Page 24362
1 Le lundi 21 juillet 2014
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans la salle
6 d'audience et au personnel qui nous assiste dans nos travaux.
7 Madame la Greffière, veuillez annoncer la cote de l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ceci est
9 l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
11 Les Juges de la Chambre viennent d'apprendre que l'Accusation souhaite
12 soulever une question préliminaire.
13 M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour.
14 J'aimerais que nous passions brièvement à huis clos partiel.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
16 plaît.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
18 Messieurs les Juges.
19 [Audience à huis clos partiel]
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 24363
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière. Et veuillez,
15 s'il vous plaît, faire entrer le témoin dans le prétoire.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Simovic. Avant
18 de commencer à témoigner, conformément au Règlement, vous êtes censé
19 prononcer la déclaration solennelle. Le texte vous sera remis par
20 l'huissier. Veuillez, s'il vous plaît, la prononcer maintenant.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN : VESELINKO SIMOVIC [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Simovic. Veuillez vous
26 asseoir.
27 Monsieur Simovic, vous allez d'abord être interrogé par Me Ivetic, qui se
28 trouve à votre gauche. M. Ivetic fait partie de la Défense de M. Mladic.
Page 24364
1 Vous avez la parole, Maître Ivetic.
2 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Interrogatoire principal par M. Ivetic :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
5 R. Bonjour.
6 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche dans le système du
7 prétoire électronique le document portant la cote 1D01656. Et pendant que
8 nous attendons l'affichage du document, on peut remettre un exemplaire
9 imprimé de ce document qui ne comporte pas d'annotations. Je serais
10 reconnaissant à l'huissier de son aide à cet égard. La première page vient
11 d'être affichée dans le système du prétoire électronique.
12 Q. Monsieur, veuillez bien examiner la signature qui figure à la première
13 page du document et me dire si vous la reconnaissez.
14 R. Oui.
15 Q. Qui a signé le document ?
16 R. C'est moi.
17 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant à la
18 dernière page de la déclaration préalable dans les deux versions
19 linguistiques.
20 Q. Pouvez-vous nous dire qui a signé cette dernière page du document ?
21 R. C'est moi.
22 Q. Monsieur, après avoir signé cette déclaration préalable destinée à la
23 Défense du général Mladic, avez-vous eu l'occasion d'examiner cette
24 déclaration en serbe pour vérifier s'il y a des corrections à apporter ?
25 R. Oui.
26 Q. Et au cours de la séance du récolement, m'avez-vous informé de certains
27 éclaircissements ou de certaines modifications à apporter?
28 R. Oui.
Page 24365
1 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions d'abord sur
2 la page 2 de la déclaration préalable dans les deux versions linguistiques,
3 et je m'intéresse plus particulièrement au paragraphe 2.
4 Q. Lorsque vous parlez du mariage qui a fait l'objet d'une attaque à
5 Sarajevo, est-ce qu'il y a un éclaircissement que vous souhaitez apporter,
6 une précision ?
7 R. Oui. Il est indiqué ici que plusieurs participants au mariage
8 d'appartenance ethnique serbe ont été tués. Mais, en fait, il s'agit d'une
9 personne.
10 Q. Examinons à présent le paragraphe 5, qui figure à la même page. Avez-
11 vous des précisions à apporter concernant ce paragraphe ?
12 R. Oui.
13 Q. Allez-y, dites-nous de quoi il s'agit.
14 R. Eh bien, on a ajouté quelques mots ici, et, par conséquent, la phrase a
15 perdu son sens. On dit : Vers le mois d'avril 1992, la cellule de Crise a
16 été mise sur pied dans la municipalité de Foca. Les Musulmans de Donje
17 Polje, non loin de Foca, ont été les premiers à ouvrir le feu en ciblant la
18 population serbe.
19 Alors, j'aimerais demander à MM. les Juges, parce que les réfugiés ici,
20 vous voyez que ça continue et ça continue, et on dit ici : Des réfugiés
21 sont arrivés à Foca et il y avait aussi des réfugiés de Konjic et Sarajevo,
22 donc des régions où la population était surtout musulmane. Alors, ce qui a
23 été souhaité ici, c'est que les Musulmans de Donje Polje ont été les
24 premiers à ouvrir le feu en ciblant la population serbe. Et puis, il y a
25 aussi les réfugiés de Konjic et de Sarajevo, qui se trouvent à 200
26 kilomètres de distance par rapport à Foca, donc c'est impossible. Ça n'a
27 aucun sens.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces quelques mots qui ont été prononcés
Page 24366
1 tout à l'heure, "j'aimerais bien demander aux Juges de la Chambre," est-ce
2 que c'est le témoin qui a prononcé ces mots ou était-ce une intervention
3 des interprètes ?
4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaises signalent qu'il
5 s'agissait bien des mots du témoin.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, très bien. Alors, tout est clair.
7 M. IVETIC : [interprétation]
8 Q. Alors, pour que tout soit un peu plus clair, vous dites, si je vous ai
9 bien compris, qu'à la ligne 15 de la page 4, vous souhaitez éliminer
10 quelques mots ?
11 R. Oui. J'aimerais que l'on élimine les mots suivants, "Ce qui a eu pour
12 résultat que."
13 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais passer à la page suivante dans les
14 deux versions linguistiques pour nous pencher sur le paragraphe numéro 12.
15 Q. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?
16 R. Au paragraphe 12, il est dit : Je me souviens qu'une fois, un officier
17 de police militaire, Malis, qui est un commandant de la police militaire du
18 VRS, est venu à Foca. Alors, je serais reconnaissant aux Juges de la
19 Chambre de modifier quelque chose ici -- excusez-moi.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous
21 plaît, ralentir et répéter votre réponse. Par ailleurs, j'aimerais que tous
22 les microphones qui ne sont pas utilisés soient débranchés.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens qu'une fois, un officier de
24 police militaire, Malis, est venu à Foca. Il venait des rangs de la VRS et
25 il était un commandant au sein de la police militaire. Alors, ici, tout
26 simplement, on a inversé l'ordre des mots. Malis a été nommé commandant de
27 la police militaire de la VRS au moment où la VRS a été mise sur pied. Il
28 est n'est pas venu de Sarajevo. Il est venu à Foca. Il a été nommé
Page 24367
1 commandant de la police militaire et il est resté à Foca. Or, ici,
2 j'indiquais : "Je ne l'ai pas vu, mais j'ai entendu dire qu'il était venu
3 pour régler le problème avec ces individus." Mais, en fait, il n'est pas
4 reparti. Il est venu à Foca et il y est resté. Donc, Malis a été nommé
5 officier au sein de la police militaire de la VRS à Foca. Il est venu à
6 Foca et il y est resté.
7 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
8 Q. Et, Monsieur, mis à part ces précisions que vous venez de citer ici
9 dans la salle d'audience, est-ce que vous confirmez que tout ce qui est
10 enregistré dans votre déclaration préalable correspond à la vérité et ne
11 nécessite plus de nouvelles modifications ?
12 R. Oui.
13 Q. Et si je venais à vous poser des questions relatives aux mêmes sujets
14 qui sont traités dans votre déclaration préalable, vos réponses à mes
15 questions seraient-elles les mêmes en substance que les réponses que nous
16 trouvons dans la déclaration préalable ?
17 R. Oui.
18 Q. Compte tenu du fait qu'aujourd'hui vous avez prononcé la déclaration
19 solennelle vous engageant à dire la vérité, est-ce que ces réponses
20 enregistrées dans votre déclaration préalable correspondent à la vérité ?
21 R. Oui.
22 M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, la Défense souhaite
23 demander le versement au dossier du document 1D01656.
24 M. TRALDI : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à soulever,
25 Messieurs les Juges.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur le Témoin,
27 pouvez-vous nous dire ce qui est reproché à M. Mladic dans l'acte
28 d'accusation au sujet de Foca ?
Page 24368
1 LE TÉMOIN : [interprétation] M. le Général est accusé d'avoir commis un
2 certain nombre de crimes à Foca, mais je ne sais pas de quoi il s'agit.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourriez-vous nous préciser de
4 quels crimes il s'agit ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais dans votre déclaration préalable,
7 nous lisons que vous ne savez pas quels sont les incidents reprochés à
8 l'accusé dans l'acte d'accusation. Mais si vous n'êtes pas au courant de
9 cela, alors comment pouvez-vous nous dire que vous ne savez rien à ce sujet
10 ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'à mon avis, Monsieur, à Foca, il n'y
12 a pas eu de crimes de commis.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous entendu dire qu'un certain
14 nombre de personnes ont été détenues au KP Dom ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il se peut que vous en sachiez
17 quelque chose. Il se peut que vous ayez des connaissances au sujet des
18 détentions qui sont pertinentes en l'espèce.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'en sais, de la bouche des personnes
20 qui ont été détenues au KP Dom, en fait, on y a détenu des personnes
21 capturées au cours des activités de combat.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez une opinion quant à ce qui
23 s'est produit au KP Dom.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et sur la base de quoi est-ce que vous
26 dites que vous n'avez pas de connaissances relatives à ces incidents ou à
27 ces événements, si vous ne savez même pas de quels événements il s'agit ?
28 Comment pouvez-vous savoir que vous n'en savez rien ? Est-ce que quelqu'un
Page 24369
1 vous a donné lecture de l'acte de l'accusation, l'avez-vous lu vous-même ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Monsieur le Président, moi, je suis un
3 soldat. J'ai fait ce que j'étais censé faire en ma qualité de soldat. Mais
4 je n'ai jamais pris connaissance de quelque document que ce soit, et, par
5 conséquent, je n'ai rien lu sur le plan de documents.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, lorsque vous dites que vous n'avez
7 pas de connaissances, que vous n'êtes pas au courant des événements
8 reprochés à l'accusé, en fait, c'est une déclaration qui n'a aucun sens,
9 puisque de toute manière vous ne savez même pas de quels événements il
10 s'agit ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris votre question.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si vous dites, Je ne sais pas dans
13 quelles circonstances un tel et tel événement s'est produit, cela n'a aucun
14 sens si déjà, pour commencer, vous ne savez même pas de quel événement il
15 s'agit, quel est l'événement reproché à l'accusé. N'êtes-vous pas d'accord
16 avec moi ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne sais pas de quels événements il
18 s'agit ou de quels incidents il s'agit ici.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Néanmoins, dans votre déclaration
20 préalable, vous indiquez que vous ne savez pas dans quelles circonstances
21 ils se sont produits. Alors, si vous ne savez rien au sujet d'un certain
22 nombre d'événements, alors bien sûr que vous ne pouvez pas avoir de
23 connaissances à ce sujet puisque, pour commencer, vous ne savez même pas de
24 quels événements il s'agit.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, bien sûr. J'ai dit que je ne sais rien
26 au sujet de ces événements puisque je ne sais même pas de quels événements
27 il s'agit.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
Page 24370
1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1656 recevra la cote
2 D583, Messieurs les Juges.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D583 est admise au dossier.
4 Maître Ivetic, à vous.
5 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je vais maintenant
6 donner lecture d'un résumé public de la déclaration préalable du témoin.
7 J'ai expliqué au témoin la raison pour laquelle on donne lecture de ce
8 résumé.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
10 M. IVETIC : [interprétation] Dans sa déclaration préalable, le témoin
11 explique qu'avant le mois d'avril 1992, des barrages ont été érigés dans la
12 ville de Foca. Dans les villages musulmans, on avait l'habitude de monter
13 la garde et on pouvait voir les sentinelles qui se déplaçaient dans les
14 villages en portant des armes. Effrayés qu'on avait entamé des préparatifs
15 visant à éliminer toute la population serbe de la région, les Serbes locaux
16 se sont organisés par le biais de la Défense territoriale pour défendre
17 leurs foyers.
18 Les Musulmans ont été les premiers à ouvrir le feu en ciblant la population
19 serbe de Donje Polje.
20 Avant la mise sur pied de la VRS, la population s'est organisée elle-même
21 conformément aux principes respectés par la Défense territoriale. C'est la
22 cellule de Crise de Foca qui avait toutes les compétences, tous les
23 pouvoirs de facto.
24 Mis à part le Groupe tactique de Foca, d'après le témoin, plusieurs groupes
25 armés et plusieurs individus armés circulaient dans la région alors qu'ils
26 n'étaient contrôlés par personne. Ils fonctionnaient de façon indépendante
27 et engageaient des escarmouches avec la population de Foca.
28 Le témoin sait qu'un commandant de police militaire des rangs de la VRS est
Page 24371
1 venu à Foca pour essayer de résoudre les problèmes soulevés par ces
2 individus. Le témoin n'a jamais reçu un ordre illégal et n'en a jamais
3 entendu parler.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Si vous avez d'autres questions à
5 poser au témoin, allez-y, s'il vous plaît.
6 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur, j'aimerais maintenant étudier avec vous quelques autres
8 paragraphes de votre déclaration préalable.
9 M. IVETIC : [interprétation] Pour commencer, j'aimerais que nous nous
10 penchions sur la page 2 dans les deux versions linguistiques, le paragraphe
11 numéro 4.
12 Q. Dans ce paragraphe, vous indiquez :
13 "Je savais que rien de bon ne s'annonçait, que les choses ne resteraient
14 plus les mêmes. Et certains estimaient qu'on avait entamé des préparatifs
15 visant à éliminer toute la population serbe de la région."
16 Sur la base de quoi êtes-vous arrivé à ces conclusions ou sur la base de
17 quoi est-ce que vous êtes inquiété à ce sujet ? Pourquoi avez-vous été
18 préoccupé ?
19 R. Oui. C'était bien mon opinion. C'est bien ce que j'ai indiqué. J'ai
20 passé beaucoup de temps à Sarajevo à l'époque, j'y ai passé pratiquement
21 chaque week-end, et je voyais les Bérets verts se promener dans la ville,
22 alors que nous étions censés vivre dans un Etat de droit. Il y avait aussi
23 la Ligue patriotique de Sulejman Ugljanin, et il annonçait leur arrivée à
24 Foca avec 50 000 hommes de Sandzak pour tout régler. Et je me suis dit :
25 Nous serons complètement éliminés. C'est la façon dont je réfléchissais à
26 l'époque. Nous n'étions pas organisés --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez reprendre
28 votre réponse, s'il vous plaît, à partir du moment où vous avez entendu ce
Page 24372
1 discours où il était question de 50 000 hommes censés venir de Sandzak à
2 Foca pour tout régler. Pouvez-vous répéter votre réponse à partir de ce
3 moment-là ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Monsieur le
5 Juge. Lors d'une assemblée du SDA, qui s'est tenue à Foca, Sulejman
6 Ugljanin, le président du SDA pour la région de Sandzak, a promis d'amener
7 50 000 hommes de Sandzak qui allaient tout régler. Il a répété que ce qui
8 s'est produit à Foca en 1942 ne se reproduira plus. Alors, toutes les
9 choses que je viens de vous raconter ont été racontées dans un gros village
10 qui était habité surtout par les Musulmans. A l'époque, moi, j'étais un
11 citoyen de la Yougoslavie et c'était la façon dont je réfléchissais à
12 l'époque. Je me disais : Mais nous n'avons rien du tout. Nous n'avons que
13 des vêtements sur notre dos, alors qu'eux, ils ont des formations
14 paramilitaires, les Bérets verts, la Ligue patriotique, ils sont
15 50 000 hommes de Sandzak. Ils ont déjà monté les gardes autour de la ville
16 de Foca. Donc, si jamais la guerre devait éclater, alors que je croyais que
17 cela n'arriverait tout de même pas, mais si la guerre devait éclater, nous
18 serions totalement éliminés.
19 M. IVETIC : [interprétation]
20 Q. Merci, Monsieur. Examinons maintenant le paragraphe 7 de votre
21 déclaration préalable. Il devrait figurer à la même page dans les deux
22 versions linguistiques. Ici, vous dites que vous avez rejoint les rangs du
23 5e Bataillon vers le 15 avril 1992. Ce 5e Bataillon faisait-il partie de la
24 VRS ou d'une autre formation militaire que vous avez rejointe à ce moment-
25 là ?
26 R. Le 5e Bataillon faisait partie de la Défense territoriale à l'époque.
27 Q. Et ce 5e Bataillon a-t-il été intégré par la suite à la VRS?
28 R. Oui.
Page 24373
1 Q. A l'époque où vous faisiez partie de la Défense territoriale, ou plus
2 tard de la VRS, vous souvenez-vous d'avoir reçu des consignes relatives au
3 droit de la guerre et à la façon dont il faut traiter, d'une part, les
4 civils, et d'autre part, les prisonniers de guerre ?
5 R. Oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.
7 M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que la même
8 question s'est posée vendredi dernier. Ceci est un témoin qui dépose à
9 titre d'exception. On s'était, au départ, mis d'accord sur le fait que
10 seulement les témoins qui avaient déjà déposé pouvaient être cités à la
11 barre avant les vacances judiciaires puisque la communication des documents
12 a été tardive, je parle des déclarations préalables préparées par la
13 Défense. Alors, peut-être ai-je tort de l'affirmer, mais ces consignes
14 relatives au droit de la guerre, est-ce que c'est un sujet qui est couvert
15 dans la déclaration du témoin ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
17 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je pense que c'est une question qui
18 découle du paragraphe 13, où le témoin indique qu'il n'a jamais entendu ou
19 vu quoi que ce soit d'illégal dans les rangs des formations militaires dont
20 il faisait partie. Donc, je pense que sur la base de ce paragraphe, je peux
21 poser des questions supplémentaires pour préciser si le témoin a reçu des
22 consignes de ce type.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais les consignes données et ce qui
24 arrive en réalité sont deux choses différentes, n'est-ce pas ?
25 M. IVETIC : [interprétation] Je ne comprends pas ce que vous entendez par
26 "ce qui se passe réellement," Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je veux dire, je n'ai peut-être
28 jamais fait une infraction au niveau du code de la route, mais cela ne me
Page 24374
1 dit rien quant aux instructions que j'ai reçues pendant que je me formais à
2 conduire. Bien sûr, on peut toujours établir des liens, mais ici le lien
3 que vous établissez n'est pas tout à fait clair.
4 En revanche, Monsieur Traldi, le problème ne me semble pas tellement
5 dramatique. Je ne vais pas demander à Me Ivetic de ne pas poser sa
6 question. Mais je comprends votre désir de signaler aux fins du compte
7 rendu d'audience que d'après Me Ivetic ces deux questions sont liées alors
8 que vous en pensez autrement.
9 M. TRALDI : [interprétation] Je pense que vous avez bien décrit la
10 situation, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Vous pouvez poursuivre.
12 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
13 Q. Monsieur, à l'époque où vous étiez un membre de la Défense
14 territoriale, ou par la suite de la VRS, avez-vous reçu des instructions
15 relatives au droit de la guerre et à la façon dont il fallait traiter,
16 d'une part, les civils, et d'autre part, les prisonniers de guerre ?
17 R. Oui.
18 Q. Et quelles instructions, quelles consignes avez-vous reçues?
19 R. Chaque unité de la Défense territoriale, et plus tard de l'armée de la
20 Republika Srpska, avait un ordre qui avait été remis et chaque soldat
21 pouvait le lire, et d'ailleurs on en a donné lecture de nombreuses fois aux
22 soldats, et voilà ce qui est indiqué dans cet ordre, je cite -- bon, je ne
23 vais peut-être pas citer mot à mot puisque la chose s'est passée il y a 20
24 ans, mais je vais vous citer au moins quelques termes utilisés dans cet
25 ordre. Donc, voilà :
26 "J'ordonne que tous les officiers, tous les sous-officiers, tous les
27 soldats de la Republika Srpska se comportent en conformité avec les
28 conventions de Genève.
Page 24375
1 "J'interdis d'incendier et de détruire la propriété, qu'il s'agisse de
2 l'immobilier ou du mobilier."
3 Ensuite :
4 "Tout mauvais traitement de la population civile est interdit. Il faut
5 apporter son assistance aux soldats de l'ennemi et aux personnes blessées.
6 Et les soldats qui sont pris comme prisonniers doivent être traités avec
7 toute la dignité qui leur est due."
8 Et il y avait aussi d'autres consignes dans cet ordre, mais,
9 Messieurs les Juges, je ne m'en souviens plus. Cela s'est passé, après
10 tout, il y a 20 ans.
11 Q. Merci. Et vous nous avez parlé d'une Unité d'intervention de Dragan
12 Nikolic. Pouvez-vous nous préciser de quelle unité il s'agit ?
13 R. C'est une unité de la Défense territoriale qui fonctionnait comme la
14 police militaire. Son objectif était donc de protéger la population serbe
15 et musulmane pendant les opérations de guerre.
16 Q. Et pourquoi appelait-on cette unité l'Unité d'intervention de Dragan
17 Nikolic ? Qui était Dragan Nikolic ?
18 R. Dragan Nikolic était le premier commandant de cette unité, et il a été
19 tué dans le cadre des heurts avec les forces musulmanes à Foca.
20 Q. Et vous avez dit que c'était une unité de la Défense territoriale créée
21 en tant que police militaire dont l'objectif était de protéger la
22 population serbe et musulmane pendant les opérations de guerre. Comment
23 est-ce que cet objectif devait se réaliser ?
24 R. Je n'ai pas vraiment bien compris votre question.
25 Q. Comment est-ce que l'Unité d'intervention de Dragan Nikolic agissait
26 pour essayer de protéger les populations serbe et musulmane?
27 R. Eh bien, ils venaient -- en fait, si quelqu'un disait que la population
28 serbe avait été maltraitée, ils agissaient en conformité avec la loi et
Page 24376
1 emmenaient les gens au KP Dom, indépendamment de qui il s'agissait, qu'il
2 s'agisse de Serbes, de Musulmans ou de Croates, et indépendamment de leur
3 religion.
4 Q. Maintenant, aux paragraphes 7 et 8 de votre déclaration préalable, vous
5 parlez de paramilitaires. D'où venaient-ils ?
6 R. Eh bien, pour autant que je puisse m'en souvenir, il y avait une
7 formation paramilitaire d'environ 70 hommes qui est venue de Serbie et qui
8 s'appelait les Aigles noirs. Il y avait également une autre unité venant du
9 Monténégro composée d'environ 35 hommes. Il y avait beaucoup de gens qui
10 sont venus à cette époque, mais je me souviens très bien de ces unités, de
11 ces deux unités.
12 Q. Que faisaient ces diverses unités paramilitaires dans la ville de Foca
13 ?
14 R. Je vais vous donner mon avis. Ils ont apporté la honte et la disgrâce
15 aux combattants honnêtes de Foca.
16 Q. Et au paragraphe 9 de votre déclaration --
17 M. IVETIC : [interprétation] Page suivante dans la version anglaise.
18 Q. -- vous parlez des incidents qu'ils ont provoqués et des conflits avec
19 la population civile. Que pouvez-vous nous dire concernant donc les
20 échanges entre les paramilitaires et les autorités civiles à Foca ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il y a peut-être un
22 problème de traduction, mais je n'ai pas vu de référence à la "population
23 civile" dans le texte.
24 M. IVETIC : [interprétation] Je m'excuse. On parle ici de "population", et
25 non de population civile, effectivement.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
27 M. IVETIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur, que pouvez-vous nous dire à propos des échanges entre les
Page 24377
1 paramilitaires et les autorités civiles à Foca ?
2 R. Ces échanges étaient très désagréables, très mauvais.
3 Q. Avez-vous vous-même rencontré personnellement les paramilitaires, et si
4 tel est le cas, dans quelles circonstances ? Pouvez-vous nous les expliquer
5 ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Traldi.
7 M. TRALDI : [interprétation] Je pense que ceci va au-delà de la déclaration
8 préalable du témoin et ne figurait pas non plus dans les notes de
9 récolement. Et par rapport à notre accord et les exceptions limitées que
10 nous avons accordés dans cette affaire, je suis juste préoccupé, je me
11 demande s'il est nécessaire de questionner le témoin de cette façon si ce
12 type de questions devait se poursuivre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
14 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que ceci découle du paragraphe 11. Je
15 vais essayer de préciser les choses et de reformuler ma phrase.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
17 M. IVETIC : [interprétation]
18 Q. Au paragraphe 11 de votre déclaration, vous avez dit que ces
19 volontaires indisciplinés ne pouvaient être contrôlés et que :
20 "Ils ont dit qu'ils devaient se placer sous contrôle mais qu'ils le
21 refusaient en même temps."
22 Etiez-vous présent lorsque ceci a été communiqué à ces personnes ?
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez-vous nous expliquer tout d'abord les circonstances et comment
25 se fait-il que vous étiez présent lorsque cela a été communiqué à ce groupe
26 de volontaires ou de paramilitaires indisciplinés ?
27 R. J'étais à une vingtaine de kilomètres de Foca. J'avais été convié à
28 venir par le commandant du 5e Bataillon. Il m'a dit, et je cite : "Simovic,
Page 24378
1 prenez dix hommes avec vous, allez en ville, faites rapport au commandant
2 de la police militaire, et vous y recevrez des instructions. Les criminels
3 de Belgrade semblent avoir commencé à créer des problèmes une fois de
4 plus." J'ai donc pris avec moi dix soldats. Je me suis rendu sur place, je
5 me suis présenté à la police militaire, et environ une cinquantaine d'entre
6 nous, des soldats, nous sommes rendus dans cette région où ils étaient
7 stationnés. Et le commandant de la police militaire a dit : "Si vous ne
8 vous mettez pas sous notre contrôle, vous avez deux heures pour partir.
9 Pour vous en aller." Cela ne leur a pas plu, et ils nous ont dit qu'ils
10 sont venus sur place pour se battre pour la population serbe. Et l'un
11 d'entre eux dans les premiers rangs a dit quelque chose, et je lui ai
12 répondu parce que j'étais là en lui disant : "Eh bien, vous n'êtes pas venu
13 vous battre pour la population mais pour la piller." Et les ordres que
14 j'avais reçus étaient de les tuer s'ils refusaient d'obéir. Ils ont vu ce
15 groupe de 50 soldats positionné un petit peu plus loin, et j'étais là, moi,
16 juste devant eux. Et ils m'ont dit : "Eh bien, nous allons partir, nous ne
17 fonctionnerons pas selon nos règles. Nous partons, mais nous reviendrons.
18 Vous avez tué un de nos soldats et nous allons le venger." Et ensuite, je
19 leur ai dit, et je cite : "Partez, et si vous revenez, nous serons là à
20 vous attendre."
21 Q. Et enfin, je voudrais me concentrer sur le paragraphe --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous me
23 permettez, je voudrais poser une question Vous avez dit que vous aviez reçu
24 l'ordre de les tuer s'ils refusaient d'obéir. Est-ce que vous n'avez
25 simplement pas respecté cet ordre, si j'ai bien compris votre déclaration ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas obéi à cet ordre parce que
27 l'ordre était le suivant : s'ils refusaient de quitter la ville, nous
28 devions les tuer; mais s'ils s'en allaient, il est évident que cet ordre ne
Page 24379
1 pouvait s'appliquer.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
3 M. IVETIC : [interprétation]
4 Q. Je voudrais maintenant que l'on s'intéresse au paragraphe 12, où vous
5 parlez d'un officier de la police militaire, Malis. Pourriez-vous nous
6 donner des détails sur ce qu'il a fait pour essayer de résoudre le problème
7 que posaient ces personnes ?
8 R. Le 30 juin 1992, la Brigade de Foca de la VRS a été créée. Et jusque-là
9 nous n'avions que la Défense territoriale. M. Malis avait été nommé
10 commandant de la police militaire et de nouvelles tâches ont été attribuées
11 au détachement de Dragan Nikolic. Je sais cela, mais je n'ai rien vu moi-
12 même car c'était à lui de s'occuper de ces choses. Et après le mois de
13 juin, en juillet ou juin, je ne me souviens pas exactement, il y a une
14 autre formation qui est arrivée dans la ville de Foca, probablement dans le
15 même objectif que les précédents. Il était là, prêt à les recevoir, et il
16 leur a dit qu'ils ne devraient pas se trouver à Foca et qu'ils n'avaient
17 que le temps de remballer leurs affaires et de partir. Je sais qu'ils ont
18 tiré sur sa voiture et que trois de ces hommes ont été arrêtés et emmenés
19 au KP Dom. Et sept ou huit autres personnes qui étaient là ont disparu, se
20 sont enfuies, et elles sont jamais revenus dans la ville.
21 Q. Monsieur, au nom de mon client et de mon équipe, je vous remercie
22 d'avoir répondu à ces questions. Cela termine votre interrogatoire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.
24 Monsieur Traldi, avant que vous ne commenciez votre contre-interrogatoire,
25 j'aurais quelques questions à poser au témoin.
26 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez connaissance, là où vous nous
27 dites que vous portiez des jeans et rien d'autre, est-ce que vous aviez
28 connaissance de Serbes qui auraient été armés et à qui on aurait distribué
Page 24380
1 des armes dans la région de Foca ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas vraiment votre question,
3 Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit : Je portais des jeans, et
5 nous n'avions rien. Et vous avez expliqué dans le contexte de
6 l'organisation, de l'organisation militaire des Musulmans, ce qui était la
7 situation. Ma question est la suivante : est-ce que vous étiez au courant
8 du fait que des armes auraient été distribuées à des Serbes et/ou que des
9 Serbes auraient été armés ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deuxième question : avez-vous jamais
12 arrêté qui que ce soit en tant que prisonnier de guerre ? Soit vous-même,
13 soit votre unité ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner les détails ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le cadre de nombreuses opérations de
17 combat, nous nous sommes battus contre les soldats de l'ennemi à diverses
18 occasions, et quelquefois nous avons fait des prisonniers.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qu'est-ce que vous avez fait des ces
20 prisonniers ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, nous avions donc un
22 ordre qui nous avait été donné, à savoir que les prisonniers de guerre
23 devaient être traités avec dignité, indépendamment du fait qu'ils étaient
24 des ennemis. C'est ce que j'ai dit. Le commandement Suprême avait donné cet
25 ordre. Et nous devions les traiter conformément à la convention de Genève.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous donner un exemple d'une
27 personne qui aurait été fait prisonnier de guerre et ce que vous avez fait
28 de cette personne ?
Page 24381
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un soldat. Nous
2 faisions des prisonniers parmi les soldats -- et c'est plus ou moins une
3 estimation --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. Je vous ai
5 posé une question concernant un exemple particulier.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, vous me demandez ce qui se passait
7 lorsque nous faisions des prisonniers. Mon devoir, lorsqu'un soldat ennemi
8 était fait prisonnier, était de le traiter correctement.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. Je vous ai
10 posé une question en vous demandant un exemple particulier, où, qui, quand.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Je m'excuse. Bien, permettez-moi de vous
12 donner un exemple. Il y a eu des heurts à Treskavica. Nous avons, donc, dû
13 adopter un site qui était d'une importance stratégique pour les deux côtés.
14 Nous avons capturé environ 18 combattants musulmans.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand est-ce que cela s'est passé ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993 ou 1994. Je pense que c'était fin
17 1993.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez des exemples pour
19 l'année 1992 ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous vous êtes jamais rendu
22 au KP Dom à Foca ? En avril, mai ou juin 1992 ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez connaissance
25 personnellement de qui était détenu là ? Et j'ai bien avez-vous
26 personnellement connaissance de cela ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous ne pourriez pas nous dire
Page 24382
1 exactement qui étaient détenus là-bas, s'il s'agissait de prisonniers de
2 guerre ou de criminels ou autres --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, je ne sais pas ce qui s'est produit
4 au KP Dom. En tant que soldat, je n'avais pas le droit même de m'y rendre.
5 Je pense qu'en grande partie, les soldats qui avaient tiré sur nous y
6 étaient emprisonnés.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est ce dont vous
8 aviez personnellement connaissance.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais rien du tout sur le KP Dom,
10 malheureusement.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de vos réponses.
12 Monsieur Traldi, êtes-vous prêt à contre-interroger le témoin ?
13 M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez donc poursuivre.
15 Monsieur Simovic, vous allez maintenant être interrogé par M. Traldi,
16 qui est du bureau du Procureur, et qui se trouve à votre droite.
17 Contre-interrogatoire par M. Traldi :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
19 R. Bonjour.
20 Q. Vous êtes membre d'une association de vétérans de guerre, n'est-ce pas
21 ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous aviez un poste dans cette association ?
24 R. Oui.
25 Q. Quel poste occupiez-vous ?
26 R. Je suis président de l'association des vétérans de guerre dans une des
27 associations locales à Foca.
28 Q. Et vous avez signé votre déclaration préalable le 8 juin cette année.
Page 24383
1 Où l'avez-vous signée ?
2 R. A l'association des vétérans.
3 Q. Y avait-il d'autres personnes de présentes en dehors des membres de
4 l'équipe de la Défense ?
5 R. Oui.
6 Q. De qui s'agissait-il ?
7 R. La secrétaire. Elle travaille à l'association des vétérans.
8 Q. J'ai deux questions concernant votre déposition de ce matin. Est-ce que
9 vous avez informé la Défense que vous aviez des échanges personnels avec
10 les membres des forces paramilitaires à Foca?
11 R. Je n'ai pas très bien compris votre question.
12 Q. Je vais la reformuler. Avez-vous informé un des membres de l'équipe de
13 la Défense que vous-même aviez personnellement eu des échanges avec des
14 membres des forces paramilitaires serbes, que vous les aviez rencontrés et
15 que vous leur aviez demandé de partir, comme vous nous l'avez dit ce matin
16 ?
17 R. Je ne m'en souviens pas.
18 Q. Concernant cette réunion dont vous nous avez parlé ce matin, quand
19 s'est-elle déroulée ? A quel moment en 1992 ?
20 R. Elle s'est déroulée devant la salle des sports de Foca parce que cette
21 unité paramilitaire était stationnée dans l'école secondaire de Foca. Nous
22 nous y sommes rendus et leur avons donné l'ordre de partir.
23 Q. Monsieur, peut-être que la question n'était pas tout à fait claire,
24 mais est-ce que vous savez à quel moment en 1992, quel mois, cette réunion
25 s'est déroulée, et non pas où elle s'est déroulée ? Donc, est-ce que vous
26 vous souvenez à quel moment de l'année 1992 cette réunion s'est déroulée ?
27 R. Non. Cela fait déjà 20 ans, Monsieur. Et il y a certaines choses qui ne
28 sont plus très claires dans mon esprit.
Page 24384
1 Q. Et vous avez dit que les paramilitaires avaient jeté l'opprobre et la
2 disgrâce sur les combattants honnêtes à Foca. Comment ?
3 M. TRALDI : [interprétation] Il s'agit donc du compte rendu d'audience
4 provisoire à la page 14.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, nous les appelions les chiens de
6 guerre. Ils n'avaient aucun idéal. Ils n'avaient rien. Leur objectif
7 principal était de faire de l'argent. Je les considérais comme des
8 criminels. Bien, je n'étais pas le seul à le penser. Il s'agissait en fait
9 de criminels qui souhaitaient simplement faire de l'argent, gagner de
10 l'argent, et peu importe par quel moyen. Ils maltraitaient la population,
11 et pas uniquement les Musulmans, mais également les Serbes. Et puis, nous
12 en avons eu assez, et ils ont dû partir.
13 Q. Dans le compte rendu provisoire d'aujourd'hui, à la page 7, lignes 7 et
14 8, vous avez dit :
15 " … à Foca, à mon sens, Monsieur, il n'y avait eu aucun crime."
16 Or, maintenant, vous nous dites qu'il y a eu des crimes qui ont
17 été commis en 1992 à Foca ?
18 R. Je vous parlais là des criminels qui volaient, qui pillaient et qui
19 maltraitaient non seulement les Musulmans, mais également les Serbes. Leur
20 objectif principal était de trouver de l'argent et rien d'autre.
21 Q. Monsieur, pour être parfaitement précis et clair, vous ne vous en tenez
22 pas à votre déposition à savoir qu'il n'y avait pas eu de crimes commis par
23 les forces armées serbes à Foca en 1992. Vous dites maintenant qu'il y a eu
24 des crimes, n'est-ce pas ?
25 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une référence
26 de cela, car je pense que cela va à l'encontre de ce que le témoin a
27 réellement dit.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous peut-être dire au témoin
Page 24385
1 exactement à quoi vous faites référence, Monsieur Traldi.
2 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que je viens d'y faire référence et
3 qu'il a dit lui-même : A mon sens, à Foca, en 1992, il n'y avait pas eu de
4 crimes de commis. Et cela couvrait les crimes de toutes sortes de
5 personnes. Cela figure dans le compte rendu d'audience à la page 7, lignes
6 7 et 8. Monsieur le Président, vous lui avez demandé s'il avait
7 connaissance d'incidents qui étaient reprochés à l'accusé dans l'acte
8 d'accusation, et il a clairement indiqué que : A mon sens, à Foca, il n'y
9 avait pas eu de crimes de commis." Donc, c'est la raison pour laquelle je
10 lui ai dit que cela est incohérent avec sa déposition.
11 M. IVETIC : [interprétation] Et il a parlé également d'autres crimes en
12 dehors de ceux qui figurent dans l'acte d'accusation et qui faisaient
13 l'objet de votre échange avec lui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La déclaration du témoin était de nature
15 générale, même si la question elle-même portait sur les crimes qui étaient
16 reprochés dans l'acte d'accusation, donc c'est la raison pour laquelle je
17 comprends que vous souhaitiez avoir une précision.
18 M. TRALDI : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Et étant
19 donné que le témoin a déposé en disant qu'il n'était pas au courant des
20 crimes qui étaient reprochés dans l'acte d'accusation, je ne comprends pas
21 comment il était possible que, dans sa réponse, il ait pu se limiter à ces
22 crimes uniquement.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces circonstances, vous pouvez
24 poser des questions sur ce point. Veuillez poursuivre.
25 M. TRALDI : [interprétation]
26 Q. Donc, je répète ma question : votre déposition stipule qu'il y avait eu
27 des crimes commis par les forces armées serbes en 1992 à Foca; est-ce exact
28 ?
Page 24386
1 R. Je m'excuse. Monsieur le Président, Monsieur le Procureur, je vous ai
2 peut-être mal compris. Vous me posiez une question et vous m'avez demandé
3 s'il y avait eu des crimes de commis, vous ne m'avez pas parlé d'actes
4 criminels. Si ce que j'entends par là c'est le fait d'incendier une maison,
5 le fait de frapper quelqu'un, et je pense qu'en fait dans la ville ils ont
6 incendié des maisons, ils ont frappé des gens, je ne l'ai pas vu de mes
7 propres yeux, mais j'en ai entendu parler par d'autres personnes. Je vous
8 ai peut-être mal compris. Vous m'avez demandé s'il y avait eu des crimes de
9 commis en 1992. Je vous ai peut-être mal compris. Vous ne m'avez pas parlé
10 d'actes criminels, parce qu'un acte criminel consisterait à maltraiter un
11 soldat ennemi, à incendier une maison, à frapper quelqu'un au cours de la
12 guerre indépendamment de sa religion. Pour moi, cela serait un délit, un
13 acte criminel. Et je suis sûr qu'il y a eu de tels délits commis.
14 Q. [hors micro]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre microphone, Monsieur Traldi.
16 M. TRALDI : [interprétation] Merci. Toutes mes excuses, Monsieur le
17 Président, Messieurs les Juges.
18 Q. Si j'ai bien compris votre déposition il y a quelques instants, vous
19 aviez connaissance de tels délits commis par les forces serbes à Foca; est-
20 ce exact ? Je fais référence, donc, à la déposition.
21 M. IVETIC : [interprétation] Une fois de plus, ceci n'est pas fidèle à la
22 déposition du témoin. Pourrais-je avoir une décision des Juges sur ce point
23 ?
24 M. TRALDI : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit exact.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comprenez-vous l'anglais, Monsieur le
26 Témoin ? Est-ce que vous comprenez l'anglais ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez retirer vos écouteurs quelques
Page 24387
1 secondes.
2 Maître Ivetic, pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure les propos
3 tenus sont contraires à la déposition ?
4 M. IVETIC : [interprétation] A deux reprises, le conseil pour l'Accusation
5 nous a dit que le témoin avait établi un lien entre crimes et forces
6 serbes, ce qui n'est pas ce qu'a dit le témoin, et je demande à ce que vous
7 preniez une décision en ce sens.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Cette fois, les choses sont
9 claires. J'ai bien compris la référence qui a été faite à plusieurs
10 reprises aux forces paramilitaires serbes, qui sont les forces serbes,
11 Maître Ivetic. Si vous n'êtes pas d'accord --
12 M. IVETIC : [interprétation] Mais s'il s'agit de forces paramilitaires
13 serbes, eh bien, ce sont des forces paramilitaires, non pas des forces
14 serbes. C'est quelque chose de différent, plus général. Parce que les
15 forces serbes, ça peut aussi signifier autre chose.
16 M. TRALDI : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je rejette cette objection parce que,
18 pour autant que nous le comprenions, l'explication fournie par le témoin
19 avait trait à des forces militaires serbes.
20 Monsieur Traldi, je vous invite, par conséquent, à continuer d'utiliser ce
21 terme, mais les forces paramilitaires serbes restent des forces serbes.
22 M. IVETIC : [interprétation] Oui, mais vous comprendrez mon objection.
23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
24 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous venez de dire
25 forces militaires serbes à la ligne 16, ce qui est complètement différent.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si c'est le cas --
27 M. IVETIC : [interprétation] Vous l'avez dit. Vous avez dit : Il est
28 possible qu'il y ait une certaine confusion, c'est la raison pour laquelle
Page 24388
1 je demande à l'Accusation d'être plus précise et de s'en tenir à la
2 déposition.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je voulais dire forces armées
4 lorsque j'ai dit forces militaires. J'ai sans doute mal cité la question
5 posée par M. Traldi, qui avait parlé, lui, de forces militaires.
6 Quoi qu'il en soit, Monsieur Traldi, je vous inviterais à établir un lien
7 entre votre question et la déposition du témoin, et toutes mes excuses si
8 j'ai utilisé le terme "militaire". Je voulais dire forces armées et non
9 militaires. Veuillez poursuivre.
10 M. TRALDI : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, le moment est venu de
12 faire une petite pause.
13 Monsieur le Témoin.
14 L'INTERPRÈTE : Le Président Orie fait un geste indiquant au témoin qu'il
15 devrait rechausser ses écouteurs.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le moment est venu de faire une pause de
17 20 minutes, et nous nous retrouverons ici même après la pause. Vous pouvez
18 suivre l'huissier.
19 [Le témoin quitte la barre]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à 11 heures moins cinq.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.
22 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
23 [Le témoin vient à la barre]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, je vous invite à
25 poursuivre.
26 M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Q. Je souhaiterais revenir à la dernière question que je vous posais avant
28 la pause, Monsieur. N'est-il pas exact d'affirmer que vous n'estimez pas
Page 24389
1 qu'aucun crime n'ait été commis à Foca mais que vous savez ou vous avez eu
2 connaissance de crimes commis par les forces paramilitaires serbes à
3 l'encontre de populations non serbes à Foca ? Est-ce exact, Monsieur ?
4 R. Non. Non, je n'ai pas eu connaissance de crimes. En revanche, ce que je
5 sais, c'est que des délits ont été commis. Les crimes, c'est autre chose.
6 Il y a eu les actes de vol, il y a eu des entrées par effraction,
7 cambriolages, incendies criminels. Ce sont des délits, pour autant que je
8 le sache, délits au pénal, et c'est au tribunal qu'il appartient de décider
9 s'il s'agit de crimes ou pas également.
10 Q. Je vais poursuivre et je ne vais pas me livrer à un débat de sémantique
11 pour l'instant.
12 Je propose que nous revenions à un autre élément de votre déposition
13 de ce matin. Vous avez indiqué dans votre déposition que 50 000 personnes
14 venues de Sandzak allaient être envoyées à Foca. C'est ce que vous
15 affirmiez. Mais ça n'a jamais eu lieu, ce déplacement de 50 000 personnes,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Non.
18 Q. Je souhaiterais en revenir à présent à la structure de vos propres
19 forces. Vous indiquez au paragraphe 13 de votre déclaration au préalable --
20 M. TRALDI : [interprétation] D583.
21 Q. -- que votre commandant était Marko Kovac. Il était commandant du
22 Groupe tactique de Foca, n'est-ce pas ?
23 R. A vrai dire, Monsieur, je sais que Marko Kovac était commandant de la
24 Brigade de Foca, qui faisait partie de l'armée de la Republika Srpska.
25 Maintenant, en ce qui concerne ce groupement tactique, moi, je dois dire
26 que je ne sais pas exactement ce que cela signifie. Je ne sais pas comment
27 il a été établi. En revanche, ce que je sais, c'est que Marko Kovac était
28 commandant de la Brigade de Foca, et je le sais parce que je fais partie de
Page 24390
1 l'association des vétérans. Et celle-ci a été établie au mois de juin 1992.
2 Q. Il est donc devenu votre commandant en juin 1992; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Entre-temps, vous aviez été transféré à l'Unité d'intervention de
5 Dragan Nikolic; est-ce exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Au paragraphe 13, vous indiquez que le colonel Kovac était votre
8 commandant et que le commandant au sein de votre unité qui était votre
9 supérieur hiérarchique direct était Brane Cosovic; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Mais les ordres intimés à votre unité provenaient bien du colonel
12 Kovac, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Et le colonel Kovac faisait rapport des activités de votre détachement
15 à son supérieur hiérarchique, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Je souhaiterais examiner un exemple de rapport.
18 M. TRALDI : [interprétation] Pièce 65 ter 30982.
19 Q. Nous voyons ici à l'écran un rapport du colonel Kovac portant la date
20 du 2 août 1992, qui semble avoir été envoyé au commandement du Corps
21 d'Herzegovine depuis le Groupement tactique de Foca, reçu par lien radio et
22 également au centre d'information de Trebinje.
23 M. IVETIC : [interprétation] Manifestement, cela semble venir du centre
24 pour l'information de Trebinje et non pas du groupement tactique.
25 M. TRALDI : [interprétation] En fait, il s'agit d'un document provenant du
26 colonel Kovac. Vous l'avez vu sur un autre document de la semaine dernière,
27 le P6680. C'est le cas également de la pièce à conviction 2835, 2839 et
28 2942 [comme interprété] qui ont été versées au dossier. Donc,
Page 24391
1 manifestement, cela apparaît dans les documents et figure au compte rendu,
2 il ne s'agit pas d'un véhicule de communication inhabituel pour le
3 Groupement tactique de Foca. Mais j'indique en me fondant sur ceci qu'en
4 fait, il s'agit d'un document qui provient du Corps d'Herzégovine. Cela me
5 semble relativement clair.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que la référence à
7 Trebinje soit une référence à ce qui semble être un transfert du contenu
8 par quelque moyen technique que ce soit, qui n'est pas tout à fait
9 identique; c'est-à-dire que l'origine de cet exemplaire-ci en l'espèce --
10 mais là, je vais examiner cela de plus près -- non, en fait, je m'aperçois
11 qu'il est dit Trebinje sur la page.
12 M. TRALDI : [interprétation] Il est dit que cela a été reçu par
13 communication radio, avec indication de la date et de l'heure. Au point de
14 vue technique, c'est ainsi que les choses se présentent.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Manifestement, l'on peut
16 interpréter l'origine du document de différentes manières. Je vous invite à
17 poursuivre, Monsieur Traldi.
18 M. TRALDI : [interprétation]
19 Q. Veuillez reporter votre attention au point 2. Le colonel Kovac indique
20 que :
21 "Les Détachements spéciaux Dragan Nikolic, Zaga et Elez ont libéré Rogoj en
22 imposant des fortes pertes aux Oustachi. Les unités de la TG restantes ont
23 repoussé les attaques des Oustachi."
24 "Des pertes de notre côté : deux soldats tués et deux blessés et deux
25 femmes massacrées."
26 Il s'agit de votre détachement, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Il utilise le terme "Oustacha" pour décrire les forces ennemies. Est-ce
Page 24392
1 que c'est un terme qu'on avait coutume d'utiliser dans vos unités ?
2 R. Excusez-moi, mais je ne comprends pas très bien votre question.
3 Q. Eh bien, je vais la reformuler. Le colonel Kovac utilise le terme
4 "Oustacha" pour décrire les forces ennemies. Est-ce que c'est un terme
5 qu'on avait coutume d'utiliser dans votre unité et les autres unités avec
6 lesquelles votre unité coopérait, pour autant que vous le sachiez ?
7 R. Moi, je ne sais qu'une seule chose, nous appelions les soldats ennemis
8 Oustachi.
9 Q. Il fait référence à Rogoj. Le col de Rogoj, c'est un point stratégique
10 d'importance, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Son importance est liée au fait que cela permet de maîtriser ou de
13 contrôler le passage de Sarajevo à Foca ?
14 R. Oui.
15 Q. Il fait état du fait que votre détachement a participé à cette action.
16 Y avez-vous participé vous-même également à titre personnel ?
17 R. Oui.
18 Q. Ayant entendu la réponse que vous apportée à la question posée par le
19 président il y a quelques instants, pour autant que vous le sachiez, votre
20 détachement n'a pas pris de prisonniers au cours de cette opération; est-ce
21 exact ?
22 R. Oui.
23 M. TRALDI : [interprétation] Je demande le versement au dossier de la pièce
24 à conviction 30982, 65 ter.
25 M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière [comme interprété].
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30982 portera la pièce
28 P6684, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
Page 24393
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.
2 M. TRALDI : [interprétation]
3 Q. Je souhaiterais à présent vous poser quelques questions à propos du
4 détachement à proprement parler. Où avait-il son QG ?
5 R. A l'hôtel Zelengora, à Foca, dans une pièce.
6 Q. Dans quel quartier cela se trouve-t-il ?
7 R. Au centre de la ville.
8 Q. Radomir Kovac était membre de votre unité; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. On le surnommait Klanfa ?
11 R. Oui.
12 Q. Dans le dernier document que nous avons vu, nous avons vu que votre
13 unité avait participé à des opérations avec le détachement de Zaga, dont le
14 commandant était Dragomir Kunarac; est-ce exact ?
15 R. Je ne connais que son surnom, Zaga. Je ne connais pas son patronyme.
16 Q. Ce détachement incluait certains combattants venus du Monténégro,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Il était établi au 16 Ulica Osmana Dikica. Désolé si s'écorche le nom,
20 mais j'espère que vous arrivez à en faire lecture au compte rendu. Est-ce
21 que c'est exact, c'est bien là qu'était établi ce détachement ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'y être vous-même ?
24 R. Non.
25 Q. M. Kunarac a été condamné par ce Tribunal pour des crimes à Foca, y
26 compris des crimes à l'encontre de femmes commis dans cette maison-là.
27 Aviez-vous connaissance de ce fait ?
28 R. Je ne savais pas à ce moment-là ce que cette unité appelée Zaga
Page 24394
1 faisait. Rien de tout cela me semble inédit, mais il est apparu que cet
2 homme-là a été condamné par ce Tribunal-ci. Je ne sais pas quelle a été sa
3 condamnation, mais j'aimerais vous livrer mon avis, si vous m'y autorisez.
4 Q. Non. Tout ce que je vous demande, c'est si vous étiez au courant du
5 fait qu'il avait été condamné. Mais ayant entendu votre réponse,
6 manifestement vous étiez au courant. Et dans le dernier document, il
7 apparaissait que son unité, tout comme la vôtre, recevait ses ordres du
8 colonel Kovac, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Donc, ça n'était pas un de ces détachements qui n'avaient aucun
11 commandement ? Il était bien commandé par la Brigade ou le Groupement
12 tactique de Foca, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Dans ce même document, nous avons pu voir que votre unité avait
15 participé à des opérations conjointement avec le Bataillon Elez, commandé
16 par Pero Elez; est-ce exact ?
17 R. Oui.
18 Q. Le Bataillon de Miljevina, ou bien le 7e Bataillon; est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Un de ses hommes était Radovan Stankovic; est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Son surnom était Rasa ?
23 R. Je ne connaissais pas son surnom.
24 Q. Et lui, vous le connaissiez ?
25 R. De vue uniquement.
26 Q. M. Stankovic a été condamné en Bosnie pour crimes commis à Foca, y
27 compris des crimes à l'encontre de femmes commis à la maison Karaman à
28 Miljevina. Etiez-vous au courant de cette condamnation ?
Page 24395
1 R. Je n'ai pas connaissance de crimes commis à Miljevina. Je sais qu'il a
2 été condamné par ce Tribunal-ci.
3 Q. M. Kovac, dont nous avons parlé il y a quelques instants, de votre
4 unité, il vivait bien dans le bloc Lepa Brena à Foca; est-ce exact ?
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il s'agit de Dragomir ou de Marko ?
6 M. TRALDI : [interprétation] Toutes mes excuses.
7 Q. Radomir Kovac faisait partie de votre unité, il vivait dans les
8 appartements de Lepa Brena à Foca; est-ce exact ?
9 R. Là, quelque part, pas loin du centre. Je ne sais pas exactement où,
10 mais là, autour du centre.
11 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous rendre à l'endroit où il
12 résidait en 1992 ?
13 R. Non.
14 Q. Et vous savez également, n'est-ce pas, que M. Kovac a été condamné par
15 ce Tribunal pour crimes commis à l'encontre de femmes à Foca dans son
16 appartement, entre autres; est-ce exact ?
17 R. Moi, je n'avais pas connaissance de ces crimes. Ils ont très
18 probablement été condamnés, mais nos supérieurs n'en savaient rien
19 probablement. C'était strictement interdit pour nous en tant que soldats.
20 Ce Kovac est retourné en ville, et j'ai dit que je ne le laisserais jamais
21 partir. J'avais demandé, ils ne l'avaient pas condamné, avais-je dit, une
22 peine suffisamment lourde. Connaissant nos supérieurs. Je veux dire, après
23 tout ce qu'il a fait, c'est une honte pour moi, une infamie pour moi en
24 tant que soldat, mes officiers, mes commandants. Et je le lui ai dit,
25 d'ailleurs, personnellement, droit dans les yeux. Il est en ville. J'ai dit
26 : Si j'étais ton juge, je t'aurais mis sur la chaîne électrique, et
27 j'aurais non pas appuyé sur le bouton une fois mais plusieurs fois. J'ai
28 dit qu'aucun supérieur ne savait de ses crimes. Pas 70 mais 95 % des
Page 24396
1 soldats étaient --
2 Q. Nous n'avons pas entendu la fin de votre intervention. Quatre-vingt-
3 quinze pour cent des soldats étaient, disiez-vous.
4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que rien d'autre n'a été dit.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'essaie de vous dire, c'est que les
6 soldats comme lui-même étaient une infamie pour les soldats honorables de
7 la ville de Foca et pour les officiers, ils ne respectaient pas le
8 commandement. Et si moi, on m'avait demandé --c'est ce que je lui ai dit
9 d'ailleurs, hein, droit dans les yeux, et je peux vous le jurer ici devant
10 le Seigneur, je lui ai dit : "Tu en es vraiment bien sorti. Parce que si
11 j'avais été moi ton juge, j'aime autant dire que je t'aurais mis dans la
12 chaise électrique et j'aurais appuyé trois fois sur le bouton, pas une
13 seule fois," parce que vraiment c'était une honte pour nous tous en tant
14 que guerriers ce qu'il a fait. Il n'a pas suivi les ordres de nos
15 supérieurs hiérarchiques, de nos officiers, et il a jeté le discrédit et
16 l'infamie sur les combattants honorables de l'armée de la Republika Srpska
17 en général. Certains combattants comme Kovac. Et il n'a pas été condamné
18 comme ça à la légère à ce Tribunal. Connaissant nos supérieurs, sachant à
19 quel point ils étaient rigoureux quand il s'agissait de prendre des
20 mesures, manifestement ça s'est fait en secret. Et connaissant le
21 commandant Branimir Cosovic, si l'on avait eu connaissance de ces crimes,
22 je peux jurer devant ce Tribunal et devant Dieu, que si j'avais été son
23 juge et bourreau, je l'aurais fait même si ça m'aurait entraîné à passer le
24 reste de mes jours en prison.
25 M. TRALDI : [interprétation]
26 Q. Manifestement, les crimes de M. Kovac suscitent chez vous de fortes
27 émotions. J'aurais deux questions spécifiques qui ont trait à la réponse
28 que vous venez de nous apporter. La première question, vous avez dit dans
Page 24397
1 votre déposition tout à l'heure que les paramilitaires avaient jeté le
2 discrédit et la honte sur les autres combattants honorables de la VRS dans
3 la municipalité de Foca. Il ne s'agissait pas simplement de paramilitaires,
4 n'est-ce pas ? Il y avait également des membres de la VRS qui avaient jeté
5 le discrédit et l'infamie sur les combattants honorables; est-ce exact ? En
6 commettant des crimes ?
7 R. Oui.
8 Q. Deuxièmement, vous nous avez livré l'avis que vous aviez du commandant
9 Cosovic, j'en prends bonne note, mais vous ne savez pas à titre personnel
10 ce qu'il savait ou ne savait pas des crimes commis par M. Kovac en 1992,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Non, mais connaissant cet homme, mon commandant, sachant le nombre de
13 fois qu'il nous a dit qu'il fallait que nous ne fassions rien de
14 critiquable, aucune infraction au code de la guerre, je ne peux rien dire.
15 Donc, on ne peut pas dire que je ne l'ai pas remarqué. Parce que,
16 connaissant mon général, sa personnalité, connaissant mes officiers, mes
17 généraux, si l'on avait su, et encore une fois, je jure devant Dieu, moi je
18 crois en Dieu -- je crois en Dieu, et lui, il a purgé sa peine, la peine
19 qui lui a été imposée par le Tribunal de La Haye, il devait bien y avoir
20 une raison pour qu'on lui inflige cette peine. Si moi j'avais su, si nous
21 avions su ce qui s'était passé, excusez-moi, je m'emporte, je m'emporte,
22 mes émotions prennent le pas sur la raison, mais il doit faire face au
23 jugement du Tout Puissant comme tout le monde. Le destin qu'il a connu ici
24 sur terre et ensuite devant Dieu, eh bien, nous verrons bien ce qu'il
25 adviendra, ainsi soit-il.
26 Q. Il n'a pas été puni pendant la guerre par ses commandants, n'est-ce pas
27 ?
28 R. Monsieur le Procureur, nous à l'unité, vous disais-je, ne savions pas
Page 24398
1 qu'il commettait ces crimes.
2 Q. En fait, j'ai mentionné plusieurs personnes qui ont été condamnées
3 après la guerre des unités de Foca de la VRS. Aucun n'a été puni pour les
4 crimes commis pendant la guerre, puni ni par les commandants ni par les
5 tribunaux militaires pour les crimes commis ?
6 R. Toutes mes excuses, mais est-ce que vous pourriez expliquer votre
7 question ?
8 Q. Oui. Je vais essayer d'être plus précis. M. Stankovic, M. Kunarac, M.
9 Kovac, j'ai cité leurs noms. Ils ont été condamnés après la guerre. Ils
10 faisaient partie des unités de la VRS à Foca pendant la guerre. Aucun
11 d'entre eux n'a été puni pendant la guerre, que ce soit par leurs
12 supérieurs hiérarchiques ou par des tribunaux militaires, pour des crimes
13 qu'ils ont commis. C'est exact d'affirmer cela, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Si nous avions su qu'ils avaient fait cela -- bon, ça n'avait
15 probablement pas été porté à la connaissance de nos supérieurs. Mais si ça
16 avait été le cas, pour que quelqu'un fasse un truc de ce genre, bien
17 entendu, il faut qu'il le fasse sous le sceau du secret, parce que mauvais
18 traitement à la population civile c'était quelque chose qui était
19 strictement interdit. Les ordres étaient affichés sur les murs. Et ils
20 violaient ces règles. Moi, je n'en ai pas eu connaissance, et je pense que
21 mes supérieurs hiérarchiques ne le savaient pas non plus. Mes supérieurs
22 hiérarchiques étaient très rigoureux. Manifestement, ils ont fait cela de
23 manière secrète, et c'est pour cela que je vous disais que des gens comme
24 ça - comment est-ce que je peux les appeler ? - ici, en public dans ce
25 prétoire, ces gens, je les décrirais sans âme, ils ont fait honte pour moi,
26 pour l'armée de la Republika Srpska. Et pour les trois hommes que je vois
27 ici, vous ne pouvez pas dire que tous les combattants de Foca et le
28 commandement étaient du même acabit que ces trois types-là. Toutes mes
Page 24399
1 excuses, hein. Mais bon, voilà, j'ai dit ce que j'avais à dire et je l'ai
2 dit au Procureur. Et toutes mes excuses, Messieurs les Juges, s'il y a eu
3 un malentendu, si l'on a mal compris mes propos.
4 Q. Exception faite de ces individus, aucun autre membre de votre unité n'a
5 été sanctionné au cours de la guerre pour actes illicites commis à
6 l'encontre de populations musulmanes; est-ce exact?
7 R. Ces trois-là n'ont pas été sanctionnés. On ne savait pas qu'ils avaient
8 commis ces délits. Croyez-moi, les soldats, on les punissait quand on
9 savait qu'ils s'étaient rendus coupables de violation des ordres,
10 s'agissant notamment des cessez-le-feu. Parfois, ils étaient condamnés à
11 deux mois ou autre pour ce genre de crime. En tout cas, ils devaient rendre
12 des comptes auprès de la chaîne hiérarchique. Si mes supérieurs
13 hiérarchiques en avaient eu connaissance, ils auraient été amenés à leur
14 rendre des comptes.
15 Q. Je propose à présent que nous passions à un autre sujet.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur Traldi, de
17 poser une question à propos du sujet que vous évoquiez il y a quelques
18 instants.
19 Monsieur le Témoin, permettez-moi de revenir à votre déposition à propos de
20 M. Kunarac. Il s'agit de la page 31, lignes 20 et 21 du compte rendu. Vous
21 dites :
22 "A ce moment-là, je ne savais pas ce que cette unité, l'unité appelée Zaga,
23 faisait."
24 J'ai compris la phrase suivante comme voulant dire aucun de ses supérieurs
25 ne le savait. Ça n'est pas ce qui figurait au compte rendu, mais c'est ce
26 que j'ai entendu. Est-ce que je répète fidèlement ce que vous nous avez dit
27 ? Aucun de ses supérieurs à lui ne le savait ? C'est bien ce que vous avez
28 dit, Monsieur ?
Page 24400
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Lorsque -- enfin, excusez-moi, mais…
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Permettez-moi de vous poser ma
3 question. Comment savez-vous qu'aucun des supérieurs hiérarchiques de M.
4 Kunarac n'avait connaissance des crimes commis par lui ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais si l'un de nos supérieurs hiérarchiques
6 avait su qu'il avait commis ces crimes, alors cela revient à dire que nos
7 supérieurs hiérarchiques étaient des criminels eux aussi. Or, nos
8 supérieurs hiérarchiques interdisaient très strictement toutes sortes
9 d'actes de ce type. Alors, bien sûr, moi, je n'ai pas assisté à leurs
10 conversations, mais je peux vous dire qu'à mon avis, aucun de nos
11 supérieurs hiérarchiques n'a jamais été mis au courant de ses actes.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup de cette précision.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une autre question, s'il vous plaît.
14 Est-ce que vous pouvez citer quelqu'un qui a été sanctionné par vos
15 supérieurs hiérarchiques pour une infraction au pénal commise ? Vous pouvez
16 répondre toute simplement par "oui" ou par "non".
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 M. TRALDI : [interprétation]
20 Q. J'aimerais maintenant passer au sujet des prisonniers. Vous avez
21 déclaré à la page du compte rendu d'audience provisoire 19 que votre unité
22 a capturé un certain nombre de prisonniers pendant une opération qui s'est
23 déroulée à Treskavica en 1993. Cela est-il exact?
24 R. Oui.
25 Q. Où avez-vous emmené ces prisonniers ?
26 R. Nous les avons emmenés au QG, puisqu'ils avaient été pris prisonniers
27 au cours des opérations sur le terrain. Nous avons capturé, me semble-t-il,
28 quelque 22 soldats. Nous avons fait savoir à la police militaire que nous
Page 24401
1 avions capturé quelque 22 soldats, puisque c'était là la procédure prévue.
2 Si tu captures un soldat, il faut le signaler à la police militaire. Donc,
3 nous avons remis ces prisonniers entre les mains de la police militaire et
4 elle les a emmenés au KP Dom. Donc, voilà, moi, j'ai fait mon devoir de
5 soldat. Si jamais je capturais un soldat, j'étais censé le signaler à la
6 police militaire, qui alors reprenait ce prisonnier et s'occupait de lui,
7 et c'est ce que j'ai fait.
8 Q. Vous avez déclaré ne pas avoir capturé de prisonniers pendant les
9 opérations qui se sont déroulées à Foca. Aviez-vous un ordre similaire à
10 cet égard, à savoir que si vous veniez à prendre des prisonniers, il
11 fallait les remettre entre les mains de la police militaire pour que celle-
12 ci les amène au KP Dom à Foca ?
13 R. Mais il ne s'agissait pas uniquement de la police militaire. Toute
14 unité ayant capturé un soldat était censée le remettre entre les mains de
15 la police militaire, et puis la police militaire les transférait sans doute
16 sur un ordre émanant de nos supérieurs hiérarchiques au KP Dom ou ailleurs
17 en fonction des ordres donnés.
18 Q. Les Juges de la Chambre se sont vus présenter des éléments de preuve
19 émanant de l'Accusation comme de la Défense et montrant que les personnes
20 détenus au KP Dom comprenaient des personnes âgées, des femmes et des
21 enfants, entre autres. Cela est vrai, n'est-ce pas ?
22 R. Je ne suis jamais entré dans l'enceinte du KP Dom. L'entrée m'était
23 strictement interdite. Je n'avais même pas le droit de m'approcher du KP
24 Dom. J'étais un soldat et mon devoir consistait à exécuter des ordres.
25 Alors, je ne sais vraiment pas qui se trouvait au KP Dom, mais je n'ai pas
26 pris ces catégories de personnes comme prisonniers, et je serais fort
27 étonné d'apprendre que des vieillards aient été amenés au KP Dom. Tout ce
28 que je peux vous dire, tout ce dont je peux parler, ce sont ces soldats que
Page 24402
1 nous avons capturés pendant les opérations de combat. Moi, j'ai rejoint les
2 lignes lorsque la ville est tombée. Je ne sais pas, je ne sais rien au
3 sujet de ces personnes âgées.
4 Q. Très bien. Penchons-nous, alors, sur le document 14066 de la liste 65
5 ter. Nous voyons une liste énumérant des prisonniers de guerre
6 d'appartenance ethnique musulmane. Ces personnes sont relâchées du KP Dom
7 de Foca. Ils sont censés être échangés contre des Serbes capturés. La date
8 de ce document c'est le 8 décembre 1992. Alors, j'aimerais que vous preniez
9 connaissance de cette liste pendant quelques instants, et une fois que vous
10 l'aurez lue, veuillez me le signaler, s'il vous plaît.
11 R. J'ai lu la liste.
12 Q. Ces personnes échangées, à en juger par l'année de leur naissance,
13 toutes ces personnes ont plus de 50 ans, n'est-ce pas ?
14 R. Je ne connais pas ces personnes. Je ne sais pas qui les a faites venir.
15 Q. Mais vous voyez l'année de naissance qui est indiquée pour chaque
16 personne et vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'à l'époque chacune de
17 ces personnes avait plus de 50 ans ?
18 R. Oui.
19 Q. Et voyez-vous le texte qui figure au-dessous, où il est indiqué :
20 approuvé par le commandant du Groupement tactique de Foca, Kovac ?
21 R. Oui.
22 Q. Par ailleurs, nous voyons que le tampon de la poste militaire,
23 Groupement tactique de Foca, est apposé sur le document ?
24 R. Oui.
25 M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le
26 versement au dossier de ce document.
27 M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, le témoin a déclaré
28 n'avoir aucune connaissance de ce document ou de sa teneur, et, par
Page 24403
1 conséquent, je ne pense pas qu'il y ait de base pour admettre le document
2 par le biais de ce témoin.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela vous poserait problème
4 si le document était versé au dossier directement, Maître Ivetic ? Cela se
5 fait souvent lorsqu'un témoin a parlé des choses liées au document.
6 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que la procédure à suivre est quelque
7 peu différente, mais j'aimerais que nous nous pliions aux orientations que
8 vous aviez données précédemment.
9 M. TRALDI : [interprétation] Mais moi, je les interprète un peu
10 différemment. Ici, le document met en doute directement la crédibilité de
11 la déposition faite par le témoin, par exemple, sa croyance que les
12 personnes du KP Dom étaient toutes des combattants. C'est pourquoi le
13 document peut être admis au dossier pendant le contre-interrogatoire. Ce
14 procédé a été suivi pendant la présentation des moyens de l'Accusation.
15 M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que la façon
16 dont l'Accusation caractérise le document n'est pas correcte. A la première
17 ligne du document, il est indiqué qu'il s'agit des "prisonniers de guerre"
18 qui sont censés être échangés. Il faut être combattant pour être échangé,
19 donc, par conséquent, ce document ne mine pas la crédibilité du témoin.
20 M. TRALDI : [interprétation] Mon argument est le suivant : l'ABiH n'était
21 sans doute pas composée des hommes qui avaient plus de 50 ans, et donc,
22 l'âge des personnes énumérées ici est important et c'est pourquoi je mets
23 l'accent dans ma question sur ce point.
24 M. IVETIC : [interprétation] Mais, Messieurs les Juges, cela ne revient pas
25 à remettre en question la crédibilité du témoin. Donc, le document n'a pas
26 été présenté aux fins indiquées par l'Accusation.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, est-ce que vous êtes
28 d'accord pour dire que ce document, peut-être ne met pas directement en
Page 24404
1 doute la crédibilité du témoin, mais qu'il concerne les sujets liés à la
2 teneur de sa déposition ?
3 M. TRALDI : [interprétation] Je suis d'accord avec cette façon de formuler
4 la chose. Et, en fait, l'un des liens qui existent, c'est justement le
5 manque de crédibilité du témoin.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'objection est rejetée.
7 Madame la Greffière.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 14066 recevra la cote
9 P6685, Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P6685 est admise au dossier.
11 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que les Juges de la Chambre se
12 prononcent sur le sujet : est-ce que les Juges estiment que ces documents
13 minent la crédibilité du témoin et est-ce que des documents de ce type
14 peuvent être versés directement au dossier ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, nous n'allons pas rendre une
16 décision à ce sujet. On a demandé le versement au dossier du document, les
17 deux parties ont présenté leurs arguments sur la chose, et l'objection a
18 été rejetée.
19 M. IVETIC : [interprétation] Mais est-ce que je peux avoir des motifs de
20 votre décision aux fins du compte rendu d'audience pour quelle raison mon
21 objection a-t-elle été rejetée ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons étudier votre requête,
23 Maître Ivetic.
24 Vous pouvez poursuivre maintenant.
25 M. TRALDI : [interprétation]
26 Q. Maintenant, j'aimerais passer à quelques autres questions qui
27 concernent la municipalité de Foca. Avant la guerre, la municipalité de
28 Foca avait une majorité musulmane au niveau des habitants ?
Page 24405
1 R. [aucune interprétation]
2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise demande au témoin de
3 se rapprocher du micro.
4 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, les interprètes ont
6 du mal à vous entendre. Pouvez-vous, s'il vous plaît, vous rapprocher du
7 micro. Et veuillez répéter votre réponse.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous présente mes excuses. D'après mes
9 connaissances, suite au recensement qui a été fait en 1991, 51 % de la
10 population étaient des Musulmans et 49 % étaient des Serbes.
11 M. TRALDI : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le document
12 02559B de la liste 65 ter. C'est justement un extrait du recensement qui a
13 été fait. Une fois le document affiché à l'écran, je vais demander que l'on
14 présente au témoin la page 2 dans la version B/C/S. Quant à la version
15 anglaise, seul le texte qui figure dans les colonnes a été traduit. Nous
16 n'avons pas demandé au service de traduction de traduire les chiffres, cela
17 ne semblait pas utile. Alors, j'aimerais que l'on agrandisse le milieu de
18 la page où l'on voit le sous-titre "Foca", et peut-être sera-t-il utile de
19 n'afficher que la version en B/C/S.
20 Q. Alors, voyez-vous le sous-titre "Foca" ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut faire monter le document un
22 petit peu, s'il vous plaît, pour que nous puissions voir justement les
23 sous-titres et le texte qui figure dans les colonnes. Voilà.
24 M. TRALDI : [interprétation]
25 Q. Voyez-vous le mot "Foca" qui figure en bas de l'écran ?
26 R. Oui.
27 Q. Et si vous regardez à droite de l'écran, vous y verrez le numéro 24,
28 n'est-ce pas ? C'est la ligne 24 ?
Page 24406
1 R. Oui.
2 M. TRALDI : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 3, tout
3 en gardant la ligne 24. Et il nous faudra encore voir le texte qui figure
4 dans les colonnes.
5 Q. Alors, sur votre gauche, vous voyez : nombre total, 40 513, dont 20 790
6 Musulmans, 18 315 Serbes et un nombre peu important de personnes
7 appartenant à d'autres groupes ethniques. Cela concorde avec vos souvenirs
8 à savoir que la municipalité comptait quelque 51 % des Musulmans à l'époque
9 ?
10 R. Je suis désolé si je me suis trompé au niveau des chiffres. J'avais cru
11 qu'il y a eu 51 % des Musulmans et 49 % des Serbes. Peut-être que je me
12 suis trompé, je ne connais pas ces pourcentages cités ici, 23, 18 puis
13 48,52. Il faudrait faire des calculs mentalement.
14 Q. Ce n'est pas ce que je vous demande de faire, Monsieur. Je vous suggère
15 qu'en fait, les chiffres sont conformes à vos souvenirs et correspondent
16 plus ou moins aux chiffres que vous avez cités, à savoir 51 % des Musulmans
17 et 49 % des autres, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le
20 versement au dossier de cet extrait.
21 M. IVETIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à soulever.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 02559B recevra la cote
24 P6686, Messieurs les Juges.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P6686 est admise au dossier.
26 M. TRALDI : [interprétation]
27 Q. Avez-vous remarqué, à quelque moment que ce soit, que la plupart des
28 Musulmans ont quitté Foca ?
Page 24407
1 R. Je n'étais pas présent au moment où la ville a été prise. Je pense
2 qu'une partie de la ville a été libérée vers -- je ne me souviens plus.
3 Est-ce que cela s'est passé vers la fin du mois de mars ? Je sais que les
4 forces musulmanes à Foca étaient très puissantes, et la plupart de ces
5 forces sont entrées en combat avec nos forces. Et au moment où les
6 Musulmans ont compris qu'ils allaient perdre ce combat, ils se sont repliés
7 vers Ustikolina, où la plupart des habitants étaient Musulmans. Mais
8 beaucoup de Musulmans honnêtes sont restés dans la ville même après le
9 repli des forces musulmanes.
10 Q. Mais même la grande majorité des Musulmans que vous décrivez comme des
11 Musulmans honnêtes ou de braves hommes, ils sont partis de Foca pendant la
12 guerre, ils ont quitté Foca, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Et pourtant, ce n'est pas un fait que vous évoquez dans votre
15 déclaration préalable, n'est-ce pas ?
16 R. Ici ?
17 Q. Oui, dans ce texte.
18 R. Non.
19 Q. Les Juges se sont vus présenter des éléments de preuve montrant que les
20 dirigeants serbes de Foca -- à savoir, Miroslav Stanic, puisque c'est lui
21 qui a été le président de la cellule de Crise et par la suite le président
22 du Comité de guerre, n'est-ce pas?
23 R. Je n'ai pas très bien compris votre question.
24 Q. C'est parce que je n'ai pas terminé ma phrase. Miroslav Stanic a exercé
25 les fonctions du président de la cellule de Crise à Foca et par la suite il
26 a occupé le poste du président de la Commission de guerre, n'est-ce pas ?
27 R. Oui. Il a été président de la cellule de Crise.
28 Q. Et Petko Cancar, il faisait lui aussi partie des dirigeants serbes à
Page 24408
1 Foca, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, il a exercé des fonctions d'un type ou d'un autre, mais croyez-
3 moi, je ne sais pas exactement quel poste il a occupé. Moi, j'étais un
4 soldat. Et eux, ils étaient des civils.
5 Q. Vous dites : Ils étaient des civils, et nous, nous étions des soldats.
6 Mais pendant la période où c'était la Défense territoriale qui existait à
7 Foca, M. Stanic avait son mot à dire quand il s'agissait de ces forces,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Je pense que ce monsieur, Miroslav Stanic, a exercé les fonctions du
10 président de la cellule de Crise à Foca.
11 Q. Lorsque les unités de la VRS ont été mises sur pied, il y a eu cette
12 distinction : lui et les autres représentants des autorités civiles était
13 une chose, et vous, vous étiez soldats, c'était autre chose ?
14 R. Oui. Je ne sais pas exactement quels types de fonctions ces gens
15 exerçaient. Ils étaient assis dans leurs bureaux sans doute. Je n'ai jamais
16 même eu l'occasion de les voir.
17 Q. Monsieur, veuillez, s'il vous plaît, répéter votre réponse. Les
18 interprètes ne vous ont pas très bien entendu.
19 R. Je vous dis que moi, j'ai fait la guerre. J'ai été dans les rangs de la
20 VRS. Alors, quel rôle ont-ils eu à jouer pendant la mise sur pied de la
21 VRS, je ne le sais pas. Je sais tout simplement que Stanic a été le
22 président de la cellule de Crise. Et je sais que Petar Cancar exerçait, lui
23 aussi, des fonctions, mais je ne sais pas exactement quels types de
24 fonctions il exerçait. Moi, j'étais un soldat et je ne m'occupais pas de le
25 savoir. Mais je sais pour Miroslav Stanic. Je me souviens très bien de
26 cela.
27 Q. Les Juges de la Chambre ont étudié des éléments de preuve montrant que
28 les dirigeants serbes de Foca, y compris ces deux hommes-là, parlaient
Page 24409
1 ouvertement du départ de la grande majorité des Musulmans du territoire de
2 la municipalité de Foca, voire du départ de tous les Musulmans. Donc, les
3 Musulmans ont continué à quitter le territoire de la municipalité, y
4 compris les Musulmans que vous avez décrits comme étant des Musulmans
5 honnêtes, et ce processus s'est poursuivi bien après la prise du pouvoir au
6 mois d'avril, n'est-ce pas ?
7 R. Je dois présenter mes excuses aux Juges de la Chambre. Moi, je n'ai
8 jamais dit que ces deux hommes-là ont chassé la population musulmane de
9 Foca, comme le suggère le Procureur, si j'ai bien compris ses propos.
10 Q. Peut-être qu'il y a eu un problème au niveau de l'interprétation. Je
11 vais tout simplement répéter ma question, si vous êtes bien d'accord avec
12 moi.
13 Voilà ce que j'ai dit : Les Juges de la Chambre se sont vus présenter
14 des éléments de preuve, qu'il s'agisse de témoignages ou de preuves
15 documentaires, montrant que les dirigeants serbes de Foca, y compris M.
16 Stanic et M. Cancar, ont parlé ouvertement du départ de la grande majorité
17 des Musulmans de la municipalité de Foca, du départ de pratiquement tous
18 les Musulmans de la municipalité de Foca. Ils en ont parlé, et puis les
19 Musulmans sont vraiment partis. Cela s'est réalisé. Les Musulmans ont
20 continué à quitter la municipalité, y compris les Musulmans que vous avez
21 décrits comme étant honnêtes, bien après le mois d'avril 1992.
22 R. D'après mes connaissances, de nombreux Musulmans ont exprimé le souhait
23 de quitter la ville. Et tout le monde était libre de partir, les Serbes
24 tout comme les Musulmans. A mon avis -- bon, je ne sais pas s'ils ont
25 débattu ce départ entre eux ou non, mais ce que je sais des conversations
26 que j'ai eues avec eux, c'est qu'ils souhaitaient retrouver les familles et
27 se regrouper. Certains étaient partis. C'était la guerre qui régnait. Et la
28 plupart des gens souhaitaient retrouver leurs familles, parce que beaucoup
Page 24410
1 de personnes combattaient du côté opposé, et personne ne savait comment les
2 choses allaient se terminer, si c'est eux ou si c'est nous qui allions
3 remporter. Une partie des Musulmans sont restés.
4 Mais je pense que de nombreux Musulmans ont exprimé le souhaite de
5 partir. Je sais qu'on avait fait venir des autobus ou des autocars à cet
6 effet. Je me souviens d'avoir parlé avec des amis à moi, des Musulmans, qui
7 heureusement pour la plupart sont restés en vie. Et je les fréquente même
8 au jour d'aujourd'hui. Et ce sont eux qui ont exprimé le désir de partir,
9 parce qu'ils souhaitaient retrouver les membres de leur famille qui étaient
10 disséminés un peu partout dans le chaos de la guerre. Je sais qu'on leur a
11 assuré des autocars à cet effet. Je le sais parce que je me trouvais dans
12 les parages au moment où la chose a été faite. Mais personne ne les a
13 chassés. Tout le monde était libre de partir. Les Serbes aussi. Tout comme
14 les Musulmans. Ils n'ont pas subi de mauvais traitements au moment de leur
15 départ. Bien au contraire. Nous leur avons dit au revoir comme cela se
16 doit. Et je vous le promets devant Dieu, nous ne les avons pas chassés.
17 Alors, il est vrai que nos jeunes hommes ont commencé à être tués. Peut-
18 être craignaient-ils une vengeance. Peut-être est-ce pour cela qu'ils ont
19 souhaité partir. Et puis, il y avait ce groupe d'individus qui a été
20 condamné. Mais s'il y a eu d'autres crimes et d'autres criminels, je
21 l'aurais dit là maintenant devant les tribunaux. Chacun doit être tenu
22 responsable des crimes commis. Mais il ne s'agit pas de tous les soldats de
23 la VRS et de tous les officiers. Ce n'est pas à nous tous d'assumer la
24 honte.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, je regarde l'horloge.
26 Nous avons repris nos débats depuis une heure.
27 M. TRALDI : [interprétation] Je pense que c'est un moment important de
28 prendre une pause, Monsieur le Président. Et je pense qu'il ne me resterait
Page 24411
1 plus que dix à 15 minutes après la pause, puisque je serai plus court que
2 prévu dans mon contre-interrogatoire.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous allons faire
4 une pause de 20 minutes. Et nous vous reverrons une fois la pause terminée.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
6 [Le témoin quitte la barre]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons nos travaux à 12 heures
8 15.
9 --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.
10 --- L'audience est reprise à 12 heures 18.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons que le témoin
12 entre dans le prétoire, Maître Ivetic, pour vous aider, je vais vous lire
13 ce que la Chambre avait donné comme conseil le 29 octobre 2012.
14 "Néanmoins, la Chambre précise que la valeur probante d'un document
15 peut également être établie en ayant un témoin qui dépose à propos
16 d'événements décrits dans un document. Si le contenu du document utilisé
17 lors de l'interrogatoire d'un témoin est suffisamment lié au contenu de la
18 déposition de ce témoin, le document peut être versé au dossier et admis
19 avec ce témoin, même si le témoin ne connaît pas bien ce document."
20 Bien, le témoin a déposé en disant qu'il ne pouvait pas croire que
21 des personnes âgées soient détenues au KP Dom et, indépendamment des dates
22 de naissance de ces témoins, qu'on pourrait dire que cela est bien, mais le
23 lien est suffisamment établi avec cette déposition du témoin. Et ça,
24 c'était -- au moins, en tous les cas, les conseils que la Chambre avait
25 donnés à l'époque.
26 M. IVETIC : [interprétation] Et, Monsieur le Président, là où j'ai un
27 problème, c'est que vous avez demandé -- vous avez élevé une objection
28 concernant le document à verser autrement que par le truchement du témoin,
Page 24412
1 à le verser directement. Vous avez conseillé à l'Accusation de présenter et
2 de demander à ce que ce document soit versé au dossier dans le cadre de
3 l'interrogatoire en chef. Pour rouvrir la présentation des moyens de
4 l'Accusation pour permettre aux documents d'être présentés directement est,
5 je pense --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je vais vous interrompre. Il
7 s'agit donc du versement d'un document. Et lorsque je dis le verser
8 directement, j'entends par là que le témoin n'a pas de connaissances
9 personnelles de ce document, et que l'expression est souvent utilisée pour
10 admettre un document lorsque le témoin lui-même dit qu'il n'y connaît rien
11 et que ce n'est pas la même chose que d'avoir une partie du document
12 présenté directement, donc une requête pour présenter le document
13 directement qui n'est pas directement lié à une partie spécifique de la
14 déposition du témoin. Mais, donc, j'ai peut-être utilisé des termes qui ont
15 créé la confusion dans votre esprit, je m'en excuse.
16 [Le témoin vient à la barre]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Traldi.
18 M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur, je vais reprendre là où nous nous étions arrêtés juste avant
20 la pause. Vous avez dit que les Musulmans et les Serbes pouvaient tous deux
21 quitter Foca. En fait, les personnes qui sont réellement parties étaient en
22 majorité des Musulmans, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. La Chambre a des éléments lui permettant de dire qu'il y avait des
25 gardes autour des maisons musulmanes dans la ville de Foca à l'époque, des
26 gardes serbes. Etiez-vous au courant de cela ?
27 R. Non.
28 Q. La Chambre a également reçu des éléments de preuve lui permettant de
Page 24413
1 dire que des femmes, des enfants et des personnes âgées des villages
2 musulmans ont été amenés à Foca et détenus dans des centres de détention
3 gardés par des gardes armées. Etiez-vous au courant de cela ?
4 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que ce serait peut-être quelque chose
5 qui a été présenté de manière incorrecte. La référence, donc, à cet élément
6 de preuve. Je pense que les "centres de détention", ce n'est peut-être pas
7 le terme.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Centres de réception, Monsieur.
9 M. TRALDI : [interprétation] Je pense que Me Ivetic a à l'esprit un terme
10 particulier utilisé par le témoin, et je pense que plusieurs témoins ont
11 déjà utilisé différents termes, y compris dans le cadre de la présentation
12 des moyens de preuve de l'Accusation, donc je n'insisterai pas là-dessus.
13 Je vais reformuler cela pour la Chambre et Me Ivetic.
14 Q. La Chambre a reçu des éléments de preuve permettant de dire que des
15 femmes, des enfants et des personnes âgées venant des villages musulmans
16 ont été amenés à Foca et détenus des bâtiments gardés par des gardes
17 armées. Etiez-vous au courant de cela ?
18 R. Pourriez-vous être plus précis dans votre question ? Où ? Quoi ? Je
19 suis au courant des gardes dont vous parliez. Je sais que nous avons reçu
20 des ordres de mettre en place des points de contrôle dans des régions où il
21 y avait des majorités de populations musulmanes, et qu'il y avait un
22 couvre-feu également à ces points de contrôle, et après 20 heures personne
23 n'était autorisé à entrer dans ces parties de la ville qui étaient gardées
24 par les gardes armées. C'est peut-être là la raison de cette confusion.
25 Donc, je suis au courant de ces points de contrôle dans la partie de la
26 ville où je vivais.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Ecoutez bien la
28 question. Des femmes, des enfants et des personnes âgées amenés à Foca et
Page 24414
1 détenus dans des bâtiments. On voit qu'un point de contrôle n'est pas un
2 bâtiment. Donc, un bâtiment avec des gardes armées autour du bâtiment. Il y
3 a également un couvre-feu. Là, ce n'est pas, également, un couvre-feu. On
4 parle d'un bâtiment. Est-ce que vous pourriez nous répondre sur ce point ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] En partant de ce que je sais, je peux dire que
6 certains habitants avaient demandé au commandement et à la police militaire
7 -- ce serait une explication assez longue, et je m'en excuse. Le territoire
8 de la municipalité de Foca est une des plus municipalités les plus
9 importantes en termes de superficie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, si vous pouviez d'abord
11 répondre à la question. Si l'on a besoin d'autres explications, M. Traldi
12 vous le demandera. Là encore, je reprends, étiez-vous au courant du fait
13 que les personnes auxquelles j'ai fait référence étaient amenées à Foca et
14 étaient détenues dans des bâtiments avec des gardes armées ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous pouvez poursuivre.
17 M. TRALDI : [interprétation]
18 Q. La Chambre a également des éléments de preuve lui permettant de dire
19 que les crimes ont été commis contre les personnes se trouvant dans ces
20 bâtiments. Je suppose que vous n'étiez pas non plus au courant de cela ?
21 R. La seule chose que je sais, c'est que les résidents musulmans -- en
22 fait, la police militaire -- en fait, je ne peux pas vraiment expliquer
23 cela de manière très concise. Si vous voulez entendre ma réponse et si vous
24 voulez obtenir une réponse précise, je ne peux pas répondre par "oui" ou
25 par "non".
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est simple : êtes-vous au courant de
27 crimes commis à l'encontre des personnes dans ces bâtiments ? Et pour
28 l'instant, si vous me répondez, "Je n'étais pas au courant de la commission
Page 24415
1 de tels crimes dans ces bâtiments," alors, à la fin de votre déposition,
2 s'il y a quelque chose que vous souhaitez ajouter, vous aurez la
3 possibilité de le faire.
4 Maître Ivetic.
5 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, le problème c'est quels
6 sont ces bâtiments ? Lorsque le témoin a répondu, il ne savait pas de quels
7 bâtiments il s'agissait.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. En fait, il n'était même pas au
9 courant qu'il y avait des personnes détenues dans ces bâtiments.
10 Monsieur Traldi --
11 M. TRALDI : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai inclus les
12 termes "Je suppose que vous n'étiez pas au courant de cela" dans ma
13 question, Monsieur le Président, et je m'attendais à ce que la réponse soit
14 brève.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si vous ne saviez pas qu'il y
16 avait des personnes, des personnes âgées et des enfants détenus dans les
17 bâtiments gardés, alors M. Traldi suppose que vous n'étiez pas au courant
18 de crimes commis dans ces circonstances. A-t-il raison ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Traldi.
21 M. TRALDI : [interprétation]
22 Q. Bien. Je vous dis que toutes ces choses pourraient expliquer ou
23 pourraient donner l'impression à quelqu'un qu'ils devaient partir, n'est-ce
24 pas ? Avoir des gardes armés autour de votre maison, cela peut donner à
25 quelqu'un le sentiment qu'il doit partir, n'est-ce pas ?
26 R. Je n'ai jamais vu de gardes armés autour de l'un des bâtiments. Et sur
27 la base de votre question, je peux en conclure qu'il y avait quelques
28 bâtiments, mais si vous dites qu'il y avait des gardes armés postés autour
Page 24416
1 des maisons, des soldats armés, je ne comprends simplement pas, s'agissait-
2 il d'un bâtiment, s'agissait-il d'une maison ? Et en me basant sur ce que
3 vous avez dit, il semblerait qu'il y avait des gardes postés devant toutes
4 les maisons musulmanes. C'est comme cela que je comprends votre question,
5 c'est ce que vous impliquiez, à savoir qu'il y avait des gardes armés
6 postés devant les maisons, les maisons musulmanes.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous demandez d'abord
8 un avis, et, deuxièmement, vous posez une question sur ce qui, pour le
9 témoin, est une situation hypothétique. Ça n'aidera pas beaucoup la
10 Chambre.
11 Veuillez poursuivre.
12 M. TRALDI : [interprétation]
13 Q. Bien. Je vais vous poser la question de la façon suivante : vous ne
14 savez pas pourquoi, en réalité, les Musulmans à qui l'on aurait demandé de
15 quitter Foca, vous ne savez pas pourquoi une telle demande leur a été
16 faite, n'est-ce pas ?
17 R. Non.
18 Q. Et ils devaient faire cette demande et devaient quitter la ville dans
19 les autocars qui avaient été fournis et avec l'escorte qui leur avait été
20 fournie parce qu'il y avait des points de contrôle sur la route que vous
21 avez décrits, n'est-ce pas ?
22 M. IVETIC : [interprétation] Objection. Ce sont là des hypothèses, et cela
23 ne découle pas du témoignage du témoin. Si le témoin dit qu'il n'était pas
24 au courant, alors pourquoi faire cette déclaration qui, en fait, présente
25 des arguments ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, en réalité, Monsieur Traldi, peut-
27 être -- je dirais que si une telle requête devait être faite, à savoir que
28 les questions qui sont posées doivent être basées sur le témoignage que la
Page 24417
1 Chambre a entendu, est-ce que vous pourriez reformuler la façon dont vous
2 avez présenté les choses au témoin ?
3 M. TRALDI : [interprétation] Je pense -- c'est peut-être de là que vient le
4 problème. Je vais reformuler ma phrase un peu différemment.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, essayez.
6 M. TRALDI : [interprétation]
7 Q. Monsieur, il n'était possible de partir qu'en autocars qui avaient été
8 fournis, avez-vous dit, aux Musulmans, avec une escorte qui, vous l'avez
9 dit, avait été fournie aux Musulmans parce que, comme vous l'avez dit, il y
10 avait des points de contrôle militaires sur la route; est-ce exact ?
11 R. Oui, mais ils sont partis sous escorte parce que beaucoup d'entre nous,
12 et nos supérieurs, étions préoccupés de ce qui pourrait leur arriver, parce
13 que beaucoup de nos hommes avaient été tués et il se peut que quelqu'un
14 aurait souhaité les venger et tirer depuis la forêt sur l'autocar. Et c'est
15 la raison pour laquelle --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, là encore, qu'ils
17 aient de bonnes raisons ou pas n'est pas le problème. La question était la
18 suivante : il n'était possible de partir que dans ces autocars, et que l'on
19 ne pouvait pas partir par d'autres moyens.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, s'ils le souhaitaient, ils pouvaient
21 partir comme ils le souhaitaient, en utilisant les moyens qu'ils
22 souhaitaient. Mais il n'y a avait pas de voitures, il n'y avait pas
23 d'essence; il y avait une guerre.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, on pouvait partir sans utiliser
25 les moyens de transport qui avaient été fournis, c'est-à-dire les autocars
26 ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une réponse.
Page 24418
1 Veuillez poursuivre, Monsieur Traldi.
2 M. Traldi, s'il a d'autres questions, il vous les posera.
3 M. TRALDI : [interprétation]
4 Q. Bien, j'en ai deux, en fait. Vous avez d'abord témoigné un peu plus
5 tôt, et je voulais m'assurer que je vous ai bien compris, lorsque les
6 Musulmans sont partis dans les autocars, vous pensiez qu'ils étaient peut-
7 être en danger parce que l'on pouvait tirer sur ces autocars au moment où
8 ils quittaient la municipalité, et que c'est la raison pour laquelle une
9 escorte leur avait été fournie, n'est-ce pas ?
10 R. Non. Je n'ai pas dit cela. Certains voulaient aller à Pljevlja. C'est à
11 75 kilomètres à travers les bois entre Foca et Pljevlja, et nous étions
12 préoccupés. Nous avions peur que, en se déplaçant dans les bois, quelqu'un
13 que l'on ne pouvait voir aurait fait quelque chose que nous ne voulions pas
14 voir arriver. Ils auraient pu tirer sur les autocars et faire ce que nous
15 ne voulions pas voir se produire. C'est la raison pour laquelle nous avions
16 fourni une escorte militaire. Pour leur permettre de voyager en toute
17 sécurité. Parce que nous avions peur que, malheureusement, quelque chose
18 puisse se produire. Un grand nombre de nos hommes avaient été tués et je
19 pensais que quelqu'un aurait pu leur tirer dessus depuis les bois, et nous
20 pensions qu'avec une escorte nos soldats pouvaient faire quelque chose,
21 capturer cette personne, et que cette personne aurait été tenue
22 responsable. Et c'est la raison pour laquelle ils sont partis sous escorte.
23 Non pas parce que nous ne les aimions pas. Certaines personnes sont parties
24 avec les autocars et ont pu revenir, et je peux aujourd'hui m'asseoir et
25 prendre un café avec ces personnes. Et je suis très content qu'elles aient
26 pu s'en sortir.
27 Q. Monsieur, je pense que vous avez mal compris ma question. Je pense que
28 vous avez fini par y répondre, mais je ne vous ai pas posé la question de
Page 24419
1 savoir si vous aimiez les Musulmans ou si vous preniez un café avec eux
2 après la guerre. Simplement, je voulais que vous puissiez nous confirmer
3 les raisons pour lesquelles une escorte militaire avait été fournie.
4 Donc, la deuxième question qui en découle et que je souhaitais vous
5 poser est la suivante : n'était-il en fait pas possible de partir par
6 d'autres moyens, n'est-ce pas ? Vous avez dit qu'ils pouvaient partir comme
7 ils le souhaitaient, mais pas en voiture; puisqu'il n'y avait pas
8 d'essence, il n'y avait donc pas de voitures. C'était donc la seule façon
9 de partir, n'est-ce pas ?
10 R. Bien, pour les Musulmans qui souhaitaient quitter la ville, c'est ce
11 qu'ils pensaient. Et je partage leur opinion à l'heure actuelle. Si vous
12 partiez à pied, vous pouviez passer les points de contrôle, les combattants
13 vous auraient laissé passer, mais vous auriez pu rencontrer des personnes
14 un peu dérangées. Mais comme ils savaient que ces personnes bénéficiaient
15 d'une escorte de combattants, elles savaient qu'ils pouvaient être en
16 sécurité. Et si vous sortez d'une ville où il y a des forces serbes qui
17 sont positionnées, eh bien, vous pouviez rencontrer quelqu'un de pas très
18 net qui aurait pu vous tirer dessus simplement parce que vous êtes
19 Musulman, et c'est la raison pour laquelle il fallait les escorter sur la
20 route vers Pljevlja, afin d'éviter de telles conséquences que nous ne
21 voulions pas voir se produire et pour que des femmes, des enfants et des
22 personnes honnêtes puissent retrouver leurs familles de l'autre côté. Nous
23 ne voulions pas qu'on puisse leur tirer dessus et que quelqu'un qui se
24 trouvait dans les bois leur tire dessus. C'était quelque chose que nous ne
25 voulions pas voir se produire.
26 Q. Et après le départ de ces personnes, Foca a été renommée et on lui a
27 donné comme nom Srbinje, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
Page 24420
1 Q. Et l'appeler Srbinje en fait, bien entendu, une ville serbe, n'est-ce
2 pas ?
3 R. Non. Pas vraiment, Monsieur. Comment l'expliquer ? Certains poètes ont
4 inventé cela. On a Trebinje, Ljubinje [phon], Nevesinje, ce sont toutes des
5 villes d'Herzégovine. Et c'est la raison pour laquelle certains poètes ont
6 considéré que Srbinje, ça sonnait mieux que Foca. Chaque fois que les gens
7 me demandaient d'où je venais, je disais que je venais de Foca. Donc,
8 Srbinje, Ljubinje, Nevesinje, Trebinje. C'est juste un truc de poète pour
9 que cela rime. Foca avait été appelée Foca pendant des siècles et des
10 siècles, et rien n'avait changé. Rien ne s'est amélioré dans notre ville
11 après qu'elle ait été renommée Srbinje. Pour moi, elle reste Foca. C'était
12 simplement une idée de poète.
13 Q. Eh bien, une de ces âmes de poètes était le président de la cellule de
14 Crise, M. Stanic, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Et la Chambre a vu des éléments de preuve selon lesquels Momcilo
17 Krajisnik, qui est le président de l'assemblée, a également commencé à
18 faire référence à Foca sous le nom de Srbinje. S'agissait-il également
19 d'une âme de poète ?
20 R. Bien, je ne connais pas Momcilo Krajisnik. C'était un homme politique.
21 En fait, non, je ne le connais pas. Je ne sais pas si c'était une âme de
22 poète ou pas. Mais pour Stanic, oui, là je sais. Pour lui, une hirondelle
23 était plus importante et plus forte que n'importe quel faucon.
24 M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, cela termine mon
25 interrogatoire.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.
27 Maître Ivetic.
28 M. IVETIC : [interprétation] J'ai quelques questions, Monsieur le
Page 24421
1 Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
3 Nouvel interrogatoire par M. Ivetic :
4 Q. [interprétation] Monsieur, à la page 27 du compte rendu d'audience
5 provisoire, il vous a été demandé si 50 000 personnes de Sandzaklije sont
6 venues, des personnes féroces, et vous avez répondu non. Mais est-ce que
7 quelques personnes de Sandzaklije sont venues à Foca, c'est-à-dire des
8 personnes qui disaient venir de Sandzaklije ?
9 R. Je n'ai vu aucune personne, aucun homme venant de Sandzakli à Foca. Je
10 sais qu'ils ont participé à la réunion du SDA à Foca. Et pendant la guerre,
11 pendant les combats, je n'ai rencontré aucun homme de Sandzakli. J'ai
12 rencontré un certain nombre de personnes venant de mouvements radicaux. Il
13 se peut qu'il y ait eu des personnes venant de Sandzakli.
14 Q. Bien. On vous a posé une question concernant Zaga, qui a été condamné.
15 Avait-il, lui et son unité, reçu les mêmes instructions et les mêmes
16 consignes concernant le droit de la guerre et le traitement des civils que
17 votre unité, à savoir, donc, les consignes dont vous nous avez parlé un peu
18 plus tôt aujourd'hui ?
19 R. Oui. Chaque combattant, et je le dis en toute responsabilité, aurait pu
20 lire les ordres qui étaient affichés là à chaque poste de commandement. On
21 aurait pu le lire des milliers de fois. Je l'ai déjà dit et je le répète :
22 le tribunal l'a condamné et c'était une condamnation trop légère, et je
23 n'ai pas besoin de répéter ce que j'ai dit et ce que j'aurais fait, moi.
24 Mais si vous le permettez, aucun des membres de l'armée de la Republika
25 Srpska, une fois sous son commandement, n'ont reçu d'ordres de leurs
26 officiers supérieurs ou des supérieurs hiérarchiques ou des généraux et des
27 commandants de faire ce genre de choses. Je ne devrais pas devoir répéter
28 cela à maintes et maintes reprises, mais si j'avais été le juge, il aurait
Page 24422
1 été envoyé sur la chaise électrique et j'aurais pressé le bouton trois fois
2 plutôt qu'une.
3 Q. Monsieur, vous avez dit que chaque combattant aurait pu lire ces
4 consignes et que cela était affiché dans chaque poste de commandement. De
5 qui émanaient les ordres qui étaient affichés dans chaque poste de
6 commandement ?
7 R. La signature était celle du général de l'armée de la Republika Srpska.
8 L'officier qui lisait cela devant un groupe de soldats dirait que c'était
9 quelque chose qui avait été ordonné par le général de l'armée de la
10 Republika Srpska, Ratko Mladic.
11 M. IVETIC : [interprétation] Et je voudrais maintenant demander à ce que la
12 pièce P6685 soit affichée à l'écran.
13 Q. Monsieur, l'Accusation vous a montré ce document et il a vous a été
14 demandé si ces hommes semblaient tous avoir plus de 50 ans. La première
15 question que je vous poserais est la suivante : y avait-il des soldats dans
16 la VRS à Foca qui avaient plus de 50 ans ?
17 R. Oui. Je vais vous dire une chose pour répondre à cette question du
18 Procureur : je voudrais que Dieu préserve tout pays et toute personne de la
19 guerre. Monsieur, si quelqu'un veut porter une arme, il peut le faire à
20 l'âge de 80 ans s'il le souhaite. Mon premier commandant, Dragan Nikolic, a
21 été tué par un soldat qui avait 73 ans. Il lui a tiré dessus. Il est rentré
22 dans la maison, il a vu cette personne âgée, et cette personne âgée lui a
23 tiré dessus. Le jeune qui voulait le faire sortir a également été tué par
24 cet homme de 73 ans.
25 Vous ne -- en fait, je ne voulais pas interrompre le Juge Président. Même
26 une femme de 80 ans peut porter une arme et un fusil si elle le souhaite.
27 Donc, je n'ai pas été autorisé à expliquer cela, tout le monde avait le
28 droit de porter une arme. Dragan Nikolic, et je dis cela en public, a été
Page 24423
1 tué par un soldat qui avait 73 ans.
2 Q. Merci. Et lorsque vous capturiez des prisonniers de guerre au combat,
3 vous connaissiez l'âge des combattants à ce moment-là ?
4 R. Ce n'est pas à moi de poser des questions aux témoins. Ce sont d'autres
5 constellations qui s'en chargent. Moi, mon rôle consistait à agir
6 conformément aux ordres de mes supérieurs. Voyez-vous, en période de
7 guerre, lorsque vous capturez les prisonniers, eh bien, cela suscite
8 beaucoup de crainte, et moi, je les traite de manière très équitable, très
9 juste. Je leur dis que personne ne touchera à un seul de leurs cheveux, une
10 fois que je le emmènerais au poste de police. Ensuite, c'est à la police
11 qu'il appartient de les prendre en charge. Notre poste de commandement
12 décide s'il faut les conduire vers une prison ou ailleurs. Ou dans un
13 établissement où les prisonniers de guerre étaient hébergés.
14 Q. La défense du peuple de Yougoslavie contenait -- dans l'armée
15 population de Yougoslavie, quel était l'âge moyen des citoyens qui étaient
16 appelés sous les drapeaux ?
17 R. D'après les informations militaires, moi, j'ai fait mon service
18 militaire dans l'ancienne armée yougoslave, et l'âge de conscription était
19 de 18 à 50 ans. Je ne suis pas sûr, 18 à 50, je pense. Donc, c'est le
20 devoir de réserve dans l'armée yougoslave. Moi, je vous parle de l'ancien
21 système, celui que je connaissais. Maintenant, le nouveau système, je n'ai
22 jamais eu l'occasion de le connaître de toute façon. Donc, je dirais à
23 partir de l'âge de 18 ans et jusqu'à 50 ans. Oui, 50 ans. Jusqu'à cet âge-
24 là, on pouvait être appelé sous les drapeaux.
25 Q. Vous nous avez parlé de points de contrôle. Quel était l'objectif de
26 ces postes de contrôle ? Est-ce qu'il s'agissait d'empêcher les gens de
27 sortir ou de rentrer ?
28 R. Bien, ces postes de contrôle étaient là parce qu'il y avait des
Page 24424
1 endroits habités par des Musulmans et puis des criminels, des criminels
2 venus de Belgrade, la plupart étaient des criminels, et ils essayaient
3 d'entrer justement pour essayer d'en tirer quelque avantage. Ensuite, la
4 cellule de Crise a décidé de mettre en place des postes de contrôle, et
5 après 19 heures 30 on ne pouvait tout simplement plus passer par ces postes
6 de contrôle. Pendant la journée, on pouvait agir rapidement; mais après,
7 une fois la nuit tombée, eh bien, une fois que les criminels de Belgrade
8 essayaient de passer, on ne les laissait pas passer. Et il essayait de
9 passer quand même, et alors on le tuait. Et alors, on le tuait parce qu'il
10 voulait passer par le poste de contrôle.
11 Q. Vous dites un de ces criminels de Belgrade, mais de qui parlez-vous ?
12 De quelle formation, de quelle entité faisait-il partie, cet individu ?
13 R. Bien, c'était l'unité dont je vous ai parlé il y a quelques instants.
14 Il n'y avait pas d'unité. C'étaient des chiens de guerre. Des chiens, c'est
15 comme ça qu'on les appelait. Ils n'avaient pas d'unité. Ils n'avaient
16 aucuns idéaux. Ils n'avaient strictement rien. Tout ce qu'ils voulaient,
17 c'était gagner des marks allemands. C'était la seule chose qui les
18 intéressait, rien d'autre.
19 Q. On vous a posé des questions à propos des crimes dans les bâtiments de
20 Foca à l'encontre des Musulmans. Quelle était la procédure retenue par
21 votre unité de police militaire pour répondre à des griefs vous ayant été
22 adressés par des Musulmans et ayant trait à des mauvais traitements à Foca
23 ?
24 R. La tâche de notre unité était d'apparaître sur le terrain sur-le-champ,
25 dès lors que l'on avait fait état de quoi que ce soit, un mauvais
26 traitement pour des citoyens, quand, à quelle heure, à quel endroit, et
27 ensuite on procédait à des arrestations.
28 Q. Et durant la guerre, votre unité de police militaire, l'Unité Dragan
Page 24425
1 Nikolic, a-t-elle répondu à des plaintes déposées par des résidents
2 musulmans de Foca ?
3 R. Oui.
4 Q. Monsieur, une fois de plus, au nom de mon client et de mes confrères,
5 merci pour votre déposition.
6 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
7 n'ai pas d'autres questions.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, souhaitez-vous poser
11 d'autres questions ?
12 M. TRALDI : [interprétation] Oui, quelques questions supplémentaires, si
13 vous le permettez.
14 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Traldi :
15 Q. [interprétation] Au compte rendu provisoire, page 59, il est fait état
16 des propos suivants tenus par vous. Vous disiez Dragan Nikolic était votre
17 commandant, disiez-vous. Est-ce une transcription exacte de vos propos,
18 Monsieur ?
19 R. Dragan Nikolic était le commandant de la police militaire à la Défense
20 territoriale. Il était mon commandant, mais il a été tué. Donc, il n'était
21 pas mon commandant. Mais j'ai essayé de dire, peut-être me suis-je trompé,
22 mais peut-être que je n'ai pas dit ce que je voulais dire.
23 Q. [aucune interprétation]
24 M. TRALDI : [interprétation] C'était la seule question que je souhaitais
25 poser. Merci.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.
27 Monsieur Simovic, nous sommes arrivés au terme de votre déposition.
28 Permettez-nous de vous remercier d'être venu à La Haye et d'avoir répondu à
Page 24426
1 toutes les questions qui vous ont été posées par l'Accusation, la Défense
2 et les Juges de la Chambre. Un bon retour chez vous. Et je vous invite à
3 présent à suivre l'huissier.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant cela. En réponse à une des
6 questions posées par Me Ivetic, vous avez dit : Mais c'est exactement ce
7 que je souhaitais expliquer. Précédemment, je vous avais promis de vous
8 donner l'occasion d'ajouter quelque chose à votre déposition, quoi que ce
9 soit. Est-ce que la réponse que vous avez apportée aux questions de Me
10 Ivetic vous a permis d'ajouter ces informations ou estimez-vous qu'il y a
11 des choses que vous auriez souhaité dire et qui ne vous a pas été possible
12 de dire, auquel cas je vous invite à le faire maintenant ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, non. Je souhaitais simplement
14 répondre à la question que M. le Procureur avait posée. Mais je viens d'y
15 répondre, donc pas de problème.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, bon retour chez vous.
19 Et cette fois je vous invite à vraiment à suivre l'huissier.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 [Le témoin se retire]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense est-elle prête à appeler le
23 témoin suivant ?
24 M. IVETIC : [interprétation] Oui, nous sommes prêts.
25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
26 M. IVETIC : [interprétation] Il s'agit de M. Nenad Deronjic.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Traldi.
28 M. TRALDI : [interprétation] Je souhaiterais, moi aussi, quitter le
Page 24427
1 prétoire maintenant que le témoin que nous attendions l'a quitté.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je vous y autorise.
3 M. TRALDI : [interprétation] Merci beaucoup.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Prochain témoin, Nenad Deronjic. Pas de
5 mesures de protection prévues pour 30 minutes pour l'interrogatoire
6 principal --
7 M. IVETIC : [interprétation] Nous avions adressé un courrier électronique
8 indiquant qu'il s'agirait plutôt de 50 minutes d'interrogatoire avec trois
9 preuves documentaires supplémentaires, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Eh bien, cela change-t-il
11 l'évaluation que nous avons faite, deux heures et demie, pour l'Accusation,
12 tel que cela avait été demandé ?
13 M. McCLOSKEY : [interprétation] Non, pas vraiment. A vrai dire, je pense
14 que, ayant étudié les différents documents, nous devrions avoir besoin de
15 pas mal moins que cela.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous vous en sommes
17 reconnaissants. Attendons à présent l'arrivée dans le prétoire du témoin.
18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Deronjic. Avant de
20 faire votre déposition, nous vous invitons à prononcer la déclaration
21 solennelle. Nous vous invitons à donner lecture de cette déclaration
22 solennelle. Le texte vous est présenté.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 LE TÉMOIN : NENAD DERONJIC [Assermenté]
26 [Le témoin répond par l'interprète]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Deronjic. Je
28 vous invite à bien vouloir vous asseoir.
Page 24428
1 Monsieur Deronjic, vous entendrez tout d'abord les questions en
2 interrogatoire principal de Me Ivetic, qui est à votre gauche. Il fait donc
3 partie de l'équipe de la Défense de M. Mladic.
4 Maître Ivetic, vous avez la parole.
5 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Interrogatoire principal par M. Ivetic :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
8 R. Bonjour.
9 M. IVETIC : [interprétation] Permettez-moi tout d'abord d'évoquer le
10 document 1D0168. Peut-on l'afficher sur e-court.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, peut-être s'agit-il du
12 1638 et non du 0168 ?
13 M. IVETIC : [interprétation] Oui, oui. 1638. Désolé si j'ai fait une
14 erreur.
15 Q. Monsieur, reconnaissez-vous la signature apposée à la première page de
16 l'original en langue serbe de cette déclaration ?
17 R. Oui. Il s'agit de ma signature qui figure sur cette déclaration.
18 M. IVETIC : [interprétation] Et si vous reportez votre attention à la
19 dernière page du document, dont je demande l'affichage à e-court.
20 Q. Et là encore, la question que je vous pose, Monsieur : que pouvez-vous
21 nous dire de la signature figurant sur la page affichée du document ? A qui
22 appartient cette signature ?
23 R. Je confirme également que la signature qui figure sur la dernière page
24 du document est la mienne, et j'y ai également fait figurer la date.
25 Q. Après avoir signé cette déclaration préalable, avez-vous eu l'occasion
26 d'examiner le document en question et de le lire en langue serbe afin d'en
27 vérifier l'exactitude ?
28 R. Eh bien, à vrai dire, je n'ai pas lu immédiatement cette déclaration
Page 24429
1 préalable après l'avoir signée. Mais avant de venir ici à La Haye, je l'ai
2 lue de manière détaillée et j'ai indiqué un certain nombre de choses,
3 c'est-à-dire les endroits où j'ai estimé qu'il y avait lieu d'apporter
4 quelques précisions ou quelques ajouts d'une manière générale.
5 Q. Page 2 dans les deux langues, s'il vous plaît, veuillez vous y
6 reporter, et au paragraphe 3. Et puisqu'il apparaît à l'écran, Monsieur, je
7 vous pose la question suivante : souhaitez-vous apporter des corrections ou
8 des précisions eu égard au paragraphe numéro 3 ?
9 R. Oui. Au paragraphe 3, je souhaiterais apporter quelques précisions,
10 effectivement. Vous permettez que je le fasse ?
11 Q. Oui, oui, je vous en prie. Allez-y.
12 R. Alors, il s'agit de la chose suivante : au paragraphe 3, il est dit
13 qu'avant l'éclatement du conflit à Srebrenica en 1992, j'ai été transféré
14 au poste de police de Bratunac, où j'ai également exercé les fonctions de
15 policier pendant la guerre jusqu'à 1996. Toutefois, à partir du 1er juillet
16 1995 et jusqu'en 1996, je travaillais au poste de police de Srebrenica. Par
17 conséquent, cette information ne figure pas dans ce paragraphe. Or, c'est
18 exact, ça ne fait aucun doute.
19 Q. Question supplémentaire : est-ce qu'il y a eu un suivi auquel devait se
20 plier la police après la conclusion de la guerre conforme à une
21 certification des Nations Unies ?
22 R. Oui, effectivement. Tous les agents de police d'active travaillant sur
23 le territoire de la Republika Srpska après la guerre devaient effectivement
24 se conformer à certaines vérifications par la police internationale, c'est-
25 à-dire l'IPTF.
26 Q. Et vous avez bénéficié de certification au titre de ce processus ?
27 R. Oui, bien sûr. J'ai été certifié par les [imperceptible], et j'ai
28 d'ailleurs les certificats qui en témoignent.
Page 24430
1 Q. Je vous invite à examiner le paragraphe 6 à présent --
2 M. IVETIC : [interprétation] Il figure sur la même page de la version
3 anglaise et sur la quatrième page de la version en langue serbe. Troisième
4 page, version serbe. Toutes mes excuses.
5 Q. Alors, au paragraphe 11, vous dites : "Je ne sais pas où ils se situent
6 maintenant, mais je sais qu'ils étaient archivés au poste de police de
7 Bratunac." A quoi faites-vous référence ?
8 Toutes mes excuses. Au paragraphe 6, vous parlez de poste de contrôle à
9 Konjevic Polje. Est-ce que vous souhaitez apporter des précisions quant au
10 poste de contrôle à Konjevic Polje ?
11 R. Pour le paragraphe 6, je souhaiterais apporter des précisions qui
12 seraient les suivantes. Au poste de contrôle à Konjevic Polje, ce n'était
13 pas la 2e Compagnie de l'unité de police spéciale du centre des services de
14 Sécurité de Zvornik, mais plutôt le travail qui était effectué par les
15 agents de police de la PS de Bratunac, parce que Konjevic Polje faisait
16 partie de la territorialité de la municipalité de Bratunac, et, par
17 conséquent, c'est ainsi que ça s'est fait. Ce n'était pas la 2e Compagnie
18 des PJP, par conséquent, mais plutôt les responsables de la police de
19 Bratunac.
20 Q. Merci.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey.
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président,
23 je sais que Me Ivetic est au courant. Mais lorsqu'il fait état de son
24 unité, Maître Ivetic, peut-on inviter le témoin à utiliser le terme PJP,
25 parce qu'il est très difficile de faire la distinction avec les autres
26 unités si l'on change de manière de décrire les choses et si l'on commence
27 à les décrire en précisant davantage.
28 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je l'ai bien compris, Monsieur McCloskey.
Page 24431
1 Q. Monsieur, lorsque vous faites état de la 2e Compagnie de la "posebna
2 jedinica policije" du poste de police de Zvornik, auriez-vous l'obligeance
3 de bien vouloir, lorsque vous décrivez cette unité, de la décrire en
4 utilisant les lettres PJP ?
5 R. Fort bien. J'utiliserai le terme PJP dorénavant.
6 M. IVETIC : [interprétation] Page suivante en anglais, et puis en serbe
7 également c'est la page suivante. Il s'agit cette fois du paragraphe 11.
8 Q. Où vous dites :
9 "Je ne sais pas où ils se situent maintenant, mais je sais qu'ils étaient
10 archivés au poste de police de Bratunac."
11 A quoi faites-vous référence dans ce paragraphe ?
12 R. Ce paragraphe a trait aux ordres de patrouille. En fait, il s'agissait
13 de rapports que nous rédigions quotidiennement. Une fois le travail de la
14 journée effectué, nous les amenions au poste de police de Bratunac. Il
15 s'agissait de dire combien de véhicules et combien de personnes ont été
16 contrôlés, est-ce qu'il y a eu des problèmes au poste de contrôle au cours
17 de cette journée et dans cette tranche horaire-là.
18 Q. Fort bien.
19 M. IVETIC : [interprétation] Paragraphe 20, même page, que je ne souhaite
20 pas voir affichée, page 4 en anglais, page 5 en B/C/S.
21 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous fournir des explications plus
22 détaillées quant à ce que vous dites à propos de la différence entre les
23 dates pour le document. Pourriez-vous nous expliquer en quoi il n'est pas
24 inhabituel d'avoir des différences de dates telles que dans ce document ?
25 R. En ce qui concerne les désignations, les nominations pour le travail de
26 policier, c'est-à-dire le travail que j'effectuais au poste de sécurité
27 publique à Srebrenica, cela pouvait se faire sur base d'ordre ou de dépêche
28 provenant du chef des services de sécurité publique. Les documents relatifs
Page 24432
1 à mon embauche pouvaient être remis plus tard. C'est ce qui se passe encore
2 aujourd'hui. L'ordre était important. Il fallait pouvoir s'y plier très
3 rapidement. Ensuite, la désignation proprement dite, elle pouvait
4 intervenir ultérieurement.
5 Q. Outre les précisions apportées au document, est-ce que vous vous en
6 tenez à la teneur de la déclaration écrite préalable telle qu'elle l'a été
7 présentée ? Est-elle exacte ?
8 R. Oui. Exception faite de ces modifications et précisions. Je considère
9 que le reste de la déclaration préalable est correct.
10 Q. Si je devais vous poser des questions à propos des mêmes questions
11 évoquées dans votre déclaration écrite, est-ce que les réponses que vous
12 apporteriez à ces mêmes questions correspondraient à la teneur de la
13 déclaration préalable ?
14 R. Oui, je répondrais de la même manière sur le fond que je l'ai fait dans
15 la déclaration préalable.
16 Q. Vous avez prononcé une déclaration solennelle indiquant que vous direz
17 la vérité. Est-ce que les réponses apportées dans votre déclaration écrite
18 sont conformes à la réalité ?
19 R. Oui. Mes réponses sont conformes à la réalité.
20 M. IVETIC : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, Messieurs
21 les Juges, le versement au dossier de la pièce à conviction 1D1638 sous pli
22 scellé, en raison de ces deux paragraphes dont je ne suis pas sûr que les
23 informations qu'ils contiennent ont trait à des questions qu'il
24 conviendrait d'évoquer à huis clos partiel avec mesures de protection pour
25 le témoin.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1638 se verra attribuer
28 la cote D584, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
Page 24433
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D584 est versé au dossier sous pli
2 scellé.
3 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, permettez-moi de poser
5 une question à propos de cette déclaration préalable, question à l'adresse
6 du témoin.
7 M. IVETIC : [interprétation] Entendu.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, on vous a demandé si vous
9 aviez eu l'occasion de lire en serbe cette déclaration préalable. Vous nous
10 avez répondu :
11 "Cette déclaration -- eh bien, à vrai dire, non, je ne l'ai pas lue
12 immédiatement après l'avoir signée."
13 C'est ce que vous nous avez répondu. Est-ce que vous avez eu l'occasion de
14 la lire avant de la signer ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai signé cette déclaration préalable,
16 et ensuite, parce que j'avais des engagements professionnels, je n'avais
17 tout simplement pas eu le temps de la lire. Mais avant de venir à La Haye,
18 je l'ai lue de manière détaillée, et c'est à ce moment-là que je me suis
19 rendu compte qu'il y avait lieu d'apporter quelques précisions pour
20 certains des paragraphes.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que ça n'est pas inhabituel de
22 lire [comme interprété] un document sans en avoir lu le contenu au
23 préalable ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Si. Mais j'avais beaucoup à faire à ce moment-
25 là. J'avais des engagements professionnels. J'ai signé ma déclaration
26 écrite. Je ne l'ai pas lue immédiatement. Mais ultérieurement, je l'ai lue.
27 C'est ce que je vous ai dit. Avant de partir pour La Haye, je l'ai lue de
28 manière détaillée et me suis aperçu qu'il y avait lieu d'apporter des
Page 24434
1 précisions.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.
3 Maître Ivetic.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaiterais lire le
6 résumé --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, le Juge Fluegge peut-être
8 va souhaiter poser quelques questions supplémentaires.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très brièvement, quand et dans
10 quelles circonstances avez-vous signé cette déclaration préalable ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai signé cette déclaration préalable à
12 Bratunac pendant les heures de travail, alors que j'étais d'astreinte. Je
13 l'ai signée dans un établissement de restauration, en présence de Nenad
14 Petrusic, qui m'a présenté cette déclaration écrite. Je ne suis pas resté
15 très longtemps. J'ai fait ça très brièvement, parce que j'avais beaucoup à
16 faire. J'avais d'autres engagements professionnels. Je ne l'ai pas lue et
17 je l'ai signée, et c'est tout.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. Petrusic est venu vous voir. Est-
19 ce qu'il vous avait dit qu'il avait l'intention de venir vous voir ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'ai pas très bien compris ce que vous
21 m'avez dit. Qu'est-ce que vous voulez dire, qu'il allait venir me voir ?
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il est venu vous voir au poste de
23 police, à la cantine. Est-ce que vous vous attendiez à ce qu'il vienne vous
24 voir ? Est-ce qu'il vous a passé un coup de fil avant, ou comment les
25 choses se sont-elles passées ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a passé un coup de fil. Il m'a téléphoné.
27 Quand il est arrivé, il m'a dit : Il faut que tu viennes -- en fait, c'est
28 un café. Il faut que tu viennes au café et que je prenne la déclaration et
Page 24435
1 que je la signe, et voilà.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quel café ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un café bar, vous savez, Nap [phon].
4 C'est là que l'on s'est vu. Il avait dit qu'on allait s'y voir. Moi, je
5 travaillais. C'était pendant les heures de travail. J'y suis allé cinq ou
6 dix minutes, je l'ai signée, ensuite les choses ont suivi leur cours, comme
7 je vous les ai expliquées.
8 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Le café s'appelle Napoli.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question
11 supplémentaire : est-ce que vous avez eu l'occasion de voir un premier jet
12 de cette déclaration ou est-ce que c'était la première fois, même si vous
13 n'avez pas eu le temps de le lire, que vous le voyiez ? C'était la première
14 fois que vous le voyiez ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la première fois que je la voyais,
16 mais je me suis entretenu avec lui à trois reprises avant cela. Nous avons
17 eu des discussions chez moi, et sur la base de nos entretiens, il a rédigé
18 ces déclarations.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et M. Petrusic a-t-il accepté le
20 fait que vous n'ayez pas suffisamment de temps pour lire et a-t-il tout
21 simplement accepté que vous signiez la déclaration préalable sans l'avoir
22 lue, ou a-t-il insisté pour que vous la lisiez d'abord ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il a accepté la situation telle qu'elle. Je
24 n'avais tout simplement pas suffisamment de temps, j'étais très pressé, et
25 voilà, les choses se sont passées comme elles se sont passées.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous aviez suffisamment de confiance
27 en lui pour croire que cette déclaration préalable, que vous n'aviez pas
28 lue, correspondra à ce qui a été dit au cours de ces entretiens que vous
Page 24436
1 avez eus avec lui ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr, évidemment, je lui faisais
3 confiance, puisqu'on s'était déjà rencontré à trois reprises, comme je vous
4 l'ai déjà expliqué, et nous avons discuté de tous les sujets qui devaient
5 figurer dans la déclaration préalable.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de vos réponses.
7 Maître Ivetic, je pense que je vous ai interrompu au moment où vous
8 aviez l'intention de donner lecture du résumé, mais peut-être que vous
9 feriez mieux de procéder après la pause.
10 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous allons prendre
12 une pause. Nous vous reverrons dans quelque 20 minutes. Veuillez, s'il vous
13 plaît, suivre M. l'Huissier.
14 [Le témoin quitte la barre]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons nos travaux à 2 heures
16 moins 25.
17 --- L'audience est suspendue à 13 heures 17.
18 --- L'audience est reprise à 13 heures 37.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons que l'on
20 fasse venir le témoin dans la salle d'audience…
21 [Le témoin vient à la barre]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Deronjic, nous allons d'abord
23 entendre Me Ivetic, qui va donner lecture d'un résumé de votre déclaration
24 préalable.
25 Maître Ivetic, à vous.
26 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
27 Le témoin est un agent de police de profession qui a travaillé au poste de
28 police de Bratunac puis au poste de police de Srebrenica avant d'être muté
Page 24437
1 à la police frontalière. Il a également été membre de la 2e Compagnie des
2 PJP du poste de police de Zvornik -- il semblerait qu'il y ait un problème
3 d'interprétation, Messieurs les Juges.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le problème a-t-il été réglé ? Alors,
5 vous pouvez suivre.
6 M. IVETIC : [interprétation] Tout va bien.
7 Le témoin est un agent de police de profession qui a travaillé au poste de
8 police de Bratunac puis au poste de police de Srebrenica avant d'être muté
9 à la police frontalière. Il a également été membre de la 2e Compagnie des
10 PJP du poste de police de Zvornik, ainsi que quelques autres de ses
11 collègues provenant du poste de police de Bratunac.
12 Au début du mois de juillet 1995, le témoin a travaillé la plupart du temps
13 en tant que membre du poste de police de Bratunac. Il était affecté à un
14 point de contrôle qui se situait à Konjevic Polje, au croisement des routes
15 menant respectivement à Vlasenica et à Zvornik. Le 11 juillet 1995, le
16 témoin a exécuté les tâches qui ont été confiées à cet endroit-là et il a
17 quitté son poste à 8 heures le 12 juillet 1995, une fois sa relève
18 terminée.
19 Par la suite, il est devenu membre d'active au sein de la 2e Compagnie des
20 PJP de Zvornik, et on lui a dit de se tenir en alerte compte tenu de la
21 situation qui prévalait à Srebrenica. Le 12 juillet 1995, à 15 heures, lui
22 et quelques autres membres de la même compagnie PJP ont été envoyés à
23 Srebrenica pour faire des patrouilles dans la ville et protéger les biens
24 du pillage pendant que l'on mettait sur pied le poste de sécurité publique
25 à Srebrenica. Le témoin est resté à Srebrenica pendant huit jours en tant
26 que membre des PJP. Il a été officiellement muté en tant que salarié du SJB
27 Srebrenica nouvellement créé le 21 juillet 1995. Le témoin réfute la
28 déposition de Momir Nikolic suivant laquelle il a été présent au poste de
Page 24438
1 contrôle à Konjevic Polje le 13 juillet 1995, compte tenu du fait qu'il
2 exécutait des tâches différentes en tant que membre des PJP dans la ville
3 de Srebrenica à ce moment-là.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous avez d'autres questions à poser
5 au témoin, allez-y, Maître Ivetic.
6 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur, j'aimerais que nous nous penchions sur le paragraphe 23 de
8 votre déclaration préalable.
9 M. IVETIC : [interprétation] Qui figure à la page suivante dans les deux
10 versions linguistiques. Cette page-là ne doit pas être diffusée.
11 Q. Ici, dans ce paragraphe, au paragraphe 23, qu'est-ce que vous voulez
12 dire lorsque vous dites qu'il était généralement connu que Momir Nikolic a
13 dit toute une série de contrevérités sur vous et sur d'autres personnes
14 aussi ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-il possible d'afficher la version
16 anglaise sur la partie droite de l'écran ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Toutes mes excuses.
18 Q. Monsieur, veuillez, s'il vous plaît, répondre à la question posée.
19 Lorsque vous avez dit, je cite, "à Bratunac, il est bien connu que lors de
20 sa déposition Momir Nikolic a prononcé toute une série de contrevérités,
21 non seulement sur mon compte, mais aussi sur le compte des autres personnes
22 habitant dans la région de Bratunac," qu'est-ce que vous vouliez dire par
23 là ?
24 R. Eh bien, comme je l'ai déjà indiqué, dans la ville de Bratunac, c'est
25 un fait notoire. Et je le sais sur la base de mes contacts avec des
26 différentes personnes à Bratunac, Momir Nikolic a prononcé toute une série
27 de contrevérités ou de mensonges, non seulement sur mon compte, mais aussi
28 sur le compte d'autres personnes habitant à Bratunac ou y ayant vécu.
Page 24439
1 Q. Et vous parlez de façon générale ou est-ce que vous avez des
2 informations concrètes sur le sujet ?
3 R. Je ne peux rien vous dire de concret. C'est un point de vue
4 généralement adopté et dont j'ai pris connaissance lors de mes contacts et
5 de mes entretiens avec différentes personnes provenant de Bratunac.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le témoin n'est pas capable de citer
7 des faits concrets, nous pouvons passer à un autre sujet.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de poser une question,
9 Maître Ivetic.
10 Pourriez-vous nous donner une raison quelconque pour les agissements de M.
11 Nikolic ? Quel intérêt avait-il à mentir sur vous et sur d'autres personnes
12 ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, vraiment, je ne peux rien vous dire
14 avec certitude. Mais, à mon avis, il a menti pour se placer dans une
15 meilleure position lui-même, pour se protéger, et aussi pour écarter des
16 accusations qui lui ont été reprochées.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. IVETIC : [interprétation]
19 Q. Puis-je poursuivre --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me demande. Sur ce que vous avez dit,
21 à savoir que vous ne pouvez citer rien de concret, et pourtant, vous avez
22 utilisé le terme de mensonges. Vous avez parlé au pluriel. Est-ce qu'il a
23 prononcé plusieurs mensonges sur votre compte?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je sais très précisément qu'il a
25 menti sur mon compte quand il a dit que je me trouvais sur place, alors que
26 je n'y étais pas. Et d'autres personnes m'ont dit qu'il a également menti
27 sur leurs comptes.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais est-ce que vous pouvez citer
Page 24440
1 d'autres mensonges qu'il a prononcés sur votre compte ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de connaissances à ce sujet.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Ivetic.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
5 Q. J'aimerais maintenant vous poser quelques autres questions. Pour
6 commencer, qu'est-ce que vous pouvez nous dire au sujet des PJP? Qui était
7 mobilisé pour faire partie des unités PJP ?
8 R. En ce qui concerne les PJP qui dépendaient du centre de la sécurité
9 publique de Zvornik, tous les agents de police de différents postes de
10 police dépendant de ce centre faisaient partie des unités PJP; autrement
11 dit, le poste de police de Bratunac, les salariés de ce poste d'active
12 étaient automatiquement des membres des unités PJP. Tout le monde faisait
13 partie de ces unités PJP. Un poste de police envoyait deux hommes pour en
14 faire partie, un autre poste de police envoyait quatre hommes pour faire
15 partie des unités PJP, mais en tout cas les membres de ces unités
16 provenaient de tous les postes différents.
17 Q. Et votre engagement au sein des PJP, était-ce un emploi en plein temps
18 ou était-ce un emploi provisoire ou temporaire ?
19 R. C'était temporaire. Nous étions convoqués pour exécuter des tâches
20 spéciales.
21 Q. Et lorsqu'un agent de police tel que vous a été mobilisé au sein des
22 PJP, et cela a été le cas entre 1992 et 1995, avez-vous continué à exercer
23 vos devoirs réguliers au sein du poste de police mis à part les devoirs que
24 vous aviez au sein des PJP ?
25 R. Lorsque nous étions engagés au sein des PJP, nous avions des tâches
26 spéciales à exécuter sur un ordre du centre de Sécurité, donc nous
27 laissions de côté nos tâches quotidiennes et régulières que nous avions à
28 notre poste de police en tant qu'agents de police réguliers.
Page 24441
1 Q. Où est-ce que vous receviez votre salaire à l'époque où vous étiez
2 engagé en tant que membre des PJP et que vous effectuiez également votre
3 devoir en tant que membre des PJP ?
4 R. Je recevais mon salaire qui m'était payé par le MUP de la Republika
5 Srpska à travers le poste de police de Bratunac pendant un certain temps.
6 Et ensuite, lorsque je suis passé au poste de police de Srebrenica, mon
7 salaire m'a été payé par le poste de police de Srebrenica lorsque j'étais
8 dans les PJP.
9 Q. Bien. Est-ce que vous deviez toujours rendre compte au commandant de ce
10 poste de police pendant la période où vous étiez un membre d'actif des PJP
11 ou est-ce que vous deviez rendre compte à quelqu'un d'autre ?
12 R. Pendant que nous étions membres des PJP, nous n'avions aucun rapport à
13 remettre parce que nous étions accompagnés par les commandants de la
14 compagnie. Je parle là des compagnies des PJP.
15 Q. Et par votre expérience, combien de temps est-ce que l'engagement dans
16 les PJP pouvait durer, combien de jours ?
17 R. Sept à dix ou 15 jours. Et quelquefois, nous participions à des combats
18 pendant une quinzaine de jours sur le terrain.
19 Q. Et pendant la période 1992 à 1995, quelle est la tâche la plus
20 fréquente pour laquelle on pouvait se retrouver membre d'active des PJP ?
21 R. Le plus souvent, les tâches qui étaient confiées aux membres des PJP
22 consistaient à surveiller les lignes de combat. Nous étions à Treskavica,
23 Bandijerka, et cetera.
24 Q. Bien. Vous avez dit un peu plus tôt qu'en travaillant au poste de
25 contrôle de Konjevic Polje, vous remplissiez vos devoirs en tant que
26 policier du poste de police de Bratunac. Et pour être clair, je
27 souhaiterais que vous nous disiez à quel moment en juillet 1995 vous avez
28 été appelé ou vous vous êtes engagé en tant que policier des PJP ?
Page 24442
1 R. J'ai été intégré le 12 juillet 1995 en tant que membre des PJP.
2 Q. Et après le 12 juillet 1992 [comme interprété], à quel moment cela
3 s'est terminé, que votre engagement dans les PJP s'est terminé ?
4 R. Cet engagement a pris fin avec les activités à Srebrenica le 20 juillet
5 1995.
6 Q. Pendant les huit jours où vous vous trouviez à Srebrenica en tant que
7 membre de la 2e Compagnie des PJP de Zvornik, où est-ce que vous deviez
8 dormir ?
9 R. Pendant que nous étions à Srebrenica à effectuer ces tâches, nous
10 étions logés au poste de police de Srebrenica, et pendant un certain temps
11 nous avons dormi dans les bâtiments qu'on appelait les bâtiments
12 auxiliaires, qui sont un petit peu plus loin que le poste de police.
13 Q. Et où est-ce que vous obteniez votre nourriture pendant cette période,
14 pendant ces huit jours ?
15 R. Les denrées alimentaires nous étaient livrées, ou plutôt, pendant la
16 période où nous étions intégrés dans les PJP, nous étions nourris.
17 Q. Pendant cette période, ces huit jours à Srebrenica, est-ce qu'il y
18 avait des transports publics qui fonctionnaient dans la ville de
19 Srebrenica, où vous vous trouviez ?
20 R. Non. Il n'y avait pas de transport public à ce moment-là.
21 Q. Comment pouviez-vous vous déplacer depuis le poste de police jusqu'au
22 poste qui vous était confié et retour ?
23 R. Donc, nous partions du poste de police jusqu'au lieu où nous étions
24 affectés à pied. Je parle des différents secteurs et des différents postes
25 de contrôle.
26 Q. Et les 12 et 13 juillet 1995 à Srebrenica, où aviez-vous été affecté,
27 par exemple ? Dans quelle partie de la ville ?
28 R. Le 12 juillet, j'étais dans le 1er secteur, qui couvre la ville elle-
Page 24443
1 même, depuis l'hôtel jusqu'au centre culturel, le grand magasin, le
2 bâtiment municipal et le poste de police lui-même.
3 Q. Est-ce que vous avez, à un moment donné, quitté la ville de Srebrenica
4 pendant la période du 12 au 20 juillet 1995 ?
5 R. Non. Je n'ai jamais quitté Srebrenica pendant cette période. En fait,
6 je n'ai pas atteint le poste de contrôle sur la route vers Bratunac, qui
7 est situé près du terrain de football.
8 Q. Bien. Le paragraphe 17 de votre déclaration --
9 M. IVETIC : [interprétation] Et il s'agit de la page 4 de la version
10 anglaise et 5 de la version serbe. Et je demande à ce que le document ne
11 soit pas diffusé. J'attends simplement que la page soit affichée.
12 Q. -- vous dites que votre tâche était d'essayer de protéger les biens des
13 différents groupes qui venaient là pour piller les bien abandonnés. Qui ou
14 de quoi parlez-vous lorsque vous parlez de ces groupes ?
15 R. Pour être plus précis, il ne s'agissait pas de groupes. Il s'agissait
16 de personnes individuelles. Il y avait des habitants de Srebrenica, des
17 civils, des femmes, qui se sont rendus dans leurs maisons, mais il y avait
18 également des personnes armées.
19 Q. Bien. Et maintenant, je voudrais passer au paragraphe 11 de votre
20 déclaration préalable.
21 M. IVETIC : [interprétation] Qui devrait figurer à la page 3 des deux
22 versions linguistiques.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander une
24 précision concernant la dernière réponse du témoin.
25 M. IVETIC : [interprétation] Bien entendu.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans votre déclaration, vous dites
27 qu'il y avait différents groupes qui sont venus là pour piller les biens
28 abandonnés. Maintenant, vous parlez d'habitants de Srebrenica, de civils,
Page 24444
1 de femmes, qui sont rentrés chez eux. Et il y avait également des personnes
2 armées. Je ne comprends pas votre réponse. Est-ce que vous pourriez
3 préciser ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je peux vous expliquer. Par exemple, si
5 quelqu'un vient pour piller des biens, il conduirait donc un tracteur. Ils
6 n'y vont jamais seuls parce qu'il faut charger beaucoup de choses et il
7 faut donc qu'il y ait trois ou quatre personnes.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, votre tâche était de protéger
9 les biens de ces différents groupes. Qui vous parlait de ces différents
10 groupes ? Est-ce que c'étaient vos supérieurs qui vous avaient demandé de
11 protéger les biens ? Ou est-ce que vous diriez que c'étaient ces groupes ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, c'étaient probablement nos supérieurs
13 qui nous le demandaient, et cela se savait. C'était la tâche qui nous était
14 donnée lorsque nous sommes arrivés à Srebrenica, mais il ne s'agissait pas
15 là de gros organisés. Et ceci ne nous amenait pas à effectuer d'autres
16 activités.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez par "cela
18 a transpiré", "cela s'est su" ? Est-ce que ces groupes sont apparus sur la
19 scène ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, il n'y avait pas de groupes organisés.
21 Ce que j'essaie de dire, c'est que lorsque l'on parle de groupe, cela peut
22 signifier trois ou quatre personnes sur un tracteur qu viennent piller,
23 prendre des choses importantes. Donc, il s'agit d'un groupe. On ne peut pas
24 emmener un réfrigérateur ou un meuble de taille importante seul.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, le terme "groupe"
26 ou "différents groupes" apparaît dans votre déclaration. Ce sont là vos
27 termes. Donc, ce sont bien les termes que vous avez utilisés.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ce que j'ai dit. C'est la
Page 24445
1 tâche qui nous avait été confiée. C'était conforme aux ordres que nous
2 avions reçus. Et cet ordre parlait spécifiquement de "groupes", mais je
3 peux vous dire que nous n'avons vu aucun groupe. J'ai reçu ces ordres de
4 nos supérieurs. Notre tâche était de nous occuper de ces groupes, et c'est
5 ce que j'ai cité dans ma déclaration.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais il y a quelques instants, vous
7 avez dit "et cela a transpiré", "cela s'est su". Qu'est-ce qui a transpiré
8 ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, comme je l'ai déjà dit, je n'ai vu aucun
10 groupe organisé faire ce genre de choses. Il y avait des civils, il y avait
11 des résidents de Srebrenica qui étaient de retour et il y avait également
12 ces personnes qui arrivaient sur de petits tracteurs, il y en avait quatre
13 ou cinq sur les tracteurs. Je ne sais pas si on peut vraiment y faire
14 référence en parlant de groupes. Mais voilà ce qui s'est produit.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que ce
16 sont des résidents de Srebrenica qui sont revenus en pillant les biens
17 d'autrui ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, il y a eu des cas où ils l'ont fait
19 parce que leurs appartements avaient été détruits, leurs bien avaient été
20 pris, saisis, et ils devaient donc rentrer dans les maisons des autres pour
21 prendre des biens.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une autre question à ce propos.
24 Monsieur le Témoin, vous avez donc vu des hommes armés en train de piller ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je les ai vus à certains moments, et il y
26 a eu même un cas où il y a eu un problème. J'ai vu un homme qui avait un
27 fusil et qui avait pris des biens.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à ma question.
Page 24446
1 Qu'est-ce que vous avez fait à ce moment-là ? Vous l'avez arrêté ? Vous
2 l'avez fait savoir à vos supérieurs ? Qu'est-ce que vous avez fait ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour être tout à fait honnête, nous n'avons
4 rien fait; nous avions un problème. Il a dirigé son fusil vers nous, et
5 pour éviter les problèmes, nous l'avons simplement laissé passer.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous étiez là en tant qu'officiers
7 de police, armés, pour protéger les biens des autres, et puis vous dites :
8 Eh bien, ils utilisaient des armes et nous n'avons rien fait. Est-ce que
9 c'est vraiment votre témoignage concernant la façon dont vous avez rempli
10 vos devoirs ou pas ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ça a été le seul cas. En fait, nous
12 souhaitions simplement éviter qu'il y ait des problèmes. On ne voulait pas
13 tirer, on ne voulait pas abattre cette personne. Nous savions que cet
14 homme-là avait du bétail avant la guerre, et on l'a laissé filer. C'était
15 tout ce que nous pouvions faire.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, pendant toute cette période, tous
17 ces jours-là, vous n'avez vu qu'une personne piller, et puis vous avez
18 décidé de ne pas arrêter cette personne-là ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu d'autres cas aussi, mais je ne me
20 souviens pas vraiment de tous les cas, mais je suis sûr qu'il y en avait
21 d'autres, des cas où l'on confisquait les biens, on les mettait dans des
22 entrepôts spéciaux. Certains étaient stockés au poste de police et d'autres
23 étaient entreposés au grand magasin où il y avait un entrepôt où tous les
24 objets confisqués étaient stockés.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez rédigé un document
26 décrivant ce qui avait été saisi, confisqué, ce qui avait été remis aux
27 supérieurs hiérarchiques, de manière à ce qu'on puisse faire état de
28 l'ensemble de vos activités et en faire rapport ?
Page 24447
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Nous ne rédigions aucun document. Nous
2 remettions les objets à celui qui était en poste à l'entrepôt, et c'est lui
3 ensuite qui dressait une liste de tous les objets qui leur étaient remis.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et que faisiez-vous de ceux qui
5 s'étaient rendus coupables de ces actes de pillage ? Les arrêtiez-vous ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous ne les arrêtions pas. Nous ne
7 faisions que confisquer les objets.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous invite, Maître Ivetic, à
9 poursuivre.
10 Monsieur McCloskey.
11 M. McCLOSKEY : [interprétation] Puisque nous en sommes presque à la fin de
12 cette audience, est-ce qu'on pourrait savoir quelle est l'origine ethnique
13 des personnes qui revenaient, pour éviter tout malentendu.
14 M. IVETIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur, vous avez entendu la question de M. McCloskey. Est-ce que
16 vous pourriez nous fournir des informations quant à l'origine ethnique des
17 personnes qui revenaient vers Srebrenica pendant la période au cours de
18 laquelle vous étiez en patrouille, c'est-à-dire cette période de huit jours
19 ?
20 R. Les personnes qui revenaient à Srebrenica, qui étaient à Srebrenica à
21 ce moment-là, étaient d'origine ethnique serbe.
22 Q. Merci.
23 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 vous aviez d'autres questions ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Nous n'avons pas d'autres
26 questions.
27 M. IVETIC : [interprétation]
28 Q. Au paragraphe 11 de votre déclaration, vous parlez d'un carnet de bord
Page 24448
1 dont était responsable --
2 R. Ce registre ou ce tableau reprenant les différentes équipes du
3 personnel était au poste de sécurité publique de Bratunac.
4 M. IVETIC : [interprétation] Je souhaiterais que nous examinions le
5 document 65 ter 31002.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
7 Juges, le document n'est pas disponible sur e-court.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
9 M. IVETIC : [interprétation] Nous examinerons donc la version de la Défense
10 de ce même document. Un petit instant. Peut-on essayer à nouveau, il s'agit
11 du 31002 ?
12 Q. Monsieur, vous reconnaissez le document qui apparaît à l'écran ? Si
13 c'est le cas, est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit ?
14 R. Oui, je le reconnais. Je reconnais le document. Il s'agit d'une liste
15 de personnel employé au poste de police de Bratunac. On y voit la date au
16 haut du texte, il s'agit de juillet 1995. C'est à cet endroit-là que l'on
17 saisit les informations relatives aux activités de l'officier de
18 permanence, les tâches accomplies au cours de cette période-là.
19 Q. Si nous examinons la version anglaise qui est plus lisible, on voit
20 certaines annotions, là, des sigles "PR" et "BD". Que signifient ces deux
21 abréviations et qu'est-ce qui les distingue, PR et BD ?
22 R. Ces abréviations font référence à d'astreinte pour PR, et pour BD, cela
23 signifie que l'officier en question est en activité de combat.
24 M. IVETIC : [interprétation] Et si l'on examine la deuxième page de la
25 version anglaise, ça devrait être la même page dans la version B/C/S.
26 Q. Il s'agit de la ligne 36 de ce document qui fait référence à vous,
27 Monsieur.
28 M. IVETIC : [interprétation] Et si l'on fait défiler le texte jusqu'à la
Page 24449
1 colonne correspondant aux 10 et 11 juillet. Si l'on fait un gros plan de
2 l'original en B/C/S, peut-être, s'il vous plaît.
3 Q. Monsieur, il y a une autre abréviation en cyrillique pour ces deux
4 dates remplies pour vous. Est-ce que vous voulez bien donner lecture de
5 cette abréviation en cyrillique, donc, pour les deux dates que sont le 10
6 juillet et le 11 juillet 1995 ?
7 R. 10 et 11 juillet, Konjevic Polje, de 8 à 8, le 10, et puis le 11, il
8 est dit là aussi de 8 à 8, KP. Konjevic Polje.
9 Q. KP, ça correspond à quoi ? Histoire que les choses soient parfaitement
10 claires.
11 R. KP correspond à Konjevic Polje, le poste de contrôle de Konjevic Polje.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et la période de temps, de 8 à 8, en
13 dessous de ce 8 heures à 8 heures, il y a quelque chose en dessous. A quoi
14 cela correspond-t-il ?
15 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire un gros plan de ces
16 deux cases.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est difficile à lire.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous arrivez à le voir maintenant ?
19 Vous voyez la case ou la ligne 36 ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est probablement l'heure, ou plutôt, le
21 temps passé au poste de contrôle. Vingt-quatre, j'imagine que ça veut dire
22 24 heures. Je pense que c'est ça, hein. Ça a l'air d'être 24.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
24 M. IVETIC : [aucune interprétation]
25 M. McCLOSKEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais
26 c'est la lecture que nous faisons nous-mêmes de ce document. C'est ainsi
27 que nous l'interprétons. Et je sais qu'il y a des points d'interrogatoire
28 sur la version anglaise, mais tous ceux qui arrivent à déchiffre l'original
Page 24450
1 sont d'accord.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ça serait KP 08-08, souligné, et
3 ensuite une mention. C'est à cela que vous faites référence, la mention en
4 dessous de la barre ?
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, et en dessous de la barre, 24.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et donc, d'après votre
7 interprétation, les deux références concernent le cadre temporel, donc de 8
8 à 8, 24 heures ? Ou y a-t-il une autre signification à ce deuxième chiffre
9 ?
10 Je ne sais pas, Maître Ivetic, avez-vous une interprétation à fournir ?
11 M. IVETIC : [interprétation] C'est bien ce qui semble être écrit. Bien sûr,
12 ces annotations manquent dans la version anglaise, c'est pourquoi nous
13 étudions ces entrées en B/C/S, telle qu'obtenue de la part de l'Accusation.
14 Et nous avons aussi une version de la déposition, la version utilisée dans
15 l'affaire Karadzic, qui était dépourvue de l'original en B/C/S. Et M.
16 McCloskey a été très obligeant et nous a fourni la version B/C/S dont
17 disposait l'Accusation.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, les parties au procès se sont
19 mises d'accord pour constater qu'il s'agit d'un 8, puis d'un 8 qui est
20 souligné et suivi du numéro 24.
21 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Et nous avons aussi les lettres KP en
22 cyrillique qui figurent au-dessus.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
24 M. IVETIC : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je vois que
25 l'heure de lever la séance est passée.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez raison.
27 Maître Ivetic, vous aurez besoin de quelque 15 à 20 minutes demain,
28 j'imagine ?
Page 24451
1 M. IVETIC : [interprétation] Environ 15 minutes. Plutôt 15 minutes.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
3 Monsieur Deronjic, nous allons lever la séance pour aujourd'hui. Nous
4 allons vous revoir demain matin à 9 heures 30. Entre-temps, je vous donne
5 la consigne de ne parler ni de communiquer avec qui que ce soit au sujet de
6 votre déposition, qu'il s'agisse de la partie de la déposition que vous
7 avez déjà fournie aujourd'hui ou de celle qu'il vous reste à fournir
8 demain.
9 Si vous avez bien compris cette consigne, vous pouvez suivre M.
10 l'Huissier.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons la séance pour aujourd'hui.
14 Nous reprenons nos travaux demain, mardi, le 22 juillet, à 9 heures 30 du
15 matin, dans cette même salle d'audience, la salle d'audience numéro I.
16 --- L'audience est levée à 14 heures 17 et reprendra le mardi, 22 juillet
17 2014, à 9 heures 30.
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28