Affaire n° : IT-95-13/1-PT

DEVANT LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. David Tolbert, Greffier adjoint

Décision rendue le :
4 mai 2004

LE PROCUREUR

c/

VESELIN SLJIVANCANIN

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DÉCISION RÉVISÉE DU GREFFE RELATIVE À LA CAPACITÉ DE L’ACCUSÉ DE RÉMUNÉRER SES CONSEILS

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Le Bureau du Procureur :

M. Jan Wubben

Les Conseils de la Défense :

MM. Novak Lukic et Momcilo Bulatovic pour Veselin Sljivancanin

 

DÉCISION

LE GREFFIER ADJOINT,

VU le Statut du Tribunal adopté par le Conseil de sécurité en application de la Résolution 827 (1993), et en particulier son article 21,

VU le Règlement de procédure et de preuve adopté par le Tribunal le 11 février 1994 et modifié par la suite, et en particulier ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense (la « Directive ») adoptée par le Tribunal le 28 juillet 1994 et modifiée par la suite, et en particulier ses articles 8, 10, 11 A) ii) et 18,

ATTENDU que le 7 juillet 2003, Veselin Sljivancanin (l’« Accusé ») a soumis au Greffe une déclaration de ressources aux fins d’une aide juridictionnelle, en affirmant qu’il ne disposait pas de moyens suffisants pour rémunérer ses conseils,

ATTENDU que le 23 septembre 2003, l’Accusé a demandé que Maître Novak Lukic, avocat à Belgrade, lui soit commis d’office,

ATTENDU que le même jour, Maître Lukic a demandé que Maître Momčilo Bulatovic, avocat à Belgrade, soit commis comme coconseil de l’Accusé,

VU les décisions du Greffier, datées du 29 septembre 2003, de commettre à titre temporaire Maîtres Lukic et Bulatovic respectivement comme conseil principal et coconseil de l’Accusé pour une période de 60 jours en attendant que soit déterminée la situation financičre de ce dernier; et VU la décision du 8 décembre 2003, par laquelle le Greffier adjoint a prorogé jusqu’au 31 janvier 2004 les commissions susmentionnées,

VU les informations fournies par l’Accusé dans sa déclaration de ressources et les preuves réunies par le Greffe dans le cadre d’une enquête sur les ressources de l’Accusé menée en application de l’article 10 A) de la Directive,

ATTENDU qu’aux termes de l’article 8 b) de la Directive, pour déterminer si l’accusé peut bénéficier de l’aide juridictionnelle, sont prises en considération « les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui. […] Il peut également être tenu compte des signes extérieurs de richesse du suspect ou de l’accusé ainsi que des biens, meubles ou immeubles, dont il a la jouissance, et du fait qu’il en tire ou non un revenu »,

ATTENDU que, le 30 janvier 2004, le Greffe a rendu une décision concernant la capacité de l’Accusé de rémunérer ses conseils (la « Décision du Greffe »), par laquelle il a déterminé que l’Accusé prendrait en charge les frais des 202 heures de travaux d’enquête et d’aide juridique effectués durant la phase de mise en état en l’espèce, et que ces heures seraient déduites du temps alloué par le Greffe au personnel d’appui en vertu du système de rémunération de conseils établi par le Tribunal,

VU la demande d’examen de la Décision du Greffe (Request for Review of the Registrar’s Decision of January 30, 2004, la « Requête »), déposée le 12 février 2004, par laquelle l’Accusé a demandé qu’il soit procédé à un examen de la Décision du Greffe,

ATTENDU que, le 6 avril 2004, la Chambre de première instance a rendu l’« Ordonnance relative à la demande de la Défense aux fins de l’examen de la Décision du Greffier du 30 janvier 2004 », par laquelle elle a enjoint au Greffier adjoint de prendre, le 20 avril 2004 au plus tard, les mesures suivantes :

  1. déposer i) des copies de tous les documents sur lesquels il se serait basé pour rendre la Décision du Greffe, ainsi que ii) ses observations au sujet de la Requête (collectivement les « Arguments du Greffe »), et

  2. préciser le nombre total d’heures que le Greffe a allouées à Sljivancanin pour la phase de mise en état dans l’affaire Le Procureur c/ Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin,

ATTENDU que, le 20 avril 2004, le Greffe a déposé une demande de prorogation de délai de quatorze (14) jours, pour soit déposer les Arguments du Greffe ainsi que la Chambre le lui a ordonné, soit rendre une nouvelle décision déclarant l’Accusé totalement indigent aux fins de l’aide juridictionnelle, et ATTENDU que la Chambre de première instance a dûment fait droit à la prorogation de délai demandée,

ATTENDU que le Greffe a récemment revu la méthode qu’il applique pour déterminer sous quelles conditions l’accusé a droit à bénéficier de l’aide juridictionnelle et qu’il a établi une « Méthode […] pour déterminer la capacité d’un suspect ou d’un accusé de rémunérer un conseil » (la « Méthode du Greffe »), jointe en appendice à la présente décision,

ATTENDU qu’aux termes de la Méthode du Greffe, est déduit des ressources disponibles du demandeur le montant estimé des frais de subsistance du ménage du demandeur et des personnes à sa charge pour la période durant laquelle il est prévu que le demandeur devra être représenté devant le Tribunal international, le solde constituant la contribution que le demandeur doit apporter au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que l’Accusé est marié et qu’il est père de trois enfants vivant avec lui : un garçon de 19 ans et deux filles de 23 et 26 ans (les « enfants vivant habituellement avec lui »),

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire d’un appartement à Belgrade, Serbie-et-Monténégro (la « résidence principale du ménage »),

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, est incluse dans les ressources disponibles du demandeur la valeur nette de la résidence principale du ménage en sus des besoins raisonnables du demandeur, de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que la valeur nette de la résidence principale du ménage de l’Accusé n’excède pas les besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des enfants vivant habituellement avec lui, de sorte qu’elle n’est pas incluse dans les ressources disponibles de l’Accusé,

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, la valeur nette du mobilier de la résidence principale du ménage est exclue des ressources disponibles du demandeur tant qu’elle n’excède pas les besoins raisonnables du demandeur, de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que la valeur nette du mobilier de la résidence principale du ménage de l’Accusé n’excède pas les besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des enfants vivant habituellement avec lui, de sorte qu’elle n’est pas prise en considération dans les ressources disponibles de l’Accusé,

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire de la moitié d’une maison et de la moitié d’un terrain adjacent situés à Zabljak, Monténégro (la « propriété de Zabljak »),

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, est incluse dans les ressources disponibles du demandeur la valeur nette de tout immeuble autre que la résidence principale du ménage,

ATTENDU que la valeur nette de la propriété de Zabljak est incluse dans les ressources disponibles de l’Accusé,

ATTENDU que la fille aînée de l’Accusé, âgée de 26 ans, est propriétaire d’une Toyota Corolla de 1990 (le « véhicule principal du ménage »),

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, est exclue des ressources disponibles du demandeur la valeur nette du véhicule principal du ménage lorsque celui-ci est raisonnablement nécessaire au demandeur, à son conjoint et aux personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que la valeur nette du véhicule principal du ménage de l’Accusé n’excède pas les besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des enfants vivant habituellement avec lui, de sorte qu’elle n’est pas incluse dans les ressources disponibles de l’Accusé,

ATTENDU que l’Accusé perçoit une retraite mensuelle,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé perçoit un salaire mensuel,

ATTENDU qu’en vertu des dispositions régissant les biens conjugaux en Serbie-et-Monténégro, le salaire du conjoint de l’Accusé est un bien conjugal et appartient donc conjointement aux époux, de sorte qu’il peut être pris en considération dans le calcul des ressources disponibles de l’Accusé,

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, les revenus respectifs du demandeur, de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui sont inclus dans les ressources disponibles du demandeur, étant entendu que ces revenus continueront d’être perçus depuis la date à laquelle le Greffe rend sa décision sur la capacité du demandeur de rémunérer un conseil jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu que le demandeur devra être représenté devant le Tribunal international,

ATTENDU que les revenus perçus et à percevoir par l’Accusé et son épouse entre le 30 janvier 2004, date de la Décision du Greffe, et le terme de la période durant laquelle il est prévu que le demandeur devra être représenté devant le Tribunal international sont inclus dans les ressources disponibles du demandeur,

ATTENDU que pour déterminer la capacité du demandeur de rémunérer un conseil, le Greffe applique la formule indiquée à la section 11 de la Méthode du Greffe, qui est la suivante :

DM – ELE = C

dans laquelle :

DM représente les ressources disponibles du demandeur, calculées comme indiqué aux sections 5 à 8 de la Méthode du Greffe ;

ELE représente l’estimation des frais de subsistance du demandeur, de son conjoint, des personnes à sa charge et des personnes vivant habituellement avec lui, calculée selon la formule précisée à la section 10 de la Méthode du Greffe ;

C est la contribution que le demandeur doit apporter au règlement des frais de sa défense ;

ATTENDU que si l’on applique la formule DM – ELE = C, la contribution de l’Accusé est minime, et que le Greffe demeure libre, en application de l’article 8 de la Directive, de ne pas exiger de l’Accusé qu’il paye ce montant en règlement des frais de sa défense,

CONFIRME, sans préjudice de l’article 18 de la Directive, la Décision du Greffe dans la mesure où ce dernier confirme la commission d’office de Maîtres Lukic et Bulatovic respectivement comme conseil principal et coconseil dans les conditions prévues par les décisions y afférentes du 29 septembre 2003,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède, et en conformité avec l’article 11 A) ii) de la Directive, que l’Accusé n’est pas en mesure de prendre en charge la rémunération de ses conseils.

Le Greffier adjoint
__________
David Tolbert

Le 4 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)