Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 24 août 2015

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans la salle d'audience

  6   et hors de la salle d'audience.

  7   Madame la Greffière, le numéro de l'affaire, je vous prie.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre

 10   Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 12   Aucune question préliminaire n'a été annoncée. Par conséquent, je demande

 13   que l'on fasse entrer le témoin dans la salle.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Radovanovic.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que ne commence votre audition,

 19   Madame, il est exigé de vous que vous prononciez une déclaration

 20   solennelle --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas les interprètes.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela va mieux à présent ?

 23   Cela va mieux ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous invite à prononcer cette

 26   déclaration solennelle dont le texte vous a été tendu il y a un instant.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.


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  1   LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Assermentée]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

  4   Madame Radovanovic, vous allez d'abord être interrogée par Me Ivetic, que

  5   vous voyez sur votre gauche et qui est membre de l'équipe de Défense de M.

  6   Mladic.

  7   Maître Ivetic, vous pouvez procéder.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

  9   Interrogatoire principal par M. Ivetic :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Pourriez-vous commencer par décliner vos nom et prénom dans l'intérêt

 13   du compte rendu d'audience.

 14   R.  Svetlana Radovanovic.

 15   Q.  Professeur, j'aimerais demander l'affichage du document 1D05357, qui

 16   est votre curriculum vitae. Mais avant que le texte n'apparaisse à l'écran,

 17   je vous prierais de bien vouloir vous présenter en résumant brièvement le

 18   travail accompli par vous au cours de votre carrière.

 19   R.  Eh bien, j'ai commencé ma carrière au sein du bureau de la république

 20   de Serbie pour les statistiques, dans lequel j'ai travaillé jusqu'à la fin

 21   de l'année 1991. J'ai terminé ma carrière dans ces bureaux avec le grade de

 22   chef du département des statistiques démographiques. J'ai participé à

 23   plusieurs préparations de recensement de la population, et, ex officio,

 24   j'étais responsable également de l'organisation et des résultats de ce

 25   recensement. J'étais également experte eu égard à la méthodologie appliquée

 26   par un groupe d'experts créé par le bureau fédéral des statistiques.

 27   Par ailleurs, j'ai organisé un recensement spécial demandé par l'académie

 28   serbe des sciences et des arts en rapport avec le Kosovo.


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  1   En 1992, j'ai commencé à travailler au sein de l'institut des sciences

  2   sociales et du centre de recherche démographique jusqu'à la fin de 1999,

  3   dans lequel nous avons mené à bien un certain nombre de projets relatifs à

  4   la population.

  5   J'ai également travaillé pour le centre de la paix des Nations Unies

  6   sur un certain nombre de projets qui concernaient la population de diverses

  7   régions, et en particulier du Monténégro.

  8   En 1999, j'ai été engagée par la faculté de géographie de

  9   l'Université de Belgrade, où j'ai continué à travailler jusqu'en 2014.

 10   Dans mon curriculum vitae, cet élément ne figure pas. Il est écrit

 11   que j'ai travaillé jusqu'en 2013 à cet endroit, et ceci est dû au fait que

 12   j'avais remis mon curriculum vitae à une date antérieure et qu'en 2014 j'ai

 13   pris ma retraite. J'ai pris ma retraite en tant que chef du département

 14   chargé de la démographie. Après la réalisation d'un grand nombre de projets

 15   --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander de ralentir

 17   un peu votre débit de façon à ce que les interprètes entendent chaque mot

 18   que vous prononcez.

 19   Vous dites avoir œuvré à la réalisation d'un grand nombre de projets

 20   scientifiques. Vous pouvez reprendre à partir de ces mots, Madame, si vous

 21   voulez bien.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de projets mis en place par la

 23   faculté de géographie et également par des organismes étrangers. Et, en

 24   juillet 2014, j'ai pris ma retraite alors que j'étais chef de la chaire de

 25   démographie. Au sein de cette université, j'ai mené à bien un certain

 26   nombre de projets, en particulier un projet relatif aux finances, et

 27   cetera.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


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  1   Q.  Pouvez-vous nous dire quelles matières vous avez enseignées pendant

  2   votre carrière universitaire ?

  3   R.  J'enseignais à des étudiants de master et de doctorat, et j'ai enseigné

  4   dans ce cadre un certain nombre de sujets variés relatifs à la démographie

  5   ou faisant partie de statistiques de la population ou relatifs aux méthodes

  6   nécessaires pour les analyses démographiques, ainsi que les études

  7   géopolitiques et démographiques.

  8   Q.  Si nous nous penchons sur la page 2 de votre curriculum vitae, que l'on

  9   voit apparaître dans les deux langues à l'écran, dans le chapitre réservé

 10   aux "autres activités", nous voyons ce document à l'écran en ce moment,

 11   vous dites avoir été experte auprès du TPIY. Pouvez-vous nous dire à

 12   combien de reprises et dans quelles affaires vous êtes intervenue à titre

 13   d'experte ?

 14   R.  J'ai témoigné dans le cadre de l'affaire relative au siège de Sarajevo.

 15   Je crois que c'est M. Galic qui était concerné. J'ai témoigné au sujet de

 16   la structure démographique et des modifications de ces structures à Samac

 17   et Odzak dans l'affaire Blagojevic et consorts. Et puis, j'ai également

 18   témoigné dans l'affaire Prlic et consorts, et je crois n'avoir rien oublié.

 19   Au total, je crois avoir participé en tant qu'experte à cinq procès. Ah,

 20   j'ai aussi témoigné dans le cadre de l'affaire Popovic.

 21   Q.  En dehors de l'ajout de la date exacte de votre retraite, considérez-

 22   vous ce curriculum vitae que nous avons ici comme complet et exact ?

 23   R.  Oui.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 25   demande le versement du document 1D05357 en tant qu'élément de preuve

 26   ouvert au public.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections du côté de l'Accusation ?

 28   M. FILE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ce document est admis au dossier,

  2   et je vous demande le numéro de la pièce, Madame la Greffière.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter 1D05357 reçoit le

  4   numéro de pièce à conviction D1210.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, comme je l'ai dit, ce document est

  6   désormais versé au dossier.

  7   Veuillez procéder.

  8   M. IVETIC : [interprétation]

  9   Q.  Professeur, vous avez établi un rapport écrit dans l'intérêt de

 10   l'espèce. Je demande donc l'affichage du document 1D05356, dont j'ai un

 11   exemplaire papier entre les mains.

 12   R.  J'ai mon propre exemplaire, mais si vous y tenez, vous pouvez me

 13   transmettre le vôtre.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est coutumier que les parties

 15   fournissent les documents papier pour vous permettre de les consulter, car

 16   personne ne s'attendait à ce que vous les apportiez avec vous.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je vous prie - quel que ce soit le

 19   document que vous avez apporté avec vous - je vous demanderais de vous

 20   abstenir de le consulter sans autorisation de la Chambre car vous recevrez

 21   des parties tout document dont vous pourrez avoir besoin.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 2 de ce

 24   document dans le prétoire électronique dans les deux langues.

 25   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles ont été les demandes qui vous ont été

 26   faites dans le cadre de l'engagement dont vous faites l'objet en l'espèce,

 27   c'est-à-dire dans le cadre de l'affaire Mladic ?

 28   R.  Je devais déterminer les fondements sur lesquels reposaient les


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  1   informations présentes dans le rapport d'expert de l'Accusation afin

  2   d'examiner toutes les sources utilisées par l'Accusation et de commenter

  3   mon opinion au sujet de ces sources dans le but de déterminer si

  4   l'Accusation avait utilisé les méthodes en vigueur de la part des

  5   chercheurs en sciences démographiques et statistiques et d'apprécier les

  6   résultats obtenus en indiquant la présence d'éventuels problèmes

  7   méthodologiques, s'il y en a, et en donnant mon appréciation du rapport.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifions un peu la traduction.

  9   Nous avons entendu de la bouche des interprètes, s'agissant de vos derniers

 10   propos, que vous avez dit qu'il vous avait été demandé d'apprécier les

 11   résultats obtenus et d'indiquer les nombreux problèmes méthodologiques.

 12   L'INTERPRÈTE : S'il y en avait, correction de l'interprète.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est bien cela que je pensais. Il

 14   convient de lire "les problèmes méthodologiques existant éventuellement,"

 15   et non pas "les nombreux problèmes méthodologiques." Donc, en anglais,

 16   "any" au lieu de "many".

 17   Veuillez procéder.

 18   M. IVETIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez donc identifié le rapport d'expert de l'Accusation. Est-ce

 20   qu'il vous a été demandé d'apprécier le travail d'un ou de plusieurs

 21   experts de l'Accusation ?

 22   R.  De plusieurs d'entre eux. Pour une raison très simple : c'est que

 23   l'Accusation avait engagé plusieurs experts. Une analyse d'expertise

 24   relative aux modifications ethniques était le fruit du travail du Dr

 25   Tabeau. Mais elle aussi a dit à la fin de son rapport qu'afin de réaliser

 26   ce rapport, elle a bénéficié de l'aide d'un certain nombre de personnes.

 27   Q.  Je demande l'affichage de la page 3 de ce document dans les deux

 28   langues. Commençons par le bas de la page. A ce niveau, vous faites la


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  1   liste des rapports que vous avez analysés, et le texte se poursuit dans la

  2   page suivante. Passant à la page 5, donc, sur les écrans dans les deux

  3   langues, nous voyons la fin de cette liste, en haut de la page 5. Cette

  4   liste se compose de 21 éléments. Et dans cette page 5, vous énumérez

  5   également les 15 sources de données que vous avez analysées.

  6   Avez-vous eu l'occasion de relire d'autres documents écrits, en dehors de

  7   ceux qui figurent dans la liste que je viens d'évoquer, dans le but de

  8   préparer et de rédiger votre rapport ?

  9   R.  J'ai lu tous les documents auxquels j'ai pu avoir accès et dont je

 10   considérais qu'ils pouvaient avoir une importance pour mon travail. Chaque

 11   fois que je lisais un rapport d'expert, je me penchais sur les sources des

 12   données utilisées par l'Accusation, mais j'ai aussi eu recours à des

 13   sources de données qui n'étaient pas citées dans les documents du

 14   Procureur. Donc, j'ai utilisé, lu et examiné tous les documents auxquels

 15   j'ai pu avoir accès et qui me paraissaient importants.

 16   Q.  De façon à ce que tout soit clair dans votre déposition d'aujourd'hui,

 17   votre déposition d'aujourd'hui et votre rapport ne traitent pas ou

 18   n'analysent pas nouveau rapport du Pr Tabeau au sujet du site de Tomasica,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  En effet.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, tout cela n'est pas tout

 22   à fait clair à mes yeux. Vous avez dit avoir utilisé tous les documents

 23   auxquels vous avez pu avoir accès et dont vous pensiez qu'ils pouvaient

 24   être importants par rapport aux rapports que vous aviez à examiner, et vous

 25   dites avoir examiné tous ces documents.

 26   Alors, vous avez énumérez les 21 rapports analysés par vous et vous avez

 27   évoqué 15 sources de données. Les autres documents que vous avez examinés,

 28   quels sont-ils, pourriez-vous nous le dire ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Les rapports sont les seuls rapports que j'ai

  2   examinés, les rapports qui m'ont été fournis. Mais j'ai examiné en

  3   particulier un rapport avec l'entrepôt de Kravica, d'autres documents qui

  4   comportaient des statistiques, disons des statistiques récentes de ce qui

  5   concernait les événements évoqués. Et par le passé, j'avais également eu

  6   recours à des documents du département des statistiques dans lesquels

  7   j'avais trouvé des éléments pertinents, qui à l'époque n'étaient pas

  8   accessibles pour moi mais qui le sont devenus.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] … deux questions : d'abord, est-ce que

 10   nous trouvons une référence à ces sources utilisées consultées par vous

 11   dans votre rapport ? En note en bas de page, éventuellement ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour tout ce que j'indique dans mon rapport,

 13   j'ajoute une note en bas de page qui en indique la source.

 14   S'agissant des sources extérieures que j'ai consultées et que j'ai

 15   décidé de ne pas utiliser, je ne les cite pas dans le rapport et je

 16   n'apporte aucune explication les concernant en note en bas de page. Mais

 17   s'agissant des sources, dès lors que j'en cite un passage ou que j'oriente

 18   le lecteur vers cette source, j'ajoute en bas de page la source d'où

 19   provient cet élément, l'ouvrage, l'institution concernée ou autre, et les

 20   extraits que j'ai utilisés.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, chaque fois que

 22   vous avez utilisé un document, vous considérez qu'en note en bas de page

 23   nous trouvons une référence explicitant sa source.

 24   Et puis, vous avez dit également que vous n'aviez pas eu accès à un certain

 25   moment à certains documents. Avez-vous essayé d'obtenir accès à ces

 26   documents ? Vous savez, les Juges de la Chambre sont toujours un peu

 27   préoccupés lorsqu'un expert déclare : Je n'ai pas pu analyser tel ou tel

 28   document parce que je n'ai pas pu accéder à ce document. La Chambre peut


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  1   souvent apporter son concours afin de faciliter l'accès à de telles sources

  2   ou à de tels documents.

  3   Alors, quels sont exactement les documents auxquels vous n'avez pas pu

  4   accéder ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé à la Défense que l'on me facilite

  6   l'accès au département démographique du bureau du Procureur afin que je

  7   puisse examiner les documents présents et voir s'ils pourraient m'être

  8   utiles. En 2004 et 2005, j'ai eu un certain accès à ces documents, mais

  9   depuis un certain temps s'est écoulé, et j'ai considéré qu'il serait

 10   intéressant pour moi de réexaminer les éléments ou documents utilisés par

 11   l'Accusation dans ce bureau.

 12   Pour autant que je le sache, l'Accusation a donné son autorisation pour que

 13   la chose soit faite. Mais le Procureur a indiqué qu'au moment en question

 14   le bureau était fermé, qu'il fallait d'abord que le bureau du Procureur

 15   consulte le Pr Tabeau et que j'indique au préalable quels documents je

 16   voulais consulter, après quoi le bureau allait m'autoriser l'accès à ces

 17   documents. Jusqu'à présent, je n'ai pas reçu cette note m'indiquant que je

 18   pouvais consulter les documents. Mais peut-être la Défense possède-t-elle

 19   des explications dont je ne dispose pas.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez indiqué au bureau du

 21   Procureur ce que vous souhaitiez consulter ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai indiqué tous les éléments des

 23   sources que je souhaitais passer en revue.

 24   Voyez-vous, par exemple, je n'ai jamais pu examiner --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, en ce moment, ce ne sont pas

 26   les détails qui m'intéressent, mais plutôt les éléments généraux.

 27   Maître Ivetic.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que je peux vous apporter mon


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  1   concours ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie, parce que la

  3   Chambre se demande si elle n'a pas raté quelque chose.

  4   M. IVETIC : [interprétation] L'Accusation et la Défense n'ont aucun

  5   problème à ce sujet. Nous avons coopéré pleinement avec le bureau du

  6   Procureur sur ce point. Le Greffe n'a pas encore fourni les autorisations

  7   nécessaires pour que Mme Radovanovic et ses assistants accomplissent le

  8   travail souhaité. Mais dans le cadre du processus de tentative

  9   d'organisation de cela, pour une partie de l'affaire concernant Tomasica,

 10   l'experte présente devant vous a récemment été nommée en qualité d'experte

 11   pour cette partie de l'espèce, alors que nous demandions un expert sur ce

 12   point depuis longtemps. C'est seulement la semaine dernière que sa

 13   nomination par le Greffe à ce titre a été obtenue et effectuée.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre que les seules

 15   parties de l'espèce ayant fait l'objet de documents auxquels le témoin n'a

 16   eu accès sont représentées par le site de Tomasica ?

 17   M. IVETIC : [interprétation] Non.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais peut-être dû poser la question

 19   avant.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Le témoin n'a pas eu accès depuis 2007 à la

 21   base de données démographiques du bureau du Procureur.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand est-ce que la demande a été faite

 23   ? Parce que ce vous nous dites en ce moment, c'est que l'Accusation n'avait

 24   aucune opposition à ce qu'elle consulte ce registre, cette base de données,

 25   mais que le Greffe a empêché l'accès à ces documents qui, apparemment, sont

 26   pertinents.

 27   A quel moment est-ce que la demande a été faite pour que le témoin puisse

 28   avoir accès aux documents demandés et est-ce que c'est le Greffe ou le


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  1   Greffier qui a fait obstruction, plus ou moins ?

  2   M. IVETIC : [interprétation] Je ne dirais pas qu'il y a eu obstruction. Je

  3   parle de fondement. Ce sont deux questions très différentes. Le bureau du

  4   Procureur a demandé à la Défense et aux experts de payer de leur poche pour

  5   accomplir ce travail. La correspondance la plus récente sur ce point date

  6   d'il y a environ trois semaines. Les demandes ayant été faites plusieurs

  7   mois auparavant, au moment où nous avons obtenu quelques heures de travail

  8   supplémentaires pour la nomination d'un expert sur Tomasica.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je dirais que Tomasica est une

 10   autre question. L'obstacle à l'accès à ces documents -- ces documents

 11   étaient tous des documents ne concernant pas Tomasica, n'est-ce pas ? Le

 12   témoin l'a dit : Je n'ai pas eu accès à des documents en dehors des

 13   documents concernant Tomasica.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Nous n'avons pas de financement. Je ne peux

 15   pas trouver d'autre explication, Monsieur le Président. L'Accusation a

 16   consenti du point de vue des dates sur le financement, mais nous essayons

 17   encore d'organiser pratiquement ce financement dans l'intérêt de l'experte

 18   et de ses assistants afin qu'ils puissent utiliser les installations du

 19   bureau du Procureur dans le cadre de ce travail, et nous espérons que la

 20   question sera résolue et que l'experte pourra accéder à ces documents pour

 21   vérifier si elle trouve des modifications dans la nouvelle base de données

 22   par rapport à la précédente.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la demande de financement a-t-elle

 24   été faite pour les documents non relatifs à Tomasica également ?

 25   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis débout ici et

 26   je ne sais pas si le processus est encore en cours. Je ne voudrais pas

 27   faire de supputation et risquer de fournir une information erronée à la

 28   Chambre quant à la date initiale de la demande, mais la demande la plus


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  1   récente date, je pense, d'il y a trois ou quatre semaines.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  3   M. IVETIC : [interprétation] La nomination de l'experte ayant été confirmée

  4   la semaine dernière ou il y a deux semaines et le financement des

  5   assistants et de l'experte pour ces documents étant encore en attente, en

  6   suspens.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, le rapport a été déposé en

  8   - je vérifie - mars 2015. Dois-je comprendre que des demandes de

  9   financement supplémentaire ont été faites avant mars 2015, parce que le

 10   rapport a été conclu apparemment -- enfin, vous comprenez que la Chambre

 11   veut savoir en détail quelles sont les raisons pour lesquelles les

 12   documents consultés ne sont pas en nombres suffisants.

 13   M. IVETIC : [interprétation] La demande initiale d'examen des documents est

 14   parvenue pendant la présentation des moyens de l'Accusation. A ce moment,

 15   l'Accusation a déclaré qu'elle n'avait pas d'objection par rapport à cette

 16   demande. Et je pense que c'est un peu plus tard en 2014 que Mme Tabeau a

 17   témoigné pour la première fois.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que, apparemment, il y a quelque

 19   confusion dans cette histoire. Est-ce qu'une demande de financement

 20   nécessaire a également été faite ou est-ce que la demande ne concernait que

 21   l'accès aux documents sans aborder la question du financement ? Parce qu'au

 22   début j'ai compris dans le témoignage de l'experte que le Greffe, plus ou

 23   moins, était responsable du blocage de l'accès à ces documents, alors qu'il

 24   s'avère qu'il s'agit plutôt d'une question financière, en demandant des

 25   détails supplémentaires au sujet des demandes de financement et de leurs

 26   dates. Vous parlez de trois ou quatre mois en arrière pour la demande de

 27   financement, semble-t-il, et le dépôt du rapport.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Mais il y a eu une nouvelle demande parce que


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  1   l'affaire Tomasica a été rouverte et a dû faire l'objet d'un travail

  2   d'expert.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai

  4   demandé ce qu'il en était pour les documents ne concernant pas Tomasica. Je

  5   crois comprendre que Tomasica fait toujours l'objet d'un travail permanent

  6   mais n'est pas concerné dans le rapport. Par conséquent, je me demande ce

  7   qui a fait obstacle à l'accès aux documents nécessaires au témoin expert

  8   pour la rédaction de son rapport, qui est désormais devant nous

  9   aujourd'hui. Est-ce que c'est le fruit d'un manque de coopération de la

 10   part du Greffe; et si tel est le cas, est-ce une question de financement ou

 11   est-ce que c'est dû à la fermeture du département qui a empêché l'accès ?

 12   Ces questions, la Chambre aimerait qu'elles soient clairement distinguées

 13   les unes des autres et non confondues. Avez-vous d'autres renseignements ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 16   M. IVETIC : [interprétation] D'après mes souvenirs, initialement, le fait

 17   que le département ait été rouvert mais que l'Accusation ait donné son

 18   autorisation et consenti à l'experte et ses assistants qui l'avaient déjà

 19   assistée dans son travail précédent au sein de l'unité démographique il y a

 20   quelques années a suscité quelque préoccupation. Mais le problème qui se

 21   pose est un problème de financement. Le financement du travail de Mme

 22   Radovanovic était élevé et exigeait que nous soient affectées des heures

 23   supplémentaires. La question du financement est examinée par le Greffe.

 24   C'est un problème en cours qui concerne de nombreux experts, c'est pourquoi

 25   il m'est un peu difficile de me rappeler chaque détail de la question, car

 26   le financement des experts de la Défense pose toujours quelques problèmes.

 27   Nous en avons traité oralement et par écrit et d'autres manières aussi avec

 28   le Greffe. C'est un processus pénible et long, et nous espérons que


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  1   finalement nous pourrons obtenir la nomination de Me Radovanovic et

  2   l'obtention de ses heures supplémentaires pour examen de la question de

  3   Tomasica. Nous essayons d'obtenir l'agrément pour ses assistants afin

  4   qu'ils puissent tous venir consulter les documents de l'unité

  5   démographique.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, en ce moment, nous n'avons

  7   aucun détail sur le financement ou sur l'accès aux documents dans les

  8   premières étapes du processus, au moment où le financement supplémentaire

  9   et le nouvel accès aux documents Tomasica ne jouaient aucun rôle dans la

 10   rédaction du rapport.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Je ne peux fournir aucun détail sur ce point,

 12   c'est exact.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur File, est-ce que vous avez des

 14   commentaires sur cette question ?

 15   M. FILE : [interprétation] Dans les jours qui viennent, je pourrais fournir

 16   des détails complémentaires au sujet de l'accès aux bases de données

 17   démographiques du bureau du Procureur. La demande que je connais a été

 18   reçue le 14 juillet de cette année.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela concernait Tomasica ou -

 20   - parce qu'à ce moment-là, le rapport avait déjà été produit. Est-ce qu'il

 21   y a eu une demande antérieure d'accès ?

 22   M. FILE : [interprétation] Je ne suis au courant d'aucune demande

 23   antérieure d'accès concernant précisément Tomasica. Il s'agissait

 24   uniquement d'accès à la base de données démographiques. Nous avons répondu

 25   à cette demande, si je ne m'abuse, le 16 juillet, en proposant plusieurs

 26   dates qui pourraient être disponibles entre le 27 juillet et le 7 août ou

 27   des dates au mois de septembre, à commencer par le 7 septembre. C'est à ce

 28   point que s'est arrêtée notre correspondance.


Page 38145

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse au témoin actuellement.

  2   Vous avez dit avoir entendu que le département était fermé et que c'était

  3   un problème. Est-ce que vous avez parlé des dates situées entre le 7 août

  4   et le mois de septembre ou est-ce que vous parliez de dates antérieures

  5   s'agissant de la fermeture du département démographique de façon temporaire

  6   ou permanente ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle d'une période antérieure.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette période allait de quelle date à

  9   quelle date ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où je négociais pour accepter la

 11   rédaction du rapport dont nous parlons aujourd'hui, j'ai parlé à des

 12   avocats et à l'équipe de Défense, qui a été très aimable à mon égard et qui

 13   m'a permis de revoir et d'examiner tous les documents dont j'avais besoin à

 14   ce moment-là. A l'époque, je connaissais une base de données. Et pour

 15   autant que je le sache, une demande a été faite pour que je puisse avoir

 16   accès et une réponse a été fournie, mais je ne l'ai pas ici avec moi. Mais

 17   étant donné que le bureau démographique est actuellement fermé, je dois

 18   préciser ce que je souhaite examiner de façon à ce que le Pr Tabeau puisse

 19   donner son agrément à ce que je consulte ces bases de données.

 20   Après tout, je n'ai reçu aucune réponse de qui que ce soit jusqu'à présent.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander un élément.

 22   Vous avez dit : "Pour autant que je le sache, une demande a été faite pour

 23   me permettre d'accéder à ces documents et une réponse a été obtenue, mais

 24   je n'ai le nom de personne précis en tête."

 25   Alors, ça s'est passé quand ? C'était cette année ? Il y a un an ? Il y a

 26   deux ans ? Il y a cinq ans ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était sans aucun doute l'année dernière,

 28   avant que je termine la rédaction de mon rapport concernant le sujet dont


Page 38146

  1   nous parlons aujourd'hui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et vous dites que la raison en

  3   était la fermeture de l'unité démographique du bureau du Procureur.

  4   Est-ce que vous faites référence à ce bureau également lorsque vous parlez

  5   de l'année dernière ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux en être sûre à 100 %, mais c'était

  7   certainement avant que je ne soumette mon rapport.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez ajouté : "Je dois

  9   préciser quels sont les documents que je souhaite examiner de façon à ce

 10   que le Dr Tabeau donne son agrément et que je puisse accéder à ces base de

 11   données."

 12   Quand avez-vous informé le Pr Tabeau de ce que vous souhaitiez consulter ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'informe jamais le Pr Tabeau. Je rédige ma

 14   demande et je la transmets aux avocats, qui rédigent une requête.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que j'ai soulevé cette question

 16   un peu plus tôt, mais il faut que je retrouve l'endroit. Voyons…

 17   Un instant, s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous demande, Monsieur le

 19   Président [comme interprété], de bien vouloir éteindre votre microphone

 20   entre-temps. A la demande des interprètes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a dit un peu plus tôt que

 22   lorsque je lui ai demandé si elle avait informé - si elle "les informait",

 23   je crois que c'est ce que j'ai dit - je pensais à l'unité démographique ou

 24   au Greffe, mais le témoin a ensuite dit : "J'ai évoqué toutes les" --

 25   attendez… "toutes les sources que je souhaitais examiner."

 26   Avez-vous mentionné cela à la Défense ? Est-ce ainsi que je dois le

 27   comprendre ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas très certaine d'avoir compris


Page 38147

  1   votre question. La procédure est comme suit. Si je souhaite examiner --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] … non, je préfère en parler en tenant

  3   compte des éléments que vous nous avez fournis lors de votre déposition

  4   jusqu'à présent.

  5   Vous dites que le bureau du Procureur avait donné son consentement. Le

  6   Greffe a dit que l'unité était fermée à présent, qu'il faut en parler avec

  7   le Dr Tabeau et que vous devriez expliquer quels sont les éléments que vous

  8   souhaitiez voir. A ce moment-là, ils vous notifieraient et vous diraient

  9   quand vous pourriez venir, le cas échéant.

 10   Vous avez dit que jusqu'à ce jour, vous n'aviez pas eu de nouvelles d'eux,

 11   et peut-être que la Défense sait mieux ce dont il s'agit. Je vous ai posé

 12   la question, et vous leur avez dit quels étaient les éléments que vous

 13   souhaitiez examiner. Vous avez répondu en disant : Oui, j'ai cité toutes

 14   les sources que je souhaitais consulter.

 15   A qui avez-vous mentionné cela ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que nous nous sommes mal compris.

 17   Je rédige une demande au nom du cabinet d'avocats pour lequel je travaille.

 18   C'est par leur intermédiaire que les demandes sont déposées. Je n'ai jamais

 19   de communication directe avec l'expert ou le Greffier.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous précisé très exactement à la

 21   Défense quels sont les documents que vous souhaitiez consulter ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai envoyé des éléments d'information à

 23   la Défense pour préciser quels sont les éléments que je souhaite consulter.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci a été communiqué au Pr

 25   Tabeau ?

 26   M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas accès à cela, les éléments du Pr

 27   Tabeau. Je crois qu'il faut que nous consultions le bureau du Procureur, et

 28   je crois que M. Tieger nous a dit que nous devions pouvoir accéder


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  1   librement à des ordinateurs. Je crois que ce projet doit être financé. La

  2   demande initiale, en fait, remonte à 2013. Je crois que j'ai constaté que

  3   c'était M. McCloskey.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, attendez. D'une manière ou

  5   d'une autre, avez-vous communiqué la liste des documents que souhaite

  6   consulter Mme Radovanovic de façon à ce que le Pr Tabeau soit tenue au

  7   courant, parce qu'elle a compris la réponse du Greffe comme étant comme

  8   suit : dites-nous ce dont vous avez besoin, et à ce moment-là nous allons

  9   voir comment procéder.

 10   Alors, ma question est très simple - peut-être qu'il y a des bonnes raisons

 11   ou des mauvaises raisons à cela - mais la question que je pose est, en fait

 12   : la demande portant sur la consultation de certains documents, cette

 13   demande a-t-elle été envoyée ou non au Pr Tabeau ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Ceci a été envoyé au bureau du Procureur avec

 15   la réponse, et lorsque nous nous sommes rapprochés de la date, nous avons

 16   précisé cela plus en détail. Je n'envoie rien directement au Pr Tabeau.

 17   C'est cela la difficulté. Et je peux vous lire le courriel qui date du 28

 18   octobre 2013 de M. McCloskey.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   M. IVETIC : [interprétation] "Oui, nous avons demandé. Nous la connaissons,

 21   et nous avons fait des demandes d'accès qui ont abouti. Comme vous le

 22   savez, Ewa ne travaille plus ici. Donc, sur un plan logistique, cela sera

 23   plus difficile qu'auparavant, mais Max pourra mettre ceci en place et nous

 24   serons en contact bientôt." Donc, cette conversation remonte au moins

 25   d'octobre 2013. C'est la raison pour laquelle je l'ai moins en mémoire.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 27   M. TIEGER : [interprétation] J'ai sous les yeux, Monsieur le Président, la

 28   communication la plus récente citée par Me Ivetic, à savoir qu'une demande


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  1   émanait de la Défense en direction de leurs confrères : "Je vous demande

  2   par la présente que notre experte démographique, le Pr Radovanovic, puisse

  3   avoir accès aux base de données démographiques, et cetera. Je vous prie de

  4   bien vouloir me tenir informé le plus tôt possible pour me dire si, oui ou

  5   non, le bureau du Procureur donne son consentement et dans quelles

  6   conditions cet accès pourrait se faire, à quel moment, quelles seront les

  7   dates de disponibilité de chacun.

  8   Ceci a été envoyé le 14 juillet de cette année. Le 17 juillet, nous

  9   avons répondu en disant que nous donnions notre consentement, que nous

 10   pouvions mettre en place des ordinateurs pour Mme Radovanovic et deux

 11   assistants de façon à ce qu'ils puissent avoir accès aux sources et bases

 12   de données demandées. Et, à cette fin, nous souhaitions être informés des

 13   éléments suivants le plus précisément possible : le nombre de jours dont

 14   auraient besoin le professeur et ses assistants, combien d'ordinateurs

 15   seraient nécessaires, si ces ordinateurs devaient être reliés entre eux par

 16   l'intermédiaire d'un réseau local et une liste des sources précises que ces

 17   personnes souhaitaient consulter. Et nous avons donné les dates qui, pour

 18   nous, étaient des dates de disponibilité, comme M. File l'a indiqué

 19   précédemment. Et nous souhaitions en être avertis une semaine à l'avance de

 20   façon à pouvoir organiser cet accès et configurer les ordinateurs pour des

 21   dates données.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous devons en rester là

 23   pour le moment. Mais, bien sûr, nous comprenons, Maître Ivetic, que ceci

 24   est un sujet de préoccupation pour les Juges de la Chambre car l'experte

 25   nous dit qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires -- mais

 26   poursuivons. La Chambre de première instance souhaitera peut-être suivre

 27   ceci plus en détail pour savoir exactement quand cela s'est passé et

 28   comment ceci a été formulé.


Page 38150

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je souhaite poser une question

  2   supplémentaire à M. Tieger. Vous avez dit que vous avez répondu le 17

  3   juillet, vous avez donné votre consentement et vous avez donné davantage de

  4   détails sur la façon dont vous souhaitiez procéder.

  5   Avez-vous reçu une réponse ou une lettre de la Défense ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons tous été Président de Chambre

  9   à un moment donné ou à un autre, donc pas de problème. Ceci renvoie au

 10   lapsus de M. Tieger, M. Fluegge n'étant pas le Président de la Chambre.

 11   Alors, poursuivons. Peut-être que nous souhaiterons nous pencher

 12   davantage sur cette question de procédure par la suite.

 13   Veuillez poursuivre.

 14   M. IVETIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur [comme interprété] le Professeur, veuillez nous expliquer

 16   rapidement quel type de méthode vous avez utilisée lorsque vous avez rédigé

 17   votre rapport; autrement dit, comment avez-vous analysé les travaux menés

 18   par les experts de l'Accusation ?

 19   R.  Eh bien, j'ai appliqué la méthodologie habituelle pour ce type de

 20   recherche. J'ai tout d'abord rassemblé tous les éléments d'information

 21   pertinents et j'ai consulté toutes les bases de données, évidemment celles

 22   auxquelles j'avais accès, tous les résultats que j'ai obtenus concernant

 23   ces bases de données, ensuite j'ai regroupé tous ces rapports par thème,

 24   ainsi que la littérature et les données dont je disposais, et ensuite j'ai

 25   mené une analyse et j'ai tiré des conclusions sur les causes et les effets.

 26   Q.  Alors, est-ce que vous avez une idée de la manière dont les experts de

 27   l'Accusation travaillent ? Est-ce qu'ils appliquent la méthodologie et les

 28   critères uniquement que l'on applique normalement aux recherches


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  1   démographiques ?

  2   R.  Je pense que les rapports qui m'ont été fournis par les experts de

  3   l'Accusation sont des rapports qui sont élaborés d'une certaine façon et

  4   qui n'appliquent pas la méthodologie scientifique que l'on applique

  5   communément aux recherches démographiques et statistiques. En lieu et place

  6   de cela, ils utilisent un modèle que les experts de l'Accusation appellent

  7   une méthodologie uniforme qui s'adapte à leurs propres recherches et qui

  8   n'est pas appliquée dans d'autres travaux de recherche scientifique et qui

  9   n'est appliquée que par l'unité démographique du bureau du Procureur.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, vous dites que les

 11   experts de l'Accusation appellent cela eux-mêmes une méthodologie uniforme.

 12   Je crois que vous avez parlé d'une méthodologie unique. Est-ce cela que

 13   vous vouliez dire ou non ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Unique, ils appellent cela une méthodologie

 15   unique. En tout cas, c'est comme ça que cela m'est traduit en serbe.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  Avez-vous eu l'occasion d'examiner votre rapport dans son intégralité

 19   avant de venir témoigner aujourd'hui pour être sûre que tout a été noté

 20   correctement dans la version serbe ?

 21   R.  Oui, j'ai examiné les rapports. Il y a peut-être une difficulté au

 22   niveau des notes en bas de page, surtout au niveau de la traduction vers

 23   l'anglais, mais je crois que toutes les notes en bas de page ont été

 24   consignées correctement. Lorsque je dis qu'il y a une difficulté, je ne

 25   veux pas dire que quelqu'un l'a fait de manière intentionnelle, mais le

 26   nombre de pages du rapport dans la version serbe et dans la version

 27   anglaise ne coïncident pas.

 28   Q.  Et vous maintenez tout ce qui est dit dans votre rapport ?


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  1   R.  Oui.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous demandons à ce que

  3   le document 1D05356 soit marqué aux fins d'identification pour le moment

  4   parce que nous devons encore traiter des problèmes de traduction dans la

  5   version anglaise au niveau de l'introduction. Comme vous pouvez le voir sur

  6   nos écrans, par exemple, la date est erronée sur la page de garde de la

  7   version anglaise, qui n'a pas la même date que l'original. Une date

  8   différente.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, je crois que l'on ne verse

 10   au dossier, de toute façon, les documents qu'à la fin de la déposition du

 11   témoin.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, la cote provisoire

 14   du rapport serait quel numéro ?

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 1D05356 reçoit la cote

 16   D1211, Messieurs les Juges.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Marqué aux fins d'identification. 

 18   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Alors, passons maintenant à la page 15 dans les deux langues de votre

 20   rapport. Et en attendant l'affichage de cela, vous avez parlé d'une

 21   méthodologie unique utilisée par les experts de l'Accusation. Veuillez nous

 22   dire ce que cela signifie ? Quel lien y a-t-il entre cela et la

 23   méthodologie communément appliquée pour ce genre de travail ?

 24   R.  Le travail Brunborg a expliqué dans un de ses travaux cela. Il a

 25   développé la méthodologie qui a été appliquée et il a appelé cela une

 26   méthodologie unique. Le Pr Tabeau a repris ce terme à plusieurs reprises.

 27   En utilisant le terme de méthodologie unique, ils parlent dans ce sens-là

 28   d'une méthodologie scientifique modifiée. Ils l'ont modifiée d'une façon


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  1   qui, sur un plan scientifique et technique, est inadmissible. Ce type de

  2   modification peut effectivement être appelée unique mais n'est absolument

  3   pas fondée en termes de science. C'est une méthodologie qui permet à un

  4   statisticien de cibler différentes bases de données statistiques, et c'est

  5   ce que je démontre dans mon rapport.

  6   Q.  Veuillez tout d'abord nous dire ce que vous entendez par le terme de

  7   cibler leurs données ? Et je crois que cela figure sur cette page au niveau

  8   du premier paragraphe. En fait, "les résultats statistiques ciblés."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je souhaite comprendre le

 10   début de la réponse du témoin.

 11   Vous avez dit que, par le terme de méthodologie unique, ils entendent une

 12   méthodologie scientifique modifiée, donc ils s'écartent des critères

 13   communément appliqués. Et ils l'ont modifiée de telle sorte que sur un plan

 14   scientifique et technique cela est inadmissible. Qu'est-ce qui a été

 15   modifié pour que nous comprenions ce qui est techniquement et

 16   scientifiquement inadmissible ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont modifié cela, mais ils ne l'ont pas

 18   expliqué. Ils ont présenté les éléments comme si la méthodologie appliquée

 19   était la méthodologie réelle. Et donc, c'est comme ça que je suppose qu'ils

 20   inventent un nouveau brevet que l'on peut appliquer aux travaux

 21   méthodologiques de ce genre.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, une explication, s'il vous

 23   plaît ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, ils n'appliquent pas le système

 25   de correspondance comme on le fait lorsqu'on procède à des analyses

 26   statistiques standard. Ils inventent des éléments et présentent des

 27   résultats d'une façon qui correspond à comparer des pommes et des poires.

 28   Ils comparent des groupes complètement différents pour pouvoir rendre des


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  1   conclusions. Ils utilisent des paramètres qui, sur un plan statistique et

  2   démographique, sont sans fondement et ils les utilisent pour expliquer des

  3   phénomènes démographiques.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout ceci est très abstrait. Veuillez

  5   nous dire, lorsque vous dites qu'ils comparent des pommes et des poires,

  6   pour que l'on puisse comprendre bien. Alors, ce n'est pas votre jugement,

  7   c'est la question qui nous intéresse. Ce que nous souhaitons comprendre,

  8   c'est de quoi il s'agit.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Nous avons l'intention d'aborder chaque

 10   élément l'un après l'autre. Nous sommes encore au niveau de l'introduction

 11   de ces éléments d'expertise.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je souhaite comprendre de quoi il

 13   s'agit. Alors, s'il s'agit d'une simple introduction, dans ce cas je

 14   propose que vous abordiez tout d'abord ces éléments-là. Parce que vous avez

 15   commencé à poser des questions détaillées sur des résultats statistiques

 16   ciblés, alors que la partie précédente de la réponse devait être davantage

 17   développée.

 18   Mais si vous estimez qu'il serait bon de procéder comme cela, je vous en

 19   prie, allez-y, mais sachez que cela soulève déjà de nombreuses questions.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je souhaite poser cette question au

 21   témoin, je souhaite qu'il précise une phrase.

 22   Il y a quelques instants, vous avez dit que c'est une méthodologie

 23   qui permet -- en tout cas, comme je peux le lire au niveau du compte rendu

 24   d'audience, à un statisticien de cibler différentes données statistiques et

 25   je note cela dans mon analyse. Est-ce que vous avez dit que cela rendait

 26   cela possible ou impossible ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec la méthode que eux utilisent, c'est

 28   possible, une méthode modifiée de correspondance. J'avais l'intention de


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  1   vous montrer tout cela. Si, par exemple, vous utilisez 71 critères, vous

  2   pouvez établir des correspondances avec ce que vous voulez.

  3   Par exemple, bon, juste un exemple.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] … si vous dites est-ce que c'était

  5   possible ou impossible. Vous avez dit maintenant que c'est une méthode qui

  6   rend possible.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible à ce moment-là de cibler

  8   les éléments.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] … c'est la question que je souhaitais

 10   poser.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est l'heure de faire

 12   pause, Maître Ivetic.

 13   Madame Radovanovic, nous allons avoir une pause. Nous souhaitons vous

 14   revoir dans 20 minutes, car nous allons reprendre à 11 heures moins dix.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons à 11 heures moins dix.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

 19   [Le témoin vient à la barre]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez poursuivre.

 21   M. IVETIC : [interprétation]

 22   Q.  Professeur, à la page 15 de votre rapport, dans le dernier paragraphe,

 23   qui commence par : "Les experts du bureau du Procureur savent que la

 24   'méthodologie unique' n'a pas de base scientifique objective et ils

 25   essayent de justifier cela en fournissant une explication incroyable, 'il y

 26   a des limites pour ce qui est des méthodes d'analyse. Les résultats des

 27   comptes, les taux démographiques, les proportions de probabilité sont les

 28   types de méthodes statistiques les plus utilisées, qui sont appliquées dans


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  1   les domaines des recherches de migration de la population. Et pour ce qui

  2   est des estimations statistiques complexes et les résultats pour ce qui est

  3   des modèles statistiques et l'extrapolation également, ils sont mis en

  4   cause ou totalement négligés.'"

  5   Cette citation est du rapport du Pr Tabeau. Lorsque vous avez préparé votre

  6   expertise et votre rapport, est-ce que vous avez rencontré des limites pour

  7   ce qui est des méthodes appliquées, des méthodes et des limites décrites

  8   par Pr Tabeau ?

  9   R.  Je sais avec certitude qu'il n'y a pas de limites concernant la

 10   méthodologie appliquée dans des analyses judiciaires. Il y a des analyses

 11   scientifiques et non scientifiques. Mais je ne sais pas à quelles fins ces

 12   analyses ont été préparées. Pour autant que je sache, je n'ai jamais

 13   rencontré de situation où des analyses judiciaires ont été préparées en

 14   utilisant d'autres méthodes où il ne fallait pas présenter des rapports de

 15   probabilité, et cetera.

 16   Donc, il n'y a pas de méthodes judiciaires. En fait, il y a des analyses

 17   judiciaires, mais il n'y a pas de frontière, en quelque sorte, entre des

 18   analyses judiciaires et d'autres types d'analyses.

 19   Q.  Est-ce qu'on peut maintenant regarder le premier paragraphe, et

 20   j'aimerais vous poser une question. Vous avez utilisé le terme de

 21   "conclusions statistiques ciblées". Pouvez-vous nous expliquer ce que vous

 22   avez entendu par là lorsque vous avez utilisé cette expression ?

 23   R.  Si vous utilisez certaines méthodes mais que vous ne les utilisez pas

 24   de façon approuvée par la science, mais vous les modifier, cela veut dire

 25   que, à cause de la modification de ces méthodes, vous vous attendez à

 26   obtenir des résultats souhaités. Et l'exemple le meilleur pour ça est la

 27   méthode d'appariement modifiée appliquée par les experts du bureau du

 28   Procureur. Si vous n'appliquez pas une définition qui est une définition


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  1   qui d'habitude est utilisée dans la démographie scientifique et si vous

  2   devez, pour ainsi dire, inventer une nouvelle définition ou une nouvelle

  3   appellation pour quelque chose sans donner une explication pour cela, pour

  4   dire ce que cette nouvelle définition veut dire, vous modifiez et vous

  5   adaptez une définition qui n'existe pas dans le domaine scientifique. Cela

  6   veut dire que vous déclarez que cette définition est une définition

  7   scientifique en quelque sorte.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous dites : Si vous

  9   modifiez une définition. Je ne sais pas si vous pouvez poser des questions

 10   au témoin : quelles définitions ont été modifiées, quels sont les impacts

 11   de ces modifications, et cetera. Tout cela est trop abstrait. Me Ivetic a

 12   cité un paragraphe dans votre rapport. Vous avez examiné le rapport de

 13   2009, qui n'a pas été versé au dossier dans cette affaire, pour autant que

 14   je sache. Ou, Maître Ivetic, ça a été fait ?

 15   M. IVETIC : [interprétation] Je pense que non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne savons pas. Nous ne connaissons

 17   pas le contexte de cette citation. Il y a cinq ou six lignes dans cette

 18   citation et c'est plutôt abstrait.

 19   Donc, c'est pour cela que nous aimerions savoir quelle est l'incidence de

 20   cela sur vos conclusions, vos conclusions que vous considérez comme des

 21   conclusions appropriées par rapport à d'autres conclusions que vous avez

 22   critiquées.

 23   Vous pouvez poursuivre. Mais il faut que nous comprenions que…

 24   Bon, je laisse à Me Ivetic cela.

 25   M. IVETIC : [interprétation] En démographie, il faut d'abord comprendre les

 26   bases de cette science avant de donner des exemples précis. C'est pour ça

 27   qu'il faut d'abord voir quelles sont les bases, les fondements de cette

 28   science, pour donner des exemples.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous êtes trop abstrait et si

  2   vous n'établissez pas de lien entre tout cela, vous ne faites que critiquer

  3   ce rapport. Et j'aimerais savoir -- j'aimerais comprendre tout cela puisque

  4   c'est à nous, à la fin, d'accorder un certain poids au témoignage de ce

  5   témoin par rapport au témoignage de Mme Tabeau.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Je viens de citer exactement le passage où

  7   elle parle du rapport de Mme Tabeau. Je ne sais pas comment établir le lien

  8   entre sa déposition et le rapport de Mme Tabeau. Donc, j'ai cité le numéro

  9   de la page où se trouve le passage dans ce rapport que j'ai commenté. Je ne

 10   sais pas comment établir le lien entre cela et --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les rapports que ce témoin avait

 12   examinés, et non pas avec le rapport de ce témoin, puisque il s'agit d'une

 13   citation du rapport de 2009.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Pour ce qui est de ce qu'elle a fait pour le

 15   Tribunal.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tout cela, c'est trop abstrait.

 17   Poursuivez, Maître Ivetic.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Bien.

 19   Q.  Maintenant, j'aimerais qu'on passe à la page 16 de votre rapport dans

 20   les deux langues. Cela se trouve quelques lignes plus loin par rapport au

 21   haut de la page où le Pr Tabeau, dans son rapport qui a été publié en 2009,

 22   a dit : "Les Chambres des premières instances ne sont pas expertes pour les

 23   méthodes des statistiques et ne peuvent pas expliquer les méthodes

 24   difficiles dans le prétoire. Les résultats des calculations [phon]

 25   complexes et compliquées qui font partie des rapports d'experts et de leurs

 26   dépositions, habituellement, sont moins concluants par rapport à des

 27   résultats simples obtenus sur la base de sources fiables."

 28   Pouvez-vous nous dire comment vous comprenez la méthode présentée par Pr


Page 38159

  1   Tabeau ? Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela a une incidence

  2   sur ce qui est présenté dans le prétoire ?

  3   R.  Ce n'est pas une méthode. C'est une position du Pr Tabeau. Elle

  4   considère que les Juges des Chambres de première instance ne sont pas

  5   experts en statistique, ce qui est un fait, mais je ne peux pas croire que

  6   si vous êtes un expert dans un domaine particulier, que vous ne pouvez pas

  7   expliquer à la Chambre de première instance certaines choses pour qu'ils

  8   puissent comprendre cela mieux.

  9   Donc, je ne suis pas d'accord avec sa position. Si vous avez quelqu'un qui

 10   connaît bien son domaine de recherche, cette personne peut toujours

 11   expliquer une question qui n'est pas tout à fait claire aux Juges de la

 12   Chambre. Donc, je pense que son point de vue est tout à fait erroné.

 13   Q.  Bien. Ensuite, j'aimerais qu'on regarde deux points dans le rapport du

 14   Pr Brunborg.

 15   C'est en bas de la même page dans votre rapport, où vous avez cité un

 16   passage de son rapport : "Les démographes sont formés pour être très

 17   critiques pour ce qui est des données et des méthodes et pour présenter et

 18   discuter leurs points faibles. Dans un rapport qui est présenté dans le

 19   prétoire à la Chambre, de telles questions ne devraient pas jouer un rôle

 20   majeur dans la présentation des conclusions pour ne pas minimiser la valeur

 21   des conclusions principales."

 22   Est-ce que ce que le Dr Brunborg a dit par rapport à la présentation des

 23   démographes dans le prétoire est en conformité avec les définitions de ce

 24   type de présentation dans l'affaire démographique ?

 25   R.  Je ne suis pas du tout d'accord avec sa position, puisque je pense que

 26   la Chambre doit comprendre la méthodologie appliquée par un expert. Des

 27   experts ne doivent pas discuter entre eux la méthodologie utilisée, donc

 28   les méthodes utilisées dans une analyse. Si les méthodes ne sont pas


Page 38160

  1   comprises par la Chambre, c'est ça qui est important pour que la Chambre

  2   comprenne la méthodologie utilisée. Et je ne considère pas que ces

  3   questions ne soient pas importantes. Je crois que les questions liées à la

  4   méthodologie ont une place importante dans la présentation, à savoir que si

  5   on présente des conclusions principales et si on n'explique pas en même

  6   temps la méthodologie utilisée, qui est une méthodologie scientifique, ça

  7   n'a aucun sens. Si je dois présenter des conclusions sans expliquer la

  8   méthodologie utilisée - alors, vous devez me croire sur parole - dans le

  9   domaine scientifique, cela ne se fait pas. Vous devez présenter des

 10   conclusions et les expliquer. Donc, je ne suis pas d'accord avec le point

 11   de vue du Dr Brunborg ni avec la position adoptée par Pr Tabeau.

 12   Q.  Selon vous, quelle est la méthode appropriée qui doit être utilisée

 13   pour obtenir les informations et pour présenter des moyens de preuve dans

 14   un prétoire devant une Chambre de première instance ?

 15   R.  Je pense qu'il faut être intègre et honnête par rapport à la science

 16   qui est notre domaine de recherche et appliquer toutes les méthodes

 17   scientifiques et présenter toutes les conclusions en utilisant ces méthodes

 18   scientifiques. Et même si vous avez beaucoup de diplômes et d'expérience,

 19   faire des recherches scientifiques est quelque chose qui est très difficile

 20   à faire, mais il faut avoir un code de déontologie pour faire cela. Il faut

 21   procéder à une expertise et donner des appréciations de façon intègre,

 22   absolument honnête, pour pouvoir donner des conclusions finales dans votre

 23   rapport.

 24   Je considère également qu'il est important de présenter des

 25   conclusions qui sont acceptables et qui sont fiables. Indépendamment du

 26   fait que nous puissions avoir des idées qui ne sont pas convaincantes,

 27   lorsque vous dites que des méthodes scientifiques ont été appliquées et que

 28   vos conclusions sont fiables, vous pouvez dire également que ce sont des


Page 38161

  1   méthodes scientifiques. Mais vous ne pouvez pas faire des supputations par

  2   rapport à d'autres méthodes qui auraient pu être appliquées comme des

  3   méthodes qui auraient pu donner des conclusions fiables.

  4   Q.  Est-ce que vous croyez que les rapports dont les auteurs sont Dr

  5   Brunborg et Pr Tabeau dans cette affaire ont été des rapports qui ont été

  6   discutés de façon honnête et dans lesquels des points faibles ont été

  7   présentés, ainsi que des méthodes appliquées, pour obtenir les conclusions

  8   présentées dans leurs rapports ?

  9   R.  L'adjectif honnête n'est pas, selon moi, un adjectif approprié dans ce

 10   contexte. Parce que vu leurs diplômes, leurs connaissances et leur

 11   expérience, je crois qu'ils auraient pu faire ce travail d'une façon tout à

 12   fait différente, en appliquant des méthodes correctes, et qu'ils auraient

 13   pu expliquer sans aucun problème et affirmer sans aucun problème qu'il

 14   s'agit de conclusions relativement fiables.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous me permettez,

 16   j'aimerais poser une question maintenant.

 17   Madame Radanovic, est-ce que vous avez lu le compte rendu de la déposition

 18   des témoins experts qui ont témoigné dans cette affaire ? Et là, je pense

 19   aux témoins experts en démographie. Principalement la déposition de Mme

 20   Tabeau.

 21   Est-ce que vous avez lu le compte rendu de sa déposition ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de cette affaire, non, je ne

 23   l'ai pas lu. Mais pour ce qui est d'autres affaires dans lesquelles j'ai

 24   témoigné, oui. Mais il n'y a pas de compte rendu en serbe de cette

 25   déposition. Mais j'ai écouté l'enregistrement audio de sa déposition et

 26   ainsi que la déposition du Dr Brunborg.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans cette affaire ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


Page 38162

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

  2   M. IVETIC : [interprétation]

  3   Q.  Maintenant, si nous nous penchons sur le même paragraphe, nous pouvons

  4   voir que vous avez mis l'accent sur le passage dans le rapport du Dr

  5   Brunborg : "Il faut voir quel est le nombre de victimes, c'est quelque

  6   chose qui est essentiel, pour pouvoir condamner quelqu'un du génocide."

  7   Donc, est-ce que vous estimez qu'une telle question peut être utilisée

  8   comme une sorte de base ou de départ concernant l'analyse statistique ou

  9   démographique ?

 10   R.  D'abord, je ne sais pas qui a posé cette question. Est-ce que c'était

 11   un expert en démographie ou quelqu'un d'autre qui a posé cette question ?

 12   En tout cas, la question essentielle ne pourrait pas être la question

 13   concernant le nombre qui doit être établi. Si vous avez un nombre que vous

 14   devez établir, vous pouvez faire en sorte que ce nombre soit établi. Vous

 15   pouvez essayer de faire cela. Puisque la question-clé, la question

 16   essentielle, est la fiabilité des conclusions obtenues, et non pas le

 17   nombre que vous devez obtenir.

 18   Q.  Le passage que vous avez cité dans le rapport du Dr Brunborg a intitulé

 19   cet article : Quel est le nombre de personnes tuées à Srebrenica ?

 20   Quelle est la définition généralement acceptée du génocide et utilisée dans

 21   la pratique des experts en démographie ?

 22   R.  Pour ce qui est de la démographie scientifique, il n'y a pas de

 23   définition du génocide. Lorsqu'un expert en démographie procède à de telles

 24   analyses, il utilise la définition fournie par les Nations Unies. Je ne dis

 25   pas qu'il n'existe pas d'autres définitions du génocide. Je suppose que

 26   devant ce Tribunal on utilise la définition de génocide, et il peut

 27   utiliser cette définition aussi. Mais pour être tout à fait professionnel,

 28   ce démographe doit, dans la note de bas de page, dire quelle est la


Page 38163

  1   définition de génocide, la définition adoptée par un Tribunal ou par les

  2   Nations Unies, et cetera, ou par l'auteur qui a analysé cela.

  3   Mais étant donné que la démographie est une science multidisciplinaire,

  4   vous pouvez utiliser tous les résultats scientifiques et les connaissances

  5   scientifiques provenant d'autres sciences. Mais je répète encore une fois,

  6   vous devez être honnête par rapport à votre profession et vous devez citer

  7   la définition reprise dans votre rapport.

  8   Q.  La dernière partie par rapport à cela dont je voudrais parler est le

  9   passage cité dans le rapport du Dr Brunborg : "Les critères concernant le

 10   génocide du TPIY doivent être appliqués, et il s'agit donc de la

 11   destruction de groupe racial, ethnique ou" --

 12   M. IVETIC : [interprétation] Et maintenant, il faut passer à la page

 13   suivante en anglais.

 14   Q.  "… un groupe national ou religieux."

 15   Ensuite, vous citez le Dr Brunborg en disant que dans la définition du

 16   génocide adoptée par le TPIY, il n'est pas dit que : "… il faudrait avoir

 17   le nombre ou la proportion pour condamner quelqu'un du génocide, mais le

 18   nombre ou la proportion doivent être des éléments importants."

 19   Quel est votre opinion ou votre commentaire eu égard à la description du Dr

 20   Brunborg par rapport au nombre -- aux proportions supposées, qu'il

 21   considère que cela doit être important pour ce qui est de la démographie ?

 22   R.  D'abord, les critères du TPIY doivent être appliqués, et ensuite il dit

 23   ce qu'il considère comment étant le génocide. Et c'est une définition. Ce

 24   n'est pas un critère. Ensuite, il énumère les critères, mais il ne

 25   considère pas comme étant des critères les nombres qui ne sont pas

 26   précisés, mais il suppose que ces nombres doivent être importants. Est-ce

 27   que c'est la conclusion du Dr Brunborg ou pas ? Puisqu'il ne cite pas

 28   d'autres auteurs, je considère que c'est sa position générale par rapport à


Page 38164

  1   la définition du génocide qu'il a établie au début de ses travaux. Et, pour

  2   lui, c'était en quelque sorte la base de départ de tous ses rapports, du

  3   premier jusqu'au dernier rapport qu'il avait rédigé.

  4   Q.  Mis à part des déclarations de Mme Tabeau et du Dr Brunborg concernant

  5   le travail qu'ils avaient fait pour le Tribunal, est-ce que vous avez

  6   trouvé des points faibles dans le rapport soumis au Tribunal que vous

  7   estimez avoir été les résultats qui n'entrent pas dans les limites ou dans

  8   le domaine de la démographie scientifique ?

  9   R.  Il y a des manquements dans ces rapports, mais qui sont en premier lieu

 10   méthodologiques. Il y a des problèmes liés à la méthodologie appliquée. Si

 11   vous procédez à une analyse d'expertise démographique et si vous ne

 12   définissez pas précisément le domaine de votre recherche, on rencontre des

 13   problèmes pour ce qui est de la méthodologie, parce que vous pouvez

 14   manipuler -- dans le cadre de ce domaine, vous pouvez l'élargir ou le

 15   réduire. L'exemple typique de cela est Srebrenica. Dans aucun des rapports,

 16   il n'y a pas de définition de Srebrenica donnée par un expert. Les experts

 17   l'appellent parfois une enclave, parfois une zone démilitarisée, parfois

 18   ils disent que Srebrenica est le territoire qui couvre le territoire de 15

 19   municipalités et de quelques agglomérations qui n'ont rien à voir avec

 20   Srebrenica et qui englobent également quatre municipalités de la Serbie

 21   occidentale, à savoir les municipalités de Valjevo, de Loznica, de Bajina

 22   Basta et de Ljig. Et lorsque ces experts rassemblent les données concernant

 23   les personnes décédées et portées disparues, ils collectent toutes les

 24   données qui existaient à ces dates-là dans ces municipalités. Lorsqu'ils

 25   présentent les données concernant Srebrenica, ces experts ne parlent que de

 26   cinq municipalités. Si ces experts avaient dit ce qu'était Srebrenica,

 27   s'ils avaient donné la définition de Srebrenica, il n'y aurait pas eu de

 28   problème, mais ces experts doivent savoir, lors de procéder à des calculs


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  1   statistiques, ils doivent connaître le nombre d'habitants de cette région

  2   et se référer à ce nombre d'habitants. Vous ne pouvez pas faire ces

  3   analyses en utilisant des méthodes qui vous conviennent, puisqu'il faut

  4   définir d'abord le territoire qui entre dans le domaine de leurs

  5   recherches. C'est un problème important, le problème lié à la définition

  6   d'une sorte d'espace.

  7   Et pour ce qui est des migrations et de la structure ethnique, le problème

  8   est moindre, pour ainsi dire, mais ils n'ont pas non plus expliqué pourquoi

  9   ils ont utilisé ces méthodes. Le Dr Tabeau a présenté toutes ses

 10   conclusions en se basant sur la nouvelle répartition territoriale

 11   administrative qui en Bosnie-Herzégovine a été établie après 1995, à savoir

 12   après les accords de paix de Dayton. Et tout ce qui s'était passé et tout

 13   ce qui est contenu dans l'acte d'accusation s'était passé sur le territoire

 14   qui avait - selon le recensement de la population - la division

 15   administrative différente. Cette modification entre ce qui était l'ancien

 16   et ce qui était le nouveau est importante parce que nulle part n'est

 17   expliqué pourquoi la Bosnie est présentée comme la Republika Srpska et

 18   comme la Fédération et Bosnie-Herzégovine, et non pas comme étant la

 19   République de Bosnie-Herzégovine. Pourquoi, même si vous utilisez la

 20   nouvelle répartition administrative sur le plan des territoires, pourquoi

 21   est-ce que vous n'expliquez pas quels sont les citoyens que vous avez peut-

 22   être laissés tomber dans cette répartition ? Mme Tabeau parle d'"un petit

 23   nombre", mais en statistiques, il n'y a pas de petits et de grands. Petit,

 24   il faut déterminer, est-ce que c'est deux, est-ce que c'est quatre, est-ce

 25   que c'est cinq, et cetera. Je pense que cet élément est une façon de

 26   tromper le lecteur, simplement parce que les experts de l'Accusation

 27   considèrent qu'il n'y a pas de discussion sur ce point. Lorsqu'ils parlent

 28   des victimes de Srebrenica ou des événements de Srebrenica, il y a un


Page 38166

  1   certain nombre de sous-entendus, mais je ne pense pas qu'il puisse y avoir

  2   de sous-entendu dès lors qu'il n'y a aucune explication de départ. Et si

  3   nulle part vous n'expliquez pour quelle raison, dans un rapport concernant

  4   la modification des structures ethniques, vous vous appuyez sur le nouveau

  5   territoire et qu'il n'y a aucune raison automatique d'utiliser le nouveau

  6   territoire, je considère que là encore, c'est une façon de ne pas bien

  7   faire son travail.

  8   Q.  Madame, vous savez que nous allons en arriver à parler des conclusions

  9   précises des experts. Mais pourriez-vous maintenant, en dehors des

 10   insuffisances que vous avez déterminées s'agissant de la dénomination des

 11   territoires et de la façon dont les territoires ont été utilisés dans

 12   diverses études, pourriez-vous nous dire dans le détail quels autres types

 13   d'insuffisances ou de défauts vous avez constatés dans les rapports des

 14   experts de l'Accusation ? Ensuite, nous nous pencherons sur ces rapports un

 15   par un pour examiner les éléments qu'ils contiennent dans le détail.

 16   R.  A aucun endroit les experts de l'Accusation n'ont correctement évalué

 17   les sources ou cité les sources des chiffres qu'ils fournissent. De temps

 18   en temps, ils ont placé un chiffre ici ou là, mais la conclusion qu'ils

 19   donnent à la fin des rapports est souvent contradictoire. Par exemple, ils

 20   disent que dans la source concernant les territoires, il manque tel et tel

 21   nombre, un petit nombre de citoyens, une centaine, alors que nous les avons

 22   évalués, nous les avons considérés comme étant plusieurs milliers. Et puis,

 23   ils parlent de contexte large de quelque chose sans définir ce que cela

 24   signifie, concept large, à part le moment où Mme Tabeau parle du contexte

 25   large des renseignements concernant la période 1991, 1997, où elle indique

 26   qu'il y a eu dans cette période des migrations très importantes. Mais les

 27   mots "contexte large" ne signifient pas simplement qu'on se concentre sur

 28   une période de deux ans ou qu'il n'existe que deux sources. Un contexte


Page 38167

  1   large signifie que l'on explique ce qui s'est passé entre 1991 et 1998, et

  2   ce qui aurait pu se produire sur le plan démographique. Donc, les termes

  3   "contexte large" ne sont pas acceptables.

  4   Et puis, un autre exemple, Mme Tabeau considère que la contextualisation

  5   large est devenue un impératif au TPIY, mais personne n'indique qui est à

  6   l'origine de cet impératif. Est-ce qu'il a été dit aux experts de

  7   l'Accusation : Vous devez utiliser la conceptualisation large, ou est-ce

  8   que ce sont les experts qui ont considéré que l'usage de cette

  9   contextualisation large était indispensable.

 10   Q.  Professeur, je vous prierais de bien vouloir préciser un point. Dans le

 11   domaine de la démographie scientifique, comment une source est-elle

 12   appréciée, évaluée ? Autrement dit, pourriez-vous nous expliquer ce que

 13   sont les statistiques de l'erreur ?

 14   R.  Une source déterminée est évaluée de la façon suivante : vous examinez

 15   ce que contient cette source et vous constatez le nombre d'erreurs qui

 16   figurent dans ce document. Dans les études scientifiques, on tolère ce que

 17   l'on a coutume de définir par les mots "statistiques des erreurs". Cette

 18   tolérance concerne une fourchette qui va de 2 à 5 %. Mais les données

 19   utilisées par les experts de l'Accusation s'appuient ou démontrent une

 20   erreur statistique beaucoup plus grande que celle qui est acceptée en

 21   général dans le domaine de la démographie scientifique. Par exemple, la

 22   Croix-Rouge, au moment où j'ai vérifié les chiffres, eh bien, il manquait à

 23   la Croix-Rouge 35 % de renseignements concernant les années de naissance.

 24   Or, dans son dernier rapport, le Dr Brunborg parle de 25 % de données

 25   relatives aux années de naissance qui manquent. Autrement dit, en quelques

 26   années les experts de l'Accusation ont réussi à augmenter l'erreur

 27   statistique de 7 à 8 %. Et puis, il y a également des informations qui

 28   manquent au sujet des lieux de disparition, mais les experts de


Page 38168

  1   l'Accusation parlent d'erreurs limitées sans en définir le nombre ou sans

  2   dire ce que signifie exactement le terme "limité". Est-ce que cela signifie

  3   7, 10 ou 50 ? Et puis, ils déclarent que nous avons corrigé plusieurs

  4   centaines ou plusieurs milliers de noms. Mais quel est le nombre exact ?

  5   Une centaine, ou un millier, ou plusieurs centaines ou plusieurs milliers ?

  6   De quel nombre, exactement ?

  7   Donc, tout est très approximatif dans ces rapports. Ce plan scientifique,

  8   on évalue, on apprécie une source statistique si elle fournit des

  9   évaluations de qualité. On ne peut pas se contenter de dire qu'il y a de

 10   nombreux blancs, de nombreux éléments manquants, mais que sur le plan

 11   général, les listes électorales sont de bonne qualité alors qu'ils

 12   comportent de nombreux éléments manquants. C'est ce terme de "généralement

 13   de bonne qualité" est insuffisant. Il n'est pas sérieux de travailler ainsi

 14   sur le plan statistique ou sur le plan démographique.

 15   Il n'y a pas d'appréciation correcte qui puisse reposer sur

 16   l'utilisation de tels termes. Et il n'y a aucune correction dans les

 17   rapports dont j'ai pris connaissance. Les corrections ont peut-être été

 18   apportées aux premiers rapports des premiers experts, mais un grand nombre

 19   d'éléments sont passés sous silence. Lorsque l'appréciation d'une source

 20   est effectuée, on ne peut pas se contenter de dire qu'il manque 35 % de tel

 21   ou tel renseignement, mais que de façon générale, l'appréciation est bonne.

 22   Et puis les experts de l'Accusation, s'agissant des informations venant de

 23   la Croix-Rouge, les combinent parfois à d'autres sources et affirment que

 24   les deux sources sont bonnes. C'est une façon inacceptable sur le plan

 25   professionnel de parler.

 26   Q.  Docteur, quel commentaire faites-vous sur la façon dont les

 27   informations du ministère de la Défense de Bosnie ont été utilisées dans

 28   les rapports des experts de l'Accusation, et comment des éléments de preuve


Page 38169

  1   ont découlé de ces renseignements ?

  2   R.  L'un des principaux réellement importants problèmes méthodologiques

  3   vient de la sélection des sources, d'un choix sélectif concernant les

  4   sources. Jusqu'en 1997, date du dernier rapport du Pr Brunborg, il n'y a

  5   aucune analyse concernant Srebrenica sur la base des éléments de l'ABiH

  6   s'agissant notamment du nombre de soldats tombés au combat ou d'autres

  7   personnels militaires entre 1992 et 1995. Dans le dernier rapport, des

  8   experts de l'Accusation ont en trouvent mention, mais seulement parce qu'en

  9   2008, à l'insistance de la Défense, les experts de l'Accusation ont été

 10   contraints de divulguer un certain nombre de renseignements concernant

 11   leurs listes en indiquant notamment que dans certaines de ces listes

 12   figuraient des soldats. Selon les dernières conclusions de ces experts, 70

 13   % des soldats figurent sur ses listes, mais aucun détail n'est fourni sur

 14   la qualité de ses listes. On parle simplement de 70 % des soldats. Dans les

 15   rapports d'expert de l'Accusation de 2002 et de 2003, M. Brunborg affirme

 16   qu'il ne se trouvait aucun nom de combattant. Et en 2000, il déclare

 17   n'avoir pas disposé de source provenant de l'ABiH. En 2001, il disposait de

 18   telles sources, parce qu'elles lui avaient été fournies. Mais lorsque le Pr

 19   Brunborg a réalisé sa première analyse, il aurait pu utiliser des chiffres

 20   bruts, c'est-à-dire utiliser les questionnaires de la Croix-Rouge, par

 21   exemple, où les personnes sont enregistrées par leurs noms, de même que les

 22   personnes portées disparues. Ces questionnaires contiennent des

 23   informations sur le fait de savoir si quelqu'un est un soldat ou pas, et y

 24   compris indiquent le grade d'un militaire. Si ceci n'a pas été fait en

 25   2000, comment se fait-il que dans d'autres rapports ultérieurs, en 2003,

 26   2005, et le rapport de 2005 a été rédigé en collaboration avec Mme Tabeau,

 27   qui sait qu'il existe une base de données concernant les soldats, et en

 28   2002, dans l'affaire Galic, à la question du Juge Orie, qui demandait si la


Page 38170

  1   base de données utilisée était fiable, Mme Tabeau a qualifié cette base de

  2   données de très fiable. En 2005, en tant que coauteur d'un rapport en

  3   collaboration, elle convient que cette base de données n'était pas fiable,

  4   parce que ses propos étaient motivés par d'autres motivations. Et c'était

  5   le cas également dans son rapport de 2002 où elle répond à peu près de la

  6   même manière au Juge Orie.

  7   Donc, cette façon d'aborder les choses constitue un problème grave.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D7033 dans

  9   le prétoire électronique.

 10   Q.  Alors Professeur, je vous prierais de me dire comment vous avez obtenu

 11   ce document que vous m'avez fourni il y a quelques jours ?

 12   R.  Je l'ai obtenu dans le cadre de l'affaire -- je vous demande un instant

 13   pour me rappeler le nom.

 14   C'est Michael Karnavas qui était avocat de la Défense. Je vais me rappeler

 15   le nom de l'accusé dans un instant, mais pour l'instant, il ne me vient pas

 16   à l'esprit.

 17   Donc, je l'ai obtenu dans le cadre de cette affaire, à ma demande du

 18   département démographique du bureau du Procureur. Quant au nom de

 19   l'affaire, Blagojevic. Blagojevic. Que voulez-vous, je pers l'esprit de

 20   temps en temps. Je vieillis.

 21   Q.  Comment -- ou plutôt, quel est votre avis sur la façon dont ce document

 22   a été utilisé ?

 23   R.  Il ne s'agit pas de mon avis. Il s'agit d'une série de questions

 24   lorsque vous allez déclarer que quelqu'un a disparu. Vous recevez un

 25   certain nombre de formulaires à remplir, et dans ce genre de formulaires,

 26   on trouve toute une série de questions. Moi, j'aimerais appeler l'attention

 27   des Juges de la Chambre plus particulièrement sur une question -- qui a

 28   disparu de l'écran. La voici, elle réapparaît. Je cite donc cette question


Page 38171

  1   --

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ne touchez pas l'écran.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne touche pas l'écran. J'essaie de

  4   lire. Donc, voici la question, je cite : Numéro d'identité militaire de

  5   soldat, unité, affectation militaire, et cetera. Je suis convaincue que le

  6   Pr Brunborg n'a pas pris ces documents en considération, ou il est possible

  7   qu'il ait pensé ne pas être en mesure de le faire car le nombre de ces

  8   questionnaires est très, très important. Ils se comptent en plusieurs

  9   dizaines de milliers. Donc, il n'a pas utilisé ces documents. En tout cas,

 10   il ne les a pas classés selon une méthode professionnelle sur le plan

 11   démographique, selon une méthode scientifique. Il n'a pas utilisé ces

 12   données statistiques. Au lieu de cela, d'autres publications de la Croix-

 13   Rouge ont été utilisées qui donnaient une répartition dépendant d'un

 14   certain nombre de caractéristiques - le nom, le nom du père, la date de

 15   naissance, la date de disparition, le lieu de disparition - qui étaient

 16   enregistrées au sujet des personnes enregistrées par la Croix-Rouge ou

 17   déclarées comme décédées ou portées disparues. Ces informations, on les

 18   trouve sur internet.

 19   La Croix-Rouge révise régulièrement et actualise ces informations, et le Pr

 20   Brunborg a utilisé les dernières données de la Croix-Rouge datant de 2005.

 21   J'essaie de dire que cette façon non professionnelle de travailler de la

 22   part du Pr Brunborg est due au fait que le nombre de questionnaires de la

 23   Croix-Rouge examinés était très important. Il aurait pu dire que certains

 24   de ces questionnaires avaient été utilisés déjà et qu'il n'était pas en

 25   mesure de traiter le grand nombre de ces questionnaires par la suite. Il

 26   aurait pu dire : Il est trop difficile, trop cher, et cetera, de procéder

 27   au traitement de ces documents. Mais cela n'a pas été sa première façon

 28   d'agir. Je sais que dans l'affaire de Sarajevo des frais ont été couverts


Page 38172

  1   pour traiter l'enregistrement des familles. Ceci a été fait par le bureau

  2   démographique de ce Tribunal. Cela aurait pu permettre de fournir une bonne

  3   indication, au moins, des raisons pour lesquelles ces investigations ont

  4   été exclues s'agissant des documents fondamentaux et qu'au lieu de cela,

  5   des listes de la Croix-Rouge comportant un certain nombre de paramètres ont

  6   seules été utilisées au lieu d'utiliser des documents fondamentaux.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de ce

  8   document en tant que pièce ouverte au public.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas. Pourriez-vous parler plus

 11   fort ?

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je demandais simplement le versement au

 13   dossier de ce document en tant que pièce à conviction.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, le numéro de pièce

 15   sera ?

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 1D07033 devient la

 17   pièce à conviction D1212, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise au dossier en tant qu'élément de

 19   preuve.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Le document suivant dont je demande

 21   l'affichage, il s'agit de la pièce P1900, qui est le rapport en

 22   collaboration signé par les Pr Tabeau et Brunborg et rédigé à l'intention

 23   du TPIY. Encore une fois, nous allons nous pencher sur certains extraits de

 24   ce rapport. La page 16 pour commencer, dont je demande l'affichage en

 25   anglais, qui correspond à la page 18 en serbe, où l'on trouve le tableau

 26   6A.

 27   Q.  Professeur, en vous appuyant sur ce tableau qui figure dans le rapport

 28   devenu depuis pièce à conviction en l'espèce, pourriez-vous détailler à


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  1   notre intention la façon dont ces demi-droites ont été placées dans le

  2   tableau pour désigner un changement de la taille du territoire, élément

  3   dont vous avez parlé il y a un instant ?

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le changement de quelle taille ?

  5   M. IVETIC : [interprétation] De la taille du territoire.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce tableau montre les municipalités qui ont

  7   fait l'objet d'un recueil de renseignements par le Pr Brunborg. Il a

  8   constitué ces lieux sur la base des lieux de disparition. Comment il a

  9   obtenu les lieux de disparition, je ne sais pas, il ne le dit pas, mais

 10   j'admets qu'il a agi de cette façon à plusieurs reprises.

 11   Comme vous le voyez, les municipalités dans lesquelles certaines personnes

 12   ont été portées disparues englobent toute une série de municipalités qui

 13   n'ont rien à voir avec Srebrenica. Il est possible que des personnes aient

 14   disparu à Loznica, c'est une municipalité en Serbie, à Valjevo -- excusez-

 15   moi, j'ai touché l'écran. Ou à Valjevo, qui est une municipalité située en

 16   Serbie.

 17   Ou sur le mont Tara. Je n'ai pas la moindre idée de ce que signifie ceci

 18   parce que ce n'est pas une municipalité. Ou dans la municipalité de

 19   Ljubovija, située en Serbie. Ou à Krnjaca, qui n'est pas une municipalité

 20   du tout. C'est un quartier de la municipalité de Priboj. Si le Pr Brunborg

 21   savait cela, il peut en parler. Mais dans ses listes, on trouve donc toutes

 22   sortes d'éléments d'information qui sont inutiles. Mais en tout cas, le Pr

 23   Brunborg affirme que dans ces lieux des personnes ont été portées

 24   disparues. Et puis, autre chose qui est encore plus importante : il évoque

 25   des municipalités inconnues. Quelles sont ces municipalités inconnues ?

 26   Je souhaite attirer l'attention de la Chambre sur l'élément suivant :

 27   pour toutes ces municipalités qui n'ont pratiquement pas de rapport avec

 28   Srebrenica, il indique des chiffres relativement limités ou aucun chiffre


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  1   du tout. Parce que dans les rapports précédents, ce genre de chiffres

  2   n'étaient pas cités en fonction des municipalités, mais en fonction des

  3   localités. Alors, pour ma part, je suis incapable de vérifier pour quelle

  4   raison il a cité ces noms de municipalités, mais il les cite en rapport

  5   avec les différents lieux où des personnes ont été portées disparues. Mais

  6   comment peut-il agir ainsi s'il ne donne aucune donnée ? Et indépendamment

  7   du fait que je sois d'accord ou pas d'accord avec les chiffres cités par

  8   lui, nous constatons que le nombre le plus important de personnes portées

  9   disparues se trouve dans les municipalités qui ensuite sont mises en

 10   relation directe avec Srebrenica. Alors, les chiffres qu'on voit dans ce

 11   tableau, qui sur le plan statistique sont des chiffres qu'on peut

 12   considérer comme tout à fait mineurs, pourquoi ces chiffres ont été ajoutés

 13   au tableau ? Simplement pour ajouter petit nombre par petit nombre au

 14   nombre global de victimes.

 15   Il importe, par ailleurs, de savoir que les méthodes utilisées par le

 16   Pr Brunborg pour recueillir les nombres concernant les personnes portées

 17   disparues ne sont pas uniquement des éléments liés aux localités ou aux

 18   municipalités, puisqu'il dit lui-même que le lieu de disparition n'est pas

 19   synonyme de lieu de décès. Et il donne même des exemples. Il dit que

 20   l'armée de la Republika Srpska est arrivée et elle a rassemblé un certain

 21   nombre de personnes qu'elle a emmenées à d'autres endroits. Dans ce cas, le

 22   Pr Brunborg devrait expliquer pourquoi il attache une telle importance au

 23   lieu de disparition. Mais en tout cas, ce qui est clair, c'est qu'il ne

 24   recueille pas les éléments d'information sur la base des lieux de

 25   disparition, mais sur la base des dates de disparition. Et, selon cette

 26   méthode, il recueille tous les éléments survenus depuis le début du mois de

 27   juillet et jusqu'à la fin du mois d'avril 1996.

 28   Et c'est ainsi que l'on peut admettre, effectivement, que le plus


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  1   grand nombre de personnes disparues a été déclaré en avril 1996. Mais il

  2   aurait dû introduire une note en bas de page pour dire ce qui justifie sa

  3   façon de travailler. Et moi, je ne me concentre pas uniquement sur juillet.

  4   Ils ont utilisé aussi les chiffres relatifs au mois d'août, au mois de

  5   septembre, au mois d'octobre, au mois de novembre, au mois de décembre,

  6   ainsi qu'au mois de février et au mois d'avril 1996. Encore une fois, je ne

  7   dis pas que ce qui est grave, c'est que les nombres soient petits ou

  8   grands. Mais l'important, ce qui est grave, c'est qu'il n'explique pas

  9   pourquoi il utilise cette méthode. Il s'appuie sur des éléments qui, pour

 10   lui, sont des faits accomplis et cite un certain nombre de chiffres qu'il

 11   reprend de ses premiers rapports et qu'il souhaite maintenir dans son

 12   rapport ultérieur à tout prix. Et tout ce travail concernant les années

 13   passées se trouve concentré dans son dernier rapport dans le maintien de

 14   citation de ces chiffres. C'est pour moi l'un des plus grands problèmes

 15   méthodologiques qui affectent le rapport du Pr Brunborg. Et je mets

 16   l'accent sur ce problème méthodologique pour une raison très simple, c'est

 17   que c'est le signe d'un manque d'honnêteté intellectuelle. Le Pr Brunborg a

 18   le droit d'introduire des chiffres concernant la Nouvelle-Zélande dans les

 19   chiffres relatifs à Srebrenica s'il le souhaitait, mais il fallait qu'il

 20   explique pourquoi il le faisait. Or, on ne trouve aucune explication de ce

 21   genre de méthode. En tout cas, pas ici, pas une seule explication dans ce

 22   rapport d'expert déterminé.

 23   Q.  J'aimerais que nous nous penchions sur la page 42 en serbe et page 38

 24   en anglais de ce même rapport de 2009 et que nous nous concentrions sur le

 25   bas des deux pages dans les deux langues. A cet endroit, nous trouvons la

 26   citation suivante : "Il vaut la peine de remarquer" --

 27   R.  Excusez-moi, je n'entends pas les interprètes.

 28   Q.  Eh bien, nous allons reprendre. Est-ce que vous m'entendez à présent ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Les experts de l'Accusation écrivent à cet endroit : "Il vaut la peine

  3   de remarquer que même si le CICR a manifestement amélioré ses registres au

  4   cours de ces longues années depuis la publication de la première liste en

  5   1996, on trouve encore des champs vacants ou incomplets dans la liste de

  6   2005 du CICR. Les éléments les plus fréquemment incomplets sont les dates

  7   de naissance (6 403, soit 28,8 % de ces champs ne sont pas remplis sur les

  8   22 212 noms enregistrés, mais 12 noms seulement ne sont pas accompagnés de

  9   l'année de naissance), et on trouve ces éléments non remplis également au

 10   niveau des dates de disparition (2 624, soit 11,8 % de champs non remplis,

 11   mais seulement un élément manquant s'agissant des années de disparition).

 12   Les autres variables sont enregistrées pratiquement pour toutes les

 13   personnes concernées, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elles sont

 14   toujours exactes. Des erreurs se retrouvent dans la façon d'épeler les noms

 15   de famille des personnes et des lieux. Et, par ailleurs, si on compare

 16   plusieurs listes, on sait qu'on y trouve des erreurs, qui pour la plupart

 17   d'entre elles sont de faibles erreurs, dans les variables telles que la

 18   date de naissance, par exemple. De telles erreurs sont courantes dans tous

 19   les recensements et partout. Par conséquent, il n'est pas surprenant qu'il

 20   se trouve des erreurs dans les variables concernant les événements

 21   tragiques qui ont fait l'objet de cette collecte d'information dans des

 22   situations chaotiques et le plus souvent traumatisantes."

 23   Alors, Professeur, en tant que démographe qui s'appuie sur les normes

 24   d'évaluation de la qualité d'une source, comment est-ce que vous

 25   apprécieriez une source telle que celle dont il est question ici, où on

 26   trouve des pourcentages assez élevés de données incomplètement remplies ?

 27   R.  Eh bien, c'est ce que je disais il y a un instant au sujet de la marge

 28   d'erreur qui doit être maintenue entre 2 et 4 %. Comme on peut le constater


Page 38177

  1   ici, à la ligne 4 se trouvent les dates de naissance, et on déclare que ce

  2   n'est pas réellement important. On a une erreur de 28,8 % pour les dates de

  3   naissance. La date de naissance est très importante. Et puis, comment peut-

  4   on s'exprimer ainsi ? Parce que c'est l'une des caractéristiques les plus

  5   importantes lorsqu'on compare des chiffres afin de s'assurer que cela

  6   concerne une seule et même personne, et je l'indique ici aujourd'hui. Donc,

  7   on a des erreurs mineures, et cetera, et cetera, qui n'ont pas une grande

  8   signification. Mais certaines informations ont absolue nécessité d'être

  9   exactes. Qu'est-ce que cela signifie, ce qu'on peut lire ici, quand on lit

 10   que oui, il y a des erreurs, mais elles n'ont pas nécessairement une grande

 11   importance ? Vingt pour cent, par rapport à 3 %. Quel est le pourcentage

 12   sur lequel on doit s'appuyer ? Ce n'est pas une façon de travailler de

 13   façon professionnelle.

 14   La justification de ces erreurs, c'est qu'en général il s'agissait de

 15   questionnaires qui étaient remplis ou de recensements. Non, on ne parle pas

 16   de recensements. Je dis qu'il n'y a pas d'erreurs dans les recensements, en

 17   tout cas pas sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et qu'il n'y a jamais

 18   eu une différence importante sur le plan des recensements. Ce que je veux

 19   dire, c'est que tous les deux à cinq ans on vérifie les choses et, en

 20   général, on n'a pas d'erreurs importantes. Et dans les questionnaires, on

 21   ne trouve pas un aussi grand pourcentage de champs qui n'ont pas été

 22   remplis. Bien sûr, de temps en temps, on a une femme âgée qui ne se

 23   souvient pas de sa date de naissance, mais elle dit qu'elle est née pendant

 24   des vacances ou un jour particulier de la semaine. Encore une fois, je

 25   parle de ce que l'on pouvait trouver en ex-Yougoslavie. Les recensements

 26   réalisés après la Seconde Guerre mondiale comportent des erreurs de dates

 27   de temps en temps, mais la marge d'erreur statistique est restée toujours

 28   acceptable.


Page 38178

  1   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Je

  2   pense qu'il est l'heure de faire la pause.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il est l'heure de la pause.

  4   Madame Radovanovic, nous aimerions vous revoir dans cette salle dans 20

  5   minutes. Nous reprendrons à 11 heures 45 [comme interprété].

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 17.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons l'arrivée du témoin dans

 10   le prétoire.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, c'est à vous.

 13    M. IVETIC : [interprétation]

 14   Q.  Madame le Professeur, veuillez nous expliquer maintenant, s'il vous

 15   plaît, comment vous procédez aux correspondances que vous utilisez dans le

 16   domaine scientifique de la démographie.

 17   R.  La concordance est un critère ou une norme des méthodes statistiques

 18   qu'on applique aux recherches statistiques ou démographiques. Alors, je

 19   vais vous donner un exemple d'une correspondance. Tous les jours, par

 20   exemple, nous procédons à des correspondances, toute personne qui utilise

 21   une carte de crédit et l'utilise dans un distributeur de billets, donc elle

 22   doit utiliser un code que l'on fait correspondre avec vos coordonnées,

 23   coordonnées de la banque, et donc si vous avez de l'argent sur votre

 24   compte, à ce moment-là vous pouvez retirer de l'argent, et si vous n'avez

 25   pas d'argent sur votre compte, vous ne pouvez pas retirer de l'argent, et

 26   vous ne pouvez retirer de l'argent sans autorisation de la banque;

 27   autrement dit, vous ne pouvez pas accéder à l'argent qui est le vôtre.

 28   Alors, je ne sais pas comment ça se passe aux Pays-Bas. En Serbie, par


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  1   exemple, si vous oubliez votre code et que vous vous trompez trois fois

  2   lorsque vous tapez votre code, le distributeur de billets avale votre

  3   carte. Et donc, lorsqu'on fait correspondre des éléments, cela signifie que

  4   sur la base d'éléments d'information ou de données, vous allez faire

  5   correspondre des données d'une autre source dans le moyen d'une clé. Et

  6   donc, il faut voir à quoi correspond la clé. Il faut attribuer une clé à

  7   ces éléments d'information. Et une clé comporte différents éléments. Cela

  8   peut comporter des chiffres ou peut comporter des chiffres comme les codes

  9   pour les distributeurs de billets. Mais si vous ne pouvez pas donner de

 10   chiffres ou une clé numérique, comme c'est le cas dans ces rapports, et ces

 11   correspondances, à ce moment-là vous associez cette clé ou, plutôt, vous

 12   utilisez un ensemble de données qui permettra de faire correspondre

 13   différentes unités.

 14   Par exemple, si vous avez le nom du père, le nom de famille, par exemple

 15   une date de naissance qui est exacte, autrement dit le jour, le mois,

 16   l'année, ça c'est la clé qui correspond ou qui vous permettra d'établir une

 17   correspondance, et ensuite vous aurez la clé qui comporte le prénom, nom de

 18   famille, nom du père, que vous obtenez d'une source, par exemple, des

 19   fichiers de la Croix-Rouge, et vous faites correspondre cela aux chiffres

 20   du recensement, par exemple. A ce moment-là, vous obtiendrez les mêmes

 21   individus qui ont des éléments d'information individuels qui leur

 22   correspondent. Alors, nous parlons dans ce cas d'une correspondance idéale.

 23   Et lorsque nous procédons à ces correspondances, il faut avoir les bons

 24   éléments d'information, et éléments d'information corrects. Si ce n'est pas

 25   le cas, il faut modifier la clé ou l'adapter. S'agissant d'analyses de

 26   statistiques, la méthode que nous employons est la suivante. Ce qui est

 27   plus sûr, c'est d'utiliser les mêmes clés pendant tout le système de

 28   correspondances. Il faut faire correspondre votre clé à différents éléments


Page 38180

  1   que vous pourrez peut-être modifier. Donc, à ce moment-là, vous vous

  2   octroyez la liberté de cibler quelque chose. C'est la raison pour laquelle

  3   j'ai parlé d'éléments d'information ciblés. Si, par exemple, la

  4   correspondance ne peut pas être effectuée la première fois, le nom exact,

  5   prénom, nom de famille, nom du père, date de naissance. Je peux modifier la

  6   clé, je peux dire : Non, ne donnez pas tous ces éléments. Ne faites pas

  7   ressortir la date, faites simplement ressortir le nom, le nom du père, le

  8   nom de famille, le nom du père et la date de naissance, sans la date. Et

  9   ensuite, je peux faire fonctionner le système de correspondance à nouveau.

 10   Et après, je peux modifier une clé et je peux même utiliser un système qui

 11   est encore plus large ou moins précis : Ne donnez pas le nom de famille

 12   complet, faites ressortir simplement les initiales. Bon, les initiales de

 13   la personne, initiales du nom, prénom et nom du père. Et, par exemple, je

 14   vais travailler à ce moment-là avec un algorithme s'agissant de la date de

 15   naissance. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que je vais fixer

 16   certaines règles qui devront être observées.

 17   Afin d'être tout à fait claire, je devrais dire qu'à ce moment-là il y a un

 18   algorithme qui correspond au fait de préparer du thé. Si le thé doit être

 19   fait correctement, il faut ajouter de l'eau bouillante, il faut utiliser

 20   une cuillérée de thé que l'on place dans une tasse. Par exemple, donc, un

 21   algorithme d'années qu'il faut utiliser. On utilise en général une plage

 22   d'années, Svetlana D. Radovanovic, qui est née entre 1946 ou 1956 ou 1952,

 23   alors vous donnez les plages d'années que vous souhaitez, et ensuite le

 24   système recherche tous les S. Radovanovic qui sont nés en 1947, 1948, 1949,

 25   et cetera, c'est-à-dire les chiffres que vous avez saisis pour cet

 26   algorithme-là.

 27   Alors, s'il y a beaucoup de S. Radovanovic, un trouve un nombre beaucoup

 28   plus important de personnes, et vous n'obtenez pas dans ce cas-là les


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  1   éléments concernant moi, personnellement. Donc, lorsque l'on fait

  2   correspondre différents unités en se fondant sur ces paramètres-là, eh

  3   bien, l'expert doit apprécier et décider en utilisant une méthode visuelle,

  4   comme on dit, et doit se fonder sur d'autres éléments qui ne figureront

  5   peut-être pas dans tous les documents dont il est question pour savoir si

  6   c'est exactement la personne qui répond au nom de S. Radovanovic sur la

  7   liste de la Croix-Rouge des victimes de Srebrenica, des réfugiés, de

  8   personnes portées déplacées, et cetera.

  9   Donc, quel est le problème qui se pose ici au niveau des experts de

 10   l'Accusation. Eh bien, ces experts donnent ou évoquent 73 possibilités de

 11   correspondances. La première fois, ils montrent, par exemple, la

 12   correspondance entre les listes de la Croix-Rouge et les listes du PHR, la

 13   première fois. Cela concerne tous les rapports qu'ils ont écrits. Ils ne

 14   donnent jamais leurs statistiques concernant ces correspondances. Alors, il

 15   y a des chiffres absolus qui sont cités dans le dernier rapport, donc il

 16   s'agit d'une correspondance des données. Donc, la méthode utilisée ici par

 17   les experts de l'Accusation a été modifiée, ce qui permet de répondre à

 18   leurs attentes et leurs demandes. Alors, cela est injuste, ils ne sont pas

 19   intellectuellement honnêtes, parce qu'ils auraient pu dire comme suit : Par

 20   rapport au premier critère, la première fois qu'ils ont procédé à leur

 21   analyse, j'ai fait correspondre tel chiffre. J'ai fait correspondre tel et

 22   tel chiffre, deuxième critère. Et donc, avec 71 critères, ils ont 45, si je

 23   ne me trompe pas - cela peut être vérifié - 45 critères qui sont retenus,

 24   qui correspondent à l'algorithme de la date de naissance, du lieu de

 25   naissance, et du lieu de domicile. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé

 26   au début d'une modification de la méthode standard utilisée dans le cadre

 27   d'analyses statistiques.

 28   Q.  Alors, page 86 en serbe, page 91 [comme interprété] en anglais, s'il


Page 38182

  1   vous plaît, du rapport qui a reçu la cote P1900. Le tableau 6.2 évoque les

  2   critères dont vous venez de parler.

  3   Pourriez-vous expliquer, s'il vous plaît.

  4   R.  Avant de me référer à ces critères, je vous demande de bien vouloir,

  5   s'il vous plaît, montrer le titre de chapitre également. Encore une fois,

  6   pardonnez-moi. J'ai touché l'écran. J'ai besoin du titre qui se trouve en

  7   haut de la page, ensuite, nous pouvons aborder les critères. Un peu plus.

  8   Un peu plus, s'il vous plaît. Bon, cela ne ressemblait pas à cela dans la

  9   version serbe. Page précédente, dans ce cas, s'il vous plaît. Non, ceci ne

 10   correspond pas à la page précédente. La même page où sont énumérés les

 11   critères. L'annexe 6.2. C'est comme ça que cela commence.

 12   Q.  Nous avons les deux, en serbe et en anglais. Nous avons le titre du

 13   passage en question et du tableau. Veuillez nous dire à quoi cela

 14   correspond.

 15   R.  Pardonnez-moi, il m'était difficile de voir cela.

 16   Avant d'évoquer certains critères, je souhaite, s'il vous plaît, --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez répondre tout d'abord à la

 18   question, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Il me semblait que la question

 20   avait déjà été posée.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Lignes 21 et 22, j'ai posé la question.

 22   Q.  Qu'est-ce qui est important ici ?

 23   R.  Oui. Et avant de commencer, avant que je n'attire votre attention sur

 24   les différents critères, je demande de bien vouloir lire le 6.2,

 25   correspondance de la liste du bureau du Procureur de 2005 avec un

 26   recensement de la population de 1991.

 27   Ensuite, nous pouvons lire le titre du tableau numéro 6 [comme interprété]

 28   : "Description des correspondances des listes du CICR et du PHR consolidées


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  1   des personnes portées disparues avec le recensement de la population de

  2   1991". Dans ce tableau, nous avons une liste complètement différente. C'est

  3   cette liste-là que l'Accusation a présentée comme correspondant aux

  4   victimes de Srebrenica, 7 600, quelque chose comme ça, en se fondant sur

  5   ces deux listes. Mais il serait intellectuellement honnête de nous montrer

  6   comment ils arrivent à établir une correspondance entre leurs propres

  7   listes, non pas une correspondance entre la liste du CICR et le recensement

  8   de la population. Regardez, ici, on parle de 71 et il y a ici le chiffre de

  9   47 critères pour établir une correspondance.

 10   Je vous demande de bien vouloir regarder le premier critère, s'il vous

 11   plaît, où on peut lire prénom, nom du père, nom de famille et date de

 12   naissance. Vingt mille questionnaires, et ensuite 3 325 cas ont fait

 13   l'objet d'une correspondance. Il s'agit en fait de critères relativement

 14   fiables, dans ce cas.

 15   Et le second critère, qui est absurde, pas d'explication, peut-être que les

 16   experts ont une explication à fournir, où on peut lire initiale

 17   correspondant au prénom, nom du père, nom de famille, date de naissance et

 18   lieu du décès. Le recensement de la population ne pouvait enregistrer que

 19   des personnes en vie. Il ne pouvait pas y avoir de lieu de décès. Mais

 20   entre les deux listes, la liste de la Croix-Rouge internationale, du CICR

 21   et du PHR, Médecins des droits de l'homme, mais ceci n'a jamais été

 22   expliqué nulle part.

 23   La première fois --

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre très

 25   brièvement.

 26   Si vous regardez la correspondance au point 1, il y a une différence

 27   entre l'anglais et le B/C/S.

 28   En anglais, vous verrez qu'on peut lire Mood, ce qui ne figure pas dans la


Page 38184

  1   traduction en B/C/S.

  2   Donc, c'est simplement pour que vous soyez au courant si vous interprétez

  3   les --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si vous interprétez ce qui figure sur

  6   cet écran, l'original, c'est la version anglaise, et le B/C/S ne correspond

  7   peut-être pas à une traduction complète.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. En ce cas, le

  9   premier critère est également absurde, car on souhaite établir une

 10   correspondance entre le prénom, le nom du père, le nom de famille, la date

 11   de naissance et la municipalité dans laquelle la personne est décédée.

 12   Donc, je partais du principe que personne ne pouvait trouver une

 13   correspondance avec la municipalité où la personne est décédée, donc j'ai

 14   commencé à établir des correspondances avec le prénom, le nom du père, le

 15   nom de famille, la date de naissance, parce qu'en fait, on ne peut pas

 16   retrouver la municipalité du décès de l'individu dans un recensement de la

 17   population, car un recensement ne s'occupe que de résidents permanents ou

 18   de personnes en vie qui résident de façon permanente dans l'endroit où est

 19   effectué le recensement. Le deuxième point est absurde également aussi

 20   parce qu'il y a encore moins de correspondances, parce que nous sommes en

 21   présence d'initiales uniquement. Je peux y croire ou ne pas y croire, à

 22   cette correspondance, mais c'est la première fois que l'on aurait pu

 23   proposer les éléments qui auraient pu faire l'objet d'une correspondance en

 24   se fondant sur différents critères.

 25   Veuillez regarder le critère numéro 22, plus de 2 000 personnes font

 26   l'objet d'une correspondance. Là, vous pouvez voir qu'il y a un Y, et

 27   ensuite le nom de la municipalité où la personne est décédée, et on a

 28   utilisé un algorithme, dans ce cas. Il s'agit de fixer des règles lorsqu'on


Page 38185

  1   fait cela. Et je n'ai vu cela dans aucun rapport, aucune des réponses

  2   fournies par le Dr Brunborg ou le Pr Tabeau, quel type de règles ces

  3   personnes avaient utilisées.

  4   Et lorsque je suis venue en 2007 et 2008, j'ai vu que la plage des années

  5   peut être étendue à plus de cinq ans. En général, on utilise une plage

  6   entre deux et cinq ans.

  7   Alors, les critères qui suivent après 22, vous verrez encore une fois que

  8   l'on utilise un algorithme, municipalité où la personne est décédée, lieu

  9   de naissance. Et ensuite, le 71e critère, pouvez-vous nous le montrez, et

 10   aucune correspondance n'a été retrouvée.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Page suivante dans les deux langues, s'il vous

 12   plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, en regard du chiffre 70, il y en

 14   a un. En regard du chiffre 71, il y en a un. Ce que je ne comprends

 15   vraiment pas, c'est pourquoi le critère est fixé dans ce cas, puisque ce

 16   critère est tellement large. Et ensuite, vous faites correspondre un

 17   élément. Autrement dit, ce que j'essaie de dire, c'est que je ne fais pas

 18   vraiment confiance aux experts de l'Accusation.

 19   Mes correspondances, celles dont je vous ai parlé il y a quelques instants,

 20   qui prennent en compte des données différentes, et j'ai fait correspondre

 21   mes données à différents critères et j'utilise différents critères dans ce

 22   cas qui sont cités ici, je pouvais faire correspondre tout ce que je

 23   voulais.

 24   Le Pr Brunborg et le Pr Tabeau cités ici ont précisé que sur 19 000 et

 25   quelques chiffres de la Croix-Rouge internationale, ils ont fait

 26   correspondre 16 000 ou quelque chose. Cela correspond à 81 %. Cela ne

 27   signifie pas qu'ils ne pouvaient pas tout faire correspondre à 200 %, mais

 28   en utilisant une méthode visuelle, ils ont conclu que ces éléments ne


Page 38186

  1   pouvaient pas correspondre à une personne donnée. Je ne sais pas quelles

  2   sources de données ou paramètres ils ont utilisés. Ils ont dit qu'ils ont

  3   retrouvé ces éléments dans d'autres sources. Ils n'ont pas abordé chaque

  4   élément après l'autre et parlé des sources utilisées. Moi, je ne peux pas

  5   en juger donc. Je peux simplement dire que 81 % correspond à leur taux de

  6   correspondance, et ils affirment dans tous leurs rapports que concernant la

  7   liste des victimes de Srebrenica du bureau du Procureur, ils ont fait

  8   correspondre le chiffre avec le recensement de la population à 87 %. Donc,

  9   j'ai estimé qu'il eut été intellectuellement honnête qu'ils fournissent

 10   leur propre liste. Et je constate que c'est la première fois que je vois

 11   ces chiffres-là, s'agissant de correspondance des données.

 12   M. IVETIC : [interprétation]

 13   Q.  Madame le Professeur, veuillez nous expliquer ceci : s'agissant des

 14   recherches scientifiques et démographiques et des statistiques en matière

 15   de correspondance, ce qui est exprimé ici, est-il exprimé dans un format

 16   habituellement utilisé dans un cadre comme celui-ci ?

 17   R.  Alors, la statistique de correspondance signifie que lorsqu'on effectue

 18   des correspondances, on conserve les données statistiques de ce qui a fait

 19   l'objet d'une correspondance. Dans ce cas-ci, par exemple, vous dites :

 20   J'ai fait correspondre 3 000 et quelques en me fondant sur tels et tels

 21   critères. Trois mille correspond à 20 % des éléments à disposition. Par

 22   exemple, si j'utilise un autre critère, j'ai 5 %. Troisième critère, 10 %.

 23   Voilà, c'est ce qu'on appelle les statistiques de correspondance.

 24   Dans ce cas-ci, nous pouvons déduire les données statistiques de la

 25   correspondance. Nous avons des chiffres absolus. Donc, par exemple, je peux

 26   dire que si vous faites correspondre tant et tant sur 19 000 et que vous

 27   utilisez un ou deux critères, moi je peux parvenir à mes propres

 28   conclusions. C'est ce que l'on fait en général lorsqu'on parle de


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  1   correspondance des données statistiques. Moi, je travaille avec des

  2   recensements, et vous conservez toujours vos données statistiques. Vous

  3   faites correspondre à un critère donné, vous dites que cela correspond à

  4   tant, et vous savez à quel pourcentage cela correspond par rapport au

  5   total. Et ensuite, il faut gérer les chiffres restants.

  6   Et donc, les données statistiques des correspondances sont des éléments

  7   très importants.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'au niveau de la première

  9   version la légende est exacte, mais tout le monde s'attend à ce que nous

 10   connaissions les abréviations. DOB, cela correspond à datum rodenja, c'est

 11   la date de naissance.

 12   OOD, ça correspond à opstina - c'est ça ? - lieu de disparition ou

 13   municipalité de disparition. Mais OOB, je ne sais pas exactement cela

 14   signifie.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Alors, peut-être que nous pouvons le faire

 16   défiler vers le bas un petit peu -- là, ça y est. Non, ce n'est pas

 17   municipalité de disparition, mais du décès.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   M. IVETIC : [interprétation] Et OOB, ça correspond au lieu de naissance.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où est-ce qu'on peut le trouver

 21   exactement ?

 22   M. IVETIC : [interprétation] OOB se trouve dans la version serbe.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais l'explication en anglais qui

 24   correspond à OOD ? Je ne vois pas de légende.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il n'y a pas de légende. Le Pr

 26   Tabeau ne l'a pas inscrit.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, l'opstina où la personne est

 28   décédée, la municipalité où la personne a décédée, ce n'est pas -- je me


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  1   suis trompé, j'ai parlé de la municipalité de disparition. Non. A ce

  2   moment-là, cela correspond à ce que nous venons de dire puisqu'il n'y a

  3   aucune explication qui est fournie. Dans le rapport, à aucun endroit cela

  4   n'est précisé. J'espère que vous comprenez que je ne m'en souviens pas.

  5   M. IVETIC : [interprétation] J'ai le même problème moi-même.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Car le témoin, dans sa déposition, se

  7   fonde sur les éléments qui figurent ici. En fait, on parle de municipalité

  8   du décès. Alors, où est-ce que ceci a été traduit ? Madame le Témoin, peut-

  9   être que vous pourriez nous aider, s'il vous plaît. En B/C/S, on peut lire

 10   "opstina okojolj" [phon]. Vous voyez où c'est ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au niveau de la légende, est-ce que vous

 13   pourriez nous lire distinctement de façon à ce que nous puissions entendre

 14   ces propos, qu'ils puissent être interprétés.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 16   "DOB correspond à la municipalité -- pardon. C'est la date de naissance.

 17   DOB, cela correspond à la date de naissance. OOD, cela correspond à la

 18   municipalité où la personne est décédée. OOB correspond à la municipalité

 19   dans laquelle l'individu est né. Les initiales, cela, vous le comprenez. Il

 20   y a d'autres" --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …le reste me paraît clair. C'était

 22   l'abréviation OOD dont je n'étais pas sûr.

 23   Veuillez poursuivre.

 24   M. IVETIC : [interprétation]

 25   Q.  Alors, vous venez de dire que les statistiques des correspondances

 26   établies sont importantes. C'est quelque chose qui a été abordé par le Pr

 27   Tabeau en l'espèce à la page du compte rendu d'audience 19 409, ligne 24, à

 28   19 410, ligne 12. Je vais vous lire la question, ensuite la réponse, et


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  1   j'ai une question à vous poser.

  2   Donc, je vous demande de bien vouloir écouter, je vais commencer :

  3   "Question : Est-ce que vous pensez que c'est le rôle du démographe ou du

  4   statisticien que de conserver la trace du pourcentage des correspondances

  5   une fois que vous vous écartez de la clé d'origine de façon à pouvoir

  6   donner un aperçu statistique du nombre de correspondances trouvées en

  7   utilisant le premier critère, combien de correspondances ont été trouvées

  8   en utilisant le deuxième critère, combien de correspondance ont été

  9   trouvées en utilisant le troisième critère, et cetera ?"

 10   Sa réponse a été la suivante : "Eh bien, dans un cadre idéal, nous

 11   aimerions avoir ce genre de données statistiques, bien sûr. Mais si vous

 12   pensez aux millions de fichiers qui ont dû être examinés dans ce type de

 13   procédure et combien de correspondances ont pu être établies comme étant

 14   des correspondances potentielles, qui ont été appréciées, analysées et

 15   ensuite rejetées, ou partiellement rejetées, et cetera, c'est un processus

 16   qui se poursuit depuis des années, depuis la création de l'unité

 17   démographique. Donc, le fait de conserver ces données statistiques nous

 18   prendrait beaucoup de temps, voire peut-être tout notre temps, voyez-vous,

 19   et il y avait d'autres travaux à effectuer à cette période-là."

 20   Donc, ceci conclut la réponse du Pr Tabeau.

 21   Que pensez-vous, en tant que démographe, Madame, sur le fait de savoir

 22   pourquoi on ne pouvait conserver les données statistiques des

 23   correspondances dans l'unité démographique ?

 24   R.  Alors, les statistiques de correspondance sont des données très

 25   importantes car elles peuvent être utilisées pour analyser les différentes

 26   combinaisons que l'on peut utiliser lorsqu'on procède à des

 27   correspondances. Le Pr Tabeau mélange des éléments ici. Le fait de corriger

 28   des erreurs n'a rien à voir avec les données statistiques des


Page 38190

  1   correspondances. D'abord, on modifie les données de façon à faire en sorte

  2   que la correspondance puisse être effectuée parce que les noms ne

  3   correspondent pas. Dans chaque correspondance, moi je pense que tous les

  4   démographes font de même, et je sais que les statisticiens le font aussi

  5   lorsqu'ils travaillent sur des documents officiels, ils conservent toujours

  6   les données statistiques. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'on

  7   prend en compte le premier critère, telles et telles correspondances ont

  8   été trouvées. Et donc, si après un certain temps les données ont changé, je

  9   répète, j'ai dit que j'ai fait correspondre tant et tant de personnes par

 10   rapport au premier critère retenu. Pourquoi je ne suis pas d'accord avec le

 11   Pr Tabeau, parce qu'elle est coauteur de ce travail, elle l'a examiné. Je

 12   suppose qu'elle sait que l'on peut présenter des données statistiques de

 13   correspondance sur ce qui a déjà fait l'objet de ces correspondances. Je ne

 14   sais pas si ces correspondances sont exactes ou pas. Mais ces experts, à

 15   mon sens, évitent intentionnellement les données statistiques des

 16   correspondances parce que cela, en fait, révèle les différentes

 17   combinaisons qui ont été expliquées. C'est la raison pour laquelle je

 18   trouve l'explication du Pr Tabeau surprenante.

 19   Q.  Vous dites qu'elle est coauteur de ce travail et vous supposez qu'elle

 20   l'a examiné. Sur quelle partie de ce rapport vous vous êtes appuyée pour

 21   dire que vous croyez que le Pr Tabeau disposait de ces statistiques

 22   d'appariement ?

 23   R.  Je ne sais pas s'ils disposent de cela, mais il est logique de conclure

 24   qu'ils l'avaient. Vous pouvez procéder au processus d'appariement des

 25   données tout le temps. Mais une fois appariement obtenu, vous pouvez

 26   écarter ces correspondances. Il ne faut pas y revenir, parce que c'est

 27   absurde. Donc, je continue à faire d'autres correspondances, d'élargir ou

 28   de réduire le champ d'appariement. Je ne sais pas s'ils disposaient de cela


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  1   ou pas, mais à partir du début du premier rapport que j'ai vu, j'ai demandé

  2   à ce qu'ils me remettent des critères et des statistiques d'appariement. Et

  3   jamais je n'ai reçu ces données statistiques. J'ai reçu la réponse qui

  4   n'avait rien à voir avec les statistiques, où il y avait des centaines de

  5   milliers de données où des noms et où des prénoms étaient corrigés. Je ne

  6   demande pas à ce qu'ils me disent combien de noms ont été corrigés. C'est

  7   quelque chose qui est tout à fait différent. Je demande quel était le

  8   nombre d'appariements pour ce qui est de la première source. Vous m'avez

  9   demandé sui le Pr Tabeau a lu ce rapport. Ma réponse est que je ne sais

 10   pas. Je suppose que si elle était coauteur de ce rapport, qu'elle l'a lu.

 11   Il est possible, mais pour moi c'est presque incroyable, que le Pr

 12   Tabeau ne comprenne pas ce que représentent les statistiques des

 13   appariements puisqu'elle a confondu certaines choses. Je ne demande pas

 14   qu'ils me donnent le nombre de corrections pour ce qui est des

 15   appariements. Puisque les statistiques des appariements, c'est autre chose

 16   par rapport aux statistiques des données corrigées.

 17   Q.  Revenons à la première page dans les deux versions et regardons le haut

 18   du tableau --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous en avez fini avec cette

 20   partie, les statistiques, Maître Ivetic ?

 21   M. IVETIC : [interprétation] J'ai voulu poser une question de suivi.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 23   M. IVETIC : [interprétation]

 24   Q.  Madame le Professeur, les données qu'on trouve dans ce tableau peuvent-

 25   elles être utilisées par les experts du bureau du Procureur pour déterminer

 26   les statistiques d'appariement pour lesquelles Mme Tabeau, le Pr Tabeau,

 27   avait dit qu'ils ne pouvaient pas le faire ?

 28   R.  Cela existe ici, mais il s'agit de données absolues. Lorsque vous


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  1   utilisez des données relatives, cela devient plus clair. S'ils disent que

  2   selon le premier critère il y avait 3 325 correspondances, si on a un

  3   pourcentage de cela - par exemple, 26 % de ces appariements - c'est ça qui

  4   représente les statistiques des appariements. Le Pr Tabeau n'estime pas que

  5   cela représente les statistiques d'appariement, c'est autre chose.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai voulu passer à un

  7   autre sujet, mais je vois que vous avez une question à poser.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Qu'est-ce qu'on peut apprendre en

  9   examinant tout cela ? Par exemple, si les statistiques des appariements

 10   avaient été appliquées, dites-nous ce que cela aurait pu nous apprendre ?

 11   Est-ce qu'on aurait pu corriger des points qui ont été présentés ici de

 12   façon incorrecte pour ce qui est des appariements ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il y avait eu les statistiques des

 14   appariements, on aurait pu voir quelles données auraient pu être

 15   acceptables comme des données précises et quelles autres pas.

 16   Par exemple, vous avez 45 critères modifiés. Cela représente plus de 7 000

 17   personnes. Vous avez des algorithmes des années de naissance. Si les

 18   experts du bureau du Procureur affirment que les sources des données sont

 19   bonnes, alors on ne peut pas avoir un tel nombre de combinaisons, de

 20   correspondances. Si les experts avaient dit, Eh bien, on va appliquer trois

 21   critères, on pourrait leur poser la question suivante : si la personne dont

 22   le nom de père est exact ou le nom de famille est exact, et l'année de

 23   naissance est exacte, si cette personne a été retrouvée dans une autre base

 24   de données, il ne s'agit pas d'une probabilité à 100 %, mais avec une

 25   grande probabilité vous pouvez dire qu'il s'agit de la même et seule

 26   personne. Si pour une personne on ne dispose que des initiales de son

 27   prénom, de son nom de famille ou du prénom de père, avec l'algorithme de

 28   l'année de naissance et l'algorithme de la municipalité de naissance, on se


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  1   pose la question si cette personne est vraiment la personne en question.

  2   Nous ne savons pas la réponse à cette question. Ce sont les experts du

  3   bureau du Procureur qui peuvent répondre à cette question puisque -- par

  4   exemple, une personne a l'initiale S. R., et si on cherche toutes les

  5   personnes avec ces initiales nées entre 1945 et 1955, il y en a plusieurs.

  6   Si vous obtenez le nombre de personnes dont les initiales sont S.R, vous

  7   continuez à chercher d'autres éléments communs dans d'autres sources de

  8   données. Mais la source principale de données est le recensement de la

  9   population. Et vous dites pour ce qui est de 300 personnes dont les

 10   initiales sont S. R. nées entre 1945 et 1953, je crois que cette personne

 11   est cette Svetlana-là qu'on a recherchée.

 12   Donc, c'est une méthode visuelle. Donc, il n'y a pas de sources de

 13   données qui soient de qualité telle qu'on peut déterminer tout cela avec

 14   une grande fiabilité. Le recensement de la population contient les données

 15   les plus fiables. Le nom de famille et le prénom ne représentaient jamais

 16   des données dans les statistiques et ne faisaient jamais l'objet de

 17   recherche. Il s'agit ici des résultats scannés. C'est pour cela qu'il y a

 18   autant d'erreurs dans ce tableau et c'est pour cela qu'il y avait beaucoup

 19   de corrections, puisqu'il y avait deux écritures utilisées, l'alphabet

 20   latin et l'alphabet cyrillique, et il y avait des crayons différents qui

 21   ont été utilisés pour inscrire des données dans ce tableau. Je peux croire

 22   ou ne pas croire que ces corrections aient été faites de façon correcte.

 23   Mais si la date de naissance n'est pas exacte, si le lieu de naissance

 24   n'est pas exact, comment puis-je croire que vous avez bien établi et

 25   vérifié qu'il s'agit bien de Svetlana Radovanovic ? Ils peuvent me dire :

 26   Je me suis appuyé sur le recensement de la population, les listes

 27   électorales, les données de la Croix-Rouge, et cetera, ou des Médecins pour

 28   les droits de l'homme --


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …n'est-il pas vrai que vous soyez

  2   maintenant dans un domaine qui dépasse le domaine de ma question ? Dites-

  3   nous ce que les statistiques peuvent nous apprendre.

  4   Est-ce que cela dépasse les limites des statistiques, puisque vous

  5   parlez de la fiabilité et de l'exactitude des sources ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces sources de données, selon les

  7   principes des statistiques, ne sont pas des sources de données.

  8   Le premier critère est le critère qui nous permet d'avoir des données

  9   relativement fiables, et nous voyons que ces pourcentages obtenus nous

 10   indiquent quelles sont les correspondances utilisées par eux pour dire que

 11   ce sont des conclusions fiables.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce qu'ils disent exactement en

 13   s'appuyant sur ce tableau ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils affirment qu'ils se sont appuyés sur le

 15   recensement de la population pour obtenir la liste de 7 600 et quelques

 16   victimes appariées avec un pourcentage de 77 %. Ils n'ont nulle part

 17   indiqué cela. Ils ne disent pas que 22 %, par exemple, de ces 67 % ont été

 18   appariés selon ce critère. Donc, je dois croire que toutes les

 19   correspondances, à savoir 87 % des correspondances sont des données

 20   relativement fiables. Et je ne crois pas que cela soit le cas. Et non

 21   seulement moi-même, mais en général, dans la science, on ne peut as croire

 22   ou ne pas croire quelque chose. Nous avons besoin des données.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas compris cela

 24   exactement. Mais je vois que dans ce tableau, et je le comprends de la

 25   façon suivante, si vous établissez des correspondances -- juste un instant,

 26   s'il vous plaît.

 27   Je comprends que dans ce tableau, ils ont comparé les informations

 28   contenant sur la liste consolidée entre, par exemple, A, B et C, il y a


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  1   autant de correspondances. Si vous prenez en compte C, D, X et Y, vous

  2   obtenez autant de correspondances ou appariements. Mais je ne comprends pas

  3   quand vous dites --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer cela.

  5   Ils ont fait cela pour dissimuler certaines choses. Ils ont présenté ce

  6   tableau, qui est le tableau consolidé des tableaux des données de la Croix-

  7   Rouge et des Médecins des droits de l'homme, et non pas leur tableau, ce

  8   qui est indiqué dans le titre. S'ils avaient présenté leur tableau

  9   d'appariement où il y a 7 600 et quelques personnes, ce problème

 10   n'existerait pas. Mais s'il s'agit des correspondances, des appariements de

 11   la Croix-Rouge, ils l'ont donc fourni, et pourquoi n'ont-ils pas pu fournir

 12   leur propre tableau d'appariement ? S'il y a 7 600 et quelques personnes

 13   avec les noms de famille, les prénoms, les dates de naissance, il aurait

 14   fallu utiliser ce tableau, cette liste. C'est quelque chose qui n'est pas

 15   du tout conforme aux règles intellectuelles, ce qu'ils ont fait, et ce

 16   n'est pas honnête, ce qu'ils ont fait, puisqu'ils ont montré quelque chose

 17   qui est tout à fait différent.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce qu'il y a exactement dans le

 19   titre qui est, selon vous, un mensonge ? Est-ce qu'il s'agit des

 20   appariements entre la liste du bureau du Procureur de 2005 et le

 21   recensement de la population de 1992 [comme interprété] ? Est-ce que vous

 22   avez fait référence à cela ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les discordances entre le premier titre

 24   dans le chapitre 6.2 où il est dit : les correspondances entre la liste du

 25   bureau du Procureur et 2005 et le recensement de la population de 1991. La

 26   liste du bureau du Procureur de 2005 a 7 600 ou 500 cas. C'est le titre. Et

 27   ensuite, il est dit dans le tableau : les correspondances entre la liste

 28   consolidée des personnes portées disparues de la base des données de la


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  1   Croix-Rouge et des Médecins des droits de l'homme avec le recensement de la

  2   population de 1991, et donc, il y a 19 000 cas dans cette liste consolidée.

  3   Et c'est la liste consolidée, mais cette autre liste consolidée ne contient

  4   que 7 000 et quelques noms.

  5   La liste consolidée, est-ce qu'il s'agit de la liste consolidée de la

  6   Croix-Rouge ou des Médecins des droits de l'homme, ou ma liste ? Donc, il

  7   n'existe aucun obstacle pour que j'utilise la liste contenant 7 600

  8   personnes pour comparer cette liste avec la liste que je souhaite utiliser

  9   comme l'autre liste.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous dites qu'ils ont fait cela pour

 11   dissimuler quelque chose. Quoi exactement ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas s'ils ont fait cela pour

 13   dissimuler quoi que ce soit, mais je vous dis, et j'en assume toute la

 14   responsabilité, qu'ils ont procédé de façon qui n'était pas honnête.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que je vous interrompe là. Je

 16   vais citer le début de votre réponse précédente. "Justement, pour

 17   dissimuler certaines choses, ils ont présenté cette liste, qui est la liste

 18   consolidée de la Croix-Rouge", et cetera.

 19   Et lorsque je vous pose la question pour savoir ce qu'ils auraient

 20   dissimulé, vous dites que vous ne savez pas s'ils ont voulu dissimuler quoi

 21   que ce soit, et je reviens au début de votre réponse précédente où vous

 22   avez dit que c'était leur intention.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai voulu que les choses soient correctes,

 24   puisque le fait est qu'ils ont montré quelque chose qu'ils ont pensé qu'il

 25   fallait présenter, et non pas des choses qu'il fallait présenter. Et là, je

 26   pense aux experts du bureau du Procureur. Et ils ont utilisé des titres

 27   différents pour dissimuler quelque chose.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous dites que le fait


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  1   qu'ils n'ont pas montré ce qu'ils ont dû montrer veut dire qu'ils ont

  2   dissimulé quelque chose.

  3   Où peut-on trouver ce que ces experts auraient dû nous montrer par

  4   rapport à ce qu'ils nous ont montré ? Où on peut trouver cela, ces choses

  5   qu'ils auraient dû nous montrer, que vous considérez comme les données

  6   qu'il fallait montrer ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le titre, il est dit : la liste du bureau

  8   du Procureur, dans le chapitre 2. Vous savez tous qu'il y a 7 000 et

  9   quelques victimes sur la liste du bureau du Procureur. C'est la liste du

 10   bureau du Procureur. Et probablement, vous savez comment cette liste a été

 11   dressée. Cette liste a été dressée en s'appuyant sur les listes de la

 12   Croix-Rouge et des Médecins des droits de l'homme. Et lorsque vous dites

 13   qu'il s'agit des appariements des données de la liste du bureau du

 14   Procureur, et si vous donnez le titre à ce tableau, la liste consolidée des

 15   personnes portées disparues dans la Croix-Rouge, d'après les données de la

 16   Croix-Rouge, à peu près 20 000 personnes sont portées disparues. Et les

 17   Médecins des droits de l'homme, d'après les conclusions des experts du

 18   bureau du Procureur, il y a 5 ou 6 000 personnes dont les données

 19   correspondent aux données des personnes sur la liste de la Croix-Rouge.

 20   Donc, s'il s'agit de la liste de la Croix-Rouge, il y a 20 000 et quelques

 21   personnes sur cette liste.

 22   Donc, il ne s'agit pas de la liste du bureau du Procureur. Il s'agit de

 23   sources de données sur lesquelles le bureau du Procureur s'est appuyé pour

 24   dresser sa propre liste.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Puis-je aider, si vous regardez le texte, vous

 26   allez voir qu'ils ont comparé les données de 2000, et dans le titre, on

 27   peut voir qu'il s'agit de 2005. Il ne s'agit pas de 2005 mais de 2001

 28   [comme interprété].


Page 38198

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que dans le texte… bien.

  2   Votre position est claire.

  3   Continuez, Maître Ivetic.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Maintenant, j'aimerais qu'on regarde le tableau 6A qu'on a déjà vu il y

  6   a quelques instants. Il faut afficher la page 16 en anglais, la page 18 en

  7   serbe. Madame le Professeur, vous nous avez déjà dit qu'ici il y a des

  8   municipalités qui sont en fait en Serbie, telles que Bajina Basta, Olovo,

  9   Loznica, le mont Tara et Ljubovija.

 10   Maintenant, j'aimerais parler du nombre des personnes portées disparues,

 11   c'est le nombre de 7 692 personnes, où il y a des personnes des

 12   municipalités serbes qui sont en Serbie. Passons à la page suivante dans ce

 13   rapport, le tableau numéro 6B, est-ce qu'on peut l'agrandir, et maintenant

 14   nous voyons le tableau où, encore une fois, nous voyons le nombre de 7 692

 15   personnes portées disparues, mais cette fois il s'agit des données

 16   concernant les personnes portées disparues selon leur lieu de disparition,

 17   et non pas selon les municipalités. Et là on ne voit pas de municipalités

 18   en Serbie.

 19   Pouvez-vous commenter cela ?

 20   R.  Il ne s'agit pas seulement de lieux de disparition, mais également des

 21   localités. Et je considère qu'aucune de ces localités ne se trouve en

 22   Serbie.

 23   Q.  Et si -- est-ce qu'on peut maintenant passer à la page --

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, j'ai une question à

 25   poser au témoin.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame le Témoin, Me Ivetic a fait

 28   référence au nombre de 7 692 personnes. Au-dessus de ce nombre, on a le


Page 38199

  1   nombre de 312 personnes, et au-dessus de ce nombre, en gras, on voit le

  2   nombre de 7 380 personnes. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que

  3   représente ce nombre de 312 personnes.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux le faire. Ce nombre n'est pas

  5   visible ici, mais le Pr Brunborg, dans ses rapports précédents, il a dit

  6   les localités ne sont pas connues, n'ont aucun lien avec ces personnes,

  7   donc il n'offre aucune explication.

  8   Il indique ici, plus de 20, moins de 20, pour ce qui des fosses communes,

  9   où il y avait plus de 20 personnes ou moins de 20 personnes. Il n'est pas

 10   important où se trouvent ces fosses communes. Mais c'est ce dont je parle,

 11   de cette approche superficielle, à savoir que nous devons accepter tout ce

 12   que le Pr Brunborg a dit dans ce rapport.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela ne faisait pas partie de ma

 14   question.

 15   Est-ce qu'il est possible que le nombre de 312 personnes, que ces personnes

 16   étaient des municipalités serbes ou des localités qui se trouvaient en

 17   Serbie ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après tous les documents que j'ai pu

 19   examiner, le Pr Brunborg a indiqué des localités qui se trouvent en Serbie

 20   mais qui n'ont rien à voir avec ces villes. Par exemple, il dit le charnier

 21   à Belgrade --

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, non, ce n'était pas ma question.

 23   Nous avons d'abord vu le tableau numéro 6A, par rapport auquel vous avez

 24   dit qu'il y avait des municipalités ou des localités qui se trouvent en

 25   Serbie. Est-ce que ces municipalités ou ces localités concernent le nombre

 26   de 312 personnes portées disparues, concernant les localités où il y avait

 27   moins de 20 personnes retrouvées ?

 28   Est-ce qu'il est possible que cela soit le cas ?


Page 38200

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Tout est possible.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Revenons au tableau 6A, à la page

  3   précédente.

  4   Pouvez-vous, s'il vous plaît, regarder ce tableau encore une fois et me

  5   dire quelle est la municipalité en Serbie par rapport à laquelle le chiffre

  6   le plus élevé est indiqué par rapport aux personnes portées disparues de

  7   Srebrenica ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est dit ici sept personnes disparues à

  9   Bajina Basta.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce qu'il est possible, puisqu'il

 11   y en a moins de 20 dans ce lieu qui ont été retrouvés, que ces autres

 12   localités en Serbie sont également incluses dans cette ligne où il est dit

 13   moins de 20, dans le tableau B.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas. Pourquoi s'il est dit qu'à

 15   Bajina Basta il y avait sept personnes portées disparues, à Valjevo, par

 16   exemple, il y avait 15 ou dix à Loznica, pourquoi l'auteur aurait omis ces

 17   chiffres ?

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-on afficher à nouveau le tableau

 19   6B ? A la page suivante.

 20   Vous dites que cela a été omis. Est-il possible que ces données soient

 21   contenues et non pas omises dans cette ligne où il est dit : Au total,

 22   moins de 20 personnes, puisque dans ce cas-là cela ne serait pas considéré

 23   comme des cas omis.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous. Si cela

 25   n'est pas indiqué, cela veut dire --

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne pose pas la question à vous,

 27   Maître Ivetic.

 28   M. IVETIC : [aucune interprétation]


Page 38201

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, n'interrompez pas le Juge

  2   Fluegge.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas que cela soit le cas, puisque

  4   dans d'autres rapports précédents qu'il avait préparés où toutes ces

  5   municipalités sont contenues, il aurait indiqué que sur les territoires

  6   dans les municipalités en Serbie, tel ou tel nombre de personnes auraient

  7   été retrouvées. Mais nulle part dans son rapport cela n'est indiqué. Si

  8   vous regardez son rapport précédent concernant les localités, il indique

  9   qu'il a pris en considération moins de 20 ou plus de 20, puisque 312

 10   personnes retrouvées.

 11   Je crois, sur le territoire des municipalités en Serbie, est un

 12   nombre important de personnes portées disparues, et je suis sûre que le Pr

 13   Brunborg aurait pu indiquer cela dans son rapport. Puisque c'est un nombre

 14   de personnes portées disparues qu'on ne peut pas négliger.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai obtenu la réponse à ma question.

 16   Merci.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il est venu le moment propice pour

 18   faire la pause.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre la pause dans

 21   quelques instants. Madame le Témoin, vous pouvez maintenant suivre M.

 22   l'Huissier, quitter le prétoire.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   [Le témoin quitte la barre]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je ne vous ai pas permis

 26   d'interrompre le Juge Fluegge, mais si vous voulez dire quelque chose qui

 27   pourrait nous aider à comprendre ces tableaux, vous pouvez maintenant le

 28   faire en l'absence du témoin.


Page 38202

  1   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pense que le

  2   témoin a répondu à la dernière partie de la question où elle dit, je crois

  3   que ces personnes ont été retrouvées sur le territoire des municipalités en

  4   Serbie. Si on a un nombre qui est lié à la Serbie au lieu d'indiquer la

  5   localité en Serbie pour que celui qui lit le rapport comprenne que ces

  6   personnes ont été retrouvées en Serbie pour pouvoir quelle est la distance

  7   par rapport à Srebrenica, ils ont indiqué dans une catégorie commune, où il

  8   est dit "retrouvé moins de 20 personnes", par quoi on dissimule le fait

  9   qu'ils ont été retrouvés à Serbie et non pas en Bosnie.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ce n'est pas ce que le témoin a

 11   dit au début. Elle a dit que ces localités n'étaient pas incluses dans le

 12   rapport.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Elle a raison pour dire cela.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien que le nombre total est

 15   exactement le même.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et j'ai voulu voir si elle pouvait

 18   nous fournir une explication pour ce qui est du nombre moins de 20, j'ai

 19   obtenu réponse à cette question.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

 21   Mais le seul problème à mes yeux, c'est que l'on dit que des localités ont

 22   été mises, en tout cas c'est ce qui est dit en langue anglaise, même si les

 23   localités ne portent que sur le nom de la localité, et pas sur la localité.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le nombre des personnes portées

 25   disparues est représenté également au tableau 6B, même si dans le tableau

 26   6A, ils figurent en tant que personnes disparues dans certaines

 27   municipalités qui se trouvent en Serbie, en tout cas il y en a certains qui

 28   figurent dans ce tableau 6A, ce qui montre un chiffre inférieur à 20, et


Page 38203

  1   ensuite il y a appariement des deux tableaux, le 6A et 6B, et ceci est

  2   particulièrement nécessaire pour la Chambre, parce que toutes les localités

  3   serbes correspondent à des nombres de personnes disparues, enfin il y en a

  4   20, donc des nombres peu importants, mais il y a possibilité de

  5   reconstitution à partir du premier tableau, qui comporte des municipalités

  6   en Serbie, tout cela dans le but de permettre de déterminer exactement si

  7   les personnes portées disparues se trouvaient en Bosnie-Herzégovine ou si

  8   elles figuraient parmi les nombres assez peu élevés de personnes déclarées

  9   portées disparues en Serbie.

 10   Ça, c'est déjà quelque chose.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Oui. Mais nous ne savons pas dans quels

 12   endroits en Serbie.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne le savons pas, je suis d'accord

 14   avec vous. Si l'on considère le nombre total et qu'on constate qu'il est le

 15   même, même si nous ne connaissons pas le lieu exact mentionné au tableau

 16   6A, il semble que ces renseignements correspondent exactement à ce dont la

 17   Chambre a besoin pour déterminer si ces localités se trouvent à une

 18   certaine distance de Srebrenica ou tout près de Srebrenica. Mais, bien sûr,

 19   c'est un autre élément à prendre en considération.

 20   Nous allons en rester là. Nous allons faire la pause, retour à 13 heures

 21   45.

 22   --- L'audience est suspendue à 13 heures 23.

 23   --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons l'entrée du témoin dans

 25   la salle.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez procéder.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demande que


Page 38204

  1   l'on affiche la page 14 de la version anglaise, page 16 de la version

  2   serbe, et que l'on examine ce tableau 5 qui figure dans ces pages.

  3   Q.  Il y a quelques instants, Madame, vous nous avez dit que l'Accusation

  4   avait étendu les plages temporelles pour qu'elles atteignent l'année 1996.

  5   Je crois voir ici un tableau cité dans le rapport qui fournit l'information

  6   selon laquelle le pourcentage des victimes figurant sur la liste de

  7   l'Accusation et les dates de disparition pour leur part se situent entre

  8   les mois de juillet 1995 et vont jusqu'à avril 1996.

  9   Est-ce que vous avez quoi que ce soit que vous aimeriez nous dire par

 10   rapport aux experts de l'Accusation et à leur utilisation de cet espace

 11   temporel en rapport avec cette partie du rapport ?

 12   R.  Eh bien, non. Ce que j'essaie de dire, c'est que ceci est l'un des cas

 13   montrant que les experts de l'Accusation souhaitaient gonfler au maximum le

 14   nombre de victimes - enfin, vraiment, je pense que c'est cela qui était

 15   leur désir - avec des chiffres sans importance significative sur le plan

 16   statistique. Bien entendu, il est important, lorsqu'on parle de décès en

 17   tant que tel, de déterminer le nombre des victimes. Mais alors, dans ce

 18   cas, pourquoi est-ce que cela est fait de cette façon, c'est ça que je ne

 19   comprends pas. Quand on fournit un cadre déterminé, les experts de

 20   l'Accusation, après avoir fourni ce cadre, auraient dû dire : J'ai agi de

 21   telle et telle façon pour telle et telle raison et j'ai agi autrement pour

 22   telle et telle raison. Si je ne m'abuse, les événements de Srebrenica se

 23   situent au mois de juillet. Alors, pourquoi tous ces détails au sujet

 24   d'avril 1996, vraiment, je ne comprends pas.

 25   Q.  Page 23 en anglais et page 27 en serbe sur les écrans, je vous prie. On

 26   voit là le tableau numéro 10.

 27   Dans le tableau 10B en anglais, qui se trouve à la page suivante -- mais

 28   enfin, pour l'instant, travaillons avec ce que nous montre l'écran en ce


Page 38205

  1   moment.

  2   Professeur, par rapport au tableau qui figure actuellement sur -- ce

  3   tableau, lui-même divisé en deux parties, qu'est-ce que vous souhaiteriez

  4   mettre en exergue à notre intention qui démontre les préoccupations que

  5   vous avez éprouvées à la lecture du rapport des experts de l'Accusation ?

  6   R.  Ici, nous voyons un tableau où l'on voit la répartition des données par

  7   les experts de l'Accusation. Et donc, dans ce tableau, on voit que

  8   Srebrenica est divisé en cinq municipalités et qu'il figure également la

  9   mention "municipalités supplémentaires". Mais encore une fois, nous ne

 10   savons pas exactement ce que sont ces municipalités supplémentaires, sauf à

 11   savoir qu'elles figurent dans ce tableau et qu'il y a également des

 12   municipalités qui font partie de la Serbie. Et ceci me préoccupe beaucoup.

 13   Nous voyons 24 cas dans ce tableau qui ne sont pas clairs. Ce n'est pas un

 14   travail suffisamment professionnel, à mon avis, de parler de municipalités

 15   restantes ou supplémentaires par rapport à la municipalité de Srebrenica.

 16   Alors, il y a un point qui est particulièrement intéressant, c'est le point

 17   relatif aux personnes portées disparues et aux personnes décédées selon les

 18   groupes ethniques à partir de 1991. Comment est-ce que les experts de

 19   l'Accusation ont pu obtenir ces éléments au sujet des groupes ethniques ?

 20   En appariant le groupe ethnique avec les résultats du recensement de

 21   population. Mais pour autant que je puisse le constater, on ne trouve dans

 22   le recensement aucune référence à l'appartenance ethnique. Toutefois, on

 23   peut se demander dans ces conditions comment les experts de l'Accusation

 24   sont parvenus à obtenir ce renseignement sur l'appartenance ethnique. Le

 25   problème c'est qu'ils affirment que sur leur liste de victimes figurent 7

 26   428 noms, et le recensement de la population étant pris en compte, ils

 27   procèdent à une répartition de ces noms selon les municipalités dont les

 28   noms sont fournis par eux. Eux-mêmes disent qu'ils n'ont pas procédé à


Page 38206

  1   l'appariement d'un millier de cas personnels. Je ne vois pas s'il s'agit de

  2   1 013 ou d'un chiffre différent, mais en tout cas un millier de personnes

  3   sont concernées. Donc, ils n'ont pas respecté eux-mêmes leur propre

  4   méthodologie. Leur méthode disait la chose suivante. Afin de prouver que

  5   les personnes en question ne sont pas des personnes fictives, celles dont

  6   les noms figurent sur notre liste, et que nous nous occupons bien de

  7   personnes réelles, nous avons procédé à l'appariement de cette liste par

  8   rapport au recensement de la population parce que le recensement de la

  9   population contient des noms de personnes bien réelles qui étaient vivantes

 10   en 1991, et nous n'avons pas réussi à découvrir 1 000 personnes

 11   correspondant aux noms que nous avions. Donc, il y a 1 000 personnes qui

 12   sont inconnues. Ils ne sont pas parvenus à obtenir des résultats effectifs

 13   après comparaison de leur liste au recensement de la population, et ce,

 14   pour un nombre très élevé de cas. Donc, selon la méthode qu'ils ont

 15   appliquée, quelle que soit la situation, il existe encore des noms qui ne

 16   correspondent pas à des personnes réelles. Comment est-ce que les experts

 17   de l'Accusation décrivent le fait qu'ils ont pris en compte quelque chose

 18   qui d'après leur propre méthodologie est démontré comme n'étant pas

 19   nécessaire ? Comment est-ce qu'ils prouvent que ces 1 000 personnes étaient

 20   des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ? Je peux admettre, parce que plus

 21   tard des Musulmans ont également été pris en compte dans les données, qu'il

 22   peut y avoir des victimes qui étaient d'appartenance ethnique musulmane de

 23   Bosnie et qui figuraient au nombre des victimes de Bosnie-Herzégovine. Mais

 24   je ne sais pas si dans les cas dont nous parlons jusqu'à présent il s'agit

 25   de Musulmans de Bosnie. C'est possible. Mais, en tout cas, si ce ne sont

 26   pas des citoyens de Bosnie-Herzégovine, comment est-ce que leur prise en

 27   compte peut modifier la situation par rapport à tout ce qui s'est passé à

 28   Srebrenica ? L'expert de l'Accusation s'est efforcé de calculer toutes


Page 38207

  1   sortes d'éléments et a suivi deux méthodes différentes - nous reviendrons

  2   sur ce point plus tard - avec et sans appariement de ces cas personnels.

  3   Alors, voilà la situation dont je parle. Les experts de l'Accusation n'ont

  4   pas respecté leur propre méthodologie.

  5   Q.  Si l'on pouvait --

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour que tout soit clair au compte

  7   rendu d'audience, un nombre inexact a peut-être été consigné au compte

  8   rendu. Je ne vois pas le chiffre en question sur la page qui nous est

  9   montrée à l'écran. Vous avez parlé de 24 cas -- je n'ai pas très bien

 10   compris.

 11   Vous parliez des municipalités restantes dans le premier tableau de cette

 12   page ? Ou bien est-ce que vous avez dit 124 ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de 124 municipalités, mais je n'ai

 14   peut-être pas parlé suffisamment près du micro ou prononcé suffisamment

 15   clairement. Cent vingt-quatre municipalités restantes sont citées dans ce

 16   tableau.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. La correction a été apportée au

 18   compte rendu d'audience.

 19   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous agrandissions à

 20   l'écran la colonne qui figure sous connu et inconnu dans la version

 21   originale en B/C/S. Le chiffre de 1 000, je ne vois pas où il se trouve. Je

 22   vois 1 013, qui est un peu supérieur à 1 000.

 23   Q.  Est-ce que ceci vous aide à déterminer le nombre exact des cas des

 24   personnes inconnues ?

 25   R.  1 001.

 26   Q.  Si nous nous concentrons sur ces 1 001 personnes qui, selon la méthode

 27   mise en œuvre par les experts de l'Accusation, ne semblent pas avoir de

 28   correspondance au sein du recensement, j'aimerais que nous examinions le


Page 38208

  1   tableau 10B, qui se trouve dans la page suivante en anglais mais dans la

  2   même page en B/C/S. Donc, que l'on affiche la page suivante en anglais,

  3   avec un agrandissement de la note que l'on voit en dessous de la mention

  4   10B. Et nous constatons que les chiffres correspondant aux municipalités

  5   ont été ajustés par prise en compte des données sans correspondance, et ce,

  6   municipalité par municipalité en 1991, par rapport au lieu de résidence et

  7   à l'appartenance ethnique.

  8   Professeur, quel genre de méthode a été utilisée dans ce document pour

  9   rétablir ces 1 001 personnes inconnues dans les municipalités dont les noms

 10   figurent sur la liste, en dépit du fait qu'il n'avait pas été possible de

 11   procéder à un appariement par rapport au recensement ?

 12   R.  La méthode proportionnelle. Une méthode proportionnelle, cela sous-

 13   entend que vous connaissez une masse déterminée correspondant à certaines

 14   données et qu'il y a une autre masse d'élément que vous ne connaissez pas.

 15   Ici, nous voyons qu'un nombre déterminé de victimes est cité à Srebrenica,

 16   Bratunac, et cetera, et que le total atteint un pourcentage de 100 %. Et

 17   puis, nous calculons le nombre correspondant à, disons, 30 % du total pour

 18   Srebrenica.

 19   Donc, dans cette masse inconnue de 1 001 individus, nous prenons 30

 20   %, à savoir 300 individus, que nous situons à Srebrenica. Ensuite, nous

 21   prenons le cas de Vlasenica, qui fait, disons, 20 % du total. Nous écartons

 22   de ce qui reste de la masse inconnue -- du total inconnu d'individus, nous

 23   écartons 20 % que nous situons à Vlasenica. Voilà, c'est donc ça la méthode

 24   proportionnelle, où on utilise des proportions par rapport à des éléments

 25   chiffrés connus et on les transpose sur le total des éléments inconnus. Et

 26   cette méthode a été abandonnée il y a très longtemps déjà.

 27   Selon les recommandations des Nations Unies, la méthode des

 28   projections ne doit pas être utilisée, en particulier lorsqu'elle porte sur


Page 38209

  1   des structures d'âge. Elle est exclue précisément parce que c'est une façon

  2   de cibler un certain nombre d'individus dans le but d'obtenir des résultats

  3   souhaités. C'est la raison pour laquelle les recommandations des Nations

  4   Unies considèrent que cette méthode ne doit pas être utilisée. Tous les

  5   questionnaires doivent être remplis, et s'il y a évaluation, elle doit se

  6   faire par la méthode proportionnelle appliquée depuis 2000 et appliquée à

  7   tous les pays qui mènent des recensements. Dans les données chiffrées les

  8   plus récentes, vous ne trouvez aucune donnée dès lors qu'on est en présence

  9   d'une tranche d'âge ou d'un âge qui n'a pas pu être déterminé. Dans les

 10   recensements de 1971, 1981, 1991, on trouve la mention "âge inconnu", mais

 11   ceci uniquement pour continuer à se situer dans la marge d'erreur

 12   autorisée.

 13   Q.  Professeur, votre avis consiste à dire que la démarche

 14   proportionnelle appliquée à ces 1 001 individus inconnus n'aurait pas

 15   permis de trouver des correspondances par rapport aux chiffres du

 16   recensement; c'est bien cela ?

 17   R.  Eh bien, c'était impossible. On ne peut pas procéder à un

 18   quelconque appariement dans ces conditions. Les experts ont démontré que

 19   cet appariement était impossible. Et lorsqu'il est impossible d'apparier,

 20   comment est-ce qu'on peut déterminer que toutes ces personnes résidaient en

 21   Bosnie-Herzégovine en 1991 ? La méthode des experts de l'Accusation

 22   stipulait que s'il n'y avait pas possibilité d'appariement, il était

 23   impossible de démontrer que ces personnes  résidaient en Bosnie-Herzégovine

 24   en 1991. Il aurait été professionnel de la part des experts de l'Accusation

 25   d'exclure ces 1 001 individus. Je ne dis pas cela parce que les experts de

 26   l'Accusation auraient, dans ces conditions, obtenu un chiffre inférieur,

 27   mais je dis qu'au moins ils auraient dû expliquer pourquoi ils ont agi

 28   comme ils l'ont fait. S'il y avait 1 001 personnes qui ne correspondaient à


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  1   rien dans le recensement, d'où venaient ces personnes ? Comment a-t-on

  2   déterminé le chiffre de 1 001 ? Est-ce que l'appariement a été réalisé de

  3   façon erronée ? Ou est-ce que les sources étaient mauvaises ? Comment se

  4   fait-il que ce chiffre de personnes ne pouvant faire l'objet d'un

  5   appariement ne correspondait à aucun des critères des experts de

  6   l'Accusation ? Une explication, au moins, aurait dû être nécessaire pour

  7   expliquer pourquoi, à partir du premier rapport d'expert et jusqu'au

  8   dernier rapport d'expert de l'Accusation, ces personnes continuaient à

  9   figurer comme personnes inconnues.

 10   Q.  Passons à la page suivante en serbe. Restons sur la même page en

 11   anglais. J'aimerais que nous examinions le tableau suivant, le tableau

 12   numéro 11.

 13   Que pouvez-vous nous dire sur la façon dont les experts de

 14   l'Accusation ont présenté la segmentation de la population qui a été

 15   répartie en groupes de personnes aptes et groupes de personnes inaptes ?

 16   R.  Eh bien, ce tableau est le fruit, absolument, d'une manipulation

 17   consciente. Il concerne l'ensemble des rapports des experts de l'Accusation

 18   depuis le premier jusqu'au dernier.

 19   Pourquoi est-ce que je parle de manipulation ? Parce que dans le

 20   tableau qui nous est présenté ici, nous n'avons que des chiffres relatifs.

 21   On ne trouve nulle part un chiffre absolu. Or, les chiffres relatifs

 22   peuvent être soumis à une méthode déterminée qui permet de les obtenir à

 23   partir de chiffres absolus. Regardez ce qui se passe au niveau de la

 24   première rubrique intitulée : Population. Et puis, période prise en compte,

 25   1995. Et ensuite, on voit que la tranche d'âge va de dix ans à 25 ans.

 26   Alors, comment est-ce que l'expert peut savoir quelle est la plage d'âges

 27   prise en compte ? Pour ce faire, il aurait fallu que l'expert dispose du

 28   total de la population en 1995 sur cette masse représentée par le total de


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  1   la population pour chacune des municipalités. Et pour le total des

  2   municipalités, il aurait fallu présenter l'âge. Par exemple, j'ai un

  3   contingent de population de personnes dont l'âge varie entre 10 et 14 ans,

  4   et je trouve un total de victimes pour Srebrenica de X. Mais l'expert, s'il

  5   avait voulu obtenir de bons résultats - et il aurait dû dans ce cas

  6   recevoir une médaille - aurait dû utiliser les méthodes qui sont appliquées

  7   sur les chiffres concernant la population et qui sont particulièrement

  8   complexes. Parce que l'élément principal, c'est qu'il faut toujours partir

  9   d'une base. La base en question peut être le recensement de population en

 10   1991. A partir de ce recensement, on peut parvenir au dernier recensement

 11   en date. Et donc, quand on a le total de la population selon le recensement

 12   de 1991, on doit ensuite ajouter toutes les personnes nées en 1992, 1993,

 13   1994, 1995, et puis ajouter tous les décès de 1992, 1993, 1994, 1995. Et

 14   c'est en agissant ainsi qu'on obtient le nombre total des personnes

 15   figurant dans cette tranche d'âge. Et puis, il aurait fallu qu'on dispose

 16   des chiffres relatifs à la migration pour obtenir le pourcentage de

 17   migration. On aurait pu dire dans ces conditions, en 1992, il y a eu

 18   immigration de tel chiffre et émigration de tel chiffre de Srebrenica.

 19   Lorsqu'on fait la différence entre les deux, on obtient le solde.

 20   Il n'existe nulle part dans ces rapports les nombres statistiques

 21   relatifs aux naissances en 1992, 1993, 1994, 1995 dans ces municipalités,

 22   et on n'a pas non plus le solde des migrations. Et d'ailleurs, même si on

 23   n'a pas le solde des migrations, on peut toujours voir la croissance

 24   naturelle de la population, mais on n'a pas ces données-là non plus dans

 25   les rapports des experts de l'Accusation. S'ils avaient disposé de ces

 26   chiffres, ils auraient pu dire : Eh bien, voilà, en 1992, il y a eu tel et

 27   tel nombre de naissance et tel et tel nombre de décès à Srebrenica, en

 28   1993, en 1994. Et ensuite, il y a le fait que les structures de personnes


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  1   vivantes se déterminent en partant de zéro et en ajoutant tous les ans les

  2   naissances avec retrait du point de départ d'une année pour chaque année

  3   écoulée. Parce qu'il faut aussi déterminer la période temporelle de l'étude

  4   statistique concernant une année. Si on a une année déterminée, on a des

  5   gens qui en cette année-là ont 45, 46, 47, 48 et 49 ans, par exemple. Mais

  6   les années précédentes, les catégories des personnes ayant ces âges-là

  7   étaient différentes, parce que les personnes qui ont pris un an entre 1994

  8   et 1995 et qui ont atteint 50 ans ne font plus partie des personnes dans

  9   l'âge maximum est 50 ans puisqu'elles passent dans la catégorie des 51 ans.

 10   Autrement dit, c'est la différence entre naissances et décès que l'on

 11   peut établir la structure des âges. Et puisque les experts de l'Accusation

 12   ont arrêté leur étude en 1995, il aurait été bon qu'ils nous expliquent les

 13   choses sur ce plan. Ils n'apportent pas ces explications. Mais à la page

 14   précédente du rapport, l'expert nous dit qu'il a obtenu ces résultats en se

 15   fondant sur la structure des âges et sur les éléments chiffrés issus du

 16   recensement de 1991. Et là encore, quand on a quelqu'un qui faisait partie

 17   de la catégorie 45-49 ans en 1991, en 1995 il n'est plus dans cette

 18   catégorie. Il n'a plus le même âge. En 1995, il est passé dans la catégorie

 19   50-54 ans. Si les victimes de Srebrenica, pour lesquelles on a calculé quel

 20   était leur âge en 1995, avaient été mises en rapport avec le nombre des

 21   habitants en 1991, eh bien, on compare des serviettes et des torchons. En

 22   1995, si j'ai 50 et quelques années, on ne peut pas me rechercher dans la

 23   catégorie dans laquelle je figurais il y a cinq ans en 1991. C'est

 24   impossible. C'est inacceptable. Donc, ici, nous avons une pure et simple

 25   manipulation, et je suis profondément convaincu que le Pr Brunborg et le Pr

 26   Tabeau savent pertinemment que ces calculs qui figurent ici n'ont pas le

 27   moindre rapport avec les méthodes statistiques utilisées où que ce soit.

 28   Or, ils prétendent en plus être des scientifiques. Le tableau que nous


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  1   voyons ici, qui ne présente que des chiffres relatifs, existe dans tous les

  2   rapports précédents. Dans les affaires précédentes où j'ai témoigné, j'ai

  3   opposé une objection à ces tableaux. J'ai posé la question de savoir sur

  4   quoi les calculs s'étaient fondés, comme je viens de l'expliquer ici. Et la

  5   seule modification qui a été apportée, c'est que dans le tableau qu'on a

  6   ici, maintenant, on avait l'âge en 1991 au lieu de 1995. Alors, la seule

  7   modification, c'est qu'au lieu de voir âge en 1991, on a l'âge en 1995 sur

  8   le tableau, ici. Mais dans la page précédente, on vous explique que quand

  9   même, on ne parle pas de 1995, mais bien de 1991. Et la seule petite

 10   amélioration, c'est qu'aujourd'hui, on a les tableaux divisés en deux

 11   parties où l'on voit d'une part les chiffres incluant les 1 001 personnes

 12   qui ne sont pas censées être en Bosnie-Herzégovine. Et dans l'autre, on

 13   montre les chiffres avec ces personnes. Et un profane y compris

 14   comprendrait qu'il y a quelque chose là qui ne va pas. Et si l'on regarde

 15   les choses d'un peu plus près, comme vous allez sûrement le faire, vous

 16   verrez à quel point il s'agit d'une manipulation. Parce qu'un total, ça

 17   signifie une masse de population. Et dans ce tableau, le total aurait dû

 18   être la masse totale de population en 1991 dans cette tranche d'âge. Mais

 19   nous ne savons pas quelle est la tranche d'âge. Est-ce que c'est de 0 à 90

 20   ans ou de 0 à 10, on ne sait pas. Ce total devient la base à partir de

 21   laquelle, étant donné qu'on connaît le nombre des victimes, on peut

 22   déterminer la part de victimes pour chaque municipalité. Les experts de

 23   l'Accusation nous disent, à Srebrenica, le pourcentage est de 34 virgule

 24   quelque chose, à Vlasenica de 19 virgule quelque chose, à Han Pijesak,

 25   8,6 %. Et quand on fait le total de tous ces pourcentages pour toutes les

 26   municipalités figurant dans le tableau, on n'arrive pas à un total de 100

 27   %. On arrive à un total de 75 %.

 28   Alors, où se trouve le reste de la population ? Cela, ce n'est pas


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  1   expliqué.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où se trouve le 75 % ? J'aimerais

  3   essayer de vous suivre, Madame.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on fait le total de 34,2 %, plus 19,4 %,

  5   plus 11,3 % plus --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …mais ne me donnez pas de chiffres, de

  7   pourcentages, dites-moi quels sont exactement les chiffres que vous

  8   additionnez. Dans quelle colonne du tableau ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Le tableau 11. On a à la fin du tableau la

 10   rubrique "total". Et dans ce total, on a les pourcentages.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, maintenant, je vois.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] On trouve le pourcentage des victimes par

 13   rapport au total des habitants. Le total des habitants qu'on ne connaît

 14   pas. Mais, en tout cas, en pourcentages, donc en total relatif, il faut

 15   qu'on obtienne un pourcentage de 100 %. Or, les experts de l'Accusation

 16   nous donnent des pourcentages de 34,2, 19,4, 11,3, et cetera, si l'on prend

 17   tous les pourcentages dans cette colonne, on obtient un total de 75 % et

 18   pas de 100 %.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, encore une fois, où est-ce qu'on

 20   trouve tout cela ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous le voyez, dernière colonne, là où il est

 22   écrit total. Dernière colonne du tableau.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je vais faire le calcul, maintenant.

 25   Voilà, ça y est. Alors, si vous additionnez tous ces chiffres en ne tenant

 26   pas compte de la première colonne, on arrive au chiffre de 75,4 %. Si on

 27   prend le total, évidemment, ça doit correspondre à 100 %, quelle que soit

 28   la masse dont on tient compte dans le calcul. L'expert aurait dû dire qu'il


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  1   ne parlait que d'une population entre l'âge de 10 et 89 ans. L'expert

  2   aurait pu analyser l'ensemble de la population de 0 à 89.

  3   C'est précisément parce qu'il transpose les calculs qu'il obtient ces

  4   poires à partir de pommes.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne sais pas si vos calculs sont

  7   exacts. Le calcul n'est pas exact. Mais cela ne correspond effectivement

  8   pas à 100 %.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Moi, j'obtiens 89,6 %.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne devriez pas prendre en compte le 14,2

 11   qui correspond au total pour toutes les municipalités. C'est ce qui

 12   correspond à toutes les municipalités dans ce total. Vous ne devez tenir

 13   compte dans vos calculs que des municipalités de Vlasenica, Zvornik,

 14   Bratunac, Srebrenica, et cetera. Et les autres correspondent au total de

 15   ces municipalités par tranches d'âge.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce pourcentage porte-t-il sur le

 17   nombre de victimes ou sur le nombre de victimes retrouvées à Vlasenica,

 18   Zvornik, Bratunac, Srebrenica et Han Pijesak ?

 19   Car, bon, le fait de savoir si vous retombez sur ces 100 %, tout dépend du

 20   total pris en compte.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ces chiffres auraient dû être calculés à

 22   partir des victimes qui figurent sur la liste du bureau du Procureur, 7 000

 23   et quelques, et divisés ou répartis entre les différentes municipalités.

 24   Donc, le nombre d'années qui est indiqué ici, il devrait y avoir des

 25   chiffres absolus qui correspondent à l'année 1995. Donc, je veux parler de

 26   chiffres absolus.

 27   Donc, l'expert devait certainement savoir quel était le pourcentage de la

 28   population par tranches d'âge dans différentes municipalités. A Srebrenica,


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  1   en 1995, par exemple, il y avait une population totale de 20 000 habitants,

  2   dont 100 qui étaient âgés entre l'âge de 0 à 10, et cetera. Et ensuite,

  3   additionner les chiffres jusqu'à obtenir 20 000. Et ensuite, vous dites des

  4   victimes entre l'âge de 10 à 14 ans. Cinq qui sont âgées de 10 à 14 ans. 25

  5   qui sont âgées de 25 à 19. Et donc, dans cette masse totale correspondant à

  6   chaque municipalité, on recherche la part que représente une tranche d'âge

  7   donnée. Et ensuite, c'est intéressant, par exemple, la tranche d'âge qui va

  8   de 45 à 49, 10,4 %, c'est ce qui est indiqué ici, 10,4 % à Srebrenica. Sur

  9   l'ensemble total de la population masculine, 5,4 % [comme interprété] ont

 10   été tués. En 1992 [comme interprété], il y avait 808 hommes à Srebrenica

 11   qui avaient cet âge. En 1995, nous n'avons aucune idée. L'expert aurait dû

 12   démontrer cela, et il devrait nous dire dans ce cas-là, nous avons 800,

 13   nous avons 900, nous avons 300, le chiffre de 300, à ce moment-là nous

 14   saurions.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous nous avez donné de quoi

 16   réfléchir il y aura peut-être d'autres questions demain matin. Nous allons

 17   lever l'audience maintenant. Madame Radovanovic, nous souhaitons vous

 18   revoir demain matin à 9 heures 30 dans ce même prétoire. Mais avant de

 19   quitter le prétoire, je souhaite vous donner les instructions suivantes,

 20   vous ne devez vous entretenir ou communiquer avec personne concernant le

 21   sujet de votre déposition, qu'il s'agisse de la déposition que vous avez

 22   donnée aujourd'hui ou que vous donnerez encore demain.

 23   Si cela est clair, vous pouvez suivre l'huissier.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait clair. Merci.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience, et nous

 27   reprendrons demain, le mardi, 25 août, à 9 heures 30, dans ce même

 28   prétoire.


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  1   --- L'audience est levée à 14 heures 22 et reprendra le mardi 25 août 2015,

  2   à 9 heures 30.

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