Musulmans, en pourcentages divers, et aussi d'autres

 14   groupes ethniques étaient représentés au sein de la population. Voilà ce

 15   que je peux dire. Et c'est cela que j'admettrais comme devant figurer dans

 16   une déclaration.

 17   Q.  Monsieur, conviendrez-vous que vous n'avez pas parlé du départ des

 18   Musulmans à quelque moment que ce soit dans la déclaration faite avant le

 19   début du procès Mladic ?

 20   R.  Quelle déclaration ? Excusez-moi, je n'ai pas bien compris la question.

 21   Q.  Monsieur, nous passerons maintenant à un débat portant sur les

 22   conditions dans lesquelles les Musulmans résidaient à Foca.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique

 24   qu'il s'agit du paragraphe 8 de la déclaration préalable du témoin.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] C'est ce que j'indiquais, le paragraphe 8,

 26   dont je demande l'affichage.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Maître Lukic, je pense

 28   qu'au paragraphe 8 on lit que les femmes ont quitté un bâtiment, mais pas


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  1   nécessairement Foca.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, la troisième phrase indique

  3   : "Lorsque les Musulmans ont commencé à quitter Foca."

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ah, d'accord. Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles.

  6   Mme BIBLES : [interprétation]

  7   Q.  Au paragraphe 8 de votre déclaration, et nous allons le passer en revue

  8   plus en détail, vous décrivez les mesures prises par les pouvoirs civils

  9   locaux pour protéger les Musulmans de Foca. Vous évoquez d'abord le fait

 10   que les Musulmans qui habitaient dans des villages éloignés ont été amenés

 11   à des endroits où ils "pouvaient être contrôlés et protégés dans certains

 12   immeubles de Foca et où ils pouvaient être défendus."

 13   Est-ce qu'aujourd'hui vous affirmeriez que les Musulmans des villages

 14   faisant partie de la municipalité de Foca ont été amenés dans la ville de

 15   Foca et dans certains lieux particuliers où ils avaient la possibilité

 16   d'être logés sous bonne garde ?

 17   R.  Un certain nombre des habitants de la campagne qui étaient Musulmans,

 18   et je parle de la campagne de la municipalité de Foca, se sont retirés en

 19   compagnie des Bérets verts et des membres de la Ligue patriotique; alors

 20   que d'autres personnes, notamment des femmes, des hommes fragiles sur le

 21   plan physique, et cetera, sont restés à leur domicile.

 22   Dans le but de protéger cette population, il a été proposé, ou

 23   plutôt, plus précisément, les pouvoirs civils et militaires ont décidé de

 24   prendre en charge la sécurité de ces personnes de façon à ce que rien de

 25   négatif ne frappe cette population. Voilà ce qui s'est passé. Des centres

 26   ont été mis en place, comme par exemple le centre Partizan destiné à

 27   héberger des femmes, et cetera. Donc, ils sont arrivés à Foca, ils ont vu

 28   des familles serbes, des familles musulmanes qui habitaient là, je veux


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  1   dire, ces gens qui venaient de la campagne. Une grande partie de la

  2   population est partie à temps et certaines personnes sont restées à leur

  3   domicile, et cetera.

  4   Q.  Quand vous dites qu'une grande partie de la population est partie à

  5   temps, de quel temps parlez-vous ?

  6   R.  Au moment où le conflit a éclaté, ou avant que le conflit n'éclate,

  7   c'est à ce moment-là qu'ils sont partis. Des gens faisant partie des deux

  8   groupes ethniques, parce que la peur régnait. Les Serbes et les Musulmans

  9   la partageaient, cette peur. Mon village, Vrbnica, qui se trouve sur les

 10   pentes de la montagne, eh bien, il y a pas mal d'habitants de mon village

 11   qui sont partis et les unités musulmanes les ont emmenés sans que ces

 12   personnes ne résistent le moins du monde.

 13   Q.  Monsieur, nous allons reprendre --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, j'aimerais vous poser une

 15   question.

 16   Dans la déclaration que vous avez faite au profit de la Défense

 17   Karadzic, vous expliquiez de façon détaillée la façon dont les femmes ont

 18   été amenées dans cette salle de sport Partizan en ville. Vous disiez

 19   également que les habitants de ces villages, s'ils disaient qu'ils

 20   voulaient rester chez eux, pouvaient le faire. Est-ce que vous pourriez

 21   nous dire combien de personnes sont restées à leur domicile en dépit de ces

 22   mesures de sécurité qui leur ont été proposées ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans certaines maisons, ou plutôt, dans

 24   certains villages, il y avait des hommes âgés et aussi des femmes âgées. Et

 25   pendant toute la guerre, et même plus tard, ces personnes avaient le désir

 26   d'établir une relation plus proche avec des membres de leur famille à un

 27   certain moment, un certain pourcentage de ces personnes ont été concernées

 28   --


Page 24237

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire combien de

  2   personnes, à peu près, sont restées dans ces villages après qu'on leur ait

  3   offert des mesures de sécurité ? Parce que vous parlez d'hommes et de

  4   femmes âgés, je comprends. Mais est-ce que vous pourriez nous en dire un

  5   peu plus au sujet du nombre de ces personnes qui, finalement, ont décidé de

  6   rester à leur domicile sans répondre à l'invitation qui leur était faite

  7   d'être emmenées jusqu'à la salle de sport Partizan ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez quoi ? Vous voulez savoir ? J'ai

  9   déjà expliqué que la municipalité de Foca est particulièrement étendue et

 10   qu'elle comporte un grand nombre de villages très dispersés, et cetera.

 11   Alors, lorsque les Bérets verts sont partis et qu'une partie de la

 12   population civile les a accompagnés, avant ce moment-là, ici et là, dans

 13   certaines maisons, il y a des civils qui étaient restés. Et il y a des gens

 14   qui ont exprimé leur désir de ne pas quitter leur domicile et qui sont

 15   restés dans leurs maisons. Quand aux autres --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez vous arrêter là

 17   ? Est-ce que vous vous êtes rendu dans ces maisons, dans ces villages ?

 18   Est-ce que vous étiez présent lorsque les habitants en question ont fait le

 19   choix soit de rester, soit de suivre ceux qui leur proposaient d'aller dans

 20   la salle de sport Partizan ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais parfois à certains endroits et je

 22   n'étais pas à d'autres endroits. Je me trouvais là où mon unité se rendait.

 23   J'étais là où a été présente mon unité.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que ceci s'est passé

 25   pendant les premiers moments du conflit, au moment où vous n'étiez pas

 26   encore enrôlé dans une unité, comme vous l'avez dit, puisque vous assuriez

 27   des tours de garde devant les lieux où étaient hébergés des femmes et des

 28   enfants. A cette époque, vous vous rendiez dans les villages --


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne me rendais pas dans les

  4   villages et je ne sais rien de tout cela. Je vivais en ville.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous n'avez pas de connaissances

  6   de première main sur ce qui a été dit pour inciter ces habitants à accepter

  7   le déplacement jusqu'à la salle de sport Partizan ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux simplement dire ici ce que j'ai

  9   entendu. Mais pour ce qui concerne la période précédant celle où j'ai été

 10   engagé dans les combats, je ne peux rien dire. Je ne sais rien de tout

 11   cela. Rien du tout.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 13   Veuillez procéder, Madame Bibles.

 14   Mme BIBLES : [interprétation]

 15   Q.  Nous revenons au paragraphe 8 dans lequel vous dites quelle a été la

 16   deuxième mesure prise par les pouvoirs locaux pour assurer la protection

 17   des Musulmans de Foca, à savoir ratisser toute la zone couverte par la

 18   municipalité de Foca de ces soldats islamiques et de leurs formations. Est-

 19   il vrai que la municipalité de Foca a été totalement ratissée à la fin du

 20   mois d'avril ?

 21   R.  Non. Il y a des secteurs qui n'ont pas été nettoyés et qui sont restés

 22   sous le contrôle musulman, comme Suceska, Jelec, Stroprila [phon] et

 23   d'autres. Jelica [phon] est resté sous le contrôle musulman jusqu'à la fin

 24   du mois d'octobre. Dans ces zones où il y avait les deux populations aux

 25   manettes, des pourparlers ont eu lieu de façon à éviter qu'un village

 26   n'attaque un autre village, et cetera, et cetera. Et je peux vous dire

 27   qu'il n'y a pas eu trop d'incursions.

 28   Pour vous dire la vérité, s'agissant de Suceska, c'est la partie


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  1   musulmane qui a violé les accords conclus avec mon village. Mon village

  2   faisait partie de la communauté de Suceska et il a été rasé totalement,

  3   totalement vidé. Au mois d'avril, des gens sont partis, et c'est seulement

  4   au mois d'août, le 8 août, que le village a été totalement détruit.

  5   Q.  Monsieur, passons au paragraphe 33 de votre déclaration Karadzic --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais j'aimerais tout de même poser une

  7   question au témoin. Dois-je comprendre qu'une partie de la municipalité de

  8   Foca est restée sous le contrôle musulman, alors que le reste de la

  9   municipalité était sous contrôle serbe ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, absolument. C'est tout à fait ça. Je

 11   veux dire, je parle de ces zones excentrées de ces zones rurales.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, des parties de la

 13   municipalité étaient sous contrôle serbe. Est-ce que ces parties ont été

 14   ratissées complètement à la fin du mois d'avril ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à la fin du mois d'avril, s'agissant des

 16   forces armées, la situation était tout à fait claire. Tout avait été

 17   nettoyé, et si je puis me permettre de le dire d'ores et déjà, pas mal de

 18   civils étaient restés dans les villages. L'idée c'était de débarrasser tout

 19   ce secteur des Bérets verts qui faisaient intrusion dans les villages

 20   serbes pour y commettre des crimes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais comment est-ce que vous parveniez à

 22   savoir exactement lorsque vous vous trouviez face à un homme qui ne portait

 23   pas un uniforme s'il faisait partie ou pas des Bérets verts ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Bérets verts avaient des insignes. Ils

 25   avaient des insignes sur leurs couvre-chefs, sur leurs manteaux, et cetera,

 26   sur les épaulettes de leurs manteaux. Mais ça, c'était plus tard. A

 27   l'époque où ils préparaient leurs actions en secret, ils faisaient tout

 28   pour se faire passer pour des membres de la population civile. Il y en


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  1   avait certains dans mon immeuble, d'ailleurs.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, pendant cette opération de

  3   ratissage -- qui concernait principalement, disons, les hommes âgés de 18 à

  4   55 ans, est-ce que ces hommes étaient reconnaissables en tant que membres

  5   des Bérets verts, ou est-ce qu'il étaient toujours semblables à n'importe

  6   quel civil non reconnaissable comme membre des Bérets verts ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait pas mal de Musulmans qui ne

  8   faisaient pas partie des Bérets verts, qui n'avaient rejoint aucune unité

  9   armée. Ces gens étaient fidèles à leurs idées, ils ne souhaitaient pas la

 10   guerre, et ce sont des gens qui sont restés dans les villages.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire aussi quelle est

 12   la proportion approximative de ces personnes parmi la population musulmane

 13   ? Est-ce que ces gens-là constituaient un tiers, la moitié, voire 10 % de

 14   la population musulmane ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire tout d'abord que les Bérets

 16   verts et la Ligue patriotique étaient composés principalement d'hommes qui

 17   venaient de l'extérieur, et dans une proportion bien moindre, de Musulmans

 18   de Foca. Plus tard, la guerre a exercé ces violences et il y a eu

 19   mobilisation générale des deux côtés.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce que vous dites ne répond pas à

 21   ma question. Ma question consistait à vous demander, et je vais tâcher

 22   d'être plus précis : quel était, selon vous, le pourcentage approximatif de

 23   population locale masculine qui s'identifiait en tant que membre des Bérets

 24   verts ou de la Ligue patriotique ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Toute personne qui se trouvait sur le terrain

 26   était reconnaissable. Quant à ceux qui faisaient partie de la population

 27   locale et qui ne souhaitaient pas rejoindre les Bérets verts ou la Ligue

 28   patriotique, on les reconnaissait aussi. Les civils qui ne rejoignaient pas


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  1   les rangs des Bérets verts constituaient une minorité dans les villages ou

  2   sur le terrain. Pour vous dire la vérité, je ne sais pas quel était leur

  3   pourcentage exact.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  5   Veuillez procéder, Madame Bibles.

  6   Mme BIBLES : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur, j'aimerais maintenant que nous passions au paragraphe 33 de

  8   votre déclaration préalable dans l'affaire Karadzic. Nous poursuivons le

  9   débat sur les Musulmans qui ont été logés dans la ville de Foca. Dans ce

 10   paragraphe 33, vous parlez des Musulmans originaires des villages voisins

 11   qui ont été donc hébergés dans la ville de Foca, et vous avez bien dit cela

 12   au cours du procès intenté à M. Karadzic. Mais est-ce que vous confirmez ou

 13   est-ce que vous maintenez cette proposition selon laquelle ces personnes

 14   venaient des villages avoisinants, ces Musulmans venaient des villages

 15   avoisinants touchés par le conflit ?

 16   R.  La population civile qui était restée était acceptée. Ces civils ont

 17   été reçus dans les centres d'hébergement. Voilà ce qui s'est passé. Et je

 18   maintiens ma déclaration.

 19   Q.  Vous vous en tenez aux propos faits par vous précédemment selon

 20   lesquels les civils qui se trouvaient dans la ville de Foca étaient des

 21   civils provenant des villages situés aux alentours de Foca et qui étaient

 22   touchés par le conflit ?

 23   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que l'Accusation pourrait nous indiquer

 24   où ce passage se trouve dans le paragraphe 33 de la déclaration du témoin ?

 25   Mme BIBLES : [interprétation] Eh bien, reprenons le compte rendu d'audience

 26   de l'affaire Karadzic, page 32 097. Je vérifie. Je vais aussi rechercher le

 27   numéro du document 65 ter. Je crois que c'est le 30980.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ce qui va maintenant


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  1   vous être lu n'existe pas dans un document écrit dans votre langue, donc je

  2   vous demande de prêter attention particulièrement à la lecture qui va vous

  3   être faite par Mme Bibles.

  4   Mme BIBLES : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur, voici la question qui vous a été posée :

  6   "Question : Est-ce que je vous ai bien compris : est-ce que les Musulmans

  7   dont nous parlons étaient bien originaires des villages affectés par le

  8   conflit ?"

  9   Et vous répondez :

 10   "Réponse : Oui, exactement. Ces personnes venaient des villages situés dans

 11   un rayon de 10 à 15 kilomètres autour de Foca. Et ni les forces serbes ni

 12   la police ne pouvaient garantir leur sécurité. Ces instances ne pouvaient

 13   pas leur garantir qu'ils pourraient continuer à vivre sans risque. Lorsque

 14   les forces armées musulmanes ont quitté ces villages, ces habitants sont

 15   demeurés sans protection, et parmi eux il y avait - parmi les personnes qui

 16   étaient restées dans ce village - des femmes et des personnes âgées. Les

 17   hommes étaient logés dans certaines installations où leur protection était

 18   assurée. Par exemple, dans le centre pénitentiaire, il s'y trouvait des

 19   Serbes et des Musulmans, et il y avait aussi des condamnés qui avaient été

 20   jugés avant la guerre, alors que la population féminine était hébergée dans

 21   ces mêmes bâtiments s'il y avait de la place. C'était la règle."

 22   Je crois que j'en resterai ici. Est-ce que vous maintenez cette déposition

 23   vous avez faite dans l'affaire Karadzic, Monsieur ?

 24   R.  Entièrement, entièrement.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous revenions au

 26   paragraphe 33 de votre déclaration, à moins qu'il y ait d'autres questions

 27   de la part de la Chambre.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question à poser au témoin.


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  1   Ces hommes qui étaient logés dans d'autres bâtiments comme, par exemple, le

  2   centre pénitentiaire, est-ce qu'ils étaient traités de façon différente par

  3   rapport aux personnes qui étaient détenues dans ce centre de détention ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des hommes qui ont été hébergés au

  5   KP Dom, c'est-à-dire au centre pénitentiaire de Foca, je ne saurais

  6   vraiment pas vous donner davantage de détails sur leurs conditions

  7   d'hébergement ou d'alimentation, mais les prisonniers, les condamnés et les

  8   autres responsables officiels qui travaillaient dans ce lieu, leur

  9   alimentation provenait des mêmes casseroles. C'était un peu comme si ces

 10   gens étaient à la maison. S'ils le voulaient, ils pouvaient sortir, je

 11   parle des représentants masculins de la population de la municipalité qui

 12   ont été hébergés à cet endroit. S'ils le voulaient, ils pouvaient sortir.

 13   Il s'agissait principalement d'hommes âgés. Voilà, c'était la façon dont

 14   les choses étaient structurées.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ils pouvaient, donc, entrer et sortir du

 16   centre pénitentiaire, alors qu'il s'agissait d'une institution

 17   pénitentiaire officielle, n'est-ce pas ? Ils pouvaient faire comme ils le

 18   voulaient ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient traités d'une façon différente des

 20   condamnés qui avaient été condamnés avant la guerre. Eux, ils avaient le

 21   droit de communiquer. Je ne sais pas s'ils avaient le droit de sortir en

 22   tant que tel. Je n'étais pas là, je ne pourrais pas vous le dire avec une

 23   certitude totale. Je peux simplement vous parler de ce que mon frère m'a

 24   dit. Parce qu'il y travaillait. Il avait un travail de bureau là-bas, et je

 25   peux vous dire quelle était la situation en me fondant sur ses propos à

 26   lui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous ramener à votre réponse

 28   précédente où vous avez dit que s'ils le souhaitaient, ils pouvaient


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  1   partir, et que vous parliez de la population masculine locale. Alors, en

  2   répondant à ma question suivante, vous dites : Je ne sais pas s'ils

  3   pouvaient sortir librement. Moi je vous demande, est-ce que c'est oui ou

  4   non ? Est-ce que je dois comprendre que c'est la deuxième réponse que vous

  5   venez de faire qui est exacte ou la précédente ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais simplement dire que je comprends

  7   votre question. Ils pouvaient sortir de temps en temps pour aller en ville.

  8   Mais s'agissant de Foca, ils avaient les mêmes droits, et ceux qui

  9   habitaient chez eux, les Musulmans qui étaient logés chez eux, dans leurs

 10   maisons, pouvaient décider s'ils souhaitaient rester ou partir.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question était simple, est-ce qu'ils

 12   pouvaient sortir du centre pénitentiaire officiel à leur gré et aller là où

 13   il leur chantait d'aller ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] En ville ou en dehors de la ville ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'un et l'autre.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne saurais pas le dire.

 17   Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils avaient le droit de choisir de

 18   quitter Foca. Mais s'agissant de sortir du bâtiment du centre pénitentiaire

 19   pour aller en ville, je ne sais rien à ce sujet.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui signifie, en fait, que s'ils ne

 21   choisissaient pas de quitter la municipalité de Foca, ils étaient privés de

 22   liberté d'aller et venir selon leur volonté, d'entrer ou de sortir du

 23   bâtiment dans lequel ils étaient retenus, ou hébergés, comme vous l'avez

 24   dit, dans le but de voir leur sécurité assurée.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils avaient le droit de décider s'ils

 26   voulaient rentrer chez eux ou rester en ville avec des amis ou quitter la

 27   municipalité de Foca. Ils avaient le droit de choisir. Ils n'étaient pas

 28   enfermés, en réalité. Ils étaient reçus, hébergés. Ça fait une grande


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  1   différence.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans une réponse précédente, vous

  3   disiez ne pas savoir ce qu'apparemment maintenant vous savez.

  4   Madame Bibles, veuillez procéder.

  5   Mme BIBLES : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur, cette Chambre de première instance a entendu et pris en

  7   compte des éléments de preuve selon lesquels les hommes détenus au centre

  8   pénitentiaire de Foca n'avaient en fait aucune liberté de quitter le

  9   bâtiment. Je vous affirme aujourd'hui que dans votre déposition

 10   d'aujourd'hui sur ce point, soit vous avez laissé se glisser une erreur,

 11   soit vous déformez complètement la réalité.

 12   R.  Non. Peut-être ne me suis-je pas bien fait comprendre. Peut-être n'ai-

 13   je pas été suffisamment clair, mais je vais répéter. S'agissant de savoir

 14   s'ils pouvaient sortir pendant la journée, s'ils avaient le droit de

 15   quitter le centre pénitentiaire pour revenir ensuite à un autre moment de

 16   la journée dans ce centre pénitentiaire, je ne saurais pas répondre à cette

 17   question. Mais ce que je puis dire, c'est que ces personnes, ces hommes

 18   âgés qui étaient hébergés à cet endroit, l'étaient temporairement, qu'ils

 19   pouvaient demander aux pouvoirs civils, comme tout autre citoyen,

 20   l'autorisation de quitter la ville de Foca et de retourner à leur domicile.

 21   J'espère que maintenant j'ai été suffisamment clair. Je ne sais pas comment

 22   expliquer les choses autrement.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que Mme Bibles vous a dit, c'est que

 24   votre propos actuel est contradictoire avec des éléments de preuve qui ont

 25   été reçus par cette Chambre précédemment.

 26   Veuillez procéder, Madame Bibles.

 27   Mme BIBLES : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur, dans l'affaire Karadzic, lorsque vous avez témoigné, vous


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  1   avez corrigé certaines parties de votre déclaration, mais vous n'avez pas

  2   corrigé ou précisé des parties de la déclaration que vous avez décidé de

  3   modifier ici aujourd'hui. N'est-il pas exact que vous avez introduit ces

  4   modifications dans votre déclaration Karadzic après avoir prêté serment

  5   devant la Chambre en l'espèce en indiquant que votre déposition serait

  6   conforme à la vérité ?

  7   R.  Je crois personnellement qu'aujourd'hui, devant la présente Chambre, il

  8   y a eu davantage de références à ce point que cela n'a été le cas dans

  9   l'affaire Karadzic. Peut-être pourrait-il sembler qu'il y a des différences

 10   dans mes propos de l'époque et d'aujourd'hui, mais pour l'essentiel je

 11   maintiens ce que j'ai dit ici même aujourd'hui comme correspondant à ce que

 12   j'ai dit dans l'affaire Karadzic. Simplement, ici les questions et réponses

 13   ont été plus détaillées sur ce sujet particulier.

 14   Q.  Monsieur, quand on vous a interrogé, je crois que c'était il y a deux

 15   parties d'audience - page 3 du compte rendu provisoire, peut-être même page

 16   5 - on vous a demandé si, dans le cas où aujourd'hui vous seraient posées

 17   les mêmes questions que celles qui vous ont été posées précédemment, vous y

 18   apporteriez les mêmes réponses, précédemment signifiant l'époque où vous

 19   avez fourni votre déclaration préalable, et à cette question vous avez

 20   répondu : "Je l'espère." Est-ce que vous avez prononcé ces mots parce que

 21   vous savez que vous avez des difficultés à gérer les détails des éléments

 22   que vous avez introduits dans votre déclaration préalable ?

 23   R.  Aujourd'hui, je m'exprime 22 ans après les faits, il est donc tout à

 24   fait normal qu'il y ait certaines choses que je ne me rappelle pas et que

 25   cela ait quelques conséquences. Peut-être ne suis-je pas capable de me

 26   rappeler certaines choses que je pouvais me rappeler il y a un an ou un an

 27   et demi. Mais je ne crois pas que tout ce que j'ai dit dans l'affaire

 28   Karadzic diffère grandement de ce que pour l'essentiel je dis ici


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  1   aujourd'hui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avançons, Madame Bibles.

  3   Mme BIBLES : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur, n'est-il pas vrai qu'en mai 1992, la ville de Foca était sous

  5   le contrôle serbe ?

  6   R.  La ville de Foca était sous contrôle serbe au mois de mai. En fait,

  7   elle était sous leur contrôle depuis la deuxième quinzaine d'avril.

  8   Q.  Il y avait plusieurs mosquées à Foca avant la guerre, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, il y a eu des mosquées à Foca. Il y a eu des mosquées qui étaient

 10   utilisées activement et d'autres qui n'étaient pas utilisées en tant que

 11   lieux de culte puisqu'elles avaient été endommagées au fil du temps.

 12   D'autres, par contre, se trouvaient sous la protection de l'Etat, tandis

 13   que d'autres étaient utilisées pour servir de locaux à des entreprises.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, la question était simple, Est-

 15   ce que plusieurs mosquées existaient à Foca. Vous avez répondu en disant

 16   oui. Cela suffit amplement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu plusieurs mosquées.

 18   Mme BIBLES : [interprétation]

 19   Q.  Alors, concernant la déposition que vous avez faite aujourd'hui par

 20   rapport aux bombardements de l'OTAN qui ont eu pour résultat la destruction

 21   d'un certain nombre de mosquées, avez-vous déjà évoqué cet événement

 22   auparavant ?

 23   R.  Non. Personne ne m'a jamais posé la question et, par conséquent, je

 24   n'en ai jamais parlé. Mais je peux vous dire que ces installations n'ont

 25   pas été détruites. Elles ont été endommagées, puisqu'elles se trouvaient

 26   non loin des ponts qui ont été bombardés avec beaucoup d'intensité, et

 27   c'est pourquoi toutes les installations qui se trouvaient à proximité des

 28   ponts ont été fortement endommagées. Cela faisait partie de dommages


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  1   collatéraux.

  2   Mais les mosquées n'ont pas été détruites directement par des bombes

  3   qui les auraient touchées. Les mosquées n'étaient pas la cible de ces

  4   bombardements. Et personne ne peut même penser cela.

  5   Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document 13426

  6   de la liste 65 ter. C'est une série de rapports émanant du Conseil de

  7   l'Europe concernant la destruction des biens culturels ou de l'héritage

  8   culturel en ex-Yougoslavie. Messieurs les Juges, le document n'a pas été

  9   traduit, du moins il n'a pas été traduit dans sa totalité, puisque nous

 10   n'étions pas informés au préalable de cet aspect de la déposition du

 11   témoin.

 12   Q.  Alors, j'aimerais que nous nous penchions sur la page de garde,

 13   Monsieur, une fois cette page affichée, et vous verrez la date qui est le 2

 14   février 1993. Maintenant, j'aimerais que nous passions à la page 33, s'il

 15   vous plaît. Monsieur, ici, nous voyons une liste de mosquées qui ont été

 16   détruites, et pour la municipalité de Foca, nous voyons une liste énumérant

 17   neuf mosquées différentes. Moi, j'aimerais passer à la page suivante, le

 18   haut de la page suivante. Nous voyons que d'autres mosquées ont été

 19   détruites à Foca ou dans la région de Foca.

 20   Par conséquent, Monsieur, dès le mois de février 1993, le Conseil de

 21   l'Europe soumettait des rapports sur un grand nombre de mosquées détruites

 22   à Foca. N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que cela s'est passé

 23   bien avant les bombardements de l'OTAN ?

 24   R.  Il y a eu des destructions avant les bombardements de l'OTAN et après.

 25   Mais permettez-moi d'ajouter ceci. Je vais vous expliquer pour quelles

 26   raisons certaines mosquées ont été endommagées, tandis que d'autres ont été

 27   complètement détruites. Mais je l'ai déjà évoqué dans mes réponses

 28   précédentes.


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  1   Q.  Monsieur, je vous ai tout simplement demandé si les bombardements de

  2   l'OTAN se sont produits après le mois de février 1993 et je crois que vous

  3   avez répondu par l'affirmative.

  4   J'aimerais maintenant que nous passions à la page 176. Lorsqu'elle sera

  5   affichée, vous verrez un extrait d'un rapport datant du 19 janvier 1994.

  6   C'est un autre document qui émane du Conseil de l'Europe. Monsieur, vers le

  7   milieu de la page, le texte se lit comme suit :

  8   "Avant le début de la guerre à Foca, cette ville comptait 13 exemples

  9   admirables de l'architecture islamique sacrée. Tous ces lieux de culte ont

 10   subi des endommagements graves par suite d'obus, et une fois la ville

 11   capturée, de nombreuses mosquées ont tout simplement été détruites."

 12   N'est-il pas vrai que 13 mosquées à Foca ont été très endommagées avant les

 13   bombardements de l'OTAN ?

 14   R.  Oui. Des choses se sont produites avant les bombardements et après. Et

 15   certaines mosquées même à l'époque de l'ex-Yougoslavie, avant le début de

 16   conflit, ont été endommagées, n'étaient plus utilisées en tant que lieux de

 17   culte, mais plutôt on s'en servait pour y déposer des provisions. Mais les

 18   mosquées qui n'étaient pas utilisées comme lieux de culte existaient donc

 19   avant la guerre, et même avant la Deuxième Guerre mondiale. Ces mosquées

 20   n'ont jamais été reconstruites et elles étaient utilisées à d'autres fins.

 21   Q.  Monsieur, nous parlons des 13 mosquées de Foca qui tenaient debout

 22   avant la guerre, alors que cela n'a plus été le cas après 1993. Est-ce que

 23   vous êtes d'accord avec cette idée ?

 24   R.  Je ne sais pas exactement pendant combien de temps les mosquées

 25   s'étaient trouvées dans cette condition-là, mais elles ont subi les

 26   endommagements les plus graves lors des conflits qui ont lieu à Foca entre

 27   les forces serbes et musulmanes. Je vous ai déjà expliqué que les Musulmans

 28   se servaient des lieux de culte pour ouvrir le feu à partir de là et pour y


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  1   déposer leurs armes. C'était aussi une façon de provoquer délibérément les

  2   forces serbes pour que la communauté internationale s'imagine que les

  3   Serbes sont en train de détruire les lieux de culte de la communauté

  4   islamique.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, permettez-moi de poser

  6   une question.

  7   En répondant à une question que je vous ai posée un peu plus tôt concernant

  8   l'obus qui est venu le plus près d'une des mosquées, suffisamment près pour

  9   l'endommager, vous avez dit que les obus les plus proches étaient tombés à

 10   une distance de 100 à 150 mètres par rapport aux mosquées et qu'en fait, la

 11   cible qu'on cherchait à atteindre a été le pont. Pourriez-vous nous dire

 12   quelle est la mosquée qui se trouvait à cette distance de 100 à 150 mètres

 13   ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Les obus avaient leur point d'impact autour du

 15   pont, derrière le pont, et à une certaine distance par rapport au pont. Et

 16   la mosquée la plus proche ne se trouve pas à une distance supérieure à 100

 17   mètres à vol d'oiseau.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous pouvez citer le nom

 19   de cette mosquée ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de Musluk à Donje Polje et du café

 21   Bor à Donje Polje.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ces mosquées se trouvent-elles dans

 23   la ville de Foca ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la ville même de Foca.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter les noms, s'il

 26   vous plaît ? Vous avez parlé de la mosquée Musluk.

 27   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Nous serions reconnaissants au témoin

 28   de bien vouloir se rapprocher du micro.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, vous

  2   rapprocher du micro et nous répéter les noms des mosquées que vous venez de

  3   citer.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on a bombardé le pont inférieur

  5   enjambant la Drina, on a bombardé un endroit qui se trouvait à moins de 150

  6   mètres par rapport à la mosquée de Musluk. Une autre mosquée se trouvait en

  7   contrebas, on l'appelait la mosquée non loin du café Bor.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, j'aimerais que

  9   l'on nous présente à l'écran la page dans sa totalité, la page du document.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous êtes en

 11   train de nous parler de la mosquée de Musluk, alors je vous signale que

 12   d'après des rapports qui ont été soumis cette mosquée avait déjà été

 13   détruite en 1993. Donc, détruite et non pas endommagée. Avez-vous une

 14   explication à fournir --

 15   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Juge, où avez-vous trouvé cette

 16   référence ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figure à la page 33 du rapport

 18   élaboré par le Conseil de l'Europe. Je pense que Mme Bibles a attiré notre

 19   attention sur le fait que 13 mosquées ont été détruites d'après les

 20   rapports qui circulaient. Et puis, à la page suivante, nous voyons qu'Atik

 21   Alipasina, mosquée, a été détruite en 1993.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Mais ici il est indiqué que "l'on craint que

 23   la mosquée ait été soit endommagée, soit détruite." Ce sont les termes

 24   précis.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons voir.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Au paragraphe 112.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis bien d'accord avec vous. La

 28   difficulté est de résumer et de saisir tous les éléments d'information


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  1   immédiatement. Dans l'autre rapport, il est indiqué que cette mosquée "a

  2   subi des endommagements, des dégâts importants au mois d'avril 1992," alors

  3   qu'ici on indique qu'il y a "des craintes qu'elle soit endommagée ou

  4   détruite." Bon, ces "craintes" sont des termes assez flous. Mais je suis

  5   bien d'accord avec vous, Maître Ivetic. On n'y dit pas que la mosquée a été

  6   détruite, oui.

  7   Mais apparemment, elle avait déjà subi des dégâts importants, cette

  8   mosquée. N'êtes-vous pas d'accord avec ce point, Monsieur le Témoin ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire que la

 10   mosquée de Musluk a été endommagée et en bonne partie détruite au mois

 11   d'avril 1992, parce que les forces musulmanes se servaient d'un canon sans

 12   recul pour ouvrir le feu depuis cette mosquée et tiraient sur les forces

 13   serbes qui se trouvaient ailleurs. Et les forces serbes -- en tout cas, le

 14   minaret a été touché. Mais cette mosquée n'a pas été détruite par les

 15   bombes de l'OTAN; elle a tout simplement été encore plus grièvement

 16   endommagée. D'autres mosquées ont également subi des dégâts suite aux

 17   bombardements. Et la même chose vaut pour les quartiers résidentiels ainsi

 18   que pour d'autres bâtiments de nature différente.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les parties peuvent se mettre

 20   d'accord sur le nom de la mosquée qui se trouvait non loin du café Bor,

 21   nous vous serions reconnaissants.

 22   Madame Bibles, je pense que vous nous avez présenté une liste où il était

 23   indiqué que la mosquée était "détruite" ou alors qu'on le "craignait" tout

 24   au moins, et je pense que cela m'a conduit à tirer des conclusions

 25   erronées.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.


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  1   Mme BIBLES : [interprétation] Je suis désolée d'avoir présenté mon document

  2   pendant que le témoin déposait toujours.

  3   Q.  Monsieur, n'est-il pas vrai qu'à la fin de la guerre il n'y a plus eu

  4   de minarets qui tenaient debout sur le territoire de la municipalité de

  5   Foca ?

  6   R.  Mais il y a eu plusieurs minarets qui tenaient debout à la fin de la

  7   guerre. Et même aujourd'hui, dans la ville de Foca, on peut voir des

  8   structures qui avaient d'ailleurs été endommagées même avant le début de la

  9   guerre, et ces structures tiennent toujours dans la ville, telles quelles.

 10   Q.  Monsieur, pour parler un peu de la destruction d'une mosquée, à savoir

 11   de la mosquée Aladza, vous avez déjà indiqué que la ville de Foca était

 12   placée sous le contrôle serbe bien avant le mois d'août 1992, le moment où

 13   cette mosquée a été détruite. Monsieur, même si au début du conflit des

 14   matières explosives ont été emmagasinées dans cette mosquée, au mois d'août

 15   1992, les serbes forces auraient déjà pu éliminer toute trace de matière

 16   explosive ou tout engin explosif, et cela, pendant de nombreux mois ?

 17   R.  Moi, je ne suis jamais entré dans la mosquée pour vérifier la quantité

 18   de ces matières explosives. Tout ce que j'en sais, c'est que cette mosquée

 19   n'a pas été détruite avant le mois d'août 1992. Quelqu'un - on ne sait pas

 20   qui, on ne sait pas s'il s'agit d'un individu ou d'un groupe, on ne sait

 21   pas si la chose a été faite par vengeance ou par autre motif - mais

 22   toujours est-il que la mosquée a été dynamitée et qu'elle s'est écroulée.

 23   Mais il faut savoir aussi que la première victime serbe qui a été

 24   répertoriée à Foca a trouvé la mort à cause d'un obus lancé depuis le

 25   minaret de cette mosquée.

 26   Q.  Monsieur, vous êtes juriste de profession, vous comprenez l'importance

 27   de chaque déposition. N'est-il pas clair à regarder de près votre

 28   déposition que, tout simplement, vous ne savez pas ce qui est arrivé à


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  1   cette mosquée, mis à part le fait qu'elle a été détruite au mois d'août

  2   1992 ?

  3   R.  Elle a été détruite au mois d'août 1992, mais ce n'était pas un geste

  4   organisé par les autorités civiles et militaires. Cela a été perpétré par

  5   un individu ou alors par un groupe illégal. Parce que cette mosquée avait

  6   été placée sous la protection de l'Etat et, par ailleurs, n'était pas

  7   utilisée comme un lieu de culte. Il n'y avait pas de service religieux dans

  8   cette mosquée. Ce n'est que plus tard que le peuple islamique a commencé à

  9   s'y rassembler. Mais avant la guerre, cette mosquée n'avait pas été

 10   utilisée activement comme un lieu du culte.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je signale un problème

 12   d'interprétation. Compte rendu d'audience provisoire, page 66, ligne 3, mon

 13   collègue me dit que le témoin n'a pas indiqué l'endroit où le premier obus

 14   est tombé, mais comme je ne suivais pas la version B/C/S, je ne peux pas

 15   vous en dire davantage.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, veuillez, s'il vous

 17   plaît, revenir sur cette question.

 18   Mme BIBLES : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur, maintenant j'aimerais passer à un autre sujet. J'aimerais

 20   vous poser quelques questions sur la période que vous avez passée comme

 21   gardien dans le centre où les femmes ont été détenues au mois d'avril 1992.

 22   Qui vous a demandé de monter la garde dans ce centre ?

 23   R.  Je l'ai fait sur un ordre de la cellule de Crise. Il y a eu des soldats

 24   de Gonje Polje qui m'ont ordonné, moi et une autre personne, d'assurer la

 25   sécurité de ce centre au sein duquel avait été rassemblé un certain nombre

 26   de personnes de sexe féminin. Je parle des bâtiments de la salle Partizan.

 27   Q.  Et pour être sûre que tout a été tiré au clair, c'est seulement au

 28   cours de ces quatre jours pendant que vous montiez la garde que vous avez


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  1   été physiquement présent dans la salle des Partizan ?

  2   R.  Oui. Et je montais la garde la nuit, toute la nuit. En fait, je

  3   travaillais 24 heures sur 24, le fusil à la main.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vous présente mes

  5   excuses, mais votre commentaire qui figure à la page 66 et à la ligne 3,

  6   est-ce que cela veut dire qu'il faut demander la vérification de cette

  7   partie du compte rendu d'audience ?

  8   M. IVETIC : [interprétation] Ou alors, on peut poser la question au témoin.

  9   C'est à vous de voir. Je n'ai pas entendu ce qui a été dit en B/C/S, il

 10   faut le signaler.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est ce que j'ai suggéré à Mme

 12   Bibles de faire, mais, pourtant, elle a passé à un autre sujet. Peut-être

 13   serait-il mieux de tirer cela au clair, Madame Bibles, parce que sinon, une

 14   fois l'interprétation vérifiée, le témoin peut-être sera déjà chez lui.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous

 16   présente mes excuses.

 17   Q.  Monsieur, je vais revenir au sujet que nous avons évoqué avant celui-

 18   ci. Je veux être sûre que vos paroles ont été consignées dans le compte

 19   rendu d'audience comme cela se doit. En parlant de la mosquée, vous avez

 20   dit : "Mais nous savions que quelqu'un aurait pu le lire [comme interprété]

 21   par motif de vengeance, parce que le premier obus qui est tombé sur les

 22   Serbes est tombé en partant de ce minaret." Est-ce là ce que vous avez dit

 23   ?

 24   R.  Je n'ai pas parlé d'"obus". J'ai dit qu'il y avait un combattant armé

 25   d'appartenance ethnique musulmane qui a tiré sur un passant. Et l'un des

 26   passants qui se trouvait non loin de là a été touché. Cette personne

 27   touchée s'appelait Trifkovic, et on lui a tiré dessus depuis le minaret de

 28   la mosquée.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais on ne demande pas d'élaborer votre

  2   réponse. Simplement, nous cherchons à comprendre ce que vous avez dit tout

  3   à l'heure. Vous avez dit que peut-être quelqu'un a cherché à se venger

  4   parce que les premiers coups de feu ont été tirés contre les Serbes depuis

  5   ce minaret ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Il s'agissait des coups de feu et

  7   non pas d'obus.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je tiens à souligner un autre point.

 10   Je ne sais pas si cela concerne un autre sujet, Madame Bibles. Le témoin a

 11   indiqué qu'il montait la garde pendant quatre jours au cours de la nuit et

 12   toute la nuit, et puis il est dit qu'il travaillait 24 heures sur 24. Moi,

 13   cela me paraît être une contradiction.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Précisément. J'ai travaillé la nuit.

 15   Mme BIBLES : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur, pour préciser votre déposition, en fait, vous arriviez sur

 17   place lors du coucher du soleil et puis vous repartiez à l'aube ?

 18   R.  Si j'ai dit 24 heures sur 24, ma langue a fourché. Je voulais dire tout

 19   simplement que je travaillais du coucher du soleil jusqu'au lever du jour.

 20   Sans pause, sans relève, pendant toute la nuit.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voilà qui est clair maintenant.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, le moment est venu de

 23   faire une pause.

 24   Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous plaît, suivre l'huissier.

 25   Madame Bibles, entre-temps, veuillez me dire de combien de temps vous avez

 26   encore besoin ?

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, j'avais cru pouvoir


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  1   mettre un point à mon contre-interrogatoire au cours de cette séance-ci,

  2   mais apparemment je ne vais pouvoir terminer que lors de la séance

  3   suivante.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je m'imagine que vous allez en

  5   terminer dans les dix ou 15 minutes à venir après la pause, parce qu'il

  6   faut au moins essayer de mener à son terme la déposition de ce témoin.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] C'est bien ce que j'ai l'intention de faire,

  8   Monsieur le Juge.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est-ce que la Défense et Me Ivetic

 10   auront suffisamment de temps pour les questions supplémentaires ?

 11   M. IVETIC : [interprétation] Je n'aurai qu'une question à poser et cela ne

 12   prendra que quelques minutes.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il se peut que les Juges de la

 14   Chambre aient quelques questions à poser aussi. Par conséquent, Madame

 15   Bibles, nous vous invitons à terminer votre contre-interrogatoire dans

 16   l'espace de 15 à 20 minutes.

 17   Nous allons faire une pause, et nous reprenons nos travaux à 14 heures

 18   moins 25.

 19   --- L'audience est suspendue à 13 heures 13.

 20   --- L'audience est reprise à 13 heures 35.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons que le témoin

 22   entre dans le prétoire, nous avons discuté pour savoir ce que le terme "it

 23   fears" signifie dans le contexte du rapport. Est-ce que les parties ont

 24   d'autres explications pour ce terme "il craignait" ? C'est peut-être une

 25   autre façon, simplement, de dire que --

 26   M. IVETIC : [interprétation] Je vous demanderais de regarder la page 33 où

 27   il est dit que "les bruits courent à Sarajevo que la fameuse mosquée a été

 28   détruite."


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je propose,

  3   c'est que l'on accorde une cote MFI à ce document. Et peut-être que le

  4   conseil de la Défense et moi-même, nous ne sommes pas tout à fait d'accord,

  5   mais nous pourrons ensuite vous soumettre quelque chose.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Au moins, vous pourriez jeter un

  7   œil là-dessus, et, bien entendu, il y a certainement d'autres éléments de

  8   preuve là-dessus. Je pense que nous avons M. Riedl [comme interprété] qui a

  9   témoigné, donc, sur les mosquées, et je ne me souviens pas exactement ce

 10   qu'il a dit concernant cette mosquée. Mais, Madame Bibles, nous pouvons

 11   poursuivre pour l'instant.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Bien. Merci.

 14   Q.  Monsieur, dans votre déposition concernant ce que nous appelons le

 15   centre Partizan, vous avez dit : "Toutes les femmes ont quitté ces lieux,

 16   pour autant que je le sache, au plus tard en juin 1992."

 17   Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit ?

 18   R.  Je m'y tiens, mais peut-être que c'était même plus tôt, parce qu'elles

 19   y sont restées très peu de temps. Elles sont parties avec les autres

 20   citoyens qui voulaient quitter Foca. Elles avaient le droit de le faire.

 21   Elles ont exprimé le souhait de le faire, leur volonté de le faire, et

 22   c'est ce qui s'est passé.

 23   Q.  Et, Monsieur, je voudrais que vous précisiez. Avant que nous partions

 24   aujourd'hui, je veux que nous soyons sûrs d'avoir compris. Est-il exact que

 25   cette salle des Partizan est la seule installation où il y avait des

 26   Musulmans et où vous étiez présent pendant le conflit ?

 27   R.  Cette installation se trouvait près du bâtiment où je vivais. C'était à

 28   150 mètres de mon domicile. Néanmoins, comme j'étais un des plus âgés à


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  1   l'époque, je n'avais pas été mobilisé, et la cellule de Crise, à travers

  2   ses commissaires, avait choisi des personnes qui feraient leurs devoirs

  3   avec conscience et qui pourraient garder ces installations.

  4   Q.  Monsieur, je voudrais juste m'assurer que nous avons bien compris et je

  5   voudrais m'assurer que c'est bien le seul lieu à Foca où vous étiez

  6   physiquement présent au moment des Musulmans s'y trouvaient en 1992.

  7   R.  C'était bien le seul lieu, mais il y avait également des maisons

  8   privées où il y avait donc des femmes à Foca.

  9   Q.  Est-ce que vous ne vous êtes jamais trouvé présent dans ces maisons

 10   privées en 1992 au moment où il y avait d'autres femmes qui s'y trouvaient

 11   à Foca ?

 12   R.  Jamais, jamais. Ça ne m'a même jamais traversé l'esprit.

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Si l'on pouvait donc afficher la pièce P2822.

 14   Q.  Vous avez à plusieurs reprises témoigné en disant que les personnes

 15   étaient libres de partir de Foca ou qu'elles avaient reçu la permission de

 16   quitter Foca, et je voudrais que l'on précise à quel moment cela est devenu

 17   réalité, Monsieur.

 18   Donc, lorsque ce document sera affiché, Monsieur, ce document est en date

 19   du 18 juin 1992. Et c'est une décision de la Commission de guerre dans

 20   laquelle les civils -- en fait, je vais lire la section 1 :

 21   "Les autorités militaires et civiles autoriseront tous les citoyens loyaux

 22   qui n'ont rien fait qui aille à l'encontre de la Loi de la République serbe

 23   de Bosnie ou qui n'ont rien fait pour mettre en danger la sécurité de la

 24   population serbe dans la région pendant cette période de guerre en cours de

 25   quitter les lieux pour aller là où ils souhaitent se rendre."

 26   Monsieur, est-il vrai que jusqu'au 18 juin 1992, les gens n'avaient pas le

 27   droit de quitter Foca ?

 28   R.  Eh bien, bien entendu, dès que la ville de Foca est devenue


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  1   essentiellement serbe, tous les citoyens appartenant aux ethnies musulmanes

  2   avaient le droit de dire s'ils voulaient rester ou partir. C'est ce qu'on

  3   leur a dit, et c'est ce que cet ordre montre très clairement, ils étaient

  4   libres de rester. On arrivait à les convaincre de rester. Et, en fait, la

  5   population serbe a -- ah, oui ?

  6   Q.  Monsieur, n'est-il pas exact que cet ordre dont vous avez parlé

  7   concernant la possibilité de quitter Foca n'est valable qu'à partir du 18

  8   juin 1992 ?

  9   R.  Eh bien, vous savez quoi ? En avril, lorsque des citoyens appartenant à

 10   l'ethnie musulmane voulaient quitter Foca, ils pouvaient le faire en

 11   passant par le Monténégro, Ustikolina, vers Sarajevo, pour aller là où ils

 12   souhaitaient se rendre. Ce document n'est venu que plus tard. Et je le sais

 13   personnellement.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Si nous pouvions maintenant afficher le 65

 15   ter --

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant de ce faire, je voudrais

 17   demander une chose au témoin. Si vous regardez ce document, je pense que

 18   c'est le paragraphe le plus long -- le troisième, qui dit :

 19   "Les autorités civiles et militaires actuelles de la municipalité serbe de

 20   Foca ont jusque-là empêché les Serbes et les Musulmans de quitter le

 21   territoire de Foca."

 22   Qu'est-ce que vous nous dites sur ce point ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'essaie de dire, c'est cela ne

 24   concernait pas les autorités civiles, mais les autorités militaires

 25   n'existaient pas. Il n'y avait que la Défense territoriale à l'époque. Et

 26   qu'il n'était pas souhaitable que les citoyens quels qu'ils soient ne

 27   quittent Foca, quelle que soit leur appartenance ethnique. Et ceci était

 28   dans l'intérêt clair de la population de rester sur place et --


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous venez juste de dire avant cela

  2   que les Musulmans avaient le droit de partir pour aller là où ils le

  3   souhaitaient même avant le 18 juin. Et maintenant, je viens de vous lire

  4   une partie de ce document qui indique que les autorités jusque-là avaient

  5   empêché aussi bien les Serbes que les Musulmans de quitter le territoire de

  6   Foca. Donc, qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur ce point ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire qu'ils n'ont empêché

  8   personne de quitter les lieux. Ils ne les ont pas empêchés physiquement.

  9   Les Serbes et les Musulmans partaient. Je vous dirais qu'une partie de ma

 10   famille a quitté Foca au mois d'avril pour aller en Serbie. Mon fils et sa

 11   famille sont allés en Serbie.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant le 18 juin 1992 ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, au mois d'avril. C'est le

 14   moment où mon fils est parti, il a quitté Foca, avec un jeune enfant.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez des explications

 17   sur le fait que ce document semble clairement contredire que vous disiez ?

 18   En dehors de l'exemple que vous venez de donner ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce document -- oui, il me semble

 20   que personne ne devait quitter Foca, donc Foca resterait intacte avec une

 21   population mixte pour que le tout le monde y reste. Et c'était dans

 22   l'intérêt des autorités serbes de la municipalité et de la ville de Foca.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quel moment est-ce que votre famille a

 24   quitté Foca ? A quelle date ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Au début du mois d'avril.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez être plus précis

 27   ? Est-ce que c'était avant que n'éclate le conflit ? C'est-à-dire, avant le

 28   8 avril.


Page 24262

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand il est apparu clairement qu'il y avait

  2   cette menace d'un conflit qui pouvait éclater à Foca, j'ai donc recommandé

  3   à mon fils de partir avec son bébé de trois mois. Et je peux vous dire

  4   cela, donc je lui ai demandé de quitter Foca et d'aller en Serbie.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. Personne

  6   ne vous a demandé qui a conseillé à votre fils de partir. Ce qui

  7   m'intéresse, c'est de savoir est-ce que c'était avant que n'éclate le

  8   conflit ou après, et j'ai cru comprendre d'après votre réponse -- s'il vous

  9   plaît, ne m'interrompez pas. Je vous demande de ne pas m'interrompre. J'ai

 10   compris que c'était avant que le conflit n'éclate. Merci de votre réponse.

 11   Madame Bibles, vous pouvez continuer.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelques jours avant que le conflit n'éclate -

 13   -

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête. Vous avez répondu à la

 15   question.

 16   Madame Bibles, vous pouvez poursuivre.

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Si nous pouvions maintenant passer au

 18   document 30984 de la liste du 65 ter.

 19   Q.  Il s'agit, Monsieur, d'un rapport du Groupe tactique de la Foca en date

 20   du 31 août 1992. Je vous demanderais de regarder le point 5, qui, je le

 21   pense, se trouve à la page 2 de la version anglaise. Donc, oui, si nous

 22   pouvions aller à la page 2 de la version anglaise, s'il vous plaît. Merci.

 23   Monsieur, nous voyons là qu'il s'agit d'un rapport du colonel Marko Kovac

 24   qui dit, au point 5 :

 25   "Spécial. Au cours du 30 août, nous avons libéré dans les prisons 55

 26   personnes plus âgées, c'étaient des hommes musulmans en mauvaise santé. Le

 27   31, nous avons libéré 40 femmes et enfants pour empêcher qu'une commission

 28   qui venait visiter la prison ne puisse les découvrir et ne s'en servent


Page 24263

  1   comme alibi."

  2   Est-ce que vous voyez ce qui est écrit ici ?

  3   R.  Ce que je peux dire sur cet échange, pour les personnes, donc, qui ont

  4   quitté le KP Dom, cela s'est produit à un moment donné. Je ne sais pas

  5   exactement quand -- est-ce que vous me permettez de commencer à répondre ?

  6   Q.  Monsieur, je voulais simplement m'assurer que vous regardiez bien ce

  7   que je vous demandais de regarder. Ma question est la suivante : j'ai

  8   compris dans le cadre de votre déposition qu'il y avait des femmes qui

  9   étaient détenues à Foca --

 10   R.  Continuez.

 11   Q.  Monsieur, que des femmes étaient détenues à Foca pour leur propre

 12   protection. Si la VRS détenait ces femmes pour leur propre protection,

 13   pourquoi est-ce que le colonel Kovac a senti qu'il était important de faire

 14   en sorte que la commission qui se rendait sur les lieux ne les découvre pas

 15   ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Ce n'est pas exactement ce qu'a dit le témoin

 18   dans sa déposition concernant ces femmes.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, regardons exactement ce qui a été

 20   dit.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Au paragraphe 4 de la déclaration du témoin,

 22   par exemple.

 23   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui m'intéressait,

 24   c'était le terme "nous" au point 5.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ainsi que j'avais compris les

 26   choses, Maître Ivetic.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Oui, et le document émane du centre

 28   d'information de Trebinje et non pas de la VRS.


Page 24264

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, personne n'a suggéré que c'était

  2   la VRS. Je n'ai, en tous les cas, pas entendu cela dans ce que Mme Bibles a

  3   dit.

  4   M. IVETIC : [interprétation] C'était dans la question et c'est la raison

  5   pour laquelle j'ai fait objection. Ce n'est pas la VRS qui détenait ces

  6   femmes, c'est la raison pour laquelle je me suis levé pour objecter.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question va être reformulée.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Très bien. Je reformule ma question.

  9   Q.  Monsieur, j'ai compris dans votre déposition que des femmes étaient

 10   détenues à Foca pour leur propre protection. Est-ce que ces femmes étaient

 11   détenues pour leur propre protection, et si c'est le cas, pourquoi est-ce

 12   que le colonel Kovac a considéré qu'il valait mieux que la commission qui

 13   venait rendre visite au lieu de détention ne les découvre pas ?

 14   R.  C'est la première fois que je vois ce document ici, et je ne le

 15   connaissais pas jusqu'à aujourd'hui. Mais je sais que les femmes qui ont

 16   été reçues à la salle Partizan pour la première fois sont arrivées dans des

 17   conditions tout à fait différentes. Maintenant, de quel groupe de femmes

 18   est-il question dans ce document, je ne sais pas.

 19   Q.  Monsieur, conviendriez-vous que le colonel Kovac était membre de la VRS

 20   en août 1992 ?

 21   R.  C'est écrit dans ce document, Marko Kovac.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   je n'ai pas d'autres questions à poser à ce témoin.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais la dernière question que vous

 25   avez posée n'a pas reçu réponse. Monsieur, est-ce que le colonel Marko

 26   Kovac était bien membre de la VRS à la fin du mois d'août 1992 ? Etait-il

 27   officier dans les rangs de la VRS à ce moment-là ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où l'armée de la Republika Srpska a


Page 24265

  1   été créée, Marko Kovac est arrivé pour prendre le commandement de cette

  2   armée. Je dis bien au moment où l'armée de la Republika Srpska a été crée.

  3   Mais à la fin du mois août, ou plutôt, en juillet, Marko Kovac

  4   n'apparaissait pas. Un peu avant, je crois, il avait fait une apparition.

  5   Voilà, c'est tout ce que je peux dire.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais était-il officier de la VRS à la

  7   date du 31 août 1992 ? C'était cela ma question. Rien d'autre. Etait-ce le

  8   cas, "oui" ou "non" ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était officier de l'armée de la Republika

 10   Srpska au mois d'août 1992.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ? Je ne

 14   peux rien dire, hein ? C'est bien ça ?

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la fin de votre déposition, s'il y a

 17   quoi que ce soit que vous souhaitez dire, vous le pourrez. Mais en ce

 18   moment, c'est le Juge Moloto qui souhaitait s'adresse à Mme Bibles, et vous

 19   n'êtes pas censé les interrompre.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que souhaitez-vous faire avec ce

 21   document de la liste 65 ter ?

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Je demande le versement du document 65 ter

 23   numéro 30984.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Nous rejetons l'admission de ce document,

 25   puisque le témoin n'avait aucune information préalable au sujet de ce

 26   document et n'a pas pu être en mesure d'en confirmer le contenu.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous vous opposez à

 28   l'admission automatique de ce document eu égard aux questions qui ont fait


Page 24266

  1   l'objet de la déposition du témoin ?

  2   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, du côté de la

  3   Défense, on nous a demandé de réduire le nombre de pièces à conviction que

  4   nous soumettrions au témoin dès lors que celui-ci en avait déjà parlé dans

  5   une période antérieure et qu'il en avait connaissance, donc je demanderais

  6   que les deux parties soient traitées de façon égale. Nous avons réduit le

  7   nombre de documents que nous avons soumis aux témoins qui témoignaient au

  8   sujet du contenu de ces déclarations écrites qui ont été considérées, donc,

  9   comme des pièces associées, et je pense que l'Accusation, dans ces

 10   conditions, devrait s'en tenir de verser au dossier des documents qui

 11   seraient effectivement en mesure d'être identifiés par le témoin.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je n'ai pas à vous

 13   rappeler que si je pose une question, je préfère toujours recevoir une

 14   réponse à cette question. Or, pour une raison ou pour une autre, vous

 15   semblez avoir eu le désir de vous exprimer sur un point particulier, dans

 16   ce cas-là je peux vous autoriser à le faire, mais ma question est toujours

 17   restée sans réponse. Que vous vous opposiez en partie ou pas à ce que vous

 18   considérez en ce moment comme inadapté, à savoir le versement de ce

 19   document de façon automatique au dossier, ou que vous vous opposiez au

 20   document qui est en rapport direct avec une partie des éléments de preuve

 21   de ce témoin est un fait. Donc, il sera admis.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je comprends les

 23   règles du versement automatique comme reposant principalement sur

 24   l'authenticité de la source du document. Mais nous ne sommes pas ici pour

 25   parler de cette question en ce moment --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous en dire un

 27   peu plus au sujet de la source de ce document, Madame Bibles ?

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il me faudra quelques


Page 24267

  1   instants pour le faire. Peut-être pourrions-nous admettre ce document aux

  2   fins d'identification et y revenir un peu plus tard avant la fin de

  3   l'audience.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons le verser au dossier aux

  5   fins d'identification.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, la Chambre admet le

  8   document en tant que pièce à conviction. Il est donc estampillé. Il n'y a

  9   pas d'opposition précise à l'authenticité de ce document ou de contestation

 10   de celle-ci pour le moment. Par conséquent, la Chambre ne voit aucune

 11   raison de refuser de l'admettre au dossier.

 12   Madame la Greffière, quel sera le numéro ?

 13   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais obtenir une décision de la Chambre.

 14   J'ai dit que ce document ne correspondait pas à ce dont il était censé

 15   traiter. Je l'ai déjà dit. L'intitulé de ce document est "Centre

 16   d'information de Trebinje de la Republika Srpska". J'aimerais obtenir une

 17   décision quant à l'objection que j'ai soulevée par rapport au versement de

 18   ce document en l'absence de témoin apte à témoigner de son authenticité.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande à Mme la Greffière de nous

 20   fournir un numéro de pièce à conviction.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30098 [comme interprété]

 22   devient la pièce P6681, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et devient une pièce à conviction en

 24   l'espèce.

 25   Maître Ivetic, vous avez fait une remarque eu égard à ce document il y a

 26   quelques instants. Je pense que vous ne demandiez pas précisément qu'une

 27   décision soit rendue en ce moment sur cette question. C'est mon premier

 28   point.


Page 24268

  1   Et le deuxième point, c'est que s'il y a une raison quelconque de

  2   revenir et de remettre en cause l'authenticité de ce document, vous aurez

  3   la possibilité de le faire, et la Chambre aimerait recevoir dans ce cas une

  4   argumentation raisonnée quant à l'authenticité de ce document.

  5   Et je suppose que Mme Bibles est prête à cela, et quoi qu'il en soit,

  6   il faudra nous dire d'où vient ce document.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cela fait partie

  8   de la collection de documents recueillis auprès du Corps de l'Herzégovine.

  9   Et je vois que Me Ivetic est debout. Je vais préparer une réponse à votre

 10   question entre-temps.

 11   M. IVETIC : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je me demandais

 12   si j'avais besoin de répondre ou de commencer un argumentaire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi. Je suis désolé, je ne vous

 14   avais pas entendu.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Je me demande si j'ai besoin de répondre ou

 16   s'il faut que je rédige une argumentation par rapport à ce document ? Où

 17   est-ce que se situe l'obstacle ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Répondre à quoi exactement, Maître

 19   Ivetic ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] Je crois comprendre que votre décision,

 21   Monsieur le Président, consiste à déclarer que je dois maintenant présenter

 22   un argumentaire quant à l'authenticité d'un document pour lequel je n'avais

 23   aucune intention de demander son versement. C'est un document de

 24   l'Accusation. Je me demande sur qui repose le fardeau d'établir

 25   l'authenticité du document. Je crois que c'est la partie à l'origine de la

 26   demande de versement sur laquelle pèse ce fardeau.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, ce n'est pas un fardeau. C'est

 28   une application du Règlement. La Chambre peut demander une preuve


Page 24269

  1   d'authenticité. C'est ce que prévoit le Règlement, et je ne sais pas si

  2   j'ai fait une citation littérale, mais en tout cas c'est le sens de

  3   l'article en question.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons pris une décision sur la

  6   matière, nous avons autorisé la Défense à revenir sur la question de

  7   l'authenticité si elle souhaite le faire plus tard.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, c'était vraiment une

  9   citation insuffisamment précise. Le Président de la Chambre a déclaré

 10   clairement en page 79, lignes 11 et 12 du compte rendu d'audience, qu'il

 11   n'y avait aucune raison précise de remettre en cause l'authenticité de ce

 12   document et que si vous souhaitez le faire, vous aurez l'opportunité de le

 13   faire. Donc, c'est très différent de ce que vous dites devant les Juges.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Mais comment est-ce que la Défense peut

 15   présenter des arguments au sujet de l'authenticité d'un document sans que

 16   la partie à l'origine de la demande de versement dise où elle s'est fournie

 17   de ce document ? Cela revient à renverser la charge de l'argumentaire,

 18   Monsieur le Président. Pourquoi est-ce qu'il faudrait que nous supportions

 19   le fardeau de prouver l'authenticité d'un document ? C'est cela que je

 20   comprends mal.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un document fait l'objet d'une demande

 22   de versement au dossier, document que la Chambre, bien entendu, doit

 23   prendre selon son aspect, tel qu'il a été présenté. Entre-temps, nous

 24   apprenons de l'Accusation quelle est l'origine de ce document, et vous avez

 25   été renvoyé à l'article du Règlement qui concerne l'établissement de

 26   l'authenticité d'un document. Je vous ai renvoyé à l'article 89 (e) du

 27   Règlement : "Une Chambre peut demander que soit vérifiée l'authenticité

 28   d'un élément de preuve obtenu hors du prétoire."


Page 24270

  1   Sur la base des argumentaires et de ce que les argumentaires

  2   présentés sur la base de l'apparence du document et de ce que l'Accusation

  3   a donné comme élément d'information au sujet de la source, la Chambre n'a

  4   pas demandé ou ordonné à l'Accusation de fournir des informations

  5   complémentaires sur cette authenticité mais a laissé ouverte la possibilité

  6   que la Défense revienne sur la question plus tard.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Par ailleurs, Maître Lukic, la

  8   position juridique à ce stade, c'est que la Chambre a admis au dossier ce

  9   document. Vous contestez cette décision. Par conséquent, c'est vous qui

 10   devez porter la charge d'initier votre demande.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avançons. Vous avez conclu votre contre-

 12   interrogatoire.

 13   Maître Ivetic, y a-t-il des questions supplémentaires ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais poser la

 15   question que j'avais prévu de poser.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 17   Nouvel interrogatoire par M. Ivetic :

 18   Q.  [interprétation] Monsieur, le Juge Orie vous a interrogé au sujet des

 19   Musulmans qui sont restés à Foca, et aux pages 47 et 48 du compte rendu

 20   provisoire, on vous a montré le paragraphe 16 de votre déclaration dans

 21   l'affaire Karadzic selon lequel certains Musulmans avaient combattu dans

 22   les rangs de la VRS. Est-ce que vous vous rappelez le nom ou les fonctions

 23   occupées par ces membres du personnel de la VRS qui étaient d'appartenance

 24   ethnique musulmane, originaires de Foca ?

 25   R.  Je me souviens. J'ai oublié les noms de certains. Il y avait un

 26   Muminovic qui était dans la VRS. Il était responsable des fournitures

 27   alimentaires aux unités qui tenaient les positions sur la ligne de

 28   démarcation, la ligne administrative qui séparait Foca de Gorazde. Il y


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  1   avait aussi des Croates, et cetera.

  2   Q.  Merci, encore une fois, Monsieur, d'avoir répondu à mes questions.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la seule question

  4   que j'avais l'intention de poser dans le cadre des questions

  5   supplémentaires.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  7   Questions de la Cour :

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y avait d'autres Musulmans

  9   que ce Muminovic dans les rangs de la VRS ?

 10   R.  Oui, il y avait d'autres Musulmans et des hommes qui faisaient partie

 11   de couples mixtes aussi.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais Muminovic est le seul nom qui vous

 13   revient en mémoire lorsqu'on parle de Musulmans ayant servi dans les rangs

 14   de la VRS ?

 15   R.  Eh bien, je me rappelle ce Muminovic-là. Beaucoup de temps s'est écoulé

 16   depuis. Je ne me rappelle pas son prénom, mais je me rappelle un certain

 17   nombre de Musulmans. Si vous me laissez un peu de temps, peut-être

 18   pourrais-je me rappeler certains noms, mais en ce moment précis je suis

 19   incapable de me rappeler les prénoms ou les noms exacts de chacun

 20   individuellement. Il y avait une famille musulmane issue d'un mariage mixte

 21   qui est restée loyale pendant toute la guerre, et l'homme était Musulman.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez utilisé le terme "loyal"

 23   à un certain nombre de reprises dans votre déposition. Qu'entendez-vous par

 24   ce terme "loyal" ? Est-ce que cela signifie qu'ils devaient s'engager à

 25   être fidèles aux Serbes --

 26   R.  Non. Mais cela signifie qu'ils respectaient comme il se doit tous les

 27   règlements et toutes les normes relatives au rapport avec l'Etat, relatives

 28   au rapport avec les pouvoirs, et qu'ils étaient acceptés de la même façon


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  1   par les Serbes. C'est cela que j'entends par "loyauté".

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais --

  3   R.  Mais ce n'était pas du tout comme si on avait exercé un chantage sur

  4   eux pour qu'ils acceptent ceci ou cela. Pas du tout. Ce n'est pas de ce

  5   genre de loyauté que je parlais.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si on part du principe que les

  7   Serbes exerçaient leur contrôle et que ces hommes acceptaient ce contrôle

  8   sans prendre les armes, pour tenter, par exemple, de changer la situation

  9   politiquement, est-ce que ceci sera considéré comme signe de loyauté ou

 10   comme une absence de loyauté ?

 11   R.  Eh bien, pour être précis, pendant la guerre, personne n'a jamais

 12   empêché le SDA de poursuivre la politique du peuple musulman. Personne ne

 13   les a empêchés de le faire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas cela ma question. S'il y

 15   avait un changement de gouvernement au niveau local à partir duquel le

 16   contrôle serbe de la municipalité n'aurait plus été accepté, est-ce qu'un

 17   tel geste aurait été considéré comme loyal ou non loyal ?

 18   R.  Eh bien, vous savez, c'est un droit démocratique de proclamer ses

 19   points de vue, ses opinions, et de suivre les politiques de son choix. Je

 20   ne pense pas qu'il y aurait eu de conséquences pour les personnes qui le

 21   faisaient. Il y a eu des gens d'appartenance ethnique serbe qui s'étaient

 22   mis du côté de quelques autres partis politiques, et, par conséquent, il y

 23   a eu aussi des conflits politiques entre les Serbes.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela m'amène à poser ma question

 25   suivante. Le règne des Serbes à Foca était-il établi sur la base de

 26   principes démocratiques ?

 27   R.  Je le crois, oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et à quel moment cette façon


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  1   démocratique de prendre les décisions sur le territoire de la municipalité

  2   de Foca -- à quel moment est-ce que ce principe a été mis en oeuvre ?

  3   R.  Le processus démocratique a été entamé en vertu des décisions adoptées

  4   par les autorités les plus hautes au niveau de la municipalité, et ces

  5   décisions s'appliquaient à tous les citoyens qui habitaient dans la

  6   municipalité. C'est ainsi que les choses fonctionnaient.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les Musulmans participaient-ils

  8   toujours au processus de la prise de décision ?

  9   R.  S'il y a eu des élus qui appartenaient au groupe ethnique musulman,

 10   alors oui. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu de musulman d'élu une fois

 11   le conflit éclaté puisqu'ils étaient une minorité.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais avant le début de la guerre,

 13   qui adoptait les décisions en appliquant des principes démocratiques, et à

 14   quel moment exactement les Serbes ont-ils pris le pouvoir ?

 15   R.  Lorsqu'on a créé l'assemblée du peuple serbe sur le territoire de la

 16   municipalité, alors ces autorités municipales ont commencé à produire des

 17   textes et des dispositions. Cela s'est passé à la veille du début de la

 18   guerre. Ce n'est que beaucoup plus tard que -- par rapport au moment où

 19   tout ceci avait été déjà fait au niveau de la république, parce que les

 20   municipalités étaient toujours en retard par rapport au niveau républicain.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette assemblée du peuple serbe à

 22   Foca est-ce que les députés ont été élus de façon démocratique, en votant ?

 23   R.  Avant le début de la guerre, on savait qui étaient les députés

 24   d'appartenance ethnique serbe, et ces députés avaient été élus de façon

 25   démocratique, en votant pour un tel ou un tel parti politique, et ensuite

 26   leurs membres sont devenus des députés au sein de l'assemblée. Et ces élus

 27   composaient l'assemblée municipale de Foca.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ne s'agissait-il pas d'une


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  1   assemblée qui ne concernait que le peuple serbe ?

  2   R.  Oui, mais les citoyens d'autre appartenance ethnique qui n'avaient pas

  3   été élus de façon démocratique n'avaient pas fait partie de l'assemblée

  4   avant la guerre. S'il y avait eu des élus d'appartenance ethnique musulmane

  5   avant le début de la guerre, ils auraient été inclus dans la composition de

  6   l'assemblée municipale. Par ailleurs, il n'y avait pas que des Musulmans

  7   parmi les députés, parmi les élus, au sein de l'assemblée musulmane. On

  8   pouvait retrouver des Monténégrins, des Croates. A la tête de cette

  9   assemblée se trouvait Danilo Milicic, et lui, il a été élu de façon

 10   démocratique.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour devenir un membre, par la suite, de

 12   l'assemblée serbe ?

 13   R.  Oui. Avant le début de la guerre et la mise sur pied de l'assemblée

 14   serbe il avait été président de l'assemblée municipale. Par la suite, il

 15   est devenu le président de l'assemblée serbe de la municipalité et, pendant

 16   une certaine période, il s'est acquitté de ces fonctions.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je laisse cette question de

 18   côté pour le moment. Mais j'aurais quelques autres questions à vous poser.

 19   Savez-vous quoi que ce soit sur la distribution des armes aux Serbes à

 20   Foca, et je parle de votre expérience personnelle ?

 21   R.  Eh bien, j'ai quelques connaissances partielles à cet égard. Parce que

 22   les Serbes et les Musulmans s'armaient de façons différentes. Les Serbes

 23   ont entamé ce processus assez tard et ils se sont servis de sources

 24   différentes.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne souhaite pas d'information de

 26   nature générale. J'aimerais savoir si vous avez des connaissances

 27   personnelles qui seraient basées sur vos observations personnelles.

 28   R.  Je sais que les gens se sont débrouillés de façons différentes pour


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  1   obtenir des armes à titre privé, individuel.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bon, cela ne découle pas

  3   précisément de votre expérience personnelle. Il s'agit encore une fois

  4   d'une évaluation de nature générale.

  5   Avez-vous des connaissances concrètes sur le destin des personnes qui ont

  6   été détenues au KP Dom, et je parle encore de vos observations personnelles

  7   ?

  8   R.  Je n'ai pas de connaissances à ce sujet pas. Pas du tout. Je ne peux

  9   pas vous dire un seul mot sur le KP Dom. Je ne peux rien affirmer, je ne

 10   peux rien infirmer. Vraiment, je n'avais aucune idée quant aux personnes

 11   détenues. Je sais tout simplement qu'une partie des personnes âgées ont été

 12   recueillies dans le centre et dans les locaux du KP Dom, et je sais qu'ils

 13   avaient été traités d'une façon complètement différente par rapport à la

 14   façon dont on traitait les prisonniers avant le début de la guerre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, là encore, vous n'avez pas

 16   d'expérience personnelle à cet égard.

 17   R.  Non, non. Vraiment, non, je ne peux rien vous dire sur la base de mon

 18   expérience personnelle.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai dit tout à l'heure qu'à la

 20   fin de votre déposition nous vous donnerions l'occasion d'ajouter quelque

 21   chose, si vous le souhaitez, aux réponses que vous avez fournies. Il ne

 22   s'agit pas de faire des déclarations de nature générale. Il s'agit de tout

 23   simplement ajouter quelque chose aux réponses que vous avez fournies si

 24   cela ne vous a pas été permis au moment où l'on vous interrogeait.

 25   R.  Voilà ce que j'ai voulu dire. Lorsque j'ai parlé de lieux de culte de

 26   la communauté islamique, je souhaitais tout simplement indiquer que tout

 27   cela s'est passé pendant le conflit au mois d'avril, mais je suis un peu

 28   surpris de découvrir que personne ne se pose la question de savoir ce qui


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  1   est arrivé aux lieux de culte serbe.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, c'est aux parties au procès de

  3   poser les questions. C'est aux parties au procès de déterminer ce qui est

  4   pertinent en l'espèce et ce qui ne l'est pas.

  5   Madame Bibles, je pense que j'ai été le dernier à poser des questions au

  6   témoin. Avez-vous des questions supplémentaires à poser?

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] Non, je ne le crois pas.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tel est le cas, Monsieur le Témoin,

 11   votre déposition vient de toucher à sa fin. Monsieur Vujicic, je tiens à

 12   vous remercier d'être venu à La Haye, vous avez fait un long voyage. Je

 13   vous remercie d'avoir fourni les réponses -- bon, je recommence parce que

 14   je vois que vous aviez enlevé vos écouteurs.

 15   Donc, je tiens à vous remercier d'être venu à La Haye, vous avez fait un

 16   long voyage. Je vous remercie, par ailleurs, d'avoir répondu à toutes les

 17   questions qui vous ont été posées par les parties au procès et par les

 18   Juges de la Chambre. Je vous souhaite un bon retour chez vous, un bon

 19   voyage de retour.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous pour m'avoir interrogé d'une

 21   façon aussi correcte. Merci beaucoup.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons la séance pour aujourd'hui.

 24   Madame Bibles, vous souhaitez dire quelque chose.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] En ce qui concerne le document 13426 de la

 26   liste 65 ter, je pense que Me Ivetic et moi, nous sommes tombés d'accord

 27   pour que l'on attribue une cote provisoire à ce document -- nous sommes

 28   arrivés à un certain accord, mais il me semble qu'il serait préférable


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  1   d'attribuer une cote provisoire pour le moment.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais complètement oublié ce document,

  3   sinon j'aurais demandé que l'on fournisse une cote.

  4   Madame la Greffière.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 13426 recevra la cote

  6   P6682, Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P6682 est admise -- ou, plutôt,

  8   reçoit une cote provisoire.

  9   Nous levons la séance pour aujourd'hui et nous reprenons nos travaux

 10   demain, vendredi, le 18 juillet, à 9 heures 30, dans cette même salle

 11   d'audience. C'est la salle d'audience numéro I.

 12   --- L'audience est levée à 14 heures 17 et reprendra le vendredi 18 juillet

 13   2014, à 9 heures 30.

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