LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II
Composée de :
M. le Juge Wolfgang Schomburg, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Carmel Agius
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
7 mai 2003
LE PROCUREUR
C/
MILE MRKSIC
Le Bureau du Procureur :
M. Jan Wubben
M. Mark J. McKeon
Le Conseil de la Défense :
M. Miroslav Vasic
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),
VU la requête de la Défense aux fins de la détermination de règles de communication avec des témoins potentiels de la partie adverse (« Defence Motion Requesting the Determination of Rules of Communicating with Potential Witnesses of the Opposite Party ») et son annexe confidentielle (la « Requête »), déposée le 31 mars 2003 par le conseil de Mile Mrkšic (la « Défense »),
ATTENDU que, dans sa Requête, la Défense demande au juge de la mise en état de mettre au point un mode de communication clair et précis entre chacune des parties au procès et les témoins potentiels de la partie adverse, en vertu duquel :
1) si un témoin potentiel décide de déposer pour l’une des parties et lui fournit une déclaration à cet effet, la partie adverse ne pourra l’obliger à se soumettre à un interrogatoire ;
2) la partie adverse ne pourra interroger le témoin potentiel que s’il y consent expressément par écrit ; et
3) si le témoin potentiel lui signifie son refus par écrit, la partie requérante ne pourra déposer aucune nouvelle demande aux fins de l’interroger1,
VU l’opposition de l’Accusation à la requête de la Défense aux fins de la détermination de règles de communication avec des témoins potentiels de la partie adverse (Prosecution’s Opposition to Defence Motion Requesting the Determination of Rules of Communication with Potential Witnesses of the Opposite Party) et ses annexes confidentielles A, B, C et D (la « Réponse »), déposée par le Bureau du Procureur (« l’Accusation ») le 11 avril 2003,
ATTENDU que dans sa Réponse, l’Accusation fait valoir que la Requête :
1) ne trouve de fondement ni dans le Statut du Tribunal (le « Statut »), ni dans le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), ni dans la jurisprudence du Tribunal ; et
2) que, s’il y était fait droit, elle porterait atteinte à la capacité de l’Accusation de s’acquitter des obligations que lui imposent le Statut et le Règlement, ainsi qu’à celle du conseil de la Défense d’examiner de manière approfondie les éléments de preuve à charge2,
ATTENDU que la Défense a demandé l’autorisation de déposer une réplique3 et que la Chambre y a consenti4,
VU la réplique de la Défense, déposée le 22 avril 20035, dans laquelle celle-ci s’inquiète des graves difficultés qu’elle risquerait d’avoir pour rencontrer et interroger des témoins potentiels si l’Accusation pouvait exiger de les interroger contre leur gré et même s’ils ont déjà pu fournir une déclaration à la Défense6,
ATTENDU qu’à ce stade de la phase préalable au procès, il n’y a que des témoins potentiels qui ne sont liés à aucune des parties7,
ATTENDU en outre que, puisque le Tribunal juge des accusés qui appartiennent aux différents groupes ethniques de l’ex-Yougoslavie et qui auraient commis des crimes relevant de sa compétence, un témoin donné peut être cité à comparaître par la Défense dans une affaire et par l’Accusation dans une autre8,
ATTENDU que le fait qu’un témoin potentiel a fourni une déclaration à une partie au procès n’empêche pas l’autre partie de demander l’autorisation de l’interroger à ce stade de la mise en état,
ATTENDU qu’en vertu de l’article 16 du Statut, l’Accusation est responsable de l’instruction des dossiers et de la poursuite contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire, qu’en application de son article 18, elle est habilitée à interroger les suspects, les victimes et les témoins et qu’en vertu de l’article 39 du Règlement, elle est habilitée à convoquer et interroger les suspects, et à entendre les victimes et les témoins,
ATTENDU que si un témoin potentiel refuse de se soumettre à un interrogatoire de la Défense ou de répondre à une convocation de l’Accusation, c’est à la Chambre qu’il revient de prendre des mesures en application de l’article 54 du Règlement,
ATTENDU que la Défense n’a pas prouvé en quoi elle serait lésée, étant donné que le problème concerne également l’Accusation,
ATTENDU que les décisions précédentes visant à restreindre la capacité d’une partie d’entrer en relation avec des témoins ont été rendues par le Tribunal dans le cadre de la protection des témoins en application de l’article 75 du Règlement et se limitaient, pour la plupart, aux témoins dont l’identité avait été divulguée par la partie adverse par le biais des listes de témoins, et qu’elles ne sauraient dès lors s’appliquer en l’espèce à ce stade de la mise en état9,
ATTENDU en outre qu’à un stade approprié de la procédure et si cela se justifie, la Chambre veillera à fixer des règles pertinentes à ce sujet,
ATTENDU que la présente Décision ne vise en rien à influer sur la compétence de la Chambre à ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée ou la sécurité des victimes et des témoins en application de l’article 22 du Statut et de l’article 75 du Règlement,
PAR CES MOTIFS,
EN APPLICATION de l’article 73 du Règlement,
REJETTE la Requête.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 7 mai 2003
La Haye (Pays-Bas)
Le Président de la Chambre de première instance
___________
Wolfgang Schomburg
[Sceau du Tribunal]