Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 12 mai 2005

2 [Audience sur l'Article 11 bis]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 11.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je salue toutes les personnes ici

7 présentes.

8 Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]Oui, Monsieur le Président. Affaire IT-

10 95-13/1-PT, le Procureur contre Mrksic, Radic, Sljivancanin.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

12 L'audience d'aujourd'hui est en application de l'Article 11 bis avec une

13 requête de l'Accusation demandant à l'Accusation de se présenter.

14 Mme SOMERS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue les

15 personnes présentes. Susan L. Somers avec Mme Marie Tuma,

16 M. Aleksandar Kontic et Mme Lise-Lotte Karlsson, notre commis aux

17 audiences.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Somers.

19 Pour la Défense de M. Mrksic, d'abord.

20 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

21 les Juges. Je salue tout le monde. Me Miroslav Vasic, qui défend les

22 intérêts de M. Miletici Mrksic. Je vous remercie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vasic.

24 Les conseils de M. Radic.

25 M. BOROVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue

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1 l'Accusation. Me Borivoje Borovic et nous défendons, avec

2 Me Gerasimovic, les intérêts de M. Miroslav Radic. Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Borovic.

4 Pour l'accusé Sljivancanin.

5 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue toutes

6 les personnes présentes. Me Novak Lukic, avocat belgradois; Me Momcilo

7 Bulatovic, aussi de Belgrade; et notre assistante, Maja Dokmanovic, qui est

8 aussi de Belgrade; pour défendre les intérêts de M. Sljivancanin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Puis, nous avons, pour

10 le gouvernement de Serbie-et-Monténégro et le gouvernement de Croatie, les

11 personnes à qui je vais demander de se présenter. Commençons par le

12 représentant du gouvernement de Serbie-et-Monténégro.

13 M. LJAJIC : [interprétation] Je salue toutes les personnes, tout d'abord,

14 qui sont ici présentes. La délégation de Serbie-et-Monténégro se compose de

15 moi-même, en tant que président du conseil chargé de la Coopération avec le

16 Tribunal de La Haye; avec le conseil juridique, M. Djeric; et M. Svetoslav

17 Obrenovic, conseiller juridique de notre bureau.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Ljacic. Maintenant, je

19 passe la parole aux représentants du gouvernement de Croatie. Ou est-ce

20 qu'il y a eu méprise ? Vous vous êtes présenté comme étant le président du

21 conseil chargé de la coopération avec le Tribunal de La Haye et votre nom,

22 je ne l'ai pas bien compris.

23 M. LJAJIC : [interprétation] Rasim Ljajic.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Il y a eu un petit problème

25 de traduction, [inaudible] au compte rendu d'audience d'où la confusion.

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1 Je passe, maintenant, la parole aux représentants du gouvernement de

2 Croatie.

3 M. HORVATIC : [interprétation] Monsieur le Président, toutes les personnes

4 présentes, bonjour --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, brancher

6 votre microphone ?

7 M. HORVATIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

8 les Juges. Je suis Zeljko Horvatic. Je suis professeur émérite de

9 l'université de Zagreb. Je suis conseiller spécial de la ministre de la

10 Justice de la République de Croatie et je représente la République de

11 Croatie devant ce Tribunal. Avec moi, ici, M. Jaksa Muljacic, qui est

12 assistant de la ministre de la Justice; et

13 Mme Irena Cacic, qui travaille à l'ambassade de la République de Croatie

14 aux Pays-Bas.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Horvatic.

16 Avant la première pause, je vais donner la parole au bureau du Procureur,

17 d'abord; puis, à trois conseils de la Défense pour nous présenter des

18 conclusions supplémentaires à celles qui ont été soumises par écrit. Après

19 la pause, les représentants des deux gouvernements concernés pourront

20 ajouter ce qu'ils souhaitent; il se peut que la Chambre souhaite poser des

21 questions aussi bien aux parties qu'au gouvernement.

22 Je donne la parole à Mme Somers.

23 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Etant donné le

24 grand nombre de personnes qu'il y a de l'autre côté de ce prétoire, pas

25 littéralement, mais je veux dire ici présentes dans cette enceinte, je vais

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1 essayer d'être brève afin de répondre à d'éventuelles questions. C'est un

2 peu inhabituel, dans nos écritures, en application du 11 bis, il y a deux

3 Etats inclus dans la requête. En application du 11 bis, alinéa B, qui

4 autorise le Procureur ou la formation de renvoi d'office de faire cette

5 demande et en application du A, l'Accusation a invoqué le (i) et puis,

6 puisqu'il y a circonstances exceptionnelles, a inclus le gouvernement de

7 Serbie-et-Monténégro parce qu'il y a des procès connexes qui se

8 poursuivent; c'est mentionné aux paragraphes 34 et 36 de nos écritures du

9 8 février, soyons clairs, pourquoi y a-t-il deux parties. Normalement, cela

10 devrait être les autorités concernées par le territoire sur lequel le crime

11 a été commis.

12 Nous tenons à souligner qu'en application ou suite à nos conclusions

13 écrites du 28 avril, je vous renvoie au paragraphe 30, ainsi qu'à la note

14 de bas de page, les documents qu'il convient de soumettre sont mentionnés,

15 rien d'autre. La Défense a parlé d'une poursuite de la communication par

16 l'Accusation, mais ce n'est pas envisagé et ceci ne conviendrait pas, à

17 notre avis.

18 Il y a un dossier considérable à la disposition des parties,

19 disais-je -- je m'excuse, aux gouvernements, pour des procès qui ne sont

20 pas arrivés jusqu'à leur terme, notamment, pour le procès Dokmanovic,

21 constitue vraiment une source précieuse d'information et permet la

22 transition de la poursuite de ces procès où que ce soit, quelle que soit la

23 décision de la Chambre. Ceci permettra la poursuite dans de telles

24 affaires.

25 Mais il y a un contraste très net avec la poursuite qu'il y a,

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1 maintenant, à Belgrade. La différence est qu'ici, il y a la question de la

2 responsabilité du supérieur hiérarchique qui se pose. Ce n'était peut-être

3 pas mentionné dans les codes pénaux en vigueur, au moment de la commission

4 des infractions.

5 Cette responsabilité du supérieur hiérarchique est un pilier de ces

6 procès. La Chambre, lorsqu'elle va délibérer, devra se demander comment cet

7 aspect de la poursuite sera gérée au mieux, en fonction des lois qui

8 s'appliquent.

9 La jurisprudence de ce Tribunal est riche pour ce qui est des décisions

10 prises au regard de la responsabilité du supérieur hiérarchique, mais nous

11 voulons veiller à ce que la poursuite ne soit pas entamée, ne soit pas

12 modifiée, s'il y a transfert ou renvoi. Le niveau de responsabilité de

13 l'accusé, qu'il faut prendre en compte, bien sûr, doit être vu au regard

14 des allégations portées contre lui.

15 La question du suivi est sous contrôle. Les rapports qui viennent,

16 s'agissant de la capacité qu'ont les pays de juger, de poursuivre dans des

17 procès pour crimes de guerre, tout ceci devrait être à la disposition du

18 public et de la formation de renvoi. Si les Etats veulent disposer de ce

19 dossier, ils pourront l'obtenir, puisqu'il y a eu suivi dans ces

20 juridictions respectives, s'agissant de crimes de guerre. Les deux

21 territoires disposent de chambres, celles-ci de crimes de guerre. La

22 formation de renvoi va peut-être vouloir demander quelle est la nature de

23 la coopération entre les différents états, en matière de documentation et

24 de protection de témoins. Il faut, bien sûr, en tenir compte à notre avis.

25 Il y a peut-être un contentieux à nos yeux pour ce qui est du nombre de

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1 témoins croates qui sont intervenus dans les procédures en Serbie. La

2 Chambre va peut-être vouloir s'enquérir de la question auprès des parties.

3 La Croatie a une opinion et la Serbie-et-Monténégro en a une autre. Je n'en

4 dirai pas plus. Si vous me le permettez, si des questions surgissent au fil

5 de la procédure d'aujourd'hui, nous vous demanderons peut-être

6 l'autorisation d'intervenir davantage. Merci.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Somers. Je passe

8 maintenant la parole à Maître Vasic, qui défend les intérêts de M. Mrksic.

9 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie. Puisque je suis chargé

10 d'intervenir en premier lieu parmi les équipes de la Défense, je vous dirai

11 qu'afin d'être concis et succinct, les avocats de la Défense des trois

12 accusés se sont répartis les sujets à évoquer. Certains seront peut-être

13 plus étoffés que d'autres, mais je peux vous assurer que les équipes de la

14 Défense vont respecter les délais impartis.

15 La plupart des conclusions et des avis de la Défense sont déjà couchés sur

16 papier, et ont été soumis à la Chambre par écrit. Voici maintenant quelques

17 nouveaux arguments portant sur des sujets précis, et fournissant une

18 réponse aux avis présentés par mes estimés consoeurs et confrères, par les

19 représentants du gouvernement de Serbie-et-Monténégro, et par les

20 représentants du gouvernement de Croatie.

21 Les conclusions de la Défense, si on les garde à l'esprit, pourront amener

22 à penser qu'ici, les conditions sont réunies pour que s'applique l'Article

23 11 bis en son alinéa (C) de la demande de procédure et de preuve.

24 Cependant, soulignons que si les droits de l'accusé doivent être respectés,

25 or c'est là quelque chose de crucial, la décision que vous allez prendre,

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1 Messieurs les Juges, s'agissant de l'alinéa (A) de cet Article 11 bis,

2 cette décision, disais-je, est cruciale. Ici se pose deux questions : celle

3 de l'extradition, et celle de l'équité du procès. La Défense a déjà

4 présenté son avis, à savoir que les trois solutions sont prévues au premier

5 alinéa de l'Article 11 bis, et elles sont toutes aussi importantes les unes

6 que les autres. Elles permettent à plus qu'un seul Etat d'être l'Etat qui

7 va accueillir la personne renvoyée devant une juridiction interne. Mais

8 avant de trancher la question de façon définitive, vous devriez penser à la

9 question de l'extradition, Messieurs les Juges. La Défense a soulevé cette

10 question, dans la réponse qu'elle a déposée à la requête de l'Accusation

11 aux fins de renvoi.

12 De l'avis de la Défense, s'il y a renvoi de cette affaire en Croatie pour

13 jugement, si les accusés sont remis à la garde des autorités de cet Etat,

14 le principe universellement reconnu de l'extradition serait ce faisant

15 gravement compromis, enfreint, parce que cela reviendrait à une re-

16 extradition. Nous l'avons déjà dit dans nos conclusions écrites.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre un

18 instant. Une des questions à la base de tout ceci, c'est celle de savoir si

19 les accusés se sont livrés de leur plein gré à La Haye, ou s'ils sont venus

20 à La Haye parce qu'un Etat avait exercé des mesures contraignantes à leur

21 encontre ? Est-ce que vous pourriez évoquer cette question, puisque c'est

22 une des questions essentielles à la base de cette problématique ?

23 M. VASIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais sans tarder

24 répondre à votre question.

25 M. Mile Mrksic s'est rendu au Tribunal de La Haye. Il est arrivé ici et il

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1 a été escorté par des membres de la Sûreté de l'Etat, de ce qui était alors

2 la République fédérale de Yougoslavie. Il s'est livré de son plein accord,

3 et l'Etat a uniquement joué un rôle d'intermédiaire dans le cadre de son

4 transfèrement à La Haye. Il s'est livré aux autorités du Tribunal.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que les autres accusés vont

6 répondre -- donc, il a été escorté certes par des fonctionnaires de l'Etat,

7 mais s'est-il rendu de son plein gré ?

8 M. VASIC : [interprétation] Oui, c'est lui qui a décidé de venir, après

9 avoir exprimé son souhait de se livrer. Vu la loi concernant la coopération

10 qui avait été adoptée, il s'est livré aux autorités du Tribunal.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] je vais poser une question tout à fait

12 simple : si vous décidez vous-même de venir, vous pouvez aussi venir vous-

13 même par vos propres moyens à La Haye ou pas ?

14 M. VASIC : [interprétation] Il est venu tout seul à La Haye. Nous avons

15 acheté un billet d'avion et nous sommes arrivés par un vol régulier, mais

16 il y a eu une escorte qui était constituée des membres des organes chargés

17 de la Sécurité. C'est de son plein gré, volontairement, qu'il est venu à La

18 Haye. Personne ne l'a contraint à le faire, et il n'a pas non plus été

19 privé de liberté. Cependant, en vertu de la loi de l'époque, la loi sur la

20 coopération entre les Etats stipulait que c'était l'Etat qui établissait

21 des contacts avec le Tribunal, M. Mrksic s'est présenté en disant qu'il

22 voulait se rendre de son plein gré. L'Etat n'a joué qu'un rôle de

23 médiateur, pour prendre toutes les dispositions pour que son transfert ait

24 lieu, sans sa remise aux organes du Tribunal de La Haye. Si vous voulez

25 savoir s'il y a eu des mesures contraignantes à l'encontre de

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1 M. Mrksic de la part de l'Etat, il n'y en a pas eues.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux entendre la réaction

3 des autres conseils au sujet de leurs accusés ?

4 M. VASIC : [interprétation] Tout conseil présentera la position concernant

5 chacun des accusés. Je ne sais pas si les situations sont identiques.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, j'ai eu l'impression que

7 votre client souhaitait s'adresser à la Chambre lui-même. Comme vous le

8 savez, la pratique veut ici que le conseil représente son client,

9 représente l'Accusé en premier lieu, l'Accusé qui fait l'objet de la

10 requête en application de l'Article 11 bis. S'il y a lieu de recueillir

11 l'avis de votre client, je vous en prie.

12 M. VASIC : [interprétation] Oui, juste un instant s'il vous plaît, Monsieur

13 le Président, cela suffira.

14 [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

15 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Si vous m'y autorisez, je tiens à enchaîner là où je me suis arrêté.

17 Donc, M. Mrksic, qui s'est rendu de son plein gré, peut-il être remis aux

18 autorités de la République de Croatie, même si au moment où il s'est livré,

19 l'Article 11 bis prévoyait qu'une affaire peut être renvoyée uniquement au

20 système judiciaire de l'Etat d'où il est venu. Lorsque le système

21 judiciaire de l'Etat en question ne permet l'extradition de ses citoyens à

22 un autre État et, en particulier, lorsque les autorités de l'Etat en

23 question sont tout à fait prêtes à le juger. A ce sujet, je tiens à

24 mentionner de quelle façon cette question est résolue à l'Article 146 de la

25 4e convention de Genève, portant sur la protection des civils en situation

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1 de guerre.

2 A l'alinéa de cet article, il est dit que toutes les parties

3 contractuelles, sont tenues d'identifier les personnes soupçonnées d'avoir

4 commis, ou d'avoir ordonné la commission de violations graves, et de les

5 traduire devant leurs tribunaux, indépendamment de leur nationalité, de

6 leur citoyenneté.

7 Si elles le souhaitent, les parties contractuelles auront la possibilité de

8 les traduire devant les tribunaux d'une autre partie, si elle est

9 intéressée à engager des poursuites, et si cette partie dispose de

10 suffisamment de preuves à l'encontre des personnes qui font l'objet de

11 poursuites ou des personnes soupçonnées.

12 Lorsqu'on tient compte de la règle générale d'après laquelle l'Etat peut

13 décider s'il souhaite lui-même juger les auteurs, ou s'il souhaite plutôt

14 les remettre à un autre État, conformément à ses législations, alors là,

15 c'est plutôt l'Article 29 du Statut du Tribunal qui s'applique, d'après

16 l'Article 29. Cela serait une exception qui ne pourrait se justifier qu'en

17 cas de transfert au Tribunal international.

18 En cas de renvoi à l'Etat de Croatie, cela serait une extradition en deux

19 étapes qui se produiraient avec la médiation, la participation du Tribunal

20 international. Les dispositions de l'Article 29 du Statut ne prévoient pas

21 une possibilité de remettre les accusés de la part du Tribunal à un Etat

22 tiers.

23 Par conséquent, la Défense est d'avis qu'il s'agirait ici d'une

24 extradition, et non pas de transfert de l'accusé puisque que la Défense

25 estime que le transfert d'un accusé n'est possible que dans un seul sens, à

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1 savoir, vers le Tribunal international.

2 Pour étayer le renvoi éventuel à l'Etat de Croatie, et leur remise aux

3 autorités de cet Etat, on ne trouverait pas non plus d'arguments dans les

4 dispositions du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal

5 international, comme ceci figure dans les écritures de la Serbie-Monténégro

6 en son paragraphe 52.

7 Compte tenu des Règles généralement admises portant sur l'extradition et la

8 re-extradition, la Défense propose la chose suivante à la Chambre : les

9 représentants de la Serbie-Monténégro devaient avoir la possibilité

10 d'exposer leurs arguments lors de la présente audience. Par conséquent, la

11 Défense estime que l'Article ll bis (a), en fait, propose une alternative à

12 la formation de renvoi. Le Tribunal peut prendre une décision par laquelle

13 il n'enfreindrait pas le principe généralement admis, portant sur

14 l'extradition ni le droit fondamental des accusés à savoir, de pouvoir être

15 jugé équitablement.

16 Pour ce qui est d'un jugement équitable et impartial, et du droit qu'ont

17 les accusés de l'avoir, et quant à la situation où il serait jugé devant

18 les tribunaux de Croatie ou de Serbie-Monténégro, à ce sujet, c'est mon

19 confrère Me Lukic qui prendra la parole.

20 L'une des questions posées par la Chambre ne présence des parties, a été de

21 savoir quelle est la loi qui s'appliquerait en l'espèce, si l'affaire était

22 renvoyée devant les juridictions nationales. La Défense maintient sa

23 position, à savoir, conformément à l'alinéa 2, Article 4 du code pénal,

24 c'est la loi la plus douce qui s'applique, et comme ceci a déjà été cité

25 dans nos écritures, c'est le code pénal de la République fédérale de

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1 Yougoslavie de 1993, la loi de 1993.

2 Nous tenons à souligner que la Défense adopte cette position, compte tenu

3 des dispositions juridiques déjà mentionnées. Bien entendu, la décision

4 appartient à la Chambre, impartiale et indépendante.

5 Enfin, permettez-moi de dire quelques mots au sujet des écritures des

6 représentants de la République de Croatie. En répondant à une question

7 posée par la Chambre, au sujet des avantages qu'il y aurait d'organiser un

8 procès en République de Croatie, plutôt qu'en Serbie-Monténégro.

9 Pour ce qui est de la conclusion visant à demander que le procès ait lieu

10 sur le territoire de l'Etat où le crime a été commis, la Défense s'est déjà

11 exprimée là-dessus dans ses écritures, dans le chapitre intitulé :

12 "Questions du forum delicti comisi," donc, nous ne reviendrons pas là-

13 dessus. La Défense ne peut pas non plus accepter la deuxième conclusion, à

14 savoir que les preuves principales se trouvent sur le territoire de la

15 République de Croatie.

16 Compte tenu du fait que devant la Chambre spéciale chargée des crimes de

17 guerre devant le tribunal de district de Belgrade, un procès est en cours à

18 l'encontre de 17 co-accusés à qui on reproche d'avoir ordonné ou exécuté

19 des crimes sur des prisonniers de guerre commis à la ferme Ovcara de

20 Vukovar, entre le 20 et le

21 21 novembre 1991 et compte tenu du fait que la Défense, en sa qualité

22 d'observateur, a pu suivre le déroulement du procès, nous pouvons dire que

23 la plus grande partie des témoins et des preuves matérielles liées aux

24 documents militaires datant de l'époque se trouvent précisément sur le

25 territoire de la Serbie-et-Monténégro.

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1 Les actes d'accusation qui s'appliquent en l'espèce englobent ou

2 comprennent les mêmes actes que l'acte d'accusation du Procureur de La Haye

3 en l'espèce dont le renvoi est proposé. Lorsqu'on compare les actes

4 d'accusation en question, on peut voir que le premier et le deuxième co-

5 accusé qui, d'après le procureur de Belgrade, se voit reprocher d'avoir

6 ordonné la commission du crime, qu'en fait, ce sont des individus qui, aux

7 yeux du Procureur de La Haye, figurent comme participants à l'entreprise

8 criminelle commune ensemble avec Mrksic, Radic et Sljivancanin, les trois

9 co-accusés. Dans les deux actes d'accusation, les victimes sont les mêmes,

10 ce sont des individus qui se trouvaient à l'hôpital de Vukovar. Ceci étant

11 dit, à Belgrade, on juge ceux qui ont ordonné la commission de ce crime et

12 les exécutants, tandis que l'acte d'accusation en l'espèce qui fait l'objet

13 de nos débats ici, le Procureur affirme que ces individus sont responsables

14 en tant que participants à l'entreprise criminelle commune conformément à

15 l'Article 7 (1) du Statut et en leur qualité de supérieur hiérarchique en

16 application de l'Article 7(3).

17 Concernant les affirmations de la République de Croatie, au sujet du procès

18 à Belgrade, au sujet de la possibilité qu'auraient les témoins de se rendre

19 au procès, ceci fera l'objet des commentaires qui seront présentés par mon

20 confrère, Borivoje Borovic.

21 Je tiens à ajouter un seul fait au sujet des écritures déposées à titre

22 confidentiel portant sur les mesures de protection. Mes confrères du bureau

23 du Procureur ont déposé ces demandes le

24 17 décembre 2004 et le 31 janvier 2005. C'est le 9 mars 2005 que la Chambre

25 a tranché.

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15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, veuillez poursuivre,

16 Maître Vasic.

17 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je remercie mon

18 éminente consoeur de l'Accusation d'être aussi vigilante. Mais je vais

19 m'arrêter là et je demanderais à la Chambre de se pencher sur la requête de

20 l'Accusation du 31 janvier 2005 portant sur les mesures de protection, les

21 annexes A et B ainsi que la réponse de la Défense, suite à cette requête,

22 les paragraphes 13, 14 et 15 ainsi que la décision de la Chambre, ainsi que

23 son annexe A, déposée à titre confidentiel.

24 Je vous remercie, Monsieur le Président. J'en ai terminé. C'est mon

25 confrère Borivoje Borovic qui prendra la parole.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Borovic.

2 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Confrères,

3 j'exposerai les positions de la Défense qui seront, en même temps, une

4 analyse et une comparaison des positions prises par le Procureur et par la

5 République de Croatie au sujet de l'application de l'Article 11 bis.

6 Le Procureur de ce Tribunal a proposé un certain nombre de mesures de

7 protection pour certains témoins. Il y a des mesures de protection qui ont

8 déjà été acceptées par ce Tribunal. Or, la Défense estime que s'il y avait

9 renvoi devant le tribunal de Belgrade, ces mesures de protection

10 s'appliqueraient conformément à

11 l'Article 14(A) de la loi portant sur l'organisation et les compétences des

12 organes d'Etat en matière de crimes de guerre. A l'avenir, je m'y référerai

13 en l'appelant loi portant sur les crimes de guerre. L'Article 14(A), alinéa

14 5 dispose des mesures de protection des témoins et des victimes telles que

15 déterminées ou prononcées par le TPIY, s'appliquent.

16 Le 28 avril 2004, dans ses écritures, le Procureur précise qu'un certain

17 nombre de témoins auront besoin de mesures de protection. La Défense estime

18 que si le procès avait lieu devant le tribunal pour crimes de guerre à

19 Belgrade, ce principe serait respecté. Nous estimons que, compte tenu de

20 tout ce que nous avons déjà exposé par écrit, des mesures spéciales de

21 protection à l'attention des témoins et des victimes ne seraient pas

22 nécessaires. A l'appui de cette affirmation, affaire Severin et Ovcara dont

23 a été saisi le tribunal de Belgrade, aux paragraphes 43, 46 jusqu'à 51,

24 nous avons déjà exposé nos arguments.

25 Le Procureur de La Haye, en s'exprimant à ce sujet, a précisé ce qu'il

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1 pensait de la situation du système judiciaire en Croatie. Vous avez ce

2 rapport et il en ressort que certes, la loi prévoit la protection des

3 témoins en tant qu'un aspect important; une question importante qui se

4 pose, dans le cas de tous ces procès, mais en pratique, il s'avère que,

5 soit ces principes ou ces Règles ne s'appliquent pas, soit ne sont pas

6 encore suffisamment développés.

7 D'après le rapport du 26 avril 2005 de l'OSCE, le rapport que vous avez

8 reçu, portant sur la situation dans le système judiciaire croate, on juge

9 particulièrement mal la situation, pour ce qui est des jugements en

10 absence, le harcèlement ou l'intimidation des témoins et les procès à

11 l'encontre des individus originaires de

12 l'ex-Yougoslavie ainsi que la situation dans le prétoire. Au point 1, il y

13 a eu jusqu'à présent, environ, 500 procès intentés aux Serbes par

14 contumace. Petar Sailovic, c'est un cas connu, un dossier dont a été saisi

15 le tribunal du district d'Osiek [phon] en Croatie; après avoir été placé en

16 détention pendant un certain temps, cet individu a été jugé par contumace;

17 par la suite, il a été placé en détention et il s'est avéré, finalement,

18 qu'il y avait une erreur sur l'identité de la personne. Également, dans ce

19 report, on lit que sur 28 accusés, 14 Serbes ont été condamnés par

20 contumace.

21 Pour ce qui est de l'intimidation et du harcèlement des témoins, en page

22 23, paragraphe 2 de ce rapport, il est dit qu'au cours du procès qui a été

23 suivi par cette mission, il y a eu des intimidations des témoins dans

24 l'affaire Hubalic et Gavron, affaire dont a été saisi le tribunal du

25 district de Sisak [phon]. Les détails figurent dans ce rapport.

Page 321

1 Je pense que le moment est venu, également, pour corriger une petite erreur

2 qui figure dans les écritures de la Défense. Précisément, pour ce qui est

3 du témoin, Milan Lever, il s'agit de ce qu'on a appelé le groupe de Gospic;

4 nous avons signalé qu'il s'agissait d'un témoin de nationalité serbe, c'est

5 ce que nous avons dit dans nos écritures. Milan Lever est un témoin serbe

6 qui devait comparaître comme un témoin important dans l'affaire Gospic et

7 devant ce Tribunal, également, dans l'affaire Norac, d'après les

8 informations que nous avons, mais entre-temps, avant de pouvoir venir

9 déposer devant le Tribunal, ce témoin a été tué.

10 Pour ce qui est des dépositions des individus originaires de l'ex-

11 Yougoslavie, au point 3, page 25, on précise ce qu'il en est de ce

12 problème-là. Dans ce rapport, il est dit, explicitement, que la plupart des

13 témoins ont fait part de leurs craintes et ont dit qu'ils ne souhaitaient

14 pas retourner en Croatie pour y déposer.

15 Page 23, au point 1, dans l'affaire de l'accusé Zoran Banic, Serbe, devant

16 le Tribunal du district de Zadar, il a été signalé que plusieurs

17 journalistes ont empêché que la défense ou le Juge puisse prononcer leurs

18 propos finaux. On a eu du mal à rétablir l'ordre dans le prétoire.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je tiens à souligner

20 particulièrement une affaire devant le Tribunal du district de Vukovar, à

21 savoir, on a essayé de remettre l'acte d'accusation aux co-accusés qui

22 sont, aujourd'hui, devant vous, avec l'explication du président du tribunal

23 de district de Vukovar, disant qu'il y a, là, un plan de les juger par

24 contumace. Dans le cadre des enquêtes, les conseils de [inaudible], dans

25 des contacts informels avec le président du tribunal de district de

Page 322

1 Vukovar, Ante Zekovic, le Juge [inaudible] et Bozidar Piljic, le procureur

2 d'Etat, le 24 mars dernier, nous avons reçu l'information selon laquelle le

3 tribunal de district de Vukovar est saisi du dossier selon lequel les co-

4 accusés qui seront, aujourd'hui, devant vous sont les accusés là-bas.

5 Puisque la primauté revient à ce Tribunal et puisque que nous avons

6 souligné ceci, on nous a répondu qu'il y aurait commission d'office aux co-

7 accusés en leur absence.

8 La Défense estime qu'il s'agit, là, d'un précédent sur le plan de la

9 justice internationale, à savoir, qu'il y ait, en même temps, engagée

10 devant le tribunal de district de Vukovar et devant le Tribunal de La Haye,

11 alors qu'il s'agit des mêmes co-accusés. Je pense que je n'irais pas trop

12 loin si je disais que la Défense estime qu'il s'agit, là, d'un manque de

13 respect grave du Tribunal de La Haye.

14 A l'appui de cette affirmation, le Règlement du TPIY, il y est dit

15 qu'un même accusé ne peut pas être jugé pour les mêmes actes en République

16 de Croatie et devant le Tribunal pénal international. L'Etat croate n'a pas

17 adopté de lois qui s'appliqueraient au TPIY sur ce point. Cependant, les

18 instances judiciaires de la République de Croatie devraient respecter leur

19 propre constitution, la constitution de la République de Croatie qui

20 proclame non bis in idem.

21 Pour ce qui est de l'immunité des témoins, des témoins potentiels, s'il y

22 avait renvoi de l'affaire devant le tribunal de Serbie-et-Monténégro, dans

23 une écriture commune en date du

24 28 avril 2005, en son paragraphe 49, nous avons précisé que c'est

25 précisément l'Article 14(A) de la loi sur les crimes de guerre qui

Page 323

1 s'applique où il est dit, je cite, cet Article 14(A) portant sur les crimes

2 de guerre en Serbie s'énonce comme suit : "Une personne séjournant à

3 l'étranger ne saurait être privée de liberté, mise en détention provisoire

4 ou poursuivie au pénal pour des actes au pénal commis au préalable, tant

5 qu'elle se trouve sur le territoire de la République de Serbie." A des fins

6 de témoignages en qualité de victime, de témoin ou d'expert dans des

7 affaires au pénal prévues à l'Article 2 de la présente loi.

8 Dans la convocation, il est prévu d'indiquer, en particulier, le fait que

9 la victime, le témoin ou l'expert dispose de droits particuliers. Au cas où

10 cette affaire serait rétrocédée à la justice croate, en application du

11 Statut du TPIY et si on fait référence à la loi croate, Article 49, alinéa

12 2, il est prévu que les dispositions de l'Article 28 de cette loi

13 s'applique au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L'Article

14 28, lui, prévoit le transfert de procès du Tribunal pénal international

15 vers la justice croate. Cependant, le paragraphe 5 de l'Article 28, de

16 cette loi portant application du Statut du Tribunal pénal international

17 pour l'ex-Yougoslavie et il est dit que le gouvernement croate peut

18 conclure des accords particuliers avec le TPIY. La Défense des accusés ici

19 présents n'a pas pu se procurer des renseignements concernant l'existence

20 d'un accord particulier; ce qui fait que nous avons dû être d'avis qu'il

21 n'y a pas immunité de témoins potentiels, notamment, de témoins potentiels

22 serbes, susceptibles d'aller témoigner en Croatie.

23 Le commentaire du Procureur du Tribunal de La Haye portant sur le fait que

24 la Serbie-et-Monténégro ne dispose pas d'une loi particulière sur la

25 protection des témoins et se doit d'en adopter une, la Défense, en réponse,

Page 324

1 apporte la réponse suivante, et dit que cette opinion est justifiée, mais

2 la loi est en procédure d'adoption. Pour commenter ces dires, la Défense

3 tient à souligner - et l'a souligné dans ses écritures - et tient à

4 l'avancer dans son exposé oral des arguments, et dit que non seulement

5 l'Article 109 de la procédure pénale, qui est cité par le Procureur du

6 Tribunal pénal international, mais également les Articles 101, 292 et

7 504(P) de la loi portant procédure pénale, se trouvent être à même de

8 réglementer ces questions. Le paragraphe 15(M), de la loi sur le crime

9 organisé et les crimes de guerre, à savoir, les Articles, notamment, 11 et

10 14, porte sur les vidéoconférences. L'Article 14(A) se rapporte à

11 l'application des mesures de protection que nous commentons dans nos

12 écritures datées du 28 avril 2005, paragraphe 44.

13 Sur proposition du Juge d'instruction ou du Président de la Chambre, le

14 président du Tribunal, voire le Procureur de l'Etat, peuvent demander aux

15 instances de l'intérieur la prise de mesures particulières de protection de

16 témoins ou de victimes. C'est l'Article 109, paragraphe 3 de la loi portant

17 procédure pénale. L'énoncé des autres articles ne sera pas répété ici après

18 cela.

19 S'agissant de l'avis avancé par le Procureur, portant sur une loi

20 particulière relative à la protection des témoins, la Défense proposerait

21 de la commenter ainsi : elle est nécessaire, mais la charte

22 constitutionnelle qui réglemente les relations entre la République de

23 Serbie et la République de Croatie, aménage le Statut de cet Etat conjoint

24 créé par la Serbie-et-Monténégro, et à ce titre, il convient d'indiquer ce

25 qui suit : La loi portant procédure pénale au Monténégro, qui fait partie

Page 325

1 intégrante de cette entité appelée Serbie-et-Monténégro, dispose d'une

2 réglementation concernant la question du témoin protégé, et ceci dans les

3 Articles 108 et 109 de la loi portant procédure pénale de la République du

4 Monténégro. La République du Monténégro a adopté une loi particulière

5 portant sur la protection des témoins, journal officiel du Monténégro,

6 65/2004, qui est mis en application à compter du 1er avril 2005.

7 Cette loi portant protection des témoins englobe notamment, les conditions

8 à la procédure pour ce qui est de l'octroi d'une protection, à quel que

9 témoin que ce soit, une commission chargée de l'établissement du programme

10 de protection de témoins, une Unité de Protection des témoins, et un

11 programme d'application de la protection, les types de mesure de protection

12 et ainsi de suite.

13 Je ne tiens pas à m'attarder davantage là-dessus.

14 Les dispositions de la dite loi qui viennent d'être citées, se trouvent

15 être conformes à l'Article 75 du Règlement de procédure et de preuve du

16 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, prévoyant la prise des

17 mesures pour les victimes et les témoins, et se trouvent être en harmonie

18 totale avec ces dispositions.

19 Pour que les Juges de la Chambre comprennent encore mieux, je tiens à

20 indiquer ce qui suit : la loi portant procédure pénale de la République de

21 Serbie en son Article 220, réglemente la question relative à l'assistance

22 juridique, qui se trouve être concrétisée à l'Article 8, paragraphe 1, de

23 la loi portant aménagement des tribunaux sur le territoires de la

24 République de Serbie, à savoir la loi appelée lex specialis.

25 L'Article 220 de la loi portant procédure pénale, prévoit le fait que

Page 326

1 toutes les instances de l'Etat sont tenues d'apporter leur assistance au

2 tribunaux, et autres organes participant au procès en justice. Un autre

3 Article 8 particulier, relatif aux tribunaux de la République de Serbie,

4 dit que les tribunaux doivent se porter mutuellement assistance, et alors

5 que les organes et organisations de l'Etat sont tenus d'apporter leur aide

6 aux tribunaux, et de leur communiquer les renseignements nécessaires.

7 Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Cela signifie qu'en cas de

8 problèmes avec un témoin, originaire du territoire de la République de

9 Croatie qui ne voudrait pas venir témoigner en Serbie, ce même témoin

10 pourrait, suite à une décision de la Chambre de ce Tribunal chargé de juger

11 les crimes de guerre à Belgrade, peut être envoyer pour témoigner devant un

12 Tribunal à Podgorica, au Monténégro. Cela signifie que ce serait comme s'il

13 avait témoigné en Serbie, et ce témoin serait protégé par la loi relative à

14 la protection des témoins du Monténégro; sa déclaration serait utilisée

15 devant le Tribunal de Belgrade.

16 Pour ce qui est des positions avancées par la République de Croatie, je

17 vais aller plus vite. Je crois avoir déjà pris assez de temps. Le

18 gouvernement croate estime que le procès devrait se dérouler sur le

19 territoire où les crimes ont été commis. Le gouvernement croate estime

20 également que des raisons de finalité soulignent cette nécessité.

21 Egalement, ils indiquent que les témoins de nationalité serbe devant le

22 Tribunal de Belgrade ont été intimidés. Ce sont là des conclusions

23 importantes avancées par le gouvernement croate.

24 La Défense souligne par contre que l'organisation non gouvernementale Fonds

25 du droit humanitaire, dont le directeur se trouve être autorisé par les

Page 327

1 accusés dans le procès de Ovcara à Belgrade -- donc, cet homme-là défend

2 les intérêts des victimes de Ovcara. Dans son rapport du 16 avril 2005, l

3 affirme que : "Le procès devant le Tribunal de Belgrade est conduit de

4 façon professionnelle, pour ce qui est de la détermination de la vérité et

5 de la responsabilité pénale individuelle de chaque accusé."

6 Ce rapport est signé par une équipe régionale dont fait partie des

7 observateurs de la Croatie, de la Bosnie, de la Serbie et des observateurs

8 indépendants. Il découle de ce rapport que la pression qui se dégage est

9 celle d'affirmer que --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps pour un instant. Ce

11 rapport a-t-il été fourni aux Juges de la Chambre ?

12 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, pour ne pas perdre notre

13 temps et la cadence adoptée, je dirais que nous avons ce rapport et trois

14 autres projets de loi dont j'ai parlé tout à l'heure. Donc, pour ne pas

15 perdre du temps à faire distribuer cela successivement, je vais vous faire

16 distribuer cela à la fin de mon exposé. J'ai tous ces textes en versions

17 anglaise et serbe.

18 Il est exact de dire que la majeure partie des éléments de preuve se trouve

19 sur le territoire de Croatie, comme l'affirme le gouvernement croate. Il

20 est vrai que les traces de tout ce qui a été commis se trouvent sur le site

21 de l'instruction. Il se trouve également que les victimes sont originaires

22 de ce territoire. Mais la plupart des témoins se trouvent sur le territoire

23 de la République de Serbie. S'agissant de ces témoins, pour ce qui est de

24 savoir comment ces témoins vont être cités à comparaître devant le tribunal

25 de Belgrade. Puis-je continuer ?

Page 328

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. BOROVIC : [interprétation] Étant donné qu'il s'agit de témoins qui sont

3 des militaires se trouvant sur le territoire de la Serbie, étant donné

4 qu'il y avait des membres d'organisations de volontaires, qu'il y a

5 également des témoins qui ont un statut d'accusé dans l'affaire Ovcara et

6 qu'un grand nombre d'hommes politiques ont exercé des fonctions

7 d'importance en leur qualité de représentants des autorités locales dans la

8 Slavonie, Baranja et Srem occidentale, il y a un risque objectivement grand

9 de voir qu'aucun de ces témoins n'acceptera de comparaître en Croatie.

10 L'un des exemples les plus récents à ce sujet est celui qui est bien connu

11 dans l'opinion publique, et qui se rapporte à l'arrestation du colonel

12 Cedomir Brankovic. Il a été arrêté en tant que membre d'une délégation

13 militaire officielle de Belgrade à la Bulgarie. Il se trouve être colonel

14 de l'armée de la Serbie-et-Monténégro, et il y a un acte d'accusation de la

15 justice de Croatie, qui l'accuse de crimes perpétrés en Novska. Il a été

16 libéré par les instances de justice bulgares, et je tiens à souligner qu'un

17 procès juste et équitable ne saurait se dérouler en Croatie, étant donné

18 que la plupart des témoins de la Défense feront partie des groupes que nous

19 citerons à comparaître, en notre qualité de conseil de la Défense.

20 Comme je l'ai indiqué, Messieurs les Juges, je me propose de faire ce qui

21 suit, étant donné que nous avons suffisamment de copies de versées au

22 dossier -- le texte de la loi, Article 21, alinéa 1 de la loi portant

23 application du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-

24 Yougoslavie. Je crois que lorsque j'ai parlé de cet Article 21, j'ai dit

25 Article 21 de la loi portant application du Statut de la Cour pénale

Page 329

1 internationale, le CPI. Je crois que le compte rendu avait dit tout à

2 l'heure TPIY, or ce n'est pas le même tribunal.

3 Ensuite, je voudrais présenter une deuxième pièce à conviction, la pièce à

4 conviction numéro 2, loi portant procédure pénale de la République du

5 Monténégro. En guise d'élément de preuve 3, je voudrais vous fournir

6 l'Article 220 de la loi portant procédure pénale de la République de

7 Serbie, et pour finir comme le demandait le Président de la Chambre ici

8 présente, un élément de preuve, une pièce qui serait le rapport présenté

9 par ce Fonds du droit humanitaire, daté du 6 avril de l'an 2005. Merci.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Borovic. Une question

11 factuelle, afin de voir -- vous avez parlé de témoins qui ne voudraient pas

12 partir en Croatie pour y témoigner et, entre autres, vous avez mentionné

13 ceux qui sont accusés actuellement dans l'affaire Ovcara. S'agissant de ces

14 accusés-là, sont-ils tous en détention provisoire ?

15 M. BOROVIC : [interprétation] Tous les accusés pour ce qui est de l'affaire

16 Ovcara sont bien entendu en détention provisoire, mis à part un ou deux

17 d'entre eux qui sont malades, donc mis en liberté provisoire pour des

18 raisons de santé. Toutefois, s'agissant de ceux qui sont jugés à Belgrade,

19 en notre qualité de conseil de la Défense avons été observateurs, et ils

20 ont dit qu'ils n'accepteraient pas de venir témoigner devant la justice

21 croate.

22 Je ne peux pas vous l'expliquer autrement, mais je ne puis que supposer

23 qu'outre ce qui leur est reproché, il se peut qu'il y ait des actes

24 d'accusation sous pli scellé en Croatie, pour d'autres délits au pénal, où

25 il serait prévu des procès ou la tenue de procès par contumace. C'est ce

Page 330

1 dont je crois pouvoir être sûr. S'agissant maintenant du colonel Brankovic

2 et de son affaire à lui, c'est cette affaire, à savoir un grand nombre de

3 militaires, ne sont pas du tout sûrs de figurer ou de ne pas figurer sur

4 des actes d'accusation sous pli scellé en Croatie.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez terminé ?

6 Maître Lukic à vous.

7 M. LUKIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a une question

8 technique à soulever. Compte tenu du calendrier qui nous est communiqué,

9 nous avons eu un peu de retard pour ce qui est du début de cette audience.

10 Je crois que nous nous rapprochons de la pause, je pense que je devrais

11 pouvoir disposer d'une quinzaine de minutes avant de prendre la pause. Je

12 m'efforcerai pour ma part d'aller le plus vite possible.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pensez pouvoir terminer en 15

14 minutes, allez-y.

15 M. LUKIC : [interprétation] Messieurs les Juges, Mesdames et Messieurs,

16 vous qui prenez part à cette audience, je vais couvrir trois sujets.

17 Il est une notion qui est la substance même de nos débats au total, pour ce

18 qui est du renvoi de l'affaire vers une justice nationale, et ce qui se

19 centre autour de cette notion, pour ce qui concerne l'Article 11 bis de ce

20 Règlement, qui fait l'objet de la présentation de toutes nos argumentations

21 respectives, et de la notion du juge du procès juste et équitable. Il faut

22 que cette décision que vous allez prendre soit fondée sur une conviction

23 ferme, à savoir celle de voir les accusés avoir un procès juste et

24 équitable.

25 Nous devons nous référer à un aspect qui découle de l'Article 10 (2) (b) du

Page 331

1 Statut, à savoir la présomption d'innocence et la nécessité de mener un

2 procès indépendant et impartial. La justice en Serbie-et-Monténégro ainsi

3 qu'en Croatie constitue des segments indépendants du pouvoir, qui est tout

4 à fait dissocié des pouvoirs exécutifs et législatifs. Peut-être les

5 représentants des gouvernements ne vont-ils pas apprécier nos remarques,

6 mais en notre qualité de conseil de la Défense, nous devons agir dans

7 l'intérêt de nos clients et leur assurer dans le cadre de nos compétences,

8 les conditions nécessaires pour que ce procès soit juste et équitable.

9 L'une des conditions ou l'un des principes les plus importants est le

10 principe de la présomption d'innocence, et il est de l'obligation des

11 instances de l'Etat de se retenir de faire quelques déclarations que ce

12 soit au sujet de l'issue des procès, mais il est également de leurs

13 obligations d'influer sur l'opinion publique, pour ne pas que soit mis en

14 péril ce droit fondamental de l'accusé.

15 Dans le commentaire général numéro 13, passer 7, qui a été adopté par le

16 comité des Nations Unies pour les Droits de l'homme, en date du 15 août

17 1997, et ce en guise d'instructions pour l'interprétation du Pacte

18 international sur les droits civiques et politiques, adopté par les deux

19 pays dont nous avons des représentants ici, il est souligné à l'occasion

20 pour ce qui est de cette présomption d'innocence : "Il est une présomption

21 d'innocence qui sous-entend que tous les représentants de l'autorité sont

22 tenus de se retenir de faire quelques annonces que ce soit concernant

23 l'issue des procès."

24 Les accusés et leur conseil de la Défense ont des préoccupations pour ce

25 qui est d'un éventuel procès en Croatie, qui se passerait sous l'influence

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1 et l'intérêt direct exercé par les autorités exécutives. Il est évident que

2 l'affaire Ovcara et le procès éventuel de nos clients, que l'on appelle

3 souvent la "troïka de Vukovar," ont un poids très manifeste et très évident

4 dans l'opinion publique croate. Les représentants de l'autorité croate ont

5 souvent fait des déclarations concernant l'importance de ce procès. Ceci ne

6 doit pas constituer une raison en soi de préoccupations pour les conseils

7 de la Défense. Mais si de telles déclarations comportent des qualifications

8 déterminées qui font preuve de l'intérêt -- ou qui manifestent intérêt des

9 autorités, pour ce qui est non seulement d'avoir le procès chez eux, mais

10 aussi l'intérêt qu'elles ont pour l'issue de ce procès, c'est là ce qui

11 donne matière à préoccupation au conseil de la Défense, pour ce qui est de

12 s'attendre à un procès indépendant et impartial. Nous avons déjà mentionné

13 cela, dans notre réponse, à la requête du Procureur, pour ce qui est du

14 renvoi au paragraphe 41.

15 Mais nous allons être plus précis. Pour être concret, le ministre de

16 la Justice de la République de Croatie, qui a signé les écritures qui vous

17 sont présentées, à l'occasion de cette initiative de renvoi de cette

18 affaire publiée à la télévision croate en date du 9 février 2005, étant

19 donné qu'il s'agit du plus grave des crimes perpétrés en Croatie, à quelque

20 moment que ce soit, nous allons fournir --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes prié de ralentir.

22 M. LUKIC : [interprétation] Je m'efforce de tenir ma promesse.

23 Je vais répéter la citation : "Étant donné qu'il s'agit du plus grave des

24 crimes jamais commis en Croatie, nous allons fournir toute l'argumentation

25 nécessaire afin que la Croatie se voit attribuer ce procès."

Page 333

1 Dans les nouvelles de la même télévision d'Etat croate, datées du 12 mars

2 2005, la même ministre déclare, je cite : "J'estime que ce serait une très

3 bonne chose que de faire en sorte que la Croatie se voit confier la troika

4 de Vukovar parce que c'est là qu'après Srebrenica, il a été perpétré le

5 plus grand des génocides, suite à la Deuxième guerre mondiale."

6 Le vice-premier ministre du gouvernement croate, Mme Jadranka Kosar, dans

7 une déclaration transmise par Vjesnik, datée du

8 30 mars 2005, déclare : "Je suis personnellement d'avis que la troika de

9 Vukovar se doit de répondre de ses actes devant le Tribunal pénal

10 international parce qu'en cas de renvoi de ce procès vers la justice

11 croate, nous n'aboutirions à rien. Du reste, le Tribunal pénal

12 international prévoit, pour cette peine, des sanctions qui sont les plus

13 grandes."

14 Penchons-nous, maintenant, sur les écritures du gouvernement de la Croatie

15 dans cette affaire, conclusion IV, page 6, dernière phrase des écritures

16 présentées par la Croatie. Je vais en donner lecture dans la version

17 officielle croate : "Après le renvoi, l'affaire sera transférée aux

18 tribunaux compétents pour procédure appropriée et prononcée de peine."

19 En d'autres termes, le gouvernement croate, dans sa requête écrite, dans

20 cette affaire, demande à ce que l'affaire soit renvoyée afin que le

21 tribunal croate compétent juge ces accusés et les condamne pour finir. Il

22 n'est aucunement fait mention d'un jugement d'acquittement éventuel. Dans

23 l'affaire Ademi Norac dont vous êtes censé décider également, Messieurs les

24 Juges, les écritures du gouvernement croate ne mentionnent nulle part le

25 prononcé de la peine. Elles disent : "Le droit pénal croate fournit un

Page 334

1 cadre normatif approprié pour la poursuite en justice et la conduite de ce

2 procès." Les deux écritures, au nom du gouvernement croate, ont été signées

3 par le ministre de la Justice dont j'ai cité, tout à l'heure, les

4 déclarations.

5 Peut-être quelqu'un ne verrait-il pas, dans ces déclarations politiques,

6 des raisons de se préoccuper, pour ce qui est de la justice et de son

7 indépendance. Mais si on se réfère à ces positions, à ces opinions

8 présentées par les représentants les plus éminents du pouvoir exécutif

9 croate, les accusés sont considérés, ici, à priori, des personnes qui

10 doivent être condamnées et faire l'objet des peines les plus hautes.

11 Lorsqu'on place ceci dans le contexte du fait que la République de Croatie

12 devant le Tribunal international, ici, à La Haye a -- la Cour pénale

13 internationale a déposé une plainte contre la République fédérale de

14 Yougoslavie ou plutôt, la Serbie-et-Monténégro, pour génocide, il apparaît

15 clairement en quoi se manifeste l'intérêt des autorités exécutives, pour ce

16 qui est de l'issue de ces procès.

17 Dans l'affaire qui nous concerne, il est également fait état d'un

18 fondement de génocide qui découle du paragraphe 12 de la plainte déposée

19 par la Croatie contre la République fédérale de Yougoslavie, en date du 2

20 juillet 1999. Ici, je ne l'ai pas fourni, mais, si nécessaire, nous pouvons

21 le fournir, par la suite, en guise de constat judiciaire.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci vous montre quel est le temps qui

23 est nécessaire aux interprètes pour vous suivre.

24 Lorsque vous vous référez au dossier dont est saisi la CPI, est-ce que vous

25 vous référez à la Cour internationale de justice.

Page 335

1 M. LUKIC : [interprétation] Oui, je me réfère à une affaire qui oppose les

2 états.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

4 M. LUKIC : [interprétation] Je passe à mon deuxième sujet. C'est une

5 question que nous avons traitée dans notre réponse en date du 1er mars

6 dernier et aussi en notre deuxième écriture du

7 28 avril 2005, à savoir, la question de choisir son conseil. D'après ce

8 qu'on décrit, les représentants des Etats concernés, il en ressort que les

9 conseils qui défendent actuellement les accusés, qui les défendent

10 directement devant ce Tribunal pourraient continuer de s'acquitter de leurs

11 tâches que devant un tribunal situé en

12 Serbie-et-Monténégro et ce que nous avons précisé, dans nos premières

13 écritures, s'est trouvé confirmé par le gouvernement de la République de

14 Croatie, dans ses écritures aux paragraphes 4 et 5, à savoir, le fait que

15 seuls des citoyens croates peuvent agir en qualité d'avocat devant les

16 tribunaux croates.

17 Je suppose qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur l'importance de la

18 relation de confiance et de confidentialité entre l'accusé et son conseil,

19 à quel point cette relation est fondamentale pour préparer une défense; il

20 s'agit, là, d'un sine qua non, d'un droit inaliénable qu'a un accusé de

21 choisir son conseil. Tous les conseils ici présents ont été nommés suite à

22 avoir fourni des preuves de qualification nécessaires et suite à avoir été

23 choisi par les accusés, eux-mêmes. Nous ne souhaitons pas nous attribuer

24 une importance particulière, mais il nous convient, cependant, de signaler

25 deux points importants, à savoir : tous les conseils présents ici, compte

Page 336

1 tenu du temps que nous avons passé, nous avons consacré à préparer la

2 Défense jusqu'à présent et compte tenu de la situation de l'avancement de

3 l'espèce, aujourd'hui, nous sommes tous prêts à ce que le procès commence

4 sur-le-champ. Puis, je dois dire aussi qu'un grand nombre de contacts ont

5 été réalisés par toutes les équipes de Défense. Il y a, parmi eux, un

6 nombre non négligeable de sources sensibles.

7 Nous l'avons précisé en détail au paragraphe 63 de notre première

8 réponse à la requête du Procureur.

9 Nos clients, quant à eux, sont profondément convaincus que cette

10 relation de confiance et de confidentialité entre le client et le conseil,

11 compte tenu de spécificités de l'espèce, ne saurait absolument pas pouvoir

12 s'établir avec des avocats de Croatie et ne saurait pas s'établir à un

13 niveau nécessaire pour une défense adéquate. Ceci ressort de nos relations

14 qui datent de plusieurs années, une relation de l'opinion publique croate à

15 l'égard de cet acte d'accusation, à l'égard du rôle joué par la JNA dans

16 les événements de Vukovar et également, dans la relation qu'a l'opinion

17 publique croate envers les accusés, eux-mêmes, à savoir, nos clients.

18 Ce genre relation ne saurait pas s'établir entre les avocats, eux-mêmes, au

19 niveau de la coopération des avocats et la coopération des conseils et les

20 cabinet d'avocats croates. Cette représentation, en passant par un

21 médiateur sans que les conseils soient directement présents dans le

22 prétoire et sans qu'ils participent directement au procès, ceci

23 signifierait de limiter, de manière considérable, leur marge de manœuvre

24 professionnelle, leur capacité de se comporter professionnellement et

25 entraverait les principes les plus importants qui figurent au préambule du

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1 code professionnel du conseil devant ce Tribunal.

2 Le principe du conseil choisi et le principe de la Défense adéquate

3 constitue un des segments essentiels d'un procès équitable et ne saurait se

4 réaliser en l'espèce que s'il y avait renvoi de l'affaire devant les

5 tribunaux de la Serbie-et-Monténégro.

6 Un dernier sujet que je ne peux omettre parce que j'estime qu'il s'agit,

7 là, d'un sujet très important et ceci concerne le rôle que vous jouez,

8 vous, Messieurs les Juges. Il nous faut bien aborder les problèmes liés aux

9 dispositions de l'Article 11 bis (D)(iv) qui donnent au Procureur la

10 possibilité de dépêcher des observateurs afin qu'ils suivent le procès qui

11 se déroule devant un tribunal national.

12 Il est prévu, également, dans cette disposition, la possibilité d'annuler

13 une ordonnance de renvoi et de demander le dessaisissement au profit du

14 Tribunal pénal de La Haye.

15 Nous en avons déjà parlé dans nos écritures aux paragraphes 65 à 68

16 et dans une certaine mesure, je tiens à ajouter aussi que nous acceptons

17 les positions prises par le bureau du Procureur du TPIY. Cependant, la

18 Défense estime qu'il est indispensable qu'elle rappelle la Chambre à quel

19 point ce problème est important, compte tenu de l'indépendance du Tribunal

20 et compte tenu de l'aspect important qu'est l'indépendance du Tribunal et

21 un procès équitable.

22 Dans l'une des audiences portant sur le renvoi - je pense que c'était dans

23 l'affaire Ademi Norac - j'ai entendu une position exprimée par l'un des

24 participants aux débats. Il a dit que la garantie la plus ferme que le

25 procès serait équitable est le fait qu'à toute étape de la procédure, le

Page 338

1 Tribunal peut demander qu'il y ait dessaisissement, c'est-à-dire qu'il soit

2 ressaisi de l'affaire, ce qui aurait des conséquences négatives à long

3 terme et importantes sur la confiance qu'accorde la communauté

4 internationale à cette juridiction nationale.

5 Cette approche peut représenter un seul côté de la médaille. L'autre côté

6 de la médaille constitue la prise de conscience des participants actifs aux

7 procès et là, je me réfère aux Juges et au Procureur, au nom de l'Etat en

8 question, la conscience du fait que leur conduite ne correspond pas aux

9 exigences d'un procès équitable aux yeux d'un observateur du procès. L'une

10 des normes les plus importantes qui doit être respectée pour garantir un

11 procès équitable est un procès indépendant et impartial. Nous devons être

12 conscients du fait que la disposition sur la possibilité de suivre un

13 procès se déroulant devant un Tribunal national et la possibilité de

14 demander à tout moment qu'il y ait dessaisissement, que ceci constitue une

15 pression importante qui s'exerce sur le tribunal national en question.

16 Nous n'avons aucune raison de douter que votre objectif est de contribuer à

17 ce que le procès se déroule sans subir une pression quelle qu'elle soit.

18 C'est la raison pour laquelle, dans nos écritures, nous avons précisé que

19 ce qui suscitait notre inquiétude, c'était une disposition prévue à

20 l'Article 11 bis (F), à savoir que seul le Procureur est compétent de

21 lancer cette procédure demandant le dessaisissement au profit du TPIY.

22 La mission, le mandat du Procureur conformément au Statut est de

23 poursuivre. Si on interprète ces dispositions de l'Article 11 bis (F), on

24 en arrive à la conclusion constatant à ce que le procès soit partiel, qu'il

25 se déroule dans un contexte de manque de compétences, uniquement aux

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1 bénéfices de l'accusé et non pas au détriment de celui-ci. Mais quid s'il

2 s'avérait que le procès est partial précisément aux préjudices de

3 l'accusé ? A ce moment-là, est-ce que le Procureur de La Haye demandera

4 qu'il y ait dessaisissement et qu'il y ait renvoi de l'affaire devant ce

5 Tribunal ?

6 En conclusion, compte tenu de tous ces faits, nous estimons que seul le

7 Tribunal soit représenté par la Chambre, soit représenté par la formation

8 de renvoi à l'autorité qui doit garantir que le suivi du procès devant un

9 tribunal national sera objectif et ne constituera, à aucun moment, aucune

10 forme de pression qui s'exercerait sur un tribunal indépendant. Ce n'est

11 qu'à ce moment-là que les normes les plus élevées garantissant un procès

12 équitable seront satisfaites. C'est uniquement dans le cadre de ce genre de

13 procès qu'il y aura manifestation de la vérité. Enfin, seule la vérité nous

14 permettra d'accomplir le mandat qui a été confié à ce Tribunal, à savoir,

15 de contribuer au rétablissement de la confiance entre les ex-peuples

16 yougoslaves. J'en ai terminé. Nous sommes à votre disposition pour répondre

17 à toute question et vous fournir toute information nécessaire

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Me Lukic. Nous allons

19 faire une pause d'une demi-heure. Les conseils de la Défense de M. Radic et

20 de M. Sljivancanin sont priés d'aviser la Chambre au cas où ce qu'ils

21 auraient à dire, s'agissant de la reddition volontaire, serait différent de

22 celle de Me Mrksic. Vous pourrez le faire après la pause.

23 Madame Somers.

24 Mme SOMERS : [interprétation] Nous ne voulions pas interrompre les

25 interventions, mais nous voulions soulever la question suivante. Page 16,

Page 340

1 ligne 7, il faudrait peut-être une explication. Je pense que Me Borovic a

2 fait peut-être une référence hypothétique à une liste de témoins du bureau

3 du Procureur. C'est peut-être vrai pour d'autres procédures, pour d'autres

4 procès; il se peut que cet individu ait figuré sur notre liste, mais nous

5 ne voulons rien dire des listes de témoins qui ne sont pas rendues

6 publiques.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, nous avons pensé

8 également, à ce moment-là, qu'il fallait peut-être une expurgation parce

9 que quand on parle d'une liste de témoins -- en fait, c'est une personne

10 qui est décédée depuis.

11 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, mais nous disons simplement qu'il ne

12 faut pas faire référence à des listes du bureau du Procureur qui sont

13 confidentielles.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai pensé qu'il fallait une

15 expurgation, vu le décès de la personne concernée.

16 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, bien sûr. Nous allons demander un

17 commentaire supplémentaire après avoir reçu cette information.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

19 Nous allons faire une pause d'une demi-heure; après quoi, nous

20 donnerons la parole aux représentants des gouvernements.

21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.

22 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de donner la parole aux

24 représentants de la Croatie et de la Serbie-et-Monténégro, j'aimerais

25 savoir quelle est la position des avocats de la Défense, s'agissant de la

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1 reddition. Je suppose que ce ne sera pas la même situation pour tous les

2 accusés.

3 Maître Borovic, vous avez la parole.

4 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. M.

5 Miroslav Radic s'est livré au Tribunal et il a utilisé, pour ce faire, la

6 seule méthode que permettait la loi portant sur la coopération avec le

7 Tribunal de La Haye, c'est-à-dire qu'il s'est rendu aux organes de l'Etat

8 serbe qui l'ont transféré à La Haye, suivant la procédure prévue. Si

9 Miroslav Radic avait voulu se déplacer par ses propres moyens pour aller à

10 La Haye, il aurait été arrêté à la frontière; ce qui aurait signifié qu'il

11 ne remplissait pas les conditions requises pour la reddition.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends qu'il a décidé de venir,

13 qu'il n'a pas décidé suite à des mesures de contraintes exercées par l'Etat

14 de Serbie-et-Monténégro.

15 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il de

17 M. Sljivancanin ? C'est peut-être différent, Maître Lukic.

18 M. LUKIC : [interprétation] Nous estimons qu'il a été arrêté. Nous ne

19 contestons pas les dires de l'Accusation au paragraphe 30 de la première

20 requête déposée par l'Accusation. Les conditions de son arrestation sont un

21 élément que nous ne voulons pas examiner maintenant. Nous voulons en parler

22 au moment de la présentation de nos moyens à décharge.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ceci n'est pas considéré, pour le

24 moment. Ceci étant -- oui, Maître Borovic.

25 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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1 apparemment, je n'ai pas répondu à l'Accusation, s'agissant du témoin que

2 j'ai mentionné et qui a été tué. C'était un Croate et il devait déposer

3 dans ce qu'on a appelé l'affaire de Gospic. Il y a eu peut-être une erreur

4 d'interprétation ou de traduction dans le compte rendu d'audience que j'ai

5 lu. Je n'ai rien dit qui soit susceptible de léser les intérêts de

6 l'Accusation. Je me suis contenté de présenter l'hypothèse selon laquelle

7 ce témoin aurait pu, dis-je, devenir un témoin, ici, au Tribunal de La

8 Haye, dans l'affaire portant sur le groupe de Gospic.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'était simplement une présomption,

10 une supposition, une possibilité que vous entrevoyiez.

11 M. BOROVIC : [interprétation] Tout à fait.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il était vraiment

13 nécessaire de le répéter. En tout cas, maintenant, tout est limpide.

14 Monsieur Ljajic, est-ce que je peux vous donner la parole ? Vous

15 représentez la Serbie-et-Monténégro.

16 M. LJAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 permettez-moi, pour commencer, d'exprimer à quel point je me félicite

18 d'avoir l'occasion de prendre part au départ qui se déroule, aujourd'hui et

19 qui est très important pour nous. La

20 Serbie-et-Monténégro tient à se conformer entièrement à ses obligations

21 envers le Tribunal, du point de vue de la nécessité d'assurer la justice,

22 manifestation de la vérité et de permettre qu'un processus de

23 réconciliation ait lieu.

24 Tout d'abord, je tiens à dire à quel point je suis -- je sais gré au bureau

25 du Procureur parce qu'ils n'ont pas contourné la Serbie-et-Monténégro,

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1 cette fois-ci, dans leur requête, aux fins du renvoi.

2 Dans la poursuite de ces débats, les représentants de la Serbie-et-

3 Monténégro présenteront à la Chambre les exigences et les critères

4 nécessaires à satisfaire pour le renvoi du dossier en question et nous nous

5 tenons à votre disposition pour fournir toutes les réponses.

6 Monsieur le Président, afin de pouvoir accomplir la stratégie d'achèvement

7 de ce Tribunal, il est nécessaire de s'assurer que les tribunaux nationaux

8 auront la capacité de juger de manière équitable et juste. Mais le renvoi,

9 à notre avis, ne permettrait pas uniquement d'alléger la tâche du Tribunal;

10 ce serait aussi un instrument nous permettant de tester la validité des

11 tribunaux nationaux et aussi de les encourager, de les renforcer, pour

12 qu'ils puissent poursuivre les criminels de guerre, n'ont pas seulement

13 ceux dont ont été saisis le Tribunal de La Haye, mais d'autres aussi.

14 Enfin, c'est la meilleure manière qui permettra à l'opinion publique de se

15 trouver confrontée aux crimes qui ont été commis, et que cette opinion

16 accepte pleinement les décisions prises par ces tribunaux.

17 La Serbie-et-Monténégro est déterminée, pour ce qui est de la plupart des

18 actes d'accusation dressés contre les accusés qui sont non nationaux, de

19 s'en saisir. Nos tribunaux sont prêts à poursuivre au pénal les accusés

20 pour crimes de guerre, en respectant les normes les plus élevées sur le

21 plan international. Je suis profondément convaincu que l'affaire des

22 accusés Mrksic, Radic et Sljivancanin est une affaire qui doit être

23 renvoyée en Serbie-et-Monténégro. A l'appui de nombreuses raisons, nous en

24 avons entendu quelques unes aujourd'hui; avant tout, je citerai les

25 critères d'économie et de finalité de l'ensemble de la procédure.

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1 Comme ceci a déjà été dit devant la Chambre des crimes de guerre du

2 tribunal de district de Belgrade, un procès est déjà en cours pour les

3 crimes commis à la ferme d'Ovcara. C'est un procès qui se déroule en

4 coopération avec le Procureur de ce Tribunal, et je pense que nous pourrons

5 faire des économies considérables en cas de renvoi, sans préjuger des

6 droits des accusés. Ceci permettrait de garantir l'unité de la justice,

7 compte tenu du fait que tous les individus seraient jugés au même endroit,

8 d'après les mêmes critères, les mêmes normes, nous aurions tous la

9 possibilité de voir la vérité se manifester sur ces crimes.

10 Je tiens à dire aussi que s'il y avait renvoi de cette affaire à un

11 tribunal d'un autre Etat, ceci aurait des conséquences considérables. Avant

12 tout, une résistance à la coopération avec le Tribunal de La Haye, de la

13 part de l'opinion en Serbie-et-Monténégro, serait accrue. Or, nous devons

14 dire que nous avons fait des progrès considérables sur le plan de la

15 coopération de la Serbie-et-Monténégro avec le TPIY.

16 Je suis pleinement conscient du fait que cette coopération ne peut pas

17 dépendre entièrement de la position de l'opinion publique. Il s'agit avant

18 tout de notre obligation politique et morale.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ljajic, je vais vous demander

20 de ralentir un petit peu, parce que je pense que les interprètes ont

21 quelques difficultés à vous suivre. Je vous en prie, poursuivez.

22 M. LJAJIC : [interprétation] Je vais répéter la dernière phrase que j'ai

23 dite, à savoir que j'étais pleinement conscient du fait que notre

24 coopération avec le Tribunal ne peut pas dépendre uniquement de l'avis de

25 l'opinion ou d'autres circonstances, qu'il s'agit avant tout de notre

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1 obligation morale, politique et juridique, et j'espère que nous nous en

2 acquitterons pleinement.

3 Cependant, l'une des fonctions importantes, sinon, la plus importante d'une

4 procédure juridique, est la manifestation de la justice. Cependant, la

5 justice ne peut pas se réaliser entièrement que si elle était perçue comme

6 telle par l'opinion publique, et c'est la raison pour laquelle je suis

7 convaincu que le Tribunal, ainsi que les tribunaux dans tous les Etats

8 concernés en tiendront compte.

9 Enfin, deux des trois accusés en l'espèce, se sont rendus de leur plein gré

10 en Serbie-et-Monténégro. Au moment de leur reddition, ils n'envisageaient

11 pas la possibilité que leur affaire puisse être renvoyée à un autre Etat.

12 Il ressort des écritures et des arguments présentés par la Défense qu'en ce

13 moment, ils ne s'opposent pas à la possibilité que leur affaire soit

14 renvoyée en Serbie-et-Monténégro, mais qu'ils s'opposent à ce qu'il y ait

15 renvoi à la Croatie. Je suis convaincu que le renvoi de l'affaire en

16 l'espèce dans la Serbie-et-Monténégro, dans une grande mesure,

17 contribuerait à ce que l'on rétablisse la confiance entre tous les peuples

18 de la région. En coopération avec le Procureur, avec l'OSCE, un projet a

19 été lancé dont l'objectif principal est de faire connaître à l'opinion

20 publique les événements de l'ex-Yougoslavie et les conséquences de cela,

21 les conséquences des crimes qui ont été perpétrés, et d'encourager ainsi le

22 processus de réconciliation dans la région. Je suis convaincu que le renvoi

23 de cette affaire contribuerait à ce processus.

24 Monsieur le Président, M. Djeric qui est membre de la délégation de Serbie-

25 et-Monténégro, souhaite brièvement présenter les aspects juridiques

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1 concernant un certain nombre de questions qui restent ouvertes en l'espèce.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

3 Vous avez la parole, Monsieur Djeric.

4 M. DJERIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Messieurs les

5 Juges, c'est un privilège sans cesse renouvelé que de pouvoir nous

6 présenter devant vous. Je sais que le temps presse et je vais m'efforcer

7 d'être bref. Je vais évoquer trois points, qui de l'avis de la Serbie-et-

8 Monténégro, nécessitent un complément d'informations et d'explications.

9 La première question est celle de l'interprétation qu'il faut faire de

10 l'Article 11 bis. Une des questions les plus importantes que devra se poser

11 la formation de renvoi, est de savoir comment interpréter l'Article 11 bis,

12 lorsque deux Etats ou plus souhaitent que la juridiction de leur pays

13 soient saisis de l'affaire pour en juger. L'Article 11 bis dit que

14 l'affaire peut être renvoyée aux autorités de l'Etat sur le territoire

15 duquel le crime a été commis; deux, dans lequel l'accusé est arrêté, ou

16 trois, dans l'Etat ayant compétence et étant disposé et tout à fait prêt à

17 accepter une telle affaire. D'après l'Accusation, ces critères devraient

18 être considérés par ordre dégressif d'importance. Cependant, nous estimons

19 qu'il n'y a rien dans l'Article 11 bis qui tend à soutenir une telle

20 conclusion. Au contraire, le fait qu'on utilise la conjonction de

21 coordination "ou", après que soit énuméré chacun des critères dans

22 l'article, indique que ces critères ont tous la même importance.

23 D'après la Croatie, et là je cite les écritures de la Croatie du 27 avril à

24 la page 5 : "Le droit international pénal international et le droit

25 coutumier privilégie une procédure qui soit menée par un tribunal sur le

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1 territoire de l'Etat où l'infraction a été commise." Cependant, la Croatie

2 n'approuve pas du tout cette conclusion.

3 Nous estimons qu'effectivement, le droit international ne dit pas cela, pas

4 plus que le droit coutumier. Par exemple, un ancien président de ce

5 Tribunal, le Juge Cassese, dans son traité sur le droit pénal international

6 a dit qu'il n'y a aucune hiérarchie, pour ce qui est de la compétence en

7 matière de ces crimes internationaux. Il dit que : "De façon

8 traditionnelle, les Etats traduisent en justice des auteurs présumés de

9 crimes internationaux, à partir de l'un des trois principes : la

10 territorialité, la nationalité passive lorsque les victimes sont des

11 ressortissants de l'Etat qui poursuit, ou une nationalité active lorsque

12 l'auteur est un ressortissant de l'Etat qui poursuit."

13 Il ajoute ceci : "Récemment, le principe de l'universalité a fait surface."

14 Ceci se trouve dans son ouvrage à la page 277 : "Par conséquent, nous

15 faisons valoir que les trois critères énoncés à l'Article 11 bis ont chacun

16 la même importance. Le fait de remplir un de ces trois critères reste la

17 condition préalable objective, qui peut faire déclencher la deuxième étape

18 prévue à l'Article 11 bis, cette deuxième étape signifie que la formation

19 de renvoi devra se demander si l'accusé va bénéficier d'un procès

20 équitable, et qu'il ne sera pas condamné à la peine capitale ni exécuté."

21 A notre avis, ce sont là les deux considérations fondamentales qui

22 devraient régir la décision que va prendre la formation de renvoi, en

23 application du 11 bis. Nous l'avons écrit dans nos conclusions, ce sont les

24 deux seules conditions expresses énoncées à l'Article 11 bis, une fois que

25 la question de la compétence est réglée et que critère est rempli.

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1 Par conséquent, c'est uniquement si la formation de renvoi estime que

2 ces deux conditions, l'équité du procès et l'interdiction de la peine

3 capitale, si ces deux critères sont remplis par tous les états, à ce

4 moment-là, la Chambre devra examiner d'autres facteurs. Comme celui-ci, le

5 fait de savoir si la justice va être appliquée le plus près possible des

6 victimes, la rapidité du procès, la disponibilité des éléments de preuve,

7 et ainsi de suite.

8 Dans ce contexte, s'agissant d'une ces conditions expresses de

9 l'Article 11 bis indiquant qu'il y a eu quelques hésitations, on s'est

10 demandé si les accusés en l'espèce pourraient bénéficier d'un procès

11 équitable en Croatie. Ces hésitations, ces réserves se fondent sur les

12 rapports établis par la mission de l'OSCE en Croatie. La formation de

13 renvoi devrait accorder la plus grande importance à ces rapports à notre

14 avis, car ils sont en rapport direct avec la condition essentielle énoncée

15 à l'Article 11 bis, à savoir la condition d'équité du procès. De plus, ces

16 rapports sont l'œuvre d'un organe de surveillance impartial international,

17 ce qui ajoute à la crédibilité de ces rapports.

18 A cet égard, j'appelle votre attention, Messieurs les Juges,

19 sur la présentation qu'a faite récemment l'ambassadeur Semneby, chef de la

20 mission de l'OSCE en Croatie, déclaration qu'il a faite au conseil

21 permanent, l'organe suprême de l'OSCE le 10 mars 2005. Elle suivait les

22 conclusions de l'Accusation le 8 février 2005, dans lesquelles se

23 trouvaient d'autres déclarations de l'OSCE contenues à l'annexe 3. Je vais

24 veiller à ce que vous obteniez vous et les parties plus tard, des

25 exemplaires de ces déclarations de l'ambassadeur Semneby.

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1 Il disait qu'il y avait un parti pris ethnique dans les tribunaux de

2 niveau inférieur en Croatie. Il a conclu que le suivi par la mission de la

3 question des crimes de guerre se poursuivrait. Je le cite : "Tant qu'il y

4 aurait des problèmes importants, s'agissant d'un parti pris au détriment

5 d'accusés serbes dans les tribunaux inférieurs, et donc si vous voulez, à

6 l'inverse, une certaine indulgence à l'égard d'accusés croates dans ces

7 mêmes tribunaux."

8 Permettez-moi, maintenant d'aborder la deuxième question. Les accusés sont

9 des ressortissants de la Serbie-et-Monténégro, et étaient des

10 ressortissants de la République fédérale de Yougoslavie au moment de leur

11 transfert, de leur reddition. Il était interdit d'extrader en vertu de la

12 constitution des ressortissants yougoslaves. Ce n'était possible que si le

13 procès se déroulait dans le cadre d'un tribunal international. Si le

14 transfert d'un accusé devant un tribunal international n'était qu'une

15 première étape en préalable, si vous voulez d'un transfert vers un Etat

16 tiers, à notre avis, ceci revient à dire que ce serait une extradition. Ce

17 facteur ex post placerait le gouvernement de la Serbie-et-Monténégro dans

18 une situation tout à fait difficile, parce que ce serait là en fait une

19 rupture de confiance.

20 Le gouvernement a agi conformément à l'Article 29 du Statut. Cet

21 article, c'est une exception à la règle générale, qui prévoit que les Etats

22 ont la priorité, pour ce qui est de la poursuite des personnes relevant de

23 leur compétence, et qui sont accusées de crimes internationaux. Il faut

24 donner une interprétation étroite à cette exception, elle ne peut englober

25 raisonnablement l'autorité qu'aurait le Tribunal international, de faire

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1 quelque chose qui reviendrait à être une extradition à deux vitesses. Nous

2 estimons que l'Etat, qui a transféré ou livré un accusé, doit être

3 privilégié en matière de poursuite, si cet Etat est prêt à le faire et

4 capable de le faire, et s'il réunit les conditions prévues par l'Article 11

5 bis.

6 Il est aussi important de voir ce que dit la convention européenne en

7 matière d'extradition. La Croatie, la Serbie-et-Monténégro, mais aussi

8 d'autres états du territoire de l'ex-Yougoslavie sont signataires de cette

9 convention. L'Article 6 de la convention, reconnaît le droit qu'ont les

10 états de refuser l'extradition de leur propre ressortissant. Ceci montre

11 aussi que l'Article 29 du Statut du TPIY doit recevoir une interprétation

12 étroite. Dans toutes les autres situations qui ne sont pas prévues par

13 l'Article 29 du Statut, les Etats ont le droit de refuser le transfèrement

14 de leur propre ressortissant, pour qu'il soit jugé dans d'autres états. De

15 plus, la Croatie et la Serbie ont toutes les deux fait des déclarations à

16 propos de cette convention, et ces deux pays ont affirmé le droit qu'ils

17 avaient de refuser l'extradition de leur propre ressortissant. Aucun de ces

18 deux pays n'a fait objection à la déclaration de l'autre pays, c'est une

19 obligation réciproque, constituée entre la Croatie et la Serbie-et-

20 Monténégro. Cette obligation est de ne pas demander l'extradition des

21 ressortissants de l'autre pays, dans des affaires où il y a opposition par

22 l'autre Etat. Je vous rappellerais une fois de plus que les accusés en

23 l'espèce sont des ressortissants de Serbie-et-Monténégro.

24 Enfin je vous renvoie à l'Article 15 de la convention européenne en

25 matière d'extradition. Cet Article 15 permet l'extradition en direction

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1 d'un Etat tiers, mais uniquement s'il y a consentement de l'Etat qui au

2 départ a permis cette reddition. Ceci montre la position ferme qu'ont la

3 Croatie, la Serbie-et-Monténégro et d'autres Etats de l'ex-Yougoslavie,

4 pour dire qu'il n'est pas possible d'avoir une nouvelle extradition, s'il

5 n'y a pas consentement au préalable de l'Etat qui a à l'origine livré

6 l'accusé. Cette pratique et l'opinion juris devraient être prises en compte

7 à notre avis, par la formation de renvoi lorsqu'elle va statuer, s'agissant

8 de la requête déposée par la Croatie.

9 Enfin, je me contenterais en conclusion d'indiquer simplement que

10 l'annexe 3 de nos écritures du 28 avril, contient toutes les dispositions

11 pertinentes de notre loi nationale en matière de protection de témoin. Ceci

12 vous donne un aperçu plus complet de la question, que ce qu'ont présenté la

13 Défense et l'Accusation dans leurs conclusions écrites.

14 Voilà, j'en ai terminé, Messieurs les Juges, nous sommes bien sûr

15 prêts à répondre à toutes questions que vous pourrez avoir. Je vous

16 remercie.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Djeric.

18 Je vais maintenant donner la parole à M. Horvatic, qui représente la

19 Croatie.

20 M. HORVATIC : [interprétation] C'est également un privilège pour moi,

21 Messieurs les Juges. Vous savez, les professeurs oublient toujours quelque

22 chose, mais j'espère ne pas oublier ce qui est l'essentiel de l'explication

23 que je vais vous donner.

24 C'est un honneur considérable de me retrouver une deuxième fois ici dans ce

25 prétoire, avec pratiquement les mêmes protagonistes et devant la même

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1 Chambre, bien entendu.

2 Lorsque nous avons été invités à participer à la présente audience, afin de

3 préciser quelle est notre position et puisque la plupart des participants

4 comprennent ma langue, je vais poursuivre en croate.

5 Le gouvernement de la République de Croatie a été invité à participer à ces

6 débats et il est invité, également, à exposer oralement des arguments

7 supplémentaires, suite aux écritures que nous avons présentées, le 27 avril

8 dernier. Mon intention initiale était de préciser un certain nombre de

9 détails; cependant, de la manière dont les débats se sont déroulés ce

10 matin, j'ai estimé qu'il serait plus utile pour l'information de renvoi qui

11 devra statuer et qu'il serait plus pratique si je me référais aux propos

12 que nous avons entendus dans ce prétoire, aujourd'hui. Ceci concerne,

13 également, ou concerne, au premier chef, la position du gouvernement de la

14 République de Croatie.

15 Mon approche qui, à mon sens, est juste, est qu'il convient de se focaliser

16 sur les aspects juridiques en l'espèce. Ceci étant dit, il conviendrait

17 d'exclure, dans toute la mesure du possible, les questions qui ne sont pas

18 juridiques, mais qui peuvent, dans certaines circonstances, le cas échéant,

19 ou pourraient influer sur une décision qui serait de nature exclusivement

20 juridique. Je commencerai par des questions juridiques qui sont celles qui

21 ont intéressé, avant tout, le Procureur et je pense que le Procureur sait

22 apprécier les questions essentielles.

23 Le Procureur a dit, tout d'abord : "Nous souhaitons nous assurer et avoir

24 la certitude que les positions adoptées par le bureau du Procureur, dans le

25 système judiciaire qui se verra confier l'affaire, seront prise en

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1 considération." Ceci concernait, avant tout, la remarque consistant à dire

2 qu'à la différence des affaires ou du procès qui est en train de se

3 dérouler à Belgrade, la question de supériorité hiérarchique n'est pas

4 concernée et que l'une des questions principales est de savoir quelle sera

5 la loi applicable, c'est-à-dire, les tribunaux qui se verront confier

6 l'affaire vont-ils appliquer les mêmes lois que celles qui auraient été

7 appliquées devant ce Tribunal-ci ? Une autre question posée par le

8 Procureur est la suivante : quelle est la capacité de l'Etat, ou plutôt des

9 tribunaux devant lesquels on renverra l'affaire de se saisir de celle-ci.

10 La troisième question : quelle est la coopération entre la République de

11 Croatie et la République de Serbie-et-Monténégro, entre ces deux états, en

12 matière pénale et comment se traduira concrètement cette coopération en

13 l'espèce ? Une quatrième question qui a été soulevée : les témoins qui sont

14 venus déposer à Belgrade, combien il y en a eu et il y a un désaccord sur

15 ces témoins et leurs dépositions dans le procès intenté aux 17 accusés dans

16 l'affaire Ancara [phon].

17 Dans l'affaire Ademi-Norac, il y a eu un débat, le 17 février de cette

18 année et lors de ce débat, nous avons exprimé nos arguments que

19 l'information de renvoi peut consulter, nous nous y sommes référés à la

20 question de l'application de la loi, en la matière de la responsabilité du

21 supérieur hiérarchique et aussi, précisément, pour ce qui est des affaires

22 concrètes qui nous intéressent, à l'époque de la commission des crimes, ici

23 et dans l'affaire Ademi-Norac, nous avons cité les normes du droit

24 international pertinentes. Je ne tiens pas à répéter cela.

25 Il s'agit de lois qui, par la force de la loi et conformément aux

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1 sources juridiques que le système judiciaire croate est tenu de respecter,

2 c'est bien la loi qui serait appliquée en l'espèce.

3 Très sincèrement, je dois dire que pour ce qui est de l'opinion publique et

4 pour ce qui est des rapports des organisations non gouvernementales,

5 s'agissant d'un certain nombre de cas isolés qui ont été commentés alors

6 qu'ils étaient encore en première instance et avant que des verdicts ne

7 soient prononcés, formuler des commentaires en se fondant là-dessus pour

8 juger des compétences d'un système judiciaire, pour se saisir d'une

9 affaire, là, je tiens à citer ou à me servir d'une comparaison qui n'est

10 peut-être pas autorisée, mais il s'agit de dire que la situation en Serbie-

11 et-Monténégro est, aujourd'hui, différente de ce qu'elle a été il y a

12 quelque temps ou il y a peut-être une décennie.

13 Pour ce qui est des témoins qui sont venus déposer à Belgrade dans

14 l'affaire concernant les 17, je ne rentrerai pas dans cette question, c'est

15 une question compliquée; la question est de savoir si les témoins d'un Etat

16 osent venir déposer sur le territoire de l'autre Etat, de savoir si les

17 proches peuvent ou souhaitent venir déposer ou non.

18 La Défense des deux premiers co-accusés, Mrksic et Radic a réagi de manière

19 très explicite, lorsque M. le Juge Orie lui a posé une question, il a

20 répondu en disant qu'il s'est agi, dans les deux cas, d'une reddition de

21 plein gré et l'Article 11 bis qui en parle, qui évoque les deux cas de

22 figure, dit, dans le deuxième cas, l'Etat dans lequel l'accusé a été

23 arrêté.

24 Les deux conseils ont fourni des interprétations brillantes, le

25 représentant de la Serbie-et-Monténégro a, également, exposé brièvement ses

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1 arguments sur la relation entre l'extradition et la re-extradition, une

2 nouvelle extradition. C'est une question qui peut intéresser des

3 publications juridiques, mais ici, il convient d'appliquer uniquement les

4 dispositions de l'Article 11 bis. Le gouvernement de la République de

5 Croatie estime que la question de l'extradition et une nouvelle extradition

6 ne s'applique pas.

7 Pour ce qui est des deux ou trois documents où trois possibilités sont

8 évoquées et là, je passerai en anglais.

9 "Sur le territoire duquel le crime a été commis et dans lequel

10 l'accusé a été arrêté ou ayant compétence et étant disposé et tout à fait

11 prêt à accepter une telle affaire, s'agissant de cela, il n'est pas

12 juridiquement valable, à notre avis, de dire que ces trois cas de figure se

13 situent sur un plan d'égalité et je pense que le représentant de la Serbie-

14 et-Monténégro a omis un point lorsque

15 M. le Ministre, avec tous mes respects, a dit que s'il y avait transfert à

16 un Etat tiers et non pas à la Serbie-et-Monténégro. Mais là, il ne s'agit

17 pas d'un Etat tiers; lorsqu'on évoque l'Etat ayant compétence et étant

18 disposé et tout à fait prêt à accepter, mais c'est l'un des deux premiers

19 cas de figure selon lesquels, d'après les principes du droit international,

20 d'après les principes du droit conventionnel, la priorité absolue revient à

21 l'Etat où le système de droit pénal sur le territoire duquel le crime a été

22 commis.

23 On peut en débattre pour savoir si l'Article 11 bis le situe sur un plan

24 d'égalité, mais si la Croatie est invité à prouver ces affirmations, les

25 affirmations qui figurent dans ces écritures, à savoir, tel a la priorité,

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1 nous pouvons les fournir. C'est un fait notoire qu'il ne convient pas de

2 prouver, ni en théorie, ni dans la jurisprudence actuelle, ni dans l'ex-

3 droit pénal yougoslave que nous avons appliqué jusqu'en 1990, ni dans le

4 nouveau code pénal de 1993, ni dans le nouveau droit pénal de la Croatie ou

5 de la Serbie et Bosnie-Herzégovine. Il n'y a pas eu de changements; comme

6 le dit la théorie juridique, tous les autres principes sont des principes

7 subsidiaires.

8 Je ne parlerai pas des exemples qui ont été cités par la Défense où on

9 tente de tracer des parallèles et de remettre

10 en question la crédibilité du système judicaire croate quant à savoir si un

11 témoin a été tué, s'il est mort de mort naturelle; on pourrait en débattre,

12 il pourrait y avoir un débat consacré à ce sujet. Je pense qu'il ne

13 convient pas que je réfute, ici, ces arguments puisque ce débat n'aurait

14 pas pour conséquence de démontrer que le système judiciaire croate n'est

15 pas apte à juger.

16 Pour ce qui est de l'un des segments très importants qui concerne la

17 compétence d'un système judiciaire, c'est la protection des témoins et là,

18 je dois dire que par rapport à la situation assez vague qui a été présentée

19 par la Défense en procédant à une comparaison des lois de la Serbie-et-

20 Monténégro et de la République de Croatie où dans une des lois de ces

21 Etats, la protection des témoins est garantie alors que dans l'autre Etat,

22 c'est l'entrée de l'assistance judiciaire qui est garantie entre ces deux

23 Etats, il me semble que cette situation entrave la clarté et nuit à la

24 transparence de la lecture des textes de lois qui seront pertinents en

25 l'espèce ou dans le cas de tout autre affaire qui serait renvoyée en

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1 Croatie ou en Serbie-et-Monténégro.

2 Il me semble que le code pénal est cohérent, que les autres textes qui

3 s'appliquent dans cet Etat, il me semble qu'ils ne sont pas aussi cohérents

4 que le sont ceux de la République de Croatie. Il me semble que dans ce

5 contexte, lorsqu'on essaie de présenter des arguments qui contesteront

6 l'aptitude du système judiciaire croate à se saisir de l'affaire, il me

7 semble que ceci se fonde sur des cas de figure hypothétiques. On est en

8 train d'imaginer ce qui se produirait dans telle ou telle situation

9 hypothétique. L'affaire qui est actuellement jugée à Belgrade, la Défense

10 estime que ces témoins ne viendront pas déposer en Croatie parce que la

11 Défense suppose qu'il existe, en Croatie, des actes d'accusation sous

12 scellé. Il s'agit, là, d'arguments qui sortent du cadre juridique, tout

13 comme l'hypothèse qu'un procès qui se tiendrait en Croatie ne serait pas

14 impartial.

15 Il y a une séparation des pouvoirs en Croatie, entre l'exécutif, le

16 législatif et la justice. Il n'y a pas d'influence de l'exécutif sur la

17 justice. On ne peut pas en juger, d'après quelques informations

18 superficielles. On peut toujours se faire telle ou telle opinion là-dessus,

19 non seulement en Croatie, en Serbie-et-Monténégro, mais également en France

20 ou aux Etats-Unis d'Amérique ou dans n'importe quel Etat. Lorsque le

21 Président d'un grand Etat affirme à l'occasion d'une affaire : "Nous le

22 condamnerons de manière vigoureuse" et il s'agissait, là, d'un crime ou

23 délit commis par un militaire, personne n'a l'idée suite à cela de dire que

24 le tribunal qui se situe sur le territoire de cet Etat n'agirait pas de

25 façon impartiale. Dans le même sens, les déclarations de la ministre de la

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1 justice croate diffusées à la télévision ou de la vice-premier ministre

2 croate, Mme Jadranka Kosor, tous ces propos peuvent être interprétés de la

3 manière suivante, à savoir, les autorités croates souhaitent que le

4 principe de territorialité soit appliqué et que les tribunaux croates

5 agiront conformément à leurs attributions constitutionnelles. Si la

6 ministre de la Justice ou la vice-premier ministre du Gouvernement, pendant

7 le procès, prononcerait ce genre de déclarations, le procureur devrait agir

8 puisqu'il y aurait ingérence dans les affaires de la justice; il y aurait

9 une intervention au pénal.

10 Le même commentaire s'applique à une interprétation que nous avons

11 entendue, à savoir, une distinction entre "trial" et "sentence", "procès"

12 et "sentence". Dans l'affaire Ademi-Norac, il a été dit qu'il y aurait

13 procédure et procès et ici, ce qu'on a entendu c'est que l'Etat croate - et

14 là, je passe en anglais - a déclaré : "Après le renvoi, l'affaire sera

15 renvoyée devant le tribunal compétent pour procédure et procès."

16 Je ne suis pas l'auteur de ces propos, mais je tiens à dire que lorsque

17 l'auteur dit "sentencing", il pense par là, soit à "une déclaration de

18 culpabilité", soit à "un acquittement".

19 Si ce Tribunal venait à décider de confier cette affaire à la justice

20 croate se basant sur des raisons de nature juridique relatives à

21 l'interprétation du 11 bis et en se fondant sur les compétences de la

22 justice croate, dans cette phase-ci de mes propos, je tiendrais à vous

23 assurer, non pas vous, Messieurs les Juges, mais aussi bien les

24 représentants de cet Etat de Serbie-et-Monténégro et les conseils de la

25 Défense, du fait que la coopération entre ces deux états se fonderait sur

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1 les conventions du conseil de l'Europe, et sur nos accords entre Etats.

2 Mais sur également ce que nous impose notre conscience, pour ce qui est de

3 l'acceptation de cette affaire, nous nous référerions également sur la

4 coopération que nous avons développée dans d'autres affaires, dont ont fait

5 preuve nos ministres par vidéoconférence, entre le tribunal de district à

6 Zagreb et le tribunal de Belgrade, lors de l'établissement d'une

7 communication directe. Cela veut également dire que la coopération

8 s'établirait au cas où l'affaire serait confiée au tribunal de la Serbie-

9 et-Monténégro, et au cas où il n'y aurait pas les autres raisons dont j'ai

10 déjà parlé.

11 Pour finir cette intervention, je demeure tout à fait disposé à répondre

12 aux questions éventuelles que vous auriez à me poser, je tiens encore à

13 dire que les affirmations au terme desquelles les possibilités ou la

14 confiance à prononcer aux avocats choisis, et comme en Croatie l'on ne

15 saurait avoir des avocats d'origine étrangère, il y a bon nombre de cas

16 dans la pratique qui montrent que dans bon nombre de cas, l'avocat de la

17 Défense était un avocat de la République de Croatie, mais, dans son équipe,

18 dans le prétoire, il y a tout aussi bien pu avoir des collaborateurs qui

19 étaient avocats dans d'autres causes, et qui ne sont limités que par une

20 chose, par l'impossibilité de s'adresser directement à la Chambre, mais ils

21 peuvent aider le conseil de la Défense. Chose que ferait tout avocat de

22 Croatie, comme le font les avocats de Croatie et de Monténégro. Lorsqu'ils

23 se chargent de la défense d'un ressortissant croate, ils sont assistés par

24 des avocats croates. C'est là une chose assez habituelle et sur le plan

25 professionnel la question n'est pas équivoque.

Page 360

1 Ce qui trouble dans ce cas et qui génère de la défiance, ce sont,

2 Messieurs les Juges, ces éléments politiques, dont il convient certes de

3 tenir compte. Mais en tenir compte dans quelle mesure, dans quelle mesure

4 ces éléments, ces aspects politiques peuvent, sauraient s'opposer,

5 devraient influer sur les événements juridiques, il appartient à la sagesse

6 qui est la vôtre d'en décider, et de statuer à ce sujet.

7 Merci.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Horvatic. La

9 Chambre apprécie en grande mesure le fait que les représentants de la

10 Serbie-et-Monténégro et de la Croatie se soient centrés sur les questions

11 les plus importantes, et que ces deux parties se soient limitées à 25

12 minutes seulement, quoique 30 minutes leur avaient été imparties.

13 Une question pour vous, Monsieur Horvatic. En ce moment, pourriez-vous nous

14 en dire davantage concernant les plans mentionnés par l'un des conseils de

15 la Défense, pour ce qui est de juger la troïka de Vukovar devant une cour

16 ou un tribunal local en Croatie.

17 M. HORVATIC : [interprétation] Oui, il est bon nombre de questions qui se

18 posent. Je vais vous laisser poser des questions et nous apporterons des

19 réponses directes.

20 Il y a bon nombre d'actes d'accusation en Croatie qui datent de 1991, 1992,

21 1993, 1994, 1995, et bon nombre de procès in absentia. Pour autant que je

22 le sache, il y a un acte d'accusation de dressé à l'encontre des trois

23 messieurs qui siègent ici sur le banc des accusés. Mais quoiqu'il en soit,

24 malgré la communication, quelle qu'elle soit, entre le procureur public de

25 Vukovar, et le président du tribunal de Vukovar, je n'ai aucun élément de

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1 preuve pour affirmer qu'il y a eu des communications, des conversations

2 entre eux. Mais, même si l'on disait qu'il y a eu effectivement quelque

3 chose de cette nature, il y a deux ou trois semaines, cette communication a

4 certainement été officieuse, et ce qu'il y a d'officiel, ce n'est que la

5 déclaration faite par le Procureur général de l'Etat, qui dit que même s'il

6 y avait des éléments de preuve, au cas où il y aurait une procédure

7 d'entamée, celle-ci serait interrompue au moment même où le Procureur de La

8 Haye demanderait des documents, ou des éléments de preuve à cet effet.

9 Donc, il n'y a pas de procès, ni de mesures de procédure officielle

10 d'entreprises.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

12 M. HORVATIC : [interprétation] Je ne suis pas certain, mais il y a la

13 possibilité que l'un des témoins potentiels soit une personne condamnée par

14 contumace. Si cela était le cas, il faudra que nous nous conformions aux

15 normes du droit international, ce qui veut dire qu'au cas où un témoin de

16 cette nature serait amené à venir en Croatie ou à témoigner par

17 vidéoconférence --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, j'étais juste en train de vous

19 poser la question, des trois accusés ici présents, M. Mrksic, Radic et

20 Sljivancanin.

21 M. HORVATIC : [interprétation] D'accord. Je ne vais pas m'étaler au-delà.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Permettez-moi de poser une question

23 supplémentaire --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Djeric, vous pourrez vous

25 adresser aux Juges, mais le Juge Parker voudrait d'abord poser une

Page 362

1 question.

2 L'INTERPRÈTE : Hors micro, et la question, elle aussi, adressée au Pr

3 Horvatic. Réponse, oui.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En Croatie, quel est le tribunal qui

5 serait saisi de cette affaire, au cas où elle serait renvoyée en Croatie ?

6 Est-ce que ce serait un tribunal d'exception, ayant exclusivement

7 compétence pour ceci, ou est-ce que cette affaire pourrait être renvoyée à

8 un tribunal, disons de Vukovar ? Est-ce que vous pourriez tirer ceci au

9 clair ?

10 M. HORVATIC : [interprétation] Je peux vous dire qu'un certain avis dans

11 l'opinion publique s'était manifesté. Au cas où il y aurait renvoi en

12 Croatie, le tribunal compétent serait celui de Vukovar, mais ce n'est pas

13 du tout le cas, cela ne pourrait se passer qu'à Zagreb. Il y a quatre

14 tribunaux, nous l'avons déjà expliqué. Il y a Zagreb, Rijeka, Osijek et

15 Split. Ici en l'espèce, il s'agirait d'un tribunal de Zagreb. C'est le

16 ministère de la Justice qui prendrait cette décision, conformément ou en

17 accord avec le tribunal de Split. Il est impossible que ce procès se fasse

18 à Vukovar, vu la loi qui existe et qui est en vigueur, qui interdit une

19 telle chose.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, de cette information, je

21 m'excuse si je n'ai pas agi conformément à ce qui avait été au préalable

22 une indication du conseil.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, M. Djeric aimerait ajouter

24 quelque chose, mais auparavant, j'aimerais me tourner vers les conseils de

25 la Défense.

Page 363

1 M. Horvatic vient de faire référence à des documents concernant Ademi

2 Norac, fournis par le gouvernement de Croatie. Je suppose que c'est

3 suffisamment clair pour vous, pour ce qui est du caractère général de la

4 loi et des compétences de l'appareil judiciaire en Croatie. La Chambre ici

5 présente va en tenir compte aussi. On peut y faire référence, les conseils

6 le savent, ils ont eu l'occasion d'examiner ces documents. Apparemment,

7 personne ne proteste de façon véhémente, donc je suppose que c'est exact.

8 Vous avez la parole, Monsieur Djeric.

9 M. DJERIC : [interprétation] Merci beaucoup.

10 J'anticipe peut-être sur certaines des questions que vous voulez poser,

11 mais nous sommes ici pour vous aider, Messieurs les Juges, donc je vais me

12 permettre d'esquisser quelques points qu'il est peut-être nécessaire de

13 présenter. Ce n'est pas une compétition ici. Nous sommes ici pour vous

14 aider. Je le comprends. J'aimerais dire quelques mots pour ce qui est de la

15 responsabilité du supérieur hiérarchique.

16 Cette question, elle a fait l'objet de discussions très approfondies dans

17 le procès Norac en Serbie-Monténégro, lorsqu'il y a eu présentation de

18 l'affaire Meakic, on a discuté aussi dans une certaine mesure. J'ai examiné

19 le compte rendu d'audience, je n'étais pas ici à l'époque, mais on n'en a

20 pas vraiment discuté à fond. Mais pour que cette procédure ci soit bien

21 efficace, je peux dire que l'analyse faite par les amis de la Chambre dans

22 l'affaire Norac -- il s'agissait des professeurs Damaska et Krapac. Cette

23 analyse s'applique parfaitement à la loi qui s'appliquerait pour cette

24 espèce-ci, dans les tribunaux de Serbie et Monténégro.

25 En substance, que cela soit en Croatie ou en Serbie-Monténégro, les mêmes

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1 dispositions vont s'appliquer. On parle du code pénal de la RSFY qui a bien

2 sûr été adopté, et qui est devenu un code croate à un moment donné de

3 l'année 1991. C'est resté sous la même appellation que notre code pénal à

4 nous. Il y a quelques amendements que nous avons apportés, s'agissant des

5 peines à poser. En 1993, la peine n'était que de 20 ans d'emprisonnement,

6 mais sinon pour ce qui est de la philosophie, des dispositions, de

7 l'analyse fournies par les professeurs Damaska et Krapac, et l'explication

8 très utile qu'a fournie ici même le professeur Krapac, ceci s'applique

9 parfaitement à la présente espèce. Bien sûr, si vous voulez avoir davantage

10 de détails, pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique,

11 nous pourrons vous aider. Mais je peux vous dire, pour ne pas perdre de

12 temps que la même analyse s'appliquerait ici.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous comprends. Le fondement

14 juridique est identique. Vous avez une origine juridique commune, mais,

15 bien entendu, s'il y a une jurisprudence qui se développe ou qui s'est

16 développée depuis votre séparation, nous aimerions en avoir connaissance,

17 mais s'il n'y en pas, bien entendu, nous accepterons que l'analyse des

18 textes de lois est valable pour la Croatie, mais aussi pour la Serbie-et-

19 Monténégro.

20 M. DJERIC : [interprétation] Je ne pense pas avoir connaissance d'affaires

21 qui pourraient s'appliquer ici, pour la question de la supériorité

22 hiérarchique et de la responsabilité du supérieur hiérarchique, ou pour ce

23 concept du droit international. Je vous dis qu'il y a un procès dans un

24 tribunal de Belgrade. Là sont jugées des personnes qui sont accusées

25 d'êtres les auteurs directs d'infractions, et s'agissant de personnes

Page 365

1 présumées coupables, je ne pense pas que s'applique aucunement le principe

2 de la responsabilité du supérieur hiérarchique.

3 Bien sûr, mon collègue croate m'a dit que la question ne se pose pas, parce

4 qu'à Belgrade nous avons des auteurs présumés être des auteurs directs.

5 Permettez-moi d'ajouter quelques phrases à propos du 11 bis.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, car nous devons déposer les

7 questions ici au conseil de la Défense.

8 M. DJERIC : [interprétation] Je dirai en quelques mots que mes collègues et

9 moi avons examiné le Statut du TPY, et nous n'y avons trouvé aucune

10 disposition afférente au 11 bis et aux questions que cet article, à savoir,

11 quel est le fondement juridique lorsqu'il y a crime international. Le

12 Statut du Tribunal n'évoque pas le principe de la territorialité, si ce

13 n'est, bien sûr, que ce Tribunal ait la compétence pour le territoire de

14 l'ex-Yougoslavie. C'est la chose en matière de territorialité.

15 Mon estimé collègue que c'est un principe du droit coutumier, que ce

16 principe de la compétence territoriale, s'agissant donc du territoire où

17 l'infraction a été commise, et que c'est là le critère primordial pour

18 établir la compétence. A mon avis, c'est peut-être vrai, mais uniquement à

19 l'intérieur d'un pays, d'un appareil judiciaire. Effectivement, le lieu du

20 crime est celui qui va déterminer le tribunal compétent, en première

21 instance. J'ai cité le professeur Krapac pour le démontrer. En droit

22 international, il n'y a pas une telle hiérarchie. Je ne pense pas qu'on

23 fasse une hiérarchie entre la compétence territoriale et toute autre forme

24 de compétence.

25 Enfin, lorsque que je vois le libellé de l'Article 11 bis, je ne vois pas

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1 qu'on fait une distinction quelconque entre les trois critère établis.

2 S'agissant de la question de savoir si des facteurs ou des considérations

3 politiques doivent être prises en compte ici, en l'espèce, je suis tout à

4 fait d'accord pour dire qu'ici se pose des questions de droit. Mais il y a

5 l'exigence de l'équité du procès, et il faut lui donner corps en l'espèce,

6 et pour se faire, il faut tenir compte des faits, qui peuvent être des

7 faits politiques. Un de ces faits, c'est le danger que pourraient courir

8 des témoins. Autre fait, d'après ce que nous savons : il y a plus de 1 000

9 ou 2 000 actes d'accusation confidentiels qui n'ont toujours pas été

10 publiés en Croatie, et qui sont dressés contre des personnes d'origine

11 serbe, dont la plupart se trouvent sur le territoire de la Serbie, et

12 certaines de ces personnes pourraient devenir des témoins en l'espèce.

13 S'agissant de l'arrestation et de la reddition volontaire, je pense que

14 c'est important pour vous Messieurs les Juges.

15 Première chose, nous faisons valoir que l'Article 11 bis n'opère pas de

16 distinctions entre la compétence universelle, la compétence territoriale et

17 le lieu d'arrestation de l'accusé.

18 Deuxième chose, si vous prenez le libellé de l'Article 11 bis, on pourrait

19 dire d'accord, un accusé qui a été arrêté peut être renvoyé pour être jugé

20 dans l'Etat où il a été arrêté. Mais cela veut dire que quelqu'un, qui a

21 été arrêté et qui n'a pas respecté le Tribunal, en décidant de se livrer à

22 ce Tribunal, une telle personne se trouverait mieux placée que la personne

23 qui s'est livrée de son plein gré au Tribunal. Je ne pense pas que cela

24 quelque chose de correct, pas seulement à cause de la coopération, mais

25 aussi en vertu du principe qui veut que dans une situation, on a manifesté

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1 un respect véritable pour ce Tribunal, alors que dans l'autre, c'est la

2 réaction naturelle de l'accusé qui serait de ne pas se livrer. Mais il ne

3 faudrait pas mettre en équation ces deux situations. C'est ainsi que je

4 termine, je vous remercie. Désolé d'avoir pris tout ce temps.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question en rapport

6 direct avec votre dernière observation. La voici : si vous avez un citoyen

7 français qui décide de se livrer à un Tribunal espagnol, parce que c'est là

8 qu'il a été mis en accusation, au lieu d'attendre une extradition

9 éventuelle, est-ce qu'une telle personne, qui se livre à ce Tribunal, ne

10 sera-t-elle pas lésée ? Est-ce que ceci est vrai ? Chaque fois que

11 quelqu'un décide de se livrer à un tribunal étranger, il n'attend pas

12 d'être extradé.

13 M. DJERIC : [interprétation] La réponse ne sera pas longue. Je crois qu'il

14 faut tenir compte d'un Etat tiers.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je parle de re-extradition, par

16 exemple, de l'Espagne vers l'Italie. N'est-il pas vrai de dire qu'une

17 personne qui se livre en Espagne - je parle de ce citoyen français - et

18 qu'il pourrait être extradé en Italie, alors que celui qui a décidé de ne

19 pas se livrer à l'Espagne, mais a été extradé; à ce moment-là, il est

20 protégé par ses collègues spécialistes. Est-ce que ce n'est pas là un cas

21 qui s'applique généralement ?

22 M. DJERIC : [interprétation] Oui, c'est vrai. Mais, en ce qui concerne la

23 collaboration et la coopération plus exactement avec le tribunal, vous avez

24 une autre donne. Je m'explique. Une pression est exercée pour qu'une

25 personne se rende, se livre ou on exerce pression sur cet Etat pour arrêter

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1 cette personne. Puis vous avez l'Article 29, c'est une exception. Cet

2 article du Statut parle de reddition et prévoit une exception considérable

3 par rapport au droit coutumier. Je comprends ce que vous dites, Monsieur le

4 Président, mais je pense que la donne ici est tout à fait différente. Ce

5 n'est pas une simple extradition que ce cas-ci.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Mais, bien sûr, les lois

7 d'extradition et de re-extradition ont été évoquées. C'est le contexte qui

8 nous concerne.

9 Professeur Horvatic, je vois que vous voulez intervenir, mais est-ce

10 que je peux vous donner deux minutes, après quoi --

11 M. HORVATIC : [interprétation] Une minute suffira.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

13 M. HORVATIC : [interprétation] Je ne vais pas participer à cet intéressant

14 échange d'extradition et de re-extradition. Ma réponse est claire, mais la

15 question ne se pose pas, il se peut que mon collègue connaisse mieux le

16 droit pénal international, national. Mais je pense que le représentant de

17 la Serbie et la Croatie - excusez-moi - de la Serbie-et-Monténégro a dit,

18 de nouveau, quelque chose d'inacceptable. Il a parlé de 1 000 ou 2 000

19 actes d'accusation. Je veux que ceci soit rayé, exclu.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

21 M. HORVATIC : [interprétation] Parce qu'on ne peut pas discuter de ce genre

22 de choses, ici même, dans ce prétoire.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Somers, vous avez été des plus

24 concises au début; ce n'est pas que je vous invite à vous attarder

25 davantage, mais puisque vous avez été si concise, je ne sais pas s'il est

Page 369

1 nécessaire pour vous, maintenant, d'intervenir pour étoffer tel ou tel

2 propos évoqué. Vous avez, maintenant, la possibilité de le faire, si vous

3 le souhaitez.

4 Mme SOMERS : [interprétation] J'apprécie énormément --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous dites : "Nous avons beaucoup de

6 questions" --

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que je peux demander au

8 représentant de la Serbie d'éteindre son micro ?

9 Mme SOMERS : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas entendu la fin de

10 votre intervention, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous dites que vous avez quelques

12 questions ou plutôt que les Juges ont des questions qui ont déjà répondu à

13 ce qui vous intéressait, que vous préférez attendre, nous accepterons.

14 Mme SOMERS : [interprétation] Vous avez soulevé un point, Messieurs les

15 Juges, qui pourrait répondre à beaucoup de questions. On a posé la question

16 de la re-extradition, c'est parce que cela a été posé dans la réponse. Nous

17 sommes tout à fait d'accord avec le

18 Pr Horvatic. L'extradition n'est pas du tout concernée par la procédure

19 visée par le 11 bis; je ne sais pas si ce que je vais dire va vous aider

20 davantage, mais laissez-moi vous dire ceci.

21 Le 11 bis, à l'instar de bien des dispositions qui ont constitué ce

22 Tribunal, c'est une procédure tout à fait spéciale et spécialisée. Notre

23 avis est corroboré par le mandat conféré par le conseil de Sécurité, c'est

24 l'autre bout, si vous voulez, du spectre. Ici, vous avez la primauté menée

25 par la Croatie qui reconnaît la possibilité par concomitance [inaudible],

Page 370

1 mais qui reconnaît de condamner des choses que l'univers tout entier

2 condamne.

3 L'accusé en l'espèce n'a pas le droit de déterminer sous quelle forme ce

4 comportement répréhensible va être jugé, lorsqu'il passe par ce Tribunal

5 qui a la primauté. D'un bout de la lorgnette, vous avez ceci, vous avez

6 l'Article 9 qui permet le dessaisissement. Le dessaisissement, c'est

7 l'autre bout de la lorgnette, l'autre bout du spectre se relève, des

8 obligations qu'ont toutes les nations d'aider à l'accomplissement de ce

9 Tribunal qui a toujours été, dès le début, un Tribunal ad hoc. Il y a

10 d'autres nations qui ont envisagé d'autres procédures et qui ont su, dès le

11 départ, qu'à un moment donné, il y aurait la volonté politique, financière

12 et autre qui se manifesterait pour faire ce qu'un tribunal ad hoc ne peut

13 pas faire qui, par définition, n'existe pas de façon indéfinie.

14 Par conséquent, je demanderais que la Chambre et je pense que nous sommes

15 d'accord là-dessus, que la Chambre accepte que l'idée de l'extradition

16 n'est qu'une façon de vous détourner de l'objectif qui est de veiller à ce

17 que des procédures adéquates soient mises en place dans les différents

18 tribunaux qui, aujourd'hui, demandent à être saisis de cette affaire.

19 Inutile de vous rappeler, Messieurs les Juges, je le dis simplement aux

20 fins du dossier, que cette affaire a été confirmée en 1995 et le premier

21 accusé n'a fait son apparition, ici, qu'en 2002 et les deux autres sont

22 arrivés en 2003. On ne s'est pas précipité pour se livrer au Tribunal.

23 Renvoi, dessaisissement, cela a été évoqué quelquefois par le bureau du

24 Procureur, par le Tribunal. Une fois de plus, je dirais que, manifestement,

25 plusieurs Etats ne se sont pas précipités pour reconnaître la nécessité

Page 371

1 qu'il y avait de traduire ces accusés en justice. J'espère que ceci va

2 permettre de minimiser la question de l'extradition.

3 Il y a peut-être des éléments qui apparaîtront dans vos questions qui

4 nécessiteront une intervention de ma part.

5 Un instant, s'il vous plaît. Oui, je m'en remets à vous dans vos questions.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais vous poser une question,

7 Madame Somers. Même si M. Djeric n'a pas évoqué cette question, mais la

8 Serbie-et-Monténégro, par écrit, ont soulevé la question du Règlement de la

9 CPI, paragraphe 52, je suppose que c'est l'Article 185; est-ce que vous

10 pourriez revenir à cette question pour nous parler des analogies et des

11 différences qu'il y a entre cet article et la présente espèce ?

12 Mme SOMERS : [interprétation] J'aimerais voir les différences, d'abord, la

13 CPI est créée par traité et nous, nous sommes créés par le conseil de

14 Sécurité. C'est peut-être important.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous renvoyez aux principes de la

16 complémentarité.

17 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, mais le seul élément commun, avec le

18 concept de l'extradition, c'est que tout comme

19 l'Article 11 bis, il y a modification de l'enceinte du forum et c'est là

20 que s'arrête la similitude car les motifs de mise en application ou les

21 motifs de rédaction sont différents parce que nous, nous avons été créés

22 par le conseil de Sécurité et nous avons le mandat de terminer nos

23 activités à une date précise.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais poser une autre question

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1 aux représentants de la Serbie-et-Monténégro. Il s'agit de l'affaire qui a

2 été mentionnée et qui est en cours déjà et qui s'apparente, au niveau des

3 faits, à la présente espèce. Pourriez-vous m'aider ? Où en est-on dans ce

4 procès ? Dans ce procès-là, j'entends ? Car dans vos arguments vous avez

5 laissé entendre que si la présente affaire était renvoyée, il y aurait

6 peut-être jonction d'instance. Est-ce que sur le plan du droit et sur le

7 plan pratique, cela reste une possibilité ? Qui pourrait répondre ?

8 Choisissez, vous-même, l'intervenant.

9 M. DJERIC : [interprétation] D'après les informations que nous avons, le

10 procès en cours au tribunal cantonal de Belgrade est, à peu près, à mi-

11 chemin, à mi-parcours; je parle, ici, de la procédure.

12 Notre procureur a le choix : en cas de renvoi, il pourra faire de ce

13 procès-ci, un procès séparé, mais il pourra se servir de toute

14 l'expérience, des moyens de preuve entendus dans l'autre affaire et le

15 choix, c'est aussi de faire une jonction d'instance. Ce procès a commencé

16 il y a, à peu près, un an, à Belgrade. Mais, quand on parle d'un an, ce

17 n'est pas un an d'audience continue. Il y a eu

18 44 journées d'audience cette année. Mais nous espérons que cela va

19 s'améliorer. Il y a eu peu de journées d'audience parce qu'il y avait

20 d'autres procès pour criminalité organisée qui se tenaient dans les mêmes

21 salles d'audience. Mais on espère que la cadence des audiences va

22 augmenter, à l'avenir.

23 Je ne sais pas si ceci répond à votre question.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous ai demandé si, sur le plan du

25 droit, sur le plan pratique, il serait possible de joindre les deux

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1 instances puisque ce procès a déjà commencé au tribunal cantonal et qu'il

2 en est pratiquement à mi-parcours ?

3 M. DJERIC : [interprétation] Oui, c'est tout à fait probable comme

4 possibilité, cette jonction d'instance. Cela reste une possibilité jusqu'à

5 la fin des audiences au principal; je parle, ici, du procès qui est en

6 cours au tribunal cantonal de Belgrade. Jusqu'à la fin de la présentation

7 des éléments de preuve, il est possible d'assurer la jonction des

8 instances. C'est ce que nous dit le ministère publique dans ce tribunal;

9 effectivement, l'idée du procureur est de faire une jonction d'instance.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions très techniques

12 à poser au conseil de la Défense.

13 Monsieur Borovic, je m'adresse à vous, mais pas à vous seulement, vous avez

14 parlé longuement de l'absence de sauf-conduits, du fait que des témoins

15 n'iraient pas en Croatie parce qu'ils craindraient d'être arrêtés, en vertu

16 de ces actes d'accusation encore secrets -- enfin, je ne m'attarde pas là-

17 dessus. Il y a la convention européenne d'entraide judiciaire, la Croatie

18 et la Serbie-et-Monténégro sont signataires, et on prévoit la possibilité

19 d'avoir des sauf-conduits - pourquoi - partant uniquement du fait qu'on

20 n'en parle pas dans le droit intérieur croate. Pourquoi est-ce que vous

21 pensez que la Croatie ne respectera pas ce traité qui prévoit expressément

22 la fourniture de sauf-conduits à des témoins ?

23 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai délibérément cité des

24 exemples qui parlent de violations, tout d'abord, des droits des accusés,

25 notamment, lorsque leurs témoins à eux doivent venir faire des déclarations

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1 devant la justice croate.

2 Je vais, d'abord, me référer à ce que le représentant du gouvernement

3 croate a demandé de la part des conseils de la Défense. Pour ce qui est,

4 d'abord, du tribunal de district à Vukovar --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, si vous n'y voyez pas d'objection,

6 j'aimerais, d'abord, recevoir une réponse à ma question. Ma question est

7 simple : vous avez dit qu'il n'y avait pas de sauf-conduit à l'intention de

8 témoin et en l'absence de dispositions claires, en l'occurrence, n'y

9 aurait-il pas application des dispositions du traité qui contraignent la

10 Croatie et la

11 Serbie-et-Monténégro d'assurer des sauf-conduits ? Pourquoi ne pensez-vous

12 pas qu'il pourrait y avoir, là, un cadre de fonctionnement ou de mise en

13 place de sauf-conduit ? Si vous dites ce que vous êtes passé outre, c'est

14 une réponse.

15 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne suis passé outre

16 l'existence de cette convention, mais je vous ai cité délibérément des

17 exemples tels que l'affaire Lever où il y a un rapport détaillé à ce sujet

18 et j'ai émis des hypothèses théoriques qui diraient que des témoins

19 comparaissant devant la justice croate ne seraient pas exposés à des

20 intimidations ou des persécutions de la part d'ex-officiers de l'armée

21 croate.

22 L'exemple de l'affaire Lever nous montre, non seulement, non pas que le

23 décès est fortuit, mais il y a un rapport de la télévision nationale croate

24 qui dit que : "Le Juge d'instruction a publié un renseignement disant que

25 son décès est un décès par mort violente."

Page 375

1 Dans ce cas, je précise, également, que Lever a été l'un des témoins

2 cruciaux devant le Tribunal de La Haye. Il a demandé la protection des

3 autorités croates et il ne l'a pas obtenue.

4 D'autre part, j'ai mentionné l'exemple --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous êtes en train de

6 confondre. Vous êtes en train de parler de protection des témoins et moi,

7 j'étais en train de parler de sauf-conduit, ce qui n'est pas la même chose.

8 Je vous ai parlé du cadre légal.

9 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, bien sûr que ce cadre légal

10 existe. Il y a cette convention signée par les deux états et nous allons

11 voir comment cela va être mis en place. Jusqu'à présent, cet élément-là n'a

12 pas été mis en œuvre par la justice croate de façon appropriée.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question suivante pour vous est la

14 suivante : vous avez dit que les accusés dans l'affaire Ovcara sont en

15 train d'être jugés, à présent, à Belgrade. Ces accusés n'accepteraient pas

16 de comparaître en tant que témoins, dans cette affaire, au cas où celle-ci

17 serait transférée en Croatie. Ne prévoit-elle pas, cette convention, que

18 nous venons de citer, des sauf-conduits, pour ce qui est de mettre,

19 temporairement, à disposition, un témoin qui se trouve actuellement en

20 détention et sa garde à vue pendant la courte période de temps de la durée

21 de son témoignage, dans un autre Etat ? De ce point de vue-là, n'y aurait-

22 il pas violation des dispositions du traité de la part de la

23 Serbie-et-Monténégro au cas où ces détenus ne seraient pas envoyés en tant

24 que témoins, en Croatie ?

25 M. BOROVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous avons parlé du

Page 376

1 principe de procès juste et équitable. Nous avons pensé que tous les

2 accusés de l'affaire Ovcara pourraient adopter un comportement analogue à

3 celui que vous venez de décrire. Mais aucun des accusés n'accepterait de

4 témoigner, ils refuseraient de témoigner. Dans la législation croate, il

5 n'y a pas de mécanisme qui pourrait inciter ce type de témoin à témoigner,

6 qui les exhorterait à témoigner; ce qui fait que nos trois accusés ici

7 présents seraient privés de cette possibilité.

8 Le problème ne se pose pas au niveau de l'Etat de la

9 Serbie-et-Monténégro. La Serbie-et-Monténégro, en sa qualité d'Etat,

10 répondra et se conformera à ses obligations, en matière d'envoi de ces

11 témoins.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais imaginez que vous soyez un conseil

13 de la Défense dans une affaire croate. Nous sommes en train d'émettre une

14 hypothèse, il s'agirait d'une affaire contre

15 M. Mrksic, M. Radic et M. Sljivancanin. Vous souhaitez citer à comparaître

16 un témoin qui est accusé dans une affaire, à Belgrade. Vous vous adressez

17 au tribunal. Le tribunal demande la coopération de la Serbie-et-Monténégro,

18 pour ce qui est d'un transfert provisoire de l'accusé depuis Belgrade vers

19 la Croatie, aux fins de témoigner. Quand bien même l'accusé ne serait pas

20 d'accord pour le faire, la Serbie-et-Monténégro ne pourrait-elle pas le

21 mettre à disposition du tribunal croate ? Cela n'est-il pas prévu par les

22 dispositions de ce traité ?

23 M. BOROVIC : [interprétation] Mais la Serbie-et-Monténégro se conformerait

24 aux dispositions du traité. Nous avons entendu les dispositions du texte,

25 des textes législatifs et le représentant croate a clairement indiqué que

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1 je ne pouvais pas personnellement défendre les intérêts de mes clients.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'il s'agisse de vous ou d'un autre

3 avocat, peu importe, je n'ai pas voulu encore mettre, sur le tapis, ce

4 problème-là, également, en traitant de cette question.

5 J'ai une très brève question à vous poser avant que nous ne fassions

6 une pause; voilà de quoi il s'agit : il a été fait, plusieurs fois,

7 référence au rapport de l'OSCE, un rapport récent. Je sais qu'ils sont

8 plusieurs et vous vous êtes référé, vous-même, à ce que vous avez qualifié

9 de rapport; or, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'un communiqué de

10 presse de deux pages où il est question de rapports de l'OSCE. Est-ce qu'il

11 y a d'autres rapports ou est-ce que c'est ce communiqué de presse auquel

12 vous vous référez ?

13 M. BOROVIC : [interprétation] J'ai un rapport daté du

14 26 avril 2005. Il s'agit d'un rapport texto qui comporte

15 50 pages. Vous vous souviendrez que j'ai cité les pages 20, 23, 27.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Vous avez fourni aux Juges de la

17 Chambre, l'un communiqué de presse repris sur l'Internet, daté du 11 mai.

18 Si vous souhaitez réellement que nous nous penchions sur ce rapport, je

19 précise que je ne vois pas, ici, de rapport d'une cinquantaine de pages et

20 je vous demanderais de nous le fournir.

21 Mais avant de continuer à poser des questions -- Madame Somers --

22 oui ?

23 M. BOROVIC : [interprétation] Nous sommes en train de parler d'un rapport

24 autre. Ici, il s'agit d'un rapport d'une organisation non gouvernementale

25 qui s'appelle "Fonds pour le droit humanitaire" et qui ne comporte que deux

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1 pages. C'est bien exact.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai bien compris. Mais, si vous ne nous

3 présentez pas ce rapport et si vous ne faites que le citer, nous ne pouvons

4 pas vérifier ce qui y figure. C'est la raison pour laquelle je vous ai

5 demandé si vous avez l'intention de fournir ce rapport parce qu'au cas

6 contraire, les Juges de la Chambre ne pourront pas l'étudier.

7 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 pendant la pause, je veillerai à ce que cela vous soit remis.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Somers ?

10 Mme SOMERS : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a un segment que

11 vous n'avez pas englobé avec les questions que vous avez posées. Or, cela

12 fait l'objet de nos écritures et cela concerne le débat d'aujourd'hui. Nous

13 ne sommes pas d'accord avec nos confrères, pour ce qui est d'affirmer qu'il

14 n'y a pas un ordre de prépondérance, dans l'énoncé des normes. L'énoncé des

15 normes, le lieu de commission d'un crime a la priorité, à notre avis. C'est

16 probablement en raison de cette juridiction universelle qui est entrée dans

17 le cadre, dans l'image, mais cela ne nie pas l'existence de ce schéma.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande de faire une copie des

19 parties pertinentes de vos écritures et de la fournir au conseil de la

20 Défense pendant la pause.

21 Mme SOMERS : [interprétation] Je crois qu'ils l'ont déjà reçue, mais vous

22 avez raison, nous allons le faire.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons prendre une pause de

24 vingt minutes, à présent.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 379

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après avoir consulté mes collègues, nous

2 allons reprendre dans 20 minutes et on se référera à l'heure qui est sur

3 cette montre-ci.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 47.

5 --- L'audience est reprise à 13 heures 10.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons poursuivre.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai une petite question à l'attention

8 de M. Vasic, un point de précision, s'il vous plaît. La Serbie-et-

9 Monténégro précise, dans ces arguments, que tous les accusés sont des

10 ressortissants de la Serbie-et-Monténégro, et

11 M. Djeric l'a confirmé oralement aujourd'hui. Cependant, pour ce qui est de

12 la citoyenneté de M. Mrksic, je n'ai pas l'impression que ce soit tout à

13 fait clair. D'après ce que j'ai compris, il est né en Croatie et il vivait

14 en République -- dans la RSK; pouvez-vous me préciser cela ?

15 M. VASIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Juge. M. Mrksic

16 est né en Croatie, mais, à l'époque, où la Croatie faisait partie de la

17 Fédération yougoslave, il n'a pas la citoyenneté croate. La seule

18 citoyenneté qu'il a c'est la citoyenneté yougoslave, c'est-à-dire, la

19 citoyenneté de la Serbie-et-Monténégro.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

21 M. VASIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ma question concerne la loi applicable

23 en cas de renvoi de l'affaire en Croatie. Ma question s'adresse au Pr

24 Horvatic.

25 Dans vos arguments, vous vous avez référé, essentiellement, aux arguments

Page 380

1 qui avaient déjà été présentés dans l'affaire Ademi et Norac. En fait, il

2 s'agit d'un acte d'accusation pour des actes commis en 1993. Après qu'on

3 ait promulgué un nouveau code pénal en Croatie, en 1993, cette fois-ci,

4 dans la présente espèce, nous avons à faire à des infractions qui datent de

5 1991. Est-ce que cela influe sur les arguments qui ont été présentés dans

6 l'affaire Ademi-Norac, en particulier, pour ce qui est de la responsabilité

7 du supérieur hiérarchique ?

8 M. HORVATIC : [interprétation] Je me souviens de ce que j'ai dit lors de la

9 dernière audience, vous n'en avez pas souvenir. J'ai dit que, pour moi, la

10 situation était tout à fait intéressante parce que tout le monde semblait

11 être d'accord sur un point, à savoir, le procureur, la Défense, les amici

12 curiae et moi-même, on était d'accord sur la loi.

13 Cette fois-ci, la situation est la même, à savoir, la loi, que ce soit en

14 1991, 1992, 1993 ou 1994, était la même en Croatie, en Serbie, Monténégro

15 et en Yougoslavie. Donc, à la fin de l'existence de la Yougoslavie et au

16 début de l'existence de la Serbie-Monténégro, s'agissant de la partie

17 générale et s'agissant des infractions au pénal, et les infractions qui

18 nous intéressent en l'espèce.

19 En 1990, 1991, nous avons appliqué le code pénal yougoslave, et nous

20 l'avons repris le même texte en République de Croatie. Le texte principal -

21 - la substance du texte du code pénal reste la même en Serbie-Monténégro,

22 en Yougoslavie, en Croatie, et c'était la même chose, donc, jusqu'au 1er

23 Octobre 1988. Aujourd'hui, nous avons notre propre code pénal, et c'est

24 celui qui s'applique dans toutes les affaires. C'est uniquement lorsque le

25 nouveau code pénal est plus favorable à la personne accusée qu'il sera

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1 appliqué par rapport à l'ancien code pénal. C'est ce que nous avons

2 expliqué dans l'affaire Ademi-Norac. Je pense que la situation est

3 identique en Serbie-Monténégro, s'il y avait renvoi devant la -- s'il y

4 avait renvoi là-bas.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai une question pour enchaîner là-

6 dessus. Peut-être que j'ai mal compris la situation. Je pense qu'un nouveau

7 code pénal a été promulgué en Croatie, en 1993.

8 M. HORVATIC : [interprétation] Non, il y a eu peut-être quelques

9 modifications, des amendements, pour la partie spécifique, mais non pas

10 pour ce qui est de la partie générale du texte. Donc, la partie qui

11 concerne les crimes contre la communauté internationale, ou plutôt le droit

12 international humanitaire, c'est la partie qui n'a pas été modifiée

13 jusqu'en 1998.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est là que vous avez promulgué la

15 nouvelle loi ?

16 M. HORVATIC : [interprétation] Oui. Nous avons aboli la peine capitale dès

17 que nous nous sommes dotés de notre constitution. C'était deux ou trois ans

18 plus tard, d'après ce que je pense, mais ceci ne nous intéresse pas en

19 l'espèce. Peut-être je me trompe, mais je pense qu'il s'agit de la même loi

20 en République de Serbie-Monténégro.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, en 1977, le code pénal de la

22 Fédération yougoslave a été abandonné -- s'appliquait, et après, vous

23 l'avez repris comme la loi croate.

24 M. HORVATIC : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais c'est le même texte qui est resté

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1 en vigueur jusqu'en 1998, et c'est à ce moment là que vous l'avez changé.

2 M. HORVATIC : [interprétation] Je vais reprendre. En 1991, nous avons

3 adopté le code pénal yougoslave, en tant que code pénal de la Croatie. La

4 totalité du texte, c'était le même texte qui datait de 1977, donc, il s'est

5 appliqué pendant 20 ans, et nous l'avons appliqué jusqu'en 1998. En 1998,

6 nous avons adopté le nouveau code pénal. C'est le même texte que le texte

7 précédent dans sa totalité, mais il y a aussi une nouvelle partie qui est

8 conforme au nouveau traité, la nouvelle situation qui concerne le droit

9 humanitaire.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est en 1977 -- c'est le texte de

11 1977 que vous avez repris, que vous avez adopté ?

12 M. HORVATIC : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, vous n'avez pas adopté des

14 modifications qui ont été adoptées par la Serbie-Monténégro à ce texte en

15 1990, ou dans les années 1990.

16 M. HORVATIC : [interprétation] Nous en avons adopté un certain nombre.

17 Peut-être 80 % du texte ancien -- du code pénal yougoslave a été adopté et

18 il a été adopté aussi par la Serbie-Monténégro. Par exemple, la

19 représentation des accusés, si nous comparons les textes, ce sont les mêmes

20 textes. C'est un petit peu différent que le code pénal autrichien, mais les

21 similarités sont très grandes.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Djeric, une ou deux questions.

23 Je risque de recevoir des critiques du bureau du Procureur qui me dira que

24 l'extradition ne s'applique pas ici. Donc, la lege [phon] spécialiste

25 contient l'interdiction de la re-extradition.

Page 383

1 Il me semble que la lege spécialiste est plus ou moins bien adoptée, a

2 établi dans le droit coutumier; est-ce que vous êtes d'accord ?

3 M. DJERIC : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous seriez d'accord avec moi

5 aussi pour dire que, s'il y a extradition de quelqu'un, avec son

6 acceptation, en application des procédures d'exception ou quelle qu'elle

7 soit, mais il s'agirait toujours d'une extradition, alors la lege

8 spécialiste ne serait plus applicable, d'après certains traités

9 internationaux. Cela veut dire que, s'il y a acceptation de la part de la

10 personne qui fait l'objet de l'extradition, à partir de ce moment-là, il y

11 aurait perte de protection, afin elle ne serait plus protégée par la lege

12 spécialiste.

13 M. DJERIC : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Je pense qu'il

14 faudrait que j'approfondisse un peu la question, cependant, je ne pense pas

15 que la lege spécialiste est la Règle qui garantie des droits à la personne

16 qui fait l'objet d'extradition. C'est la Règle qui s'applique entre l'Etat

17 qui extrade et l'Etat requérant. Cela ce serait ma première réponse. Je

18 pense qu'en dépit du fait que la personne se livre volontairement à un

19 autre Etat, et bien que la lege spécialiste, même si la substance de

20 l'extradition est qu'il n'y a pas de reddition volontaire parce que la

21 substance même de l'extradition est l'exercice de l'autorité de l'Etat qui

22 livre ou qui transfère une personne à un autre Etat.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais n'est-il pas vrai que si

24 quelqu'un accepte d'être extradé, que la question essentielle qui se pose

25 n'est plus la contrainte exercé par l'Etat ? Mais la question-clé, à partir

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1 de ce moment-là, est la volonté de la personne concernée d'être jugée ou de

2 purger une peine.

3 M. DJERIC : [interprétation] Je me réfère maintenant à l'exemple que vous

4 avez cité, une personne qui partait en Espagne.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui allait d'Espagne en Italie.

6 M. DJERIC : [interprétation] Il y a là une différence, une personne qui se

7 rend de France en Espagne, et qui est arrêté et qui, par la suite, se rend

8 à l'Italie, elle est partie dans un premier temps sans s'attendre à un

9 jugement -- a être jugé en Espagne, et elle ne pensait pas qu'elle allait

10 être livrée à un Etat tiers. Dans ce sens-là, il n'y a pas de raison de lui

11 garantir le bénéfice de cette attente raisonnable.

12 Une personne, qui se livre volontairement à ce Tribunal pour être jugé à La

13 Haye, je pense qu'aucune de ces personnes, qui se sont livrés au Tribunal -

14 ou la plupart d'entre eux - n'ont jamais pensé au fait qu'il y avait cette

15 possibilité qu'ils soient transférés à un Etat tiers. Donc, elles faisaient

16 confiance à ce Tribunal et je ne pense pas qu'elles auraient fait confiance

17 au Tribunal si elles avaient su qu'elles seraient, par la suite,

18 transférées à un Etat tiers. Je pense que c'est la différence essentielle

19 entre une nouvelle extradition, une re-extradition, donc une personne, qui

20 se rend volontairement à un autre Etat et qui est, par la suite, est re-

21 extradée à un Etat tiers, et une personne qui se rend volontairement au

22 Tribunal. Il y a là une différence.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. N00ous nous engageons

24 là dans un domaine complètement nouveau. Il s'agit là de personnes qui

25 s'attendent à quelque chose, à une conséquence comme étant suite de leur

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1 comportement. Là, c'est tout à fait différent d'une extradition.

2 M. DJERIC : [interprétation] Oui, vous avez des attentes qui sont les

3 attentes des accusés, mais nous avons aussi un certain nombre d'argument à

4 prendre en considération et qui relèvent du droit international, du droit

5 coutumier. Nous ne sommes pas en train de dire que la Règle qui interdit la

6 re-extradition doit s'appliquer automatiquement. Ce que nous sommes en

7 train de dire c'est que nous avons une situation qui est comparable à une

8 re-extradition, et la Règle de la re-extradition est généralement acceptée

9 par les Etats; cela fait partie du droit coutumier. Cela devrait

10 s'appliquer, devrait être pris en considération en l'espèce par la

11 formation de renvoi parce que cela fait partie du droit international, et

12 c'est le droit qui est appliqué par ce Tribunal.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question qui concerne un point tout

14 a fait différent; c'est une question brève. Est-ce que vous pouvez nous

15 fournir les dispositions concernant l'applicabilité du droit pénal au

16 moment de la commission des faits ? Vous comprenez ce que je veux dire ?

17 Vukovar ne se situe par sur le territoire de Serbie-et-Monténégro, tel que

18 cet Etat est aujourd'hui. J'aimerais savoir quel est le principe de

19 compétence qui s'appliquait.

20 M. DJERIC : [interprétation] Je vais essayer de trouver la disposition.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous venez tous de Serbie, vous

22 connaissez votre droit. Cela ne vous surprendra pas que la Chambre souhaite

23 prendre connaissance de ces dispositions juridiques, Monsieur le Professeur

24 Horvatic, non cela ne vous concerne pas.

25 M. DJERIC : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, il y a deux

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1 fondements de la compétence. L'un qui figue dans notre code pénal, et aussi

2 dans le code pénal applicable qui figure dans la version de 1993 du code

3 pénal.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

5 M. DJERIC : [interprétation] Il s'agit de l'Article 106, qui dispose que le

6 code pénal Yougoslave s'applique à tout ressortissant yougoslave, également

7 s'il commet un crime à l'étranger.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'est le principe de la

9 citoyenneté.

10 M. DJERIC : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autre fondement, quel serait-il ?

12 M. DJERIC : [interprétation] L'autre - et là nous n'avons pas de

13 jurisprudence là-dessus - cela c'est une nouvelle loi sur les crimes de

14 guerre. C'est l'Article 2 et nous l'avons cité dans nos écritures.

15 L'article dispose : "Cette loi s'appliquera entre autre chose dans le cas

16 de poursuite au pénal et procès pour violation grave du droit international

17 humanitaire commise sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis le 1er

18 janvier 1991, tel que visé au Statut du Tribunal."

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous avez plus ou moins accepté ou

20 adopté nos fondements pour juger de la compétence, et le principe de la

21 rétroactivité --

22 M. DJERIC : [interprétation] Dans le premier cas de figure, la question de

23 la rétroactivité ne se pose pas, mais ici la rétroactivité se pose en tant

24 que question, et il nous faudra avoir tout un débat sur l'applicabilité du

25 droit international, la question qui a été soulevée dans les écritures du

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1 Procureur.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous nous préciser ce que

4 signifie le terme "citoyen de Yougoslavie" ?

5 M. DJERIC : [interprétation] Le ressortissant yougoslave.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez aussi la compétence sur les

7 Croates qui ont commis des crimes en Croatie; c'est cela ma question.

8 M. DJERIC : [interprétation] Oui, je pense. Nous avons une disposition sur

9 la compétence universelle fondamentale, c'est une disposition qui figure

10 dans notre code pénal. Si vous voulez que je vous définisse ce qui est un

11 ressortissant yougoslave, c'est la personne qui a la citoyenneté yougoslave

12 au moment où l'infraction a été commise ou est commise; cependant, il y a

13 la disposition de compétence universelle sous certaines conditions. Nous

14 pouvons aussi poursuivre ou juger une telle personne devant nos tribunaux

15 comme visé au code pénal de 1993.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Pr Horvatic semblait prendre la

19 parole --non, il se retire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il nous reste 15 minutes; alors, sept

21 minutes et demie à la Défense et le même temps à l'Accusation. Si vous

22 voulez bien, l'Accusation, tout d'abord.

23 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

24 distribué au conseil de la Défense une partie de nos écritures, donc, la

25 réponse. Nous allons maintenant, avec l'aide de l'Huissier, distribuer

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1 l'autre partie.

2 Je vous signale une chose, Messieurs les Juges. L'Article 110 du code pénal

3 de la RSFY, il y est fait référence dans nos écritures. Cet article

4 s'appliquait au moment où les infractions étaient commises. Ces codes

5 s'appliquent, les codes des Règles publiques autonomes qui s'appliquent aux

6 personnes qui se rendent coupables d'infractions sur le territoire.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes trop rapide.

8 Mme SOMERS : [interprétation] Cela m'étonne.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, nous demandons que les

10 textes de disposition juridique soit d'abord fournis aux interprètes, mais

11 si vous citez lentement --

12 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, j'appelle simplement votre attention sur

13 l'alinéa 2. C'est le droit qui s'applique dans les républiques autonomes.

14 Si les interprètes le souhaitent, je m'excuse, je peux les fournir ces

15 textes. Nous n'avions pas pensé qu'ils s'appliqueraient ici.

16 Nous n'allons pas répéter ce que nous avons dit lorsque nous avons déposé

17 notre requête; elle concernait deux Etats. Nous avons fourni cette affaire

18 à la formation de renvoi pour qu'elle la tranche. Les arguments ont été

19 présentés de façons circonstanciées et complètes. Si la Chambre estime

20 qu'il faut faire un renvoi. Il faudra voir vers lequel des deux pays. Nos

21 arguments de droit ont déjà été soumis à la Chambre, nous ne le répéterons

22 pas. On a discuté auparavant de la question de l'applicabilité des

23 principes du droit coutumier international qui aurait primauté ou pas sur

24 le droit prévu par la Statut. Nous avons aussi le pacte international pour

25 les droits civils et politiques qui pourraient envisager, dans une certaine

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1 mesure, la rétroactivité lorsque les dispositions concernées sont couvertes

2 de par le droit coutumier, mais je crois que les citations ont été

3 fournies. Je ne sais pas si elles l'ont été; elles l'auraient dû être.

4 J'essaie de les retrouver.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que vous essayez de les

6 retrouver, je constate que l'Accusation offre deux solutions, au cas où il

7 n'y aurait pas une application directe des dispositions du traité. Il vous

8 reste quelques minutes.

9 Mme SOMERS : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je relève également que ceci ne règle

11 peut-être pas la question, parce qu'il faudrait se demander ce qu'il

12 faudrait prendre comme disposition, et cela pourrait aux yeux de

13 l'Accusation entraîner une certaine rétroactivité des dispositions dont

14 l'Accusation estime qu'elle devrait s'appliquer.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Nous avons déposé des écritures le 28 avril,

16 voyez le paragraphe 19. on y évoque l'Article 15, alinéa (ii) du pacte

17 international sur les Droits civils et politiques, et dans le note de bas

18 de page, on cite l'Article 72 de la Cour européenne des droits de l'homme.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est noté.

20 Mme SOMERS : [interprétation] Nous n'avons rien de plus à dire. Si vous

21 avez d'autres questions, nous y répondrons, mais je pense que nous avons

22 fait valoir nos arguments.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je vous donne deux

24 minutes et demie de plus. Je parle à la Défense, deux minutes qui vous ont

25 été offertes par l'Accusation. Maître Vasic, est-ce que vous êtes le seul à

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1 répondre, ou est-ce que vous allez vous répartir la tâche ?

2 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je me propose de

3 m'adresser à vous très brièvement, et mes collègues profiteront de

4 l'opportunité de prendre la parole également.

5 Tout d'abord, s'agissant de ce que mon éminente consoeur a dit tout à

6 l'heure, au sujet de l'application de l'Article 110 du code pénal de la

7 RSFY, il me semble qu'il s'agit là de l'application des lois des

8 républiques, pour ce qui est des infractions au pénal prévues par les codes

9 des républiques. Or ici il s'agit d'actes passibles de peine en vertu du

10 code pénal fédéral, donc de celui de la RSFY. Ce n'est pas le même code.

11 Je vais saisir l'opportunité qui m'est fournie pour répondre aux

12 remarques présentées par M. le Pr Horvatic, s'agissant du tribunal de

13 Vukovar et de l'affaire concernant les accusés ici présents. Vous vous

14 souviendrez qu'a l'occasion de leur détention ici à la Scheveningen, on a

15 essayé de leur remettre un acte d'accusation émanant de ce tribunal de

16 Vukovar. Il est facile de s'en rendre compte tenu, puisqu'il doit y avoir

17 une trace au niveau de l'unité de détention.

18 Pour ce qui est de l'extradition, je vais dire ce qui suit. Lorsqu'il

19 y a une reddition de plein gré, il convient de prendre en considération le

20 fait que cela s'est produit seulement après adoption de la loi portant

21 coopération avec le Tribunal de La Haye. Cela s'est passé avec la médiation

22 de l'Etat, et en application de la loi adoptée par celui-ci. Il convient de

23 tenir compte de cet élément de reddition de plein gré, pour adapter cela

24 aux conditions du transfert de l'accusé vers le Tribunal international,

25 partant des efforts internationaux mis en place. Nous maintenons notre

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1 affirmation pour dire que les Règles valides pour l'extradition et la re-

2 extradition devraient être mises en œuvre ici.

3 Merci, c'est tout ce que j'avais à dire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Borovic, vous avez la parole.

5 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je tiens seulement à

6 souligner que le le principe majeur dont il convient de tenir compte est le

7 principe du procès juste et équitable. Toute l'argumentation du bureau du

8 Procureur et des parties en présence nous l'avons entendue, donc il n'est

9 point nécessaire de les répéter. Mais il me semble qu'après avoir entendu

10 toutes les argumentations présentées, que pour ce qui est d'un procès juste

11 et équitable, la seule solution à adopter est celle du tribunal de

12 Belgrade. Ce que j'ai jusqu'à présent entendu abonde dans le sens de cette

13 affirmation. Je le pense avec tout le respect que je dois aux Juges de la

14 Chambre et de nos confrères ici. Je crois que les rapports de l'OSCE disent

15 que la Croatie ne conviendrait pas, pour ce qui est de la tenue de ce

16 procès.

17 Je vais conclure en disant que s'agissant de cette cour de Vukovar, ils ont

18 été poursuivis par ce tribunal de Vukovar, et les accusés se trouvent ici.

19 Je crois que la Chambre de première instance tiendra compte de ce rapport

20 présenté par l'OSCE en date du 26 avril 2005, et qu'elle acceptera les

21 arguments présentés par la Défense, pour ce qui est d'affirmer qu'un procès

22 juste et équitable ne pourrait se tenir à Belgrade.

23 Merci.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Borovic.

25 Maître Lukic.

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1 M. LUKIC : [interprétation] Je vais peut-être prendre un peu plus de temps

2 que mes collègues et confrères, qui ont été assez rapides. Mais je

3 m'efforcerai quand même d'être bref.

4 Avant de passer à mes propos de clôture, je vais me référer à quelques

5 points soulevés par Mme Somers à plusieurs reprises, à savoir juger les

6 infractions en fonction du lieu où le délit est commis, et il est

7 incontestable, comme le dit M. Horvatic, que c'est un principe universel.

8 Mais dans notre argumentation, dans les écritures, et je me réfère à ce qui

9 figure entre les paragraphes 8 et 21 de nos écritures. La réflexion que je

10 fais est la suivante : une position adoptée par le bureau du Procureur me

11 place en situation inconfortable. Juger quelqu'un en application du

12 principe de la localité ou de la localisation du crime, c'est un principe

13 de territorialité qui se trouve en corrélation avec la justice

14 internationale, et la proximité des victimes notamment, est un élément à

15 prendre en compte. Mais pour ce qui est de délits au pénal sur le plan

16 international, ce principe territorial est quelque peu différent. On a, par

17 exemple, demandé à ce que l'affaire Ademi-Norac soit transférée à la

18 Croatie, pour ce qui est du lieu de perpétration du crime. Mais où sont les

19 victimes ? Nous avons parlé de Bosanski Samac et de l'épuration ethnique.

20 Les victimes sont venues, elles ont été entendues, 40 témoins ont défilé

21 ici, c'étaient des victimes; 90 % de ces personnes n'ont résidé et ne

22 résideront pas sur le territoire de la municipalité de Samac.

23 C'est la raison pour laquelle j'ai voulu mettre l'accent sur un fait,

24 à savoir qu'une opinion du point de vue d'infractions au pénal sur le plan

25 international, doit être prise en considération avec certaines réserves, et

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1 quelques propos encore au sujet de ce que j'ai dit hier, et le Pr Horvatic

2 a répliqué pour ce qui est des avocats de la Défense présents.

3 Il n'est pas contesté le fait que les avocats pourraient être

4 présents et avoir un rôle passif dans le courant du procès. Mais il faut

5 qu'il y ait une relation de confiance entre l'accusé et son défenseur, et

6 nous avons soulevé ce point à plusieurs reprises. Il s'agit ici d'une

7 affaire où la relation entre le client et son conseil est très

8 particulière, étant donné qu'il s'agit de civils, de militaires, de

9 structures de sécurité et autres, et là il est très difficile d'établir une

10 relation de confiance pleine et entière.

11 Or, Messieurs les Juges, nos clients ont plaidé non coupable. Ils n'ont pas

12 reconnu la véracité des allégations faites à leur encontre. Notre devoir

13 professionnel à nous, en notre qualité d'avocat, est de leur fournir une

14 défense, de leur fournir une activité professionnelle de notre part à part

15 entière, pour démontrer qu'ils sont innocents. Pour ce faire, nous avons

16 besoin de deux éléments : une procédure conforme à la loi, avec

17 présentation de faits et d'éléments de preuve, qui nous permettront de

18 contester les allégations du bureau du Procureur pour prouver leur

19 innocence. Ces faits et ces éléments de preuve, c'est une chose que nous

20 devons assurer, nous, en tant que conseil de la Défense. Mais la légalité

21 de la procédure, c'est le Tribunal qui doit l'assurer. Et nous ne vous

22 demandons rien de plus que de nous assurer de la légalité du procès. Nous

23 n'en demandons pas plus, mais nous n'en demandons pas moins non plus.

24 Merci.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

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1 Ceci met fin à l'audience d'aujourd'hui. Ce n'est pas la première audience

2 en application du 11 bis dont est saisi la Chambre. Mais pour ce qui est de

3 cette requête aux fins de renvoi à la Croatie ou au Monténégro, la Chambre

4 se voit face à une question supplémentaire, celle de savoir à quel de ces

5 deux pays renvoyer l'affaire.

6 Je ne serais pas surpris si les victimes et les parents des victimes,

7 préféreraient que le procès se tienne dans le Tribunal de leur Etat car ces

8 victimes et ces parents ont peut-être le sentiment que si le procès se

9 déroule dans l'Etat dont les accusés sont des ressortissants, on accordera

10 plus de poids ou d'intérêt aux accusés qu'aux victimes. Par ailleurs,

11 l'accusé va peut-être craindre que s'il est jugé dans l'Etat de la victime,

12 on va donner trop de poids aux intérêts de la victime. L'accusé craindra

13 peut-être que ses droits ne soient pas suffisamment garantis. C'est là une

14 parmi d'autres des problématiques qui se posent et dont nous discutons.

15 C'est un des problèmes qui se pose à la formation de renvoi. Je

16 remercie les parties des conclusions qu'elles ont présentées, et qui seront

17 utiles dans la décision que va devoir prendre la formation. Je tiens tout

18 particulièrement à remercier les représentants des gouvernements de Croatie

19 et de l'Etat de Serbie-et-Monténégro pour leur aide.

20 L'audience est levée.

21 --- L'audience sur l'Article 11 bis est levée à 13 heures 45.

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