Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 1er novembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez faire entrer le témoin dans

6 le prétoire. Merci.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 LE TÉMOIN: BINAZIJA KOLESAR [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Mme Kolesar.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle que la déclaration

13 solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition s'applique

14 toujours.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, vous avez la parole.

17 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

18 Interrogatoire principal par Mme Tuma : [Suite]

19 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kolesar.

20 R. Bonjour.

21 Q. Nous allons reprendre là où nous nous étions arrêtés hier. A la fin de

22 votre déposition hier, Mme Kolesar a parlé du pilonnage de l'hôpital de la

23 ville et des environs. Elle a expliqué le fait que cela avait créé une

24 situation difficile qui avait affecté le personnel médical et les personnes

25 qui se trouvaient à l'hôpital.

26 Pourriez-vous nous dire si vous avez eu connaissance d'un incident qui a eu

27 lieu alors que l'hôpital était pris pour cible par les bombardements ?

28 Merci.

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1 R. Il y a eu plusieurs incidents de ce type. Ce dont nous nous souvenons

2 tous, par exemple, ce sont les frappes aériennes contre l'hôpital. Au cours

3 de l'une de ces attaques, une bombe a atterri sur l'hôpital. D'après nous,

4 elle pesait 250 kilos. La bombe a percé tous les étages du nouveau bâtiment

5 de l'hôpital et a atterri au sous-sol, mais la bombe n'a pas explosé. A

6 l'époque, nous utilisions l'eau de pluie. Nous nous souvenons tous de cet

7 incident.

8 En plus de cela, des missiles ont été tirés contre l'hôpital depuis des

9 avions également. Lorsque cela s'est produit, nous sommes allés vérifier

10 l'état du bâtiment et nous nous sommes rendus compte qu'une partie du

11 bâtiment de l'hôpital s'était effondrée, était méconnaissable.

12 Au cours de cette période, nous nous sommes habitués à ces attaques

13 quotidiennes contre l'hôpital mais, toutefois, nous devions poursuivre

14 notre travail.

15 Q. Merci, Madame Kolesar. Le premier incident que vous avez mentionné ici

16 impliquait l'utilisation d'une bombe de 250 kilos. Vous vous souvenez-vous

17 quand cela s'est produit ?

18 R. Je pense que c'était le 4 ou le 5 octobre. En octobre 1991.

19 Q. Merci, Madame Kolesar. Des efforts ont-ils été déployés par le

20 personnel de l'hôpital pour mettre un terme à ce pilonnage, et dans

21 l'affirmative, qu'est-ce qui a été fait ?

22 R. Notre directrice, le Dr Bosanac, n'a cessé d'envoyer des appels et des

23 messages de protestation demandant que le pilonnage de l'hôpital cesse.

24 Nous voulions nous assurer que l'hôpital puisse continuer à fonctionner

25 pour que nous puissions continuer à admettre de nouveau patient.

26 A titre d'exemple, nous admettions les blessés et nous les installions dans

27 une partie de l'hôpital qui était pilonnée le lendemain et, bien entendu,

28 cela nous a beaucoup perturbé. Donc, ces appels étaient constants et ont

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1 été envoyés à toutes sortes de personnes.

2 Q. Savez-vous à qui ces appels, ces messages ont été envoyés ?

3 R. Je ne saurais vous répondre. Je ne pourrais pas vous dire exactement à

4 qui ces appels ont été envoyés, mais il est très probable que ces appels

5 aient été envoyés quotidiennement à différentes instances. C'est Mme

6 Bosanac qui s'est chargée de cela. Donc, elle sait à qui ces appels ont été

7 envoyés.

8 Q. Merci, Madame Kolesar. Vous nous avez parlé des grandes difficultés que

9 vous avez rencontrées à l'hôpital s'agissant du traitement des blessures au

10 cours de cette période, au cours de la période qui a précédé la mi-

11 novembre. Y a-t-il eu des évacuations ? Est-ce que l'hôpital pouvait

12 traiter tous les blessés, les soigner ?

13 R. L'hôpital devait accepter tous les blessés. Il n'y avait pas d'autre

14 possibilité. Le dernier grand convoi d'évacuation, comme je l'ai dit hier,

15 a été organisé le 19 octobre. Parfois, nous pouvions accepter plusieurs

16 blessés en même temps dans notre hôpital auxiliaire, notre annexe qui se

17 trouvait à Borovo Naselje. Cet hôpital se trouvait dans un abri

18 antiatomique, mais la route menant à ce secteur a été bloquée peu de temps

19 après. C'est devenu impossible.

20 A un moment donné, la seule possibilité était d'installer les blessés dans

21 notre hôpital et nous ne pouvions plus les envoyer ailleurs.

22 Q. Merci. S'agissant de l'évacuation du 19 octobre, qui s'est chargé de

23 l'organisation de cette évacuation ?

24 R. Je suppose que c'était la JNA, car ce sont des véhicules de la JNA qui

25 ont évacué les civils le 19. Et le 20, leurs véhicules ont évacué nos

26 blessés.

27 Q. Parlons du 19 octobre. Y a-t-il eu d'autres organisations --

28 R. Oui, le 19. Le 19 octobre, ce jour-là, un convoi a été organisé par

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1 Médecins sans frontières. Ils ont réussi à arriver. Je ne sais pas quelles

2 ont été les négociations avec la JNA et comment on leur a permis d'arriver

3 jusqu'à nous, mais le fait est que plus de 100 blessés, 112 plus

4 précisément, ont été évacués à cette occasion et cela nous a beaucoup aidé

5 à l'époque.

6 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres évacuations de ce type organisées avant la

7 mi-novembre, du même type que celle qui avait eu lieu le 19 octobre ?

8 R. Non.

9 Q. Revenons à l'hôpital lui-même. Est-ce que cet hôpital était défendu de

10 quelque manière que ce soit ?

11 R. Je ne sais pas. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Comment peut-on

12 défendre un hôpital ? Je dois vous demander, car je ne vois pas comment un

13 hôpital peut se défendre. Il n'y avait que du personnel médical, des

14 employés qui travaillaient à l'hôpital. Donc, je ne sais pas qui pourrait

15 défendre l'hôpital, qui pourrait l'attaquer alors qu'il n'y avait que du

16 personnel médical à l'intérieur et des blessés.

17 Q. Merci, Madame Kolesar. Y avait-il des défenseurs à l'extérieur de

18 l'hôpital, autour de l'hôpital ?

19 R. Je ne peux pas répondre à cette question, car je n'ai pas quitté

20 l'enceinte de l'hôpital au cours de cette période, c'est-à-dire, en octobre

21 et en novembre. Par conséquent, je ne peux pas vous dire ce qui se passait

22 dans la rue, s'il y avait des défenseurs ou non. Je ne sais pas cela.

23 Q. Merci, Madame Kolesar. Combien de temps est-ce que le pilonnage a

24 continué sur la ville de Vukovar ? Quand est-ce que la ville de Vukovar est

25 tombée ? Quand est-elle tombée ?

26 R. Je crois que le quartier dans lequel se trouve l'hôpital n'a plus été

27 pilonné après le 17. Je ne sais pas si cette date peut être retenu comme

28 étant celle de la chute de Vukovar, mais c'est très probable. Donc, c'était

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1 le 17 novembre.

2 Q. Bien. Je vous remercie. Je voudrais maintenant passer à ce qui s'est

3 passé certains jours précis.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, je voudrais juste

5 interrompre un instant. Je voudrais préciser, clarifier quelque chose qui

6 figure au compte rendu qui, pour moi, n'est pas clair.

7 Nous avons entendu, dans sa déposition, Mme Kolesar parler deux fois de

8 moments où des blessés ont été évacués, l'une le 19 octobre et la fois

9 suivante était le 19 et 20 novembre. L'évacuation n'est peut-être pas le

10 terme que vous avez employé pour le 19 et le 20 novembre.

11 Mais le 19 octobre, est-ce que c'était la JNA qui a déplacé les blessés ou

12 est-ce que c'était Médecins sans frontières ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'évacuation a été faite par l'organisation

14 appelée Médecins sans frontières. Toutefois, je suppose qu'ils ont dû se

15 mettre d'accord avec la JNA concernant leurs itinéraires pour entrer dans

16 Vukovar. Sans cela, il aurait été impossible pour eux d'entrer à Vukovar.

17 Par conséquent, ceci avait été organisé par Médecins sans frontières. Mais

18 quant à leur passage, comment ils ont pu passer, je ne peux vous donner que

19 des conjectures. Je ne sais rien de plus à ce sujet.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

21 Excusez-moi de vous avoir interrompu, Madame Tuma.

22 Mme TUMA : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Président.

23 Q. Je voudrais maintenant que nous passions à des dates précises et je

24 voudrais commencer par le 17 novembre 1991. Est-ce que vous vous rappelez

25 ce qui s'est passé à l'hôpital pendant cette journée-là ?

26 R. Je me souviens essentiellement de cette journée par le fait qu'il n'y a

27 pas eu d'attaque contre l'hôpital. C'était très silencieux. C'était quelque

28 chose à quoi nous n'étions pas habitués. Le travail s'est poursuivi

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1 normalement à l'hôpital. Il n'y avait rien d'étrange qui se passait, rien

2 de particulier. Il n'y a pas eu de nouveaux blessés admis à l'hôpital.

3 Donc, les choses étaient calmes. Il n'y avait pas de tirs d'armes à feu et

4 il n'y a pas eu de nouveaux blessés qu'ils ont présentés.

5 Q. Y a-t-il eu d'autres personnes qui seraient arrivées à l'hôpital

6 pendant cette journée ?

7 R. Je n'en ai pas vu. Je n'ai vu personne qui n'ait pas fait partie du

8 personnel à l'hôpital.

9 Q. En ce qui concerne les civils, est-ce qu'il en est arrivé à l'hôpital

10 pendant cette journée ?

11 R. Dès que les choses étaient calmes, dès qu'il y avait un arrêt dans le

12 pilonnage, des groupes de civils venaient à l'hôpital, un grand nombre de

13 civils qui venaient du centre-ville, de tous les abris qui se trouvaient

14 dans la partie de la ville qui était plutôt au centre. Dans la zone du

15 centre de la ville, il y avait ces abris atomiques et il y avait également

16 des abris dans différentes maisons de particuliers, dans des sous-sols et

17 ainsi de suite. Les gens pensaient que l'hôpital était un oasis de paix où

18 ils seraient sûrs d'être en sécurité, et ils venaient à l'hôpital en masse.

19 Il était impossible de les empêcher de venir à l'hôpital. Ils n'ont pas

20 gêné en quoi que ce soit les blessés ou les malades. Ils ont tout

21 simplement occupé différents étages de l'hôpital ou plutôt, des couloirs de

22 tous les étages au-dessus du sous-sol.

23 A mon estimation, il y avait un millier de personnes, peut-être un peu

24 plus, peut-être un peu moins, mais en tous les cas, un très grand nombre de

25 personnes qui s'y trouvaient. Il y avait des enfants qui venaient avec

26 leurs sacs, qui étaient complètement perdus, et qui pouvaient enfin trouver

27 une certaine paix et sécurité.

28 Q. Madame Kolesar, vous venez de dire qu'il y avait des enfants qui

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1 avaient leurs sacs. Est-ce qu'il y avait d'autres types, est-ce que vous

2 pouvez mentionner d'autres exemples en ce qui concerne les mille et quelque

3 personnes qui sont arrivées à l'hôpital ce jour-là ? De quel genre de

4 personnes s'agissait-il ?

5 R. C'était des personnes, qui au cours des trois derniers mois ou peut-

6 être des 80 derniers jours, vivaient dans des sous-sols. Ils m'ont paru

7 épuisés, terrifiés. Je dois dire qu'ils devaient avoir faim, ils devaient

8 avoir soif, et qu'ils aient pu survivre sur un minimum vital avant cela.

9 Peut-être se sont-ils attendus à trouver de meilleures conditions à

10 l'hôpital, mais en fait, l'hôpital fonctionnait dans les mêmes conditions.

11 La situation était la même que pour eux.

12 Je ne saurais pas comment décrire un homme ou une femme ou un enfant

13 qui vient de passer 80 jours dans des conditions anormales, mais c'était

14 l'apparence de ces personnes.

15 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Nous passons maintenant au lendemain,

16 à savoir, le 18 novembre. Pouvez-vous, d'après vos souvenirs, nous dire ce

17 qui s'est passé dans la matinée ? Nous commençons par la matinée. Est-ce

18 qu'il s'est passé quelque chose de particulier dans la matinée du 18

19 novembre, si quelque chose s'est passée en l'occurrence ?

20 R. Rien de remarquable n'a eu lieu à l'hôpital sauf qu'on nous a donné une

21 tâche compte tenu des préparatifs d'évacuation des blessés, qui étaient

22 censés avoir lieu le 19 novembre. Nous étions censés d'établir une liste

23 des blessés. A mon avis, cette liste était nécessaire de façon à assurer le

24 transport, à prévoir le transport de façon à savoir combien de blessés

25 auraient besoin d'être transportés en ambulance, quels étaient ceux qui

26 pourraient être transportés dans d'autres véhicules, et combien étaient en

27 mesure de rester assis, ainsi de suite.

28 C'était notre tâche le 18. Ce sont essentiellement les médecins qui le

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1 faisaient, parce que personne d'autre n'était en mesure d'apprécier quel

2 était le moyen de transport le plus approprié pour un malade ou un blessé.

3 En plus de cela, le personnel de l'hôpital a dû aussi être inscrit sur une

4 liste de façon à prévoir quels seraient les moyens de transports

5 nécessaires. Les personnes devaient également indiquer où elles

6 souhaitaient aller. Certaines souhaitaient aller en Serbie, d'autres

7 souhaitaient aller en Croatie. Sur cette base, ces listes ont été établies.

8 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Je vais commencer avec la liste dont

9 vous avez parlé en ce qui concerne les blessés et les malades. Mais qui a

10 dressé cette liste ? Est-ce que c'est quelqu'un qui a pu donner l'ordre

11 concernant le fait d'établir cette liste ?

12 R. Très probablement, notre directrice aurait donné cet ordre aux

13 médecins. Il fallait qu'ils fassent ces listes de façon à ce qu'elle puisse

14 indiquer ce qui était nécessaire pour l'évacuation. Sans une liste, elle

15 n'aurait pas été en mesure de dire : "J'ai besoin de dix ambulances ou de

16 dix cars." Elle avait besoin de certains renseignements de façon à pouvoir

17 demander un certain nombre de véhicules.

18 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire, Madame Kolesar, comment on a

19 procédé en l'occurrence ? Quelles mesures ont été prises par le personnel

20 médical de façon à établir cette liste ? Est-ce que des membres du

21 personnel médical y ont participé ? Pourriez-vous, s'il vous plaît,

22 expliquer la procédure qui a été suivie ? Comment on a procédé, s'il vous

23 plaît ?

24 R. Par exemple, je me rappelle que la liste a été établie par le Dr Matos,

25 le Dr Tomic, et peut-être quelqu'un d'autre aurait participé, mais je ne

26 sais pas qui exactement. Il fallait que ce soit fait par plusieurs

27 médecins, mais tout de suite, je ne parviens pas à m'en souvenir de leurs

28 noms.

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1 En plus de cela, ils devaient examiner les blessés et voir si leurs

2 dossiers médicaux étaient -- enfin, de façon à voir ce qu'il aurait été

3 nécessaire du point de vue médical. Donc, ils ne pouvaient pas simplement

4 se borner à utiliser les documents actuels. Il fallait qu'ils voient le

5 patient. Donc, ce n'était pas une tâche que l'on pouvait accomplir en une

6 demi-heure. Il fallait, en fait, qu'ils aillent voir chacun des patients,

7 chacun des malades, et voir si cette personne était capable de se tenir

8 assise, et décider sur quelle liste il fallait inscrire cette personne qui

9 était capable ou non de s'asseoir ou qui aurait besoin d'une ambulance.

10 Q. Madame Kolesar, est-ce que vous avez participé à ce processus d'une

11 façon ou d'une autre, pour ce qui est de dresser cette liste ?

12 R. Seulement pour la partie technique de cette tâche. Lorsque la liste a

13 été établie, un assistant qui travaillait dans le service chirurgical et

14 moi-même avons copié cette liste ou plus exactement, nous avons

15 dactylographié sur une machine à écrire, et je l'ai aidée à le faire de

16 sorte que la liste, qui a été à l'origine écrite par les médecins, a

17 ensuite été retapée à la machine.

18 Personnellement, je n'ai donné cette liste à personne. C'est

19 probablement notre assistant administratif qui l'a fait. Ma tâche était

20 simplement de veiller à accélérer le processus.

21 Q. Est-ce que vous vous rappelez le nombre de noms qui figuraient

22 sur cette liste ?

23 R. Non. Je ne m'en souviens pas, mais il y avait pratiquement 400

24 personnes blessées. Quant à savoir qui était sur quelle liste, cela je ne

25 pouvais pas vous le dire. Je ne m'en souviens pas.

26 Q. Alors, ce chiffre de 400 blessés, qu'est-ce que vous voulez dire par

27 cela, Madame Kolesar ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer un peu ?

28 R. Quatre cent blessés et malades, c'est la catégorie qui concernait tous

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1 ceux qui avaient besoin de soins médicaux, parce qu'ils étaient soit

2 blessés, soit malades. Parmi les 400 en question, il y avait des bébés

3 nouveau-nés, des femmes qui venaient juste d'accoucher. Il y avait des

4 personnes qui avaient des problèmes internes, des patients qui avaient des

5 problèmes psychiatriques, et il y avait les blessés.

6 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Cette liste, a-t-elle été remise à

7 une personne ou à certaines personnes précises ? Le savez-vous ?

8 R. Je suppose que notre assistant, à la demande de la directrice, lui a

9 remis la liste parce que c'était une directrice qui à l'origine avait

10 demandé cette liste. Donc, je suppose que c'est à elle que cette liste a

11 été remise.

12 Q. Après cela, quel a été l'objet de cette liste ou le but de cette liste

13 ?

14 R. C'était très probablement pour savoir quels seraient les besoins en

15 matière de transport. Il n'y avait, en fait, aucun autre objet. Cela ne

16 servait à rien d'autre que d'organiser l'évacuation.

17 Q. Qui était censé organiser cette évacuation ?

18 R. Encore une fois, le Dr Bosanac, lors des négociations très probablement

19 avec la JNA, parce qu'avec qui d'autres aurait-elle pu négocier ? La ville

20 était occupée par la JNA de sorte qu'il n'y avait personne d'autre avec qui

21 elle aurait pu négocier.

22 Quant au cours des négociations, je n'en sais rien comment elles se

23 sont déroulées. Je n'avais aucun pouvoir, aucune autorité, je n'ai joué

24 aucun rôle à cet égard.

25 Q. La Croix Rouge internationale, est-ce qu'elle a participé d'une façon

26 quelconque à ce processus ?

27 R. On nous a dit que la Croix Rouge internationale participerait à

28 l'évacuation, mais nous ne les avons pas vus avant le 19. Je continue de ne

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1 pas comprendre quel devait être le rôle. A l'exception de cette dame qui

2 est venue avec une boîte de médicaments qui devaient être utilisés pour

3 aider les patients au cours de l'évacuation sur place, il n'y avait

4 personne d'autre. C'était le 19.

5 Cette dame m'a remis cette boîte, et j'ai demandé à l'un de mes employés de

6 porter cette boîte à la pharmacie.

7 Q. Je reviendrai à la journée du 18. Nous sommes encore au 18, Madame

8 Kolesar. Pendant cette journée à l'hôpital le 18, lorsque les listes ont

9 été dressées, y avait-il la présence de militaire à l'hôpital ?

10 R. Personnellement, j'ai un problème. Je crois que certains sont entrés le

11 18, mais comme il avait été convenu que personne n'entrerait, il est tout à

12 fait probable que ceux que j'ai vus sont entrés le 19 à l'hôpital.

13 Q. Que vous rappelez-vous aujourd'hui, Madame Kolesar, en ce qui concerne

14 la journée du 18 ? Ce jour-là, vous avez parlé d'une liste qui était

15 rédigée concernant les blessés à l'hôpital. Est-ce que vous avez un

16 souvenir concernant ce jour selon lequel il y aurait eu une présence

17 militaire à l'hôpital que vous avez vue vous-même ?

18 R. Il n'y avait pas de soldats dans l'hôpital. Peut-être y en avait-il

19 autour de l'hôpital. Nous avions été avisés de ne pas quitter le bâtiment

20 de l'hôpital. Par conséquent, je n'étais pas à même de voir s'il y avait

21 peut-être des soldats à l'extérieur de l'hôpital ou dans le jardin, dans la

22 cour. A l'intérieur de l'hôpital à proprement dit, on ne pouvait

23 certainement pas remarquer de soldats.

24 Le 18, nous avons dû préparer les blessés en vue de leur évacuation,

25 évacuation qui avait été convenue. Elle devait avoir lieu le 19. Il a fallu

26 panser leurs blessures et il a fallu voir à s'occuper d'eux. Ils devaient

27 recevoir leurs documents d'identité, leurs documents personnels avec eux

28 lorsqu'ils seraient emmenés ailleurs de sorte que quel que soit l'endroit

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1 où ils finiraient par arriver, les gens sauraient quels étaient leurs

2 antécédents et ce qui leur étaient arrivés. Tous les documents devaient

3 être préparés et il appartenait aux patients, aux malades de conserver ces

4 documents.

5 Q. Merci, Madame Kolesar. Ceci fait pas mal de temps. Il y a pas mal de

6 temps de cela, bien sûr. C'était en 1991 que cet événement a eu lieu. Mais

7 je voudrais vous poser quelques questions concernant une personne

8 particulière; le fils du Dr Ivankovic. Vous rappelez-vous quoi que ce soit

9 le concernant au cours de ces journées ?

10 R. Le fils du Dr Ivankovic est venu à l'hôpital. Mon souvenir est un peu

11 flou, et il se peut que je me trompe, mais cela aurait pu être soit le 18

12 ou le 19. Ses deux parents travaillaient à l'hôpital et il était venu les

13 voir. Personnellement, je l'ai vu seul, se tenant seul et parlant à sa

14 mère. Je ne peux pas dire avec certitude s'il s'agissait du 18 ou du 19,

15 mais je peux dire qu'il n'y avait pas d'autres soldats près d'eux au moment

16 où il rendait visite à sa mère.

17 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Comment cette personne était habillée

18 lorsqu'elle a rendu visite à l'hôpital ?

19 R. Goran portait un uniforme de camouflage. Il n'avait pas de casquette,

20 il ne portait pas de casquette et je n'ai rien vu d'autre. Il était là,

21 assis dans cette pièce portant l'uniforme de camouflage, et il était là

22 pour parler à sa mère.

23 Q. Madame Kolesar, lorsque vous parlez de Goran, est-ce que c'est le

24 premier nom du fils du Dr Ivankovic ?

25 R. Oui, c'est son prénom.

26 Q. Je vous remercie. Madame Kolesar, lorsque vous mentionnez aussi

27 l'uniforme de camouflage, pourriez-vous ainsi dire à quel type d'armée il

28 appartenait en regardant l'uniforme de camouflage ?

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1 R. Non. Je n'y connais absolument rien. Je n'ai pas vu d'insignes ou de

2 symboles qui auraient pu me révéler, me permettre d'identifier l'uniforme.

3 Q. Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter sur ce qui s'est

4 passé le 18 novembre, Madame Kolesar ? Est-ce que vous vous rappelez

5 quelque chose à ce sujet ?

6 R. D'après mes souvenirs, il n'y a pas eu d'incidents. Nous attendions,

7 nous rongions notre frein jusqu'au jour suivant. Nous espérions que nos

8 blessés pourraient finalement sortir de cette situation difficile et être

9 emmenés de l'hôpital qui dans l'intervalle n'était plus un bon endroit où

10 les garder. On n'était plus en mesure de faire face à leur présence.

11 Q. Est-ce que l'on vous a dit, ce jour-là, si la Croix Rouge

12 internationale allait participer d'une façon quelconque à l'évacuation qui

13 devait avoir lieu le lendemain ?

14 R. On nous avait dit que la Croix Rouge internationale serait là pour

15 assurer notre protection d'une certaine manière, que la Croix Rouge

16 internationale serait là pour l'évacuation et qu'ils veilleraient à ce que

17 cette évacuation soit bien organisée et exécutée.

18 Q. Qu'en est-il des observateurs de la Communauté européenne ? Est-ce

19 qu'ils ont participé d'une façon ou d'une autre ?

20 R. Peut-être, mais aucun d'entre nous, en tous les cas, ceux d'entre nous

21 qui se trouvaient à l'intérieur de l'hôpital, on ne les a jamais vus. Je ne

22 pense pas qu'il y ait une seule personne qui puisse dire, nous avons vu les

23 observateurs européens là-bas, quels qu'aient été leurs noms. Là encore, il

24 se peut qu'ils aient été quelque part dans les alentours de l'hôpital, mais

25 c'est simplement que nous ne les avons pas vus.

26 Q. Je voudrais maintenant qu'on passe à la journée du 19 novembre et que

27 nous parlions précisément de cette journée. Que s'est-il passé le 19 ? Le

28 18, on se préparait à l'évacuation. Que s'est-il passé le 19 ?

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1 R. Le 19, cela a été une déception énorme à cause de l'évacuation qui

2 devait être reportée. Nous espérions que finalement on réussirait à sortir

3 de cet enfer, et nous espérions que nous serions autorisés enfin à partir

4 et à nous rendre quelque part, mais il s'est révélé que cela n'était pas

5 possible. Pour des raisons qui me sont inconnues, l'évacuation a été

6 reportée de sorte que nous avons dû retourner nous occuper des blessés,

7 panser leurs blessures, nous assurer qu'ils recevaient les soins voulus,

8 les nourrir et leur donner de l'eau à boire.

9 Le 19, dans l'après-midi du 19, notre concierge, Bogdan Kuzmic, est venu à

10 l'intérieur de l'hôpital. Il était venu chercher une infirmière qui ne

11 savait rien de ses parents, du sort de ses parents depuis trois mois parce

12 qu'ils étaient restés dans un quartier de la ville qui avait été occupée

13 par la JNA depuis longtemps. Il a dit qu'il reviendrait pour la chercher

14 une heure plus tard et il l'a fait.

15 Donc, le 19, l'évacuation de civils a également commencé, les civils qui se

16 trouvaient à l'hôpital après avoir quitté leurs abris, tous les civils qui

17 sont entrés à l'hôpital le 18 ont été évacués.

18 Leur évacuation a été très probablement aussi organisée par la JNA,

19 mais ils avaient leurs propres listes qui étaient établies par un

20 fonctionnaire de la Croix Rouge pour la ville de Vukovar, Zeljka Zgonjanin.

21 Je ne suis pas qui lui avait demandé d'établir ces listes. Je ne peux pas

22 dire quoi que ce soit à ce sujet, mais une pièce a été mise à sa

23 disposition dans l'aile chirurgicale où elle a établi ces listes et les a

24 vérifiées. Aucun d'entre nous n'a eu à en connaître ou à y participer.

25 C'était elle seulement.

26 Q. Madame Kolesar, vous avez dit qu'aucune d'entre vous n'a eu à voir avec

27 cela. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cette évacuation de civils

28 a été --

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1 R. Ce que j'essaie de dire, c'est que nous n'avons pas participé à

2 l'évacuation des civils. Ce n'était tout simplement pas nécessaire. Tous

3 pouvaient marcher. Ils sont tous partis à peu près de la même manière. Des

4 véhicules sont venus les prendre et les emmener ailleurs. Je n'ai aucune

5 idée de l'endroit où on les a emmenés. Le fait est qu'ils ont quitté

6 l'hôpital.

7 Q. Est-ce que ceci a eu lieu au cours de la journée du 19 ?

8 R. Je pense, mais je ne peux pas être certaine parce que cela fait, il y a

9 longtemps. Ceci a commencé dans les heures de l'après-midi et s'est

10 poursuivi. C'était en novembre. C'est un point dont il faut tenir compte.

11 Il fait nuit très tôt. Je pense que l'évacuation s'est poursuivie très

12 avant dans la nuit. En tous les cas, c'est la façon dont je m'en souviens.

13 En tout état de cause, le 19, tous ont été emmenés de l'hôpital.

14 De plus, le 19 dans l'après-midi, Bogdan Kuzmic est revenu et a emmené

15 cette infirmière chez ses parents. On m'a dit qu'il allait revenir, qu'il

16 reviendrait à l'hôpital et qu'il emmènerait trois autres personnes qui

17 faisaient partie de notre personnel. Tout au mois, c'est ce que l'on m'a

18 dit par la suite. Ce n'est pas quelque chose dont j'ai personnellement été

19 témoin à l'époque.

20 Q. Madame Kolesar, vous avez mentionné le fait qu'il y avait eu une très

21 grosse déception du fait qu'aucune évacuation n'a eu lieu le 19 novembre

22 pour ce qui est des blessés et des malades. Est-ce que vous-même ou votre

23 personnel avez été informé des motifs de cela ?

24 R. Non. Non. Tout ce que nous avons su, c'est que l'évacuation était

25 reportée et on nous a dit qu'elle aurait probablement lieu le 20, mais

26 aucune explication n'a été fournie. Nous n'avons pu que supposer qu'il n'y

27 avait pas de véhicules disponibles ou quelque chose de ce genre, mais cela

28 n'était que des hypothèses. Nous ne savions pas quelles étaient les raisons

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1 qui étaient à la base de cela. Nous savions que cette évacuation était

2 reportée et qu'il fallait que nous attendions jusqu'au lendemain.

3 Q. Est-ce que vous avez su le 19 qui devait faciliter ou qui devait

4 effectuer l'évacuation des blessés et des malades de l'hôpital ?

5 R. Nous savions que la JNA allait organiser cela et que la Croix Rouge

6 internationale surveillerait, vérifierait l'ensemble de l'opération. C'est

7 cela qu'on nous avait dit la veille. Nous nous attendions à cela. Nous

8 pensions que cela aurait lieu le 19, mais c'est cela qu'on nous a dit.

9 Q. Le 19 également, vous avez dit qu'un grand nombre de civils ont été

10 évacués de l'hôpital jusqu'à ce qu'il fasse nuit. Mais est-ce que vous avez

11 vu des militaires ? Est-ce qu'il y avait une présence militaire quelle

12 qu'elle soit à l'intérieur de l'hôpital pendant la journée du 19 novembre ?

13 R. Mis à part les quelques entrées de ce Kuzmic et peut-être qu'il y a eu

14 quelqu'un d'autre aussi. Ecoutez, je n'en ai pas vu, personnellement. Je ne

15 peux rien vous dire à ce sujet. Je n'ai rencontré personne, mis à part

16 Kuzmic.

17 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Je voudrais que l'on parle maintenant

18 de la journée du lendemain du 20 novembre. Avant de vous poser mes

19 questions, Madame Kolesar, encore une fois, est-ce que vous pourriez

20 examiner le plan que vous avez réalisé qui est sur votre droite. J'invite

21 la Chambre et les parties à examiner le document qui porte le numéro ERN

22 que nous avons déjà vu hier, à savoir, 04639058. Très bien.

23 Juste un instant, Madame Kolesar, un instant, s'il vous plaît.

24 R. Très bien.

25 Q. Dans la nuit du 19 au 20 novembre, où est-ce que vous avez passé la

26 nuit ?

27 R. Je ne dirais pas que j'ai dormi, mais j'ai essayé de me reposer, de

28 trouver un petit peu de repos. C'était dans une salle de l'hôpital qu'on

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1 appelle la salle des choses qui ne sont pas propres ou qui sont sales,

2 donc, au service d'internes. Comme je suis en train de vous dire, c'est une

3 salle où on déposait des choses qui étaient à nettoyer. Il n'y avait plus

4 de carreaux; donc, il faisait froid à l'intérieur, mais on pouvait s'y

5 mettre un petit peu à l'abri et éventuellement un peu sur des cartons. Mon

6 époux, moi-même et un autre couple y avons passé la nuit.

7 Avant que je ne quitte l'endroit où je travaillais, il fallait que je me

8 présente au cas où il y aurait eu admission de nouveaux blessés. Donc, il

9 fallait que j'aille voir l'anesthésiste de garde, s'il fallait placer de

10 nouveaux blessés, qu'il sache où me trouver pour que l'on puisse les

11 placer. Donc, c'est dans cette salle des objets à nettoyer au rez-de-

12 chaussée, que j'ai passé la nuit.

13 Q. Nous allons progresser dans l'ordre. Que s'est-il passé dans la

14 matinée du 20 novembre ?

15 R. La matinée, il est difficile de dire exactement à quel heure cela s'est

16 passé puisqu'il faisait encore nuit. Il pouvait être près de 7 heures. Le

17 Dr Kust est venu me chercher et il m'a dit qu'il fallait que je descende

18 dans notre service de chirurgie. Je suis allée en sa compagnie dans notre

19 service. La salle où on posait les plâtres dans le bloc opératoire ou dans

20 le service de chirurgie --

21 Q. Madame Kolesar, est-ce que vous pouvez nous montrer sur le croquis où

22 cela se situe ?

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît --

25 R. Voilà. Je viens d'apporter un point, un petit point.

26 Q. Est-ce que vous pouvez ajouter un chiffre, s'il vous plaît, 1 ?

27 R. Voilà, je vais inscrire 1.

28 [Le témoin s'exécute]

Page 943

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, j'ai l'impression que

2 beaucoup d'endroits ont été déjà indiqués, sans qu'il y ait eu de chiffres

3 associés à ces endroits. Il serait peut-être temps de les numéroter.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

5 Mme TUMA : [interprétation] Oui, nous pouvons le faire.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kolesar, vous avez inscrit le

7 chiffre 1. Est-ce que vous pourriez inscrire le chiffre 2, et l'entourer

8 d'un cercle, pour désigner le nouveau bâtiment de l'hôpital ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de le faire.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez encercler le chiffre 2,

11 s'il vous plaît.

12 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez inscrire un 3

14 pour indiquer où se situe l'ancien bâtiment, et encercler le 3 s'il vous

15 plaît.

16 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 4, pourriez-vous l'apposer sur

18 l'abri antiatomique et encerclez-le.

19 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 5 pour le couloir souterrain.

21 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Le 6, pourriez-vous

23 le tracer dans la cour de l'hôpital.

24 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 7 pour l'entrée principale de

26 l'hôpital.

27 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Le 8 pour la deuxième entrée.

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1 Vous l'avez mentionné, l'entrée qui donne sur la route, sur la Cesta.

2 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 9 pour le service de chirurgie.

4 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le 10 -- en fait, deux 10 pour les

6 endroits où étaient placés les croix rouges, les bâches avec les croix

7 rouges. Donc, les deux porteront un 10.

8 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, le 10.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je suis en train

11 d'inscrire un 6, et également, la cour derrière le bâtiment. Nous avions

12 une cour à l'intérieur et une cour externe, donc, c'est la raison pour

13 laquelle j'inscris 6, 6.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] La cour intérieure, dans l'enceinte, et la

16 cour derrière l'hôpital, 6.

17 Puis le 10.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

20 [Le témoin s'exécute]

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, il me semble que tels

22 sont les principaux endroits que le témoin a indiqués hier et a décrits

23 hier.

24 Mme TUMA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il m'a semblé utile de les identifier

26 à ce stade.

27 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous étiez en train de demander où

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1 était l'entrée au service de chirurgie, et vous pouvez poursuivre.

2 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Madame Kolesar, vous venez de nous indiquer où était cette salle.

4 Alors, revenons maintenant aux événements. Que s'est-il passé dans la

5 matinée du 20 novembre ?

6 R. Avec le Dr Kust, je suis rentrée dans la salle où on posait les plâtres

7 et qui était utilisée comme bloc opératoire. C'est là que j'ai trouvé le Dr

8 Ivankovic, ainsi que deux personnes qui étaient vêtues d'uniformes de la

9 JNA. Une personne portant une uniforme de camouflage, et l'autre, d'après

10 moi, était en uniforme classique de la JNA, l'uniforme que je connais.

11 Le Dr Ivankovic a dit que la personne habillée en uniforme classique de la

12 JNA était un médecin tel et tel, et qu'il souhaitait rendre visite à un

13 certain nombre de blessés. Il avait une liste sur lui, et nous sommes

14 partis.

15 Le premier nom sur la liste, c'était l'époux d'une de nos infirmières. Bien

16 entendu, je ne pouvais pas savoir où il se trouvait, mais peut-être c'était

17 cela précisément que le Dr Ivankovic souhaitait que je dise.

18 Il pensait que je le saurais, mais je devais demander aux différentes

19 infirmières qui était placé à tel ou tel endroit, et elles me

20 l'indiquaient.

21 Nous sommes passés par le couloir du service de chirurgie, et nous sommes

22 passés par le couloir menant vers l'ancien bâtiment. C'est là que s'est

23 trouvée la personne qu'il recherchait.

24 Q. Madame Kolesar --

25 R. On l'a invité pour qu'on voit de quoi il s'agit. Il est sorti avec un

26 médecin qui s'occupait de lui. Il a montré au médecin qu'il était blessé à

27 l'œil. Il avait un pansement sur la main. Le médecin a demandé qu'on enlève

28 le pansement, et il a examiné la blessure. Nous nous avons continué pour la

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1 personne suivante sur la liste.

2 Nous demandions de nouveau où était les personnes et, pour certains,

3 nous les avons retrouvé; pour d'autres, non. Mais il n'a pas vraiment

4 insisté pour que toutes les personnes dont les noms figuraient sur la liste

5 soient examinées. Donc, après cette visite, nous sommes revenus dans la

6 salle des plâtres.

7 Q. Très bien, Madame Kolesar. Nous nous en tiendrons là. Je voudrais vous

8 poser quelques questions au sujet de cette étape-là, qui se situe dans la

9 matinée du 20 novembre.

10 Vous avez dit que l'une des personnes qui était dans cette pièce, qui se

11 tenait dans cette pièce, avait une liste, n'est-ce

12 pas ?

13 R. Oui. On nous a dit que c'était un médecin.

14 Q. Mais de quelle sorte de liste ?

15 R. Mais ce n'était pas une liste des blessés que nous aurions dressée,

16 nous. C'était une toute petite liste, soit c'était un extrait de notre

17 liste, soit cela a été réalisé d'une autre manière, mais j'ignore comment.

18 Je ne sais pas qui a produit la liste que ce médecin tenait dans la main.

19 Il a tout simplement demandé de voir un certain nombre de blessés. Alors

20 sur quelle règle il s'est basé, était-ce pour savoir comment ils allaient

21 être transportés ? Est-ce qu'il voulait vérifier leurs fiches ? Je ne sais

22 pas quelle a été la raison ou l'objectif de cet examen qu'il a exigé.

23 Toujours est-il qu'il a demandé d'examiner un certain nombre de blessés.

24 Mais il n'a pas insisté pour voir tous les noms, du premier jusqu'au

25 dernier de la liste. Il a été satisfait d'avoir vu le nombre de personnes

26 qu'il a pu voir, et ses examens se sont déroulés très rapidement. Il y

27 avait dans notre escorte un soldat armé.

28 Très rapidement, on est retourné dans cette salle des plâtres. Donc, nous

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1 sommes passés pratiquement par tous les espaces où étaient installés des

2 blessés.

3 Q. Madame Kolesar, je vais revenir maintenant à ce qui s'est passé dans la

4 matinée, pendant l'examen des patients. Il y avait combien de temps pour

5 procéder à ces examens ? Combien pendant de temps le médecin a-t-il examiné

6 les blessés ?

7 R. Très brièvement, je ne sais pas s'il s'est passé 15 à 20 minutes en

8 tout. Il m'est difficile de l'évaluer, enfin, le temps qu'il a fallu qu'on

9 aille jusqu'au bout du couloir sous terrain, et qu'en route on repère les

10 blessés qui figuraient sur la liste, qu'on enlève le pansement, qu'il

11 examine la plaie et qu'on reparte. Il y a eu un nombre relativement élevé

12 de blessés donc l'examen s'est passé très vite.

13 Q. Avez-vous vu des représentants de la Croix Rouge internationale ou des

14 observateurs européens à l'hôpital dans la matinée pendant que cela s'est

15 produit ?

16 R. Non, non, personne.

17 Q. Avez-vous vu Mme le Dr Vesna Bosanac ce matin-là ?

18 R. Mme le Docteur, à ce moment-là, pendant que ces examens ont eu lieu,

19 non, je ne l'ai pas vue. Mais après, quand je suis revenue dans la salle

20 des plâtres, on avait déjà donné l'instruction que le personnel médical

21 soit rassemblé, qu'il vienne de toutes les pièces de l'hôpital dans la

22 salle des plâtres. Pour ce qui est des hommes, tous les hommes et tous les

23 blessés, qui étaient en mesure de marcher, devaient quitter l'espace à

24 l'intérieur pour se rendre dans la cour.

25 Avant que nous ne soyons de retour dans cette salle, une autre instruction

26 avait été donnée, donc, lentement, le personnel médical affluait dans la

27 salle des plâtres. Quand je dis que c'était lent, cela s'est passé

28 lentement, et on ne pouvait pas le faire vite parce qu'il y avait des

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1 personnes qui dormaient aux étages, d'autres qui se sont trouvés dans

2 diverses pièces de l'enceinte. Donc, il fallait qu'ils soient mis au

3 courant du fait qu'il fallait qu'ils se rendent dans la salle des plâtres.

4 Il y avait aussi des blessés capables de marcher - je parle là des hommes -

5 et il fallait aussi qu'eux, et que tous les hommes s'étant trouvés à

6 l'hôpital quittent l'intérieur et qu'ils se rendent à l'extérieur dans la

7 cour de l'hôpital.

8 Q. Très bien, Madame Kolesar. Nous pouvons nous arrêter là.

9 R. Un instant, s'il vous plaît. Entre-temps, un médecin qui souhaitait se

10 rendre à Belgrade, il affirmait qu'il ne savait pas qu'il y avait une liste

11 des personnes qui souhaitaient se rendre à tel ou tel endroit. Je savais

12 que cette liste se trouvait dans le bureau du Dr Bosanac, et je suis

13 rentrée dedans. Elle était là, assise, le Dr Bosanac, et avec elle, il y

14 avait Marin Bilic, Bili, notre représentant du gouvernement, et il y avait

15 derrière eux une personne de la JNA en uniforme avec un fusil à la main.

16 Je me suis adressée au Dr Bosanac en lui disant que j'avais besoin de cette

17 liste et je savais que c'était sur le radiateur, elle m'autorisée à

18 l'examiner. C'est la première et la dernière fois, ce jour-là, que j'ai vu

19 le Dr Bosanac. Quant à savoir ce qui lui est arrivé par la suite, je ne le

20 sais pas. Elle n'est pas sortie avec nous, que ce soit dans la cour ou plus

21 tard pour monter à bord de l'autocar. Donc, c'est la dernière fois que je

22 l'ai vue ce jour-là.

23 Q. Merci, Madame Kolesar. Je voudrais maintenant revenir aux événements.

24 Vous avez dit que vous êtes revenue dans la salle des plâtres après

25 l'examen des patients; c'est bien cela ?

26 R. Oui, c'est cela.

27 Q. Qui était dans cette salle au moment où vous y êtes retournée ?

28 R. Dans cette salle, il y avait, encore une fois, une personne en uniforme

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1 de camouflage et il y avait ce médecin qui avait fait l'examen avec moi, il

2 y avait des médecins de l'hôpital. Certains connaissaient ce médecin. J'ai

3 appris qu'il s'appelait Marko Ivezic lorsque j'ai lu le livre du Dr Njavro.

4 Donc, d'autres le connaissaient. Est-ce que c'est de la faculté ou

5 d'ailleurs ? Ils se sont entretenus avec lui et, tout simplement, il y

6 avait de plus en plus de personnes qui arrivaient à l'intérieur, et c'est

7 là que nous nous sommes rassemblés, comme on nous l'avait dit. On attendait

8 qu'on nous dise quelque chose, on attendait que tout le monde arrive et

9 qu'on nous dise à quel moment il y aura l'évacuation et ce qui va se

10 passer.

11 Je suppose qu'au moment où nous nous sommes tous trouvés à l'intérieur,

12 donc, tout le personnel médical, hommes, femmes, à ce moment-là, le Dr

13 Ivezic a pris la parole et il nous a dit que le

14 Dr Bosanac n'était plus directrice, que c'était lui qui était en charge, en

15 réalité, que c'était lui qui était responsable de l'hôpital.

16 Ensuite, quelque d'autre a pris la parole. C'était une personne qui nous a

17 dit -- je ne sais pas si cet homme nous a dit qu'il était commandant,

18 enfin, je ne me rappelle pas son grade. Cela, je ne sais pas. Mais, enfin,

19 il a dit qu'il était Sljivancanin, toujours est-il qu'il s'est présenté

20 comme Veselin Sljivancanin et il nous a fait, disons, à la use, il a fait

21 un discours.

22 Je ne sais pas si vous souhaitez que je vous relate la teneur de ce

23 discours dans la mesure où je m'en souviens. Personnellement, je pense que

24 non. Je pense que non, toujours est-il --

25 Q. Je vais vous interrompre, Madame Kolesar, encore une fois. Vous êtes en

26 train de parler de ce qui s'est passé dans la salle des plâtres. Tout

27 d'abord, vous êtes sortie, vous avez fait l'examen des blessés en compagnie

28 du docteur, des blessés qui figuraient sur la liste, et ensuite, vous êtes

Page 950

1 revenue dans la salle des plâtres. Alors, qui étaient là ? Il y avait du

2 personnel médical, mais il y avait aussi Sljivancanin dans la pièce à ce

3 moment-là ?

4 R. Mais je suppose que oui. Je n'ai pas vu entrer d'autres personnes en

5 uniforme. Il a dit qu'il était Veselin Sljivancanin, que l'évacuation des

6 blessés avait déjà commencé, que nous allions attendre les autocars, et

7 voilà, rien d'autre. Donc, c'était un discours, je ne peux pas dire combien

8 de temps cela a duré, je ne peux pas me rappeler combien de temps cela a

9 pris.

10 Q. Sljivancanin a-t-il donné des ordres ou des instructions dans cette

11 pièce ?

12 R. Non, pas d'instructions spéciales, on ne nous en a pas données. On nous

13 a dit qu'il fallait qu'on attende le temps que -- ou plutôt que ces blessés

14 -- ou non pendant qu'on était dans la salle des plâtres, ils avaient quitté

15 l'hôpital. Donc, pratiquement, enfin, on nous a dit qu'on pouvait prendre

16 nos affaires et qu'on pouvait aller dans la cour attendre les autocars.

17 Q. Précédemment, vous avez dit dans votre déposition hier ici, Madame

18 Kolesar, que les blessés, eux aussi, devaient quitter l'hôpital. Qui a dit

19 cela ? A quel moment ?

20 R. Si cela concerne les blessés qui pouvaient marcher, personnellement, je

21 ne sais pas qui a donné ces instructions. Ce que je sais, c'est que les

22 blessés mobiles devaient sortir dans la cour et que tous les hommes

23 devaient sortir dans la cour. Alors que les blessés qui étaient allongés,

24 ils sont restés sur le lit en attendant l'évacuation.

25 Q. Donc, tous les blessés qui pouvaient se déplacer et tous les hommes

26 devaient quitter l'hôpital; c'est exact ?

27 R. Oui. Non seulement il devait quitter l'hôpital mais ils sont sortis.

28 Tous les hommes, tout simplement, ils ont quitté. Bien entendu, on n'a pas

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1 laissé libre choix aux hommes. On a assigné un infirmier qui connaissait

2 l'enceinte de l'hôpital. Car c'est ce qu'on nous a demandé de nommer une

3 personne qui connaissait l'hôpital, l'espace, l'enceinte pour qu'il n'y ait

4 pas de personne qui resterait aux étages. Donc, l'hôpital a été examiné.

5 Q. Madame Kolesar, est-ce que vous avez vu cela, que tous les hommes et

6 tous les blessés qui pouvaient se déplacer sont sortis de l'hôpital ?

7 R. Je ne peux pas vous dire que j'ai vu tous les hommes, mais une partie

8 des hommes est passée même pendant que nous nous préparions à entrer dans

9 la salle des plâtres. Ils sont passés à côté de nous et ils sont sortis par

10 l'entrée des urgences dans la cour. Nous ne savons pas par où, ni comment,

11 ni où on les a emmenés.

12 Q. Pouvez-vous nous montrer, s'il vous plaît, sur le croquis, Madame

13 Kolesar, ce que vous venez de dire ? Est-ce que vous pouvez nous le montrer

14 au sujet de quelques hommes ?

15 R. Donc, de quoi parlons-nous ? Donc, de toutes les salles, tout l'espace

16 de l'hôpital, et là, j'entends la cave de l'ancien bâtiment, le passage

17 souterrain, l'abri antiatomique et toutes les salles, tous les espaces dans

18 le nouvel hôpital où on avait placé des patients, il y a eu sortie des

19 blessés, des blessés qui étaient en mesure de marcher et des hommes. Ils

20 sont sortis par notre sortie des urgences. En fait, il y avait une autre

21 sortie en passant par le service de gynécologie. Je ne sais pas s'ils l'ont

22 utilisé, mais la plupart sont sortis par l'entrée du service de chirurgie.

23 Pendant que nous étions en train de nous rassembler, nous avons pu voir un

24 groupe qui se tenait l'un à côté de l'autre, vers la sortie qui va vers la

25 route au numéro 8.

26 Q. Ce groupe de personnes, il était composé de qui ?

27 R. Ce groupe, il était composé, disons, de nos employés, de nos maris qui

28 s'étaient trouvés à l'hôpital, du groupe de travail, et cetera.

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1 Q. Ils étaient de quel sexe les gens qui composaient ce groupe ?

2 R. C'étaient des hommes.

3 Q. Merci, Madame Kolesar. Que s'est-il produit par la suite ?

4 R. Ensuite, on nous a dit qu'à présent nous pouvions nous préparer à

5 partir, nous préparer pour le voyage. Je vous ai dit qu'il y avait là le

6 personnel médical, que ce soit des hommes ou des femmes. Nous nous sommes

7 tous mis à nous préparer lentement à quitter l'enceinte de l'hôpital.

8 Lorsque je suis sortie de l'enceinte de l'hôpital, devant le service de

9 chirurgie, la première chose que j'ai vue, c'était le reste du personnel

10 technique et administratif, mais c'étaient uniquement des femmes avec leurs

11 enfants. Elles se tenaient là et elles attendaient, elles aussi,

12 l'évacuation, en fait.

13 Q. Madame Kolesar, les hommes, où étaient-ils ? Les avez-vous vus à ce

14 moment-là, à ce moment-là précis ? Quand vous avez vu les enfants et les

15 femmes ?

16 R. A un moment donné, il n'y avait plus ces hommes-là à ce moment-là. Mais

17 il faut que je remonte un petit peu dans le temps. L'une de nos infirmières

18 avait vu, car c'est probablement celle qui est venue en dernier, la

19 dernière, elle a vu son mari quitter l'hôpital, elle l'a vu se tenir dans

20 cette file où se tenaient les autres. Pendant que nous étions dans la salle

21 des plâtres,

22 M. Sljivancanin a dit que nous pouvions partir à présent, elle a demandé où

23 sont nos maris. M. Sljivancanin lui a répondu en disant qu'il fallait qu'on

24 dresse une liste - c'est une autre infirmière qui s'en est chargée - et

25 elle lui a mis dans les mains la liste. A ce moment-là, nous avons eu la

26 possibilité de quitter la salle des plâtres.

27 Mais nous ne savions pas où étaient nos maris. Nous ne savions pas

28 pourquoi nous avons dressé cette liste. Toujours est-il que nous avons

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1 dressé la liste et qu'elle a été remise à M. Sljivancanin.

2 Nous sommes sorties, nous avons pris nos affaires, nous sommes

3 sorties dehors et c'est là que nous avons vu ces femmes, donc, ces

4 employées qui étaient dehors et nous nous sommes acheminées vers le chiffre

5 numéro 6, devant le service des urgences. Là, nous étions nombreux, très

6 nombreux. Je ne peux pas évaluer le nombre. Là, on nous a dit qu'il fallait

7 qu'on attende les autocars qui allaient nous emmener à notre destination.

8 Q. Madame Kolesar, arrêtons-nous là quelques instants, je vous prie. Vous

9 avez déclaré qu'il y avait une infirmière. Vous souvenez-vous de son nom à

10 tout hasard ? L'infirmière dont l'époux se trouvait dans la queue.

11 R. L'infirmière qui a remarqué que les hommes allaient quelque part qui

12 s'appelait Mara Bucko. Elle travaillait à l'hôpital depuis longtemps et son

13 époux, comme beaucoup d'autres époux, se trouvait également à l'hôpital.

14 Q. Que faisait-elle ?

15 R. Que voulez-vous dire ?

16 Q. Est-ce qu'elle s'est adressée à quelqu'un au sujet de son époux ?

17 R. Non. Nous étions ensemble dans un groupe et elle s'est approchée de M.

18 Sljivancanin et lui a demandé où se trouvaient nos époux. Elle ne s'est pas

19 rapprochée physiquement de lui, mais elle s'est adressée à lui alors

20 qu'elle était avec nous. Elle a dit que nous devions dresser une liste.

21 Cela a été fait rapidement et la liste a été remise à M. Sljivancanin.

22 Puis, nous sommes allées ensemble dans la cour avec toutes les autres

23 employées de l'hôpital. Nous avons attendu les autocars et nous n'avions

24 aucune idée de l'endroit où se trouvaient nos époux, ni les blessés qui

25 étaient en mesure de marcher. Il nous était impossible de savoir ce qui se

26 passait.

27 Nous pensions tous que l'évacuation venait de commencer. Nous ne

28 savions absolument pas où ils se trouvaient et pourquoi ils n'étaient pas

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1 avec nous.

2 Q. Revenons à la liste que M. Sljivancanin a demandée. Qui a été inclus

3 dans cette liste ? Quelle catégorie de personnes a été incluse dans cette

4 liste ?

5 R. Essentiellement nos époux. Donc, les époux des employées de l'hôpital.

6 Donc, uniquement les époux du personnel médical, ceux qui se trouvaient

7 dans la salle des plâtres. Les autres employées de l'hôpital qui ne se

8 trouvaient pas dans la salle des plâtres n'ont pas pu poser cette question.

9 Donc, à l'époque, nous ne savions pas ce qui se passait. Nous ne

10 comprenions pas pourquoi on nous avait demandé de dresser une liste et nous

11 ne comprenions pas quelle était la situation de nos époux.

12 Q. Madame Kolesar, savez-vous combien de noms ont été consignés dans cette

13 liste qui précisait les époux des employées de l'hôpital ?

14 R. Je n'ai pas vu cette liste car c'est quelqu'un d'autre qui a couché sur

15 papier les noms. Je ne peux pas vous dire combien de personnes exactement

16 se trouvaient sur cette liste, mais je peux vous dire le nom des personnes

17 qui par la suite sont revenues et dont les noms se trouvaient sur cette

18 liste. Mais je ne peux pas vous dire si toutes ces personnes sont revenues,

19 car je l'ignore. Certaines sont revenues plus tard, mais je ne peux pas

20 vous dire si toutes les personnes dont le nom figure sur cette liste sont

21 revenues.

22 Q. A cette occasion, avez-vous vu des représentants du CICR ou de la MCCE

23 à l'hôpital ?

24 R. Tandis que nous attendions les autocars dans l'enceinte de l'hôpital,

25 nous n'avons vu personne. Tous que nous avons pu voir, c'est l'arrivée des

26 ambulances de la JNA dans l'enceinte de l'hôpital. Nous avons supposé que

27 l'évacuation des blessés qui devaient être transportés en ambulance avait

28 commencé. Il y avait beaucoup d'ambulances de la JNA.

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1 Q. Avez-vous vu des représentants du CICR ou de la MCCE à cette occasion à

2 l'hôpital ?

3 R. Dans l'enceinte de l'hôpital où nous nous trouvions, il n'y avait aucun

4 de ces représentants, que ce soit à côté de l'entrée du service de

5 chirurgie ou dans toute autre partie de l'enceinte où nous nous trouvions.

6 Il n'y avait aucun représentant de ces deux organisations, d'après ce que

7 nous avons pu voir.

8 Q. Est-ce que vous vous attendiez à leur présence ?

9 R. Bien entendu, surtout après que certains des blessés soient partis. Par

10 conséquent, nous ne savions pas ce qui se passait. Nous ne savions pas

11 s'ils étaient quelque part à l'extérieur de l'enceinte. Nous ne savions pas

12 pourquoi certains blessés étaient partis, ni où ils étaient partis. Nous

13 ignorions tout cela.

14 Q. Vous avez parlé des ambulances de la JNA. Est-ce que vous pourriez nous

15 en dire davantage sur ce sujet ? Combien d'ambulances sont arrivées ? Les

16 avez-vous vues ? Qu'ont-elles fait à l'hôpital ?

17 R. Nous avons vu passer ces ambulances. Personnellement, je ne les ai pas

18 comptées, mais comme les ambulances sont arrivées au niveau de l'entrée du

19 service des urgences, ceux d'entre nous qui se trouvaient dans la cour

20 n'ont pas pu voir l'évacuation des blessés. Les médecins qui étaient censés

21 accompagner les blessés sont restés dans l'enceinte, ainsi que les

22 infirmières qui étaient de garde à ce moment-là. Les blessés graves avaient

23 besoin de soins en chemin, pendant leur transport. Par conséquent, certains

24 médecins sont restés pour faire cela. Ceux qui n'étaient pas de garde sont

25 restés avec nous dans la cour en attendant l'arrivée des autocars.

26 Q. Bien. Merci beaucoup.

27 R. S'il vous plaît, je souhaiterais ajouter quelque chose.

28 Q. Oui, s'il vous plaît ?

Page 956

1 R. C'est sans doute de ma faute que nous avons laissé de côté quelque

2 chose. Certains blessés qui ont été examinés par le Dr Marko Ivezic, et qui

3 ne pouvaient pas se déplacer, il y en avait peut-être quatre ou six, ont

4 été amenés avant cela. Ce sont les infirmières qui ont suivi les

5 instructions du Dr Ivankovic qui s'en sont chargées. Où ces personnes ont-

6 elles été amenées, à bord de quels véhicules, je l'ignore, car je ne l'ai

7 pas vu. Tout ce que je sais, c'est qu'on les a fait sortir de l'endroit où

8 elles se trouvaient. Donc, cela concerne les blessés examinés par le Dr

9 Ivezic. Je m'excuse d'avoir omis de préciser cela plus tôt alors que je

10 décrivais ces événements.

11 Q. Ce n'est pas un problème, Madame Kolesar. Que faisait

12 M. Sljivancanin à l'hôpital lorsque vous avez été en contact avec lui ? Je

13 veux parler du moment où vous étiez ensemble avec les autres membres du

14 groupe qui attendaient à l'extérieur dans la cour. Qu'avez-vous vu ?

15 R. Plus tard dans la cour, je n'ai pas revu M. Sljivancanin. Je ne l'ai vu

16 qu'au service de chirurgie. Nous avons écouté ce qu'il avait à nous dire.

17 Lui ne nous écoutait pas. Donc, nous avons écouté ce qu'il avait à nous

18 dire. Nous avons cru qu'il avait une certaine importance, qu'il jouait un

19 certain rôle. Il n'y avait aucune raison pour nous de nous adresser à lui

20 personnellement.

21 Q. Vous venez de dire qu'à votre avis, il avait une certaine importance.

22 Qu'entendez-vous par là ?

23 R. J'ai eu l'impression que compte tenu de tout ce qui se passait à ce

24 moment-là, c'était lui qui donnait des ordres et qui disait aux gens ce

25 qu'ils devaient faire. C'est lui qui a demandé qu'on dresse une liste.

26 C'est lui qui a dit : "Vous pouvez partir. Vous pouvez vous préparer à

27 partir," et ainsi de suite. Je ne peux rien ajouter de plus.

28 Lorsque nos époux ont été ramenés, moi aussi je me suis adressée à M.

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1 Sljivancanin pour lui demander de l'aide, mais nous en parlerons plus tard

2 lorsque nous parlerons du retour de nos maris qui ensuite ont été emmenés

3 en autocar.

4 Q. Merci, Madame Kolesar.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que l'on peut faire une

6 pause ?

7 Mme TUMA : [interprétation] Très bonne idée. Merci.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 16

9 heures 05.

10 Mme TUMA : [interprétation] D'accord.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Tuma.

14 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Q. Bien. Madame Kolesar, juste avant la suspension d'audience, nous en

16 étions au moment où les hommes et les femmes ont été séparés, on a séparé

17 les hommes des femmes, et elle se trouvait dans la cour. Comment est-ce que

18 vous avez appris où se trouvait votre mari à ce moment-là ?

19 R. Alors que nous nous trouvions à l'extérieur de l'hôpital, devant

20 l'hôpital, l'un des maris s'est approché de nous. Il avait un saignement de

21 nez et il saignait aussi de la bouche. Il était couvert de sang. Il est

22 venu dans notre direction et nous a dit : "Vos maris sont là-bas."

23 Nous lui avons demandé ce qu'il voulait dire par "là-bas" ? Il a répondu

24 qu'ils étaient sur un bus, un car près de l'endroit où j'ai mis le chiffre

25 8.

26 Nous avions maintenant la permission de partir et d'aller les chercher.

27 Quand je dis "nous", je veux dire les personnes qui avaient écrit le nom de

28 leur mari sur la liste de M. Sljivancanin, la liste qui lui avait été

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1 remise. J'étais l'une des personnes qui sont allées là-bas.

2 J'ai vu mon mari sur ce car. Il ne portait plus les mêmes vêtements que

3 ceux qu'il avait lorsqu'il est parti. Il possédait un survêtement, mais il

4 n'avait plus de manteau d'hiver. Il avait l'air assez perdu.

5 Je suis montée dans le car. Le car était gardé par des soldats portant des

6 fusils. Il m'a demandé ce que je cherchais. Je lui ai

7 dit : "Voilà mon mari qui est là." Il m'a dit que je ne pouvais pas aller

8 lui parler ni l'emmener. Certaines des femmes ont eu la permission

9 d'emmener leurs maris.

10 Au retour, j'ai demandé au Dr Ivankovic et au Dr Stanojevic de m'aider. Ils

11 ont dit qu'il n'y avait rien qu'ils pouvaient faire. Ils ont dit que s'il

12 était sur ce bus, je pouvais y aller. J'y suis retournée mais cela n'a

13 servi à rien.

14 L'infirmière dont j'ai parlé il y a un moment, Mara Bucko, et moi-même

15 avons parlé à M. Ivankovic pour lui demander de nous aider. Il a dit qu'il

16 avait besoin de gens pour l'aider dans certains travaux et il a demandé si

17 nous étions prêts à y retourner, lui donner un coup de main. Nous avons dit

18 qu'il faudrait d'abord qu'il nous laisse partir, et ensuite, il

19 reviendrait. Il est venu avec nous et nous a permis de retrouver nos maris

20 qui ont été à ce moment-là relâchés du car.

21 Il avait un air un peu étrange. Il était difficile de se rendre compte de

22 ce qui s'était passer. Au début, mon mari boitait, il a dit qu'il avait

23 reçu un coup sur le genou. Ils avaient dû, en fait, passer par les

24 baguettes et que c'était des paramilitaires qui les avaient battus.

25 Ensuite, on les avait mis sur un car et on leur avait dit qu'ils seraient

26 exécutés. Mais finalement, on les avait ramenés devant l'hôpital

27 probablement que cette question d'exécution était une tentative pour leur

28 faire peur, pour les intimider.

Page 959

1 Nos maris sont descendus de ces cars - bien sûr, c'est quelque chose que

2 nous avons appris que par la suite - et ce furent les seuls hommes qui

3 aient été emmenés et qui ont pu redescendre et qui ont survécu.

4 M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

6 M. LUKIC : [interprétation] Je pense qu'il y a une erreur au compte rendu à

7 la page 34, plutôt 33, ligne 17. Je crois que le témoin a parlé du Dr

8 Ivezic. Or, il est question dans le compte rendu du Dr Ivankovic. Peut-être

9 que ceci mériterait d'être éclairci.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Dr Ivankovic. Vous pouvez les mentionner

12 tous les deux en l'occurrence. Je leur ai parlé à tous les deux. J'ai parlé

13 au Dr Ivankovic, qui peut-être n'a pas été plus dans le compte rendu ou du

14 Dr Stanojevic en l'occurrence. Mais le

15 Dr Ivezic est celui qui nous a aidés à faire descendre nos maris de ce car.

16 Mme TUMA : [interprétation]

17 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Vous avez parlé un peu plus tôt de

18 cet incident, et du fait que vous avez été autorisée à partir. Vous avez

19 dit dans votre réponse qu'on -- mais alors, je voulais savoir qui vous a

20 permis de partir de façon à aller retrouver là-bas vos maris, votre mari ?

21 R. Mais personne en particulier. Nous n'avons pas vraiment été autorisées.

22 Nous n'étions simplement pas surveillées par les gardes. Nous nous tenions

23 dans la cour. Nous étions libres. Je ne suis pas sûre que j'aurais été

24 autorisée à partir et à rentrer en ville, par exemple, mais ce n'est pas ce

25 que j'ai essayé. Mais personne ne s'est mis en travers, et je n'ai même pas

26 essayé de quitter l'enceinte de l'hôpital, en l'occurrence. Tout le temps,

27 je suis restée dans le secteur entre l'hôpital et la route où se trouvait

28 le car, mais personne ne s'est interposé.

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1 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Vous avez aussi dit que le car était

2 gardé par un soldat avec un fusil. Pourriez-vous dire quel type de soldat

3 c'était, si vous savez cela vous-même ? Pourriez-vous décrire un uniforme ?

4 R. Mon impression était qu'il s'agissait d'un soldat en uniforme. Je pense

5 que c'était un uniforme de camouflage, mais je n'en suis pas certaine. Il

6 portait une sorte de fusil que je ne saurais décrire, mais je suis certaine

7 qu'il portait une arme.

8 Q. Y avait-il plus d'un soldat ? Vous avez dit un soldat. Est-ce que

9 c'était seulement un soldat ?

10 R. Sur le car, voulez-vous dire ?

11 Q. Oui.

12 R. Je n'ai vu qu'un seul garde. Quant aux alentours du car, je ne peux pas

13 dire que j'ai vu qui que ce soit d'autre. Mais il m'est difficile de me

14 rappeler maintenant si j'ai remarqué quelqu'un d'autre portant un uniforme.

15 Je dois dire que je n'étais pas vraiment en train de regarder alentour. Je

16 n'avais qu'un but en tête : de pouvoir aller au car où se trouvait mon

17 mari. Je n'avais pas envie de regarder autour de moi pour voir qui d'autre

18 se trouvait-là. Je ne saurais pas dire s'il y avait des militaires ou des

19 paramilitaires sur place. Ma décision, c'était de monter sur ce car, de

20 rejoindre mon mari, et c'est tout ce dont je peux vraiment vous parler.

21 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Vous avez également dit que vous avez

22 parlé à M. Sljivancanin. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce

23 sujet ? Pourquoi avez-vous essayé de le retrouver ? Pourquoi est-ce que

24 vous lui avez parlé ?

25 R. Je croyais qu'il était quelqu'un qui pouvait m'aider, mais je croyais

26 que c'était la personne à qui il fallait parler parce que c'était à lui que

27 nous avions donné la liste avec les noms de nos maris. Comme ils se

28 trouvaient déjà dans le car, il a donné l'impression que c'était quelqu'un

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1 à qui on pourrait demander de les relâcher. Cela semblait à quelque chose

2 parfaitement raisonnable, d'aller le trouver, lui parler. Il n'a pas refusé

3 de m'aider, mais il ne m'a pas aidé non plus. Il a simplement dit, s'il est

4 sur le car, il sortira. C'est cela qu'il a dit, et c'est cela qui

5 éventuellement s'est passé.

6 Q. Merci, Madame Kolesar. Maintenant, passons à votre mari. Vous avez vu

7 qu'il était blessé, qu'il avait du sang et qu'il était blessé au nez et à

8 la bouche. Qu'est-ce qu'il vous a dit sur ce qui lui était arrivé ?

9 M. LUKIC : [interprétation] Je lève une objection, Monsieur le Président,

10 Mesdames et Messieurs les Juges.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon mari n'était pas blessé.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois qu'on est en train de régler

13 la question de votre objection, Maître Lukic.

14 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie pour cela.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, précisément. La première personne à

16 quitter le car était la personne qui saignait. En fait, je n'ai pas

17 remarqué que d'autres personnes étaient en train de saigner ou qu'ils aient

18 eu un saignement du nez. Mais mon mari boitait. Son genou droit avait reçu

19 un coup. Il a probablement vu ce qui s'était passé là où il se trouvait. Il

20 s'était servi de ses bras pour se protéger la tête, mais il a été frappé

21 ou, plus exactement, il a reçu des coups de pied dans le ventre et au

22 genou. Il a souffert les conséquences de ce coup jusqu'à son dernier jour.

23 Il s'est toujours plaint de son genou blessé. Cela lui a donné beaucoup

24 d'ennui.

25 Je ne sais pas quel a été le sort des autres. Je peux simplement vous dire

26 ce que j'ai vu. Mais certainement, ils ont dit à d'autres personnes, ils

27 ont parlé de la manière dont ils avaient été frappés et dont ils avaient

28 reçu des coups de pied.

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1 Mme TUMA : [interprétation]

2 Q. Est-ce que votre mari vous a dit qui l'avait frappé, de quelle manière

3 et où ?

4 R. D'après les récits de nos maris, ils ont d'abord été ramenés à la

5 caserne. On a fait l'appel de leurs noms suivant les listes que nous avions

6 fournies. Ils sont descendus des cars un par un, et il fallait qu'ils

7 montent dans l'autre car qui était celui qui devait les ramener. Deux

8 rangées ont été formées. C'est l'expression qui me vient à l'esprit. Je ne

9 suis pas sûre si ces personnes faisant les deux rangées étaient des

10 paramilitaires ou des soldats, des membres de l'armée régulière ou qui que

11 ce soit, et il n'en connaissait aucun.

12 Il a fallu qu'il passe entre les deux rangées pour recevoir des coups, pour

13 ainsi dire, pour passer par les baguettes, et à mesure qu'ils courent entre

14 les deux rangées, ils recevaient des coups de pied. Ils étaient battus,

15 certains plus et certains moins, mais à un moment où un autre, ils

16 recevaient des coups.

17 Pourquoi ont-ils été battus, ont-ils reçu de coups de pied, je n'en ai

18 aucune idée, mais probablement que lui-même non plus.

19 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Les autres maris qui se trouvaient

20 sur ce car dont nous avons parlé, est-ce qu'ils ont également été relâchés

21 à ce moment précis, comme votre mari ?

22 R. De ce que j'ai entendu, pour l'essentiel, il y a eu deux personnes qui

23 n'ont jamais pu quitter le car. Deux personnes, et ce sont les derniers

24 noms, Zeljko et Adzaga, l'ancien cuisinier et le mari d'une de ces

25 personnes, ou quelqu'un qui travaillait à l'hôpital. Je ne suis pas

26 absolument sûre, mais ces deux-là n'ont pas pu quitter le car, et personne

27 n'a su ce qui leur était arrivé. Toutefois, plus tard leurs corps ont été

28 identifiés à Ovcara.

Page 963

1 Aussi, sur la base de ce que j'ai entendu, l'un de nos infirmiers a été

2 emmené sur ce car, et il a fini par se retrouver au camp de Mitrovica.

3 C'est à peu près tout ce que je sais pour ce qui est de savoir qui se

4 trouvait sur ce bus, et qui a réussi à en réchapper. Je ne suis pas sûre du

5 nombre précis. Je ne suis même pas sûre de tous ceux qui se trouvaient là

6 sur ce bus, comme je l'ai déjà dit.

7 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Que s'est-il passé après ce moment,

8 en ce qui vous concerne vous et votre mari ?

9 R. Mon mari et moi, nous nous trouvions au même endroit que tous les

10 autres, avec les autres employés devant l'hôpital. Au moment où les cars

11 sont arrivés, nous avons quitté le bâtiment principal de l'hôpital, où il y

12 avait l'entrée ou la sortie numéro 7, en suivant le chemin et on nous a dit

13 d'attendre les cars. Nous avons passé beaucoup de temps à attendre. Les

14 cars sont finalement arrivés puis, on nous a fait monter dans ces cars, et

15 à un moment donné - il se peut qu'il ait été 1 heure et demie ou 2 heures -

16 nous sommes partis et nous avons pris la direction du centre-ville.

17 Nous avons traversé le centre-ville, puis avons tourné pour aller

18 dans un quartier connu sous le nom de Sajmiste. Le car s'est arrêté à côté

19 de l'entrepôt Velepromet. Je ne sais pas quelle est la raison pour laquelle

20 nous sommes arrêtés-là. Nous y sommes restés pendant un certain temps.

21 Personne n'a pu quitter le bus. Personne n'en ait descendu, tout au moins

22 en ce qui concerne le car sur lequel j'étais.

23 Après un moment, nous avons repris notre trajet. D'abord, en tournant

24 à droite, la route qui conduit à Bogdanovci, puis, nous avons suivi une

25 courbe en demi-cercle parce qu'on nous a dit, à un moment donné, que l'on

26 pouvait suivre cette route de sorte que nous sommes revenus sur la même

27 route que celle qu'on avait précédemment empruntée et avons tourné à

28 nouveau vers Negoslavci. Nous nous sommes arrêtés à Negoslavci. Je suppose

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1 que la raison de cet arrêt était de laisser passer les véhicules militaires

2 qui se rendaient de Negoslavci pour regagner le centre-ville. L'autre

3 raison pour laquelle on nous a dit d'attendre le convoi, c'était pour que

4 les blessés puissent nous rattraper.

5 De sorte que nous y sommes restés pendant un certain temps, et pour finir,

6 des véhicules médicaux militaires sont arrivés. Une colonne de véhicules a

7 été formée. Il y avait un véhicule qui portait une sorte de gyrophare et

8 qui progressait en tête du convoi. Il ne faisait pas vraiment nuit, mais il

9 était tard dans l'après-midi et il faisait déjà très sombre.

10 Nous sommes parvenus au village de Negoslavci. Une chose qu'il faut que je

11 mentionne, c'est que Negoslavci, à la différence de ce que nous avions vu

12 en route, en traversant Vukovar, était un village qui était encore intact;

13 aucune maison n'avait été détruite. L'éclairage public était en parfait

14 état, fonctionnait parfaitement et tout le monde semblait vivre une

15 existence parfaitement normale, à la différence de ce dont nous avions été

16 témoins à Vukovar, proprement dit, qui était une ville pleine de ruines et

17 dans laquelle on pouvait remarquer cela et là des cadavres sur le bord de

18 la route. La ville elle-même avait été détruite à un point qu'on ne pouvait

19 plus la reconnaître.

20 Le secteur autour de Velepromet, qui est plus ou moins le même quartier que

21 celui des casernes, était parfaitement intact. Peut-être qu'il y avait une

22 maison à laquelle il manquait des tuiles sur le toit ou quelque chose de ce

23 genre, mais, pour la plus grande partie, elle était parfaitement intacte.

24 Nous avons ensuite quitté Negoslavci. Je pensais que peut-être qu'une

25 fois que nous serions arrivés sur la grand-route, nous tournerions pour

26 repartir dans la direction de la Croatie, mais nous avons pris le tournant

27 qui allait dans la direction de la Serbie et nous avons suivi toute la

28 route jusqu'à Sremska Mitrovica. Nous nous sommes arrêtés à Sremska

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1 Mitrovica. Là encore, je ne sais pas pourquoi.

2 Les gens étaient déjà épuisés parce que cela faisait depuis longtemps que

3 nous étions en route. Il y avait des gens qui avaient soif. Il y en avait

4 qui avaient besoin d'une cigarette. Certains avaient besoin des sanitaires,

5 des toilettes. Les gens pouvaient aller dans des maisons privées voisines

6 où le car s'est arrêté, puis, ensuite, on reprenait notre trajet et

7 éventuellement, nous sommes parvenus au gymnase et c'est là que nous avons,

8 pour la première fois, remarqué des personnes qui étaient en blanc, ceux

9 qui étaient censés se trouver à Vukovar et qui étaient censés nous

10 escorter. C'est là la première fois que nous les avons vus, que nous les

11 avons rencontrés.

12 Ils nous ont dit de ne pas quitter les cars. Ils nous ont dit de préparer

13 des listes indiquant le nombre exact de personnes qui se trouvaient sur les

14 cars et ainsi de suite, malgré le fait que plusieurs sont descendus de ces

15 cars et sont entrés dans le gymnase.

16 L'un de nos jeunes médecins, une doctoresse, a retrouvé sa mère, sa fille

17 et deux sœurs. Une de nos infirmières a retrouvé son mari qui se trouvait

18 là. Toutes sont retournées dans notre car.

19 Comme on nous avait dit de ne pas quitter nos cars, on nous a emmené depuis

20 ce gymnase ou cette salle de sports jusqu'à l'hôpital, jusqu'au centre

21 médical. On nous a donné à manger avec du thé.

22 Dans le bâtiment médical, nous avons appris que nos blessés étaient déjà

23 là, ceux qui avaient été amenés par ambulance et ils se trouvaient gisant

24 là, dans les pièces et dans les couloirs à l'intérieur de ces bâtiments. Le

25 personnel, qui se trouvait avec eux, était resté avec eux tout le temps.

26 Nous sommes retournés à nos cars et nous étions surveillés par des gardes.

27 Nous avons passé la nuit dans ces cars.

28 Nous nous sommes rendus compte que les blessés, nos blessés n'avaient pas

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1 tous été amenés et si cela avait été à Sremska Mitrovica depuis l'hôpital

2 dans l'après-midi et qu'un plus grand nombre de véhicules allaient repartir

3 à Vukovar au cours de l'après-midi pour chercher les blessés qui restaient,

4 il en restait environ 70 à l'hôpital et au centre médical et il y en avait

5 déjà à peu près 120. Effectivement, au bout d'un certain temps, les autres

6 blessés qui restaient ont fini par être amenés.

7 Il y a eu une colonne d'ambulances et de cars qui a été formée. Nous avons

8 quitté Mitrovica et nous sommes partis dans la direction de la Bosnie. Nous

9 avons été surpris de voir que ces cars avec les hommes et ceux qui étaient

10 blessés, que ceux qui étaient encore capables de marcher n'étaient pas là.

11 Nous n'avons rien su de ce qui était arrivé à ces cas et personne n'a été

12 en mesure de nous le dire.

13 En route vers la Bosnie, il y a une sorte de station thermale là. Nous nous

14 y sommes arrêtés et nous avons remarqué qu'il y avait des véhicules

15 médicaux de Croatie qui commençaient à arriver aussi, ainsi que des cars

16 qui avaient des plaques d'immatriculation croates.

17 Q. Merci, Madame Kolesar. Je vais vous interrompre ici. Excusez-moi.

18 Alors, votre destination finale, c'était quoi ? Où est-ce que vous vous

19 êtes retrouvés en fin de compte et à quelle date ?

20 R. La plupart des personnes qui se sont trouvées à l'hôpital souhaitaient

21 se rendre en Croatie. Nous ne savions pas où on nous emmenait et nous

22 n'avions pas vraiment à nous prononcer là-dessus.

23 Mais en fait, on partait vers la Croatie. Certains des employés qui

24 travaillaient avec nous à l'hôpital ont souhaité partir en Serbie et on

25 leur a donné à leur disposition, on leur a mis à leur disposition un bus

26 pour qu'ils puissent y partir.

27 Nous étions heureux lorsque nous avons traversé un pont sur la Sava. Nous

28 avons atteint Slavonski Samac et nous savions que nous étions maintenant

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1 sur le territoire croate. La plupart d'entre nous avions nos destinations

2 le lendemain matin.

3 Ce que je souhaitais, c'était me rendre à Zagreb puisque mes deux filles

4 étaient là-bas. C'était le 22, dans la matinée, que mon époux et moi-même

5 avons atteint Zagreb. Entre-temps, cependant, le 21, à Mitrovica, ma mère

6 est décédée. Je ne suis pas restée là pour assister aux funérailles, mais

7 le personnel militaire du dispensaire médical militaire a organisé les

8 funérailles et elle a été enterrée au cimetière de Mitrovica.

9 Q. Nous n'avons pas à nous occuper de cela.

10 R. Nous sommes arrivés à Zagreb le 22 novembre. A partir de ce moment-là,

11 je me suis trouvée en exil.

12 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Juste quelques questions

13 supplémentaires pour tirer au clair certains points. Vous avez dit que vous

14 étiez avec votre époux et d'autres personnes à bord d'un autocar qui a

15 quitté l'enceinte de l'hôpital. Alors, il y a eu combien d'autocars qui ont

16 quitté l'hôpital à ce moment-là ?

17 R. Avec certitude, je peux vous dire qu'il y en a eu cinq.

18 Q. Etaient-ils pleins ?

19 R. Oui. Je dois dire aussi que toutes les personnes présentes n'ont pas pu

20 s'asseoir, mais ceci ne m'a pas dérangé. Il n'y avait pas suffisamment de

21 sièges pour tout le monde.

22 Q. En tout, il a pu y avoir combien de personnes dans tous ces autocars ?

23 R. Ecoutez, si on compte environ 50 personnes par autocar, donc, cela

24 ferait en tout environ 250 personnes, d'après moi. Quant à savoir s'il y en

25 a eu, effectivement, ce nombre-là, cela, je ne peux pas vous le dire là,

26 sur-le-champ. Je ne peux pas faire le calcul même s'il fallait absolument

27 que je le fasse. Donc, on était très nombreux et il y avait cinq autocars.

28 Cela, j'en suis certaine. C'était les employés, les médecins, les

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1 infirmières, les aides soignants, nos époux, nos enfants, des bébés, les

2 nouveau-nés, les sœurs qui les portaient, qui les nourrissaient, les femmes

3 qui venaient d'accoucher, les femmes enceintes.

4 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Vous avez mentionné dans votre

5 déposition les autocars. Est-ce que vous avez vu les autocars, donc vous

6 avez vu les autocars qui vous ont transportés vous ainsi que d'autres

7 personnes comme vous nous l'avez dit, il y a un instant dans la cour de

8 l'hôpital. Avez-vous vu d'autres autocars ?

9 R. Non, pour ce qui est de cette zone autour de l'hôpital, il n'y avait là

10 que les autocars à bord desquels on est monté, nous, qui voulions aller en

11 Croatie, et il y avait un autocar de plus qui partait vers la Serbie. Mis à

12 part ce que je vous ai raconté, dans la cour des ambulances, je n'ai pas vu

13 d'autres véhicules. En ville, on n'a pas croisé d'autres véhicules, si ce

14 n'est sur la route vers Negoslavci, près de Negoslavci, on a croisé des

15 véhicules militaires.

16 Q. Merci, Madame Kolesar. Aussi, l'un des derniers détails que je souhaite

17 préciser, vous avez mentionné des personnes en blanc. Vous avez vu que pour

18 la première fois vous aviez rencontré des gens en blanc. Qui était-ce ?

19 Pouvez-vous nous expliquer ce que vous vouliez dire par là ?

20 R. Lorsqu'on dit des gens blancs, c'était ce qu'on appelait un groupe de

21 travail. En fait, on était obligé de prévoir ce type de groupe parce qu'on

22 ne savait comment l'évacuation allait se dérouler. Ou plutôt, c'était des

23 gens qui étaient prêt, puisque comme on a dit, il y avait environ 190

24 blessés qui n'étaient pas mobiles. Ils se tenaient prêts pour transporter

25 des blessés. Voire même, ils auraient pu aider ceux qui étaient mobile

26 théoriquement s'ils avaient un problème. Donc, ils étaient là pour aider au

27 moment de l'évacuation.

28 Q. Bien. Madame Kolesar, je vous remercie.

Page 969

1 Mme TUMA : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

3 Mme TUMA : [interprétation] Avant cela, - excusez-moi, Monsieur le

4 Président, je souhaite demander le versement au dossier du croquis qui a

5 été annoté par Mme Kolesar, et je souhaite verser au dossier à la fois

6 l'original qui ne porte pas d'annotation et celui qui a été annoté par Mme

7 Kolesar.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le --

9 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- croquis qui a été réalisé par Mme

11 Kolesar ainsi que, de manière séparée, le croquis annoté sera versé au

12 dossier.

13 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira des pièces à conviction 48 et

15 49, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kolesar, je m'attends à ce que

17 l'on vous pose d'autres questions. Tout d'abord, ce sera M. Vasic qui vous

18 posera des questions.

19 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez raison.

20 Contre-interrogatoire par M. Vasic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kolesar.

22 R. Bonjour.

23 Q. Je vais me présenter. Pour commencer, je suis l'avocat Vasic, et je

24 défends ici M. Mrksic.

25 R. Bonjour.

26 Q. Avant de commencer l'interrogatoire, je vais vous demander une chose.

27 Nous parlons tous les deux une langue que nous comprenons. Je vais vous

28 demander de faire une petite pause avant de répondre pour que les

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1 interprètes aient le temps d'interpréter à la fin ma question et ensuite

2 votre réponse.

3 R. J'ai compris.

4 Q. Merci. Pour commencer, je vais aborder la fin, c'est là que vous avez

5 terminé la partie de votre déposition, suite aux questions de ma collègue.

6 Vous avez dit que vous êtes arrivés à Zagreb.

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez dit que c'est le 22 novembre que vous êtes arrivés à Zagreb,

9 et que c'est là que vous vous êtes réunis avec vos filles et que vous étiez

10 en compagnie de votre époux.

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si à un moment donné, après votre

13 arrivée à Zagreb, vous avez donné des déclarations aux autorités croates au

14 sujet des événements de Vukovar, des mois d'octobre et novembre 1991 ?

15 R. Ecoutez, je dois vous dire que je ne me souviens pas.

16 Q. Eventuellement, au mois de juin 1992, donc l'année d'après, après votre

17 arrivée à Zagreb, est-ce qu'on vous a invitée à faire une déclaration à M.

18 Loncar Mladen ?

19 R. Loncar Mladen est venu à l'hôpital où je travaillais, et il m'a demandé

20 de faire une déclaration.

21 Q. Cette déclaration concernait les événements qui ont fait l'objet de

22 votre récit aujourd'hui devant cette Chambre ?

23 R. Vraisemblablement.

24 Q. Je vous remercie. Vous souvenez-vous d'avoir fait une déclaration aux

25 enquêteurs du Tribunal de La Haye du bureau du Procureur au sujet des

26 événements dont vous avez parlés aujourd'hui ?

27 R. Nous tous, qui sommes sortis de Vukovar, on nous a invités à faire des

28 dépositions, mais cela ne s'est produit qu'en 1995.

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1 Q. Oui. Je vous remercie. Vous avez raison. Une question de plus à ce

2 sujet, si je puis vous la poser : pour autant que vous le sachiez, votre

3 époux a-t-il, lui aussi, fait une déclaration aux enquêteurs du bureau du

4 Procureur de ce Tribunal ?

5 R. Si, je vous ai dit que nous tous, qui sommes sortis, oui, nous l'avons

6 fait, je suppose que, lui aussi, l'a fait, mais, comme il est décédé, je ne

7 peux pas le vérifier.

8 Q. Je vous remercie, Madame Kolesar. Je vais revenir maintenant à un sujet

9 qui concerne les choses qui ont précédé les événements dont nous avons

10 parlé aujourd'hui. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que Vukovar,

11 avant ces événements, a été une ville pluriethnique où vivaient de concert

12 et en bonne entente des citoyens appartenant à différents groupes

13 ethniques ?

14 R. Je ne peux pas penser autrement que de cette manière-là.

15 Q. Je sais que vous n'avez pas été active dans la vie politique, mais je

16 suppose que vous, comme tous les autres citoyens de l'époque, que vous vous

17 êtes tenue au courant de la situation politique, la situation politique

18 dans votre entourage ?

19 R. Je pense que je ne fais pas partie des gens qui ne s'intéressent pas au

20 monde où ils vivent. Donc, je dois tout d'abord m'informer, dans la mesure

21 où les choses m'intéressent, mais d'autre part, je dépends aussi des

22 informations qui me sont accessibles. Donc les informations que j'ai

23 reçues, ce sont celles qui faisaient l'objet des choses qui

24 m'intéressaient, donc les changements au pouvoir, changements d'Etat, et

25 plein d'autres choses, mais tout cela dans les limites de ce qui

26 m'intéressait personnellement.

27 Q. A votre avis, est-ce qu'il y a eu un changement sur le plan des

28 relations interethniques avant ces premières élections pluripartites qui se

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1 sont tenues en Croatie et où la victoire a été remportée par la Communauté

2 démocratique croate ?

3 R. Je dois dire, je ne sais pas dans quelle mesure vous vous en êtes

4 informé, mais je dois dire qu'à Vukovar, c'est le SDP, ce parti-là, qui l'a

5 emporté. A Vukovar, ce n'est pas le HDZ qui a remporté les élections.

6 Q. Oui, Madame, justement. Cela allait être l'une de mes questions

7 suivantes. Et au niveau de la république ?

8 R. Au niveau de la république, nous savons que c'est le HDZ qui l'a

9 emporté. Donc, ce parti-là avait peut-être -- enfin, je suppose a reçu un

10 certain nombre de voix à Vukovar. C'est vrai. Mais pour autant que je le

11 sache, c'est le SDP qui est sorti vainqueur des élections à Vukovar.

12 Q. Vous avez parfaitement raison. Moi aussi, je pense que c'est le Parti

13 des changements démocratiques qui l'a emporté à Vukovar.

14 R. Mais précisément, je voulais dire qu'à cause de cela, il n'y a eu de

15 changement considérable de situation pour personne à Vukovar. Personne n'a

16 vu son statut changer après.

17 Q. Mais après que le HDZ ait remporté les élections au niveau de la

18 république, est-ce qu'il y a eu des changements de la constitution de la

19 République de Croatie ?

20 R. Ecoutez, si on a permis à la Croatie de faire cela, je suppose que la

21 constitution elle aussi a été changée. Je suppose que cela fait partie de

22 la création d'un nouvel Etat.

23 Q. Savez-vous si, par ces changements constitutionnels, on a vu changer la

24 situation du peuple serbe d'un point de vue constitutionnel également ? En

25 fait, ce n'était plus un peuple constitutif, comme il l'avait été d'après

26 la constitution précédente.

27 R. Je dois dire que je ne sais pas. Je ne peux pas dire --

28 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à soulever une

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1 objection quant à la pertinence de cette question qui porte sur la

2 constitution. Mme Kolesar était une infirmière à l'hôpital. Est-ce qu'elle

3 est en mesure de répondre à des questions qui portent sur la constitution ?

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a deux points là-bas, Madame

5 Tuma. Tout d'abord, la question qui est de savoir si

6 Mme Kolesar peut répondre, et la deuxième question est de savoir quelle est

7 la pertinence de ces questions. Vous avez mentionné les deux. Est-ce que

8 vous voulez dire quelque chose en particulier au sujet de la pertinence ?

9 Mme TUMA : [interprétation] Oui, au sujet de la pertinence, je voulais dire

10 que Mme Kolesar travaillait à l'époque en tant qu'infirmière à l'hôpital.

11 En tant que tel, est-ce qu'elle avait des connaissances quelles qu'elles

12 soient au sujet de la constitution croate ?

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Tuma.

14 M. Vasic, poursuivez et nous saurons rapidement si Mme Kolesar savait

15 quelque chose de la situation constitutionnelle. Si elle ne savait rien,

16 comme Mme Tuma vient de le faire valoir, il n'y a pas à s'obstiner à lui

17 poser des questions là-dessus.

18 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire que je ne suis certainement

20 pas quelqu'un qui s'est appliquée à lire la constitution pour en connaître

21 les détails pour savoir si, oui ou non, ce que vous me demandez s'est

22 produit, ce changement. Cela, je ne saurais pas vous le dire. Donc, je ne

23 me suis pas appliquée à apprendre la constitution. Ce n'est pas quelque

24 chose qui m'intéressait. La nouvelle constitution, je sais qu'elle a été

25 adoptée. C'est cela que je sais.

26 M. VASIC : [interprétation]

27 Q. Merci, Madame.

28 Vous avez dit que lors de ces élections dont nous avons parlé, c'est

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1 le SDP, le Parti du changement démocratique qui a remporté les élections à

2 Vukovar. Pouvez-vous nous dire qui est devenu le président de l'assemblée

3 municipale de Vukovar à l'issue de ces élections ?

4 R. Je pense que le président de l'assemblée municipale était Slavko

5 Dokmanovic. Pour ce qui est des autres personnalités, je ne sais ni qui a

6 été au conseil, ni dans les différents comités. Cela vraiment, je ne le

7 sais pas. Quant à savoir quelle a été la durée de son mandat, je ne le sais

8 pas non plus. Donc, vraiment je ne saurais rien vous dire à ce sujet, car

9 ma position et mon travail n'ont pas changé avec le changement du maire ou

10 le changement dans l'assemblée municipale.

11 Q. Je comprends, Madame Kolesar. Merci de m'avoir répondu.

12 Vous viviez à ce moment-là rue Ivan Goran Kovacic, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Savez-vous qu'à ce moment-là dans votre rue des membres du groupe

16 ethnique croate ont organisé des unités chargées de la défense ?

17 R. Cela, je ne saurais pas. Je ne saurais pas vous le dire, puisque dans

18 mon entourage, je n'ai vu personne porter un uniforme ou faire partie d'une

19 organisation quelle qu'elle soit. Or, je passais tous les jours dans ma

20 rue, donc, j'ignore que quoi que ce soit de ce genre. Personne ne m'a

21 jamais arrêté. Je n'ai pas croisé non plus des visages inconnus, des gens

22 qui ne seraient pas normalement des résidents dans cette rue.

23 Q. Mais votre mari, n'était-il pas lui membre d'un de ces groupes chargés

24 de la défense, qui n'était pas armé mais qui était mis sur pied comme un

25 groupe, enfin de la défense dans votre rue ?

26 R. Non, mon cher Monsieur.

27 Q. N'avez-vous jamais parlé avec votre mari de la déclaration qu'il a

28 donnée aux enquêteurs du bureau du Procureur de La Haye ?

Page 975

1 R. Non. Il ne m'a pas parlé de sa déclaration, tout comme je ne lui ai pas

2 parlé de la mienne. On n'a pas échangé des informations sur nos

3 déclarations.

4 Q. Vous n'en avez jamais parlées entre vous ?

5 R. Non.

6 Q. Mais vous savez qu'il est parti à un moment faire cette déclaration ?

7 R. Mais nous sommes partis ensemble.

8 Q. Votre époux, il s'appelait Mihajlo ?

9 R. Oui.

10 Est-ce que je peux poser une question ? Mon époux est décédé. Il est mort.

11 Est-ce qu'il peut ne pas faire l'objet des débats dans cette affaire ou de

12 vos questions ?

13 Q. Oui, Madame.

14 R. Je vous en prie, s'il vous plaît. Cela fait quatre ans qu'il est

15 décédé. Epargnez-moi les questions qui concernent mon époux, si cela est

16 possible.

17 Q. Je vous présente mes condoléances. Je vous ai posé une question parce

18 que j'ai pensé que vous pouviez répondre à cela. Par la suite, je vous ai

19 posé d'autres questions, parce qu'il a fallu que je vérifie cela, parce que

20 vous m'avez dit que vous ne saviez pas me répondre. Donc, je ne vais plus

21 vous poser des questions qui pourraient faire revenir des souvenirs

22 douloureux à moins que ce soit absolument nécessaire dans le cadre de ce

23 procès.

24 Vous nous avez dit que vous étiez infirmière en chef du secteur de

25 chirurgie du centre hospitalier de Vukovar pendant la période qui nous

26 intéresse ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez parlé de la composition pluriethnique des employées de

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1 l'hôpital. Pouvez-vous nous préciser comment cela se présentait ?

2 R. Très exactement, quel a été le nombre des Croates ou des Serbes; cela

3 je ne pourrais pas vous donner des chiffres précis, car je ne me suis

4 jamais intéressée aux statistiques. Il y a tant de Serbes, tant de Croates,

5 et cetera. Nous avons tous travaillé ensemble. Ce genre de liste, d'après

6 moi, n'a jamais été nécessaire, du moins dans mon domaine des compétences.

7 Q. A un moment donné, après les événements de Borovo Selo, avez-vous

8 remarqué les médecins et les infirmières d'appartenance serbe quittant

9 leurs postes et qu'ils redoutaient le retour des Oustachi qui allaient les

10 égorger ?

11 R. Après Borovo Selo, moi-même, je ne me suis trouvée ni à Brsadin, ni à

12 Trpinja, ni à Borovo Selo. D'après la déclaration des personnes qui

13 auraient pu se rendre au travail, donc qui était employées de manière

14 régulière, il s'est avéré qu'ils n'étaient pas en mesure de se rendre au

15 travail parce qu'il y avait des barrages dressés dans ces villages.

16 Vous savez, il y a eu une telle propagande et je vous parle là des

17 histoires qu'ils nous ont racontées, eux, donc, qu'il fallait qu'ils

18 quittent leurs villages, qu'il fallait qu'ils trouvent une justification

19 pour ne pas se trouver au travail parce que si on ne se rend pas au travail

20 pendant plusieurs jours, il faut bien le justifier et chacun d'entre eux

21 voulait garder son emploi. Donc, ils ont cherché des justifications.

22 Certaines de ces personnes sont venues, d'autres non. Certaines ont dit

23 qu'il y avait des barrages, qu'elles ne pouvaient pas passer. D'autres

24 disaient qu'elles pouvaient venir.

25 Ce que je dois vous dire c'est que même jusqu'au 20 novembre, il y

26 avait au moins une trentaine d'infirmières d'appartenance serbe à l'hôpital

27 qui ont fait exactement le même travail que nous et qui ont travaillé avec

28 nous.

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1 Q. Madame, avez-vous dit dans votre déclaration que vous avez donnée aux

2 enquêteurs du Tribunal de La Haye, qu'après l'assassinat des policiers

3 croates de Borovo Selo, le 2 mai 1991, des médecins et des infirmières

4 d'appartenance serbe ont commencé à abandonner leurs postes à l'hôpital en

5 disant qu'ils redoutaient le retour des Oustachi qui allaient les tuer ?

6 R. J'affirme que j'ai relaté les propos des personnes qui se justifiaient,

7 qui cherchaient à justifier leur absence au travail. Donc, il s'agit des

8 propos des personnes qui cherchaient à se justifier parce qu'ils ne

9 pouvaient pas se rendre régulièrement au travail. J'ai transmis ces propos

10 parce que c'est ce que j'ai entendu, que ce soit par téléphone ou lorsque

11 ces gens nous disaient, je ne peux pas venir au travail.

12 Alors, quant à savoir ce qu'elles ont entendu, elles, dans leurs localités

13 respectives et ce qu'on leur a dit à elles, cela, je ne peux pas vous le

14 dire.

15 Q. Mais c'était précisément ce que je viens de vous lire.

16 R. Ce sont les déclarations des personnes qui redoutaient de perdre leur

17 poste et qui voulaient se justifier parce qu'ils ne pouvaient pas venir au

18 travail. Cela, ce sont leurs déclarations; donc, il vaut mieux leur poser

19 la question à elles.

20 Q. Merci. D'accord. Donc, après le 2 mai 1991, les patients d'appartenance

21 serbe, eux aussi, est-ce qu'ils ont cessé de se rendre au centre

22 hospitalier de Vukovar dans les mêmes proportions qui ont été celles

23 d'avant ?

24 R. Ecoutez, je vais vous reposer une question pour vous répondre. Si vous

25 aviez habité, vous, à Borovo Selo, et s'il y avait un barrage là-bas et si

26 la personne qui tient le barrage ne vous laisse pas passer, comment auriez-

27 vous atteint l'hôpital ?

28 Mme TUMA : [interprétation] [hors micro]

Page 978

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma.

2 Mme TUMA : [interprétation] Merci. Il est question du mois de mai 1992,

3 ligne 20. Il est dit : vers le mois de mai 1992.

4 M. VASIC : [interprétation] Je peux reposer ma question. Il s'agit de

5 l'année 1991, je pense.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Tuma. Merci, Monsieur

7 Vasic. Moi-même, j'ai compris que c'était l'année 1991, mais peut-être

8 j'étais simplement en train d'anticiper vos propres pensées.

9 M. VASIC : [interprétation] On vient de corriger cela. Je vous remercie,

10 Monsieur le Président.

11 Q. Vous pensez que la seule raison pour laquelle il y a eu moins de

12 patients civils serbes au centre hospitalier de Vukovar c'était parce qu'il

13 y a eu des barrages.

14 R. Mais qu'est-ce que cela aurait pu être d'autre ? Ecoutez, à l'hôpital,

15 précisément, au service de chirurgie, il y avait des médecins serbes. Donc,

16 je ne vois pas pourquoi les gens auraient eu peur de qui à l'hôpital. Vous

17 ne me posez pas la question, mais je vais vous le dire.

18 La chirurgie devait nécessairement recevoir occasionnellement des blessés

19 et, bien entendu, la police devait assurer la sécurité de la chirurgie.

20 Mais dans les autres ailes ou parties de l'hôpital, il n'y avait aucune

21 garde ou rien de ce genre. Il doit y avoir une règle - je ne peux pas vous

22 dire d'après quelle règle - mais si nous recevons des blessés, il faut bien

23 qu'ils soient surveillés ou gardés par la police. Donc, nous travaillions

24 normalement, mais quand il y avait des blessés, la police devait être

25 présente pour monter la garde.

26 Q. Je suppose que ces gardes étaient armés.

27 R. Je ne peux pas vous dire s'il y avait des personnes au service de

28 chirurgie qui portaient des armes. Je pense que ce n'était pas nécessaire.

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1 Leur présence était bien suffisante.

2 Q. Je vous remercie. Vous avez parlé de barrages routiers qui empêchaient

3 les patients d'arriver à l'hôpital. Est-ce que ces barrages routiers

4 étaient érigés par les deux parties à l'époque, par les Serbes qui étaient

5 en majorité et par les Croates également ? Qu'en est-il de Borovo Naselje ?

6 R. Je dois dire que, personnellement, je n'ai jamais vu de barrage

7 routier, que ce soit à Borovo Naselje, que ce soit à Boro, que ce soit à

8 Brsadin ou à Trpinja, ou à d'autres endroits car je n'allais nulle part. Au

9 mois de juillet, j'ai dû aller à Vinkovci. J'ai traversé Bogdanovci,

10 Marinci et Nustar, et il n'y avait pas de barrages routiers le long de

11 cette route. Je ne suis allée à aucun autre endroit, même pas Borovo

12 Naselje. Je n'avais pas besoin d'y aller. C'était aussi simple. Je ne peux

13 même pas vous décrire un barrage routier, encore moins vous expliquer

14 comment on érige un barrage routier.

15 Q. Je vous remercie. Qu'en est-il du ministère de la Santé de la

16 république de Croatie juste après les événements du 2 mai dont nous venons

17 de parler ? Est-ce que le ministère a donné l'ordre de mettre en place une

18 cellule de Crise au centre hospitalier de Vukovar ? Vous en avez parlé,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact. C'était sans doute juste après. Le service de

21 chirurgie n'était pas suffisamment préparé pour admettre tous les blessés,

22 et selon moi, c'était nécessaire. Je ne peux pas vous dire si un ordre

23 était donné par le ministère de la Santé car je l'ignore, mais ce que je

24 sais, c'est qu'une cellule de Crise a été mise en place. Cette cellule de

25 Crise avait pour tâche de préparer l'hôpital en vue d'attaques éventuelles.

26 Il fallait déplacer les blessés vers l'abri antiatomique.

27 Q. Conviendrez-vous avec moi qu'à l'époque où cette décision a été prise

28 et appliquée, il n'y avait pas encore d'affrontement armé. Les soldats se

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1 trouvaient cantonnés dans les casernes. Les tensions étaient fortes entre

2 les groupes ethniques, mais il n'y avait pas de conflit armé après le 2

3 mai.

4 R. Je ne suis pas d'accord avec vous sur un point. Il est inexact de dire

5 qu'il n'y avait pas de soldats. Je vous dis cela en tant que simple

6 citoyenne qui revenait de son travail le soir et voyait des véhicules

7 militaires, des véhicules blindés de transport de troupes qui se

8 déplaçaient.

9 J'avais l'impression que ces véhicules se dirigeaient vers Borovo,

10 Trpinja ou Brsadin ou tout autre endroit situé dans cette région. Nous

11 voyions beaucoup de ce type de véhicules à l'époque en ville, mais comme

12 vous l'avez dit, il n'y avait pas d'affrontement particulier à ce moment-

13 là.

14 Q. Des préparatifs étaient menés à l'hôpital, vous avez déclaré que ces

15 préparatifs concernaient uniquement une éventualité, ce qui pourrait se

16 passer, mais que cela n'a pas contribué à aggraver les tensions ?

17 R. Un conflit ne peut pas s'accentuer l'hôpital. Mis à l'extérieur,

18 lorsque les tensions se sont accrues, l'hôpital devait être prêt pour

19 toutes les éventualités. Nous ne savions pas ce qui allait se passer et il

20 ne fallait pas qu'il soit trop tard pour faire quelque chose. Donc, nous

21 avons voulu nous préparer en temps voulu.

22 Q. Merci. Vous avez parlé des membres du MUP qui avaient été blessés et de

23 leurs collègues qui étaient chargés de la sécurité de l'hôpital. Qu'en est-

24 il de la présence de ces membres du MUP ? Est-ce que cela n'a pas perturbé

25 les Serbes de l'hôpital, notamment, après les événements du 2 mai ?

26 R. Je ne pense pas. Il s'agissait également d'habitants de Vukovar, et je

27 pense que les Serbes de Vukovar connaissaient ces gens. Je ne pense pas que

28 quiconque ait eu peur d'eux, et leur comportement à l'hôpital n'était pas

Page 981

1 source d'inquiétude. Ils se conduisaient de façon tout à fait normale et il

2 n'y avait aucune raison pour qu'il se comporte différemment.

3 Q. A ce moment-là, des changements sont intervenus au sein du ministère de

4 la Santé de la République de Croatie, de nombreux Croates ont été recrutés;

5 le savez-vous ?

6 R. Je sais toutes sortes de choses mais ce n'est pas quelque chose dont

7 j'ai entendu parler.

8 Q. Connaissez-vous un dénommé Tomislav Mercep ?

9 R. Oui. Dans une autre vie, en quelque sorte, il travaillait pour Borovski

10 Gradjevina. C'est une entreprise de bâtiments. Il y avait très peu de

11 personnes qui ne le connaissait pas.

12 Q. A un moment-là, est-il devenu secrétaire au sein du secrétariat de la

13 Défense ?

14 R. Probablement, mais je n'y suis pas allée moi-même car c'était inutile.

15 Je suppose que c'était le cas.

16 Q. Est-ce que M. Mercep était généralement connu à Vukovar ?

17 R. Comme je vous l'ai dit, je connaissais cet homme et ce qu'il faisait

18 dans sa vie civile. Ce qui s'est passé par la suite, où il est allé, je

19 l'ignore. Nos métiers n'avaient absolument rien à voir, donc, je n'étais

20 pas en mesure de suivre son évolution.

21 Q. Au cours de votre séjour à Vukovar, à l'été et à l'automne 1991, est-il

22 arrivé que vous ou des membres de votre famille aient besoin de quitter

23 Vukovar ?

24 R. Non. Comme je vous l'ai dit, je suis allée une fois à Vinkovci dans une

25 voiture privée.

26 Q. Savez-vous --

27 R. Mais je ne suis allée nulle part ailleurs. Je ne sais pas s'il était

28 nécessaire d'avoir une autorisation pour quitter la ville, mais je n'avais

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1 pas besoin d'en demander une. Je ne sais même pas à quoi ressemblait une

2 autorisation ni à quoi elle servait.

3 Q. Est-ce que vous avez appris que des personnes ont demandé de telles

4 autorisations et en ont obtenues, de l'affirmative, de qui ?

5 R. Il y avait des rumeurs concernant des soldats croates qui venaient en

6 ville pour égorger des gens. Il y avait toutes sortes de rumeurs qui

7 circulaient. J'ai entendu des rumeurs également au sujet de ces

8 autorisations, de ces laissez-passer. Je ne peux pas répondre à votre

9 question car je ne sais pas qui aurait empêcher les gens de quitter la

10 ville, je ne sais pas cela.

11 Q. Qu'en est-il du mois de mai 1992 ? Est-ce que vous écoutiez radio

12 Vukovar ?

13 R. A l'époque, oui, et je l'écoute encore.

14 Q. Est-ce que vous savez qu'en 1991, le nom de cette station radio a été

15 changé ?

16 R. Je ne sais pas. Je ne saurais pas vous le dire. Je ne peux pas répondre

17 par la négative non plus. Je l'ignore.

18 Q. Savez-vous si le directeur de cette station radio a été remplacé ?

19 R. Je ne sais pas cela non plus.

20 Q. Ma consoeur, dans le cadre de votre interrogatoire principal a posé une

21 question au sujet de M. Rade Popovic qui a été remplacé par Mme Vesna

22 Bosanac qui a été nommée par le conseil des employés. Elle est devenue chef

23 de la cellule de Crise, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui, mais il en va de même pour M. Popovic avant elle parce que la

26 cellule de Crise a été mise en place alors qu'il était encore là.

27 Q. Elle a poursuivi les préparatifs commencés au mois de mai ?

28 R. Oui, tout à fait.

Page 983

1 Q. Est-ce que son mari a fait la même chose pour ce qui est des

2 préparatifs à Borovo Komerc ? Est-ce que vous le savez ?

3 R. Il était ingénieur du génie civil. Il travaillait à l'entreprise de

4 bâtiments de Borovo, mais je ne sais rien au sujet de ses fonctions.

5 Q. Je m'excuse, je ménage une pause car je viens de me rendre compte qu'il

6 n'y a pas de pause entre les questions et les réponses, et ceci entraîne

7 une certaine confusion dans le compte rendu d'audience. Est-ce que vous

8 savez que dans certaines parties de Vukovar, en juin et en juillet 1991,

9 des engins explosifs ont été posés dans des appartements dont les

10 propriétaires étaient Serbes ?

11 R. En tant que citoyenne de Vukovar, j'aurais certainement entendu les

12 explosions si des kiosques, des appartements ont été visés, c'est possible

13 mais je n'en ai pas connaissance. Si l'explosion est suffisamment violente,

14 je suppose qu'on l'entend. Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire.

15 Q. Mais vous n'avez pas entendu d'histoires, de rumeurs au sujet de ces

16 appartements ?

17 R. Non.

18 Q. Qu'en est-il de Borovo Naselje en juillet 1991 ? Avez-vous entendu dire

19 que les Serbes de souche étaient chassés de la région par des membres du

20 Corps de la Garde nationale ?

21 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela.

22 Q. Merci. Savez-vous que l'armée était cantonnée dans la caserne de

23 Vukovar bien avant les événements dont nous parlons ?

24 R. Oui, la caserne était toujours là, mais combien de soldats y étaient

25 cantonnés ou quel a été le rôle joué par cette caserne, je ne sais pas. Je

26 ne peux pas en parler.

27 Q. Savez-vous qu'à l'été 1991, le Corps de la garde nationale a assiégé la

28 caserne ?

Page 984

1 R. Je ne sais rien à ce sujet. Je ne vois pas pourquoi j'aurais dû

2 m'intéresser à la question.

3 Q. La caserne se trouve dans la ville de Vukovar, donc je pensais que vous

4 auriez pu apprendre quelque chose à ce sujet.

5 R. Vous avez tout à fait raison, la caserne est dans la ville de Vukovar.

6 Mais pourquoi cela m'aurait intéressé, que ce soit bloqué, encerclé par

7 quelqu'un, cela ne faisait aucune différence dans ma vie que je le sache ou

8 non.

9 Q. N'avez-vous jamais entendu parler du Corps de la garde nationale ?

10 R. Oui. Bien entendu.

11 Q. Le Corps de la Garde nationale a été mis sur pied sous les auspices de

12 quel parti politique, le savez-vous ?

13 R. Je n'en ai aucune idée.

14 Q. Qu'en est-il de ses membres ? A quel groupe ethnique appartenaient-

15 ils ?

16 R. Je connaissais certains des membres de la Garde nationale qui étaient

17 des Serbes. Peut-être qu'ils étaient en minorité, et que la plupart étaient

18 des Croates, si c'est sur cela que portait votre question.

19 Q. Savez-vous qu'à un moment donné à Vukovar, le président légalement élu

20 du conseil municipal a été remplacé par le commissaire gouvernemental de

21 Croatie ?

22 R. Oui, je sais que le commissaire gouvernemental a été nommé. Je ne sais

23 pas quand exactement. Je le connaissais personnellement, car il était à

24 l'école avec mes enfants. C'est comme cela que je l'ai appris, mais je ne

25 sais absolument pas comment il a été nommé, ni pourquoi.

26 Q. Pouvez-vous nous dire à quel parti politique il appartenait ?

27 R. Non, je ne sais pas.

28 Q. Savez-vous qu'à un moment donné, l'électricité et l'eau ont été coupées

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1 à la caserne, ainsi que les lignes téléphoniques, suite à quoi la caserne a

2 été attaquée par le Corps de la Garde nationale ? Cela s'est passé à

3 Vukovar. Donc, je me suis dit que peut-être vous auriez des informations à

4 ce sujet.

5 R. Oui. Cela s'est peut-être passé à Vukovar, mais pourquoi est-ce que je

6 me serais intéressé à cela ? J'ai entendu toute sorte d'histoires. Mais

7 cela ne changeait absolument rien à ma vie.

8 Est-ce que cela s'est passé ? Quand ? Ce n'est pas quelque chose au sujet

9 duquel je pourrais vous apporter des précisions, pas plus que sur

10 l'identité des personnes qui ont attaqué la caserne.

11 Q. Merci. Je suppose que vous ne savez pas si ces événements se sont

12 produits avant l'intervention de la JNA.

13 R. Je ne sais pas du tout de quoi vous parlez.

14 Q. Je vous parle de l'attaque menée contre la caserne. Est-ce que cela

15 s'est passé avant l'intervention de la JNA, ou après celle-ci ? Je suppose

16 que vous ne le savez pas, puisque vous avez déclaré, ignoré qui avait lancé

17 cette attaque.

18 R. Vous devez penser que mes capacités mentales sont limitées, mais je ne

19 sais pas du tout ce que vous me demandez. Quelle attaque ? Contre la

20 caserne ?

21 Q. Je vous demande si l'attaque contre la caserne a été lancée avant

22 l'intervention de la JNA à Vukovar.

23 R. Pour moi, le 25 août est le début de l'agression contre Vukovar. Est-ce

24 que vous voulez parler de la période avant cette date ? Si c'est le cas, je

25 ne peux pas en parler.

26 M. VASIC : [interprétation] Peut-être que le moment est bien choisi pour

27 faire la pause.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Maître Vasic. Nous

Page 986

1 reprendrons nos travaux à 17 heures 45.

2 --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.

3 --- L'audience est reprise à 17 heures 47.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

5 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Je voudrais qu'on revienne au mois d'août 1991. Du mois d'août jusqu'au

7 18 novembre 1991, est-ce que vous avez écrit les noms des personnes

8 blessées qui arrivaient dans les trois cahiers de notes qui étaient comme

9 archives de l'hôpital ?

10 R. Tous les blessés devaient être enregistrés dans le registre officiel

11 des entrées. Il fallait noter tout ce qui concernait leur identité et les

12 diagnostiques, et tout ce qui devait être enregistré. De plus, s'ils

13 devaient avoir des soins chirurgicaux, cela devait être également consigné

14 par écrit et s'il y avait de l'anesthésie, il fallait également le noter de

15 même que si on leur mettait un plâtre de façon à faciliter notre tâche.

16 Nous avons établi, nous avons choisi de prendre ces cahiers de sorte que si

17 quelqu'un venait d'une autre partie de la ville pour poser des questions,

18 pour savoir si une personne était entrée à l'hôpital, il fallait que nous

19 ayons des listes sur des cahiers à portée de la main de façon à ne pas être

20 obligée d'aller chercher le grand registre à chaque fois. C'est ce qu'on

21 appelait les livres auxiliaires que nous gardions près de nous de façon à

22 pouvoir répondre à toutes questions qui nous seraient posées. Donc tous les

23 renseignements concernant les blessés étaient consignés dans plusieurs

24 registres ou livres.

25 Q. Donc, vous notiez tous ces renseignements dans chacun de ces cahiers.

26 R. Oui, c'est cela. A partir des grands registres, ceci dans les autres

27 cahiers.

28 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les éléments qui étaient notés

Page 987

1 dans ces cahiers ?

2 R. Tout ce qui présentait une importance pour une personne particulière,

3 tout ce qui aurait permis de l'identifier le mieux, savoir de qui il

4 s'agissait. Par exemple, nom, résidence, adresse, date de naissance, lieu

5 de naissance, alors si la personne était civile ou de la police, par

6 exemple, et ainsi de suite. Si quelqu'un de la police venait pour poser des

7 questions, nous pouvions donner tous les renseignements voulus.

8 Q. Donc, vous notiez également si la personne était membre de la ZNG ou de

9 la JNA ?

10 R. Absolument.

11 Q. Est-ce que vous avez également enregistré les diagnostiques ou les

12 blessures ?

13 R. Bien sûr. Il n'y a pas d'autres raisons pour lesquelles on aurait eu

14 besoin d'enregistrer les renseignements parce que la question des

15 diagnostiques c'est une partie essentielle. Sans diagnostique, il ne peut

16 pas y avoir de blessures.

17 Q. Oui, absolument. Je suis d'accord avec vous. C'est simplement que vous

18 avez omis de mentionner cela dans votre réponse.

19 R. Excusez-moi.

20 Q. Si vous aviez ces cahiers avec vous, vous étiez en mesure de fournir

21 tous les renseignements concernant tel ou tel patient qu'il se soit agi

22 d'un membre de la ZGN, de la JNA, ou des forces de police, le nom, les

23 détails, ainsi de suite.

24 R. Oui. Mais je pense que quelqu'un devait nous rendre ces cahiers parce

25 qu'ils étaient extrêmement important pour nous d'avoir tous ces

26 renseignements concernant les blessés, et nos médecins, à ce moment-là,

27 pourraient utiliser ces notes pour ce qu'ils avaient à faire, afin que les

28 choses soient parfaitement claires sur ce qui se passait.

Page 988

1 Q. Vous avez dit que le 17 novembre les opérations de combat ont cessé.

2 Sommes-nous bien d'accord qu'après cela, il n'y a eu aucun patient admis à

3 l'hôpital après ce jour-là, à cette date ?

4 R. Il n'y a pas eu de nouveaux blessés admis. Toutefois, les personnes qui

5 avaient besoin qu'on refasse des pansements ou des bandages de leurs

6 blessures sont venues à l'hôpital pour recevoir des soins.

7 Q. En commençant le contre-interrogatoire, je vous ai posé des questions

8 concernant votre déclaration faite à Zagreb à M. Mladen Loncar. Dans cette

9 déclaration, est-ce que vous avez dit que le jour de l'évacuation, il y

10 avait au total de 100 -- ou 290 patients et blessés, 190 étaient ceux qui

11 disposaient de lit, et les 100 étaient ceux qui étaient encore incapables

12 de se mouvoir, de marcher.

13 R. Je ne suis pas en mesure de me rappeler ce fait. Je ne peux pas vous le

14 confirmer. C'est quelque chose que j'ai dit sur la base de mes souvenirs.

15 Mais le fait est que nous estimions que le jour de la chute de Vukovar, il

16 y avait environ 400 blessés dans l'hôpital.

17 Q. Hier, vous avez dit qu'au sein de ces 400, vous comptiez aussi des

18 bébés nouveau-nés, et ainsi de suite.

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Donc ce nombre représente à la fois les blessés et les malades. C'est

21 pour cela que je vous demande s'il est possible qu'il y ait eu 290 blessés.

22 C'est le chiffre que vous avez donné à Zagreb.

23 R. Il y avait environ 400 personnes en tout. Je sais que nous avions 14

24 nouveau-nés -- 40 nouveau-nés. Je ne sais pas combien il y avait de femmes

25 enceintes, nous avions également des personnes qui se trouvaient dans la

26 section des maladies internes et ainsi de suite. Il fallait donc que l'on

27 consulte tout cela et le nombre de blessés, le nombre de patients.

28 Q. Est-ce que vous vous rappelez cette déclaration que vous avez

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1 faite à Zagreb ? Vous vous rappelez avoir dit cela ?

2 R. Je ne peux pas me rappeler le chiffre que j'ai donné mais comment

3 voulez-vous que je me rappelle cela au bout de 14 ans ? J'ai probablement

4 donné un chiffre que nous utilisions pour nos évaluations, mais je ne suis

5 pas capable de confirmer un chiffre que vous venez d'évoquer maintenant.

6 Q. Vous rappelez-vous avoir parlé de ceci à Zagreb avec

7 M. Loncar, ce chiffre total ?

8 R. Je suis sûre que nous avons parlé de tous les événements à Vukovar. Je

9 n'étais pas la seule personne qui était capable de citer ce chiffre. Il y

10 en a eu plusieurs d'entre nous, qui connaissions ce chiffre. Maintenant,

11 que 14 ans sont passés, 14 années sont passées, il est difficile de savoir

12 si c'est exactement ce qui était la situation. Ceux qui sont capables de le

13 dire seraient vraiment très rares.

14 Q. Voulez-vous que je vous montre votre déclaration ?

15 R. Non, ce n'est pas nécessaire. Qu'en ferais-je ? Je ne soutiens pas

16 avoir dit cela. Je ne l'affirme pas. Maintenant, quant à savoir à quel

17 point ce chiffre est exact, c'est difficile à dire.

18 Q. Je vous remercie.

19 R. Je ne dis pas que je ne l'ai pas dit.

20 Q. Merci. Je voudrais maintenant vous poser une question qui a trait aux

21 patients qui se trouvaient à l'hôpital et à l'évacuation. Vous avez dit

22 qu'en octobre 1991, un convoi a été organisé par Médecins sans frontières

23 qui a emmené 112 patients.

24 R. Oui, 112.

25 Q. Bien. Donc, 112 patients ont été évacués de l'hôpital de Vukovar. Est-

26 ce que vous connaissez le nom d'Ivan Zivkovic ? C'était un soldat qui a

27 reçu des soins dans votre hôpital.

28 R. Non. Il ne m'est pas familier.

Page 990

1 Q. Est-ce que vous savez s'il faisait partie du convoi qui a quitté

2 Vukovar et qui est allé à Vinkovci ?

3 R. Je ne me rappelle pas ce nom sur la liste. Et pourquoi qu'il y en avait

4 112 de personnes ? J'ai reçu ces renseignements par la suite de celui qui à

5 l'époque était l'officier de la JNA, étant officier de liaison escortant le

6 convoi. Peut-être à un moment donné, en 1995 ou 1996, il m'a apporté la

7 liste de noms, liste qu'il avait dressée personnellement. C'était un

8 officier de la JNA. C'est pour cela que je connais le chiffre exact. Si

9 j'avais su que vous étiez intéressée par les noms, j'aurais pris la liste

10 avec moi.

11 Q. Vous mentionnez cette liste. Est-ce que vous l'avez apportée à La

12 Haye ?

13 R. Non. Qu'en aurais-je fait ici ?

14 Q. Pourriez-vous nous dire qui était l'officier qui vous a donné cette

15 liste ? Est-ce que c'était quelqu'un des services médicaux ?

16 R. Je ne sais pas. Pendant longtemps je n'ai même pas connu son nom, mais

17 il m'a appelé au téléphone, m'a donné son nom. Il avait quitté la JNA dans

18 l'intervalle. Il avait une maîtrise en économie et a une société privée

19 qu'il dirige. Je ne sais pas comme cela quel est son nom.

20 Q. Si vous savez son nom, nous pourrons aller à huis clos partiel.

21 R. Je ne sais pas son nom. Je ne le sais pas par cœur. C'est très

22 difficile de se rappeler toutes ces choses. Pourquoi est-ce que

23 j'essaierais de me les rappeler si je peux les écrire ?

24 Q. Où avez-vous tous ces renseignements ? Dans votre maison, chez vous ?

25 R. Pourquoi est-ce que vous êtes intéressé par cela ?

26 Q. Je voudrais savoir à quel moment vous pourriez nous apporter cela ?

27 R. Si vous concluez votre interrogatoire ce soir et que je rentre chez moi

28 demain, je serais en mesure de vous le fournir après-demain.

Page 991

1 Q. Je vous remercie. Revenons-en au soldat Ivan Zivkovic. Il était blessé

2 et il a reçu des soins d'hôpital qui était gardé par les ZNG. Vous êtes au

3 courant, n'est-ce pas ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

4 R. Non. Il n'y avait pas une seule personne blessée d'un groupe ethnique

5 qui fut gardée par qui que ce soit. Il n'y a pas eu d'exemples de ce genre.

6 Q. Connaissez-vous le nom du soldat Sasa Jovic qui a été un patient dans

7 votre hôpital ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce qu'il se trouvait là avec deux autres membres de la JNA à

10 l'hôpital ?

11 R. Oui.

12 Q. Jusqu'au 19 novembre, ont-ils été gardés par Damir Samardzic connu sous

13 le nom de Veliki, membre de la ZNG ?

14 R. C'est possible, mais je n'en ai pas connaissance. Je connais

15 l'infirmière qui s'est occupée d'eux. Quant à savoir qui les gardait, je ne

16 sais pas. Je ne crois pas qu'il était nécessaire que quiconque les garde.

17 Si quelqu'un avait été désigné pour les garder, ce n'était pas mon affaire.

18 Je m'occupais des questions de soins infirmiers.

19 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était l'infirmière qui s'est occupée

20 d'eux ?

21 R. C'était l'infirmière Ilonka Novak [phon].

22 Q. N'avez-vous jamais vu des membres de la ZNG garder des blessés ?

23 R. Non. Aucun soldat n'était là seul, donc ils ne pouvaient pas garder une

24 seule personne. Il aurait fallu qu'ils gardent tout le monde. Donc, s'il y

25 avait une personne là, c'était quelqu'un qui gardait tout le monde, tous

26 ceux qui se trouvaient là.

27 Q. Ces trois soldats, Jovic, Sasa et les deux autres, est-ce qu'on les a

28 gardés séparément ? Est-ce qu'on les a mis dans des pièces distinctes

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1 gardées par Dvor Samardzic ?

2 R. Ils avaient effectivement leur propre chambre. Ils avaient beaucoup de

3 chance de l'avoir. Nous étions en mesure de leur donner à chacun une

4 chambre. Pas parce que quelqu'un devait les garder, mais pour qu'ils

5 puissent être tranquilles, pour qu'ils puissent avoir un environnement

6 calme et qu'une infirmière s'occupe d'eux. Ils n'ont pas été placés dans

7 telle ou telle pièce pour les isoler.

8 Ce que je peux vous dire, c'est que la pièce dans laquelle ils se

9 trouvaient avait été touchée par un obus et détruite. Heureusement, on les

10 avait sortis de cette pièce. Puis, cette pièce a reçu un deuxième obus. Un

11 autre obus a atterri dans la pièce, et heureusement ils ne s'y trouvaient

12 pas. Le reste du temps ils l'ont passé ensemble avec tous les autres

13 patients jusqu'au 18 novembre. Ils pouvaient fumer les mêmes cigarettes que

14 les autres et ils se trouvaient dans des situations beaucoup moins

15 confortables.

16 Q. Est-ce qu'il y a eu une sorte de groupe serbe accusé de tout ce qui se

17 passait là ?

18 R. Non, personne n'était accusé. Mais si un obus atterrissait plusieurs

19 fois au même endroit, alors naturellement les gens commençaient à se

20 demander si quelqu'un était en train de fournir des renseignements.

21 Q. Qui constituait ce lobby ou ce groupe serbe ? Qui représentait le lobby

22 serbe dans l'hôpital ?

23 R. Je ne pense pas qu'il y ait eu de lobby ou de groupe serbe. Nous avions

24 simplement des membres du personnel qui étaient serbes.

25 Q. Donc, ces soupçons que vous aviez étaient erronés, étaient faux ?

26 R. Je ne peux pas dire qu'il y ait eu des soupçons. Rien de ce genre

27 n'était organisé. Cela aurait pu être un croate qui informait à ce sujet.

28 Et oui, je peux avoir des soupçons, mais je ne peux pas le prouver.

Page 993

1 Q. Le nom du soldat Slavomir Bestin [phon] et Milan Biber vous sont-ils

2 connus ? Ils ont été admis à l'hôpital le 25 août ?

3 R. Je ne peux pas dire que ces personnes n'ont pas été admises, mais vous

4 ne pouvez quand même pas vous attendre à ce que je me rappelle toutes les

5 personnes. Je ne peux pas dire si elles faisaient partie des blessés.

6 Q. Pourriez-vous nous dire combien de membres de la JNA ont été blessés et

7 admis à l'hôpital de Vukovar ?

8 R. Je ne suis pas en mesure de vous donner un chiffre exact. Je peux

9 simplement me rappeler ceux qui sont restés plus longtemps à l'hôpital; par

10 exemple, les trois noms que vous avez mentionnés. Nous avions davantage de

11 contacts avec eux. Ceux qui passaient seulement une journée, je ne m'en

12 souviens pas. Je n'ai pas de notes particulières concernant ceux de la JNA.

13 Je ne crois pas que quelqu'un gardait des notes spéciales à ce sujet.

14 Q. Ces soldats qui ont passé seulement une journée à l'hôpital, qu'est-ce

15 qu'il leur est arrivé par la suite ?

16 R. Je suppose que vous me posez des questions concernant ceux qui ont été

17 blessés le 25. Les blessés qui ont été admises à l'époque, ils ont peut-

18 être été évacués ou peut-être l'armée est venue les chercher ou peut-être

19 ont-ils été amenés à l'hôpital à Vinkovci, si leurs blessures justifiaient

20 cela.

21 Q. Peut-être ont-ils été amenés à Zagreb ?

22 R. Peut-être pas aussi loin que cela. Il est probable qu'ils ont été

23 amenés à l'hôpital le plus proche, où alors là on pouvait décider ce qu'il

24 fallait faire les concernant.

25 Q. J'attends qu'on ait fini d'interpréter pour pouvoir vous en parler.

26 R. Oui.

27 Q. Le nom du soldat Nedeljko Turekalo [phon] vous êtes-il connu ?

28 R. Non.

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1 Q. Bien. Vous ne vous souvenez pas de ce soldat ? Je vais vous poser des

2 questions sur ceux dont vous souvenez; Jovic, Sasa et les deux autres.

3 R. Est-ce que je peux poser une question ? Comment peut-on s'attendre à ce

4 que quelqu'un se rappelle si bien des noms ? Je peux me rappeler le nom

5 d'une personne que j'ai connue par le passé. Oui, cela, je m'en

6 souviendrais de ce nom. Mais quelqu'un que je vois pour la première fois,

7 c'est très difficile de se rappeler son nom pendant longtemps,

8 indépendamment de savoir si la personne appartenait à la JNA, au Corps de

9 la Garde nationale et ainsi de suite.

10 Q. J'essaye simplement de déterminer ce que vous savez. Je ne vous demande

11 pas de vous rappeler des choses que vous ne vous rappelez pas. Donc,

12 passons à ceux dont vous vous souvenez, le soldat Sasa Jovic. Vous

13 rappelez-vous s'il a été traité exclusivement par le Dr Njavro ?

14 R. Pas seulement lui, mais tous les trois, parce qu'ils se trouvaient dans

15 la même pièce.

16 Q. Qui a chargé le Dr Njavro de s'occuper de ces trois personnes ?

17 R. Je ne sais pas. Y a-t-il quoi que ce soit qui ne convienne pas du fait

18 que ce soit lui qui les ait soigné ? C'est cela, ma question.

19 Q. Je ne dis pas qu'il y ait eu quoi que ce soit de mauvais à ce sujet. Je

20 vous pose simplement une question.

21 Est-ce que vous connaissez le nom de Branko Stankovic ?

22 R. Non.

23 Q. Tomo Jakoljevic [phon], patient de votre hôpital ?

24 R. Je connais Tomo Jakoljevic. Je le connaissais déjà. C'était notre

25 technicien, un spécialiste des plâtres. Nous avons travaillé pendant des

26 années ensemble.

27 Q. Savez-vous ce qui lui est arrivé par la suite ?

28 R. Il a été blessé à la jambe. Je pense que sa jambe a été amputée près de

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1 la cheville, et après qu'il a reçu ses traitements, ses soins, il a été

2 transféré, je dirais, à notre hôpital au bâtiment auxiliaire. C'était un

3 hôpital pour les blessés qui n'avaient plus besoin d'être en soins

4 intensifs. Cet hôpital était situé à Borovo Komerc.

5 Q. Est-il encore en vie ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Savez-vous qui était en charge à l'hôpital de Borovo Komerc ?

8 R. Quant à savoir qui s'occupait de la nourriture, et cetera, cela je ne

9 sais pas, mais on avait sur place notre équipe de médecins. Il y avait un

10 orthopédiste et plus d'autres spécialistes. Il y avait aussi des

11 infirmières. Ils pouvaient procéder à des pansements, ils pouvaient assurer

12 des soins, et cetera.

13 Q. Vous avez dit qu'après le 17 novembre, il n'y avait plus d'admission de

14 nouveaux patients. Mais j'aimerais savoir si on a vu arriver des civils,

15 des membres de la Garde nationale et du MUP en grand nombre ?

16 R. Des civils en grand nombre.

17 Q. Et les membres de la Garde nationale et du MUP ?

18 R. La Garde nationale, je ne sais pas, mais le MUP, leur bâtiment a brûlé,

19 et il y en a eu qui ont été obligés d'arriver à l'hôpital parce qu'ils

20 étaient blessés.

21 Q. A quel moment ces membres du MUP sont-ils arrivés à l'hôpital ?

22 R. Je ne peux pas vous dire si c'était le 17 ou le 16 ou le 18. Je ne sais

23 pas. Je ne sais même pas quel a été le nombre exact.

24 Q. Vous n'avez vu aucun membre de la Garde nationale en uniforme arriver à

25 l'hôpital ?

26 R. Qu'il arrive à l'hôpital, qu'il se rende à l'hôpital et qu'il dise :

27 "Me voici, je suis arrivé à l'hôpital," non. Cela je n'ai pas vu, car je ne

28 vois pas ce qu'il viendrait faire en uniforme à l'hôpital.

Page 996

1 Q. Mais disons qu'il souhaitait se changer. Savez-vous qu'il y a eu des

2 membres de la Garde qui serait venus changer leurs uniformes ?

3 R. Non. Cela, je ne sais pas pour ce qui est des membres de la Garde, mais

4 je sais pour les gardes.

5 Q. Et qu'enfilaient-ils ?

6 R. Leurs vêtements civils ou des vêtements. Je ne sais pas d'où ces

7 vêtements étaient arrivés, des complets ou des survêtements, ou ce qu'ils

8 trouvaient, ce qu'ils avaient.

9 Q. Mais parmi ces individus qui sont arrivés après le 17 novembre, est-ce

10 qu'il y en a eu qui ont enfilé des blouses blanches ?

11 R. Ecoutez, je ne peux pas vous dire. J'ai du mal à croire que cela ait eu

12 lieu. Mais, les blouses blanches, elles ont été prévues pour le transport

13 des blessés. Est-ce qu'il y a eu parmi les personnes qui seraient arrivées

14 qui auraient pris une blouse blanche pour se vêtir de cela parmi ces gens-

15 là ? Cela aurait été très difficile pour moi de m'apercevoir s'il y a eu un

16 cas de ce genre.

17 Q. Mais est-ce qu'ils avaient la possibilité de transporter, de porter des

18 blessés ?

19 R. Oui, si quelqu'un les nommait pour qu'ils fassent cela, les affectant à

20 cela.

21 Q. Donc, c'était possible qu'on les ait destinés à faire cela, puisqu'ils

22 étaient aptes à transporter des blessés.

23 R. Oui, mais cela a dû se passer à mon insu.

24 Q. N'avez-vous jamais pensé que certains individus qui auraient enfilé ces

25 blouses blanches, qu'ils ont perdu la vie à cause de cela ? Cela leur a

26 coûté la vie ? Est-ce que vous n'avez jamais dit quelque chose de ce genre

27 à quelqu'un ?

28 R. Je ne sais pas si je pourrais affirmer quelque chose de ce genre, mais

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1 c'est possible, aussi.

2 Q. Pourquoi auriez-vous pensé une chose pareille ?

3 R. Pourquoi aurais-je pensé une chose pareille ? Je peux vous le dire.

4 Q. Oui, je vous en prie.

5 R. Parce que je l'ai lu. En fait, j'ai lu l'article du

6 Dr Ivankovic. Dans cet article il dit clairement de manière explicite,

7 lorsque le personnel médical est entré dans la salle des plâtres, ce n'est

8 qu'à ce moment-là qu'on a vu qui est qui. C'est cela, cette déclaration.

9 Donc, je me sers de cette déclaration. C'est là que je m'appuie pour dire

10 que cela a pu coûter la vie à quelqu'un. Mais avant de lire sa déclaration,

11 cela ne m'est jamais venu à l'esprit.

12 Q. Savez-vous que parmi ces personnes arrivées vers la fin, qu'il y en a

13 eu qui se sont déguisées en blessés en mettant du plâtre ou des

14 pansements ?

15 R. Ecoutez, personne ne peut se transformer soi-même en blessé. Pour que

16 ce soit tout à fait clair, seul quelqu'un qui l'examine peut le transformer

17 en blessé. Quelqu'un qui l'examine rédige son diagnostique. On ne peut pas

18 se mettre un plâtre soi-même, ni rédiger un diagnostique qui doit y avoir

19 un début et une fin. Donc, il doit avoir une feuille qui prouve qu'il ait

20 cela. S'il n'en a pas, il ne peut pas prouver qu'il est blessé. S'il est à

21 l'hôpital, il doit avoir une preuve écrite.

22 Q. Je vous remercie. Connaissez-vous le nom Josip Bradaric ?

23 R. Oui, bien entendu.

24 Q. Vous l'avez mentionné dans votre déclaration ?

25 R. Oui.

26 Q. Etait-il membre du MUP ?

27 R. Je ne saurais pas vous le dire. Je pense que même avant la guerre, il a

28 travaillé dans la police, mais je ne peux pas l'affirmer.

Page 998

1 Q. Savez-vous qu'il a été recousu par le personnel médical pour le faire

2 passer pour un blessé ?

3 R. Non. Mon impression personnelle a été la suivante, à savoir que le Dr

4 Ivezic, entre autres, avait pour mission de vérifier, si parmi les blessés,

5 il y avait des vrais ou de faux blessés. J'étais très contente de voir que

6 la première personne examinée avait une plaie, avait l'œil blessé et

7 l'explication aussi du médecin qui avait examiné son bras ou sa main.

8 Je ne peux pas vous dire des choses que je n'ai pas vues. Si quelqu'un a

9 créé une plaie, il doit le savoir; je ne le sais pas.

10 Q. Quand vous avez parlé à l'enquêteur du bureau du Procureur en juin

11 1995, lorsque vous avez donné votre déclaration, est-ce que vous lui avez

12 dit que vous aviez peur que Kadiaz Bretiz [phon] et Josip n'étaient pas

13 vraiment blessés ?

14 R. Mais bien sûr que j'avais peur. Imaginez qu'on soit là, à ce moment-là,

15 au moment du contrôle, et que lui, il n'ait pas de plaie, que son pansement

16 ne soit pas vrai. Effectivement, cela a été un moment de satisfaction

17 lorsque j'ai vu qu'il avait tout cela.

18 Q. Pouvez-vous nous dire comment cela vous est venu à l'esprit l'idée que

19 peut-être il n'était pas blessé alors qu'il est enregistré comme tel ?

20 R. Il ne s'agit pas là de M. Bradaric. Il s'agit précisément de

21 l'histoire. Encore une fois, de l'histoire. Quelqu'un souhaite se faire

22 passer pour un blessé. C'est cette histoire-là qui me guide. Alors que

23 lorsqu'on repère une blessure, une plaie, c'est une source de satisfaction

24 pour moi.

25 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

26 passer à huis clos partiel un instant, s'il vous plaît.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

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1 Monsieur le Président.

2 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. VASIC : [interprétation]

15 Q. Le Dr Tomic, d'après ce que vous savez, est-ce qu'il a fait des

16 listes ?

17 R. Oui, c'est l'un des médecins qui ont fait des listes.

18 Q. Merci.

19 R. Vous pouvez l'appeler pour qu'il dise ce qu'il a fait. Il est tout à

20 fait accessible.

21 Q. Savez-vous que Miroslav Kosir a enlevé un uniforme du MUP pour enfiler

22 des vêtements civils et qu'il est parti le 19 ?

23 R. Oui. Miroslav Kosir, c'est toujours un voisin, mon voisin. Est-ce que

24 je peux dire ? Il a enlevé l'uniforme. Il était aussi l'un des gardes de

25 l'hôpital. Il n'avait pas d'arme. Sa famille était entrée avec les civils à

26 l'hôpital. Lui, il s'est changé en civil, il est sorti avec eux. Bien sûr,

27 il est passé par un camp serbe. Il n'est pas arrivé chez lui immédiatement

28 mais il est en vie.

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1 Q. C'est bien l'évacuation qui avait été organisée par Zeljka Zgonjanin ?

2 R. Oui, oui.

3 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration aux enquêteurs du bureau du

4 Procureur de La Haye, lorsqu'ils vous ont posé des questions sur les

5 blessés, leur avez-vous dit qu'on ne pouvait pas distinguer entre les vrais

6 et les faux blessés, à l'époque, à l'hôpital ?

7 R. Peut-être que je l'ai dit, mais je ne me souviens pas de ma

8 déclaration. Il est difficile de se rappeler exactement ce qu'on a dit et

9 dans quel contexte, et est-ce que les choses ont été sorties de leur

10 contexte ? Tout blessé, vous savez, tout blessé, pour la liste dont nous

11 avons parlé, devait avoir une fiche. Aucun médecin n'aurait pu le mettre

12 sur une liste sans qu'il ait été vraiment un blessé. Or, c'est le médecin

13 qui pouvait, en circulant dans l'hôpital, constater en allant d'un blessé à

14 l'autre, aurait pu constater s'ils étaient tous des blessés ou pas. Nous ou

15 les autres, on ne pouvait qu'entendre des histoires, des rumeurs.

16 Q. Le colonel Ivezic, est-ce qu'il est arrivé, en réalité, avec cette

17 liste dont vous avez parlé pour vérifier les soupçons que certaines

18 personnes n'étaient pas de vrais blessés.

19 R. Vraiment, j'aimerais savoir quelle a été la mission confiée à M.

20 Ivezic. Est-ce que c'était pour vérifier l'authenticité des blessés ? Si

21 tel a été le cas, lorsqu'il a vérifié des blessés, lorsqu'il a vu que

22 c'était des vrais blessés, j'aimerais savoir ce qui en est advenu. Si lui,

23 savait à ce moment-là ce qui allait leur arriver. Mais de quel médecin

24 s'agit-il ?

25 Q. Covic Josip, membre de la Garde nationale. Cela vous dit quelque

26 chose ?

27 R. Covic Josip. Je ne saurais pas vous répondre. Je ne sais pas.

28 Q. Karlovic Vilem [phon] ? Ce nom vous dit quelque chose ?

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1 R. Non.

2 Q. Pour conclure, vous n'affirmez pas que le fait de se changer n'ait pas

3 existé. Donc, que les membres de la garde du MUP ne se sont pas changés,

4 que cela n'a pas eu lieu.

5 R. Je ne sais pas qu'il y ait eu des membres de la Garde nationale qui se

6 seraient changés. Comme je travaillais près des personnes qui étaient en

7 uniforme de la police, sans arme, et qui gardaient, par exemple, la porte

8 chez le Dr Bosanac, et aussi l'entrée des urgences, je sais qu'ils le

9 faisaient sans arme, bien sûr, que je les ai vus en civil.

10 Q. Connaissez-vous les noms suivants : Emil Cakalic, Muklarik Mladen

11 [phon] ? Etait-ce des patients de l'hôpital ?

12 R. Cakalic Emil, c'est quelqu'un que je connaissais d'avant. Il

13 travaillait dans notre laboratoire d'analyse, et après, il est devenu

14 inspecteur d'hygiène. Je ne l'ai pas vu, ne serait-ce qu'un seul jour,

15 parmi notre personnel. On aurait pu se trouver à l'hôpital sans se voir. Je

16 n'exclus pas.

17 Q. Est-ce qu'il a figuré sur la liste des blessés que vous avez retapée ?

18 R. Cela, je n'arrive à me rappeler. Il faudrait voir la liste pour que je

19 puisse confirmer cela.

20 Q. Tout simplement, parce que ceci ne figure pas au compte rendu

21 d'audience. Je parlais d'Emil Cakalic.

22 R. Indépendamment de cela, indépendamment du fait qu'il était inspecteur

23 d'hygiène, il devait avoir un diagnostic. Il ne pouvait pas simplement

24 s'amener pour dire : Je suis blessé.

25 Q. Je ne dis pas qu'il était blessé; je vous demande si vous savez s'il

26 était blessé.

27 R. Non.

28 Q. Les médecins assumaient-ils la responsabilité chacun pour les listes

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1 qu'il prévoyaient pour l'évacuation ?

2 R. Je suppose.

3 Q. Est-ce qu'on a fait des recoupements pour vérifier si la liste était

4 exacte ou pas ?

5 R. Comment aurait-on fait des recoupements ? Si un médecin avait vu un

6 groupe de blessés, cela relevait de sa conscience à lui. On aurait dû

7 envoyer, dans ce cas-là, un deuxième groupe de médecins ou un autre groupe

8 de médecins pour aller vérifier ces constatations.

9 Q. Vous avez dit dans votre déposition, que c'était pour le

10 19 novembre 1991 qu'on avait prévu l'évacuation, qui a été reportée d'une

11 journée. D'après ce que vous savez, est-ce que l'évacuation était reportée

12 pour que l'armée puisse déminer le terrain près de Zelijne [phon] ?

13 R. Il faudrait tout d'abord me dire où est Zelijne parce que je ne sais

14 pas où cela se trouve.

15 Q. Entre Marinci et Nustar.

16 R. Je ne sais pas que cela se trouve là-bas. Cela doit être un site

17 topographique.

18 Q. Vers Marinci.

19 R. Vous savez tous les jours je vais à Vinkovci. Même encore aujourd'hui,

20 je ne sais pas. Enfin, maintenant, je vais me renseigner pour savoir où se

21 situe Zelijne.

22 Q. Savez-vous qu'un convoi qui est parti dans la matinée vers Vinkovci a

23 été ramené à Vukovar, et enfin de compte, il est parti pour Sremska

24 Mitrovica, parce que du côté croate, on a ouvert le feu sur ce convoi qui

25 était escorté par la Mission d'observation ?

26 R. A quel moment.

27 Q. Le 20.

28 R. Le 20, un convoi de blessés ?

Page 1004

1 Q. Non, de civils.

2 R. De civils.

3 Q. De la ville de Vukovar.

4 R. Qui est parti de Vukovar ?

5 Q. Oui.

6 R. Je ne sais pas qu'il y ait eu un convoi qui serait parti, si ce n'est

7 d'après une histoire que j'ai entendue, à savoir qu'il y avait des

8 ambulances de la JNA qui seraient parties vers Bogdanovci et qui seraient

9 retournées à l'hôpital. C'est une histoire que j'ai entendue mais je ne

10 connais pas les détails. Je ne faisais pas partie de ce convoi; je ne peux

11 pas vous en dire plus. Mais on dit qu'il y a eu des blessés, qu'il y avait

12 de notre personnel médical, qu'ils étaient arrivés jusqu'à un certain point

13 et qu'ils ont rebroussé chemin pour se retrouver à l'hôpital et pour

14 repartir à Mitrovica. Vous devriez poser des questions sur les détails à

15 des personnes qui ont fait partie de ce convoi.

16 Q. Savez-vous qui en a fait partie ?

17 R. Je peux vous dire, par exemple, Stefan Biro, par exemple. C'est un

18 homme qui en a fait partie. Qui sont les autres qui en ont fait partie ?

19 Cela, je ne saurais pas vous le dire.

20 Q. Je vous remercie. Savez-vous que la nourriture et l'eau sont arrivées à

21 l'hôpital dans l'après-midi du 19 novembre ?

22 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais même pas où cela a été placé. Vous

23 savez, je n'ai vu personne qui serait parti chercher cette nourriture et

24 l'eau.

25 Q. Savez-vous, qu'avant le 18 novembre, tout le commandement de Vukovar a

26 quitté la ville de Vukovar ?

27 R. Oui, je le sais.

28 Q. Savez-vous que M. Borkovic, appelé petit Jastreb [phon], a coupé le

Page 1005

1 téléphone de l'hôpital ?

2 R. Je ne saurais pas vous le dire.

3 Q. Qu'il a fait la même chose pour le bâtiment du MUP ?

4 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.

5 Q. Vous avez parlé des trois cahiers, des registres. Est-ce qu'il y a eu

6 d'autres registres ?

7 R. Sur les décédés de l'hôpital, il y a eu un registre qui était tenu par

8 Tomislav Hegedus, qui était inspecteur de la police. Lui, il avait pour

9 mission la chose suivante : tant qu'on pouvait enterrer les décédés ou les

10 tués, tant qu'on a pu les enterrer soit au cimetière, soit au stade, lui,

11 il était chargé de tenir les registres des personnes enterrées.

12 Par exemple, moi, ce que je sais, c'est que l'une des personnes que

13 je connais a été enterrée là-bas.

14 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi, je dois

15 interrompre.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Tuma.

17 Mme TUMA : [interprétation] Le témoin a nommé un témoin, un témoin de

18 l'espèce. Un instant, s'il vous plaît.

19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

20 Mme TUMA : [interprétation] Excusez-moi -- non, je retire. Je vous en prie,

21 poursuivez.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pensiez qu'on a éventuellement

23 nommé un témoin protégé.

24 Excusez-nous, Maître Vasic, allez-y.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. La personne que je suis en train de

26 mentionner, malheureusement, est toujours portée disparue. On ne sait

27 toujours pas si la personne a été tuée. Dans tous les cas, elle n'a pas été

28 identifiée. Donc, M. l'inspecteur avait pour mission de tenir un registre

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1 des personnes ensevelies, enterrées. Si j'avais, parmi les personnes,

2 enterré quelqu'un que je connaissais, il fallait que je retienne le nom sur

3 lequel cette personne a été enregistrée pour pouvoir retrouver la personne,

4 le nom de la personne une fois la paix établie, donc en situation normale.

5 Cela a été bien conçu, et tout s'est bien passé tant qu'on a eu les

6 conditions nous permettant d'agir ainsi.

7 Cependant, puisqu'il y a eu tant d'attaques, tant d'attaques menées dans

8 cette zone, on a plus pu enterrer. Il n'y avait plus de place, d'ailleurs.

9 On a opté pour un lieu plus proche. En fait, on a choisi la capitainerie

10 qui est en bordure du fleuve Danube, dans la cour, en fait, donnant sur le

11 Danube. C'est là qu'on a tenté d'enterrer soit les tués, soit les décédés.

12 Cependant, deux ou trois personnes se sont fait tuer. On a dû mettre fin à

13 cette pratique car cela devenait absurde.

14 Les personnes décédées ou tuées étaient placées dans le haut de la

15 capitainerie. C'est en face du bâtiment de l'hôpital. Car hélas, ces

16 derniers jours, avant la chute de Vukovar, on n'a pas pu procéder

17 autrement.

18 Pour ce qui est d'autres registres, un autre inspecteur en a été

19 chargé, lui aussi, probablement pour les besoins de la police - je ne veux

20 pas rentrer dans leur travail - a été lui aussi chargé de tenir une liste

21 des blessés. Sauf qu'au moment de l'admission, par exemple, au moment de

22 l'admission d'un membre blessé de la garde ou de la police, s'il était

23 armé, c'est lui qui se chargeait de consigner son nom et les objets qu'il

24 avait sur lui. Nous, nous étions libérés, affranchis de la tâche de nous

25 occuper de cela. Lui, en tant qu'inspecteur de la police, faisait cela. M.

26 l'inspecteur en question, lui non plus n'est plus en vie. Je ne sais pas

27 s'il a été identifié.

28 M. VASIC : [interprétation]

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1 Q. Les documents dont vous venez de parler, est-ce que vous les avez

2 amenés avec vous ou est-ce qu'ils sont restés à l'hôpital ?

3 R. Tout est resté à l'hôpital.

4 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous nous dire si Mme Vesna Bosanac, hormis

5 ses fonctions de directrice de l'hôpital et de chef de la cellule de Crise,

6 était-elle également membre de la cellule de Crise de la défense de

7 Vukovar ?

8 R. Je ne peux pas vous dire cela. Je l'ignore. Je pense que le Dr Ivica

9 Matos en était membre. C'est lui qui me l'a dit. Il nous transmettait toute

10 sorte d'ordres. "Nous devions préparer l'abri, faire en sorte que l'hôpital

11 soit prêt." Il nous a transmis ces instructions en tant que membre de

12 l'état-major municipal.

13 Pour ce qui est du Dr Bosanac, elle était chef de la cellule de Crise ex

14 officio, non pas parce qu'elle a été nommée à ce poste.

15 Q. Informait-elle l'état-major du contenu des appels qu'elle envoyait ?

16 R. Je ne sais pas.

17 Q. Ces appels, n'étaient-ils pas envoyés pour le compte de la cellule de

18 Crise de l'hôpital ?

19 R. Ils étaient signés par le Dr Bosanac.

20 Q. Est-ce que le Dr Jure Njavro était le seul à pouvoir opérer les membres

21 de la Garde nationale blessés ? Le savez-vous ?

22 R. Etait le seul à le faire ? Avait-il des droits exclusifs ? Non, je ne

23 pense pas que cela existait. Il a été nommé chirurgien en chef. Pour ce qui

24 est du droit exclusif de procéder à des opérations, non. Tout le monde

25 opérait. C'était peut-être lui qui constituait des équipes et a assigné les

26 tâches. Etait-ce le seul habilité à opérer les gens ? Non.

27 Q. Qui l'a nommé chirurgien en chef ?

28 R. La directrice.

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1 Q. Est-ce qu'elle a consulté quelqu'un avant de faire cela ?

2 R. Je ne suis pas en mesure de vous le dire.

3 Q. Cuckovic, est-ce que ce patronyme vous dit quelque chose ? C'était un

4 employé de l'hôpital ?

5 R. Il y avait plusieurs employés portant ce nom de famille. Tout au long

6 de l'occupation, nous avions un technicien chargé des plâtres, Djuro

7 Cuckovic, et son fils était chauffeur à l'hôpital. Le fils portait le

8 prénom de Dusko.

9 Le 19 novembre, les infirmières qui se trouvaient au rez-de-chaussée de

10 l'hôpital face à la cour m'ont appelé, car elles avaient reconnu Dusan

11 Cuckovic. Il portait une tenue de camouflage et creusait. Je ne sais pas ce

12 qu'il faisait. Nous n'avons pas compris. Je ne l'ai pas vu entrer dans le

13 bâtiment de l'hôpital, même si son père travaillait dans le service de

14 chirurgie.

15 Q. Savez-vous que les uniformes de la Garde nationale ont été retrouvés

16 avec les ordures ?

17 R. Je l'ignore, mais c'est possible. Nous devions nous débarrasser de

18 certaines choses, notamment de tout ce qui n'était pas hygiénique.

19 Personnellement, je ne suis pas allée fouiller les ordures, donc je ne peux

20 pas vous dire ce qui s'y trouvait.

21 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on passer à

22 huis clos partiel une fois de plus ? J'ai deux questions supplémentaires à

23 poser au témoin.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

26 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. VASIC : [interprétation] Pour terminer, je souhaiterais poser des

15 questions au témoin au sujet de la déclaration qu'elle a faite aux

16 enquêteurs du bureau du Procureur. L'Huissier, pourrait-il distribuer des

17 versions papier de ce document aux parties. Ce document, dans sa version

18 anglaise, figure dans la base de données électronique sous la référence

19 2D010048. La version en B/C/S porte la référence 2D010036. Ces documents,

20 pourraient-ils être affichés à l'écran, s'il vous plaît ?

21 Q. Madame Kolesar, est-ce que vous avez ce document sous les yeux ?

22 R. Oui.

23 Q. Pourriez-vous examiner la version anglaise de cette déclaration, je

24 vous prie, et vérifier que votre signature apparaît bien au bas de chaque

25 page.

26 R. J'ai la version croate sous les yeux. Il n'y a pas de signatures sur ce

27 document.

28 Q. C'est parce que la version anglaise est l'original. Un instant, je vous

Page 1010

1 prie.

2 Madame, veuillez regarder l'écran, je vous prie.

3 R. Il n'y a rien à l'écran.

4 Q. Nous devons attendre un petit peu.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vesic, si j'ai bien compris, le

6 témoin dispose des versions anglaises et en B/C/S. A l'écran on voit la

7 version anglaise. Mais cela met plus de temps à apparaître sur l'écran

8 devant le témoin.

9 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me faut demander au

10 témoin si elle voit la version anglaise à l'écran.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois la version anglaise. BK, ce sont

12 mes initiales. C'est possible. Mais cela n'est pas certain. Il faudrait

13 qu'un graphologue se penche là-dessus. Pourquoi il n'y a que ces initiales

14 BK, c'est difficile à dire.

15 M. VASIC : [interprétation] Pourrait-on voir le document 2D010056.

16 Q. Il s'agit de la dernière page de ce document où l'on peut voir votre

17 signature complète. Est-ce que vous voyez cela, Madame Kolesar ?

18 R. Oui. Oui, là il s'agit de ma signature.

19 Q. Merci. S'agit-il là de la déclaration que vous avez faite aux

20 enquêteurs de La Haye le 19 et 20 juin 1995 ?

21 R. Très vraisemblablement.

22 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

23 questions à poser à ce témoin. Je souhaite demander le versement au dossier

24 de cette déclaration.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Sur quelle base souhaitez-vous verser

26 au dossier cette déclaration, Monsieur Vasic ?

27 M. VASIC : [interprétation] Dans le cadre de mon contre-interrogatoire,

28 j'ai posé toute sortes de questions au témoin concernant des sujets évoqués

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1 dans sa déclaration. Elle y a répondu et ses réponses dans le cadre de

2 cette déposition sont différentes de celles qui figurent dans sa

3 déclaration. Je lui ai dit à ces occasions que je citais sa déclaration.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, pour le moment, vous ne

5 pouvez pas vous rasseoir. La bonne manière de procéder pour vous,

6 conformément à la jurisprudence de ce Tribunal -- si le témoin fait un

7 récit dans sa déposition différent de ce qui apparaît dans sa déclaration,

8 la bonne manière de procéder serait de lui montrer le passage en question

9 dans sa déclaration et lui demander de commenter les divergences. Vous

10 pouvez faire cela pour chaque divergence importante que vous avez relevée

11 et que vous souhaitez porter à l'attention de la Chambre. Comme l'a indiqué

12 la Chambre d'appel, de cette manière votre contre-interrogatoire tel qu'il

13 sera consigné au compte rendu d'audience permettra de souligner les

14 divergences importantes que vous aurez relevées entre la déposition du

15 témoin et sa déclaration préalable. De cette manière, les parties et la

16 Chambre auront un dossier complet dans lequel apparaîtront toutes les

17 divergences éventuelles qui auraient été relevées et nous saurons à quoi

18 nous en tenir à la fin du procès.

19 Comme l'a indiqué la Chambre d'appel, la déclaration elle-même, en

20 principe, n'est pas versée au dossier. Donc, il est important de relever

21 point par point les divergences importantes de façon à ce que cela soit

22 consigné au compte rendu.

23 Si vous souhaitez procéder ainsi, vous devrez montrer les passages

24 qui vous intéressent dans la déclaration du témoin. J'espère que tous les

25 conseils prendront note de cela de façon à ce que si le besoin s'en fait

26 sentir par la suite par rapport à d'autres déclarations, d'autres

27 documents, ils sauront comment procéder.

28 Etes-vous disposé à faire cela, Maître Vasic ? Voulez-vous le faire

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1 tout de suite ou demain après-midi ? Je ne sais pas si vous êtes prêt à le

2 faire immédiatement.

3 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions le

4 faire demain après-midi --

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

6 M. VASIC : [interprétation] -- vu l'heure.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que cela vous

8 permettrait d'être mieux préparé. Cela nous fera gagner du temps.

9 Nous devons, donc, lever l'audience quelques minutes avant l'horaire

10 prévu, mais nous espérons que cela nous permettra de faire gagner du temps

11 par la suite.

12 Madame Kolesar, je dois malheureusement vous demander de revenir demain

13 après-midi pour poursuivre votre déposition. Nous reprendrons nos travaux à

14 14 heures 15.

15 --- L'audience est levée à 18 heures 52 et reprendra le mercredi 2 novembre

16 2005, à 14 heures 15.

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