Page 38131
1 Le lundi 24 août 2015
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans la salle d'audience
6 et hors de la salle d'audience.
7 Madame la Greffière, le numéro de l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
9 Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre
10 Ratko Mladic.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
12 Aucune question préliminaire n'a été annoncée. Par conséquent, je demande
13 que l'on fasse entrer le témoin dans la salle.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Radovanovic.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que ne commence votre audition,
19 Madame, il est exigé de vous que vous prononciez une déclaration
20 solennelle --
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas les interprètes.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela va mieux à présent ?
23 Cela va mieux ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous invite à prononcer cette
26 déclaration solennelle dont le texte vous a été tendu il y a un instant.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Page 38132
1 LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Assermentée]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
4 Madame Radovanovic, vous allez d'abord être interrogée par Me Ivetic, que
5 vous voyez sur votre gauche et qui est membre de l'équipe de Défense de M.
6 Mladic.
7 Maître Ivetic, vous pouvez procéder.
8 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
9 Interrogatoire principal par M. Ivetic :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur.
11 R. Bonjour.
12 Q. Pourriez-vous commencer par décliner vos nom et prénom dans l'intérêt
13 du compte rendu d'audience.
14 R. Svetlana Radovanovic.
15 Q. Professeur, j'aimerais demander l'affichage du document 1D05357, qui
16 est votre curriculum vitae. Mais avant que le texte n'apparaisse à l'écran,
17 je vous prierais de bien vouloir vous présenter en résumant brièvement le
18 travail accompli par vous au cours de votre carrière.
19 R. Eh bien, j'ai commencé ma carrière au sein du bureau de la république
20 de Serbie pour les statistiques, dans lequel j'ai travaillé jusqu'à la fin
21 de l'année 1991. J'ai terminé ma carrière dans ces bureaux avec le grade de
22 chef du département des statistiques démographiques. J'ai participé à
23 plusieurs préparations de recensement de la population, et, ex officio,
24 j'étais responsable également de l'organisation et des résultats de ce
25 recensement. J'étais également experte eu égard à la méthodologie appliquée
26 par un groupe d'experts créé par le bureau fédéral des statistiques.
27 Par ailleurs, j'ai organisé un recensement spécial demandé par l'académie
28 serbe des sciences et des arts en rapport avec le Kosovo.
Page 38133
1 En 1992, j'ai commencé à travailler au sein de l'institut des sciences
2 sociales et du centre de recherche démographique jusqu'à la fin de 1999,
3 dans lequel nous avons mené à bien un certain nombre de projets relatifs à
4 la population.
5 J'ai également travaillé pour le centre de la paix des Nations Unies
6 sur un certain nombre de projets qui concernaient la population de diverses
7 régions, et en particulier du Monténégro.
8 En 1999, j'ai été engagée par la faculté de géographie de
9 l'Université de Belgrade, où j'ai continué à travailler jusqu'en 2014.
10 Dans mon curriculum vitae, cet élément ne figure pas. Il est écrit
11 que j'ai travaillé jusqu'en 2013 à cet endroit, et ceci est dû au fait que
12 j'avais remis mon curriculum vitae à une date antérieure et qu'en 2014 j'ai
13 pris ma retraite. J'ai pris ma retraite en tant que chef du département
14 chargé de la démographie. Après la réalisation d'un grand nombre de projets
15 --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander de ralentir
17 un peu votre débit de façon à ce que les interprètes entendent chaque mot
18 que vous prononcez.
19 Vous dites avoir œuvré à la réalisation d'un grand nombre de projets
20 scientifiques. Vous pouvez reprendre à partir de ces mots, Madame, si vous
21 voulez bien.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de projets mis en place par la
23 faculté de géographie et également par des organismes étrangers. Et, en
24 juillet 2014, j'ai pris ma retraite alors que j'étais chef de la chaire de
25 démographie. Au sein de cette université, j'ai mené à bien un certain
26 nombre de projets, en particulier un projet relatif aux finances, et
27 cetera.
28 M. IVETIC : [interprétation]
Page 38134
1 Q. Pouvez-vous nous dire quelles matières vous avez enseignées pendant
2 votre carrière universitaire ?
3 R. J'enseignais à des étudiants de master et de doctorat, et j'ai enseigné
4 dans ce cadre un certain nombre de sujets variés relatifs à la démographie
5 ou faisant partie de statistiques de la population ou relatifs aux méthodes
6 nécessaires pour les analyses démographiques, ainsi que les études
7 géopolitiques et démographiques.
8 Q. Si nous nous penchons sur la page 2 de votre curriculum vitae, que l'on
9 voit apparaître dans les deux langues à l'écran, dans le chapitre réservé
10 aux "autres activités", nous voyons ce document à l'écran en ce moment,
11 vous dites avoir été experte auprès du TPIY. Pouvez-vous nous dire à
12 combien de reprises et dans quelles affaires vous êtes intervenue à titre
13 d'experte ?
14 R. J'ai témoigné dans le cadre de l'affaire relative au siège de Sarajevo.
15 Je crois que c'est M. Galic qui était concerné. J'ai témoigné au sujet de
16 la structure démographique et des modifications de ces structures à Samac
17 et Odzak dans l'affaire Blagojevic et consorts. Et puis, j'ai également
18 témoigné dans l'affaire Prlic et consorts, et je crois n'avoir rien oublié.
19 Au total, je crois avoir participé en tant qu'experte à cinq procès. Ah,
20 j'ai aussi témoigné dans le cadre de l'affaire Popovic.
21 Q. En dehors de l'ajout de la date exacte de votre retraite, considérez-
22 vous ce curriculum vitae que nous avons ici comme complet et exact ?
23 R. Oui.
24 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
25 demande le versement du document 1D05357 en tant qu'élément de preuve
26 ouvert au public.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections du côté de l'Accusation ?
28 M. FILE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
Page 38135
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ce document est admis au dossier,
2 et je vous demande le numéro de la pièce, Madame la Greffière.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter 1D05357 reçoit le
4 numéro de pièce à conviction D1210.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, comme je l'ai dit, ce document est
6 désormais versé au dossier.
7 Veuillez procéder.
8 M. IVETIC : [interprétation]
9 Q. Professeur, vous avez établi un rapport écrit dans l'intérêt de
10 l'espèce. Je demande donc l'affichage du document 1D05356, dont j'ai un
11 exemplaire papier entre les mains.
12 R. J'ai mon propre exemplaire, mais si vous y tenez, vous pouvez me
13 transmettre le vôtre.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est coutumier que les parties
15 fournissent les documents papier pour vous permettre de les consulter, car
16 personne ne s'attendait à ce que vous les apportiez avec vous.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je vous prie - quel que ce soit le
19 document que vous avez apporté avec vous - je vous demanderais de vous
20 abstenir de le consulter sans autorisation de la Chambre car vous recevrez
21 des parties tout document dont vous pourrez avoir besoin.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
23 M. IVETIC : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 2 de ce
24 document dans le prétoire électronique dans les deux langues.
25 Q. Pourriez-vous nous dire quelles ont été les demandes qui vous ont été
26 faites dans le cadre de l'engagement dont vous faites l'objet en l'espèce,
27 c'est-à-dire dans le cadre de l'affaire Mladic ?
28 R. Je devais déterminer les fondements sur lesquels reposaient les
Page 38136
1 informations présentes dans le rapport d'expert de l'Accusation afin
2 d'examiner toutes les sources utilisées par l'Accusation et de commenter
3 mon opinion au sujet de ces sources dans le but de déterminer si
4 l'Accusation avait utilisé les méthodes en vigueur de la part des
5 chercheurs en sciences démographiques et statistiques et d'apprécier les
6 résultats obtenus en indiquant la présence d'éventuels problèmes
7 méthodologiques, s'il y en a, et en donnant mon appréciation du rapport.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifions un peu la traduction.
9 Nous avons entendu de la bouche des interprètes, s'agissant de vos derniers
10 propos, que vous avez dit qu'il vous avait été demandé d'apprécier les
11 résultats obtenus et d'indiquer les nombreux problèmes méthodologiques.
12 L'INTERPRÈTE : S'il y en avait, correction de l'interprète.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est bien cela que je pensais. Il
14 convient de lire "les problèmes méthodologiques existant éventuellement,"
15 et non pas "les nombreux problèmes méthodologiques." Donc, en anglais,
16 "any" au lieu de "many".
17 Veuillez procéder.
18 M. IVETIC : [interprétation]
19 Q. Vous avez donc identifié le rapport d'expert de l'Accusation. Est-ce
20 qu'il vous a été demandé d'apprécier le travail d'un ou de plusieurs
21 experts de l'Accusation ?
22 R. De plusieurs d'entre eux. Pour une raison très simple : c'est que
23 l'Accusation avait engagé plusieurs experts. Une analyse d'expertise
24 relative aux modifications ethniques était le fruit du travail du Dr
25 Tabeau. Mais elle aussi a dit à la fin de son rapport qu'afin de réaliser
26 ce rapport, elle a bénéficié de l'aide d'un certain nombre de personnes.
27 Q. Je demande l'affichage de la page 3 de ce document dans les deux
28 langues. Commençons par le bas de la page. A ce niveau, vous faites la
Page 38137
1 liste des rapports que vous avez analysés, et le texte se poursuit dans la
2 page suivante. Passant à la page 5, donc, sur les écrans dans les deux
3 langues, nous voyons la fin de cette liste, en haut de la page 5. Cette
4 liste se compose de 21 éléments. Et dans cette page 5, vous énumérez
5 également les 15 sources de données que vous avez analysées.
6 Avez-vous eu l'occasion de relire d'autres documents écrits, en dehors de
7 ceux qui figurent dans la liste que je viens d'évoquer, dans le but de
8 préparer et de rédiger votre rapport ?
9 R. J'ai lu tous les documents auxquels j'ai pu avoir accès et dont je
10 considérais qu'ils pouvaient avoir une importance pour mon travail. Chaque
11 fois que je lisais un rapport d'expert, je me penchais sur les sources des
12 données utilisées par l'Accusation, mais j'ai aussi eu recours à des
13 sources de données qui n'étaient pas citées dans les documents du
14 Procureur. Donc, j'ai utilisé, lu et examiné tous les documents auxquels
15 j'ai pu avoir accès et qui me paraissaient importants.
16 Q. De façon à ce que tout soit clair dans votre déposition d'aujourd'hui,
17 votre déposition d'aujourd'hui et votre rapport ne traitent pas ou
18 n'analysent pas nouveau rapport du Pr Tabeau au sujet du site de Tomasica,
19 n'est-ce pas ?
20 R. En effet.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, tout cela n'est pas tout
22 à fait clair à mes yeux. Vous avez dit avoir utilisé tous les documents
23 auxquels vous avez pu avoir accès et dont vous pensiez qu'ils pouvaient
24 être importants par rapport aux rapports que vous aviez à examiner, et vous
25 dites avoir examiné tous ces documents.
26 Alors, vous avez énumérez les 21 rapports analysés par vous et vous avez
27 évoqué 15 sources de données. Les autres documents que vous avez examinés,
28 quels sont-ils, pourriez-vous nous le dire ?
Page 38138
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Les rapports sont les seuls rapports que j'ai
2 examinés, les rapports qui m'ont été fournis. Mais j'ai examiné en
3 particulier un rapport avec l'entrepôt de Kravica, d'autres documents qui
4 comportaient des statistiques, disons des statistiques récentes de ce qui
5 concernait les événements évoqués. Et par le passé, j'avais également eu
6 recours à des documents du département des statistiques dans lesquels
7 j'avais trouvé des éléments pertinents, qui à l'époque n'étaient pas
8 accessibles pour moi mais qui le sont devenus.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] … deux questions : d'abord, est-ce que
10 nous trouvons une référence à ces sources utilisées consultées par vous
11 dans votre rapport ? En note en bas de page, éventuellement ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour tout ce que j'indique dans mon rapport,
13 j'ajoute une note en bas de page qui en indique la source.
14 S'agissant des sources extérieures que j'ai consultées et que j'ai
15 décidé de ne pas utiliser, je ne les cite pas dans le rapport et je
16 n'apporte aucune explication les concernant en note en bas de page. Mais
17 s'agissant des sources, dès lors que j'en cite un passage ou que j'oriente
18 le lecteur vers cette source, j'ajoute en bas de page la source d'où
19 provient cet élément, l'ouvrage, l'institution concernée ou autre, et les
20 extraits que j'ai utilisés.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, chaque fois que
22 vous avez utilisé un document, vous considérez qu'en note en bas de page
23 nous trouvons une référence explicitant sa source.
24 Et puis, vous avez dit également que vous n'aviez pas eu accès à un certain
25 moment à certains documents. Avez-vous essayé d'obtenir accès à ces
26 documents ? Vous savez, les Juges de la Chambre sont toujours un peu
27 préoccupés lorsqu'un expert déclare : Je n'ai pas pu analyser tel ou tel
28 document parce que je n'ai pas pu accéder à ce document. La Chambre peut
Page 38139
1 souvent apporter son concours afin de faciliter l'accès à de telles sources
2 ou à de tels documents.
3 Alors, quels sont exactement les documents auxquels vous n'avez pas pu
4 accéder ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé à la Défense que l'on me facilite
6 l'accès au département démographique du bureau du Procureur afin que je
7 puisse examiner les documents présents et voir s'ils pourraient m'être
8 utiles. En 2004 et 2005, j'ai eu un certain accès à ces documents, mais
9 depuis un certain temps s'est écoulé, et j'ai considéré qu'il serait
10 intéressant pour moi de réexaminer les éléments ou documents utilisés par
11 l'Accusation dans ce bureau.
12 Pour autant que je le sache, l'Accusation a donné son autorisation pour que
13 la chose soit faite. Mais le Procureur a indiqué qu'au moment en question
14 le bureau était fermé, qu'il fallait d'abord que le bureau du Procureur
15 consulte le Pr Tabeau et que j'indique au préalable quels documents je
16 voulais consulter, après quoi le bureau allait m'autoriser l'accès à ces
17 documents. Jusqu'à présent, je n'ai pas reçu cette note m'indiquant que je
18 pouvais consulter les documents. Mais peut-être la Défense possède-t-elle
19 des explications dont je ne dispose pas.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez indiqué au bureau du
21 Procureur ce que vous souhaitiez consulter ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai indiqué tous les éléments des
23 sources que je souhaitais passer en revue.
24 Voyez-vous, par exemple, je n'ai jamais pu examiner --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, en ce moment, ce ne sont pas
26 les détails qui m'intéressent, mais plutôt les éléments généraux.
27 Maître Ivetic.
28 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que je peux vous apporter mon
Page 38140
1 concours ?
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie, parce que la
3 Chambre se demande si elle n'a pas raté quelque chose.
4 M. IVETIC : [interprétation] L'Accusation et la Défense n'ont aucun
5 problème à ce sujet. Nous avons coopéré pleinement avec le bureau du
6 Procureur sur ce point. Le Greffe n'a pas encore fourni les autorisations
7 nécessaires pour que Mme Radovanovic et ses assistants accomplissent le
8 travail souhaité. Mais dans le cadre du processus de tentative
9 d'organisation de cela, pour une partie de l'affaire concernant Tomasica,
10 l'experte présente devant vous a récemment été nommée en qualité d'experte
11 pour cette partie de l'espèce, alors que nous demandions un expert sur ce
12 point depuis longtemps. C'est seulement la semaine dernière que sa
13 nomination par le Greffe à ce titre a été obtenue et effectuée.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre que les seules
15 parties de l'espèce ayant fait l'objet de documents auxquels le témoin n'a
16 eu accès sont représentées par le site de Tomasica ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais peut-être dû poser la question
19 avant.
20 M. IVETIC : [interprétation] Le témoin n'a pas eu accès depuis 2007 à la
21 base de données démographiques du bureau du Procureur.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand est-ce que la demande a été faite
23 ? Parce que ce vous nous dites en ce moment, c'est que l'Accusation n'avait
24 aucune opposition à ce qu'elle consulte ce registre, cette base de données,
25 mais que le Greffe a empêché l'accès à ces documents qui, apparemment, sont
26 pertinents.
27 A quel moment est-ce que la demande a été faite pour que le témoin puisse
28 avoir accès aux documents demandés et est-ce que c'est le Greffe ou le
Page 38141
1 Greffier qui a fait obstruction, plus ou moins ?
2 M. IVETIC : [interprétation] Je ne dirais pas qu'il y a eu obstruction. Je
3 parle de fondement. Ce sont deux questions très différentes. Le bureau du
4 Procureur a demandé à la Défense et aux experts de payer de leur poche pour
5 accomplir ce travail. La correspondance la plus récente sur ce point date
6 d'il y a environ trois semaines. Les demandes ayant été faites plusieurs
7 mois auparavant, au moment où nous avons obtenu quelques heures de travail
8 supplémentaires pour la nomination d'un expert sur Tomasica.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je dirais que Tomasica est une
10 autre question. L'obstacle à l'accès à ces documents -- ces documents
11 étaient tous des documents ne concernant pas Tomasica, n'est-ce pas ? Le
12 témoin l'a dit : Je n'ai pas eu accès à des documents en dehors des
13 documents concernant Tomasica.
14 M. IVETIC : [interprétation] Nous n'avons pas de financement. Je ne peux
15 pas trouver d'autre explication, Monsieur le Président. L'Accusation a
16 consenti du point de vue des dates sur le financement, mais nous essayons
17 encore d'organiser pratiquement ce financement dans l'intérêt de l'experte
18 et de ses assistants afin qu'ils puissent utiliser les installations du
19 bureau du Procureur dans le cadre de ce travail, et nous espérons que la
20 question sera résolue et que l'experte pourra accéder à ces documents pour
21 vérifier si elle trouve des modifications dans la nouvelle base de données
22 par rapport à la précédente.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la demande de financement a-t-elle
24 été faite pour les documents non relatifs à Tomasica également ?
25 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis débout ici et
26 je ne sais pas si le processus est encore en cours. Je ne voudrais pas
27 faire de supputation et risquer de fournir une information erronée à la
28 Chambre quant à la date initiale de la demande, mais la demande la plus
Page 38142
1 récente date, je pense, d'il y a trois ou quatre semaines.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
3 M. IVETIC : [interprétation] La nomination de l'experte ayant été confirmée
4 la semaine dernière ou il y a deux semaines et le financement des
5 assistants et de l'experte pour ces documents étant encore en attente, en
6 suspens.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, le rapport a été déposé en
8 - je vérifie - mars 2015. Dois-je comprendre que des demandes de
9 financement supplémentaire ont été faites avant mars 2015, parce que le
10 rapport a été conclu apparemment -- enfin, vous comprenez que la Chambre
11 veut savoir en détail quelles sont les raisons pour lesquelles les
12 documents consultés ne sont pas en nombres suffisants.
13 M. IVETIC : [interprétation] La demande initiale d'examen des documents est
14 parvenue pendant la présentation des moyens de l'Accusation. A ce moment,
15 l'Accusation a déclaré qu'elle n'avait pas d'objection par rapport à cette
16 demande. Et je pense que c'est un peu plus tard en 2014 que Mme Tabeau a
17 témoigné pour la première fois.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que, apparemment, il y a quelque
19 confusion dans cette histoire. Est-ce qu'une demande de financement
20 nécessaire a également été faite ou est-ce que la demande ne concernait que
21 l'accès aux documents sans aborder la question du financement ? Parce qu'au
22 début j'ai compris dans le témoignage de l'experte que le Greffe, plus ou
23 moins, était responsable du blocage de l'accès à ces documents, alors qu'il
24 s'avère qu'il s'agit plutôt d'une question financière, en demandant des
25 détails supplémentaires au sujet des demandes de financement et de leurs
26 dates. Vous parlez de trois ou quatre mois en arrière pour la demande de
27 financement, semble-t-il, et le dépôt du rapport.
28 M. IVETIC : [interprétation] Mais il y a eu une nouvelle demande parce que
Page 38143
1 l'affaire Tomasica a été rouverte et a dû faire l'objet d'un travail
2 d'expert.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai
4 demandé ce qu'il en était pour les documents ne concernant pas Tomasica. Je
5 crois comprendre que Tomasica fait toujours l'objet d'un travail permanent
6 mais n'est pas concerné dans le rapport. Par conséquent, je me demande ce
7 qui a fait obstacle à l'accès aux documents nécessaires au témoin expert
8 pour la rédaction de son rapport, qui est désormais devant nous
9 aujourd'hui. Est-ce que c'est le fruit d'un manque de coopération de la
10 part du Greffe; et si tel est le cas, est-ce une question de financement ou
11 est-ce que c'est dû à la fermeture du département qui a empêché l'accès ?
12 Ces questions, la Chambre aimerait qu'elles soient clairement distinguées
13 les unes des autres et non confondues. Avez-vous d'autres renseignements ?
14 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
16 M. IVETIC : [interprétation] D'après mes souvenirs, initialement, le fait
17 que le département ait été rouvert mais que l'Accusation ait donné son
18 autorisation et consenti à l'experte et ses assistants qui l'avaient déjà
19 assistée dans son travail précédent au sein de l'unité démographique il y a
20 quelques années a suscité quelque préoccupation. Mais le problème qui se
21 pose est un problème de financement. Le financement du travail de Mme
22 Radovanovic était élevé et exigeait que nous soient affectées des heures
23 supplémentaires. La question du financement est examinée par le Greffe.
24 C'est un problème en cours qui concerne de nombreux experts, c'est pourquoi
25 il m'est un peu difficile de me rappeler chaque détail de la question, car
26 le financement des experts de la Défense pose toujours quelques problèmes.
27 Nous en avons traité oralement et par écrit et d'autres manières aussi avec
28 le Greffe. C'est un processus pénible et long, et nous espérons que
Page 38144
1 finalement nous pourrons obtenir la nomination de Me Radovanovic et
2 l'obtention de ses heures supplémentaires pour examen de la question de
3 Tomasica. Nous essayons d'obtenir l'agrément pour ses assistants afin
4 qu'ils puissent tous venir consulter les documents de l'unité
5 démographique.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, en ce moment, nous n'avons
7 aucun détail sur le financement ou sur l'accès aux documents dans les
8 premières étapes du processus, au moment où le financement supplémentaire
9 et le nouvel accès aux documents Tomasica ne jouaient aucun rôle dans la
10 rédaction du rapport.
11 M. IVETIC : [interprétation] Je ne peux fournir aucun détail sur ce point,
12 c'est exact.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur File, est-ce que vous avez des
14 commentaires sur cette question ?
15 M. FILE : [interprétation] Dans les jours qui viennent, je pourrais fournir
16 des détails complémentaires au sujet de l'accès aux bases de données
17 démographiques du bureau du Procureur. La demande que je connais a été
18 reçue le 14 juillet de cette année.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela concernait Tomasica ou -
20 - parce qu'à ce moment-là, le rapport avait déjà été produit. Est-ce qu'il
21 y a eu une demande antérieure d'accès ?
22 M. FILE : [interprétation] Je ne suis au courant d'aucune demande
23 antérieure d'accès concernant précisément Tomasica. Il s'agissait
24 uniquement d'accès à la base de données démographiques. Nous avons répondu
25 à cette demande, si je ne m'abuse, le 16 juillet, en proposant plusieurs
26 dates qui pourraient être disponibles entre le 27 juillet et le 7 août ou
27 des dates au mois de septembre, à commencer par le 7 septembre. C'est à ce
28 point que s'est arrêtée notre correspondance.
Page 38145
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse au témoin actuellement.
2 Vous avez dit avoir entendu que le département était fermé et que c'était
3 un problème. Est-ce que vous avez parlé des dates situées entre le 7 août
4 et le mois de septembre ou est-ce que vous parliez de dates antérieures
5 s'agissant de la fermeture du département démographique de façon temporaire
6 ou permanente ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle d'une période antérieure.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette période allait de quelle date à
9 quelle date ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où je négociais pour accepter la
11 rédaction du rapport dont nous parlons aujourd'hui, j'ai parlé à des
12 avocats et à l'équipe de Défense, qui a été très aimable à mon égard et qui
13 m'a permis de revoir et d'examiner tous les documents dont j'avais besoin à
14 ce moment-là. A l'époque, je connaissais une base de données. Et pour
15 autant que je le sache, une demande a été faite pour que je puisse avoir
16 accès et une réponse a été fournie, mais je ne l'ai pas ici avec moi. Mais
17 étant donné que le bureau démographique est actuellement fermé, je dois
18 préciser ce que je souhaite examiner de façon à ce que le Pr Tabeau puisse
19 donner son agrément à ce que je consulte ces bases de données.
20 Après tout, je n'ai reçu aucune réponse de qui que ce soit jusqu'à présent.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander un élément.
22 Vous avez dit : "Pour autant que je le sache, une demande a été faite pour
23 me permettre d'accéder à ces documents et une réponse a été obtenue, mais
24 je n'ai le nom de personne précis en tête."
25 Alors, ça s'est passé quand ? C'était cette année ? Il y a un an ? Il y a
26 deux ans ? Il y a cinq ans ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était sans aucun doute l'année dernière,
28 avant que je termine la rédaction de mon rapport concernant le sujet dont
Page 38146
1 nous parlons aujourd'hui.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et vous dites que la raison en
3 était la fermeture de l'unité démographique du bureau du Procureur.
4 Est-ce que vous faites référence à ce bureau également lorsque vous parlez
5 de l'année dernière ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux en être sûre à 100 %, mais c'était
7 certainement avant que je ne soumette mon rapport.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez ajouté : "Je dois
9 préciser quels sont les documents que je souhaite examiner de façon à ce
10 que le Dr Tabeau donne son agrément et que je puisse accéder à ces base de
11 données."
12 Quand avez-vous informé le Pr Tabeau de ce que vous souhaitiez consulter ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'informe jamais le Pr Tabeau. Je rédige ma
14 demande et je la transmets aux avocats, qui rédigent une requête.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que j'ai soulevé cette question
16 un peu plus tôt, mais il faut que je retrouve l'endroit. Voyons…
17 Un instant, s'il vous plaît.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous demande, Monsieur le
19 Président [comme interprété], de bien vouloir éteindre votre microphone
20 entre-temps. A la demande des interprètes.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a dit un peu plus tôt que
22 lorsque je lui ai demandé si elle avait informé - si elle "les informait",
23 je crois que c'est ce que j'ai dit - je pensais à l'unité démographique ou
24 au Greffe, mais le témoin a ensuite dit : "J'ai évoqué toutes les" --
25 attendez… "toutes les sources que je souhaitais examiner."
26 Avez-vous mentionné cela à la Défense ? Est-ce ainsi que je dois le
27 comprendre ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas très certaine d'avoir compris
Page 38147
1 votre question. La procédure est comme suit. Si je souhaite examiner --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] … non, je préfère en parler en tenant
3 compte des éléments que vous nous avez fournis lors de votre déposition
4 jusqu'à présent.
5 Vous dites que le bureau du Procureur avait donné son consentement. Le
6 Greffe a dit que l'unité était fermée à présent, qu'il faut en parler avec
7 le Dr Tabeau et que vous devriez expliquer quels sont les éléments que vous
8 souhaitiez voir. A ce moment-là, ils vous notifieraient et vous diraient
9 quand vous pourriez venir, le cas échéant.
10 Vous avez dit que jusqu'à ce jour, vous n'aviez pas eu de nouvelles d'eux,
11 et peut-être que la Défense sait mieux ce dont il s'agit. Je vous ai posé
12 la question, et vous leur avez dit quels étaient les éléments que vous
13 souhaitiez examiner. Vous avez répondu en disant : Oui, j'ai cité toutes
14 les sources que je souhaitais consulter.
15 A qui avez-vous mentionné cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que nous nous sommes mal compris.
17 Je rédige une demande au nom du cabinet d'avocats pour lequel je travaille.
18 C'est par leur intermédiaire que les demandes sont déposées. Je n'ai jamais
19 de communication directe avec l'expert ou le Greffier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous précisé très exactement à la
21 Défense quels sont les documents que vous souhaitiez consulter ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai envoyé des éléments d'information à
23 la Défense pour préciser quels sont les éléments que je souhaite consulter.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci a été communiqué au Pr
25 Tabeau ?
26 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas accès à cela, les éléments du Pr
27 Tabeau. Je crois qu'il faut que nous consultions le bureau du Procureur, et
28 je crois que M. Tieger nous a dit que nous devions pouvoir accéder
Page 38148
1 librement à des ordinateurs. Je crois que ce projet doit être financé. La
2 demande initiale, en fait, remonte à 2013. Je crois que j'ai constaté que
3 c'était M. McCloskey.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, attendez. D'une manière ou
5 d'une autre, avez-vous communiqué la liste des documents que souhaite
6 consulter Mme Radovanovic de façon à ce que le Pr Tabeau soit tenue au
7 courant, parce qu'elle a compris la réponse du Greffe comme étant comme
8 suit : dites-nous ce dont vous avez besoin, et à ce moment-là nous allons
9 voir comment procéder.
10 Alors, ma question est très simple - peut-être qu'il y a des bonnes raisons
11 ou des mauvaises raisons à cela - mais la question que je pose est, en fait
12 : la demande portant sur la consultation de certains documents, cette
13 demande a-t-elle été envoyée ou non au Pr Tabeau ?
14 M. IVETIC : [interprétation] Ceci a été envoyé au bureau du Procureur avec
15 la réponse, et lorsque nous nous sommes rapprochés de la date, nous avons
16 précisé cela plus en détail. Je n'envoie rien directement au Pr Tabeau.
17 C'est cela la difficulté. Et je peux vous lire le courriel qui date du 28
18 octobre 2013 de M. McCloskey.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. IVETIC : [interprétation] "Oui, nous avons demandé. Nous la connaissons,
21 et nous avons fait des demandes d'accès qui ont abouti. Comme vous le
22 savez, Ewa ne travaille plus ici. Donc, sur un plan logistique, cela sera
23 plus difficile qu'auparavant, mais Max pourra mettre ceci en place et nous
24 serons en contact bientôt." Donc, cette conversation remonte au moins
25 d'octobre 2013. C'est la raison pour laquelle je l'ai moins en mémoire.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
27 M. TIEGER : [interprétation] J'ai sous les yeux, Monsieur le Président, la
28 communication la plus récente citée par Me Ivetic, à savoir qu'une demande
Page 38149
1 émanait de la Défense en direction de leurs confrères : "Je vous demande
2 par la présente que notre experte démographique, le Pr Radovanovic, puisse
3 avoir accès aux base de données démographiques, et cetera. Je vous prie de
4 bien vouloir me tenir informé le plus tôt possible pour me dire si, oui ou
5 non, le bureau du Procureur donne son consentement et dans quelles
6 conditions cet accès pourrait se faire, à quel moment, quelles seront les
7 dates de disponibilité de chacun.
8 Ceci a été envoyé le 14 juillet de cette année. Le 17 juillet, nous
9 avons répondu en disant que nous donnions notre consentement, que nous
10 pouvions mettre en place des ordinateurs pour Mme Radovanovic et deux
11 assistants de façon à ce qu'ils puissent avoir accès aux sources et bases
12 de données demandées. Et, à cette fin, nous souhaitions être informés des
13 éléments suivants le plus précisément possible : le nombre de jours dont
14 auraient besoin le professeur et ses assistants, combien d'ordinateurs
15 seraient nécessaires, si ces ordinateurs devaient être reliés entre eux par
16 l'intermédiaire d'un réseau local et une liste des sources précises que ces
17 personnes souhaitaient consulter. Et nous avons donné les dates qui, pour
18 nous, étaient des dates de disponibilité, comme M. File l'a indiqué
19 précédemment. Et nous souhaitions en être avertis une semaine à l'avance de
20 façon à pouvoir organiser cet accès et configurer les ordinateurs pour des
21 dates données.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous devons en rester là
23 pour le moment. Mais, bien sûr, nous comprenons, Maître Ivetic, que ceci
24 est un sujet de préoccupation pour les Juges de la Chambre car l'experte
25 nous dit qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires -- mais
26 poursuivons. La Chambre de première instance souhaitera peut-être suivre
27 ceci plus en détail pour savoir exactement quand cela s'est passé et
28 comment ceci a été formulé.
Page 38150
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je souhaite poser une question
2 supplémentaire à M. Tieger. Vous avez dit que vous avez répondu le 17
3 juillet, vous avez donné votre consentement et vous avez donné davantage de
4 détails sur la façon dont vous souhaitiez procéder.
5 Avez-vous reçu une réponse ou une lettre de la Défense ?
6 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons tous été Président de Chambre
9 à un moment donné ou à un autre, donc pas de problème. Ceci renvoie au
10 lapsus de M. Tieger, M. Fluegge n'étant pas le Président de la Chambre.
11 Alors, poursuivons. Peut-être que nous souhaiterons nous pencher
12 davantage sur cette question de procédure par la suite.
13 Veuillez poursuivre.
14 M. IVETIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur [comme interprété] le Professeur, veuillez nous expliquer
16 rapidement quel type de méthode vous avez utilisée lorsque vous avez rédigé
17 votre rapport; autrement dit, comment avez-vous analysé les travaux menés
18 par les experts de l'Accusation ?
19 R. Eh bien, j'ai appliqué la méthodologie habituelle pour ce type de
20 recherche. J'ai tout d'abord rassemblé tous les éléments d'information
21 pertinents et j'ai consulté toutes les bases de données, évidemment celles
22 auxquelles j'avais accès, tous les résultats que j'ai obtenus concernant
23 ces bases de données, ensuite j'ai regroupé tous ces rapports par thème,
24 ainsi que la littérature et les données dont je disposais, et ensuite j'ai
25 mené une analyse et j'ai tiré des conclusions sur les causes et les effets.
26 Q. Alors, est-ce que vous avez une idée de la manière dont les experts de
27 l'Accusation travaillent ? Est-ce qu'ils appliquent la méthodologie et les
28 critères uniquement que l'on applique normalement aux recherches
Page 38151
1 démographiques ?
2 R. Je pense que les rapports qui m'ont été fournis par les experts de
3 l'Accusation sont des rapports qui sont élaborés d'une certaine façon et
4 qui n'appliquent pas la méthodologie scientifique que l'on applique
5 communément aux recherches démographiques et statistiques. En lieu et place
6 de cela, ils utilisent un modèle que les experts de l'Accusation appellent
7 une méthodologie uniforme qui s'adapte à leurs propres recherches et qui
8 n'est pas appliquée dans d'autres travaux de recherche scientifique et qui
9 n'est appliquée que par l'unité démographique du bureau du Procureur.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, vous dites que les
11 experts de l'Accusation appellent cela eux-mêmes une méthodologie uniforme.
12 Je crois que vous avez parlé d'une méthodologie unique. Est-ce cela que
13 vous vouliez dire ou non ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Unique, ils appellent cela une méthodologie
15 unique. En tout cas, c'est comme ça que cela m'est traduit en serbe.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.
17 M. IVETIC : [interprétation]
18 Q. Avez-vous eu l'occasion d'examiner votre rapport dans son intégralité
19 avant de venir témoigner aujourd'hui pour être sûre que tout a été noté
20 correctement dans la version serbe ?
21 R. Oui, j'ai examiné les rapports. Il y a peut-être une difficulté au
22 niveau des notes en bas de page, surtout au niveau de la traduction vers
23 l'anglais, mais je crois que toutes les notes en bas de page ont été
24 consignées correctement. Lorsque je dis qu'il y a une difficulté, je ne
25 veux pas dire que quelqu'un l'a fait de manière intentionnelle, mais le
26 nombre de pages du rapport dans la version serbe et dans la version
27 anglaise ne coïncident pas.
28 Q. Et vous maintenez tout ce qui est dit dans votre rapport ?
Page 38152
1 R. Oui.
2 M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous demandons à ce que
3 le document 1D05356 soit marqué aux fins d'identification pour le moment
4 parce que nous devons encore traiter des problèmes de traduction dans la
5 version anglaise au niveau de l'introduction. Comme vous pouvez le voir sur
6 nos écrans, par exemple, la date est erronée sur la page de garde de la
7 version anglaise, qui n'a pas la même date que l'original. Une date
8 différente.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, je crois que l'on ne verse
10 au dossier, de toute façon, les documents qu'à la fin de la déposition du
11 témoin.
12 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, la cote provisoire
14 du rapport serait quel numéro ?
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 1D05356 reçoit la cote
16 D1211, Messieurs les Juges.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Marqué aux fins d'identification.
18 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
19 Q. Alors, passons maintenant à la page 15 dans les deux langues de votre
20 rapport. Et en attendant l'affichage de cela, vous avez parlé d'une
21 méthodologie unique utilisée par les experts de l'Accusation. Veuillez nous
22 dire ce que cela signifie ? Quel lien y a-t-il entre cela et la
23 méthodologie communément appliquée pour ce genre de travail ?
24 R. Le travail Brunborg a expliqué dans un de ses travaux cela. Il a
25 développé la méthodologie qui a été appliquée et il a appelé cela une
26 méthodologie unique. Le Pr Tabeau a repris ce terme à plusieurs reprises.
27 En utilisant le terme de méthodologie unique, ils parlent dans ce sens-là
28 d'une méthodologie scientifique modifiée. Ils l'ont modifiée d'une façon
Page 38153
1 qui, sur un plan scientifique et technique, est inadmissible. Ce type de
2 modification peut effectivement être appelée unique mais n'est absolument
3 pas fondée en termes de science. C'est une méthodologie qui permet à un
4 statisticien de cibler différentes bases de données statistiques, et c'est
5 ce que je démontre dans mon rapport.
6 Q. Veuillez tout d'abord nous dire ce que vous entendez par le terme de
7 cibler leurs données ? Et je crois que cela figure sur cette page au niveau
8 du premier paragraphe. En fait, "les résultats statistiques ciblés."
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je souhaite comprendre le
10 début de la réponse du témoin.
11 Vous avez dit que, par le terme de méthodologie unique, ils entendent une
12 méthodologie scientifique modifiée, donc ils s'écartent des critères
13 communément appliqués. Et ils l'ont modifiée de telle sorte que sur un plan
14 scientifique et technique cela est inadmissible. Qu'est-ce qui a été
15 modifié pour que nous comprenions ce qui est techniquement et
16 scientifiquement inadmissible ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont modifié cela, mais ils ne l'ont pas
18 expliqué. Ils ont présenté les éléments comme si la méthodologie appliquée
19 était la méthodologie réelle. Et donc, c'est comme ça que je suppose qu'ils
20 inventent un nouveau brevet que l'on peut appliquer aux travaux
21 méthodologiques de ce genre.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, une explication, s'il vous
23 plaît ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, ils n'appliquent pas le système
25 de correspondance comme on le fait lorsqu'on procède à des analyses
26 statistiques standard. Ils inventent des éléments et présentent des
27 résultats d'une façon qui correspond à comparer des pommes et des poires.
28 Ils comparent des groupes complètement différents pour pouvoir rendre des
Page 38154
1 conclusions. Ils utilisent des paramètres qui, sur un plan statistique et
2 démographique, sont sans fondement et ils les utilisent pour expliquer des
3 phénomènes démographiques.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout ceci est très abstrait. Veuillez
5 nous dire, lorsque vous dites qu'ils comparent des pommes et des poires,
6 pour que l'on puisse comprendre bien. Alors, ce n'est pas votre jugement,
7 c'est la question qui nous intéresse. Ce que nous souhaitons comprendre,
8 c'est de quoi il s'agit.
9 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons l'intention d'aborder chaque
10 élément l'un après l'autre. Nous sommes encore au niveau de l'introduction
11 de ces éléments d'expertise.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je souhaite comprendre de quoi il
13 s'agit. Alors, s'il s'agit d'une simple introduction, dans ce cas je
14 propose que vous abordiez tout d'abord ces éléments-là. Parce que vous avez
15 commencé à poser des questions détaillées sur des résultats statistiques
16 ciblés, alors que la partie précédente de la réponse devait être davantage
17 développée.
18 Mais si vous estimez qu'il serait bon de procéder comme cela, je vous en
19 prie, allez-y, mais sachez que cela soulève déjà de nombreuses questions.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je souhaite poser cette question au
21 témoin, je souhaite qu'il précise une phrase.
22 Il y a quelques instants, vous avez dit que c'est une méthodologie
23 qui permet -- en tout cas, comme je peux le lire au niveau du compte rendu
24 d'audience, à un statisticien de cibler différentes données statistiques et
25 je note cela dans mon analyse. Est-ce que vous avez dit que cela rendait
26 cela possible ou impossible ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec la méthode que eux utilisent, c'est
28 possible, une méthode modifiée de correspondance. J'avais l'intention de
Page 38155
1 vous montrer tout cela. Si, par exemple, vous utilisez 71 critères, vous
2 pouvez établir des correspondances avec ce que vous voulez.
3 Par exemple, bon, juste un exemple.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] … si vous dites est-ce que c'était
5 possible ou impossible. Vous avez dit maintenant que c'est une méthode qui
6 rend possible.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible à ce moment-là de cibler
8 les éléments.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] … c'est la question que je souhaitais
10 poser.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est l'heure de faire
12 pause, Maître Ivetic.
13 Madame Radovanovic, nous allons avoir une pause. Nous souhaitons vous
14 revoir dans 20 minutes, car nous allons reprendre à 11 heures moins dix.
15 [Le témoin quitte la barre]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons à 11 heures moins dix.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.
19 [Le témoin vient à la barre]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez poursuivre.
21 M. IVETIC : [interprétation]
22 Q. Professeur, à la page 15 de votre rapport, dans le dernier paragraphe,
23 qui commence par : "Les experts du bureau du Procureur savent que la
24 'méthodologie unique' n'a pas de base scientifique objective et ils
25 essayent de justifier cela en fournissant une explication incroyable, 'il y
26 a des limites pour ce qui est des méthodes d'analyse. Les résultats des
27 comptes, les taux démographiques, les proportions de probabilité sont les
28 types de méthodes statistiques les plus utilisées, qui sont appliquées dans
Page 38156
1 les domaines des recherches de migration de la population. Et pour ce qui
2 est des estimations statistiques complexes et les résultats pour ce qui est
3 des modèles statistiques et l'extrapolation également, ils sont mis en
4 cause ou totalement négligés.'"
5 Cette citation est du rapport du Pr Tabeau. Lorsque vous avez préparé votre
6 expertise et votre rapport, est-ce que vous avez rencontré des limites pour
7 ce qui est des méthodes appliquées, des méthodes et des limites décrites
8 par Pr Tabeau ?
9 R. Je sais avec certitude qu'il n'y a pas de limites concernant la
10 méthodologie appliquée dans des analyses judiciaires. Il y a des analyses
11 scientifiques et non scientifiques. Mais je ne sais pas à quelles fins ces
12 analyses ont été préparées. Pour autant que je sache, je n'ai jamais
13 rencontré de situation où des analyses judiciaires ont été préparées en
14 utilisant d'autres méthodes où il ne fallait pas présenter des rapports de
15 probabilité, et cetera.
16 Donc, il n'y a pas de méthodes judiciaires. En fait, il y a des analyses
17 judiciaires, mais il n'y a pas de frontière, en quelque sorte, entre des
18 analyses judiciaires et d'autres types d'analyses.
19 Q. Est-ce qu'on peut maintenant regarder le premier paragraphe, et
20 j'aimerais vous poser une question. Vous avez utilisé le terme de
21 "conclusions statistiques ciblées". Pouvez-vous nous expliquer ce que vous
22 avez entendu par là lorsque vous avez utilisé cette expression ?
23 R. Si vous utilisez certaines méthodes mais que vous ne les utilisez pas
24 de façon approuvée par la science, mais vous les modifier, cela veut dire
25 que, à cause de la modification de ces méthodes, vous vous attendez à
26 obtenir des résultats souhaités. Et l'exemple le meilleur pour ça est la
27 méthode d'appariement modifiée appliquée par les experts du bureau du
28 Procureur. Si vous n'appliquez pas une définition qui est une définition
Page 38157
1 qui d'habitude est utilisée dans la démographie scientifique et si vous
2 devez, pour ainsi dire, inventer une nouvelle définition ou une nouvelle
3 appellation pour quelque chose sans donner une explication pour cela, pour
4 dire ce que cette nouvelle définition veut dire, vous modifiez et vous
5 adaptez une définition qui n'existe pas dans le domaine scientifique. Cela
6 veut dire que vous déclarez que cette définition est une définition
7 scientifique en quelque sorte.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous dites : Si vous
9 modifiez une définition. Je ne sais pas si vous pouvez poser des questions
10 au témoin : quelles définitions ont été modifiées, quels sont les impacts
11 de ces modifications, et cetera. Tout cela est trop abstrait. Me Ivetic a
12 cité un paragraphe dans votre rapport. Vous avez examiné le rapport de
13 2009, qui n'a pas été versé au dossier dans cette affaire, pour autant que
14 je sache. Ou, Maître Ivetic, ça a été fait ?
15 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que non.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne savons pas. Nous ne connaissons
17 pas le contexte de cette citation. Il y a cinq ou six lignes dans cette
18 citation et c'est plutôt abstrait.
19 Donc, c'est pour cela que nous aimerions savoir quelle est l'incidence de
20 cela sur vos conclusions, vos conclusions que vous considérez comme des
21 conclusions appropriées par rapport à d'autres conclusions que vous avez
22 critiquées.
23 Vous pouvez poursuivre. Mais il faut que nous comprenions que…
24 Bon, je laisse à Me Ivetic cela.
25 M. IVETIC : [interprétation] En démographie, il faut d'abord comprendre les
26 bases de cette science avant de donner des exemples précis. C'est pour ça
27 qu'il faut d'abord voir quelles sont les bases, les fondements de cette
28 science, pour donner des exemples.
Page 38158
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous êtes trop abstrait et si
2 vous n'établissez pas de lien entre tout cela, vous ne faites que critiquer
3 ce rapport. Et j'aimerais savoir -- j'aimerais comprendre tout cela puisque
4 c'est à nous, à la fin, d'accorder un certain poids au témoignage de ce
5 témoin par rapport au témoignage de Mme Tabeau.
6 M. IVETIC : [interprétation] Je viens de citer exactement le passage où
7 elle parle du rapport de Mme Tabeau. Je ne sais pas comment établir le lien
8 entre sa déposition et le rapport de Mme Tabeau. Donc, j'ai cité le numéro
9 de la page où se trouve le passage dans ce rapport que j'ai commenté. Je ne
10 sais pas comment établir le lien entre cela et --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les rapports que ce témoin avait
12 examinés, et non pas avec le rapport de ce témoin, puisque il s'agit d'une
13 citation du rapport de 2009.
14 M. IVETIC : [interprétation] Pour ce qui est de ce qu'elle a fait pour le
15 Tribunal.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tout cela, c'est trop abstrait.
17 Poursuivez, Maître Ivetic.
18 M. IVETIC : [interprétation] Bien.
19 Q. Maintenant, j'aimerais qu'on passe à la page 16 de votre rapport dans
20 les deux langues. Cela se trouve quelques lignes plus loin par rapport au
21 haut de la page où le Pr Tabeau, dans son rapport qui a été publié en 2009,
22 a dit : "Les Chambres des premières instances ne sont pas expertes pour les
23 méthodes des statistiques et ne peuvent pas expliquer les méthodes
24 difficiles dans le prétoire. Les résultats des calculations [phon]
25 complexes et compliquées qui font partie des rapports d'experts et de leurs
26 dépositions, habituellement, sont moins concluants par rapport à des
27 résultats simples obtenus sur la base de sources fiables."
28 Pouvez-vous nous dire comment vous comprenez la méthode présentée par Pr
Page 38159
1 Tabeau ? Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela a une incidence
2 sur ce qui est présenté dans le prétoire ?
3 R. Ce n'est pas une méthode. C'est une position du Pr Tabeau. Elle
4 considère que les Juges des Chambres de première instance ne sont pas
5 experts en statistique, ce qui est un fait, mais je ne peux pas croire que
6 si vous êtes un expert dans un domaine particulier, que vous ne pouvez pas
7 expliquer à la Chambre de première instance certaines choses pour qu'ils
8 puissent comprendre cela mieux.
9 Donc, je ne suis pas d'accord avec sa position. Si vous avez quelqu'un qui
10 connaît bien son domaine de recherche, cette personne peut toujours
11 expliquer une question qui n'est pas tout à fait claire aux Juges de la
12 Chambre. Donc, je pense que son point de vue est tout à fait erroné.
13 Q. Bien. Ensuite, j'aimerais qu'on regarde deux points dans le rapport du
14 Pr Brunborg.
15 C'est en bas de la même page dans votre rapport, où vous avez cité un
16 passage de son rapport : "Les démographes sont formés pour être très
17 critiques pour ce qui est des données et des méthodes et pour présenter et
18 discuter leurs points faibles. Dans un rapport qui est présenté dans le
19 prétoire à la Chambre, de telles questions ne devraient pas jouer un rôle
20 majeur dans la présentation des conclusions pour ne pas minimiser la valeur
21 des conclusions principales."
22 Est-ce que ce que le Dr Brunborg a dit par rapport à la présentation des
23 démographes dans le prétoire est en conformité avec les définitions de ce
24 type de présentation dans l'affaire démographique ?
25 R. Je ne suis pas du tout d'accord avec sa position, puisque je pense que
26 la Chambre doit comprendre la méthodologie appliquée par un expert. Des
27 experts ne doivent pas discuter entre eux la méthodologie utilisée, donc
28 les méthodes utilisées dans une analyse. Si les méthodes ne sont pas
Page 38160
1 comprises par la Chambre, c'est ça qui est important pour que la Chambre
2 comprenne la méthodologie utilisée. Et je ne considère pas que ces
3 questions ne soient pas importantes. Je crois que les questions liées à la
4 méthodologie ont une place importante dans la présentation, à savoir que si
5 on présente des conclusions principales et si on n'explique pas en même
6 temps la méthodologie utilisée, qui est une méthodologie scientifique, ça
7 n'a aucun sens. Si je dois présenter des conclusions sans expliquer la
8 méthodologie utilisée - alors, vous devez me croire sur parole - dans le
9 domaine scientifique, cela ne se fait pas. Vous devez présenter des
10 conclusions et les expliquer. Donc, je ne suis pas d'accord avec le point
11 de vue du Dr Brunborg ni avec la position adoptée par Pr Tabeau.
12 Q. Selon vous, quelle est la méthode appropriée qui doit être utilisée
13 pour obtenir les informations et pour présenter des moyens de preuve dans
14 un prétoire devant une Chambre de première instance ?
15 R. Je pense qu'il faut être intègre et honnête par rapport à la science
16 qui est notre domaine de recherche et appliquer toutes les méthodes
17 scientifiques et présenter toutes les conclusions en utilisant ces méthodes
18 scientifiques. Et même si vous avez beaucoup de diplômes et d'expérience,
19 faire des recherches scientifiques est quelque chose qui est très difficile
20 à faire, mais il faut avoir un code de déontologie pour faire cela. Il faut
21 procéder à une expertise et donner des appréciations de façon intègre,
22 absolument honnête, pour pouvoir donner des conclusions finales dans votre
23 rapport.
24 Je considère également qu'il est important de présenter des
25 conclusions qui sont acceptables et qui sont fiables. Indépendamment du
26 fait que nous puissions avoir des idées qui ne sont pas convaincantes,
27 lorsque vous dites que des méthodes scientifiques ont été appliquées et que
28 vos conclusions sont fiables, vous pouvez dire également que ce sont des
Page 38161
1 méthodes scientifiques. Mais vous ne pouvez pas faire des supputations par
2 rapport à d'autres méthodes qui auraient pu être appliquées comme des
3 méthodes qui auraient pu donner des conclusions fiables.
4 Q. Est-ce que vous croyez que les rapports dont les auteurs sont Dr
5 Brunborg et Pr Tabeau dans cette affaire ont été des rapports qui ont été
6 discutés de façon honnête et dans lesquels des points faibles ont été
7 présentés, ainsi que des méthodes appliquées, pour obtenir les conclusions
8 présentées dans leurs rapports ?
9 R. L'adjectif honnête n'est pas, selon moi, un adjectif approprié dans ce
10 contexte. Parce que vu leurs diplômes, leurs connaissances et leur
11 expérience, je crois qu'ils auraient pu faire ce travail d'une façon tout à
12 fait différente, en appliquant des méthodes correctes, et qu'ils auraient
13 pu expliquer sans aucun problème et affirmer sans aucun problème qu'il
14 s'agit de conclusions relativement fiables.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous me permettez,
16 j'aimerais poser une question maintenant.
17 Madame Radanovic, est-ce que vous avez lu le compte rendu de la déposition
18 des témoins experts qui ont témoigné dans cette affaire ? Et là, je pense
19 aux témoins experts en démographie. Principalement la déposition de Mme
20 Tabeau.
21 Est-ce que vous avez lu le compte rendu de sa déposition ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de cette affaire, non, je ne
23 l'ai pas lu. Mais pour ce qui est d'autres affaires dans lesquelles j'ai
24 témoigné, oui. Mais il n'y a pas de compte rendu en serbe de cette
25 déposition. Mais j'ai écouté l'enregistrement audio de sa déposition et
26 ainsi que la déposition du Dr Brunborg.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans cette affaire ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
Page 38162
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.
2 M. IVETIC : [interprétation]
3 Q. Maintenant, si nous nous penchons sur le même paragraphe, nous pouvons
4 voir que vous avez mis l'accent sur le passage dans le rapport du Dr
5 Brunborg : "Il faut voir quel est le nombre de victimes, c'est quelque
6 chose qui est essentiel, pour pouvoir condamner quelqu'un du génocide."
7 Donc, est-ce que vous estimez qu'une telle question peut être utilisée
8 comme une sorte de base ou de départ concernant l'analyse statistique ou
9 démographique ?
10 R. D'abord, je ne sais pas qui a posé cette question. Est-ce que c'était
11 un expert en démographie ou quelqu'un d'autre qui a posé cette question ?
12 En tout cas, la question essentielle ne pourrait pas être la question
13 concernant le nombre qui doit être établi. Si vous avez un nombre que vous
14 devez établir, vous pouvez faire en sorte que ce nombre soit établi. Vous
15 pouvez essayer de faire cela. Puisque la question-clé, la question
16 essentielle, est la fiabilité des conclusions obtenues, et non pas le
17 nombre que vous devez obtenir.
18 Q. Le passage que vous avez cité dans le rapport du Dr Brunborg a intitulé
19 cet article : Quel est le nombre de personnes tuées à Srebrenica ?
20 Quelle est la définition généralement acceptée du génocide et utilisée dans
21 la pratique des experts en démographie ?
22 R. Pour ce qui est de la démographie scientifique, il n'y a pas de
23 définition du génocide. Lorsqu'un expert en démographie procède à de telles
24 analyses, il utilise la définition fournie par les Nations Unies. Je ne dis
25 pas qu'il n'existe pas d'autres définitions du génocide. Je suppose que
26 devant ce Tribunal on utilise la définition de génocide, et il peut
27 utiliser cette définition aussi. Mais pour être tout à fait professionnel,
28 ce démographe doit, dans la note de bas de page, dire quelle est la
Page 38163
1 définition de génocide, la définition adoptée par un Tribunal ou par les
2 Nations Unies, et cetera, ou par l'auteur qui a analysé cela.
3 Mais étant donné que la démographie est une science multidisciplinaire,
4 vous pouvez utiliser tous les résultats scientifiques et les connaissances
5 scientifiques provenant d'autres sciences. Mais je répète encore une fois,
6 vous devez être honnête par rapport à votre profession et vous devez citer
7 la définition reprise dans votre rapport.
8 Q. La dernière partie par rapport à cela dont je voudrais parler est le
9 passage cité dans le rapport du Dr Brunborg : "Les critères concernant le
10 génocide du TPIY doivent être appliqués, et il s'agit donc de la
11 destruction de groupe racial, ethnique ou" --
12 M. IVETIC : [interprétation] Et maintenant, il faut passer à la page
13 suivante en anglais.
14 Q. "… un groupe national ou religieux."
15 Ensuite, vous citez le Dr Brunborg en disant que dans la définition du
16 génocide adoptée par le TPIY, il n'est pas dit que : "… il faudrait avoir
17 le nombre ou la proportion pour condamner quelqu'un du génocide, mais le
18 nombre ou la proportion doivent être des éléments importants."
19 Quel est votre opinion ou votre commentaire eu égard à la description du Dr
20 Brunborg par rapport au nombre -- aux proportions supposées, qu'il
21 considère que cela doit être important pour ce qui est de la démographie ?
22 R. D'abord, les critères du TPIY doivent être appliqués, et ensuite il dit
23 ce qu'il considère comment étant le génocide. Et c'est une définition. Ce
24 n'est pas un critère. Ensuite, il énumère les critères, mais il ne
25 considère pas comme étant des critères les nombres qui ne sont pas
26 précisés, mais il suppose que ces nombres doivent être importants. Est-ce
27 que c'est la conclusion du Dr Brunborg ou pas ? Puisqu'il ne cite pas
28 d'autres auteurs, je considère que c'est sa position générale par rapport à
Page 38164
1 la définition du génocide qu'il a établie au début de ses travaux. Et, pour
2 lui, c'était en quelque sorte la base de départ de tous ses rapports, du
3 premier jusqu'au dernier rapport qu'il avait rédigé.
4 Q. Mis à part des déclarations de Mme Tabeau et du Dr Brunborg concernant
5 le travail qu'ils avaient fait pour le Tribunal, est-ce que vous avez
6 trouvé des points faibles dans le rapport soumis au Tribunal que vous
7 estimez avoir été les résultats qui n'entrent pas dans les limites ou dans
8 le domaine de la démographie scientifique ?
9 R. Il y a des manquements dans ces rapports, mais qui sont en premier lieu
10 méthodologiques. Il y a des problèmes liés à la méthodologie appliquée. Si
11 vous procédez à une analyse d'expertise démographique et si vous ne
12 définissez pas précisément le domaine de votre recherche, on rencontre des
13 problèmes pour ce qui est de la méthodologie, parce que vous pouvez
14 manipuler -- dans le cadre de ce domaine, vous pouvez l'élargir ou le
15 réduire. L'exemple typique de cela est Srebrenica. Dans aucun des rapports,
16 il n'y a pas de définition de Srebrenica donnée par un expert. Les experts
17 l'appellent parfois une enclave, parfois une zone démilitarisée, parfois
18 ils disent que Srebrenica est le territoire qui couvre le territoire de 15
19 municipalités et de quelques agglomérations qui n'ont rien à voir avec
20 Srebrenica et qui englobent également quatre municipalités de la Serbie
21 occidentale, à savoir les municipalités de Valjevo, de Loznica, de Bajina
22 Basta et de Ljig. Et lorsque ces experts rassemblent les données concernant
23 les personnes décédées et portées disparues, ils collectent toutes les
24 données qui existaient à ces dates-là dans ces municipalités. Lorsqu'ils
25 présentent les données concernant Srebrenica, ces experts ne parlent que de
26 cinq municipalités. Si ces experts avaient dit ce qu'était Srebrenica,
27 s'ils avaient donné la définition de Srebrenica, il n'y aurait pas eu de
28 problème, mais ces experts doivent savoir, lors de procéder à des calculs
Page 38165
1 statistiques, ils doivent connaître le nombre d'habitants de cette région
2 et se référer à ce nombre d'habitants. Vous ne pouvez pas faire ces
3 analyses en utilisant des méthodes qui vous conviennent, puisqu'il faut
4 définir d'abord le territoire qui entre dans le domaine de leurs
5 recherches. C'est un problème important, le problème lié à la définition
6 d'une sorte d'espace.
7 Et pour ce qui est des migrations et de la structure ethnique, le problème
8 est moindre, pour ainsi dire, mais ils n'ont pas non plus expliqué pourquoi
9 ils ont utilisé ces méthodes. Le Dr Tabeau a présenté toutes ses
10 conclusions en se basant sur la nouvelle répartition territoriale
11 administrative qui en Bosnie-Herzégovine a été établie après 1995, à savoir
12 après les accords de paix de Dayton. Et tout ce qui s'était passé et tout
13 ce qui est contenu dans l'acte d'accusation s'était passé sur le territoire
14 qui avait - selon le recensement de la population - la division
15 administrative différente. Cette modification entre ce qui était l'ancien
16 et ce qui était le nouveau est importante parce que nulle part n'est
17 expliqué pourquoi la Bosnie est présentée comme la Republika Srpska et
18 comme la Fédération et Bosnie-Herzégovine, et non pas comme étant la
19 République de Bosnie-Herzégovine. Pourquoi, même si vous utilisez la
20 nouvelle répartition administrative sur le plan des territoires, pourquoi
21 est-ce que vous n'expliquez pas quels sont les citoyens que vous avez peut-
22 être laissés tomber dans cette répartition ? Mme Tabeau parle d'"un petit
23 nombre", mais en statistiques, il n'y a pas de petits et de grands. Petit,
24 il faut déterminer, est-ce que c'est deux, est-ce que c'est quatre, est-ce
25 que c'est cinq, et cetera. Je pense que cet élément est une façon de
26 tromper le lecteur, simplement parce que les experts de l'Accusation
27 considèrent qu'il n'y a pas de discussion sur ce point. Lorsqu'ils parlent
28 des victimes de Srebrenica ou des événements de Srebrenica, il y a un
Page 38166
1 certain nombre de sous-entendus, mais je ne pense pas qu'il puisse y avoir
2 de sous-entendu dès lors qu'il n'y a aucune explication de départ. Et si
3 nulle part vous n'expliquez pour quelle raison, dans un rapport concernant
4 la modification des structures ethniques, vous vous appuyez sur le nouveau
5 territoire et qu'il n'y a aucune raison automatique d'utiliser le nouveau
6 territoire, je considère que là encore, c'est une façon de ne pas bien
7 faire son travail.
8 Q. Madame, vous savez que nous allons en arriver à parler des conclusions
9 précises des experts. Mais pourriez-vous maintenant, en dehors des
10 insuffisances que vous avez déterminées s'agissant de la dénomination des
11 territoires et de la façon dont les territoires ont été utilisés dans
12 diverses études, pourriez-vous nous dire dans le détail quels autres types
13 d'insuffisances ou de défauts vous avez constatés dans les rapports des
14 experts de l'Accusation ? Ensuite, nous nous pencherons sur ces rapports un
15 par un pour examiner les éléments qu'ils contiennent dans le détail.
16 R. A aucun endroit les experts de l'Accusation n'ont correctement évalué
17 les sources ou cité les sources des chiffres qu'ils fournissent. De temps
18 en temps, ils ont placé un chiffre ici ou là, mais la conclusion qu'ils
19 donnent à la fin des rapports est souvent contradictoire. Par exemple, ils
20 disent que dans la source concernant les territoires, il manque tel et tel
21 nombre, un petit nombre de citoyens, une centaine, alors que nous les avons
22 évalués, nous les avons considérés comme étant plusieurs milliers. Et puis,
23 ils parlent de contexte large de quelque chose sans définir ce que cela
24 signifie, concept large, à part le moment où Mme Tabeau parle du contexte
25 large des renseignements concernant la période 1991, 1997, où elle indique
26 qu'il y a eu dans cette période des migrations très importantes. Mais les
27 mots "contexte large" ne signifient pas simplement qu'on se concentre sur
28 une période de deux ans ou qu'il n'existe que deux sources. Un contexte
Page 38167
1 large signifie que l'on explique ce qui s'est passé entre 1991 et 1998, et
2 ce qui aurait pu se produire sur le plan démographique. Donc, les termes
3 "contexte large" ne sont pas acceptables.
4 Et puis, un autre exemple, Mme Tabeau considère que la contextualisation
5 large est devenue un impératif au TPIY, mais personne n'indique qui est à
6 l'origine de cet impératif. Est-ce qu'il a été dit aux experts de
7 l'Accusation : Vous devez utiliser la conceptualisation large, ou est-ce
8 que ce sont les experts qui ont considéré que l'usage de cette
9 contextualisation large était indispensable.
10 Q. Professeur, je vous prierais de bien vouloir préciser un point. Dans le
11 domaine de la démographie scientifique, comment une source est-elle
12 appréciée, évaluée ? Autrement dit, pourriez-vous nous expliquer ce que
13 sont les statistiques de l'erreur ?
14 R. Une source déterminée est évaluée de la façon suivante : vous examinez
15 ce que contient cette source et vous constatez le nombre d'erreurs qui
16 figurent dans ce document. Dans les études scientifiques, on tolère ce que
17 l'on a coutume de définir par les mots "statistiques des erreurs". Cette
18 tolérance concerne une fourchette qui va de 2 à 5 %. Mais les données
19 utilisées par les experts de l'Accusation s'appuient ou démontrent une
20 erreur statistique beaucoup plus grande que celle qui est acceptée en
21 général dans le domaine de la démographie scientifique. Par exemple, la
22 Croix-Rouge, au moment où j'ai vérifié les chiffres, eh bien, il manquait à
23 la Croix-Rouge 35 % de renseignements concernant les années de naissance.
24 Or, dans son dernier rapport, le Dr Brunborg parle de 25 % de données
25 relatives aux années de naissance qui manquent. Autrement dit, en quelques
26 années les experts de l'Accusation ont réussi à augmenter l'erreur
27 statistique de 7 à 8 %. Et puis, il y a également des informations qui
28 manquent au sujet des lieux de disparition, mais les experts de
Page 38168
1 l'Accusation parlent d'erreurs limitées sans en définir le nombre ou sans
2 dire ce que signifie exactement le terme "limité". Est-ce que cela signifie
3 7, 10 ou 50 ? Et puis, ils déclarent que nous avons corrigé plusieurs
4 centaines ou plusieurs milliers de noms. Mais quel est le nombre exact ?
5 Une centaine, ou un millier, ou plusieurs centaines ou plusieurs milliers ?
6 De quel nombre, exactement ?
7 Donc, tout est très approximatif dans ces rapports. Ce plan scientifique,
8 on évalue, on apprécie une source statistique si elle fournit des
9 évaluations de qualité. On ne peut pas se contenter de dire qu'il y a de
10 nombreux blancs, de nombreux éléments manquants, mais que sur le plan
11 général, les listes électorales sont de bonne qualité alors qu'ils
12 comportent de nombreux éléments manquants. C'est ce terme de "généralement
13 de bonne qualité" est insuffisant. Il n'est pas sérieux de travailler ainsi
14 sur le plan statistique ou sur le plan démographique.
15 Il n'y a pas d'appréciation correcte qui puisse reposer sur
16 l'utilisation de tels termes. Et il n'y a aucune correction dans les
17 rapports dont j'ai pris connaissance. Les corrections ont peut-être été
18 apportées aux premiers rapports des premiers experts, mais un grand nombre
19 d'éléments sont passés sous silence. Lorsque l'appréciation d'une source
20 est effectuée, on ne peut pas se contenter de dire qu'il manque 35 % de tel
21 ou tel renseignement, mais que de façon générale, l'appréciation est bonne.
22 Et puis les experts de l'Accusation, s'agissant des informations venant de
23 la Croix-Rouge, les combinent parfois à d'autres sources et affirment que
24 les deux sources sont bonnes. C'est une façon inacceptable sur le plan
25 professionnel de parler.
26 Q. Docteur, quel commentaire faites-vous sur la façon dont les
27 informations du ministère de la Défense de Bosnie ont été utilisées dans
28 les rapports des experts de l'Accusation, et comment des éléments de preuve
Page 38169
1 ont découlé de ces renseignements ?
2 R. L'un des principaux réellement importants problèmes méthodologiques
3 vient de la sélection des sources, d'un choix sélectif concernant les
4 sources. Jusqu'en 1997, date du dernier rapport du Pr Brunborg, il n'y a
5 aucune analyse concernant Srebrenica sur la base des éléments de l'ABiH
6 s'agissant notamment du nombre de soldats tombés au combat ou d'autres
7 personnels militaires entre 1992 et 1995. Dans le dernier rapport, des
8 experts de l'Accusation ont en trouvent mention, mais seulement parce qu'en
9 2008, à l'insistance de la Défense, les experts de l'Accusation ont été
10 contraints de divulguer un certain nombre de renseignements concernant
11 leurs listes en indiquant notamment que dans certaines de ces listes
12 figuraient des soldats. Selon les dernières conclusions de ces experts, 70
13 % des soldats figurent sur ses listes, mais aucun détail n'est fourni sur
14 la qualité de ses listes. On parle simplement de 70 % des soldats. Dans les
15 rapports d'expert de l'Accusation de 2002 et de 2003, M. Brunborg affirme
16 qu'il ne se trouvait aucun nom de combattant. Et en 2000, il déclare
17 n'avoir pas disposé de source provenant de l'ABiH. En 2001, il disposait de
18 telles sources, parce qu'elles lui avaient été fournies. Mais lorsque le Pr
19 Brunborg a réalisé sa première analyse, il aurait pu utiliser des chiffres
20 bruts, c'est-à-dire utiliser les questionnaires de la Croix-Rouge, par
21 exemple, où les personnes sont enregistrées par leurs noms, de même que les
22 personnes portées disparues. Ces questionnaires contiennent des
23 informations sur le fait de savoir si quelqu'un est un soldat ou pas, et y
24 compris indiquent le grade d'un militaire. Si ceci n'a pas été fait en
25 2000, comment se fait-il que dans d'autres rapports ultérieurs, en 2003,
26 2005, et le rapport de 2005 a été rédigé en collaboration avec Mme Tabeau,
27 qui sait qu'il existe une base de données concernant les soldats, et en
28 2002, dans l'affaire Galic, à la question du Juge Orie, qui demandait si la
Page 38170
1 base de données utilisée était fiable, Mme Tabeau a qualifié cette base de
2 données de très fiable. En 2005, en tant que coauteur d'un rapport en
3 collaboration, elle convient que cette base de données n'était pas fiable,
4 parce que ses propos étaient motivés par d'autres motivations. Et c'était
5 le cas également dans son rapport de 2002 où elle répond à peu près de la
6 même manière au Juge Orie.
7 Donc, cette façon d'aborder les choses constitue un problème grave.
8 M. IVETIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D7033 dans
9 le prétoire électronique.
10 Q. Alors Professeur, je vous prierais de me dire comment vous avez obtenu
11 ce document que vous m'avez fourni il y a quelques jours ?
12 R. Je l'ai obtenu dans le cadre de l'affaire -- je vous demande un instant
13 pour me rappeler le nom.
14 C'est Michael Karnavas qui était avocat de la Défense. Je vais me rappeler
15 le nom de l'accusé dans un instant, mais pour l'instant, il ne me vient pas
16 à l'esprit.
17 Donc, je l'ai obtenu dans le cadre de cette affaire, à ma demande du
18 département démographique du bureau du Procureur. Quant au nom de
19 l'affaire, Blagojevic. Blagojevic. Que voulez-vous, je pers l'esprit de
20 temps en temps. Je vieillis.
21 Q. Comment -- ou plutôt, quel est votre avis sur la façon dont ce document
22 a été utilisé ?
23 R. Il ne s'agit pas de mon avis. Il s'agit d'une série de questions
24 lorsque vous allez déclarer que quelqu'un a disparu. Vous recevez un
25 certain nombre de formulaires à remplir, et dans ce genre de formulaires,
26 on trouve toute une série de questions. Moi, j'aimerais appeler l'attention
27 des Juges de la Chambre plus particulièrement sur une question -- qui a
28 disparu de l'écran. La voici, elle réapparaît. Je cite donc cette question
Page 38171
1 --
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ne touchez pas l'écran.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne touche pas l'écran. J'essaie de
4 lire. Donc, voici la question, je cite : Numéro d'identité militaire de
5 soldat, unité, affectation militaire, et cetera. Je suis convaincue que le
6 Pr Brunborg n'a pas pris ces documents en considération, ou il est possible
7 qu'il ait pensé ne pas être en mesure de le faire car le nombre de ces
8 questionnaires est très, très important. Ils se comptent en plusieurs
9 dizaines de milliers. Donc, il n'a pas utilisé ces documents. En tout cas,
10 il ne les a pas classés selon une méthode professionnelle sur le plan
11 démographique, selon une méthode scientifique. Il n'a pas utilisé ces
12 données statistiques. Au lieu de cela, d'autres publications de la Croix-
13 Rouge ont été utilisées qui donnaient une répartition dépendant d'un
14 certain nombre de caractéristiques - le nom, le nom du père, la date de
15 naissance, la date de disparition, le lieu de disparition - qui étaient
16 enregistrées au sujet des personnes enregistrées par la Croix-Rouge ou
17 déclarées comme décédées ou portées disparues. Ces informations, on les
18 trouve sur internet.
19 La Croix-Rouge révise régulièrement et actualise ces informations, et le Pr
20 Brunborg a utilisé les dernières données de la Croix-Rouge datant de 2005.
21 J'essaie de dire que cette façon non professionnelle de travailler de la
22 part du Pr Brunborg est due au fait que le nombre de questionnaires de la
23 Croix-Rouge examinés était très important. Il aurait pu dire que certains
24 de ces questionnaires avaient été utilisés déjà et qu'il n'était pas en
25 mesure de traiter le grand nombre de ces questionnaires par la suite. Il
26 aurait pu dire : Il est trop difficile, trop cher, et cetera, de procéder
27 au traitement de ces documents. Mais cela n'a pas été sa première façon
28 d'agir. Je sais que dans l'affaire de Sarajevo des frais ont été couverts
Page 38172
1 pour traiter l'enregistrement des familles. Ceci a été fait par le bureau
2 démographique de ce Tribunal. Cela aurait pu permettre de fournir une bonne
3 indication, au moins, des raisons pour lesquelles ces investigations ont
4 été exclues s'agissant des documents fondamentaux et qu'au lieu de cela,
5 des listes de la Croix-Rouge comportant un certain nombre de paramètres ont
6 seules été utilisées au lieu d'utiliser des documents fondamentaux.
7 M. IVETIC : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de ce
8 document en tant que pièce ouverte au public.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas. Pourriez-vous parler plus
11 fort ?
12 M. IVETIC : [interprétation] Je demandais simplement le versement au
13 dossier de ce document en tant que pièce à conviction.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, le numéro de pièce
15 sera ?
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 1D07033 devient la
17 pièce à conviction D1212, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise au dossier en tant qu'élément de
19 preuve.
20 M. IVETIC : [interprétation] Le document suivant dont je demande
21 l'affichage, il s'agit de la pièce P1900, qui est le rapport en
22 collaboration signé par les Pr Tabeau et Brunborg et rédigé à l'intention
23 du TPIY. Encore une fois, nous allons nous pencher sur certains extraits de
24 ce rapport. La page 16 pour commencer, dont je demande l'affichage en
25 anglais, qui correspond à la page 18 en serbe, où l'on trouve le tableau
26 6A.
27 Q. Professeur, en vous appuyant sur ce tableau qui figure dans le rapport
28 devenu depuis pièce à conviction en l'espèce, pourriez-vous détailler à
Page 38173
1 notre intention la façon dont ces demi-droites ont été placées dans le
2 tableau pour désigner un changement de la taille du territoire, élément
3 dont vous avez parlé il y a un instant ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le changement de quelle taille ?
5 M. IVETIC : [interprétation] De la taille du territoire.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce tableau montre les municipalités qui ont
7 fait l'objet d'un recueil de renseignements par le Pr Brunborg. Il a
8 constitué ces lieux sur la base des lieux de disparition. Comment il a
9 obtenu les lieux de disparition, je ne sais pas, il ne le dit pas, mais
10 j'admets qu'il a agi de cette façon à plusieurs reprises.
11 Comme vous le voyez, les municipalités dans lesquelles certaines personnes
12 ont été portées disparues englobent toute une série de municipalités qui
13 n'ont rien à voir avec Srebrenica. Il est possible que des personnes aient
14 disparu à Loznica, c'est une municipalité en Serbie, à Valjevo -- excusez-
15 moi, j'ai touché l'écran. Ou à Valjevo, qui est une municipalité située en
16 Serbie.
17 Ou sur le mont Tara. Je n'ai pas la moindre idée de ce que signifie ceci
18 parce que ce n'est pas une municipalité. Ou dans la municipalité de
19 Ljubovija, située en Serbie. Ou à Krnjaca, qui n'est pas une municipalité
20 du tout. C'est un quartier de la municipalité de Priboj. Si le Pr Brunborg
21 savait cela, il peut en parler. Mais dans ses listes, on trouve donc toutes
22 sortes d'éléments d'information qui sont inutiles. Mais en tout cas, le Pr
23 Brunborg affirme que dans ces lieux des personnes ont été portées
24 disparues. Et puis, autre chose qui est encore plus importante : il évoque
25 des municipalités inconnues. Quelles sont ces municipalités inconnues ?
26 Je souhaite attirer l'attention de la Chambre sur l'élément suivant :
27 pour toutes ces municipalités qui n'ont pratiquement pas de rapport avec
28 Srebrenica, il indique des chiffres relativement limités ou aucun chiffre
Page 38174
1 du tout. Parce que dans les rapports précédents, ce genre de chiffres
2 n'étaient pas cités en fonction des municipalités, mais en fonction des
3 localités. Alors, pour ma part, je suis incapable de vérifier pour quelle
4 raison il a cité ces noms de municipalités, mais il les cite en rapport
5 avec les différents lieux où des personnes ont été portées disparues. Mais
6 comment peut-il agir ainsi s'il ne donne aucune donnée ? Et indépendamment
7 du fait que je sois d'accord ou pas d'accord avec les chiffres cités par
8 lui, nous constatons que le nombre le plus important de personnes portées
9 disparues se trouve dans les municipalités qui ensuite sont mises en
10 relation directe avec Srebrenica. Alors, les chiffres qu'on voit dans ce
11 tableau, qui sur le plan statistique sont des chiffres qu'on peut
12 considérer comme tout à fait mineurs, pourquoi ces chiffres ont été ajoutés
13 au tableau ? Simplement pour ajouter petit nombre par petit nombre au
14 nombre global de victimes.
15 Il importe, par ailleurs, de savoir que les méthodes utilisées par le
16 Pr Brunborg pour recueillir les nombres concernant les personnes portées
17 disparues ne sont pas uniquement des éléments liés aux localités ou aux
18 municipalités, puisqu'il dit lui-même que le lieu de disparition n'est pas
19 synonyme de lieu de décès. Et il donne même des exemples. Il dit que
20 l'armée de la Republika Srpska est arrivée et elle a rassemblé un certain
21 nombre de personnes qu'elle a emmenées à d'autres endroits. Dans ce cas, le
22 Pr Brunborg devrait expliquer pourquoi il attache une telle importance au
23 lieu de disparition. Mais en tout cas, ce qui est clair, c'est qu'il ne
24 recueille pas les éléments d'information sur la base des lieux de
25 disparition, mais sur la base des dates de disparition. Et, selon cette
26 méthode, il recueille tous les éléments survenus depuis le début du mois de
27 juillet et jusqu'à la fin du mois d'avril 1996.
28 Et c'est ainsi que l'on peut admettre, effectivement, que le plus
Page 38175
1 grand nombre de personnes disparues a été déclaré en avril 1996. Mais il
2 aurait dû introduire une note en bas de page pour dire ce qui justifie sa
3 façon de travailler. Et moi, je ne me concentre pas uniquement sur juillet.
4 Ils ont utilisé aussi les chiffres relatifs au mois d'août, au mois de
5 septembre, au mois d'octobre, au mois de novembre, au mois de décembre,
6 ainsi qu'au mois de février et au mois d'avril 1996. Encore une fois, je ne
7 dis pas que ce qui est grave, c'est que les nombres soient petits ou
8 grands. Mais l'important, ce qui est grave, c'est qu'il n'explique pas
9 pourquoi il utilise cette méthode. Il s'appuie sur des éléments qui, pour
10 lui, sont des faits accomplis et cite un certain nombre de chiffres qu'il
11 reprend de ses premiers rapports et qu'il souhaite maintenir dans son
12 rapport ultérieur à tout prix. Et tout ce travail concernant les années
13 passées se trouve concentré dans son dernier rapport dans le maintien de
14 citation de ces chiffres. C'est pour moi l'un des plus grands problèmes
15 méthodologiques qui affectent le rapport du Pr Brunborg. Et je mets
16 l'accent sur ce problème méthodologique pour une raison très simple, c'est
17 que c'est le signe d'un manque d'honnêteté intellectuelle. Le Pr Brunborg a
18 le droit d'introduire des chiffres concernant la Nouvelle-Zélande dans les
19 chiffres relatifs à Srebrenica s'il le souhaitait, mais il fallait qu'il
20 explique pourquoi il le faisait. Or, on ne trouve aucune explication de ce
21 genre de méthode. En tout cas, pas ici, pas une seule explication dans ce
22 rapport d'expert déterminé.
23 Q. J'aimerais que nous nous penchions sur la page 42 en serbe et page 38
24 en anglais de ce même rapport de 2009 et que nous nous concentrions sur le
25 bas des deux pages dans les deux langues. A cet endroit, nous trouvons la
26 citation suivante : "Il vaut la peine de remarquer" --
27 R. Excusez-moi, je n'entends pas les interprètes.
28 Q. Eh bien, nous allons reprendre. Est-ce que vous m'entendez à présent ?
Page 38176
1 R. Oui.
2 Q. Les experts de l'Accusation écrivent à cet endroit : "Il vaut la peine
3 de remarquer que même si le CICR a manifestement amélioré ses registres au
4 cours de ces longues années depuis la publication de la première liste en
5 1996, on trouve encore des champs vacants ou incomplets dans la liste de
6 2005 du CICR. Les éléments les plus fréquemment incomplets sont les dates
7 de naissance (6 403, soit 28,8 % de ces champs ne sont pas remplis sur les
8 22 212 noms enregistrés, mais 12 noms seulement ne sont pas accompagnés de
9 l'année de naissance), et on trouve ces éléments non remplis également au
10 niveau des dates de disparition (2 624, soit 11,8 % de champs non remplis,
11 mais seulement un élément manquant s'agissant des années de disparition).
12 Les autres variables sont enregistrées pratiquement pour toutes les
13 personnes concernées, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elles sont
14 toujours exactes. Des erreurs se retrouvent dans la façon d'épeler les noms
15 de famille des personnes et des lieux. Et, par ailleurs, si on compare
16 plusieurs listes, on sait qu'on y trouve des erreurs, qui pour la plupart
17 d'entre elles sont de faibles erreurs, dans les variables telles que la
18 date de naissance, par exemple. De telles erreurs sont courantes dans tous
19 les recensements et partout. Par conséquent, il n'est pas surprenant qu'il
20 se trouve des erreurs dans les variables concernant les événements
21 tragiques qui ont fait l'objet de cette collecte d'information dans des
22 situations chaotiques et le plus souvent traumatisantes."
23 Alors, Professeur, en tant que démographe qui s'appuie sur les normes
24 d'évaluation de la qualité d'une source, comment est-ce que vous
25 apprécieriez une source telle que celle dont il est question ici, où on
26 trouve des pourcentages assez élevés de données incomplètement remplies ?
27 R. Eh bien, c'est ce que je disais il y a un instant au sujet de la marge
28 d'erreur qui doit être maintenue entre 2 et 4 %. Comme on peut le constater
Page 38177
1 ici, à la ligne 4 se trouvent les dates de naissance, et on déclare que ce
2 n'est pas réellement important. On a une erreur de 28,8 % pour les dates de
3 naissance. La date de naissance est très importante. Et puis, comment peut-
4 on s'exprimer ainsi ? Parce que c'est l'une des caractéristiques les plus
5 importantes lorsqu'on compare des chiffres afin de s'assurer que cela
6 concerne une seule et même personne, et je l'indique ici aujourd'hui. Donc,
7 on a des erreurs mineures, et cetera, et cetera, qui n'ont pas une grande
8 signification. Mais certaines informations ont absolue nécessité d'être
9 exactes. Qu'est-ce que cela signifie, ce qu'on peut lire ici, quand on lit
10 que oui, il y a des erreurs, mais elles n'ont pas nécessairement une grande
11 importance ? Vingt pour cent, par rapport à 3 %. Quel est le pourcentage
12 sur lequel on doit s'appuyer ? Ce n'est pas une façon de travailler de
13 façon professionnelle.
14 La justification de ces erreurs, c'est qu'en général il s'agissait de
15 questionnaires qui étaient remplis ou de recensements. Non, on ne parle pas
16 de recensements. Je dis qu'il n'y a pas d'erreurs dans les recensements, en
17 tout cas pas sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et qu'il n'y a jamais
18 eu une différence importante sur le plan des recensements. Ce que je veux
19 dire, c'est que tous les deux à cinq ans on vérifie les choses et, en
20 général, on n'a pas d'erreurs importantes. Et dans les questionnaires, on
21 ne trouve pas un aussi grand pourcentage de champs qui n'ont pas été
22 remplis. Bien sûr, de temps en temps, on a une femme âgée qui ne se
23 souvient pas de sa date de naissance, mais elle dit qu'elle est née pendant
24 des vacances ou un jour particulier de la semaine. Encore une fois, je
25 parle de ce que l'on pouvait trouver en ex-Yougoslavie. Les recensements
26 réalisés après la Seconde Guerre mondiale comportent des erreurs de dates
27 de temps en temps, mais la marge d'erreur statistique est restée toujours
28 acceptable.
Page 38178
1 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Je
2 pense qu'il est l'heure de faire la pause.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il est l'heure de la pause.
4 Madame Radovanovic, nous aimerions vous revoir dans cette salle dans 20
5 minutes. Nous reprendrons à 11 heures 45 [comme interprété].
6 [Le témoin quitte la barre]
7 --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.
8 --- L'audience est reprise à 12 heures 17.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons l'arrivée du témoin dans
10 le prétoire.
11 [Le témoin vient à la barre]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, c'est à vous.
13 M. IVETIC : [interprétation]
14 Q. Madame le Professeur, veuillez nous expliquer maintenant, s'il vous
15 plaît, comment vous procédez aux correspondances que vous utilisez dans le
16 domaine scientifique de la démographie.
17 R. La concordance est un critère ou une norme des méthodes statistiques
18 qu'on applique aux recherches statistiques ou démographiques. Alors, je
19 vais vous donner un exemple d'une correspondance. Tous les jours, par
20 exemple, nous procédons à des correspondances, toute personne qui utilise
21 une carte de crédit et l'utilise dans un distributeur de billets, donc elle
22 doit utiliser un code que l'on fait correspondre avec vos coordonnées,
23 coordonnées de la banque, et donc si vous avez de l'argent sur votre
24 compte, à ce moment-là vous pouvez retirer de l'argent, et si vous n'avez
25 pas d'argent sur votre compte, vous ne pouvez pas retirer de l'argent, et
26 vous ne pouvez retirer de l'argent sans autorisation de la banque;
27 autrement dit, vous ne pouvez pas accéder à l'argent qui est le vôtre.
28 Alors, je ne sais pas comment ça se passe aux Pays-Bas. En Serbie, par
Page 38179
1 exemple, si vous oubliez votre code et que vous vous trompez trois fois
2 lorsque vous tapez votre code, le distributeur de billets avale votre
3 carte. Et donc, lorsqu'on fait correspondre des éléments, cela signifie que
4 sur la base d'éléments d'information ou de données, vous allez faire
5 correspondre des données d'une autre source dans le moyen d'une clé. Et
6 donc, il faut voir à quoi correspond la clé. Il faut attribuer une clé à
7 ces éléments d'information. Et une clé comporte différents éléments. Cela
8 peut comporter des chiffres ou peut comporter des chiffres comme les codes
9 pour les distributeurs de billets. Mais si vous ne pouvez pas donner de
10 chiffres ou une clé numérique, comme c'est le cas dans ces rapports, et ces
11 correspondances, à ce moment-là vous associez cette clé ou, plutôt, vous
12 utilisez un ensemble de données qui permettra de faire correspondre
13 différentes unités.
14 Par exemple, si vous avez le nom du père, le nom de famille, par exemple
15 une date de naissance qui est exacte, autrement dit le jour, le mois,
16 l'année, ça c'est la clé qui correspond ou qui vous permettra d'établir une
17 correspondance, et ensuite vous aurez la clé qui comporte le prénom, nom de
18 famille, nom du père, que vous obtenez d'une source, par exemple, des
19 fichiers de la Croix-Rouge, et vous faites correspondre cela aux chiffres
20 du recensement, par exemple. A ce moment-là, vous obtiendrez les mêmes
21 individus qui ont des éléments d'information individuels qui leur
22 correspondent. Alors, nous parlons dans ce cas d'une correspondance idéale.
23 Et lorsque nous procédons à ces correspondances, il faut avoir les bons
24 éléments d'information, et éléments d'information corrects. Si ce n'est pas
25 le cas, il faut modifier la clé ou l'adapter. S'agissant d'analyses de
26 statistiques, la méthode que nous employons est la suivante. Ce qui est
27 plus sûr, c'est d'utiliser les mêmes clés pendant tout le système de
28 correspondances. Il faut faire correspondre votre clé à différents éléments
Page 38180
1 que vous pourrez peut-être modifier. Donc, à ce moment-là, vous vous
2 octroyez la liberté de cibler quelque chose. C'est la raison pour laquelle
3 j'ai parlé d'éléments d'information ciblés. Si, par exemple, la
4 correspondance ne peut pas être effectuée la première fois, le nom exact,
5 prénom, nom de famille, nom du père, date de naissance. Je peux modifier la
6 clé, je peux dire : Non, ne donnez pas tous ces éléments. Ne faites pas
7 ressortir la date, faites simplement ressortir le nom, le nom du père, le
8 nom de famille, le nom du père et la date de naissance, sans la date. Et
9 ensuite, je peux faire fonctionner le système de correspondance à nouveau.
10 Et après, je peux modifier une clé et je peux même utiliser un système qui
11 est encore plus large ou moins précis : Ne donnez pas le nom de famille
12 complet, faites ressortir simplement les initiales. Bon, les initiales de
13 la personne, initiales du nom, prénom et nom du père. Et, par exemple, je
14 vais travailler à ce moment-là avec un algorithme s'agissant de la date de
15 naissance. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que je vais fixer
16 certaines règles qui devront être observées.
17 Afin d'être tout à fait claire, je devrais dire qu'à ce moment-là il y a un
18 algorithme qui correspond au fait de préparer du thé. Si le thé doit être
19 fait correctement, il faut ajouter de l'eau bouillante, il faut utiliser
20 une cuillérée de thé que l'on place dans une tasse. Par exemple, donc, un
21 algorithme d'années qu'il faut utiliser. On utilise en général une plage
22 d'années, Svetlana D. Radovanovic, qui est née entre 1946 ou 1956 ou 1952,
23 alors vous donnez les plages d'années que vous souhaitez, et ensuite le
24 système recherche tous les S. Radovanovic qui sont nés en 1947, 1948, 1949,
25 et cetera, c'est-à-dire les chiffres que vous avez saisis pour cet
26 algorithme-là.
27 Alors, s'il y a beaucoup de S. Radovanovic, un trouve un nombre beaucoup
28 plus important de personnes, et vous n'obtenez pas dans ce cas-là les
Page 38181
1 éléments concernant moi, personnellement. Donc, lorsque l'on fait
2 correspondre différents unités en se fondant sur ces paramètres-là, eh
3 bien, l'expert doit apprécier et décider en utilisant une méthode visuelle,
4 comme on dit, et doit se fonder sur d'autres éléments qui ne figureront
5 peut-être pas dans tous les documents dont il est question pour savoir si
6 c'est exactement la personne qui répond au nom de S. Radovanovic sur la
7 liste de la Croix-Rouge des victimes de Srebrenica, des réfugiés, de
8 personnes portées déplacées, et cetera.
9 Donc, quel est le problème qui se pose ici au niveau des experts de
10 l'Accusation. Eh bien, ces experts donnent ou évoquent 73 possibilités de
11 correspondances. La première fois, ils montrent, par exemple, la
12 correspondance entre les listes de la Croix-Rouge et les listes du PHR, la
13 première fois. Cela concerne tous les rapports qu'ils ont écrits. Ils ne
14 donnent jamais leurs statistiques concernant ces correspondances. Alors, il
15 y a des chiffres absolus qui sont cités dans le dernier rapport, donc il
16 s'agit d'une correspondance des données. Donc, la méthode utilisée ici par
17 les experts de l'Accusation a été modifiée, ce qui permet de répondre à
18 leurs attentes et leurs demandes. Alors, cela est injuste, ils ne sont pas
19 intellectuellement honnêtes, parce qu'ils auraient pu dire comme suit : Par
20 rapport au premier critère, la première fois qu'ils ont procédé à leur
21 analyse, j'ai fait correspondre tel chiffre. J'ai fait correspondre tel et
22 tel chiffre, deuxième critère. Et donc, avec 71 critères, ils ont 45, si je
23 ne me trompe pas - cela peut être vérifié - 45 critères qui sont retenus,
24 qui correspondent à l'algorithme de la date de naissance, du lieu de
25 naissance, et du lieu de domicile. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé
26 au début d'une modification de la méthode standard utilisée dans le cadre
27 d'analyses statistiques.
28 Q. Alors, page 86 en serbe, page 91 [comme interprété] en anglais, s'il
Page 38182
1 vous plaît, du rapport qui a reçu la cote P1900. Le tableau 6.2 évoque les
2 critères dont vous venez de parler.
3 Pourriez-vous expliquer, s'il vous plaît.
4 R. Avant de me référer à ces critères, je vous demande de bien vouloir,
5 s'il vous plaît, montrer le titre de chapitre également. Encore une fois,
6 pardonnez-moi. J'ai touché l'écran. J'ai besoin du titre qui se trouve en
7 haut de la page, ensuite, nous pouvons aborder les critères. Un peu plus.
8 Un peu plus, s'il vous plaît. Bon, cela ne ressemblait pas à cela dans la
9 version serbe. Page précédente, dans ce cas, s'il vous plaît. Non, ceci ne
10 correspond pas à la page précédente. La même page où sont énumérés les
11 critères. L'annexe 6.2. C'est comme ça que cela commence.
12 Q. Nous avons les deux, en serbe et en anglais. Nous avons le titre du
13 passage en question et du tableau. Veuillez nous dire à quoi cela
14 correspond.
15 R. Pardonnez-moi, il m'était difficile de voir cela.
16 Avant d'évoquer certains critères, je souhaite, s'il vous plaît, --
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez répondre tout d'abord à la
18 question, s'il vous plaît.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Il me semblait que la question
20 avait déjà été posée.
21 M. IVETIC : [interprétation] Lignes 21 et 22, j'ai posé la question.
22 Q. Qu'est-ce qui est important ici ?
23 R. Oui. Et avant de commencer, avant que je n'attire votre attention sur
24 les différents critères, je demande de bien vouloir lire le 6.2,
25 correspondance de la liste du bureau du Procureur de 2005 avec un
26 recensement de la population de 1991.
27 Ensuite, nous pouvons lire le titre du tableau numéro 6 [comme interprété]
28 : "Description des correspondances des listes du CICR et du PHR consolidées
Page 38183
1 des personnes portées disparues avec le recensement de la population de
2 1991". Dans ce tableau, nous avons une liste complètement différente. C'est
3 cette liste-là que l'Accusation a présentée comme correspondant aux
4 victimes de Srebrenica, 7 600, quelque chose comme ça, en se fondant sur
5 ces deux listes. Mais il serait intellectuellement honnête de nous montrer
6 comment ils arrivent à établir une correspondance entre leurs propres
7 listes, non pas une correspondance entre la liste du CICR et le recensement
8 de la population. Regardez, ici, on parle de 71 et il y a ici le chiffre de
9 47 critères pour établir une correspondance.
10 Je vous demande de bien vouloir regarder le premier critère, s'il vous
11 plaît, où on peut lire prénom, nom du père, nom de famille et date de
12 naissance. Vingt mille questionnaires, et ensuite 3 325 cas ont fait
13 l'objet d'une correspondance. Il s'agit en fait de critères relativement
14 fiables, dans ce cas.
15 Et le second critère, qui est absurde, pas d'explication, peut-être que les
16 experts ont une explication à fournir, où on peut lire initiale
17 correspondant au prénom, nom du père, nom de famille, date de naissance et
18 lieu du décès. Le recensement de la population ne pouvait enregistrer que
19 des personnes en vie. Il ne pouvait pas y avoir de lieu de décès. Mais
20 entre les deux listes, la liste de la Croix-Rouge internationale, du CICR
21 et du PHR, Médecins des droits de l'homme, mais ceci n'a jamais été
22 expliqué nulle part.
23 La première fois --
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre très
25 brièvement.
26 Si vous regardez la correspondance au point 1, il y a une différence
27 entre l'anglais et le B/C/S.
28 En anglais, vous verrez qu'on peut lire Mood, ce qui ne figure pas dans la
Page 38184
1 traduction en B/C/S.
2 Donc, c'est simplement pour que vous soyez au courant si vous interprétez
3 les --
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si vous interprétez ce qui figure sur
6 cet écran, l'original, c'est la version anglaise, et le B/C/S ne correspond
7 peut-être pas à une traduction complète.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. En ce cas, le
9 premier critère est également absurde, car on souhaite établir une
10 correspondance entre le prénom, le nom du père, le nom de famille, la date
11 de naissance et la municipalité dans laquelle la personne est décédée.
12 Donc, je partais du principe que personne ne pouvait trouver une
13 correspondance avec la municipalité où la personne est décédée, donc j'ai
14 commencé à établir des correspondances avec le prénom, le nom du père, le
15 nom de famille, la date de naissance, parce qu'en fait, on ne peut pas
16 retrouver la municipalité du décès de l'individu dans un recensement de la
17 population, car un recensement ne s'occupe que de résidents permanents ou
18 de personnes en vie qui résident de façon permanente dans l'endroit où est
19 effectué le recensement. Le deuxième point est absurde également aussi
20 parce qu'il y a encore moins de correspondances, parce que nous sommes en
21 présence d'initiales uniquement. Je peux y croire ou ne pas y croire, à
22 cette correspondance, mais c'est la première fois que l'on aurait pu
23 proposer les éléments qui auraient pu faire l'objet d'une correspondance en
24 se fondant sur différents critères.
25 Veuillez regarder le critère numéro 22, plus de 2 000 personnes font
26 l'objet d'une correspondance. Là, vous pouvez voir qu'il y a un Y, et
27 ensuite le nom de la municipalité où la personne est décédée, et on a
28 utilisé un algorithme, dans ce cas. Il s'agit de fixer des règles lorsqu'on
Page 38185
1 fait cela. Et je n'ai vu cela dans aucun rapport, aucune des réponses
2 fournies par le Dr Brunborg ou le Pr Tabeau, quel type de règles ces
3 personnes avaient utilisées.
4 Et lorsque je suis venue en 2007 et 2008, j'ai vu que la plage des années
5 peut être étendue à plus de cinq ans. En général, on utilise une plage
6 entre deux et cinq ans.
7 Alors, les critères qui suivent après 22, vous verrez encore une fois que
8 l'on utilise un algorithme, municipalité où la personne est décédée, lieu
9 de naissance. Et ensuite, le 71e critère, pouvez-vous nous le montrez, et
10 aucune correspondance n'a été retrouvée.
11 M. IVETIC : [interprétation] Page suivante dans les deux langues, s'il vous
12 plaît.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, en regard du chiffre 70, il y en
14 a un. En regard du chiffre 71, il y en a un. Ce que je ne comprends
15 vraiment pas, c'est pourquoi le critère est fixé dans ce cas, puisque ce
16 critère est tellement large. Et ensuite, vous faites correspondre un
17 élément. Autrement dit, ce que j'essaie de dire, c'est que je ne fais pas
18 vraiment confiance aux experts de l'Accusation.
19 Mes correspondances, celles dont je vous ai parlé il y a quelques instants,
20 qui prennent en compte des données différentes, et j'ai fait correspondre
21 mes données à différents critères et j'utilise différents critères dans ce
22 cas qui sont cités ici, je pouvais faire correspondre tout ce que je
23 voulais.
24 Le Pr Brunborg et le Pr Tabeau cités ici ont précisé que sur 19 000 et
25 quelques chiffres de la Croix-Rouge internationale, ils ont fait
26 correspondre 16 000 ou quelque chose. Cela correspond à 81 %. Cela ne
27 signifie pas qu'ils ne pouvaient pas tout faire correspondre à 200 %, mais
28 en utilisant une méthode visuelle, ils ont conclu que ces éléments ne
Page 38186
1 pouvaient pas correspondre à une personne donnée. Je ne sais pas quelles
2 sources de données ou paramètres ils ont utilisés. Ils ont dit qu'ils ont
3 retrouvé ces éléments dans d'autres sources. Ils n'ont pas abordé chaque
4 élément après l'autre et parlé des sources utilisées. Moi, je ne peux pas
5 en juger donc. Je peux simplement dire que 81 % correspond à leur taux de
6 correspondance, et ils affirment dans tous leurs rapports que concernant la
7 liste des victimes de Srebrenica du bureau du Procureur, ils ont fait
8 correspondre le chiffre avec le recensement de la population à 87 %. Donc,
9 j'ai estimé qu'il eut été intellectuellement honnête qu'ils fournissent
10 leur propre liste. Et je constate que c'est la première fois que je vois
11 ces chiffres-là, s'agissant de correspondance des données.
12 M. IVETIC : [interprétation]
13 Q. Madame le Professeur, veuillez nous expliquer ceci : s'agissant des
14 recherches scientifiques et démographiques et des statistiques en matière
15 de correspondance, ce qui est exprimé ici, est-il exprimé dans un format
16 habituellement utilisé dans un cadre comme celui-ci ?
17 R. Alors, la statistique de correspondance signifie que lorsqu'on effectue
18 des correspondances, on conserve les données statistiques de ce qui a fait
19 l'objet d'une correspondance. Dans ce cas-ci, par exemple, vous dites :
20 J'ai fait correspondre 3 000 et quelques en me fondant sur tels et tels
21 critères. Trois mille correspond à 20 % des éléments à disposition. Par
22 exemple, si j'utilise un autre critère, j'ai 5 %. Troisième critère, 10 %.
23 Voilà, c'est ce qu'on appelle les statistiques de correspondance.
24 Dans ce cas-ci, nous pouvons déduire les données statistiques de la
25 correspondance. Nous avons des chiffres absolus. Donc, par exemple, je peux
26 dire que si vous faites correspondre tant et tant sur 19 000 et que vous
27 utilisez un ou deux critères, moi je peux parvenir à mes propres
28 conclusions. C'est ce que l'on fait en général lorsqu'on parle de
Page 38187
1 correspondance des données statistiques. Moi, je travaille avec des
2 recensements, et vous conservez toujours vos données statistiques. Vous
3 faites correspondre à un critère donné, vous dites que cela correspond à
4 tant, et vous savez à quel pourcentage cela correspond par rapport au
5 total. Et ensuite, il faut gérer les chiffres restants.
6 Et donc, les données statistiques des correspondances sont des éléments
7 très importants.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'au niveau de la première
9 version la légende est exacte, mais tout le monde s'attend à ce que nous
10 connaissions les abréviations. DOB, cela correspond à datum rodenja, c'est
11 la date de naissance.
12 OOD, ça correspond à opstina - c'est ça ? - lieu de disparition ou
13 municipalité de disparition. Mais OOB, je ne sais pas exactement cela
14 signifie.
15 M. IVETIC : [interprétation] Alors, peut-être que nous pouvons le faire
16 défiler vers le bas un petit peu -- là, ça y est. Non, ce n'est pas
17 municipalité de disparition, mais du décès.
18 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
19 M. IVETIC : [interprétation] Et OOB, ça correspond au lieu de naissance.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où est-ce qu'on peut le trouver
21 exactement ?
22 M. IVETIC : [interprétation] OOB se trouve dans la version serbe.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais l'explication en anglais qui
24 correspond à OOD ? Je ne vois pas de légende.
25 M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il n'y a pas de légende. Le Pr
26 Tabeau ne l'a pas inscrit.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, l'opstina où la personne est
28 décédée, la municipalité où la personne a décédée, ce n'est pas -- je me
Page 38188
1 suis trompé, j'ai parlé de la municipalité de disparition. Non. A ce
2 moment-là, cela correspond à ce que nous venons de dire puisqu'il n'y a
3 aucune explication qui est fournie. Dans le rapport, à aucun endroit cela
4 n'est précisé. J'espère que vous comprenez que je ne m'en souviens pas.
5 M. IVETIC : [interprétation] J'ai le même problème moi-même.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Car le témoin, dans sa déposition, se
7 fonde sur les éléments qui figurent ici. En fait, on parle de municipalité
8 du décès. Alors, où est-ce que ceci a été traduit ? Madame le Témoin, peut-
9 être que vous pourriez nous aider, s'il vous plaît. En B/C/S, on peut lire
10 "opstina okojolj" [phon]. Vous voyez où c'est ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au niveau de la légende, est-ce que vous
13 pourriez nous lire distinctement de façon à ce que nous puissions entendre
14 ces propos, qu'ils puissent être interprétés.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.
16 "DOB correspond à la municipalité -- pardon. C'est la date de naissance.
17 DOB, cela correspond à la date de naissance. OOD, cela correspond à la
18 municipalité où la personne est décédée. OOB correspond à la municipalité
19 dans laquelle l'individu est né. Les initiales, cela, vous le comprenez. Il
20 y a d'autres" --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …le reste me paraît clair. C'était
22 l'abréviation OOD dont je n'étais pas sûr.
23 Veuillez poursuivre.
24 M. IVETIC : [interprétation]
25 Q. Alors, vous venez de dire que les statistiques des correspondances
26 établies sont importantes. C'est quelque chose qui a été abordé par le Pr
27 Tabeau en l'espèce à la page du compte rendu d'audience 19 409, ligne 24, à
28 19 410, ligne 12. Je vais vous lire la question, ensuite la réponse, et
Page 38189
1 j'ai une question à vous poser.
2 Donc, je vous demande de bien vouloir écouter, je vais commencer :
3 "Question : Est-ce que vous pensez que c'est le rôle du démographe ou du
4 statisticien que de conserver la trace du pourcentage des correspondances
5 une fois que vous vous écartez de la clé d'origine de façon à pouvoir
6 donner un aperçu statistique du nombre de correspondances trouvées en
7 utilisant le premier critère, combien de correspondances ont été trouvées
8 en utilisant le deuxième critère, combien de correspondance ont été
9 trouvées en utilisant le troisième critère, et cetera ?"
10 Sa réponse a été la suivante : "Eh bien, dans un cadre idéal, nous
11 aimerions avoir ce genre de données statistiques, bien sûr. Mais si vous
12 pensez aux millions de fichiers qui ont dû être examinés dans ce type de
13 procédure et combien de correspondances ont pu être établies comme étant
14 des correspondances potentielles, qui ont été appréciées, analysées et
15 ensuite rejetées, ou partiellement rejetées, et cetera, c'est un processus
16 qui se poursuit depuis des années, depuis la création de l'unité
17 démographique. Donc, le fait de conserver ces données statistiques nous
18 prendrait beaucoup de temps, voire peut-être tout notre temps, voyez-vous,
19 et il y avait d'autres travaux à effectuer à cette période-là."
20 Donc, ceci conclut la réponse du Pr Tabeau.
21 Que pensez-vous, en tant que démographe, Madame, sur le fait de savoir
22 pourquoi on ne pouvait conserver les données statistiques des
23 correspondances dans l'unité démographique ?
24 R. Alors, les statistiques de correspondance sont des données très
25 importantes car elles peuvent être utilisées pour analyser les différentes
26 combinaisons que l'on peut utiliser lorsqu'on procède à des
27 correspondances. Le Pr Tabeau mélange des éléments ici. Le fait de corriger
28 des erreurs n'a rien à voir avec les données statistiques des
Page 38190
1 correspondances. D'abord, on modifie les données de façon à faire en sorte
2 que la correspondance puisse être effectuée parce que les noms ne
3 correspondent pas. Dans chaque correspondance, moi je pense que tous les
4 démographes font de même, et je sais que les statisticiens le font aussi
5 lorsqu'ils travaillent sur des documents officiels, ils conservent toujours
6 les données statistiques. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'on
7 prend en compte le premier critère, telles et telles correspondances ont
8 été trouvées. Et donc, si après un certain temps les données ont changé, je
9 répète, j'ai dit que j'ai fait correspondre tant et tant de personnes par
10 rapport au premier critère retenu. Pourquoi je ne suis pas d'accord avec le
11 Pr Tabeau, parce qu'elle est coauteur de ce travail, elle l'a examiné. Je
12 suppose qu'elle sait que l'on peut présenter des données statistiques de
13 correspondance sur ce qui a déjà fait l'objet de ces correspondances. Je ne
14 sais pas si ces correspondances sont exactes ou pas. Mais ces experts, à
15 mon sens, évitent intentionnellement les données statistiques des
16 correspondances parce que cela, en fait, révèle les différentes
17 combinaisons qui ont été expliquées. C'est la raison pour laquelle je
18 trouve l'explication du Pr Tabeau surprenante.
19 Q. Vous dites qu'elle est coauteur de ce travail et vous supposez qu'elle
20 l'a examiné. Sur quelle partie de ce rapport vous vous êtes appuyée pour
21 dire que vous croyez que le Pr Tabeau disposait de ces statistiques
22 d'appariement ?
23 R. Je ne sais pas s'ils disposent de cela, mais il est logique de conclure
24 qu'ils l'avaient. Vous pouvez procéder au processus d'appariement des
25 données tout le temps. Mais une fois appariement obtenu, vous pouvez
26 écarter ces correspondances. Il ne faut pas y revenir, parce que c'est
27 absurde. Donc, je continue à faire d'autres correspondances, d'élargir ou
28 de réduire le champ d'appariement. Je ne sais pas s'ils disposaient de cela
Page 38191
1 ou pas, mais à partir du début du premier rapport que j'ai vu, j'ai demandé
2 à ce qu'ils me remettent des critères et des statistiques d'appariement. Et
3 jamais je n'ai reçu ces données statistiques. J'ai reçu la réponse qui
4 n'avait rien à voir avec les statistiques, où il y avait des centaines de
5 milliers de données où des noms et où des prénoms étaient corrigés. Je ne
6 demande pas à ce qu'ils me disent combien de noms ont été corrigés. C'est
7 quelque chose qui est tout à fait différent. Je demande quel était le
8 nombre d'appariements pour ce qui est de la première source. Vous m'avez
9 demandé sui le Pr Tabeau a lu ce rapport. Ma réponse est que je ne sais
10 pas. Je suppose que si elle était coauteur de ce rapport, qu'elle l'a lu.
11 Il est possible, mais pour moi c'est presque incroyable, que le Pr
12 Tabeau ne comprenne pas ce que représentent les statistiques des
13 appariements puisqu'elle a confondu certaines choses. Je ne demande pas
14 qu'ils me donnent le nombre de corrections pour ce qui est des
15 appariements. Puisque les statistiques des appariements, c'est autre chose
16 par rapport aux statistiques des données corrigées.
17 Q. Revenons à la première page dans les deux versions et regardons le haut
18 du tableau --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous en avez fini avec cette
20 partie, les statistiques, Maître Ivetic ?
21 M. IVETIC : [interprétation] J'ai voulu poser une question de suivi.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
23 M. IVETIC : [interprétation]
24 Q. Madame le Professeur, les données qu'on trouve dans ce tableau peuvent-
25 elles être utilisées par les experts du bureau du Procureur pour déterminer
26 les statistiques d'appariement pour lesquelles Mme Tabeau, le Pr Tabeau,
27 avait dit qu'ils ne pouvaient pas le faire ?
28 R. Cela existe ici, mais il s'agit de données absolues. Lorsque vous
Page 38192
1 utilisez des données relatives, cela devient plus clair. S'ils disent que
2 selon le premier critère il y avait 3 325 correspondances, si on a un
3 pourcentage de cela - par exemple, 26 % de ces appariements - c'est ça qui
4 représente les statistiques des appariements. Le Pr Tabeau n'estime pas que
5 cela représente les statistiques d'appariement, c'est autre chose.
6 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai voulu passer à un
7 autre sujet, mais je vois que vous avez une question à poser.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Qu'est-ce qu'on peut apprendre en
9 examinant tout cela ? Par exemple, si les statistiques des appariements
10 avaient été appliquées, dites-nous ce que cela aurait pu nous apprendre ?
11 Est-ce qu'on aurait pu corriger des points qui ont été présentés ici de
12 façon incorrecte pour ce qui est des appariements ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il y avait eu les statistiques des
14 appariements, on aurait pu voir quelles données auraient pu être
15 acceptables comme des données précises et quelles autres pas.
16 Par exemple, vous avez 45 critères modifiés. Cela représente plus de 7 000
17 personnes. Vous avez des algorithmes des années de naissance. Si les
18 experts du bureau du Procureur affirment que les sources des données sont
19 bonnes, alors on ne peut pas avoir un tel nombre de combinaisons, de
20 correspondances. Si les experts avaient dit, Eh bien, on va appliquer trois
21 critères, on pourrait leur poser la question suivante : si la personne dont
22 le nom de père est exact ou le nom de famille est exact, et l'année de
23 naissance est exacte, si cette personne a été retrouvée dans une autre base
24 de données, il ne s'agit pas d'une probabilité à 100 %, mais avec une
25 grande probabilité vous pouvez dire qu'il s'agit de la même et seule
26 personne. Si pour une personne on ne dispose que des initiales de son
27 prénom, de son nom de famille ou du prénom de père, avec l'algorithme de
28 l'année de naissance et l'algorithme de la municipalité de naissance, on se
Page 38193
1 pose la question si cette personne est vraiment la personne en question.
2 Nous ne savons pas la réponse à cette question. Ce sont les experts du
3 bureau du Procureur qui peuvent répondre à cette question puisque -- par
4 exemple, une personne a l'initiale S. R., et si on cherche toutes les
5 personnes avec ces initiales nées entre 1945 et 1955, il y en a plusieurs.
6 Si vous obtenez le nombre de personnes dont les initiales sont S.R, vous
7 continuez à chercher d'autres éléments communs dans d'autres sources de
8 données. Mais la source principale de données est le recensement de la
9 population. Et vous dites pour ce qui est de 300 personnes dont les
10 initiales sont S. R. nées entre 1945 et 1953, je crois que cette personne
11 est cette Svetlana-là qu'on a recherchée.
12 Donc, c'est une méthode visuelle. Donc, il n'y a pas de sources de
13 données qui soient de qualité telle qu'on peut déterminer tout cela avec
14 une grande fiabilité. Le recensement de la population contient les données
15 les plus fiables. Le nom de famille et le prénom ne représentaient jamais
16 des données dans les statistiques et ne faisaient jamais l'objet de
17 recherche. Il s'agit ici des résultats scannés. C'est pour cela qu'il y a
18 autant d'erreurs dans ce tableau et c'est pour cela qu'il y avait beaucoup
19 de corrections, puisqu'il y avait deux écritures utilisées, l'alphabet
20 latin et l'alphabet cyrillique, et il y avait des crayons différents qui
21 ont été utilisés pour inscrire des données dans ce tableau. Je peux croire
22 ou ne pas croire que ces corrections aient été faites de façon correcte.
23 Mais si la date de naissance n'est pas exacte, si le lieu de naissance
24 n'est pas exact, comment puis-je croire que vous avez bien établi et
25 vérifié qu'il s'agit bien de Svetlana Radovanovic ? Ils peuvent me dire :
26 Je me suis appuyé sur le recensement de la population, les listes
27 électorales, les données de la Croix-Rouge, et cetera, ou des Médecins pour
28 les droits de l'homme --
Page 38194
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …n'est-il pas vrai que vous soyez
2 maintenant dans un domaine qui dépasse le domaine de ma question ? Dites-
3 nous ce que les statistiques peuvent nous apprendre.
4 Est-ce que cela dépasse les limites des statistiques, puisque vous
5 parlez de la fiabilité et de l'exactitude des sources ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces sources de données, selon les
7 principes des statistiques, ne sont pas des sources de données.
8 Le premier critère est le critère qui nous permet d'avoir des données
9 relativement fiables, et nous voyons que ces pourcentages obtenus nous
10 indiquent quelles sont les correspondances utilisées par eux pour dire que
11 ce sont des conclusions fiables.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce qu'ils disent exactement en
13 s'appuyant sur ce tableau ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils affirment qu'ils se sont appuyés sur le
15 recensement de la population pour obtenir la liste de 7 600 et quelques
16 victimes appariées avec un pourcentage de 77 %. Ils n'ont nulle part
17 indiqué cela. Ils ne disent pas que 22 %, par exemple, de ces 67 % ont été
18 appariés selon ce critère. Donc, je dois croire que toutes les
19 correspondances, à savoir 87 % des correspondances sont des données
20 relativement fiables. Et je ne crois pas que cela soit le cas. Et non
21 seulement moi-même, mais en général, dans la science, on ne peut as croire
22 ou ne pas croire quelque chose. Nous avons besoin des données.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas compris cela
24 exactement. Mais je vois que dans ce tableau, et je le comprends de la
25 façon suivante, si vous établissez des correspondances -- juste un instant,
26 s'il vous plaît.
27 Je comprends que dans ce tableau, ils ont comparé les informations
28 contenant sur la liste consolidée entre, par exemple, A, B et C, il y a
Page 38195
1 autant de correspondances. Si vous prenez en compte C, D, X et Y, vous
2 obtenez autant de correspondances ou appariements. Mais je ne comprends pas
3 quand vous dites --
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer cela.
5 Ils ont fait cela pour dissimuler certaines choses. Ils ont présenté ce
6 tableau, qui est le tableau consolidé des tableaux des données de la Croix-
7 Rouge et des Médecins des droits de l'homme, et non pas leur tableau, ce
8 qui est indiqué dans le titre. S'ils avaient présenté leur tableau
9 d'appariement où il y a 7 600 et quelques personnes, ce problème
10 n'existerait pas. Mais s'il s'agit des correspondances, des appariements de
11 la Croix-Rouge, ils l'ont donc fourni, et pourquoi n'ont-ils pas pu fournir
12 leur propre tableau d'appariement ? S'il y a 7 600 et quelques personnes
13 avec les noms de famille, les prénoms, les dates de naissance, il aurait
14 fallu utiliser ce tableau, cette liste. C'est quelque chose qui n'est pas
15 du tout conforme aux règles intellectuelles, ce qu'ils ont fait, et ce
16 n'est pas honnête, ce qu'ils ont fait, puisqu'ils ont montré quelque chose
17 qui est tout à fait différent.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce qu'il y a exactement dans le
19 titre qui est, selon vous, un mensonge ? Est-ce qu'il s'agit des
20 appariements entre la liste du bureau du Procureur de 2005 et le
21 recensement de la population de 1992 [comme interprété] ? Est-ce que vous
22 avez fait référence à cela ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les discordances entre le premier titre
24 dans le chapitre 6.2 où il est dit : les correspondances entre la liste du
25 bureau du Procureur et 2005 et le recensement de la population de 1991. La
26 liste du bureau du Procureur de 2005 a 7 600 ou 500 cas. C'est le titre. Et
27 ensuite, il est dit dans le tableau : les correspondances entre la liste
28 consolidée des personnes portées disparues de la base des données de la
Page 38196
1 Croix-Rouge et des Médecins des droits de l'homme avec le recensement de la
2 population de 1991, et donc, il y a 19 000 cas dans cette liste consolidée.
3 Et c'est la liste consolidée, mais cette autre liste consolidée ne contient
4 que 7 000 et quelques noms.
5 La liste consolidée, est-ce qu'il s'agit de la liste consolidée de la
6 Croix-Rouge ou des Médecins des droits de l'homme, ou ma liste ? Donc, il
7 n'existe aucun obstacle pour que j'utilise la liste contenant 7 600
8 personnes pour comparer cette liste avec la liste que je souhaite utiliser
9 comme l'autre liste.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous dites qu'ils ont fait cela pour
11 dissimuler quelque chose. Quoi exactement ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas s'ils ont fait cela pour
13 dissimuler quoi que ce soit, mais je vous dis, et j'en assume toute la
14 responsabilité, qu'ils ont procédé de façon qui n'était pas honnête.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que je vous interrompe là. Je
16 vais citer le début de votre réponse précédente. "Justement, pour
17 dissimuler certaines choses, ils ont présenté cette liste, qui est la liste
18 consolidée de la Croix-Rouge", et cetera.
19 Et lorsque je vous pose la question pour savoir ce qu'ils auraient
20 dissimulé, vous dites que vous ne savez pas s'ils ont voulu dissimuler quoi
21 que ce soit, et je reviens au début de votre réponse précédente où vous
22 avez dit que c'était leur intention.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai voulu que les choses soient correctes,
24 puisque le fait est qu'ils ont montré quelque chose qu'ils ont pensé qu'il
25 fallait présenter, et non pas des choses qu'il fallait présenter. Et là, je
26 pense aux experts du bureau du Procureur. Et ils ont utilisé des titres
27 différents pour dissimuler quelque chose.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous dites que le fait
Page 38197
1 qu'ils n'ont pas montré ce qu'ils ont dû montrer veut dire qu'ils ont
2 dissimulé quelque chose.
3 Où peut-on trouver ce que ces experts auraient dû nous montrer par
4 rapport à ce qu'ils nous ont montré ? Où on peut trouver cela, ces choses
5 qu'ils auraient dû nous montrer, que vous considérez comme les données
6 qu'il fallait montrer ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le titre, il est dit : la liste du bureau
8 du Procureur, dans le chapitre 2. Vous savez tous qu'il y a 7 000 et
9 quelques victimes sur la liste du bureau du Procureur. C'est la liste du
10 bureau du Procureur. Et probablement, vous savez comment cette liste a été
11 dressée. Cette liste a été dressée en s'appuyant sur les listes de la
12 Croix-Rouge et des Médecins des droits de l'homme. Et lorsque vous dites
13 qu'il s'agit des appariements des données de la liste du bureau du
14 Procureur, et si vous donnez le titre à ce tableau, la liste consolidée des
15 personnes portées disparues dans la Croix-Rouge, d'après les données de la
16 Croix-Rouge, à peu près 20 000 personnes sont portées disparues. Et les
17 Médecins des droits de l'homme, d'après les conclusions des experts du
18 bureau du Procureur, il y a 5 ou 6 000 personnes dont les données
19 correspondent aux données des personnes sur la liste de la Croix-Rouge.
20 Donc, s'il s'agit de la liste de la Croix-Rouge, il y a 20 000 et quelques
21 personnes sur cette liste.
22 Donc, il ne s'agit pas de la liste du bureau du Procureur. Il s'agit de
23 sources de données sur lesquelles le bureau du Procureur s'est appuyé pour
24 dresser sa propre liste.
25 M. IVETIC : [interprétation] Puis-je aider, si vous regardez le texte, vous
26 allez voir qu'ils ont comparé les données de 2000, et dans le titre, on
27 peut voir qu'il s'agit de 2005. Il ne s'agit pas de 2005 mais de 2001
28 [comme interprété].
Page 38198
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que dans le texte… bien.
2 Votre position est claire.
3 Continuez, Maître Ivetic.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Maintenant, j'aimerais qu'on regarde le tableau 6A qu'on a déjà vu il y
6 a quelques instants. Il faut afficher la page 16 en anglais, la page 18 en
7 serbe. Madame le Professeur, vous nous avez déjà dit qu'ici il y a des
8 municipalités qui sont en fait en Serbie, telles que Bajina Basta, Olovo,
9 Loznica, le mont Tara et Ljubovija.
10 Maintenant, j'aimerais parler du nombre des personnes portées disparues,
11 c'est le nombre de 7 692 personnes, où il y a des personnes des
12 municipalités serbes qui sont en Serbie. Passons à la page suivante dans ce
13 rapport, le tableau numéro 6B, est-ce qu'on peut l'agrandir, et maintenant
14 nous voyons le tableau où, encore une fois, nous voyons le nombre de 7 692
15 personnes portées disparues, mais cette fois il s'agit des données
16 concernant les personnes portées disparues selon leur lieu de disparition,
17 et non pas selon les municipalités. Et là on ne voit pas de municipalités
18 en Serbie.
19 Pouvez-vous commenter cela ?
20 R. Il ne s'agit pas seulement de lieux de disparition, mais également des
21 localités. Et je considère qu'aucune de ces localités ne se trouve en
22 Serbie.
23 Q. Et si -- est-ce qu'on peut maintenant passer à la page --
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, j'ai une question à
25 poser au témoin.
26 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame le Témoin, Me Ivetic a fait
28 référence au nombre de 7 692 personnes. Au-dessus de ce nombre, on a le
Page 38199
1 nombre de 312 personnes, et au-dessus de ce nombre, en gras, on voit le
2 nombre de 7 380 personnes. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que
3 représente ce nombre de 312 personnes.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux le faire. Ce nombre n'est pas
5 visible ici, mais le Pr Brunborg, dans ses rapports précédents, il a dit
6 les localités ne sont pas connues, n'ont aucun lien avec ces personnes,
7 donc il n'offre aucune explication.
8 Il indique ici, plus de 20, moins de 20, pour ce qui des fosses communes,
9 où il y avait plus de 20 personnes ou moins de 20 personnes. Il n'est pas
10 important où se trouvent ces fosses communes. Mais c'est ce dont je parle,
11 de cette approche superficielle, à savoir que nous devons accepter tout ce
12 que le Pr Brunborg a dit dans ce rapport.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela ne faisait pas partie de ma
14 question.
15 Est-ce qu'il est possible que le nombre de 312 personnes, que ces personnes
16 étaient des municipalités serbes ou des localités qui se trouvaient en
17 Serbie ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après tous les documents que j'ai pu
19 examiner, le Pr Brunborg a indiqué des localités qui se trouvent en Serbie
20 mais qui n'ont rien à voir avec ces villes. Par exemple, il dit le charnier
21 à Belgrade --
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, non, ce n'était pas ma question.
23 Nous avons d'abord vu le tableau numéro 6A, par rapport auquel vous avez
24 dit qu'il y avait des municipalités ou des localités qui se trouvent en
25 Serbie. Est-ce que ces municipalités ou ces localités concernent le nombre
26 de 312 personnes portées disparues, concernant les localités où il y avait
27 moins de 20 personnes retrouvées ?
28 Est-ce qu'il est possible que cela soit le cas ?
Page 38200
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Tout est possible.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Revenons au tableau 6A, à la page
3 précédente.
4 Pouvez-vous, s'il vous plaît, regarder ce tableau encore une fois et me
5 dire quelle est la municipalité en Serbie par rapport à laquelle le chiffre
6 le plus élevé est indiqué par rapport aux personnes portées disparues de
7 Srebrenica ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est dit ici sept personnes disparues à
9 Bajina Basta.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce qu'il est possible, puisqu'il
11 y en a moins de 20 dans ce lieu qui ont été retrouvés, que ces autres
12 localités en Serbie sont également incluses dans cette ligne où il est dit
13 moins de 20, dans le tableau B.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas. Pourquoi s'il est dit qu'à
15 Bajina Basta il y avait sept personnes portées disparues, à Valjevo, par
16 exemple, il y avait 15 ou dix à Loznica, pourquoi l'auteur aurait omis ces
17 chiffres ?
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-on afficher à nouveau le tableau
19 6B ? A la page suivante.
20 Vous dites que cela a été omis. Est-il possible que ces données soient
21 contenues et non pas omises dans cette ligne où il est dit : Au total,
22 moins de 20 personnes, puisque dans ce cas-là cela ne serait pas considéré
23 comme des cas omis.
24 M. IVETIC : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous. Si cela
25 n'est pas indiqué, cela veut dire --
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne pose pas la question à vous,
27 Maître Ivetic.
28 M. IVETIC : [aucune interprétation]
Page 38201
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, n'interrompez pas le Juge
2 Fluegge.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas que cela soit le cas, puisque
4 dans d'autres rapports précédents qu'il avait préparés où toutes ces
5 municipalités sont contenues, il aurait indiqué que sur les territoires
6 dans les municipalités en Serbie, tel ou tel nombre de personnes auraient
7 été retrouvées. Mais nulle part dans son rapport cela n'est indiqué. Si
8 vous regardez son rapport précédent concernant les localités, il indique
9 qu'il a pris en considération moins de 20 ou plus de 20, puisque 312
10 personnes retrouvées.
11 Je crois, sur le territoire des municipalités en Serbie, est un
12 nombre important de personnes portées disparues, et je suis sûre que le Pr
13 Brunborg aurait pu indiquer cela dans son rapport. Puisque c'est un nombre
14 de personnes portées disparues qu'on ne peut pas négliger.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai obtenu la réponse à ma question.
16 Merci.
17 M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il est venu le moment propice pour
18 faire la pause.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre la pause dans
21 quelques instants. Madame le Témoin, vous pouvez maintenant suivre M.
22 l'Huissier, quitter le prétoire.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
24 [Le témoin quitte la barre]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je ne vous ai pas permis
26 d'interrompre le Juge Fluegge, mais si vous voulez dire quelque chose qui
27 pourrait nous aider à comprendre ces tableaux, vous pouvez maintenant le
28 faire en l'absence du témoin.
Page 38202
1 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pense que le
2 témoin a répondu à la dernière partie de la question où elle dit, je crois
3 que ces personnes ont été retrouvées sur le territoire des municipalités en
4 Serbie. Si on a un nombre qui est lié à la Serbie au lieu d'indiquer la
5 localité en Serbie pour que celui qui lit le rapport comprenne que ces
6 personnes ont été retrouvées en Serbie pour pouvoir quelle est la distance
7 par rapport à Srebrenica, ils ont indiqué dans une catégorie commune, où il
8 est dit "retrouvé moins de 20 personnes", par quoi on dissimule le fait
9 qu'ils ont été retrouvés à Serbie et non pas en Bosnie.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ce n'est pas ce que le témoin a
11 dit au début. Elle a dit que ces localités n'étaient pas incluses dans le
12 rapport.
13 M. IVETIC : [interprétation] Elle a raison pour dire cela.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien que le nombre total est
15 exactement le même.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et j'ai voulu voir si elle pouvait
18 nous fournir une explication pour ce qui est du nombre moins de 20, j'ai
19 obtenu réponse à cette question.
20 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
21 Mais le seul problème à mes yeux, c'est que l'on dit que des localités ont
22 été mises, en tout cas c'est ce qui est dit en langue anglaise, même si les
23 localités ne portent que sur le nom de la localité, et pas sur la localité.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le nombre des personnes portées
25 disparues est représenté également au tableau 6B, même si dans le tableau
26 6A, ils figurent en tant que personnes disparues dans certaines
27 municipalités qui se trouvent en Serbie, en tout cas il y en a certains qui
28 figurent dans ce tableau 6A, ce qui montre un chiffre inférieur à 20, et
Page 38203
1 ensuite il y a appariement des deux tableaux, le 6A et 6B, et ceci est
2 particulièrement nécessaire pour la Chambre, parce que toutes les localités
3 serbes correspondent à des nombres de personnes disparues, enfin il y en a
4 20, donc des nombres peu importants, mais il y a possibilité de
5 reconstitution à partir du premier tableau, qui comporte des municipalités
6 en Serbie, tout cela dans le but de permettre de déterminer exactement si
7 les personnes portées disparues se trouvaient en Bosnie-Herzégovine ou si
8 elles figuraient parmi les nombres assez peu élevés de personnes déclarées
9 portées disparues en Serbie.
10 Ça, c'est déjà quelque chose.
11 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Mais nous ne savons pas dans quels
12 endroits en Serbie.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne le savons pas, je suis d'accord
14 avec vous. Si l'on considère le nombre total et qu'on constate qu'il est le
15 même, même si nous ne connaissons pas le lieu exact mentionné au tableau
16 6A, il semble que ces renseignements correspondent exactement à ce dont la
17 Chambre a besoin pour déterminer si ces localités se trouvent à une
18 certaine distance de Srebrenica ou tout près de Srebrenica. Mais, bien sûr,
19 c'est un autre élément à prendre en considération.
20 Nous allons en rester là. Nous allons faire la pause, retour à 13 heures
21 45.
22 --- L'audience est suspendue à 13 heures 23.
23 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons l'entrée du témoin dans
25 la salle.
26 [Le témoin vient à la barre]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez procéder.
28 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demande que
Page 38204
1 l'on affiche la page 14 de la version anglaise, page 16 de la version
2 serbe, et que l'on examine ce tableau 5 qui figure dans ces pages.
3 Q. Il y a quelques instants, Madame, vous nous avez dit que l'Accusation
4 avait étendu les plages temporelles pour qu'elles atteignent l'année 1996.
5 Je crois voir ici un tableau cité dans le rapport qui fournit l'information
6 selon laquelle le pourcentage des victimes figurant sur la liste de
7 l'Accusation et les dates de disparition pour leur part se situent entre
8 les mois de juillet 1995 et vont jusqu'à avril 1996.
9 Est-ce que vous avez quoi que ce soit que vous aimeriez nous dire par
10 rapport aux experts de l'Accusation et à leur utilisation de cet espace
11 temporel en rapport avec cette partie du rapport ?
12 R. Eh bien, non. Ce que j'essaie de dire, c'est que ceci est l'un des cas
13 montrant que les experts de l'Accusation souhaitaient gonfler au maximum le
14 nombre de victimes - enfin, vraiment, je pense que c'est cela qui était
15 leur désir - avec des chiffres sans importance significative sur le plan
16 statistique. Bien entendu, il est important, lorsqu'on parle de décès en
17 tant que tel, de déterminer le nombre des victimes. Mais alors, dans ce
18 cas, pourquoi est-ce que cela est fait de cette façon, c'est ça que je ne
19 comprends pas. Quand on fournit un cadre déterminé, les experts de
20 l'Accusation, après avoir fourni ce cadre, auraient dû dire : J'ai agi de
21 telle et telle façon pour telle et telle raison et j'ai agi autrement pour
22 telle et telle raison. Si je ne m'abuse, les événements de Srebrenica se
23 situent au mois de juillet. Alors, pourquoi tous ces détails au sujet
24 d'avril 1996, vraiment, je ne comprends pas.
25 Q. Page 23 en anglais et page 27 en serbe sur les écrans, je vous prie. On
26 voit là le tableau numéro 10.
27 Dans le tableau 10B en anglais, qui se trouve à la page suivante -- mais
28 enfin, pour l'instant, travaillons avec ce que nous montre l'écran en ce
Page 38205
1 moment.
2 Professeur, par rapport au tableau qui figure actuellement sur -- ce
3 tableau, lui-même divisé en deux parties, qu'est-ce que vous souhaiteriez
4 mettre en exergue à notre intention qui démontre les préoccupations que
5 vous avez éprouvées à la lecture du rapport des experts de l'Accusation ?
6 R. Ici, nous voyons un tableau où l'on voit la répartition des données par
7 les experts de l'Accusation. Et donc, dans ce tableau, on voit que
8 Srebrenica est divisé en cinq municipalités et qu'il figure également la
9 mention "municipalités supplémentaires". Mais encore une fois, nous ne
10 savons pas exactement ce que sont ces municipalités supplémentaires, sauf à
11 savoir qu'elles figurent dans ce tableau et qu'il y a également des
12 municipalités qui font partie de la Serbie. Et ceci me préoccupe beaucoup.
13 Nous voyons 24 cas dans ce tableau qui ne sont pas clairs. Ce n'est pas un
14 travail suffisamment professionnel, à mon avis, de parler de municipalités
15 restantes ou supplémentaires par rapport à la municipalité de Srebrenica.
16 Alors, il y a un point qui est particulièrement intéressant, c'est le point
17 relatif aux personnes portées disparues et aux personnes décédées selon les
18 groupes ethniques à partir de 1991. Comment est-ce que les experts de
19 l'Accusation ont pu obtenir ces éléments au sujet des groupes ethniques ?
20 En appariant le groupe ethnique avec les résultats du recensement de
21 population. Mais pour autant que je puisse le constater, on ne trouve dans
22 le recensement aucune référence à l'appartenance ethnique. Toutefois, on
23 peut se demander dans ces conditions comment les experts de l'Accusation
24 sont parvenus à obtenir ce renseignement sur l'appartenance ethnique. Le
25 problème c'est qu'ils affirment que sur leur liste de victimes figurent 7
26 428 noms, et le recensement de la population étant pris en compte, ils
27 procèdent à une répartition de ces noms selon les municipalités dont les
28 noms sont fournis par eux. Eux-mêmes disent qu'ils n'ont pas procédé à
Page 38206
1 l'appariement d'un millier de cas personnels. Je ne vois pas s'il s'agit de
2 1 013 ou d'un chiffre différent, mais en tout cas un millier de personnes
3 sont concernées. Donc, ils n'ont pas respecté eux-mêmes leur propre
4 méthodologie. Leur méthode disait la chose suivante. Afin de prouver que
5 les personnes en question ne sont pas des personnes fictives, celles dont
6 les noms figurent sur notre liste, et que nous nous occupons bien de
7 personnes réelles, nous avons procédé à l'appariement de cette liste par
8 rapport au recensement de la population parce que le recensement de la
9 population contient des noms de personnes bien réelles qui étaient vivantes
10 en 1991, et nous n'avons pas réussi à découvrir 1 000 personnes
11 correspondant aux noms que nous avions. Donc, il y a 1 000 personnes qui
12 sont inconnues. Ils ne sont pas parvenus à obtenir des résultats effectifs
13 après comparaison de leur liste au recensement de la population, et ce,
14 pour un nombre très élevé de cas. Donc, selon la méthode qu'ils ont
15 appliquée, quelle que soit la situation, il existe encore des noms qui ne
16 correspondent pas à des personnes réelles. Comment est-ce que les experts
17 de l'Accusation décrivent le fait qu'ils ont pris en compte quelque chose
18 qui d'après leur propre méthodologie est démontré comme n'étant pas
19 nécessaire ? Comment est-ce qu'ils prouvent que ces 1 000 personnes étaient
20 des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ? Je peux admettre, parce que plus
21 tard des Musulmans ont également été pris en compte dans les données, qu'il
22 peut y avoir des victimes qui étaient d'appartenance ethnique musulmane de
23 Bosnie et qui figuraient au nombre des victimes de Bosnie-Herzégovine. Mais
24 je ne sais pas si dans les cas dont nous parlons jusqu'à présent il s'agit
25 de Musulmans de Bosnie. C'est possible. Mais, en tout cas, si ce ne sont
26 pas des citoyens de Bosnie-Herzégovine, comment est-ce que leur prise en
27 compte peut modifier la situation par rapport à tout ce qui s'est passé à
28 Srebrenica ? L'expert de l'Accusation s'est efforcé de calculer toutes
Page 38207
1 sortes d'éléments et a suivi deux méthodes différentes - nous reviendrons
2 sur ce point plus tard - avec et sans appariement de ces cas personnels.
3 Alors, voilà la situation dont je parle. Les experts de l'Accusation n'ont
4 pas respecté leur propre méthodologie.
5 Q. Si l'on pouvait --
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour que tout soit clair au compte
7 rendu d'audience, un nombre inexact a peut-être été consigné au compte
8 rendu. Je ne vois pas le chiffre en question sur la page qui nous est
9 montrée à l'écran. Vous avez parlé de 24 cas -- je n'ai pas très bien
10 compris.
11 Vous parliez des municipalités restantes dans le premier tableau de cette
12 page ? Ou bien est-ce que vous avez dit 124 ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de 124 municipalités, mais je n'ai
14 peut-être pas parlé suffisamment près du micro ou prononcé suffisamment
15 clairement. Cent vingt-quatre municipalités restantes sont citées dans ce
16 tableau.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. La correction a été apportée au
18 compte rendu d'audience.
19 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous agrandissions à
20 l'écran la colonne qui figure sous connu et inconnu dans la version
21 originale en B/C/S. Le chiffre de 1 000, je ne vois pas où il se trouve. Je
22 vois 1 013, qui est un peu supérieur à 1 000.
23 Q. Est-ce que ceci vous aide à déterminer le nombre exact des cas des
24 personnes inconnues ?
25 R. 1 001.
26 Q. Si nous nous concentrons sur ces 1 001 personnes qui, selon la méthode
27 mise en œuvre par les experts de l'Accusation, ne semblent pas avoir de
28 correspondance au sein du recensement, j'aimerais que nous examinions le
Page 38208
1 tableau 10B, qui se trouve dans la page suivante en anglais mais dans la
2 même page en B/C/S. Donc, que l'on affiche la page suivante en anglais,
3 avec un agrandissement de la note que l'on voit en dessous de la mention
4 10B. Et nous constatons que les chiffres correspondant aux municipalités
5 ont été ajustés par prise en compte des données sans correspondance, et ce,
6 municipalité par municipalité en 1991, par rapport au lieu de résidence et
7 à l'appartenance ethnique.
8 Professeur, quel genre de méthode a été utilisée dans ce document pour
9 rétablir ces 1 001 personnes inconnues dans les municipalités dont les noms
10 figurent sur la liste, en dépit du fait qu'il n'avait pas été possible de
11 procéder à un appariement par rapport au recensement ?
12 R. La méthode proportionnelle. Une méthode proportionnelle, cela sous-
13 entend que vous connaissez une masse déterminée correspondant à certaines
14 données et qu'il y a une autre masse d'élément que vous ne connaissez pas.
15 Ici, nous voyons qu'un nombre déterminé de victimes est cité à Srebrenica,
16 Bratunac, et cetera, et que le total atteint un pourcentage de 100 %. Et
17 puis, nous calculons le nombre correspondant à, disons, 30 % du total pour
18 Srebrenica.
19 Donc, dans cette masse inconnue de 1 001 individus, nous prenons 30
20 %, à savoir 300 individus, que nous situons à Srebrenica. Ensuite, nous
21 prenons le cas de Vlasenica, qui fait, disons, 20 % du total. Nous écartons
22 de ce qui reste de la masse inconnue -- du total inconnu d'individus, nous
23 écartons 20 % que nous situons à Vlasenica. Voilà, c'est donc ça la méthode
24 proportionnelle, où on utilise des proportions par rapport à des éléments
25 chiffrés connus et on les transpose sur le total des éléments inconnus. Et
26 cette méthode a été abandonnée il y a très longtemps déjà.
27 Selon les recommandations des Nations Unies, la méthode des
28 projections ne doit pas être utilisée, en particulier lorsqu'elle porte sur
Page 38209
1 des structures d'âge. Elle est exclue précisément parce que c'est une façon
2 de cibler un certain nombre d'individus dans le but d'obtenir des résultats
3 souhaités. C'est la raison pour laquelle les recommandations des Nations
4 Unies considèrent que cette méthode ne doit pas être utilisée. Tous les
5 questionnaires doivent être remplis, et s'il y a évaluation, elle doit se
6 faire par la méthode proportionnelle appliquée depuis 2000 et appliquée à
7 tous les pays qui mènent des recensements. Dans les données chiffrées les
8 plus récentes, vous ne trouvez aucune donnée dès lors qu'on est en présence
9 d'une tranche d'âge ou d'un âge qui n'a pas pu être déterminé. Dans les
10 recensements de 1971, 1981, 1991, on trouve la mention "âge inconnu", mais
11 ceci uniquement pour continuer à se situer dans la marge d'erreur
12 autorisée.
13 Q. Professeur, votre avis consiste à dire que la démarche
14 proportionnelle appliquée à ces 1 001 individus inconnus n'aurait pas
15 permis de trouver des correspondances par rapport aux chiffres du
16 recensement; c'est bien cela ?
17 R. Eh bien, c'était impossible. On ne peut pas procéder à un
18 quelconque appariement dans ces conditions. Les experts ont démontré que
19 cet appariement était impossible. Et lorsqu'il est impossible d'apparier,
20 comment est-ce qu'on peut déterminer que toutes ces personnes résidaient en
21 Bosnie-Herzégovine en 1991 ? La méthode des experts de l'Accusation
22 stipulait que s'il n'y avait pas possibilité d'appariement, il était
23 impossible de démontrer que ces personnes résidaient en Bosnie-Herzégovine
24 en 1991. Il aurait été professionnel de la part des experts de l'Accusation
25 d'exclure ces 1 001 individus. Je ne dis pas cela parce que les experts de
26 l'Accusation auraient, dans ces conditions, obtenu un chiffre inférieur,
27 mais je dis qu'au moins ils auraient dû expliquer pourquoi ils ont agi
28 comme ils l'ont fait. S'il y avait 1 001 personnes qui ne correspondaient à
Page 38210
1 rien dans le recensement, d'où venaient ces personnes ? Comment a-t-on
2 déterminé le chiffre de 1 001 ? Est-ce que l'appariement a été réalisé de
3 façon erronée ? Ou est-ce que les sources étaient mauvaises ? Comment se
4 fait-il que ce chiffre de personnes ne pouvant faire l'objet d'un
5 appariement ne correspondait à aucun des critères des experts de
6 l'Accusation ? Une explication, au moins, aurait dû être nécessaire pour
7 expliquer pourquoi, à partir du premier rapport d'expert et jusqu'au
8 dernier rapport d'expert de l'Accusation, ces personnes continuaient à
9 figurer comme personnes inconnues.
10 Q. Passons à la page suivante en serbe. Restons sur la même page en
11 anglais. J'aimerais que nous examinions le tableau suivant, le tableau
12 numéro 11.
13 Que pouvez-vous nous dire sur la façon dont les experts de
14 l'Accusation ont présenté la segmentation de la population qui a été
15 répartie en groupes de personnes aptes et groupes de personnes inaptes ?
16 R. Eh bien, ce tableau est le fruit, absolument, d'une manipulation
17 consciente. Il concerne l'ensemble des rapports des experts de l'Accusation
18 depuis le premier jusqu'au dernier.
19 Pourquoi est-ce que je parle de manipulation ? Parce que dans le
20 tableau qui nous est présenté ici, nous n'avons que des chiffres relatifs.
21 On ne trouve nulle part un chiffre absolu. Or, les chiffres relatifs
22 peuvent être soumis à une méthode déterminée qui permet de les obtenir à
23 partir de chiffres absolus. Regardez ce qui se passe au niveau de la
24 première rubrique intitulée : Population. Et puis, période prise en compte,
25 1995. Et ensuite, on voit que la tranche d'âge va de dix ans à 25 ans.
26 Alors, comment est-ce que l'expert peut savoir quelle est la plage d'âges
27 prise en compte ? Pour ce faire, il aurait fallu que l'expert dispose du
28 total de la population en 1995 sur cette masse représentée par le total de
Page 38211
1 la population pour chacune des municipalités. Et pour le total des
2 municipalités, il aurait fallu présenter l'âge. Par exemple, j'ai un
3 contingent de population de personnes dont l'âge varie entre 10 et 14 ans,
4 et je trouve un total de victimes pour Srebrenica de X. Mais l'expert, s'il
5 avait voulu obtenir de bons résultats - et il aurait dû dans ce cas
6 recevoir une médaille - aurait dû utiliser les méthodes qui sont appliquées
7 sur les chiffres concernant la population et qui sont particulièrement
8 complexes. Parce que l'élément principal, c'est qu'il faut toujours partir
9 d'une base. La base en question peut être le recensement de population en
10 1991. A partir de ce recensement, on peut parvenir au dernier recensement
11 en date. Et donc, quand on a le total de la population selon le recensement
12 de 1991, on doit ensuite ajouter toutes les personnes nées en 1992, 1993,
13 1994, 1995, et puis ajouter tous les décès de 1992, 1993, 1994, 1995. Et
14 c'est en agissant ainsi qu'on obtient le nombre total des personnes
15 figurant dans cette tranche d'âge. Et puis, il aurait fallu qu'on dispose
16 des chiffres relatifs à la migration pour obtenir le pourcentage de
17 migration. On aurait pu dire dans ces conditions, en 1992, il y a eu
18 immigration de tel chiffre et émigration de tel chiffre de Srebrenica.
19 Lorsqu'on fait la différence entre les deux, on obtient le solde.
20 Il n'existe nulle part dans ces rapports les nombres statistiques
21 relatifs aux naissances en 1992, 1993, 1994, 1995 dans ces municipalités,
22 et on n'a pas non plus le solde des migrations. Et d'ailleurs, même si on
23 n'a pas le solde des migrations, on peut toujours voir la croissance
24 naturelle de la population, mais on n'a pas ces données-là non plus dans
25 les rapports des experts de l'Accusation. S'ils avaient disposé de ces
26 chiffres, ils auraient pu dire : Eh bien, voilà, en 1992, il y a eu tel et
27 tel nombre de naissance et tel et tel nombre de décès à Srebrenica, en
28 1993, en 1994. Et ensuite, il y a le fait que les structures de personnes
Page 38212
1 vivantes se déterminent en partant de zéro et en ajoutant tous les ans les
2 naissances avec retrait du point de départ d'une année pour chaque année
3 écoulée. Parce qu'il faut aussi déterminer la période temporelle de l'étude
4 statistique concernant une année. Si on a une année déterminée, on a des
5 gens qui en cette année-là ont 45, 46, 47, 48 et 49 ans, par exemple. Mais
6 les années précédentes, les catégories des personnes ayant ces âges-là
7 étaient différentes, parce que les personnes qui ont pris un an entre 1994
8 et 1995 et qui ont atteint 50 ans ne font plus partie des personnes dans
9 l'âge maximum est 50 ans puisqu'elles passent dans la catégorie des 51 ans.
10 Autrement dit, c'est la différence entre naissances et décès que l'on
11 peut établir la structure des âges. Et puisque les experts de l'Accusation
12 ont arrêté leur étude en 1995, il aurait été bon qu'ils nous expliquent les
13 choses sur ce plan. Ils n'apportent pas ces explications. Mais à la page
14 précédente du rapport, l'expert nous dit qu'il a obtenu ces résultats en se
15 fondant sur la structure des âges et sur les éléments chiffrés issus du
16 recensement de 1991. Et là encore, quand on a quelqu'un qui faisait partie
17 de la catégorie 45-49 ans en 1991, en 1995 il n'est plus dans cette
18 catégorie. Il n'a plus le même âge. En 1995, il est passé dans la catégorie
19 50-54 ans. Si les victimes de Srebrenica, pour lesquelles on a calculé quel
20 était leur âge en 1995, avaient été mises en rapport avec le nombre des
21 habitants en 1991, eh bien, on compare des serviettes et des torchons. En
22 1995, si j'ai 50 et quelques années, on ne peut pas me rechercher dans la
23 catégorie dans laquelle je figurais il y a cinq ans en 1991. C'est
24 impossible. C'est inacceptable. Donc, ici, nous avons une pure et simple
25 manipulation, et je suis profondément convaincu que le Pr Brunborg et le Pr
26 Tabeau savent pertinemment que ces calculs qui figurent ici n'ont pas le
27 moindre rapport avec les méthodes statistiques utilisées où que ce soit.
28 Or, ils prétendent en plus être des scientifiques. Le tableau que nous
Page 38213
1 voyons ici, qui ne présente que des chiffres relatifs, existe dans tous les
2 rapports précédents. Dans les affaires précédentes où j'ai témoigné, j'ai
3 opposé une objection à ces tableaux. J'ai posé la question de savoir sur
4 quoi les calculs s'étaient fondés, comme je viens de l'expliquer ici. Et la
5 seule modification qui a été apportée, c'est que dans le tableau qu'on a
6 ici, maintenant, on avait l'âge en 1991 au lieu de 1995. Alors, la seule
7 modification, c'est qu'au lieu de voir âge en 1991, on a l'âge en 1995 sur
8 le tableau, ici. Mais dans la page précédente, on vous explique que quand
9 même, on ne parle pas de 1995, mais bien de 1991. Et la seule petite
10 amélioration, c'est qu'aujourd'hui, on a les tableaux divisés en deux
11 parties où l'on voit d'une part les chiffres incluant les 1 001 personnes
12 qui ne sont pas censées être en Bosnie-Herzégovine. Et dans l'autre, on
13 montre les chiffres avec ces personnes. Et un profane y compris
14 comprendrait qu'il y a quelque chose là qui ne va pas. Et si l'on regarde
15 les choses d'un peu plus près, comme vous allez sûrement le faire, vous
16 verrez à quel point il s'agit d'une manipulation. Parce qu'un total, ça
17 signifie une masse de population. Et dans ce tableau, le total aurait dû
18 être la masse totale de population en 1991 dans cette tranche d'âge. Mais
19 nous ne savons pas quelle est la tranche d'âge. Est-ce que c'est de 0 à 90
20 ans ou de 0 à 10, on ne sait pas. Ce total devient la base à partir de
21 laquelle, étant donné qu'on connaît le nombre des victimes, on peut
22 déterminer la part de victimes pour chaque municipalité. Les experts de
23 l'Accusation nous disent, à Srebrenica, le pourcentage est de 34 virgule
24 quelque chose, à Vlasenica de 19 virgule quelque chose, à Han Pijesak,
25 8,6 %. Et quand on fait le total de tous ces pourcentages pour toutes les
26 municipalités figurant dans le tableau, on n'arrive pas à un total de 100
27 %. On arrive à un total de 75 %.
28 Alors, où se trouve le reste de la population ? Cela, ce n'est pas
Page 38214
1 expliqué.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où se trouve le 75 % ? J'aimerais
3 essayer de vous suivre, Madame.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on fait le total de 34,2 %, plus 19,4 %,
5 plus 11,3 % plus --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …mais ne me donnez pas de chiffres, de
7 pourcentages, dites-moi quels sont exactement les chiffres que vous
8 additionnez. Dans quelle colonne du tableau ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le tableau 11. On a à la fin du tableau la
10 rubrique "total". Et dans ce total, on a les pourcentages.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, maintenant, je vois.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] On trouve le pourcentage des victimes par
13 rapport au total des habitants. Le total des habitants qu'on ne connaît
14 pas. Mais, en tout cas, en pourcentages, donc en total relatif, il faut
15 qu'on obtienne un pourcentage de 100 %. Or, les experts de l'Accusation
16 nous donnent des pourcentages de 34,2, 19,4, 11,3, et cetera, si l'on prend
17 tous les pourcentages dans cette colonne, on obtient un total de 75 % et
18 pas de 100 %.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, encore une fois, où est-ce qu'on
20 trouve tout cela ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous le voyez, dernière colonne, là où il est
22 écrit total. Dernière colonne du tableau.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je vais faire le calcul, maintenant.
25 Voilà, ça y est. Alors, si vous additionnez tous ces chiffres en ne tenant
26 pas compte de la première colonne, on arrive au chiffre de 75,4 %. Si on
27 prend le total, évidemment, ça doit correspondre à 100 %, quelle que soit
28 la masse dont on tient compte dans le calcul. L'expert aurait dû dire qu'il
Page 38215
1 ne parlait que d'une population entre l'âge de 10 et 89 ans. L'expert
2 aurait pu analyser l'ensemble de la population de 0 à 89.
3 C'est précisément parce qu'il transpose les calculs qu'il obtient ces
4 poires à partir de pommes.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne sais pas si vos calculs sont
7 exacts. Le calcul n'est pas exact. Mais cela ne correspond effectivement
8 pas à 100 %.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Moi, j'obtiens 89,6 %.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne devriez pas prendre en compte le 14,2
11 qui correspond au total pour toutes les municipalités. C'est ce qui
12 correspond à toutes les municipalités dans ce total. Vous ne devez tenir
13 compte dans vos calculs que des municipalités de Vlasenica, Zvornik,
14 Bratunac, Srebrenica, et cetera. Et les autres correspondent au total de
15 ces municipalités par tranches d'âge.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce pourcentage porte-t-il sur le
17 nombre de victimes ou sur le nombre de victimes retrouvées à Vlasenica,
18 Zvornik, Bratunac, Srebrenica et Han Pijesak ?
19 Car, bon, le fait de savoir si vous retombez sur ces 100 %, tout dépend du
20 total pris en compte.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ces chiffres auraient dû être calculés à
22 partir des victimes qui figurent sur la liste du bureau du Procureur, 7 000
23 et quelques, et divisés ou répartis entre les différentes municipalités.
24 Donc, le nombre d'années qui est indiqué ici, il devrait y avoir des
25 chiffres absolus qui correspondent à l'année 1995. Donc, je veux parler de
26 chiffres absolus.
27 Donc, l'expert devait certainement savoir quel était le pourcentage de la
28 population par tranches d'âge dans différentes municipalités. A Srebrenica,
Page 38216
1 en 1995, par exemple, il y avait une population totale de 20 000 habitants,
2 dont 100 qui étaient âgés entre l'âge de 0 à 10, et cetera. Et ensuite,
3 additionner les chiffres jusqu'à obtenir 20 000. Et ensuite, vous dites des
4 victimes entre l'âge de 10 à 14 ans. Cinq qui sont âgées de 10 à 14 ans. 25
5 qui sont âgées de 25 à 19. Et donc, dans cette masse totale correspondant à
6 chaque municipalité, on recherche la part que représente une tranche d'âge
7 donnée. Et ensuite, c'est intéressant, par exemple, la tranche d'âge qui va
8 de 45 à 49, 10,4 %, c'est ce qui est indiqué ici, 10,4 % à Srebrenica. Sur
9 l'ensemble total de la population masculine, 5,4 % [comme interprété] ont
10 été tués. En 1992 [comme interprété], il y avait 808 hommes à Srebrenica
11 qui avaient cet âge. En 1995, nous n'avons aucune idée. L'expert aurait dû
12 démontrer cela, et il devrait nous dire dans ce cas-là, nous avons 800,
13 nous avons 900, nous avons 300, le chiffre de 300, à ce moment-là nous
14 saurions.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous nous avez donné de quoi
16 réfléchir il y aura peut-être d'autres questions demain matin. Nous allons
17 lever l'audience maintenant. Madame Radovanovic, nous souhaitons vous
18 revoir demain matin à 9 heures 30 dans ce même prétoire. Mais avant de
19 quitter le prétoire, je souhaite vous donner les instructions suivantes,
20 vous ne devez vous entretenir ou communiquer avec personne concernant le
21 sujet de votre déposition, qu'il s'agisse de la déposition que vous avez
22 donnée aujourd'hui ou que vous donnerez encore demain.
23 Si cela est clair, vous pouvez suivre l'huissier.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait clair. Merci.
25 [Le témoin quitte la barre]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience, et nous
27 reprendrons demain, le mardi, 25 août, à 9 heures 30, dans ce même
28 prétoire.
Page 38217
1 --- L'audience est levée à 14 heures 22 et reprendra le mardi 25 août 2015,
2 à 9 heures 30.
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28