Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 14 novembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Docteur. J'aimerais vous

7 rappeler la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de

8 votre déposition, déclaration solennelle qui est toujours valable.

9 LE TÉMOIN : JURAJ NJAVRO [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.

12 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.

13 Interrogatoire principal par M. Moore : [Suite]

14 Q. [interprétation] Docteur, vendredi, vous nous avez dit que vous aviez

15 été emmené à Sremska Mitrovica. Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Je n'ai plus beaucoup de questions à vous poser, mais j'aimerais que

18 nous abordions deux aspects. Est-il exact de dire qu'on vous a emmené ou

19 conduit à ce que j'appellerais un tribunal militaire supérieur ?

20 R. C'est exact. J'ai été conduit à une institution qu'on appelle le

21 tribunal militaire suprême à Belgrade.

22 Q. Si je ne m'abuse, vous avez été inculpé d'organisation de rébellion

23 armée; est-ce bien exact ?

24 R. C'est exact, Monsieur le Procureur.

25 Q. Vous avez également été accusé d'organiser des greffes d'organes et de

26 vendre ces organes humains en Allemagne et en France; c'est bien exact ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Je vous avais posé une question à propos de deux médecins vendredi

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1 dernier; l'un s'appelle Ivankovic. Est-ce qu'Ivankovic est venu présenter

2 des éléments à charge dans votre procès lors de cette audience ?

3 R. Lors de cette audience qui n'a jamais été terminée, aucun des deux

4 médecins dont nous avons parlé n'est venu, ni le

5 Dr Ivankovic, ni l'autre.

6 Q. Est-ce que vous avez demandé aux autorités qui diligentaient cette

7 instance de faire venir ces deux témoins ?

8 R. Oui. J'ai demandé au tribunal que ces témoins soient convoqués afin que

9 nous puissions nous confronter et afin qu'ils m'expliquent comment il

10 aurait pu être possible de vendre des organes alors qu'il faut que ce soit

11 une équipe spécialisée et extrêmement bien formée qui se charge de faire

12 cela. Je pense qu'en Europe, dans la plupart des cliniques, la majorité des

13 équipes chirurgicales ne savent pas comment prélever un organe sur un

14 cadavre ou sur une personne qui vient juste de rendre l'âme.

15 Q. Peut-on dire que rien n'a jamais été prouvé à votre encontre et que

16 finalement, vous avez pu finalement faire l'objet d'un échange ?

17 R. Oui, c'est exact. C'est impossible de prouver quelque chose qui ne

18 s'est jamais produit.

19 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai plus de questions à vous poser,

20 Monsieur. Je vous remercie.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic ?

22 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

23 pense qu'il serait judicieux que Me Domazet procède au contre-

24 interrogatoire du témoin.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous en serions ravis, Maître

26 Vasic.

27 Contre-interrogatoire par M. Domazet :

28 Q. [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tout le monde

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1 et bonjour au Dr Njavro. Je suis Vladomir Domazet, et je suis co-conseil

2 pour M. Mrksic.

3 Docteur, je souhaiterais tout simplement que nous passions en revue

4 certains renseignements à propos de votre curriculum. Ce sont des choses

5 que vous avez déjà dites, d'ailleurs. D'après ce que je crois comprendre

6 aux réponses que vous avez apportées à mon confrère, vous n'êtes pas né à

7 Vukovar. Vous êtes arrivé à Vukovar après avoir terminé vos études

8 médicales; est-ce exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez suivi, reçu votre éducation dans l'endroit dont vous êtes

11 natif. Vous avez, en quelque sorte, suivi votre service militaire en

12 Herzégovine ?

13 R. Non, ce n'est pas exact. J'ai terminé l'école primaire en Herzégovine,

14 dans mon village natal. Ensuite, je suis allé à l'école secondaire,

15 essentiellement à Dubrovnik. Ensuite, j'ai réussi les examens après l'école

16 secondaire et je suis allé à la faculté de médecine à Zagreb.

17 Q. Merci. Vous vous êtes acquitté de votre service militaire, vous l'avez

18 fait à Caplijna, c'est là où vous étiez inscrit. C'est pour cela que je

19 pensais que vous y viviez.

20 R. Conformément au règlement des autorités militaires, vous deviez vous

21 présenter pour votre service militaire, et ce, à l'endroit où vous étiez

22 né. Je terminais mes études à la faculté de médecine, et c'est la raison

23 pour laquelle je n'ai pas pu être inscrit comme étant une personne

24 résidente et travaillant ailleurs.

25 Q. Pourriez-vous me dire quand et où avez-vous fait votre service

26 militaire au sein de la JNA ?

27 R. Je l'ai fait à Novi Sad. D'abord, dans la caserne Miletic, en 1966 et

28 en 1967. Ensuite, j'ai fait mon service militaire au dispensaire à

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1 Petrovaradin, dispensaire de la garnison.

2 Q. Est-ce que vous avez fait votre service militaire dans une unité armée

3 ou au sein d'un corps médical ?

4 R. Pendant les deux ou trois premiers mois, j'ai suivi la formation

5 militaire régulière. Ensuite, comme je l'ai dit, je suis allé auprès du

6 corps médical et j'étais au dispensaire de la caserne.

7 Q. Après avoir terminé votre service militaire et après avoir terminé vos

8 cours à la faculté de médecine de Zagreb, je crois comprendre que votre

9 première affectation a été Vukovar ?

10 R. C'est exact.

11 Q. J'aimerais, à propos de cet emploi, vous parler de la période qui a

12 suivi votre période d'internat, en quelque sorte; vous étiez déjà

13 spécialisé en chirurgie. Pourriez-vous me dire combien il y avait de

14 chirurgiens à l'hôpital de Vukovar en 1991 ?

15 R. A l'hôpital de Vukovar -- un petit moment, je vous prie.

16 Il y en avait quatre. En 1991 et pendant l'agression contre la Croatie et

17 contre la ville de Vukovar.

18 Q. Quatre chirurgiens. Est-ce que vous vous êtes inclu dans ce nombre ?

19 R. Oui, c'est exact, c'est cela.

20 Q. Pourriez-vous nous donner leurs noms ? Pourriez-vous nous donner le nom

21 des trois autres chirurgiens ?

22 R. Le Dr Mladen Ivankovic, le Dr Mirko Stanojevic et le Dr Lazo Manojlovic

23 et le Dr Juraj Njavro.

24 Q. Docteur Njavro, vendredi, vous avez répondu aux questions qui vous ont

25 été posées par mon confrère, et je pense que vous aviez dit que vous étiez

26 le seul chirurgien d'appartenance ethnique croate. Est-ce exact ? Est-ce

27 que les trois autres chirurgiens appartenaient ou avaient une autre

28 appartenance ethnique ?

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1 R. Oui. Le seul parmi ces quatre chirurgiens à être Croate était moi-même.

2 Les trois autres étaient Serbes.

3 Q. Votre chef ou le chef du service chirurgical à l'époque était le Dr

4 Ivankovic, si je comprends bien ?

5 R. C'est exact. Le Dr Ivankovic était le chef du service de chirurgie

6 pendant ce temps-là, mais j'étais le responsable du service médical de

7 guerre pour l'hôpital de Vukovar et pour la municipalité de Vukovar, et ce,

8 conformément à la décision prise par l'état-major principal à Zagreb.

9 Q. Pourriez-vous me dire quand est-ce que cette décision a été prise et à

10 partir de quand vous étiez le responsable de l'hôpital de guerre ?

11 R. Je pense que cela s'est fait à partir de la fin du mois de juillet, la

12 fin du mois de juillet 1991.

13 Q. Vous ai-je bien compris, Monsieur ? Vous avez été nommé chef ou

14 responsable de l'hôpital de guerre ? Est-ce que cela signifie que le Dr

15 Ivankovic n'était plus le chef du service de chirurgie ?

16 R. Non. Personne ne lui a supprimé cette partie de ses responsabilités. Il

17 était toujours responsable du service de chirurgie.

18 Q. Puisque nous parlons de ce sujet, Docteur, pourriez-vous me dire quel

19 était votre rôle au sein de cet hôpital de guerre, et quelle était la

20 différence entre ce rôle et vos obligations précédentes ?

21 R. Cela avait à voir avec ce qui devait se faire ou ce qui devait être

22 fait en temps de guerre. En d'autres termes, faire en sorte qu'il y ait

23 suffisamment de matériel sanitaire et de médicaments pour que la ville, qui

24 avait quelque 45 000 habitants avant la guerre, ne soit pas menacée et ne

25 souffre pas d'un manque de soins médicaux à la suite de pénurie de

26 médicaments. Lors des agressions ou lors de l'agression farouche en août,

27 les fournitures médicales se sont avérées insuffisantes; ce qui fait qu'il

28 y a eu un grand nombre de blessés et de personnes qui étaient tout

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1 simplement malades, qui n'ont pas pu bénéficier de l'assistance médicale

2 appropriée, non pas parce que les équipes médicales n'étaient pas

3 suffisamment bien formées, mais parce qu'il était impossible de faire venir

4 des médicaments et de faire venir tout le matériel sanitaire nécessaire si

5 l'on veut apporter un traitement professionnel et médical. Cela est

6 expliqué par le blocus de Vukovar; le siège de Vukovar. C'est la raison

7 pour laquelle nous, les médecins, sommes d'avis ou étions d'avis que

8 certaines personnes malades ou certains blessés ont perdu la vie, ont connu

9 une fin tragique pour la simple raison qu'il était impossible de

10 s'approvisionner en médicaments, en matériel et fournitures médicales. Le

11 sang faisait défaut également. Les produits secondaires sanguins, les

12 perfusions, tout matériel nécessaire pour une réanimation, par exemple.

13 Je peux vous donner des exemples tragiques où du fait d'un manque de

14 médecine, en dépit des soins les plus attentifs, du fait des dégâts

15 apportés à l'hôpital et du fait du nombre de blessés qu'il était impossible

16 d'évacuer, il y a eu des gens qui ont connu une fin tragique en dépit des

17 traitements qui leur étaient administrés. Le pilonnage et la destruction

18 sont également des facteurs qui ont contribué à cela, car cela venait de

19 tout côté, de tous les éléments de l'air, de la terre, de l'eau. On pouvait

20 vivre au sous-sol, mais il faut savoir que du fait de la propagation des

21 infections, cela a eu également une incidence. De toute façon, il était

22 impossible de faire venir de l'eau, des vivres, des médicaments. Le peu que

23 nous avions à l'hôpital a dû être distribué de façon extrêmement

24 rationnelle.

25 A un moment d'ailleurs, et justement parce qu'il était impossible de

26 maintenir les normes hygiéniques nécessaires, des pathologies se sont

27 déclarées. Ce sont des pathologies que l'on retrouve en temps de guerre. Ce

28 sont des pathologies qui sont telles qu'il était impossible d'aider les

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1 gens parce que, je le répète, je le réitère, il y avait un blocus et il y

2 avait une destruction quotidienne imposée à l'hôpital. De ce fait, nous ne

3 pouvions pas obtenir le sérum nécessaire pour empêcher les pathologies.

4 Q. Monsieur Njavro, je m'excuse de vous interrompre. J'aimerais vous poser

5 une question. Parce que nous allons de toute façon aborder le thème dont

6 vous parliez maintenant ultérieurement. Lors de l'interrogatoire principal,

7 vous avez eu la possibilité d'aborder certaines de ces questions.

8 J'aimerais maintenant vous demander de répondre de façon bien précise aux

9 questions que je vais vous poser, et vous aurez la possibilité d'étoffer

10 vos réponses un peu plus tard.

11 Je vous avais posé une question à propos de votre rôle en tant que

12 responsable de l'hôpital de guerre, qui existait à cette époque-là. Vous

13 nous avez dit avoir été nommé à ce poste à la fin du mois de juillet, puis

14 vous avez abordé d'autres sujets. J'aimerais maintenant vous demander de

15 nous fournir une explication supplémentaire, car vous deviez vous assurer

16 qu'il y ait suffisamment de médicaments et de matériel. Est-ce qu'il y a

17 d'autres préparatifs qui ont été organisés pour ce qui est du personnel ?

18 R. Non. Il n'y a pas d'autres préparatifs qui ont été faits, si ce n'est

19 que nous avons reçu plusieurs ambulances qui correspondaient à une aide qui

20 nous était donnée. Pour ce qui est du personnel médical de Zagreb, ils ont

21 envoyé à plusieurs reprises une équipe de médecins et d'infirmières.

22 Q. Merci. Nous allons revenir sur cette question du service de chirurgie

23 de l'hôpital, et nous reviendrons sur d'autres questions également. Avant

24 cela, j'aimerais aborder un autre sujet. Je pense que vous êtes informé que

25 vous serez en mesure de répondre à des questions qui vont porter sur

26 quelque chose qui s'est passé avant 1991. Il s'agit de la première élection

27 multipartite qui a eu lieu dans toutes les républiques de l'ancienne

28 Yougoslavie, y compris la Croatie. Ces élections ont lieu en 1990 ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. En Croatie, au niveau de la République de la Croatie, c'est l'Union

3 démocratique croate qui a gagné; est-ce bien exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Etes-vous d'accord ou peut-être que vous aurez un point de vue

6 différent, mais êtes-vous d'accord si je dis que l'Union démocratique

7 croate était un parti politique à orientation nationaliste, qui avait une

8 connotation nationaliste ?

9 R. Je ne suis pas un homme politique, je ne discute pas de politique. Je

10 ne suis pas versé en matière pour en parler, et je ne peux pas évaluer les

11 différentes modalités politiques des différents partis politiques.

12 D'ailleurs, à l'époque, je n'étais membre d'aucun parti.

13 Q. Merci. Vous souvenez-vous de ces élections ? Vous souvenez-vous si au

14 cours de ces élections les Serbes en Croatie avait leur propre parti

15 national ?

16 R. Si je ne m'abuse, je dois nuancer ce que je vais dire en insistant sur

17 le fait que je n'avais aucune appartenance politique, aucune affiliation

18 politique, parce que jusqu'à une année pendant la décennie 1990, je n'ai

19 jamais appartenu à aucun parti. Par conséquent, je ne peux pas vous dire

20 combien de partis politiques ont participé à ces élections, je ne peux pas

21 vous dire qui a participé donc à ces élections. Tout ce que je peux vous

22 dire avec certitude, c'est que je n'étais pas actif du point de vue

23 politique. D'ailleurs, je n'ai pas non plus participé à aucun préparatif.

24 Je jouais le rôle, le rôle d'un citoyen tout à fait ordinaire qui est allé

25 mettre son bulletin de vote dans l'urne au cours de l'élection. J'ai voté

26 en âme et conscience.

27 Q. Monsieur Njavro, si je vous ai bien compris, vous ne vous souvenez pas

28 ou peut-être que vous ne l'avez jamais su d'ailleurs, si au cours de ces

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1 premières élections multipartites en Croatie, les Serbes avaient leur

2 propre parti politique ?

3 R. Je pense qu'ils en avaient un. Je pense que les Serbes avaient un parti

4 national. Parce que si, comme vous l'avez dit, les Croates avaient leur

5 parti national qui était le HDZ, il s'ensuit que les Serbes avaient leur

6 propre parti politique également. Lorsque l'on passait par Vukovar, on

7 pouvait justement voir plusieurs affiches, et tout le monde lançait des

8 appels à leur électorat, y compris le parti serbe, qui était le SDS.

9 Q. Est-ce que cela signifie qu'au cours de ces jours en 1990, lorsque les

10 premières élections multipartites ont eu lieu, vous pensez que le SDS a

11 participé à ces élections ?

12 R. Oui, je pense que cela fut le cas. Nous avons déjà indiqué qu'il y

13 avait un certain nombre de partis politiques qui ont participé à ces

14 élections. Il s'ensuit donc que le SDS a également participé à ces

15 élections avec d'autres partis qui étaient reconnus et qui étaient

16 éligibles, et qui pouvaient participer aux élections. Je suppose que le SDS

17 en faisait partie également.

18 Q. A l'époque, cela faisait un mois que vous habitiez à Vukovar, vous nous

19 avez dit que vous aviez voté aux élections de Vukovar. Est-ce que vous vous

20 souvenez quel est le parti qui a remporté les élections de Vukovar; les

21 élections locales, j'entends ?

22 R. Non. Peut-être que je l'ai su à l'époque, mais je ne m'en souviens pas.

23 Comme je vous l'ai déjà dit, en 1990, je ne prêtais pas beaucoup

24 d'attention à ce genre de chose, et je n'essayais pas non plus de m'en

25 souvenir de ce genre de fait.

26 Q. Si je devais vous rappeler que ce fut le Parti du changement

27 démocratique, dirigé par M. Ivica Racan, son président, qui avait remporté

28 ces élections, est-ce que vous serez d'accord avec moi ou est-ce que vous

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1 ne vous en souvenez plus ?

2 R. Je ne suis pas en mesure de confirmer ce que vous avancez.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui, lors de ces élections locales au

4 sujet desquelles je vous ai posé des questions, a été élu au poste du

5 président de l'assemblée municipale de Vukovar ?

6 R. Je me souviens qu'il y a eu beaucoup d'hésitations et beaucoup de

7 négociations sur ce sujet. Car déjà, auparavant, la question de savoir qui

8 allait être le président de la municipalité était une question importante.

9 Je pense que c'est M. Slavko Dokmanovic qui a été élu au poste du président

10 de l'assemblée de la ville de Vukovar.

11 Q. Oui, c'est exact. C'est M. Dokmanovic qui a été élu. Cependant, est-ce

12 qu'aujourd'hui, vous vous souvenez ou est-ce que vous savez quelle est la

13 liste ou quel est le parti politique qu'il représentait lors de ces

14 élections ou est-ce que vous ne vous en souvenez pas ?

15 R. Comme je vous l'ai dit, il y a eu beaucoup de négociations, et que

16 finalement, un consensus a été trouvé au sujet de son élection. Quant à

17 savoir à quel parti il appartenait, je ne sais pas. Je sais qu'il était

18 Serbe, mais je ne sais pas à quel parti politique il appartenait. Je ne

19 m'en souviens pas.

20 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur Njavro, qui à l'époque,

21 après ces élections, était le vice-président de l'assemblée municipale de

22 Vukovar ?

23 R. Non, je ne m'en souviens pas.

24 Q. Etes-vous au courant ou connaissez-vous le nom de Marin Vidic, surnommé

25 Bili ?

26 R. Oui. Marin Vidic, Bili, je sais que plus tard, il était au

27 gouvernement, mais je ne me souviens pas qu'il aurait été le vice-président

28 de l'assemblée municipale de la ville de Vukovar.

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1 Q. Merci. Même si vous m'avez dit qu'à l'époque au moins, vous n'étiez pas

2 actif dans la politique et vous n'étiez pas versé dans la politique, comme

3 vous avez dit, est-ce que vous vous souvenez que suite à ces élections,

4 vers la fin de l'année 1990, la constitution de la Croatie a été modifiée ?

5 R. Oui, je le sais.

6 Q. Savez-vous que cette modification a provoqué beaucoup de polémiques et

7 que la constitution a été modifiée de sorte que les Serbes n'étaient plus

8 un peuple constitutif de la République de Croatie, mais la nouvelle

9 constitution ne prévoyait que les Croates comme peuple constitutif ?

10 R. Oui. Je me souviens que le Parlement avait voté que le peuple souverain

11 dans la République de Croatie était le peuple croate, et que les autres

12 constituaient des minorités nationales.

13 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur Njavro, ou savez-vous à l'époque de cette

14 modification de la constitution, vers la fin de l'année 1990, est-ce que

15 vous savez combien de Serbes vivaient en Croatie en tant que citoyens de la

16 Croatie, et notamment à Vukovar ?

17 R. S'agissant de Vukovar, je le sais, mais je ne sais pas sur le plan de

18 l'ensemble de la Croatie. En ce qui concerne Vukovar, je sais que dans la

19 municipalité de Vukovar, il y avait 44 % de Croates, 37 % de Serbes, ou 37,

20 38 %, je ne suis pas tout à fait sûr, 37 certainement, mais peut-être

21 encore un peu plus.

22 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur Njavro, qu'après que cette constitution

23 ait été adoptée, les rapports interethniques en Croatie en général, et bien

24 sûr à Vukovar aussi, se sont détériorés ?

25 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne pourrais pas l'affirmer en ce qui

26 concerne Vukovar, ni en ce qui concerne la Croatie, car à l'époque, je

27 vivais à Vukovar. J'étais préoccupé par les problèmes qui existaient à

28 Vukovar. Donc, je suis au courant en ce qui concerne Vukovar, mais pour le

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1 reste, je ne saurais vous le dire. Je ne me souviens pas.

2 Q. Si je vous ai bien compris, par conséquent, vous considérez que ceci

3 n'a pas provoqué une détérioration des rapports ou provoqué des tensions

4 entre les Croates et les Serbes à Vukovar ?

5 R. Non, je ne me souviens pas de tensions bien prononcées à cette époque-

6 là.

7 Q. Tout à l'heure, lorsque je vous ai posé une question au sujet de Marin

8 Vidic, vous avez dit que vous ne vous souvenez pas qu'il était le vice-

9 président de la municipalité, mais vous vous souvenez qu'il était au

10 gouvernement. Est-ce que vous pouvez me dire à quel moment il a été décidé

11 qu'un commissaire soit nommé afin de gérer la municipalité de Vukovar à la

12 place du gouvernement légalement élu ?

13 R. Comme je vous l'ai dit, je n'étais pas dans la politique, et comme je

14 l'ai dit, je me préoccupais des problèmes de la médecine et de la santé.

15 Je ne savais pas si les choses se sont passées conformément à ce que

16 vous affirmez, que M. Marin Vidic ou plutôt, je ne sais pas pour quelle

17 raison M. Marin Vidic -- de la position du vice-président de l'assemblée --

18 si j'ai bien compris votre question, a été nommé au poste du commissaire du

19 gouvernement. Je ne saurais le dire, je suis la personne la moins bien

20 placée pour le savoir car, comme je l'ai dit à l'époque, la politique

21 n'était pas mon métier à l'époque.

22 Q. Oui, mais je crois, Monsieur Njavro, que vous, vous avez dit - et c'est

23 vrai effectivement - que M. Marin Vidic était nommé au poste de celui qui

24 devait gérer la municipalité. C'est un fait au sujet duquel vous étiez au

25 courant. Est-ce que vous savez pourquoi ceci s'est fait et à quel moment ?

26 R. Oui, bien sûr que je le savais. Je vivais à Vukovar, et bien sûr que je

27 savais qui était le responsable des événements à ce moment-là, à qui il

28 fallait s'adresser afin d'obtenir de l'aide, si nécessaire. Mais je devais

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1 savoir également que Marin Vidic, Bili, était nommé au poste du

2 commissaire. Mais quant à la question de savoir comment ceci s'était

3 produit, cela, je ne le sais pas.

4 Q. Est-ce que vous savez à quel parti politique il appartenait ?

5 R. Non, cela non plus.

6 Q. A l'époque, vous ne le saviez pas non plus et plus tard non plus ?

7 R. Encore aujourd'hui, je ne sais pas à quel parti politique il

8 appartient, s'il fait partie d'un quelconque parti politique.

9 Q. Vous dites qu'à l'époque, vous n'étiez pas dans la politique, vous

10 n'étiez membre d'aucun parti politique et puisque vous dites cela, je vais

11 vous poser la question suivante, néanmoins : est-ce que vous vous

12 souvenez, lors de vos entretiens et de vos contacts quotidiens avec un

13 grand nombre de personnes que vous rencontriez tous les jours en tant que

14 médecin, est-ce que vous avez reçu des informations au sujet de la question

15 de savoir ce que certains partis politique, et je veux parler surtout du

16 HDZ, ce qu'il faisait afin de créer des détachements non-armés et afin de

17 rassembler des fonds et créer des unités et des groupes dans des villages à

18 Vukovar ?

19 R. Je ne sais rien à ce sujet. J'étais médecin et je me focalisais sur les

20 patients, sur les gens qui venaient me voir à cause de leurs problèmes.

21 J'essayais de les diagnostiquer et je m'occupais de cela. Je n'essayais pas

22 de constater quelles rumeurs circulaient dans la ville. Dieu sait si cela

23 était vrai ou s'il s'agissait simplement des ouï-dire.

24 Q. Si c'étaient simplement des rumeurs ou des ouï-dire auxquels vous ne

25 prêtiez pas attention, est-ce que vous avez prêté attention au fait qu'il y

26 avait des barrages routiers aux entrées et aux sorties des zones peuplés,

27 ce qui provoquait des problèmes, des obstacles dans la circulation libre de

28 la population ? Est-ce que vous le saviez ?

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1 R. Je le savais car je l'ai vécu moi-même; à savoir, le

2 2 mai 1991, tôt, dans la matinée, j'allais à Osijek car j'amenais une

3 patiente pour qu'elle y subisse un examen de la tête. A mon retour, ma

4 femme et moi, nous avons été arrêtés à un barrage routier. A ce barrage

5 routier, c'est la première fois que j'ai vu des paramilitaires vêtus

6 d'uniformes de Chetniks qui nous ont laissé passer. On était les seuls

7 qu'ils avaient laissé passer car j'avais effectué une intervention

8 chirurgicale sur un membre de la famille de la personne qui était sur le

9 barrage routier. Il nous a envoyé à une autre personne dans le village qui

10 allait nous aider afin de sortir par un autre barrage routier à la sortie

11 de Vukovar.

12 A ce moment-là, un citoyen de Trpinja, Ilija Mirkic, nous a fait

13 sortir. Il était au barrage routier en haut du village où se trouvaient,

14 encore une fois, les individus avec des insignes et des vêtements de

15 Chetniks. Ils étaient armés et cette personne a réussi à nous laisser

16 passer. C'est ainsi que j'ai pu regagner l'hôpital de Vukovar où déjà des

17 personnes blessées et des policiers de Borovo Selo commerçaient à arriver.

18 Q. Merci. Trpinja que vous venez de mentionner, sur la base de ce que vous

19 dites, est-ce qu'on peut conclure que la population de Trpinja était serbe

20 ou majoritairement serbe ou pratiquement, entièrement serbe ?

21 R. Je pense que pratiquement, on pourrait dire que c'était un village

22 entièrement serbe. Je ne sais pas s'il y avait des Croates, et si oui, quel

23 était leur nombre. Mais j'ai également vu dans le village des personnes

24 armées devant leurs maisons. Dans une maison, j'ai même vu un groupe de

25 membres des formations paramilitaires chetniks armés et en uniforme. Ils

26 étaient dans une salle au milieu du village.

27 Q. Monsieur Njavro, lorsque vous dites Chetniks, et vous avez souvent

28 utilisé ce terme, vous avez souvent parlé des Chetniks, est-ce que vous

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1 pourriez dire ici devant la Chambre de première instance qui étaient les

2 Chetniks et comment reconnaissiez-vous, à des occasions pareilles, qu'il

3 s'agissait des Chetniks ?

4 R. J'ai pu reconnaître cela car Seselj, en faisant le tour de Baranja en

5 allant à Borovo Selo, était montré à la télévision souvent avec les

6 insignes et en train de promouvoir l'idéologie chetnik selon laquelle il

7 fallait éliminer tout ce qui n'était pas serbe.

8 Q. Vous avez dit qu'à Trpinja vous avez vu des Chetniks. Sur la base

9 de quoi les avez-vous identifiés en tant que Chetniks ?

10 R. C'est vrai car les Chetniks avaient leurs propres insignes. Puis, l'un

11 d'eux est venu avec un fusil à lunettes et il a dit : "Je suis un Chetnik."

12 Il s'est adressé à ma femme qui était derrière le volant à ce moment-là et

13 qui ne s'est pas arrêtée immédiatement lorsqu'il a donné l'ordre. Il lui a

14 dit quelque chose allant dans le sens : "Je suis Chetnik. J'aurais pu vous

15 tuer. Cette fois-ci, je vous ai sauvé la vie. Ne revenez plus ici, ne

16 repassez plus par Trpinja." S'il a dit cela, je n'ai pas de raison de

17 douter du fait qu'il était un Chetnik, tout comme les autres qui portaient

18 les mêmes uniformes et les mêmes insignes.

19 Q. Savez-vous ou à l'époque, avez-vous entendu parler de la raison pour

20 laquelle ces barrages routiers ont été placés à Trpinja et pour quelle

21 raison un village s'est isolé de cette manière ? Pourquoi ils se

22 comportaient ainsi, surtout si, comme vous l'avez dit tout à l'heure, il

23 n'y avait pas de tensions interethniques, ni de détérioration de rapports

24 interethniques ?

25 R. Mais je ne voyais pas de raisons à cela non plus, c'est pour cela que

26 j'étais étonné. Le matin, je suis allé à Osijek qui est à environ 35

27 kilomètres de Vukovar et Trpinja est le premier village entre Vukovar et

28 Osijek, ensuite, il y a Klisa.

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1 J'ai traversé les deux villages le matin et rien ne se déroulait.

2 J'étais de retour vers 11 heures de la matinée et non pas à Trpinja qui est

3 un village majoritairement serbe, mais j'avais d'abord traversé Klisa qui

4 est un autre village majoritairement serbe, mais les premiers barrages

5 routiers, je les ai vus seulement à Trpinja, par la suite.

6 Q. Savez-vous que de tels barrages routiers avaient été constitués dans

7 des villages majoritairement croates de la même manière ?

8 R. Je ne peux pas l'affirmer car à cette époque-là et par la suite non

9 plus, je ne traversais ni des villages croates, ni des villages serbes. Par

10 conséquent, je n'étais pas en mesure de savoir avec certitude s'il y avait

11 des barrages routiers aussi dans des villages croates et non pas seulement

12 dans des villages serbes car je passais pratiquement 24 heures sur 24 dans

13 l'hôpital, tous les jours.

14 Q. Merci. Vous avez dit que c'était justement ce jour-là qu'un

15 affrontement violent a eu lieu à Borovo Selo dans le cadre duquel plusieurs

16 policiers ont été tués et avez dit qu'à votre retour, vous étiez engagé en

17 tant que médecin chirurgien dans une intervention qui avait à voir avec

18 cela. Est-ce que cet événement, autrement dit, les barrages routiers à

19 Trpinja qui existaient, non pas le matin lorsque vous arriviez vers Osijek,

20 mais lors de votre retour, est-ce que vous n'avez pas conclu que c'était

21 une réponse de Trpinja par rapport aux événements de Borovo Selo ? Peut-

22 être les gens craignaient qu'un grand nombre de policiers allaient venir

23 dans leur village tout comme ils l'avaient fait à Borovo Selo, que peut-

24 être il y aurait un autre affrontement ?

25 R. Non. Je ne pense pas que ceci ait été la raison car afin d'arriver à

26 Borovo Selo, il fallait passer par Borovo qui fait partie de Vukovar, alors

27 que Trpinja, Klisa, Bobota, Vera, et toute la partie au nord de la

28 municipalité de Vukovar, étaient constitués des villages à majorité ou

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1 entièrement serbe.

2 Q. Est-ce que vous savez quelle est la distance entre Trpinja et Borovo

3 Selo ?

4 R. Permettez-moi d'y réfléchir un peu. Cinq, peut-être six, peut-être un

5 peu plus que cela, mais pas plus que dix kilomètres, approximativement,

6 peut-être un peu moins. Vraiment, je n'ai jamais fait attention à cela,

7 mais à mon avis, puisque je connais les deux villages, je dirais que c'est

8 la distance approximative.

9 Q. Par conséquent, de toute façon, les deux villages sont près l'un de

10 l'autre, il est facile de se déplacer rapidement de l'un à l'autre et vice-

11 versa.

12 Mais de toute façon, l'événement principal de la journée était celui

13 qui se déroulait à Borovo Selo et vous avez mentionné cela également lors

14 de l'interrogatoire principal de M. Moore. Ce même matin, un événement

15 s'est produit à Borovo Selo, à savoir, un conflit armé farouche qui a

16 provoqué des morts et des blessés des deux cotés; est-ce exact ?

17 R. Pour autant que je le sache, ceux qui ont été tués appartenaient au

18 camp croate surtout. Là, je parle des policiers et une partie d'entre eux

19 ont été tués, 12 d'entre eux ont été conduits en voiture devant l'hôpital

20 et devant le bâtiment du MUP ou du poste de police de Vukovar. Puis, il y

21 avait un groupe de personnes blessées, si mes souvenirs sont bons. Vous

22 savez, c'était le début. Au début, on se souvenait mieux des nombres. Je

23 pense qu'environ 20 et quelque personnes ont été blessées et parmi les

24 blessés, il y avait à la fois les policiers, mais aussi les membres des

25 unités paramilitaires de Borovo Selo.

26 Q. Monsieur Njavro, si je vous ai bien compris, vous affirmez que ces 12

27 policiers qui ont été tués ont été conduits jusqu'à l'hôpital de Vukovar,

28 les cadavres des policiers morts ont été conduits au même moment que les

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1 blessés ?

2 R. A ce moment-là, je n'étais pas à l'hôpital car je venais de traverser

3 le barrage routier à Trpinja, comme je l'ai dit. Je suis arrivé à l'hôpital

4 et les morts y avaient déjà été conduits car on m'avait dit qu'une partie

5 d'entre eux avait été conduit jusqu'à l'hôpital, mais qu'ensuite, ils ont

6 été conduits jusqu'au cimetière, à Mitnica. Une partie d'entre eux et une

7 autre partie des personnes qui avaient été tuées était, d'après ce qu'on

8 m'a dit, devant le poste de police. De là, encore une fois, ils ont été

9 conduits jusqu'au nouveau cimetière à Mitnica afin de subir une autopsie.

10 Les blessés étaient à l'hôpital, les examens étaient en cours, et

11 justement, je me suis joint aux autres afin de les examiner. Nous les avons

12 installés à l'hôpital. Comme je vous l'ai dit, à ce moment-là, il y avait

13 environ 20, 21 blessés de Borovo Selo à l'hôpital.

14 Q. Oui. Si j'ai bien compris votre réponse, il y avait une partie d'entre

15 eux qui était sur place, puis, une autre qui était ailleurs, mais de toute

16 façon, toutes les personnes tuées et blessées ont été amenées à Vukovar ce

17 jour-là.

18 Lorsque vous parlez des blessés, je crois que vous avez dit que

19 certains des blessés, une partie des blessés étaient des policiers croates

20 et que les autres blessés étaient des citoyens de Borovo Selo. Ai-je bien

21 compris si je conclus que ceux-là ont été amenés à l'hôpital de Vukovar eux

22 aussi ?

23 R. Oui c'est exact. Une partie.

24 Q. Une partie de la totalité des blessés ou…

25 R. Ceux qui étaient blessés et ceux qui avaient besoin des soins intenses,

26 ceux dont la vie était en danger, après une intervention chirurgicale et

27 après les activités de réanimation, ils avaient été placés dans la salle

28 d'urgence et de soins intensifs et il a été dit que ceux-là y étaient

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1 installés, mais qu'on ne savait pas s'il y avait d'autres membres de leur

2 formation paramilitaire qui, peut-être, étaient blessés, eux aussi et au

3 sujet desquels on ne savait pas où ils se trouvaient. Mais ceux qui sont

4 venus - je pense qu'ils étaient au nombre de sept ou huit - ils ont reçu

5 les soins de manière tout à fait professionnelle et compétente et ils ont

6 été retenus à l'hôpital aux fins de traitements.

7 Q. D'après vos souvenirs, sept ou huit Serbes de Borovo Selo ont été

8 traités dans votre hôpital en tant que blessés; est-ce exact ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Avez-vous assisté à l'occasion lorsqu'ils ont été amenés ou est-ce que

11 vous avez participé par la suite ?

12 R. Non, je n'étais pas sur place lorsque l'on les a fait venir. Cependant,

13 lorsque je suis arrivé, compte tenu du fait qu'ils n'avaient pas tous reçu

14 un traitement encore, lorsque je suis retourné de l'hôpital d'Osijek et

15 lorsque j'ai traversé les barrages routiers où j'avais été arrêté et où des

16 menaces ont été proférées à mon encontre - et je ne souhaite pas ennuyer la

17 Chambre de première instance en citant tous les termes qui ont été proférés

18 à mon égard - après cela, j'ai commencé à intervenir auprès de ces

19 personnes blessées.

20 Q. Vous parlez de votre retour d'Osijek à travers Trpinja et de la raison

21 pour laquelle vous êtes arrivé un peu plus tard lorsque les blessés étaient

22 déjà à l'hôpital; est-ce exact ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Vous souvenez-vous ou avez-vous vérifié si ces sept, huit blessés

25 avaient été enregistrés dans les registres de l'hôpital de Vukovar ?

26 R. Oui. Ils ont été tous enregistrés à l'hôpital de Vukovar avec tous les

27 résultats des examens diagnostiques et opérations chirurgicales ainsi

28 qu'avec tous les médicaments qui leur ont été prescrits.

Page 1581

1 Si vous vous intéressez à de telles données, il faut les demander à

2 la JNA, parce qu'après être rentrée à l'hôpital de Vukovar, la JNA a pris

3 toute la documentation.

4 Q. Dites-moi, si ces blessés avaient une sorte de -- est-ce qu'en fait,

5 ils avaient le statut de personnes détenues ou pas ?

6 R. Non, pas spécialement. Si je me souviens bien, il n'y avait pas de

7 garde qui surveillait ces blessés.

8 Q. Est-ce qu'il y avait des membres de la police, des membres armés qui se

9 trouvaient autour de l'hôpital, dans l'hôpital même à l'époque, c'est-à-

10 dire, le 2 mai 1991 ?

11 R. Non. Il n'y avait pas de membres de la police autour de l'hôpital, ni

12 dans l'hôpital même. Nous parlons du 2 mai 1991.

13 Q. Est-ce que cela s'applique à quelques jours qui ont suivi après le 2

14 mai 1991 ?

15 R. Je ne me souviens pas maintenant. Je ne peux pas vous dire s'il y avait

16 eu des policiers qui seraient venus à l'hôpital pour s'intéresser à l'état

17 de santé de l'un de ces blessés et pour lui rendre visite peut-être.

18 Q. Lui rendre visite ou l'interroger ? Est-ce qu'il y avait des membres de

19 la police qui seraient venus pour interroger vos blessés ?

20 R. Non, parce que quand j'ai dit qu'il y avait des blessés dans la salle

21 des soins intensifs, il n'était pas permis aux personnes civiles d'y

22 pénétrer ni avant l'événement, ni au cours de l'événement dont il s'agit

23 ici.

24 Q. Bien sûr, quand il s'agit des soins intensifs, personne ne peut y

25 entrer. Au moment où les patients ont été transférés dans une autre pièce,

26 est-ce que les policiers seraient venus pour les interroger ?

27 R. Non. Personne ne s'est adressé à moi pour demander la permission ou

28 l'autorisation pour interroger qui que ce soit. Je pense qu'il aurait été

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1 normal de me poser cette question ou de poser la même question au Dr

2 Ivankovic, parce que lui aussi, il avait des responsabilités quand il

3 s'agit de la chirurgie.

4 Q. Vous souvenez-vous ce qui s'est passé après ? Est-ce que ces blessés

5 avaient quitté l'hôpital ou pas ? Est-ce qu'ils avaient été guéris ?

6 R. Pour autant que je m'en souvienne, tous les blessés ont réussi à s'en

7 sortir. Leur état de santé était meilleur, et il y en avait qui avaient été

8 presque complètement guéris. Les blessures causées par différents

9 projectiles ou d'explosifs, il faut parfois beaucoup plus de temps pour que

10 ces blessures cicatrisent. Mais je me souviens que ces blessés avaient fait

11 partie de l'échange, et il s'agissait des policiers croates qui ont été

12 échangés également.

13 Q. Est-ce que cela veut dire que ces blessés avaient eu le statut de vos

14 détenus et non seulement de vos blessés ?

15 R. Non, parce que les policiers, même dans leur propre pays, s'ils

16 n'avaient pas commis un crime, ils ne peuvent pas être détenus sans qu'une

17 décision soit prise par des autorités judiciaires ou d'autres autorités

18 compétentes pour faire cela, c'est-à-dire, pour prendre une telle décision.

19 Q. Oui, je comprends cela. Mais vous avez dit vous-même, auparavant, que

20 ces blessés avaient fait partie d'un échange. Cela veut dire qu'ils avaient

21 eu un autre statut et non pas le statut de citoyens libres.

22 R. Peut-être que l'une des raisons pour cela était parce que - c'est une

23 possibilité dont je parle - parce que je n'ai pas de compétence pour donner

24 des commentaires là-dessus, mais je ne pourrais pas accepter ce que vous

25 venez de dire par rapport au statut de ces blessés.

26 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, ce qui est

27 arrivé par la suite, c'est-à-dire, après ce jour-là et après cet événement-

28 là, à savoir, si les Serbes avaient quitté Vukovar et leurs postes de

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1 travail ? En particulier, vous souvenez-vous quand il s'agit des employés

2 de l'hôpital de Vukovar ?

3 R. Je peux dire que les gens ont quitté l'hôpital. En fait, les Serbes et

4 les non-Serbes ont quitté l'hôpital, les Croates aussi et les personnes

5 appartenant à d'autres groupes ethniques. Cela ne concerne pas uniquement

6 les Serbes de l'hôpital de Vukovar. S'il y avait des gens qui auraient eu

7 peur parce qu'ils appartenaient à un groupe ethnique, je peux vous dire que

8 tout le monde avait peur à l'époque.

9 Q. Pouvez-vous nous donner un exemple, à savoir quelle aurait été la

10 raison pour laquelle les Croates auraient quitté l'hôpital de Vukovar ou

11 cela concernait uniquement les Serbes ?

12 R. Je ne pense pas que qui que ce soit se serait senti menacé, en danger. A

13 titre exemple, je peux vous dire la chose suivante : tous les Serbes qui

14 étaient restés à l'hôpital, ils ne manquaient de rien ou ils manquaient de

15 toutes choses dont les autres manquaient également. Le traitement pour tout

16 le monde était le même. Ils avaient été exposés de la même façon au danger

17 de guerre. Ils avaient eu les mêmes difficultés pour survivre comme nous,

18 c'est-à-dire, les Croates qui travaillaient à l'hôpital.

19 Q. Oui. Je comprends bien votre réponse. Il est clair que ceux qui étaient

20 restés à l'hôpital partageaient le même destin. Est-ce que cette peur

21 qu'ils avaient eu de se rendre au travail et de passer par ces barrages

22 routiers a provoqué leur départ ?

23 R. Voilà. Il y a un exemple de Borovo Selo.

24 Une femme a été mariée au village de Jazici au fils d'un pope; d'un

25 prêtre orthodoxe. Elle pouvait passer tous les jours ces barrages routiers

26 sans problèmes. Une partie des personnes qui venaient de Negoslavci, de

27 Brsadin passait ces barrages routiers sans problèmes.

28 D'un autre côté, les Croates de Brsadin et à Borovo Selo, qui

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1 habitaient à Borovo Selo, ne pouvaient pas entrer alors que les Serbes

2 circulaient librement, au moins ceux que je connaissais et qui

3 travaillaient au centre médical et à l'hôpital de Vukovar.

4 Il n'y avait pas de raison pour qu'ils aient eu peur. Il y avait

5 peut-être ceux qui étaient partis de leur propre gré. Il y avait aussi des

6 Croates, des médecins croates de Vukovar, qui avaient quitté l'hôpital de

7 Vukovar. Des infirmières, des spécialistes et des autres étaient partis.

8 Certainement, il y avait des Serbes également qui étaient partis. Pour ce

9 qu'ils ont fait, on ne peut pas trouver une raison parmi les raisons de

10 leur appartenance ethnique.

11 Q. Donc, vous pensez que cela n'avait rien à voir à leur appartenance

12 ethnique.

13 Lorsqu'on parle de barrages routiers, Borovo Naselje se trouve entre

14 Vukovar et Borovo Selo. Est-ce qu'on peut dire que cette ville était

15 majoritairement croate ?

16 R. Oui, Borovo Naselje, oui.

17 Q. Est-ce qu'il y avait des barrages routiers là-bas par lesquels les gens

18 - vous avez mentionné cette femme qui devait passer par ces barrages pour

19 arriver à Borovo Selo ?

20 R. Lorsque les barrages routiers ont été apposés, les barrages du côté

21 croate n'empêchaient pas le passage de Borovo Selo jusqu'au travail et à

22 l'usine de Borovo jusqu'à ce que l'usine cesse de fonctionner. Mais dans le

23 sens inverse, il n'était pas possible de passer.

24 Q. Pouvez-vous nous dire d'où vous tenez cette donnée ?

25 R. J'ai appris cela d'une infirmière qui y travaillait. Elle travaillait

26 dans la salle des opérations. Parfois, elle a assisté à mes opérations

27 également.

28 Q. Elle réussissait à passer ces barrages routiers en tant qu'une femme.

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1 Est-ce que cela aurait également possible pour les hommes de Borovo Selo -

2 surtout parce qu'ils ont été considérés comme Chetniks - est-ce qu'ils

3 pouvaient passer par les barrages routiers à Borovo Naselje ?

4 R. Je ne pense pas que les Serbes de Borovo Selo auraient été considérés

5 comme Chetniks, et je ne peux pas dire qu'ils ne pouvaient pas passer ces

6 barrages routiers. Mais j'ai appris, j'ai entendu parler de cela. Je ne me

7 suis jamais trouvé près de ces barrages routiers pour voir qui pouvait

8 passer ces barrages routiers.

9 Q. Vous souvenez-vous si au cours de cette période, avant le

10 2 mai 1991, s'il y avait des explosions fréquentes dans des maisons, dans

11 d'autres installations urbaines à Vukovar ou à ses environs ?

12 R. Je vivais dans la ville tout près du centre et tout près de l'hôpital,

13 et l'hôpital se trouvait tout près du centre-ville. J'ai entendu parler de

14 cela, c'est-à-dire qu'il y avait eu des explosions. Pourtant, il avait été

15 dit que c'était certaines personnes qui faisaient cela, certaines personnes

16 qui quittaient Vukovar, pour que leurs maisons n'appartiennent à d'autres

17 personnes ou pour peut-être parce que ces maisons ont été assurées. C'est

18 ce qu'ils m'ont dit dans la compagnie d'assurance. Cette compagnie

19 d'assurance fonctionnait toujours à l'époque.

20 Q. Monsieur Njavro, est-ce que cela contredit ce que vous venez de dire

21 qu'à l'époque, les tentions n'étaient pas très importantes ? Quand on sait

22 que les maisons ont été minées et que les personnes qui quittaient Vukovar,

23 elles-mêmes, elles faisaient miner leurs propres maisons, est-ce que cela

24 veut quand même dire, que les relations entre les gens n'étaient pas bonnes

25 et qu'il y avait beaucoup de tensions ?

26 R. Les personnes qui causaient des problèmes voulaient provoquer une telle

27 situation et des tensions entre les gens. Comme vous le savez, ils n'ont

28 pas réussi à le faire, parce qu'au moment où la ville de Vukovar a été

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1 occupée, dans cette partie, il y avait des Serbes qui n'avaient pas quitté

2 Vukovar. Ils ne se sentaient pas menacés, et ils partageaient le même sort

3 que les autres qui vivaient dans des caves comme des taupes avec les autres

4 personnes, les autres non-Serbes. Ils ont souffert comme tout le monde.

5 Q. Ma question ne concernait pas cela. Je vous ai posé la question

6 concernant les explosions et les maisons minées. Est-ce que vous savez

7 qu'un kiosque de journaux ou plutôt, du journal de Belgrade qui s'appelait

8 Borba a été miné ?

9 R. Non, je ne savais pas. Je ne prêtais pas attention sur cela, parce que

10 ma tâche, en tant que médecin, en tant qu'homme, était d'apaiser la

11 situation. Comme je l'ai déjà dit, j'étais presque 24 heures sur 24 heures

12 à l'hôpital. Ceux qui venaient me voir pour les soins médicaux, ils

13 venaient justement pour cela et non pas pour me parler de ce qui se passait

14 dans la ville. Mais ils me parlaient quand même de tels cas, c'est-à-dire

15 que les gens faisaient miner leurs propres maisons. Mais je n'ai pas

16 vérifié cela et ce n'était pas ma tâche, ce n'était pas mon obligation et

17 je ne pouvais pas le faire.

18 Q. Vous dites que vous avez entendu parler de cela. Mais vous n'avez pas

19 entendu parler du fait que d'autres personnes se sont plaintes, qu'il

20 s'agissait d'une sorte de pression sur certaines personnes qui devaient

21 quitter Vukovar ou d'autres endroits autour de Vukovar ?

22 R. Il y a beaucoup d'endroits, les endroits où vivaient les Croates, les

23 Croates ont quitté ces endroits. Mais quand il s'agit de Vukovar, les

24 Serbes et les Croates auraient pu quitter la ville parce qu'il y avait

25 beaucoup de souffrance et la JNA et les unités paramilitaires ont commis

26 beaucoup de mal.

27 Q. Monsieur Njavro, je parle de la période avant les activités

28 d'artillerie, je parle de la période avant et après le 2 mai 1991. Je vous

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1 prie de ne pas vous éloigner de cette période.

2 Nous allons en parler un peu plus tard, avant la pause. Je vais vous

3 poser des questions concernant cette période. Est-ce que vous avez pu voir

4 et est-ce qu'il s'agissait d'une sorte de pression sur les Serbes de

5 Vukovar ? Est-ce que vous avez pu voir que les Serbes de Vukovar ont été

6 démis de leurs fonctions dans des institutions, dans des entreprises, y

7 compris, votre hôpital ?

8 R. Je peux parler de l'hôpital uniquement. Les partis politiques ont

9 décidé, prenaient de telles décisions parce qu'il y avait des élections

10 multipartites qui ont établi la nouvelle méthode démocratique quand il

11 s'agit de cela. Mais quant à l'hôpital de Vukovar, je pourrais vous parler

12 des personnes qui ont été démises de leurs fonctions. Il ne s'agissait pas

13 de licenciement. Il s'agissait de gens qui ont démissionné.

14 Q. Est-ce que ces démissions ont été forcées ?

15 R. Je ne pourrais pas les définir comme cela parce que ces démissions ont

16 été nécessaires, même avant, lorsque les événements à Borovo Selo ont eu

17 lieu et lorsque les soldats croates à Borovo Selo ont été tués. Le

18 directeur du centre médical de Vukovar à l'époque a refusé d'envoyer des

19 ambulances avec des équipes médicales pour qu'ils apportent de l'aide. Ce

20 qui, médicalement parlant, je ne veux pas utiliser le mot juste, mais je

21 vais utiliser une sorte d'euphémisme, il s'agissait d'irresponsabilité

22 médicale.

23 Plus tard, lorsque certains Croates et certains Serbes avaient quitté, de

24 leur plein gré, la ville en ne demandant pas à partir de façon légale,

25 c'est-à-dire, en partant en congé payé ou non payé, le directeur leur a

26 permis de façon arbitraire de partir en congé, en s'appuyant sur la

27 législation en vigueur à l'époque.

28 Comme vous le savez bien, en tant qu'avocat, il existait à l'époque

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1 la loi sur le travail qui stipulait les cas de licenciement et les raisons

2 pour lesquelles le licenciement pouvait être fait. C'est pour cela que

3 lorsqu'on lui a dit cela, je pense qu'il était tout à fait normal que le

4 directeur ait dû subir des conséquences de son travail illégal, en quelque

5 sorte et c'est pour cela qu'il a démissionné.

6 Q. Je suis d'accord avec vous pour dire que l'absence de son poste de

7 travail aurait entraîné des conséquences tel le licenciement. Est-ce que

8 vous pensez qu'il s'agissait d'un état extraordinaire à l'époque parce

9 qu'il voulait aider les gens pour qu'ils ne perdent pas leurs emplois,

10 parce qu'ils pensaient qu'ils reviendraient un jour ?

11 R. Oui. Mais les autres qui étaient restés ont eu beaucoup de difficultés

12 pour survivre. Les autres qui étaient partis, ils n'avaient pas vécu de

13 telles difficultés parce que le personnel médical, dans des situations

14 critiques, devait être à la hauteur de tout cela, et je pense que comme ils

15 ont tourné le dos à tout cela, il était tout à fait en conformité avec

16 cette loi, qu'ils subissent de telles conséquences ainsi que le directeur

17 du centre médical. Il devait démissionner.

18 Q. Vous pensez que ces licenciements ou ces démissions forcés n'étaient

19 pas parce que le directeur de l'hôpital à l'époque était Serbe, mais plutôt

20 pour les raisons que vous venez de mentionner ?

21 Quant à l'hôpital, est-ce que vous savez si presque tous les postes-clés -

22 je pense que c'était seulement le poste dans la comptabilité publique qui

23 était tenu par un Serbe - que les Serbes ont été démis de leurs fonctions

24 du secrétariat à la Défense nationale, par exemple, de l'usine à Borovo, et

25 cetera, du MUP ?

26 R. Le directeur du centre médical à l'époque n'était pas Serbe. Il était

27 originaire du Monténégro.

28 Ensuite, en 1972, il y avait beaucoup de Croates qui ont été démis de

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1 leurs fonctions et personne n'a considéré cela comme un problème parce que

2 ce qui importait, c'était d'avoir des experts à certains postes et il

3 fallait penser au progrès de tout le monde et il fallait avoir de telles

4 personnes aux postes-clés.

5 Je ne pense pas que la raison pour laquelle ils ont été démis de

6 leurs fonctions soit le fait qu'ils étaient Serbes. Mais il est

7 caractéristique que quant à ces licenciements, les Serbes se trouvaient aux

8 postes-clés, je parlais de Vukovar et quant à d'autres problèmes liés à

9 l'appartenance ethnique, il est un peu bizarre de voir que des relations

10 étaient telles à l'époque.

11 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'on

12 pourrait faire une pause maintenant, si vous êtes d'accord.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Domazet.

14 Nous allons continuer à 16 heures 15.

15 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

16 --- L'audience est reprise à 16 heures 21.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, je suppose que vous

18 êtes sur le point de reprendre.

19 M. DOMAZET : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.

21 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Njavro, un jour avant les événements dont nous avons beaucoup

23 parlé, les événements du 2 mai, un jour avant, à savoir, le 1er mai 1991,

24 vous souvenez-vous avoir admis ou hospitalisé comme urgence Stefan Inic de

25 Brsadin qui avait été blessé par balle ?

26 R. Non. Mais je me souviens de Lubica qui avait également été touchée par

27 une balle à Brsadin. Avec son mari, elle se rendait à Vinkovci pour

28 récupérer leur fils. Elle a été amenée à l'hôpital, elle avait une blessure

Page 1590

1 assez grave à la jambe.

2 Q. Est-ce que vous connaissez Mme Danica Grojic, enseignante ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous saviez ou est-ce que vous avez entendu dire que le 31

5 mai 1991, alors qu'elle se trouvait à sa fenêtre, des tirs ont été tirés

6 sur sa maison ?

7 R. Non. Je pense que j'en aurais probablement entendu parler parce qu'elle

8 n'habitait pas très loin de ma belle-mère. Elles habitaient quasiment dans

9 la même rue.

10 Q. Est-ce que des tirs étaient souvent entendus à Vukovar pendant cette

11 période, le jour comme la nuit ?

12 R. Comme je l'ai dit, je passais le plus clair de mon temps à l'hôpital.

13 J'étais dans les chambres des malades, auprès des patients dans mon service

14 ou j'étais à la clinique de jour pour examiner ou traiter des patients qui

15 avaient des rendez-vous et cela prenait le matin et l'après-midi,

16 d'ailleurs, le soir également. Je ne pouvais pas entendre lorsque je me

17 trouvais au sous-sol, je ne pouvais pas entendre s'il y avait des coups de

18 feu dans la ville.

19 Q. Une autre question à ce sujet. Il se peut que je vous aie déjà posé des

20 questions à propos d'explosions dans des maisons, mais je n'avais pas parlé

21 de restaurants et de cafés. J'aimerais vous donner lecture de noms de

22 restaurants et de cafés qui appartenaient à des Serbes, qui ont explosé en

23 avril ou en mai. Dites-moi si vous les connaissez ou si vous en avez

24 entendu parler. Krajisnik en

25 avril 1991 ?

26 R. Non, je ne sais même pas où cela se trouvait.

27 Q. Sarajka ?

28 R. Sarajka, c'était un café qui se trouvait près du marché de Vukovar. Son

Page 1591

1 propriétaire -- c'est en tout cas ce que j'avais entendu, parce qu'il y a

2 des gens qui sont arrivés à l'hôpital plus tard, lorsque des opérations

3 avaient lieu et ces gens m'ont dit que c'était une personne qui était

4 véritablement chauvin, nationaliste extrême et que c'est lui-même qui a

5 fait exploser son café.

6 Q. C'était un Serbe ?

7 R. Oui.

8 Q. Je pense que nous parlions de Sarajka et cela n'a pas été consigné au

9 compte rendu d'audience.

10 Le 3 mai, un jour après les événements de Borovo Selo, le café qui

11 s'appelait Tufo, savez-vous ce qu'il lui est arrivé ?

12 R. Non, je ne sais pas où il se trouvait. Je suis sûr qu'il existait,

13 puisque vous le dites.

14 Q. Le café Brdo, le 6 mai, c'était le jour férié serbe de Djurdjevdan ?

15 R. Oui, j'en ai entendu parler parce que j'allais souvent rendre visite à

16 des amis le 6. Mon prénom, c'est Juraj et ils m'invitaient à cette fête du

17 saint.

18 Q. Mais vous ne connaissez rien à propos de ce café ?

19 R. Non.

20 Q. Le café Mali Raj qui a explosé le 28 juin, le jour de la Saint-Georges

21 ?

22 R. Je dois vous dire, Monsieur, que je ne suis pas un homme qui

23 fréquentait les cafés. Je ne sais pas quel genre de personnes se rendent

24 dans des cafés et je ne peux véritablement pas vous dire grand-chose à

25 propos de ces cafés, à part Sarajka que je connais parce que ma belle-mère

26 avait l'habitude d'aller au marché. C'est pour cela que je sais où il se

27 trouvait. Mais pour ce qui est des autres, je ne le savais pas.

28 Q. Merci. Je vais poursuivre. Il y en a neuf sur ma liste, neuf cafés ou

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1 restaurants qui ont explosé en un mois et demi. Je vais poursuivre et vous

2 poser la question suivante.

3 Vous savez certainement qu'à Vukovar, il y avait une caserne de la JNA ?

4 R. Oui.

5 Q. Savez-vous qu'à cette époque, en mai ainsi qu'en juin, puis plus tard,

6 des efforts ont été déployés pour boucler la caserne, pour couper

7 l'adduction d'eau, l'approvisionnement électrique, pour empêcher à cette

8 caserne d'opérer et de fonctionner ?

9 R. Je n'en sais rien, mais ce que je sais, c'est que devant l'hôpital,

10 j'ai vu passer des véhicules de transport de troupes. Ils avaient des armes

11 tournantes et des soldats montraient trois doigts et cela aurait pu être

12 conçu comme une provocation par d'aucuns, notamment, les Croates. De temps

13 à autre, vous pouviez les entendre chanter des chansons qui n'étaient pas

14 des chansons typiquement folkloriques, mais qui, au contraire, étaient des

15 chansons provocatrices.

16 Lors d'un des passages de ce véhicule de transport de troupes, il y a

17 certains soldats qui ont été blessés, qui ont été emmenés à l'hôpital où

18 ils ont été aidés. Je pense que leur commandant était le capitaine Curcin

19 ou Curcic. Il m'a remercié d'avoir administré des soins à ses soldats et un

20 ou deux jours plus tard, ils ont été transportés à l'hôpital de l'Académie

21 militaire de Belgrade. Ces soldats, eux-mêmes, m'ont dit qu'ils

22 transportaient des armes. Je ne leur avais pas posé des questions à ce

23 sujet parce qu'à l'époque, cela ne m'intéressait pas. Mais ils m'ont dit

24 qu'ils transportaient des armes à Borovo Selo.

25 Q. Cela ne m'intéresse pas non plus. J'aimerais vous demander de bien

26 vouloir vous concentrer sur mes questions. Je vous ai posé une question à

27 propos de la caserne de Vukovar. Savez-vous qu'elle avait été bouclée,

28 comme je l'ai décrit, qu'il y avait d'abord eu des obstacles, puis, que

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1 finalement, elle avait fait l'objet de bouclage ? Est-ce que vous le saviez

2 ?

3 R. Non. Je ne l'ai pas su jusqu'à un moment au mois d'août. C'était

4 d'ailleurs vers la fin du mois d'août que je l'ai appris. J'ai appris que

5 la caserne était bouclée, qu'il n'y avait plus d'électricité, qu'il n'y

6 avait plus d'adduction d'eau parce que la ville était détruite à partir de

7 la caserne.

8 Q. Vous nous parlez de la fin du mois d'août ?

9 R. Oui.

10 Q. Mais plus d'un témoin a déclaré que cela avait commencé le 24 ou le 25

11 août; est-ce que cela est exact ?

12 R. Vukovar a fait l'objet de pilonnages même avant cela. Mon appartement

13 qui se trouve près de l'hôpital a été endommagé le

14 6 août 1991. Tout le monde m'a dit que les obus venaient de la caserne; la

15 caserne se trouvait à Sajmiste. Vous savez, je ne suis pas expert en la

16 matière. Je ne suis pas expert dans le domaine des armes militaires qui

17 sont utilisées pour lancer des obus.

18 Q. Merci. En réponse à une question qui vous a été posée par mon estimé

19 confrère, M. Moore, question qui portait sur le 6 août, voilà ce que vous

20 avez dit. Mais je vous demandais si le pilonnage a commencé le 25. Qu'est-

21 ce qui s'est passé entre le 6 et le 25 ? Est-ce qu'il y a eu pilonnage sur

22 Vukovar ?

23 R. Bien sûr que Vukovar a été pilonné avant cela. A Borovo Naselje - et

24 non pas Borovo Selo - il y a eu destruction. Car après le 6, il y a un obus

25 qui a atterri le 13 août. Les obus atterrissaient non loin de l'hôpital. Il

26 y en a un qui est tombé tout près de l'hôpital, le 6 août, et d'ailleurs,

27 la salle d'opération de l'hôpital a été sérieusement endommagée. Puis, le

28 même jour, un obus est tombé sur le faîte d'un arbre qui se trouvait juste

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1 en face de la fenêtre de mon appartement. Très heureusement, c'est grâce à

2 l'arbre que l'obus n'est pas entré dans l'appartement.

3 Puis, il faut savoir que la ville a également été pilonnée le 13.

4 Puis, il y a des obus qui sont tombés dans le parc de la ville. Il y avait

5 des bâtiments où résidaient des officiers de la JNA. Ce bâtiment a été

6 touché. Ensuite, il y a eu des bombardements intenses, comme vous l'avez

7 dit, Monsieur, qui ont commencé le 24. A partir de cette date, les

8 bombardements n'ont pas cessé. Ils étaient constants et ils étaient

9 quotidiens.

10 Q. Savez-vous si, après le 25 août, un avion de la JNA est tombé au-dessus

11 de Vukovar parce qu'on lui avait tiré dessus ?

12 R. Oui. Même avant cela, il y a des avions de la JNA qui bombardaient les

13 villages autour de Vukovar et qui bombardaient Vukovar.

14 Q. Votre réponse est affirmative ? Vous avez entendu parler de cet

15 incident ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous savez qui a tiré sur l'avion ?

18 R. Un membre du Corps de la Garde nationale a tiré sur cet avion et a

19 abattu l'avion. Avec quoi l'a-t-il fait ? Je ne m'y connais pas en arme,

20 comme je l'ai déjà dit.

21 Q. Maintenant que nous avons mentionné le Corps de la Garde national,

22 Monsieur Njavro, vous avez dit à plus d'une reprise que vous conserviez des

23 dossiers dans l'hôpital, des dossiers qui indiquaient si un patient était

24 membre de la police croate ou membre du ZNG. Voilà la question que

25 j'aimerais vous poser : qu'était exactement le Corps de la Garde

26 nationale ?

27 R. Je n'étais pas ministre de la police, je ne suis pas un expert

28 militaire. Je n'ai ni organisé la police, ni organisé le Corps de la Garde

Page 1595

1 nationale. Je ne peux pas véritablement vous donner une définition précise.

2 Je sais tout simplement que cela faisait partie intégrante des forces de la

3 police, et que ce corps était placé sous la compétence du ministère de

4 l'Intérieur, à savoir, de la police.

5 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'une formation militaire placée sous les

6 auspices du ministère de l'Intérieur parce que la Croatie n'avait pas

7 d'armée ? Si vous êtes d'accord avec moi, la seule armée à l'époque était

8 la JNA parce que l'Etat de la Yougoslavie existait encore à l'époque.

9 R. Non. Je pense que c'était une garde qui était rattachée à la police

10 comme cela existe dans d'autres pays. Il s'agissait d'une formation de la

11 police qui était connue sous le nom de Corps de Garde nationale de Croatie.

12 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'une formation paramilitaire vu la façon dont

13 ce corps a été établi et vu sa composition ?

14 R. Non. Si toute la procédure régulière nécessaire a été respectée, il

15 faut savoir que cela a été adopté par le Parlement, approuvé par le

16 gouvernement comme cela est fait en règle générale dans tout pays

17 démocratique où l'on trouve cette combinaison de polices ou de forces de la

18 police et de gardes.

19 Q. Peu importe qui a pris la décision, au vu du fait qu'il existait un

20 état fédéral et au vu du fait qu'il y avait une armée et qu'un Etat

21 fonctionnait à l'époque, j'aimerais vous rappeler, qu'à l'époque, la

22 République de la Croatie ne s'était pas encore séparée de la Yougoslavie

23 ou, en tous cas, cela n'avait pas encore été reconnu en tant que tel ?

24 R. Oui. Certainement que cela existait, parce qu'il y avait une

25 présidence, il y avait le gouvernement d'Ante Markovic. La Croatie en tant

26 que République socialiste indépendante de l'état fédéral, à ma connaissance

27 en tous cas, parce que le droit n'est pas mon domaine, la Croatie disais-

28 je, avait la possibilité juridique d'avoir un Corps de Garde nationale, non

Page 1596

1 pas une formation paramilitaire mais des forces de police régulière.

2 Q. Quel uniforme portaient-ils ? Est-ce qu'ils portaient la tenue de

3 camouflage ou est-ce qu'ils portaient l'uniforme bleu de la police ?

4 R. Au début, autant que je m'en souvienne, bien entendu, ils portaient les

5 deux uniformes. En fait, pour ce genre d'opérations, c'est ce qui est

6 porté, parce que lorsque je vois des forces de police spéciales, je vois

7 qu'ils portent des uniformes de camouflage. Donc, je ne serais pas surpris

8 si l'on me disait que les gardes portaient ce genre d'uniformes.

9 Q. Certes. Mais la couleur de l'uniforme de camouflage est différente.

10 Vous avez mentionné M. Ante Markovic comme étant le premier ministre

11 du gouvernement fédéral. C'était un Croate, n'est-ce pas ?

12 R. Je ne lui ai pas demandé sa nationalité. Je n'en sais rien. Je le

13 suppose.

14 Q. Je ne lui ai pas demandé non plus, mais je pense que c'est un fait de

15 notoriété publique.

16 R. Oui, vraisemblablement. Il était vraisemblablement membre de la nation

17 croate.

18 Q. A cette époque - et je pense à l'époque pertinente pour Vukovar - vous

19 souvenez-vous qui était président de la Yougoslavie, de la République

20 socialiste fédérative de la Yougoslavie ?

21 R. Je ne suis pas sûr de la période à laquelle vous faite référence.

22 Q. A partir du mois de juillet.

23 R. A partir du mois de juillet, non. Toutefois, je sais qu'il y avait

24 beaucoup de tensions à ce sujet. Ce fut au tour de la Croatie de nommer ses

25 membres pour être président de la présidence, et cela était censé être M.

26 Stipe Mesic.

27 Q. Est-ce que M. Stipe Mesic est devenu président de la présidence ?

28 R. Oui. Mais je pense que c'était en quelque sorte que l'on assistait au

Page 1597

1 crépuscule de ce système. Je pense que l'autorité de Stipe Mesic était

2 plutôt une autorité protocolaire, une autorité formelle, et qu'il n'a pas

3 été à même d'exercer une influence sur les événements et la tournure qu'ont

4 pris les événements en ex-Yougoslavie.

5 Q. Si je vous disais que M. Stipe Mesic est devenu président de la

6 présidence le 1er juillet 1991, seriez-vous d'accord avec ce que j'avance ?

7 R. Oui, je serais d'accord. Je suppose, qu'étant avocat, vous avez plus de

8 connaissance à ce sujet que moi.

9 Q. Autre chose à propos de sa nationalité, j'espère que nous conviendrons

10 qu'il était et qu'il est toujours Croate, et qu'il est le président actuel

11 de la République de Croatie ?

12 R. Oui.

13 Q. J'aimerais maintenant aborder un autre thème relatif à l'hôpital. Nous

14 avons parlé du service de chirurgie. Avant ces événements ou plutôt, avant

15 que vous ne soyez nommé chef du service de l'hôpital de guerre, qui était

16 l'infirmière chef du service de chirurgie ?

17 R. Je pense qu'il s'agissait de Mme Binazija Kolesar. C'était une

18 infirmière homologuée.

19 Q. Est-ce qu'elle est restée à l'hôpital jusqu'à la fin ? Est-ce qu'elle a

20 assumé cette fonction d'infirmière chef jusqu'à la fin ?

21 R. Oui.

22 Q. Je suppose que vous la connaissiez bien puisque vous travailliez

23 ensemble. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il s'agit d'une personne de

24 confiance ? Est-ce que vous pouviez lui faire confiance ? Est-ce que

25 c'était une personne qui s'acquittait de sa tâche professionnelle ?

26 R. Je pense que c'était une femme qui travaillait de façon extrêmement

27 consciencieuse, qui ne se mettait jamais en avant et qui s'est acquittée de

28 sa tâche en tant qu'infirmière chef de l'unité ou du service de chirurgie

Page 1598

1 de la façon la plus professionnelle et de la façon la plus humaine

2 également.

3 Q. Pensez-vous qu'il s'agissait d'une personne qui n'aurait aucune raison

4 de proférer des mensonges à propos des événements qui se sont déroulés à

5 l'hôpital de Vukovar pendant cette période ?

6 R. Puisque vous m'avez posé des questions à propos des relations

7 interethniques à l'hôpital et à l'extérieur de l'hôpital également,

8 permettez-moi de vous dire, qu'en ce qui me concerne, à ma connaissance,

9 bien que je n'aie jamais posé la question à Mme Kolesar, je pense qu'elle

10 était Bosnienne. Elle n'était pas Croate. Elle était mariée. Elle avait

11 épousé un Ruthène. Elle n'a jamais laissé ses sentiments nationaux

12 s'immiscer dans son travail. Elle faisait son travail de façon extrêmement

13 consciencieuse, de façon extrêmement professionnelle. Je pense que son

14 attitude et son comportement, pendant sa déposition, ont dû être

15 identiques.

16 Q. Lorsque vous parliez des fichiers ou des dossiers conservés à

17 l'hôpital, avec les anamnèses, et cetera, et tous les détails, vous avez

18 dit notamment d'ailleurs qu'après le mois de mai 1991, outre les

19 informations générales, l'affiliation d'un patient était également

20 répertoriée. Ce que j'entends, c'est s'il s'agissait d'une personne civile,

21 d'un membre du MUP, d'un membre du ZNG. Est-ce que la nationalité des

22 patients était également répertoriée ?

23 R. Non, aucunement. Je peux absolument vous assurer que cela n'a jamais

24 été fait. D'ailleurs, cela ne nous est jamais passé par l'esprit. Nous

25 n'avons jamais pensé répertorier la nationalité d'un patient dans un

26 dossier.

27 Q. Voilà quelle est ma question : comment est-ce que vous connaissiez la

28 nationalité des patients ? Car très souvent, nous avons entendu des

Page 1599

1 pourcentages qui ont été avancés ici, des pourcentages, tant de pourcentage

2 des patients de telle nationalité, de telle autre nationalité. Donc, sur

3 quelle base obteniez-vous ce genre de statistiques ?

4 R. Je voudrais que vous me donniez des exemples bien précis parce que je

5 n'ai jamais dit cela. Lorsque les patients arrivaient à l'hôpital, ceux qui

6 étaient originaires de Vukovar et que je connaissais parce que je

7 connaissais toute la famille, pour ces personnes, évidemment que je

8 connaissais leur nationalité. Parce que je rendais visite à certaines

9 familles, j'allais chez elles. Je connaissais leurs coutumes. Je savais

10 quelle était leur confession. Donc, cela ne m'était pas difficile de

11 connaître leur nationalité.

12 Toutefois, nous n'avons jamais laissé ce genre de chose avoir une

13 incidence sur notre comportement, sur notre attitude. Cela est valable pour

14 tout le personnel médical.

15 C'était une chose différente si les membres de la JNA blessés

16 arrivaient et les membres des formations paramilitaires. Car dans ce cas-

17 là, eux-mêmes, ils le disaient même si ce n'était inscrit nulle part. Ils

18 disaient, par exemple : S'il vous plaît, je suis un Serbe, j'ai été

19 mobilisé de force. Les gens se présentaient conformément à ce qu'ils

20 croyaient opportun dans de telles circonstances. C'est ainsi que l'on

21 savait qui était qui parmi les blessés, quelle était l'appartenance

22 ethnique des différentes personnes.

23 Q. Merci. Vous avez mentionné que certains d'entre eux disaient qu'ils

24 étaient mobilisés de force. Pour quelle raison, à votre avis ? Ils le

25 soulignaient justement auprès de vous au moment de l'accueil à l'hôpital.

26 Est-ce qu'ils avaient des problèmes ? Est-ce que c'est pour cela qu'ils le

27 soulignaient ?

28 R. Ils nous soulignaient cela à ce moment-là. Par la suite, lorsqu'ils

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1 voyaient le traitement qu'ils recevaient, ils nous disaient qu'avant cela,

2 ils recevaient des avertissements comme quoi des Oustachi les attendaient

3 là-bas, et qu'au bas mot, ils allaient les harceler, les torturer et les

4 abattre pour finir. C'est compréhensible d'ailleurs. Humainement parlant,

5 ils ont souligné, au moins certains d'entre eux, qu'ils ne faisaient pas

6 partie des unités armées de leur propre gré. Ils disaient qu'ils étaient

7 mobilisés de force, et cetera.

8 Q. S'agissant d'un certain nombre de ces membres, vous vous souviendrez

9 que vous avez mentionné lors de l'interrogatoire mené par mon éminent

10 collègue, M. Moore, vous avez mentionné Sasa Jovic. Je souhaite vous poser

11 des questions au sujet de certains autres. Vous souvenez-vous d'Ivan

12 Zivkovic ?

13 R. Je pense qu'Ivan Zivkovic, lui aussi était grièvement blessé, qu'il

14 s'est rétabli. Je ne saurais vous dire, mais je pense qu'il a rejoint les

15 rangs du Corps de la Garde nationale mais je n'en suis pas sûr. Je ne peux

16 pas l'affirmer avec certitude.

17 Q. Il était Serbe, n'est-ce pas ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Connaissiez-vous Tomo Jakovljevic ?

20 R. Tomo Jakovljevic avait travaillé à l'hôpital auparavant. Il était

21 plâtrier. Il faisait très bien son travail même s'il n'avait pas reçu une

22 formation appropriée, car en faisant son service militaire, il était

23 infirmier. Il a appris à devenir plâtrier. Il faisait cela très bien à

24 l'hôpital.

25 Il vivait à Leva Supoderica. D'après sa propre déclaration, un obus

26 de la JNA avait provoqué sa blessure à la jambe gauche ou droite, et

27 malheureusement, il avait passé deux à trois jours sans aide. Après cela,

28 les membres du Corps de la Garde nationale l'on trouvé ainsi, tout seul et

Page 1601

1 blessé dans une maison à moitié détruite, et ils l'ont emmené à l'hôpital.

2 A ce moment-là, il a reçu un traitement. Malheureusement, sa jambe a dû

3 être amputée au-dessous du genou.

4 Un jour, il a failli mourir à cause d'un obus qui est tombé dans

5 l'abri dans lequel il se trouvait. Il est tombé au-dessus de lui et l'a

6 blessé mais plus légèrement. Après, il s'est rétabli de nouveau. Comme

7 l'hôpital avait un grand nombre de personnes grièvement blessées, il a été

8 transféré avec un groupe d'autres blessés à Borovo Komerc, puisque l'abri

9 là-bas était plus en sécurité. Il y avait même pour ainsi dire un peu plus

10 de confort. Je sais qu'il y a été transféré. Quant à la suite de ce qui est

11 arrivé à Tomo Jakovljevic, je ne le sais pas, car dans la partie de

12 l'hôpital de Vukovar où nous sommes restés, nous n'avions que trop de

13 travail. Là-bas, à Borovo Komerc, il y a eu des orthopèdes [phon] et

14 d'autres spécialistes qui ont été envoyés afin de traiter éventuellement

15 ceux qui s'étaient rétablis ou qui étaient en cours de rétablissement et

16 ceux qui n'avaient plus besoin d'intervention chirurgicale, car là-bas, il

17 y avait un grand nombre de blessés dont la vie n'était pas en danger.

18 Q. Merci. Donc, vous ne savez pas ce qui lui est arrivé à la fin ?

19 R. Oui, c'est cela.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez du soldat Nedeljko Turukalo ?

21 R. Non.

22 Q. Vous souvenez-vous du soldat Slavomir Bestin ?

23 R. Non.

24 Q. Milan Biber ?

25 R. Non. Mais je sais que parfois on conduisait certains soldats qui

26 avaient été abandonnés lors des attaques de la JNA, puis, aussi des membres

27 des formations paramilitaires, des Chetniks qui venaient à l'hôpital et

28 qui, compte tenu des circonstances, étaient traités aux mieux de nos

Page 1602

1 possibilités.

2 Q. Vous l'avez dit et redit, Monsieur Njavro. Mais veuillez répondre de

3 manière succincte à mes questions, s'il vous plaît.

4 Vous souvenez-vous du soldat Branko Stankovic ?

5 R. Non. Nous avons soigné un grand nombre de soldats et d'autres membres

6 des unités paramilitaires et de la JNA.

7 Q. Est-ce que quelqu'un gardait ces soldats pendant ce temps-là, des

8 membres du Corps de la Garde nationale, est-ce qu'ils les gardaient ?

9 R. Justement en raison de possibilité d'une tension émotionnelle et autre,

10 puisqu'il y avait aussi des patients qui faisaient partie du Corps de la

11 Garde nationale, afin d'éviter tout incident, afin d'éviter que quelqu'un

12 agresse physiquement ou même fasse quelque chose de pire à l'envers d'un

13 patient, c'est justement à cause de cela qu'on essayait de les isoler, afin

14 de les protéger face aux membres du MUP et de la police, qu'on sécurisait.

15 Les soins médicaux qu'ils recevaient étaient fournis par un nombre limité

16 d'infirmières, et ce, justement afin d'éviter qu'un moment de faiblesse

17 d'une infirmière, même si de tels cas ne sont jamais survenus. Mais pour

18 éviter même une telle éventualité, il y avait un nombre limité

19 d'infirmières qui les soignaient et comme je l'ai dit, ces personnes

20 étaient gardées par des membres de la police. Cela dit, bien sûr, je les

21 visitais de manière régulière. Les médicaments dont on disposait et la

22 nourriture et les autres vivres qu'on avait, on les partageait avec eux.

23 Q. Merci. Vous en avez parlé en détail.

24 R. Je vous en prie.

25 Q. Mais voici ma question : une fois le traitement terminé, que leur

26 arrivait-il ? Qui les reprenait ?

27 R. Toutes les personnes grièvement blessées, à la fin du traitement et là,

28 surtout s'il s'agissait de blessures graves où il y avait de fortes

Page 1603

1 hémorragies ou une infection ou l'amputation de certaines parties du corps

2 où de grandes réserves de sang ont été dépensées, ce qui a provoqué la

3 pénurie de sang à la fin --

4 Q. Je vous demande --

5 R. Permettez-moi de terminer ma pensée et de vous dire ce qu'on faisait et

6 comment.

7 Tous, ils avaient besoin des soins médicaux pendant plusieurs mois. Par

8 conséquent, lorsque la JNA occupatrice est arrivée avec les formations

9 militaires, ils ont repris ceux qui avaient été soignés depuis des mois

10 déjà.

11 Q. S'il vous plaît, veuillez répondre à mes questions à présent et par la

12 suite, si possible.

13 Connaissez-vous Damir Samardzic, surnommé Veliki Bojler, "le Grand chauffe-

14 eau ?"

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce qu'il gardait ses soldats à l'hôpital ?

17 R. Oui, mais il n'était pas le seul.

18 Q. Est-ce que ces personnes étaient armées pendant qu'elles étaient à

19 l'hôpital ?

20 R. Ces personnes ne portaient pas d'armes pendant qu'elles étaient à

21 l'hôpital. Cela dit, au moment de l'entrée à l'hôpital, il fallait laisser

22 les armes et seules les personnes grièvement blessées qui étaient repris

23 par la police et emmenées au poste de police pouvaient avoir des armes.

24 Mais ici - et là, je réponds à votre question - parfois, des personnes

25 armées faisaient la garde devant la chambre de ces soldats, des soldats qui

26 étaient soignés et ces personnes les gardaient pour protéger leur sécurité.

27 Parfois, ils avaient des pistolets ou des Kalashnikovs. Je pense que c'est

28 le nom.

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1 Q. Etes-vous au courant d'un incident qui a eu lieu lors de la visite dans

2 laquelle se trouvait un policier croate blessé qui a pris son pistolet et

3 l'a pointé vers le Dr Ivankovic car il a dit devant les autres qu'il était

4 un véritable "ankosto delija [phon]," ce qui a provoqué sa réaction ?

5 R. Je ne me souviens pas de cela. Je ne suis pas au courant de cela. Mais

6 je me souviens d'un autre incident qui avait eu lieu auparavant car devant

7 sa maison, deux membres du Corps de la Garde nationale se sont fait tuer.

8 Les gens pensaient qu'ils sont --

9 Q. Je vous demande au sujet de cet incident-là. Si vous êtes au courant,

10 dites-le-moi, s'il vous plaît.

11 R. Non.

12 Q. Tout à l'heure, vous avez mentionné que trois soldats, Sasa Jovic et

13 deux autres, ont été rendus à l'armée. Mais qu'en est-il des autres soldats

14 qui avaient été traités et soignés dans votre hôpital ?

15 R. Comme je vous l'ai dit, un groupe a été remis et envoyé à l'académie

16 militaire et médicale. Un capitaine est venu et nous a remercié de l'aide

17 médicale fourni à ces hommes et ils ont été transférés, pour autant que je

18 le sache, à l'académie médicale militaire, la VNA. Ces trois personnes,

19 Sasa Jovic, Srdjan Miljkovic et un troisième –

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

21 R. -- ils ont été soignés, ils se sont rétablis et ils ont été remis aux

22 unités de la JNA.

23 Quant aux autres, vraiment, je ne me souviens pas, ni quand, ni à quel

24 moment ils ont été blessés, ni quand ils ont fait leur apparition à

25 l'hôpital.

26 Q. Vous avez mentionné le mois de juillet, n'est-ce pas ? Mais ceci n'est

27 pas consigné au compte rendu d'audience. C'est pour cela que je vous

28 rappelle cela. C'est ce que vous avez dit au début de votre réponse, n'est-

Page 1605

1 ce pas ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne vous ai pas compris. Veuillez répéter, s'il vous

3 plaît ? Pourriez-vous répéter votre question ?

4 Q. Lorsque vous avez parlé de ce capitaine Curcic, vous avez mentionné

5 quel mois ?

6 R. Je pense que c'était le mois de juillet.

7 Q. C'est ce que vous avez dit, mais ceci n'a pas été consigné au compte

8 rendu d'audience. C'est pour cela que je vous pose cette question.

9 Je souhaite vous demander quelque chose au sujet de l'évacuation des

10 personnes grièvement blessées, évacuation qui a été organisée par les

11 Médecins sans frontières en octobre. Qui sélectionnait les patients ? Qui

12 établissait les listes de ces personnes qui devaient être évacuées ?

13 R. C'était constitué par des médecins. Il y avait aussi des urologues.

14 Vous m'avez posé des questions au sujet des chirurgiens, mais il y avait

15 des orthopédistes, des urologues. Puis, il y avait des blessés dont les

16 blessures étaient de nature urologique et qui avaient besoin d'être

17 transporté afin de recevoir un traitement ou afin qu'on leur sauve la vie,

18 puis, un orthopédiste aussi afin de sauver les extrémités ou il y avait,

19 parfois, des blessés qui nécessitaient une intervention urgente.

20 Q. S'agissant de cette évacuation, s'agissant des cas qui avaient besoin

21 d'une intervention chirurgicale, est-ce que vous, vous sélectionniez des

22 patients de votre service, ceux qui devaient être évacués ?

23 R. Oui, certainement. C'est moi qui choisissais les patients qui étaient

24 dans un état grave. Ils étaient menacés d'infections sérieuses et je

25 pensais que c'étaient des personnes qui allaient recevoir une meilleure

26 aide médicale dans une institution mieux équipée.

27 Q. Mais ma question était la suivante : c'était vous qui aviez dressé la

28 liste de ceux qui devaient être évacués du service chirurgical ?

Page 1606

1 R. Toutes les personnes étaient blessées, étaient dans le service

2 chirurgical, mais il ne s'agissait pas simplement de la chirurgie générale.

3 Il y avait l'urologie, l'orthopédie, la gynécologie, il y avait toutes

4 sortes de blessures et toutes ces personnes étaient dans le service de la

5 chirurgie.

6 Q. Est-ce que vous avez demandé l'accord de ces patients ? Est-ce qu'on

7 leur avait dit qu'ils allaient être évacués et est-ce qu'ils ont accepté ?

8 R. Oui. D'ailleurs, ils avaient hâte de partir à cause du pilonnage de

9 l'hôpital. Les obus tombaient comme de la pluie. On ne pouvait pas sortir,

10 c'était très risqué. On ne savait pas si on allait revenir, si on sortait.

11 Ils souhaitaient suivre la moindre lueur d'espoir et ils ont tous accepté

12 d'être évacués afin de recevoir un traitement supplémentaire.

13 Q. Vous vous souvenez que je vous ai posé une question au sujet d'Ivan

14 Zivkovic, un soldat. Vous avez dit qu'il a été soigné et qu'il a rejoint

15 les rangs du ZNG. Si je vous disais qu'il était l'une des personnes

16 évacuées et transportées sous l'égide des Médecins sans frontières, seriez-

17 vous d'accord avec moi ?

18 R. C'est possible. Mais il est parti avec les autres de son propre gré,

19 c'est ce qu'il lui a été offert. C'est la preuve justement du fait que les

20 blessés graves recevaient de l'aide quelle que soit leur appartenance dans

21 ces horreurs de guerre. Les considérations professionnelles et humaines

22 étaient prioritaires à des moments pareils et la personne pouvait décider

23 si elle souhaitait partir ou pas et lui, il a décidé de partir et il est

24 parti, si je suis vos propos.

25 Q. Oui. Si je vous disais qu'il faisait partie de ce convoi, c'est vrai,

26 mais j'ai du mal à accepter votre affirmation qu'il avait accepté, qu'il

27 était heureux de le faire car sur la route, il a pu attirer l'attention de

28 l'unité de la JNA, lorsqu'ils passaient à côté des unités de la JNA, pour

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1 qu'ils le retirent car il ne souhaitait pas aller à Zagreb et c'est vers

2 Zagreb qu'ils partaient. Avez-vous entendu parler de cela ?

3 R. Non. Mais tous ceux qui y partaient --

4 Q. Très bien. Si vous ne le savez pas, peu importe.

5 Q. Oui, mais je suis sûr que c'était son choix.

6 M. MOORE : [interprétation] Je demande une clarification au sujet d'un

7 sujet.

8 Si mon éminent collègue souhaite dans le cadre de la thèse de la

9 Défense que ce soldat, en particulier, avait dit à ce médecin ou aux autres

10 médecins qu'il ne souhaitait pas être évacué, je pense que dans ce cas-là,

11 il faudrait qu'il le dise clairement pour le compte rendu d'audience, car

12 ce qui se passe pour le moment, c'est que le

13 docteur dit : "Je ne le sais pas." Ensuite, la question est formulée d'une

14 manière pour indiquer que le soldat a protesté par la suite. La Défense et

15 l'Accusation, lorsqu'ils avancent leurs thèses, ils doivent donner

16 suffisamment de détails pour que le témoin et l'autre partie puissent

17 savoir quelle est la thèse proposée.

18 Si la Défense affirme que ce soldat a dit concrètement au médecin, à

19 l'hôpital : "Je ne souhaite pas être évacué" et s'il a été forcé à cela, je

20 pense qu'il faut l'indiquer clairement, à ce stade ou de toute façon, avant

21 la conclusion du contre-interrogatoire.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, vous avez entendu

23 l'argument de l'Accusation qui est un argument valide. Si la thèse de la

24 Défense est que ce patient s'est opposé à son évacuation à Zagreb, vous

25 devez l'indiquer au témoin au cours du contre-interrogatoire plutôt que

26 d'aborder le sujet de manière contournée, chose que vous avez faite jusqu'à

27 présent.

28 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 1608

1 J'espère vivement qu'Ivan Zivkovic viendra déposer devant ce Tribunal

2 en tant que témoin de la Défense et qu'il pourra en parler, car nous

3 n'aurons pas d'autres témoins au sujet de ce qui se passait à l'hôpital,

4 notamment. Or, nous aurons des témoins qui nous diront de quelle manière il

5 a pu sortir de ce convoi qui allait vers Zagreb et ainsi éviter d'aller à

6 Zagreb. Mais ma question portait sur la réponse de M. Njavro selon laquelle

7 Ivan Zivkovic avait rejoint les rangs du ZNG à la fin de son traitement, et

8 c'est la raison pour laquelle j'ai prêté un peu plus d'attention à ce

9 sujet.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si c'est votre thèse, Maître Domazet,

11 je pense que vous devriez le dire au témoin. Vous devriez lui demander si

12 ce patient s'était opposé à son transfert à Zagreb. Il faut poser cette

13 question à ce témoin.

14 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Je vais formuler la question ainsi également, même si, auparavant, le

16 témoin avait dit qu'il n'était pas sur la liste et là, il vient de le dire.

17 Mais je vais essayer, néanmoins.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez, concrètement parlant, qu'Ivan Zivkovic

19 ne souhaitait pas et s'opposait à ce qu'on l'envoie à Zagreb ?

20 R. J'affirme catégoriquement, je le maintiens ici, devant ce Tribunal,

21 aucun blessé qui a été évacué par le biais des Médecins sans frontières, le

22 19 octobre, dans le convoi parti de l'hôpital de Vukovar, aucun d'entre eux

23 n'a quitté l'hôpital contre son gré. On a posé la question à chacun d'entre

24 eux : est-ce que vous souhaitez partir ? On savait où dans l'autre partie

25 de la Croatie, afin de recevoir un traitement médical supplémentaire. Après

26 leur approbation, on les faisait sortir et on les plaçait dans des

27 véhicules et ils pouvaient poursuivre leur chemin.

28 Ce que j'ai dit auparavant, lorsque j'ai dit qu'il a rejoint les

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1 rangs du ZNG, il est vrai qu'un Ivan Zivkovic a rejoint les rangs du ZNG.

2 Je croyais que c'était la même personne et c'est pour cela que je l'ai dit.

3 Mais je maintiens la déclaration qu'un Ivan Zivkovic a rejoint les rangs de

4 la garde, même si, auparavant, il avait été au sein de la JNA. En ce qui

5 concerne celui-ci, Ivan Zivkovic, je vous affirme catégoriquement qu'on lui

6 a posé la question suivante, à l'hôpital : "Souhaitez-vous que les Médecins

7 sans frontières vous transfèrent dans leur convoi, dans l'autre partie

8 libre de la Croatie ?" Chacun d'entre eux, après leur approbation, pouvait

9 être transféré, dans le cadre de ce convoi, ailleurs pour suivre un

10 traitement médical supplémentaire.

11 Q. Monsieur Njavro, tout à l'heure, vous avez parlé de ce soldat Ivan

12 Zivkovic dont nous avons parlé, un soldat serbe, et vous avez dit qu'il

13 était pratiquement soigné, et que vous croyiez qu'il avait rejoint les

14 rangs du Corps de la Garde nationale. Mais vous avez dit maintenant et au

15 cours de l'interrogatoire principal également, vous avez dit que seules les

16 personnes les plus grièvement blessées faisaient partie de ce convoi. Est-

17 ce qu'il était grièvement blessé ou est-ce qu'il était pratiquement soigné,

18 et pourquoi est-ce qu'il a été envoyé à Zagreb ?

19 R. Monsieur, j'ai parlé de la façon à laquelle les blessés ont été triés

20 pour être évacués. Je n'ai pas fait le triage de tous les blessés. Comme

21 cela, je ne peux pas savoir tous les détails concernant tous les blessés.

22 Même si je l'avais fait, il n'était pas possible pour moi de retenir les

23 noms de 112 blessés qui ont été transférés par Médecins sans frontières de

24 l'hôpital de Vukovar. Vous le savez bien - je m'excuse, peut-être pas vous

25 en personne - mais on sait bien quel a été le calvaire de ces blessés pour

26 arriver finalement jusqu'aux hôpitaux ailleurs, et pour qu'ils commencent à

27 bénéficier de traitement médical. Il y avait des blessés qui sont morts sur

28 cette route.

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1 Q. Vous nous avez parlé au cours de l'interrogatoire principal que la

2 route a été très longue, qu'ils ont été transportés à travers des champs.

3 D'où tenez-vous cette donnée, parce qu'il y a des informations selon

4 lesquelles ce convoi aurait dû être acheminé par la route déterminée.

5 R. Toutes les heures ou toutes les deux heures, ont nous téléphonaient à

6 Zagreb. Quant à la route de Vukovar, Luzac, Bogdanovci, Marinci, Zidine,

7 Nustar, Vinkovci - c'était l'itinéraire de la route - cette route, ce

8 trajet ne pouvait pas, à cause du terrain, ne pouvait pas durer plus de

9 deux heures. Quand on a téléphoné - parce qu'on avait le lien téléphonique

10 avec Zagreb - quand on a téléphoné si les blessés étaient arrivés, on nous

11 a répondu que non. On était inquiet par rapport à cela. On a paniqué. Il

12 aurait été mieux peut-être si les blessés étaient restés à l'hôpital.

13 Q. Vous avez déjà dit cela, mais ma question est la suivante : est-ce que

14 le convoi a été détourné par ceux qui l'ont guidé ?

15 R. L'information que j'ai reçue, par rapport à cette information, je ne

16 savais pas à l'époque pourquoi le trajet du convoi a été si long, mais M.

17 Zvonko Markovic ou Mihajlovic qui travaillait au service de Renseignement,

18 que le général Raseta a envoyé pour escorté le convoi, lui-même, il m'a

19 raconté tout ce trajet, comment le convoi a suivi cet itinéraire et ce

20 qu'ils ont fait pour aider le convoi à continuer la route, parce qu'à un

21 moment donné, le convoi a été bloqué dans les champs, parce que nous avions

22 quand même l'impression qu'il voulait aggraver l'état de santé des blessés.

23 Q. C'est une accusation difficile. C'est pour cela que je vous demande qui

24 a fait détourner le convoi de la route vers les champs de maïs.

25 R. A l'initiative des membres de la JNA, parce qu'à la sortie de Luzac,

26 ils attendaient le convoi pour le détourner vers les champs.

27 Q. Si je vous dis qu'il s'agissait du territoire contrôlé par les Croates,

28 que les forces de la JNA se trouvaient loin en attendant le convoi qui

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1 avait été déjà détourné, seriez-vous d'accord avec moi pour dire cela ?

2 R. Je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur. Je ne veux pas vous

3 contredire mais je connais mieux que vous ce terrain. J'ai passé par ce

4 terrain à pied, à plusieurs reprises. Tout près de Luzac lorsqu'on traverse

5 le pont et lorsqu'on s'approche de la route de Bogdanovci, c'est de ce

6 point qu'on peut continuer à travers les champs.

7 Q. Je vais maintenant aborder de nouveau le sujet concernant l'hôpital.

8 Vous avez parlé de cela, et c'est une chose connue que l'hôpital est resté

9 sans électricité à un moment donné et que vous aviez des groupes

10 électrogènes. Est-ce que ces groupes électrogènes fournissaient de

11 l'électricité à l'hôpital ou seulement une partie de l'hôpital ou l'hôpital

12 tout entier ?

13 R. A l'hôpital déjà, pour la première fois, nous devions descendre dans la

14 cave au début du mois d'août, déjà le 6 août, lorsque la salle des

15 opérations a été détruite et qu'on pensait que les pilonnages

16 continueraient. Les patients sont descendus dans la cave, et à une deuxième

17 reprise, ils sont descendus dans la cave quelques jours plus tard.

18 Quant à la coupure d'électricité, déjà au mois de septembre, on avait

19 de telles coupures. Au mois d'octobre, je pense qu'il n'y avait pas du tout

20 d'électricité non seulement l'hôpital, la ville même n'avait pas

21 d'électricité. Nous avions des groupes électrogènes qui fonctionnaient. Ils

22 fournissaient de l'électricité seulement pour une partie de l'hôpital qui

23 avait le plus besoin d'électricité. Il fallait avoir assez de pétrole pour

24 assurer le fonctionnement des groupes électrogènes. Nous n'avions pas

25 beaucoup de pétrole; nous achetions du pétrole à des stations-service.

26 Pendant une certaine période, on pouvait assurer le fonctionnement de

27 l'hôpital, c'est-à-dire, des salles d'opération, ensuite, des pansements.

28 On pouvait procéder à la stérilisation des instruments chirurgicaux pour

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1 pouvoir faire des opérations, des accouchements, et pour pouvoir disposer

2 des instruments stérilisés ainsi que d'autres matériels pour faire des

3 pansements. Il n'y avait pas d'eau au début. Il y avait des citernes qui

4 fournissaient de l'eau.

5 Q. S'il vous plaît, ce n'était pas ma question, mais vous avez répondu à

6 ma question, en fait.

7 Si je vous ai bien compris, ces groupes électrogènes fournissaient de

8 l'électricité uniquement lors des opérations chirurgicales.

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que cela veut dire que l'électricité n'a pas été utilisée pour

11 allumer d'autres pièces dans l'hôpital, des bureaux de médecins ?

12 R. Je pense que dans des bureaux de médecins, il y avait des bougies parce

13 que dans la ville on pouvait toujours acheter des bougies.

14 Quand exactement et où il y avait de l'électricité fournie par des

15 groupes électrogènes, je n'en sais rien. Je me souviens, que le dernier

16 jour, le 17 et le 18 novembre, j'ai fait une opération d'une petite fille

17 de trois ans.

18 Q. Vous avez dit cela lors de l'interrogatoire principal, et j'ai encore

19 quelques questions. S'il vous plaît, concentrez-vous à donner des réponses

20 à mes questions. Quelle était la situation quant aux liens téléphoniques de

21 l'hôpital avec le monde extérieur ?

22 R. Le seul lien téléphonique de l'hôpital était -- enfin, la ligne

23 téléphonique était dans le bureau de la directrice, Mme Bosanac et on

24 pouvait communiquer régulièrement avec Zagreb et avec d'autres villes. Je

25 pense qu'on pouvait communiquer avec d'autres villes.

26 Q. Jusqu'à quand c'était possible ?

27 R. La dernière fois qu'on pouvait téléphoner, si je me souviens bien,

28 était le 17, au soir ou le 18, au matin. Je ne sais pas exactement, mais je

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1 pense que l'un de ces deux jours était le dernier jour où on pouvait

2 communiquer par téléphone.

3 Q. Le 17, c'est le 17 de quel mois ?

4 R. Novembre.

5 Q. Cela veut dire jusqu'à la fin de votre séjour dans l'hôpital ?

6 R. Oui. Le 18, le 19 et le 20 novembre, il n'y avait plus de lignes

7 téléphoniques à l'hôpital.

8 Q. Je suppose que vous étiez souvent, que vous entriez souvent dans le

9 bureau de votre directrice, Mme Bosanac, n'est-ce pas ?

10 R. Non seulement j'y entrais, mais aussi le personnel tout entier de

11 l'hôpital entrait dans le bureau de la directrice, de Mme Bosanac. S'ils

12 avaient besoin d'intervenir. Mais la plupart du temps, j'étais

13 malheureusement dans la salle d'opérations; il s'agissait d'une salle

14 improvisée, d'une salle d'opérations.

15 Q. Je pense que vous avez dit que le 18, après-midi, le 19 et le 20, il

16 n'y avait pas de lignes téléphoniques. Au compte rendu, il n'a pas été

17 consigné le 18, après-midi. Vous avez dit, je pense, que le 18, au cours de

18 l'après-midi, il n'y avait pas de lignes téléphoniques.

19 R. C'était le 17 ou le 18 où on pouvait communiquer pour la dernière fois

20 par téléphone et il faudrait demander à Mme Bosanac parce que c'était elle

21 qui communiquait par téléphone.

22 Q. Compte tenu que vous entriez au bureau de Mme Bosanac, pouvez-vous nous

23 dire ce qui se trouvait dans ce bureau ?

24 R. Il y avait, dans ce bureau, des documents concernant des patients et

25 leurs maladies; rien de spécial, rien d'autre qui aurait été spécialement

26 remarqué par moi.

27 Et oui, plus tard, il y avait des fiches de paie. Des salaires et des

28 salaires se trouvaient dans un sac, pour autant que je m'en souvienne.

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1 Q. Vous n'avez rien remarqué de spécial dans ce bureau ?

2 R. Oui. Il y avait des cigarettes jusqu'à ce que les cigarettes ne soient

3 plus arrivées vers l'hôpital.

4 Q. Je vous remercie.

5 Maintenant, je vais poser des questions concernant la période que vous avez

6 mentionnée, c'est-à-dire, la période avant l'arrivée de la JNA dans

7 l'hôpital. Est-ce que pendant cette période, il y avait une augmentation de

8 patients qui affluaient dans l'hôpital et même ceux qui n'étaient ni

9 malades, ni blessés ?

10 R. Si on admet que le 16, il n'y avait plus de pilonnages, le 17, c'était

11 un dimanche, c'est ce jour-là, le 17, que des caves et de toute la ville de

12 Vukovar, les gens commençaient à venir, les gens qui passaient tout le

13 temps dans des caves, ces 80 ou 90 jours, ils sont arrivés dans l'hôpital

14 en espérant trouver de l'aide et de l'abri.

15 Je dois dire que dans la cave de la maison où j'habitais, c'est-à-

16 dire, au-dessous de mon appartement se trouvait une cave dans laquelle se

17 trouvaient tous les locataires de mon immeuble et tous sont arrivés dans

18 l'hôpital le 17, au cours de l'après-midi. Il y avait mon épouse parmi eux

19 et ma belle-mère. Ils sont arrivés parce qu'ils ont entendu dire qu'ils

20 pourraient se faire tuer parce qu'il y avait des formations paramilitaires

21 chetniks et des unités de la JNA à l'entrée de la ville qui lançaient

22 d'abord des grenades dans des caves et des maisons et ensuite, ils

23 demandaient s'il y avait des personnes dans ces --

24 Q. Je vous prie, encore une fois, de vous concentrer à ma question. Donc,

25 votre réponse est oui, il y avait des civils qui arrivaient dans l'hôpital

26 et ma question était : est-ce que les membres du Corps de la Garde

27 nationale arrivaient pour trouver un abri dans l'hôpital de Vukovar ?

28 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je devrais dire comment

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1 l'hôpital s'est rempli de gens. Cet espace qui n'était pas très grand était

2 rempli de gens.

3 Je ne crois pas qu'il y ait eu des membres du Corps de la Garde

4 nationale parce qu'une partie de ce corps s'est rendue le 18, à

5 Mitnica et l'autre partie, avec le commandant de la défense de Vukovar,

6 Mladi Jastreb ou "l'Epervier jeune," ils sont partis pour faire une percée.

7 Est-ce possible que des membres du Corps de la Garde nationale soient

8 entrés dans l'hôpital, mais plutôt habillés en vêtements civils, mais il

9 est sûr qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène massif.

10 M. DOMAZET : [interprétation] Je ne sais pas s'il est venu le moment pour

11 faire une pause ou si je vais continuer.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Domazet, je pense que le

13 moment est approprié pour faire une pause. Et nous allons continuer à 18

14 heures moins cinq.

15 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux dire

16 quelque chose brièvement ?

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

18 M. MOORE : [interprétation] Il s'agit de l'ambassadeur Okun, le témoin

19 suivant. Il a déjà témoigné dans l'affaire Milosevic. Il s'est rapporté à

20 son journal, à ce document original. Il veut l'utiliser de nouveau lors de

21 son témoignage, ce qui sera demain, j'espère. Nous avons parcouru tout,

22 mais nous n'avons pas réussi le document original. L'ambassadeur est

23 inquiet, avec raison parce qu'un jour avant son arrivée au Tribunal, il ne

24 dispose pas de l'original document.

25 Vendredi dernier, nous avons déposé une demande pour avoir l'original du

26 document. Je ne sais pas si la Chambre peut, à sa propre discrétion, aider

27 le Procureur parce qu'il serait très très mal de recevoir ce document avec

28 un retard parce que le document a été déjà utilisé dans l'affaire Milosevic

Page 1616

1 et il serait utilisé dans cette affaire.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il y a une raison pour que

3 ce problème surgisse ?

4 M. MOORE : [interprétation] Non. On ne nous a pas donné d'explication et on

5 n'a pas reçu de réponse non plus.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons vérifier cela, Monsieur

8 Moore.

9 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

10 --- L'audience est suspendue à 17 heures 34.

11 --- L'audience est reprise à 17 heures 58.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, la question que vous

13 avez soulevée avant la pause, la Chambre a reçu des informations concernant

14 cela et il semble que l'envoi des e-mails soit différent de votre

15 interprétation de cela, de votre compréhension de cela et le Greffe a

16 demandé que le journal soit disponible demain matin. Mais ce document, et

17 selon une demande ou l'ordonnance d'une autre Chambre de première instance,

18 est gardé et demain, l'un des membres de votre équipe peut demander d'avoir

19 ce document demain.

20 M. MOORE : [interprétation] Nous avons demandé l'accès à l'original du

21 document parce que l'ambassadeur aimerait voir son document. Il a 82 ans et

22 il voudrait voir son document lors de la séance de récolement. J'accepte

23 que quelque chose soit arrangé demain matin, mais ce n'est pas bien parce

24 qu'on ne nous a pas permis d'avoir accès à l'original du document.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela a été fait par une autre chambre.

26 M. MOORE : [interprétation] Oui, nous l'avons fait.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez reçu l'ordonnance

28 de cette Chambre ?

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1 M. MOORE : [interprétation] Nous avons déposé -- nous avons la demande qui

2 a été déposée dans l'affaire de Milosevic, si je peux m'exprimer comme cela

3 par rapport à ce document.

4 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

5 M. MOORE : [interprétation] Je l'ai vu parmi mes messages électroniques

6 vendredi dernier ou ce matin.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il ne faut pas que vous vous adressiez

8 à la Chambre --

9 M. MOORE : [interprétation] Bien --

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- parce que votre problème -- enfin,

11 il s'agit de l'ordonnance d'une autre Chambre.

12 M. MOORE : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous devez recevoir l'ordonnance

14 modifiée de cette Chambre et vous avez dit que vous aviez fait des

15 démarches par rapport à cela.

16 M. MOORE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous n'avez pas encore reçu cette

18 ordonnance.

19 M. MOORE : [interprétation] Non. Nous avons déposé notre demande par écrit,

20 mais nous n'avons pas encore reçu de réponse. Notre problème est très réel

21 parce que le témoin veut voir son document, le document original, avant de

22 commencer à témoigner.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je comprends cela et j'espère que

24 l'autre Chambre comprendra cela.

25 M. MOORE : [interprétation] Nous allons voir cela demain matin.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Lorsqu'on adopte une approche formelle

27 à ce problème.

28 M. MOORE : [interprétation] Oui.

Page 1618

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pouvons nous arranger à ce que le

2 document soit montré au témoin en présence de l'Huissier.

3 M. MOORE : [interprétation] Je comprends cela, mais avec le respect que je

4 dois aux membres du Greffe, il n'est pas toujours confortable pour les

5 témoins si quelqu'un est assis à côté d'eux tout le temps.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Moore, c'est ce que je peux

7 faire là-dessus.

8 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons fait cela. C'est à vous de

10 voir avec l'autre Chambre, si vous voulez aller plus loin.

11 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Domazet, vous pouvez continuer.

13 M. DOMAZET : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

14 Q. Monsieur Njavro, lors de l'interrogatoire principal et aujourd'hui

15 aussi, vous avez parlé d'une procédure devant le tribunal militaire à

16 Belgrade mais vous avez fait l'objet d'un échange. Est-ce qu'avant cela, la

17 procédure a commencé à cette instance militaire supérieure ?

18 R. Non. La procédure a commencé devant le tribunal militaire supérieur à

19 Belgrade et après l'audience, un échange s'est produit. Il s'agissait d'un

20 groupe d'espions qui s'appelait Labrador de Zagreb.

21 Q. Pour qu'on soit sûr, parce que j'aimerais savoir si vous parlez de

22 l'enquête et de l'interrogatoire ou de la mise en accusation, est-ce que le

23 procès avait commencé ? Ou vous ne parlez que d'une information

24 judiciaire ?

25 R. Je parle du procès qui a commencé devant le tribunal militaire

26 supérieur à Belgrade.

27 Q. Si c'est ainsi, je vous crois, c'est-à-dire, le procès avait commencé,

28 mais n'avait pas pris fin parce que vous étiez échangé ?

Page 1619

1 R. Je pense que le procès a pris fin, mais je n'ai jamais reçu de jugement

2 parce qu'après que le procès ait pris fin, un échange s'est produit avec le

3 groupe d'espions de Zagreb appelé Labrador.

4 Q. Si je me souviens bien, il s'agit d'un groupe d'espions arrêté à Zagreb

5 et qui a été échangé contre le groupe dont vous faisiez partie et vous

6 étiez parti en avion de Belgrade pour Zagreb ?

7 R. C'est exact. Nous étions une quarantaine à peu près à bord de cet

8 avion. Nous étions détenus dans un camp et avec nous, il y avait quelques

9 officiers de la JNA.

10 Lorsqu'on est arrivé à Zagreb, à l'aéroport Pleso à Zagreb, on a été

11 échangé contre ce groupe d'espions appelé Labrador. Ils sont montés dans

12 l'avion à bord duquel nous étions arrivés de Belgrade, de l'aéroport de

13 Batajnica.

14 Q. Vous venez de dire qu'au sein du groupe dont vous faisiez partie, il y

15 avait quelques officiers de la JNA. Vous souvenez-vous si, parmi eux, il y

16 avait le général Aleksander Vasiljevic ?

17 R. Il y avait un général au sein de ce groupe ainsi qu'un colonel et

18 l'épouse, si m'en souviens bien, de l'un des colonels qui était commandant

19 à l'aéroport de Pleso. Je ne sais pas s'il s'agissait du général

20 Vasiljevic, je ne peux pas vous le confirmer, mais je suis sûr qu'il y

21 avait un général.

22 Q. Il était arrivé avec le groupe appelé Labrador ?

23 R. Je ne pouvais pas le voir. Nous nous sommes dirigés vers la partie de

24 l'aéroport de Pleso où il y avait les avions civils.

25 Q. Est-ce qu'au sein du groupe se trouvait Mme Vesna Bosanac ?

26 R. Oui.

27 Q. Je vous demande cela parce que c'est elle qui a mentionné le général

28 Vasiljevic et elle a dit qu'il avait été à bord de cet avion.

Page 1620

1 R. Je vous dis qu'il y avait un général. Je suis sûr du grade, mais je ne

2 sais pas s'il s'agissait du général Vasiljevic. Je ne peux pas vous dire

3 cela avec certitude.

4 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que le Dr Bosanac, par rapport à

5 l'opinion publique et croate, représentait le symbole de la résistance de

6 Vukovar ?

7 R. Vesna Bosanac avertissait tout le monde des événements survenus à

8 Vukovar. Elle parlait avec le général Stane Rovet [phon] et avec

9 Kadijevic, avec le général Raseta et elle envoyait des appels dans le monde

10 entier pour que la destruction de l'hôpital de Vukovar soit arrêtée.

11 Q. Ma question était -- oui ou non ?

12 R. A cause de ces appels lancés dans le monde entier par elle, elle était

13 la seule qui faisait cela de Vukovar, il n'est pas étonnant qu'elle ait été

14 très connue, par la suite, par le public.

15 Q. Plus que vous-même ?

16 R. Oui, bien sûr.

17 Q. Je vais vous poser la question suivante : aujourd'hui au début du

18 contre-interrogatoire, vous m'avez dit que vous n'étiez pas actif sur le

19 plan politique, vous n'étiez membre d'aucun parti politique et vous ne

20 saviez même pas à quel parti politique appartenait le maire de votre ville.

21 Quelques mois avant cet échange, pendant l'été 1992, vous étiez devenu

22 ministre de la Santé au sein du gouvernement du Rovoje [phon] Sarinic; il

23 s'agissait du gouvernement du HDZ, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne sais pas comment mettre en relation, Monsieur, comment mettre en

25 relation mon engagement ultérieur avec ce qui s'est passé parce que je suis

26 médecin, et il est logique que ceux qui travaillent dans ce secteur

27 s'occupent de la santé publique.

28 Q. Oui, bien sûr. Mais vous avez dit vous-même lorsque vous avez parlé des

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1 nominations à des fonctions très hautes, que le parti politique qui occupe

2 le pouvoir nomme ses propres hommes à certaines fonctions. Le gouvernement

3 du HDZ vous a nommé ministre de la Santé déjà, en été 1992 ?

4 R. Monsieur, je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il était habituel et je

5 n'ai pas dit qu'il était de règle. Si cela était habituel, oui, c'était

6 possible. Mais je dis, encore une fois, qu'en 1991, je n'étais membre

7 d'aucun parti politique.

8 Q. Il s'agit de l'année 1992. Ai-je raison pour dire qu'après cela,

9 jusqu'en 1994, vous étiez ministre de la Santé et après cela, ministre sans

10 portefeuille. Vous vous êtes occupé des problèmes des réfugiés pour devenir

11 le ministre des combattants croates. Est-ce que ces informations, elles

12 sont exactes ?

13 R. En 1992, la guerre faisait rage toujours. Il était logique que

14 quelqu'un qui a survécu aux horreurs de guerre, aux camps et qu'il était

15 médecin, connaissait ces problèmes, que quelqu'un comme cela soit engagé

16 dans le secteur qui lui était proche et qu'il connaissait. C'est pour cela

17 que je suis devenu ministre de la Santé de la République de Croatie au mois

18 d'août 1992.

19 Q. Je vous remercie. Sans appartenir à un parti politique, étiez-vous

20 député au Parlement ?

21 R. Oui, en trois mandats. J'ai été élu en 1992, en 1995 et en 2000. A

22 trois mandats, j'ai été élu député au Parlement. Comme vous l'avez dit,

23 j'ai été d'abord ministre de la Santé, ensuite, ministre sans portefeuille

24 et après que l'agression ait commencé en Croatie, il y avait beaucoup de

25 réfugiés et surtout après l'agression contre la Bosnie-Herzégovine voisine,

26 de la part de la JNA et de la part des unités paramilitaires et on m'a

27 chargé de m'occuper des réfugiés venus de la Bosnie-Herzégovine.

28 Q. Vous dites qu'à trois reprises, vous étiez élu membre du Parlement et

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1 en même temps, vous n'étiez membre d'aucun parti politique ?

2 R. Non, je suis devenu membre du HDZ vers la fin du printemps 1992.

3 Q. Vous avez, en quelque sorte, évité de me dire cela parce qu'être député

4 au Parlement, cela implique être membre d'un parti politique ?

5 R. Non. Vous savez qu'on peut être député indépendant au Parlement. Il y

6 en avait et il y en a toujours aujourd'hui.

7 Q. Aux fins du compte rendu, je vous prie de répéter, encore une

8 fois, votre réponse, à savoir qu'en 1992, vous étiez devenu membre du HDZ.

9 Cela n'a pas été consigné au compte rendu. Je vous prie de répéter cela.

10 Donc, il est vrai qu'il existe des députés indépendants, mais vous, vous

11 n'étiez pas député indépendant, vous étiez député du HDZ ?

12 R. J'ai été élu sur la liste du HDZ et lorsque je suis devenu membre du

13 parti, du HDZ --

14 Q. J'avoue que votre carrière politique a évolué assez vite, était

15 brillante. Vous étiez, en 1991 et 1992, président de l'association des

16 médecins croates et vous étiez membre de cette association ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez mentionné Mile Jastreb Dedakovic. Ces personnes ont été

19 arrêtées en Croatie par les autorités croates ?

20 R. Oui. Mais je ne sais pas les raisons de leur arrestation, toujours pas,

21 même si je les rencontre l'un et l'autre de temps à autre. Il s'agissait

22 des commandants de la défense de Vukovar.

23 Q. Lorsque vous répondiez aux questions concernant certains de vos

24 collègues médecins serbes - il s'agissait de deux médecins, Dr Ivankovic et

25 Dr Djurinac [phon]. Par rapport au premier, vous avez dit qu'il était venu

26 pour occuper ces fonctions grâce au parti de l'ancienne Yougoslavie. Il a

27 obtenu une parcelle. Pour le deuxième, vous avez dit qu'il était

28 alcoolique. Vous n'avez mentionné aucun autre collègue. Vous souvenez-vous

Page 1623

1 d'un autre collègue serbe sur lequel vous avez une opinion positive ?

2 R. Le collègue Djurinac, je ne le connais pas, mais je connais Tomislav

3 Djuranac. Il est de Zagreb, et il est Croate. Il est possible, qu'entre-

4 temps, il a changé de nationalité. Je n'ai pas dit qu'il était alcoolique;

5 j'ai dit qu'il aimait boire quelques verres.

6 Quand il s'agit d'autres collègues, je n'ai donné de déclarations

7 quelconques, surtout des déclarations mensongères. Je n'avais pas de raison

8 pour faire cela, parce que cela ne serait pas en accord avec mon éthique.

9 Q. Tout à l'heure, à ma question concernant Jastreb Dedakovic, je pense

10 qu'au compte rendu, cela n'a pas été consigné. Je vous prie de répéter

11 encore une fois votre réponse, à savoir, si vous saviez que ces deux

12 personnes avaient été arrêtées, et pourquoi ?

13 R. Je sais qu'ils avaient été arrêtés, mais pourquoi, pour quelle raison,

14 comme je l'ai déjà dit, je ne le sais pas.

15 Q. Je vous remercie. Parce que cela n'a pas été consigné au compte rendu

16 comme cela. Monsieur Njavro, je vous remercie, et je n'ai plus de

17 questions.

18 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai fini avec mon

19 contre-interrogatoire.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Domazet.

21 Monsieur Borovic, vous avez la parole.

22 M. BOROVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

23 Borivoj Borovic, et je défends mon client, Miroslav Radic.

24 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

25 Q. [interprétation] Concernant la question du tribunal militaire supérieur

26 à Belgrade, ma première question est la suivante : combien de déclarations

27 avez-vous faites en ce tribunal ?

28 R. Je ne sais pas.

Page 1624

1 Q. Nous perdons beaucoup de temps précieux à vos réponses qui sont assez

2 longues. Savez-vous combien de déclarations vous avez faites ? Une ou

3 plusieurs ?

4 R. Je ne sais pas exactement combien de déclarations. Permettez-moi de

5 vous dire comment cela s'est passé.

6 Q. Je ne vous permets pas de développer cela plus longtemps.

7 R. Je suis désolé mais je ne me souviens pas.

8 Q. Ma deuxième question est la suivante : lorsque vous étiez devant le

9 tribunal militaire supérieur à Belgrade, mon collègue vous a posé des

10 questions concernant l'échange. Est-ce qu'après avoir été échangé, le

11 tribunal a rendu de façon orale le jugement d'acquittement ?

12 R. Non.

13 Q. Ma troisième question est la suivante : savez-vous quelle était la

14 peine prescrite pour le crime d'émeutes ou des émeutes armées ?

15 R. Non. A l'époque, je ne le savais pas.

16 Q. Est-ce que vous savez aujourd'hui quelle était cette peine ?

17 R. Non.

18 Q. La question de mon collègue, à savoir qu'au mois d'août, étaient

19 bombardés des immeubles parmi lesquels il y avait des immeubles habités par

20 les officiers de la JNA ?

21 R. Non. Il s'agissait d'un immeuble qui se trouvait à côté de l'hôpital.

22 Q. Quelle est votre réponse ?

23 R. Ma réponse est la suivante : le 13 août, en 1992 -- 1991, après que

24 dans la cour de l'hôpital étaient tombé six --

25 Q. Par rapport au bâtiment où il y avait des officiers de la JNA ?

26 R. Les bâtiments où résidaient les officiers de la JNA, un obus est tombé

27 à l'extérieur de cet immeuble. C'était quasiment dans l'enceinte de

28 l'hôpital. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé. Je pense qu'une

Page 1625

1 voiture a été détruite.

2 Q. Très bien. Dites-nous maintenant, est-ce qu'il y avait seulement des

3 officiers dans cet immeuble, ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes ?

4 R. Il y avait également des civils.

5 Q. Est-ce que ce sont ces officiers qui ont pilonné l'immeuble à partir de

6 la caserne ?

7 R. Je ne sais pas qui a pilonné cet immeuble depuis la caserne, mais je

8 sais d'où venait l'obus.

9 Q. Pensez-vous qu'il est logique que des officiers de la caserne tirent

10 sur l'immeuble où résident leurs femmes et leurs enfants ? Que pouvez-vous

11 nous dire à cela ?

12 R. Tout ce que je peux vous dire maintenant, c'est que cela a été

13 possible, parce qu'ils avaient déjà fait partir leurs familles, et ils les

14 avaient mises dans des casernes. Donc, il n'y avait aucune raison de ne pas

15 bombarder cela.

16 Q. Conviendriez-vous avec ce que j'avance maintenant ou plutôt, diriez-

17 vous que toute personne qui bombardait à partir de la caserne se trouvait

18 dans la caserne ?

19 R. Je n'en sais rien. Je ne sais pas où ils se trouvaient.

20 Q. Comment est-ce que vous pouvez alors avancer qu'ils étaient tous

21 partis, puisque vous n'étiez absolument pas intéressé par la politique et

22 que vous ne vous intéressiez qu'à l'hôpital ? Comment est-ce que vous avez

23 appris alors ce fait ?

24 R. Parce que mon propre appartement se trouve de l'autre côté de la rue,

25 en face de cet immeuble. Ma famille vit en face de cet immeuble. L'hôpital

26 se trouve également en face de cet immeuble. Bien sûr que nous pouvions

27 voir s'il y avait des gens à l'intérieur ou pas.

28 Q. Merci. Mon confrère vous a posé une question, et vous avez dit que le

Page 1626

1 ZNG se trouvait sous le commandement du MUP du Vukovar; est-ce exact ?

2 R. Je sais qu'ils étaient placés sous le commandement du ministère de

3 l'Intérieur, et qu'à Vukovar il y avait des personnes qui représentaient le

4 ministère de l'Intérieur.

5 Q. Merci. Est-ce que Stipo Pole, en tant que commandant de Vukovar,

6 pouvait donner des ordres aux gens qui appartenaient aux ZNG ?

7 R. Je le suppose.

8 Q. Est-ce que cela signifie qu'il était également le supérieur

9 hiérarchique d'Ivica Arbanas ?

10 R. Dans un premier --

11 Q. Je pense d'abord qu'il faut que je vous demande si vous savez qui était

12 Ivica Arbanas ?

13 R. Oui, je le sais parce qu'il emmenait des blessés à l'hôpital.

14 Q. Quels blessés ?

15 R. Les blessés qui étaient membres du ZNG. Egalement, je pense qu'il a

16 transporté, à même le dos, un membre de la formation chetnik serbe. Il

17 s'appelait Pavlo Teofanovic. C'est comme cela qu'il s'appelle.

18 Q. Est-ce qu'il était commandant en chef du groupe paramilitaire connu

19 sous le nom de ZNG à Vukovar ?

20 R. Je ne sais pas qui était véritablement le commandant. Plus tard,

21 lorsque Jastreb est arrivé, il a été dit que c'est lui qui avait assumé le

22 commandement sur ordre de Zagreb, donc qu'il assurait le commandement du

23 ZNG.

24 Q. Merci. A ce moment-là, est-ce qu'il y avait une Défense territoriale à

25 Vukovar, oui ou non ?

26 R. Je ne le sais pas.

27 Q. Merci. Savez-vous que la Défense territoriale était auparavant composée

28 de Croates et de Serbes, avant ces événements ?

Page 1627

1 R. La Défense territoriale ? Je n'en sais rien. Autant que je m'en

2 souvienne, elle était placée sous la compétence du secrétariat responsable

3 de la Défense nationale au sein de la municipalité.

4 Q. Merci.

5 J'aimerais vous poser une autre question. Nous avons dit, après que Me

6 Domazet vous ait posé une question, que lorsque cela s'est passé à Vukovar,

7 un membre du commandement Suprême de la JNA était Stipe Mesic, un Croate,

8 et que sous son commandement, avec les autres membres de l'organe collectif

9 se trouvait la JNA. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

10 R. Non. Vous devez demander à Stipe Mesic dans quelles circonstances il

11 opérait, et s'il était tout simplement une personnalité qui était lasse. De

12 toute façon, je ne suis pas compétent pour répondre à cette question.

13 Q. Je pense que vous l'êtes. Je pense que vous avez dit, il y a un petit

14 moment de cela, qu'il était auparavant président de la présidence qui était

15 le commandement Suprême de la JNA; c'est bien exact ?

16 R. Je vous ai dit qu'il était tout simplement une personne qui avait été

17 mise à la proue de tout cela.

18 Q. Oui, je vous remercie.

19 J'aimerais vous poser une question. Lorsque vous avez fait votre service

20 militaire au sein de la JNA, est-ce que vous avez prêté serment ?

21 R. Oui. Mais j'ai également fait prêter le serment d'Hippocrate.

22 Q. Nous reviendrons là-dessus.

23 J'aimerais vous poser une question : dans le texte de cette

24 prestation de serment, est-ce qu'il est indiqué que vous devez, si

25 nécessaire, protéger de votre vie l'intégrité territoriale de la République

26 socialiste fédérative de Yougoslavie ?

27 R. Lorsque cela existait, lorsque cette égalité existait, certes. Mais à

28 partir du moment où la Yougoslavie s'est désintégrée, à partir du moment,

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1 comme vous le savez pertinemment, la Yougoslavie a disparu en tant que

2 telle, je suis absolument convaincu que ce serment a perdu tous sens après

3 cela.

4 Q. Oui, mais le texte, c'est le texte que je viens de vous mentionner ?

5 R. Je ne me souviens pas du texte de ce -- Cette prestation de serment,

6 vous l'avez peut-être lue lorsque vous vous prépariez au contre-

7 interrogatoire. Vous savez, pour moi, cela fait plus de 30 ans que j'ai vu

8 le texte en question. Donc, je ne me souviens pas des mots exacts.

9 Q. Est-ce que vous confirmez quand même qu'il y avait un serment solennel

10 qui devait être prononcé au moment où vous entrez dans la JNA ?

11 R. Oui.

12 Q. La JNA dont le commandant suprême à l'époque était Stipe Mesic, était à

13 Vukovar pour protéger l'intégrité territoriale du pays, ou est-ce que vous

14 la traitez comme une formation paramilitaire ? Je sais que c'est une

15 question qui est très générale, mais vous dites que lorsque, d'après vous,

16 le pays a cessé d'exister, vous avez considéré que vous n'étiez plus tenu

17 par ce serment. Est-ce que cela est votre propre point de vue ou est-ce

18 qu'il s'agissait des normes de l'armée ?

19 R. Je vous ai dit que j'ai fait ce serment à la JNA lorsque je faisais

20 partie de cette armée. Après cela, cela n'était plus contraignant pour moi.

21 Pour ce qui est de Stipe Mesic, commandant de la JNA, je ne suis

22 absolument pas compétent pour répondre à cette question. Vous devriez lui

23 poser cette question à lui plutôt. Lui sait ce pourquoi il était

24 responsable. Je ne peux être responsable que de mes propres actes.

25 Q. Très bien. Merci. Qui était le secrétaire responsable de la Défense

26 nationale pendant ces événements à Vukovar ? Est-ce que vous le savez ?

27 R. Je ne sais pas à quelle période vous faites référence. Vous pourriez

28 peut-être être un peu plus précis lorsque vous formulez vos questions.

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1 Q. Je vais être très précis. A partir du moment où le secrétaire de la

2 Défense nationale, qui était un Serbe, a été remplacé, Mercep a été nommé à

3 sa place. Est-ce que vous savez quand est-ce que cela s'est passé ?

4 R. Je ne sais pas quand est-ce que cela s'est passé exactement, mais je

5 pense que cela s'est passé peut-être en mai ou en juin. Je ne suis pas sûr.

6 D'ailleurs, je ne peux même pas vous donner de date approximative. Je ne

7 m'en souviens pas.

8 Q. Merci. Etes-vous toujours membre du HDZ ?

9 R. Oui.

10 Q. Lorsque vous étiez ministre au sein du gouvernement HDZ, quels étaient

11 les Serbes qui étaient ministres ? Quel était leur portefeuille à

12 l'époque ?

13 R. Je ne me souviens pas, mais Pavlovic, Juzbasic. Il y en avait d'autres

14 ensuite; il y en a eu d'autres. Si vous devez me demander quelle fut la

15 composition du gouvernement à partir de 1992, il me serait très difficile

16 de vous énumérer tous ces noms.

17 Q. Non. Mais je parlais de ministres serbes, de ministres à appartenance

18 ethnique serbe.

19 R. Oui, oui. C'est bien ce que j'entendais.

20 Q. Est-ce que vous étiez partisan de la sécession de la Croatie et de la

21 création de l'état croate indépendant ? Est-ce que cela faisait partie de

22 ce que préconisait le HDZ ?

23 R. Je ne sais pas ce que préconisait le HDZ avant. Je peux seulement vous

24 parler de ce qu'il préconisait en 1992, après que l'on ait su clairement ce

25 qui s'était passé.

26 Q. Est-ce que vous étiez partisan de ce projet quelque fut le programme du

27 HDZ ?

28 R. Ce que je vous ai dit à propos du programme du HDZ, ce n'est pas la

Page 1630

1 peine de m'imputer quelque chose que je n'ai pas dit. Je vous dis ce que je

2 sais. J'ai accepté le programme, ce programme à l'époque où la Croatie

3 avait déjà été reconnue par la communauté internationale, et était un état

4 démocratique souverain et indépendant.

5 Q. Merci. Lorsque vous étiez à l'hôpital de Vukovar, puisque vous

6 témoignez à propos des événements de l'hôpital de Vukovar, est-ce que la

7 Croatie avait été reconnue internationalement ?

8 R. Il y avait des pays qui avaient déjà reconnu la Croatie.

9 Q. Vous savez ce que cela signifie être reconnu par la communauté

10 internationale ? Vous êtes un homme instruit. Est-ce qu'il y avait eu à

11 l'époque des événements de Vukovar cette reconnaissance internationale

12 officielle ?

13 R. Non. Je n'en sais rien. Je ne m'en souviens pas.

14 Q. Est-ce que vous envisagez la possibilité que cela n'était pas le cas ?

15 R. Oui, mais je peux également envisager la possibilité que tel fut le

16 cas.

17 Q. Très bien. Nous allons prouver très facilement que cela n'était pas le

18 cas.

19 Est-ce que vous connaissez ou est-ce que vous n'avez jamais entendu

20 parler de la brigade des gardes ? Qu'est-ce que cela signifie ce titre ?

21 R. J'entends par cela le ZNG. Si le ZNG est une brigade des gardes; c'est

22 ce dont il s'agit. Mais je ne suis pas un expert militaire, et je ne

23 connais pas très bien le vocabulaire militaire. C'est la raison pour

24 laquelle je ne peux pas vous répondre de façon précise.

25 Q. Merci. C'est tout à fait le contraire. Une brigade des gardes fait

26 partie de la JNA, lorsque le ZNG, comme nous l'avons entendu aujourd'hui,

27 faisait partie du ministère de l'Intérieur de la Croatie. Par conséquent,

28 il s'agissait d'une formation paramilitaire, et je vous pose la question :

Page 1631

1 est-ce que vous avez entendu parler de la brigade des gardes de la JNA

2 pendant les événements de Vukovar ?

3 R. Le ZNG n'est pas une formation paramilitaire; il s'agit d'une formation

4 régulière des plus régulières, comme vous le savez pertinemment,

5 d'ailleurs. Vous essayez de me faire dire ce que je n'ai pas dit.

6 Q. Merci. Nous avons entendu qu'il s'agissait d'une formation régulière

7 militaire.

8 R. D'une formation régulière de la police.

9 Q. Un petit moment. Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'une formation

10 militaire régulière. Maintenant que je vous parle de cela, je vous dis

11 militaire, vous me dites police. Est-ce qu'il s'agissait de l'armée ou de

12 la police ? Soyez précis.

13 R. Je vous donne la même réponse que j'ai donnée à Me Domazet lorsque nous

14 précisions justement ce sujet. Je lui ai dit en réponse à sa question,

15 qu'il s'agissait -- que le ZNG était le Corps des Gardes, et qu'il faisait

16 partie du MUP, du ministère de l'Intérieur, et que cela signifie qu'ils

17 étaient membres des forces de la police. Je suppose qu'il s'agit d'une

18 unité de la police; une unité spéciale de la police. Ce n'était pas des

19 militaires. Puis, ultérieurement, ils ont fait partie de l'armée.

20 Q. Au moment où je vous pose la question maintenant, nous entendons parler

21 du MUP, du ministère de l'Intérieur et comme vous le dites, il y avait le

22 ZNG qui faisait partie du MUP. Est-ce que la Croatie avait ses propres

23 forces militaires ou non ?

24 R. La Croatie, à l'époque, n'avait que des forces de la police et il y

25 avait le Corps de la Garde nationale qui faisait partie des forces de

26 police. Mais j'aimerais quand même que vous me laissiez la possibilité de

27 terminer et de dire ce que je voulais dire. Je ne suis absolument pas

28 compétent pour préciser en quoi consistent les forces de police, comment

Page 1632

1 sont organisées ces forces de police ou comment sont organisées des forces

2 militaires.

3 Q. Merci. Mais étant donné que vous vous êtes attribué le rôle de

4 quelqu'un qui connaît ce domaine et que vous avez donné une explication de

5 ce qu'était le ZNG, je vous ai demandé si la Croatie avait une force

6 militaire à l'époque, vous m'avez maintenant apporté cette réponse.

7 Poursuivons.

8 Avez-vous publié une livre relatif à ces événements ?

9 R. Oui. Je l'ai fait.

10 Q. Quel est le titre de cet ouvrage ?

11 R. "Tête baissée et mains derrière le dos."

12 Q. Pouvez-vous me dire combien de livres ont été tirés ?

13 R. Je ne peux même pas vous dire. Je n'ai pas posé cette question à la

14 maison d'édition; d'ailleurs, je n'ai pas été payé.

15 Q. Merci. Hier, vous avez décrit comment la JNA était arrivée à l'hôpital

16 pour la première fois. Vous avez décrit un officier qui, comme vous l'avez

17 dit hier, était arrivé pour la première fois. Est-ce que vous pourriez dire

18 à la Chambre quelle était la taille de cet officier ?

19 R. Vous me demandez quelle était son apparence ?

20 Q. Est-ce que cela signifie que vous ne seriez pas en mesure de le

21 reconnaître ?

22 R. Je pense que je pourrais reconnaître son visage. En général, on se

23 souvient des visages, essentiellement.

24 Q. Est-ce que vous le reconnaîtriez très facilement parce que vous avez vu

25 son visage dans la presse croate ? Est-ce que c'est pour cela que vous

26 pourriez reconnaître son visage ?

27 R. Non, non. Lorsque nous avons pensé que nous allions tous être échangés,

28 puis, finalement --

Page 1633

1 Q. Je m'excuse, je ne veux pas vous interrompre, mais nous souhaiterions

2 quand même nous concentrer. Si nous avons de longues réponses qui portent

3 sur des questions que je ne vous ai pas posées, cela va prendre beaucoup de

4 temps. Je vais être très précis dans mes questions.

5 Est-ce que vous avez vu dans la presse, à partir de 1991 ou dans les

6 médias, à partir de 1991 jusqu'à nos jours, des photos de Mrksic, Radic et

7 Sljivancanin ?

8 R. Vous ne m'avez pas laissé terminer ma réponse.

9 Monsieur le Président, je vous en prie, lorsque je réponds, est-ce

10 que je peux quand même apporter des précisions ? Est-ce que je peux quand

11 même répondre comme je pense devoir répondre ?

12 Q. Oui, bien sûr, je ne vais pas empêcher au témoin de fournir des

13 explications, mais je pense quand même avoir le droit, lorsque le témoin

14 essaie de ne pas répondre de façon directe et parle très longuement, je

15 pense avoir le droit de l'interrompre.

16 Ce que je vous demande, c'est au cours des 15 dernières années --

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur, au sein de ce prétoire, il

18 est extrêmement utile d'écouter les questions qu'ils vous ont posées et de

19 répondre à ces questions. Cela facilite grandement la tâche de tout un

20 chacun. J'ai remarqué que très souvent, lors de votre réponse, vous traitez

21 d'un, de deux, voire de trois sujet, ensuite, vous répondez à la question

22 qui vous a été posée. Je pense qu'il nous serait extrêmement utile de

23 concentrer vos réponses sur les questions qui vous ont été posées. Lorsque

24 vous avez répondu à la question ou lorsque vous répondez à la question, il

25 est évident que vous avez tout à fait le droit de répondre à cette question

26 de la façon la plus exhaustive possible. Vous remarquez que je ne pense pas

27 que le conseil de la Défense peut vous empêcher de le faire.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie vivement, Monsieur le

Page 1634

1 Président.

2 Voilà quel est ma réponse : j'ai vu M. Sljivancanin et

3 M. Radic et j'ai pu les voir cent fois, plus tard, à la télévision, sans

4 jamais oublier leurs visages. Pour ce qui est de M. Mrksic, je l'ai vu pour

5 la première fois à la télévision.

6 M. BOROVIC : [interprétation]

7 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il les a vus dans les médias au cours de

8 ces 15 dernières années ? Je répète ma première question.

9 R. Oui.

10 Q. Question suivante : quel était l'uniforme - est-ce qu'il peut le

11 décrire - qui était porté par le capitaine Radic à l'époque ?

12 R. Le capitaine Radic est venu dans l'uniforme du capitaine de la JNA.

13 Q. Un instant.

14 R. Un uniforme vert olive, si mes souvenirs sont bons.

15 Q. Que portait-il sur la tête ?

16 R. Il portait, vraiment, je ne m'en souviens pas, tout comme je ne me

17 souviens pas de cela en ce qui concerne les autres.

18 Q. L'insigne du grade, il le portait où ?

19 R. Sur les épaules, les épaulettes.

20 Q. Combien d'étoiles y avait-il, puisque vous avez fait votre service

21 militaire ?

22 R. Quatre.

23 Q. Quatre. Merci. Avez-vous vu quelle arme il portait ?

24 R. Non. Je ne faisais pas attention à cela.

25 Q. Très bien. Vous avez dit qu'il est venu à bord de véhicules militaires

26 et vous avez décrit les canons. Ma question est la suivante : est-ce que

27 c'était un véhicule avec des roues ?

28 R. Avec des roues.

Page 1635

1 Q. Les canons ?

2 R. Les canons étaient pointés vers l'hôpital.

3 Q. De grand calibre ou de petit calibre ?

4 R. Vous me posez une question trop difficile pour moi. Il s'agissait d'un

5 calibre plus important par rapport, par exemple, à une mitraillette,

6 d'après ce que j'ai pu voir.

7 Q. Merci. Hier et aujourd'hui, vous avez dit que lors de leur arrivée dans

8 la caserne, la JNA a emporté tous les documents ?

9 R. Pas dans la caserne.

10 Q. Pardon. Dans l'hôpital.

11 R. Oui. Dans l'hôpital, tous les documents ont été placés dans un sac et

12 un soldat les a tous pris. Tous les documents relatifs au protocole de

13 l'hôpital.

14 Q. Merci. Avez-vous brûlé certains documents au moment de l'arrivé de la

15 JNA ou pas ?

16 R. Non.

17 Q. Avez-vous emporté des papiers avec vous, lorsque vous êtes allé à la

18 prison d'instruction ?

19 R. Non, car même si j'avais pris quoi que ce soit, ceci aurait été saisi

20 en prison de Sremska Mitrovica car ils m'ont fait enlever tous mes

21 vêtements. Ils ont tout pris.

22 Q. Est-ce que tout ce que vous dites dans votre livre est vrai ? Est-ce

23 que vous maintenez tout cela ?

24 R. Je maintiens la partie que j'ai écrite moi-même, mais certaines autres

25 personnes ont écrit d'autres parties.

26 Q. Merci. Si je vous dis que j'ai lu votre livre et je vous dit qu'il y

27 est écrit, et vous allez confirmer cela, sinon je vais vous montrer cela à

28 l'écran, vous avez dit, dans ce livre, que vous avez brûlé tous les

Page 1636

1 documents sauf la décision portant sur la nomination du chef de la cellule

2 de l'état-major de guerre, que dites-vous à ce sujet ? C'est vrai ou faux ?

3 R. Vous confondez des choses. J'avais une pièce d'identité indiquant que

4 j'étais membre de la police de réserve, membre du MUP de réserve et que

5 j'étais nommé au poste du commandant de l'unité médicale. J'ai dit que j'ai

6 gardé juste la partie indiquant que j'étais le chef de l'unité médicale.

7 J'ai donné le reste à ma femme qui l'a détruit et je crois qu'elle l'a

8 brûlé.

9 Q. A quel moment avez-vous pu donner cela à votre femme, si la JNA était

10 arrivée ?

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore ?

12 M. MOORE : [interprétation] Objection. La question est posée à la page 76.

13 Je pense que c'est à 18:44:25. "Merci. Si je vous disais que j'ai lu votre

14 livre, vous allez confirmer cela. Je vous suggère que vous avez brûlé tous

15 les documents sauf la décision vous nommant au poste du chef de l'état-

16 major de guerre." Est-ce que mon éminent collègue dit que tous les

17 documents mentionnés par le docteur comme documents placés dans un sac ont

18 été brûlés ou les documents relatifs à sa pièce d'identité personnelle ?

19 Nous n'avons pas reçu de référence à cela. Je pense qu'il est nécessaire

20 d'être plus précis. De quels documents s'agit-il ? Quels sont les documents

21 qu'il aurait brûlés ? Mon éminent collègue dit : Nous avons lu cela et

22 c'est comme cela. Mais le témoin doit avoir l'opportunité de connaître les

23 détails.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, je pense que les

25 choses se déroulaient trop vite. Mais M. Moore nous a ramené à votre

26 première question et il a fait un commentaire tout à fait juste, à savoir,

27 la question que vous avez posée au début de cette partie de questionnement

28 était très vague et doit être clarifiée.

Page 1637

1 Merci.

2 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez tout à

3 fait raison, tout comme mon éminent collègue, M. Moore, effectivement. J'ai

4 parlé de cela trop rapidement car je pensais que le témoin maintenait ses

5 déclarations préalables. Mais je ne lui ai pas encore présenté des parties

6 de son livre --

7 Q. Je vous repose votre question : est-ce que vous avez dit, dans

8 votre livre, que vous avez voulu brûler les documents - je n'indique pas de

9 précisions - mais que vous avez fait cela afin d'empêcher que l'ennemi s'en

10 empare.

11 R. Non. Je maintiens ce que je viens de dire. J'ai brûlé mes documents

12 personnels et non pas les documents médicaux officiels. Les documents

13 personnels ont été brûlés, mis à part le document qui existe probablement

14 encore aujourd'hui à Mitrovica, le document qui me nomme au poste du chef

15 de l'unité médicale.

16 Q. Merci. Lorsque vous avez été déployé au sein du MUP de la Croatie, vous

17 avez dit que vous avez reçu une affectation de guerre. A quel moment est-ce

18 que ceci s'est passé ?

19 R. Il a fallu soigner aussi les membres du MUP blessés. Par conséquent,

20 pour marquer leur reconnaissance, car j'ai soigné les membres du MUP

21 également, j'ai reçu de leur part une carte indiquant qu'au mois d'août ou

22 de septembre --

23 Q. De quelle année ?

24 R. 1991.

25 Q. Qui vous a remis cette carte, cette pièce d'identité indiquant que vous

26 étiez membre du MUP de Croatie ?

27 R. Non pas membre, mais membre des forces de réserve du MUP. Si mes

28 souvenirs sont bons, c'est Stipe Pole, le commandant à l'époque, qui m'a

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1 remis cela.

2 Q. Merci. Auriez-vous l'amabilité de nous dire, en tant que policier ou

3 membre du MUP de réserve croate, aviez-vous un grade ?

4 R. Non.

5 Q. Très bien. Savez-vous ce que l'abréviation KOS, K-O-S, veut dire ?

6 R. Oui.

7 Q. Voudriez-vous le dire aux Juges ?

8 R. Le service de contre-espionnage.

9 Q. A quel moment avez-vous entendu parler de cela pour la première fois ?

10 R. Tous ceux qui ont fait leur service militaire au sein de la JNA

11 savaient que le KOS, le service de contre-espionnage, existait. Leur tâche,

12 au moins d'après ce que je savais à ce sujet, était de protéger l'état,

13 l'élite de l'état et les institutions de l'état. Peut-être je ne parle pas

14 avec suffisamment de précisions, mais je ne connais pas suffisamment leur

15 travail.

16 Q. Merci. N'avez-vous jamais rencontré un quelconque membre du KOS,

17 service de contre-espionnage ?

18 R. Oui. Lorsque je faisais mon service dans la clinique de la garnison.

19 Q. Où ?

20 R. A Petrovaradin, près de Novi Sad.

21 Q. C'était la dernière fois que vous avez rencontré un membre du KOS ?

22 R. Je ne sais pas. Peut-être par la suite aussi, mais je ne m'en souviens

23 pas.

24 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par la suite ?

25 R. J'ai dit que je ne m'en souvenais pas.

26 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez eu une conversation officielle

27 avec un membre du KOS ?

28 R. Oui. A Sremska Mitrovica, lors de ma capture.

Page 1639

1 Q. Comment s'appelait-il ?

2 R. Son grade était celui de colonel. Je crois qu'il a dit qu'il s'appelait

3 Stanko.

4 Q. Est-ce que vous avez dit, dans le compte rendu d'audience, l'autre

5 jour, que son nom était Gojko ?

6 R. Gojko, c'est autre chose. C'était un médecin spécialisé en pulmonologie

7 [phon] et il m'a dit qu'il était le commandant des services médicaux de

8 guerre à Sremska Mitrovica.

9 Q. Très bien. Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez fait une déclaration ?

10 Est-ce que vous avez donné une déclaration officielle aux membres du KOS ou

11 pas ?

12 R. Oui, j'ai donné une déclaration suite à leur demande lors du

13 questionnement du colonel Stanko.

14 Q. Je vois que vous souvenez maintenant de leurs prénoms, Gojko, Stanko,

15 alors que vous vous souveniez des noms de famille.

16 R. Vous savez, ceci peut être facilement vérifié, dans les documents de

17 Sremska Mitrovica, qui était le colonel Stanko. Si je vous dis son grade et

18 son métier, il est facile de le détecter.

19 Q. Qui vous a fait venir à Sremska Mitrovica ? C'était un membre du KOS ?

20 R. Je ne sais pas car ils étaient assis avant.

21 Q. Je vous demande simplement de nous dire si c'était un membre du KOS ou

22 pas.

23 R. Non, je ne sais pas

24 Q. Savez-vous qui est le Dr Radomir Dejanovic ?

25 R. Oui, le Dr Radomir Dejanovic est un jeune collègue qui, à la fin de son

26 stage, souhaitait travailler en tant que chirurgien. Je l'ai recommandé à

27 mon chef pour qu'il intègre le service de la chirurgie et pour qu'il

28 commence sa spécialisation.

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1 Q. Merci. Savez-vous où il a fait ses études ?

2 R. Il a fait ses études à Belgrade.

3 Q. Merci. La question suivante porte sur le 18 novembre 1991, date au

4 sujet de laquelle vous avez déjà déposé lors de ces deux jours.

5 Ma première question est la suivante : avez-vous entendu parler du

6 commandant Tesic ?

7 R. Non.

8 Q. Deuxième question : lorsque vous avez déclaré qu'un capitaine est venu,

9 est-ce qu'il était en compagnie d'un commandant ?

10 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de commandants.

11 Q. Je vous demande s'il y était.

12 R. Je vous dis que je ne me souviens pas qu'un commandant ait été aux

13 côtés du capitaine.

14 Q. Pourriez-vous nous dire, à ce moment-là, ce capitaine, est-ce qu'il

15 s'est présenté ?

16 R. Non, pas à ce moment-là.

17 Q. Très bien. Qui l'escortait encore ?

18 R. Un soldat.

19 Q. Un seul soldat ?

20 R. A ce moment-là, lorsque nous nous attendions à ce que les représentants

21 de la Croix Rouge internationale viennent aussi, bien sûr que nous avons

22 été étonnés.

23 Q. Ma question est simple : est-ce qu'il y avait d'autres soldats ?

24 R. Oui, il y avait un soldat. Mais je ne sais pas s'ils étaient plusieurs.

25 Q. Très bien. Merci.

26 Question suivante : combien de soldats sécurisaient l'hôpital à ce moment-

27 là, puisque vous avez déjà dit qu'il fallait qu'ils recouvrent tous les

28 vides, comme vous l'avez expliqué de manière figurative hier, vous étiez à

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1 l'hôpital, vous avez vu tous ces vides. Combien de soldats

2 approximativement - inutile de donner des précisions - étaient engagés dans

3 la sécurité de l'hôpital au moment où la JNA a fait son entrée à

4 l'hôpital ?

5 R. Lorsqu'ils sont entrés à l'hôpital, nous sommes descendus dans la cave.

6 Après cela, les soldats sont arrivés, et là, je peux vous énumérer ces

7 locaux-là et le nombre d'ouvertures un peu plus grandes.

8 Q. Dites-nous approximativement.

9 R. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, une dizaine d'ouvertures. Parfois

10 plus grandes, parfois plus petites. Bien sûr, aussi compte tenu du fait

11 qu'il n'y avait plus une seule fenêtre, juste les surfaces ouvertes.

12 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait d'autres soldats qui sécurisaient

13 l'hôpital, de l'extérieur ?

14 R. Nous n'avons pas vu cela car nous étions à l'intérieur. Je ne sais pas

15 s'il y en avait ou pas, mais nous avons vu ceux qui étaient autour de ces

16 ouvertures; ceux que l'on pouvait voir.

17 Q. Merci. Qui a accueilli les soldats de la JNA, mis à part vous ? Qui

18 était avec vous à ce moment-là ?

19 R. C'était le Dr Bosanac et Martin Vidic, Bili, qui étaient avec moi.

20 Q. Vous voulez dire Marin ?

21 R. Oui, excusez-moi. Marin Vidic, Bili.

22 Q. Si je vous disais qu'à ce moment-là ils étaient ailleurs, avez-vous un

23 commentaire à formuler ?

24 R. Non. Ils étaient avec moi, et après, ils sont partis.

25 Q. Comment est-ce qu'ils sont partis si vous dites que vous étiez tous

26 descendus dans la cave ?

27 R. Non. Je dis que j'étais descendu dans la cave. Je ne parle pas des

28 autres, car les autres, pour autant que je le sache, je ne le sais pas avec

Page 1642

1 certitude, mais certainement ils ont essayé de négocier afin d'évacuer

2 l'hôpital. Au moins, c'est ce qu'ils m'ont dit le 19.

3 Q. Excusez-moi. Merci. Tout à l'heure - c'est dans le compte rendu

4 d'audience - vous avez dit : "Nous sommes descendus dans la cave."

5 R. Excusez-moi, c'était un lapsus. Certainement, je suis descendu, mais je

6 ne sais pas ce qu'il leur arrivait à eux à ce moment-là, car le 18 au soir,

7 si mes souvenirs sont bons, ils n'étaient pas à l'hôpital.

8 Q. Merci. Combien de personnes y avait-il dans la cave à ce moment-là,

9 d'après vous ?

10 R. Je pense que je ne me tromperais pas si je vous dis - vous savez, il

11 est difficile d'établir le nombre. Il y avait certainement 450 personnes

12 blessées, et il y en avait qui était venu de la ville, des caves.

13 Q. Très bien. Je ne vais pas vous ennuyer avec cela. Cela suffit.

14 Est-ce que vous avez envoyé des fax et des messages téléphoniques à

15 Zagreb aux associations internationales, et cetera; oui ou non et à

16 Vinkovci ?

17 R. Non.

18 Q. Si je vous dis que le Dr Vesna Bosanac, dans sa déclaration faite

19 devant ce Tribunal, au compte rendu d'audience du 28 octobre, page 4, ligne

20 9, dit : "Je n'étais pas la seule qui envoyait les fax, des télécopies afin

21 d'obtenir de l'aide, car le Dr Njavro et Marin Vidic, Bili, le faisaient

22 aussi." Est-ce que cela change vos souvenirs ?

23 R. Il est possible, qu'à un moment donné, j'ai envoyé une télécopie, mais

24 cela devrait exister dans les documents qui existent, je suppose. On sait

25 où ces documents sont restés.

26 Q. Merci. Auriez-vous l'amabilité de nous dire à qui vous avez envoyé ce

27 fax, cette télécopie ?

28 R. Si je l'ai fait, c'était toujours la même adresse. On demandait de

Page 1643

1 l'aide auprès des observateurs internationaux dans l'hôtel Inn à Zagreb.

2 Q. Qui cela, lorsque vous dites nous tous ? Vesna Bosanac, vous, qui

3 d'autre ?

4 R. Bien, j'ai parlé de ces gens-là.

5 Q. Qui ?

6 R. Vesna, Bili et moi. Même si d'autres collègues le faisaient aussi, à

7 commencer même par --

8 Q. Merci.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le moment est-il opportun, Maître

10 Borovic, car nous pouvons prolonger pendant encore une ou deux minutes si

11 vous voulez.

12 M. BOROVIC : [interprétation] Je vais respecter votre suggestion. Nous

13 allons arrêter maintenant que c'est le meilleur. Merci.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

15 Nous allons reprendre notre travail demain à deux heures et quart.

16 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le

17 15 novembre 2005, à 14 heures 15.

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