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1 Le mercredi 7 décembre 2016
2 [Réquisitoires]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 Veuillez citer l'affaire, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. IT-09-92-T,
9 le Procureur contre Ratko Mladic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
11 Pas de questions préliminaires, donc nous pouvons poursuivre avec le
12 réquisitoire. Merci.
13 Monsieur Weber, c'est à vous.
14 M. WEBER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
15 Hier lorsque nous nous sommes arrêtés, nous avons abordé l'impact de la
16 campagne et les effets que cette campagne a eu sur les enfants. C'est là où
17 je vais reprendre aujourd'hui.
18 En 1994, l'UNICEF a rapporté qu'au moins 40 % des enfants de la ville
19 avaient été touchés directement par des tireurs embusqués; 39 % avaient vu
20 devant leurs yeux un ou plusieurs membres de leur famille tués; et 73 % ont
21 vu leurs foyers attaqués ou pilonnés. Confer pièce P7171, page 9.
22 Outre les tirs embusqués, la SRK a attaqué des civils dans une campagne de
23 pilonnage qui a pris certaines formes, notamment des bombardements en masse
24 qui ont tapissé la ville; la prise pour cible sporadique et intentionnelle
25 de zones civiles avec simplement quelques obus; et le déploiement de bombes
26 aériennes modifiées. Les obus de la SRK n'ont épargné quasiment aucun
27 quartier de la ville. L'Accusation a fourni des exemples représentatifs de
28 chacune de ces formes de pilonnage aux paragraphes 922 à 1 002 de son
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1 mémoire en clôture. Les obus de la SRK prenaient pour cible très souvent
2 des quartiers résidentiels ou commerciaux. Les obus ont touché des hôpitaux
3 alors que les personnes assistaient à des enterrements, les mortiers de la
4 SRK ont touché des civils lors des activités quotidiennes de la population,
5 en allant chercher de l'eau, ou faisant la queue pour de l'eau, faisant
6 leurs courses dans les marchés, ou étant dans des longues files d'attente
7 pour de la nourriture ou d'autre aide humanitaire.
8 Les quartiers résidentiels, les mosquées, et les sites culturels n'ont pas
9 été épargnés non plus; au lieu et place de cela, ils ont été fortement
10 endommagés par les bombardements de la VRS. Confer les exemples P1888,
11 P6682, et P7683.
12 Après des années de pilonnage avec des mortiers, des tirs d'artillerie, et
13 des roquettes, le général Mladic a accru la capacité destructrice de la SRK
14 entre 1994 et 1995 en déployant des bombes aériennes modifiées qui ont été
15 lancées de façon indiscriminée sur les quartiers résidentiels de la ville.
16 Mladic et Perisic ont conçu ces dispositifs, et c'est Mladic
17 personnellement qui a approuvé le lancement de ces derniers. L'Accusation
18 souhaite renvoyer la Chambre à ces éléments-là aux paragraphes 749 à 753 de
19 son mémoire en clôture.
20 Même certains des témoins à décharge ont reconnu l'impact terrible qu'ont
21 eu le pilonnage et les tirs embusqués de la VRS dirigés contre la
22 population de la ville. Kecmanovic, à la page 23 881, a confirmé ce que
23 c'était de vivre avec ce sentiment que votre ville faisait l'objet de tirs
24 d'obus de façon aléatoire, qui semait la terreur. GRM097, à la page 40 160,
25 était d'accord pour dire que le général Mladic faisait usage de la terreur
26 et l'utilisait comme arme en prenant pour cible des civils. Même l'expert
27 de la Défense Kovic a reconnu devant la Chambre à la page 41 986 que
28 l'effet de la campagne de Sarajevo était de terroriser la population.
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1 Je vais maintenant passer au mémoire en clôture de la Défense s'agissant de
2 la campagne.
3 Dans son mémoire, et plus particulièrement aux paragraphes 1 327, 1 741, et
4 1 800, 1 848, la Défense nie que la SRK ait commis l'une quelconque de ces
5 actions et fournit un récit de la participation de l'accusé aux événements
6 de Sarajevo, dans un cas c'est celui d'un héros qui a sauvé la ville et qui
7 a maintes reprises tenté d'assurer la sécurité des personnes se trouvant à
8 Sarajevo, et il s'est assuré "du bien-être des civils de Sarajevo".
9 Ces déclarations sont très éloignées de la vérité.
10 A l'appui de cela, la Défense cite quelques exemples de la gentillesse de
11 Mladic au cours de cette campagne. Alors, dans l'ordre :
12 La Défense avance aux paragraphes 1 803 à 1 804 que le général Mladic a
13 proposé l'ouverture de l'aéroport comme un "geste de bonne volonté" pour
14 garantir le passage des convois d'aide humanitaire pour que ceux-ci
15 puissent parvenir aux civils et a ordonné qu'aucune balle, pas une seule
16 balle ne devait être tirée sur l'aéroport. Ces arguments ne cadrent pas du
17 tout avec les éléments de preuve en l'espèce qui montrent que Mladic et
18 Karadzic n'ont cessé d'utiliser l'aide humanitaire comme instrument. Même
19 après avoir remis le contrôle de l'aéroport à la FORPRONU, Karadzic a
20 menacé des représentants officiels des Nations Unies au mois de septembre
21 1994 et a dit que :
22 "Dans le cas où l'embargo sur les armes serait levé, les Serbes prendraient
23 en otage les Casques bleus des Nations Unies, abattraient de nombreux
24 avions" --
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous dites dans le cas où
26 l'embargo sur les armes serait levé ?
27 M. WEBER : [interprétation] Tout à fait.
28 "Abattraient de nombreux avions et arrêteraient tous les étrangers."
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1 Pièce P840.
2 Plus tard au cours du même mois, alors que Mladic se trouvait à Lukavica,
3 la FORPRONU a rapporté que la VRS avait reçu des ordres aux fins d'ouvrir
4 le feu sur tous les aéronefs parce que Mladic souhaitait "montrer sa
5 détermination car il souhaitait fermer l'aéroport et restreindre la liberté
6 de circulation." P629.
7 Et ensuite, nous disposons d'éléments de preuve indiquant que la SRK
8 actuellement tirait sur des avions, au mois de mars 1995 lorsque l'avion
9 d'Akashi a été tiré par une mitrailleuse lourde après avoir atterri à
10 l'aéroport. P872, paragraphe 99, et pièce à conviction P880.
11 Cette description ne peut pas correspondre à la réponse du commandant de la
12 SRK de Mladic eu égard aux protestations contre les tirs embusqués
13 délibérés contre les civils qui traversaient l'aéroport. Dans une telle
14 réponse, Galic a clairement indiqué à Abdel-Razek que si les civils
15 continuaient à traverser l'aéroport de la sorte, de son côté il
16 continuerait à leur tirer dessus. P293, paragraphes 91 et 104.
17 C'est précisément ce qui s'est passé. Lorsque les conditions étaient
18 devenues désespérées pour les civils ces derniers tentaient de passer la
19 nuit et de traverser l'aéroport au début de l'année 1993, et lorsque cinq à
20 30 civils ont été tués pendant la nuit par les forces de Galic, ceci a duré
21 pendant deux ou trois mois. Le tir des civils traversant l'aéroport est
22 abordé en détail aux paragraphes 689 du mémoire en clôture de l'Accusation.
23 Ces éléments de preuve sont contraires également à ce qu'avance
24 l'Accusation [comme interprété] au paragraphe 1 836 s'agissant de la
25 liberté de circulation des civils lorsque la Défense dit que les civils de
26 Sarajevo étaient "toujours autorisés" à circuler librement dans le
27 territoire détenu par la SRK et en sortir et il n'y a "jamais eu de blocus"
28 de la part de la SRK. La réalité sur le terrain était, bien entendu,
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1 différente. Le général Mladic en était fier, comme l'indique la
2 conversation téléphonique interceptée que nous avons évoquée plus tôt
3 lorsqu'il a dit qu'il avait bloqué Sarajevo de chaque côté, la ville était
4 piégée, il n'y avait aucun moyen de sortir.
5 La réalité des faits c'est que la SRK avait bloqué toutes les routes
6 entrant ou sortant de Sarajevo. Comme je l'ai déjà dit, les civils étaient
7 nombreux à traverser l'aéroport, ils tentaient désespérément d'avoir accès
8 à la liberté, et la SRK leur a tiré dessus avec des mitrailleuses. Ils
9 devaient accéder par l'intermédiaire d'un tunnel étroit qui a été
10 finalement construit sous l'aéroport et dont l'accès était restreint, et
11 donc il était difficile de passer par ce tunnel, comme l'a dit le témoin à
12 décharge Radojcic lui-même à la page 23 112.
13 Le manque de liberté de circulation des civils de Sarajevo est également
14 contredit par nombre d'ordres de la VRS, notamment les propres directives
15 de Mladic, qui à maintes reprises a ordonné à la SRK d'empêcher que la
16 ville ne soit débloquée et qu'il s'agissait de resserrer le cercle. Il y a
17 d'autres exemples, comme celles qui apparaissent maintenant sur cette
18 diapositive.
19 Il s'agit de la pièce P6523, un ordre de la SRK portant mission daté du
20 mois d'avril 1994, où Galic donne des instructions aux unités de la SRK,
21 "de fortifier les positions autour de Sarajevo en érigeant des barrières en
22 béton et en barbelé, ce qui permet de renforcer l'idée qu'ils sont vraiment
23 bloqués (dans un camp)."
24 Cette mission s'appliquait visiblement à la fois aux militaires et aux
25 civils qui se trouvaient au sein du cercle créé par la SRK. Comme l'a dit
26 le colonel Dragicevic, il était impossible d'encercler les forces de l'ABiH
27 sans pour autant encercler les civils si tant est que le SRK tentait de le
28 faire, ce qui a provoqué ce sentiment pour les civils de se trouver à
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1 l'intérieur d'un camp compte tenu de ces barrières en béton et en fil de
2 fer barbelé. Page 23 776 à 78.
3 La Défense affirme de façon tout à fait incroyable au paragraphe 1 817 que
4 Mladic "n'appuyait pas cela" ou ne donnait pas des ordres pour entraver le
5 passage des convois humanitaires. Cette Chambre a entendu de nombreux
6 éléments de preuve indiquant le contraire. Mladic contrôlait et a
7 délibérément manipulé l'approvisionnement d'aide humanitaire et des
8 services publics pendant toute la durée de la campagne, afin de restreindre
9 l'approvisionnement d'aide humanitaire au sein de la ville de Sarajevo.
10 D'après Banbury, la VRS a exercé un contrôle total sur les convois des
11 Nations Unies, et le général Mladic a fortement entravé l'approvisionnement
12 de cette aide humanitaire. Fraser a indiqué que Mladic a régulièrement
13 limité l'entrée de ces convois humanitaires et a décrit Mladic qui disait
14 que ces convois devaient être utilisés comme des pions, "et lorsque ces
15 personnes à l'intérieur de la ville n'auraient plus de nourriture, d'eau,
16 de carburant, cela me permettra de leur montrer qui contrôle les choses ici
17 et à ce moment-là il laissait passer un convoi." P576, paragraphe 137.
18 Un autre exemple qu'a fourni Fraser lorsque Mladic a menacé de limiter
19 l'entrée des convois à Sarajevo si aucune excuse n'était fournie par l'OTAN
20 pour ses frappes aériennes. Lorsqu'il n'y a pas eu d'excuse, Mladic a fermé
21 tous les postes de contrôle menant à Sarajevo. Page du compte rendu
22 d'audience 5 774.
23 La Défense avance ensuite aux paragraphes 1 827 à 1 829 de son mémoire en
24 clôture que le général Mladic a entrepris "toutes les actions nécessaires"
25 pour s'assurer que la ville de Sarajevo était approvisionnée en eau, en
26 gaz, et en électricité; et que "aucun ordre n'a été donné" pour que soient
27 coupés ces services dans les zones détenues par l'ABiH -- les quartiers
28 détenus par l'ABiH à Sarajevo. Ces affirmations de la Défense sont
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1 contredites par les nombreux éléments de preuve en l'espèce.
2 Mladic lui-même a donné ces ordres. Et vous avez à l'écran un ordre de ce
3 type. Il s'agit de la pièce P7406, le général Mladic a sans équivoque
4 ordonné "stopper immédiatement l'approvisionnement en eau, électricité, et
5 gaz aux quartiers musulmans de Sarajevo." Donc des ordres ont effectivement
6 été donnés et ces ordres émanaient de l'accusé.
7 Egalement, tout un chacun comprenait comment la VRS utilisait les services
8 publics de Sarajevo, même des représentants officiels qui se trouvaient sur
9 place, des Bosno-Serbes. Par exemple, à la pièce P6714, l'assemblée serbe
10 de la ville de Sarajevo s'est plainte auprès de représentants officiels de
11 la RS sur les dégâts provoqués au niveau des foyers serbes et comment ceci
12 avait un effet négatif sur les foyers serbes, c'est-à-dire qu'il s'agissait
13 de "faire baisser la tension et ensuite de faire remonter la tension dans
14 toute l'ex-Bosnie-Herzégovine (le fait de couper l'eau, l'électricité, et
15 le gaz)."
16 De même, Mladic a, à maintes reprises, proposé de démilitariser Sarajevo et
17 de placer des armes lourdes sous le contrôle de la FORPRONU, ceci n'est pas
18 exact. Paragraphe 1 809 du mémoire de la Défense. Cette affirmation est
19 invalidée par les circonstances en l'espèce, que des ordres ont été donnés
20 qui ne correspondaient pas -- parce que des armes ont été réinstallées et
21 montrent que ces propositions n'avaient pas été faites de bonne foi.
22 Les éléments montrent que l'état-major principal était d'accord sur lez
23 zones d'exclusion totale, car il s'agissait de concessions nombreuses au
24 plan humanitaire et militaire pour éviter que l'OTAN n'attaque suite à
25 l'événement de Markale I. Les moyens de preuve montrent également que le
26 Corps Sarajevo-Romanija n'avait pas l'intention de mettre en œuvre cette
27 zone d'exclusion totale. Comme c'est montré par des ordres internes,
28 puisqu'ils planifiaient de retirer des armes lourdes qui n'étaient pas
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1 opérationnelles alors qu'ils avaient en même temps l'intention de cacher
2 les autres armes lourdes qui étaient opérationnelles. Les ordres émanant de
3 l'état-major principal et du SRK ont dit expressément qu'il s'agissait
4 d'une "tactique de diversion" et c'était en 1994. La référence pour cela
5 est P730 et P4428 également. Un autre exemple P2249. Où il est montré qu'il
6 "fallait donner l'impression aux observateurs militaires qu'ils étaient en
7 train de retirer leurs armes lourdes."
8 De plus, la diminution du pilonnage après le pilonnage à Markale I était
9 accompagnée par le fait que les tirs isolés ont été intensifiés. Et le 19
10 mars 1994, les tirs isolés se sont intensifiés dans la ville. Thomas et le
11 Témoin RM163 [comme interprété] ont tous les deux témoigné qu'après la
12 création de la zone d'exclusion totale, les tirs isolés se sont intensifiés
13 et sont devenus une composante importante de la campagne. La SRK a eu
14 recours à des tirs isolés contre la population civile, puisqu'ils ne
15 pouvaient pas, provisionnement, avoir l'avantage d'utiliser leurs armes
16 lourdes.
17 La Défense cite les ordres du VRS à différentes parties de leur mémoire en
18 clôture et affirme que ces ordres étaient en quelque sorte des ordres à
19 disculper l'accusé. Par exemple, au paragraphe 2 437 dans leur mémoire en
20 clôture, la Défense dit que Mladic "a strictement interdit toutes les
21 offensives et a fait mettre en œuvre l'interdiction totale de prendre pour
22 cible des civils."
23 Et dans la pièce P812. C'est un ordre sur lequel la Défense se fonde
24 dans son mémoire en clôture pour dire que Mladic a instauré l'interdiction
25 absolue des offensives et de prendre pour cible des civils. Regardez le
26 texte de l'ordre, sous point 2, il est dit que toutes les actions
27 offensives doivent être entreprises avec l'approbation de l'état-major
28 principal. Et au point 3, Mladic dit qu'il faut interdire de tirer sur des
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1 civils "sans mon approbation".
2 Le général Smith à la page 7 462 a dit de façon succincte que lorsque
3 tout était fondé sur l'approbation du commandement supérieur "ce n'est pas
4 la même chose lorsqu'on dit que quelque chose est interdit".
5 Il ne s'agit pas des interdictions complètes et il ne s'agit pas
6 d'ordres de nature à disculper l'accusé. Cela montre que l'approbation
7 Mladic était nécessaire pour tirer sur des civils à Sarajevo, et la VRS
8 fonctionnait de cette façon-là.
9 Et ce type d'ordres sont traités plus en détail dans les paragraphes
10 637 à 644 et 646 à 650 de notre mémoire en clôture. Comme on peut voir dans
11 ces parties de notre mémoire en clôture, les documents sur lesquels la
12 Défense se fonde sont les documents qui montrent que Mladic modifiait la
13 campagne ou tentait de nier ou de rejeter les critiques de la communauté
14 internationale. Bien que la Défense essaie de décrire l'accusé en tant
15 qu'un homme gentil qui se soucie des civils, l'Accusation a montré que les
16 moyens de preuve démontrent quelque chose qui est tout à fait contraire.
17 Comme Mladic, par exemple, s'est vanté pendant un entretien enregistré en
18 disant :
19 "A chaque fois que je viens à Sarajevo, je tue quelqu'un au passage. C'est
20 pour ça que la circulation de Sarajevo était perturbée … des tirs isolés.
21 Je vais là-bas, mais pour abattre les Turcs, mais on s'en fiche."
22 C'est P1974.
23 Comme Mladic ne se souciait pas du bien-être des Musulmans à Sarajevo, il
24 l'a dit lui-même. Harland a expliqué aux pages 724 et 725, qu'il y avait un
25 lien direct entre les déclarations du général Mladic et de ce qui se
26 passait sur le terrain. Donc d'après ce que Mladic lui-même a dit et
27 d'après ce qu'il a fait lorsqu'il dirigeait les attaques sur les quartiers
28 civils de Sarajevo, il n'est pas étonnant de voir que la vie des civils à
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1 Sarajevo, selon Banbury, était presque insupportable.
2 En décrivant l'accusé en tant que commandant bienveillant qui contrôlait
3 parfaitement les tirs du SRK en les limitant et qui s'assurait que tout le
4 monde puisse se déplacer en liberté, la Défense met l'accent sur la
5 description du SRK en le démontrant en tant qu'une force réactionnaire qui
6 n'avait pas beaucoup de moyens à sa disposition. Et ces arguments nous
7 amènent à la conclusion ou ils veulent que vous arriviez à la conclusion
8 que Mladic procédait en bon samaritain en utilisant peu de moyens qui
9 étaient à la disposition du SRK. Mais il s'agit de la description qui ne
10 tient pas la route.
11 En fait, au paragraphe 1 714, lorsque la Défense a essayé de dire que le
12 SRK se trouvait en position désavantageuse par rapport à l'ABiH, donc il se
13 trompe lorsqu'il dit que la création du SRK était la réponse à
14 l'établissement de l'ABiH à Sarajevo. Ils se fondent sur l'expertise de
15 l'expert Kovac, pourtant Kovac - expert militaire - ne pouvait même pas
16 obtenir des informations de base pour ce qui est de la création des forces
17 opposées, à la page 41 650 [comme interprété] on lui a montré la pièce
18 P7676, c'est un ordre montrant que l'ABiH a été en fait créée après la
19 création du SRK, et non pas l'inverse.
20 Contrairement aux affirmations de la Défense aux paragraphes 1 711 et 1
21 712, ainsi qu'aux paragraphes 1 717 et jusqu'à 1 725, le SRK n'était pas le
22 corps qui était en sous-effectif, ou qui n'était pas suffisamment instruit,
23 suffisamment équipé par rapport aux forces de l'ABiH. C'est à la page du
24 compte rendu 4 008 et 4 011, le général Wilson a dit que le SRK était très
25 bien équipé, très bien organisé, et combattait de façon professionnelle.
26 C'est également le point de vue du SRK, c'est la pièce P6543, en janvier
27 1995, le général Milosevic a félicité la 1ère Brigade d'infanterie de
28 Romanija parce que pendant les activités de combat, cette brigade a eu
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1 beaucoup de succès en montrant qu'elle était très bien organisée et
2 efficace.
3 En comparaison avec l'ABiH, le 1er Corps de l'ABiH à Sarajevo, ces forces
4 étaient mal équipées et désorganisées. Le général Wilson a décrit les
5 forces de l'ABiH à la page 3 922 et 3 926 comme des éléments incontrôlés au
6 début de la guerre et qu'il ne s'agissait pas d'une force militaire
7 compétente. Bien que la situation dans l'ABiH s'était améliorée pendant la
8 guerre, Konings a dit, que même en 1995, l'ABiH n'était toujours pas une
9 armée professionnelle. C'est la pièce P1741, paragraphe 28.
10 Et contrairement à ce que la Défense a soutenu, le SRK et le MUP de la RS
11 pendant le conflit étaient très bien conscients du fait que l'ABiH était
12 une force inférieure par rapport à leur propre --. Par exemple, en 1993,
13 Desimir Sarenac membre de la 1ère Brigade motorisée, c'est la pièce P6790, a
14 rapporté que la discipline dans les rangs de l'ABiH n'existe pas. Que des
15 hommes n'obéissent pas et ne disposent d'uniforme. La pièce P6769, le MUP
16 de la RS a rapporté cette même année que les forces de l'ABiH sont
17 "désorganisées, qu'ils n'ont pas suffisamment de matériel, et qu'ils n'ont
18 rien pour offrir une résistance aux unités de la VRS beaucoup mieux
19 armées."
20 Et en 1995, le colonel Marko Lugonja du SRK a rapporté, et c'est la pièce
21 D1273, que l'ABiH n'est pas fiable en combat et très faible en combat.
22 Egalement, contrairement aux affirmations de la Défense, le SRK possédait
23 des armes supérieures par rapport aux armes disposées par l'ABiH, et c'est
24 un fait qui a été confirmé par les témoins de la Défense. Aussi,
25 Kecmanovic, dans sa déclaration, pages du compte rendu 23 868 et 72, a dit
26 que l'artillerie serbe était supérieure par rapport à l'artillerie de
27 l'ABiH. Le général Milovanovic, qui était le subordonné immédiat de
28 l'accusé, a dit, pages 17 101 et 17 102, que le SRK avait un avantage pour
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1 ce qui est des armes lourdes. Et l'expert de la Défense Kovic a déclaré
2 dans son rapport, page 62 de la pièce D1369, que les Serbes avaient cet
3 avantage en armes lourdes à Sarajevo jusqu'à la fin de la guerre.
4 Finalement, Desimir Sarenac, qu'on a déjà mentionné, a dit à la page 26 179
5 qu'"il était bien connu" que l'ABiH manquait de munitions et d'armes.
6 Cette différence qui existait entre la quantité limitée d'armes dans
7 la ville même et la quantité des armes lourdes disposées par le SRK sur les
8 collines environnantes est très bien décrite par un pompier volontaire,
9 John Jordan, qui a dit que :
10 "La situation à Sarajevo était telle que la violence était tombée sur la
11 ville en pelle et provenait de la ville en cuillère."
12 Compte rendu 1 824.
13 Le SRK, ce que la Défense a dit, "à aucun moment du conflit", n'a utilisé
14 des tireurs embusqués. Ce qui n'est pas exact du tout, puisqu'il y a des
15 preuves qui démontrent que des activités de tireurs embusqués faisaient
16 partie des efforts centralisés et organisés pour prendre pour cible la
17 population civile. Par exemple, la VRS a discuté de ses tireurs embusqués
18 dans un rapport d'aptitude au combat de la VRS de 1992, pièce P338. A la
19 page 10, dans la section portant sur le commandement et le contrôle, la
20 formation organisée des éclaireurs et des tireurs embusqués est décrite
21 comme l'un des éléments importants pour l'aptitude au combat de l'armée.
22 Pièce P677, et cela va apparaître à l'écran.
23 Il s'agit du programme de l'état-major principal de la VRS de 1995
24 concernant les tireurs embusqués, qui montre quel était le rôle de l'état-
25 major principal - c'était un rôle central - pour ce qui est de la formation
26 des tireurs embusqués. Au début du document, l'état-major principal dit
27 qu'au niveau du corps, il y a des cours organisés pour former les tireurs
28 embusqués à plusieurs reprises par an. Cette formation régulière pour les
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1 tireurs embusqués assure "un niveau professionnel élevé". Et il y avait la
2 formation pour ce qui est de sept domaines, y compris l'effet des tirs
3 embusqués sur la zone peuplée. Donc, c'est ce que montrent ces documents,
4 mais il y est montré également que l'état-major principal surveillait et
5 s'assurait que les tireurs embusqués du SRK maintiennent cette capacité
6 meurtrière.
7 Le fait que les brigades du SRK possédaient des tireurs embusqués formés et
8 continuaient à les former pendant la campagne est parfois quelque chose que
9 vous pouvez voir dans des documents provenant des brigades du SRK. Par
10 exemple, la 1ère Brigade de Romanija avait et formait des tireurs embusqués
11 depuis le début de la guerre, P6543. La même brigade a rapporté le 29
12 octobre 1993 que "pendant le printemps, tous les tireurs embusqués ont été
13 formés au sein des unités inférieures." Pièce P676.
14 Le Témoin de la Défense Vlade Lucic, un ancien membre de la 1ère Brigade de
15 Romanija, a même admis que sa brigade avait des tireurs embusqués "pour
16 chacune des formations". C'est la pièce D658, paragraphe 25.
17 La Défense a également dit au paragraphe 2 100 de son mémoire en clôture
18 qu'"il n'y avait jamais eu d'ordre" pour tirer sur les civils par les
19 tireurs embusqués et qu'aucun membre du SRK n'a jamais reçu d'ordre à cet
20 effet.
21 Ces arguments n'ont aucun sens dans le contexte que Mladic, en mars 1995, a
22 dit au général Smith que les activités de tireurs embusqués du SRK sur les
23 civils étaient augmentées en réponse aux pertes essuyées par le SRK lors
24 d'une attaque lancée par l'armée de BiH. P876, page 4, et page du compte
25 rendu 8 222.
26 En mars 1995, pièce P7809, une patrouille des observateurs militaires des
27 Nations Unies était présente au moment où le commandant d'un bataillon de
28 la Brigade de Romanija a ordonné à ses subordonnés d'ouvrir le feu sur tout
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1 ce qui bouge. Dans la pièce P7810, on peut voir que la même patrouille des
2 observateurs militaires des Nations Unies a confirmé que les soldats sur le
3 front ont agi en conformité avec l'ordre de ce commandant de bataillon. Ils
4 ont dit aux observateurs militaires qu'ils ouvriraient le feu sur tout ce
5 qui bouge. Cela voulait dire sur les femmes et sur les enfants aussi.
6 La Défense doit essayer d'éviter d'accepter le fait que le SRK possédait
7 des tireurs embusqués pendant la campagne, puisque la Défense ne dispose
8 pas de justification de la façon à laquelle cela a été utilisé par le SRK.
9 Comme Banbury a dit, "il n'y avait aucune raison pour que les Serbes tirent
10 de tireurs embusqués sur Sarajevo. Il n'y avait pas de cibles militaires
11 là-bas."
12 En soulignant le fait que les civils, à savoir les femmes, les enfants et
13 les personnes âgées, étaient les victimes régulières de ces tirs embusqués.
14 Van der Weijden a expliqué que :
15 "L'effet des tirs embusqués était l'effet direct sur les victimes et
16 sur les gens qui étaient dans leur proximité, mais il faut savoir également
17 que cela avait une incidence sur tout le monde. Puisque mis à part
18 l'angoisse de ne pas savoir -- parce qu'il s'agissait de l'angoisse de ne
19 pas savoir quand exactement et où les tireurs embusqués vont tirer."
20 En d'autres termes, la seule explication pour les tirs embusqués du
21 SRK sur les civils était qu'ils essayaient de semer la terreur parmi la
22 population civile.
23 L'Accusation va maintenant aborder la question concernant un
24 pilonnage qui n'est pas un fait répertorié et que la Défense a soulevé à
25 plusieurs reprises dans son mémoire en clôture. Il s'agit du pilonnage dans
26 la rue Vase Miskina le 27 mai 1992.
27 Comme dans d'autres exemples, la théorie de la Défense pour ce qui est de
28 ce pilonnage n'est pas claire. Ils hésitent entre la théorie du complot,
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1 qui n'est pas corroborée, ensuite du fait que l'explosion ait été montée et
2 que l'engin explosif ait été posé. Et contrairement aux affirmations de la
3 Défense aux paragraphes 1 885 à 1 905 du mémoire en clôture, le pilonnage
4 des gens qui faisaient la queue pour le pain dans la rue Vase Miskina ne
5 fait pas partie du fait répertorié G1. Et c'est admis par la Défense à la
6 page du compte rendu 39 134.
7 Pour ce qui est de ce pilonnage, la Défense s'est fondée sur le témoignage
8 d'un ancien membre du SRK, Bukva, au paragraphe 1 869, qui a dit que le
9 pilonnage dans la rue Vase Miskina, les informations là-dessus étaient
10 fondées sur les renseignements d'une source inconnue selon laquelle les
11 autorités de BiH ont mis en scène cet événement en posant cet engin
12 explosif, et cela n'est pas corroboré. Cela a été contredit à un endroit
13 cinq pages plus loin dans le mémoire de la Défense, où la Défense, en fait,
14 a dit et s'est contredit en disant que cette explosion "ne pouvait être
15 causée que" par un projectile entrant. Dans cette discussion, la Défense a
16 quitté sa théorie précédente concernant la pose de l'engin explosif. Ils
17 essayent de dire que tous les points de tir se trouvaient sur le territoire
18 de l'ABiH sur la base de la thèse qu'il s'agissait de l'angle de chute de
19 83 ou 84 degrés.
20 Dans cette discussion, il est fait abstraction de ce qui s'est passé lors
21 du témoignage de Mme Subotic en prétoire. A cet égard, l'avis de Subotic a
22 été mis au jour aux pages 39 587 [comme interprété] à 39 602 du fait de son
23 aveu que le coauteur a délibérément modifié une photo du dossier d'enquête
24 pour faire en sorte que le cratère apparaisse comme parfaitement sphérique,
25 ce qui est compatible avec un angle élevé.
26 Selon elle, il n'y a pas eu d'enquêteur sur site à l'époque, ce qui est
27 répété au paragraphe 1 899 du mémoire de la Défense, et c'est erroné. Le
28 rapport indique sans ambiguïté qu'il y a eu une enquête sur les lieux peu
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1 après le pilonnage. Ce même rapport, qui n'est pas cité dans Subotic,
2 dément sa théorie de tir vertical et montre que le projectile a été tiré
3 d'une grande distance. Finalement, Subotic, à la page 39 609, a reconnu que
4 l'angle de chute était bien plus bas que les 83 degrés qu'elle avait
5 cherché initialement à vendre à cette Chambre.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ralentissez pour les interprètes.
7 M. WEBER : [interprétation] Le mémoire de la Défense se fonde sur le
8 rapport de Subotic comme si rien de tout cela ne s'était produit --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous avez donné votre texte
10 à la sténodactylo à l'avance, et il faudrait que vous repreniez à partir de
11 "Subotic a déclaré qu'elle était au courant mais n'a fait aucune référence
12 à cela dans son avis." Si vous reprenez là-bas, il se peut que rien ne
13 manque ou que rien ne soit ajouté aux propos que vous avez effectivement
14 tenus en audience.
15 M. WEBER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 S'agissant de D1243, ce même rapport d'enquête, dont Subotic a dit avoir
17 connaissance mais auquel elle n'a pas fait référence dans son avis, dans
18 D2117, remettait en question sa théorie du projectile à chute verticale et
19 a démontré que le projectile avait été tiré d'une distance bien plus
20 grande. Finalement, la page 39 609, Subotic a reconnu que l'angle de chute
21 était bien inférieur aux 83 degrés qu'elle avait dans un premier temps
22 cherché à présenter à cette Chambre. Le mémoire de la Défense se fonde sur
23 le rapport de Subotic comme si tout cela ne s'était pas produit.
24 La théorie du tir vertical de Subotic, qui aurait exigé que le tir
25 ait été effectué près du point d'impact, est également démentie par le fait
26 que les témoins survivants qui attendaient et faisaient la queue n'ont pas
27 entendu un tir sortant avant l'arrivée de l'obus. Cela peut également être
28 trouvé au D1243.
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1 Au paragraphe 1 897 de son mémoire, la Défense analyse les écoutes
2 téléphoniques dans le contexte du pilonnage de Vase Miskina et indique que
3 cela allait à l'encontre des ordres de Mladic. Mais la Défense ne parle pas
4 du passage où Gagovic est informé du pilonnage qui vient de ses propres
5 forces de la SRK sur Trebevic, et en réponse il dit : "Mais qui diable est
6 en train de tirer de là-bas ?"
7 Elle ne parle pas non plus de la pièce P4359, l'ordre du 27 mai de
8 Mladic invitant toutes les unités à être prêtes à ouvrir le feu, mais ne
9 donnant pas d'ordre de tirer lors des négociations portant sur l'évacuation
10 des casernes ce jour-là. Comme indiqué aux paragraphes 925 à 932 du mémoire
11 de l'Accusation, Mladic a ordonné au SRK de procéder au pilonnage de toute
12 la ville de Sarajevo le lendemain. Cette écoute téléphonique montre combien
13 Mladic jouait un rôle central pour tous les aspects de l'approbation de
14 l'utilisation des mortiers de la SRK, y compris le fait de tirer avec des
15 mortiers de 82-millimètres.
16 En tout état de cause, l'obus qui est arrivé rue Vase Miskina le 27
17 venait de la SRK, et pas d'une grande théorie du complot, et pas d'un tir
18 de l'ABiH qui aurait tiré verticalement en l'air pour que l'obus retombe
19 sur elle.
20 Enfin, au paragraphe 1 699 [comme interprété], le mémoire de la
21 Défense se fonde sur le démenti par Mladic du pilonnage de Vase Miskina et
22 de sa tentative de s'exonérer de toute responsabilité en parlant d'une
23 enquête qu'il aurait prétendument ouverte. Il n'y a pas, dans les dossiers
24 de la SRK, d'enquête au sujet du pilonnage à la fin du mois de mai et début
25 juin; et s'il y avait eu des enquêtes à l'époque, le général Mladic
26 n'aurait pas dû regarder très loin pour trouver le responsable des
27 bombardements de la ville à l'époque puisque c'était lui.
28 Ceci nous amène à notre point suivant. Il y a en toile de fond de
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1 toutes les affirmations de la Défense une tentative de reprocher à l'ABiH
2 tout ce qui s'est produit à Sarajevo. Ce ne sont pas des tentatives qui
3 sont nouvelles.
4 Par exemple, paragraphes 1 827 à 1 835 de son mémoire, la Défense
5 essaie de faire endosser aux Musulmans la responsabilité d'avoir coupé tous
6 les services publics aux collectivités. Cela, en fait, est un reflet de la
7 stratégie de Mladic qui cherche à dissimuler la responsabilité de ses
8 forces, comme c'est indiqué dans le discours qu'il a prononcé lors de la
9 16e Assemblée. Lors de ce discours, il a déclaré que ses forces couperaient
10 l'électricité, le gaz et l'eau à Sarajevo, comme il l'avait fait en
11 Croatie, tout en disant au monde que c'étaient les Musulmans qui l'avaient
12 fait et que les Serbes de Bosnie faisaient de leur mieux pour les réparer.
13 P431, pages 38 à 39.
14 Comme nous le voyons, les faits étaient différents, et Mladic
15 décidait de si et de quand Sarajevo recevrait son approvisionnement en gaz
16 et électricité. La Défense ne s'arrête pas là. Au paragraphe 1 853 de son
17 mémoire, elle va jusqu'à dire que les dirigeants bosniaques et l'ABiH
18 étaient les véritables auteurs de la campagne de pilonnage et de tirs
19 contre les civils de Sarajevo, comme si trois ans et demi de pilonnage et
20 de tirs par le SRK pouvaient être justifiés ou expliqués entièrement par
21 des tirs de Bosniens qui auraient pris pour cible leur propre population.
22 Même les preuves de la Défense ne vous donnent pas cette indication.
23 Par exemple, D1425, un article de "Independent" invoqué par la Défense au
24 paragraphe 1 856. Cet article évoque les avis de certains fonctionnaires
25 des Nations Unies anonymes qui ont souligné que des soupçons d'attaques
26 perpétrées par la BiH "n'étaient qu'une petite minorité de tous les
27 bombardements des forces serbes."
28 Comme le montre également cet article, la Défense se fonde sur des
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1 conjectures qui soit sont générales, comme nous l'avons prouvé, soit non
2 fondées, soit basées sur la lecture de la presse par un témoin. En fin de
3 compte, ces conjectures sont non fondées et ne résistent pas à l'examen.
4 Dans de nombreux cas, des pans centraux essentiels des arguments de
5 la Défense sont basés sur des preuves non existantes. Par exemple, les
6 preuves du propagandiste de la VRS, Milovan Milutinovic. Au paragraphe
7 1 862 du mémoire de la Défense, elle se fonde sur une citation de
8 Milutinovic de Marin Bell qui a essentiellement dit :
9 "J'avais l'impression d'être un simple soldat dans une armée dont les
10 commandants musulmans avaient totalement perdu la tête et terrorisaient
11 leur propre population."
12 Le problème, c'est que cette citation est fausse; Bell n'a jamais dit
13 cela.
14 Vous avez d'ailleurs devant vous la citation de Bell donnée par
15 Milutinovic et ensuite vous avez la vraie citation de Bell. Et Bell a dit
16 la chose suivante :
17 "Je me sentais comme un simple soldat dans une armée dont les commandants
18 avaient collectivement perdu la tête - et je le leur ai dit."
19 Aux pages 30 056 à 30 058, Milutinovic a été confronté avec la vraie
20 citation de Bell, ce qui montre que Bell parlait des actions de son propre
21 gouvernement, et pas des commandants musulmans, et qu'il n'a pas parlé du
22 fait que l'ABiH aurait terrorisé sa propre population. Alors, quand on lui
23 a demandé comment il se faisait qu'il avait cité Bell erronément, il a dit
24 qu'il ne parlait pas l'anglais et a finalement essayé de faire endosser la
25 responsabilité de cela à un journal local qu'il avait lu en serbe, ignorant
26 le fait que cette déclaration qu'il avait attribuée à Bell venait d'un
27 journal anglais et n'avait pas d'autre source.
28 La Défense essaie également de parler de deux cas où l'ABiH tirait sur ses
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1 propres troupes. Le premier de ces faits supposés peut être trouvés au
2 paragraphe 1 855, où il est indiqué que le capitaine Hansen a demandé aux
3 Bosniens de cesser de tirer sur leur propre population après le pilonnage
4 du bâtiment de la RTV le 28 juin 1995. Cette affirmation est basée sur le
5 seul témoignage d'Oien. Lorsqu'il a été interrogé directement sur cet
6 événement, à la page 43 196, Oien a déclaré ne rien pouvoir nous dire à ce
7 sujet :
8 "Je ne m'en souviens pas. Je n'étais pas là et je ne peux pas confirmer."
9 En outre, il y a énormément de preuves que la Défense passe sous silence.
10 C'était, en fait, la SRK qui a lâché la bombe aérienne modifiée qui a
11 touché le bâtiment de la RTV le 28 juin 1995. Cela est démontré par les
12 preuves du Témoin Brennskag, qui a vu le projectile lancé par la partie
13 serbe, ainsi que par Harland, Banbury et RM10 [comme interprété]. Et les
14 pièces à conviction P966, P991, P752, P6711, le dossier d'enquête complet
15 versé dans le dossier sous P7572, D203 et D165 le montrent également.
16 Enfin, le rapport de la SRK admis par la Défense met en lumière la nature
17 fallacieuse de ces arguments. La SRK, dans son rapport, versé au dossier
18 sous D147, a reconnu que c'était la SRK qui avait tiré et touché le
19 bâtiment de la RTV le 28 juin. La Défense fait abstraction de cela dans son
20 analyse du pilonnage.
21 Lorsqu'elle parle des tirs sur les trams, la Défense cherche à se foncer
22 sur D1810. C'est un document qui a été soigneusement sélectionné et qui
23 provient de tout un dossier d'enquête du MUP de la BiH d'octobre 1994. Et
24 pour répondre à cela, l'Accusation a déposé la totalité du dossier sous
25 P7852. Le dossier montre que l'information utilisée par la Défense était
26 erronée et que les tirs venaient des positions de SRK à Grbavica. En outre
27 des preuves balistiques, les documents montrent que les témoins ont entendu
28 plusieurs explosions, plusieurs tirs provenant des positions de la SRK ce
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1 jour-là.
2 Ensuite, il y a le fait répertorié en annexe G4, le pilonnage du match de
3 football le 1er juin 1993 à Dobrinja. Dans ce cas, la Défense prétend même
4 que c'est l'ABiH qui a tiré l'obus. Et au paragraphe 1 946, elle déclare
5 que :
6 "Un nombre de positions d'artillerie de l'ABiH étaient situées à une
7 distance plausible du projectile, notamment dans la zone de Toplik, et il
8 est possible que le projectile provienne d'une de ces positions."
9 Pour soutenir cette affirmation, le seul témoin cité est John Hamill. Le
10 problème, c'est que John Hamill était un observateur des Nations Unies du
11 côté Lima, et pas Papa, et les positions d'artillerie à Toplik qu'il décrit
12 dans sa partie du témoignage appartiennent à la SRK, pas à l'ABiH. Le fait
13 qu'il s'agissait de positions de mortier de la SRK dans la zone de Toplik a
14 été confirmé par le commandant d'artillerie de la SRK, Savo Simic, qui a
15 même déclaré que ses mortiers dans cette zone étaient pointés vers
16 Dobrinja. La seule preuve dans le dossier montre que c'est la SRK qui
17 possédait des mortiers dans la zone de Toplik.
18 En plus de ces affirmations fausses sur Toplik, la Défense évoque dans les
19 paragraphes suivants la possibilité qu'un mortier mobile ait été utilisé
20 pour lancer un projectile provenant de la même direction. Cette fois-ci,
21 ils se fondent sur une partie du témoignage de Hamill qui n'a absolument
22 rien à voir avec G4. Cette théorie dans son ensemble est absurde, et nous
23 pouvons regarder sur la carte l'itinéraire qu'aurait dû emprunter les
24 hommes de l'ABiH prétendument chargés d'actionner le mortier.
25 Il s'agit d'une carte annotée par John Hamill versée au dossier sous P539.
26 Sur cette carte, la route entre Dobrinja et Toplik est indiquée et annotée
27 en rouge. Sur la base de cet itinéraire, l'équipage du mortier aurait dû
28 quitter Dobrinja, passer par le territoire de la SRK, ensuite passer à
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1 travers Lukavica où se situait le commandement de la SRK et continuer pour
2 se rendre dans les alentours de Toplik. La zone entière est jalonnée
3 d'artillerie et de mortier de la SRK, selon les preuves de Savo Simic. Est-
4 ce que vous pensez qu'un mortier mobile de l'ABiH aurait pu passer par les
5 positions de la SRK et tirer à deux reprises sans être repéré ? On en
6 aurait tout au moins parler dans le rapport de la SRK pour le 1er juin, qui
7 est versé au dossier sous D1778. Mais non, ce rapport ne fait état d'aucun
8 incident anormal ce jour-là. Et donc, il n'y a aucune preuve que cela ait
9 pu avoir lieu.
10 Pour G4, les preuves démontrent que la distance de feu minimum de mortier
11 place l'origine du tir au milieu du territoire de la SRK, et il s'agit
12 simplement d'une tentative désespérée de montrer le contraire.
13 Je vois l'heure qu'il est. Il est peut-être temps de faire la pause.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il est temps de faire la pause.
15 Nous reprendrons à 11 heures moins cinq.
16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
17 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Weber, je vous invite à
19 procéder. Mais cela aiderait les Juges de la Chambre - et je sais bien que
20 l'erreur est due à la Chambre en raison des vielles oreilles des Juges -
21 cela aiderait à la Chambre que vous prononciez plus clairement les mots que
22 vous proférez, car nous n'aurions pas à vérifier encore et encore le compte
23 rendu d'audience pour voir si nous avons bien entendu ce que nous avons
24 entendu.
25 M. WEBER : [interprétation] C'est très aimable de votre part, Monsieur le
26 Président, mais je pense que la responsabilité m'incombe.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez procéder.
28 M. WEBER : [interprétation] Je vais maintenant parler des incidents
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1 répertoriés.
2 La Chambre a reçu des éléments très détaillés au sujet des pilonnages qui
3 représentent les incidents répertoriés F et G et la façon dont ces
4 événements sont représentatifs de ce qui s'est passé pendant toute la durée
5 de la campagne. Dans son mémoire, la Défense s'appuie de façon importante
6 sur les rapports de ses deux experts balistiques lorsqu'il est question des
7 incidents répertoriés. L'Accusation s'est occupée des témoignages de ces
8 deux témoins aux paragraphes 1 049 à 1 057 de son mémoire. En ce moment,
9 l'Accusation s'apprête à fournir quelques arguments complémentaires
10 relatifs à l'absence de fiabilité de ces témoins par rapport au mémoire de
11 la Défense.
12 Zorica Subotic et Mile Poparic ont fait des dépositions qui n'ont aucune
13 crédibilité en l'espèce. Ce qui est particulièrement éloquent, c'est que le
14 mémoire de la Défense propose de nombreuses citations, plusieurs centaines
15 de citations, extraites des rapports écrits de ces experts mais ne propose
16 aucune citation des témoignages de ces témoins dans le prétoire. Et ce,
17 pour une raison très simple : de l'avis de la Défense, les experts et leurs
18 avis ne tiennent pas face à un examen attentif de ce que les témoins ont
19 dit dans le prétoire. Le contre-interrogatoire de ces experts a démontré de
20 façon répétée que les théories avancées par Subotic et Poparic sont sans
21 fondement. Les défauts de la déposition de l'expert en pilonnage de la
22 Défense, autrement dit, les défauts de la déposition de Subotic, émanent en
23 partie de son absence d'expérience. Comme elle l'a admis elle-même, elle
24 n'a jamais analysé un cratère fraîchement formé en personne. Elle ne s'est
25 jamais trouvée sur la scène d'une explosion due à un mortier immédiatement
26 après la détonation. En fait, sa seule expérience en matière d'analyse de
27 cratère date de 2010, date à laquelle elle a élaboré son rapport d'expert
28 dans l'affaire Karadzic. Et c'est cette même visite sur les lieux dont elle
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1 s'est servie comme fondement pour exprimer les avis qu'elle a exprimés en
2 l'espèce.
3 Compte tenu de son expérience limitée en analyse de cratère, Subotic a
4 décidé de recourir à des méthodes fourmillant d'erreurs. Elle analyse les
5 cratères qu'elle décrit comme des cratères érodés ou endommagés par les
6 années qui se sont écoulées depuis les pilonnages. Lorsque les cratères
7 sont recouverts par des pavés, elle s'appuie sur des vidéos ou des
8 photographies, même si une telle pratique ne peut conduire qu'à des
9 résultats différents, ce qu'elle admet en page 39 630.
10 Même lorsqu'elle parvient à mener à bien une analyse de cratère fiable
11 immédiatement après l'impact, elle rejette l'analyse faite par la
12 balistique de ces tirs de mortier alors que ces analyses étaient faites
13 immédiatement après les événements de pilonnage, négligeant au passage
14 leurs conclusions en faveur de ses conclusions datant de visite
15 extraordinairement tardive sur site puisqu'elle date de 2010, soit 15 ans
16 après la fin du conflit.
17 Subotic, pour défendre ses positions, en arrive même à manipuler parfois
18 les éléments de preuve afin d'exonérer le SRK. Par exemple, lorsqu'elle
19 évalue l'incident répertorié G4, c'est-à-dire le pilonnage par le SRK d'un
20 match de football à Dobrinja dont il a déjà été question ici, elle utilise
21 des coordonnées topographiques fournies par les enquêtes de la FORPRONU
22 qu'elle replace sur d'autres courbes pour constituer une carte à une
23 échelle différente de celle utilisée par la FORPRONU. Les conséquences
24 d'une telle manipulation sont immédiatement apparentes, à savoir que le
25 fait de placer les mêmes coordonnées sur une carte à une échelle différente
26 conduit à tracer une courbe correspondant à un événement survenu dans un
27 autre lieu.
28 Au lieu de reconnaître que le fait d'utiliser les mêmes coordonnées sur des
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1 cartes différentes à une échelle différente pourrait conduite à des
2 résultats différents, Subotic affirme que les nouvelles courbes tracées par
3 elle discréditent l'enquête initiale de la FORPRONU. En fait, le résultat
4 est le contraire de ce qu'elle déclare. Tout ceci montre simplement qu'elle
5 aboutit de cette façon aux conclusions qu'elle cherchait à obtenir. La
6 Défense s'appuie sur cette manipulation dans son mémoire en clôture,
7 affirmant les mêmes arguments erronés au paragraphe 1 938 de ce mémoire.
8 Subotic a également proposé un certain nombre de théories de la
9 conspiration que rien ne vient étayer dans le but d'expliquer les
10 pilonnages de Markale. Par exemple, dans le cadre de l'incident répertorié
11 G8, concernant Markale I, Subotic affirme qu'un dispositif stationnaire a
12 été placé au marché. Le mémoire en clôture de la Défense s'appuie sur les
13 déclarations de Subotic dans ses écritures, mais la théorie de l'explosion
14 statique défendue par Subotic aurait exigé une vaste conspiration. Sa
15 théorie aurait exigé l'existence d'une équipe de sabotage professionnelle
16 qui aurait creusé un trou dont les mesures auraient dû être précises afin
17 qu'un tir de mortier puisse passer pour un tir venu du territoire du SRK.
18 Il aurait fallu des conspirateurs qui auraient placé un dispositif sur les
19 lieux avant l'explosion statique. La grande théorie de Subotic aurait
20 également exigé que ces conspirateurs aient amené sur place des cadavres
21 sur le marché après l'explosion pour les faire passer pour des victimes.
22 Lorsqu'elle a été interrogée sur cette théorie d'une vaste conspiration,
23 Subotic n'a pas réussi à donner le nom ne serait-ce que d'une seule
24 personne. Elle a tout simplement tout inventé.
25 Il n'existe pas non plus le moindre élément de preuve physique à l'appui de
26 sa théorie d'une explosion statique; même Subotic le reconnaît. Comme
27 Gauthier - un témoin de la Défense, chef de l'enquête menée par les Nations
28 Unies au sujet du témoignage [comme interprété] - l'a dit dans sa
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1 déposition, le pilonnage de Markale I n'a pas été dû à la pose d'un
2 dispositif stationnaire, mais a bien été le résultat d'un tir de mortier de
3 120-millimètres. De même, GRM065 convient dans la pièce D1442 que cet
4 incident n'a pas été le résultat d'une explosion statique. La théorie de
5 l'explosion statique est également exclue dans le rapport d'enquête des
6 Nations Unies en page 21, pièce P538.
7 A un autre moment, Subotic continue à défendre ses propres opinions, même
8 face à la masse d'éléments de preuve prouvant que son opinion est erronée.
9 Un exemple de ceci, c'est ce qu'elle dit dans sa déposition par rapport à
10 l'incident répertorié G10, à savoir l'attaque par bombe aérienne modifiée
11 par le SRK contre Hrasnica le 5 [comme interprété] avril 1995. Subotic
12 refuse de reconnaître le fait qu'une bombe aérienne modifiée de 250
13 kilogrammes a été utilisée au cours de cette attaque. Prétendant avoir
14 qualité d'expert, elle refuse de reconnaître ce fait même en dépit du
15 rapport des enquêteurs qui indique qu'un détonateur provenant d'une bombe
16 aérienne modifiée a été trouvé sur les lieux. Elle refuse encore d'admettre
17 qu'il s'agissait d'une bombe aérienne modifiée de 250 kilogrammes même
18 lorsqu'elle est informée qu'il existe des documents de la VRS confirmant
19 qu'il s'agissait bien d'une bombe aérienne modifiée de 250 kilogrammes.
20 Comme si les informations des balisticiens et les documents de l'époque ne
21 suffisaient pas, elle continue à nier qu'il s'agissait d'une bombe aérienne
22 modifiée de 250 kilogrammes même après avoir été informée par la déposition
23 du commandant de la Brigade d'Ilidza Radojcic qu'une bombe aérienne
24 modifiée de 250 kilogrammes a été utilisée à Hrasnica. Cette arme est
25 évoquée dans la déposition Radojcic, mais Subotic laisse entendre qu'il ne
26 disait pas la vérité, qu'il savait bien qui avait tiré en tant que
27 commandant de brigade.
28 Subotic tient bon dans sa théorie même face à cette montagne d'éléments de
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1 preuve pour une raison très précise : elle souhaite minimiser la capacité
2 destructrice de cette bombe aérienne modifiée de 250 kilogrammes pour la
3 faire passer pour une bombe de 100 kilogrammes. Sa déposition a un seul but
4 : démontrer que le SRK aurait utilisé une force plus proportionnée contre
5 une prétendue cible. Etant donné sa partialité extraordinaire et sa totale
6 absence de crédibilité, elle s'en tient à un avis qui est absolument non
7 étayé. Sa déposition doit être rejetée.
8 Des conclusions et des manipulations d'éléments de preuve similaires se
9 retrouvent dans la déposition de Poparic, qui a témoigné en tant qu'expert
10 de tirs embusqués de la Défense au sujet des incidents répertoriés de tirs
11 embusqués. Commençons par le fait que Poparic a admis qu'il avait construit
12 sa théorie de la ligne de vision en négligeant totalement les coordonnées
13 GPS utilisées par le bureau du Procureur sur les lieux où les victimes ont
14 été visées par des tirs embusqués parce qu'il estimait que ces informations
15 n'étaient pas nécessaires.
16 Dans le même genre d'efforts que ceux de Subotic, Poparic s'engage
17 également dans des déformations de la réalité et des raisonnements
18 tarabiscotés en tentant d'exculper [phon] l'accusé. Par exemple, pour faire
19 porter la responsabilité sur l'ABiH, Poparic place intentionnellement les
20 coordonnées du lieu correspondant à l'incident répertorié F16 ailleurs que
21 là où Tarik Zunic dit avoir subi un tir. Au lieu de s'appuyer sur la
22 déposition de Zunic quant au lieu de l'incident, Poparic place le tir
23 embusqué ailleurs, dans un lieu qui était moins visible à partir de
24 Spicaste Stijena.
25 Le mémoire de la Défense s'appuie sur cette manipulation de Poparic, même
26 si Poparic admet que la déposition de Zunic correspond à d'autres éléments
27 de preuve. Poparic choisit de faire confiance à un couple dont il ne donne
28 pas le nom, qu'il aurait rencontré lors d'une visite en 2010 et qui lui
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1 aurait dit que le tir embusqué venait d'un lieu différent. Rien dans les
2 éléments de preuve ne vient étayer l'avis de Poparic, et les éléments de
3 preuve dans leur grande majorité indiquent que le tir provenait des
4 positions du SRK.
5 Poparic nie également des faits bien connus. Je vais vous en donner un
6 exemple : au paragraphe 2 170 du mémoire de la Défense, concernant
7 l'incident répertorié F9, la Défense s'appuie uniquement sur des
8 affirmations non étayées dans le but d'affirmer que "l'Accusation n'a pas
9 réussi à prouver qu'il existait une position de tir de la VRS sur les lieux
10 de l'institut pour les aveugles."
11 L'affirmation de la Défense est contredite par ses propres témoins. Le
12 commandant du 1er Bataillon de la Brigade d'Ilidza, Guzina, admet que le
13 SRK tenait une position au niveau de l'école pour les aveugles. Ceci se
14 trouve au transcript, page 22 548, et dans la pièce D514, paragraphe 37.
15 La Défense critique les enquêteurs de Bosnie-Herzégovine aux paragraphes
16 1 876 à 1 883 de son mémoire; toutefois, contredisant les dépositions de
17 Subotic et de Poparic, les enquêteurs de la BiH - tels que Sabljica,
18 Suljevic, Turkusic, Sokolar, Besic et Miokovic - étaient des enquêteurs
19 expérimentés qui ont procédé à des centaines d'enquêtes pendant le conflit.
20 Encore plus important, pour l'ensemble des affirmations de la Défense
21 relatives à la partialité, les conclusions des enquêteurs de la BiH au
22 sujet des incidents répertoriés étaient souvent corroborées par les
23 enquêtes des Nations Unies. Par exemple, le pilonnage des personnes qui
24 faisaient la queue pour obtenir de l'aide humanitaire à Dobrinja. L'enquête
25 de la BiH a déterminé que les obus provenaient de l'est, c'est-à-dire de la
26 direction de Lukavica; l'enquête de la FORPRONU, de même, corrobore les
27 conclusions de la BiH et déclare que les obus provenaient de la direction
28 de Lukavica.
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1 Les enquêtes de la BiH représentent simplement une petite partie de très
2 nombreux éléments de preuve présentés par l'Accusation concernant la
3 campagne de terreur menée à Sarajevo. Le témoignage des témoins entendus
4 par la Chambre pendant toute la présente affaire ainsi que les pièces à
5 conviction versées au dossier ne mènent qu'à une seule conclusion : pendant
6 trois ans, le général Mladic et les autres membres de la campagne de
7 terreur de Sarajevo et de l'entreprise criminelle commune ont mené une
8 campagne de terreur contre les civils de Sarajevo. Suite à cette campagne,
9 le général Mladic est responsable des crimes retenus contre lui, à savoir
10 il est responsable de la terreur, des attaques illégales et de meurtre.
11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci met un point final à mes
12 observations, et je rends la parole à M. McCloskey.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Weber.
14 Monsieur McCloskey, avant de procéder, au sujet des analyses que vous allez
15 présenter, je vous invite à réfléchir à votre débit de parole. Je pense que
16 vous pourriez penser à éprouver quelque compassion vis-à-vis des
17 sténotypistes et de nos oreilles.
18 Veuillez procéder.
19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci de me le rappeler, Monsieur le
20 Président. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bonjour.
21 Srebrenica. Srebrenica, c'est une catastrophe pour la communauté musulmane
22 de Bosnie orientale, une tragédie de telle proportion que les paroles que
23 je pourrai prononcer ici aujourd'hui ne pourront pas réussir à vous
24 l'exprimer dans toute l'importance des souffrances qu'a vécues la
25 population de Srebrenica.
26 Mais la plus grande tragédie n'est pas à rechercher uniquement dans le
27 nombre de morts ou dans les souffrances vécues par cette communauté. Nous
28 devons également nous rappeler les familles qui sont restées vivantes, ces
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1 personnes qui ont été condamnées à vivre toute leur existence sans la
2 compagnie de leurs pères, sans la compagnie de leurs époux, de leurs
3 frères, de leurs fils, de leurs voisins et de l'ensemble de leur
4 communauté. Ceci est une souffrance trop importante. Il y a eu trop de
5 pertes humaines pour que qui que ce soit parmi nous puisse comprendre
6 véritablement la nature et l'ampleur de cette terrible souffrance vécue par
7 les femmes et les survivants de la communauté de Srebrenica.
8 Nous pouvons, toutefois, frapper en retour. Grâce au mandat qui nous a été
9 décerné par le Conseil de sécurité et grâce à la création de ce Tribunal,
10 nous pouvons exposer ces crimes terrifiants et tenter de découvrir qui est
11 responsable de ces crimes. Grâce aux très nombreux éléments de preuve
12 présentés en l'espèce, nous avons pu révéler la nature et l'ampleur de ce
13 crime terrifiant, de ce génocide. Nous avons identifié les principaux
14 responsables de ce crime. Nous avons fait comparaître Mladic au banc des
15 accusés pour qu'il réponde de ses crimes.
16 Les éléments de preuve concernant le génocide qui ont été présentés dans ce
17 prétoire depuis quatre ans et demi - comme je m'y étais engagé dans mon
18 propos liminaire - sont clairs, globaux et inattaquables. A partir des très
19 nombreux éléments de preuve présentés, nous voyons Mladic sur le terrain à
20 Srebrenica au commandement de ses forces, en train d'organiser
21 systématiquement la capture, la détention, le transport, l'exécution et
22 l'enterrement de plus de 7 000 hommes en âge de porter les armes ainsi que
23 de jeunes hommes de Srebrenica, et l'expulsion de femmes, d'enfants et de
24 vieillards.
25 Pendant les deux parties d'audience suivantes, je vais nous ramener tous à
26 l'année 1995 et mettre l'accent à votre intention sur les éléments de
27 preuve les plus importants qui apportent la preuve de la responsabilité
28 pénale individuelle de Ratko Mladic et montrent que ces éléments de preuve
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1 permettent de démolir totalement les efforts de la Défense qui souhaite les
2 nier.
3 En l'espèce, l'acte d'accusation évoque deux entreprises criminelles
4 communes liées l'une à l'autre et qui concernent toutes deux la Bosnie
5 orientale : l'entreprise criminelle commune destinée à éliminer la
6 population musulmane de Srebrenica et l'entreprise criminelle commune
7 principale destinée à nettoyer sur le plan ethnique la population non-serbe
8 dans les zones contrôlées par les Serbes de Bosnie. Je vais maintenant
9 centrer ma présentation sur l'entreprise criminelle commune destinée à
10 éliminer, dont vous savez qu'elle est définie comme constituant le
11 transfert sous la force de femmes, d'enfants et de quelques personnes âgées
12 hors de Srebrenica à partir des 11, 13 juillet, ainsi que le meurtre des
13 hommes en âge de porter les armes et des jeunes hommes de Srebrenica.
14 Dans les mois qui ont conduit à la chute de l'enclave, la population de
15 Srebrenica avait systématiquement souffert de privation de nourriture et
16 des autres nécessités élémentaires de l'existence, c'est-à-dire qu'elle
17 avait souffert de restrictions délibérées de l'aide apportée à la
18 population et des approvisionnements de la FORPRONU. Elle avait souffert
19 d'attaques planifiées contre la population civile. Et tout cela a eu pour
20 résultat le 11 juillet 1995, je cite, "la création d'une situation
21 insupportable d'insécurité totale sans aucun espoir de future survie ou de
22 vie pour les habitants de Srebrenica."
23 Ces derniers mots, comme vous le savez, ne sont pas les mots que j'ai
24 prononcés. Ce sont les mots de Karadzic et de Mladic que l'on trouve dans
25 les ordres de la directive numéro 7 du 8 mars 1995, qui constitue la pièce
26 P1469.
27 Je ne peux pas penser à une meilleure description des conditions de vie de
28 la population de Srebrenica le 11 juillet 1995. La directive numéro 7,
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1 lorsqu'elle a été avec succès mise en action, mise en œuvre, a eu pour
2 résultat précisément ce que recherchaient Mladic et Karadzic, à savoir la
3 création d'une situation dans laquelle la population musulmane ne pouvait
4 pas espérer survivre et était contrainte de quitter Srebrenica. Cette
5 condition sans espoir de la population et le fait d'empêcher la FORPRONU
6 étaient le résultat de la directive numéro 7 suite aux attaques qui avaient
7 été menées, aux actions et privations qui avaient été conçues par Mladic et
8 Karadzic pour créer cette situation inhumaine de 45 000 personnes à
9 Srebrenica. Les conditions de la population musulmane à la date du 11
10 juillet étaient le résultat direct de la politique de la VRS et des
11 dirigeants bosno-serbes depuis le début de la guerre pour chasser les non-
12 Serbes, une politique qui avait déjà été mise en œuvre et dont avaient
13 parlé de façon répétée les dirigeants bosno-serbes, les représentants
14 officiels et non officiels, comme indiqué dans les documents, à propos de
15 réunions et de réunions qui se sont tenues de façon confidentielle.
16 M. Tieger et M. Traldi vous ont rappelé l'objectif stratégique numéro 1 à
17 partir du mois de mai 1992, qui visait la séparation des communautés
18 nationales; et la directive numéro 4 de Mladic en novembre 1992, où il
19 avait été ordonné que l'on chasse la population musulmane de la région de
20 Srebrenica.
21 Vous vous souviendrez certainement que M. Traldi a exposé ses arguments sur
22 les éléments de preuve sur ce qui s'est passé exactement au début de
23 l'année 1993, lorsque la VRS a réussi avec succès à chasser la population
24 de Bosnie orientale. Cependant, les Nations Unies sont finalement
25 intervenues au mois d'avril 1993 avec la création de la zone protégée par
26 l'intermédiaire de la Résolution du Conseil de sécurité 819, qui a empêché
27 d'autres actions de la VRS. L'intention était de chasser les Musulmans de
28 Srebrenica. Cependant, il était clair qu'au mois de juillet 1995 [comme
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1 interprété], d'après le rapport du commandant de la Brigade de Bratunac, le
2 colonel Ognjenovic, peu après cette réunion qu'il a eue avec le général
3 Mladic et le général Zivanovic, qui a été abordée précédemment par M.
4 Tieger. Les propos avancés consistaient à dire que la vie devait être
5 insupportable, que leur séjour devait être provisoire dans l'enclave et
6 impossible et que ces personnes devaient quitter l'enclave en masse.
7 L'ordre criminel a été donné en fonction de la directive numéro 7. Et, bien
8 évidemment, ça n'est pas Ognjenovic qui en était à l'origine, mais il
9 traduit simplement ce qu'il a appris suite à la réunion qu'il a eue entre
10 Mladic et Zivanovic quelques jours auparavant. Ceci, nous le savons parce
11 que, d'après ses propres termes, ceci a été noté dans le carnet du général
12 Zivanovic. Comme M. Tieger l'a signalé, les éléments de preuve montrent
13 qu'Ognjenovic a fondé son rapport sur ce qu'il connaissait de ses troupes.
14 La pièce P5273.
15 Cette enclave ne devait pas survivre mais disparaître.
16 Ensuite, au mois d'août 1994, les commentaires de Mladic sur un
17 enregistrement vidéo que nous avons entendu lorsque nous avons entendu les
18 arguments de M. Tieger :
19 "Et les Américains, les Anglais, les Ukrainiens et les Canadiens à
20 Srebrenica - dans l'intervalle, les Néerlandais - qui étaient censés les
21 protéger, sinon ils auraient disparu de cette région depuis longtemps."
22 Encore une fois, le terme qui est utilisé et repris c'est
23 "disparition". Nous avons pu le constater dans les notes de Zivanovic. Il
24 l'utilise encore une fois et il parle encore de ses intentions en direction
25 de la communauté musulmane.
26 Les déclarations de Mladic ici traduisent sa frustration au niveau
27 des enclaves de l'ONU et de la force internationale qui l'empêche de
28 chasser les Musulmans complètement de la zone à l'époque, et il n'était pas
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1 disposé à attaquer les forces des Nations Unies. Au printemps de l'année
2 1995, nous avons la directive numéro 7 au cours de laquelle Zivanovic a eu
3 une réunion avec Mladic. Et encore une fois, nous avons les notes
4 concernant Srebrenica, P5274.
5 "Rendre la vie insupportable." Ces propos se font l'écho du thème
6 repris dans la directive numéro 7, tels qu'exprimés par Mladic ainsi que
7 par Miletic dans la directive numéro 7.
8 Outre l'ordre qui visait à créer des conditions insupportables pour
9 la survie des habitants, la directive numéro 7 énonce, comme je l'ai dit,
10 un ordre insidieux aux fins de limiter l'aide qui devait parvenir aux
11 enclaves, bien évidemment, dans le but d'exécuter l'ordre visant à créer
12 des conditions insupportables.
13 "L'Etat et les organes militaires pertinents responsables des travaux
14 avec la FORPRONU et les organisations humanitaires, par l'intermédiaire
15 d'un plan et d'une restriction imposée à l'obtention de permis, ceci a été
16 fait discrètement aux fins de limiter l'appui logistique apporté à la
17 FORPRONU et aux enclaves et l'approvisionnement en matériel et ressources à
18 la population musulmane la rendant ainsi dépendante de notre bonne volonté,
19 tout en évitant une condamnation de la part de la communauté internationale
20 et de l'opinion publique internationale."
21 Et, bien évidemment, cet ordre qui est donné par l'intermédiaire de
22 la directive 7 a été suivi et mis en œuvre dans de nombreux cas par Mladic
23 lui-même qui personnellement a surveillé ces demandes d'envoi de convoi et
24 paraphé cette décision qui visait à refuser l'approvisionnement de ces
25 produits de première nécessité.
26 Dans un exemple à la pièce P1788, page 16, Mladic a refusé à la
27 FORPRONU une demande de carburant le 30 mars. Il a paraphé cette demande en
28 inscrivant un "non" en haut du document. Obradovic a identifié les
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1 initiales de Mladic ici. Pages du compte rendu d'audience 40 537 et 40 538.
2 En se penchant sur le reste de la pièce P1788, nous constatons -
3 ainsi que les pièces à conviction P2145, P2159 et P2146 - que toutes les
4 demandes qu'on voit, comme vous le constatez, ont été restreintes
5 personnellement par Mladic s'agissant d'équipement ou de troupes qui
6 devaient être envoyés à la FORPRONU dans 29 cas environ.
7 Les efforts de l'état-major principal visant à limiter
8 l'approvisionnement en équipement aux enclaves, c'est quelque chose qui est
9 manifeste d'après la correspondance du général Mladic avec les corps et les
10 brigades, donnant des instructions pour que différentes restrictions soient
11 imposées. Voir les paragraphes 435 à 447 de notre mémoire en clôture.
12 Le prochain document qui est important consigne le fait que
13 l'objectif devait être mis en œuvre aux fins de chasser les Musulmans de
14 Srebrenica. Il s'agit d'un ordre de Mladic qui est daté du 12 mai 1995 et
15 qui donne des instructions au Corps de la Drina aux fins de préparer des
16 plans de bataille contre les enclaves de Zepa et de Srebrenica. Pièce
17 P2097.
18 Cependant, le 16 mai, le général Krstic informe l'état-major
19 principal dans la pièce P298 que même s'il est en train d'effectuer des
20 préparations pour mettre en œuvre l'ordre de Mladic, il déclare, et je
21 cite:
22 "Nous sommes pour le moment incapables d'exécuter cet ordre et de
23 fermer complètement les enclaves ou de mener des attaques contre ces
24 enclaves, parce que nous ne disposons pas de suffisamment de forces…"
25 Donc, il est incapable à ce moment-là de recruter suffisamment de
26 troupes au mois de mai, d'exécuter les plans du Corps de la Drina et de
27 mener une action de sabotage au mois de juin qui a été couronnée de succès.
28 Ceci était censé faire naître la peur et la panique au sein de la
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1 population de Srebrenica.
2 Vous vous souviendrez certainement d'une petite unité, le 10e
3 Détachement de Sabotage, et de la Brigade de Bratunac dont les soldats sont
4 secrètement entrés à Srebrenica par l'intermédiaire d'un tunnel et ont tiré
5 plusieurs roquettes à main dans le brouillard en direction de la ville. Ils
6 ont tué une femme qui tentait de traverser ce tunnel. Voir notre mémoire en
7 clôture au paragraphe 449.
8 Milorad Pelemis, le commandant de l'unité, a dit dans sa déposition
9 qu'ils avaient pris pour cible le poste de police avec leurs grenades à
10 tube, page du compte rendu d'audience 38 812 [comme interprété]. Vous vous
11 souviendrez certainement de sa déposition à ce sujet et vous vous
12 souviendrez des terribles crimes qui ont été commis contre les femmes
13 musulmanes à Pelemisi en 1992. Inutile de dire que sa déposition n'était
14 pas crédible et que l'objectif a été couronné de succès, c'est-à-dire
15 l'attaque qui avait été mise en œuvre, comme l'attestent les notes qu'il a
16 prises à propos de cette opération. P7272. Les notes de Pelemis de 1995
17 précisent : entrer dans la ville et provoquer la panique et le désarroi.
18 Cette opération avait été prévue pour faire naître la peur et la panique,
19 et ceci concorde parfaitement avec l'objective de la directive numéro 7,
20 c'est-à-dire de rendre la vie insupportable.
21 Un peu plus loin dans le courant de ce mois, le Corps de la Drina
22 avait planifié et exécuté des opérations de combat contre le poste
23 d'observation du Bataillon néerlandais à Zeleni Jadar, en déplaçant ce
24 poste opérationnel et en ouvrant la voie pour une attaque future contre
25 Srebrenica depuis ce secteur. Cet élément de preuve figure clairement à
26 notre mémoire en appel au paragraphe 1 107 et se fonde essentiellement sur
27 des documents de la VRS et du Bataillon néerlandais qui ont fait état de
28 l'attaque en question.
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1 Donc, le 2 juillet, le Corps de la Drina se prépare à mettre en œuvre
2 son plan d'attaque dans l'enclave en tant que telle. Je souhaite vous
3 montrer ceci brièvement, vous montrer la pièce P1465.
4 Nous constatons d'abord que le plan d'attaque se fonde sur les
5 directives numéro 7 et numéro 7/1, ce qui sape complètement l'argument de
6 la Défense qui indique que Mladic avait retiré son ordre criminel fondé sur
7 la directive numéro 7 pour le remplacer par la directive 7/1. Sa défense a
8 été complètement mise à mal par M. Tieger lundi aux pages du compte rendu
9 d'audience 44 335 et 44 336 et dans notre mémoire en clôture au paragraphe
10 432. En outre, je vous renvoie à l'interrogatoire de M. Groome du général
11 Milovanovic sur ce point, qui a exposé les mensonges en soulignant,
12 document après document, question après question, quels étaient justement
13 ces mensonges. En particulier, confer les pages du compte rendu d'audience
14 17 123 à 17 132. Nous constatons que le plan d'attaque visait à diviser
15 Srebrenica et Zepa. Comme je vous l'ai indiqué auparavant, il s'agissait
16 d'un objectif légitime contre les efforts de l'ABiH qui souhaitait unifier
17 les enclaves sur un plan militaire et ordonner que soient circonscrites les
18 enclaves à leurs simples zones urbaines. Comme nous l'avons montré, ceci
19 avait été conçu pour chasser la population civile des zones rurales de
20 l'enclave et que ces personnes soient concentrées dans un tout petit
21 secteur urbain de Srebrenica, créant ainsi un désastre humanitaire comme en
22 1993. Créant ainsi, je cite, "des conditions visant à l'élimination des
23 enclaves," ce qui dans ce document signifiait créer une situation qui
24 permettrait à l'attaque d'avoir lieu et qui devait signifier la prise de
25 toute l'enclave et le déplacement de toute la population. Ce renvoi à une
26 élimination au niveau du plan d'attaque ne doit pas être confondu avec
27 notre emploi du terme "éliminer", c'est-à-dire l'entreprise criminelle
28 commune aux fins d'éliminer. Dans l'entreprise criminelle commune aux fins
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1 d'éliminer, nous parlons des deux à la fois, le déplacement de la
2 population et le meurtre des hommes en âge de porter les armes, comme cela
3 a été le cas quelques jours plus tard.
4 Avec l'ordre d'attaque de Krivaja 95, il y a eu la carte à l'appui de
5 l'attaque qui montre que la signature de Mladic se trouvait en bas du
6 document, approuvant ainsi cet ordre. P1087, page 25.
7 La Défense laisse entendre que Mladic a approuvé cette opération après les
8 faits; cependant, aucun élément de preuve ne permet d'étayer cela, et cela
9 n'a aucun sens au plan militaire que Mladic soit d'accord avec une
10 opération aussi importante après les faits. Le plan d'attaque, comme vous
11 l'avez constaté, a été envoyé à l'état-major principal et a été établi le 2
12 juillet, comme nous l'avons indiqué dans ce document à la page 10.
13 Le document-clé suivant porte sur la mise en œuvre d'un éventuel
14 déplacement de la population dans le communiqué du 9 juillet qui émane de
15 Tolimir et envoyé à Gvero et Krstic à Pribicevac, au poste de commandement
16 avancé, en transmettant ainsi l'approbation de Karadzic qui visait à
17 changer la stratégie sur les conditions de l'élimination de Srebrenica qui
18 devait avoir lieu dans l'ensemble de l'enclave et pour chasser tous les
19 Musulmans. P1466.
20 Le président de la Republika Srpska est satisfait des résultats obtenus par
21 les opérations de combat autour de Srebrenica et est d'accord pour
22 poursuivre ces opérations pour la prise de contrôle de Srebrenica. Ce
23 document illustre sa satisfaction au niveau de la chaîne de commandement.
24 Mladic n'est pas mentionné dans ce document. Personne d'autre n'était
25 habilité à faire une proposition aussi importante à Karadzic, une
26 proposition de changement de cette politique qui avait été mise en œuvre
27 sur deux ans créant ainsi les conditions de la chute de l'enclave. Il
28 s'agissait en fait de conquérir l'enclave.
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1 Le lendemain, le 10 juillet, Mladic a donné un ordre en se fondant sur les
2 succès réalisés à Srebrenica le 9 juillet, ordre portant sur les
3 préparatifs pour une attaque contre Zepa, P2106. Ce document montre que
4 Mladic était parfaitement informé des événements du 9 juillet. Il s'agit
5 d'une décision cruciale qui a été prise à ce moment-là. Il s'agit de
6 quelques documents tout à fait surprenants qui constituent le dossier
7 historique et qui permettent d'identifier l'objectif et l'intention sous-
8 jacente des crimes qui visaient à chasser la population musulmane de
9 Srebrenica et à planter le décor du meurtre des garçons et des hommes de
10 Srebrenica. Avec ces documents, bien évidemment, les actions sur le terrain
11 pour la mise en œuvre et la réalisation de l'objectif criminel - aux fins
12 de chasser la population civile - ont effectivement été réalisées.
13 Après la directive numéro 7 qui a été envoyée au Corps de la Drina, nous
14 constatons des éléments de preuve directs qu'il y a eu des restrictions
15 très importantes imposées sur les convois du Bataillon néerlandais et de la
16 population; en bref, le Bataillon néerlandais était quasiment incapable de
17 fonctionner correctement. Ceci est décrit en détail par différents témoins
18 du Bataillon néerlandais et exposé dans notre mémoire en clôture aux
19 paragraphes 435 à 447.
20 Les privations imposées à la population musulmane étaient tellement
21 importantes que les personnes mouraient de faim et étaient sans espoir.
22 Voir paragraphes 445 et 446.
23 La création des conditions insupportables a également été réalisée par les
24 attaques de la VRS contre la population civile, avec une attaque qui a
25 commencé le 6 juillet, comme expliqué en détail dans notre mémoire en
26 clôture. Ces attaques qui avaient été planifiées par la VRS avaient pour
27 résultat le déplacement de la population des zones rurales de la ville, y
28 compris le projet d'abri suédois d'environ 3 000 habitants. Et ceci a
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1 atteint une masse critique le 10 juillet et le 11 juillet, lorsque la
2 population a encerclé la base du Bataillon néerlandais à Srebrenica, connue
3 sous le nom d'enceinte Bravo.
4 Vous vous souviendrez de la déposition des témoins du Bataillon néerlandais
5 Rave et Boering, qui ont décrit comment dans la matinée du 11 juillet, à
6 Srebrenica, la VRS a lâché un obus au milieu de la foule et autour de la
7 population sur la base du Bataillon néerlandais. On ne peut qu'imaginer le
8 carnage.
9 Je souhaite vous montrer une courte séquence vidéo pour que vous puissiez
10 vous remémorer cette situation épouvantable, insoutenable, créée par
11 Karadzic et Mladic le 11 juillet dans la ville de Srebrenica. Où les
12 Musulmans se rassemblent dans un état de panique totale à l'endroit où se
13 trouve la base de la FORPRONU, la compagnie Bravo, certaines personnes
14 tentent de monter à bord de véhicules de la FORPRONU pour assurer la
15 sécurité et être emmenées à Potocari.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 M. McCLOSKEY : [interprétation] Ces images parlent d'elles-mêmes. Pendant
18 que la foule terrifiée fuyait et se dirigeait vers Potocari, Rave a décrit
19 que des obus tombaient des deux côtés de la route autour des gens qui
20 fuyaient, et il a donc pensé que c'étaient des efforts pour que les peuples
21 se regroupent vers le nord. Page du compte rendu 10 171.
22 Et dans la soirée du 11 juillet, la population a été complètement déplacée,
23 éloignée de leurs domiciles, dans des conditions terribles. Il y en avait
24 beaucoup avec des nouveau-nés, avec des enfants en bas âge, sans leurs
25 hommes et sans moyens pour survivre pour pendant plus de quelques jours. La
26 fuite était leur seule option puisque le Bataillon néerlandais n'avait plus
27 d'effectifs, ni d'installations, ni d'approvisionnements pour les garder en
28 vie. Paragraphes 441 jusqu'à 444. Et la force aérienne de l'OTAN n'était
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1 pas utile. La VRS tenait déjà quelques otages du Bataillon néerlandais.
2 Pendant cette même soirée, lors de la première réunion avec Mladic, le
3 commandant Karremans du Bataillon néerlandais a reconnu que l'enclave était
4 perdue et a demandé à Mladic l'autorisation de permettre au Bataillon
5 néerlandais de quitter l'enclave avec la population musulmane. Cette nuit-
6 là, Mladic a personnellement ordonné que les autocars soient prêts pour ce
7 déplacement. Nous savons que le général Skrbic en a témoigné, pages du
8 compte rendu 13 984 jusqu'à 85.
9 Mladic était présent à Potocari le 12 et le 13 juillet, il commandait à ses
10 troupes de séparer des hommes et des garçons de leurs familles, déplacer
11 des femmes et des enfants vers Kladanj et placer des hommes en détention
12 avant de les exécuter sommairement. Le témoignage et les vidéos qui
13 montrent ces deux jours terribles de l'expulsion, on peut y voir que sur
14 les visages des Musulmans la peur et la terreur étaient perceptibles.
15 Maintenant, nous allons vous montrer une séquence vidéo de notre
16 recueil de vidéos, P1147, où on peut voir un nombre massif des gens de
17 Potocari à la date du 12 juillet. Et si vous regardez attentivement cette
18 séquence vidéo, vous allez voir des hommes en âge de combattre qui étaient
19 dispersés dans cette foule, que les Serbes de Bosnie pouvaient voir
20 également.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] J'aimerais pouvoir vous faire imaginer
23 cette chaleur, ces odeurs terribles et cette horreur pour avoir une idée
24 comment c'était. L'idée selon laquelle ces gens avaient quitté cet endroit
25 de leur plein gré est insultante.
26 Du même recueil de vidéos, nous avons une séquence où vous pouvez voir
27 comment les femmes, les enfants et les personnes âgées étaient expulsés et
28 forcés de franchir la ligne de front. Ils ont dû marcher 5 kilomètres, mais
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1 la température à l'époque était de 35 degrés, et ils devaient se diriger
2 vers Kladanj.
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 M. McCLOSKEY : [interprétation] Parfois les sous-titres n'étaient pas
5 faciles à lire. La dernière femme a dit :
6 "Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? J'ai quatre enfants. Ils
7 m'ont laissée ici pour souffrir avec eux."
8 Et après, elle dit :
9 "Comment pouvons-nous… comment sommes-nous censés vivre maintenant ?"
10 Nous avons vu des documents qui sont à la base de ce crime du
11 transfert forcé et nous avons rappelé le comportement des forces de Mladic
12 qui mettaient en œuvre la police et les ordres concernant l'expulsion. Mais
13 cela n'est pas tout, ce n'est pas tout ce que nous avons vu dans ce
14 prétoire. Je suis sûr que vous allez vous rappeler ce que Mladic a dit
15 lorsqu'il a ordonné l'expulsion de la population. Le 12 juillet, Mladic a
16 pris le poste radio et a dit dans cette conversation interceptée - ce que
17 vous allez voir à l'écran, la transcription de cette conversation
18 interceptée - il dit :
19 "Mladic : Est-ce que ces autocars et ces camions étaient partis ?
20 "Mladic : Excellent, très bien. Continuez à superviser la situation.
21 Il ne faut pas que leurs petits groupes s'y faufilent. Ils ont capitulé
22 tous et ils se sont rendus, et nous allons les évacuer tous. Ceux qui
23 veulent être évacués et ceux qui ne veulent pas être évacués."
24 C'est la pièce P1235.
25 Finalement, vous allez entendre l'enregistrement audio d'une séquence
26 vidéo où quelque temps après la guerre Mladic s'est vanté de la façon à
27 laquelle il a remporté la victoire sur le peuple de Srebrenica. Nous
28 n'allons pas regarder cela maintenant, mais je peux vous lire ce qu'il
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1 avait dit à cette occasion-là :
2 "Je n'aurais pu prendre Srebrenica et Zepa si je ne les avais pas
3 affamées pendant ce dernier hiver. Depuis le mois de février, je n'ai fait
4 passer qu'un ou deux convois."
5 Vous allez vous rappeler que lorsque j'ai montré cette vidéo au
6 général Obradovic, il a été suffisamment honnête pour identifier la voix de
7 Mladic, et c'est comme cela qu'il a authentifié la séquence vidéo. Les
8 moyens de preuve sont sans équivoque et sont irréfutables. La population
9 musulmane de Srebrenica a été expulsée pendant la période allant du 11 au
10 13 juillet par Mladic et par ses forces qui opéraient en conformité avec la
11 politique de long terme et les ordres visant à les chasser. Mladic n'a
12 laissé à la population aucun choix, la population devait quitter Srebrenica
13 pour survivre.
14 Je pense que c'est maintenant le moment propice pour faire la pause.
15 Et, plus tard, je vais parler des opérations de meurtre.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous de voir. Vous avez
17 encore cinq minutes avant la pause habituelle, mais si vous pensez que
18 c'est le moment propice pour faire la pause, vous pouvez le faire.
19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Bien.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va faire la pause, et nous allons
21 continuer à 12 heures 10.
22 --- L'audience est suspendue à 11 heures 50.
23 --- L'audience est reprise à 12 heures 12.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, veuillez
26 poursuivre.
27 M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci.
28 Opération de meurtre. L'exécution sommaire de plus de 7 000 hommes et
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1 garçons musulmans et l'opération consistant à expulser les femmes et les
2 enfants aux dates du 12 [comme interprété] et du 13 juillet étaient en fait
3 une action majeure qui consistait en deux opérations interconnectées, et je
4 fais référence à ces opérations comme étant opérations de transfert forcé
5 et de meurtre, toutes les deux destinées à se débarrasser de la population
6 entière de Srebrenica, ce que nous avons défini dans l'acte d'accusation
7 comme étant l'entreprise criminelle commune pour éliminer. Nous parlons de
8 ces deux opérations de façon séparée, mais comme vous le savez - vu les
9 moyens de preuve - ces opérations sont interconnectées, en particulier pour
10 ce qui est des opérations aux 12 et 13 juillet, il faut les considérer
11 comme deux opérations qui sont très reliées entre elles et qui font la base
12 de l'entreprise criminelle commune pour éliminer.
13 Pour ce qui est des arguments que je vais présenter aujourd'hui, j'ai
14 divisé les arguments de l'Accusation concernant l'opération de meurtre en
15 quatre chapitres : d'abord, l'exécution en masse du 13 au 23 juillet et au-
16 delà de ces dates-là de plus de 7 000 hommes et garçons de Srebrenica; le
17 deuxième, les moyens de preuve identifiant les auteurs de ces crimes, il
18 s'agit exclusivement des officiers de la VRS et du MUP et qui étaient
19 placés sous le commandement de Ratko Mladic; le troisième, la présence, le
20 comportement et les actions du général Mladic du 11 juillet jusqu'au 17
21 juillet, il a commandé les unités qui se trouvaient sur le terrain et
22 également de Belgrade. Ces trois chapitres sont la base et les fondements
23 pour ce qui est de prouver la responsabilité criminelle de Mladic. Mais il
24 y a également autre chose dans le cadre du chapitre 3, et je l'appelle
25 chapitre 4, il s'agit des preuves accablantes montrant l'implication de
26 Mladic à la planification, aux ordres et à la supervision des meurtres en
27 masse.
28 La Défense, semble-t-il, accepte dans une certaine mesure qu'il y
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1 avait des meurtres qui se sont passés dans cette période de temps
2 pertinente. Mais ils avancent que le nombre de victimes de ces meurtres est
3 gonflé et qu'il s'agissait pour la plupart de gens qui étaient victimes de
4 ces meurtres en masse. La Défense est d'accord pour dire que, ainsi que
5 l'Accusation dans une certaine mesure, que Beara et Popovic et d'autres
6 officiers de sécurité aient été, de façon significative, impliqués à ces
7 meurtres. Krstic a joué important dans ces crimes.
8 Et je comprends que la Défense est d'accord avec l'Accusation
9 concernant l'endroit où se trouvaient Mladic du 11 juillet au 16 juillet --
10 dans la soirée du 16 juillet. Et je crois que --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du 6 juillet ?
12 M. McCLOSKEY : [interprétation] C'est la soirée du 16 juillet. Je pense
13 qu'ils sont d'accord pour dire que Mladic se trouvait en Bosnie, en
14 service, à la date du 11 juillet jusqu'en après-midi du 14 juillet, au
15 moment où il a franchi la frontière avec la Serbie. Pourtant, la Défense,
16 d'une façon impossible, omet Mladic ainsi que ses unités de ces crimes en
17 affirmant qu'il n'était pas au courant de cela et qu'il n'a pas été
18 impliqué à des meurtres en masse, que lui et la VRS ou les forces de la
19 police n'étaient pas au courant de cela, à l'exception faite de quelques
20 officiers chargés de la sécurité.
21 Donc, pour ce qui est des points de désaccord entre la Défense et
22 l'Accusation, ce sont les identités des auteurs de ces opérations de
23 meurtre, le commandement de Mladic et les liens qu'il avait avec ces
24 opérations.
25 Selon l'expert militaire de la Défense, ils ont conclu que ces
26 meurtres ont été commis par, je cite :
27 "Des groupes paramilitaires auto-organisés de Podrinje et des
28 criminels qui étaient connus en tant que criminels de la période avant la
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1 guerre ou qui se sont vengés… qui ont probablement commis en coopération
2 avec certains officiers chargés de la sécurité ces crimes."
3 Et qu'il n'y avait pas d'autre implication des forces de la VRS ou du
4 MUP placées sous le commandement de Mladic. C'est D1661, page 232. Nous
5 avons posé la question de savoir qui étaient les auteurs de ces crimes, qui
6 avait fait cela. Et malgré cela, ils n'ont pas dit qui c'était. Ils
7 affirment que, malgré le fait que Mladic se trouvait en fonction aux
8 endroits qui se trouvaient à la proximité des sites du crime, il n'était
9 pas courant du fait que ses forces avaient commis des crimes.
10 D'abord, l'exécution en masse. Les preuves concernant les crimes sont
11 accablantes. Vous avez reçu ces moyens de preuve, premièrement, dans
12 beaucoup de cas des survivants, dans beaucoup de cas des bourreaux
13 également qui étaient originaires de la même région que ceux qui avaient
14 été assassinés. Cela est étayé par les moyens de preuve fournis par
15 l'enquête de médecine légale sur place, par les vues aériennes, par les
16 moyens de preuve concernant le mouvement des véhicules, par les témoignages
17 de témoins des exhumations des charniers sur le territoire de Srebrenica.
18 Jusqu'ici, à peu près 6 000 victimes de meurtre de ces fosses communes ont
19 été identifiées. Et vu qu'il y a beaucoup de personnes qui sont toujours
20 portées disparues, nous nous attendons à ce que le chiffre total dépasse le
21 nombre de 7 000 personnes tuées.
22 Donc, la Défense a mis en question seulement les exécutions près de
23 la rivière Jadar et à Cerska, ensuite le meurtre des patients à Milici, et
24 ils ont dit que les meurtres en masse à Kravica étaient commis en
25 représailles puisque un soldat du MUP a été tué par un prisonnier musulman.
26 Donc, ils se sont vengés du meurtre de ce soldat du MUP. Et je vais donc me
27 fonder sur notre mémoire en clôture pour ce qui est de l'analyse détaillée
28 de ces cas.
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1 Mais vous allez vous rappeler les preuves concernant les meurtres
2 près de la rivière Jadar, ce que nous avons dit dans nos arguments
3 conformément à l'article 98 bis. Et dans notre mémoire en clôture, ce sont
4 les paragraphes 1 426 à 1 435. Vous allez vous souvenir du témoignage du
5 survivant RM314, de sa gestuelle, de toutes les preuves qui étayaient son
6 témoignage disant qu'il avait été capturé, emmené jusqu'à la rivière, on
7 lui a tiré dessus, il est tombé dans la rivière, mais il a réussi à se
8 sauver. La Défense présente de façon erronée la signification du terme
9 latin "vulna explosiva". Dans son dossier médical, ils ont dit qu'il
10 s'agissait d'une blessure par éclat d'obus, mais les preuves présentées ici
11 ont démontré le contraire; que ce terme décrit la blessure de cette victime
12 et ne fait pas référence à la cause de la blessure de cette victime. C'est
13 ce qu'on peut voir dans le dossier médical.
14 S'agissant de Cerska, le meurtre de 150 hommes de Srebrenica, même
15 s'il n'y a pas de survivants à cette exécution, les témoins, les preuves
16 médicolégales et les preuves de l'opération de nettoyage du 17 juillet
17 ordonnée par Mladic à Keserovic prouvent que les 150 Musulmans capturés
18 lors de l'opération de balayage du 17 juillet ont été exécutés à Cerska le
19 17 ou le 18 juillet. Reportez-vous à notre mémoire aux paragraphes 1 341 à
20 1 347 et 1 540 à 1 545.
21 Le nœud de l'affaire pour Cerska consiste à déterminer la date à
22 laquelle Keserovic a reçu l'ordre de Mladic de mener l'opération de
23 balayage. Nous avons prouvé que Mladic a donné cet ordre oral à Keserovic
24 la nuit du 16 juillet, après le retour de Mladic de Belgrade. Dès lors, le
25 meurtre des 150 victimes de Cerska est le résultat direct de l'ordre de
26 Mladic.
27 Si Keserovic a refusé de confirmer son témoignage selon lequel il
28 avait reçu l'ordre le 16 juillet, il n'a pas dévié de son récit selon
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1 lequel il a reçu l'ordre personnellement de Mladic la veille de son départ
2 à Bratunac. Nous avons prouvé que Keserovic s'est rendu à Bratunac le 17
3 juillet, prouvant ainsi qu'il avait reçu l'ordre de Mladic à Crna Rijeka la
4 nuit du 16. Ce qui relit directement Mladic aux meurtres de Cerska.
5 Rappelez-vous le jeune homme qui avait été pris dans l'opération de
6 balayage du 17. Il a identifié des gens qu'il connaît et qui ont été
7 trouvés parmi les 150 de Cerska, et ces personnes ont été tuées du fait de
8 l'opération de nettoyage qui avait été ordonnée et qui s'est produite au
9 milieu de la période de l'opération de meurtre.
10 Pour Kravica, la situation est complexe avec plusieurs formes de
11 preuve qui s'enchevêtrent. Vous vous souviendrez du meurtre de masse de 800
12 à 1 000 personnes à l'entrepôt de Kravica peu après le départ de Mladic de
13 la prairie de Sandici, une heure plus tôt sans doute. Nous avons des
14 preuves qui proviennent de survivants, de témoins du MUP, de vidéos, de
15 transcriptions de vidéo, de M. Blaszczyk, et cetera. Nous avons analysé de
16 près cette preuve dans notre mémoire, et je ne vais pas passer cela en
17 revue parce que c'est trop complexe. Pour le moment, il faut savoir que la
18 Défense et l'Accusation semblent être d'accord pour dire qu'un prisonnier
19 musulman a pris le fusil d'un garde du MUP et l'a tué. Ensuite, un autre
20 soldat du MUP a pris le fusil des mains du Musulman, se brûlant avec le
21 canon. La différence est que la Défense estime que c'est la mort de ce
22 soldat qui a donné à cette folie meurtrière, alors que pour l'Accusation
23 cet incident était organisé et l'exécution répondait à des ordres, et le
24 soldat s'est brûlé la main bien après le début des exécutions. Il
25 s'agissait d'un geste désespéré d'un Musulman qui voyait des exécutions qui
26 se faisaient autour de lui.
27 Pour comprendre Kravica, il faut comprendre la preuve qui montre que la
28 brûlure des mains n'aurait pu survenir qu'à l'est de l'entrepôt, bien
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1 longtemps après les tueries à l'ouest de l'entrepôt. On peut le voir en
2 écoutant les deux témoins survivants : RM256, qui était à l'ouest; et
3 RM274, qui était à l'est. Et il faut également bien regarder la vidéo de
4 l'arrivée de Borovcanin sur place.
5 Alors, ces survivants et ce récit présentent des différences mais
6 également des similitudes, et si on connecte cela avec toutes les preuves,
7 il est évident que ce n'est pas le fait que le soldat se soit brûlé les
8 mains qui a été le point de départ des exécutions. Pour notre analyse du
9 meurtre des patients de Milici, veuillez vous reporter à notre mémoire aux
10 paragraphes 1 375 à 1 368 [comme interprété], où nous expliquons les
11 preuves qui démontrent que Popovic a éloigné dix Musulmans gravement
12 blessés de la Brigade de Zvornik le 23 juillet et les a fait tuer. Et les
13 documents médicaux identifient qui sont ces personnes. Il ne fait aucun
14 doute que Popovic les tenait le 23, qu'il a ordonné l'exécution ce jour-là
15 et qu'ils ont été emmenés et tués.
16 Mais revenons-en à notre thèse principale. Comme je l'ai dit, en plus
17 des crimes dont j'ai parlé, la Défense et leurs experts n'ont pas remis en
18 cause les grands sites d'exécution. Elle s'est bornée à dire que certaines
19 des personnes exhumées des fosses communes étaient des victimes de guerre.
20 Mais il n'y a aucune preuve qui montre qu'il y ait des victimes autres que
21 des victimes de meurtre dans les fosses communes de Branjevo, Kozluk, au
22 barrage de Petkovci, Orahovac et dans les sites secondaires qui viennent de
23 ces fosses communes énormes. Seule la fosse de Glogova contenait des
24 victimes qui sont décédées dans des circonstances inconnues - combat,
25 meurtre ou autre. Glogova était utilisée, vous savez qu'elle se trouvait le
26 long de la route, et il est impossible de savoir combien de corps se
27 trouvaient le long de la route et combien de personnes sont mortes dans des
28 circonstances que nous ignorons.
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1 Ce que nous savons, c'est que Glogova contenait toutes les 800 à 1
2 000 victimes de l'entrepôt de Kravica et ainsi que les corps des victimes
3 des écoles de Bratunac - bien plus de 50, même si compte tenu des
4 circonstances du carnage nous n'avons pas pu donner des numéros précis.
5 Donc, non seulement il n'y a pas de preuve qui soutient les
6 affirmations de la Défense en ce qui concerne les victimes de guerre, mais
7 il n'y a aucune raison pour laquelle la VRS se serait lancée dans un tel
8 projet. Les zones de conflit étaient éloignées, boisées, inaccessibles, ce
9 qui reflète l'itinéraire emprunté par la colonne pour éviter les forces
10 serbes. Des corps dans ces zones éloignées ne représentaient pas un danger
11 sanitaire tel qu'il fallait engager des hommes et des ressources.
12 Les bois étaient denses, inaccessibles, et contenaient des Musulmans
13 désespérés qui étaient piégés après la chute de Srebrenica. Certains
14 d'entre eux étaient armés. Il y avait également des mines. Il y avait une
15 menace pour quiconque s'aventurait dans la zone.
16 Enfin, les fosses communes étaient très, très éloignées de la zone de
17 conflit. Orahovac était la plus proche, 5 kilomètres, mais le terrain était
18 accidenté. Il n'y avait aucune raison pour laquelle il fallait aller
19 extraire des corps qui ne posaient aucun danger à l'aide de camions et de
20 ressources. C'est absurde. Donc, cette ligne de défense n'est pas étayée,
21 dénuée de tout bon sens et doit donc être rejetée.
22 Chapitre 2 à présent, les forces qui ont commis ces crimes. Dans le
23 chapitre de leur mémoire relatif à Srebrenica, la Défense affirme que le
24 colonel Beara, Popovic, Nikolic et Nikolic ont joué des rôles importants
25 pour organiser et exécuter l'opération de meurtre. Nous sommes tout à fait
26 d'accord. Toutefois, après avoir quelque peu reconnu l'implication de Beara
27 et de Popovic, la Défense déraille et prétend que les meurtres n'ont pas
28 été exécutés par les forces de Mladic, mais par des groupes paramilitaires
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1 auto-organisés et des groupes de justiciers dont les familles avaient été
2 tuées. Ces paroles de l'expert Kovac sont davantage les paroles d'une
3 partie qui était en désespoir et se sent prise au dépourvu, davantage qu'un
4 argument ou une évidence tenant la route. Il n'y aucune preuve montrant que
5 des personnes répondant à cette description auraient joué un quelconque
6 rôle dans l'opération ou étaient présentes dans la zone.
7 Lorsqu'on lui a demandé de citer un tel groupe en contre-
8 interrogatoire, Kovac n'a pu nommer que les Skorpions. Compte rendu
9 d'audience page 41 855. Mais rappelez-vous le temps que nous avons consacré
10 à examiner les documents. Vous avez vu des documents de la VRS, des
11 graphiques et d'autres preuves qui montrent que les Skorpions étaient une
12 unité du MUP serbe engagée dans des combats dans la zone de responsabilité
13 du SRK, resubordonnée à la VRS et placée sous le commandement du Corps
14 Sarajevo-Romanija. Il y a un document dont je ne parle pas dans mon
15 mémoire, mais je me souviens que Dragomir Milosevic dans ce document disait
16 "nos forces sont ici" et il parlait des Skorpions. Cela figure dans notre
17 mémoire.
18 Je ne vais pas vous montrer cette vidéo aujourd'hui, mais cette vidéo
19 est extrêmement claire. Les Musulmans viennent de manière si évidente de
20 Srebrenica. Nous n'avons pas exposé les faits, les détails de ce crime
21 autant que nous aurions dû le faire. Nous l'avons fait maintenant. Mais
22 cela doit être fait pour montrer que cela faisait partie de l'opération de
23 meurtre de l'entreprise criminelle commune visant à éliminer.
24 Les preuves relatives aux officiers, unités et troupes qui ont pris
25 part aux opérations de meurtre du 13 juillet sont exposées clairement dans
26 notre mémoire en clôture, mais je vais vous présenter un résumé.
27 Autour de Potocari se trouvaient au commandement Mladic, Krstic et
28 Borovcanin, avec Popovic, Nikolic, Salapura, Jankovic et Kosoric qui
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1 exécutaient l'opération, en utilisant des soldats et des officiers de la
2 Brigade de Bratunac, notamment la police militaire, la police spéciale du
3 MUP de la RS, des membres du 65e Régiment de Protection, des membres du 10e
4 Détachement de Sabotage et d'autres.
5 A Bratunac, du 11 au 13 juillet, Mladic était présent avec Krstic,
6 Zivanovic, Popovic, Borovcanin, Radislav Jankovic et tous les commandants
7 de brigade du Corps de la Drina qui ont participé à l'attaque de
8 Srebrenica, Pandurevic, Blagojevic, Furtula, Trivic, et d'autres.
9 Dans la zone de Zvornik, le commandant adjoint de la Brigade de Zvornik,
10 Obrenovic, a joué un rôle-clé, ainsi que Pandurevic lorsqu'il est rentré de
11 la bataille de Zepa le 15 juillet. Les officiers de brigade en service du
12 14 au 17 juillet ont pleinement participé à l'organisation des exécutions
13 avec les commandants du 4e Bataillon à Orahovac, du 6e Bataillon de
14 Petkovci, du 2e Bataillon de Rocevic et du 1er Bataillon de Pilica. Les
15 officiers, soldats et unités impliqués dans les meurtres de Zvornik sont
16 trop nombreux pour être nommés.
17 Le fait que la Défense fasse abstraction de cette preuve volumineuse qui
18 démontre l'implication directe de la VRS et du MUP souligne combien sa
19 thèse est formulée en désespoir de cause et en dépit du bon sens. Peut-être
20 que la semaine prochaine nous entendrons quelque chose de nouveau.
21 Chapitre 3. La présence de Mladic à Srebrenica, Bratunac et Zvornik à
22 plusieurs moments entre le 11 juillet et l'après-midi du 14 juillet n'est
23 pas contesté par la Défense. Les preuves sont accablantes, bien entendu.
24 Elles proviennent de témoins, de documents, d'écoutes téléphoniques, et en
25 particulier de vidéos de Mladic à Srebrenica le 11 juillet, à l'hôtel
26 Fontana les 11 et 12 juillet et à Potocari le 12 juillet, pour ne
27 mentionner quelques-unes des sources. Toutes ces preuves montrent
28 clairement Mladic en uniforme, en service, au commandement, exerçant sa
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1 fonction de commandant. L'idée que Krstic était aux manettes a été
2 clairement réfutée par M. Tieger, et je ne reviendrai plus là-dessus dans
3 les détails.
4 La Défense affirme dans son mémoire au paragraphe 643 que lorsqu'il se
5 trouvait à un poste de commandement de corps, Mladic ne pouvait que
6 conseiller le commandant de corps et ne pouvait se substituer à son
7 autorité. C'est de cela que parlait M. Tieger lorsqu'il l'a précisément
8 réfuté. Il a expliqué comment la chaîne hiérarchique de commandement
9 fonctionnait. Donc, je ne vais pas détailler cela.
10 Je vais à présent aborder les preuves qui lient Mladic à la création et la
11 mise en œuvre de l'opération de meurtre, ainsi que les ordres qui ont été
12 donnés.
13 Nous allons commencer par les paroles fameuses qu'il a prononcées vers 17
14 heures 30 le 11 juillet lors de son passage par la ville de Srebrenica. Il
15 s'agit de la pièce à conviction P1147.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Nous voici ici le 11 juillet 1995 dans
18 Srebrenica la Serbe à la veille d'une nouvelle fête, grande fête serbe.
19 Nous donnons cette ville au peuple serbe comme cadeau. Enfin, après la
20 rébellion contre les Dahi, le moment est venu de se venger des Turcs dans
21 cette région."
22 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
23 M. McCLOSKEY : [interprétation] "Le moment est venu de se venger des Turcs
24 dans cette région." Ces paroles doivent être prises au sérieux, car six
25 jours après qu'il les ait prononcées, les officiers et les hommes de Mladic
26 ont tué plus de 7 000 hommes musulmans à Srebrenica.
27 Revenons-en au soir du 11 juillet et de la réunion à l'hôtel Fontana.
28 J'aimerais appeler votre attention sur les moments les plus importants de
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1 cette réunion à l'hôtel Fontana qui contribuent à révéler les intentions et
2 les stratégies de Mladic, ainsi que sa décision de massacrer les hommes en
3 âge de porter les armes à Srebrenica dans la soirée du 11 juillet ou au
4 début de la matinée du 12 juillet.
5 Pendant la première réunion de l'hôtel Fontana le 11 juillet, Mladic
6 intimide Karremans et ses officiers qu'il menace en utilisant les mots de
7 mort et en leur lançant diverses phrases vulgaires. Auparavant, nous vous
8 avions demandé de prendre en compte cet élément de preuve pour montrer
9 qu'il n'y avait pas eu de négociations à l'hôtel Fontana et que Mladic
10 exerçait complètement son contrôle. C'est toujours le cas à ce moment-là,
11 mais j'aimerais qu'en cet instant vous vous concentriez sur les mots
12 prononcés par le colonel Karremans en réponse à Mladic. Après des cris et
13 des menaces adressés aux officiers du Bataillon néerlandais, Mladic
14 finalement se calme et pose une question à Karremans, je cite :
15 "Que voulez-vous ? C'est vous qui avez demandé une réunion. Alors, parlez."
16 Et je vous indique au compte rendu d'audience ce qu'a répondu le colonel
17 Karremans.
18 Karremans parle, je cite : "J'ai eu une discussion avec le général
19 Nikolai il y a deux heures…" Un peu plus loin, il déclare, je cite : "… et
20 aussi avec les autorités nationales concernant la demande faite au nom de
21 la population. C'est une demande parce que je ne suis pas en mesure
22 d'exiger quoi que ce soit. Nous… le commandement de Sarajevo a déclaré que
23 l'enclave était perdue."
24 Nouvelle citation de Karremans :
25 "Et la demande du commandant de la Bosnie-Herzégovine porte… disons,
26 sur une négociation ou une requête en vue du retrait du bataillon et du
27 retrait de ces réfugiés et s'il y a des possibilités en vue d'une aide à ce
28 retrait."
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1 C'est ce que l'on voit dans la vidéo présentée durant le procès, qui
2 constitue la pièce P1147, page 17 du compte rendu d'audience.
3 Comme vous pouvez le constater, Karremans dit à Mladic que le
4 commandement des Nations Unies a conclu que l'enclave avait été perdue et
5 il demande que Mladic approuve le retrait du Bataillon néerlandais et de
6 plusieurs milliers de réfugiés de Potocari. C'est un moment béni pour
7 Mladic et Karadzic après des années d'efforts visant à déplacer les
8 Musulmans hors de la Bosnie orientale, qui en ont été uniquement empêchés
9 en 1993 par la FORPRONU le 11 juillet. Mais à présent la FORPRONU a cédé et
10 elle demande à Mladic de les autoriser ainsi que d'autoriser la population
11 musulmane à quitter Srebrenica.
12 Mladic n'a pas, en fait, donné à la FORPRONU un choix réel. Il avait
13 plusieurs milliers d'otages musulmans à sa disposition qui se battaient
14 pour survivre et il avait plus de 50 otages du Bataillon néerlandais qui
15 n'avaient plus la moindre option militaire outre que celle des Nations
16 Unies ou de l'OTAN. Mais ce que je souhaite dire ici à votre intention,
17 c'est qu'avec cette reddition complète, Mladic est désormais capable de se
18 concentrer sur sa décision de déplacer la population par tous les moyens
19 matériels possibles ou autres moyens possibles et de s'occuper des hommes
20 en âge de porter les armes à Potocari et ailleurs dans l'enclave. Nous
21 savons grâce au commandant adjoint de l'état-major principal de Mladic
22 chargé du personnel et des affaires relatives à la mobilisation, c'est-à-
23 dire grâce à la déposition de Petar Skrbic, que Mladic en personne a
24 ordonné des autobus tard dans la nuit du 11 juillet. Skrbic a témoigné à ce
25 sujet dans les pages 13 984 et 13 985 du compte rendu d'audience.
26 Ce même soir, Mladic ordonne à Borovcanin de se livrer à l'assaut final sur
27 Potocari dès les premières heures du matin du 12 juillet. Voyez le rapport
28 de Borovcanin, pièce P724.
Page 12553
1 Comme vous vous en souviendrez, Borovcanin et des éléments de la Brigade de
2 Bratunac ont procédé à cet assaut sans la moindre opposition sur Potocari
3 le matin du 12 et ont rapidement pris le contrôle de la population
4 musulmane et du Bataillon néerlandais. Donc, sans aucun obstacle émanant
5 des Nations Unies ou de l'OTAN dans la soirée du 11 juillet, Mladic peut
6 désormais regarder en face les hommes en âge de porter les armes qui vont
7 bientôt se trouver sous son contrôle. La VRS a vu ces hommes dans la nuit
8 du 11 juillet et en a rendu compte à Mladic. Voir paragraphe 1 159 de notre
9 mémoire en clôture.
10 Lors de la deuxième réunion tenue à l'hôtel Fontana avec un instituteur
11 musulman, Nesib Mandzic, nous voyons que Mladic se concentre sur l'armée
12 musulmane de Bosnie en insistant à de nombreuses reprises pour qu'une
13 réunion se tienne le lendemain avec un représentant de l'armée musulmane.
14 Suite à cette réunion, Mladic et Krstic dînent ensemble à l'hôtel Fontana,
15 où ils passent tous les deux leur nuit. Voir paragraphes 1 174 et 1 219 de
16 notre mémoire en clôture. Les officiers du renseignement de Mladic,
17 Radoslav Jankovic et Kosoric, ont été vus sur les images vidéo de l'hôtel
18 également.
19 Vous vous rappellerez la déposition de Momir Nikolic qui explique ces faits
20 en indiquant qu'ils avaient besoin de son aide. Voir paragraphe 1 176 de
21 notre mémoire, ainsi que la déposition de Momir Nikolic en pages 11 820 et
22 11 827 du compte rendu d'audience.
23 Ainsi, la décision prise par Mladic de trier les hommes de Potocari était
24 en fait une décision de séparation visant au meurtre de ces hommes. Ceci
25 est devenu manifeste très rapidement à partir du moment où cette séparation
26 a commencé. Il n'y a plus été question de tri concernant ces hommes. Il
27 s'est agi d'une division par la violence la plus brute des hommes par
28 rapport au reste de la population. Et cette séparation a concerné à de
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1 nombreuses reprises de jeunes garçons de 13 à 15 ans, et même plus jeunes,
2 ainsi que des hommes qui avaient largement dépassé l'âge de 60 ans. Tous
3 ces hommes ont été regroupés dans des conditions inhumaines, dans une
4 chaleur extrême, privés de nourriture ou de médicaments, et ne disposant
5 d'une quantité d'eau à peine suffisante pour les maintenir en vie. Les
6 documents d'identification ont été jetés et incendiés dans le cadre de ce
7 processus, ce qui montre que Mladic n'avait pas la moindre préoccupation
8 pour ces personnes, qu'il ne les considérait pas comme des prisonniers de
9 guerre et qu'il ne souhaitait conserver aucun document les concernant. Vous
10 vous rappellerez peut-être ces photographies montrant une pile énorme de
11 biens personnels appartenant aux Musulmans, y compris des cartes d'identité
12 et documents d'identité, qui ont été brûlés à Potocari. On le voit dans la
13 pièce P1423.
14 Dans leur détention aux environs de Bratunac, les hommes séparés du reste
15 de la population étaient frappés et nombre d'entre eux ont été tués par les
16 soldats qui les gardaient.
17 Ces processus de séparation et de détention à Potocari et à Bratunac
18 confirment la décision de Mladic de séparer les hommes du reste de la
19 population et montrent son intention de les tuer.
20 Avant d'aller plus loin, je souhaite que soient diffusés les propos de
21 Mladic à la deuxième réunion de l'hôtel Fontana, mots qui indiquent bien
22 son intention. C'est Nesib Mandzic qui parle.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Il n'est pas nécessaire que votre
25 population se fasse tuer… vos maris, vos frères ou vos voisins… comme je
26 l'ai dit à ce monsieur la nuit dernière, vous pouvez survivre ou
27 disparaître. Pour que vous surviviez, j'exige que tous les hommes portant
28 les armes, même ceux qui ont commis des crimes - et ils sont nombreux à
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1 avoir commis des crimes - contre notre peuple, rendent leurs armes à la
2 VRS."
3 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
4 M. McCLOSKEY : [interprétation] Ceci apparaît dans la pièce P1147 et aux
5 pages 49 à 50 du compte rendu d'audience.
6 Destruction, salut, crainte. M. Tieger a déjà diffusé à votre intention des
7 images de la réunion du 12 juillet où nous entendons des mots assez
8 similaires. Je ne vais pas rediffuser cette vidéo, mais je vais vous
9 rappeler…
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous entendez l'interprétation du côté
11 de la Défense ?
12 M. LUKIC : [interprétation] Nous avons un problème d'interprétation. Nous
13 ne l'entendons pas.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vérifions. Il n'y a pas encore
15 d'interprétation à partir de la cabine B/C/S. Je vois que certaines
16 tentatives ont été faites. Je ne sais pas si le problème est résolu. Il est
17 résolu.
18 Veuillez procéder, Monsieur McCloskey.
19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Ce que vous devriez voir sur vos écrans,
20 c'est la transcription correspondant à la vidéo que M. Tieger vous a
21 montrée lundi.
22 "Aucune nécessité pour votre population de se faire tuer. Aucune nécessité
23 que vos maris, vos frères ou vos voisins soient tués… comme je l'ai dit à
24 ce monsieur la nuit dernière, vous pouvez soit survivre, soit disparaître.
25 Pour que vous surviviez, j'exige que tous les hommes en armes, même ceux
26 qui ont commis des crimes - et ils sont nombreux - contre notre peuple
27 rendent leurs armes à la VRS."
28 Là encore, les mots "survivre" et "disparaître" sont prononcés. Et étant
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1 donné ce que Mladic et ses hommes ont fait pendant les jours qui ont suivi,
2 ces mots doivent être pris terriblement au sérieux. L'homme musulman dont
3 Mladic parle dans cette vidéo, c'est Ibro Nuhanovic. Suite à cette réunion,
4 il est resté aux côtés de son fils adulte, Muhamed, et de son épouse,
5 Nasiha, et tous les deux ont été tués. Leurs restes ont été retrouvés.
6 Confer pièce P1982 et paragraphe 1 197 de notre mémoire en clôture.
7 N'oubliez pas non plus que le commandant de la Brigade de Zepa, Avdo Palic,
8 a été assassiné alors qu'il était sous la garde de la VRS.
9 Pendant toute la journée du 12 juillet, Mladic a supervisé ce processus
10 abominable de séparation qui s'est produit à Potocari en tournant des films
11 de propagande destinés à ses partisans et en faisant semblant de rassurer
12 la population par des promesses creuses, voire des mensonges flagrants.
13 Dans la soirée du 12 juillet, Mladic tient une réunion et participe à un
14 dîner au QG de la Brigade de Bratunac pour célébrer la prise de l'enclave.
15 Durant cette réunion, Mladic annonce qu'il a regroupé ses troupes et
16 qu'elles vont faire mouvement dans la direction de Zepa le lendemain matin,
17 13 juillet, contre l'avis des commandants Pandurevic et Trivic, et il
18 ordonne à Krstic de préparer un plan d'attaque pour le lendemain matin.
19 Vous avez là un exemple classique qui montre comment Mladic exerçait son
20 commandement et sa direction sur ses commandants subordonnés, puisque
21 Krstic a effectivement rédigé le plan d'attaque que l'on trouve dans la
22 pièce D290 et a effectivement rassemblé les hommes du Corps de la Drina qui
23 ont fait mouvement dans la direction de Zepa le lendemain conformément à
24 l'ordre reçu.
25 La Défense argue du fait que cette réunion se serait déroulée le 11
26 juillet, mais ceci est absolument faux. Les éléments de preuve établissent
27 clairement que cette réunion et ce dîner ont eu lieu dans la soirée du 12
28 juillet. Nous évoquons cet élément de preuve dans tous ses détails dans
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1 notre mémoire en clôture aux paragraphes 1 215 à 1 226. Et ces éléments
2 prouvent, si nécessité existait de le prouver, que cette rencontre s'est
3 bien produite dans la soirée du 12 juillet. Cette rencontre était une
4 réunion importante. C'est la clé pour comprendre la série d'événements qui
5 ont eu lieu dans la soirée du 11 juillet, lorsque Mladic et Krstic étaient
6 ensemble à l'hôtel Fontana pour dîner après avoir rencontré le Bataillon
7 néerlandais, comme nous l'avons déjà dit, réunion au cours de laquelle le
8 sort des hommes musulmans a été décidé. Le 12 juillet, Mladic participe à
9 cette rencontre avec les commandants de brigade pour célébrer la décision
10 et décide de faire mouvement vers Zepa.
11 Le 13 juillet. Les événements du 13 juillet, plus que ceux d'aucun
12 autre jour, mettent en lumière la profonde et importante implication de
13 Mladic dans l'opération de meurtre. Le 13 juillet, c'est le point culminant
14 des expulsions. C'est le moment où les derniers coups sont portés pour
15 assurer le transport de plusieurs milliers de femmes et d'hommes [comme
16 interprété] toujours sur place vers Zepa [sic], tout en continuant à
17 séparer des centaines et des centaines d'hommes en âge de porter les armes
18 à Potocari.
19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
20 M. McCLOSKEY : [interprétation] Excusez-moi, je viens de dire "Zepa";
21 j'aurais dû dire "Kladanj".
22 C'est une entreprise gigantesque, et donc Mladic est sur place dans
23 le secteur la majeure partie de la journée pour superviser ce travail. Il
24 est au milieu de tout cela. Il est à Bratunac dans la matinée, il est là
25 pour exhorter ses troupes et il est de nouveau à Potocari ensuite où se
26 poursuivent les séparations et les expulsions.
27 Ce matin-là également, et pendant le reste de la journée, Mladic et
28 ses hommes sont totalement pris par la reddition et la capture d'environ
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1 6 000 Musulmans qui se trouvaient dans la colonne fuyant Srebrenica. Et
2 c'est à ce moment-là et à cet endroit, alors qu'ils devaient s'occuper de
3 plusieurs milliers de personnes, que Mladic et ses hommes font quelques
4 erreurs et commencent à révéler la nature meurtrière de l'opération. Les
5 meurtres organisés commencent le matin, à la première heure, avec les
6 exécutions au bord de la rivière Jadar aux environs de 11 heures du matin
7 et les meurtres dont a parlé le Témoin RM314 qui a vu des gens fuir par
8 la rivière vers des lieux plus sûrs.
9 Beara, également, est quelqu'un qui a son importance, et nous le
10 voyons à partir d'une conversation interceptée où il est question d'ouvrir
11 une ligne et d'émettre des ordres pour organiser le sort de plusieurs
12 centaines de Musulmans capturés dans les environs de Konjevic Polje. Donc,
13 Beara a manifestement été amené sur place pour s'occuper de ces
14 prisonniers. A ce moment-là, Mladic est tout près, il est un peu plus bas
15 sur la route de Srebrenica ou de Bratunac. Et rappelez-vous, le seul
16 travail de Beara à partir du 13 et jusqu'au 16 juillet a consisté à mettre
17 en œuvre l'opération meurtrière.
18 Je vais maintenant vous soumettre des commentaires faits par Beara ce
19 matin-là qui parle avec le lieutenant Lucic, membre du 65e Régiment de
20 Protection, et Zoran Malinic, son adjoint. C'est la pièce P1415, une
21 conversation interceptée.
22 "Beara : "Est-ce que tu sais que 400 balija ont fait leur apparition
23 à Konjevic Polje ?
24 "X : Et puis, ils ont été regroupés et désarmés, tous.
25 "Beara : Excellent, excellent, magnifique.
26 "X : Il y a quelqu'un pour les garder.
27 "Beara : Balance-les tous sur le terrain de jeu.
28 "X : Qui est-ce qui s'occupe d'eux ? Qui est-ce qui en a quelque
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1 chose à faire ?
2 "Beara : Eh bien, dans ce cas, aligne-les en quatre ou cinq rangées."
3 Et puis, Zoka dit à Beara - Zoka c'est le surnom de Malinic - que
4 quelques-uns de ces Musulmans se sont regroupés, et sa réponse à cela est
5 la suivante :
6 "Eh bien, excellent. Continuez à les tuer."
7 La Défense convient que Beara est impliqué dans l'opération
8 meurtrière. Mladic se trouve également dans le secteur en compagnie de
9 Krstic, Salapura, Popovic, Nikolic et d'autres, tous capables de fournir
10 des informations à ce sujet. Laisser entendre que Mladic n'est pas au
11 courant que Beara est informé ou qu'il a participé à cela est absolument
12 absurde.
13 L'exemple suivant que j'aimerais vous soumettre, c'est la
14 communication provenant de Tolimir qui émet une proposition en date de
15 septembre adressée à Mladic concernant l'après-midi du 13 juillet et
16 l'implication du commandant du 65e Régiment de Protection. Le nombre de
17 prisonniers capturés s'est accru spectaculairement ce jour-là. Tolimir a
18 été impliqué à ce moment-là, alors qu'il se trouvait à Rogatica et qu'il a
19 été appelé en raison de l'attaque imminente sur l'enclave de Zepa. Mais des
20 erreurs apparaissent, et c'est ce qui est écrit dans la proposition
21 élaborée par Tolimir.
22 Ce document révèle que les commandants les plus gradés de la VRS et
23 de l'état-major ont tous participé à la capture de ces plusieurs centaines
24 de Musulmans sur la route. Comme nous le voyons dans le document contenant
25 la proposition de Tolimir, c'est Mladic qui la reçoit, ainsi que Gvero, et
26 dans ce document est évoquée l'implication de Miletic et de Malinic. C'est
27 un document rédigé par Savcic. Mais Savcic fait une erreur au paragraphe 3,
28 où il fait référence aux prisonniers musulmans de Nova Kasaba. Il a proposé
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1 dans ce texte de les emmener hors de vue, loin du terrain et de cet
2 endroit. A ce moment-là, les forces internationales étaient les seules qui
3 accédaient librement à l'espace aérien, donc cette proposition a pour but
4 de dissimuler les prisonniers hors de la vue de l'OTAN ou de la FORPRONU.
5 C'est une indication très claire que l'intention à l'époque consistait à
6 tuer les prisonniers. Le moindre doute concernant cette intention
7 meurtrière est écarté par la lecture de ce document et par Savcic lui-même
8 qui est l'auteur du document.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, vous parlez de
10 "terre et d'air". Où est-ce que cela est indiqué dans ce le document ?
11 M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci de cette correction.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.
13 M. McCLOSKEY : [interprétation] Savcic a témoigné ici en déclarant qu'il
14 avait connaissance de la proposition et du fait qu'elle signifiait la
15 nécessité de cacher les prisonniers par rapport à l'OTAN. Et lorsqu'on lui
16 a demandé pourquoi, il a fourni la raison en disant que la VRS était
17 inquiète quant au fait que l'OTAN pourrait prendre les Musulmans pour des
18 Serbes et les bombarder. Voir pages 33 680 à 33 682 du compte rendu
19 d'audience. Ceci est une absurdité au-delà des absurdités car la lecture de
20 ce document ne peut conduire qu'à une conclusion, à savoir qu'il était au
21 courant de la vérité et qu'il a menti devant la Chambre.
22 Alors, voyons les choses d'un peu plus près. Je tiens à vous faire part de
23 la réponse de Mladic à la proposition de Tolimir contenue dans l'ordre de
24 Mladic qui adopte la proposition de Tolimir, ordre rédigé dans la plus
25 grande discrétion et qui ordonne à ses hommes de cacher les prisonniers des
26 yeux de l'OTAN. Mais vous vous rappellerez qu'à la date du 13, tous les
27 prisonniers avaient été emmenés soit à bord de véhicules, soit placés
28 derrière des portes fermées, où personne ne pouvait les voir depuis
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1 l'espace aérien.
2 Dans la soirée du 13, environ 6 000 prisonniers capturés sur la route
3 sont concernés par cette décision, il est donc décidé de les déplacer vers
4 Zvornik, loin des organisations internationales présentes à Bratunac et à
5 Potocari. Vous vous rappellerez que Karadzic, à une de ses conversations
6 qui est interceptée, conversation à 8 heures 10 de la soirée, dans laquelle
7 il dit à Deronjic de veiller à ce que les "produits" se trouvent dans
8 l'entrepôt le lendemain matin. C'est une référence aux prisonniers de
9 Bratunac qui devaient être envoyés dans les écoles environnant Zvornik.
10 Pièce P1290.
11 Cette même nuit, Drago Nikolic informe le commandant Obrenovic - commandant
12 adjoint de la Brigade de Zvornik - du fait que Mladic et ses commandants
13 supérieurs ont ordonné le meurtre des prisonniers de Srebrenica et que
14 Popovic a besoin de Drago pour l'assister dans cette opération. Paragraphe
15 1 271 de notre mémoire en clôture.
16 Dans une autre proposition plus tardive ce soir-là, Tolimir propose à Gvero
17 et à l'état-major principal dans un document écrit que 800 prisonniers
18 soient déménagés en secret vers le secteur de Rogatica pour y faire du
19 travail agricole, c'est-à-dire s'occuper de chevaux, de cochons ou de
20 moutons. Pas un mot n'est écrit qui concerne l'officier de la logistique,
21 Djoko Razdoljac, de la Brigade de Rogatica dont le témoignage fait partie
22 des éléments de preuve de l'espèce. Pièce P3491 [comme interprété].
23 En même temps, Tolimir, Karadzic et nombre d'autres responsables s'occupent
24 des questions liées à la détention, au transport et au meurtre des
25 prisonniers. Beara est à Bratunac, il s'occupe des prisonniers qu'il faut
26 déplacer vers les écoles. Il est en compagnie d'un responsable de la police
27 militaire de la Brigade de Bratunac et de Celanovic. Il s'occupe du
28 transport vers Zvornik avec l'aide de Nikolic. Et celle des autorités
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1 civiles, il s'occupe de l'enterrement de plusieurs centaines et centaines
2 de victimes de l'entrepôt de Kravica. Et enfin, dans l'après-midi, Mladic
3 circule sur la route où désormais plusieurs milliers de prisonniers sont
4 regroupés sans possibilité de se déplacer et il leur adresse un discours
5 dans le pré de Sandici et à Nova Kasaba. Pendant qu'il est sur place,
6 Mladic ordonne personnellement à son commandant Malinic, commandant du
7 Bataillon de Police militaire sur place, d'arrêter d'enregistrer par écrit
8 les noms des prisonniers et d'escorter ces prisonniers vers Bratunac.
9 Mladic, encore une fois, s'efforce de cacher le fait que les prisonniers
10 sont promis à un sort connu de lui, et nous savons quels ont été les
11 détails caractérisant leur sort. Il dit à Malinic que des autobus vont
12 bientôt arriver et qu'il faut obéir aux ordres de les envoyer à Bratunac,
13 ces prisonniers. Voir notre mémoire en clôture aux paragraphes 1 260 et 1
14 261.
15 A partir de là, Mladic se rend à Vlasenica auprès du commandement du Corps
16 de la Drina où il tient une cérémonie de promotion destinée à Krstic, qui
17 est promu au grade de commandant du Corps de la Drina. Et rappelez-vous,
18 Beara est en train, à ce moment-là, de circuler sur la route de Bratunac
19 avec les prisonniers et d'organiser les enterrements, les déplacements de
20 prisonniers, le transport de prisonniers toute cette nuit-là vers Zvornik.
21 Je vous montre ce document, le document concernant le personnel, qui montre
22 la nomination de Krstic au grade de commandant du corps, parce que nous
23 voyons que ceci se fait suite à un décret du président de la Republika
24 Srpska. Donc, nous voyons que Karadzic et Mladic agissent de concert au
25 sujet de cette nomination particulièrement importante. Bien sûr, c'est le
26 cas. Ils sont en constante communication et c'est une décision majeure.
27 Encore une fois, nous voyons là la chaîne de commandement en action. Pièce
28 à conviction P7056.
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1 Après cela, Mladic se rend à son poste de commandement de Crna Rijeka, où
2 il passe la nuit. C'est encore un lieu où un certain nombre d'informations
3 l'attendent, donc il obtient tout ce dont il a besoin de savoir. Donc,
4 pendant toutes ces actions que je viens d'évoquer et qui entourent
5 l'opération meurtre, Mladic est présent au cœur de l'action avec les masses
6 de prisonniers condamnés, avec ses principaux officiers au poste de
7 commandement, qui communiquent les uns avec les autres et avec diverses
8 sources de renseignements venant du service de Renseignements. La Défense
9 argue du fait qu'il ne savait rien et qu'il n'était pas impliqué. C'est
10 absolument impensable. Mladic est un criminel, mais ce n'est pas un idiot.
11 Je pense que c'est le moment de la pause.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. De combien de temps pensez-vous
13 avoir encore besoin ? Deux parties d'audience, je pense ? Et M. Tieger, il
14 aura besoin de combien de temps ?
15 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je n'ai pas encore utilisé deux parties
16 d'audience.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cinq minutes de moins.
18 M. McCLOSKEY : [interprétation] J'espère que je peux en terminer en 30
19 minutes.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
21 M. TIEGER : [interprétation] Dix minutes, je pense.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si les estimations sont
23 respectées, nous aurons le temps d'en terminer à 14 heures 15.
24 L'audience est levée.
25 --- L'audience est suspendue à 13 heures 10.
26 --- L'audience est reprise à 13 heures 32.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, si vous allez
28 jusqu'à 2 heures, à ce moment-là M. Tieger aura un petit peu de temps au-
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1 delà de l'estimation qu'il nous a fournie.
2 M. McCLOSKEY : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
4 M. McCLOSKEY : [interprétation] Le 14 juillet. Maintenant, nous sommes à la
5 date du 14 juillet.
6 Mladic se trouve au commandement de l'état-major principal dans la matinée
7 du 14, au moment où des travaux d'Hercule en vertu de cette opération
8 meurtrière se poursuivent. Bien évidemment, le convoi très important
9 d'autocars et de camions provenant de Bratunac pour se rendre dans les
10 écoles autour de Zvornik, dirigé par Popovic, des hommes qui seront tués à
11 Orahovac ce jour-là, à Petkovci le soir, et les jours suivants.
12 Mladic emprunte la même route que le convoi en début d'après-midi du 14. Il
13 passe par Zvornik, et donc c'est à peu près à ce moment-là que les
14 personnes sont tuées à Orahovac. Il est inconcevable que les forces de
15 Mladic soient engagées dans cette opération meurtrière massive dans le
16 secteur et qu'il n'ait pas été complètement informé et qu'il contrôle cette
17 opération. Mladic restait au commandement et au contrôle de la VRS alors
18 qu'il était à Belgrade, et aucun autre officier ne l'a remplacé, pages du
19 compte rendu d'audience 14 543 [comme interprété] à 14 544 [comme
20 interprété]. Je vous rappelle la déposition du colonel Obradovic, qui était
21 le chef des opérations. Me Lukic lui a posé une question au sujet de
22 l'absence de Mladic et du fait qu'il n'y avait personne pour le remplacer,
23 14 543 à 14 444 [comme interprété].
24 "Est-ce que le fait de se rendre en Serbie signifie que l'on est absent ?"
25 Le colonel Obradovic répond, et je cite :
26 "Cela ne dépend pas de l'endroit où se trouve le commandement, mais
27 cela dépend de la durée de l'absence."
28 La Chambre de première instance a ensuite questionné le témoin sur
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1 l'époque à laquelle ceci a correspondu. Obradovic a répondu :
2 "Une semaine à peu près, à mon sens."
3 Comme vous le savez, même ou d'après les affirmations de la Défense,
4 Mladic était à Belgrade pendant plus de trois jours.
5 Quoi qu'il en soit, Mladic aurait pu être dans un coma à la fin de
6 l'après-midi du 14 juillet, il aurait, malgré cela, été pénalement
7 responsable pour sa participation à la mise en œuvre de l'entreprise
8 criminelle commune aux fins d'éliminer la population entre le 11 et le 14
9 juillet. Aucun autre alibi n'aurait pu être présenté à cet égard.
10 Pour finir, je souhaite conclure mon réquisitoire en parlant de trois
11 conversations téléphoniques interceptées. Je souhaite en premier lieu vous
12 raconter le récit de ces conversations téléphoniques interceptées.
13 Le 13 juillet, un nombre très important de Musulmans avaient été fait
14 prisonniers le long de la route et Beara était très impliqué dans cette
15 opération, mais il avait besoin d'aide pour exécuter ces personnes. Il a
16 reçu un ordre de Mladic envoyé au commandant de la Brigade de Visegrad,
17 Furtula. Il a demandé à Furtula de lui envoyer en renfort 30 hommes pour
18 apporter du renfort à Beara. Ces hommes ont été transportés à bord
19 d'autocars, se sont rendus à Visegrad, et leur autocar est tombé en panne.
20 Et dans la soirée du 13 juillet, personne n'était venu les chercher,
21 personne n'a su ce qui s'était passé après cela. Et donc, à la date du 15
22 juillet, après que les hommes ont été tués à Orahovac et Petkovci, il
23 restait encore 800 hommes environ qu'il fallait tuer. Donc, ils étaient à
24 Kozluk, à l'école Rocevic, 700 [comme interprété] personnes se trouvaient à
25 l'école de Pilica et au Dom de Pilica. Et comme vous vous en souvenez tous
26 certainement, la colonne musulmane s'approche de Zvornik et constitue une
27 menace. Vinko Pandurevic est rappelé pour défendre Zvornik et d'autres
28 troupes entrent pour combattre la colonne. Et, en même temps, l'opération
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1 meurtrière se déroule et nécessite énormément de ressources. Et Beara est
2 très frustré, car il a plus de 2 000 personnes qu'il doit tuer et il
3 s'arrache les cheveux. Donc, il prend son téléphone et il cherche
4 Zivanovic, parce qu'il pense que cet homme est toujours le commandant du
5 corps. Et il appelle depuis le bureau de Dragan Nikolic qui est le QG de la
6 Brigade de Zvornik. Et Zivanovic lui dit qu'il ne peut plus faire cela et
7 il le renvoie à Krstic et son numéro de poste 385, et il dit la même chose
8 que Zivanovic. Furtula n'a pas suivi l'ordre du chef, le chef étant Mladic,
9 cité par Zivanovic auparavant. Donc, il y a un va-et-vient entre les deux
10 hommes. Krstic lui dit de vérifier avec les commandants des brigades, de la
11 Brigade de Zvornik, de Milici, de Bratunac, et Beara dit : Non, eux ne le
12 feront pas. Ils ne peuvent pas le faire, aller parler à ces hommes du MUP.
13 Il est très frustré. Et pour finir, Beara dit : Eh bien, j'ai 3 500 colis à
14 délivrer et je n'ai aucune solution. Ce sont les hommes de Kozluk à Pilica.
15 Et Krstic répond en disant : "Eh bien, bon, c'est moi qui vais devoir
16 endosser la responsabilité pour cela. C'est Mladic qui va me faire porter
17 la responsabilité. Je vais voir ce que je vais faire."
18 Le lendemain, le 16 juillet, l'état-major principal, son unité de
19 sabotage vient prêter main-forte. Ce sont les informations qui ont été
20 fournies essentiellement par M. Butler et d'autres éléments de preuve, mais
21 nous n'allons pas regarder les conversations téléphoniques interceptées.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Page 65, ligne 16, s'il vous plaît, au
23 point 17, c'est bien le chiffre 17 que vous avez avancé ou pas ?
24 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui. Lorsque j'ai prédit qu'il fallait tuer
25 plus de 800 hommes, c'était dans le contexte de Beara, Beara devait en tuer
26 800.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Regardez encore une fois.
28 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, il doit s'agir de 1 700.
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1 Vous vous souvenez de ce chiffre, il s'agit du nombre de corps exhumés de
2 la fosse commune et de la ferme de Branjevo.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons.
4 M. McCLOSKEY : [interprétation] Donc, passons maintenant à la première
5 diapositive. Il s'agit d'un renvoi qui montre qu'à 19 heures 19 [comme
6 interprété], Beara cherche à joindre Zivanovic et souhaite qu'il l'appelle
7 au poste 139, qui est le poste de Drago Nikolic à la Brigade de Zvornik. Et
8 d'autres éléments indiquent que Beara était là à ce moment-là. Alors,
9 passons à la diapositive suivante maintenant, s'il vous plaît. Je ne vais
10 pas aborder l'ensemble de ce document.
11 "Tu sais, ce jour-là, j'ai informé le commandant à ce sujet. Furtula
12 n'a pas envoyé la section d'intervention de Lukic."
13 Furtula, c'est le commandant de la Brigade de Visegrad. Lukic, Milan
14 Lukic, une personne de Visegrad qui a une triste réputation, et Lukic
15 attend Blagojevic. Blagojevic de la Brigade de Bratunac.
16 Et Beara dit :
17 "Lukic est ici avec moi et avec son chauffeur et nous insistons là-
18 dessus."
19 Il se plaint de Furtula et Beara dit ensuite :
20 "Il n'en a rien à faire de ce que le commandant lui a ordonné de
21 faire. Ce groupe comprend maintenant 60 hommes."
22 Il renvoie ici à l'ordre de Mladic envoyé à Furtula pour qu'il donne
23 60 hommes à Beara.
24 "Faites en sorte qu'il m'envoie au moins la moitié," dit-il.
25 Et pour finir, Zivanovic dit :
26 "Je ne peux plus faire cette décision."
27 Rappelez-vous qu'il s'agit du 15 juillet. Zivanovic a été renvoyé du
28 commandement dans la nuit du 13 juillet, donc lui ne peut pas prendre de
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1 décision à la place de Beara, cela n'est plus possible. Et, encore une
2 fois, cela expose de manière très claire la chaîne de commandement, comme
3 aucun autre exemple. Il s'agit d'un officier de l'état-major principal qui
4 doit se rendre au commandement du corps pour faire en sorte que le
5 commandant du corps donne des ordres à ses brigades. Beara, lui, ne peut
6 pas. Et c'est le commandant qui doit le faire. Cette idée que Mladic n'est
7 plus dans le cercle et que c'est la section chargée de la sécurité et du
8 renseignement qui est en charge de cela, c'est absurde.
9 Et Zivanovic, à la fin, le renvoie à 395 [comme interprété], à
10 Zlatar, c'est le numéro de poste du Corps de la Drina, et demande à 385 en
11 sachant que c'est à ce numéro-là que Krstic peut être joint.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait en sorte qu'il envoie.
13 Lorsque vous citez, s'il vous plaît, je souhaite que vous le fassiez de
14 manière très précise. En tout cas, c'est ce que je vous ai entendu dire,
15 qu'il ne m'a pas envoyé à moi, alors que dans le texte on peut lire "lui a
16 envoyé".
17 Peut-être qu'il s'agit de la même chose --
18 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de vous induire en
19 erreur --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas de problème.
21 Veuillez reprendre.
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] Donc, tout à fait naturellement, Beara
23 réussit à joindre Krstic. Donc, la pièce suivante, 2126. A 10 heures le 15.
24 Et Beara dit à Krstic :
25 "General Furtula n'a pas exécuté l'ordre du chef."
26 Encore une fois, il fait référence à l'ordre de Mladic à l'intention
27 de Furtula.
28 Et Krstic dit :
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1 "Ecoute, il lui a donné l'ordre de sortir à bord d'un char, pas d'un
2 train."
3 Et donc, Krstic est tout à fait au courant de l'ordre donné à Furtula par
4 Mladic. Furtula [comme interprété] fait une référence voilée au nombre et à
5 l'ampleur de ce qui a été demandé.
6 Et Beara -- je dis qu'il est frustré et il s'arrache les cheveux parce qu'à
7 ce moment-là il dit de façon téméraire qu'il a besoin de 30 hommes, comme
8 l'a indiqué l'ordre.
9 Et Krstic dit :
10 "Prends-les de Nastic ou Blagojevic."
11 Et Nastic, souvenez-vous, est le commandant de la Brigade de Milici et
12 Blagojevic est le commandant de la Brigade de Bratunac.
13 Et Krstic dit :
14 "Je ne peux rien faire sortir de là pour vous."
15 C'est le deuxième jour de l'attaque contre Zepa où Krstic devait envoyer
16 ses meilleures unités, Pandurevic devrait rentrer à Zvornik, donc Krstic
17 n'est pas très généreux et il n'est pas prêt à lâcher ses troupes.
18 Et Beara répond en disant :
19 "Mais je n'en ai pas ici. J'ai besoin de les avoir aujourd'hui et je
20 vous les rendrai ce soir, Krle."
21 C'est le surnom de Krstic. Ces deux hommes se connaissent.
22 "Il faut comprendre. Je ne peux pas vous l'expliquer comme cela."
23 Krstic :
24 "Je vais tout bousculer sur son axe si je fais sortir ces hommes et
25 beaucoup dépend de lui."
26 C'est l'axe d'attaque sur Zepa.
27 Et Beara dit très ouvertement :
28 "Je ne peux rien résoudre sans 15 à 30 hommes et Boban Indzic."
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1 Nous avons appris du Témoin Butler et d'autres témoignages qu'Indzic est un
2 officier de Visegrad. Et Krstic dit ensuite :
3 "Ljubo, ceci n'est pas protégé."
4 Bien évidemment, ils savent tous deux qu'il s'agit d'une ligne non
5 sécurisée et que des officiers américains [comme interprété], ils ne
6 peuvent pas s'empêcher. Je ne sais pas pourquoi ils agissent ainsi, mais en
7 tout cas c'est un fait.
8 Beara dit :
9 "Je sais, je sais."
10 Et ensuite, Krstic poursuit en disant -- il parle de Nastic et de
11 Blagojevic. Et ensuite, ce qui est intéressant, Beara dit :
12 "Mais je n'en ai pas. Si j'en avais, je ne serais pas encore en train d'en
13 demander le troisième jour."
14 Bon, c'est vrai que je ne suis pas très bon en math, mais il pose la
15 question le 15 et c'est le troisième jour, donc le 13 serait donc le jour
16 où il avait demandé à l'origine à avoir ce renfort de troupes, et nous
17 savons que c'est ce jour-là que des milliers de prisonniers musulmans
18 doivent être traités. Et ensuite, Krstic reprend, parle de Blagojevic et
19 des Bérets rouges, se rend au MUP, au ministère de l'Intérieur. La réponse
20 est :
21 "Non, eux ne feront rien. Je leur ai parlé. Il n'y a pas d'autre solution,
22 il faut que 15 à 30 hommes soient apportés en renfort."
23 Donc, il est parti de 60, et maintenant il parle de 15 à 30. Et ensuite, il
24 dit :
25 "Ce qui était censé arriver le 13 n'est pas arrivé."
26 Et c'est à ce moment-là qu'il a posé la question, c'est à ce moment-là
27 qu'il a reçu l'ordre et c'est à ce moment-là qu'ils auraient dû arriver.
28 Et ensuite, Krstic :
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1 "Ljubo, il faut me comprendre. Vous m'avez fait toutes sortes de choses,
2 merde."
3 Et Beara :
4 "Je comprends, mais il faut me comprendre aussi. Si cela avait été fait,
5 nous ne serions pas -- si cela avait été fait à ce moment-là, nous ne
6 serions pas en train d'en parler maintenant."
7 Et Beara ne peut rien dire à Krstic non plus.
8 Krstic :
9 "Eh merde, c'est moi maintenant qui vais endosser la responsabilité pour
10 ça."
11 Ils craignent Mladic, ils pensent que c'est lui -- que Mladic va leur faire
12 porter la faute parce qu'ils n'ont pas participé au meurtre.
13 Beara : "Je ne sais pas quoi faire. Vraiment, Krle. Il y a encore 3 500
14 colis que je dois distribuer et je n'ai pas de solution.
15 "Eh merde, je vais voir ce que je peux faire."
16 Après quoi, plus de 800 hommes ont été tués cet après-midi-là à Kozluk par
17 des éléments du Bataillon de Rocevic. Et ensuite, le 16, les éléments du
18 Bataillon de Rocevic ont tué des hommes et des hommes ont été tués par le
19 10e Détachement de Sabotage.
20 Pour finir, aucune préoccupation, Furtula n'a pas exécuté les ordres de
21 Mladic, c'est ce que nous constatons. Dernière conversation interceptée,
22 P1285. Il est 19 heures 19. Nous ne savons pas qui sont ces hommes, mais
23 vous pouvez voir qu'ils cherchent un autocar. Ils vont envoyer ces autocars
24 à Rogatica, à Visegrad, à Podraminja et qui -- c'est loin de Visegrad
25 [comme interprété], si vous regardez une carte. Et lorsqu'il tombe sur un
26 autocar dans lequel il y a un groupe de soldats, ce sont les soldats de
27 Visegrad. Boban est leur commandant :
28 "Répète ?
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1 "Les voici à nouveau.
2 "Boban Indzic, et faites-les venir au commandement de Bratunac." Et donc,
3 ces hommes-là, ils sont à côté d'un autocar en panne, la nuit tombe, on ne
4 sait pas où ils sont allés, mais ils n'ont pas vu Beara.
5 Il s'agit de conversations téléphoniques irréfutables dans lesquelles
6 Mladic donne des ordres suite à l'opération meurtrière qu'il a menée.
7 Et pour finir, je voulais finir mon intervention en m'adressant aux femmes
8 de Srebrenica et à ceux et celles qui ont aussi souffert et souffrent
9 encore des crimes de Mladic.
10 C'est à Srebrenica et à Zepa que pendant plus de 20 ans, mon équipe vous a
11 parlé, vous a écouté, a appris de vous, et nous avons eu l'honneur de faire
12 venir certaines d'entre vous ici à La Haye pour partager avec le Tribunal
13 votre expérience, votre douleur et votre courage incroyable lorsque vous
14 avez été confrontés à ceux qui ont commis ce génocide.
15 Nous avons aussi parlé à vos hommes et garçons qui sont quelques-uns à
16 avoir survécu aux exécutions de Kravica et de Branjevo. Nous avons appris
17 énormément de vous. L'une des choses que nous avons apprises au sujet de
18 vos maris et de vos fils, c'est qu'ils avaient peur de ne pas pouvoir vous
19 dire adieu, et nous savons que vous avez ressenti et ressentez toujours une
20 douleur atroce. J'ai donc cherché sans relâche un mot que quelqu'un aurait
21 pu coucher par écrit sur un bout de papier, quelque chose pour vous; mais,
22 bien entendu, personne n'a été autorisé à tenir ne fut-ce qu'un simple
23 crayon.
24 J'ai trouvé quelque chose. J'ai dû me rendre ailleurs, dans un autre temps,
25 lors d'une autre guerre affreuse, mais j'ai trouvé la lettre d'un mari, un
26 soldat qui a pu, lui, dire adieu à sa femme, et je pense que ses mots et
27 ses sentiments sont ceux de vos maris, fils et frères, ceux qu'ils auraient
28 pu vous envoyer s'ils en avaient eu la possibilité.
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1 Je vais vous lire un extrait de cette lettre écrite le 14 juillet 1861.
2 "Ma très chère Sarah,
3 "Tout porte à croire que nous avancerons dans quelques jours, peut-être
4 demain. De peur de ne plus pouvoir t'écrire, je ressens le besoin
5 irrépressible d'écrire ces lignes que tu liras peut-être lorsque je ne
6 serai plus.
7 …
8 "S'il faut que je tombe sur le champ de bataille, je suis prêt. Je n'ai
9 aucun doute au sujet de la cause que je défends. Je suis confiant et le
10 courage ne me fait pas défaut.
11 …
12 "Mais, ma chère épouse, je sais qu'avec mes propres joies, j'abandonne
13 presque toutes les tiennes et les remplace par le chagrin et la tristesse.
14 Nos petits garçons, quant à eux, grandiront comme moi et ne connaîtront
15 jamais l'amour d'un père. Que Dieu les bénisse.
16 "Sarah, mon amour pour toi ne connaît pas la mort, il m'attache à toi
17 avec des liens si solides que seule la toute puissance pourrait les rompre.
18 Les souvenirs des moments heureux passés en ta compagnie viennent me
19 hanter, et je suis reconnaissant à Dieu et à toi d'avoir pu les vivre aussi
20 longtemps. Il est douloureux pour moi de m'en séparer et de réduire en
21 cendres les espoirs des années à venir au cours desquels, si Dieu l'avait
22 voulu, nous aurions pu vivre ensemble, nous aimer et voir nos fils grandir
23 et devenir des hommes honorables… Ma chère Sarah, n'oublie jamais combien
24 je t'aime, et lorsque je rendrai mon dernier soupir sur le champ de
25 bataille, je murmurerai ton nom.
26 "Pardonne mes nombreuses fautes et les nombreux chagrins que je t'ai
27 causés. Combien j'étais irréfléchi et insensé parfois. Je voudrais laver de
28 mes larmes toutes les petites taches qui ont maculé ton bonheur et livrer
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1 combat à tous les malheurs du monde pour vous en préserver toi et mes
2 enfants. Mais je ne le peux. Je devrai t'observer depuis l'au-delà et te
3 donner ma présence lorsque tu affronteras les tempêtes en protégeant tes
4 enfants chéris, et attendre triste et patient le moment où nous nous
5 reverrons pour ne plus jamais nous séparer.
6 "Oh, Sarah, si les morts pouvaient revenir sur cette terre et flotter
7 invisibles autour de leurs êtres chers, je serai toujours à tes côtés;
8 pendant la journée éclatante et la nuit sombre, lors de tes moments de joie
9 et de peine - toujours, toujours; et si tu sens une légère brise sur ta
10 joue, ce sera mon souffle, si l'air frais caresse ta tempe, ce sera mon
11 esprit qui te frôle. Sarah, ne porte pas le deuil pour moi; pense que je
12 suis parti et attends-moi, car nous serons à nouveau réunis."
13 Sullivan Ballou a trouvé la mort une semaine plus tard à Bull Run.
14 Je vous remercie.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur McCloskey.
16 Monsieur Tieger.
17 M. TIEGER : [interprétation] Personne ne peut saisir l'ampleur des
18 tragédies individuelles des victimes en l'espèce. Les tragédies des enfants
19 arrachés des bras de leur mère pour être tués; des prisonniers affamés qui
20 pendant des jours étaient battus jusqu'à ce que la mort s'ensuive, battus
21 avec des crosses de fusil, avec des battes, avec des bottes; des femmes qui
22 faisaient l'objet de violences sexuelles encore et encore; la terreur
23 quotidienne de ceux qui attendaient qu'une balle ou qu'un obus les touche;
24 ceux qui ont survécu indemnes physiquement mais qui sont tourmentés par les
25 souvenirs de ceux qui leur étaient chers et qui les ont perdus, des foyers
26 perdus, des communautés perdues. Et donc, ces tragédies continuent.
27 Personne ne peut saisir l'ampleur de ces souffrances dont Ratko Mladic est
28 responsable.
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1 A la lumière de tout cela, que pourrait-on dire et que devrait-on laisser
2 de côté ou passer sous silence pour prétendre que Mladic ne mérite que la
3 peine maximale ? Vous pouvez voir qu'au paragraphe 3 394 de notre mémoire
4 en clôture, il est dit que la peine doit être réduite à cause de "la
5 bienveillance" envers les victimes; par exemple, parce qu'il a "facilité la
6 conclusion de l'accord sur la démilitarisation des zonez de Srebrenica et
7 de Zepa, en réaffirmant ainsi sa volonté d'établir la paix et de faire
8 appliquer les dispositions des conventions de Genève."
9 Et on passe sous silence que cela lui a été imposé, puisque dans le
10 document P1973 [comme interprété], il a dit, il s'est plaint en disant que
11 : "Si la communauté internationale ne s'était pas mêlée, eux," et là il
12 pense aux Musulmans, "auraient payé le prix."
13 Vous passez sous silence qu'il n'était pas satisfait puisque cette
14 contrainte [inaudible] c'est ce qu'il a dit à son compagnon lorsqu'il
15 faisait l'inspection des villages musulmans déjà détruits et c'est ce qu'on
16 a vu cette semaine, lundi matin, en disant, S'il n'y avait pas eu de forces
17 internationales, et aujourd'hui ce sont les forces néerlandaises, "ils
18 auraient déjà disparu de ces régions."
19 Et on passe sous silence le fait qu'il était satisfait de voir que
20 lorsqu'il n'y avait plus de cette contrainte lorsqu'il est entré à
21 Srebrenica, en disant : "Maintenant il est venu le temps pour se venger des
22 Turcs."
23 Ou bien vous affirmez qu'il faut réduire la peine qui lui va être prononcée
24 puisqu'il distribuait des bonbons aux enfants à Potocari. La Défense passe
25 sous silence que ces bonbons auraient été achetés pour les enfants dont les
26 pères, les oncles et les frères étaient en train d'être tués par lui.
27 Ou bien, comme la Défense dit, que la peine qui lui doit être prononcée
28 doit être réduite vu les habitudes pénitentiaires en ex-Yougoslavie, ou
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1 bien vous passez sous silence le fait que les peines d'emprisonnement à vie
2 ont été prononcées à quatre de ses subordonnés - Popovic, Beara, Tolimir et
3 Galic - pour avoir exécuté ses ordres, les ordres de Mladic pour un petit
4 nombre de crimes qui ont été imputés; il s'agit des peines qui ont été
5 confirmées en appel.
6 La Défense essaie de décrire Mladic en tant qu'homme qui "n'a jamais eu
7 l'intention de causer des souffrances à qui que ce soit" mais qui "a pris
8 des mesures concrètes pour éviter des souffrances lorsque cela était
9 possible" et que son comportement a fait sauver beaucoup de vies, et c'est
10 pour cela qu'il mérite que la peine qui va être prononcée soit réduite.
11 Paragraphes 3 395 et 98.
12 La Défense passe sous silence également que ce n'est pas la première fois
13 que Mladic était décrit lui-même en tant que quelqu'un qui a sauvé des
14 vies. Il faut que vous vous rappeliez la séquence vidéo de Zepa en 1995, il
15 s'agit de V000-9268, à partir de 7 minutes 41 secondes jusqu'à 8 minutes 42
16 secondes, où le général Mladic monte à bord des autocars pour informer les
17 passagers pétrifiés de la peur qui étaient en train d'être expulsés en leur
18 disant : "Maintenant je vous fais le cadeau de votre vie. Je vous pardonne
19 tout et je vous fais cadeau de votre vie."
20 Ratko Mladic, maître de la vie et de la mort, s'est vanté et a pris
21 beaucoup de plaisir à se vanter et a demandé la gratitude de la part des --
22 exigé de la gratitude de la part des gens pour lesquels il décidait de ne
23 pas les tuer.
24 Et en niant la responsabilité pour ce qui est de ceux qu'il avait tués, il
25 rejette la responsabilité pour cela à ses subordonnés qui exécutaient ses
26 ordres et qui se sont vu prononcer les peines les plus sévères pour avoir
27 fait cela. Vu l'ampleur de ces crimes, la peine maximale est demandée, tout
28 ce qu'on peut dire pour demander une peine moins sévère est le fait qu'il
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1 n'avait pas commis ces crimes. Et c'est ce que la Défense a fait aux
2 paragraphes 3 401 en disant que "… tous les crimes qui auraient pu être
3 commis étaient le résultat de la désobéissance des individus qui
4 n'exécutaient pas les ordres ou qui opéraient en dehors du cadre de leurs
5 missions."
6 Ou que le général Mladic était professionnel, "un professionnel qui
7 connaissait le droit de la guerre et qu'il, toujours, cherchait à les faire
8 appliquer d'une façon éthique."
9 Mais les crimes se sont passés. Pour ce qui est de tous les individus
10 concernés, à tous les pères, toutes les filles, toutes les épouses, les
11 grand-mères, commerçants, étudiants, médecins, encore un autre à un autre.
12 Dans notre mémoire en clôture au paragraphe 1 743, nous faisons figurer un
13 nombre petit pour illustrer les souffrances de ces victimes et leur
14 vulnérabilité aujourd'hui.
15 Le moment est venu pour que le général Mladic soit déclaré coupable
16 des crimes commis contre toutes ces victimes et ces communautés qu'il avait
17 détruites. Il serait incompatible avec la pratique adoptée par ce Tribunal
18 pour ce qui est de la fixation des peines et il serait insultant pour les
19 victimes en vie et mortes et il serait également un affront pour la justice
20 de prononcer une peine qui ne serait pas la peine maximale, la peine
21 d'emprisonnement à vie.
22 Merci, Monsieur le Président. Nous avons conclu la présentation de
23 nos arguments.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
25 Dans quelques instants, nous allons lever l'audience. Est-ce qu'on
26 peut modifier la réponse concernant -- est-ce que votre réponse à la
27 dernière requête de la Défense concernant la fixation de la peine peut être
28 communiquée avant vendredi ?
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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui, certainement, c'est notre objectif.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il est important d'obtenir
3 votre réponse puisque, alors, dans ce cas-là, nous pourrons l'examiner. Je
4 ne sais pas quelle sera votre réponse, mais votre réponse aurait une
5 incidence sur les arguments que la Défense voudraient présenter dans leur
6 plaidoirie.
7 M. TIEGER : [interprétation] Comme je l'ai dit, s'il est possible, nous
8 allons faire cela donc aujourd'hui; sinon, demain matin.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience, et nous
10 allons reprendre vendredi, 9 décembre, à 9 heures 30 dans cette même salle
11 d'audience.
12 L'audience est levée.
13 --- L'audience est levée à 14 heures 08 et reprendra le vendredi 9 décembre
14 2016, à 9 heures 30.
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