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1 Le mercredi 16 novembre 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.
6 M. MOORE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Avant de citer notre témoin suivant, c'est l'ambassadeur Okun, je souhaite
8 aborder brièvement deux points, je souhaite en parler à la Chambre. Le
9 premier point concerne une ordonnance, une décision qui a été prise le 10
10 octobre par la Chambre concernant la procédure à adopter dans le cadre de
11 ce procès, eu égard à la documentation. J'ai réussi à obtenir le compte
12 rendu d'audience et peut-être que ceci aiderait toutes les parties
13 présentes si on pouvait la voir à l'écran. Comme vous pouvez voir, ceci a à
14 voir avec la Conférence préalable au procès où j'ai mentionné le compte
15 rendu d'audience. J'ai demandé qu'on surligne la suggestion; je vais
16 utiliser le terme neutre où il est dit -- je ne sais pas si la Chambre le
17 voit.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous voyons l'image, mais nous
19 n'arrivons pas à le lire.
20 M. MOORE : [interprétation] Cela a été surligné. Est-ce que vous arrivez à
21 le lire à présent ? Avant de m'adresser à la Défense, d'un point de vue de
22 la Chambre, si un conseil souhaite contre-interroger sur un document, la
23 Chambre souhaite que le conseil produise des exemplaires de ce document à
24 la Chambre, aux autres conseils, aux témoins.
25 Par la suite, vous avez dit : En terminant, Monsieur le Président,
26 ceci étant dit, est-ce qu'il y a quelque chose que vous souhaitez aider ?
27 Est-ce que quelqu'un souhaite prendre la parole au nom de l'équipe de la
28 Défense ? M. Vasic s'exprime au nom de toutes les équipes de la Défense et
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1 il dit que c'est ce que la Défense pense également et qu'elle partage votre
2 opinion.
3 Nous n'avons pas reçu un exemplaire hier de la part de la Défense. Je
4 ne souhaite pas formuler de critique, mais je tiens, néanmoins, à le dire :
5 ni nous, ni la Chambre.
6 Il me semble que vous vous êtes exprimé de manière très précise au
7 sujet de la procédure. Dans le "common law" et également dans les systèmes
8 civilistes, il faudrait qu'il y ait équité sur le plan de la procédure pour
9 ce qui est de la présentation des documents, ce qui n'a pas été le cas
10 hier. Nous demandons que la Chambre tranche là-dessus, qu'elle nous dise
11 quelle doit être l'attitude à l'avenir. Nous souhaitons que la Chambre
12 prenne une ordonnance.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, il n'y a pas besoin de
14 délivrer une ordonnance. L'ordonnance existe.
15 Je tiens à ajouter que nous essayons d'utiliser, dans la mesure possible,
16 le système d'administration de preuve électronique, lorsque les documents
17 sont accessibles et lorsque les conseils les ont par avance, ils devraient
18 faire partie du fichier qui figure dans le système électronique qui
19 correspond à chacun des clients respectifs. Il faudrait que ce soit fait
20 par avance. Le document nous sera accessible et sous la main au moment
21 nécessaire; lorsque nous en avons absolument besoin, nous allons nous
22 servir des copies sur papier. Mais j'espère qu'au-delà des vacances
23 judiciaires de noël, toutes les parties auront surmonté les premières
24 difficultés et qu'on pourra se servir uniquement du système électronique.
25 Cependant, si on a besoin de documents, ces documents doivent être
26 accessibles â toutes les parties présentes. Pour ce qui est des documents
27 particulièrement importants, la Chambre souhaite souligner que ces
28 documents devraient être, eux, communiqués sur papier aussi bien qu'être
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1 intégrés dans le système électronique et que ce serait la meilleure chose à
2 faire, dans le cas des documents les plus importants.
3 Je pense qu'il n'y a pas lieu de répéter cela encore une fois. L'ordonnance
4 a été délivrée. Nous avons les directives et les règlements qui régissent
5 également la procédure pour ce qui est des documents. Ceci peut poser
6 problème lorsqu'il s'agit de documents qui sont particulièrement
7 volumineux, mais il y a eu une discussion, à un moment donné, qui portait
8 là-dessus et qui était de savoir si ces documents doivent, eux aussi, être
9 entièrement recopiés ou non ou est-ce qu'il convient de ne copier que les
10 passages les plus importants. Nous comprendrons si l'Accusation et la
11 Défense arrivent à se mettre d'accord pour ne copier que certaines parties,
12 n'imprimer que certaines portions de ces documents qui sont accessibles par
13 voie électronique.
14 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie. C'était un premier point.
15 Puis, un deuxième point : ceci a à voir avec le livre dont nous avons parlé
16 hier. Je ne vais pas me plaindre, à proprement parler, de la présentation
17 de ce livre, mais nous avons demandé des exemplaires de la part de nos
18 confrères. Si nous pouvions obtenir un exemplaire du livre, nous allions le
19 photocopier. Mais ceci nous a été refusé. Nous souhaitons demander à la
20 Chambre de demander que le docteur présente un exemplaire par
21 l'intermédiaire d'une tierce partie.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, est-ce qu'il y a une
23 raison pour laquelle ce livre ne peut pas être communiqué ?
24 M. BOROVIC : [interprétation] J'étais en train d'attendre la fin de
25 l'interprétation.
26 Monsieur le Président, ce livre est la propriété de l'équipe de la
27 Défense de M. Sljivancanin, ce livre dont je me suis servi. Pour être tout
28 à fait correct à l'égard de notre confrère de l'Accusation, il faudrait
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1 qu'il soit clair que nous ne voulions absolument pas nous livrer à des
2 manipulations. Comme j'ai essayé de le dire hier, nous avons reçu des
3 ajouts la veille du début du contre-interrogatoire de ce témoin. Nous nous
4 sommes plaints auprès de la Chambre en disant que nous avions peur de ne
5 pas avoir suffisamment de temps pour contrer les nouveaux éléments
6 présentés par l'Accusation. Nous avons reçu ce livre, mais nous n'avons
7 même pas eu le temps de le scanner pour éventuellement le verser au
8 dossier. La procédure veut qu'il y ait au moins 24 heures qui s'écoulent
9 entre le moment où on remet le livre et le moment où il peut être introduit
10 dans le système. Nous n'avons cité que de petits extraits limités et ce,
11 pour contrer la nouvelle déclaration du témoin qui a été présentée
12 pratiquement
13 24 heures seulement avant le contre-interrogatoire. Je ne suis pas le
14 propriétaire de ce livre et M. Moore ne s'est pas adressé à la bonne
15 adresse. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu remettre ce livre.
16 Monsieur le Président, une autre chose, si vous aviez l'amabilité
17 d'entendre quelques arguments de plus, Me Lukic souhaite en parler.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.
19 M. LUKIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, un instant, s'il
20 vous plaît. Je tiens à commenter aussi l'information que vous nous avez
21 donnée qui concerne l'ordonnance. Cette information concerne la première
22 question. Elle découle du dialogue que j'ai eu hier avec M. Moore et de là,
23 ces arguments présentés aujourd'hui, ainsi que votre réaction. J'ai
24 compris, lors de la Conférence préalable au procès, également lorsque nous
25 avons débattu des délais concernant la présentation des documents et la
26 présentation électronique, je pensais que cela a à voir avec la partie qui
27 présente une preuve et souhaite demander le versement de la pièce. Je
28 pensais que ceci ne concernait pas les autres documents qui sont simplement
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1 présentés au témoin.
2 C'est à la lumière de cela que j'ai pensé que si on souhaitait contre-
3 interroger le témoin en présentant à l'appui un document qu'on n'avait pas
4 l'intention de verser au dossier, qu'on n'était pas tenu de le communiquer
5 par avance. Mais si j'ai fait une erreur d'interprétation là-dessus, je
6 vous en prie, expliquez-le-nous et nous saurons à quoi nous en tenir. Je
7 comprends maintenant la position.
8 Un deuxième point concernant le livre. Pour ce qui est du livre,
9 notre équipe de la Défense a reçu un exemplaire du livre que nous avons
10 utilisé pendant les préparatifs. Nous avons souligné des choses. Nous avons
11 ajouté des commentaires en marge. C'est sur la base de la déclaration
12 donnée par M. Njavro, en 1995, au bureau du Procureur, que nous avons
13 appris que ce livre existait parce que c'est à la fin de sa déclaration
14 qu'il dit que ce livre existe. Je ne comprends pas qu'entre 1995 et
15 aujourd'hui, le Procureur n'ait pas pu se procurer le livre, alors que le
16 témoin leur a dit qu'en 1992, il a été auteur de ce livre. Aussi, il y a un
17 certain nombre de notes, maintenant, dans notre exemplaire, des notes qui
18 ont été inscrites pendant les préparatifs. Je ne souhaite pas remettre cet
19 exemplaire. Je ne souhaite pas que le Procureur voie quels sont les points
20 essentiels autour desquels devait se structurer mon contre-interrogatoire.
21 J'allais plutôt me procurer un autre exemplaire pour le remettre, s'il
22 fallait fournir un document. Mais je comprends, maintenant, effectivement,
23 que votre ordonnance concernait tous les documents dont on souhaitait se
24 servir. Je vous remercie.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je voudrais que les parties en
26 présence le comprennent de manière tout à fait claire et d'après ce dont
27 je me souviens, ceci a déjà été précisé de par le passé : si un conseil a
28 l'intention d'utiliser un document dans le cadre d'un contre-
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1 interrogatoire, dans le cadre d'un interrogatoire ou des questions
2 supplémentaires s'adressant à un témoin, ce document, lorsque cela est
3 possible, doit être enregistré dans le système électronique du Tribunal et
4 doit aussi - c'est une solution de réserve - être accessible en version
5 papier.
6 Comme nous l'avons déjà vu, il y a un certain nombre de documents qu'il
7 vaut mieux, par précaution, avoir également sur papier et informatisé pour
8 qu'il soit le plus facile possible de s'en servir, de les lire, de les
9 utiliser. Mais cela s'applique à tous les documents et non seulement aux
10 documents qui seront versés au dossier.
11 Maître Lukic, comme d'habitude, j'ai l'impression que vous avez soulevé les
12 questions qui posent problème à tous et non seulement à vous. Vous nous
13 avez dit que vous alliez pouvoir vous procurer un exemplaire du livre où il
14 n'y a pas eu d'annotations et vous allez le communiquer. Je vous remercie
15 de le faire.
16 M. LUKIC : [interprétation] Je fais tout ce que je peux. C'est un livre
17 édité en Croatie. C'est un livre croate. Il n'a pas été imprimé en Serbie.
18 Il faudrait que je me serve de mes sources pour pouvoir me le procurer. Je
19 me dis que le Procureur serait mieux placé pour en trouver un, mais je
20 ferais ce que je peux de mon côté pour en avoir un.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre se réjouit de la
22 possibilité qu'il lui sera donné de lire le livre lorsqu'il lui aura été
23 communiqué.
24 Monsieur Moore ?
25 M. MOORE : [interprétation] Notre témoin suivant sera l'ambassadeur Okun.
26 Puis-je demander à la Chambre que les audiences ne durent pas plus d'une
27 heure entre les pauses ?
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. D'après ce que nous avons
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1 compris, compte tenu de son état de santé, il serait souhaitable de faire
2 des pauses toutes les heures.
3 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce que nous allons faire.
5 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.
6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-nous de vous avoir faites
10 attendre. Nous avons dû nous occuper des témoins précédents. Auriez-vous
11 l'amabilité de donner lecture du texte qui figure sous vos yeux ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 LE TÉMOIN: HERBERT STUART OKUN [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
17 asseoir, s'il vous plaît.
18 Oui, Monsieur Moore.
19 M. MOORE : [interprétation] Merci.
20 Interrogatoire principal par M. Moore :
21 Q. [interprétation] Pouvez-vous décliner votre identité ?
22 R. Herbert Stuart Okun.
23 Q. Je pense que nous pouvons dire qu'on vous appelle aussi ambassadeur
24 Okun, que c'est sous ce nom-là que vous êtes connu ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-il vrai de dire que vous avez eu une carrière très riche et que
27 vous êtes reconnu dans le milieu diplomatique sur le plan international ?
28 Est-ce vrai que vous avez été employé dans le service des Affaires
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1 étrangères des Etats-Unis de 1955 à 1991; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Au début des années 1960, vous avez travaillé à l'ambassade américaine
4 de Moscou, c'était pendant la crise des Cubains, la crise des missiles en
5 octobre 1962, vous étiez responsable de traduire les lettres émanant de
6 Kruschev et envoyées au président Kennedy ?
7 R. C'est exact.
8 Q. En 1971, 1972, est-il vrai de dire que vous avez négocié, participé aux
9 négociations portant sur l'accord sur la prévention des incidents en mer
10 entre les Etats-Unis et l'Union soviétique et que cela était le premier
11 traité militaire signé par les Etats-Unis et l'Union soviétique après la
12 Deuxième guerre mondiale ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Cela était signé lors d'un sommet qui a réuni les présidents Nixon et
15 Brezhnev; est-ce exact ? Ceci s'est passé à Moscou, en 1972 ?
16 R. Oui, en mai 1972.
17 Q. De 1973 à 1975, vous avez été conseiller politique au commandant en
18 chef de l'OTAN de la Méditerranée où vous avez été basé à Naples, en Italie
19 et votre responsabilité spécifique a été de surveiller la situation en ex-
20 Yougoslavie et de faire des rapports sur l'évolution pour ce qui est du
21 comportement du maréchal Tito qui, malheureusement, à cette époque-là, se
22 faisait âgé ?
23 R. Oui.
24 Q. Vers la fin des années 1970, est-il vrai de dire que vous avez été chef
25 en second de la délégation des Etats-Unis lors des négociations portant sur
26 la limitation des armes stratégiques avec l'Union soviétique, le SALT II ?
27 R. Oui.
28 Q. En 1980, vous avez été nommé ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne de
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1 l'est de l'époque et vous êtes resté jusqu'en 1983 ?
2 R. Oui, j'ai été ambassadeur des Etats-Unis à Berlin en République
3 démocratique d'Allemagne de l'époque.
4 Q. Je vous remercie. De 1985 à 1989, vous avez été le représentant
5 permanent des Etats-Unis et ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies;
6 est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. De 1991 à 1997, vous avez été conseiller spécial et suppléant de
9 l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies, travaillant sur
10 des questions eu égard à la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine;
11 est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. De 1991 à 1993, en particulier, vous vous êtes intéressé, avant tout, à
14 la Croatie et à la Bosnie. A partir du mois de septembre 1992 jusqu'en mai
15 1993, vous avez été président adjoint de la conférence internationale sur
16 l'ex-Yougoslavie ?
17 R. Oui.
18 Q. De 1993 jusqu'à 1997, vous avez été médiateur dans la dispute qui a
19 opposé la Grèce et la Macédoine ?
20 R. C'est exact.
21 Q. En 1996 jusqu'en 1997, vous avez été conseiller spécial de la
22 commission internationale sur les personnes portées disparues de l'ex-
23 Yougoslavie et je pense qu'on est en droit de dire que dans les années
24 1990, vous avez été professeur invité sur le droit international à Yale et
25 je pense que vous êtes, en ce moment, professeur et que vous enseignez les
26 relations internationales, le droit international et les institutions
27 internationales à Johns Hopkins University ?
28 R. C'est exact.
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1 Q. Un ou deux petits points : je pense que la première fois que vous vous
2 êtes rendu en ex-Yougoslavie, c'était en 1957 en tant que touriste et qu'au
3 milieu des années 1970, vous y avez été en tant que conseiller politique,
4 comme je l'ai déjà dit, conseiller politique du commandant en chef de
5 l'OTAN dans la Méditerranée.
6 Maintenant, pour ce qui est de la Résolution 713 qui a été adoptée le
7 25 septembre 1991, aux Nations Unies, est-il vrai que vous avez été invité
8 à accompagner Cyrus Vance en tant que chef de cabinet du secrétariat
9 général des Nations Unies ?
10 R. Oui. Cette résolution a été adoptée en tant que
11 Résolution 713 du conseil de Sécurité.
12 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, qui était Cyrus Vance ?
13 R. Oui. C'était un fonctionnaire d'état et juriste d'une grande renommée
14 aux Etats-Unis. Il a été secrétaire et conseiller juridique du ministère de
15 la Défense américaine dans les années 60 pendant la présidence du président
16 Johnson et de 1977 à 1980, pendant la présidence de Carter, il a été
17 secrétaire d'état. Par la suite, il est redevenu juriste et avocat à New
18 York. Il a continué de mener des missions importantes se battant pour toute
19 une série de causes publiques ou privées. Je l'ai connu bien avant 1991.
20 Q. Serait-il juste de dire que l'objectif de cette mission, que je
21 décrirais comme une mission diplomatique et d'établissement des faits, a
22 été de formuler des recommandations à l'attention du secrétaire général et
23 du conseil de Sécurité ?
24 R. Oui, c'est tout à fait cela.
25 Q. Est-il vrai de dire que la Communauté européenne de l'époque, en
26 septembre 1991 et avant cela et ce, par l'intermédiaire de sa conférence
27 sur la Yougoslavie en est venu à concevoir une solution globale ou devait
28 chercher une solution globale aux problèmes en Yougoslavie ?
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1 R. Oui. La conférence relative à la Yougoslavie était présidée par Lord
2 Carrington, ancien ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni et le
3 but de cette conférence qu'il présidait était d'essayer de trouver une
4 solution politique globale aux problèmes de la Yougoslavie de l'époque et
5 ce, avec l'aide des différentes parties yougoslaves.
6 Q. Permettez-moi d'aborder le début de cette mission. Il est exact de dire
7 que vous êtes arrivé à Belgrade samedi, 12 octobre, vous étiez avec M.
8 Cyrus Vance et le 13 octobre, vous avez rencontré le président Milosevic et
9 vous êtes parti le 18 octobre et ensuite, vous avez présenté votre rapport
10 au conseil de Sécurité ?
11 R. Si vous me permettez d'ajouter que lors de cette période, nous avons
12 visité l'ensemble du pays et nous n'avons pas seulement rencontré M.
13 Milosevic, nous avons rencontré également les dirigeants importants de
14 l'époque.
15 Q. Est-il exact de dire que lors de cette visite en Yougoslavie, vous
16 avez, en quelque sorte, compilé un journal de bord, ce que j'appellerais
17 plutôt des journaux de bord et que vous consigniez cela au moment ou juste
18 après que les événements s'étaient produits; est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Qu'inscriviez-vous dans ces journaux de bord ? Est-ce que vous pourriez
21 présenter une synthèse à la Chambre ?
22 R. La coutume veut qu'on tienne ou qu'on consigne ce qui se dit lors des
23 réunions. Ce n'est pas une obligation, mais je pense qu'il est utile
24 d'avoir ce genre de tenure, ce genre de journal de bord professionnel car
25 je pense qu'il est extrêmement judicieux de conserver un compte rendu
26 relativement détaillé des réunions auxquelles je participais. Je dois dire
27 qu'il était extrêmement important dans mon cas et je pensais que c'était
28 extrêmement utile, d'ailleurs, puisque nous avons rencontré de nombreuses
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1 personnes en une seule journée. Il y avait plusieurs journées qui
2 représentaient quelque 18 à 20 heures de travail constant. Nous allions
3 dans plusieurs villes, trois ou quatre villes et nous avions environ cinq
4 ou six réunions importantes pendant ladite journée. Si vous ne consignez
5 pas cela par écrit au moment ou juste après la réunion, il est très facile
6 après de se perdre en conjectures, de faire des erreurs. Je conservais cela
7 pour moi-même, mais également pour M. Vance, bien sûr.
8 Q. Merci. J'aimerais ensuite rapidement aborder votre deuxième visite,
9 puis, nous aborderons de façon un peu plus exhaustive votre troisième
10 visite. Je pense qu'il y a une deuxième visite entre le
11 3 novembre et le 9 novembre, cette visite, d'ailleurs, qui a été un peu
12 semblable à la première. Vous avez parcouru le pays, vous avez rencontré de
13 nombreuses personnes; est-ce exact ?
14 R. C'est tout à fait exact. Mais j'ajouterais une chose : les événements
15 en Croatie étaient au centre des préoccupations parce que c'est là où les
16 combats avaient lieu. Il n'y avait pas encore de combats importants ou
17 d'autres combats importants en Yougoslavie, à l'époque, hormis en Croatie.
18 Q. Pour ce qui est des rapports que vous présentiez au conseil de
19 Sécurité, est-ce qu'il serait exact de dire schématiquement que vous avez
20 conclu, de façon collective, qu'un processus de maintien de la paix serait
21 la voie de l'avenir; est-ce exact ?
22 R. M. Vance et moi-même, après la première visite et de toute façon, après
23 notre deuxième mission, sommes assez rapidement parvenus à la conclusion
24 suivant laquelle une opération de maintien de la paix pourrait être utile
25 et serait utile, bien entendu, avec l'aval des factions belligérantes et en
26 novembre, il nous a semblé important de vérifier cela auprès des factions
27 belligérantes elles-mêmes et ce fut, d'ailleurs, l'objectif principal de
28 notre mission du mois de novembre.
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1 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous abordions ce que je vais appeler
2 votre troisième retour en Yougoslavie et cela a eu lieu entre le 16
3 novembre et le 24 novembre 1991. Est-il exact de dire que vous avez tenu un
4 journal pendant toute cette période ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous l'avez tenu au fur et à mesure de l'évolution des
7 événements, pour vous rafraîchir la mémoire ?
8 R. Oui.
9 Q. Je demanderais l'autorisation pour que vous vous rafraîchissiez la
10 mémoire en consultant ce document qui, nous le savons, se trouve dans le
11 prétoire.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous accordons cette permission.
13 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, il y a plusieurs journaux de bord dans cette
15 liasse. Peut-être que vous pourriez retrouver celui qui correspond à la
16 période du 16 au 24 novembre, je vous prie.
17 En attendant que M. l'ambassadeur vérifie tout cela, j'aimerais juste
18 indiquer à la Chambre de première instance que nous avons un petit dossier
19 bleu avec le numéro 62. Il y a une table des matières qui fait référence
20 aux différentes pages du journal de bord et je pense que cela sera d'une
21 lecture beaucoup plus facile que l'affichage électronique, mais bien
22 entendu, de toute façon, nous pouvons vous présenter cela par affichage
23 électronique.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.
25 M. MOORE : [interprétation]
26 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez trouvé le journal de bord en
27 question ?
28 R. Oui.
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1 Q. Je vais vous demander de prendre, dans un premier temps, ce qui devrait
2 être la page -- ou plutôt, tenez, la première page qui correspond à votre
3 arrivée en Yougoslavie.
4 R. L'arrivée en Yougoslavie ?
5 Q. Oui. Sur cette particulière --
6 R. Pour cette mission, vous voulez dire ?
7 Q. Oui.
8 R. Cela commence à la page 31.
9 Q. Merci.
10 R. Excusez-moi. Puis-je ajouter, Monsieur, que le chapitre correspondant à
11 la Yougoslavie commence à la page 31 parce que le journal de bord commence
12 avec la page première et il commence par notre réunion de New York avec le
13 conseil de Sécurité. Puis, en chemin vers la Yougoslavie, M. Vance, moi-
14 même et notre équipe, nous nous sommes arrêtés à Amsterdam pour nous réunir
15 avec les représentants de la Communauté européenne, comme on l'appelait à
16 l'époque. J'ai consigné toutes ces réunions et c'est pour cela que ce qui
17 correspond à la partie yougoslave commence à la page 31, alors que le
18 journal de bord de la mission commence à la page première.
19 Q. Je vous remercie. Nous allons, dans un premier temps, envisager votre
20 arrivée du 17 novembre, date à laquelle vous arrivez à Belgrade. De façon
21 générale, est-il exact de dire que vous avez eu plusieurs réunions avec le
22 comité international de la Croix Rouge et le Haut-commissariat pour les
23 Réfugiés des Nations Unies ?
24 R. Oui.
25 Q. De façon générale, est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges --
26 d'ailleurs, cela se trouve à la page 59, ce qu'il en était ?
27 R. Nous voyions de façon régulière le représentant du comité international
28 de la Croix Rouge, ainsi que le représentant du Haut-commissariat pour les
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1 Réfugiés des Nations Unies, ainsi que d'autres organisations humanitaires
2 et ce, afin de nous tenir informés, dans la mesure du possible, de la
3 situation humanitaire en Yougoslavie, notamment, dans les zones de combat
4 de la Croatie. A la mi-novembre, il faut savoir que plus de 200 000
5 personnes avaient déjà fait l'objet de déplacements. Ce sont, comme on les
6 appelle, des personnes qui ont fait l'objet de déplacements internes et
7 c'est un chiffre qui s'élevait très, très rapidement, puisqu'il faut savoir
8 que de
9 200 000, à Noël, ce chiffre avait atteint le chiffre de
10 500 000 personnes [comme interprété]. Il était tout à fait logique que nous
11 nous entretenions avec les représentants du Haut-commissariat pour les
12 Réfugiés et de la Croix Rouge.
13 Q. Est-il exact de dire que vous avez également reçu des communications
14 émanant d'autres instances diplomatiques à propos des -- il s'agissait des
15 préoccupations qui étaient exprimées à propos de la Croatie, en général ?
16 R. Oui, puisque ces combats en Croatie n'attiraient pas seulement
17 l'attention en Yougoslavie et en Europe, mais dans le monde entier. Cela
18 faisait l'objet de rapports quotidiens qui faisaient la une des journaux
19 dans la presse. On ne peut pas dire que nous ne disposions pas
20 d'informations relatives à la situation. Puis, il faut savoir qu'il y avait
21 de nombreux pays qui étaient extrêmement préoccupés par la situation. La
22 CE, comme je l'ai déjà mentionné, avait déjà organisé une conférence et
23 s'était chargée ou avait déployé des efforts diplomatiques pour essayer de
24 trouver une solution au problème. La CE avait des centaines d'observateurs
25 dans le pays, notamment, en Croatie. Ils étaient tous quasiment en Croatie.
26 Il y en avait quelques-uns qui étaient en
27 Bosnie-Herzégovine. Il y avait un groupe qu'on appelait la Mission de
28 contrôle de la Communauté européenne, la MCCE et vous verrez que j'y fais
Page 1760
1 référence dans mes journaux de bord. La situation en Croatie était une
2 situation particulièrement urgente à l'époque.
3 Q. Est-ce que Vukovar a jamais été mentionné lors de ces conversations
4 préliminaires ou lors de ces séances ?
5 R. Oui. Vukovar était quasiment et ce, de façon invariable, mentionnée,
6 puisqu'il faut savoir que le siège de la ville avait commencé au mois
7 d'août. Je pense que nous pouvons dire, en toute équité, qu'avec les
8 événements à et autour de Dubrovnik, l'attaque menée par la JNA contre
9 Vukovar est l'événement qui a été le plus sous les feux de la rampe,
10 publiquement, d'ailleurs et en privé, beaucoup plus que n'importe quel
11 autre événement en Yougoslavie.
12 D'aucuns lisaient, entendaient parler de l'attaque menée contre
13 Vukovar, les organisations humanitaires en parlaient, les gouvernements
14 préoccupés. Par exemple, à notre arrivée à Belgrade, je pense que cela
15 s'est passé le 17, l'ambassadeur allemand nous a convoqué, M. Vance et moi-
16 même, pour nous transmettre l'extrême préoccupation du ministre des
17 Affaires étrangères Genscher à propos de la détérioration de la situation à
18 Vukovar. Le problème de Vukovar, notamment, avec sa dimension humanitaire
19 ainsi que ce que bon nombre considérait comme une tragédie qui était sur le
20 point de se concrétiser, était de notoriété publique. Puis, la situation
21 des personnes qui se trouvaient dans la ville assiégée était connue de tous
22 car les représentants de la Croix Rouge et d'autres faisaient ou avaient
23 fait référence à ces personnes qui se cachaient, qui étaient dans la
24 clandestinité et qui se cachaient dans les sous-sols. Ils en avaient parlé
25 comme étant des "êtres champignons." D'ailleurs, je l'ai écrit dans mon
26 journal de bord.
27 Q. Quelle est la référence ? Est-ce qu'il s'agit de la
28 page 59 ?
Page 1761
1 R. Est-ce que je peux avoir un petit moment pour regarder cela ?
2 Q. Oui, tout à fait.
3 R. Ce n'est pas la page 59. Excusez-moi, mais je voudrais bien un moment
4 supplémentaire. Cela se trouve à la page 39 et correspond à la date du
5 lundi, 18 novembre 1991. Il s'agit d'une réunion tenue avec la
6 représentante du Haut-commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies, Mme
7 Cumin. Il y avait également M. Mira [phon], représentant du comité
8 international de la Croix Rouge. Permettez-moi de lire cela. Ce n'est que
9 quelques lignes.
10 Q. Faites.
11 R. Je cite ce qui se trouve à la page 39 du journal de bord : "Le
12 pilonnage est intense à Osijek, quatre morts par jour. Les gens champignons
13 de Vukovar. Dubrovnik qui avait été considérablement pilonné est maintenant
14 plus paisible." Vous voyez qu'il y a la référence qui est faite à Vukovar
15 et à ces gens champignons.
16 Q. Merci.
17 Est-ce que nous pourrions peut-être prendre le premier intercalaire ?
18 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic.
20 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je m'excuse de
21 vous interrompre, Monsieur le Procureur, puisque vous êtes en plein
22 interrogatoire principal. Mais je pense qu'il faut que nous réagissions car
23 la Défense se trouve exactement dans la même situation qui a été mentionnée
24 aujourd'hui, en début d'audience, par le Procureur. Nous entendons le
25 témoin parler d'événements auxquels il a assisté, dont il a consigné les
26 détails dans son journal de bord, alors que la Défense n'a pas reçu
27 d'exemplaires de cela. Il nous est très difficile de suivre le témoignage
28 du témoin car nous ne pouvons pas suivre ce qu'il a écrit dans son journal
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1 de bord. Nous avons reçu, de la part du bureau du Procureur, d'autres pages
2 de ces journaux de bord, mais pas celles qui viennent d'être citées. Nous
3 ne savons absolument pas ce qui est écrit sur ces pages. Je suppose que le
4 bureau de Procureur a ces pages. Je pense qu'il serait extrêmement utile à
5 la Défense et à la Chambre d'avoir lesdites pages pour que nous puissions
6 suivre le témoignage du témoin.
7 M. MOORE : [interprétation] Nous pouvons très facilement et très rapidement
8 vous donner des copies de la page 39 car nous pensions que cela commençait
9 à la page 59.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si cela vous est utile, mon document
11 commence à la page 60.
12 M. MOORE : [interprétation] Oui, effectivement. Tout devrait commencer à la
13 page 60 parce que c'est la date pertinente. Mais nous pouvons le faire très
14 facilement.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous nous dites que cela
16 figure dans le système électronique ?
17 M. MOORE : [interprétation] Le document ou le journal de bord en question
18 correspond à deux fichiers très volumineux. Nous avons essayé d'extraire
19 les pages qui correspondent à Vukovar parce que manifestement, la mission
20 de M. l'ambassadeur Okun couvrait beaucoup plus d'endroits et une période
21 beaucoup plus longue.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais nous n'avons pas la page
23 39.
24 M. MOORE : [interprétation] Non, vous n'avez, évidemment, pas la page 39.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous attendons de recevoir
26 ladite page.
27 M. MOORE : [interprétation] Cela peut être fait aujourd'hui.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Vasic, de l'avoir
Page 1763
1 mentionné.
2 M. MOORE : [interprétation]
3 Q. Je vous demanderais maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, de prendre la
4 page 60 et j'indique que toutes les parties ont reçu cette page. Vous voyez
5 qu'il s'agit du 18 novembre. Vous vous trouviez à Belgrade, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Si vous prenez l'intercalaire numéro 1 que j'ai photocopié de votre
8 journal de bord original, voyez, nous avons pages 60, 61. Nous avons
9 Belgrade, 18 novembre. Est-ce que vous pourriez nous dire, de façon
10 générale, à quoi correspond ce que vous avez écrit à la
11 page 60 ?
12 R. La page 60 est la page qui correspond à la conclusion ou à la fin de la
13 journée à Belgrade. Ce fut une journée où nous avions été fort occupés.
14 Cela commence à la page 39 dans mon journal. Il s'agit, par exemple, de
15 réunions avec Milosevic, avec Jovanovic, nous avons eu une longue réunion
16 avec ces deux personnes. Nous avons déjeuné avec Milosevic et Jovanovic.
17 Ensuite, nous avons le général Kadijevic, l'amiral Borovac, le colonel
18 Obradovic. Nous avons eu une longue réunion avec le général Kadijevic et
19 ses hommes.
20 Q. A la page 60 --
21 R. A la page 60, il s'agit d'une réunion que nous avons eu avec Ante
22 Markovic, le premier ministre fédéral et ce fut la dernière réunion de
23 cette journée. C'est pour cela que c'est ce que j'ai écrit à la fin de
24 cette journée.
25 Q. Si vous prenez le bas de la page 60, vous voyez qu'il y a une référence
26 qui est faite à "une discussion générale." Est-ce que vous pouvez nous dire
27 ce dont il s'agissait ?
28 R. Oui, tout à fait. C'est une réunion que M. Vance et moi-même avons eue
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1 avec le premier ministre Markovic. Puis, il y avait un sous-secrétaire pour
2 le ministre des Affaires étrangères Yougoslave, M. Veres. Ce n'était pas
3 notre première réunion avec le premier ministre. Nous l'avions rencontré
4 plusieurs fois auparavant. Je remarque qu'en bas de la page 60, outre les
5 sujets bien précis que nous avons abordés, nous avons également parlé du
6 rôle du président Tudjman. Nous nous sommes demandés, par exemple, dans
7 quelle mesure est-ce que sa position était sûre. Nous avons évoqué son
8 comportement vis-à-vis des attaques menées contre son peuple et son pays.
9 Nous avons discuté de ce genre de choses. Puis, nous avons eu une
10 discussion générale, mais qui a eu son importance, à propos de l'extrémisme
11 qui commençait à poindre dans toute la Yougoslavie parce que cela était
12 manifeste et évident pour nous et cela représentait une source de
13 préoccupation extrême pour M. Vance et pour moi-même, ainsi que pour le
14 premier ministre. Nous avons parlé de la
15 Bosnie-Herzégovine et vous pourrez voir, dans les notes que j'ai écrites,
16 que le premier ministre Markovic en a parlé comme étant une bombe atomique.
17 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant passer au mardi,
18 19 novembre, page 61 ? Vous voyez qu'il est fait référence à un endroit où
19 vous vous êtes rendu, Belgrade, Sid, Vukovar, Belgrade à nouveau et Zagreb
20 et vous êtes parti à 6 heures 30. Quel était le but de ces visites du 19
21 novembre ?
22 R. Nous avions entendu tant de récits perturbants à propos de Vukovar que
23 M. Vans et moi-même étions d'avis qu'il serait judicieux que nous voyions
24 par nous-mêmes, de visu, ce qui se passait sur le terrain là-bas et dans la
25 mesure du possible, nous envisagions de prendre des mesures. Nous avons
26 décidé de nous rendre à Vukovar et nous avons demandé à Milosevic et au
27 général Kadijevic une aide, une assistance pour nous permettre de le faire
28 et ils ont marqué leur accord.
Page 1765
1 Q. Est-ce que nous pourrions peut-être, maintenant, étudier la référence
2 qui est faite en bas de la page : 8 heures 40, départ; ensuite, 10 heures,
3 arrivée à Negoslavci. Est-ce que vous l'avez cela ? Vous l'avez retrouvé ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourriez-vous peut-être nous rappeler ce que vous avez écrit à propos
6 de cette réunion à Negoslavci ?
7 R. Je dirais, en guise d'introduction, que lors de ce voyage, c'est la JNA
8 qui s'est occupée de nous. Nous sommes allés là-bas à bord d'un véhicule de
9 transport de troupes. Nous avons quitté Sid à
10 8 heures 45 - Sid se trouve en Serbie - une heure et quart plus tard, nous
11 sommes arrivés à Negoslavci qui se trouve au sud de Vukovar, en Croatie. Si
12 vous me permettez de lire ces trois lignes, voilà ce que j'ai écrit,
13 Negoslavci : "Une demi-heure de réunion avec un colonel de la JNA,
14 commandant du front du sud."
15 Q. Comment est-ce que vous le décrivez ?
16 R. Excusez-moi ?
17 Q. Comment est-ce que vous le décrivez ?
18 R. Je le décris et je dis qu'il s'agit d'un colonel, d'un homme, "d'un
19 militaire strict, mais dur."
20 Q. Qu'entendez-vous par cela ? Pourquoi est-ce que vous avez abouti à
21 cette conclusion ?
22 R. Quand je dis dur, c'est une façon polie de m'exprimer. Il s'agit d'un
23 euphémisme à la place du mot brutal. J'aboutis à cette conclusion du fait
24 de son comportement, de son attitude. C'était un homme extrêmement
25 belligérant, non pas vis-à-vis de nous. Son comportement militaire était
26 tout à fait correct, mais il est évident que c'était quelqu'un de très dur.
27 Q. Merci. Je vais maintenant vous montrer un extrait d'une vidéo et
28 j'espère que nous allons pouvoir faire un arrêt sur image. Il s'agit d'une
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1 partie de votre visite à Negoslavci.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 M. MOORE : [interprétation]
4 Q. Nous voyons le dos d'une personne qui, je suppose, est le colonel
5 Mrksic. Est-ce qu'il s'agit de M. Vance ?
6 R. Oui.
7 Q. Il s'agit de votre visite à Negoslavci.
8 Nous allons poursuivre, nous allons continuer à voir la vidéo.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 M. MOORE : [interprétation]
11 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passe là ?
12 R. Nous sommes arrivés et nous avons été conduits vers le QG de Mrksic.
13 Q. Quel a été l'objet de votre discussion ?
14 R. Là, vous voyez que nous sommes assis autour de la table. Vous voyez, à
15 la gauche, M. Vance. Vous avez, au milieu, la personne chargée du maintien
16 de la paix, puis, moi. Nous parlons -- ou plutôt, c'est M. Vance qui pose
17 des questions à propos de la situation militaire générale. Il décrit les
18 idées que nous avions pour cette opération ou pour une opération éventuelle
19 du maintien de la paix.
20 Q. Je vous remercie beaucoup.
21 R. Mais c'était Vukovar qui était au centre de nos intérêts.
22 Q. Oui ?
23 R. Parce que nous étions en route vers Vukovar.
24 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant passer à la page 62, je vous prie ?
25 Je suppose que cela doit correspondre à l'intercalaire numéro 2. Vous voyez
26 qu'il est fait référence à 10 heures 35, départ de Negoslavci. Je continue,
27 vous êtes dans un véhicule de transport de troupes; ensuite, de 11 heures à
28 13 heures, Vukovar.
Page 1767
1 M. MOORE : [interprétation] Pour ce qui est de cette partie de la vidéo,
2 Monsieur le Président, qui fut filmée par des caméras de télévision, nous
3 avons un compte rendu ou plutôt, un script de ce qui a été dit, un script
4 très très succinct et je pense que cela serait certainement utile pour tout
5 le monde. Je vais vous distribuer ce document et ce, afin de vous faciliter
6 la tâche.
7 J'ai maintenant la page 39 que je vais vous faire distribuer dans un petit
8 moment.
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous pourriez peut-être regarder
10 l'écran ? J'aimerais savoir si on vous a distribué un exemplaire de ce
11 script. Vous l'avez reçu ? Non ? Je vais vous montrer un court extrait du
12 trajet en véhicules de transport de troupes, ensuite, il y a la réunion que
13 vous avez avec
14 M. Sljivancanin.
15 M. MOORE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait le voir ?
16 [Diffusion de cassette vidéo]
17 M. MOORE : [interprétation]
18 Q. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez vu à Vukovar ?
19 R. Ces maisons sont dans un état meilleur par rapport à celles que j'ai
20 vues. Mais cela m'est connu.
21 Q. Vous pouvez nous dire qui se trouve ici ?
22 R. A droite, il y a Cyrus Vance portant un manteau. A sa droite, un
23 interprète, ensuite, un homme assez grand en uniforme militaire et avec la
24 moustache, c'est le commandant Sljivancanin.
25 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, la transcription
26 concerne cette partie et je pense que nous allons pouvoir suivre cette
27 partie de la vidéo en s'appuyant sur la transcription.
28 [Diffusion de cassette vidéo]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Ici, sont tous les supérieurs et tous les soldats de la JNA qui ont
3 plus de 18 ans. Hier soir, nous avons arrêté des formations d'Oustachi
4 restantes et d'autres citoyens et j'étais fier de mes soldats qui, en aucun
5 moment, n'ont essayé de faire une vengeance, mais plutôt, d'assister les
6 gens dans la mesure du possible. Monsieur, il s'agit, ici, d'une guerre
7 sale qui, jusqu'ici, n'a jamais eu lieu dans notre histoire. L'armée
8 yougoslave a été formée de l'armée populaire qui, pendant la deuxième
9 guerre mondiale, avec d'autres alliés, a combattu contre le fascisme et
10 comme vous le savez, la JNA a --
11 Est-ce que les soldats étaient dans les maisons ?
12 Non, nos soldats se trouvent tous ensemble sur leurs positions et ils
13 ont participé avec nous à la libération de la ville de Vukovar.
14 Est-ce qu'il y a une possibilité de s'arranger avec les gens du
15 groupe du nord pour arriver jusqu'à l'hôpital ?
16 Je pense qu'en ce moment, je ne peux pas vous assurer cela. C'est
17 peut-être quelqu'un d'autre qui peut s'occuper de cela parce qu'il y a un
18 passage sur la partie qui se trouve tout près de la rivière de Vuka parce
19 qu'entre nous et ce groupe opérationnel du nord, il y a des mines de champ
20 et nous ne sommes pas prêts à vous mener à l'endroit où vous ne serez pas
21 en sécurité. Nous n'avons pas encore déminé ces champs de mines.
22 Laissez-moi parler à ma collègue. Descendons, d'abord, dans la ville
23 et nous allons en parler un peu plus tard."
24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
25 M. MOORE : [interprétation]
26 Q. Regardons maintenant vos notes concernant cette période. Regardons
27 maintenant la première entrée, de 11 heures jusqu'à
28 13 heures. Qu'est-ce qui figure dans vos notes ?
Page 1769
1 R. C'est le "Rapport de situation." J'ai écrit cela en allemand
2 "Lagebericht" et il est dit : "La JNA dérange la visite, mais Cyrus R.
3 Vance essaie de sauver la situation par sa fermeté, sa patience et sa
4 persistance."
5 Q. Vous dites : "La JNA n'a pas permis que la visite soit faite." Pourquoi
6 vous avez écrit cela ?
7 R. Cela concernait plus spécifiquement le comportement de l'officier
8 d'escorte, c'est-à-dire, du commandant Sljivancanin.
9 Q. De quelle façon il a essayé d'obstruer votre visite ?
10 R. Vous avez vu une partie de cela sur la séquence vidéo qui a été montrée
11 tout à l'heure. Vous l'avez entendu dire à M. Vance : "Je ne peux pas le
12 faire. Je ne peux pas vous mener jusqu'à l'hôpital." Vous pouvez voir son
13 expression de visage. Il était en colère quand il a parlé à Cyrus Vance. Il
14 dit cela à plusieurs reprises. Il est évident que Sljivancanin ne disait
15 pas la vérité. Nous doutions de ses propos parce qu'il nous a déjà dit
16 plusieurs non-vérités. Par exemple, il nous a dit que la petite caserne de
17 la JNA dans la ville, à Vukovar même, a été pilonnée et que des centaines
18 d'obus tombaient par jour sur la caserne, mais nous nous sommes promenés
19 dans cette caserne. La caserne était presque intacte. Il n'y avait presque
20 pas d'endommagements dans la caserne.
21 Q. Maintenant, s'il vous plaît, regardons votre note, si possible ? Ce
22 n'est pas dans l'ordre des choses.
23 R. Oui.
24 Q. Si vous regardez le troisième sous-titre, à la page 62, il s'agit de la
25 "visite faite dans la caserne de la JNA." C'est exact ?
26 R. Oui.
27 Q. Pouvez-vous lire, s'il vous plaît, vos notes par rapport à cela ?
28 R. J'ai fait référence à cela dans mes notes. J'ai dit : "La visite à la
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1 caserne JNA," j'ai surligné cela, ensuite, je dis : "L'objectif d'attaque,
2 dit la JNA, était de libérer des casernes relativement petites, faites pour
3 --" c'est ainsi que nous avons eu l'occasion de voir de nos propres yeux
4 quelle était la situation qui régnait dans ces casernes, compte tenu du
5 fait qu'on nous a dit que c'était la raison de l'attaque de la JNA contre
6 Vukovar, c'est pour cela qu'ils ont attaqué et nous pouvions voir qu'il n'y
7 avait pas de dommages causés dans ces casernes.
8 Q. Par rapport à la transcription que la Chambre a reçue, il y a dans
9 cette transcription, il est fait mention au commandant Sljivancanin, il a
10 été dit : Avant que la JNA ait libéré Vukovar, il y avait entre 400 et 500
11 missiles de mortier qui tombaient tous les jours sur notre caserne. C'est à
12 la ligne 1 415. Est-ce que vous avez servi dans l'armée ?
13 R. Oui, j'étais dans l'infanterie.
14 Q. Regardant les casernes de la JNA, pouvez-vous nous dire dans quelle
15 mesure ces casernes ont été endommagées ?
16 R. Comme je l'ai déjà dit, il n'y avait presque pas de dommages causés à
17 ces casernes.
18 Q. Est-ce que vous avez parlé de l'obstruction faite par le commandant
19 Sljivancanin ? Pourriez-vous nous décrire l'ambiance qui régnait entre
20 Vance et Sljivancanin lorsqu'ils se sont rencontrés ?
21 R. Cela a commencé à devenir très politique. M. Vance qui était l'ancien
22 secrétaire d'état, renommé et bien sûr, il est très courtois, mais, très
23 vite, cela s'est détérioré parce que Sljivancanin, évidemment, voulait
24 obstruer, c'est-à-dire, il a insisté à ce que M. Vance ne puisse pas voir
25 Vukovar, les choses pour lesquelles il voulait voir.
26 Q. Est-ce que Sljivancanin a fait quoi que ce soit pour que vous puissiez
27 conclure qu'il s'agissait de son attitude ou de son approche ?
28 R. Oui, à un moment donné, ils ont commencé à crier l'un sur l'autre. Il
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1 s'agissait d'une discussion très animée. Durant des décennies de rencontres
2 avec Cyrus Vance, je ne l'ai jamais vu aussi en colère que ce jour-là. Il a
3 commencé à se diriger vers l'hôpital que nous essayions de visiter parce
4 que c'était visible. Nous aurions pu voir le bâtiment pour lequel on nous a
5 dit qu'il s'agissait de l'hôpital. Mais à ce moment-là, Sljivancanin a pris
6 son arme, son fusil et c'était un moment à retenir. Il a pointé son arme
7 sur
8 M. Vance.
9 Q. Lorsque Sljivancanin a braqué son fusil sur Vance, qu'est-ce qui s'est
10 passé par la suite ? Est-ce que Vance a continué ?
11 R. Non, il s'est arrêté. Je ne pense pas qu'il pensait et moi non plus, à
12 ce moment-là, que Sljivancanin aurait tiré sur
13 M. Vance, secrétaire d'état. Mais bien sûr, il brandissait son arme et il a
14 crié sur M. Vance et il était tout à fait évident qu'il était sérieux.
15 Q. Pourrions-nous voir la localité où vous étiez ? Mais si nous disposons
16 d'une carte. Peut-être que cela n'est pas nécessaire. Nous voyons la
17 rivière de Vuka. Il y a trois ponts qui enjambent la rivière. A quelle
18 distance vous trouviez-vous par rapport à ces ponts à l'époque ? Voulez-
19 vous nous le dire ?
20 R. Oui, bien sûr. Mais à l'époque, nous ne savions pas le nom de la
21 rivière. Nous savions que Vukovar se trouvait sur la rivière Drava, mais
22 nous pouvions voir ces ponts et nous pouvions voir
23 au-delà des ponts. Nous nous tenions sur une petite place au
24 centre-ville. Nous sommes descendus des véhicules blindés de transport de
25 troupes, à bord desquels nous sommes arrivés là-bas. Nous nous attendions à
26 ce que nous allions à pied à l'hôpital parce qu'ils nous ont -- cette
27 dispute, cette scène est arrivée sur la petite place même.
28 Q. Maintenant, je voudrais qu'on s'occupe d'un autre aspect de votre note
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1 avant de faire la pause. Maintenant, je vous prie de regarder le deuxième
2 titre ou sous-titre à la page 52 [comme interprété]. Je pense que vous avez
3 écrit quelque chose en français. Qu'est-ce que vous avez écrit ?
4 R. J'ai écrit mise en scène, il s'agit de la localité où tout cela s'est
5 passé.
6 Q. Quelle était votre impression à l'époque, par rapport à ce que vous
7 avez vu ? Pouvez-vous le dire à la Chambre ?
8 R. Oui. Vous allez me permettre de citer directement de mon journal. J'ai
9 écrit la mise en scène, j'ai surligné cela, ensuite j'ai noté, en me --
10 "Nous n'allions pas au centre de la ville, mais quand même, nous pouvions
11 voir la partie majeure de la ville. Tous les bâtiments, toutes les
12 structures ont été détruits par les tirs ou par les projectiles. Il y a
13 quelques chars qui sont détruits et qui se trouvent dans les rues. Il y a
14 de la destruction partout."
15 Q. Je vous remercie.
16 R. J'ai fini ma citation.
17 Q. Je vous prie maintenant de regarder une séquence vidéo et de nous dire
18 si cela correspond à ce que vous avez vu et ce que vous avez noté dans
19 votre journal. Je vous prie de regarder l'écran.
20 [Diffusion de cassette vidéo]
21 M. MOORE : [interprétation]
22 Q. Vous nous avez dit que vous aviez vu la grande partie de la ville, mais
23 dites-nous plutôt comment la ville a été présentée dans cette vidéo ?
24 R. C'est exact. La vidéo présente assez fidèlement des scènes horribles.
25 C'était atroce parce que toutes les structures dans la ville ont été, soit
26 détruites, soit écrasées.
27 Q. Je peux dire que vous êtes un monsieur assez âgé. Vous avez, durant
28 votre vie, pu voir d'autres villes qui ont été rasées par des bombes,
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1 n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Pouvez-vous comparer Vukovar avec d'autres villes que vous aviez vues
4 durant votre vie ?
5 R. Quant à la Yougoslavie, c'était la ville qui a été la plus détruite que
6 je n'ai jamais vue et qui n'avait jamais existé. J'étais à Dubrovnik, à
7 Osijek, à Sarajevo. Rien dans ces villes, même pas à Sarajevo, ne peut être
8 comparé à la destruction de Vukovar. Rien. C'est vraiment comme le jour et
9 la nuit. J'étais en Europe, en 1949, en tant qu'étudiant, pendant quatre
10 ans après la Seconde guerre mondiale, au moment où il n'y avait pas
11 beaucoup de destruction qu'on pouvait voir. Bien sûr, il y avait beaucoup
12 de choses détruites à l'ouest parce que je ne suis pas allé à l'est. Mais
13 il n'y avait rien à pouvoir comparer à Vukovar, avec ce que j'ai vu à
14 Vukovar.
15 Q. Mais avez-vous vu Berlin ?
16 R. Oui. La situation était assez mauvaise à Berlin.
17 Q. Par rapport à cette partie de votre journal de ce quatrième titre, il y
18 avait une visite que vous avez rendue à un centre d'accueil. Il s'agissait
19 du troisième titre. Pouvez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre ce que
20 vous avez vu là-bas ?
21 R. Oui. On nous a emmené dans un centre d'accueil. Je pourrais peut-être
22 appeler cela un camp de réfugiés ou pour les personnes déplacées. C'est ce
23 que j'ai écrit, voilà : "La visite au centre d'accueil. Il y a beaucoup de
24 membres de familles, des civils qui se sont retrouvés. C'est touchant. M.
25 Vance parle aux personnes déplacées. Il y a beaucoup de journalistes
26 étrangers sur les lieux. Le centre d'accueil est plein de membres de la
27 JNA, de membres des formations irrégulières qui sont armés et d'autres. La
28 situation est tendue parce qu'il y a beaucoup de Chetniks."
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1 Q. Lorsque vous parlez de l'ambiance, parce que l'ambiance était tendue et
2 menaçante, lorsque vous parlez de cela, pouvez-vous nous dire quand vous
3 avez noté cela ? Ce jour-là ou plus tard ?
4 R. Oui, ce jour-là. Comme vous le voyez, le journal continue. Ce soir-là,
5 à 19 heures, j'étais à Zagreb. Cela a été écrit ce jour-là, probablement
6 peu après l'événement même. En route, normalement, j'écrivais mes notes
7 dans mon journal à bord du véhicule et je pense que c'était toujours une
8 heure ou quelques heures après.
9 Q. Vous parlez de "la visite du petit hôpital." Vous voyez cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Pouvez-vous nous lire cela ?
12 R. Oui. "La visite au petit hôpital, M. Vance a demandé qu'on visite
13 l'hôpital principal, mais cela a été refusé. Il n'y avait pas beaucoup de
14 raisons valides de la part de la JNA pour nous refuser cela."
15 Q. Vous dites que "les excuses de la JNA n'étaient pas de bonnes excuses;"
16 à quoi pensez-vous ?
17 R. Ici, je pense, plus spécifiquement, au commandant Sljivancanin dont je
18 ne connaissais pas le nom à l'époque, mais il était dans notre escorte, il
19 était avec nous et quand je dis des excuses faibles, je parle de façon
20 diplomatique parce que j'aurais pu facilement dire qu'il nous a "menti"
21 parce que la JNA nous disait des choses qui n'étaient pas du tout exactes.
22 Par exemple, M. Vance et moi, on nous a dit que le pont qui enjambait la
23 rivière de Vuka, qui est très petit, il s'agissait plutôt d'une rue qui
24 enjambait un ruisseau, on nous a dit que ce pont a été miné et c'est pour
25 cela qu'il était très dangereux pour nous de nous diriger vers l'hôpital.
26 Mais nous avons pu voir que des voitures circulaient sur ce pont et il
27 était évident que cela n'était pas exact. On nous a dit une autre excuse,
28 c'est-à-dire que le pont a été détruit et on nous a dit cela au moment où
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1 nous pouvions voir de nos propres yeux le pont. C'était évident et cela a
2 eu une connotation négative. En d'autres termes, ils voulaient nous faire
3 comprendre que nous ne pourrions pas du tout visiter l'hôpital.
4 Q. Je pense que nous pouvons voir, à la page 62 de votre journal, que vous
5 aviez quitté Vukovar à bord de véhicules blindés de transport de troupes à
6 13 heures, n'est-ce pas ?
7 R. Correct.
8 Q. Après cela, vous avez eu une journée assez longue.
9 M. MOORE : [interprétation] Avez la permission de la Chambre, je voudrais
10 demander s'il s'agit du moment propre à faire une pause ?
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une pause
12 maintenant. Compte tenu du temps nécessaire pour changer des cassettes,
13 nous allons continuer nos travaux à 16 heures.
14 --- L'audience est suspendue à 15 heures 38.
15 --- L'audience est reprise à 16 heures 04.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.
17 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
18 Q. Ambassadeur, nous pouvons maintenant nous rapporter à la page 63 de
19 votre journal, en haut, à droite de cette page-là ? Je vais omettre
20 certaines parties. Il serait vrai de dire qu'entre
21 17 heures 20 [comme interprété] et 23 heures 15, vous aviez une réunion
22 avec le président croate Tudjman ?
23 R. Oui, et avec son personnel.
24 Q. Avec son personnel. Par rapport à la réunion, c'est à la page 63 de
25 l'original de votre journal.
26 R. Oui.
27 Q. Merci. Est-ce que M. Vance a dit au président Tudjman que ce jour-là,
28 vous vous êtes rendus à Vukovar ?
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1 R. Oui, et c'est ce que j'ai noté dans mon journal.
2 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît, ce qui a été dit
3 concernant Vukovar, ce qui a été dit entre M. Vance et
4 M. Tudjman, le président Tudjman ?
5 R. Comme je l'ai noté dans mon journal à la page 63, le président Tudjman
6 a soulevé la question de Vukovar et de Kljuc. Il a dit qu'il s'agissait
7 d'une agression, que les Serbes violent le cessez-le-feu à Vukovar et à
8 Kljuc et il a continué et Vance a dit, je cite le journal maintenant :
9 "Aujourd'hui, nous avons rendu une visite à Vukovar. Assez tragique. Les
10 problèmes humanitaires sont très sérieux. Le comité international de la
11 Croix Rouge opère. Il s'agit d'une tâche très difficile."
12 Q. Je vous remercie. Maintenant, je n'ai pas besoin d'aborder d'autres
13 questions. Peut-être qu'il y aura des questions durant le contre-
14 interrogatoire concernant cela.
15 Vous avez mentionné cela au président Tudjman. Pourriez-vous
16 maintenant vous rapporter à l'intercalaire 4 -- je pense que c'est
17 l'intercalaire 4. Il s'agit de la page 97, en haut, à droite de cette page
18 du document original.
19 R. 97 ?
20 Q. Il s'agit certainement de la page 97 sur la copie. Entre
21 15 heures 35 et 16 heures 30 et je suis en train de lire --
22 R. A la page 92, c'est-à-dire, quelque chose qui commence à la page 92, il
23 s'agit d'une autre réunion qui avait duré un peu moins d'une heure.
24 Q. Mais je pense qu'il s'agit d'une autre personne qui a assisté à cette
25 réunion, mais nous parlerons de cela un peu plus tard.
26 R. Excusez-moi, mais j'aimerais savoir de quelle page il s'agit.
27 Q. S'il vous plaît, regardez la page 97.
28 R. 97.
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1 Q. Je vous remercie. C'est le haut de la page, c'est
2 15 heures 35 jusqu'à 16 heures 30 ?
3 R. Oui, je le vois.
4 Q. Je pense qu'il s'agissait d'une réunion, mais avec qui ?
5 R. Avec Milosevic.
6 Q. Qui était présent à l'époque à la réunion ?
7 R. Il y avait un sténotypiste, ensuite, il y avait M. Vance et moi-même et
8 notre équipe technique.
9 Q. Il serait vrai de dire que vous avez décrit cela comme une réunion en
10 tête-à-tête, n'est-ce pas ?
11 R. Quelques minutes avant la réunion générale, Vance et Milosevic se sont
12 entretenus en privé. Je savais ce que Vance allait dire parce que nous
13 avons préparé ces réunions très attentivement.
14 Q. Je vous remercie. S'il vous plaît, dites à la Chambre si Vukovar a été
15 mentionné durant cette réunion ?
16 R. Oui. C'est la première chose dont Vance a parlé avec Milosevic. Je peux
17 vous le lire de mes notes.
18 Q. Oui.
19 R. Vers le milieu de la page 97, il figure CRV, Milosevic et cela veut
20 dire Vance, Milosevic. Je cite maintenant : "Leurs opinions ont différé par
21 rapport à Vukovar. Vance, la violence qui n'est pas en proportion avec, et
22 cetera. Milosevic, Vukovar, c'est un cas spécial, mais le monde comprendra.
23 La vérité sera établie. Des casernes ont été bloquées, et cetera. Les
24 Croates sont brutes. L'un des Croates portait un collier fait de doigts
25 d'enfant. Il était dans la prison, et cetera."
26 Q. Est-ce que Milosevic a dit ce qu'il pensait de Vukovar, ce qu'il
27 entendait quand il disait que Vukovar était un cas spécial ?
28 R. Il n'a pas élargi cela, mais on peut dire que cela était écrit à un
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1 moment où il avait dit cela et vous voyez dans le journal qu'il s'agissait
2 de propos cités, de citations. Ce sont ses paroles. M. Vance et moi, nous
3 en avons discuté après. Ce mot, le cas spécial, se rapportait à quelque
4 chose qui était déjà arrivé ou qui allait arriver et qui serait horrible et
5 d'une certaine façon, le monde comprendra, mais on pouvait remarquer que
6 Milosevic, qui ne donnait pas de telle déclaration, il a dit cela.
7 Q. Maintenant, tournez, s'il vous plaît, à l'intercalaire numéro 3. Cela
8 correspond, dans votre journal, aux pages 92 et 93 et de façon
9 chronologique, il s'agit d'une réunion qui a été tenue avant la réunion
10 avec Milosevic.
11 R. Oui, je le vois.
12 Q. Je vous remercie. Nous voyons que la réunion a été tenue entre 14
13 heures et 14 heures 50. Il s'agit de la réunion qui a été tenue le 21
14 novembre, à Belgrade. C'était avec qui ?
15 R. A la réunion assistaient le ministre de la Défense, le général
16 Kadijevic, l'amiral Brovet et le colonel Obradovic.
17 Q. Pourriez-vous maintenant nous parler des remarques de
18 M. Vance que vous avez notées ? Est-ce qu'il a exprimé ses inquiétudes ou
19 ses préoccupations par rapport à la réunion ?
20 R. Oui. Il a noté cela vers le bas de la page 22 [comme interprété]. Le
21 général Kadijevic dit, je cite : "Je vous remercie d'essayer d'aider mon
22 pays." Fin de citation. "Vous avez bien cerné les problèmes," parce que là,
23 il a pensé à la discussion concernant l'opération de paix." Ensuite, le
24 général Kadijevic dit : "La garnison à Vukovar avait été bloquée deux mois
25 avant que nous soyons entrés. Il n'y avait pas de nourriture. Les gens
26 demandaient l'aide de l'armée." Vance a interrompu - ce qui n'était pas son
27 habitude - a interrompu le général parce qu'il n'était pas content après
28 avoir entendu parler de choses qui n'étaient pas vraies et c'était
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1 quelqu'un qui était au sommet de la hiérarchie de la JNA. Ce n'est que pour
2 cela qu'il a interrompu le général Kadijevic, ce qui n'était pas du tout
3 son habitude et il a commencé à décrire des obstructions qui ont été faites
4 par rapport à la visite de Vukovar et j'ai noté qu'il a fait cela de façon
5 "brève, mais ferme."
6 Q. Lorsque vous avez utilisé cette expression "de façon ferme," vous avez
7 pensé à M. Vance ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
8 R. Il était furieux, bien sûr, par rapport au traitement que le commandant
9 Sljivancanin lui a réservé, le commandant Sljivancanin en particulier, et
10 en général la JNA à Vukovar. Nous avons discuté de ces obstructions, des
11 efforts de nature physique pour nous intimider. Ensuite, il a été question
12 des non-vérités qui étaient évidentes, manifestes, que nous avons dû
13 essuyer. M. Vance, en parlant de la première réunion avec le général
14 Kadijevic, Vance était très ému.
15 Q. Je vous remercie. Je voudrais maintenant aborder deux aspects de cette
16 entrée-là. Si on examine la page 92, au milieu de la page, on voit qu'il
17 est fait référence à CRV, une visite est décrite. Un peu plus loin, il y a
18 un titre qui parle des sujets de préoccupation ?
19 R. Oui.
20 Q. Quels sont ces sujets qui ont été décrits par Vance à ces chefs d'état-
21 major ?
22 R. La première chose que j'ai notée, c'étaient les garnisons qui étaient
23 bloquées et si cela apparaît en premier lieu c'est tout d'abord parce que
24 cela constituait un problème et B, c'est quelque chose qui était l'une des
25 priorités du général Kadijevic, à savoir, c'est cela qu'il citait en
26 priorité, le fait que les Croates bloquaient les casernes de la JNA.
27 Naturellement, c'est cela que Vance allait soulever en premier lieu et par
28 la suite il a parlé de Vukovar, des voies d'accès, "la violence accrue à
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1 Vukovar." Je l'ai écrit dans mon journal. C'est écrit en lettres majuscules
2 parce qu'il a vraiment insisté sur ce point. Il voulait en parler en détail
3 et je n'avais pas de raison d'en parler parce que je savais ce qu'il allait
4 dire. Je savais aussi ce que j'avais vu moi-même. Il l'a décrit de la
5 manière dont je vous l'ai décrit à vous, Monsieur Moore, ce matin.
6 Q. Vous avez cité les propos qu'a utilisés M. Vance lors de cette
7 réunion ?
8 R. Il a certainement utilisé les termes "escalade de la violence" et
9 "recours disproportionné à la force." Si j'ai inscrit les guillemets, c'est
10 parce qu'effectivement, ce sont ses propres mots.
11 Q. Je vous remercie. Vous nous avez parlé de Kadijevic. Vous avez dit
12 qu'il s'est référé à un blocus qui aurait duré deux mois. Il y avait aussi
13 le général Jovic qui était là ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous pourriez parler de ce que vous avez appris au sujet de
16 cette période de deux mois ? Ce qu'on vous a dit était quelque chose
17 d'exact ou pas ?
18 R. Je pense que je peux en parler parce que par la suite, je pense que
19 c'était un an ou deux ans plus tard, un ex-membre serbe de la présidence
20 yougoslave, Borisav Jovic - ce n'est pas le même, ce n'est pas le général
21 Jovic dont il est question ici - lors de cette réunion, Borisav Jovic qui
22 était l'une des personnalités de proue, avec Milosevic, à la tête de la
23 ligue populaire de Serbie, à savoir, du parti communiste qui était le parti
24 au pouvoir à l'époque en 1991, à l'automne 1991. Borisav Jovic était
25 président en exercice de la présidence yougoslave qui était une présidence
26 tournante. Ce M. Jovic a rédigé un livre par la suite au sujet de
27 l'effondrement de l'état yougoslave. J'ai vu ce livre et dans ce livre, il
28 dit que cette garnison de Vukovar avait été libérée le 20 septembre 1991,
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1 que le siège a été levé le 20 septembre 1991. Bien entendu, à l'époque, on
2 ne le savait pas et lui était bien placé pour le savoir puisqu'il était
3 président de l'état serbe. S'il est vrai ce qu'il dit et il n'y a aucune
4 raison de douter de ce qu'il dit, alors le pilonnage de la ville s'est
5 poursuivi pendant pratiquement deux mois à partir du moment où la garnison
6 de la JNA avait été libérée.
7 Q. Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à vous poser.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore. Je
9 suppose qu'il y aura des questions qui vous seront posées de la part de la
10 Défense.
11 Maître Vasic ?
12 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 M. MOORE : [interprétation] Avant que mon confrère ne prenne la
14 parole, je vais peut-être demander le versement au dossier des documents
15 qui constituent ce petit classeur bleu. Je souhaiterais en faire une pièce
16 à conviction. Je peux le faire à présent. S'il n'y a pas d'objection, je
17 pourrais le faire par la suite. Le petit jeu de document que j'ai ici, ce
18 classeur, j'aimerais en faire une seule et même pièce à conviction.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 68, Monsieur le
21 Président, Madame, Messieurs les Juges.
22 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Contre-interrogatoire par M. Vasic:
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
25 R. Bonjour.
26 Q. Je suis l'avocat Vasic. Je représente, ici, M. Mile Mrksic.
27 Répondant aux questions que vous a posées mon confrère, vous avez dit qu'à
28 partir du mois d'octobre 1991 jusqu'en mai 1992, vous avez été conseiller
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1 spécial de M. Cyrus Vance, qui, à ce moment-là, était envoyé spécial du
2 secrétaire général des Nations Unies; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, est-ce qu'on pourrait augmenter
5 le volume de l'interprétation dans mon casque ?
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On va s'en occuper immédiatement. Nous
7 allons poursuivre et vous allez indiquer à
8 M. l'Huissier si le volume vous convient, s'il n'est pas trop fort ou trop
9 faible.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela va bien.
11 M. VASIC : [interprétation]
12 Q. Vous m'entendez bien à présent, n'est-ce pas ? Tout va bien ? Merci. En
13 vous préparant pour participer à cette mission, je suppose --
14 R. Je n'entends plus rien à présent.
15 Q. M'entendez-vous maintenant ?
16 R. Oui.
17 Q. Merci. En vous préparant pour prendre part à cette mission à partir du
18 mois d'octobre 1991 et qui allait durer jusqu'au mois de mai 1992, je
19 suppose que vous vous êtes familiarisé avec les dispositions
20 constitutionnelles de la RFSY de l'époque, de l'état fédéral et également,
21 vous avez, je suppose, pris connaissance des constitutions des républiques
22 constitutives de l'ex-RFSY ?
23 R. Je ne prétends pas que je suis un expert en droit constitutionnel, mais
24 de manière générale, oui, j'ai lu la constitution yougoslave, celle de
25 1974. Mais je ne pense pas que je puisse dire que je me rappelle des
26 détails concernant les constitutions précédentes. Comme on le sait, il y en
27 a eu plusieurs.
28 Q. Tout à fait. La constitution de 1974 qui nous intéresse, c'était celle
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1 qui était en vigueur à l'époque des faits qui nous intéressent ici.
2 Même avant cette mission à laquelle vous avez participé, vous avez
3 été conseiller politique du commandant de l'OTAN, commandant pour la région
4 de la Méditerranée et comme nous le savons, à l'époque, vous avez suivi les
5 évolutions politiques en ex-République fédérale de Yougoslavie du temps de
6 Tito ?
7 R. Oui.
8 Q. Sans aucun doute, cette mission qui devait être la vôtre en 1991 en a
9 été rendue plus facile, vu l'historique, parce que vous connaissiez la
10 situation politique et vous connaissiez aussi, de manière générale, les
11 principaux aspects constitutionnels de
12 l'ex-RFSY ?
13 R. A l'opposé, cette mission s'est révélée très difficile car un conflit
14 était en cours, une guerre sévissait et on tuait les gens. Comme je l'ai
15 déjà dit, en octobre, novembre, il y avait déjà des centaines de milliers
16 de personnes déplacées. D'aucune manière, ce n'était une mission facile et
17 nous ne pensions pas non plus qu'elle l'était ou qu'elle allait l'être.
18 Q. Mais peu avant cette mission, vous êtes-vous trouvé en Yougoslavie, en
19 1990, également en mission ?
20 R. Oui.
21 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle mission il s'est agi et quelle est
22 l'organisation qui vous a envoyé en mission ?
23 R. Je me suis rendu en visite en Yougoslavie en 1990, c'était en décembre,
24 avec M. Vance et avec une équipe d'experts en finance et en économie. A
25 l'époque, en plus de mes autres fonctions, j'étais directeur d'une
26 organisation que j'avais fondé avec M. Vance et d'autres personnes, c'était
27 "Financial Services Volunteer Corps," c'était cela le nom de cette
28 organisation qui était privée, non lucrative et dont l'objectif était
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1 d'apporter une assistance aux ex-pays communistes de l'Europe de l'est,
2 tous ces pays qui s'étaient libérés de la domination soviétique d'une
3 manière ou d'une autre et il s'agissait également d'aider l'ex-Union
4 soviétique après 1991 pour qu'elle opère cette transition vers l'économie
5 de marché, qu'elle créé des institutions financières de marché et bien
6 entendu, rien de tout cela n'a existé du temps du système socialiste, dans
7 l'Union soviétique ou dans les pays qui faisaient partie de ce bloc et la
8 Yougoslavie, elle non plus, n'en a pas vraiment eu beaucoup de ces
9 institutions pendant son époque autogestionnaire. Nous nous sommes rendus
10 en Yougoslavie, en 1990, pour nous présenter aux dirigeants du pays et nous
11 avons eu des entretiens avec tous. Nous avons fait un voyage qui nous
12 amenait de Slovénie au Monténégro, jusqu'en Macédoine. On voulait qu'ils
13 sachent que nous étions à leur disposition et que la communauté financière
14 américaine pouvait les aider dans cette transition qui, de toute évidence,
15 s'annonçait difficile, la transition de l'ex-économie dirigée et socialiste
16 vers une économie de marché. Qui plus est, en décembre 1990, tout laissait
17 entendre que d'un point de vue politique, la situation était tendue --
18 enfin, que les tensions s'aggravaient. D'ailleurs, en 1990, pendant qu'on
19 s'y est trouvé, des élections ont été organisées partout dans le pays. Tel
20 a été l'objectif de notre visite.
21 Q. Je vous remercie de nous avoir expliqué de quoi il s'est agi quand vous
22 vous êtes rendu en Yougoslavie, en 1990. Mais maintenant, j'aimerais savoir
23 si -- m'entendez-vous bien ?
24 R. Oui.
25 Q. -- à la base de cette constitution de 1974, constitution de la RFSY qui
26 était en vigueur également en 1991 et au moment où votre mission était
27 d'actualité, que ces principes constitutionnels affichaient le droit à
28 l'autodétermination des peuples et qui entendaient, englobaient également
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1 un droit à la sécession.
2 R. C'est ce que vous êtes en train de me dire ?
3 Q. Oui. Le savez-vous ?
4 R. Oui.
5 Q. En d'autres termes, il s'agit d'un droit que la constitution confère au
6 peuple et non aux républiques et d'ailleurs, la RFSY était l'état qui
7 réunissait les peuples et des nationalités placés sur un pied d'égalité,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Etes-vous d'accord avec cela ?
11 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas un expert en droit
12 constitutionnel yougoslave. Je vous entends, j'entends vos affirmations et
13 ma réponse est celle-là : je vous entends.
14 Q. Je vous remercie. La seule chose que je voulais savoir, c'était si vous
15 aviez lu cela dans les principes de base de la constitution de 1974. Je ne
16 voulais pas que vous formuliez une opinion d'expert à ce sujet. Je voulais
17 simplement savoir si vous aviez lu cela dans la constitution de 1974.
18 R. Oui. Je sais que la première phrase de cette constitution stipule le
19 droit du peuple ou des nations, comme on traduit parfois le terme "naroda"
20 [phon], en anglais, à l'autodétermination et à la sécession. Oui,
21 effectivement, je sais que ceci est stipulé et dit dans la constitution.
22 Q. Je vous remercie. Mais savez-vous qu'après les élections pluripartites
23 qui se sont tenues en 1990, comme vous l'avez dit, en Croatie, au moment où
24 vous avez voyagé en ex-Yougoslavie et après la victoire du HDZ en décembre
25 de cette même année, qu'il y a eu modification de la constitution de
26 Croatie ?
27 R. Je ne pense pas que j'étais au courant de cela à l'époque. Bien
28 entendu, on a su les résultats de l'élection de 1990. La presse en a parlé,
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1 a écrit dessus.
2 Q. Mais pendant vos préparatifs pour cette mission, pendant que vous étiez
3 en mission, vous n'avez jamais entendu dire que le peuple serbe sur le
4 territoire de la République de Croatie était inquiet ? Parce que suite aux
5 modifications constitutionnelles en décembre 1990, il n'était plus peuple
6 constitutif de cette république. Il a été transformé en minorité nationale.
7 R. Nous connaissions ce fait, oui et aussi, la Communauté européenne le
8 relayait parce que je l'ai déjà mentionné lorsqu'on m'a posé des questions
9 précédemment, vers le mois de juin ou
10 juillet 1991 et à partir de ce moment-là, la Communauté européenne a agi
11 activement sur le plan diplomatique auprès de toutes les parties en
12 Yougoslavie. Compte tenu de la situation en Croatie, compte tenu des
13 combats en Croatie, ceci était connu du monde entier, cette situation était
14 connue du monde entier.
15 Q. Je vous remercie, Monsieur. Est-ce que vous savez qu'il y a eu des
16 inquiétudes aussi au sujet d'un autre fait, à savoir, les caractères
17 cyrilliques qui étaient l'écriture officielle avec les caractères latins
18 jusqu'à ce moment-là, en Croatie, ont été interdits, malgré le fait que le
19 plupart des Serbes qui vivent sur le territoire de la République de Croatie
20 se servent de la cyrillique ?
21 R. Oui. Nous le savions.
22 Q. Merci. Au vu des dispositions de la constitution de 1974, les
23 dispositions fondamentales, compte tenu du fait que le peuple a droit à
24 l'autodétermination et compte tenu du fait aussi que la République de
25 Croatie a proclamé son indépendance de manière unilatérale, est-ce que vous
26 estimez que ce geste a privé le peuple serbe résidant sur le territoire de
27 la République de Croatie, l'a privé de son droit à exercer
28 l'autodétermination ?
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1 R. Encore une fois, Monsieur, la seule chose que je peux vous dire à ce
2 sujet et ce n'est qu'une opinion, pour deux -- ou plutôt, trois raisons, ce
3 n'est qu'une opinion. Tout d'abord, je ne suis pas un expert en droit
4 constitutionnel yougoslave, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des
5 entités constitutives de la fédération. Deuxièmement, il s'agit d'un
6 problème très controversé et de quelque chose dont débattent encore
7 aujourd'hui les spécialistes, de vrais spécialistes du droit
8 constitutionnel yougoslave. Aussi, la Communauté européenne a créé sa
9 propre commission d'arbitrage qui a été présidée, elle, par un juge qui,
10 aujourd'hui, est membre du sénat, Robert Badinter, un français. Cette
11 commission s'est composée uniquement de juges de Cour suprême de divers
12 pays membres de la CE. Ils ont émis des opinions et des décisions portant
13 sur cette question. Par conséquent, je suis prêt à accepter ce que les
14 experts ont à dire sur ce sujet.
15 Q. Dans la première conclusion de la commission à la tête de laquelle se
16 trouvait M. Badinter, n'a-t-on pas établi, n'a-t-on pas constaté
17 l'existence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie à ce
18 moment-là, ainsi que le fait que les différentes républiques ne
19 remplissaient pas les critères qui étaieraient leurs demandes
20 d'indépendance ? Je me réfère aux premières conclusions de cette
21 commission.
22 R. Il faudrait peut-être se pencher sur ce qu'ils ont trouvé par la suite
23 parce que bien entendu et naturellement, les conclusions adoptées par la
24 suite ont eu la primauté sur les premiers. Je me rappelle l'un des avis
25 émis par la commission Badinter. Il me semble que c'était en décembre et je
26 pense que c'était la conclusion ou l'avis numéro 4, mais c'est juste de
27 mémoire que je cite où il est dit, en répondant à une question posée par
28 Lord Carrington, que l'état yougoslave était dans un processus de
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1 dissolution. Telle a été la décision de la commission d'arbitrage.
2 Q. Oui, je suis d'accord avec vous. C'était au mois de décembre. Mais
3 j'aimerais savoir si, éventuellement, vous connaîtriez la teneur de leur
4 première conclusion, décision du mois de septembre. Sinon, je n'insisterai
5 pas.
6 R. En septembre, je n'étais pas encore activement impliqué dans les
7 affaires yougoslaves.
8 Q. Savez-vous que la cour constitutionnelle de la RFSY a pris une décision
9 par laquelle elle a constaté le caractère anticonstitutionnel de la
10 proclamation de l'indépendance de la part de la République de Croatie ?
11 R. Il se peut que ceci ait été mentionné dans le cadre d'une conversation,
12 mais je n'arrive pas à me rappeler cela. Cependant, Monsieur, je tiens à
13 dire que la solution politique, si je puis réitérer ce que j'ai déjà dit
14 précédemment, que la solution politique a apporté au problème yougoslave, à
15 ce moment-là, en 1991 et en 1992, relevait exclusivement des compétences de
16 la Communauté européenne. C'était à eux de s'en occuper, de s'occuper de
17 toutes ces questions et comme j'ai déjà dit, il nous appartenait à nous, à
18 ce moment-là, et de concert avec eux. Bien entendu, il n'y avait pas de la
19 compétition entre nous, mais notre travail, la tâche de M. Vance et de moi-
20 même était d'examiner les possibilités de mettre sur pied une opération de
21 maintien de paix que nous avons recommandée au conseil de Sécurité par la
22 suite, pendant toute cette période, jusqu'au mois de janvier, puis,
23 jusqu'au mois de février, jusqu'au 21 février 1992, lorsque la Résolution
24 743 a été adoptée par le conseil de Sécurité par laquelle on a traduit dans
25 les faits notre recommandation, à savoir qu'il fallait envoyer une mission
26 de maintien de paix en Croatie. Telle a été notre mission, d'octobre à
27 février et même par la suite. Nous nous sommes polarisés là-dessus et non
28 pas sur des questions constitutionnelles.
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1 Q. Oui. S'il s'est agi d'une conférence de paix qui impliquait le départ
2 d'une portion d'une entité de cet état fédéral, il fallait tenir compte de
3 la nécessité d'avoir des fondements constitutionnels ou débats
4 constitutionnels à ces négociations.
5 R. Oui. Lord Carrington a vraiment déployé tous ses efforts lors de cette
6 conférence. Il a vraiment travaillé d'arrache-pied. Moi-même, j'ai assisté
7 à cette réunion qui portait sur la Yougoslavie, à cette conférence sur la
8 Yougoslavie à partir du
9 18 octobre 1991. Lord Carrington a couché sur papier les dispositions
10 devant mener à un accord général, l'AGS, comme s'y référait la Communauté
11 européenne. C'était une solution globale au problème que posait la
12 Yougoslavie, au problème yougoslave. Cela comportait ces types de droit que
13 vous citez, la protection des différents peuples, nationalités, minorités,
14 quel que soit le terme qu'on emploie ou quelle que soit la manière dont on
15 les définit. Il y a eu un vote, on a voté, suite à la proposition formulée
16 par Carrington, pour voir si on pouvait adopter les dispositions pour un
17 accord général. Toutes les républiques yougoslaves étaient présentes. Les
18 présidents de chacune des républiques étaient présents, le président
19 Milosevic, le président Tudjman, il y en avait six. Ils n'ont pas voté,
20 mais tous les autres ont voté. Les six républiques ont voté pour adopter la
21 proposition de Carrington, cinq des six républiques ont voté pour. Une a
22 voté contre. Les cinq qui ont voté pour la proposition, c'était la
23 Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Macédoine.
24 La république qui a voté contre, c'était la Serbie.
25 Q. Si ma mémoire ne me trompe et corrigez-moi si je m'abuse, est-ce qu'il
26 s'agissait de la réunion du mois d'octobre au cours de laquelle la
27 délégation yougoslave est partie parce que --
28 R. Je souhaiterais corriger ce que vous dites. Certains sont partis. La
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1 délégation serbe est partie. C'est la délégation serbe ainsi que le
2 Monténégro. Le reste des participants sont restés dans la salle. Ce sont
3 les Serbes qui ont quitté la salle.
4 Q. Est-ce que cela signifie que M. Milosevic faisait partie des gens qui
5 sont partis ?
6 R. Non. Comme je l'ai dit préalablement, il ne participait pas activement
7 à la conférence. Il y était en tant qu'observateur, mais Kostic est parti,
8 lui, de la salle.
9 Q. Est-ce que M. Kostic n'était pas là au nom de la RFSY et de sa
10 présidence ?
11 R. Il était là pour représenter la présidence Croupion.
12 Q. Merci. Lors des pourparlers qui ont eu lieu afin d'essayer de trouver
13 une solution à la crise yougoslave, je suppose qu'il y a dû y avoir une
14 discussion à propos des décisions unilatérales prises par certaines
15 républiques pour se séparer de l'état fédéral et pour opérer cette
16 sécession. Est-ce que vous pourriez nous dire si, à l'époque, la Croatie
17 avait la possibilité de respecter les critères débouchant sur cette
18 indépendance ? J'entends les critères de pouvoir, de pouvoir effectif et
19 véritable, pour ce qui est de son territoire ?
20 R. Je n'ai pas participé à ce genre de discussion.
21 Q. Je ne vais pas vous poser d'autres questions à ce sujet.
22 Bien que vous ne soyez pas conseiller spécial à l'époque, mais plus
23 tard, lorsque vous vous êtes entretenu avec les personnes qui avaient
24 participé aux négociations, est-ce que vous n'avez jamais entendu dire que
25 dès l'année 1990, la présidence de la RFSY avait été informée par le
26 secrétariat responsable de la Défense populaire que des unités
27 paramilitaires allaient être établies sur le territoire croate, à savoir,
28 sur le territoire de la République de la Croatie ?
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1 R. Après avoir commencé à nous rendre dans les zones où il y avait des
2 combats, nous étions conscients qu'il y avait des unités paramilitaires
3 dans les deux camps. Il y avait des paramilitaires serbes. Plusieurs noms
4 avaient été avancés, ainsi que dans le camp croate. Cela, on l'avait porté
5 à notre connaissance dans le cadre de conversation tout à fait ordinaire,
6 normale avec les Croates. Les Serbes, eux, nous parlaient des Croates et
7 les Croates nous parlaient des Serbes. En règle générale, nous recevions
8 lesdits renseignements de la part du camp opposé. Ce qui n'est, après tout,
9 absolument pas surprenant.
10 Q. Savez-vous que la présidence de la RFSY, à un moment donné, en 1991, a
11 adopté la décision qui consistait à désarmer les formations
12 paramilitaires ?
13 R. Je m'excuse, est-ce qu'on pourrait peut-être augmenter le volume ?
14 J'entends la voix d'une dame que j'ai vraiment du mal à discerner. Est-ce
15 qu'on pourrait augmenter le volume ?
16 L'INTERPRÈTE : Est-ce que c'est mieux maintenant ? Pouvez-vous m'entendre ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
18 L'INTERPRÈTE : Non ?
19 M. VASIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous m'entendez maintenant, Monsieur Okun ?
21 R. Oui, oui, tout à fait.
22 Q. Est-ce que vous savez qu'au début de l'année 1991, la présidence de la
23 RFSY avait adopté une décision qui visait le désarmement des formations
24 paramilitaires ?
25 R. Oui, le général Kadijevic et Milosevic, je pense, nous ont indiqué
26 cela. Cela se trouve quelque part dans mon carnet de bord.
27 Q. Savez-vous que conformément à la constitution de 1974, pour ce qui est
28 de la période qui nous intéresse, la JNA avait une obligation
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1 constitutionnelle qui consistait à défendre et à protéger la souveraineté,
2 l'indépendance et l'intégrité territoriale de tous les territoires de la
3 RFSY et que cela était son obligation constitutionnelle principale ?
4 R. Toutes les armées ont pour devoir de défendre leur pays contre une
5 invasion étrangère - je répète, étrangère. C'est une invasion qui vient de
6 l'extérieur. Dans mon pays, les Etats-Unis d'Amérique, l'armée n'a pas le
7 droit d'intervenir sur le territoire du pays, à une exception près, si un
8 aval exceptionnel a été accordé pour ce faire et j'insiste sur l'importance
9 que cela représente. Prenez l'exemple de l'ouragan Katrina qui a inondé
10 toute la
11 Nouvelle-Orléans, le principe suivant lequel l'armée n'est pas intervenue
12 plus tôt, le fait que l'armée américaine n'est pas intervenue plus tôt est
13 expliqué par le fait que l'armée américaine, comme toutes les armées
14 démocratiques, a pour but principal, non pas de tirer sur son propre
15 peuple, mais de combattre les ennemis étrangers.
16 Pour revenir à votre question, à savoir, vous m'avez demandé si j'étais au
17 courant de cette décision de 1991 qui consistait à interdire toute unité
18 paramilitaire, je vous ai dit que j'étais conscient que Milosevic et le
19 général Kadijevic m'en avaient parlé, mais vous savez, la pratique est
20 supérieure à la théorie et nous avions vu de nos propres yeux qu'il y avait
21 des paramilitaires serbes qui étaient actifs sur le terrain. Je vous en ai
22 parlé, je vous ai dit que nous les avions vus à Vukovar au niveau du centre
23 de réception. Nous avions vu qu'ils étaient en position dominatrice et
24 qu'ils passaient des petits billets aux réfugiés et nous l'avons vu à
25 plusieurs reprises, cela. Plus tard, toujours au cours de cette mission, en
26 décembre, nous nous sommes rendus, dans le cadre de notre mission, à Osijek
27 et nous sommes passés par une ville où se trouvait le commandement de la
28 JNA qui a attaqué Osijek. C'était en décembre 1991. Cela se trouve dans mon
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1 journal de bord. Vous pouvez le lire. Arkan et ses troupes y étaient
2 physiquement. Nous les avons vus. Nous étions passés par Sivovic [phon].
3 Peut-être que quelqu'un ou que d'aucuns avaient approuvé une loi, mais il
4 est absolument évident, sur le terrain, que personne ou en tout cas, que
5 cette loi n'était pas respectée.
6 Q. Est-ce que vous avez vu des formations paramilitaires dans la
7 République de Croatie ?
8 R. Vous voulez dire du côté croate ? Nous les avons vues de loin, mais
9 nous étions informés assez régulièrement d'allégations qui étaient
10 présentées contre Paraga et le HOS, le parti du droit et nous savions
11 pertinemment qu'il s'agissait d'une unité néofasciste des pires. Nous le
12 savions. Mais, Maître, notre mission était d'apporter la paix, de faire en
13 sorte que la paix règne entre les deux parties. Nous nous sommes rendus là-
14 bas sans aucune animosité vis-à-vis de l'un ou de l'autre camp et cela est
15 établi très clairement dans mon journal de bord. Nous avons toujours été
16 reçus, même sans beaucoup de préavis, par le général Kadijevic, par
17 l'amiral Brovet, par Milosevic, par Tudjman, par Izetbegovic, par Kucan,
18 par tous les dirigeants qui ont toujours été disponibles pour M. Vance
19 parce qu'ils savaient que nous étions là au nom du conseil de Sécurité des
20 Nations Unies et ils savaient que notre objectif était de faire régner la
21 paix.
22 Q. Je suis absolument convaincu, Monsieur Okun. Je pense que votre mission
23 a été couronnée de succès finalement, mais je pense que si vous souhaitiez
24 faire en sorte que le résultat de votre travail soit positif, auparavant,
25 il fallait que vous vous familiarisiez avec les antécédents du conflit pour
26 comprendre comment le conflit est arrivé. C'est pour cela que je vous ai
27 posé des questions à propos des événements qui ont précédé votre
28 participation à ces négociations de paix.
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1 Lorsque vous avez participé à ce processus, est-ce que vous avez reçu
2 des informations ou est-ce qu'on vous a parlé des attaques menées à bien
3 par les forces croates contre la population serbe en Croatie et ce, pendant
4 le printemps de l'année 1991 ?
5 R. Le général Kadijevic et Milosevic ont très souvent fait référence à ce
6 genre de comportement.
7 Q. Le général Kadijevic que vous avez mentionné, n'a-t-il jamais exprimé
8 sa préoccupation pendant les négociations qui ont eu lieu là-bas ? Est-ce
9 qu'il a exprimé ses craintes et appréhensions à propos des différentes
10 casernes qui étaient bouclées en Croatie par les membres des forces
11 croates ?
12 R. Oui, tout à fait. Cette préoccupation à propos des casernes qui
13 faisaient l'objet de bouclage a été maintes fois exprimée par le général
14 Kadijevic. Cela était très présent dans son esprit et nous avons pris cela
15 très au sérieux, d'ailleurs. Nous avons insisté auprès des Croates pour que
16 cela s'arrête. J'ai passé plusieurs semaines à faire la navette le long de
17 la côte, au niveau de la caserne du maréchal Tito, à Zagreb, à l'aéroport
18 de Zagreb. C'était la tâche qui m'avait été confiée et j'ai assumé cette
19 responsabilité pour essayer de faire en sorte que les Croates cessent ces
20 activités et mettent un terme au bouclage des casernes de la JNA. Je dois
21 dire que le général Kadijevic prenait cela très au sérieux, tout comme nous
22 le faisions d'ailleurs.
23 Q. Avant que je ne suggère que nous fassions une pause, puisqu'il y a un
24 horaire qui a été prédéterminé, j'aimerais vous poser cette question. Vous
25 avez dit que vous vous étiez rendu à la caserne du maréchal Tito, à Zagreb.
26 Si cela ne vous cause pas trop d'inconvénients, est-ce que vous pourriez
27 nous décrire la situation qui prévalait dans cette caserne à votre
28 arrivée ?
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1 R. J'en parle de façon très, très détaillée dans mon journal de bord,
2 précisément parce que nous étions préoccupés par la situation de la JNA et
3 non pas seulement par la situation pour les soldats et pour les officiers,
4 mais également pour les familles dans la caserne de Tito, ainsi que dans
5 d'autres casernes, d'ailleurs. Si je peux retrouver le rapport relatif à
6 cette visite, cela commence à la page 82, Zagreb, 20 novembre 1991 et cela
7 va de la page 82 à la page 85. Il y quatre pages qui sont consacrées à
8 cela. Je peux vous en présenter une synthèse. Je peux vous donner lecture
9 de certains passages. C'est une réunion que nous avons prise avec beaucoup
10 de sérieux. Je suis à votre disposition car tout se trouve dans ce journal
11 de bord.
12 Q. Merci beaucoup, Monsieur Okun. Etant donné que nous n'avons pas reçu
13 ces pages de votre journal de bord, je vous demanderais d'avoir l'amabilité
14 de nous décrire, de façon succincte, les sentiments éprouvés par les
15 personnes qui se trouvaient dans la caserne.
16 R. Nous avons rencontré le général Raseta et huit de ses officiers. Il y
17 avait Vance et moi-même. Le général Raseta a décrit de façon assez
18 véhémente la situation, la situation de bouclage. Il nous a expliqué que
19 les appartements avaient été confisqués et que les autorités croates
20 exigeaient qu'ils évacuent la caserne en laissant dans la caserne les
21 armes. M. Vance leur a expliqué notre mission et a dit, de façon très, très
22 ferme, que nous pensions que la garnison ne devrait plus faire l'objet de
23 bouclage, que cela devait s'arrêter et que nous étions là pour les aider.
24 Ensuite, le général Raseta a poursuivi en disant que la JNA avait été
25 humiliée, que lui-même, en 1963, avait été dans une force de maintien de la
26 paix des Nations Unies et qu'il avait une très, très haute estime pour les
27 Nations Unies, que la situation devait s'améliorer.
28 Ensuite, il a appelé le lieutenant-colonel Djurovski. Le lieutenant-
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1 colonel Djurovski nous a lu une déclaration qui avait été préparée à
2 l'avance qui décrivait la situation relative à la caserne et qui nous
3 donnait leur point de vue de la situation. Il a parlé d'appels
4 téléphoniques menaçants qui avaient été faits, de remarques très
5 insultantes et désobligeantes, des lignes téléphoniques qui avaient été
6 coupées. Il a expliqué qu'on leur avait tiré dessus, qu'ils avaient
7 riposté, mais qu'ils n'avaient que des armes légères. Puisque, vous savez,
8 la caserne Tito se trouve dans le centre de Zagreb. Il a insisté sur le
9 mauvais traitement qui était réservé aux familles des officiers. Puis, avec
10 M. Vance, nous leur avons demandé s'ils en avaient parlé aux observateurs
11 de la Communauté européenne. Djurovski a dit oui. Il nous a dit qu'il était
12 né en Macédoine, et cetera, et cetera. Nous avons vraiment eu une
13 discussion assez longue à ce sujet. Ce fut une discussion importante
14 puisque nous avons soulevé cette question auprès des Croates et M. Vance
15 m'a confié une mission qui était loin d'être facile car il fallait que
16 j'évalue la situation et que je m'assure que les Croates arrêtent de
17 boucler les casernes de la JNA. M. Vance avait indiqué que l'une des
18 conditions pour les opérations de maintien de la paix, c'était l'une des
19 conditions. Il a dit aux Croates qu'il ne recommanderait absolument pas une
20 opération de maintien de la paix tant qu'ils ne libéraient pas, en quelque
21 sorte, les casernes de la JNA.
22 Q. Merci beaucoup, Monsieur Okun. Je suis sur le point de proposer à la
23 Chambre de première instance de nous accorder une pause bien méritée, si la
24 Chambre est d'accord avec cette idée.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons avoir une pause et
26 nous reprendrons à 17 heures 30.
27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 05.
28 --- L'audience est reprise à 17 heures 33.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.
2 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Avant la pause, nous parlions du bouclage de ces casernes. Savez-vous
4 ce qu'il est advenu à la caserne de Bjelovar, lorsque les membres du Corps
5 de la Garde nationale sont entrés dans la caserne ? Savez-vous ce qui s'est
6 passé ? Savez-vous s'il y avait des victimes ?
7 R. Non, je ne me souviens pas. Je n'ai pas entendu parler de cette
8 caserne.
9 Q. Mais cela s'est passé juste avant que vous ne participiez à cette
10 mission.
11 Mais dites-moi une chose, je vous prie : dans le document où se
12 trouvait le plan de M. Vance, est-ce qu'il y avait également un accord pour
13 lever le siège des casernes sur le territoire de la République de Croatie?
14 R. Oui, tout à fait. C'était l'une des parties essentielles de l'opération
15 de maintien de la paix, comme je l'ai déjà indiqué ici, nous avons insisté
16 là-dessus. Peut-être qu'avec votre aval, je pourrais vous décrire très
17 brièvement la réunion du 23 novembre 1991 qui eut lieu à Genève et lors de
18 cette réunion, il y eut un accord à ce sujet entre les parties. Nous les
19 avons tous fait venir à Genève et le 23 novembre, il y avait Milosevic,
20 Tudjman, le Général Kadijevic. Nous avons demandé à Lord Carrington de
21 venir également pour observer la réunion. Nous nous sommes réunis au palais
22 des Nations Unies et le fruit de cette réunion fut un document public, un
23 document scindé en quatre volets. Dans un premier temps, il y avait un
24 cessez-le-feu total. Deuxièmement, les casernes de la JNA ne devaient plus
25 faire l'objet de bouclage. Troisièmement, les parties, à savoir, les
26 Serbes, les Croates et la JNA s'engageaient à contrôler leurs forces
27 irrégulières, les paramilitaires et les forces auxiliaires. Quatrièmement,
28 il y avait également une promesse pour permettre à l'aide humanitaire de se
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1 rendre auprès des personnes qui souffraient. Cela fut signé à Genève par
2 Vance, Milosevic, Tudjman et Kadijevic. Bien sûr, cela n'a pas été respecté
3 à bien des égards et il a fallu prendre des mesures supplémentaires, mais
4 ce fut l'un des documents fondamentaux que nous avons rédigé. Pour revenir
5 à votre question à propos du bouclage des casernes, non seulement cela
6 était une source de préoccupation, mais c'était une source d'extrême
7 préoccupation pour M. Vance et moi-même.
8 Q. Merci, Monsieur Okun. Nous allons revenir à la signature de ce document
9 à Genève un peu plus tard. Mais j'aimerais maintenant revenir au sujet des
10 négociations qui ont abouti à la résolution pacifique de la crise. Au
11 départ, ces négociations avaient lieu sous les auspices de la Communauté
12 européenne; c'est exact, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas participé à cela,
13 au début.
14 R. Les négociations visant la solution pacifique du problème de la
15 Yougoslavie, au niveau politique de ces négociations, comme je l'ai déjà
16 mentionné, il faut savoir que c'était le domaine exclusif de la CEE et cela
17 est resté le domaine exclusif de la CEE pendant l'été 1991, à partir du
18 mois de juillet 1991 jusqu'au mois
19 d'août 1992, lorsqu'à une conférence, à Londres, une décision fut prise et
20 cette décision consistait à fusionner, en quelque sorte, les efforts de la
21 CEE et des Etats-Unis et cela a abouti directement, d'ailleurs, à la mise
22 en place et au travail effectué par la conférence internationale relative à
23 l'ex-Yougoslavie.
24 Q. Merci. Vous avez mentionné cette période allant de
25 l'été 1991 jusqu'au mois d'août 1992. Pendant cette période, les
26 négociations, au niveau politique, étaient organisées et dirigées par la
27 Communauté économique européenne. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire
28 que pendant cette période, les négociations n'ont pas véritablement été
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1 couronnées de succès, même lorsqu'on pense à la façon dont le cessez-le-feu
2 a été ou n'a pas été respecté ?
3 R. Oui. Il est absolument évident que les efforts de la CEE n'ont pas été
4 fructueux, il n'y a pas eu de cessez-le-feu ou leurs exigences en matière
5 de cessez-le-feu n'ont jamais été respectées. J'ai déjà mentionné, je ne
6 vais pas revenir sur le fait que les Serbes sont partis de la salle lorsque
7 Lord Carrington a présenté les dispositions prises pour viser une solution
8 générale au problème. Cela s'était passé le 18 novembre 1991 et il est
9 exact de dire que les efforts de la CEE ont été vains.
10 Q. Nous avons entendu, si je vous ai bien compris, que votre rôle
11 d'observateur, pendant ces négociations, a été modifié et que vous-même et
12 M. Vance êtes devenu des participants actifs à un processus qui a abouti au
13 moment où M. Vance a proposé un plan qui a réglé la crise ne Croatie; est-
14 ce que cela est bien exact ?
15 R. Oui. Il y avait -- je ne veux surtout pas vous corriger, mais il y
16 avait ce qu'on appelait "l'opération du maintien de la paix." Mais il faut
17 savoir que jusqu'au jour d'aujourd'hui, il y a encore des gens qui parlent
18 du "plan du maintien de la paix de Vance." Mais cela n'était pas ce dont il
19 s'agissait. Toutes les parties en parlaient comme d'un plan de la paix,
20 mais ce n'était pas le cas. Il y avait l'opération du maintien de la paix
21 qui se fondait sur l'accord de Genève dont je vous ai parlé et il y avait
22 l'accord de mise en œuvre que nous avons signé avec les parties le
23 2 janvier 1992. Comme je vous l'ai déjà mentionné, c'était notre objectif
24 principal au début du mois de novembre. Nous aspirions à effectuer une
25 opération du maintien de la paix avec le consentement des parties et bien
26 entendu, de la JNA. La JNA était, d'ailleurs, peut-être la partie la plus
27 importante. Cela était notre seul objectif. On en parle souvent comme du
28 plan de Vance pour la Croatie. Il s'agissait d'une opération de maintien de
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1 la paix.
2 Q. Merci pour vos explications, Monsieur Okun. Est-ce que le général
3 Kadijevic vous avait présenté ce qu'il a dit, à savoir, lors de la première
4 phase des négociations, alors que cela était encore dirigé par la
5 Communauté économique européenne, ceux qui dirigeaient les négociations
6 étaient précisément ceux qui étaient à l'origine de cette crise, ceux qui
7 avaient amorcé cette crise, dont le but était de voir la dissolution de la
8 Yougoslavie et cela était dirigé par l'Allemagne, entre autres ? Est-ce que
9 M. Kadijevic vous a jamais parlé de sa préoccupation ?
10 R. Oui, fréquemment, comme l'ont fait Milosevic et d'autres.
11 Q. Est-ce que ces doutes et ces préoccupations ont fait en sorte que les
12 Nations Unies, vous-même et M. Vance ayez joué un rôle plus actif lors de
13 ces négociations ?
14 R. Même maintenant, avec le recul, on ne peut pas dire qu'il y avait
15 seulement ce problème. Nous étions préoccupés également par les combats qui
16 avaient lieu. Bien sûr que nous étions conscients des préoccupations
17 exprimées par les Serbes au niveau politique, au niveau militaire et il
18 fallait, bien entendu, que nous sachions ce à quoi ils pensaient pour
19 pouvoir orchestrer cette paix. Vous ne pouvez pas faire régner la paix, si
20 vous ne connaissez pas les causes essentielles du conflit, si vous ne savez
21 pas ce que pensent les différentes parties en conflit. Cela, bien entendu,
22 était présent dans nos esprits, mais je ne dirais pas que c'était la cause
23 essentielle de la mission. La cause essentielle de notre mission c'était
24 quand même le combat.
25 Q. Vous et Monsieur Vance, vous étiez des envoyés spéciaux du secrétaire
26 général des Nations Unies à l'époque, mais vous étiez, tous les deux, si je
27 ne m'abuse, des diplomates américains. Pouvez-vous nous dire quelle était
28 l'attitude de l'administration américaine par rapport à la solution de la
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1 crise en Yougoslavie, en été 1991 ?
2 R. La position américaine était composée de plusieurs parties. D'abord, il
3 y avait cette préoccupation profonde exprimée par des pays européens et par
4 le monde entier, mais en particulier, l'Europe parce que la Yougoslavie se
5 trouvait en Europe. Deuxièmement, la Yougoslavie était, pendant une longue
6 période, le pays ami des Nations Unies [comme interprété], les Nations
7 Unies [comme interprété] fournissaient de l'aide économique, des armes, la
8 formation des officiers de la JNA dans des camps de formation aux Etats-
9 Unis, des camps militaires. Le général Kadijevic, même, nous a dit qu'il
10 avait suivi une formation pour les officiers dans une école, à Arkansas,
11 aux Etats-Unis. Entre le général Kadijevic et
12 M. Vance et moi-même et les autres officiers régnaient de bonnes relations.
13 Il y avait le général Raseta et les autres et nous étions en bons termes
14 avec tout le monde.
15 En été 1991, le gouvernement américain de l'époque a exprimé sa
16 préoccupation. Vous allez vous souvenir que le secrétaire aux Affaires
17 étrangères, M. Baker, a visité la Yougoslavie, à Belgrade, au début du mois
18 de juillet, je pense que c'était au mois de juillet. A l'époque, il
19 s'intéressait à l'histoire de la Yougoslavie. Tout le monde le faisait et
20 en particulier, nous nous intéressions à la période soviétique et à
21 l'indépendance de la Yougoslavie. Nous étions préoccupés par l'intégrité
22 territoriale de la Yougoslavie parce que comme vous le savez, c'était
23 menacé après que Stalin avait fait partir la Yougoslavie et Tito de
24 Kominform, en 1948. Je ne devrais pas vous parler de l'histoire de votre
25 pays. Vous vous souvenez que c'était le passé, mais cela a commencé un peu
26 plus tôt quand les soldats américains ont combattu avec les partisans dans
27 des montagnes de Bosnie et de Slovénie contre les Allemands et les
28 Italiens. Nos relations étaient bonnes et de longue date.
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1 Lorsque le secrétaire Baker a rendu visite à la Yougoslavie au début
2 du mois de juillet 1991, il a dit clairement qu'un espoir existait. Bien
3 sûr, il ne s'agissait que d'un espoir, à savoir que le pays réussirait à
4 résoudre les problèmes de manière pacifique et de rester uni. Mais les
5 Etats-Unis n'étaient pas un participant actif lors des négociations menées
6 par la Communauté européenne. Je pense qu'il faut dire que M. Vance et moi,
7 nous étions les seuls sur cette scène, à part notre mission diplomatique
8 normale.
9 Q. Je vais vous poser la question suivante : vous avez mentionné M. Baker
10 et sa visite à la Yougoslavie, il était secrétaire aux Affaires étrangères
11 des Etats-Unis à l'époque. Est-ce que vous savez si, lors de sa visite, il
12 aurait dit que les Etats-Unis soutenaient l'intégrité de l'ex-Yougoslavie,
13 en juillet 1991 et que les Etats-Unis ne reconnaîtront pas la sécession
14 unilatérale des républiques de l'ancienne Yougoslavie ?
15 R. Non. Je n'étais pas impliqué dans cela à l'époque.
16 Q. Je vous remercie.
17 R. J'ai appris cela plus tard.
18 Q. Je vous remercie. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, Monsieur
19 Okun, que jusqu'à la fin de l'année 1991, la République de Croatie n'avait
20 pas été reconnue en tant qu'un état indépendant et que l'ancienne
21 Yougoslavie existait toujours, la RFSY ?
22 R. Je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur Vasic. La première partie
23 de votre affirmation est exacte, c'est-à-dire que la Croatie n'avait pas
24 été encore reconnue vers la fin de l'année 1991, mais déjà, la République
25 socialiste fédérative de Yougoslavie, comme je l'ai mentionné auparavant,
26 avait été, comme la commission d'arbitrage de M. Badinter, elle était en
27 train de se dissoudre. Sur la base de cela, je dirais que votre conclusion,
28 la conclusion que vous avez tirée n'est pas exacte parce qu'il s'agissait
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1 de la dissolution, du processus de la dissolution de la Yougoslavie.
2 Q. Aujourd'hui, vous avez parlé du 19 novembre et votre départ avec M.
3 Vance pour Vukovar. Vous avez témoigné de cela aujourd'hui, au cours de
4 l'interrogatoire principal. Vous avez dit que vous êtes passé par Sid,
5 avant d'arriver à Vukovar. Pourriez-vous nous dire si vous avez vu des
6 traces de pilonnage à Sid, au moment où vous y êtes passé ?
7 R. Je vous invite à vous rapporter à la page 51 dans mon journal parce que
8 j'ai écrit cela de façon explicite. J'ai écrit qu'à 16 heures 30, nous
9 étions partis de Belgrade à bord d'un véhicule de la JNA et nous étions
10 arrivés à Sid où nous étions restés pendant une heure. Ensuite, nous
11 parlons de la situation à Sid. J'ai écrit la chose suivante en allemand, je
12 cite : "Sid est un centre agroindustriel, intact, excepté quelques
13 bâtiments qui avaient quelques trous, des éclats d'obus et un jardin
14 d'enfants qui a été pilonné le 5 novembre."
15 Q. Pourriez-vous nous dire si vous savez si Sid se trouvait en Serbie ?
16 R. Oui, bien sûr que je le sais. J'ai déclaré cela auparavant, pendant mon
17 témoignage.
18 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'à Sid, on vous a parlé des réfugiés, d'un
19 flux de réfugiés qui étaient arrivés de la région de Vukovar et dites-nous
20 si vous savez à quel groupe ethnique appartenaient ces réfugiés ?
21 R. Oui. Nous étions informés à propos des personnes déplacées. Il s'agit
22 du point numéro 2 dans mon rapport sur Sid. Je vais vous lire cela, je cite
23 : "Le maire, il s'agissait d'un homme jeune, relativement jeune," plutôt de
24 votre âge et pas du mien nous dit, je cite : "Il appelle les Croates
25 Oustachi, il parle du flux des réfugiés des zones où il y a des combats."
26 Je suppose qu'il parlait des Serbes. Je suis presque sûr que c'était le cas
27 parce que Sid se trouvait tout près de la frontière entre la Croatie et la
28 Serbie.
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1 Q. Monsieur Okun, je vous remercie. Est-ce que vous connaissez le rôle
2 joué par Goran Hadzic durant la période pendant laquelle vous étiez engagé
3 aux négociations concernant la solution pacifique du conflit en Yougoslavie
4 et bien sûr, en Croatie ?
5 R. Oui. Nous nous sommes rencontrés, nous avons rencontré Hadzic et je
6 connais son rôle, le rôle qu'il a joué pendant cette période.
7 Q. A un moment donné, vous avez appris que M. Hadzic contrôlait 95 % des
8 membres de la Défense territoriale de la Slavonie orientale, Baranja et
9 Srem, des forces locales et des volontaires sur ce terrain, tous ces gens
10 étaient sous son contrôle à lui.
11 R. Pour être sûr dans ma réponse à votre question, je voudrais vérifier
12 dans mon journal parce que je sais que j'ai noté cela, mais pour autant que
13 je m'en souvienne, c'est M. Milosevic qui a souligné cela, c'est-à-dire que
14 Hadzic et ce que Milosevic appelait SAO de Srem et Baranja, que Hadzic
15 contrôlait les membres de la Défense territoriale. Il y avait toujours une
16 divergence par rapport au statut de la Défense territoriale parce que
17 certains soutenaient que ses membres n'étaient pas disciplinés, d'autres
18 qu'ils étaient disciplinés, que ces unités n'étaient pas régulières,
19 qu'elles étaient auxiliaires. On utilisait beaucoup de termes pour les
20 décrire. Comme je l'ai déjà dit, je les ai vus en action au centre des
21 réfugiés à Vukovar et nous les avons rencontrés encore, c'est-à-dire, Arkan
22 et des hommes, à Dalj, tout près d'Osijek, en décembre, quelques jours plus
23 tard. Tout le monde avait conscience de l'existence des forces irrégulières
24 et si je peux me souvenir, au point 3, concernant la date du 23 novembre
25 1991, c'est-à-dire, l'accord sur l'opération de paix, le premier point a
26 été la cessation des hostilités, le deuxième a été de débloquer des
27 casernes et le troisième point était que les parties devaient faire de leur
28 mieux, utiliser leur influence pour que les forces irrégulières soient sous
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1 leur contrôle. Il y a beaucoup de références par rapport à cela et bien
2 sûr, des forces irrégulières existaient des deux côtés dans ce conflit. Il
3 n'y a aucun doute par rapport à cela.
4 Q. Pouvez-vous me dire si, pour la mise en œuvre de cet accord dont vous
5 venez de parler, il fallait avoir la permission ou le consentement de Goran
6 Hadzic ou un aval de Goran Hadzic ?
7 R. Je ne sais pas si je pourrais dire que son approbation formelle devait
8 être -- mais quand il s'agit des sections dans lesquelles participaient des
9 forces irrégulières ou des forces de la TO, par rapport à cela, nous avons
10 souvent soulevé cette question en parlant avec M. Milosevic. Il nous a dit
11 de rencontrer Hadzic. Nous l'avons rencontré et je pense qu'on peut dire
12 que Hadzic faisait certainement partie du problème, mais je ne sais pas
13 s'il faisait partie de la solution. C'était entre les mains de M. Milosevic
14 et vous allez voir, dans les carnets de bord, des notes sur des discussions
15 claires entre nous et Milosevic par rapport aux besoins qui se présentaient
16 de contrôler Hadzic, c'est-à-dire que Milosevic contrôle Hadzic. Milosevic
17 nous a assuré qu'il prendrait des mesures concernant Hadzic, il a promis à
18 M. Vance qu'il prendrait des mesures pour que le comportement de Hadzic
19 soit plus correct.
20 Q. Je reviens à votre visite à Vukovar à la date du 19. Vous nous avez dit
21 que vous étiez passé à côté de la caserne de la JNA. Est-ce qu'avant d'être
22 arrivé à Vukovar, vous saviez que la caserne était bloquée depuis l'été
23 1991 ? Je pense qu'aujourd'hui, vous avez parlé de cela. Est-ce que --
24 R. On nous a informé --
25 Q. Depuis quand la caserne était-elle bloquée ou assiégée ?
26 R. On nous a dit que la caserne était assiégée depuis le mois d'août. Je
27 pense que c'était même avant, mais en tout cas, c'était depuis le mois
28 d'août. Comme nous l'avons déjà vu et entendu dans la vidéo, nous avons
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1 entendu le commandant Sljivancanin dire qu'entre 400 et 500 obus tombaient
2 sur la caserne et nous avons visité ces casernes à la demande de la JNA.
3 Q. Nous avons entendu cela. Je vous remercie.
4 Mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous saviez si le
5 commissaire de la ville de Vukovar avait ordonné qu'on coupe l'électricité
6 et l'eau à la caserne ainsi que les lignes téléphoniques pour que les
7 conditions de vie deviennent insupportables dans la caserne. Etiez-vous au
8 courant de cela ?
9 R. Je ne me souviens pas si cela avait été jamais mentionné. Mais comme je
10 dis, en général, nous savions que les Croates prenaient de telles mesures.
11 Nous avons vu et nous avons entendu cela dans la caserne du maréchal Tito,
12 à Zagreb. C'est ainsi que je peux dire qu'en termes généraux, nous savions
13 que les casernes restaient souvent sans électricité et sans eau. Cela
14 faisait partie du siège de ces casernes.
15 Q. Etiez-vous au courant que durant les conflits armés à Vukovar, dans la
16 ville même, il y avait plusieurs membres de Zenga et du MUP, des membres
17 armés de ces deux corps, du Corps de la Garde nationale et du MUP ?
18 R. Je pense que nous ne savions pas quelle était la composition exacte de
19 ces forces qui ont été opposées. Nous savions qu'il y avait des Croates,
20 des Serbes, des civils dans la ville. Nous savions qu'il y avait des unités
21 irrégulières et certaines régulières dans la ville et nous savions que la
22 JNA pilonnait la ville. C'était évident. Nous avions vu des camions et nous
23 avions vu des hommes qui se servaient des canons. Bien sûr, nous avons
24 visité la ville le jour où la JNA est entrée dans la ville et ils ont dit,
25 ce jour-là, qu'ils "ont libéré" la ville et leur artillerie était toujours
26 sur le terrain. Ils ne lançaient pas de projectiles le 19 novembre, mais
27 nous avions pu voir les membres de la JNA et leurs armes.
28 Q. Mais si je vous ai bien compris, vous ne saviez pas le nombre exact des
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1 membres du Corps de la Garde nationale et du MUP à Vukovar et qui
2 résistait ?
3 R. Non, je ne sais pas quel était le nombre exact ou des nombres exacts.
4 Je ne sais pas s'il était possible de les connaître à l'époque. Je ne dis
5 pas cela pour m'excuser. Le fait qu'il y a une résistance, bien sûr, c'est
6 un fait évident. Sinon, la JNA aurait pris la ville beaucoup de temps plus
7 tôt. Il y avait une résistance présentée par le côté croate. Mais, bien
8 sûr, ils étaient beaucoup plus faibles qu'eux.
9 Q. Aujourd'hui à la question de mon éminent collègue, vous avez exprimé
10 votre surprise par rapport à votre séjour à Vukovar, et surtout au moment
11 où vous êtes passé à côté de la caserne, parce que vous étiez surpris après
12 avoir vu que la caserne était presque intacte. Pourtant, votre surprise que
13 vous avez exprimée aujourd'hui en tant qu'un facteur important, vous n'avez
14 pas laissé de trace écrite sur cette surprise dans votre journal, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Bien, lorsque je prenais note dans ces journaux, bien sûr, je ne suis
17 pas sténographe, je ne peux pas prendre de telles notes, et dans le
18 journal, je notais des propos des différentes personnes, ce que nous avons
19 vu, et cetera. A Sid, par exemple, j'ai noté que la ville était
20 pratiquement intacte. Le 19 novembre, nous avions beaucoup de travail. Nous
21 avons commencé à 5 heures du matin, et nous avons fini nos travaux presque
22 à minuit, et sur place j'ai noté des choses que je considérais comme les
23 plus importantes. Parfois, je ne notais que l'endroit où nous étions. C'est
24 le cas de la caserne. J'ai noté que nous étions passés à côté de la
25 caserne, parce que je sais ce que j'ai vu. On ne peut pas facilement
26 oublier ce que vous avez vu. Il est facile d'oublier des mots, mais si vous
27 me demandiez de décrire cette pièce généralement parlée, je pourrais le
28 faire.
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1 Q. Je vous remercie. Vous avez également parlé des objectifs des activités
2 de la JNA par rapport à Vukovar. Compte tenu de vos connaissances
3 concernant des attaques contre la population serbe, déjà vers le milieu de
4 l'année 1991, vous avez parlé de la situation qui régnait à l'époque, à
5 votre avis, ce qui se serait passé avec les habitants serbes de Vukovar si
6 la JNA avait décidé de se retirer de Vukovar, si c'était seulement les
7 membres du corps de la Garde nationale seraient restés dans la ville ?
8 M. MOORE : [interprétation] J'objecte. Il s'agit de la pure spéculation.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous procédez en s'appuyant
10 sur la supposition que M. l'ambassadeur a des connaissances spécifiques là-
11 dessus, Monsieur Vasic ? Ou, vous lui demandez de vous présenter sa théorie
12 par rapport à cela ?
13 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Respectant l'objection de mon collègue, je dois dire que la Défense
15 considère que M. Okun a été impliqué aux négociations de maintien de la
16 paix, qu'il disposait des informations émanant du côté serbe et du côté
17 croate, et du côté de l'Etat fédéral et du côté de la JNA. J'ai eu une
18 impression que peut-être, lors de ces négociations, M. Okun avait reçu des
19 informations qui pourraient me faire tirer la conclusion que l'objectif des
20 combats armés à Vukovar était de lever le siège de la caserne ou de
21 protéger tous les citoyens de l'agression des forces armées croates.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic, la question à laquelle
23 l'objection a été soulevée et la façon dont la question a été formulée,
24 m'amène à être d'accord avec M. Moore, c'est-à-dire qu'il s'agit de
25 spéculation tout à fait.
26 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
27 vais reformuler ma question.
28 Q. Saviez-vous, durant votre mission, que les membres du corps de la Garde
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1 nationale préparaient des attaques contre la population serbe de la région
2 de Vukovar ?
3 R. Nous étions conscients, bien sûr, de la violence dans la ville de
4 Vukovar et autour de la ville de Vukovar, ainsi que dans d'autres régions
5 de la Croatie. Par exemple, en Slovénie occidentale. Nous avions des
6 connaissances de nature générale sur les événements survenus à Borovo Selo.
7 Nous étions au courant de la violence, et certainement il s'agissait des
8 actes de violence perpétrés par deux partis aux conflits. Mais il était de
9 fait que c'était la JNA qui utilisait des forces plus grandes et que
10 c'était la JNA qui avait commis la plupart de ces actes de violence; il ne
11 s'agissait pas des forces régulières d'aucune de ces deux partis.
12 Q. Savez-vous si les forces croates étaient des forces régulières,
13 légales, qui ont été formées en s'appuyant sur la législation et la
14 constitution en vigueur à l'époque ou ces forces étaient les forces
15 illégales, ou les forces paramilitaires, ou les forces militaires ?
16 R. Il s'agissait des deux. Il y avait une armée de la République de
17 Croatie. Elle avait son chef, le général Tus que j'ai rencontré et que je
18 connaissais. Il avait été précédemment à la tête de l'état-major de l'armée
19 de l'air de la JNA. C'était l'un des officiers les plus formés, les plus
20 hauts placés avant qu'il ne quitte sa terre natale. Il y avait une armée
21 croate, régulière. Et, comme je l'ai déjà dit en répondant à l'une des
22 questions précédentes, nous savions également qu'il y avait des unités
23 paramilitaires croates. Il y avait des hommes tels que Paraga. Cela est
24 quelque chose que nous savions.
25 Q. Je vous remercie de m'avoir répondu, mais, encore une fois, nous nous
26 retrouvons dans des difficultés juridiques. Enfin, nous avons l'Etat
27 croate, qui n'est pas un Etat reconnu. Compte tenu de son statut, il ne
28 peut pas avoir de forces armées, donc, ne peut avoir qu'une Défense
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1 territoriale. Nous savons que le Corps de la Garde nationale a été
2 constitué, alors qu'il n'est pas fondé sur la loi, parce que l'Etat croate
3 n'est pas encore un état indépendant. Donc, ne seriez-vous pas d'accord
4 avec moi ?
5 R. [aucune interprétation]
6 M. MOORE : [interprétation] Je soulève une objection à cette question.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. MOORE : [interprétation] Il s'agit ici d'une question qui concerne
9 l'interprétation du droit constitutionnel. Je pense que c'est quelqu'un de
10 qualifié en la matière, dans ce domaine en particulier, qui devrait être
11 appelé ici pour pouvoir nous préciser ce point. Je pense que cela sort du
12 domaine des compétences de ce témoin.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je pense que le témoin
14 serait tout à fait d'accord avec vous, mais la Chambre estime que ce témoin
15 est tout à fait capable de parler de ce point de manière générale.
16 Maître Vasic, si vous voulez rentrer plus en détail dans l'examen
17 approfondi du droit constitutionnel et plus en détail la situation
18 juridiquement parlant, là il vous faudra vous adresser à un expert. Vous
19 vous éloignez de plus en plus du domaine général, et vous abordez de plus
20 en plus des questions pointues. Si cela devient trop pointu, il nous faudra
21 entendre un expert dans ce domaine ou sur ce sujet en particulier.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis pas d'accord avec ce que vous
23 venez d'affirmer. Je suis en train de songer à l'histoire de mon propre
24 pays. Je songe à son combat pour l'indépendance, qui a duré de 1776 jusqu'à
25 1783. Les Etats-Unis avaient une armée et, d'après ce que vous avez dit,
26 cette armée aurait été illégale, alors que je ne pense pas qu'elle était
27 illégale. Le général George Washington est un nom qui vous est peut-être
28 familier. Je pense que pratiquement tous les pays qui ont eu à combattre
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1 pour accéder à l'indépendance ont eu une armée.
2 M. VASIC : [interprétation]
3 Q. S'il vous plaît, dites-moi si M. Kadijevic, lors d'une réunion avec M.
4 Vance, aurait déclaré au sujet du document signé à Genève, qu'il ne pouvait
5 assumer que la responsabilité du point de vue du commandement supérieur, et
6 qu'en aucun cas il ne pouvait engager la responsabilité sur le plan
7 politique, que c'est la présidence qui avait compétence en la matière, sur
8 le plan politique, et que lui devait exécuter les décisions politiques, que
9 la JNA n'avait pas de compétence sur ce plan-là ?
10 R. Oui. Il a souvent répété, il a dit plus d'une fois qu'il s'était placé
11 au service de l'Etat, que la JNA allait toujours respecter les limites qui
12 étaient les limites de ses attributions. Oui, c'est tout à fait typique de
13 la manière dont il s'exprimait.
14 Q. Merci. Lorsqu'il a signé l'accord à Genève, est-ce qu'il a exprimé des
15 réserves, est-ce qu'il a dit que ce sont uniquement des partis de la Corps
16 qui concernaient la JNA qui relevaient de ces attributions ?
17 R. Je ne me rappelle pas qu'il ait dit cela. Cet accord du 23 novembre
18 1991 de Genève contenait quatre points. Tous ces quatre points relevaient
19 de ces domaines de compétence, la compétence de la JNA. Il y avait le
20 cessez-le-feu; il y avait la levée du siège des casernes; il y avait le
21 contrôle exercé sur les paramilitaires, en fait, le terme utilisé était
22 l'influence, donc, ce n'était pas nécessairement contrôle direct. Nous
23 savions que la chaîne de commandement n'était pas toujours tout à fait
24 vigoureuse et stricte. Pour ce qui est du quatrième point, il y avait la
25 permissivité de permettre à l'aide humanitaire de passer par les lignes de
26 front. Les quatre points relevaient des attributions de la JNA, et le
27 général Kadijevic le savait sans aucun doute. C'est un point qui n'est pas
28 contestable.
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1 Q. J'ai l'impression que c'est une erreur, alors, de penser qu'en novembre
2 1991, l'influence décisive sur la mise au point ou sur la mise en œuvre du
3 point 3, le contrôle sur les paramilitaires, avait les commandants des
4 états-majors de la TO et les leaders politiques d'une part en Krajina, et
5 d'autre part dans la Baranja et le Srem occidental, d'autre part, en
6 Slavonie orientale. Je pense que lors de l'une de mes questions précédentes
7 en parlant de M. Hadzic, nous avons déjà couvert ce point.
8 R. Ils ont certainement joué un rôle, mais ce que nous avons toujours
9 estimé, et on l'a vue à l'époque, il y avait des liens très étroits entre
10 la JNA et les forces irrégulières serbes sur le terrain. Je l'ai déjà dit
11 dans ma déposition, et cela figure très clairement formulé dans mon carnet
12 de bord, à savoir, au centre de rassemblement des réfugiés de Vukovar, il y
13 avait des soldats de la JNA qui fraternisaient avec eux. Ils se passaient
14 le slivovitz de l'un à l'autre, et il y avait là des irréguliers et il y
15 avait des membres de la Défense territoriale. Nous avions très clairement
16 l'impression que la JNA faisait ce qu'elle voulait avec les irréguliers. Il
17 leur fournissait des armes, pour commencer. Ces gens, ils n'avaient pas des
18 usines d'armement, et il fallait bien qu'ils obtiennent leurs armes de
19 quelque part. Ils les obtenaient de la JNA. Cela n'était un secret pour
20 personne.
21 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'à un moment donné les deux
22 partis ont été armés, le parti croate ainsi que le parti serbe, et qu'il
23 n'y avait plus besoin de continuer de s'armer, puisqu'ils avaient déjà des
24 unités armées sur leurs portions de territoire localement ?
25 R. C'est partiellement vrai. Il est vrai. Il était exact que les deux
26 partis étaient armés jusqu'à un certain point, bien entendu. La JNA était
27 une armée, une vraie armée, donc, elle était plus lourdement armée que qui
28 que ce soit en 1991. Les deux partis avaient des armes de petit calibre,
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1 des fusils, des pistolets, des grenades à main, bien entendu, cela est
2 vrai. Pour ce qui est de l'armement, pour ce qui est du niveau de violence,
3 pour ce qui est des dégâts occasionnés, là, il y avait une prédominance
4 absolue de la JNA, et d'ailleurs, nous en avons fait rapport au conseil de
5 Sécurité à l'époque. Donc, je ne suis pas en train de me lancer dans des
6 spéculations aujourd'hui, 14 ans plus tard. Je peux vous donner des
7 citations, des propos employés par M. Vance dans son rapport de l'époque,
8 lorsqu'il parle du recours à la violence de la part de la JNA.
9 Q. Un accord a été signé à Genève. C'est un accord qui a été signé
10 également par M. Vance, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 M. VASIC : [interprétation] Je présente mes excuses aux interprètes.
13 Q. Cet accord, est-ce qu'il a été signé également par Lord Carrington ?
14 R. Je ne me rappelle pas si Carrington l'a signé. Il aurait pu le faire.
15 C'était peut-être le cas. M. Vance, certainement,
16 M. Milosevic, Tudjman et le général Kadijevic, eux, ils sont certainement
17 les signataires. Carrington était là. Il était à la réunion. Il avait été
18 invité par M. Vance. C'est un document public, donc, on peut facilement le
19 vérifier.
20 Q. Non, je ne veux pas contester ce document, mais si je ne me trompe pas,
21 il me semble que M. Carrington ait parti avant que l'on ne procède à la
22 signature de ce document, et j'aurais aimé savoir si vous en connaissiez la
23 raison. Mais, maintenant, il semblerait qu'il n'a pas été davantage
24 impliqué à la signature de cet accord, si je vous ai bien compris.
25 R. Je vais vous préciser cela, si vous me le permettez. Le
26 23 novembre 1991, à Genève, au Palais des nations, il y a eu une réunion
27 qui a été convoquée par les Nations Unies par M. Vance en sa capacité de
28 représentant spécial. Il a invité à cette réunion le général Kadijevic,
Page 1814
1 ensuite Milosevic, Tudjman, pour débattre des points dont nous avons
2 parlés. Comme je l'ai déjà dit, par courtoisie, il a invité également Lord
3 Carrington pour y jouer un rôle d'observateur, et c'est effectivement en
4 cette qualité-là que Lord Carrington y a assisté. Alors maintenant, si vous
5 me rappelez que Lord Carrington est parti avant la fin, cela ne me
6 surprendrait absolument pas, parce que c'était un samedi, en fait, et il
7 n'y avait pas de raison pour lui de rester là, à partir du moment où
8 l'accord avait déjà été passé. Je suis sûr qu'il a serré la main, tout à
9 fait gentiment à tout le monde, et qu'il a dit au revoir à toutes les
10 personnes présentes. Il savait qu'il allait les revoir quelques jours plus
11 tard en sa qualité de président de la conférence politique sur la
12 Yougoslavie. Donc, je ne pense pas que cela a été quelque chose
13 d'inhabituel, qu'il est parti un peu plus tôt que nous.
14 Q. Maintenant que vous nous avez précisé le rôle qu'il a joué,
15 effectivement, ceci ne semble pas du tout aussi inhabituel que cela aurait
16 pu nous sembler de prime abord.
17 Est-ce qu'il y a eu retrait des forces de la JNA de la Croatie après la
18 levée du blocus des casernes ?
19 R. Cela est une longue histoire. Pour vous répondre brièvement, je dirais
20 oui, mais cela a pris beaucoup de temps.
21 Q. Je vous remercie. J'ai bien compris.
22 R. Cela a pris, en fait, jusqu'au mois d'octobre 1992. La mise en œuvre de
23 l'accord de Genève concernant la levée du siège des casernes et le retrait
24 total de la JNA de Croatie a été signé le
25 2 janvier 1992. La JNA est partie finalement de Prevlaka en octobre 1992.
26 Ils se sont retirés, mais ils ne se sont guère précipités à le faire.
27 Q. Nous sommes tous conscients du problème de temps. Je vous remercie.
28 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de question
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1 à poser à ce témoin.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Vasic.
3 Maître Tapuskovic, nous essayons de limiter nos sessions à des périodes
4 d'une heure à peu près. Une heure vient de s'écouler. Il semblerait qu'une
5 pause devrait être faite maintenant, ce qui nous laisserait moins de dix
6 minutes après la pause. Je pense qu'il serait plus pratique, à moins que
7 vous ayez vraiment des questions que vous souhaitez poser dans les cinq
8 minutes qui viennent, il me semblerait plus pratique de vous laisser
9 commencer demain matin plutôt que ce soir.
10 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous
11 avez pris la décision de suspendre l'audience maintenant, et d'ailleurs
12 ceci correspond à notre accord, à savoir, de faire des pauses toutes les
13 heures, je m'en réjouis de pouvoir saisir l'occasion que vient de m'offrir
14 la Chambre et de poursuivre avec le contre-interrogatoire du témoin demain.
15 Merci.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Tapuskovic.
17 Compte tenu de l'heure et compte tenu des circonstances, il semblerait
18 qu'on utilisera le temps qui nous est imparti de la manière la plus
19 pratique en levant l'audience maintenant plutôt que de faire une pause et
20 de travailler pendant dix minutes [comme interprété] jusqu'à 19 heures.
21 Monsieur l'Ambassadeur, nous reprendrons demain à 14 heures 15.
22 --- L'audience est levée à 18 heures 33 et reprendra le
23 jeudi 17 novembre 2005, à 14 heures 15.
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